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Camille Genest

rédaction
Guide de

stratégique

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rédaction
Guide de

stratégique
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales
du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Genest, Camille, 1944-

Guide de rédaction stratégique

Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 978-2-89544-108-3

1. Style administratif. 2. Rapports – Rédaction. 3. Correspondance


administrative. I. Titre.

JF1525.R46G46 2007 808’.066351 C2007-940606-8

Note de l’auteur
Les propos contenus dans le présent ouvrage sont personnels à l’auteur,
n’engagent que lui et n’ont été, d’aucune façon, dictés, encouragés ou
approuvés par son employeur, le Gouvernement du Québec.
Camille Genest

rédaction
Guide de

stratégique
Révision linguistique : Robert Paré
© Éditions MultiMondes, 2007
ISBN: 978-2-89544-108-3
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2007
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2007

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de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités d’édition. Elles remercient la Société de
développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour son aide
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biogaz.

imprimé au canada/printed in canada


À Louise, le soleil de mes jours.
À Clara, mon petit soleil.
Le Guide de rédaction stratégique est destiné à toute personne char-
gée de rédiger des recommandations, de produire des rapports ou
d’écrire des lettres de décision. Il s’adresse particulièrement aux
membres des équipes mandatées pour tenir une enquête et des
audiences publiques sur un projet ou un litige et aux personnes
responsables de mener une consultation publique sur des orien-
tations stratégiques, une politique, un programme ou un plan. Il
intéressera les étudiants en administration publique, les fonction-
naires et tout rédacteur potentiel d’un rapport, d’un mémoire ou
d’une lettre de décision. Il a pour intention de les assister dans leur
tâche, en les aidant à structurer et à composer leurs textes de façon
efficace, claire et lisible. À partir d’exemples appropriés, l’auteur
aborde avec précision les diverses facettes de l’écriture stratégique,
ses règles et ses qualités. Il fournit des conseils sur les meilleurs
moyens d’atteindre les objectifs d’un texte de recommandations et
sur l’art exigeant de la rédaction stratégique.

Camille Genest a été agent de recherche puis cadre de la fonction


publique. Ses responsabilités l’ont amené à s’intéresser à la rédac-
tion stratégique comme instrument de soutien à la décision. Il a
lui-même été l’auteur de nombreux rapports, mémoires et lettres
de décision et il a présidé plusieurs commissions d’enquête et
d’audiences publiques.
Avant-propos

L’écriture est une épreuve épouvantable. Elle exige toute la déter-


mination de l’auteur et une opiniâtreté sans faille. Elle n’est ni
naturelle, ni spontanée. Au contraire, elle possède ses règles, ses
méthodes, ses balises, ses limites, ses principes et ses facteurs de
succès.

La langue ne se réduit pas à un simple code. Elle est plutôt


une manière particulière d’appréhender la réalité, de la saisir, de
l’exprimer. Elle a recours à des signes pour traduire le réel et en
décrypter le sens. Les mots sont ainsi les signes des concepts, et
les concepts les signes de la réalité. Il faut passer par les mots pour
comprendre le réel, l’ordonnancer ou le transformer.

La communication en général et l’écriture en particulier font


partie des nouveaux et puissants pouvoirs qui façonnent nos
sociétés. Le pouvoir que procure l’écriture de la recommandation
aux personnes chargées de décider est énorme. Il est de la nature
du pouvoir scientifique, du pouvoir technologique, du pouvoir
médiatique et du pouvoir judiciaire. C’est pourquoi l’acte d’écrire
la recommandation constitue une lourde responsabilité, laquelle
doit être exécutée avec prudence et circonspection.

L’écriture stratégique, particulièrement quand elle soutient la


décision politique, intègre et rend compte de tout un contexte
social, culturel et économique. Elle doit être contemporaine. Elle
ne peut se permettre d’être en retard sur l’événement non plus que
sur les évolutions sociologiques. Elle doit résister à la tentation
des administrations de découper le réel en petits morceaux. Si les
problèmes sont interdépendants et souvent globaux, leur analyse
ne peut être morcelée ou réduite à une ou quelques dimensions.
Et les solutions recommandées seront à la mesure de la nature et
de la portée des problèmes, lesquels sont de plus en plus transver-
saux. Du coup, les méthodes et les structures verticales deviennent
complètement inadaptées à l’analyse de problèmes transversaux.
Guide de rédaction stratégique

Établir des priorités entre l’essentiel, l’indispensable, l’utile et


l’accessoire, voilà le lot du rédacteur stratégique. Écrire la recom-
mandation est un processus de changement. C’est un acte qui
remet en question certaines certitudes, s’attaque parfois aux acquis
et recherche souvent des formules de rechange. La réflexion à la
base de l’écriture stratégique ne peut reposer sur des dogmes. Elle
doit plutôt s’appuyer sur l’évolution sociale observable, sur l’har-
monisation des avantages et des inconvénients et sur les pistes
de consensus. En somme, le défi du rédacteur stratégique est de
composer avec la nécessité de définir l’essentiel et le fondamental,
et de s’en tenir à cette nécessité.

La raison d’être du texte stratégique est de soutenir la décision.


Il s’agit d’un exercice qui a pour objet de convaincre le lecteur
décisionnel du bien-fondé et de l’à-propos des recommandations
formulées. C’est pourquoi les recommandations doivent être
appuyées sur un argumentaire rigoureux et sur une démarche
syllogistique sans faille. Les recommandations seront acceptées
si elles sont comprises et constituent la conclusion d’un parcours
cognitif. D’où l’utilité de suivre un processus pédagogique qui
amène la recommandation de façon logique et progressive.

L’objectivité du rédacteur stratégique est hautement souhaita-


ble, mais difficile à obtenir. Il écrit selon ce qu’il est et selon ce qu’il
voit de la situation. Il a sa logique et sa grille d’analyse propres.
Ses croyances personnelles ont été façonnées par sa formation, ses
expériences et son environnement. Car l’environnement physique
transforme la structure cognitive. Les hommes sont marqués par
leur environnement. L’espace physique les aspire. L’esprit est peu
à peu transformé par l’environnement. Ses structures se modifient
face au monde extérieur. Pour Emmanuel Kant, dans Premiers prin-
cipes métaphysiques de la science et de la nature (1786), l’homme
ne peut être compris que par rapport à son environnement. Pour
sa part, dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’iné-
galité parmi les hommes (1755), Jean-Jacques Rousseau explique
que l’homme est naturé, et la nature naturante. Ces deux penseurs
croyaient donc que l’humain est transformé par la nature.

xii
Avant-propos

Mais, s’il est influencé par la nature, l’homme a jusqu’à un certain


point le pouvoir de la maîtriser et de la comprendre. La réflexion
et l’écriture sont à cet égard de bons instruments. Toutefois, le
rédacteur, et particulièrement le rédacteur de textes de soutien
stratégique à la décision, doit écrire souvent pour bien connaître
les techniques de base de l’écriture. Fabricando fit faber. Cet adage
s’applique parfaitement au métier d’écrivain. Écrire s’apprend par
la pratique, la patience et la détermination. Gilles Vigneault nous
rappelle, dans le numéro de septembre 2000 d’Autrement dit, que
Victor Hugo écrivait cent alexandrins avant de déjeuner ! Si lire et
écrire, c’est une question de goût, c’est heureusement un goût qui
se développe. Ce développement des connaissances et des habi-
letés d’écriture représente une exigence et un chantier permanent
pour l’auteur stratégique.

xiii
Table des matières
Avant-propos.............................................................................. xi
1. Les finalités de l’écrit stratégique.................................. 1
Décrire ................................................................................ 1
Relater ................................................................................ 2
Évaluer ................................................................................ 3
Documenter.......................................................................... 4
Convaincre............................................................................ 6
Ordonner............................................................................ 10
2. Le destinataire de l’écrit stratégique :
règles essentielles pour l’atteindre.............................. 13
Maîtriser la langue.............................................................. 15
Rechercher la cohérence, la consistance et l’inférence...... 17
Utiliser la pensée complexe................................................ 18
Améliorer la lisibilité.......................................................... 20
3. Le rapport d’enquête et d’audiences publiques
sur un projet.................................................................... 27
Les caractéristiques............................................................ 27
Les chapitres....................................................................... 28
L’introduction............................................................... 28
La description du projet.............................................. 29
Les préoccupations des citoyens................................. 32
La justification du projet............................................. 38
Les impacts du projet.................................................. 40
Les chapitres particuliers............................................. 50
La conclusion du rapport............................................. 53
Les figures, tableaux et annexes.................................. 54
Les facteurs critiques de succès......................................... 55
Le plan d’enquête......................................................... 56
La présentation des enjeux et de la problématique..... 60
La rigueur de l’analyse................................................. 61
La lisibilité................................................................... 64
Guide de rédaction stratégique

4. Le rapport d’enquête et d’audiences publiques


sur une politique, un programme ou un plan............. 67
Les caractéristiques............................................................ 67
Les chapitres....................................................................... 70
Les questions stratégiques........................................... 70
La problématique générale et les enjeux..................... 71
Les principes et les objectifs....................................... 76
Les propositions d’actions........................................... 78
Les responsabilités des acteurs................................... 80
Les outils...................................................................... 81
Les besoins et les attentes........................................... 84
Les thèmes abordés...................................................... 85
Les considérations sur le mandat................................ 85
La conclusion............................................................... 86
Les annexes.................................................................. 87
Les facteurs critiques de succès......................................... 87
Rendre compte du débat.............................................. 88
Analyser territorialement............................................. 89
Associer les Premières Nations.................................... 90
Cibler l’économique et le juridique............................. 92
Analyser en quatre temps............................................ 93
Conclure en termes de perspectives décisionnelles.... 94
5. Le rapport d’enquête et de médiation.......................... 97
Les caractéristiques............................................................ 97
Les chapitres....................................................................... 99
La description du litige................................................ 99
Les propositions et contre-propositions.................... 100
L’analyse et les constatations du médiateur.............. 103
L’entente..................................................................... 104
Les lettres d’engagement........................................... 104
La conclusion............................................................. 108
Les annexes................................................................ 108
Les facteurs critiques de succès....................................... 108
Identifier le nœud du problème................................. 108
Rendre compte du climat de la médiation................. 109
Apprécier la qualité de l’entente................................ 109
Écrire selon des standards reconnus......................... 110

xvi
Table des matières

6. Le mémoire..................................................................... 113
Les caractéristiques.......................................................... 113
Les parties........................................................................ 114
Le mémoire soumis à une instance décisionnelle...... 114
– La forme.................................................................. 115
– Le contenu............................................................... 115
Le mémoire présenté dans le cadre
d’une consultation publique...................................... 117
– La page titre............................................................. 118
– L’introduction.......................................................... 118
– La problématique et les enjeux............................... 118
– L’argumentaire......................................................... 118
– La conclusion........................................................... 119
Les facteurs critiques de succès....................................... 119
– Bien dégager les recommandations......................... 120
– Établir un argumentaire cohérent........................... 121
– Conclure par un rappel de l’essentiel...................... 121
7. Le rapport d’enquête..................................................... 123
Les caractéristiques.......................................................... 123
Les parties........................................................................ 125
Le rappel du mandat.................................................. 125
La problématique....................................................... 126
Les observations des parties prenantes..................... 127
L’analyse..................................................................... 127
La conclusion............................................................. 128
Les recommandations................................................ 129
Les annexes................................................................ 130
Les facteurs critiques de succès....................................... 130
La prise en compte des représentations.................... 130
Le rappel des faits et du normatif............................. 132
Expliquer les critères décisionnels............................ 134
La compétence de l’enquêteur................................... 135
Le respect des parties prenantes............................... 136
8. La lettre de décision..................................................... 139
Les caractéristiques.......................................................... 139
Les parties........................................................................ 140
L’objet de la lettre...................................................... 140

xvii
Guide de rédaction stratégique

Les objections............................................................ 140


Les auditions ou l’entrevue........................................ 140
L’analyse..................................................................... 141
La décision................................................................. 141
Le droit d’appel.......................................................... 141
Les facteurs critiques de succès....................................... 142
Simplifier.................................................................... 142
S’en tenir au seul objet de la lettre............................ 143
Adopter un style sobre.............................................. 143
Suivre des règles d’écriture........................................ 143
Présenter graphiquement les calculs......................... 145
9. Neuf conseils pour réussir.......................................... 147
1. Adopter le niveau de langage approprié.................... 147
2. Prendre grand soin au titre et à l’objet...................... 147
3. Dresser une table des matières détaillée................... 148
4. Cibler l’essentiel......................................................... 149
5. Limiter les citations................................................... 150
6. Utiliser judicieusement les tableaux, les cartes
et les figures.............................................................. 151
7. Éviter la redondance.................................................. 154
8. Organiser les annexes................................................ 154
9. Réviser la stratégie et la langue................................. 156
Conclusion............................................................................. 159
Bibliographie......................................................................... 161
Annexes.................................................................................. 163
I Exemple d’entente au terme d’une médiation............ 163
II Modèle de mémoire au Conseil des ministres........... 169
III Conseils sarcastiques aux rédacteurs de mémoire.... 177

xviii
1. Les finalités
de l’écrit stratégique

Q uelles sont les fins de l’écriture stratégique ? Elles sont variées.


Selon la nature des commandes des donneurs d’ordres, des
finalités diverses peuvent être recherchées. Le texte sera conforme
aux besoins, aux attentes et aux exigences du mandat reçu par la
maîtrise du processus rédactionnel. C’est pourquoi les besoins, les
attentes et les exigences doivent être clairement définis et précisé-
ment communiqués. Le mandat de rédaction doit être détaillé dans
sa forme et son contenu. Il contiendra une date de livraison du
texte définitif et prévoira les étapes d’approbation et de révision.
Le texte aura aussi une architecture adaptée à sa finalité, selon que
son intention sera de décrire, de rapporter, d’évaluer, de documen-
ter, de convaincre ou d’ordonner.

Décrire
Si le mandat est de décrire, la précision et l’exhaustivité sont les
qualités à rechercher. D’autres caractéristiques de la description
sont sa fidélité et son exactitude. Qu’elle porte sur un événement,
une personne, un objet, un procédé ou une méthode, la descrip-
tion est souvent un exercice monotone et banal. Le rendre vivant
et pittoresque est un défi de taille. Après une journée délicieuse,
Stendhal s’abstenait de la dépeindre dans le détail. « J’en gâterais
le plaisir en la décrivant », disait-il. Dans la même veine, pour
Flaubert, « les belles choses ne souffrent pas de description ».

La description est parfois nécessaire pour bien saisir une


problématique ou des enjeux. Elle aide le lecteur à se faire une idée
claire des motifs d’une action ou des causes d’un phénomène. Elle
permet d’interpréter les circonstances, les origines, les constituants
et les conditions d’une question.
Guide de rédaction stratégique

Doit-on décrire en passant du général au particulier ou dans


le sens inverse ? Les deux méthodes sont bonnes. Certains auteurs
préfèrent énumérer les composantes d’un objet, d’un événement ou
d’un phénomène à la pièce, partie par partie, avant de terminer par
un portrait d’ensemble. Certains se limitent même à la description
des parties, sans évoquer le tout. D’autres présentent d’entrée de
jeu un aperçu sommaire de la situation, une vue d’ensemble ou
une représentation globale. Pour eux, la description minutieuse et
méthodique des parties suit cette première présentation générale.
Davantage cartésien, ce parcours du général vers le particulier est
habituellement plus rassurant et plus satisfaisant pour le lecteur.
Les repères sont plus visibles, et le texte construit de façon plus
pédagogique.

S’il s’agit d’un événement, par exemple un accident, un texte


descriptif peut suivre un parcours chronologique, en débutant
par les épisodes les moins contemporains. Les étapes historiques
visent à faire comprendre le sujet. Elles sont présentées sans omet-
tre le lien organique avec le sujet. Elles sont pondérées en fonction
de leur importance relative pour la compréhension de la séquence
exposée. Habituellement, les étapes récentes contiennent un plus
grand nombre de détails. Elles répondent aux questions : Qui ?
Quoi ? Comment ? À la demande de qui ? Pourquoi ? Durant quelle
période ? Un texte descriptif qui suit une démarche chronologique
n’a pas à faire l’analyse des dates et des événements correspon-
dants, mais seulement à les exposer en ordre, après vérification
et contrôle de la véracité des sources. Dans une description, l’étio-
logie n’est pas requise. La fidélité de l’ordonnancement des faits,
des dates et des acteurs constitue l’indicateur de qualité du texte
descriptif chronologique.

Relater
La finalité d’un écrit administratif peut être de relater. La relation
doit porter sur l’ensemble des événements qui se sont déroulés.
Elle en fournit la liste complète : incidents survenus, initiatives
prises, visites de lieux, demandes de documents à verser au
dossier et traitement réservé à ces demandes, comptes rendus de


Les finalités de l’écrit stratégique

réunions, prorogations de mandat et suites données aux diverses


propositions faites. Les événements relatés sont préférablement
comptabilisés : nombre d’observations écrites reçues, dont tant
en faveur du projet et tant hostiles au projet ; nombre d’observa-
tions orales entendues ; pétition ayant recueilli tant de signatures ;
contre-propositions reçues, etc.

La relation porte sur les faits. Elle consigne les événements de


manière précise et détaillée. Elle s’abstient d’analyser, de pondérer
ou d’apprécier. Le ton est celui du récit, la forme celle du procès-
verbal. La valeur ajoutée par la relation consiste en une information
complète et à jour, représentant ainsi un adjuvant à une prise de
décision en toute connaissance de cause.

L’ordonnancement des événements, dans la relation, est chro-


nologique. On commence par les événements les moins contem-
porains, en progressant vers le moment d’écriture de la relation.
S’il s’agit de relater des observations, on peut suivre l’ordre chro-
nologique de leur formulation. Dans le cas d’observations très
nombreuses, il est préférable de les regrouper par thèmes. Le choix
des thèmes et l’organisation des observations qu’ils recouvrent
sont un exercice périlleux. Cet exercice, en effet, exige une certaine
analyse, laquelle risque de trahir la rectitude des observations
relatées. C’est pourquoi les thèmes utilisés pour le regroupement
des observations doivent être ceux habituellement reconnus dans
le domaine d’activités en cause ou ceux retenus par les auteurs des
observations eux-mêmes.

Évaluer
Quand l’objectif de l’écrit administratif est d’évaluer, l’analyse et
le raisonnement sont les outils les mieux adaptés à la tâche de
l’auteur stratégique. L’évaluation permet d’apprécier, d’estimer ou
de mesurer le bien-fondé d’une proposition, d’une solution, d’un
projet, d’une politique ou d’un plan. Il s’agit d’exercer un jugement,
lequel doit être fondé sur des motifs solides, de façon à emporter
l’adhésion des lecteurs ou du moins à faire comprendre. Le raison-
nement peut suivre un parcours déductif, inductif, spéculatif,
empirique, dialectique ou polémique.


Guide de rédaction stratégique

L’objet du texte administratif peut être d’apprécier, par exem-


ple, la justification d’un projet. Sa pertinence peut alors être discu-
tée sur les plans environnemental, économique, social, culturel,
énergétique, politique ou technologique. Le lecteur devra compren-
dre pourquoi le projet a de la valeur et de quelle valeur il s’agit.
A contrario, le lecteur devra être informé des motifs d’une évalua-
tion négative de la justification ou de la pertinence d’un projet.

Habituellement, l’évaluation consiste à statuer sur la conformité


d’une proposition ou d’un projet de proposition avec des spécifi-
cations. Ces dernières sont contenues dans une loi, un règlement,
une norme, une directive, une politique, un programme ou un plan.
La vérification de la conformité avec les spécifications consiste à
comparer les caractéristiques particulières de la proposition sous
examen avec des principes généraux ou avec un cadre normatif. Le
résultat en sera une appréciation qualitative de la conformité avec,
lorsque possible, une certaine pondération du niveau de corres-
pondance des objectifs de la proposition avec les stipulations du
cadre normatif ou de l’instruction.

Documenter
Un écrit stratégique peut avoir pour objet de documenter un
phénomène. Par exemple, documenter l’impact du réchauffement
climatique sur les écosystèmes aquatiques. Ou encore, documenter
la contribution des services préhospitaliers d’urgence à la réduc-
tion de la gravité des blessures causées par les accidents routiers.
Les textes de documentation d’un phénomène sont habituellement
substantiels et volumineux. Ils servent à renseigner complètement
les lecteurs sur un sujet donné.

Un écrit documentaire ne contient pas d’argumentaire. Il expose


la connaissance existante sur un sujet. Mais toute donnée n’a pas le
même intérêt documentaire. Un tri s’impose pour éviter de noyer
le lecteur dans un océan documentaire, peut-être intéressant sur le
plan de la culture générale, mais trop encyclopédique et dilué pour
être utile dans le cadre d’un processus décisionnel. La pertinence
doit guider le choix des éléments à retenir.


Les finalités de l’écrit stratégique

Le choix des données pertinentes sera facilité par la précision


du sujet du texte stratégique. Par exemple, l’incidence de l’usage
des combustibles fossiles sur la santé humaine est un sujet vaste
et fort complexe à traiter. En précisant avec le client les connais-
sances qu’il recherche, il sera possible de mieux cibler le sujet à
documenter. Un sujet bien ciblé pourrait être, par exemple, l’in-
cidence et la prévalence des maladies respiratoires secondaires
dans le cas d’un certain pourcentage d’augmentation de l’usage
des combustibles fossiles.

La documentation d’un phénomène ne requiert pas de déve-


loppement logique ou de démonstration. Il s’agit seulement et
humblement de colliger, trier, ordonner, mettre en perspective et
présenter ce qui existe déjà comme connaissances sur le sujet. La
quête de documents de première main influence la qualité de l’écrit
documentaire. Il peut être indiqué de commencer par une bonne
bibliographie. Les catalogues des bibliothèques administratives et
les sites Internet sont des sources utiles. En matière de politiques
publiques, de programmes, de plans et de stratégies, les études
de l’OCDE et de la Commission européenne sont des références
incontournables.

La présentation de l’expérience vécue par des administrations


(pays, provinces, villes) comparables est utile pour circonscrire le
sujet. L’identification des sources documentaires est alors impor-
tante. Elle permet au lecteur de vérifier au besoin les énoncés du
texte ou encore d’approfondir un aspect qui l’intéresse en particu-
lier. Le recours à la méthode comparative permet de positionner
l’administration de référence par rapport aux administrations
homologues.

En somme, dans un écrit stratégique, la documentation d’un


phénomène répond aux deux questions de la logique aristotélico-
thomiste : « an ita sit » et « quomodo sit verum ». Elle établit l’existence
du phénomène, sa nature et sa portée. Elle explique comment le
phénomène est pris en charge par les administrations responsables,
sur les plans stratégique, tactique et opérationnel. Le texte présente
des expériences comparables, en prenant soin de les situer dans
leur contexte particulier, avec ses composantes sociales, culturelles


Guide de rédaction stratégique

et économiques propres. Il présente les solutions retenues par ces


administrations et analyse leurs avantages et leurs inconvénients.
Toutefois, l’écrit stratégique de documentation n’a pas à conclure,
à choisir une solution de préférence à une autre ou à formuler des
recommandations. Il expose la connaissance actuelle du phénomène
examiné, sans apprécier, ni pondérer, ni hiérarchiser les voies de
solution possibles.

Convaincre
L’écrit stratégique peut avoir pour finalité de convaincre. Sa
rédaction est alors une tâche épouvantablement difficile. Elle fait
appel à la logique du raisonnement, fondée sur un argumentaire
serré et rigoureux. Étant un écrit, le texte stratégique qui cher-
che à convaincre ne peut s’appuyer sur des facteurs relationnels
habituellement présents dans la communication verbale, comme
l’autorité hiérarchique, l’autorité morale, la séduction, la force de
l’équipe ou la culture de l’organisation. L’écrit doit convaincre en
démontrant. C’est la seule force des arguments qui est en cause,
d’autant que certains textes stratégiques ne sont pas signés, auquel
cas l’expérience, l’expertise et la notoriété de l’auteur ne peuvent
être considérés comme contribuant à convaincre le lecteur.

L’acte de convaincre a pour intention d’obtenir l’adhésion. L’écrit


qui vise à convaincre ira chercher l’adhésion du lecteur en fournis-
sant des preuves. Il ne se satisfera pas de vagues preuves ambiguës
ou ambivalentes. Il s’appuiera plutôt sur des preuves évidentes et
solides. Seules ces preuves évidentes fondent l’adhésion, parce
qu’elles s’imposent à l’esprit avec certitude et éliminent le doute.

Toutefois, s’il conduit à l’adhésion de l’esprit, le texte straté­


gique n’a pas besoin d’enthousiasmer, d’emballer ou d’enflammer.
Il ne poursuit ni l’engagement, ni l’émotion, ni l’ardeur de la
passion. Modestement, son seul but est l’adhésion de l’esprit. Le
lecteur doit pouvoir se dire : « Oui, l’auteur a raison. Son diagnostic
est juste. Cette solution saute aux yeux et est la meilleure à tous
points de vue. C’est pleinement justifié de retenir sa position et
de prendre une décision dans ce sens. »


Les finalités de l’écrit stratégique

Dans Le Devoir du 18 juin 2003, deux jours après le décès de


Pierre Bourgault, Michel Venne signe un texte intitulé « Successeurs
de Bourgault ». La politique est avant tout le pouvoir de la parole,
écrit-il. Pierre Bourgault n’a jamais eu d’autre puissance que celle
du verbe, qu’il a mise au service de la justice et de la liberté. C’est
avec des mots et rien d’autre, poursuit Venne, qu’il a fait apparaître
un pays dans l’imaginaire, tout en lui conférant vraisemblance.
Maniant la langue dans tous ses registres, il a su étaler une dialec-
tique irréfutable mais aussi, avec la musique de Robert Charlebois,
exhorter les Québécois à se grouiller.

Michel Venne dit avoir appris de Pierre Bourgault qu’un discours


ou un reportage, même le mieux documenté, ne sert à rien si on
n’a pas d’abord capté l’attention de son auditoire avec une affirma-
tion forte et claire. Son but étant de convaincre, Bourgault était un
homme qui parlait en ligne droite. Pour convaincre, il faut parler
vrai et clairement. Et il faut une argumentation infaillible mais qui
touche les gens dans ce qu’ils sont. Il faut avoir des convictions et
connaître celles du lecteur, savoir ce qui le fait vivre et espérer.

L’architecture du texte et les arguments à utiliser pour convain-


cre doivent être universels. Ils peuvent par contre avoir besoin
d’une certaine modulation ou d’une certaine pondération selon les
destinataires de l’écrit stratégique. Il convient d’abord de décrire
le sujet. De quoi s’agit-il ? Quels sont les problèmes ? Quelles sont
les décisions passées ? Quel est l’historique du sujet traité ? Quels
en sont les enjeux ? Ensuite, il faut donner la grille de référence.
Quel est le référentiel pour prendre la décision ? Une politique ?
Une déclaration officielle ? Un programme de parti politique ? Une
stratégie ? Une charte ? Des principes reconnus (développement
durable, précaution, solidarité) ? En troisième lieu, il est utile de
rappeler les opinions des personnes et groupes intéressés, ainsi
que les solutions adoptées par des administrations homologues. La
quatrième partie est celle de l’analyse. Sur la base de leurs forces
et de leurs faiblesses, cette partie évalue les solutions possibles
aux problèmes décrits en première partie ou les diverses avenues
d’une problématique générale. Le texte doit alors amener habile-
ment le lecteur vers la solution qui sera retenue, en discutant de


Guide de rédaction stratégique

l’à-propos et des impacts de chaque voie envisagée. Lorsqu’il écarte


une solution, le texte ne doit laisser subsister aucun doute dans
l’esprit du lecteur, même le plus sceptique.

Par exemple, un texte qui aurait comme référentiel décisionnel le


concept de développement durable devrait examiner chaque voie de
solution possible en répondant aux questions suivantes : Cette voie
de solution permet-elle de maintenir l’intégrité de l’environnement ?
Cette voie de solution permet-elle d’améliorer l’équité sociale ? Cette
voie de solution permet-elle d’améliorer l’efficacité économique ?
Une fois tamisées les solutions possibles, on propose la solution
à retenir. Sa pertinence est démontrée en exposant sa conformité
avec chacun des 12 principes du développement durable suivant
la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (la
Loi sur le développement durable propose 16 principes).

Principe 1 : la satisfaction des besoins essentiels des commu-


nautés humaines et l’amélioration du niveau de vie
général.

Principe 2 : l’équité entre les personnes, les générations et les


nations.

Principe 3 : l’intégration des aspects environnementaux, écono-


miques et sociaux dans les prises de décision et la
comptabilité nationale.

Principe 4 : la modification des comportements, des modes de


pro­duc­tion et des habitudes de consommation vers des
approches plus respectueuses de l’environnement.

Principe 5 : des mesures législatives efficaces en environnement


et visant la responsabilisation des pollueurs.

Principe 6 : l’accessibilité pour tous à l’information et à la prise


de décision.

Principe 7 : l’engagement actif et le partenariat de tous les groupes


de la société pour un partage des responsabilités.

Principe 8 : l’amélioration de la compréhension scientifique et


l’encouragement à l’innovation scientifique et tech-
nologique en vue du renforcement des capacités.


Les finalités de l’écrit stratégique

Principe 9 : la protection de l’environnement par la prévention.

Principe 10 : l’application systématique du principe de précau-


tion.

Principe 11 : l’application universelle du principe pollueur-utilisa-


teur-payeur.

Principe 12 : le partenariat mondial.


En somme, après avoir éliminé les autres solutions en examinant
trois questions fondamentales, le texte retient une solution. Il en
expose la pertinence en démontrant sa conformité avec chacun des 12
principes du développement durable. Ainsi, l’analyse est hermé­tique,
sans aucun caveat, sans trou de logique. L’inférence est totale.

Le document de réflexion Table ronde sur la gestion des forêts


du Québec, de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt
publique québécoise, présente d’entrée de jeu six critères qui servi-
ront de référentiel à l’analyse des problématiques et des enjeux :

Critères d’aménagement durable des forêts adoptés par


le Conseil canadien des ministres responsables des forêts et
inclus dans le préambule de la Loi sur les forêts du Québec

1. Conservation de la diversité biologique ;

2. Maintien et amélioration de l’état et de la productivité des


écosystèmes forestiers ;

3. Conservation des sols et de l’eau ;

4. Maintien de l’apport des écosystèmes forestiers aux grands


cycles écologiques ;

5. Maintien des avantages socioéconomiques multiples que les


forêts procurent à la société ;

6. Prise en compte, dans les choix de développement, des valeurs


et des besoins exprimés par les populations concernées.

Le texte stratégique destiné à convaincre peut, en cinquième


partie, proposer des indicateurs de suivi de la mesure proposée,
afin d’en vérifier, dans les faits et de façon périodique, les préten-
tions d’efficacité causale. Autrement dit, quel bilan faire ? Après


Guide de rédaction stratégique

quelle période de temps ? Comment contrôler la conformité de la


solution avec les attentes qui ont présidé à son choix ?

La conclusion sera courte. Elle exposera la solution comme


réponse évidente et unique aux problèmes diagnostiqués ou à
la problématique générale présentée. L’argumentaire ne sera pas
répété, même en résumé. Les attendus ou les considérants sont
inutiles. La conclusion établit, sans analyser et sans argumenter,
que la solution retenue en quatrième partie est pertinente et effi-
cace au regard des enjeux relatifs au sujet traité et du référentiel
d’analyse retenu.

Au besoin, des annexes techniques directement pertinentes


pourront être ajoutées. Elles servent à expliquer une démarche
méthodique, à fournir des statistiques détaillées ou à présenter le
détail d’expériences comparables.

Ordonner
Le texte stratégique a-t-il pour objet d’ordonner, l’ordonnance doit
identifier clairement son destinataire : nom, adresse, qualité et
statut. Quand il s’agit d’un corps politique légalement constitué, le
nom officiel doit être scrupuleusement utilisé. Le texte de l’ordon-
nance doit préciser en vertu de quels pouvoirs celle-ci est émise.

La première partie de l’ordonnance expose les faits qui forment


le litige. Ils sont déclinés à l’aide de la locution ATTENDU QUE. Ces
attendus présentent les événements et échanges épistolaires du
dossier dans l’ordre chronologique. Lorsque le litige a fait l’objet
d’une enquête publique ou d’audiences publiques, la position et
les commentaires des parties sont rapportés. Les dates des séances
publiques doivent être mentionnées. Lorsqu’un référentiel ou un
comparable existe, l’ordonnance le souligne. Il peut s’agir d’une
loi, d’une politique, d’une stratégie, d’un règlement, d’un plan ou
encore de dispositions qui présentent une certaine valeur d’exem-
ple ou d’orientation jurisprudentielle. Les conclusions de l’enquête
sont rapportées dans les attendus de l’ordonnance. La date du
rapport d’enquête est précisée.

10
Les finalités de l’écrit stratégique

L’exposé des faits peut être long et fastidieux, surtout quand


le litige est complexe, qu’il dure depuis de nombreuses années et
qu’il implique plusieurs parties. Une dizaine de pages peuvent être
nécessaires dans de tels cas. Lorsque le litige a donné lieu à une
enquête publique ou à des audiences publiques, les observations,
positions et motifs des parties sont recensés, ce qui a pour effet
d’allonger le dispositif et de le rendre lourd. Mais c’est un parcours
obligé. Le décodage du raisonnement présidant aux ordres donnés,
à leur légitimité et leur bien-fondé l’exige.

Après l’exposé des faits, l’ordonnance doit structurer l’argumen-


taire sur lequel seront appuyés les ordres donnés. Cet argumentaire
sera avantageusement présenté sous la forme d’un petit nombre
(une dizaine au maximum) de considérants, constitués d’une courte
phrase. Ces considérants seront hiérarchisés suivant un parcours
syllogistique. Les prémisses exposant des énoncés généraux seront
d’abord formulées en guise de majeure. Les prémisses particulières
au litige seront ensuite formulées en guise de mineure.

Voici un exemple :

CONSIDÉRANT QUE l’élimination des déchets de dix municipalités


sur un terrain de la MRC est faite sans autorisation ;

CONSIDÉRANT QUE l’enquête a démontré que le lieu d’élimination


présente des anomalies sur le plan environnemental, notamment
par la présence de résurgences de lixiviat ;

CONSIDÉRANT QUE la poursuite de l’élimination de déchets en ces


lieux présente des risques de contamination de l’environnement et
plus particulièrement des eaux souterraines ;

CONSIDÉRANT QUE la poursuite des mêmes activités présente un


risque pour la santé publique ;

CONSIDÉRANT QUE la fermeture de ce lieu d’élimination de déchets


s’impose afin d’assurer la protection de l’environnement et de la
santé publique ;

CONSIDÉRANT QUE la loi donne au ministre le pouvoir de fermer ce


lieu d’élimination de déchets aux frais des instances responsables.

11
Guide de rédaction stratégique

La dernière partie du texte d’ordonnance formulera les instruc-


tions, les consignes, les ordres comme tels. Sur la base des motifs
présentés dans la section relative aux faits et dans la section rela-
tive à l’argumentation, l’écrit administratif rappellera le fondement
du pouvoir d’ordonnance du signataire. Puis, le texte énoncera les
ordres par la formule impérative : « Je soussigné, en ma qualité de
____________________, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés
par ______________________, ordonne à _____________________de_____
______________, au plus tard le__________. »

Ainsi, l’ordonnance se formule à l’indicatif présent. Des verbes


à l’infinitif expriment l’action urgente. Le texte précise à qui
l’ordonnance est signifiée et la date limite de sa mise en œuvre.
Quand l’ordonnance exige un plan d’action, les composantes de
ce plan doivent être précisées en détail dans le texte. Quand une
disposition de l’ordonnance est assujettie à un cadre normatif (une
politique ou un programme, par exemple), il convient d’utiliser la
précaution littéraire « sous réserve de ».

Souvent, le cadre normatif qui donne le pouvoir de rendre


une ordonnance attribue aux parties intimées ou mises en cause
le droit de la contester ou d’en commenter le contenu. Le texte de
l’ordonnance doit alors se terminer par les renseignements utiles
à l’exercice de ce droit de contestation : devant quelle instance la
décision est contestable, dans quel délai et dans quelle forme,
et quels organismes (adresse et numéro de téléphone) peuvent
fournir des renseignements sur les modalités d’appel relatif à
l’ordonnance.

12
2. Le destinataire
de l’écrit stratégique :
règles essentielles
pour l’atteindre

S i la finalité de l’écrit stratégique est d’informer et de soutenir


la décision, la considération du destinataire est cardinale. À qui
s’adresse le texte ? Qui en a besoin ? L’auteur doit savoir pour qui
il rédige un texte administratif. Cette connaissance oriente et
conditionne l’architecture de son texte ainsi que son niveau de
langage.

Un rapport peut avoir plusieurs destinataires. Il peut être lu


par des clients aux intérêts divers. Certains liront une section en
particulier, sans égard à l’ensemble de l’écrit. D’autres l’étudieront
de la première à la dernière page. D’autres en prendront connais-
sance de façon superficielle, en parcourant le sommaire et la table
des matières ou encore la synthèse Web. Ces lecteurs sont des
destinataires de l’écrit fort différents, mais chacun a des attentes
légitimes qu’il souhaite combler à la lecture du document.

Il est rare qu’un écrit stratégique n’ait qu’un unique destinataire.


C’est le cas notamment pour la note de synthèse à un ministre, un
président d’entreprise ou un recteur d’université sur une affaire
ponctuelle, une orientation stratégique ou une position tactique.
Le plus souvent, l’écrit stratégique aura une clientèle multiple : les
membres d’un bureau, d’un conseil d’administration, d’un comité
exécutif, d’un conseil des ministres, etc.
Guide de rédaction stratégique

Pour la justesse et l’efficacité de son texte, l’auteur stratégique


a intérêt à bien connaître ses lecteurs, leurs attentes, leurs exigen-
ces et leurs besoins. La qualité de l’écrit stratégique se mesure
en effet à sa conformité aux attentes du destinataire. Son but est
de satisfaire complètement le destinataire en répondant à ses
besoins d’information ou d’argumentaire. C’est pourquoi l’auteur
doit posséder une maîtrise totale du processus décisionnel dans
lequel s’inscrit son texte.

Puisque la plupart du temps un écrit stratégique est dirigé vers


une clientèle multiple, l’auteur, pour viser juste, doit distinguer,
sérier et hiérarchiser les destinataires. Il lui sera indispen­sable de
connaître le premier ou principal destinataire au sein d’un collectif.
Il s’agit habituellement du décideur principal, du plus haut gradé
ou de celui dont le leadership est le mieux reconnu et le plus clai-
rement établi. La seconde vague de destinataires est formée des
personnes influentes dans le groupe, du fait de leur capacité d’éva-
luer les conséquences prévisibles des décisions, de leur aptitude à
animer la réflexion et de leur compétence prospective.

Ainsi, par exemple, un rapport d’enquête publique sera lu par


des élus, des fonctionnaires, des universitaires, des praticiens, des
étudiants, des citoyens, des membres d’associations ou de groupes
communautaires, des entrepreneurs, etc. Plusieurs lecteurs auront
participé au débat public animé par une commission d’enquête,
fourni des documents ou soumis un mémoire. Ils seront directe-
ment intéressés par les constats, observations, analyses et conclu-
sions du rapport d’enquête. Un autre public présentera un intérêt
plus indirect à l’égard du rapport, compte tenu de son éloignement
du processus d’enquête ou du fait qu’il n’y a pas participé. La
participation conditionne l’engagement, lequel conditionne l’intérêt
porté au document et le temps consacré à le lire.

Un rapport d’enquête publique porte sur un projet, un litige,


une politique, un plan ou un programme. C’est pourquoi le desti-
nataire principal est celui qui doit prendre la décision ou dont la
charge lui impose de porter la proposition auprès d’une instance
décisionnelle supérieure. L’auteur doit impérativement construire
et organiser son texte en fonction de cette personne, à titre de

14
Le destinataire de l’écrit stratégique : règles essentielles pour l’atteindre

destinataire principal ou ultime. Le succès de son entreprise en


dépend. Le ton, le choix des termes, la démarche pédagogique,
la facture et le parcours logique sont directement dictés par les
besoins et les attentes de ce lecteur, à titre de destinataire principal.
Dans le cas d’un rapport d’enquête publique, ce destinataire princi-
pal est le ministre responsable d’autoriser le projet, d’ordonner les
conditions de règlement d’un litige ou de soumettre un projet de
décret au Conseil des ministres sur une politique, un programme
ou un plan.

Une fois la décision prise, un texte stratégique peut habituelle-


ment être divulgué. Il est parfois consulté par des chercheurs, des
historiens, des professeurs ou des étudiants. Il peut être cité ou
mis en preuve devant les tribunaux administratifs ou judiciaires.
Ces destinataires secondaires ont aussi leur importance. C’est la
raison pour laquelle les notes infrapaginales, citations, références et
annexes doivent être clairement inscrites et facilement accessibles.
C’est aussi pour cette raison que les passages personnels sont à
éviter. Les propos circonstanciels et ponctuels doivent être adéqua-
tement situés dans le contexte global de leur étiologie historique.

Une fois bien identifiés le destinataire principal de même que


les destinataires secondaires, quels moyens prendre pour les
atteindre ? Comment atteindre le but de la communication admi-
nistrative ? Comment remplir les finalités de l’écrit : décrire, relater,
évaluer, documenter, convaincre ou ordonner ? Certaines règles
essentielles s’imposent.

Maîtriser la langue
La langue française est un outil dialectique précieux. Elle permet
d’exprimer des idées avec précision, force et nuance. Elle constitue
un merveilleux adjuvant dans une trajectoire syllogistique. Ses
qualités la rendent parfaitement adaptée aux exigences de l’écrit
stratégique.

La langue de l’administration n’est pas un « kiskose » idioma­


tique ou un jargon pour les initiés que seraient les fonctionnaires.
Elle est simple, sobre, dépouillée, directe et claire. Elle utilise une
terminologie accessible au plus grand nombre de lecteurs et des

15
Guide de rédaction stratégique

structures de phrase de base. Son vocabulaire est universel et le


moins spécialisé possible. Ses attributs rendent la langue de l’ad-
ministration accessible à la fois aux ministres, aux fonctionnaires
et aux citoyens. Du coup, ces derniers seront en mesure de saisir
les intentions de l’administration et de comprendre la nature et la
portée des actes administratifs.

La maîtrise de la langue exige une mise à jour continue des


compétences de l’auteur stratégique. C’est un chantier permanent,
dans la mesure où le rédacteur stratégique a l’impérieux devoir
d’améliorer sans cesse la qualité de son principal outil de travail,
la langue. C’est pourquoi il doit rechercher toutes les occasions
d’accroître sa maîtrise de la langue et de conforter sa capacité de
l’utiliser avec nuance et raffinement.

Si les mots sont les signes des concepts, et les concepts les signes
de la réalité, l’écrit présente, commente, structure ou trans­forme la
réalité par le choix des mots et leur organisation. Le parcours mot-
concept-réalité est obligé. Le rédacteur ne peut atteindre la réalité
qu’en passant par les mots, lesquels codifient ses concepts. Et les
concepts, alignés et organisés, constituent l’écrit stratégique.

Le choix des concepts et des mots qui les définissent, leur inter-
relation et leur mise en ordre en vue de produire un résultat sont
les composantes du métier de l’auteur stratégique. Là réside tout
son art. C’est pourquoi, si le style stratégique doit être conforme à
des exigences de clarté, de sobriété et de simplicité, ultimement le
texte produit est le fruit de la culture, de l’art, des connaissances
et même des émotions de son auteur. La rationalité, la logique et
l’inférence du texte sont influencées par l’expérience profession-
nelle et personnelle du rédacteur. C’est probablement la raison
pour laquelle des dirigeants choisissent souvent et conservent à
leur service les mêmes rédacteurs, en qui ils ont confiance, pour
leurs discours, mémoires, ententes et rapports. Ces dirigeants sont
à l’aise avec le style, la forme de pensée et la facture des textes
que produisent de tels rédacteurs. Ils connaissent bien leur grille
d’analyse, qu’ils épousent pour l’essentiel.

16
Le destinataire de l’écrit stratégique : règles essentielles pour l’atteindre

Rechercher la cohérence, la consistance et l’inférence


La maîtrise de la langue est essentielle pour atteindre le destina-
taire de l’écrit stratégique. La maîtrise de la démarche logique l’est
au même titre. Pour toucher sa cible, le texte stratégique doit se
caractériser par la cohérence, la consistance et l’inférence.

La cohérence d’un texte, c’est l’harmonie logique de ses parties.


Les faits qui sont exposés doivent être organisés dans un ensem-
ble. La chronologie doit être respectée. Les idées sont présentées
dans une mosaïque et non dans un fourre-tout anarchique. Le
principe de la cohérence, c’est la recherche de l’unité du texte,
laquelle est garante de son homogénéité et de son harmonie. Là
se trouve le principal facteur de l’intelligibilité de l’écrit, de sa
clarté et de sa lisibilité.

Pour produire un texte cohérent, il faut de la méthode. La


production d’un texte selon un procédé systématique est suscep-
tible de lui assurer la cohérence souhaitée. L’idée de système se
rapporte à l’organisation de l’écrit, à sa structuration. La méthode
systématique pourra être déductive, inductive, hypothétique, empi­
rique ou spéculative.

L’écrit stratégique consistant s’appuie sur des arguments solides.


La consistance est obtenue par la force des idées et des propositions.
Elle évite la contradiction. Le poids du propos provient de la densité
des raisons invoquées et non de leur abondance. C’est pourquoi
l’argument d’autorité, c’est-à-dire fondé sur le rang ou le pouvoir de
celui qui l’énonce, est à proscrire. C’est l’argument des faibles. Il n’a
aucune force de démonstration et est vide de toute consistance. Il ne
résiste pas au temps, alors que l’argument solide est stable et robuste,
et tient contre vents et marées.

L’inférence permet de passer d’une proposition avérée à une


autre en raison du lien logique entre les deux. L’inférence est au cœur
des écrits administratifs. Elle permet d’analyser de façon rigoureuse
une problématique et de dégager des conclusions à partir de la consi-
dération raisonnée d’un certain nombre de faits ou d’observations
considérés comme les hypothèses d’un syllogisme.

17
Guide de rédaction stratégique

La conclusion déduite ne doit pas dépasser les hypothèses,


aussi appelées prémisses. Une série d’énoncés généraux constituera
la proposition dite majeure. La mineure sera formée d’énoncés
plus particuliers. La conclusion apparaîtra comme la conséquence
logique des énoncés de la majeure et de la mineure.

Voici un exemple :

• L’eau est essentielle à la vie (majeure à démontrer par des


arguments, des faits, des observations, des études).

• La pollution diffuse d’origine agricole détériore la qualité de


l’eau (mineure à démontrer par des arguments, des faits, des
observations, des études).

• La pollution diffuse d’origine agricole est à éviter parce que


préjudiciable à la vie (conclusion).

Il faut faire attention aux sophismes qui résultent d’une déduc­


tion fausse ou d’une déduction correcte à partir d’un ou de plusieurs
principes faux.

Voici un exemple de sophisme :

• Les métaux conduisent l’électricité (majeure fausse parce que


tous les métaux ne conduisent pas l’électricité).

• Or, l’aluminium est un métal (mineure vraie).

• Donc, l’aluminium conduit l’électricité (conclusion fausse parce


que déduite d’un principe faux).

Utiliser la pensée complexe


L’auteur du texte stratégique cherche à se distinguer par l’origina-
lité de sa pensée, la fraîcheur de son regard ou la lucidité de son
analyse. Il doit parfois changer sa façon de penser. Il faut alors une
transformation radicale de ses concepts cognitifs et de ses sché-
mas de pensée. Certaines formes de pensée sont relativement peu
appropriées à l’écrit stratégique, comme la pensée systématique
et la pensée holistique qui recourent à une démarche trop hermé­
tique. C’est le cas également de la pensée environnementaliste, de
la pensée féministe et de l’idéologie politique. Par contre, la pensée

18
Le destinataire de l’écrit stratégique : règles essentielles pour l’atteindre

complexe fournit un cadre stimulant qui favorise le nouveau, le vrai


et le stratégique. C’est un outil qui peut conduire vers de nouveaux
éléments de philosophie politique, considérant en priorité la nature
des choses, les enjeux et les valeurs.

Depuis peu, certains penseurs remettent en question la logique


de la science et l’explication déterminante des phénomènes par les
lois de la rationalité scientifique. Il y a Prigogine, Thomas Kulin,
Edgar Morin et Hubert Reeves sont de ce nombre. La représen-
tation de l’Univers a migré d’une vision mécaniste, déterminante,
linéaire à une reconnaissance de l’incertitude, de l’aléatoire, de
l’accidentel. Ce chambardement dans les conceptions et la percep-
tion de l’Univers a bousculé des siècles de certitudes qui séparaient
les chercheurs de la matière des chercheurs du vivant, ceux des
sciences « dures » de ceux des sciences humaines, les scientifiques
en général des philosophes. Edgar Morin explique que la rationalité
scientifique ne donne plus, comme dans le passé, un sens à tout
ce qui existe. « Dorénavant, écrit-il, nous sommes condamnés à la
pensée incertaine, à une pensée criblée de trous, à une pensée qui
n’a aucun fondement absolu de certitudes.»

Au stable, au linéaire, au déterminé se substitue une vision des


êtres et des phénomènes en devenir permanent où se conjuguent
l’ordre et le désordre, l’équilibre et le déséquilibre, le prévisible
et l’imprévisible, le programmable et les bifurcations incertaines.
Cette vision, c’est la pensée complexe. La pensée simple demeure
utile, car elle procure clarté et ordre. Mais elle est insuffisante. Elle
ne tient pas compte du caractère changeant de la réalité. La pensée
complexe aspire à une connaissance multidimensionnelle et globa-
lisante. Elle prend en compte l’interdépendance des éléments.

La pensée cartésienne, simplifiante, stipulait une réalité objec-


tive existant en soi, distincte de la subjectivité de l’observateur. La
science a cru à l’illusion des faits objectifs. Or, « il n’y a d’objet que

. La nouvelle Alliance.
. La Structure des révolutions scientifiques.
. Science et technologie, no 2707, été 1991, et Introduction à la pensée complexe.
. La pyramide de la complexité, et L’heure de s’enivrer.
. Le Devoir, 21 novembre 1991.

19
Guide de rédaction stratégique

par rapport à un sujet qui observe ». Tout regard sélectionne, crée


ce qu’il regarde. Si elle reconnaît l’utilité de la pensée simplifiante,
la pensée complexe constitue une approche subtile pour analyser
l’essentiel, par la distinction et la conjugaison des éléments consti-
tutifs d’une situation et par la reconnaissance de la corrélation
entre l’observateur et l’observé.

Certains principes aident à saisir la démarche de la pensée


complexe. Edgar Morin en propose trois. La dialogigue rend
compte de la dualité dans l’être « associant deux termes à la fois
antagonistes et complémentaires ». La dynamique d’un système, le
corps humain constituant un système complexe, suppose la coha-
bitation de forces d’intégration et de forces de désintégration. Le
second principe est celui de la récursivité. L’idée récursive traduit le
choc en retour entre cause et effet, choc occulté par la conception
linéaire de la cause distincte de l’effet. Ce principe éclaire l’inter­
action entre l’observateur et l’observé, entre l’expert et l’expertisé,
indissociablement reliés de façon récursive, l’un produisant sur
l’autre des effets organisateurs et vice versa. Troisièmement, le
principe hologrammatique s’inscrit dans l’esprit du paradoxe de
Pascal, incapable de concevoir le tout sans connaître les parties et
réciproquement. Il le dépasse : le tout est à la fois plus et moins que
la somme de parties. En sélectionnant ceux des aspects qui l’inté-
ressent, l’observateur multiplie l’impact de ces seuls déterminants
par rapport à la totalité des aspects observables. Par l’observation
segmentée, le tout est moins que la somme des parties, ou plutôt
la partie est plus que la fraction du tout.

Améliorer la lisibilité
Certaines règles générales d’écriture ont pour objet d’améliorer la
lisibilité, soit la facilité de déchiffrer ou de décoder un texte.

Concernant les mots :

• réduire l’emploi des mots de quatre syllabes et plus ;

• éviter la périphrase ou la tournure périphrastique ;

. Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe, ESF, 1990.


. Op. cit.

20
Le destinataire de l’écrit stratégique : règles essentielles pour l’atteindre

• éviter les mots ou tournures propres au domaine juridique ;

• éviter l’emploi de mots dans un sens dérivé ou un sens établi


par extension, soit le sens second ;

• réduire l’emploi de mots dont l’usage est fautif mais que la


coutume a consacrés ;

• éliminer les pléonasmes et les tournures pléonastiques ;

• éliminer les termes de jargon professionnel, comme le jargon


médical ;

• utiliser avec modération les termes propres au jargon adminis-


tratif et leur préférer des termes de compréhension simple ;

• limiter l’emploi de termes rares ou recherchés ;

• donner la signification des sigles, abréviations et acronymes


qui ne sont pas d’usage courant et universel ;

• éviter les associations de mots qui prêtent à confusion.

Concernant les verbes :

• utiliser la voix active le plus souvent possible et fuir la voix


passive ;

• parler à l’indicatif présent aussi souvent que possible, plutôt


qu’aux modes subjonctif et conditionnel ;

• fournir un lexique des termes ou expressions techniques ou


spécialisés.

Concernant les phrases :

• éviter les phrases comportant plus de 25 mots ; préférer les


phrases courtes ;

• réduire le nombre de phrases comportant deux propositions


subordonnées et plus ;

• éviter les propositions incises.

21
Guide de rédaction stratégique

Concernant les paragraphes :

• se limiter à une idée par paragraphe. Au besoin, constituer un


second paragraphe pour fournir les détails d’un sujet ou ses
éléments de précision ;

• limiter les paragraphes à 15 ou 20 lignes ;

• remplacer les longues descriptions par des descriptions synthé-


tiques, organisées, si nécessaire, de façon schématique à l’aide
de tirets ;

• commencer le paragraphe par l’énoncé de l’idée ; l’étayer


ensuite ;

• donner des titres à des paragraphes ou à des groupes de


paragraphes pour marquer la progression de l’argumentation,
évoquer un élément important ou porter la décision.

Concernant l’ensemble :

• réviser le texte pour corriger les fautes d’orthographe et de


grammaire ;

• réviser le texte pour améliorer la structure des phrases ;

• réviser le texte pour rendre le contenu du message plus clair


et la langue plus sobre ;

• réviser… « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.


Polissez-le sans cesse, et le repolissez », conseillait Boileau dans
L’Art poétique.

Des méthodes et logiciels existent pour mesurer la lisibilité :


indice de Gunning, indice de lisibilité de Flesch, système d’analyse
de texte par ordinateur (SATO). La plupart des logiciels de traitement
de texte peuvent mesurer la lisibilité. Ces outils lisent un texte et
évaluent son niveau scolaire en fonction, par exemple, du nombre
moyen de mots par phrase, du nombre moyen de syllabes pour
100 mots, du nombre moyen de phrases par paragraphe, etc.

22
Le destinataire de l’écrit stratégique : règles essentielles pour l’atteindre

Exemple de lexique :

Bardage : Protection en planches autour d’un ouvrage d’art (pont,


viaduc, etc.).

Boule de feu : Nuage de gaz enflammé de forme sphérique, s’éle-


vant des postes de compression et de mesurage au fur et à
mesure qu’il se consume et libérant de l’énergie sous forme
de radiation thermique.

Chablis : Rangée d’arbres abattus par le vent ou tombés de


vétusté.

Champ de protection cathodique : Système destiné à canaliser


l’électricité captée dans le sol par le pipeline vers un lit d’élec-
trodes positives pour protéger la conduite de gaz naturel contre
la corrosion.

Cochonnet électronique : Dispositif de type piston, appelé aussi


« racleur », qui peut être propulsé à travers une conduite de
gaz au moyen de la pression des fluides. Il peut être muni
d’un instrument servant à l’inspection, au mesurage ou au
nettoyage.

Feu en chalumeau : Combustion d’hydrocarbures liquides ou


gazeux sous pression, dont l’allumage se produit au point de
fuite.

Fond amélioré : Profondeur normale d’un fossé pour qu’il assure


le drainage du milieu.

Forage directionnel : Creusage du sol afin d’ouvrir un passage


sous le lit d’une rivière ou d’un plan d’eau pour y insérer, par
la suite, le gazoduc, et ce, sans perturbation de l’obstacle à
franchir.

Fossé de ligne : Fossé situé entre deux lots ou deux propriétés.

. Tiré du Rapport d’enquête et d’audiences publiques sur le projet de gazoduc


entre Lachenaie et le réseau PNGTS.

23
Guide de rédaction stratégique

Gare de raclage : Contenant à pression installé à l’extrémité d’une


section de gazoduc et muni d’un système de chargement et de
déchargement destiné à introduire et à récupérer les cochon-
nets circulant dans le gazoduc.

Gazoduc : Pipeline servant au transport de gaz naturel.

Oléoduc : Pipeline servant au transport de produits pétroliers


liquides.

Poste de compression : Ensemble de structures hors du sol


servant à augmenter la pression et le débit de gaz naturel dans
une conduite, de façon à accroître la capacité de livraison de
cette conduite. Un poste de compression comprend un poste
électrique, des moteurs, turbines et contrôles électriques situés
dans un bâtiment, une gare de raclage et des instruments de
mesurage.

Poste de mesurage : Infrastructure servant à mesurer la quantité


de gaz naturel vendue à un distributeur ou à un réseau. Un
poste de mesurage comprend un débitmètre et des vannes de
sectionnement.

Potentiomètre : Appareil pour mesurer des différences de poten-


tiel ou des forces électromotrices.

Profil réglementé : Profondeur d’un cours d’eau fixée dans une


réglementation écrite.

Vanne de sectionnement : Panneau mobile destiné à couper le


mouvement du gaz naturel dans le gazoduc et à en isoler des
sections.

Exemple de liste d’acronymes :

CAAF : Contrat d’approvisionnement et d’aménagement forestier.


Attribué à des détenteurs de permis d’usines de transformation
de bois (majoritairement des scieries), ce contrat permet d’obte-
nir annuellement un permis d’intervention pour la récolte d’un
volume de bois ronds sur le territoire d’une UAF.

. Tiré du Rapport de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique


québécoise.
24
Le destinataire de l’écrit stratégique : règles essentielles pour l’atteindre

CtAF : Contrat d’aménagement forestier. Octroyé à un organisme


ou une personne morale non détentrice d’un permis d’exploi-
tation d’usine de transformation du bois, il permet d’obtenir
un permis d’intervention pour la récolte de bois ronds sur le
territoire d’une UAF.

CvAF : Convention d’aménagement forestier. Octroyée à toute


personne ou organisme intéressé par l’aménagement d’une
réserve forestière (hors UAF), elle confère à son détenteur le
droit d’obtenir annuellement un permis d’intervention pour
l’approvisionnement d’usines de transformation du bois.

GIR : Gestion intégrée des ressources. Approche d’aménagement qui


voit à considérer les différentes facettes du milieu forestier.

PAFI : Plan d’aménagement forestier intégré.

PGAF : Plan général d’aménagement forestier. Établi pour 25 ans


et révisé aux cinq ans, le PGAF contient la stratégie d’aménage-
ment forestier (récolte et travaux sylvicoles à réaliser) prévue
dans une aire forestière.

PQAF : Plan quinquennal d’aménagement forestier. Le PQAF


présente, sur une période de cinq ans, les activités d’aménage-
ment forestier planifiées pour chacune de ces années.

PAIF : Plan annuel d’interventions forestières. Plan opération-


nel que le détenteur d’un contrat ou d’une convention doit
soumettre chaque année, pour chaque aire forestière où il est
autorisé à réaliser des activités d’aménagement. Il décrit toutes
les activités d’aménagement forestier pour la mise en œuvre
du PQAF.

RAAF : Rapport annuel sur les activités d’aménagement forestier.


Il fait état des activités d’aménagement forestier réalisées en
vertu du permis d’intervention au cours des 12 mois précédant
le 1er avril de l’année où le rapport doit être soumis.

RNI  : Règlement sur les normes d’intervention dans les forêts du


domaine de l’État. Ces normes ont pour objet le maintien ou la
reconstitution du couvert forestier, la protection de l’ensemble

25
Guide de rédaction stratégique

des ressources du milieu forestier et la compatibilité des acti-


vités d’aménagement forestier avec l’affectation des terres du
domaine public.

UAF : Unité d’aménagement forestier. Assise territoriale utilisée


pour effectuer la planification forestière.

UTR : Unité territoriale de référence. Une aire commune ou une


subdivision d’aire commune (unité d’aménagement forestier)
d’un seul tenant, d’une superficie inférieure à 100 km2 pour la
zone de la forêt feuillue, inférieure à 300 km2 pour la zone de
la sapinière et de la forêt mixte et inférieure à 500 km2 pour la
zone de la pessière. Le RNI oblige à conserver, en tout temps,
des peuplements de sept mètres et plus de hauteur sur 30 % de
la superficie forestière productive de ces unités.

26
3. Le rapport d’enquête
et d’audiences publiques
sur un projet

Les caractéristiques

C ertains projets sont assujettis par la loi à une procédure d’éva-


luation et d’examen des impacts. C’est le cas de projets sous
l’empire du régime d’évaluation environnementale. Il peut s’agir
de projets routiers, d’équipements de transport de l’énergie (ligne
électrique, gazoduc, oléoduc), de décharges de matières résiduel-
les, d’incinérateurs, de programmes de dragage, de projets indus-
triels, etc. Une municipalité, une municipalité régionale de comté
ou une communauté métropolitaine peut prendre l’initiative de
soumettre un projet sous sa juridiction à un examen public. À la
limite, le secteur privé et le milieu communautaire pourraient en
faire autant.

Le rapport d’enquête et d’audiences publiques a pour objet de


rendre compte de l’examen public qui a été conduit sur un projet,
d’en faire l’analyse, de formuler des conclusions et, le cas échéant,
de proposer des recommandations. Il doit rapporter l’essentiel des
faits, des observations et des préoccupations relatives au projet.
S’inscrivant dans un processus décisionnel, le rapport d’enquête
et d’audiences publiques indique les étapes qui le précèdent (avis
de projet, directive pour la réalisation de l’étude d’impacts, étude
d’impacts, période de consultation publique, audiences publiques)
et les étapes qui le suivront (analyse ministérielle, mémoire au
conseil des ministres, décret).
Guide de rédaction stratégique

Le rapport a pour finalité principale de rendre compte de


l’examen public d’un projet. Son contenu doit être factuel et orga-
nisé autour des enjeux principaux du projet. S’il s’agit d’un projet
linéaire, le rapport peut traiter, d’entrée de jeu, des problématiques
générales et être divisé ensuite par tronçons (entre la municipa-
lité X et la municipalité Y, ou entre le point A et le point B). Des
parties litigieuses du tracé peuvent aussi être présentées sous une
rubrique d’espaces-enjeux : espace-enjeu A, espace-enjeu B, etc.

Le style sera simple, sobre et direct. La description du projet


doit éviter le langage technique et les termes propres aux ingé-
nieurs. Des cartes, des tableaux et des figures sont très utiles à la
vulgarisation de la présentation du projet. Les longues citations
alourdissent le texte, sans ajouter de valeur. Une citation peut être
appropriée quand elle rapporte une position commune, quand son
auteur jouit d’une autorité scientifique reconnue ou quand la formu-
lation en est particulièrement heureuse ou habilement ciselée.

Les chapitres
L’introduction

L’introduction du rapport d’enquête et d’audiences publiques


rappelle le mandat, sa date, le nom et la qualité du mandant. Elle
décrit le cadre dans lequel s’inscrit le rapport, donne la composi-
tion de la commission d’enquête, s’il y a lieu, et fournit les dates
et lieux des séances publiques tenues. L’introduction identifie le
promoteur ou l’initiateur du projet. Elle se termine par une formule
résumant bien l’ambition du rapport :

Le présent rapport rend compte des constatations de la com­mis­


sion sur le projet et de l’analyse qu’elle en a faite, à la lumière
des documents portés à sa connaissance et des témoignages des
participants aux audiences.

L’introduction annonce également le contenu du rapport, en


donnant le titre et un aperçu de chacun des chapitres. Elle ne
dépasse habituellement pas trois pages.

28
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

La description du projet

Le premier chapitre du rapport décrit le projet tel que présenté


par son promoteur dans l’avis de projet et l’étude d’impacts. Cette
description est enrichie par les documents déposés aux audiences
publiques et par les transcriptions sténographiques des séances
publiques. Ainsi, le lecteur aura une idée claire des objectifs
poursuivis par le projet, de son évolution, de ses caractéristiques
techniques, de son coût, de son calendrier de réalisation, de ses
impacts environnementaux et sociaux et de sa rentabilité écono-
mique, du point de vue de son promoteur.

L’historique du projet relate son origine et les principales étapes


de son développement. Il renseigne le lecteur sur les décisions
prises antérieurement au sujet du projet ou de ses composantes.

Le calendrier de réalisation renseigne sur les étapes du projet,


les dates-cibles de ces étapes et les coûts de chaque étape. Pour
un projet linéaire (route, ligne électrique, gazoduc), le calendrier
est habituellement conçu par tronçons. Lorsque l’information est
disponible, la planification détaillée en sous-projets peut utilement
être présentée sous forme de tableau.

Exemple de calendrier de réalisation :


Les principales étapes de réalisation du projet Alma-La Baie

Étapes Échéanciers Coûts en M $


Étape 1 • Construction du 1981-1985 11,6 (1985)
tronçon de l’autoroute 70
à Chicoutimi en direction
de Jonquière
• Construction du 1985-1992 8,0 (1992)
tronçon de l’autoroute 70
à Chicoutimi en direction
de La Baie
Étape 2 • Construction d’une route 1993-1999 23,1 (1997)
à quatre voies divisées
de La Ratière à Saint-
Bruno

29
Guide de rédaction stratégique

Étape 3 • Construction d’une route


de contournement à
Jonquière :
– Secteur Est 1998-2000 37,2 (1997)
– Secteurs Centre et 1999-2002 17,8 (1997)
La Ratière
• Élargissement de la route 2000-2004 4,0 (1997
170 à Saint-Bruno
Étape 4 • Élargissement de la route 2000 et plus 21,0 (1997)
170, de l’autoroute 70 à
Chicoutimi aux villes de
Bagotville et de La Baie
Source : Rapport d’enquête et d’audiences publiques sur le projet d’amélioration de
la liaison routière entre Jonquière et Saint-Bruno (125), p. 4. Commission formée de
Gisèle Gallichan, commissaire et Camille Genest, président.

Un calendrier des étapes d’un examen public peut également


être fourni, à titre de référence utile.

Exemple de calendrier d’examen public :

Les travaux de la Commission d’étude sur la gestion de la forêt


publique québécoise se déroulent selon un plan d’action en quatre
phases :

Phase 1 (janvier à mars 2004)

• Rencontres exploratoires auprès d’individus, de groupes et


d’organismes afin de bien cerner les fondements de la gestion
des forêts québécoises, les enjeux et les problématiques, et
d’obtenir des avis sur les meilleures façons de réaliser les
consultations.

• Revue de la documentation existante.

• Définition de divers mandats d’études externes (comparaison


de régimes forestiers issus d’autres juridictions, analyse des
consultations récentes, examen des assises scientifiques du
calcul de la possibilité forestière, etc.).

• Détermination des formules de consultations publiques et prépa-


ration du Document préparatoire à la consultation publique.

30
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Phase 2 (avril à juin 2004)


• Réception des documents de propositions (mémoires) venant
de parties intéressées (individus, groupes et organismes).
• Tournée de consultations régionales, sous forme d’audiences
publiques et d’ateliers de discussion.

Phase 3 (juillet à septembre 2004)


• Analyse des mémoires, discussions et approfondissement de
sujets spécifiques.
• Visites de terrain.
• Consultations des organismes de nature provinciale ou multi-
régionale.
• Consultation publique spécifique pour les Premières Nations.
• Consultations particulières pour préciser certaines questions
et valider quelques orientations et pistes de solution.

Phase 4 (octobre à décembre 2004)


• Rédaction du rapport de la commission et dépôt au gouverne-
ment du Québec.
Les impacts peuvent être présentés par zone d’étude ou zone
d’influence. La logique du découpage et de la dimension de ces
zones doit être expliquée. Lorsque le tracé initial a été modifié,
dans le cas d’un projet linéaire, les motifs des modifications appor-
tées doivent être fournis, avec leur nature et leur portée.
Le chapitre sur la description du projet présente aussi le som­maire
des répercussions que le projet pourrait avoir sur l’environnement,
selon le promoteur. Sa grille d’analyse des impacts est exposée ainsi
que l’importance relative qu’il accorde à ces impacts. Leur intensité,
leur durée et leur étendue sont également présentées. Ainsi, les
impacts évalués sur le milieu humain peuvent toucher le cadre bâti,
les activités agricoles, les activités commerciales, les activités indus-
trielles, la qualité de vie, la sécurité, etc. Les impacts sur le milieu
naturel peuvent concerner la faune, la flore, les cours d’eau, l’eau
souterraine, les sols, etc. Les impacts sur l’archéologie, le patrimoine
et le paysage doivent aussi être présentés.

31
Guide de rédaction stratégique

Lorsque des mesures d’atténuation sont proposées, les impacts


résiduels prévus sont soumis comme résultats de l’exercice de rééva-
luation à la lumière de ces mesures d’atténuation. Le programme
de surveillance pendant et après les travaux est présenté.

Une manière efficace d’illustrer les impacts est d’utiliser un


tableau synthèse (voir p. 33). Ainsi, pour chaque source d’impact,
les informations pertinentes sont données à l’égard du milieu
touché, de l’élément touché, de la description de l’impact, du type
d’impact, des mesures d’atténuation et de l’impact résiduel.

Les préoccupations des citoyens

Dans un deuxième chapitre, le rapport peut utilement présenter les


préoccupations de la population. Il s’agit des observations faites en
séances publiques et des opinions formulées dans les mémoires.
La population s’entend des personnes ayant témoigné à titre indi-
viduel, des membres de groupes environnementaux, d’organismes
communautaires ou encore de dirigeants d’entreprises.

Toute personne peut donner son point de vue, oralement ou


par écrit, dans le cadre d’une enquête et d’audiences publiques.
Les citoyens directement concernés ou directement intéressés sont
habituellement ceux qui bénéficieront des avantages du projet ou
qui auront à en subir les inconvénients. Toute opinion possède
sa propre valeur, sans égard au rang social de celui ou celle qui
la formule. Le rapport doit éviter d’introduire toute forme de
hiérarchie dans le chapitre qui a pour objet de relater les préoc-
cupations, opinions, avis, commentaires, points de vue et témoi-
gnages des gens.

Habituellement, un plus grand nombre d’opposants au projet


que de personnes favorables témoignent publiquement de leur
opinion. Quand c’est possible, le rapport indique le nombre d’inter-
venants en faveur du projet et le nombre de ceux qui s’y opposent.
Il ne s’agit pas d’un référendum, et les nombres n’ont qu’une valeur
indicative. Il est toutefois intéressant de savoir dans quel sens les
témoins se sont prononcés.

32
Exemple de tableau d’impacts
La synthèse des impacts repérés par le promoteur et des mesures d’atténuation proposées
Importance
Intensité de l’impact
Valeur
Milieu Élément environne- Étendue Type Impact
touché touché Description de l’impact mentale Durée d’impact Mesures d’atténuation résiduel
Sources d’impact : Ligne électrique 600 V
Naturel Végétation Coupe de quelques arbres Moyenne Négligeable Mineure
Ponctuelle
Longue
Humain Utilisation Perte d’un usage potentielle- Petite Faible Mineure
du sol ment agroforestier sur une Locale
petite bande
Longue

33
Milieu Modification du paysage par Grande Négligeable Négligeable
visuel le changement de certains Locale
poteaux et l’ajout de deux fils
électriques Longue

Socio- Retombées économiques et Moyenne Négligeable Négligeable


écono­ accès au courant triphasé Locale +
mique
Courte
Sources d’impact : Aménagement et construction des cellules et du système de traitement
Naturel Eaux de Particules de sol se retrouvant Grande Forte Moyenne – Travaux effectués de l’amont Mineur
surface dans le système de drainage Ponctuelle vers l’aval
de surface et susceptibles – Favoriser la construction
d’atteindre le cours d’eau Moyenne
pendant les périodes sèches
– Implanter, au besoin, un
bassin de sédimentation
Exemple de tableau d’impacts (suite)
La synthèse des impacts repérés par le promoteur et des mesures d’atténuation proposées
Importance
Intensité de l’impact
Valeur
Milieu Élément environne- Étendue Type Impact
touché touché Description de l’impact mentale Durée d’impact Mesures d’atténuation résiduel
Air Présence sur le site de Grande Faible Moyenne – Utiliser un abat-poussière Mineur
poussières et de gaz Ponctuelle lorsque nécessaire
d’échappement – Obliger l’utilisation de
Moyenne
bâches pendant le transport
de matériel granulaire
Végétation Perte du couvert végétal sur Moyenne Moyenne Moyenne – Reboiser la zone tampon Mineur
296 000 m2 Ponctuelle – Ensemencer les zones
Longue d’enfouissement lorsque

34
terminées
Faune Éloignement ponctuel des Moyenne Faible Mineure
animaux durant les travaux Ponctuelle
Moyenne
Humain Utilisation Restriction dans l’utilisation Petite Faible Mineure
du sol du sol Ponctuelle
Longue
Milieu Les travaux d’aménagement Grande Négligeable Négligeable
sonore des nouvelles cellules vont Locale
nécessiter un plus grand
nombre d’engins sur le site, Moyenne
mais le niveau de bruit prévu
ne devrait pas dépasser
45 dBA aux résidences les plus
proches (700 m)
Exemple de tableau d’impacts (suite)
La synthèse des impacts repérés par le promoteur et des mesures d’atténuation proposées
Importance
Intensité de l’impact
Valeur
Milieu Élément environne- Étendue Type Impact
touché touché Description de l’impact mentale Durée d’impact Mesures d’atténuation résiduel
Socio- Environ 15 à 20 travailleurs Moyenne Moyenne Moyenne
écono­ pourraient être mis à contri- Régionale +
mique bution pendant la durée des
travaux Moyenne

35
Guide de rédaction stratégique

Les observations des parties prenantes à l’enquête et aux


audiences publiques sont souvent utilisées dans les chapitres
subséquents, au sein de la démarche argumentaire. Autant que
possible, le dédoublement et le chevauchement doivent être évités.
C’est possible quand le rapport est rédigé par une seule personne.
Dans le cas d’une équipe de rédaction, le président de la commis-
sion d’enquête et d’audiences publiques doit jouer le rôle d’éditeur
ou de directeur de publication. Il lui appartient de garantir l’unité,
la consistance et la cohérence de l’ouvrage. Pour y parvenir, il
peut s’appuyer sur un outil essentiel : le plan détaillé du rapport.
Par son leadership et son contrôle a priori, il lui revient de suivre
l’exécution du plan de rédaction détaillé, de donner des mandats
d’écriture aux rédacteurs et d’en assurer le suivi, de résoudre les
conflits qui entravent la cohérence et de surveiller le déroulement
de la laborieuse et difficile tâche d’écriture.

Ce chapitre étant consacré aux préoccupations des parties prenan-


tes de la société civile (citoyens, groupes, associations, entreprises,
chercheurs, collectivités locales, etc.), les citations sont acceptables.
Toutefois, il ne faut pas en abuser, car elles alour­dissent le texte, sans
toujours ajouter de valeur spécifique. Seule la partie essentielle et
pertinente de l’opinion de l’auteur citée à titre d’illustration devrait
être reproduite. Pour la compréhension du lecteur, il est utile de
présenter la citation pour la situer dans son contexte. Au besoin, les
mots importants peuvent être soulignés ou mis en italique.

L’ordre de présentation des observations le plus simple et le


plus efficace est celui adopté par les intervenants eux-mêmes. Dans
le cas d’un projet linéaire (route, ligne électrique, gazoduc), les
opinions sont avantageusement regroupées par thèmes généraux
et par tronçons.

Exemple de thèmes :

La justification du projet

Le Québec comme plaque tournante du transport du gaz naturel


en Amérique du Nord

L’alimentation de la Nouvelle-Angleterre en gaz naturel

36
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

La consolidation et le développement du réseau gazier québécois

La politique du Québec en matière d’énergie

Le développement durable

Les retombées économiques


Les compensations financières

La justification du tracé

Le choix des corridors et des tracés

Les tracés alternatifs

Les variantes ponctuelles du tracé retenu

La sécurité

Les risques d’accidents

Les plans de mesures d’urgence

La zone de sécurité contrôlée

Les impacts environnementaux

Le couvert forestier et la flore

La faune et les habitats fauniques

L’agriculture et l’élevage

L’eau potable, les cours d’eau et les milieux humides

Le paysage

La qualité de vie

Les inconvénients liés à la servitude

La quiétude et les odeurs

La multiplication des emprises

Les relations du promoteur avec le milieu

Autres préoccupations

37
Guide de rédaction stratégique

La justification du projet

Le chapitre sur la justification du projet a pour objet d’établir que ce


dernier répond à un besoin et qu’il donne suite à des attentes. Les
objectifs du projet sont normalement les réponses à ces attentes. Le
rapport d’enquête et d’audiences publiques discute de la justifica-
tion environnementale du projet, de sa justification économique et
de sa justification sociale. Le cas échéant, il aborde la justification
culturelle, la justification énergétique, la justification technologique
ou la justification politique du projet.

Dans l’étude d’impacts, le promoteur soumet des éléments à


l’appui de la justification de son projet. Le rapport doit examiner
ces facteurs justificatifs et en apprécier le bien-fondé.

Par exemple, un projet de lien routier peut avoir pour finalités :

• De séparer la circulation rapide de transit de la circulation à


caractère local ;

• D’augmenter la capacité, la fluidité et la sécurité de la circula-


tion ;

• De relier les pôles d’activité et de desservir adéquatement les


équipements urbains ;

• D’assurer une croissance efficace de la structure industrielle


existante dans le corridor concerné ;

• De garantir une desserte favorable à la promotion des activités


économiques de la région.

Le rapport d’enquête et d’audiences publiques doit examiner


chacune de ces finalités. Par exemple, le rapport peut établir que la
réduction de la mortalité et des dommages corporels représente la
justification la plus importante d’un projet autoroutier, sur le plan
humain et sur le plan de la responsabilité des services publics. Le
rapport examine alors la situation actuelle à l’égard de la sécurité
routière ainsi que l’amélioration prévue par la réalisation du projet
autoroutier.

38
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

La même justification est établie à l’égard du soutien au déve-


loppement économique. Si l’étude d’impacts invoque le soutien
au développement économique comme justification d’un projet
autoroutier, il y a lieu de dresser le portrait de l’économie régionale
et d’étudier la contribution de la route projetée à la localisation
d’entreprises et l’avantage concurrentiel qu’elle représente. Il faut
considérer également les risques d’étalement urbain que la route
pourrait amener et leurs conséquences.

Dans cet exemple, comme il s’agit d’une infrastructure de trans-


port, les besoins de déplacement en voiture ou en camion sont
normalement à la base de la justification du projet. C’est pourquoi
il convient que le rapport d’enquête et d’audiences publiques traite
du volume actuel de la circulation en regard du volume prévu et
de l’état des infrastructures existantes. Le rapport doit conclure
le chapitre portant sur la justification du projet en statuant sur le
besoin d’une voie de circulation.

Voici un exemple de justification tiré du rapport de la Commission


d’enquête et d’audiences publiques sur le projet d’amélioration de
la liaison routière entre Jonquière et Saint-Bruno :

• Le projet d’un lien autoroutier entre Jonquière et Saint-Bruno


est justifié principalement pour des raisons de sécurité routière
et accessoirement pour des motifs d’amélioration de la circu-
lation et de soutien à l’activité économique. En effet, le bilan
routier actuel est lourd en dommages corporels et matériels.
L’amélioration de la sécurité est donc impérative. L’autoroute
présenterait un niveau de sécurité au moins trois fois supérieur
à celui d’une route de la catégorie de la route 170 et jusqu’à dix
fois supérieur à celui de certains de ses tronçons. Selon les tron-
çons, le volume de circulation prévu à l’ouverture de l’autoroute
serait de 8 700 à 25 000 véhicules par jour, alors que la norme
de justification du ministère des Transports est de 8 000. Le lien
autoroutier représenterait un avantage concurrentiel pour les
entreprises existantes et une incitation à l’établissement pour
de nouvelles entreprises. Il permettrait un certain rattrapage
en ce qu’il contribuerait à compléter l’infrastructure routière
majeure de base de la région.

39
Guide de rédaction stratégique

• Le projet reçoit de nombreux appuis, et il y a consensus régio-


nal sur son caractère prioritaire. Compte tenu de la rareté des
ressources publiques, cette volonté est révélatrice de l’importance
accordée par les décideurs et la population à cette infrastructure
pour le développement régional. Les commerçants et gens d’af-
faires opposés au projet par crainte de perdre leur clientèle en
transit ont reçu des garanties d’installation d’une signalisation
efficace et de soutien à la réorganisation de leurs entreprises, si
nécessaire. Après modification du tracé proposé, une très grande
majorité de producteurs agricoles acceptent le projet.

En somme, le rapport d’enquête et d’audiences publiques doit


indiquer s’il est d’accord ou non avec la justification du projet et
dire pourquoi, dans l’affirmative comme dans la négative.

Les impacts du projet

Le chapitre sur les impacts du projet à l’étude a pour objet d’ana-


lyser les impacts évalués dans l’étude d’impacts soumise par le
promoteur du projet. Les questions posées en audiences publiques
permettent de préciser, de compléter ou de critiquer l’information
présentée dans l’étude d’impacts.

Le rapport d’enquête et d’audiences publiques traite des


impacts subis durant la phase de construction ou d’aménagement
du projet, ainsi que des impacts permanents occasionnés par le
projet. Les impacts peuvent être des avantages (impacts positifs)
ou des inconvénients (impacts négatifs). Ils peuvent être de courte
durée (moins d’un an), de longue durée (jusqu’à 15 ans) ou perma-
nents. Ils peuvent être d’une importance nulle, faible, moyenne
ou forte. Les impacts sont décrits et mesurés à l’égard du milieu
touché (physique, humain, biologique), de l’élément touché (eaux
de surface, eaux souterraines, sol, main-d’œuvre locale, risques
d’accidents, etc.), de la valeur environnementale, du degré de
perturbation, de l’étendue et de l’intensité.

Comme suite à l’application de mesures d’atténuation, l’im-


pact résiduel est évalué. Par exemple, dans la construction d’une
décharge de déchets, la modification du paysage peut représenter
un impact de forte importance. Des mesures d’atténuation sont

40
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

alors proposées : par exemple, conserver un couvert végétal d’au


moins 80 % de densité ; que le couvert forestier qui ceinture le site
ne permette aucune percée visuelle ; conserver une bande boisée
d’au moins 50 m de largeur aux limites du site ; régénérer le couvert
forestier actuel. Avec la mise en œuvre de ces mesures d’atténua-
tion, l’étude d’impacts prévoit que l’importance de l’impact sera de
faible à négligeable. Le rapport d’enquête et d’audiences publiques
a pour tâche d’apprécier cette contribution des mesures proposées
à l’atténuation de l’impact. Dans cet exemple, il doit juger de la
capacité des mesures d’atténuation à faire passer l’importance de
l’impact de forte à faible.

Ce jugement est cardinal, car il éclaire le lecteur sur la portée


du projet. Il détermine souvent les conditions auxquelles pourrait
être assujetti le projet. Cette appréciation n’est pas un exercice
facile. Malgré leur professionnalisme et leurs méthodes d’analyse,
les consultants qui mènent les études d’impacts ont tendance à
sous-estimer les impacts négatifs d’un projet dont le promoteur est
leur client. C’est pourquoi une commission d’enquête doit pouvoir
s’appuyer sur des personnes-ressources neutres et compétentes et
sur sa propre équipe d’analyse. Au besoin, un mandat de contre-
expertise devrait utilement être donné pour éclairer l’évaluation
d’un impact particulièrement délicat ou d’un impact dont l’évalua-
tion est controversée.

La problématique du milieu naturel peut être abordée par caté-


gories. Une typologie pratique décline les impacts sur la faune et
la flore, sur les cours d’eau et les milieux humides, sur le milieu
agricole et sur le milieu boisé.

Les habitats fauniques importants ou sensibles doivent être pris


en considération dans la localisation d’un projet. C’est particulière-
ment important quand il s’agit d’un projet linéaire, car la connais-
sance des habitats fauniques permet d’explorer des corridors de
remplacement ou des variantes de tracé. Mais la recherche et l’ana-
lyse ne doivent pas se limiter aux espèces fauniques et floristiques
menacées ou vulnérables. Des espèces communes présentent un
intérêt pour les résidants, particulièrement ceux qui se livrent à
la chasse, à la pêche, au piégeage ou à l’observation. Le choix de

41
Guide de rédaction stratégique

l’emplacement d’un projet repose sur des inventaires détaillés. Le


défaut d’une connaissance fine des territoires touchés empêche
d’apprécier complètement l’importance réelle des impacts appré-
hendés ainsi que la valeur des mesures d’atténuation proposées.

Quels milieux un projet touche-t-il ? Un projet peut avoir un


impact significatif sur l’eau et les milieux aquatiques, en raison du
nombre et de l’état des cours d’eau et des milieux aquatiques qu’il
touche. Il peut s’agir d’un fleuve, d’une rivière, d’un ruisseau, d’un
lac, d’un étang, d’un marais, d’un marécage, d’une tourbière, etc. Un
inventaire détaillé des plans d’eau et des milieux humides touchés
par le projet est nécessaire pour pouvoir apprécier les conséquences
du projet sur ces milieux. Ainsi doivent être évalués les risques de
contamination de l’eau, la perturbation des écosystèmes, la perte
de qualité de l’eau, la détérioration des rives, l’assèchement d’un
cours d’eau, l’apport de sédiments, l’érosion, etc. Selon le type de
milieu naturel, une période optimale devrait être déterminée pour
les travaux de réalisation du projet, dans le but d’en limiter l’impact
sur les espèces fauniques ou floristiques dont la présence varie
selon le moment de l’année.

Les milieux humides sont fragiles. Ils constituent des habitats


de grande valeur pour la faune et la flore. Avant toute intervention
dans ces milieux, il faut dresser un inventaire précis et détaillé des
milieux humides susceptibles d’être touchés par le projet. Compte
tenu de l’importance écologique de ces milieux, une information
complète est nécessaire. Le rapport d’enquête et d’audiences
pu­bliques doit évaluer la présence et la qualité de cette informa-
tion. S’agissant de sols de faible capacité portante, les techniques
utilisées doivent, par exemple, réduire la pression sur ces derniers.
Devant tout risque d’érosion, des mesures de stabilisation doivent
être adoptées. Après un passage de machinerie lourde en milieu
humide, les lieux doivent être remis en état. Le calendrier des
traversées de milieux humides doit être établi dans la perspective
d’affecter le moins possible les espèces fauniques et végétales qui
s’y trouvent. Ces milieux doivent être franchis avec grande précau-
tion. Le rapport doit évaluer la conformité des mesures envisagées
avec ces exigences de prévention et de précaution.

42
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Certains projets présentent des impacts sur le milieu agricole.


Le rapport d’enquête et d’audiences publiques doit rappeler ces
impacts et les commenter. Il doit évaluer les mesures d’atténuation
assurant la protection du sol arable, la pérennité des systèmes de
drainage et la décompaction du sol. Il doit apprécier les effets à
court, à moyen et à long terme. Est-ce que les mesures d’atténuation
sont appropriées ? Quels seront les impacts résiduels après la mise
en place des mesures d’atténuation ? Quel est le succès prévisible
des mesures proposées ? Comment le promoteur effectuera-t-il le
suivi des mesures d’atténuation pendant la phase de construction
du projet ? Le sol a-t-il été caractérisé ? Un sondage pédologique
a-t-il été réalisé ? Voilà les questions que le rédacteur se posera s’il
veut produire un rapport de qualité.

L’impact d’un projet sur le milieu boisé est évalué du point de


vue des usages de la ressource ligneuse et de la valeur intrinsèque
de ce milieu naturel. La disparition de surfaces boisées est un effet
qui peut difficilement être atténué. Certains phénomènes associés
à la perte de surfaces boisées génèrent des incidences indirectes :
l’érosion des pentes abruptes et des sols sensibles et l’instabilité
des pentes en sont les plus lourdes. Certaines mesures correctrices
sont possibles, comme la coupe « chirurgicale », c’est-à-dire une
coupe très ciblée qui évite les arbres dont la disparition n’est pas
absolument nécessaire pour la réalisation du projet. La protection
de la terre végétale des boisés rend possible un usage futur du
terrain. Cette mesure ainsi que le remplacement des arbres coupés
par la plantation d’un nombre équivalent de nouveaux arbres
font partie du dispositif habituellement planifié pour répondre
aux impératifs du développement durable. Le rapport d’enquête
et d’audiences publiques doit rendre compte de l’examen de ces
éléments.

Outre ses impacts sur le milieu naturel, le projet présente-t-il


des impacts sur le milieu humain ?

L’impact d’un projet sur la qualité de vie varie selon la nature


du projet, les endroits traversés et les caractéristiques des activi-
tés humaines qui s’y déroulent. La qualité de vie d’une personne
est associée à sa relation avec l’environnement où habite, travaille,

43
Guide de rédaction stratégique

se déplace et se divertit cette personne. Elle sera affectée par la


pollution de l’air, de l’eau et du sol, les bruits excessifs, les odeurs
désagréables, les ruptures visuelles dans le paysage, les entraves à
la circulation piétonne ou automobile, le sentiment d’insécurité, l’at-
teinte à la quiétude, la violation de la propriété privée, etc. Le rapport
d’enquête et d’audiences publiques doit commenter les composants
qui concernent le projet sous examen. Il en rapporte les préoccupa-
tions exprimées par les citoyens des secteurs touchés par le projet.
L’étude d’impacts doit mesurer les inconvénients, les objectiver et les
comparer avec des valeurs comparables. Le rapport doit apprécier la
rigueur et l’exhaustivité de cette analyse. Si la plupart des impacts
liés à la construction peuvent être atténués ou corrigés, ceux qui
perdurent durant la période d’exploitation du projet sont souvent
importants. Le rapport doit y apporter une attention particulière et
y consacrer l’espace d’analyse que le sujet exige.

Sa valeur et son caractère essentiel font de l’eau potable un


facteur d’analyse important. La protection de l’approvisionnement
en eau peut être mise en danger par un projet. Les ouvrages
de captage de l’eau sont des équipements vulnérables. Certains
travaux peuvent altérer la qualité physicochimique de l’eau souter-
raine ou les conditions hydrogéologiques permettant son captage.
La circulation de la machinerie lourde sur les lieux d’un projet peut
occasionner des déversements d’hydrocarbures. Les vibrations
causées par le dynamitage du roc sont susceptibles de modifier la
configuration d’un ouvrage de captage de l’eau souterraine.

Tous les puits, qu’ils soient municipaux ou privés, doivent


apparaître à l’étude d’impacts, car il s’agit d’éléments de l’envi-
ronnement qui peuvent être altérés par un projet. Le rapport d’en-
quête et d’audiences publiques doit rendre compte des mesures
préventives prévues dans l’étude d’impacts à l’égard des fuites
possibles d’hydrocarbures et des inconvénients qui seront causés
par les travaux de dynamitage. Le rapport doit évaluer la capacité
de ces mesures à rendre nuls les impacts résiduels. C’est que tout
impact d’un projet relatif à l’alimentation en eau potable doit être
considéré comme majeur.

44
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Certains promoteurs donnent une garantie de débit aux


propriétaires de puits. Ils s’engagent à corriger tout problème d’ali-
mentation en eau qui aurait été causé par le projet. Cette garantie
donnée par le promoteur est de nature curative. L’objectif n’est pas
de protéger prioritairement les réserves d’eau souterraine, mais
seulement de fournir le même débit aux propriétaires de puits. La
préoccupation ne porte pas sur les causes qui pourraient être à
l’origine de modifications de débit d’une source d’alimentation en
eau potable. Une approche préventive viserait plutôt à éviter toute
modification dans la configuration et le rendement des puits. Elle
serait préférable. Elle serait supérieure à celle qui consiste à corri-
ger le problème une fois qu’il est constaté. Fondée sur l’exigence
d’une connaissance fine du milieu, une telle approche serait davan-
tage conforme aux impératifs de protection de l’environnement et
aux exigences du développement durable.

Les réserves d’eau sont fragiles, et l’approvisionnement en eau


suscite des inquiétudes légitimes chez les riverains d’un projet.
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques doit aborder cette
question en profondeur et formuler des recommandations claires
et précises pour la protection de l’approvisionnement en eau. Au
besoin, la commission d’enquête doit pouvoir compter sur l’ex-
pertise d’un hydrogéologue pour étudier les caractéristiques spéci­
fiques d’une formation aquifère en fonction des activités projetées.
Les zones de captage de l’eau doivent être considérées comme des
zones sensibles qu’il faut absolument protéger. Le rapport peut défi-
nir des périmètres de protection accordés au caractère sensible de
ces zones. Dans certains cas, le principe de prévention commande
de déplacer un projet si les solutions proposées n’offrent pas toutes
les garanties de sécurité nécessaires.

Un projet peut produire des impacts sur le patrimoine bâti et


les sites archéologiques. Des sites historiques ou archéologiques
et des bâtiments ayant une valeur patrimoniale sont en cause.
L’inventaire des bâtiments classés « biens culturels » est essentiel.
Les bâtiments susceptibles d’être classés et les autres éléments à
caractère historique doivent également être identifiés. Le même
exercice doit être fait pour les sites archéologiques classés et

45
Guide de rédaction stratégique

ceux susceptibles de l’être. Le rapport d’enquête et d’audiences


publiques rend compte du caractère rigoureux et complet de ces
inventaires, lesquels relèvent de l’étude d’impacts. Il pointe, au
besoin, les modifications à apporter à la localisation du projet pour
contourner des bâtiments historiques ou des sites archéologiques.
Si nécessaire, le rapport recommande des fouilles complémen­
taires, aux fins de dégager des vestiges et de les inventorier.

L’étude d’impacts doit contenir une analyse complète de l’en­


semble du paysage. Les techniques d’examen du paysage compren-
nent la détermination des unités de paysage, l’analyse de leurs
caractéristiques, leur classification, l’énoncé des principes de choix
d’emplacement d’un projet ponctuel ou du tracé d’un projet linéaire
et la typologie des mesures d’intégration et d’atténuation. Le rapport
doit apprécier cette analyse et statuer sur l’emplacement ou le
tracé de moindre impact. Il doit également commenter les mesures
projetées pour atténuer l’impact de percées visuelles, par exemple
au moyen d’écrans végétaux plantés près des routes ou des rési-
dences. Si nécessaire, le rapport peut recommander des simulations
susceptibles de circonscrire plus précisément l’empreinte visuelle
que laisserait le projet. Enfin, le rapport peut utilement proposer
des orientations pour planifier l’insertion harmonieuse du projet
ou du tracé dans le paysage et son traitement visuel.

Le rapport d’enquête et d’audiences publiques doit traiter des


retombées économiques du projet. Les impacts sur la création d’em-
plois, l’achat de biens et services et les retombées fiscales pour
les municipalités doivent être discutés. Les emplois temporaires
en période de construction doivent être distingués des emplois
permanents en période d’exploitation. Il est aussi utile d’examiner
les intentions de recours à la main-d’œuvre locale. Quand il s’agit
d’un projet de ligne de transport d’énergie, la possibilité d’implan-
ter des industries à forte consommation d’énergie fait normale-
ment partie de l’examen public que doit effectuer la commission
d’enquête et d’audiences publiques. La fiabilité accrue d’un réseau
de distribution d’énergie peut également être analysée à titre de
facteur économique positif pour l’économie locale et régionale.

46
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Un projet peut-il générer plusieurs impacts dans un même


lieu ? Oui. Il peut aussi ajouter ses propres impacts à ceux que
subit déjà l’endroit du fait d’équipements en place ou par suite
d’autres projets réalisés. On parle alors d’effets cumulatifs. Il s’agit
d’impacts qui se chevauchent ou d’impacts successifs frappant
un même espace géographique dans un temps donné. Ce sont
des effets que la réalisation d’un projet, combinée à l’existence
d’autres ouvrages ou à la réalisation d’autres projets ou activités,
est susceptible de causer à l’environnement. Pour le Conseil cana-
dien de la recherche sur l’évaluation environnementale, il y a effets
cumulatifs lorsque :
les incidences d’une activité sur l’environnement naturel et social se
produisent avec une telle fréquence dans le temps ou avec une telle densité
dans l’espace que les conséquences de chaque « avanie » ne sauraient être
assimilées ; les incidences de l’activité se combinent alors à celles d’une
autre d’une façon synergique10.

Comment apprécier les impacts cumulatifs ? L’étude d’impacts


doit adopter une grille d’analyse large, capable de couvrir la
synergie possible entre les effets environnementaux, les effets
sociaux, les effets culturels et les effets économiques. L’évaluation
des impacts cumulatifs doit aussi prendre en compte la fragilité
des milieux naturels concernés et des habitats fauniques, s’il y a
lieu. Elle doit intégrer la vulnérabilité des aquifères et des milieux
humides. Elle doit s’appuyer sur la vocation socioéconomique du
milieu humain. Par exemple, une région à vocation récréotouris-
tique présente davantage de contraintes au passage de lignes
de transport de l’énergie qu’une région à vocation industrielle.
L’examen des impacts cumulatifs demande une étude approfondie
et minutieuse. Plusieurs études d’impacts présentent des lacunes
de taille dans l’évaluation des impacts cumulatifs. Le rapport
d’enquête et d’audiences publiques a pour tâche d’indiquer ces
lacunes, de les détailler, de les expliquer et de mettre en lumière
les possibles déficits de connaissances pour une décision éclairée
sur le projet.

10. CONSEIL CANADIEN DE LA RECHERCHE SUR L’ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE.


Évaluation des effets cumulatifs : exposé sur la recherche, Hull, ministère des
Approvisionnements et Services Canada, 1988.

47
Guide de rédaction stratégique

Dans les projets à caractère linéaire (ligne électrique, oléo-


duc, gazoduc, route, voie ferrée), les impacts se font sentir à des
degrés divers sur toute la longueur de leur tracé. Cependant, des
parties du tracé méritent d’être désignées espaces-enjeux dans le
rapport d’enquête et d’audiences publiques. Il s’agit de tronçons
qui se démarquent par la controverse que le projet y soulève ou
par l’ampleur des enjeux que le projet y suscite. C’est pourquoi
une analyse particulière est nécessaire.

La délimitation d’un espace-enjeu peut reposer sur plusieurs


critères. Il peut s’agir de la présence d’une zone naturelle sensible,
comme une zone marécageuse, ou encore de terres en culture,
de vergers ou d’érablières en exploitation, d’habitats fauniques
ou végétaux de qualité, d’accidents géographiques, comme des
massifs montagneux et des lacs. Il peut s’agir aussi d’immeubles
ou d’équipements existants dont la cohabitation avec le projet
présenterait des risques sur le plan de la sécurité : usine, barrage,
voie ferrée, autoroute, école, hôpital, etc. Il peut s’agir également
de la présence de zones extrêmement sensibles, du point de vue
humain ou du point de vue du paysage. À l’égard de ces zones,
le projet pourrait présenter des impacts sur la qualité de vie et la
quiétude des résidants ou encore sur la valeur historique, patrimo-
niale, culturelle, architecturale ou archéologique des lieux.

Le rapport d’enquête et d’audiences publiques doit rechercher


pour ces espaces-enjeux l’approche la moins dommageable, soit
celle susceptible de réduire le plus possible le nombre de risques et
d’atténuer le mieux possible les impacts. Le rapport doit proposer
le tracé de moindre impact, même s’il peut s’avérer plus coûteux
ou plus difficile à mener à terme sur le plan technique. Il doit
décliner les précautions à prendre et fixer les conditions d’accep-
tation du projet.

Le rapport doit examiner les problèmes d’insertion du projet


dans un milieu et les conséquences de son passage dans l’es-
pace-enjeu. Par exemple, par son schéma d’aménagement, une
municipalité régionale de comté se donne un cadre homogène de
préservation et de mise en valeur des ressources de son territoire.
Elle met au point également une dynamique d’aménagement et

48
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

de développement qui rallie les municipalités autour d’objectifs


communs. Une vocation prédominante est dégagée et des actions
d’entraide et de concertation sont planifiées. Pour être harmo-
nieuse, l’intégration du projet doit être organisée avec douceur et
doigté. Le rapport doit statuer sur la forme et les conditions de
cette intégration, dans le respect absolu des caractéristiques du
milieu et des orientations d’aménagement et de développement
que ce milieu s’est donné.

À l’égard des espaces-enjeux, le rapport d’enquête et d’audiences


publiques doit documenter des approches nouvelles, des solutions de
rechange et des dispositifs innovateurs. Il doit inviter le promoteur
et le décideur à s’inspirer d’une vision élargie, à adopter une attitude
d’ouverture et à rechercher des solutions conciliant les intérêts de
l’ensemble des parties prenantes. C’est le contraire de l’approche
étroite dans laquelle le promoteur fixe ses propres paramètres et
tente par la suite, tant bien que mal, de contourner les requêtes et
les objections des riverains du projet.

Lorsque le sujet sous examen recèle une controverse parti-


culière, le rapport d’enquête et d’audiences publiques doit en
exposer les termes. Par exemple, un projet de barrage peut préten-
dre produire de l’énergie propre et renouvelable, mais à un prix
inacceptable : déplacement forcé de populations, dénaturation des
paysages, fragilisation accélérée d’écosystèmes, etc.

Dans cet exemple de barrage, l’exposé des termes de la contro-


verse doit situer le projet dans la perspective de la production
mondiale d’hydroélectricité. Quel est le taux d’exploitation des
sites potentiels ? Quelle est la philosophie de développement appli-
cable : « un cours d’eau, un barrage » ou bien « une rivière coupée
est une rivière morte » ? Comment le projet va-t-il transformer
l’équilibre entre la rivière ou le fleuve et ses rives : transformation
des écosystèmes existants, entrave au libre déplacement et à la
migration des poissons, immersion des berges en amont, etc. ?
Peut-on, dès la construction, limiter l’impact sur l’environnement :
maintien d’un débit minimum de la rivière, réincorporation de
limons fertiles dans l’eau rejetée en aval du barrage, aération de
l’eau turbinée, etc. ?

49
Guide de rédaction stratégique

L’exposé des termes de la controverse donnée ici en exemple


doit aussi présenter les arguments relatifs à l’impact négatif possi-
ble des barrages sur la santé publique. Une étude de l’Organisation
mondiale de la santé établit et documente l’augmentation de la
prévalence de la bilharziose, maladie parasitaire grave, dans les
villages proches des lacs de retenue des grands barrages. Les lacs
de retenue deviennent parfois un refuge de parasites et un lieu
d’accumulation du mercure organique. Risque extrêmement faible,
l’effondrement d’un barrage sous le poids de crues exceptionnelles
pourrait causer la mort de plusieurs milliers de personnes, dans
certains cas. En 1975, en Chine, la rupture accidentelle des bar­rages
Banqiao et Shimanqiao aurait, selon Human Rights Watch-Asia,
causé la mort de plus de 200 000 personnes. Même en l’absence
d’accident, la crainte permanente de la rupture peut causer aux
résidants en aval d’un barrage des dommages psychologiques
importants, quoique difficiles à mesurer. De tels préjudices psycho-
logiques sont de même nature que ceux causés aux personnes
habitant au-dessus d’un gazoduc, lesquelles vivent dans la crainte
permanente d’une explosion ou d’une fuite de gaz.

Les chapitres particuliers

L’analyse d’un projet peut nécessiter un ou des chapitres parti-


culiers, dans le rapport d’enquête et d’audiences publiques. Les
enjeux en cause, l’opportunité d’un projet, ses objectifs, ses fonc-
tions et ses éléments fondamentaux peuvent justifier des chapitres
spécifiques à un mandat ou à un dossier particulier.

Par exemple, un chapitre particulier pourrait avoir pour objet


la sécurité de l’alimentation électrique d’une région. Un tel thème
serait justifié si la sécurité de l’alimentation électrique constitue
l’élément clé de la raison d’être du projet. Un tel chapitre particulier
pourrait rappeler les faits à l’appui du besoin d’assurer l’alimenta-
tion électrique de la région, discuter de la véracité et du bien-fondé
de ces faits, puis les mettre en relation avec la démonstration faite
par le promoteur de la pertinence de son projet sur les plans éner-
gétique, économique, environnemental, social et culturel.

50
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Autre exemple, un chapitre particulier pourrait traiter de la


qualité de vie et de la qualité du milieu, si ces thèmes constituent
des enjeux stratégiques du projet. Ce chapitre particulier pourrait
décrire en profondeur le milieu et le cadre de vie, afin que le lecteur
soit en mesure d’apprécier les changements qu’entraînerait le projet.
Il pourrait mettre en perspective les écarts entre le milieu et le cadre
de vie actuels, d’une part, et le milieu et le cadre de vie tels qu’ils
seraient transformés par le projet, d’autre part. Cette analyse permet-
trait d’identifier, de définir et de mettre au point des conditions de
réalisation, des composantes à conserver intactes, des précautions à
prendre au moment de la construction, des mesures de compensation
de la perte de qualité de vie ou encore des mesures d’indemnisation
des préjudices esthétiques subis par le milieu et les résidants.

Autre exemple, dans un rapport portant sur un projet de lieu


d’enfouissement sanitaire (décharge de déchets), un chapitre
particulier pourrait traiter de la conception du projet et de l’amé-
nagement du site. L’objectif d’un tel chapitre est d’examiner les
propositions du promoteur pour rendre son projet conforme au
cadre normatif qui s’applique. Compte tenu des caractéristiques
hydrogéologiques des lieux, quel est l’effet prévisible sur l’eau
souterraine et sur l’alimentation en eau à partir des puits domes­
tiques ? Quelles sont les possibilités de contamination ? Quelle est la
performance du système de traitement du lixiviat ? Comment sont
captés et traités les biogaz ? Les zones tampons assurent-elles la
sécurité recherchée ? Quelle est l’efficacité des mesures de contrôle,
de surveillance et de suivi prévues ?

Un rapport sur un programme de dragage pourrait compor-


ter un chapitre particulier sur le choix du mode de gestion des
sédiments dragués. Une fois les sédiments prélevés, comment en
disposer ? Ce chapitre particulier pourrait utilement examiner les
modes de gestion des sédiments possibles et analyser le proces-
sus décisionnel. Quels critères s’appliquent ? Le cadre décisionnel
présidant au choix du mode de gestion des sédiments comporte-t-il
des carences ? Serait-il pertinent de revoir la politique actuelle de
gestion des sédiments dragués ? Si la disposition des sédiments en

51
Guide de rédaction stratégique

milieu aquatique a été retenue, les coûts inhérents à ce mode de


gestion doivent être examinés. Les répercussions sur l’écosystème
du plan d’eau récepteur doivent être évaluées. S’agit-il d’un milieu
naturel d’une grande richesse ? Ce milieu contribue-t-il au dévelop-
pement économique de la collectivité ? Quelles sont les solutions
de rechange envisageables ?

Un rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet de


gazoduc pourrait inclure des chapitres particuliers correspondant
à des enjeux spécifiques aux infrastructures évaluées. Le tracé du
gazoduc est un thème qui devrait faire l’objet d’un chapitre particu-
lier, car il constitue l’une des principales sources de préoccupations
et d’inquiétudes des riverains d’un projet de gazoduc. Les impacts
de la construction du gazoduc, l’empreinte qu’il laissera dans le
paysage, la sécurité des personnes et les inconvénients permanents
qu’elles auront à supporter sont étroitement tributaires du tracé
que le gazoduc empruntera. C’est pourquoi le tracé mérite d’être
traité dans un chapitre distinct de celui de l’analyse des impacts
environnementaux.

Comme un gazoduc sert au transport d’un gaz inflammable


sous pression, le thème de la sécurité et des mesures d’urgence
justifie aussi un chapitre particulier dans un rapport d’enquête et
d’audiences publiques portant sur un projet de gazoduc. Ce chapi-
tre particulier peut utilement analyser l’étude de risques et le plan
de mesures d’urgence du promoteur et les évaluer en référence
avec des critères normatifs reconnus. Il doit étudier les notions
relatives aux risques, analyser les risques du gazoduc projeté et
les mesures préventives proposées.

Lorsqu’un projet donne lieu à l’acquisition de droits de passage,


à des conventions de servitude, à des expropriations ou à des
indemnisations, un chapitre distinct peut être utilement consa-
cré à ces éléments. C’est l’occasion de discuter du règlement des
différends, d’analyser les pratiques d’indemnisation, d’apprécier
les indemnités offertes en compensation des préjudices causés
et d’évaluer, si nécessaire, les dommages non pécuniaires et les
dommages indirects.

52
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Certains rapports consacrent un chapitre particulier à la sur­­


veillance, au suivi et au contrôle du projet. C’est une pratique inté-
ressante dans la mesure où elle demande une analyse en profon-
deur des activités d’inspection du chantier, du rôle des inspecteurs,
de la forme des rapports d’inspection, du traitement des plaintes
du public, des activités de surveillance pendant l’exploitation et
de la participation des citoyens aux activités de surveillance et de
suivi. Pourraient y être discutées les conditions de la crédibilité
des comités de vigilance, ainsi que les caractéristiques de la perma-
nence de la surveillance et du suivi : composition des comités de
surveillance, mandat, financement, accès à l’information, etc.

La conclusion du rapport

La conclusion d’un rapport d’enquête et d’audiences publiques


contient l’essentiel de l’évaluation du projet qu’en effectue la
personne ou la commission chargée du dossier. Ses éléments
constituants doivent être structurés avec rigueur.

Après avoir rappelé le mandat et les principales composantes


du projet, l’auteur du rapport énonce la synthèse de sa position
sur la justification du projet. Si le rapport juge que le projet est
justifié, les principaux avantages en appui de cette justification
doivent être rappelés. Le lecteur doit pouvoir saisir avec clarté les
raisons du bien-fondé du projet. S’agit-il d’un projet qui répond à
des besoins précis et qui offre des avantages ? Est-il conforme à
une politique, à des orientations, à un plan d’ensemble ? Le projet
se réclame-t-il du développement durable ? Est-il conforme aux
principes du développement durable ? Quelles sont ses retombées
économiques et sociales ?

La conclusion rappelle l’essentiel de l’analyse des impacts du


projet à l’égard du milieu humain et du milieu naturel, princi-
palement en ce qui touche les zones sensibles et les ressources
précieuses (eau, milieux humides, etc.). Quels seront les impacts
permanents, c’est-à-dire les impacts résiduels qui perdureront
après l’application des mesures d’atténuation ? Comment sera alté-
rée la qualité de vie des gens qui résident à proximité du projet ?
S’il s’agit d’un projet linéaire, la conclusion démontrera que le

53
Guide de rédaction stratégique

tracé retenu est le meilleur, c’est-à-dire celui qui présente le moins


d’impacts. Dans le cas contraire, la conclusion démontrera que le
tracé choisi n’est pas à moindres impacts.

En fonction des enjeux particuliers du projet, la conclusion


rappelle les recommandations du rapport, par exemple, sur la sécu-
rité, sur les indemnités aux propriétaires fonciers, sur les mesures
de suivi et de surveillance. Si le rapport fixe des conditions pour
l’acceptation du projet, elles doivent être rappelées à la fin de la
conclusion.

Le texte de la conclusion du rapport d’enquête et d’audiences


publiques est souvent utilisé, avec adaptations, dans le communi-
qué de presse annonçant le dépôt du rapport, ou dans une déclara-
tion officielle (par exemple, du ministre), ou encore dans le mémoire
au conseil des ministres et le décret d’autorisation du projet.

Les figures, tableaux et annexes

Les figures sont importantes. Elles permettent au lecteur de visua-


liser le projet, une de ses composantes ou encore une option de
développement. Les cartes sont plus faciles à lire en couleurs. Pour
chaque carte doivent être fournies en référence l’échelle, la source
et l’orientation géographique.

Les tableaux sont utiles pour faire ressortir des aspects parti-
culiers du projet, tels le calendrier, l’estimation des coûts, des
statistiques relatives au projet, etc. Le titre d’un tableau doit être
choisi avec soin pour permettre au lecteur d’en saisir plus facile-
ment l’intention et la portée.

Certaines annexes peuvent être jointes au rapport. Toutefois,


elles doivent être limitées en nombre et en taille. La pertinence
directe et immédiate est le critère de sélection des renseignements
à annexer. Les renseignements relatifs au mandat du rapport sont
essentiels, notamment concernant l’objet du mandat, la période du
mandat, les requérants des audiences publiques, la commission ou
la personne chargée de l’examen du projet et son équipe, les lieux
et dates des réunions publiques, les autres activités de la commis-
sion ou de la personne chargée de l’examen du projet (rencontres
préparatoires, visites, etc.), le promoteur et ses représentants, les

54
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

personnes-ressources et l’organisme auquel elles sont rattachées, les


intervenants en séances publiques (élus, entreprises, organismes,
citoyens), la logistique et la sténotypie. Une annexe présentant la
chronologie du projet peut être utile. À l’égard de la documentation,
les rubriques indispensables sont : les centres de consultation, les
documents déposés avant les audiences publiques, les documents
déposés au cours des audiences publiques, les transcriptions sténo-
graphiques, les demandes d’information de la commission ou de
la personne chargée de l’examen du projet, la correspondance, les
communiqués de presse, la bibliographie, un lexique comprenant
les termes techniques, abréviations, signes et unités de mesure, et
enfin la liste des mémoires et de leurs auteurs.

Le rapport d’enquête et d’audiences publiques rend compte de


la consultation, en fait l’analyse et dégage des conclusions. Une
annexe qui décrit le déroulement de l’enquête et des audiences
publiques, sans être essentielle, présente un certain intérêt. Une
telle annexe peut contenir les étapes du travail de la commission
ou de la personne chargée de l’examen du projet, les lieux et dates
des rencontres, les références méthodologiques et techniques
auxquelles l’analyse a eu recours, les experts consultés, le plan
d’enquête et la grille d’analyse.

Outre le rapport lui-même, il peut arriver qu’une commission


ou un enquêteur publie des études sous forme de volumes ou
de monographies destinés à alimenter le débat. Les titres de tels
documents doivent être donnés en annexe du rapport.

Pour alléger le rapport imprimé, certains auteurs rendent les


annexes accessibles uniquement dans un site Internet, lequel
contient aussi l’intégralité des transcriptions des séances publi-
ques, ainsi que des documents et des mémoires déposés.

Les facteurs critiques de succès


Comment s’assurer de la qualité du rapport d’enquête et d’au­diences
publiques ? Quels sont les facteurs critiques de succès, c’est-à-dire
les indicateurs de sa qualité ? J’en propose quatre : le plan d’enquête
détaillé, la hauteur de vues dans la présentation des enjeux et de la
problématique, la rigueur de l’analyse et la lisibilité.

55
Guide de rédaction stratégique

Le plan d’enquête

Comme disent les Américains dans les écoles de management, « if


you don’t plan, you plan to fail ». Un bon plan d’enquête est garant
de la qualité du rapport. Il permet de s’assurer, d’entrée de jeu, du
caractère exhaustif et méthodique de l’examen d’un projet.
Le plan d’enquête oriente le plan du rapport. Il permet à une
commission d’enquête et d’audiences publiques ou à un enquêteur
de déterminer à l’avance la longueur approximative du rapport, le
niveau de langage approprié, la stratégie décisionnelle et les cri­tères
de décision, en fonction du mandat et de la clientèle cible. La
confection du plan d’enquête mène un auteur à choisir un parcours
d’analyse qui procède du général au particulier, s’appuyant sur la
description de la situation actuelle et sur un certain nombre de
grands constats. La mise au point du plan d’enquête le conduit
également à dégager de façon itérative des diagnostics et à définir
sa position, par couches cumulatives. Cet exercice incite habituel-
lement l’auteur du rapport à préciser les méthodes d’analyse qu’il
entend utiliser : inductive, déductive, empirique, noétique, etc. Il
est utile de fixer les normes d’édition du rapport dès le début du
processus d’enquête.

Le plan d’enquête est confectionné suivant l’architecture


des chapitres du rapport : justification du projet, évaluation des
impacts, surveillance et suivi, et ainsi de suite. Pour chaque chapi-
tre, des thèmes et des sous-thèmes sont développés. À l’égard de
la justification d’un projet de gazoduc, par exemple, les thèmes
suivants pourraient être retenus : justification énergétique, justi-
fication socioéconomique, justification environnementale, carac-
téristiques techniques, emprise et traversée de cours d’eau. Pour
la justification socioéconomique, les sous-thèmes suivants pour-
raient, par exemple, être utilisés :

56
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Justification économique

Investissements requis

Répartition des activités

Valeur et distribution des sous-contrats par région

Valeur des investissements totaux

Liens avec d’autres projets

Subventions
Développement industriel lié à l’amélioration du réseau de gaz

Projets

Volume de gaz requis

Création d’emplois

Provenance des travailleurs spécialisés

Nombre et types d’emplois créés dans les régions

Retombées locales

Taxes municipales générées

Distribution des sous-contrats

Retombées indirectes

Compensations

Cadre réglementaire

Modalités d’application

Le plan d’enquête détaillé amène les auteurs du rapport à suivre


une démarche logique évolutive qui peut être schématisée de la
façon suivante :

57
Guide de rédaction stratégique

Démarche d’enquête

Justification du projet :
– Énergétique
– Socioéconomique
– Environnementale

Non
Oui

Tracé de moindre impact

Examen des infrastructures du projet

Méthodologie d’évaluation des impacts

Détermination des corridors de moindre impact

Détermination du tracé de moindre impact (variantes/nœuds)

Examen d’éléments liés aux


impacts résiduels potentiels :
– Mesures d’urgence
– Suivi

58
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Une autre approche du plan d’enquête consiste à le développer


par enjeux et thèmes. Chaque enjeu est ventilé en thèmes. Des
questions à débattre peuvent être préparées pour chaque thème.

Exemple de plan d’enquête par enjeux et thèmes


pour un projet routier

Enjeux Thèmes
Agriculture Morcellement des terres
Accessibilité
Pertes en superficie exploitable
Problèmes humains, sociaux et économiques
Archéologie Archéologie
et patrimoine Valeurs patrimoniales
Design de Tracé
l’autoroute Mesures d’atténuation
Qualité des informations disponibles
Intégration aux aménagements périphériques
Impact des accidents naturels
Localisation des infrastructures
Solutions de rechange au tracé actuel
Effet déstructu- Commerces
rant de la route Évolution démographique
Modification des usages
Équilibre centre-périphérie
Environnement Débit des cours d’eau
Écoulement des eaux
Étalement urbain
Faune
Flore
Puits d’eau potable
Humain Accessibilité aux résidences
Chômage
Expropriations
Qualité de vie
Volonté populaire

59
Guide de rédaction stratégique

Enjeux Thèmes
Lien régional Aménagements déjà réalisés
rapide Besoins en déplacements
Densité de la circulation
Développement durable
Perspectives régionales
MRC et MRC « A »
municipalités MPC « B »
Ville « C »
Ville « D »
Paysage Aménagements projetés
Caractère rural et patrimonial
Suivi environnemental
Santé Circulation automobile lourde
et sécurité Piétons
Pollution et transport de matières dangereuses
Tracé sécuritaire
Socio­ Valeur des propriétés
économique Justification des investissements
Impacts sur les commerces
Équilibre commercial entre les villes
Positionnement commercial des entreprises
de la région
Sonore Augmentation prévisible
Mesures d’atténuation
Niveau sonore final
Touristique et Accessibilité des sites
récréatif Projets touristiques à venir

La présentation des enjeux et de la problématique


Le rapport d’enquête et d’audiences publiques rend compte de
la consultation. Il reflète la mise en œuvre concrète des actions
d’écoute et de concertation. Il situe la nature et les objectifs du
débat public tenu en amont ou du processus de consultation.
L’enjeu peut se définir en termes de gain et de perte dans une
situation donnée, ce qu’un acteur mise ou risque, ou encore ce
qu’il vise à travers le jeu complexe des interactions. Des enjeux

60
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

bien définis sont garants de débats de qualité. Le rapport doit en


rendre compte avec rigueur, clarté et transparence.
Quels sont les enjeux d’un projet sur le plan économique, sur
le plan culturel, sur le plan social, sur le plan environnemental ?
Comment les qualifier et les hiérarchiser ? Comment évaluer et
apprécier les sensibilités ?
La formulation juste des enjeux est un art. Elle requiert une
connaissance complète du projet, la perception adéquate de son
contexte et de sa raison d’être et une vision stratégique de son inser-
tion dans un milieu humain et naturel. Elle fait ressortir les paradoxes,
les oppositions et les tensions. Elle situe le projet dans un ensemble
urbanistique plus large et dans la perspective de la prétention de son
efficacité à atteindre les objectifs poursuivis par sa réalisation.
La problématique présente une synthèse cohérente du ques-
tionnement. Elle pose les problèmes de manière ordonnée, dans
un ensemble structuré. Elle explique les liens entre les diverses
questions abordées dans le rapport. Elle donne le sens et la pers-
pective du projet, du débat à son sujet et du rapport d’enquête et
d’audiences publiques.
Les enjeux et la problématique sont décrits dans des textes
courts et denses. Ils permettent au lecteur de se rendre compte que
les auteurs du rapport ont compris l’essentiel des questions qui ont
fait l’objet de l’enquête et des audiences publiques. Ils expriment,
avec hauteur de vues et esprit critique, le litige, les contradictions
ou les incohérences. Ils fournissent la visée stratégique nécessaire
au positionnement logique des problèmes, des impacts et des solu-
tions possibles. Ils permettent d’apprécier la nature, la portée, les
avantages et les inconvénients des différentes options envisagées.
Ils permettent d’encadrer les composantes locales ou sectorielles
d’un projet. Ils éclairent les termes du dialogue engagé par les
acteurs concernés par le projet. Ils donnent de la consistance et
de la crédibilité aux finalités et aux argumentaires.

La rigueur de l’analyse
La rigueur de l’analyse est non seulement un facteur critique de
succès, mais aussi une condition de crédibilité d’un rapport d’en-
quête et d’audiences publiques sur un projet. Le propos doit être

61
Guide de rédaction stratégique

juste. La justesse, l’exactitude et la précision sont les principaux


facteurs de la rigueur d’une analyse. Dans une démarche logique
serrée, la démonstration est implacable. La déduction se dégage
naturellement et spontanément des faits rapportés et de leur mise
en perspective avec les principes et objectifs proposés.

La rigueur s’appuie sur un raisonnement méthodique qui


examine chaque composante de la situation actuelle et de la situa-
tion projetée à la lumière de ses avantages et de ses inconvénients,
de ses coûts et de ses effets. Elle exige de veiller à l’objectivité et à
la clarté des arguments techniques utilisés dans le raisonnement.
Elle évite le langage pseudo-scientifique. Elle s’emploie impérati-
vement à justifier la pertinence d’une option de préférence à une
autre ou à d’autres.

La rigueur de l’analyse repose sur l’exactitude des termes


utilisés dans le rapport. La pondération des effets, communément
appelés impacts, fait appel à des distinctions de nature et de
portée, d’où l’importance de bien maîtriser quelques définitions
relatives aux effets. Ces définitions précises permettent d’apprécier
les dimensions d’un projet et de rendre compte avec justesse de
leur évaluation. Elles instrumentalisent la description de l’approche
d’évaluation et la délimitation des compensations possibles.

Quelques définitions relatives aux effets sont utiles pour effec-


tuer les distinctions que la rigueur de l’analyse impose. Elles sont
tirées de : Guide méthodologique. Les études d’environnement dans
les projets routiers (ministère de l’Équipement, des Transports et
du Logement, France, janvier 1998).

Effet direct : effet inhérent au projet sans aucun intermé-


diaire.

Effet indirect : effet qui résulte d’une relation de cause à effet


ayant pour origine un effet direct ou une mesure
de protection.

Effet induit : un effet induit résulte d’une action d’aména-


gement rendue possible ou opportune par la
réalisation du projet.

62
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

Effet irréversible : effet direct ou indirect rendu définitif par la


réalisation du projet.

Effet cumulatif : on parle d’effet cumulatif quand il résulte du


cumul d’effets élémentaires souvent limités,
et ce, qu’il y ait ou non effet de synergie (voir
la définition du Conseil canadien de la recher-
che sur l’évaluation environnementale, dans la
section « Impacts du projet »).

Effet de synergie : effet global supérieur à la somme des effets des


causes élémentaires.

Effet temporaire : un effet est temporaire s’il disparaît soit immé-


diatement après arrêt de la cause, soit progres-
sivement avec le temps.

Effet réductible : un effet est réductible si l’on connaît des mesures


efficaces pour le limiter ou le supprimer.

Effet pervers : effet indirect indésirable généralement opposé


à l’objectif initial du projet et qui a échappé à la
prévision.

Pour être rigoureuse, l’analyse doit être systémique. Quand il


s’agit d’un projet à portée environnementale, on parle de l’approche
écosystémique. Elle consiste à accorder la même importance aux
questions environnementales, économiques et sociales. Il s’agit
de la gestion intégrée des systèmes écologiques et des activités
humaines en vue de préserver ou d’améliorer la santé et l’intégrité
d’un écosystème.

Dans sa quête de rigueur, l’analyse recherche des principes


pour développer son raisonnement. La force de persuasion du
raisonnement est proportionnelle à la hauteur des principes sur
lesquels il s’appuie.

Le principe de précaution peut s’appliquer à des projets de


développement. L’absence de certitude quant à l’innocuité d’un
projet n’affranchit pas son auteur de l’obligation d’éviter le risque
de polluer. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles,
l’absence de certitude scientifique ne constitue pas un prétexte

63
Guide de rédaction stratégique

acceptable pour différer l’adoption de mesures de prévention de la


dégradation de l’environnement. Le recours à l’analyse de risques et
la systématisation des mesures de sécurité sont parfois indiqués.

Le principe de l’utilisateur-payeur ou du pollueur-payeur est


également d’application universelle dans un projet. Le pollueur
doit assumer la totalité des coûts réels qu’il occasionne à la société.
L’intérêt public et l’équité dans l’exploitation des ressources natu-
relles sont en cause. L’utilisateur des ressources naturelles exploite
le capital de l’environnement : il doit en payer le juste prix. Du
coup, l’internalisation des coûts sociaux et environnementaux
dans le prix des produits et des services favorise la fixation d’un
prix juste pour l’usager-consommateur et pour le promoteur d’un
projet. Le prix comprend des mesures d’atténuation des effets,
des mesures de compensation et une assurance de responsabilité
environnementale.

La lisibilité

La lisibilité est le quatrième facteur critique de succès du rapport


d’enquête et d’audiences publiques sur un projet. (Le chapitre 2
donne des orientations pour améliorer la lisibilité.)

Il faut d’abord établir un indice de lisibilité appropriée. Dans le


système Gunning, pour rejoindre le grand public, les experts esti-
ment qu’il faut viser un indice d’environ 10, lequel correspond au
début du niveau d’enseignement secondaire. Les textes qui visent
des diplômés universitaires ont un indice de 16 et plus.

Habituellement, il faut abaisser l’indice de lisibilité de façon


significative pour augmenter le niveau de compréhension. Pour
atteindre l’indice de lisibilité visé, il est utile d’adopter des prin­
cipes d’écriture. Cela permet d’établir le niveau de langage recher-
ché et de rendre le vocabulaire conforme aux capacités de compré-
hension du lecteur à qui le texte est destiné. Un lexique des termes
techniques complète bien ces outils de simplification du texte.

Des indicateurs de qualité spécifiques peuvent être définis pour


mesurer jusqu’à quel point l’indice de lisibilité visé a été atteint
et l’augmentation du niveau de compréhension. Le recours à des

64
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur un projet

questionnaires ou à des groupes de discussion (focus groups) avec


les lecteurs est requis pour définir les indicateurs de qualité, fixer
la mesure et établir la pondération.

Mais, ultimement, il appartient aux auteurs de « sentir leur


texte », d’apprécier l’acuité de l’examen des grands enjeux et d’éva-
luer l’intelligence de la discussion.

65
4. Le rapport d’enquête
et d’audiences publiques
sur une politique,
un programme ou un plan

Les caractéristiques

U ne politique, un programme ou un plan fait-il l’objet d’un


mandat d’enquête et d’audiences publiques, une commission
d’enquête ou un examinateur est alors désigné et chargé de procé-
der à l’évaluation de la politique, du programme ou du plan. Ce
processus est parfois appelé « évaluation stratégique » ou « évalua-
tion environnementale stratégique ». L’intention est d’intégrer aux
plus hauts échelons du processus décisionnel les préoccupations
environnementales, sociales, culturelles et économiques.

Les traités de droit administratif définissent la notion de poli-


tique. La politique fait partie des actes pararéglementaires, selon
Patrice Garant (Droit administratif, p. 350). Elle n’a qu’une valeur
incitative ou interprétative. Une politique est un texte qui n’a pas
force de loi, et son auteur conserve la faculté de ne pas l’appliquer
à un cas particulier, suivant les circonstances. Ce n’est pas une règle
de droit, car l’absence de toute habitation législative empêche la
politique d’avoir force de loi. C’est un acte administratif unilatéral
à portée générale. La politique fournit des orientations en vue
d’atteindre des objectifs. C’est une ligne de conduite générale ou
une proposition d’orientation d’ensemble qu’un gouvernement ou
une entreprise adopte ou veut adopter et qui guide la prise de
décisions. Voici des exemples de politiques : politique nationale
de l’eau, politique de gestion des matières résiduelles, politique
sociale, politique d’investissements.
Guide de rédaction stratégique

La notion de programme renvoie à un regroupement d’activi-


tés qui concourent à la réalisation d’un objectif ou d’un résultat
distinct. Un programme dure plusieurs années et se traduit en
termes opérationnels. Il est confié à une personne ou à un orga-
nisme qui peut être tenu responsable des résultats. Le programme
fait l’objet de décisions. Des ressources lui sont allouées. Voici
des exemples de programmes : programme décennal de dragage,
programme d’accueil des nouveaux employés, programme d’aide
financière aux victimes d’accidents.

Un plan est une stratégie projetée dans l’avenir, souvent assor-


tie de priorités, d’options et de mesures. Comme le programme,
le plan contribue à étayer la politique et à la mettre en œuvre.
Voici des exemples de plans : plan de transport de la Communauté
urbaine de Montréal, plan d’action québécois sur les changements
climatiques, plan de réduction de la taille du siège social de l’en-
treprise.

En général, un rapport d’enquête et d’audiences publiques sur


une politique, un programme ou un plan peut être considéré de
bonne qualité lorsqu’il fournit aux décideurs une description claire :
de la proposition sous examen et du contexte d’ensemble qui lui est
propre ; des conséquences environnementales, sociales, économi-
ques et culturelles des diverses options proposées et des solutions
de rechange possibles ; des difficultés observées pendant l’enquête
et les audiences publiques ; du coefficient de fiabilité des résultats
de l’évaluation conduite par l’enquête ; des recommandations sur
le bien-fondé de la proposition, sur les conditions d’approbation
et de mise en œuvre ; des dispositions utiles pour la surveillance,
le suivi et le bilan postimplantation de la décision.

Selon l’Étude internationale sur l’efficacité de l’évaluation envi-


ronnementale (Barry Sadler, juin 1996, p. 204), les règles de l’art, en
matière d’évaluation environnementale stratégique, commandent
une démarche en sept étapes :

1. Effectuer un examen préalable pour déclencher le processus


d’évaluation ;

68
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

2. Déterminer le champ de l’évaluation pour définir les principaux


problèmes et les principales solutions de rechange, préciser les
objectifs et établir le mandat pour l’exercice de l’enquête ;

3. Élaborer et comparer les solutions de rechange ; inclure des


options de non-action pour clarifier les implications et les
compromis ;

4. Effectuer une analyse des impacts à l’égard des problèmes et des


solutions de rechange dans le but de déterminer des mesures
d’atténuation et des mesures de suivi ;

5. Documenter les constats ; si nécessaire, formuler des avis ou


recommandations quant aux modalités et conditions de mise
en œuvre ;

6. Vérifier la qualité du rapport pour s’assurer qu’il est clair et


complet, et que l’information qu’il contient est suffisante et
pertinente pour la prise de décision ;

7. Établir les dispositifs de suivi nécessaires pour surveiller les


mesures d’atténuation des impacts, vérifier la mise en œuvre
de la politique, du programme ou du plan et déceler toute
disposition utile à considérer dans une évaluation future.

En somme, le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur


une politique, un programme ou un plan répond aux mêmes impé-
ratifs et présente les mêmes caractéristiques que le rapport d’éva-
luation stratégique. C’est un rapport qui rend compte d’un débat
en amont des décisions. Il est orienté vers l’efficacité. Il explique
le pourquoi et le comment des solutions préconisées. Il se situe au
terme d’un exercice de consultation et de concertation qui a permis
à l’auteur de la politique, du programme ou du plan, aux acteurs
intéressés et aux citoyens d’étayer leurs positions. Il décrit souvent
un compromis entre des vues et des thèses distinctes, voire parfois
opposées. Il exprime un arbitrage soit entre l’intérêt général et des
intérêts privés, soit entre des intérêts publics différents. Il rapporte
les enjeux débattus au cours d’une procédure d’information, de
consultation, de concertation et de participation, laquelle procé-
dure a pour objectif de rendre plus légitime la décision sur une
politique, un programme ou un plan.

69
Guide de rédaction stratégique

Les chapitres
Les questions stratégiques

D’entrée de jeu, le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur


une politique, un programme ou un plan a avantage à aborder les
grandes questions stratégiques. Il s’agit des inquiétudes de l’heure,
des sujets qui ont été à l’origine du mandat d’enquête publique,
des principaux thèmes soulevés lors du débat public.

Par exemple, le rapport de la Commission sur la gestion de l’eau


au Québec aborde d’abord trois grandes questions :

– Le Québec doit-il exporter massivement son eau douce ?

– Doit-on accroître l’exploitation de l’eau souterraine ?

– Les services d’eau doivent-ils être privatisés ?

Ainsi, la commission examine la situation actuelle et les


ten­dances, statistiques à l’appui. Elle définit la réserve d’eau
souterraine exploitable de façon durable. Elle discute des avanta-
ges et des inconvénients de l’exploitation de l’eau souterraine, sur
les plans économique, écologique, social et culturel. Elle examine
notamment les avantages commerciaux, agricoles et piscicoles. Elle
présente un portrait des différentes controverses soulevées par
l’exploitation de l’eau souterraine. Elle discute de l’accroissement
de la demande, du développement de la connaissance, de la poli­
tique souhaitable pour l’eau souterraine, des permis d’exploitation,
de l’eau embouteillée et de l’opportunité d’interdire l’exportation
d’eau en vrac. Enfin, la commission présente sa position dans une
conclusion brève mais complète :
L’ample débat et l’extraordinaire dramatique sociale soulevés par les projets
d’exportation de l’eau embouteillée auront permis de mieux comprendre
l’importance et la fragilité de l’eau souterraine et d’identifier plusieurs
conflits d’usages. Le potentiel exceptionnel du Québec à cet égard ne peut
devenir un avantage que si la connaissance est développée rapidement et
que si le gouvernement met résolument en place sa politique de protec-
tion et de conservation des eaux souterraines. Toutefois, pour éviter les
erreurs et permettre de prendre des décisions éclairées au terme de débats
transparents, il convient de soumettre tous les projets de captage de 75 m3

70
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

par jour et plus à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur


l’environnement. C’est, à notre avis, la voie prudente pour permette une
meilleure exploitation de la ressource sans en menacer la durabilité.

La problématique générale et les enjeux

La problématique générale circonscrit la dimension du dossier


sous examen. En quelques pages, le rapport dresse une perspec-
tive historique de la proposition sous étude et en fait l’étiologie.
L’auteur peut avoir recours, pour décrire la problématique, au mode
paradoxal ou antinomique. Cette méthode fait ressortir les points
forts d’une proposition et aide à mettre en valeur ses éléments
essentiels.

Par exemple, la problématique générale du rapport de la


Commission sur la gestion de l’eau au Québec se termine de la
façon suivante :

Ainsi, la problématique de l’eau s’inscrit dans un faisceau


d’intérêts, de préoccupations et de tensions jamais résolus. La
politique de l’eau est à la fois une question écologique, une ques-
tion politique, une question économique, une question juridique,
une question sociale, une question technique, une question cultu-
relle. L’ampleur des problèmes soulevés déborde constamment les
moyens mis en œuvre, fatalement limités, pour résoudre le conflit.
Mme Hélène Pedneault l’évoque bien :
La bataille de l’eau […] dépasse largement l’objet de son combat. Elle
est une bataille pour la préservation d’une richesse collective, pour la
préservation de l’environnement, mais elle est aussi une bataille pour
la préservation de la citoyenneté.

On perçoit ici la distance entre 1978 et maintenant. En l978, le


gouvernement a créé le programme d’assainissement des eaux (PAEQ),
sans débat public préliminaire, sans consultation ni étude d’impacts.
Le Québec connaissait un retard notoire dans le domaine de l’épura-
tion. Le PAEQ représentait un investissement colossal mais de grands
travaux publics jouent souvent un rôle stratégique dans le soutien de
l’économie. Les municipalités, pour leur part, peu convaincues, ont
acquiescé au programme puisque le Québec en assumait jusqu’à 90 %
des coûts. Il a fallu attendre 1984 pour que la Communauté urbaine

71
Guide de rédaction stratégique

de Montréal commence à épurer ses eaux, 1995 pour qu’elle complète


son réseau. Il a fallu attendre 1998 pour que Ville de Laval épure ses
eaux. Le PAEQ n’a pas été porté par une opinion publique vigilante
et militante. Aujourd’hui, au contraire, le débat sur l’eau devient une
question nationale. Cela montre combien, en vingt ans, au-delà des
courants de pensée, la conscience a évolué.

Autre exemple, dans un document de réflexion, la Commission


d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise présente
une synthèse sous forme de problématique intitulée Regard sur
l’avenir :
Les forêts québécoises sont une richesse commune et appréciée pour
chacune des valeurs qu’elles représentent. Elles sont un ensemble diversi-
fié d’écosystèmes qui produisent d’importantes ressources renouvelables,
sources de qualité de vie pour les gens, particulièrement les Premières
Nations pour lesquelles les forêts sont le terroir de leurs cultures. Elles
jouent un rôle primordial au point de vue social, environnemental et écono-
mique, tant pour les régions que pour l’ensemble de la société québécoise.
Elles sont un vaste milieu naturel à la base d’activités récréotouristiques,
de villégiature et de plein air. À l’échelle des paysages, elles forment une
mosaïque complexe, interreliée et influencée par les perturbations natu-
relles, en constante évolution. Elles sont au cœur des cycles de l’eau et du
carbone. Elles sont riches de vie faunique et floristique. De la diversité et
de la qualité de ces écosystèmes forestiers dépendent directement leur
capacité de fournir l’ensemble des bienfaits auxquels les Québécoises et
Québécois sont en droit de s’attendre.

L’enjeu peut se définir en termes de gain ou de perte dans une


situation donnée, ce qu’un acteur mise ou risque, ou encore ce qu’il
vise à travers le jeu complexe des interactions.

La Commission sur la gestion de l’eau au Québec a proposé


dans son rapport cinq enjeux :

– l’enjeu de l’alimentation en eau potable,

– l’enjeu de la protection des milieux aquatiques,

– l’enjeu de la qualité,

– l’enjeu économique,

– l’enjeu démocratique.

72
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

Pour la Commission sur la gestion des matières résiduelles au


Québec, le contexte, les forces et faiblesses des systèmes de prise
en charge ainsi que les responsabilités et les attentes des différents
acteurs dictent et circonscrivent quatre enjeux :

– la protection de l’environnement et de la santé des personnes,

– la participation des citoyens,

– le respect de la capacité de payer des Québécois,

– la maîtrise d’œuvre municipale au sein d’une région autonome.

La Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique


québécoise a dégagé cinq enjeux :

• l’enjeu des connaissances sur l’état des forêts,

• l’enjeu de la gestion intégrée des ressources, adaptée aux


besoins régionaux et locaux,

• l’enjeu de la gestion des ressources ligneuses,

• l’enjeu de la protection de l’environnement et de la conser-


vation de la diversité biologique,

• l’enjeu de la valorisation du travail en forêt.

La Commission de consultation sur l’amélioration de la mobi-


lité entre Montréal et la Rive-Sud (Commission Nicolet, 2001-2002)
a rendu public un rapport d’étape pour mieux cerner les enjeux,
faciliter les discussions à venir et améliorer la richesse des échanges.
Ce rapport d’étape dégage des enseignements et des constats dans
la perspective que soient prises en compte toutes les dimensions de
l’évaluation : environnementale, économique, urbanistique et budgé-
taire. Le rapport d’étape contribue à relancer le débat, animé de
préoccupations toujours légitimes mais souvent contradictoires.

Un tel rapport d’étape est un outil précieux qui permet de rendre


compte de toute la complexité d’un dossier. Par exemple, il est l’occa­
sion de décrire certains enjeux : qualité de vie, enjeu économique,
enjeu environnemental, aménagement du territoire. Le rapport
d’étape fait le point sur les travaux en cours. Il rend compte des
séances publiques déjà tenues (rencontres thématiques, audiences

73
Guide de rédaction stratégique

publiques) et annonce celles qui sont à venir. C’est l’occasion, pour


l’instance d’examen public, de faire part de ses interrogations sur
le dossier, de présenter le scénario tendanciel sur lequel elle appuie
ses analyses et de préciser les questions qui nécessitent une docu-
mentation additionnelle.

La Commission de consultation sur l’amélioration de la mobi-


lité entre Montréal et la Rive-Sud a profité du rapport d’étape pour
livrer sa philosophie relative au débat public qu’elle était chargée
d’animer. Elle a constaté que les citoyens avaient une grande soif
de participation, qu’ils recherchaient l’occasion d’exprimer leurs
points de vue sur la façon d’orienter l’aménagement et le déve-
loppement. Ce besoin de dialogue a imposé à la commission de
privilégier l’écoute et la concertation.

Le rapport d’étape de cette commission explore l’élargissement


possible du cercle de ceux et celles qui participeront à la décision.
Il souligne avec raison que la gouvernance ne relève pas seulement
de l’État et des collectivités locales, mais d’une pluralité d’acteurs
aux compétences et aux statuts divers. Ces acteurs doivent être
associés de façon systématique à la décision. En associant ainsi des
groupes de citoyens à la décision, on favorise un certain appren-
tissage collectif. Le fait d’élargir ainsi le cercle de la discussion et
de privilégier l’écoute et la concertation permet de sortir le débat
des intérêts particuliers et de mieux définir l’intérêt collectif et les
priorités qui en découlent.

La commission s’est dotée d’un site Web, qui constitue une


vitrine ouverte sur le débat qu’elle est chargée de conduire. Cette
vox populi rend la commission facilement accessible à tous les
citoyens qui désirent lui communiquer leurs questions et obser-
vations, lesquelles contribuent directement et immédiatement au
débat en cours.

Afin de compléter et de préciser les informations reçues de


la population par Internet, la commission a organisé des séances
de discussion avec des groupes cibles, représentatifs de citoyens
directement concernés par la question de la mobilité entre Montréal
et la Rive-Sud. Ces séances de discussion ont été complétées par
des enquêtes d’opinion sur les préférences et sensibilités des

74
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

citoyens face aux thèmes du débat. Les résultats ont été rendus
publics. La commission a convoqué des rencontres privées avec
des spécialistes afin de disposer d’un large éventail d’opinions et
d’analyses.

Un groupe-conseil composé de huit membres, personnalités et


spécialistes était chargé d’appuyer la commission dans sa réflexion
et dans l’articulation des problématiques touchées par son mandat.
Ce groupe de sages commentait l’organisation et le déroulement
du débat.

La commission a commandé une série d’études à des experts


reconnus. Les rapports de ces études ont été rendus publics. La
commission s’est appuyée sur un secrétariat composé de spécia-
listes de disciplines diverses. Ce secrétariat a traité et analysé
l’ensemble des informations collectées. Il a approfondi certains
aspects des problématiques abordées et exploré les données les
plus récentes, au pays et à l’étranger.

La rédaction du rapport a été précédée de discussions sur les


cinq thèmes du débat :

1. Quelle est l’ampleur des problèmes de mobilité entre Montréal


et la Rive-Sud ?

2. Sur quelle vision d’avenir peut-on s’appuyer pour comprendre


les besoins futurs de mobilité ?

3. Quels sont les endroits problématiques ?

4. Quelles sont les solutions possibles et les solutions souhai­


tables ?

5. Quels sont les coûts de ces solutions ?

La commission a rejoint le citoyen soucieux de préserver ou


d’améliorer sa qualité de vie. Celui-ci était en effet susceptible de
sentir son milieu de vie menacé par le flot quotidien des dépla-
cements interrives ou par l’éventuel ajout de nouvelles infrastruc­
tures. Outre le citoyen, la « clientèle » de la commission était compo-
sée des transporteurs, des exploitants de services de transport
collectif, des municipalités (élus et fonctionnaires), des grands
acteurs socioéconomiques de l’agglomération métropolitaine, des

75
Guide de rédaction stratégique

urbanistes, des groupes de protection de l’environnement et des


communautés autochtones. Un document de consultation présen-
tait les règles de participation au débat et fournissait des synthèses
utiles à la préparation des interventions dans le cadre du débat.
Ce document traitait :

– De la présentation de scénarios de croissance démogra­


phique ;

– De la description des problèmes de mobilité et des besoins


prévisibles ;

– De la présentation des défis d’intervention et de leurs inci­dences


sur l’environnement et sur l’aménagement du territoire ;

– De l’aperçu des divers types de solution (transport en commun,


transport routier, gestion de la demande) ;

– Des coûts des projets.

Les principes et les objectifs

Une politique se fonde sur une série de principes. Ils en constituent


la base, l’essentiel de l’orientation stratégique, la vision d’ensem-
ble. Ils garantissent la cohérence entre les objectifs et les priorités
d’action de la politique. Ils évitent la superposition anarchique de
visions trop sectorielles, non intégrées, voire contradictoires. Les
principes forment un cadre de référence nécessaire à la compré-
hension de la nature et de la portée de la politique. Ils guident
son interprétation et son application à des situations particulières :
concurrences et conflits, partage de ressources, contrôle de la
qualité, etc. Ils éclairent les décisions et donnent du souffle à la
gestion de la politique.

Mutatis mutandis, cette doctrine s’applique au programme et,


dans une moindre mesure, au plan.

La Commission sur la gestion de l’eau au Québec fonde, par


exemple, les propositions stratégiques de son rapport sur six
principes :

76
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

– l’eau, patrimoine commun de l’humanité,

– la gestion durable,

– la concertation des acteurs,

– la gestion équilibrée des milieux naturels et des usages,

– la prudence,

– le partage équitable du coût de l’eau entre les usagers et les


pollueurs.

La Commission sur la fiscalité et le financement des services


publics (commission D’Amours, 1996) retient quatre principes :

– prélever les ressources nécessaires au financement des services


publics,

– favoriser le développement économique et la création d’emplois,

– améliorer l’équité et la répartition de la richesse,

– accroître la transparence du gouvernement en matière de finan-


cement des services publics.
La Commission sur la gestion des matières résiduelles au
Québec discute dans son rapport des principes proposés dans
la politique de gestion intégrée des résidus. Elle les énonce, en
explique la portée, relate les principales opinions exprimées à leur
sujet lors des séances publiques, énonce d’autres principes propo-
sés par les participants au débat public et expose sa position. La
commission rappelle que l’utilité des principes directeurs réside
dans l’éclairage qu’ils fournissent pour l’évaluation du bien-fondé
et de la pertinence des politiques, des actions et des initiatives.
Les principes éclairent les décisions et permettent, par exemple, de
privilégier des actions plus rentables du point de vue économique
ou plus acceptables sur le plan social. Les principes sont plus utiles
quand ils sont ordonnancés par ordre de priorité.
Ainsi, afin d’assurer une gestion durable et responsable des
matières résiduelles au Québec, la commission propose que les
six principes suivants en constituent, dans l’ordre, les fondements
et les garanties :

77
Guide de rédaction stratégique

1. Les modes de vie axés sur la durabilité soutiennent l’usage


avisé des ressources ;
2. Fondé sur l’approche des 3RV (réduction, réemploi, recyclage,
valorisation), le principe de prévention élimine ou diminue
les dommages à l’environnement et à la santé, en réduisant la
quantité de résidus voués à l’élimination ;
3. Les producteurs sont responsables de leurs produits et les
consommateurs, de leur disposition ;
4. L’équité garantit l’acceptabilité publique d’un plan de gestion
des matières résiduelles ou d’un projet d’équipement ;
5. La municipalité est maître d’œuvre de la gestion des matières
résiduelles ; la MRC (municipalité régionale de comté) ou la
communauté urbaine est responsable de la planification ;
6. L’efficacité économique, environnementale et sociale commande
des modes de gestion des résidus conformes aux besoins de la
population.
La notion d’objectif est sujette à bien des controverses. Un objec­
tif est un résultat à atteindre dans le temps et d’une manière qui
peut être mesurée. Un rapport d’enquête et d’audiences publiques
sur une politique, un programme ou un plan doit évaluer les objec-
tifs de la proposition stratégique à l’étude. Il doit se prononcer sur
leur conformité avec les principes et avec les besoins, attentes et
exigences de la population ciblée. Il doit apprécier les métriques qui
leur sont associées pour en mesurer la réalisation et les objectifs
chronologiques ou dates cibles qui leur sont reliés.

Un rapport peut proposer un certain nombre d’objectifs pour


une politique, un programme ou un plan. Il peut aussi ne pas
proposer d’objectifs mais se limiter à critiquer ceux soumis par le
document de consultation rendu public.

Les propositions d’actions

Un rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,


un programme ou un plan soumet des propositions d’action au
mandant de l’enquête publique. Ce sont des balises et des pistes
pour la formulation normative.

78
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

Par exemple, la Commission d’étude sur la gestion de la forêt


publique québécoise propose, dans son rapport (décembre 2004),
cinq virages visant à bâtir des forêts pour l’avenir :
– Gérer la forêt comme un tout, de manière écosystémique ;
– Allouer la matière ligneuse en fonction de la qualité des tiges
et de l’accessibilité des peuplements disponibles ;
– Produire le bois de la bonne façon, au bon endroit et au bon
moment ;
– Préparer l’inévitable consolidation de l’industrie de la transfor-
mation de la matière ligneuse ;
– Décentraliser la gestion forestière dans la transparence, l’infor-
mation et la participation.
De son côté, la Commission sur la gestion de l’eau au Québec
a proposé au gouvernement :
– D’instaurer un véritable droit québécois de l’eau ;
– De créer de nouvelles structures administratives souples ;
– De mettre en place la gestion intégrée à l’échelle du bassin
versant ;
– De regrouper et de développer les connaissances sur l’eau ;
– De revoir de fond en comble la stratégie d’assainissement agri-
cole ;
– De mettre en place une politique de protection et de conserva-
tion des eaux souterraines ;
– De poursuivre l’assainissement industriel et l’assainissement
urbain ;
– De mettre en place un programme de pérennité des infrastruc-
tures ;
– D’intervenir en priorité sur le bassin du fleuve Saint-Laurent ;
– D’assurer le financement de la gestion de l’eau et des milieux
aquatiques ;
– D’informer, de sensibiliser et d’éduquer.

79
Guide de rédaction stratégique

Les responsabilités des acteurs


Une nouvelle orientation normative modifie-t-elle le rôle des
acteurs concernés ? Si elle ne bouleverse pas complètement le rôle
des acteurs à l’œuvre dans un secteur donné, une politique peut en
modifier substantiellement les composantes et les caractéristiques.
Dans une moindre mesure, des changements de rôle seront induits
par un programme ou par un plan.
Il arrive souvent qu’une politique, un programme ou un plan
vise à contrer la dispersion des efforts et à favoriser la gestion
intégrée d’un domaine de l’activité publique. Du coup, la politi-
que, le programme ou le plan fera émerger de nouveaux acteurs
institutionnels ou encore déplacera des personnels et définira de
nouvelles missions.
Le rapport essaie de donner l’image la plus claire possible du
rôle et des responsabilités des acteurs appelés à intervenir dans le
champ d’action public sous examen. Il décrit la situation actuelle
et énonce l’évolution souhaitée. Le porteur de la politique, du
programme ou du plan (ministère, ministre, gouvernement, entre-
prise) fait l’objet d’une description plus détaillée, et ses responsa-
bilités sont solidement documentées.
Le rapport de la Commission sur la gestion de l’eau a défini les
responsabilités des acteurs suivants : la municipalité, la municipa-
lité régionale de comté ou la communauté urbaine, le comité de
bassin, la région, le ministère de l’Environnement, le ministère des
Affaires municipales et de la Métropole, le ministère de la Santé et
des Services sociaux, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et
de l’Alimentation, le ministère des Ressources naturelles, la Société
de la faune et des parcs, la Commission municipale, le gouvernement
fédéral, les institutions internationales, l’entreprise privée et le milieu
associatif. Le rapport a proposé de nouveaux acteurs : un ministre
d’État aux ressources en eau et aux milieux aquatiques ; Bassin versant
Québec, pour lequel ont été précisés la mission, l’organisation et le
financement ; le Conseil de l’eau et des milieux aquatiques.
Dans plusieurs domaines de la conduite des affaires publiques
et privées, les lois, règlements, normes et directives sont nom­breux
et complexes. Plusieurs acteurs ont des décisions à prendre.

80
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

La lourdeur et la fragmentation du cadre administratif ne favori-


sent pas la gestion intégrée, qui est une orientation souvent visée
par une politique ou un programme. Ce contexte est peu accordé
à l’approche globale de la gestion recherchée dans les domaines
de la santé, des transports, de l’aménagement du territoire, de la
gestion de l’eau, du commerce international, des relations inter-
gouvernementales, etc. Il est plutôt caractéristique d’une démar-
che sectorielle et fragmentée de résolution de problèmes. Or, la
gestion moderne des affaires, tant publiques que privées, pour être
adéquate et conforme à l’intérêt général, doit s’appuyer sur des
méthodes et des solutions globales et intégrées.
Une gestion morcelée se caractérise habituellement par la déres-
ponsabilisation de certains acteurs. Elle ne permet pas de régler les
conflits d’usages. Le passage d’une gestion balkanisée à une gestion
intégrée se justifie par la prise en compte de systèmes dynamiques
et cohérents plutôt que d’éléments indépendants et distincts.
Dans certains pays, une déclaration des répercussions environ-
nementales est intégrée dans les mémoires présentés au gouver-
nement sur des projets de politique, de programme ou de plan.
Le rapport peut en formuler la recommandation. Il s’agit alors
d’intégrer l’évaluation environnementale dans les propositions
présentées au gouvernement pour décision.
Aux Pays-Bas, la rubrique environnementale, ou paragraphe
environnemental, désignée Test-E, doit être incluse dans toute
proposition d’orientation gouvernementale présentée au Conseil
des ministres. Il existe pour les ministères un guide en huit
questions. Il porte sur les conséquences d’une proposition sur
l’environnement et le développement durable, ainsi que sur les
moyens prévus pour que la proposition minimise les répercussions
environnementales.

Les outils

Le rapport peut utilement proposer des outils de soutien ou de


mise en œuvre de la politique, du programme ou du plan.

S’agissant d’une grande politique, comme la politique de l’eau,


des outils juridiques et réglementaires sont nécessaires.

81
Guide de rédaction stratégique

L’objectif recherché doit être clair. Par exemple, le régime juri-


dique peut viser à favoriser des approches de gestion intégrées,
assurer la cohérence des actions, assister la participation démo-
cratique et garantir la transparence de l’action publique. Il peut
encourager la concertation, la responsabilisation et la capacité de
formuler des solutions par anticipation.

Pour définir des outils juridiques, il faudra peut-être rappeler


le partage des champs de compétence prévus dans la Loi consti-
tutionnelle de 1867, particulièrement lorsqu’une politique touche
les ressources naturelles ou le territoire. Si le rapport propose une
loi-cadre, ses principales dispositions doivent être présentées, de
même que ses liens avec les lois et règlements actuels. Au besoin
pourront être indiquées des précautions d’harmonisation ou de vigi-
lance à l’égard de la législation et de la réglementation fédérales.

Des instruments économiques peuvent être proposés aux admi-


nistrateurs de la politique, du programme ou du plan. Par exem-
ple, les redevances ou taxes affectées font partie de la catégorie
générale des « écotaxes ». Ce sont des taxes qui visent à couvrir
les dommages causés à l’environnement et à compenser les coûts
engendrés par la gestion de la politique, du programme ou du plan,
tout en incitant les producteurs et les consommateurs à modifier
leurs pratiques. La tarification permet de rendre plus visible le coût
des services et de le faire financer plus directement par ceux qui
bénéficient des services.

On peut aussi, dans un rapport sur un projet de politique, de


programme ou de plan, proposer des outils de gestion : un schéma
directeur, un plan de gestion, un tableau de bord, un réseau de
vigie, etc. Par exemple, les instruments de planification servent de
cadre de référence aux décisions. De tels instruments nécessitent
des ressources humaines et financières pour fonctionner de façon
efficace et colliger des informations pertinentes. Ces instruments
sont précieux car ils permettent de définir une certaine hiérarchie
des interventions en fonction des impacts sur le milieu, du coût
des interventions et de la faisabilité technique. Le rapport décrira
utilement les modalités d’élaboration de chaque instrument,

82
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

identifiera les acteurs concernés par lui et établira l’étendue de la


consultation qui devra en précéder l’adoption officielle.

Le tableau de bord permet de mesurer les performances et de


mette en lumière les écarts entre les résultats et les objectifs fixés.
Il permet d’évaluer les progrès accomplis et, si nécessaire, de révi-
ser des objectifs ou de réaffecter des ressources. Les indicateurs
du tableau de bord aident à surveiller les signaux parfois faibles
de l’environnement sociopolitique et, de cette façon, à éviter des
catastrophes par une approche préventive. C’est un outil de pilo-
tage et d’aide à la décision.

Un réseau de vigie rend possible le partage de données, d’ex-


périences, de projets, d’expertises, de bilans et de tendances. Il
constitue un forum d’échange d’idées, de connaissances et de
réalisations. Il peut être composé de chercheurs, d’experts des
secteurs privé et public, de professionnels, de gestionnaires et de
représentants du milieu associatif. Il s’intéresse à toutes les dimen-
sions d’une question : stratégique, technologique, économique,
juridique, institutionnelle, culturelle, sociale et politique.

Par exemple, pour le calcul de la possibilité ligneuse, la


Commission sur la gestion de la forêt publique québécoise propose
dans son rapport (décembre 2004) des outils de simulation de
croissance, comme le calcul par « taux de passage ».

Le module de croissance « par taux de passage », qui est basé sur


une méthode matricielle, s’applique aux peuplements sous aména-
gement inéquienne, comme ceux qui composent les forêts feuillues
du sud du Québec. Les paramètres utilisés dans ce module sont
l’essence, la région où elle pousse (zone d’accroissement), le diamè-
tre, la qualité des tiges (classe de qualité pour le bois d’œuvre), le
type de couvert, la densité du peuplement et les perturbations.

Les principales étapes sont les suivantes :

– La simulation débute en faisant appel à une table de peuple-


ment. Il s’agit d’un tableau qui indique le nombre d’arbres par
hectare, par essence et par classe de 2 cm de diamètre à hauteur
de poitrine (DHP).

83
Guide de rédaction stratégique

– À chaque période de 5 ans, on crée une nouvelle table de


peuplement en prenant en considération :

• les taux de passage, c’est-à-dire la proportion de tiges de


chaque essence qui vont survivre et croître suffisamment
pour passer à la classe de DHP suivante ou même augmen-
ter de deux classes ;

• Le recrutement, c’est-à-dire le passage de la classe des


gaules (DHP≤ 9 cm) à celle des arbres marchands (DHP >
9 cm), pour chaque essence.

– Les volumes marchands, par essence et par classe de DHP, sont


ensuite déterminés, pour chaque période de 5 ans, en multi-
pliant par les tarifs de cubage appropriés le nombre de tiges
par hectare, par essence et par classe de DHP.

– Le volume marchand total du peuplement est alors calculé en


faisant la somme de tous les volumes marchands de chacune des
essences, pour chacune des classes de diamètre. Les volumes
marchands par essence et par produit (sciage, déroulage ou pâte
selon le DHP) peuvent aussi être déterminés. Ces calculs sont
répétés pour le nombre de périodes précisé par l’utilisateur du
modèle.

Il est important de rappeler que le module par taux de passage


n’est utilisé que pour les forêts sous aménagement inéquienne.
Il ne convient donc aucunement pour la simulation de peuplements
assujettis à des coupes par trouées ou par parquets, lesquelles
s’inscrivent davantage dans une stratégie d’aménagement équienne.
Le système adopte alors une technique de simulation « par courbes
de croissance ».

Les besoins et les attentes

Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique, un


programme ou un plan doit rendre compte de la consultation ou
du débat tenus par une commission ou un enquêteur. Les besoins,
les attentes, les intérêts, les exigences et les préoccupations de la
population sont fidèlement rapportés. On distingue les éléments
propres à chacune des régions, pour chacun des thèmes abordés

84
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

lors de la consultation. On dresse un portrait sommaire et synthé-


tique pour l’ensemble du pays ou de l’aire de mise en œuvre de la
politique, du programme ou du plan et pour chacune des régions.
Des annexes plus détaillées peuvent être jointes au rapport. Des
cartes, figures et tableaux assistent utilement le lecteur dans l’étude
des caractéristiques du portrait général, des principales préoccu-
pations, des solutions proposées par les milieux et des priorités
nationales et régionales. Un chapitre distinct est parfois consacré
aux besoins et attentes des Premières Nations.

Les thèmes abordés

Pour rendre compte de la consultation de façon adéquate, une présen­


tation documentée des thèmes abordés par l’enquête est nécessaire.
Cette méthode thématique permet un repérage plus rapide du
domaine de connaissance qui intéresse particulièrement le lecteur.

Un grand soin doit être apporté à la désignation des thèmes.


Cet exercice est d’ailleurs fondamental à une commission ou un
enquêteur pour établir un plan d’enquête. Chaque thème décrit
l’enjeu principal en cause, les efforts faits, la situation actuelle, les
solutions possibles avec leurs avantages et leurs inconvénients,
les aspects sociaux, les aspects économiques, les connaissances et
compétences particulières, les conflits, les besoins normatifs, etc.

Les considérations sur le mandat

Le rapport peut contenir un certain nombre de constats et de


diagnostics sur le mandat instruit par une commission d’enquête
ou un enquêteur. Il peut dégager les forces et les faiblesses
de l’exercice. Ainsi, le rapport peut examiner le mandat et son
contexte, de même que la composition de la commission d’en-
quête, ses méthodes de travail, les ressources mises à sa dispo-
sition, la gestion documentaire, les relations avec la population,
et les communications. La procédure suivie était-elle adaptée au
mandat ? Le calendrier de travail a-t-il été adéquat au regard des
objectifs et de la capacité de production des équipes ? Le budget
était-il conforme aux besoins ? La commission disposait-elle d’un
budget de recherche afin de mieux documenter certaines questions

85
Guide de rédaction stratégique

et ainsi enrichir le débat et l’animer ? D’autres formes de travail


pourraient-elles être explorées : conférences, ateliers, sessions
de travail, forum sur Internet, débats télévisés ? Quelle part faire
à l’animation d’un débat par rapport à sa fonction d’arbitrage,
laquelle est normalement le propre d’une enquête ?

Ces considérations sur le mandat sont destinées au mandant


pour des désignations futures. Elles sont également susceptibles
d’éclairer d’autres exercices d’examen de politiques, de programmes
ou de plans.

La conclusion

La conclusion d’un rapport d’enquête et d’audiences publiques sur


une politique, un programme ou un plan doit être un chef-d’œuvre
de concision. Elle rappelle d’abord les grands enjeux du débat et les
principaux thèmes des observations, opinions et souhaits formu-
lés devant une commission d’enquête ou un enquêteur. Elle met
en relief les principes généraux et les objectifs de la politique, du
programme ou du plan, de même que les actions proposées et les
responsabilités des acteurs concernés par l’instruction normative.

La conclusion évite de formuler un cocktail de solutions aussi


diverses que disparates et nombreuses. Elle établit un diagnostic
d’ensemble et propose un choix ciblé de recommandations à court
terme, c’est-à-dire au plus tard avant un an, à moyen terme, c’est-
à-dire sur une période de un à trois ans, et à long terme, c’est-à-
dire sur une période de trois à sept ans.

La conclusion peut utilement se réclamer d’orientations norma-


tives reconnues, comme Action 21. En effet, Action 21 constitue
un guide pour les gouvernements nationaux qui se sont engagés à
tenir compte de ses principes et objectifs dans la formulation des
plans, programmes et politiques. Ce plan d’action pour le déve-
loppement durable contient 48 chapitres. Il reflète un consensus
mondial et un engagement politique au niveau le plus élevé sur le
développement et l’environnement.

86
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

Enfin, la conclusion peut recommander un suivi de la mise en


œuvre du rapport et de la politique, du programme ou du plan qui en
sera issu. C’est que l’obligation de présenter des bilans force les admi-
nistrateurs d’une politique, d’un programme ou d’un plan à resserrer
leur gestion. Cet exercice donne aussi l’occasion à la population de
s’informer et de juger de la valeur des solutions mises en œuvre.
Dans la plupart des directives du Parlement européen et du Conseil
de l’Union européenne, l’obligation de dresser des bilans périodiques
est maintenant une exigence explicite pour toutes les politiques et
tous les programmes. Des données ou des faits nouveaux peuvent
survenir et changer rapidement le contexte des décisions à prendre.
C’est pourquoi un bilan quinquennal est essentiel.

Les annexes

Les annexes sont utiles. Une annexe peut présenter le mandat d’une
commission d’enquête, sa composition et son équipe, la composi-
tion et le mandat des commissions conjointes, la liste des experts
consultés, les lieux, dates et heures des séances publiques tenues.
Une autre annexe peut mentionner les personnes-ressources qui ont
contribué aux travaux de la commission et ainsi enrichi le débat.
Une autre encore peut présenter la liste des participants au débat,
leur titre, leur organisme et le numéro de leur mémoire. Enfin, une
annexe énumère les documents déposés, éclaire le lecteur sur le
système de codification de ces documents et fournit les références
utiles aux centres de consultation et au site Internet.

Les facteurs critiques de succès


Comment apprécier la qualité d’un rapport d’enquête et d’audiences
publiques sur une politique, un programme ou un plan ? Globalement,
le rapport sera de qualité dans la mesure où il sera conforme au
mandat donné à la commission d’enquête ou à l’enquêteur. Mais
existe-t-il des facteurs critiques de succès permettant de mesurer sa
qualité ? Quels sont les indicateurs d’évaluation de la conformité du
produit – le rapport – avec les attentes formulées à son égard ?

87
Guide de rédaction stratégique

Rendre compte du débat

Un premier facteur critique de succès réside dans la faculté du


rapport à rendre compte fidèlement et adéquatement du débat qui a
eu lieu. Les acteurs qui y ont participé doivent pouvoir s’y reconnaî-
tre. Les enjeux, les problèmes et les hypothèses de solution sont mis
en contexte et analysés avec la riche documentation induite par le
débat. Les rédacteurs du rapport ont recours aux ateliers, aux études
d’experts et aux mémoires. Des observations particulièrement perti-
nentes et bien ciselées sont citées en appui au texte du rapport.

Le lecteur recherche à juste titre une intégration systémati-


que des interactions des différents intérêts en jeu. Il demande la
synthèse. Certains en font même un droit dont ils se réclament ! La
synthèse prendra des formes différentes selon le niveau et la nature
des questions examinées. Mais l’objectif de la synthèse est toujours
de présenter de la façon la plus claire et la plus compréhensible
pour l’ensemble des lecteurs les éléments du choix stratégique
proposé par le rapport. La synthèse a pour rôle de rappeler les
grands enjeux et les contraintes, mais également d’analyser plus
finement les interactions entre les thèmes et les sujets qui ont été
approfondis dans les différents chapitres du rapport. Il s’agit de
projeter le lecteur dans le futur, à partir du tremplin que constitue
le compte rendu du débat.

Le rapport doit refléter le ton du débat. Celui-ci a-t-il été animé,


structuré, dynamique ? Les salles étaient-elles bondées de partici-
pants avides de poser des questions et de formuler des opinions ?
Les mémoires soumis étaient-ils riches sur le plan de la documenta-
tion des phénomènes à l’étude, sur le plan des constats, des diagnos-
tics, sur celui des perspectives stratégiques et tactiques ? Un large
consensus social s’est-il constitué autour du débat, à l’occasion du
débat ou grâce au débat ? Les choix de société proposés par le rapport
sont-ils accordés aux grandes tendances dégagées par le débat ?

Cette correspondance entre, d’une part, le fond de l’analyse,


le ton du débat et les grandes orientations stratégiques proposées
par le rapport, et, d’autre part, le nécessaire consensus qui a été
dégagé représente l’essentiel de la mesure de la qualité du rapport.

88
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

L’intégration et l’harmonisation sont au cœur de l’art de rédiger le


rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique, un
programme ou un plan.

Pour rendre compte du débat, que celui-ci concerne un projet,


une politique, un programme ou un plan, le rapport doit être limité
en longueur. Les auteurs doivent résister à la tentation de la proli-
fération incontrôlée de mots et de pages. Un rapport qui dépasse
150 pages perd souvent ses lecteurs.

« Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire » (Boileau, L’Art


poétique).

Analyser territorialement

Un facteur critique de succès du rapport consiste dans l’analyse à


portée territoriale que ses auteurs ont su faire. Le rapport ne s’est
pas contenté de considérations générales, mais s’est intéressé aux
dimensions locales, régionales et nationales des questions écono-
miques, sociales et culturelles qu’il a traitées.

La prise en considération des spécificités locales et régionales


amène à rechercher les points de vue des partenaires des milieux
concernés et à susciter leur participation au débat. La cohérence
d’une politique nationale s’appuie sur les besoins, les attentes et
les exigences des régions. Un programme national repose sur l’har-
monisation des actions gouvernementales sectorielles à tous les
paliers territoriaux. Un plan national s’articule autour de la concer-
tation au sein des milieux régionaux et s’appuie sur la dynamique
gouvernement-régions.

Le rapport consacrera un chapitre à chaque région pour faire


ressortir ses besoins, ses attentes, ses particularités et sa vision
du développement de son territoire. Des enjeux régionaux, à
partir de constats et de diagnostics locaux et régionaux, peuvent
avantageusement être dégagés, selon les questions étudiées : eau,
matières résiduelles, santé, langue, forêt, transports, etc. Certaines
commissions présentent même, en plus du rapport général de
l’enquête, un rapport distinct par région.

89
Guide de rédaction stratégique

Dans son analyse, le rapport doit montrer que la commission


d’enquête ou la personne chargée de l’enquête est sensible aux
réalités des régions et qu’elle comprend la dynamique du dévelop-
pement régional durable. Par l’association des intervenants locaux
et régionaux, la commission d’enquête ou l’enquêteur s’assure de
l’adaptation de la politique, du programme ou du plan aux réalités
locales et régionales. Un partage clair des responsabilités entre les
acteurs est proposé, pour les paliers local, régional et national. Si
des avenues de décentralisation ou de déconcentration sont propo-
sées, les responsabilités et les compétences doivent être précisées,
ainsi que l’instance visée et les moyens de financement envisagés.
Par exemple, le Rapport sur la gestion des matières résiduelles au
Québec propose que le gouvernement décentralise certains pouvoirs
et devoirs en faveur de la municipalité régionale de comté (MRC)
pour la confection, l’adoption et la mise en œuvre du plan de gestion
des matières résiduelles. Autre exemple, le Rapport sur la gestion
de l’eau au Québec propose la création de comités de bassin hydro-
graphique, véritables parlements de l’eau chargés de la gestion
partagée de l’eau et de l’élaboration du schéma directeur de l’eau.

Associer les Premières Nations

Au fil des siècles, les peuples autochtones ont acquis des connais-
sances sur la nature et adopté un mode de vie respectueux de
l’environnement. Leur univers social et spirituel les amène à perce-
voir les rapports entre les éléments de la nature et les hommes de
manière holistique et égalitaire. Leur savoir et leur sagesse doivent
impérativement être mis à contribution dans toute consultation sur
une politique, un programme ou un plan à caractère national.

Les nations autochtones considèrent qu’elles ont des droits


étendus et des pouvoirs en matière de gestion du territoire et
d’exploitation des ressources naturelles. Elles occupent et revendi-
quent la propriété de vastes territoires où les ressources naturelles
abondent. Elles veulent jouer un rôle significatif dans la gestion et
le développement de leurs terres ancestrales, et ainsi profiter des
retombées économiques et fiscales qui s’y rattachent.

90
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

Les nations autochtones sont des partenaires incontourna-


bles dans la mise en œuvre de toute politique, tout programme
et tout plan portant sur le territoire ou les ressources naturelles.
Le rapport d’enquête ne peut faire l’économie des connaissances
millénaires que possèdent ces peuples sur les écosystèmes.

La Commission sur la gestion de l’eau au Québec, malgré le fait


que le document de consultation n’abordait pas la question autoch-
tone, a sollicité la participation des peuples autochtones. Ainsi,
une séance publique thématique consacrée aux Premières Nations
s’est tenue dans la communauté montagnaise de Mashteuiatsch et
des séances publiques se sont déroulées dans trois communautés
cries (Oujé-Bougoumou, Chisasibi et Whapsmagoostui) et deux
communautés inuites (Kuujjuak et Kuujjuarapik). La commission
a aussi recueilli le point de vue des Autochtones lors de séances
publiques spéciales à Betsiamites et à Montréal.

Selon les Autochtones, les ressources naturelles sur leurs terres


ancestrales leur appartiennent, en vertu du titre aborigène qui leur
confère des droits territoriaux. C’est pourquoi toute politique publi-
que nationale au Québec, au regard des ressources naturelles, doit
comporter la consultation des Premières Nations. Celles-ci souhaitent
pouvoir autoriser les orientations stratégiques de tout projet de poli-
tique les concernant, poser des conditions ou s’y opposer.

Les nations autochtones du territoire québécois au nord du


49e parallèle sont régies par deux grandes conventions nordi-
ques qui encadrent la gestion du territoire et prévoient des
modes de consultation des populations cries et inuites. Il s’agit
de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois et de la
Convention du Nord-Est québécois.

Les approches et des méthodes particulières de consultation


doivent reconnaître et respecter la dynamique sociale et les parti-
cularités culturelles des Premières Nations. Celles-ci ne veulent pas
être considérées comme des acteurs parmi les autres, mais déte-
nir un statut particulier en vertu du droit inhérent à l’autonomie
gouvernementale que leur reconnaît la Constitution.

91
Guide de rédaction stratégique

Cibler l’économique et le juridique

Les politiques et les programmes proposent généralement des


instru­ments économiques pour couvrir des coûts de production de
services. Les notions de taxes, de tarifs, de redevances reviennent
souvent dans le rapport. Ces instruments portent habituellement
sur les coûts directs et indirects et ont pour objectif d’inciter les
utilisateurs d’un service à changer certains comportements. Ces
outils font référence à des connaissances spécialisées et à des condi-
tions de mise en œuvre hautement techniques. Une commission a
intérêt à recruter au moins un expert économique dès le début de
ses travaux. Ainsi, elle aura la latitude de lui confier la rédaction des
paragraphes du rapport traitant des instruments économiques, des
retombées économiques et de l’impact d’orientations stratégiques
sur la création d’emplois et le développement économique.

La dimension juridique d’un rapport d’enquête et d’audiences


publiques sur une politique, un programme ou un plan est parti-
culièrement délicate. Une modification du régime juridique exis-
tant est parfois nécessaire pour assurer des approches de gestion
garantissant la cohérence, la participation démocratique et la trans-
parence. Parfois aussi, un véritable droit doit être établi dans un
domaine donné, avec une loi-cadre et de nombreux et substantiels
amendements aux lois et règlements existants. Quand le régime
juridique existant, dans un domaine donné, est formé de règles
de diverses sources anciennes, la systématisation du droit devient
alors nécessaire. L’affirmation du droit du Québec dans l’occupation
de ses champs de compétence exige souvent des harmonisations
et de la vigilance à l’égard des lois et réglementations fédérales.

Des experts juridiques sont essentiels aux travaux d’une commis-


sion chargée d’examiner une politique, un programme ou un plan.
Ils doivent impérativement être présents d’entrée de jeu et assister
la commission dans l’appréciation de la dimension juridique des
observations et documents portés à sa connaissance, et dans la
formulation et la rédaction de propositions à caractère juridique.

92
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

Analyser en quatre temps

Chaque élément de la politique, du programme ou du plan est


analysé suivant un parcours quaternaire : la situation actuelle, la
proposition, les observations des parties prenantes et la position
de la commission d’enquête. Cette méthode d’analyse est garante
du succès du rapport.

La situation actuelle est décrite sur la base de la documen-


tation disponible au moment de la production du rapport. Le
texte répond aux questions : Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Comment ?
Pourquoi ? Combien ? Quels sont les objets de l’instruction norma-
tive, ses champs d’application ? Quels sont les acteurs concernés
et leurs responsabilités respectives ? Existe-t-il des composantes
locales, régionales ou nationales de la politique, du programme ou
du plan ? L’instruction normative aura-t-elle une portée triennale ?
Quinquennale ? Décennale ? Quelle est la date cible de son entrée
en vigueur ? Quels sont les problèmes actuels et leurs impacts
sociaux, économiques, environnementaux ? Quelles sont les causes
de ces problèmes ? Quels sont, à l’égard des problèmes recensés,
les coûts sociaux, économiques, environnementaux ?

La proposition de la politique, du programme ou du plan à


l’égard de l’élément sous analyse est exposée succinctement. Elle
vient fournir une réponse logique aux problèmes documentés
dans l’exposé de la situation actuelle. Elle comprend : les objectifs
poursuivis par l’instruction normative, les principes directeurs à
la base de la proposition, les objectifs de la réforme envisagée,
les moyens, les dates cibles, les coûts et la méthode de suivi.
Quand le débat est déclenché par un document de consultation, la
proposition de l’auteur du projet de politique, de programme ou
de plan y est normalement exposée en détail. Le rapport reprend
cette proposition, en citant correctement la source.

Puis le rapport présente les commentaires et préoccupations


des participants au débat au sujet de l’élément analysé. Ils peuvent
avantageusement être regroupés par thèmes, par sujets ou par
arguments. Il est intéressant de pouvoir évaluer quantitativement
une proposition. Par exemple, pour le lecteur, le fait de savoir que

93
Guide de rédaction stratégique

75 % des participants au débat sur l’amélioration de la mobilité


entre la rive nord et la rive sud de Montréal favorisent le transport
en commun plutôt qu’un pont ou un tunnel est un renseignement
intéressant. Sans donner à cette information valeur de référendum,
sa divulgation est néanmoins précieuse pour mesurer de grandes
options et leur poids relatif. Les commentaires et préoccupations
des participants au débat peuvent également être présentés par
régions et sous-régions. Cette approche fournit une couleur locale
aux observations. Elle peut renseigner sur l’à-propos d’une modu-
lation régionale de la politique, du programme ou du plan.

En quatrième lieu, après l’exposé de la situation actuelle, de la


proposition normative et des observations des parties prenantes,
l’auteur du rapport d’enquête livre sa position. Elle est formulée
sous forme d’argumentaire. La commission d’enquête ou l’enquê-
teur expose les solutions possibles avec, pour chacune d’elles, les
incidences sociales, économiques, environnementales, culturelles,
technologiques et politiques. Par un rappel des objectifs recher-
chés, la commission d’enquête ou l’enquêteur choisit une solution
souhaitable et établit ses prétentions d’efficacité causale, c’est-
à-dire les raisons pour lesquelles cette solution répondra totale-
ment ou partiellement aux besoins en corrigeant les problèmes
exposés antérieurement.

La position est présentée de façon déclaratoire, ferme et rigou-


reuse. Le texte laisse transparaître un leadership fort, fondé sur
l’analyse rigoureuse de la problématique et appuyé sur la notoriété
de la commission d’enquête ou de l’enquêteur.

Conclure en termes de perspectives décisionnelles

Par sa densité, sa minutie et sa hauteur de vues, la conclusion du


rapport contient toute l’orientation stratégique que donne une
commission d’enquête ou un enquêteur. La conclusion rend compte
de la complexité et de l’importance des enjeux. Elle témoigne de la
connaissance approfondie du domaine qu’a acquise la commission
d’enquête ou l’enquêteur. Elle propose les « certitudes stratégiques »
auxquelles est arrivée la commission ou la personne chargée de l’en-
quête, au terme du débat public et de l’analyse qui en a été faite.

94
Le rapport d’enquête et d’audiences publiques sur une politique,
un programme ou un plan

La conclusion donne l’étendue et la portée du chantier qui


attend les décideurs : projet de loi ou de règlement, réforme
majeure, système de financement, etc. Elle contient l’essentiel
des principes, des objectifs et des moyens de la politique, du
programme ou du plan.

La conclusion peut avantageusement se terminer par une belle


envolée lyrique ou philosophique. Par exemple, la conclusion du
rapport L’eau, ressource à protéger, à partager et à mette en valeur
de la Commission québécoise sur la gestion de l’eau se termine
par quatre paragraphes qui donnent de l’élan, du souffle, de l’âme
à la finale.
Comme il a été dit inlassablement lors des audiences, l’eau est un bien
essentiel à la vie, un bien non substituable. La priorité de la politique doit
d’abord porter sur la santé des systèmes aquatiques, condition première
de la santé humaine. Associé au droit à la vie, l’accès à l’eau au Québec
doit être considéré comme un droit. Accès aux cours d’eau et aux plans
d’eau dont les modalités sont à définir. Accès à une eau potable de qualité,
accès gratuit et universel pour les besoins inhérents à la vie humaine. Les
modalités de tarification ne doivent pas rendre inopérant ce droit essentiel
à l’eau pour toute personne vivant au Québec.
La vision commune, l’impulsion profonde et le fondement éthique de la
gestion de l’eau et des milieux aquatiques, c’est la recherche constante et
prioritaire de la qualité. C’est pourquoi le principe de précaution doit être
au cœur de décisions qui rejoignent ultimement l’enjeu de la biodiversité
et de la vie sur terre. Le chantier est considérable. Fondée sur le respect
de valeurs communes, la gestion par bassin versant est une force de paix,
de sécurité, de développement et d’harmonie dans son espace naturel
d’influence.
Dépositaire de 3 % des réserves d’eau douce de la planète, le Québec est
fiduciaire d’une partie de l’héritage commun de l’humanité. Il doit en
assumer la gérance d’une manière responsable. Nous espérons que notre
rapport y contribuera d’une manière fructueuse.
Comme le formulait à 89 ans l’écologiste Pierre Dansereau : « Si l’on ne fait
pas de projets optimistes, alors tout est foutu. Il faut des rêveurs et de
l’utopie pour préparer l’avenir ».

95
5. Le rapport d’enquête
et de médiation

Les caractéristiques

L a médiation a pour but de rechercher un règlement amiable d’un


différend par le biais de la négociation et de techniques dites
conciliatoires. Il s’agit d’une forme de mode alternatif de règlement
d’un litige. À titre de tiers impartial, le médiateur aide les parties
à conclure une entente écrite.

Le médiateur obtient d’abord de chaque partie un consentement


écrit pour procéder à la médiation. S’il s’agit d’un mandat de média-
tion portant sur un projet d’équipement ou d’aménagement, les
parties doivent convenir de la justification du projet et de sa possi-
ble réalisation. Autrement dit, avant de procéder à une médiation
sur des modalités de réalisation d’un projet, les parties doivent au
préalable s’entendre sur son bien-fondé. Si l’à-propos du projet est
remis en question par une partie, la médiation est inutile. Les parties
ne peuvent s’entendre sur des composantes du projet (localisation,
procédé, construction, impacts, etc.) si le tout est rejeté.

Pour dégager des compromis, le médiateur aide les parties à


identifier et à clarifier les enjeux qui sont en cause. Cette démar-
che demande du temps, de l’énergie et une certaine ouverture à la
recherche créative de solutions.

La médiation se fait dans un contexte de dialogue et de


re­cherche consensuelle de conditions permettant de satisfaire les
parties prenantes, favorisant ainsi des relations harmonieuses pour
l’avenir. L’entente doit satisfaire les besoins et les intérêts des deux
parties. Chacune devrait sortir gagnante de l’exercice.
Guide de rédaction stratégique

Le médiateur a le devoir moral de protéger les droits des tiers


non présents à la médiation. Il a aussi le devoir de ne pas laisser
les parties conclure une entente injuste ou déséquilibrée.

Les parties sont responsables du contenu. Elles ont le devoir


d’agir de façon responsable, avec réserve et ouverture d’esprit dans
la recherche de solutions. Elles doivent agir de façon transparente
et correcte, dans un climat serein et respectueux des personnes.

Le médiateur est maître de la procédure. Son rôle consiste à


créer un climat de confiance propice aux compromis. Au besoin, il
peut avoir recours à des personnes-ressources ou à des experts pour
répondre aux interrogations des parties. Il cherche avant tout à iden-
tifier les problématiques, à trouver le nœud des désaccords, à mettre
le doigt sur l’objet du conflit. Il recherche les causes et les faits, pour
mieux comprendre la position des parties. Il essaie ensuite, avec les
parties, de trouver des solutions et des terrains d’entente.

Une médiation se déroule en sept étapes :

1. Établir un climat de confiance ;

2. Rechercher les faits et identifier toutes les questions en litige ;

3. Élaborer des solutions de rechange pour régler ces questions ;

4. Évaluer les solutions de rechange et négocier avant de prendre


la décision ;

5. Clarifier les points d’entente et rédiger un projet d’entente ;

6. Vérifier la conformité juridique du projet d’entente et procéder


à la signature de l’entente ;

7. Mettre en œuvre l’entente, en assurer le suivi et en faire l’éva-


luation.

En somme, la médiation est une approche qui permet aux parties


qui le désirent d’harmoniser leurs objectifs, dans le respect des préoc-
cupations de chacun et dans la perspective de l’intérêt général.

Le rapport de médiation fait état des démarches et des condi-


tions de l’entente entre les parties, le cas échéant. S’il y a refus de
médiation, le rapport indique les motifs du refus ou les raisons qui

98
Le rapport d’enquête et de médiation

ont amené le médiateur à conclure à l’impossibilité de la média-


tion. S’il y a échec de la médiation, le rapport fournit les raisons
de l’échec et formule certaines recommandations sur les suites à
donner au dossier.

Le rapport confirme la conformité de l’entente avec la loi et les


règlements. Il est garant de l’acceptabilité sociale, environnemen-
tale et économique de l’entente.

Les chapitres
Le rapport d’enquête et de médiation contient une description
du litige, la présentation des objets de la médiation, l’exposé des
propositions et contre-propositions, l’analyse et les constatations
du médiateur, la présentation de l’entente et des lettres d’engage-
ment des parties.

La description du litige

S’il s’agit d’un litige portant sur un projet, ce dernier est décrit
comme si c’était un rapport d’enquête et d’audiences publiques
(voir le chapitre 3). Le rapport présente notamment le contexte et
l’historique du projet. Il décrit le milieu récepteur : le milieu physi-
que, le milieu biologique et le milieu humain. Il expose les impacts
évalués, avec les mesures d’atténuation possibles. Il explique le
dispositif de surveillance et de suivi.

Le litige est présenté dans des termes clairs et détaillés. Sur


quoi portent les objections ? Quelles en sont les raisons ? Le promo-
teur a-t-il tenté déjà d’apporter des réponses à ces objections ?
Quelle est la portée de ces objections ? Quelles personnes, quelles
entreprises, quelles associations sont en cause ? Quelles sont les
incidences probables ? S’agit-il de préjudices, de dommages ou
d’inconvénients permanents ? Une réparation et une compensation
sont-elles possibles ?

Chaque objection est exposée suivant la même typologie de


questionnement, en la désignant par son sujet : objection sur le
tracé, objection sur la localisation, objection sur le bruit, objection
sur la modification du paysage, objection sur les coûts, etc.

99
Guide de rédaction stratégique

Les parties sont invitées à établir un ordre du jour couvrant


les thèmes retenus pour la médiation. L’ordre est celui des priori-
tés, le thème le plus important étant placé en tête de liste. Dans
le rapport, l’objet de la mésentente est circonscrit pour chaque
thème de l’ordre du jour. Le défi de la rédaction consiste à repérer
le nœud du problème et à en faire la synthèse. L’enquête dégage les
points de convergence et de divergence. Elle estime les conséquen-
ces des différents thèmes sur les plans environnemental, social,
économique et technique.

En somme, le rapport décrit le litige en documentant chacun des


objets de mésentente, lesquels sont les objets de la médiation.

Les propositions et contre-propositions

La médiation comme telle consiste à rechercher la raison des


positions prises, et à analyser et négocier les propositions et
contre-propositions des parties. Ces dernières sont invitées par le
médiateur à définir leurs préoccupations et à essayer de trouver
des solutions. La recherche des intérêts réels des parties est axée
sur l’avenir. Le médiateur incite les parties à s’appuyer sur des
standards communs et des critères objectifs, en vue de conclure
une entente juste et équitable.

Le rapport présente in extenso chacune des propositions et


contre-propositions.

Voici un exemple tiré du Rapport d’enquête et de médiation


sur le Projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement sanitaire à
Saint-Côme-Linière (BAPE, février 1999),

Commissaire-médiateur : Camille Genest.

Proposition no 1 du Comité de citoyens de Saint-Côme-Linière

Lors de la cinquième rencontre entre le Comité de citoyens de


Saint-Côme-Linière et la Régie intermunicipale du comté de Beauce-
Sud, le Comité de citoyens a déposé une série de propositions
relatives au projet :

100
Le rapport d’enquête et de médiation

• Procéder à la réfection de la route Rodrigue préalablement à


tout agrandissement et partager avec la municipalité les frais
d’entretien d’une partie du rang Saint-Joseph ;

• Limiter le territoire de collecte aux municipalités membres et


aux autres municipalités de la MRC de Beauce-Sartigan ;

• Compenser les dommages subis par les résidants qui demeu-


rent aux environs du lieu d’enfouissement sanitaire, en rédui-
sant de 50 % la facture d’élimination des matières résiduelles à
la municipalité ;

• Améliorer la gestion des matières résiduelles sur le territoire de la


Régie en replaçant le centre de tri de Saint-Georges, en se confor-
mant, en matière de recyclage et de valorisation, aux objectifs
du ministère de l’Environnement, en envoyant les déchets dange-
reux à l’extérieur du site et en révisant à la baisse les quantités
annuelles prévues de matières résiduelles à éliminer ;

• Déplacer le bureau de la Régie ;

• Effectuer un suivi trimestriel des eaux souterraines ;

• Ne se débarrasser d’aucune matière résiduelle sur les zones


d’enfouissement qui ne possèdent pas d’imperméabilisation,
un an après l’autorisation de l’agrandissement ;

• Se conformer, pendant l’exploitation, à toute nouvelle modifica-


tion des normes environnementales et limiter à dix ans la durée
de vie de l’agrandissement du lieu d’enfouissement sanitaire,
avec possibilité de poursuivre l’exploitation en se soumettant
à un nouvel examen public.

Proposition no 1 du Front commun québécois pour une gestion


écologique des déchets

À la sixième rencontre, tenue le 13 janvier 1999, étaient présents


le Comité de citoyens de Saint-Côme-Linière, le Front commun
québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED) et
la Régie intermunicipale du comté de Beauce-Sud. Lors de cette
rencontre, le FCQGED a déposé les propositions suivantes :

101
Guide de rédaction stratégique

• Adhérer aux objectifs de réduction gouvernementaux, soit un


objectif de mise en valeur de 65 % d’ici l’an 2008 ;

• Desservir le même territoire, soit les municipalités de la MRC


de Beauce-Sartigan de même que les municipalités de Saint-
Prosper, Sainte-Aurélie et Saint-Zacharie ;

• Inclure dans son plan de gestion des déchets son intention de


ne pas accepter des déchets provenant de l’extérieur du terri-
toire actuellement desservi ;

• Fournir toute information demandée, par qui que ce soit, sur


toute question inhérente à la gestion et aux opérations du site ;

• Considérer le recouvrement final (chapeau) comme faisant


partie de la quantité totale de déchets autorisés, le tout édicté
au décret.

Compte tenu de ces propositions, qui s’apparentent à celles


présentées par le Comité de citoyens, il a été convenu que ce
dernier intégrera les propositions du FCQGED à ses prochaines
propositions.

Contre-proposition no 1 de la Régie intermunicipale du comté


de Beauce-Sud

Lors de la sixième rencontre, à la suite des propositions du


Comité de citoyens, la Régie intermunicipale du comté de Beauce-
Sud présente la contre-proposition qui se résume ainsi :

• Refaire les infrastructures et asphalter la route Rodrigue et la


partie du rang Saint-Joseph sise entre la route Rodrigue et le
lieu d’enfouissement sanitaire ;

• Permettre à l’avenir seulement aux municipalités faisant partie


de la MRC de Beauce-Sartigan d’adhérer à la Régie ;

• Compenser MM. Jean-Marc Demers et René Veilleux par un


montant de 500 $ par année chacun, M. Patrick Bougie par un
montant de 250 $ par année, et verser à la municipalité de
Saint-Côme-Linière un montant de 1 000 $ par année comme
tenant lieu de taxes, le tout durant la durée d’exploitation des
activités d’enfouissement sur les lots 35 et 36 ;

102
Le rapport d’enquête et de médiation

• Transmettre à Enviro-Beauce inc. la demande du Comité de


citoyens de relocaliser le centre de tri au lieu d’enfouissement
sanitaire, étudier la possibilité d’établir un dépôt permanent
de déchets dangereux sur le lieu d’enfouissement sanitaire et
diminuer la quantité de matières résiduelles disposées, tel qu’il
est mentionné au plan directeur ;

• Rediscuter de la localisation des bureaux de la Régie à Saint-


Côme-Linière, dès l’ouverture de l’entente actuelle liant les
municipalités membres de la Régie ;

• Effectuer un suivi supplémentaire des eaux souterraines dans


six piézomètres choisis par le Comité de citoyens ;

• Cesser l’exploitation des zones C, D et G, au maximum deux ans


après avoir reçu l’autorisation du ministère de l’Environnement
relative au projet. La Régie pourra continuer l’enfouissement
des matières résiduelles sur les zones E et F ;

• Proposer annuellement un examen visuel aux représentants


du Comité de citoyens, accompagnés par des représentants
de la Régie et, s’il y a lieu, des représentants du ministère de
l’Environnement.

L’analyse et les constatations du médiateur

Dans ce chapitre, le rapport rappelle l’essentiel du projet et les


motifs d’objection des opposants.

Il traite de la justification du projet. Répond-il à un besoin ?


Lequel ? Quelle est la justification environnementale du projet ? Des
nuisances sont-elles prévisibles ? Le projet est-il conforme aux lois,
règlements, normes et directives actuellement en vigueur ? Est-il
conforme au zonage ? Le projet est-il justifié socialement ? Quels
sont les appuis du promoteur ? Un comité de surveillance est-il
prévu ? Le projet est-il justifié sur le plan économique ? Quelles sont
les retombées probables en termes d’emplois créés et de valeur
ajoutée ? La localisation du projet est-elle adéquate ? Quels sont les
impacts prévisibles sur le paysage, les eaux, l’air, le bruit, etc. ? Les
mesures de compensation sont-elles adéquates ?

103
Guide de rédaction stratégique

L’entente

Le rapport présente l’entente. Il expose les engagements de chaque


partie.

Au terme de sa présentation, le médiateur peut livrer une


appréciation de l’entente. Il peut, par exemple, indiquer qu’il croit
que l’entente est juste et équilibrée, qu’elle répond aux besoins,
aux préoccupations et aux intérêts des parties. Si c’est le cas, le
médiateur peut affirmer que l’entente fait suite à des échanges de
vues et des négociations empreintes d’ouverture et d’un sens de
la responsabilité permettant aux parties prenantes d’être satisfai-
tes et d’instaurer, pour le futur, un climat propice à des relations
harmonieuses.

Lorsqu’il s’agit d’une médiation portant sur un enjeu environ-


nemental, le rapport peut indiquer que l’entente protège les droits
des tiers et l’environnement. À la signature de l’entente, la partie
requérante d’audiences publiques en vertu des dispositions de la
Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2, article 31.1)
accepte habituellement de retirer sa demande, sous réserve des
engagements du promoteur de respecter l’entente et sous réserve
de l’inclusion de cette dernière dans le certificat d’autorisation qui
sera émis.

Quand la médiation ne permet pas d’en arriver à une entente


entre les parties, le rapport doit en donner les raisons. Il doit aussi
exposer clairement la problématique et les points de divergence
pouvant éclairer la prise de décision et permettre d’élaborer les
conditions de réalisation du projet, le cas échéant.

Les lettres d’engagement

Outre l’entente partielle ou complète signée par les parties, le


rapport contient les lettres d’engagement. Les parties s’engagent
par écrit à respecter l’entente. En matière de médiation environ-
nementale, le requérant annonce, dans sa lettre d’engagement, sa
décision de retirer sa demande d’audiences publiques.

104
Le rapport d’enquête et de médiation

Exemples de lettres d’engagement

Saint-Côme-Linière, le 17 février 1999

Monsieur le
Commissaire-enquêteur
625, rue Saint-Amable, 2e étage
Québec (Québec) GlR 2G5

Objet : Projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement


sanitaire à Saint-Côme-Linière

Monsieur,

Par la présente, la Régie intermunicipale du comté de Beauce-


Sud s’engage à respecter l’entente conclue aujourd’hui avec le
Comité de citoyens de Saint-Côme-Linière et le Front commun
québécois pour une gestion écologique des déchets, telle qu’elle
est relatée dans le document DD9 préparé par la commission du
Bureau d’audiences publiques sur l’environnement, et à gérer le
lieu d’enfouissement sanitaire en conformité avec les conditions
qui y sont énoncées.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de nos sentiments les


meilleurs.

Michel Bernard, président


Pour et au nom de la Régie intermunicipale
du comté de Beauce-Sud

105
Guide de rédaction stratégique

Saint-Côme-Linière, le 17 février 1999

Monsieur le
Ministre de l’Environnement
Édifice Marie-Guyart
675, boulevard René-Lévesque Est, 30e étage
Québec (Québec) GlR 5V7

Objet : Projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement


sanitaire à Saint-Côme-Linière

Monsieur le Ministre,
Afin de répondre aux demandes d’enquête et d’audiences
publiques en ce qui concerne le projet ci-haut mentionné, vous
avez, le 30 octobre 1998, confié au Bureau d’audiences publiques
sur l’environnement un mandat d’enquête et de médiation.
Au terme de la médiation menée par M. Camille Genest, com­missaire
et membre du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement,
nous nous déclarons satisfaits des engagements pris par la Régie
intermunicipale du comté de Beauce-Sud.
À la suite de ce processus de médiation, nous tenons à vous
informer que nous acceptons de retirer notre demande d’enquête
et d’audiences publiques.
Le retrait de notre requête demeure toutefois conditionnel au
respect des modalités de l’entente et à sa reconduction complète
dans le dispositif du décret d’autorisation.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos
sentiments les meilleurs.

Jean-Marc Demers Jean Bernard


Comité de citoyens de Comité de citoyens de
Saint-Côme-Linière Saint-Côme-Linière

106
Le rapport d’enquête et de médiation

Montréal, le 18 février 1999

Monsieur le
Ministre de l’Environnement
Édifice Marie-Guyart
675, boulevard René-Lévesque Est, 30e étage
Québec (Québec) GlR 5V7

OBJET : Projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement


sanitaire à Saint-Côme-Linière

Monsieur le Ministre,
Afin de répondre aux demandes d’enquête et d’audiences
publiques en ce qui concerne le projet ci‑haut mentionné, vous
avez, le 30 octobre 1998, confié au Bureau d’audiences publiques
sur l’environnement un mandat d’enquête et de médiation.
Au terme de la médiation menée par M. Camille Genest,
commissaire et membre du Bureau d’audiences publiques sur
l’environnement, nous nous déclarons satisfaits des engagements
pris par la Régie intermunicipale du comté de Beauce-Sud.
À la suite de ce processus de médiation, nous tenons à vous
informer que nous acceptons de retirer notre demande d’enquête
et d’audiences publiques.
Le retrait de notre requête demeure toutefois conditionnel au
respect des modalités de l’entente et à sa reconduction complète
dans le dispositif du décret d’autorisation.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos
sentiments les meilleurs.

Karel Ménard, directeur général


Front commun québécois pour une
gestion écologique des déchets

107
Guide de rédaction stratégique

La conclusion

La conclusion du rapport d’enquête et de médiation met en valeur


l’entente conclue. Dans les cas où il n’a pas été possible d’en arri-
ver à une entente, le rapport de la médiation doit permettre de
dégager clairement les sujets de désaccord et de mesurer l’écart
qui subsiste entre les parties, au terme de l’exercice.
S’il y a entente, la conclusion est courte et factuelle. L’objectif de
la démarche est atteint : l’entente est signée. S’il n’y a pas d’entente
ou seulement une entente partielle, la conclusion est plus longue.
Elle explique les raisons de l’échec de la médiation et indique
avec précision les litiges restants, leurs caractéristiques et leurs
incidences. La conclusion peut également suggérer des conditions
de réexamen des litiges, en distinguant clairement les acquis des
points de divergence entre les parties.

Les annexes

En annexe, le rapport présente la chronologie du dossier, les rensei-


gnements relatifs à la médiation (le mandat, le médiateur et son
équipe, les parties prenantes, les personnes-ressources, les dates
et lieux des séances de médiation), les propositions et contre-
propositions des parties, les lettres d’engagement et de retrait des
requêtes d’audiences publiques, s’il y a lieu, la documentation du
dossier et les coordonnées des centres de consultation.

Les facteurs critiques de succès


Quels sont les facteurs critiques du succès d’un rapport d’enquête
et de médiation ? J’en propose quatre : identifier l’essentiel du
litige, rendre compte du climat des séances et du contexte de la
médiation, juger de la valeur de l’entente conclue entre les parties,
rédiger le rapport en s’appuyant sur des standards universels et
des critères objectifs.

Identifier le nœud du problème


Une des grandes compétences du médiateur est d’identifier le nœud du
problème et d’en faire la synthèse. Le rapport doit rendre compte du
problème de façon évidente, rigoureuse et convaincante. Il circonscrit

108
Le rapport d’enquête et de médiation

l’objet du conflit sur la base de faits et de données vérifiées. Le texte


est objectif, neutre, impartial. La synthèse nomme le litige, le décrit
au moyen de quelques métriques (durée, nombre d’occurrences proba-
bles, articles de loi ou de règlement touchés, nombre de personnes
concernées, localisation, etc.) et indique les motifs invoqués par les
parties pour justifier leur position respective.

Rendre compte du climat de la médiation

Pour être fidèle à l’objet décrit, le rapport rend compte du climat


qui a présidé à la médiation. Celui-ci peut avoir changé au rythme
des séances de médiation, passant, par exemple, d’un climat de
méfiance et d’hostilité à un climat de respect et d’écoute récipro-
que. Le climat est significativement influencé par le style et l’action
du médiateur. La médiation est un outil qui amène les parties inté-
ressées au dialogue et vise à les responsabiliser dans la recherche
de solutions à leur conflit. La souplesse et l’habileté du médiateur
favorisent habituellement la mise au point de solutions créatives
satisfaisant les besoins et intérêts de chacune des parties. Un
climat d’ouverture et l’implication des parties dans la démarche de
médiation sont garants de résultats où tous sont gagnants.

Dans un climat sain, il n’y a pas d’adversaire, et aucune partie ne


se sent écrasée. La prise de décision est participative. La recherche de
solutions est consensuelle. Elle permet aux parties prenantes d’être
satisfaites. La médiation dans un climat d’ouverture prévient la cris-
tallisation des points de vue. Le médiateur, par sa neutralité, peut
réduire les antagonismes et éviter la polarisation des positions. Il
devient ainsi plus facile d’explorer des terrains d’entente possibles.

En somme, la médiation étant un outil de dialogue, le rapport doit


la décrire comme une expérience de dialogue, dans un climat favora-
ble. Au contraire, un climat de méfiance et l’absence d’ouverture sont
des facteurs susceptibles de mener à l’échec d’une médiation.

Apprécier la qualité de l’entente

Le médiateur, malgré sa neutralité et à cause de sa neutralité,


possède une certaine responsabilité quant à l’entente. Dans son
rapport, le médiateur rend compte de cette responsabilité. Si son

109
Guide de rédaction stratégique

travail a porté fruit et s’il a atteint les objectifs de son mandat, il


peut normalement montrer, dans son rapport, que l’entente est
juste et équilibrée et qu’elle respecte les droits des tiers et de l’en-
vironnement. Si la légalité de l’entente a été vérifiée, le rapport doit
le dire et indiquer par quel expert et sur quelle base juridique.

Dans son appréciation de la qualité de l’entente, le rapport


reprend chaque enjeu considéré au départ comme négociable et
montre comment l’entente en dispose. Est-ce que, par cette entente,
les parties prenantes ont pu harmoniser leurs objectifs dans le respect
de leurs préoccupations sociales, environnementales et économiques ?
Est-ce que l’entente poursuit des fins d’intérêt général ?

Écrire selon des standards reconnus

Le vocabulaire du domaine d’activité dont fait partie le litige objet


de la médiation est la référence première. Quel est ce domaine ?
L’aménagement du territoire ? L’énergie ? L’entreprise ? La famille ?
L’école ? Les services de santé ? Le rapport doit utiliser des termes
propres au domaine d’activité. Au besoin, un lexique est annexé
au rapport.

Le choix du vocabulaire est dicté par le souci du médiateur


de s’appuyer sur des standards reconnus et communs, et sur
des critères objectifs. La simplicité et la précision guident le
rédacteur du rapport d’enquête et de médiation. Au cours des
séances de médiation, le médiateur a le devoir de s’assurer que
les parties comprennent le langage utilisé. Le défi est particuliè-
rement périlleux quand il est en présence d’acteurs de niveaux de
scolarité inégaux. Par exemple, un exploitant d’un service public
d’un côté et un comité de citoyens de l’autre : le premier utilise la
langue technique des ingénieurs, le second, une langue populaire,
simple, sans termes spécialisés. Si le médiateur a le devoir de faire
comprendre les enjeux et problèmes en cours de médiation, il doit
le faire également en rédigeant son rapport.

110
Le rapport d’enquête et de médiation

Le métier du médiateur porte sur la relation, la communication


et la conciliation. Il vise à rapprocher les personnes et à les aider à
faire la paix sous toutes ses formes. Le rapport doit exprimer ces
préoccupations éthiques. Le choix des mots et des formules peut
utilement s’inspirer de la Charte de la médiation et du Code de la
médiation qui sont présentés en annexe du livre de Jean-François
Six, Dynamique de la médiation, publié chez Desclée de Brouwer
en 1995.

111
6. Le mémoire

Les caractéristiques

L e mémoire est un document écrit servant à exposer et à soute-


nir une opinion. Souvent public ou politique, le mémoire est
utilisé lors de consultations ou d’audiences publiques, par exemple
devant une commission parlementaire de l’Assemblée nationale,
devant une commission d’enquête ou dans le cadre d’un débat
public national, régional ou municipal.

Le mémoire vise à changer, influencer ou consolider la position


d’un ou de plusieurs décideurs. Poursuivant l’objectif de convain-
cre, cet outil de communication permet de développer une argu-
mentation. À titre de document écrit, il constitue une référence
dans le temps. C’est pourquoi on l’appelle « mémoire » !

Certains organismes consultatifs ont normalisé la forme des


mémoires qui doivent leur être soumis. D’autres, comme la Régie
de l’énergie, exigent, comme préalable au dépôt d’un mémoire, la
reconnaissance du statut d’intervenant. Ce statut s’accompagne du
paiement de frais pour la recherche et la rédaction du mémoire. On
distingue parfois le statut d’intervenant qui présente un mémoire
de celui d’observateur. Pour la Régie de l’énergie, la reconnaissance
du statut d’intervenant est basée sur la démonstration de la perti-
nence du projet de mémoire avec les délibérations de l’organisme
consultatif. Elle est également fondée sur la conformité probable
du projet de mémoire avec l’intérêt public.

Le demandeur de statut d’intervenant doit fournir des données


d’ordre général sur lui-même ou sur l’organisme qu’il représente,
signifier la nature de son intérêt, les motifs de son intervention, les
conclusions qu’il recherche ou les recommandations qu’il compte
proposer et la manière dont il entend présenter sa preuve. Dans
Guide de rédaction stratégique

le cas d’un organisme, le demandeur de statut d’intervenant doit


fournir des renseignements à l’appui de sa représentativité.

Le mémoire s’inscrit dans une démarche logique de démons-


tration. Il présente d’abord un état de la situation, en décrivant
ce qui se passe dans le secteur d’activité et ce qui manque, c’est-
à-dire ce qui ne se fait pas et qui devrait se faire. Il peut décrire ce
qui se fait ailleurs, dans un ou deux environnements comparables
possédant une certaine notoriété et une bonne réputation. Il décrit
ce qui devrait être, c’est-à-dire la position proposée et recherchée. Il
commente le niveau de risque de la proposition soumise et recom-
mande la priorité à accorder aux actions en fonction du niveau
de risque appréhendé. Pour chacune des priorités, il identifie des
moyens de mesure et évalue les coûts de mise en œuvre.

Le parcours logique du mémoire amène son auteur à confron-


ter des données à un certain nombre de variables socioécono-
miques, comme le taux d’urbanisation, l’âge de la population, le
taux de chômage, le niveau d’éducation, le niveau de revenu, etc.
Le mémoire permet de nuancer considérablement une opinion
et même de la remettre en question. Toute approche est valable.
Selon l’intention et l’expérience de son auteur, le mémoire peut
être conçu et rédigé suivant une méthode spéculative, déductive,
intuitive, inductive ou empirique.

Les parties
Les parties d’un mémoire peuvent varier selon qu’il est soumis à
une instance décisionnelle ultime (Conseil des ministres, conseil
d’administration, comité de direction) ou présenté à une commis-
sion d’enquête ou à un organisme consultatif.

Le mémoire soumis à une instance décisionnelle

Afin de faciliter le processus de décision, il est important de faire


ressortir clairement les points permettant d’apprécier tous les
aspects d’une question à l’étude. La forme et le contenu du mémoire
sont garants d’une décision éclairée. Généralement, un mémoire
se termine par des recommandations susceptibles de devenir la
décision sur un projet ou l’orientation stratégique retenue.

114
Le mémoire

La forme du mémoire doit faire l’objet d’un grand soin. Le titre,


court et concis, reflétera l’objet du mémoire, sans préjuger de la déci-
sion qui sera prise. L’exposé doit être aussi succinct que possible.

Le mémoire sera imprimé sur du papier grand format (8½ po sur


14 po). Si le mémoire doit faire plus de trois pages, un sommaire
est utile. Les documents explicatifs jugés nécessaires sont joints
au mémoire sous forme d’annexes et, au besoin, d’appendices.

Si le mémoire mentionne des noms de lieux, les règles d’écriture


de la Commission de toponymie doivent être respectées. Elles sont
disponibles sur le site Internet de la commission.

Le sommaire est un résumé du mémoire. Il donne d’abord le


titre du mémoire, suivi de la mention « SOMMAIRE ». Il comprend
les rubriques suivantes :

– L’exposé de la situation ;

– Les décisions déjà prises et les lois qui s’appliquent au sujet


traité dans le mémoire ;

– Les solutions possibles ;

– L’analyse comparative des solutions possibles ;

– Les implications financières ;

– Les recommandations.

Dans un mémoire au Conseil des ministres, les recommanda-


tions du ministre sont confidentielles. Elles sont soumises dans
une seconde partie du sommaire, non accessible au public.

Le contenu du mémoire reprend les mêmes rubriques que


le sommaire. Le texte est concis, mais l’argumentaire doit être
complet.

L’exposé de la situation décrit le problème dans toutes ses


dimensions, d’une manière claire et en signalant l’urgence, si
nécessaire.

Le mémoire fournit le cadre normatif qui s’applique au problème


soulevé : lois, règlements, politiques, normes, directives. Il relate
les décisions prises dans le passé sur la question.

115
Guide de rédaction stratégique

Sous la rubrique des solutions possibles, le mémoire indique


les diverses solutions envisageables. Il analyse objectivement
chacune des solutions. Tous les facteurs susceptibles d’éclairer
le problème ou les solutions envisagées doivent être exposés,
en faisant ressortir les avantages et les inconvénients de nature
sociale, économique, administrative, financière ou culturelle. Le
mémoire présente ensuite une analyse comparative des solutions
qui ont été retenues ailleurs afin de résoudre un problème de même
nature que celui qui est exposé.

Pour l’analyse comparative, les études de l’OCDE sont précieu-


ses. Elles établissent des facteurs comparables et analysent la
situation des pays membres à la lumière de ces équivalents. Par
ailleurs, certains pays possèdent une longue expérience dans un
domaine donné. Par exemple, la France gère, depuis 25 ans, l’eau
de son territoire par bassins versants. S’agissant de gestion de
l’eau, un mémoire peut difficilement éviter de relater l’expérience
française dans son analyse comparative. L’Allemagne s’est dotée
de systèmes de gestion des matières résiduelles qui réduisent
les déchets à la source, réutilisent ce qui peut l’être, recyclent et
valorisent le reste. Dans ce domaine, elle représente une référence
incontournable. Après avoir été pionnière d’un système de santé
public, universel et gratuit, la Suède est passée à un régime mixte,
laissant une certaine place au financement et à la performance du
secteur privé. Dans ce domaine, l’analyse pourrait présenter, à titre
de comparaison, l’expérience suédoise.

Le mémoire doit estimer le coût des solutions possibles à court


et à long terme, soit pour l’exercice financier en cours et pour les
cinq années suivantes.

Le mémoire doit indiquer les répercussions possibles des


me­sures envisagées sur tous les acteurs concernés. Selon le domaine
d’activité, il peut s’agir de villes voisines, d’une autre province, du
gouvernement fédéral, d’un État américain, de régions, d’une nation
autochtone, de jeunes, de femmes, de personnes âgées, etc.

Le mémoire se termine par un paragraphe distinct contenant


les recommandations qui nécessitent une approbation. Ce para-
graphe doit être suffisamment précis pour n’exiger aucun renvoi

116
Le mémoire

au texte. Il ne doit comporter ni argument, ni preuve. Il indique,


le cas échéant, qu’une consultation publique doit être menée. Il
propose une stratégie de communication eu égard à l’état de l’opi-
nion publique sur le sujet discuté dans le mémoire.

Tout projet de mémoire qui comporte des impacts significatifs


sur l’environnement, le climat social, l’économie, le patrimoine
culturel, la sécurité, la santé des personnes ou leur qualité de vie
doit être accompagné d’une étude d’impacts. Un projet comporte
des impacts significatifs en raison du nombre de personnes visées,
de la nature des incidences qu’il est susceptible de causer, de la
durée de production de ces effets ou de l’importance des coûts
que sa mise en vigueur entraînerait.

Outre l’analyse de la nature, de la portée et de l’importance des


impacts, l’étude doit démontrer qu’il existe une situation probléma-
tique, en décrire l’ampleur sous l’angle des citoyens et des clientèles
visées et signaler les insuffisances du régime existant à cet égard,
le cas échéant. L’étude doit démontrer que, pour résoudre cette
situation problématique, des mesures d’information ou d’éducation
ont été envisagées au même titre que la solution projetée. L’étude
fait état des résultats des consultations menées relativement aux
solutions possibles auprès des groupes intéressés. Pour chacune
des solutions envisagées, elle indique les avantages escomptés et
les coûts prévisibles, comparativement au maintien du statu quo.
Elle montre que les coûts de la solution proposée ont été réduits
au minimum et que la solution est axée sur des résultats plutôt
que sur des moyens.

Le mémoire présenté dans le cadre d’une consultation publique

Les règles sur la forme et le contenu d’un mémoire destiné à un


forum de consultation ou de débat public sont plus souples que
dans le cas d’un mémoire au Conseil des ministres. Certaines
commissions d’enquête publient un document d’information sur
la participation aux audiences publiques et la présentation des
mémoires. C’est ce qu’ont fait la Commission des états généraux
sur l’éducation, la Commission des états généraux sur la situation
et l’avenir de la langue française au Québec, la Commission sur la

117
Guide de rédaction stratégique

gestion de l’eau et la Commission de consultation sur l’amélioration


de la mobilité entre Montréal et la Rive-Sud.

Le mémoire devrait débuter par une page titre mentionnant le


sujet, la commission d’enquête, l’organisme ou la personne à qui il
est destiné, la personne ou l’organisme qui le présente et la date.
En somme, il s’agit d’indiquer clairement le titre du mémoire, le
destinataire et l’auteur.

Si le texte du mémoire dépasse dix pages de format lettre (8½ po


sur 11 po), un sommaire est très utile. Résumant les arguments et
les recommandations, le sommaire facilite la compréhension du
mémoire par le destinataire, les journalistes et les autres lecteurs.
Il constitue un format adéquat pour une diffusion large, un article
de périodique, une conférence ou un communiqué. Si le texte du
mémoire dépasse dix pages, une table des matières est également
indiquée. Celle-ci permet au lecteur de repérer plus facilement
une information spécifique. Elle aide ceux qui ont pour tâche de
dépouiller et d’analyser les mémoires.

En introduction, le mémoire présente le contenu du docu-


ment dans son ensemble. L’introduction renseigne sur l’auteur du
mémoire : qui il est, qui il représente, le mandat ou la mission de
son organisme, son intérêt dans le dossier sous examen, la compo-
sition et l’histoire de l’organisme. L’introduction énonce l’intention
du mémoire. Pourquoi présenter ce mémoire ? Qu’est-ce que le
mémoire entend démontrer ? Comment l’auteur va-t-il procéder
pour faire cette démonstration ?

Suit une partie axée sur la problématique et les enjeux. Il s’agit


de décrire les grands principes sur lesquels l’argumentation sera
basée (par exemple, la biodiversité, l’équité, le développement
durable, le droit à la santé, l’égalité des chances, l’intérêt public).
Une fois dégagées les grandes orientations, déduites de tendances
lourdes si possible, le thème retenu pour le mémoire est présenté.
Ce thème constitue la préoccupation majeure qui sous-tend la ou
les recommandations du mémoire.

La partie centrale du mémoire propose l’argumentaire. C’est la


pierre angulaire du document. Elle expose les propositions ou les

118
Le mémoire

recommandations, lesquelles sont appuyées par des arguments. Par


exemple, un mémoire formule cinq recommandations pour réduire
les risques pour la santé publique et pour l’environnement consécu-
tifs à l’usage des OGM (organismes génétiquement modifiés). Pour
chacune des cinq recommandations, le mémoire donne en argument
le motif, les gains escomptés, les avantages et les inconvénients pour
les acteurs concernés, le calendrier utile, les coûts, la faisabilité, les
prétentions d’efficacité et les moyens concrets de mise en œuvre.

La conclusion sert à résumer, à mettre le point final et à déga-


ger une perspective d’avenir. Elle rappelle la position d’ensemble
du mémoire en l’appuyant sur les grands principes exposés. S’il
y a lieu, elle hiérarchise les priorités d’action selon l’importance
ou l’urgence.

Une annexe pourra être utilisée pour présenter des données,


des références, des tableaux ou des figures afin de compléter l’in-
formation fournie par le mémoire, sans alourdir le texte.

Les facteurs critiques de succès


La rédaction d’un mémoire est un art difficile. La tâche est périlleuse.
La prise en compte des recommandations formulées dépendra de la
force et du raffinement des arguments. Une démarche de commu-
nication peut également aider à « faire passer le message ». Le cas
échéant, une présentation verbale au cours d’audiences publiques
peut habilement mettre en lumière les points forts du mémoire et
attirer l’attention sur l’essentiel des thèmes traités.

Pour augmenter les chances que le mémoire soit lu et que les


idées qu’il formule soient prises en considération, certaines règles
de rédaction sont à retenir. Le texte du mémoire ne devrait pas
dépasser 20 pages de format lettre (8½ po sur 11 po). Un mémoire
trop long noie les arguments et risque d’être parcouru par un
lecteur moins attentif. Il ne faut pas oublier que les analystes d’une
commission de consultation publique ont parfois des centaines de
mémoires à lire dans des délais très courts. Ce contexte milite en
faveur de la présentation d’un sommaire pour tout mémoire d’une
longueur dépassant dix pages.

119
Guide de rédaction stratégique

Une autre règle utile est d’employer des phrases courtes et


un langage simple. Ainsi, même les non-initiés pourront suivre
le raisonnement logique du mémoire. Le style direct et le temps
présent sont à préférer au style indirect et au temps passé. Il est
utile et pédagogique de donner des exemples en appui des propo-
sitions soumises. Enfin, chaque paragraphe correspond à une idée,
à un point soulevé.

Bien dégager les recommandations

Un premier facteur critique de succès est de dégager nettement les


principaux thèmes et les principales recommandations. Le mémoire
vise trois choses : l’essentiel, l’essentiel et l’essentiel. Si l’essentiel
ne passe pas, que vaut le reste ?

Présenté à une commission d’enquête ou dans le cadre d’une


consultation publique, le mémoire s’inscrit dans un processus
visant à communiquer des idées, à influencer, à convaincre. Il fait
concurrence à d’autres mémoires. Il vise à attirer l’attention des
analystes chargés de l’étudier et, ultimement, des membres de la
commission d’enquête ou de l’instance de consultation publique.

La mise en perspective des principales recommandations et des


principaux thèmes commande le recours à un langage dépouillé
d’artifices et qui utilise des formules lapidaires. Au besoin, les
rédacteurs pourront s’adjoindre les services d’un publicitaire ou
d’un conseiller en marketing pour ciseler la formulation des recom-
mandations clés du mémoire. Le choix des termes, leur orchestra-
tion dans l’ensemble et leur poids relatif sont d’une importance
cardinale. L’objectif n’est-il pas de convaincre, voire de séduire le
lecteur du mémoire ?

Il est utile d’accompagner le mémoire d’un communiqué destiné


aux médias et contenant l’essentiel des recommandations. Cette
substantifique moelle servira deux fins : informer la presse et
s’assurer que le message a été compris, même par des analystes
fatigués ou pressés. D’une page ou deux, le communiqué est un
sommaire intelligent et habilement rédigé. Il répond aux questions :
Qui présente le mémoire ? Quels enjeux sont soulevés ? Quelles
recommandations le mémoire formule-t-il ?

120
Le mémoire

Établir un argumentaire cohérent

Présenter l’argumentaire de façon directe et cohérente est une autre


clé du succès d’un mémoire.

La cohérence et la consistance des idées et leur formulation sont


à la source de la démonstration de leur bien-fondé. La pertinence
du propos du mémoire se construit sur l’évidence de chacune des
propositions qui concourent à étayer la solidité de chaque compo-
sante et, ultimement, de l’ensemble de l’ouvrage.

Chaque paragraphe est élaboré de façon serrée, autour d’une idée


ou d’un thème. Les motifs à l’appui de l’idée ou du thème sont expo-
sés par ordre d’importance décroissante. Ils sont présentés à l’aide
de phrases courtes et de termes simples, d’usage courant. La logique
interne du paragraphe doit être à toute épreuve. L’ordonnancement
des paragraphes entre eux doit répondre aux mêmes exigences
d’inférence qu’un théorème de géométrie analytique.

Conclure par un rappel de l’essentiel

Pour que le mémoire atteigne sa cible, qui est de convaincre de


l’à-propos de son contenu, la conclusion est un précieux adjuvant.
Elle sera donc limpide, incisive, directe. Elle rappellera les éléments
essentiels du mémoire et les arguments clés.

Le mémoire peut observer un phénomène en multipliant les


angles d’analyse. Par exemple, un mémoire sur la mondialisation
peut étudier les échanges économiques sur de longues distances
sous l’angle historique. Il peut analyser le phénomène sous l’angle
de la monnaie ou de la monnaie unique. Il peut l’aborder à la lumière
de l’urbanisation, de la dynamique des populations ou des condi-
tions de production. Ces divers angles d’analyse d’un même phéno-
mène concourent à dresser un portrait plus complet du sujet sous
examen, à dégager des constats, des perspectives et des enjeux.
C’est un capital d’analyse qui éclaire les esprits et enrichit le débat
sur une question donnée. Il s’agit là du fruit de grande valeur que
produit un exercice bien mené de consultation publique.

Ces divers angles d’analyse seront tenus pour acquis au


moment d’écrire la conclusion ; ils n’ont pas à être rappelés. Seules

121
Guide de rédaction stratégique

les grandes recommandations sont exposées de même que le motif


principal à l’appui de chacune d’elle.

Par exemple, dans un mémoire qui aurait pour ambition de


répondre à la question « Le Québec doit-il exporter massivement son
eau douce ? », la conclusion pourrait être rédigée dans ces termes :
À la question formulée par ce mémoire, la réponse est un non catégo-
rique. L’exportation massive n’est pas rentable et constitue un risque
écologique majeur. Ce serait une stratégie imprudente dans l’état actuel
des connaissances incertaines sur les changements climatiques. À court
terme, le Québec doit interdire par voie législative, de façon permanente,
tout transfert massif d’eau douce. Le gouvernement fédéral doit renégocier
les termes de l’ALENA sur cette question. À long terme, un cadre concep-
tuel éthique et juridique large doit être élaboré pour régler les différends
relatifs à des pénuries d’eau graves. Le Québec doit mettre en place une
gestion écosystémique des eaux de surface et des eaux souterraines sur
l’ensemble de son territoire.

122
7. Le rapport d’enquête

Les caractéristiques

L ’objectif d’une enquête est de permettre aux parties concernées


par un litige de faire valoir leur position respective et d’éclairer
la décision à prendre. Pour la conduite d’une enquête, le commis-
saire-enquêteur est investi des pouvoirs et de l’immunité que lui
confère la Loi sur les commissions d’enquête. Il a pour obligations
de constituer et d’étudier le dossier d’enquête, d’entendre les
parties intéressées et de présenter un rapport écrit. Il peut visi-
ter les installations et les lieux sous examen, obtenir le dépôt de
documents même confidentiels et organiser des audiences publi-
ques. Le processus d’enquête a pour étapes la documentation du
phénomène sous étude, l’audition des personnes ou des groupes
qui demandent à être entendus et le rapport d’enquête.

Le rapport d’enquête produit par le commissaire-enquêteur doit


permettre au lecteur de disposer, avant de prendre une décision
dans un dossier, de tous les éléments nécessaires à son informa-
tion que l’enquête permet de recueillir. Dans la conduite de son
enquête, le commissaire-enquêteur doit prendre connaissance du
dossier et, si nécessaire, le faire compléter. Au besoin, il consulte
des experts.

L’éthique et la déontologie du commissaire-enquêteur sont


dictées par les exigences de son rôle. Celui-ci doit être rempli dans
l’intérêt public, avec équité, intégrité, dignité, honneur et impartialité.
Au service du public, le commissaire-enquêteur évite toute activité
incompatible avec ses fonctions. Il protège l’image et la crédibilité de
sa fonction en restant neutre et en respectant la loi, les règlements,
les règles et les orientations générales. Pour garantir son indépen-
dance, il évite toute conflit d’intérêts et toute situation de vulnéra-
bilité. Le commissaire-enquêteur considère comme irrecevable et
Guide de rédaction stratégique

inadmissible toute tentative d’ingérence dans son travail. Il demeure


réservé et discret sur ce dont il a connaissance dans l’exercice de ses
fonctions. Il s’abstient de prendre position publiquement sur toute
affaire faisant l’objet ou pouvant faire l’objet d’une décision. Il agit
de façon neutre et impartiale et évite toute situation qui ferait en
sorte que son indépendance ou son impartialité puisse être mise en
doute. Il respecte les règles de l’équité et agit en tout temps de la
façon la plus transparente possible.

Son devoir de compétence impose au commissaire-enquêteur


d’acquérir une connaissance aussi complète que possible du dossier
sous enquête. Il fait preuve de courtoisie et de considération envers
tous les participants aux enquêtes et aux séances d’auditions
publiques. Il suscite le respect mutuel de toutes les personnes qui
collaborent à ses travaux, favorisant leur participation pleine et
entière. Il aide les parties prenantes à bien comprendre les enjeux
d’un dossier et les incite à exprimer leur opinion sans contrainte.

Le rapport d’enquête présente correctement les faits et les


observations des parties intéressées. Le commissaire-enquêteur
doit analyser ces faits et observations en tenant compte du contexte
régional, du cadre normatif, des orientations gouvernementales, de
l’intérêt public et de la protection de l’environnement. Il évalue les
solutions possibles du point de vue de leurs avantages et de leurs
inconvénients sur les plans social, économique et environnemental.
Les conclusions et recommandations du rapport du commissaire-
enquêteur doivent être claires. S’appuyant sur des motifs solides,
elles doivent s’inscrire dans les limites du raisonnable, et tenir
compte de l’intérêt public et de l’équité sociale.

Dans son analyse, le commissaire-enquêteur s’inspire de l’ana-


logie avec d’autres situations comparables. Il apprécie l’urgence de
la situation et distingue les solutions à long terme des solutions à
court terme. Il peut recourir à une démarche méthodologique à la fois
spéculative et empirique, puisant dans des outils comme l’analyse
multicritère, l’analyse coûts-avantages, la méthode Delphi, les états
de connaissance, l’analyse de solutions de rechange et les indicateurs
de développement durable. Si le commissaire-enquêteur a visité des
lieux, des installations, son rapport doit en rendre compte.

124
Le rapport d’enquête

En somme, le rapport du commissaire-enquêteur est le résultat


de son intervention personnelle dans la conduite de l’enquête dont
il a reçu le mandat. Ce rapport doit fournir à la personne chargée
de la décision tous les éléments nécessaires à son information
que l’enquête aura permis de recueillir. Le rapport présente les
appréciations du commissaire-enquêteur, ses suggestions et ses
contre-propositions.

Pour documenter le phénomène sous étude, le commissaire-


enquêteur constitue un dossier d’enquête qui comprend divers
documents explicatifs, historiques, graphiques (plans) et d’étude
d’impacts. Il ouvre un registre d’enquête destiné à recevoir les
observations écrites. Il fait un inventaire des documents reçus ou
des documents déposés par les parties prenantes (lettres, dossiers,
délibérations, etc.).

Les parties
Le rapport d’enquête comprend le rappel du mandat d’enquête, l’ex-
posé de la problématique, les observations des parties prenantes,
l’analyse, les conclusions et les recommandations.

Le rappel du mandat

Le rapport d’enquête identifie, d’entrée de jeu, la source du mandat,


la date de désignation et l’autorité en vertu de laquelle le mandat
est donné. L’objectif de l’enquête est indiqué ainsi que l’intention
du rapport, soit de permettre de prendre une décision éclairée.
Cette partie énumère les documents et dossiers consultés par
l’enquêteur et fait la liste des personnes rencontrées, en précisant
leur titre et leur intérêt dans le dossier.

Par exemple, une désignation pour faire enquête peut s’ap-


puyer sur les pouvoirs que confère au ministre de l’environnement
l’article 123 de la Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., chap.
Q-2), lequel prévoit que :
Le ministre ou toute personne qu’il désigne comme enquêteur peut faire
enquête sur tout fait visé par la présente loi ou par ses règlements d’ap-
plication.

125
Guide de rédaction stratégique

Pour la conduite d’une enquête, le ministre et l’enquêteur sont


investis des pouvoirs et de l’immunité des commissaires nommés
en vertu de la Loi sur les commissions d’enquête (chapitre C-37),
sauf le droit d’ordonner l’emprisonnement.

Si des auditions publiques ont été tenues, les dates, heures


et lieux sont indiqués. Il en est ainsi de toute autre rencontre ou
audition, par téléphone ou autrement.

La problématique

Ayant pour objet de cerner le litige sous enquête, l’exposé de la


problématique décrit le contexte. Est-ce qu’une politique ou un plan
d’action s’applique au cas qui fait l’objet de l’enquête ? Quelles sont
les dispositions législatives ou réglementaires qui concernent le
litige ? Est-ce que le dossier a fait l’objet d’un jugement ou d’une
ordonnance de la cour ? Quel est l’historique du dossier ?

Il convient de donner des informations sur les parties pre­nantes.


Telle entreprise existe depuis quand ? Quelle est sa vocation ? Quel
en est le président ? A-t-elle fait l’objet d’avis d’infraction ? Quelle
est l’adresse de son siège social ? Telle municipalité a-t-elle été
récemment fusionnée avec une autre municipalité ? Qui en est le
maire ? Le secrétaire-trésorier ? Le directeur général ? Le greffier ?

Cette partie décrit le litige en quelques mots. Y a-t-il une requête,


une demande et des objections formulées par un ou des opposants ?
Y a-t-il désaccord entre deux municipalités sur la répartition des
coûts d’un équipement mis en commun ? Y a-t-il désaccord d’un
groupe de citoyens sur l’exploitation d’une ressource naturelle ?

Par exemple, s’agit-il d’une demande d’autorisation de hausse


du tarif d’un système d’aqueduc privé à laquelle s’opposent des
abonnés ? S’agit-il d’une intention de cessation d’exploitation d’un
service public à laquelle s’opposent des personnes ou des groupes ?
S’agit-il d’un désaccord entre deux municipalités sur la répartition
des coûts d’un service commun de collecte et de traitement des
eaux usées ? S’agit-il d’un désaccord d’une municipalité avec le
projet d’exploitation commerciale d’une prise d’eau située sur son
territoire par une autre municipalité ?

126
Le rapport d’enquête

Les observations des parties prenantes

Le rapport expose le plus fidèlement possible les observations


formulées par les parties prenantes au dossier. Il identifie chaque
personne qui a présenté un point de vue et rapporte ensuite son
opinion. La position de chaque partie prenante est soumise de
façon succincte, sans toutefois négliger de citer les éléments qui
seront utilisés ultérieurement dans l’analyse.

Lorsque les séances sont transcrites textuellement par un sténo-


graphe officiel, le rapport a recours à ces transcriptions pour citer
les propos exacts des parties prenantes.

Exemple de relation d’observations


Le maire, M. […], souligne qu’une étude complémentaire a été commandée
pour éclairer la question. Il rappelle les objectifs de la ville en cette matière.
Il mentionne les trois solutions possibles, de son point de vue, soit […]. Les
coûts de la gestion de ce domaine de compétence se répartissent de la façon
suivante […]. Il souligne l’importance d’adopter une solution temporaire
avant la mise en place d’une solution permanente. Le maire rappelle les
faits à l’appui de sa proposition d’un système intégré de gestion […].
Selon le maire, obliger la ville à accepter une autre voie la placerait d’ici
quelques années dans une situation de problèmes insolubles. Des efforts
importants ont été consentis pour améliorer ce secteur d’activités. La ville
aurait la capacité de régler le problème, sans pénaliser personne, à condi-
tion de constituer un collectif et d’adopter une philosophie commune de
gestion. Cette approche serait adaptée à la situation des populations peu
nombreuses habitant de vastes territoires. La décision finale appartient
aux élus qui doivent considérer le respect de la réglementation, l’intérêt
général et la capacité de payer de la communauté.
Le maire conclut en soulignant que la situation actuelle de la ville
s’inscrit dans un contexte régional global où la problématique est
complexe et requiert une approche pragmatique et coordonnée.
Une solution réaliste, tenant compte de tous les facteurs à considérer, est
possible.

L’analyse

Dans son analyse, l’auteur présente d’abord succinctement l’enjeu


et le contexte. Il indique, le cas échéant, l’importance ou l’urgence
du dossier. Par exemple, une municipalité désire être autorisée à
exploiter une prise d’eau souterraine à des fins de commercialisation

127
Guide de rédaction stratégique

d’eau en bouteilles. Une municipalité agricole voisine, craignant des


préjudices à l’agriculture, s’y oppose.

L’analyse examine et évalue les solutions à long terme, leur


coût, leurs avantages et leurs inconvénients. Ensuite, elle discute
des solutions à court terme, en dégageant, pour chacune d’elles,
les pour et les contre en termes économiques, sociaux, environne-
mentaux, culturels, légaux, techniques, historiques, administratifs
et financiers.

Les caractéristiques de la solution recherchée sont décrites. Par


exemple, la solution doit être conforme aux lois, aux règlements,
aux normes et aux directives. Elle doit être socialement accep-
table et tenir compte de la capacité de payer de la collectivité.
Respectueuse de l’environnement, la solution retenue doit corres-
pondre à une certaine vision locale, à la culture et aux façons de
faire du milieu. Elle doit être conforme aux besoins, aux attentes
et aux exigences de la population, et ce, au moindre coût. Elle doit
respecter le cadre normatif qui s’applique au sujet sous examen.

Certaines solutions font appel à la solidarité locale ou régionale.


Dans certains cas, une approche non litigieuse du règlement des
différends est possible, avec ou sans recours à l’aide d’un média-
teur. Dans d’autres cas, une décision doit être imposée d’autorité,
par exemple par ordonnance, les acteurs étant incapables de conve-
nir d’une entente d’entraide et de solidarité.

La conclusion

En conclusion, le rapport d’enquête rappelle la problématique, les prin­


ci­pales positions des parties et le cadre normatif qui s’applique.

Sur la base des grandes constatations de l’enquête, le rapport


propose une solution, après avoir éliminé les autres solutions
possibles, pour atteindre l’objectif recherché. Les caractéristiques
de la solution, en termes de coûts et de délais, sont évoquées. La
conclusion indique l’instance chargée de la mise en œuvre ainsi que
les mesures de contrôle, de surveillance et de suivi appropriées. S’il
y a lieu, le rapport indique des sanctions pénales ou des mesures
disciplinaires à imposer aux personnes qui causeraient des préju-
dices ou manqueraient à leurs obligations.

128
Le rapport d’enquête

Les recommandations

Il peut y avoir une ou plusieurs recommandations. Chaque recom-


mandation sera circonscrite dans un court texte d’action commen-
çant par un verbe. Il sera précédé d’un certain nombre d’attendus
ou de considérants, lesquels énoncent les principaux faits et argu-
ments sur lesquels se fondent les recommandations.

Exemple de recommandation
Considérant que 80 résidences sont raccordées à un égout collecteur, à
l’ancienne base de radar de Parent ;
Considérant qu’une plainte de déversement d’égout sans traitement dans
le lac Rainbow a été formulée ;
Considérant que la brèche dans la conduite causant ce déversement a
été réparée ;
Considérant que le système d’égout de l’ancienne base de radar de
Parent est orphelin ;
Considérant que le système d’égout a besoin d’un entretien minimum
et d’une surveillance ;
Considérant qu’un comité de citoyens ne possède ni la stabilité ni l’ex-
pertise nécessaires pour s’acquitter de la tâche de la surveillance et de
l’entretien d’un réseau d’égout ;
Considérant que l’ancienne base de radar de Parent est située en terri-
toire non organisé et que la MRC a l’obligation d’y exercer les compétences
d’une municipalité locale ;
Considérant que la MRC a effectué des travaux d’entretien et de répara-
tion du système d’égout dans le passé ;
Considérant qu’il y a lieu de procéder à l’inspection du réseau d’égout
pour pouvoir fixer les besoins en réparation, modification et entretien ;
Considérant que les solutions qui seront retenues devront tenir compte
de la capacité limitée de payer des résidents de l’ancienne base de radar
de Parent ;
Considérant que la MRC est en mesure de faire des représentations pour
obtenir une aide financière ;
Considérant que l’intérêt public, la protection de la santé publique et la
protection de l’environnement sont en cause, dans la mesure où l’absence
de responsables du réseau d’égout pourrait être à l’origine d’autres déver-
sements préjudiciables à l’environnement et à la santé des résidents ;

129
Guide de rédaction stratégique

JE RECOMMANDE :
Que le ministre de l’Environnement ordonne à la MRC du Haut-Saint-
Maurice, en vertu de l’article 32.5 de la Loi sur la qualité de l’environnement,
d’acquérir le système d’égout de l’ancienne base de radar de Parent et de
l’exploiter.

Les annexes

Des pièces sont jointes en annexe pour référence utile. Selon l’objet
de l’enquête, il peut s’agir d’un acte de vente, d’une pétition d’op-
position à un projet, d’un échange de correspondance, d’une lettre
de décision, d’un plan de localisation de lots, de photographies
d’un lieu ou d’un événement, d’un document vidéo, d’un extrait
d’un journal, d’un bilan financier, de la résolution d’un conseil
municipal, d’une analyse de rentabilité, d’une évaluation de coûts,
d’un jugement de la cour, d’un tableau d’impacts, d’un rapport
d’inspection, d’un mémoire, d’un compte rendu de réunion, d’un
plan de gestion, d’un rapport d’analyse environnementale, d’un
document établissant une servitude, d’un règlement municipal,
d’un avis, d’un permis d’exploitation, d’un certificat d’autorisation,
d’une offre de services, d’une estimation de coûts, d’un plan, d’une
chronologie, d’une mise en demeure, d’un extrait de procès-verbal,
d’un avis technique, etc.

Les facteurs critiques de succès


La qualité d’un rapport d’enquête repose sur la prise en compte
fidèle des représentations des parties intéressées, sur le rappel
complet des faits et du normatif applicable, et sur l’explication
claire des critères et des motifs sur lesquels se fondent la conclu-
sion et les recommandations.

La prise en compte des représentations

Une enquête a pour objet un litige, un différend, une prétention


de préjudices, une plainte ou un désaccord. Les parties au conflit
ont habituellement mis au point une position ou un argumentaire.
Le rapport doit en rendre compte de façon fidèle et complète, au
besoin en rapportant textuellement les observations formulées par

130
Le rapport d’enquête

chacune des parties prenantes. Le rapport présente les points de vue


des parties, avant de les analyser, sans les diluer et sans les trahir.
Cet exercice est plus facile quand l’enquêteur peut compter sur des
transcriptions sténographiques des séances d’auditions publiques.

Les observations des parties prenantes sont rapportées en


nommant la personne qui les a exprimées et son titre, et en suivant
l’ordre d’intervention en auditions publiques. Lorsqu’un acteur est
intervenu à plusieurs reprises au cours d’une séance, ses propos
sont regroupés et cités en une seule fois.

Exemple de présentation d’observations


Le maire de […], Monsieur […], fait part au commissaire-enquêteur des
efforts importants consentis par la ville pour favoriser la récupération des
résidus recyclables. Il mentionne les campagnes de sensibilisation et le
programme adopté par la ville en cette matière. Selon le maire, obliger la
ville à accueillir les résidus de la ville de […] serait encourager le laxisme et
l’illégalité. Cette mesure irait d’ailleurs, selon lui, à l’encontre des objectifs
du gouvernement du Québec concernant l’élaboration d’un plan de gestion
des matières résiduelles par chaque municipalité régionale de comté. Il
rappelle que l’article 115 du Règlement sur les déchets solides prévoit que
l’exploitant d’un lieu d’enfouissement sanitaire n’est tenu d’accepter que
les résidus solides qui y sont apportés et qui proviennent du territoire de
la MRC où est situé le lieu d’élimination. Ainsi donc, en vertu de cet article,
le maire est d’avis qu’on ne pourrait forcer sa ville à accepter les matières
résiduelles qui proviendraient de l’extérieur du territoire de la MRC. Il
rappelle également les récents amendements à la Loi sur la qualité de l’en-
vironnement qui reconnaissent le droit des MRC de limiter ou d’interdire
la mise en décharge des matières résiduelles provenant de l’extérieur de
leur territoire.
Le maire de […] mentionne que la MRC de […] travaille actuellement à l’éla-
boration de son plan de gestion des matières résiduelles. D’ores et déjà, la
MRC de […] a décidé de ne pas accepter l’élimination de matières résiduelles
provenant de l’extérieur de son territoire. Le […], la MRC de […] a adopté
une résolution pour demander au ministre de l’Environnement de révoquer
l’ordonnance numéro […] du […] concernant les matières résiduelles de la
MRC de […] Selon le maire, une telle mesure va à l’encontre du Plan d’action
québécois sur la gestion des matières résiduelles 1998-2008, lequel prévoit
que c’est à l’échelle d’une MRC et dans le respect des pouvoirs propres aux
autorités municipales que doivent se prendre les décisions relatives à la
gestion des matières résiduelles.

131
Guide de rédaction stratégique

Le rappel des faits et du normatif

Le rapport d’enquête fait connaître la position de chacune des


parties concernées et le point de vue des témoins entendus par
l’enquêteur. L’analyse reprend les faits relatés par les parties et les
témoins, faits qui ont été vérifiés par le commissaire-enquêteur ou
l’enquêteur. L’analyse les met en perspective et les utilise en appui
de l’argumentaire conduisant aux constatations et conclusions
de l’auteur du rapport. Les faits sont rapportés de façon simple,
directe et précise. Lorsque c’est possible de le faire, ils sont mesu-
rés par des métriques de lieu, de temps, de durée ou de coût.

Les mandats d’enquête sont habituellement donnés au terme d’un


processus de règlement par entente qui a échoué. L’enquête est l’étape
ultime, quand tous les autres recours sont épuisés et qu’aucune solu-
tion de rechange pour un règlement du litige n’a été efficace. C’est
la raison pour laquelle le contexte d’un mandat d’enquête en est un
de litige où les parties ont déjà des prétentions bien définies et des
positions fermes. Le climat n’est habituellement pas à la discussion et
à la conciliation, mais plutôt à l’affrontement. Le règlement amiable
ou non contentieux semble impossible. Le conflit dure parfois depuis
des années, sans communication entre les parties.

Outre l’examen de leur litige dans un court délai, les parties


touchées par les mandats d’enquête s’attendent à pouvoir exposer
adéquatement et complètement leurs points de vue. Elles s’atten-
dent à être écoutées et à ce que leurs arguments soient compris.
Elles espèrent une enquête conduite en toute impartialité, sans
préjugé ni parti pris, et sans arbitraire. Elles s’attendent à ce que
tous les faits pertinents soient recueillis, de manière à ce que le
commissaire-enquêteur ou l’enquêteur puisse, en toute connais-
sance de cause, faire rapport de ses constatations, de son analyse
et de ses conclusions et recommandations. Elles s’attendent à ce
que le commissaire-enquêteur ou l’enquêteur agisse équitablement
envers elles, vérifie l’acceptabilité environnementale et sociale de
leurs positions, et utilise toutes les connaissances, les techniques,
les compétences et les moyens d’enquête dans sa recherche des
éléments pouvant éclairer la décision à prendre.

132
Le rapport d’enquête

Le rapport indique le cadre normatif qui s’applique à l’affaire


faisant l’objet de l’enquête : lois, règlements, normes, directives,
politiques, plans, programmes. Il rappelle le droit applicable. Il cite
les articles ou sections d’article qui concernent l’objet de l’enquête,
avec leur référence complète.

Exemple de rappel du cadre normatif


La ville de […] demande au ministre de l’Environnement l’autorisation d’ex-
ploiter partiellement à des fins commerciales la formation aquifère de sable
et gravier, qui se trouve entre l’étang […] et le lac […], à une profondeur
de 20,86 à 25,92 mètres, par le recours au puits […] localisé sur le lot […]
partie du cadastre de […], situé dans la municipalité de […] La ville de […]
agit à titre de promoteur du projet. La classification recherchée est celle
d’eau de source non traitée. Le motif invoqué par la ville à l’appui de sa
démarche est d’implanter des industries sur son territoire pour remplacer
la perte d’emplois dans le secteur industriel.
Cette demande d’autorisation pour une utilisation commerciale du
puits […], d’un diamètre de 203 mm, pour des fins de production d’eau
embouteillée, est faite en vertu de l’article 32 de la Loi sur la qualité de
l’environnement :
Nul ne peut établir un aqueduc, une prise d’eau d’alimentation, des appa-
reils pour la purification de l’eau, ni procéder à l’exécution de travaux
d’égout ou à l’installation de dispositifs pour le traitement des eaux usées
avant d’en avoir soumis les plans et devis au ministre et d’avoir obtenu
son autorisation.
Cette autorisation est également requise pour les travaux de reconstruc-
tion, d’extension d’installations anciennes et de raccordements entre les
conduites d’un système public et celles d’un système privé.
Puits d’essai construit en […], le puits […] est voisin de trois puits munici-
paux de […] exploitant la même formation aquifère pour desservir en eau
potable le secteur de l’ancienne ville de […]. Une étude hydrogéologique a
été réalisée en juillet […] sur le puits […] par Conseil Alpha inc. La nappe
libre dans laquelle puise le puits est réalimentée par la rivière […].
La municipalité de […], sur le territoire de laquelle se situe le puits […],
s’objecte à la délivrance du permis. En vertu de l’article 32.3 de la Loi
sur la qualité de l’environnement, un certificat de non-objection de la
municipalité sur le territoire de laquelle le système d’aqueduc est situé
est nécessaire :
En sus des exigences établies par tout règlement du gouvernement, celui
qui sollicite les permis visés aux articles 32.1 ou 32.2 doit soumettre à
l’appui de sa demande un certificat du greffier ou du secrétaire-trésorier de
la municipalité sur le territoire de laquelle le système d’aqueduc ou d’égout

133
Guide de rédaction stratégique

est situé, attestant que cette municipalité ne s’objecte pas à la délivrance


du permis pour le secteur desservi par ce système.
Si la municipalité s’objecte à la délivrance du permis, le sous-ministre doit
tenir une enquête et permettre aux intéressés de présenter leurs observa-
tions avant de prendre sa décision.
Le présent article s’applique, en l’adaptant, dans le cas où une telle auto-
risation est demandée par une municipalité relativement à des travaux
projetés à l’extérieur de son territoire pour y desservir des abonnés.

Expliquer les critères décisionnels

Le rapport d’enquête met un grand soin à bien expliquer les critères


et les motifs sur lesquels se fondent les conclusions et recomman-
dations de l’enquête.

Certains litiges concernent plusieurs parties. Les mandats rela-


tifs à ces litiges portent habituellement sur des situations pourries
par des années de refus de collaborer, dans un climat très détérioré
et dans un contexte d’urgence. L’analyse et les recommandations
sont susceptibles de donner lieu à des décisions de caractère haute-
ment stratégique pour le milieu concerné. Ce caractère stratégique
est conditionné par les sommes énormes souvent en cause, par
l’urgence d’une solution à court terme et par la capacité de payer
limitée des personnes concernées. En somme, la solution proposée
par le rapport doit être à la fois légale et réglementaire, conforme
aux besoins, aux attentes et aux exigences des parties et à un
moindre coût. Elle doit correspondre à une certaine vision locale,
à la culture et aux façons de faire du milieu.

On mesure le défi que représente la formulation de telles


conclusions stratégiques en fonction de la nature et de la portée
des décisions auxquelles le rapport donnera lieu.

Les recommandations du rapport d’enquête peuvent avoir des


conséquences non négligeables pour les parties. C’est pourquoi,
l’analyse doit coller en permanence à des préoccupations de justice
et d’équité, de respect de l’intérêt public, de précaution et de
prudence. L’enjeu est de formuler des recommandations justes et
rigoureuses dans des affaires où le plus souvent les droits d’une
partie par rapport à ceux d’une autre partie ne sont pas évidents,

134
Le rapport d’enquête

dans un contexte où manquent les balises juridiques, où le contenu


technique est complexe et où les implications socioéconomiques
sont importantes. L’exercice fait appel à l’analyse stratégique et au
jugement circonstanciel.

Le caractère stratégique des critères décisionnels du rapport d’en-


quête est aussi dicté par l’usage auquel il est destiné. C’est un outil
ultime d’aide à la décision. C’est pourquoi l’argumentaire du rapport
doit être d’une logique à toute épreuve. Les conclusions et recom-
mandations doivent s’appuyer sur des motifs sérieux, des raisons
fondamentales et une démonstration rigoureuse. Il faut éviter que le
rapport d’enquête embarrasse son destinataire par la faiblesse de ses
arguments. Il a essentiellement pour finalité de faciliter la décision,
par la documentation des faits et l’analyse de la situation.

La compétence de l’enquêteur

L’enquêteur ou le commissaire-enquêteur doit posséder des compé-


tences qui le rendent crédible. Sa compétence principale consistera
à maîtriser la compréhension de tous les enjeux du dossier sous
enquête et à clarifier les différents points de vue exprimés à l’égard
de ces enjeux. L’enquêteur doit pouvoir saisir tous les enjeux de
l’affaire qui fait l’objet de son mandat, qu’ils soient techniques,
socioéconomiques, politiques ou environnementaux. Il doit être
capable, dans la conduite de son enquête, de mesurer l’impact d’un
projet sur l’environnement et la société.

L’enquêteur est moralement responsable de la validité des propo-


sitions formulées à l’égard des lois, des règlements, des normes
et des directives. Sa compétence à cet égard est nécessaire en
permanence. Il préside les séances publiques qui se déroulent sous
sa responsabilité. C’est lui qui décide de l’ordre du jour, des convo-
cations, de la procédure, de la suspension des séances, de l’ordre
de comparution des témoins, etc. Il distribue les droits de parole,
définit les points de discussion, résume et clarifie les interventions.
Il doit maîtriser les techniques de conduite d’assemblée publique et
posséder des habiletés en animation. C’est qu’il doit interpréter le
pouvoir, les rôles, les perspectives et même le langage des acteurs
présents devant lui et représentant les parties prenantes.

135
Guide de rédaction stratégique

L’exercice des responsabilités d’enquêteur exige de ce dernier


qu’il soit un leader respectueux des parties en présence. Pour être
efficace, il doit posséder ou s’employer à développer les habiletés
de base suivantes :

• Posséder une capacité d’analyse et de synthèse ;

• Avoir le sens des relations humaines et faire preuve d’empathie ;

• Avoir un sens de l’écoute ;

• Avoir un bon jugement ;

• Être apte à animer des rencontres et faire preuve de leadership ;

• Savoir s’exprimer simplement et être un bon vulgarisateur ;

• Avoir une capacité de résistance au stress ;

• Être attentif au non-verbal ;

• Être patient, diplomate et persuasif ;

• Avoir le sens de l’humour ;

• Avoir un sens créatif ;

• Être capable de s’analyser et de se remettre en question.

Les qualités de base de l’enquêteur sont de l’ordre du « savoir-


être ». Toutefois, la formation à la tâche permet de développer
certaines techniques d’intervention efficace. Il peut aussi utilement
acquérir des connaissances et techniques en gestion de conflits,
en psychologie, en communication interpersonnelle, en méthodes
et techniques d’enquête.

Le respect des parties prenantes

Les parties prenantes d’un dossier sont entre autres des maires,
des préfets de MRC, des présidents d’entreprise, des représentants
de groupes environnementaux, de groupes communautaires, des
citoyens. L’enquêteur entretient des communications écrites et télé-
phoniques fréquentes avec toutes ces personnes. Il les rencontre
en séances publiques. Il doit les informer complètement des dispo-
sitions du processus d’enquête, négocier avec elles les modalités

136
Le rapport d’enquête

facilitant la conduite de l’enquête, les écouter et recueillir leurs


observations, leurs propositions et contre-propositions.

L’enquêteur doit agir avec respect à l’égard du rang et de la légi-


timité des élus qui sont ses interlocuteurs. Il observe les règles du
protocole qui s’appliquent à leur égard. En même temps, il s’efforce
d’attribuer une importance égale à tout témoin qui présente son
point de vue. Il essaie de départager les intérêts en jeu et tente de
ramener le débat sur le plan du raisonnable, de l’intérêt public et
de la logique. Il contribue ainsi à augmenter l’acceptabilité sociale
de la décision qui sera rendue sur la base du rapport d’enquête.

Les parties sont souvent accompagnées d’experts de firmes


de consultants, d’ingénieurs ou d’avocats. Il arrive qu’elles soient
représentées par des lobbyistes. L’enquêteur questionne ces
experts sur les aspects techniques ou juridiques du dossier. Il leur
demande d’expliquer la nature de la solution qu’ils proposent,
sa faisabilité technique, les coûts qu’elle implique et les délais à
prévoir. Il vérifie auprès d’eux si la solution proposée est conforme
au cadre normatif, d’une part, et aux besoins, aux attentes et aux
exigences de leurs clients, d’autre part. Quand il entend le témoi-
gnage d’experts, l’enquêteur a le devoir de vulgariser leurs propos
ou de poser des questions visant leur simplification, pour le béné-
fice des personnes non spécialisées présentes dans l’auditoire ou
à l’intention des futurs lecteurs du rapport d’enquête.

L’enquête publique est un outil efficace, court et peu coûteux. Il


permet aux personnes qui le désirent d’exposer leur point de vue.
Il augmente l’acceptabilité sociale de la décision, dans la mesure où
elle est susceptible d’être enrichie sur les plans du raisonnable, de
l’intérêt public et de la logique. Le choix de l’enquêteur et sa forma-
tion à la tâche qui lui est confiée sont garants de sa capacité de
mesurer l’impact d’un projet et de conduire l’enquête à son sujet.
Sa compétence principale consiste à maîtriser la compréhension de
tous les enjeux du dossier sous enquête et à clarifier les différents
points de vue exprimés à l’égard de ces enjeux. La crédibilité de
l’enquêteur repose sur sa compétence, mais aussi sur l’assurance
de son impartialité, de son indépendance et de sa neutralité. Son
code d’éthique en fait foi.

137
8. La lettre de décision

L e rédacteur stratégique a souvent pour tâche de préparer une


lettre de décision destinée à recevoir la signature d’une autre
personne : ministre, sous-ministre, maire, préfet, commissaire,
propriétaire d’entreprise, directeur, etc. Cette tâche requiert art et
doigté, méthode et rigueur.

Les caractéristiques
L’objectif de la lettre de décision est de communiquer au destina-
taire une décision claire, de manière simple et dans une perspective
de service à la clientèle.

Le ton de la lettre de décision est ouvert et empathique. Il s’abs-


tient de tout préjugé. Il transmet de l’entreprise ou de l’organisme
une image de solidité et de service. Le ton est ferme et exprime
l’assurance tranquille.

Sur le fond, la lettre de décision doit être complète. Elle répond


à toutes les questions entourant le sujet traité. Elle est précise
tout en ne laissant place à aucune indécision ou ambiguïté. Elle
est vulgarisée et recourt à des termes qui sont à la portée du
destinataire. Elle est rigoureuse, décrit fidèlement la situation sous
examen et renvoie de façon claire et précise aux articles de loi
ou de règlement, s’il y a lieu. Elle est directe et se limite au sujet
traité. Elle exprime une position à laquelle s’identifie le signataire
de la lettre (ministre, maire, président-directeur général, etc.) et
qui explique bien la problématique d’ensemble de l’instance déci-
sionnelle (gouvernement, ministère, ville, commission, conseil
d’administration, etc.).

Sur le plan de la forme, la lettre de décision débute par un


résumé de l’objet. Elle présente les idées dans un ordre logique,
conforme au bon sens. Elle respecte la chronologie et présente les
Guide de rédaction stratégique

événements de façon successive dans le temps. Elle se termine


par une prise de position claire et complète. Elle indique la date
d’entrée en vigueur de la décision.

Au titre du langage, la lettre de décision évite les sigles, les


abréviations, et les termes administratifs et spécialisés. Elle utilise
une formulation positive. Les phrases sont courtes. Un paragraphe
ne développe qu’une seule idée. La langue française y est bien
maîtrisée. Elle se distingue par la qualité du vocabulaire et le
respect de l’orthographe, de la ponctuation et de la grammaire.

Les parties
L’objet de la lettre

D’entrée de jeu, la lettre de décision précise clairement son objet.


S’agit-il d’une demande de permis ou de certificat d’autorisation ?
S’agit-il de demander de réviser la décision d’octroyer une bourse
ou une indemnité ? S’agit-il de demander l’autorisation de modifier
un tarif ou encore de cesser une exploitation ?

L’objet doit être formulé de façon précise et complète. L’auteur


doit indiquer la date de la demande. Il doit fournir la référence à
la disposition légale ou réglementaire, s’il y a lieu. Le cas échéant,
il précisera le fondement de la décision contestée.

Les objections

La lettre de décision rappelle les principales objections formulées


à l’égard d’une ou de plusieurs parties du dossier. Par exemple, elle
formule les craintes exprimées sur la continuité d’un service, sur
les conséquences d’une hausse de tarif pour le budget familial, sur
les perspectives de trouver un emploi ou de le conserver.

Les auditions ou l’entrevue

S’il y a eu des auditions publiques ou une entrevue dans l’affaire


faisant l’objet de la décision, la lettre doit en fournir la date et le
lieu, et énumérer les personnes présentes. Elle peut également,
sans que ce soit indispensable, rapporter les constatations et

140
La lettre de décision

conclusions de ces auditions ou de cette entrevue. Elle peut aussi,


le cas échéant, indiquer les documents déposés (preuves, contrats,
rapports d’enquête, expertises, affidavits, etc.).

L’analyse

La lettre de décision développe l’argumentaire qui conduit à la


conclusion. Elle discute des documents déposés, des témoignages
et autres éléments de preuve recueillis. Elle évalue le bien-fondé des
expertises et contre-expertises, si l’affaire en contient. Elle apprécie
la véracité et la valeur des preuves déposées. Elle se prononce sur
la pertinence des arguments des parties au dossier. Elle soupèse
les pour et les contre de l’affaire dans son ensemble.

La décision

En un paragraphe, la lettre formule la décision avec clarté et préci-


sion. Il s’agit de la conclusion de la lettre. Elle découle naturelle-
ment de l’analyse rigoureuse qui a été faite de tous les éléments au
dossier. La date d’entrée en vigueur de la décision est indiquée.

Exemple
Pour tous ces motifs et en vertu des pouvoirs que me confère […], j’accepte
votre requête et vous autorise, à compter du. […], à cesser l’exploitation de
votre système […], lequel détient le numéro de permis […].

Le droit d’appel

Certaines décisions comportent le droit de faire appel devant un


tribunal administratif ou une instance de révision. La lettre de
décision en informe le destinataire pour lui permettre d’exercer
ce droit, s’il le désire.

Exemple A
En terminant, je vous rappelle qu’en vertu de l’article […] de la loi […], la
présente décision peut être contestée devant le Tribunal administratif du
Québec dans les 30 jours suivant sa notification à la manière prévue à
l’article 110 de la Loi sur la justice administrative (1996, c.54). À cet effet,
vous trouverez ci-joint copie des articles de loi concernés.

141
Guide de rédaction stratégique

Exemple B
Si la partie réclamante a des motifs de croire que la décision rendue ne
lui accorde pas les bénéfices auxquels elle a droit, elle a 90 jours pour en
appeler de cette décision. Elle peut le faire en s’adressant au :
Tribunal administratif du Québec
Division de […]
1020, route de l’Église
Sainte-Foy (Québec) G1V 3V9

Les facteurs critiques de succès


Simplifier

Le rédacteur de la lettre de décision utilise des principes et des


règles d’écriture simples pour assurer la lisibilité de la lettre. Ce
faisant, il améliore le service offert à la clientèle par son organisa-
tion. La simplification des communications écrites passe souvent
par une série de mesures simples et faciles à appliquer.

Ainsi, pour favoriser la lisibilité de la lettre, il faut éviter la redon-


dance. La longueur moyenne des phrases ne dépasse habituellement
pas 15 mots. Le nombre de phrases de 15 mots et plus ne représente
pas plus que 25 % de l’ensemble. Les paragraphes ne dépassent pas
50 mots. Les phrases contiennent moins de quatre propositions. Les
mots techniques, légaux ou administratifs sont évités.

Le rédacteur de la lettre de décision a souvent le souci d’éviter les


recours légaux et les appels de la décision. Cette précaution a pour
effet d’alourdir la lettre, de créer de l’incompréhension et de susciter
justement des recours légaux non justifiés. L’objectif de simplicité
que doit poursuivre le rédacteur de la lettre de décision lui impose
de réduire la quantité de propos juridiques. Seuls les articles de loi
ou de règlement indispensables sont cités en référence.

Outre les termes juridiques, la lettre de décision évite autant


que possible les termes médicaux, scientifiques, informatiques, de
génie ou autrement techniques dont le sens n’est pas commun. Elle
emploie des termes génériques ayant un sens courant. Par exemple,
« mal de tête » sera préféré à « céphalée ».

142
La lettre de décision

S’en tenir au seul objet de la lettre

Le rédacteur dispose habituellement de renseignements complets


sur le dossier qui donne lieu à la lettre de décision. Il a accès à
beaucoup d’information. La tentation est grande pour lui d’uti-
liser cette information pour insérer dans la lettre des éléments
circonstanciels, excédentaires ou complémentaires. Il doit y résis-
ter fermement pour s’en tenir au seul motif de la correspondance.
La clarté et la rigueur l’exigent. En effet, des variables exogènes
sont susceptibles d’édulcorer le sens de la lettre de décision, d’en
affaiblir la logique ou d’en fragiliser la nécessaire cohérence.

Adopter un style sobre

Dans la lettre de décision, les effets de style n’ont pas leur place.
La langue doit être claire et sobre.

Ainsi, la longueur des phrases est à surveiller. Le nombre de


propositions dans une même phrase doit être limité le plus possi-
ble. La voix active remplace la voix passive. Les modes conditionnel
et subjonctif doivent à tout prix être évités au profit de l’indicatif,
nettement plus facile à comprendre.

Une grande qualité à rechercher, dans la lettre de décision,


est la concision. Le rédacteur doit s’y employer obstinément.
Idéalement, la lettre ne dépasse pas une page.

Suivre des règles d’écriture

Certaines règles sont utiles pour rendre la lettre de décision plus


lisible et plus claire.

Concernant les mots :

• Éviter l’emploi de mots de quatre syllabes et plus ;

• Éviter la périphrase (ou la tournure périphrastique) ;

• Éviter l’emploi de mots dans leur sens dérivé ou dans un sens


établi par extension (sens second) ;

• Éviter les mots dont l’usage est fautif, même si la coutume les
a consacrés ;

143
Guide de rédaction stratégique

• Éliminer les pléonasmes et les tournures pléonastiques ;

• Éliminer les termes (mots et tournures) propres à un jargon


médical, juridique, scientifique ou technique ;

• Remplacer les termes propres au jargon administratif par des


mots simples à comprendre ;

• Éliminer les termes rares ;

• Éviter les sigles ou abréviations qui ne sont pas d’usage courant


et universel ;

• Éviter les associations de mots qui prêtent à confusion ;

• Écrire les nombres en chiffres plutôt qu’en lettres.

Concernant les verbes :

• Préférer la voix active à la voix passive ;

• Préférer aussi souvent que possible le mode indicatif aux modes


subjonctif et conditionnel ;

• Employer le présent chaque fois que c’est possible.

Concernant les phrases :

• Éviter les phrases comportant plus de 15 mots ;

• Éliminer les phrases comportant deux propositions subordon-


nées et plus ;

• Éviter les propositions incises.

Concernant les paragraphes :

• Ne développer qu’une idée par paragraphe. Au besoin, mettre les


éléments de précision d’une idée dans un second paragraphe ;

• Remplacer les longues descriptions littérales (descriptions


détaillées faisant usage de beaucoup de mots) par des descrip-
tions synthétiques, organisées de façon schématique, notam-
ment à l’aide de tirets ;

144
La lettre de décision

• Commencer le paragraphe par le sujet (par exemple, la déci-


sion). L’étayer ensuite ;

• Donner au paragraphe un titre évocateur, porteur du sujet ou


du thème qu’il expose.

Présenter graphiquement les calculs

Il arrive qu’une lettre de décision doive contenir des données chif-


frées. Il peut s’agir d’une décision concernant l’attribution d’une
rente ou l’autorisation d’un taux de service, par exemple. Des
données comme des dépenses d’immobilisation ou d’entretien, un
revenu brut, un revenu net ou un maximum admissible peuvent
être nécessaires dans la formulation de la lettre de décision. Cette
information gagne à être présentée graphiquement. Toutefois, il faut
prendre soin d’en éliminer au préalable les éléments superflus.

145
9. Neuf conseils pour réussir

1. Adopter le niveau de langage approprié


Le rédacteur stratégique écrit en style stratégique. Il recherche la
simplicité, la justesse des termes et la rigueur du développement. Il
évite les périphrases lourdes et ambiguës. Il préfère la voix active,
le mode indicatif et le temps présent. Sa langue est dépouillée de
tout artifice et de tout lyrisme.

Le sujet traité est aride, objectif et neutre ; le style lui est


adapté. L’auteur s’ajuste à son sujet, le domaine administratif. Sur
le plan littéraire, il recourt au style stratégique, lequel est concis,
incisif, nerveux, clair, correct et précis.

La construction des phrases et le choix des mots sont cruciaux


dans la rhétorique de l’auteur stratégique. L’objectif de l’écrit stra-
tégique étant souvent de convaincre, on mesure l’importance de
maîtriser les moyens d’expression propres à persuader le lecteur.
La déclaration, même emphatique, ne suffit pas. La démonstra-
tion rigoureuse de la pertinence, du bien-fondé, de l’opportunité
est cardinale. C’est là le difficile défi de la rhétorique de l’auteur
stratégique.

2. Prendre grand soin au titre et à l’objet


Le titre d’un document est fort éclairant. Il faut prendre grand soin
de bien le choisir. C’est que le titre doit évoquer le plus clairement
possible le contenu d’un texte. Il renseigne sur le sujet et met en
perspective l’intention ultime de l’auteur. Parfois, un sous-titre est
utile pour fournir un supplément d’information sur l’ouvrage.

Par exemple le rapport de la Commission sur la gestion de


l’eau au Québec s’intitule L’eau, ressource à protéger et à mettre en
valeur. Ce titre reflète bien les orientations et l’intention générale
Guide de rédaction stratégique

de la commission. Il donne un aperçu des enjeux et de la problé-


matique générale d’une politique de l’eau. Il met sur la piste d’une
approche globale de gestion de la ressource qui concilie la protec-
tion des écosystèmes naturels et le développement économique.
Il indique que l’eau est une ressource naturelle précieuse et que
ses utilisateurs doivent prendre conscience de sa valeur et des
coûts qui se rattachent à sa gestion. Sa vulnérabilité commande
une gestion prudente. Gestion et mise en valeur doivent se faire
de façon intégrée, en associant tous les acteurs concernés. Le titre
donne à penser que l’eau est un patrimoine commun et que des
liens complexes et vitaux l’unissent à la société humaine.

Autre exemple, le rapport de la Commission sur la gestion


des matières résiduelles au Québec a pour titre Déchets d’hier,
ressources de demain. Le message est clair : les déchets ne doivent
plus être considérés comme des résidus à éliminer, mais comme
des ressources à réemployer, à recycler et à valoriser. Il suggère
pour le futur la recherche de modes de vie axés sur la durabilité et
l’usage avisé des ressources. Du coup, le compostage de la matière
organique et la valorisation énergétique apparaissent comme des
voies d’avenir.

3. Dresser une table des matières détaillée


Un écrit stratégique comporte différents aspects et angles d’ana-
lyse. Son contenu peut développer plusieurs composantes. Il se
peut que le lecteur recherche de l’information sur seulement une
ou quelques-unes des parties de l’ouvrage. C’est pourquoi la table
des matières détaillée est très utile. Elle le sera encore davantage
si le document sert plus tard de référence sur un sujet donné,
ou est utilisé dans l’enseignement, ou encore dans le cadre de la
formation à l’emploi.

Une table des matières ne dépassant pas quatre niveaux d’agré-


gation permet habituellement de repérer facilement un sujet. Un
plus grand nombre de niveaux peut nuire à la clarté, notamment par
les redondances possibles et les renseignements superflus. Il faut
s’en tenir à l’information brute, dans la table des matières, et viser
le laconisme de l’expression, tout en conservant le sens intact.

148
Neuf conseils pour réussir

4. Cibler l’essentiel
L’écrit stratégique est dépouillé de tout artifice. Il est fonctionnel,
efficace, utilitaire. Il vise l’essentiel. L’auteur doit s’en tenir aux
stricts éléments qui concernent son propos. Mais quelles sont les
composantes essentielles qu’un texte stratégique doit viser ?

D’abord les enjeux. Le défi consiste à bien les cerner, à les


nommer correctement et à les décrire. Des constats, un diagnostic
et une problématique générale peuvent parfois précéder utilement
l’énoncé des enjeux. Dans le cadre d’un processus décisionnel, des
enjeux clairs constituent une référence stratégique indispensable.

Après les enjeux, il faut relater les faits principaux. Tous les
faits ne sont pas nécessaires. Une énumération complète pourrait
en rendre la lecture fastidieuse et édulcorer la structure argumen-
taire du texte. Le texte stratégique se limite aux faits essentiels, à
ceux qui concourent au développement de l’analyse et au soutien
de la décision.

Cibler l’essentiel commande de fournir le contexte normatif,


historique et circonstanciel relatif au sujet traité. Quels sont les
lois, les règlements, les normes ou les directives qui s’appliquent ?
Quelle est l’étiologie historique ? Quelles circonstances entourent
les principaux faits relatés ?

Il est également essentiel d’indiquer les implications financières


se rapportant au thème de l’écrit stratégique. Quels sont les coûts de
chaque solution possible ? Quelles sont les retombées économiques ?
Existe-t-il un modèle de prévision s’appliquant au sujet de l’écrit ? Les
coûts seront-ils amortis ? Quel en sera l’impact budgétaire ?

Pour soutenir l’objectivité et la transparence du texte stratégi-


que, il est essentiel de présenter les avis, les témoignages et les
observations formulés par les acteurs concernés. Des mémoires
ont-ils été déposés sur la question traitée ? Des avis d’experts ont-
ils été produits ? Des audiences publiques ont-elles été tenues ?
L’écrit rapporte la totalité des opinions formulées et exposées sur
le sujet abordé.

149
Guide de rédaction stratégique

Les solutions possibles sont examinées au regard des enjeux


et de la problématique générale. L’écrit stratégique examine les
avantages et les inconvénients de chaque solution possible, ainsi
que ses implications financières.

L’analyse expose les constatations de l’auteur, ses conclusions


et recommandations. Toutes les variables sont examinées. Le sujet
est discuté sous l’angle des dimensions qui le concernent : écono-
mique, sociale, culturelle, écologique, technologique ou politique.
L’analyse est un exercice de rigueur qui dégage des lignes décision-
nelles sur la base de motifs présentés en amont comme fondateurs
de la stratégie d’ensemble proposée.

5. Limiter les citations


Les citations trop nombreuses diluent le texte et en réduisent la
rigueur. Les longues citations distraient le lecteur du propos central
du texte stratégique. Il faut donc limiter le nombre et la longueur
des citations.

L’auteur stratégique produit de la valeur ajoutée. Il résume l’es-


sentiel d’un témoignage, au lieu d’en reproduire paresseusement
le détail. Il cite avec parcimonie des éléments vraiment pertinents.
Ainsi, il peut citer une formulation particulièrement habile qui
illustre brillamment son propos. Il s’en tient toujours à des cita-
tions directement reliées à la question essentielle qu’il traite. S’il
cite des experts, il se limite à ceux qui constituent une référence
dans un domaine donné.

La citation ne reproduit que la partie pertinente au propos du


texte. Elle est présentée brièvement afin de la situer dans le contexte
et de la rendre compréhensible au lecteur. Les parties les plus impor-
tantes sont soulignées pour attirer l’attention du lecteur. On emploie
alors l’expression « c’est la commission qui souligne », ou « c’est nous
qui soulignons », ou encore « c’est l’auteur qui souligne ». Le souli-
gnage par l’italique est plus élégant et donne au texte un aspect plus
soigné que le recours aux caractères gras ou aux capitales.

La référence du texte ou du témoignage cité est donnée immé-


diatement après la citation.

150
Neuf conseils pour réussir

Voici un exemple tiré du rapport de la Commission sur la


gestion de l’eau au Québec (p. 235) :
Toutefois, les citoyens estiment que le soutien du Québec envers ces pays
ne devrait pas passer systématiquement par l’exportation massive d’eau
potable, une solution dont rien ne prouve à l’heure actuelle qu’elle est
viable pour les parties concernées :
[…] abreuver le désert ne résoudra pas le problème de la désertification.
Cette tentative satisferait plutôt les intérêts d’entreprises à but lucratif
intéressées à transformer l’eau douce du Québec en marchandise d’expor-
tation sans égard aux impacts environnementaux et sociaux.
(MEMO258, p. 79)
De plus, à partir du moment où l’eau devient un bien de consommation
convoité, elle risque d’être encore moins accessible pour les populations
les plus pauvres en raison de la compétition et des lois du marché :
[…] la transformation de l’eau en bien économique ne se traduirait pas
par l’accessibilité universelle de l’eau pour l’entièreté de la population
mondiale, mais par la gestion économiquement rationnelle, optimale, d’une
ressource limitée dont l’accessibilité serait réglée par la solvabilité des
usagers en compétition pour des usages concurrents et/ou alternatifs.
(Petrella, 1998, p. 52)

6. Utiliser judicieusement les tableaux, les cartes


et les figures
Comme les citations, les tableaux, les cartes et les figures seront
utilisés avec circonspection et précaution. Certains textes straté-
gique sont noyés dans une mer de tableaux, de cartes, de photos
et de figures. Le lecteur y perd son latin.

Cependant, lorsque le texte traite d’un sujet à référence spatiale,


une bonne carte est nécessaire. Elle doit être orientée, l’échelle étant
indiquée, et les immeubles ou parties du territoire nommés dans
le texte, clairement identifiés. L’usage de la couleur rend la carte
beaucoup plus « parlante ».

La carte ne doit pas contenir trop d’informations. Une carte trop


chargée deviendrait illisible. Plutôt que d’écraser une carte sous
une masse de renseignements, il est préférable d’avoir recours à
plusieurs cartes, par exemple une carte par tronçon d’un projet
linéaire, ou une carte par hypothèse d’aménagement, ou encore
une carte par corridor ou par tracé possible.

151
Guide de rédaction stratégique

Quand le texte traite de données comptables, de statistiques, de


tendances, de péréquation, il est essentiel d’utiliser des tableaux.
Ils ne remplacent pas l’argumentaire du texte, mais ils illustrent,
aident à expliquer, appuient la démonstration. Ce ne sont pas des
prothèses mais des orthèses : ils ne se substituent pas au texte,
mais l’appuient et le renforcent.

Le tableau est précédé d’un titre qui le décrit avec précision. Ses
rubriques sont précises et de compréhension directe. Le tableau ne
doit pas avoir besoin de longues explications pour être intelligible.

Le tableau de la page 153 est un exemple tiré du rapport d’en-


quête et d’audiences publiques sur le projet d’amélioration de la
liaison routière entre Jonquière et Saint-Bruno (p. 27).

Dans cet autre exemple tiré du sommaire du débat public sur le


projet Flamanville 3 de construction d’une centrale électronucléaire,
le tableau serait plus directement intelligible si le sigle Mtep était
remplacé par sa signification Million de tonnes équivalent pétrole.

Besoins énergétiques mondiaux en augmentation

Mtep Constaté Prévisions Prévisions Prévisions


2002 2010 2020 2030
Charbon 2 389 2 763 3 193 3 601
Pétrole 3 676 4 308 5 074 5 766
Gaz 2 190 2 703 3 451 4 130
Nucléaire 692 778 776 764
Hydraulique 224 276 321 365
Biomasse/déchets 1 119 1 264 1 428 1 605
Autres renouvelables 55 101 162 256
Total 10 345 12 193 14 405 16 487

Les figures et les photographies sont rares dans un écrit stra-


tégique. Elles peuvent être utiles, sans être vraiment nécessaires.
Un rapport d’enquête qui contient des photos peut les présenter
en annexe. Elles seront clairement identifiées, pour que le lecteur
puisse en voir la pertinence avec le texte qu’il vient de lire.

152
Les accidents sur la route 170 et le boulevard Harvey

Tronçon de route DJMA1 Nombre Taux2


Longueur véhicu- % Nombre accès/ Nombre d’acci-
DE À km les/jour camions camions km accidents dents
Route 170
A-70 Mathias 2,5 28 000 7,9 2 212 5 154 2,0
Mathias Boulevard Mellon 1,0 30 000 7,0 2 100 25 99 3,0
Boulevard Mellon Boulevard René-Lévesque 2,1 30 000 6,2 1 860 20 143 2,1
Boulevard René- Boulevard Harvey Est 1,1 21 000 6,7 1 407 3 136 5,4
Lévesque
Boulevard Harvey Est Price/Sainte-Famille 1,7 14 000 8,0 1 120 35 222 8,5
Price/Sainte-Famille Boulevard Harvey Ouest 3,1 10 000 9,3 930 12 147 4,3

153
Boulevard Harvey Limite Jonquière 7,2 8 900 9,1 810 5 105 1,5
Ouest
Boulevard Harvey
Route 170 Est Saint-Hubert 1,4 13 500 2,9 392 22 251 12,1
Saint-Hubert Saint-Jean-Baptiste 1,1 14 000 2,6 364 10 228 13,5
Saint-Jean-Baptiste Route 170 Ouest 1,8 6 000 8,8 528 7 34 2,9
Source : document déposé DA10.1
1. DJMA : débit journalier moyen annuel.
2. Taux d’accidents : nombre d’accidents par kilomètre.
Guide de rédaction stratégique

7. Éviter la redondance
Le danger de la redondance et du chevauchement guette l’écrit stra-
tégique. Il faut l’éviter pour réussir comme auteur stratégique. Ce
danger est réel et permanent. Il est parfois suscité par l’intention de
convaincre le lecteur. Mais la répétition du même argument n’a pas
de valeur d’inférence. Le bien-fondé d’une position découle plutôt
d’un enchaînement logique et cohérent de raisons, de causes dont
la véracité et la réalité ont été établies solidement.

La redondance est particulièrement à craindre dans les longs


développements ou dans les rapports produits par plusieurs
auteurs. Un plan détaillé du document réduit les risques de redon-
dance, car il oblige le rédacteur à prévoir le contenu dans le détail,
au paragraphe près. Une coordination serrée est indispensable
dans le cas d’un ouvrage à rédacteurs multiples. Elle préviendra
les doublons en amont, par une intégration fine des éléments du
texte et un contrôle rigoureux au moment de la relecture.

8. Organiser les annexes


Un trop grand nombre d’annexes peut avoir pour effet de diluer
la portée du texte stratégique, en attirant l’attention du lecteur
sur des éléments lointains de son objet. La mesure est de mise.
Par exemple, il n’est pas nécessaire d’annexer une loi ou un règle-
ment, car le lecteur peut les retracer sans peine par la référence
complète qui est donnée dans le texte. Il n’est pas nécessaire non
plus de fournir en annexe le texte complet d’un contrat de vente
si seulement les articles sur une servitude concernent le propos
de l’écrit. En matière d’annexes comme pour les autres aspects du
travail de rédaction, le mot de Boileau s’applique : « Qui ne sait se
borner ne sut jamais écrire ».
Lorsque le nombre d’annexes dépasse dix, il faut les organiser
par catégories de documents ou par sujets. Ainsi sont regroupés
les mémoires, les documents déposés, les documents juridiques,
les documents financiers, les études, etc. À l’intérieur d’une
même catégorie d’annexes, l’ordre peut être chronologique (du
plus ancien au plus récent) ou par sujets. Par exemple, tous les

154
Neuf conseils pour réussir

mémoires traitant des impacts sur le paysage sont regroupés dans


une section de la rubrique « Mémoires » en annexe. Un système
de numérotation peut faciliter le repérage et les citations dans le
corps du document.

À titre d’exemple, le document de consultation de la Commission


de consultation sur l’amélioration de la mobilité entre Montréal
et la Rive-Sud propose une annexe cartographique, une annexe
contenant le résumé de dix études commandées par la commis-
sion et une annexe exposant six projets de transport présentés à
la commission.

Le rapport de la Commission sur la gestion de l’eau au Québec


comprend un tome de 147 pages intitulé Annexes. En annexe I,
il fournit les renseignements relatifs au mandat : le mandat, la
commission et son équipe, les commissions conjointes, les consul-
tants et les audiences publiques. En annexe II, le rapport nomme
les personnes-ressources, soit le coordonnateur ministériel, les
représentants des ministères et des organismes, les invités à la
soirée sur les dimensions symbolique et culturelle de l’eau et les
experts invités aux ateliers thématiques. L’annexe III porte sur les
participants à la consultation publique : les participants dans les
régions du Québec et les participants aux consultations conjointes
dans les territoires conventionnés. L’annexe IV contient la docu-
mentation déposée.

Dans ce rapport de la Commission sur la gestion de l’eau au


Québec, la cote du document identifie le principal sujet qui y est
traité, même si des thèmes secondaires peuvent y être abordés.
La cote « Procédure » regroupe des documents préliminaires à la
consultation. La cote « Avis » comprend les comptes rendus et avis
divers. La cote « Général » renvoie aux documents d’ordre général.
La cote « Gestion » regroupe des documents concernant la gestion
régionale des eaux. La cote « Eau potable » identifie les documents
traitant de l’eau potable et des activités qui touchent la santé
humaine. La cote « Eaux souterraines » regroupe les documents
traitant des eaux souterraines, et la cote « Eaux de surface », ceux
traitant des eaux de surface. La cote « Économie » désigne des docu-
ments traitant de l’eau sous l’angle des retombées économiques et

155
Guide de rédaction stratégique

de l’enjeu stratégique mondial. La cote « Services d’eau » est relative


à des documents sur les infrastructures municipales et la gestion
des services d’eau. Les trois dernières cotes identifient respecti-
vement les transcriptions des séances publiques, les questions de
la commission et les réponses obtenues, et les mémoires déposés
par les participants lors de la consultation publique.

9. Réviser la stratégie et la langue


Pour réussir un écrit stratégique, il est important de prévoir une
étape de révision stratégique et linguistique. Le chemin critique de
la production d’un ouvrage stratégique doit comprendre cette phase
obligée. L’enjeu en est la qualité du texte qui sera soumis aux déci-
deurs qui auront à statuer sur son analyse, ses conclusions et ses
recommandations. À la suggestion de Boileau, vingt fois sur le métier
remettons notre ouvrage. Polissons-le sans cesse et le repolissons.

La révision stratégique est utilement confiée à un comité de


lecture neutre. Composé de trois personnes sages, un tel comité
a pour rôle de relire attentivement le manuscrit pour vérifier sa
cohérence, sa consistance et son inférence. La cohérence repose
sur l’ordonnancement logique des parties et sur le développement
ordonné et progressif des idées du texte. La consistance est fournie
par les éléments substantiels du document. L’inférence est tribu-
taire d’une argumentation rigoureuse et solide.

Il faut vérifier la conformité avec les lois, les règlements, les


politiques, les programmes, les normes et les directives de l’or-
ganisation. Il importe de faire les liens avec des textes antérieurs
ou des décisions passées de l’organisation. Les calculs financiers
sont passés à la loupe.

Le comité de lecture doit avoir le temps de faire son travail. Pour


un résultat de qualité, il faut prévoir au moins une journée pour
trente pages. Si les membres du comité sont pressés par l’échéance,
il ne leur sera pas loisible de réfléchir et de discuter ensemble
après la lecture du texte. Pourtant, un tel échange est essentiel
pour détecter un possible trou de logique dans la construction du
texte, une contradiction flagrante ou un énoncé qui risque d’être

156
Neuf conseils pour réussir

embarrassant pour l’auteur ou le décideur et, le cas échéant, de


porter atteinte à la crédibilité du document lui-même.

La révision linguistique est confiée à un expert, habituellement


un linguiste qui s’est spécialisé dans la révision de texte. Il corrige
l’orthographe et la syntaxe. Il conseille sur le choix des mots et les
formulations, en proposant en marge des termes ou des tournures
qui lui apparaissent mieux choisis, eu égard au niveau de langage
du document. Il appartient à l’auteur de statuer sur la pertinence
des conseils du réviseur linguistique, soit en retenant les options
proposées, soit en conservant les mots ou les formulations de
son manuscrit.

Dans le travail d’intégration des corrections et des modifica-


tions apportées au document, l’équipe chargée de la saisie et de
l’édition doit veiller scrupuleusement à ne pas sauter de mots ou de
lignes. Une vérification minutieuse de la conformité est essentielle.
Chaque version du document doit être conservée intégralement
dans des fichiers distincts. Seules les corrections ou modifications
autorisées par l’auteur seront intégrées dans le texte pour consti-
tuer une nouvelle version du manuscrit. Les versions se succéde-
ront jusqu’au document définitif approuvé pour impression. Un
dernier contrôle vérifiera la conformité du document imprimé avec
le manuscrit final approuvé par l’auteur.

157
Conclusion

L a rédaction stratégique est une tâche ardue et exigeante.


L’auteur stratégique doit maintenir sa compétence et même
l’améliorer. Pour lui, la formation est un chantier permanent. Non
seulement doit-il posséder une maîtrise parfaite de la langue, mais
il doit aussi pouvoir détecter les enjeux et les formuler, juger de la
valeur d’un raisonnement, narrer des faits, exposer des solutions,
présenter des témoignages, analyser des problématiques, dégager
des conclusions et soumettre des recommandations.
L’auteur stratégique fournit humblement sa contribution au
processus décisionnel. Comme le texte qu’il produit servira de
soutien à la décision, il doit vérifier l’inférence des raisonnements,
l’ordre des idées et la cohérence des parties constituantes de
l’ouvrage qu’il produit. Sa responsabilité consiste à rédiger un texte
qui contient toute l’information sur une question donnée et qui,
par son analyse et ses conclusions, permet à la personne chargée
de décider de prendre une décision éclairée.
Le rédacteur stratégique n’est pas un mercenaire des mots et
des phrases. Son travail aura du sens s’il fait partie des réseaux de
veille et de partage de l’information. Du coup, il sera en mesure
d’intégrer la culture commune de l’organisation, ses valeurs, son
âme. Ainsi, ses écrits seront aptes à refléter les objectifs et les
préoccupations de son organisation, en évitant tout esprit de
clocher, toute suffisance ou tout triomphalisme.
La confiance que les autorités d’une organisation manifesteront
au rédacteur stratégique l’aidera à prendre conscience du fait que
son travail vaut la peine, qu’il est vraiment utile. Elle renforcera
son désir de réussir. Elle le motivera et l’incitera à y mettre toute
sa personne : intelligence, cœur et volonté. Elle fondera sa capacité
d’accueillir les idées des autres dans une ouverture d’esprit suscep-
tible de le conduire à tout remettre en question pour examiner les
problématiques plus en profondeur.
Bibliographie

Poitras, Jean, La médiation : le rôle et la dynamique de la confiance


entre parties. Université Laval, 1993.

Rousseau, Alain, La décision participative : un outil pour gérer


efficacement les conflits environnementaux, Commission des
communautés européennes, Italie, 1993.

McCarthy, Jane E., Resolving Environmental Conflicts in Environmental


Science and Technology, 1996.

Touzard, Hubert, La médiation et la résolution des conflits, Presses


universitaires de France, Paris, 1977.

Le fonctionnement du conseil des ministres, Secrétariat du Conseil


exécutif, 25 février 2002.

Goulet, Liliane, et Ginette Lépine, Cahier de méthodologie, 4e édi-


tion, Université du Québec à Montréal.

Malherbe, Jean-François, La conscience en liberté, apprentissage de


l’éthique et création de consensus, Fides, 1997.

Étude sur la simplification des communications écrites, Idéaction


groupe conseil ltée, 1993.

Six, Jean-François, Le temps des médiateurs, Seuil, 1990.

Six, Jean-François, Dynamique de la médiation, Culture de Paix,


Desclée de Brouwer, 1995.
Annexes

I. Exemple d’entente au terme d’une médiation.

II. Modèle de mémoire au Conseil des ministres

III. Conseils sarcastiques aux rédacteurs de mémoires

Annexe I
Entente entre le Comité de citoyens de Saint-Côme-Linière,
ci-après appelé Comité, le Front commun québécois pour une
gestion écologique des déchets, ci-après appelé FCQGED, et
la Régie intermunicipale du comté de Beauce-Sud, ci-après
appelé Régie, relativement au projet d’agrandissement du
lieu d’enfouissement sanitaire à Saint-Côme-Linière

La présente entente est conclue dans le cadre du mandat d’en-


quête et de médiation confié au Bureau d’audiences publiques sur
l’environnement (BAPE) le 30 octobre 1998 par le ministre de l’En-
vironnement et de la faune concernant le projet identifié en titre.

Après discussion des points soulevés dans les demandes d’au­


diences publiques des requérants ainsi que des suggestions soumises
par la commission d’enquête et de médiation pour aider les parties
à trouver une solution à leurs différends, le Comité, le FCQGED
et la Régie conviennent d’une entente qui respecte les conditions
suivantes :

Condition 1, sur contre-proposition de la Régie et proposition


du Comité

La Régie accepte de refaire les infrastructures de la route Rodrigue


et de la partie du rang Saint-Joseph sise entre la route Rodrigue
et le lieu d’enfouissement sanitaire ainsi que de procéder à l’as-
phaltage de cette voie de circulation préalablement aux travaux
Guide de rédaction stratégique

d’exploitation du lieu d’enfouissement sanitaire sur les lots 31, 32,


35 et 36. La municipalité de Saint-Côme-Linière pourra effectuer
elle-même la réfection de la route, auquel cas elle devra s’entendre
préalablement avec la Régie sur la façon de faire, ou encore en
confier la responsabilité à la Régie par délégation de compétence
après avoir donné son accord sur les plans et devis techniques qui
en guideront la réalisation.

La Régie continue à assumer l’entretien d’hiver et d’été de la


route Rodrigue et de la partie du rang Saint-Joseph sise entre la
route Rodrigue et le lieu d’enfouissement sanitaire tout comme elle
l’a fait dans le passé, et ce, tant et aussi longtemps qu’elle effec-
tuera des travaux d’enfouissement sanitaire sur les lots 31, 32, 33,
34, 35 et 36 du rang Saint-Joseph à Saint-Côme-Linière.

En ce qui concerne la portion du rang Saint-Joseph sise entre la


route 275 et l’entrée du lieu d’enfouissement sanitaire, la Régie ne
s’engage à assumer aucun coût d’entretien ou de réfection compte
tenu du peu d’achalandage déjà démontré.

Condition 2, sur proposition du Comité

La Régie s’engage à ne pas reconduire à son échéance l’entente


actuelle la liant avec la MRC de Robert-Cliche. La Régie n’accepte
à l’avenir que les matières résiduelles des municipalités faisant
partie de la MRC de Beauce-Sartigan. Nonobstant ce qui précède,
les municipalités de Saint-Prosper, Sainte-Aurélie et Saint-Zacharie
conservent leur privilège à l’effet de pouvoir acheminer leurs
matières résiduelles au lieu d’enfouissement sanitaire situé dans
la municipalité de Saint-Côme-Linière et par le fait même leur
statut de membre de la Régie. Les municipalités étrangères à la
MRC de Beauce-Sartigan seront refusées à moins qu’elles fassent
l’objet d’une ordonnance ou obtiennent un décret gouvernemental
obligeant la Régie à recevoir leurs résidus.

Condition 3, sur proposition du Comité

La Régie alloue, annuellement et pour les dix années qui suivraient


la mise en exploitation du projet d’agrandissement, un montant
forfaitaire de 1 200 $ à M. Jean-Marc Demers ou son ayant droit,

164
Annexes

1 200 $ à M. René Veilleux ou son ayant droit et 600 $ à M. Patrick


Bougie ou son ayant droit. Il est bien entendu que ce montant est
pour dix années et que ce montant cesserait d’être versé s’il y a
vente de la propriété avant l’échéance de ce terme de dix ans.

Condition 4, sur proposition du Comité

La Régie verse à la municipalité de Saint-Côme-Linière un montant


de 150 000 $ à raison de 10 000 $ par année pendant quinze ans.

La compensation demandée pour et au nom de la municipalité


de Saint-Côme-Linière est versée uniquement si la Régie effectue
des travaux d’enfouissement de matières résiduelles sur les lots
31, 32, 35 et 36, c’est-à-dire sur les lots visés par le projet d’agran-
dissement, durant la période d’exploitation de l’agrandissement du
lieu d’enfouissement sanitaire avec un maximum de quinze ans.

Condition 5, sur contre-proposition de la Régie, proposition


du Comité et du FCQGED

La Régie s’engage à transmettre à Recyclage Enviro Beauce inc., la


demande du Comité relative au déménagement du centre de tri au
LES de Saint-Côme-Linière.

La Régie s’engage à établir un dépôt permanent de déchets


dangereux au plus tard un an après la mise en exploitation du
projet d’agrandissement sur les lots 31, 32, 35 et 36.

La Régie s’engage à se conformer aux orientations proposées par


le Plan d’action québécois sur la gestion des matières rési­duelles et
accepte que les quantités d’élimination autorisées tiennent compte
des objectifs de réduction. Ceci est conditionnel à la mise en place,
par les gouvernements supérieurs, des outils nécessaires à l’atteinte
desdits objectifs de réduction des matières résiduelles. Le défaut
d’effectuer la démonstration que des efforts ont été déployés par la
Régie pour atteindre les objectifs de réduction fixés par le gouver-
nement pourra constituer un des éléments pour exiger un nouvel
examen public selon les clauses de la condition 8.

La Régie s’engage à offrir les services de disposition des


encombrants, des matériaux de construction et des matériaux de

165
Guide de rédaction stratégique

démolition pour fins de récupération au plus tard un an après la


mise en exploitation du projet d’agrandissement.

Condition 6, sur contre-proposition de la Régie

La Régie effectuera le suivi des eaux souterraines tel qu’il est


demandé par le ministère de l’Environnement, soit trois fois par
année, et en effectuera un autre dans six piézomètes que le Comité
de citoyens indiquera à la Régie, par écrit, et durant la période choi-
sie et selon les paramètres choisis par ce Comité de citoyens.

Condition 7, sur contre-proposition de la Régie

La Régie a reçu l’autorisation de construire un chapeau (suréléva-


tion) à 5 % sur les zones C, D et G afin de diminuer l’infiltration
des eaux à travers les déchets.

La Régie s’engage à cesser l’exploitation des zones C, D et G


dans un délai maximum de deux ans après avoir reçu l’autorisation
du ministère de l’Environnement de procéder à l’agrandissement
du lieu d’enfouissement sanitaire sur les lots 31, 32, 35 et 36. Par
contre, la Régie pourra continuer l’enfouissement des matières
résiduelles dans les zones E et F, lesquelles disposent d’une imper-
méabilisation à simple membrane.

Condition 8, sur proposition du Comité

La Régie s’engage à exploiter le projet d’agrandissement pour une


première période de dix ans. Toutefois, au début de la neuvième
année d’exploitation de l’agrandissement, elle devra démontrer
la conformité de ses opérations avec les lois et règlements s’ap-
pliquant pour lui permettre d’exploiter une seconde période de
dix ans. Les défauts d’effectuer cette démonstration fourniront
automatiquement au Comité de citoyens la possibilité d’exiger un
nouvel examen public selon la procédure d’évaluation et d’examen
des impacts sur l’environnement. Cet éventuel examen portera sur
l’exploitation des dix années à venir.

166
Annexes

La Régie s’engage à favoriser et à donner un support à un comité


de suivi composé d’un représentant de la Direction régionale du
ministère de l’Environnement, d’un représentant du secteur de la
santé, d’un représentant du Comité de citoyens, d’un représentant
de la municipalité de Saint-Côme-Linière et d’un représentant de la
Régie. Ce comité de suivi devra avoir un pouvoir de recommanda-
tion auprès de la Régie quant aux mesures à prendre pour atténuer
ou supprimer les impacts du lieu d’enfouissement sanitaire. Le
comité de suivi devra aussi s’assurer du respect des conditions
d’autorisation du projet, des engagements pris par la Régie en plus
du suivi des plaintes adressées au ministère de l’Environnement.
La Régie donnera au comité de suivi accès au lieu d’enfouissement
sanitaire et fournira, à la demande dudit comité de suivi comme à
la demande des citoyens, toute l’information relative à la gestion
et à l’exploitation du lieu d’enfouissement sanitaire.

Condition 9, sur proposition du FCQGED

La Régie accepte que, dans le décret qui autoriserait l’agrandis-


sement du lieu d’enfouissement sanitaire, la quantité totale de
déchets autorisés pour l’enfouissement soit incluse dans le recou-
vrement final.

La Régie fournira à qui en fera la demande toute information


demandée par qui que ce soit pour toute question inhérente à la
gestion et aux opérations du site. Ceci inclut les résultats d’échan-
tillonnage de même que la quantité et la provenance des déchets
enfouis sur le site, à moins que ce ne soient des documents de
nature confidentielle tels qu’ils sont édictés par la Loi sur l’accès
aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels.

Condition 10, sur contre-proposition de la Régie

La Régie s’engage à ne pas polluer le ruisseau Bernard et à prendre


toutes les mesures utiles afin de réparer tout dommage advenant
une pollution causée par le lieu d’enfouissement sanitaire qui
pourrait surgir dans ledit ruisseau Bernard.

167
Guide de rédaction stratégique

Arrangements à la présente entente

Les parties en présence par leurs représentants officiels pourront


convenir d’arrangements à la présente entente si elles le jugent à
propos.

Retrait des demandes d’audiences publiques


Satisfaits des engagements de la Régie, le Comité et le FCQGED
acceptent de retirer leur demande d’audiences publiques.

Entente conclue entre les parties lors de la rencontre du 17 février


1999 tenue à Saint-Côme-Linière.

Signatures

168
Annexes

Annexe II

Modèle de mémoire

MÉMOIRE AU CONSEIL DES MINISTRES –


GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
DE : Monsieur Édouard Poisson Le ………………

Ministre de la Pêche de loisir

OBJET : La sécurité dans la pratique de la pêche sur glace

PARTIE ACCESSIBLE AU PUBLIC


1- Exposé de la situation

La pêche sur glace est une activité de loisir très prisée, pratiquée
sur divers plans d’eau durant la saison hivernale, notamment sur
la rivière Sainte-Anne à Sainte-Anne-de-la-Pérade, sur la rivière
Saguenay à Saint-Fulgence et sur le lac Saint-Pierre. Cette pêche se
pratique sur la glace et dépend donc de la température. En effet, si
le temps devient trop doux, le couvert de glace des plans d’eau sur
lesquels cette activité est pratiquée s’amincit, ce qui rend dange-
reuse la pêche sur glace. Il ne faut pas oublier que les pourvoyeurs
installent sur la glace de petites cabanes chauffées où les pêcheurs
peuvent pratiquer cette activité à l’abri des intempéries. Il s’avère
donc important, pour la sécurité des adeptes de cette pêche, que le
couvert de glace sur le plan d’eau conserve une certaine épaisseur.

Malheureusement, certaines années, la température trop douce


ne permet pas la formation d’un couvert de glace suffisamment
épais pour permettre la pratique sécuritaire de cette pêche. Ainsi,
au cours des cinq dernières années, on déplore deux accidents
sur la rivière Sainte-Anne dont le dernier, survenu l’an passé, a
causé la mort de trois personnes, soit un père et ses deux enfants.
Dans les deux cas, les accidents découlaient d’une surcharge sur
un couvert de glace aminci par un redoux. Il faut présumer que si
rien n’est fait pour corriger la situation, le nombre de victimes va
se maintenir ou, plus vraisemblablement, s’accroître dans l’avenir

169
Guide de rédaction stratégique

puisqu’il est prévu que le nombre d’adeptes de la pêche sur glace,


en légère hausse depuis trois ans, va augmenter au même rythme
au cours des cinq prochaines années.

2- Les lois existantes

L’article 35 de la Loi sur la pêche de loisir (L.R.Q., c. P-19) prévoit


que « le gouvernement peut faire des règlements pour la mise en
application de la loi et notamment pour : […] 6o déterminer les
règles de sécurité que doit respecter l’exploitant d’une concession
de pêche dans l’exploitation de sa concession ; […] 11o déterminer
les règles de sécurité que doit respecter le titulaire d’un permis de
pêche ; […] ». Cependant, le Règlement sur la pêche de loisir (R.R.Q.,
2019, c. P-19, r.1), à son article 57, ne prévoit aucune norme de
sécurité autre que l’obligation de porter une ceinture de sauvetage
lorsqu’un pêcheur s’aventure sur un plan d’eau ou s’engage dans
l’eau pour la pratique de la pêche.

3- Les solutions possibles


Première solution
Cette solution consiste à effectuer une campagne de sensibilisation
du public consommateur au danger de s’aventurer sur le couvert
de glace des cours d’eau, de façon à amener les pourvoyeurs qui
sont à l’affût de la clientèle à prendre ouvertement les précautions
qui s’imposent pour assurer la sécurité des adeptes de la pêche
sur glace.

Cette campagne de sensibilisation serait menée par le ministère


de la Pêche de loisir, principalement au moyen d’annonces appro-
priées dans les revues sportives et de tourisme familial, à l’automne
de la première année et, de façon moins intensive, à l’automne de
la deuxième année.
Deuxième solution
Cette solution consiste à adopter un règlement modifiant le Règlement
sur la pêche de loisir afin d’y inclure des normes de sécurité régis-
sant la pratique de la pêche sur glace. En effet, ce règlement, qui
détermine certaines règles de sécurité dans la pratique de la pêche

170
Annexes

en général, ne prévoit aucune règle particulière s’appliquant à la


pêche sur glace. Le règlement proposé établirait donc des normes de
sécurité pour la pratique de cette activité, notamment en établissant
l’épaisseur minimale de la glace pour que des activités de pêche
sur glace puissent y être pratiquées, en obligeant les exploitants de
concessions de pêche sur glace à effectuer quotidiennement certaines
vérifications relatives à la sécurité, en déterminant le poids maximal
des cabanes et des engins de pêche utilisés pour la pratique de cette
activité ainsi que le nombre maximal de personnes pouvant utiliser
une même cabane, et en interdisant la circulation sur le couvert de
glace lorsque ce dernier ne permet plus d’assurer la sécurité des
personnes. Le règlement proposé augmenterait le coût des permis
d’exploitant de concession de pêche sur glace pour tenir compte
des coûts d’application de ce règlement. Ce règlement entrerait en
vigueur pour la saison de pêche qui débutera en janvier prochain.

4- Les avantages et les inconvénients de chacune des solutions


possibles
Première solution
Les avantages

La première solution devrait conduire à une réduction des risques


d’accident. On peut cependant opposer à cet égard, à la lumière de
l’expérience du Nouveau-Brunswick où une approche de sensibi-
lisation a été retenue pendant plusieurs années, que la réduction
de ces risques, quoique réelle, serait modeste.

Les inconvénients

Les inconvénients de cette solution relativement aux coûts pour


l’entreprise seraient mitigés. En effet, si elle correspond à des
résultats modestes sur le plan de la sécurité, cette solution, en
corollaire, comporte pour les pourvoyeurs des coûts minimes qui
changeraient peu leurs pratiques en ce domaine. Pour le ministère
de la Pêche de loisir, par ailleurs, cette solution impliquerait des
coûts de l’ordre de 60 000 $ pour ses deux campagnes de sensibi-
lisation automnales.

171
Guide de rédaction stratégique

Deuxième solution
Les avantages

La deuxième solution permettrait de réduire sensiblement les


risques d’accident, puisque les pêcheurs ne pourraient pas s’aven-
turer sur le couvert de glace lorsque la sécurité des personnes
n’est pas assurée.

Les inconvénients

Cette solution prévoit des nouvelles façons de faire pour les pour-
voyeurs, qui devront en conséquence procéder à certains débour-
sés ou investissements additionnels, évalués, pour l’ensemble des
entreprises concernées, à 113 000 $ par an. Elle suppose aussi, pour
le ministère de la Pêche de loisir, des coûts administratifs d’appli-
cation, notamment des coûts d’inspection, d’environ 75 000 $, dont
une partie (1 130 $) serait financée par une augmentation du coût
des permis. Au total, pour les entreprises, il pourrait en résulter
un accroissement des coûts d’exploitation de l’ordre de 2 % qu’elles
chercheront, sans nécessairement y parvenir à court terme, à réper-
cuter sur la clientèle.

5- Analyse comparative

Actuellement, la pêche sur glace n’est pratiquée, ailleurs au


Canada, qu’en Ontario, à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick.
En Ontario, elle est pratiquée essentiellement par les Autochtones
sur les rivières qui se jettent dans la baie James et dans la baie
d’Hudson. Comme il s’agit d’une pêche artisanale et que le froid
est suffisamment intense dans cette région du Nord de l’Ontario,
durant la saison de pêche, le gouvernement de cette province n’a
pas jugé nécessaire d’intervenir pour en régir la pratique.

À Terre-Neuve, cette pêche est également une pratique tradi-


tionnelle des Autochtones vivant sur les côtes du Labrador. Son
caractère artisanal et les conditions climatiques nordiques durant
la saison de pêche font en sorte que le gouvernement de cette
province n’a pas eu à intervenir sur sa pratique.

172
Annexes

Au Nouveau-Brunswick, comme au Québec, ce type de pêche


fait l’objet d’un développement commercial sur trois rivières qui
se jettent dans la baie des Chaleurs. À la suite d’une série de trois
accidents survenus en trois ans, dont un mortel, le gouvernement
de cette province vient d’abandonner son approche basée exclu-
sivement sur l’information du public quant à la dangerosité de
circuler sur le couvert de glace des rivières, pour adopter, en lieu
et place, un règlement dont s’inspire en partie la solution régle-
mentaire du présent mémoire.

6- L’activité réglementaire

La solution réglementaire vise 113 entreprises et entraînerait, par


entreprise, des dépenses annuelles additionnelles de conformité
inférieures à 1 000 $, pour un coût total évalué à 113 000 $, ainsi
qu’une hausse 10 $ du coût du permis, pour un total de 1 130 $.

La solution réglementaire soumise se compare à celle adoptée


au Nouveau-Brunswick tout en cherchant à limiter davantage que
celle-ci les charges administratives pour mieux tenir compte du
fait qu’il s’agit en l’occurrence de petites entreprises. En effet, si
elle fait en sorte que les pourvoyeurs québécois, comme ceux du
Nouveau-Brunswick, sont tenus d’inscrire régulièrement des rele-
vés d’épaisseur de la glace dans un registre qui est accessible sur
demande, elle n’oblige pas les pourvoyeurs québécois à transmet-
tre copie de ces inscriptions au gouvernement, contrairement au
règlement du Nouveau-Brunswick qui exige une telle transmission
de la part des pourvoyeurs.

Dans la même optique, la solution réglementaire proposée


prévoit tout au plus un accroissement du coût du permis de 150 $
à 160 $ par an, pour un montant additionnel perçu par l’État de
1 130 $, alors que les coûts administratifs réels d’application sont
évalués à 75 000 $ annuellement.

Il faut cependant constater que cette solution prescrit des moyens


pour atteindre un objectif de sécurité. Il n’a pas été possible d’élabo-
rer des normes de résultat pour résoudre le problème posé.

173
Guide de rédaction stratégique

Enfin, le Secrétariat à l’allégement réglementaire a fourni un


avis administratif favorable à l’adoption du règlement proposé.

7- Les implications financières


Première solution
Cette solution impliquerait des coûts d’environ 60 000 $, soit
40 000 $ pour la campagne de sensibilisation la première année
et 20 000 $ pour celle prévue la deuxième année, lesquels coûts
seraient financés par le ministère de la Pêche de loisir, à même
son budget régulier.

Deuxième solution
Hormis la modeste part de ces coûts qui est financée par la
hausse du tarif des permis, les coûts d’inspection et autres coûts
administratifs du règlement, évalués à 75 000 $ annuellement, sont
financés par le ministère de la Pêche de loisir, à même son budget
régulier.

8- Les relations intergouvernementales

La solution proposée n’a aucune incidence sur les relations inter-


gouvernementales puisque ces activités relèvent essentiellement
de la compétence du gouvernement du Québec.

9- Les implications sur les régions, notamment sur la Capitale-


Nationale et sur la Métropole

La première solution, qui n’assure pas véritablement la sécurité de


la pratique de la pêche blanche, devrait avoir un effet neutre sur
l’attrait du Québec comme destination touristique. Par contre, la
seconde solution, en assurant la pratique sécuritaire de la pêche
blanche, devrait, dans un contexte où la sécurité et la sauvegarde
de la vie ont pris une grande importance, faire en sorte que cette
activité puisse désormais être offerte dans les forfaits touristi-
ques, rendant ainsi plus attrayant le Québec comme destination
touristique pour la pratique des sports d’hiver, ce qui pourrait se
traduire par une augmentation du tourisme en provenance de la
France, notamment.

174
Annexes

Pour la région de la Mauricie, où est située Sainte-Anne-de-la-


Pérade, une augmentation du flot touristique au cours de l’hiver
devrait avoir un effet bénéfique sur le taux d’occupation des hôtels
de la région et entraîner également une augmentation des dépenses
effectuées par les touristes et donc bénéficier à l’activité écono-
mique de la région. Cette activité touristique accrue devrait, selon
les projections des économistes, entraîner une accélération des
investissements dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration
dans cette région.

Compte tenu de la proximité de Sainte-Anne-de-la-Pérade avec


la région de la Capitale-Nationale, la ville de Québec, en raison de
son attrait touristique propre, devrait être la grande bénéficiaire
de l’augmentation du flot touristique, notamment en termes de
taux d’occupation des hôtels. Par ailleurs, cette solution pourrait
avoir un effet bénéfique sur le taux d’occupation des hôtels de la
Métropole et l’achat de produits touristiques en rendant le Québec
plus attrayant comme destination touristique.

10- Les implications sur les jeunes

Les mesures proposées dans ce mémoire n’ont pas d’impact parti-


culier sur les jeunes.

11- Les consultations entre les ministères

Des consultations ont eu lieu avec la Direction des affaires législa-


tives du ministère de la Justice qui a donné son aval au projet de
règlement. Le ministère du Développement du tourisme, qui a égale-
ment été consulté sur les effets de la seconde solution sur la vente
du produit touristique québécois, évalue que cette solution pourrait
se traduire par une hausse du nombre de touristes. Ce ministère se
déclare favorable à l’acceptation de la seconde solution.

Le ministre de la Pêche de loisir,

ÉDOUARD POISSON

175
Guide de rédaction stratégique

MÉMOIRE AU CONSEIL DES MINISTRES


GOUVERNEMENT DU QUÉBEC
DE : Monsieur Édouard Poisson Le …………….

Ministre de la Pêche de loisir

OBJET : La sécurité dans la pratique de la pêche sur glace

PARTIE CONFIDENTIELLE

12- L’accessibilité au public

L’ensemble de la première partie du présent mémoire peut être


accessible au public.

13- Les recommandations du ministre

Je recommande au Conseil des ministres :

1. D’approuver le projet de règlement modifiant le Règlement sur


la pêche de loisir joint en annexe au mémoire ;

2. D’autoriser le ministre de la Pêche de loisir à le faire publier


en préavis à la Gazette officielle du Québec.

Le ministre de la Pêche de loisir,


ÉDOUARD POISSON

(Exemple adapté, tiré du site Internet du ministère québécois du


Conseil exécutif)

176
Annexes

Annexe III
Conseils sarcastiques aux rédacteurs de mémoires
(Texte de M. Jacques Fournier, paru dans Le Devoir du 5 septembre 1998)

Un mémoire prêt-à-porter

Comme Narcisse, les technocrates aiment les miroirs.

Les groupes communautaires sont souvent appelés à rédiger


des mémoires à l’intention d’un ministère, d’une régie ou d’une
agence gouvernementale. La préparation de ces mémoires demande
passablement de temps. Aussi, pour faciliter les choses, voici, sur
le ton de l’humour, la grille de rédaction d’un mémoire-type qu’il
suffira d’adapter et de compléter pour avoir de bons résultats.

Au début du mémoire, il faut d’abord rappeler le contexte :


mondialisation de l’économie, montée du chômage, lutte du peuple
sahraoui pour son indépendance nationale, difficulté de vendre
votre maison, mauvaise humeur de votre voisin, etc. Peu importe
que votre mémoire porte sur l’éducation, la santé et les services
sociaux, l’environnement ou la haute couture, ces quelques rappels
aideront le fonctionnaire qui lira le mémoire à saisir la perspective
large que votre regard d’aigle embrasse.

Deuxième chapitre : les enjeux. Là, la subtilité est de mise. Il


faut montrer que vous avez tout saisi : la probabilité très grande
du retour au pouvoir des conservateurs fédéraux, l’imprévisibilité
de Saddam Hussein, l’irrépressible montée de la souveraineté au
Québec, la stratégie derrière le choix de la couleur de la robe de
Hillary Clinton le soir de l’élection, etc.

Troisième partie : les lieux communs. Après tant d’érudition, il


faut rassurer votre bureaucrate lecteur, lui prouver qu’il n’est pas
ignorant et qu’il connaît les mots-clés à la mode, qu’il est encore
« dans le coup » : parlez-lui de concertation, de fin des dédouble-
ments, d’alliances stratégiques, de réingénierie des processus, de
qualité totale, d’ouverture des marchés, de valorisation du chan-
gement et le reste.

177
Guide de rédaction stratégique

Ensuite, avant d’avancer vos propres théories, il faut démolir


les thèses de l’adversaire potentiel. Vous démontrez tout simple-
ment que ces idées avaient cours au Moyen Âge, qu’elles sont donc
désuètes et le tour est joué. Pour anéantir encore plus sûrement les
prétentions de votre adversaire éventuel, vous dites que sa thèse
est appuyée par tous les Jean-Louis Roux de la terre.

Chapitre suivant : étayez le réalisme de vos approches. Cette


démonstration passe par quelques citations appropriées. Si vous
avez des références en provenance du ministère à qui vous présen-
tez le mémoire, n’hésitez pas et faites lire au fonctionnaire ce
qu’il a lui-même déjà écrit ou ce que son patron a écrit. Comme
Narcisse, les technocrates adorent les miroirs. La fin justifie les
moyens […] et les membres de votre groupe communautaire vous
en sauront gré.

N’oubliez pas la partie sur les valeurs et les objectifs communs :


beurrez épais. « Le citoyen au centre des préoccupations » : Marc-
Yvan Côté nous a déjà fait le coup, il ne doit pas en être le seul
bénéficiaire.

Le coup de Jarnac : les statistiques. Aucun technocrate n’y


résiste. Assurez-vous d’avoir un taux de pauvreté suffisant dans
votre territoire avant de pousser l’exercice trop loin.

Les recommandations : ce chapitre ne doit pas contenir de


nouveaux éléments. En effet, il faut avoir, mine de rien, déjà glissé
les recommandations tout au long du mémoire. Le chapitre des
recommandations a donc pour but de faire ressortir la cohérence,
la rigueur et la puissance de vos demandes.

Pas convaincu ? Ajoutez quelques « Sésame, ouvre-toi » : réduc-


tion des coûts, efficience (pour faire plaisir à votre interlocuteur),
autonomie des groupes communautaires (pour vous faire plaisir),
« empowerment », prise en charge par le milieu, développement
local, approche globale, multidisciplinarité, interdisciplinarité,
transdisciplinarité.

Évidemment, si le technocrate qui vous lit est votre propre


beau-frère, ne vous cassez pas tant la tête. De toutes façons, il ne
comprendra pas.

178
Annexes

Parce que les valeurs suivantes, caractéristiques des groupes


communautaires, ne font pas partie de son univers : solidarité,
entraide, justice sociale, fonctionnement démocratique, lutte pour
le changement social, dignité de la personne, respect des différen-
ces, lutte contre la pauvreté, le sexisme et le racisme, refus de l’ac-
croissement de la consommation comme critère de qualité de vie.

Ces valeurs sont de l’autre côté de son miroir.

179
Recommandations | Mémoire
Pour décider en toute

rédaction
stratégique
connaissance de cause
Ce guide pratique de rédaction stratégique
est destiné à toute personne chargée de
rédiger des recommandations, de produire

Guide de
des rapports ou d’écrire des lettres de
décision. | Rap
Il s’adresse particulièrement aux membres
des équipes mandatées pour tenir une
port

enquête et des audiences publiques sur


un projet ou un litige et aux personnes
d’en

responsables de mener une consultation


quê

publique sur des orientations stratégiques,


te

une politique, un programme ou un plan. Il


|L

intéressera les étudiants en administration


ett

publique, les fonctionnaires et tout rédacteur


re
de

potentiel d’un rapport, d’un mémoire ou


d’une lettre de décision. Il a pour intention


cis

de les assister dans leur tâche, en les aidant n


io

|R
à structurer et composer leurs textes de ap
façon efficace, claire et lisible. po
rt
d’a
À partir d’exemples appropriés, l’auteur ud
ien
Camille Genest a été agent
aborde avec précision les diverses facettes c
de recherche puis cadre dans es pu
de l’écriture stratégique, ses règles et ses la fonction publique. Ses bliq
ues
qualités. Il fournit des conseils sur ce qui responsabilités l’ont amené |
contribue à atteindre les objectifs d’un texte à s’intéresser à la rédaction
stratégique comme instru­­
de recommandations et sur l’art exigeant de
ment de soutien à la décision.
la rédaction stratégique. Il a lui-même été l’auteur de
nombreux rapports, mémoires
ISBN 978-2-89544-108-3
et lettres de décision et il a
présidé plusieurs commissions
d’en­quête et d’audiences
publiques.
9 782895 441083

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