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Le Modèle Toyota
14 principes de management
2e édition
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code.
ISBN : 978-2-3260-5897-2
Préface
Le problème : le lean est mal compris
Ce qu’est réellement le système de production Toyota
Le système de production Toyota, à la fois organique et mécaniste
Management mécaniste, organique, mixte et lean
Apprendre des principes du modèle Toyota vs copier les pratiques de Toyota
Nouveautés de la deuxième édition
PARTIE I
PHILOSOPHIE
Principe 1 - Fonder vos décisions sur une pensée systémique à long terme, même au
détriment des objectifs financiers à court terme
Au-delà du salaire, une mission
L’histoire de NUMMI : un laboratoire pour comprendre comment exporter le TPS à
l’étranger
« The Toyota Way 2001 » : la philosophie qui guide Toyota
Le Modèle Toyota à l’épreuve de la crise financière de 2008
La pensée systémique semble être naturelle à Toyota
La constance de la philosophie du leadership est essentielle pour créer une culture
délibérée
PARTIE II
PROCESSUS
Principe 2 - Connecter les personnes et les processus avec le flux pièce à pièce pour
mettre au jour les problèmes
Le flux pièce à pièce n’est pas pour les timorés
La plupart des processus opérationnels regorgent de gaspillages, même si nous ne les
remarquons pas
Le raisonnement de la production de masse vs le raisonnement lean
Pourquoi le flux pièce à pièce peut-il être plus rapide et meilleur ?
Takt time : le régulateur du flux pièce à pièce
Les avantages du flux pièce à pièce
Flux vs faux flux
Le flux pièce à pièce est une vision que l’on cherche à atteindre, non un outil à déployer
Principe 7 - Utiliser le contrôle visuel afin d’aider les individus dans la prise de décision et
la résolution de problèmes
Le principe des 5S : mettre de l’ordre, utiliser le visuel
Les lieux standardisés ont besoin de processus stables
Le contrôle visuel sur le lieu de travail
Étude de cas : le contrôle visuel dans un entrepôt de pièces détachées
Le contrôle visuel pour la planification et la gestion de projet – l’obeya
Visualiser par la technologie et par des systèmes humains
Principe 8 - Adopter et adapter des technologies qui soutiennent vos collaborateurs et vos
processus
Les ordinateurs traitent l’information, les êtres humains pensent
Déployer les technologies de l’information les plus récentes n’est pas un objectif pour
Toyota
L’automatisation et les machines peuvent aussi être améliorées par des individus créatifs
Lorsque le modèle Toyota rencontre l’industrie 4.0
Papier peint électronique ?
Les applications IoT à Denso, Battle Creek
Les clés de la réussite de Denso
La technologie déqualifie-t-elle, remplace-t-elle ou renforce-t-elle le travail humain ?
Évaluer l’adoption précoce d’une nouvelle technologie à l’aune de son efficacité
PARTIE III
EMPLOYÉS ET PARTENAIRES
Principe 12 - Observer et apprendre de manière itérative (PDCA) pour relever les défis
Apprendre à travailler en vue d’atteindre des objectifs ambitieux
Comprendre la condition actuelle : la méthode des « 5 pourquoi »
Le genchi genbutsu et les 5 pourquoi à l’ère numérique
Lorsque c’est possible, revenir aux principes premiers de la science
Quels sont les obstacles au raisonnement scientifique et comment les surmonter ?
Les « Toyota Business Practices » pour développer le raisonnement scientifique
Les cercles de qualité pour développer le raisonnement scientifique chez les opérateurs
Acquérir l’habitude du raisonnement scientifique : les kata
Étude de cas : Zingerman’s Mail Order
Le PDCA pour apprendre et non pour mettre en œuvre ce que nous pensons savoir
Changer la manière de penser en changeant le comportement
Le rôle de hansei (réflexion) dans le kaizen
L’apprentissage individuel et l’apprentissage organisationnel vont de pair
Les organisations apprenantes se développent : on ne les déploie pas
Principe 13 - Mobiliser l’énergie liée aux progrès de vos équipes avec des objectifs alignés
à tous les échelons de l’organisation
Le hoshin kanri est un processus annuel de travail en commun vers une vision et une
stratégie
Planifier et décider en se fondant sur une réflexion approfondie (nemawashi)
Le rapport A3 pour apprendre collectivement et rendre le raisonnement visible
Le hoshin kanri et le management quotidien vont de pair
Le hoshin kanri à TMUK
Utiliser le hoshin kanri avec l’approche des Toyota kata : l’exemple de SigmaPoint
Le hoshin kanri, un processus pour piloter et promouvoir l’apprentissage organisationnel
Principe 14 - Tracer son chemin vers le futur en apprenant, avec une stratégie audacieuse,
quelques grandes avancées et beaucoup de petits pas
La Prius qui ébranla le monde
Comparaison des stratégies de Toyota et de Tesla
La stratégie de Toyota pour les véhicules autonomes
Valeurs concurrentes et stratégie
La stratégie et l’exécution ne sont pas des sports à grand spectacle
PARTIE V : CONCLUSION
Annexe
Résumé des 14 principes
Le Modèle Toyota dépasse les outils et les techniques
Résumé des 14 principes du Modèle Toyota
Glossaire
Bibliographie
Collection « Toyota Way » et autres ouvrages de Jeffrey Liker
Remerciements
L’auteur
Index
Avant-propos (à la première édition)
Lorsque je suis arrivé chez Toyota, après 18 ans passés dans l’industrie
automobile américaine, je ne savais pas exactement à quoi m’attendre. Mais
j’étais optimiste. Mal à l’aise devant l’orientation prise par les constructeurs
automobiles aux États-Unis, j’avais le sentiment que Toyota pourrait être
différent. Très vite, j’observai une différence fondamentale entre Toyota et
mes précédents employeurs. À l’usine NUMMI (New United Motor
Manufacturing Inc.) de la joint-venture Toyota/GM de Fremont, en
Californie, je vis une force de travail qui figurait parmi les plus médiocres
dans le système General Motors se transformer et devenir l’une des plus
performantes qui se puisse trouver dans n’importe quelle usine américaine.
La différence était dans la méthode, le modèle Toyota. Dans ce livre, Jeffrey
Liker explique les systèmes de gestion, le raisonnement et la philosophie
qui sont les fondements de la réussite de Toyota. Il apporte au lecteur des
indications précieuses, applicables à toute entreprise ou situation. Si de
nombreux ouvrages ont déjà été consacrés aux outils et aux méthodes qui
constituent le système de production Toyota (TPS), le livre de Jeffrey Liker
est unique dans l’explication des grands principes de la culture Toyota.
La méthode Toyota n’est pas la méthode japonaise ou américaine ni, a
fortiori, la méthode Gary Convis. C’est véritablement la façon dont Toyota
conçoit son univers et exerce son métier. Avec le système de production –
le TPS –, le modèle Toyota constitue l’ADN de l’entreprise, né avec ses
fondateurs et perpétué par les dirigeants actuels comme il le sera par ceux
de demain.
Le modèle Toyota peut se résumer succinctement au travers de ses deux
piliers : l’amélioration continue et le respect des hommes. L’amélioration
continue, souvent appelée kaizen, définit l’approche de Toyota dans
l’exercice de son métier. S’interroger sans cesse, ne jamais s’installer dans
la routine. Plus importante que les contributions concrètes que les individus
peuvent apporter, la vraie valeur de l’amélioration continue réside dans la
création d’un climat d’apprentissage constant et d’un environnement qui ne
se contente pas d’accepter le changement mais le sollicite. Un tel
environnement ne peut exister que dans le respect des hommes, second
pilier du modèle Toyota. Toyota traduit ce respect en offrant la garantie de
l’emploi et en amenant ses collaborateurs à participer activement à
l’amélioration de leur travail. En tant que dirigeants, il nous incombe de
développer et de promouvoir la confiance et la compréhension mutuelles
parmi tous les collaborateurs. La direction n’a pas de rôle plus important
que de motiver et d’inciter un grand nombre d’individus à oeuvrer ensemble
à la réalisation d’un but commun. Définir et expliquer ce qu’est cet objectif,
cheminer ensemble pour l’atteindre, inviter les autres à suivre ce chemin et
les aider en écartant les obstacles – telles sont les raisons d’être des
dirigeants. Nous devons inciter les gens à soutenir l’entreprise, à lui
apporter leurs idées. Mon expérience me permet de dire que le modèle
Toyota est la meilleure méthode pour remplir ce rôle.
Les lecteurs du présent ouvrage doivent toutefois comprendre qu’il
appartient à chaque entreprise de développer sa propre méthodologie. Le
modèle Toyota est l’héritage des hommes qui ont créé Toyota et de son
histoire unique. Toyota est l’une des entreprises les plus performantes du
monde. J’espère que ce livre vous permettra de comprendre les clés de sa
réussite et vous apportera quelques idées pratiques pour développer votre
propre approche.
Gary Convis,
ancien directeur général de Toyota
et ancien président de Toyota Motor Manufacturing, Kentucky
Préface
Le monde merveilleux et un peu
fou du lean
Points clés
Le système qui va changer le monde était fondé sur des travaux de recherche
sur le système de production Toyota et a popularisé les concepts de la «
production lean » dans la plupart des secteurs de la société.
Le système de production Toyota est représenté par une maison. Les deux
piliers du juste-à-temps et du jidoka reposent sur un socle de processus stables,
lissés. Au centre, les individus améliorent en permanence le système.
À de nombreux égards, les méthodes du TPS ressemblent aux méthodes
industrielles classiques mais Toyota à renversé l’ingénierie industrielle
traditionnelle en donnant aux équipiers de première ligne le pouvoir d’utiliser les
outils pour améliorer leurs propres processus.
Lorsqu’on envisage l’entreprise comme une machine, le lean mécaniste devient
une boîte à outils que l’on utilise pour éliminer les gaspillages, comme le prescrit
l’ingénierie industrielle classique.
Lorsque l’entreprise est considérée comme un système vivant, le lean organique
se concentre sur les individus qui à tous les niveaux remettent en cause le
système et l’améliorent en permanence.
L’expression « bureaucratie habilitante » a été proposée par Paul Adler pour
désigner un ensemble d’éléments mécanistes et organiques, où la structure, les
politiques et le soutien du management donnent aux individus le pouvoir
d’améliorer leurs processus.
Les pratiques de Toyota ne sont pas efficaces si on en fait des références à
copier parce qu’elles ont été élaborées pour répondre aux problèmes de Toyota
en un temps donné. Il est bien plus pertinent d’apprendre des principes et de les
utiliser comme des idées ou des sources d’inspiration au service dec votre vision
de l’excellence.
Le numérique rend désormais possibles des systèmes lean d’un type nouveau
qui utilisent pertinemment ces technologies pour soutenir les personnes et les
processus.
1 James P. Womack, Daniel T. Jones et Daniel Roos, Le Système qui va changer le monde,Paris,
Dunod, 1993.
2 Paul S. Adler, « Time and Motion Regained, » Harvard Business Review, janv./ févr. 1993, p. 97-
108.
3 J. F. Krafcik, « Triumph of the Lean Production System, » Sloan Management Review, n° 30,
1988, p. 41-52.
4 Takahiro Fujimoto, The Evolution of a Manufacturing System at Toyota, New York, Oxford
University Press, 1999, p. 5-6.
5 Jeffrey Liker et Karyn Ross, The Toyota Way to Service Excellence, New York, McGraw-Hill,
2016.
6 James Morgan et Jeffrey Liker, Designing the Future: How Ford, Toyota, and Other World-Class
Organizations Use Lean Product Development to Drive Innovation and Transform Their
Business, New York, McGraw-Hill, 2018.
7 Chet Marchwinski et. al., Lean Lexicon: A Graphical Glossary for Lean Thinkers, Brighton, MA,
Lean Enterprise Institute, 2006.
Introduction
Le Modèle Toyota : l’excellence
opérationnelle comme arme
stratégique
Toyota a attiré l’attention pour la première fois dans les années 1980,
lorsqu’il est devenu évident que la qualité et l’efficacité japonaises avaient
quelque chose de particulier. Les voitures japonaises avaient une durée de
vie supérieure aux voitures américaines et européennes et nécessitaient
beaucoup moins de réparations. Au début de la décennie suivante, il est
apparu que Toyota était lui-même un cas particulier parmi les autres
constructeurs japonais1. Les voitures étaient dépourvues de lignes ou de
performances spectaculaires, même si elles étaient agréables à conduire et
que leurs modèles étaient souvent très luxueux. C’était la manière dont
Toyota concevait et fabriquait les véhicules qui donnait une cohérence
exceptionnelle aux processus et au produit. Grâce à sa culture, ses méthodes
et ses processus, l’entreprise concevait et fabriquait des voitures moins
chères et de meilleure qualité, plus rapidement que ses concurrents. Tout
aussi impressionnant était le fait que chaque fois que Toyota montrait une
faiblesse apparente et semblait vulnérable, le problème était réglé comme
par miracle et Toyota revenait, plus fort que jamais – comme l’a illustré la
grave crise de rappels de véhicules en 2009-2010, dont on aurait pu croire à
l’époque qu’elle aurait raison du constructeur2. Toyota conserva sa
rentabilité tout au long de cette période difficile et, une fois réglés les
problèmes, ses notations dans les classements qualité repartirent à la hausse.
De nombreux indicateurs peuvent être utilisés pour évaluer un
constructeur automobile. Nous en retiendrons deux : les bénéfices et la
qualité vécue par le client. On ne peut pas apprécier la réussite de Toyota en
se basant sur une seule année, il faut s’intéresser à la constance remarquable
des performances élevées enregistrées par l’entreprise sur le long terme. En
ce qui concerne les bénéfices, j’ai retenu les revenus nets/pertes en dollars
américains sur une période de 15 ans, de 2004 (année de publication de la
première édition de ce livre) à 2018 (voir figure I.1). J’ai comparé ces
résultats à ceux de plusieurs grands constructeurs automobiles – Ford,
Volkswagen et General Motors. Il apparaît que le même schéma
s’appliquerait à tous.
Toyota l’emporte clairement pour la plupart des années retenues. En
2008, au moment de la crise financière, après 50 années consécutives de
bénéfices, Toyota enregistre une perte d’un peu plus de 5 milliards de
dollars, supérieure à celle de Ford et Volkswagen. Pour toutes les autres
années, Toyota est bénéficiaire, malgré la crise du rappel de voitures, le
tremblement de terre et le tsunami au Japon qui interrompirent
l’approvisionnement en pièces détachées, et l’inondation la plus dramatique
qu’ait jamais connue la Thaïlande qui immobilisa également
l’approvisionnement en pièces détachées et la production de véhicules.
Exception faite de ces mauvaises années dues à des crises et des
catastrophes naturelles, le schéma est très nettement haussier. En 2007, juste
avant la crise financière, Toyota a enregistré un revenu net de 14 milliards
de dollars, record historique du secteur. En 2013, le groupe établit un
nouveau record avec un bénéfice de près de 19 milliards de dollars, qu’il
dépassera en 2017, à 21 milliards de dollars. Seul Ford a enregistré un
résultat similaire, plus de 20 milliards de dollars en 2011, dû toutefois, pour
l’essentiel, à un changement comptable*.
FIGURE I.1 Comparaison des revenus nets/pertes des constructeurs automobiles, 2004-
2018.
Les données ont été compilées par James Franz. Les chiffres de Toyota ont été convertis à
partir du yen, sur la base des taux de change trimestriels, et les données concernant
l’année fiscale ont été converties en années calendaires. Il convient de noter que le
bénéfice de Ford pour 2011 a été gonflé de plus de 11 milliards de dollars du fait d’un
changement comptable pour « actifs d’impôts différés ».
Les données ont été compilées par James Franz, en additionnant les vainqueurs par
année.
Les performances des véhicules Toyota sont encore meilleures sur les
longues périodes. Prenons par exemple les voitures que leurs propriétaires
gardent plus de 300 000 kilomètres aux États-Unis5. La Toyota Sequoia
arrive en première position (neuf fois plus de probabilité de la garder plus
de 300 000 kilomètres par rapport à la moyenne) ; au cinquième rang, on
trouve la Toyota 4-Runner ; au septième rang, la Toyota Highlander ; au
dixième rang, la Toyota Tacoma ; au onzième rang, la Toyota Tundra et, au
douzième rang, la Toyota Avalon. En d’autres termes, six des quatorze
voitures que les Américains gardent au-delà de 300 000 kilomètres sont
fabriquées par Toyota.
Les évaluations d’autres organismes parviennent aux mêmes
conclusions. Autobytel, qui se penche sur l’historique des véhicules et le
jugement des mécaniciens, a dévoilé ses prévisions concernant la durabilité
probable des modèles 2019. Sans surprise, la Camry, la Corolla, la Prius et
la Lexus ES figurent toutes dans les dix premières places6. Un autre institut,
Dashboard Light, étudie les voitures en fin de vie. Il s’intéresse au groupe
motopropulseur, les pannes des moteurs à essence traditionnels ou les
pannes de transmission étant les réparations les plus coûteuses, et prend
également en compte l’âge à laquelle survient la panne et le moment où le
véhicule est repris par un concessionnaire au prix usine. Dashboard classe
la Lexus à la première place, devant Toyota ; la marque Scion, qui n’existe
plus, arrive quant à elle en quatrième position pour la fiabilité à long terme
(voir figure I.4).
Je ne dis pas que l’absence de défaut est tout ce qui compte en matière de
mobilité. Comme nous le verrons au principe 14, l’enthousiasme pour une
voiture peut être plus important, en particulier à l’heure où la mobilité entre
dans une nouvelle ère – et Toyota y travaille d’arrache-pied. Tesla prouve
aujourd’hui que jouer la carte du plaisir et des fonctionnalités innovantes
peut réussir à faire passer au second plan les problèmes de qualité
persistants. Mais, jusqu’à ce jour, les caractéristiques distinctives qui ont
nourri la croissance de Toyota sont la fiabilité extrême, le prix abordable et
la fonctionnalité.
Le Modèle Toyota
Quel est le secret de la réussite de Toyota ? Toyota est reconnu pour avoir
créé le système de production Toyota (TPS) et ouvert la voie à la «
révolution lean ». Toutefois, des outils et des techniques ne sont pas une
arme secrète pour transformer une entreprise. La réussite durable de Toyota
découle d’une philosophie plus profonde, fondée sur sa compréhension des
hommes et de leurs mécanismes de motivation. Son succès est, in fine,
fondé sur sa capacité à cultiver le leadership, les équipes et la culture, à
définir la stratégie, à bâtir une vraie relation avec les fournisseurs et à
perpétuer une entreprise apprenante.
Ce livre décrit les 14 principes qui constituent ma vision du « modèle
Toyota », nourrie de plus de 35 ans d’étude de l’entreprise. Pour éclairer
mon propos, j’ai divisé ces principes en quatre catégories : philosophie,
processus, ressources humaines/partenaires et résolution des problèmes
(voir figure I.5). J’ai revu le modèle pour cette nouvelle édition. En lieu et
place de la pyramide que j’utilisais dans la première édition, j’ai choisi
d’illustrer les principes sous la forme d’un puzzle représentant un système
d’éléments interconnectés. J’ai également ajouté au centre un nouveau
concept, celui de « raisonnement scientifique », qui donne vie aux 4P
comme nous le verrons un peu plus loin. Concrètement, le raisonnement
scientifique renvoie ici à l’adoption d’une démarche d’apprentissage
itérative, fondée sur les faits, pour progresser vers un objectif difficile. Il
suppose avant toute chose de reconnaître que le monde est beaucoup plus
complexe et imprévisible que nous ne le pensons souvent… et de très loin.
FIGURE I.5 Le modèle des 4P.
Les 14 principes associés au modèle des 4P sont résumés sur la figure I.6.
Vous en trouverez une version plus développée en annexe, accompagnée
d’un tableau qui vous permettra d’évaluer votre propre situation au regard
de ces principes. Les lecteurs ayant lu la première édition remarqueront que,
s’il y a toujours 14 principes, certains ont été reformulés et que l’ordre en
est un peu différent. La section consacrée à la résolution de problème est
celle qui a été le plus modifiée. Je mets désormais davantage l’accent sur le
« raisonnement scientifique » : observer et apprendre de manière itérative
(voir principe 12), aligner les plans et les objectifs à travers le déploiement
des politiques (voir principe 13), établir une connexion entre la stratégie et
l’exécution par grands bonds et petits pas à l’aide d’un nouveau principe
(voir principe 14). Chaque principe fait l’objet d’un chapitre, illustré
d’exemples tirés de l’industrie et des services.
FIGURE I.6 Le modèle des 4P et les 14 principes.
Philosophie
Processus
Les processus ne sont pas des choses statiques, mais des approches
dynamiques du travail pouvant être améliorées grâce à l’expérimentation et
à l’apprentissage. Dans la communauté lean, nombreux sont les prétendus
experts à déployer leurs méthodes lean préférées, celles avec lesquelles ils
ont obtenu des résultats dans le passé : créer des cellules, ranger, nettoyer et
mettre en place un tableau pour les petites réunions quotidiennes. Le
modèle Toyota ne considère pas que l’on peut déployer des solutions pour
réparer ou construire un système à hautes performances. Si Toyota a créé le
lean, ou ce que Krafcik appelle des systèmes « fragiles », c’est en grande
partie pour identifier les problèmes afin que les opérateurs puissent les
résoudre scientifiquement, un par un – et apprendre.
Salariés et partenaires
Résolution de problème
1 James P. Womack, Daniel T. Jones et Daniel Roos, Le Système qui va changer le monde, Paris,
Dunod, 1993.
2 Jeffrey Liker et Timothy Ogden, Toyota Under Fire: Lessons from Turning Crisis into
Opportunity, New York, McGraw-Hill, 2011.
* Sur les 20 milliards de dollars de bénéfices de Ford en 2011. Selon autoblog.com, 11,5 milliards
de dollars résultaient d’« une provision pour impôts différés, dont l’entreprise avait besoin, ses
bénéfices étant en baisse. Lorsqu’elle a retrouvé la rentabilité, la provision n’était plus nécessaire
».
3 https://www.macrotrends.net/stocks/charts/TM/toyota/cash-on-hand.
4 https://www.jdpower.com/business/press-relleases/2019-us-vehicules-dependability-studyvds.
5 « The 14 Cars Americans Drive Past 200 Thousand Miles », Business Insider,
https://www.businessinsider.com/cars-americans-drive-the-most-are-suvs-2019-11.
6 https://www.autobytel.com/car-buying-guides/features/10-of-the-logest-lasting-cars-on-the-road-
128961/#.
* L’expression « Toyota Way » désigne en anglais d’une part la démarche interne à Toyota, d’autre
part l’interprétation de ce modèle par Jeffrey Liker. Dans cet ouvrage, nous avons regroupé ces
deux acceptions dans l’expression « modèle Toyota ». [NdT.]
** Propos rapportés par Art Smalley, ancien manager de Toyota.
7 Mike Rother, Toyota Kata, New York, McGraw-Hill, 2009.
8 http://www.katatogrow.com (cliquer sur « scientific thinkers »).
9 Daniel Kahneman, Thinking Fast and Slow, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2011.
Comment Toyota est devenu le
meilleur constructeur du
monde
Je veux réduire autant que possible la marge au sein des processus d’exécution et dans
l’expédition des pièces détachées et des matières. Le principe de base de ce plan sera la
démarche « juste-à-temps ». La règle à suivre est de ne pas expédier de marchandises trop tôt
ou trop tard.
Son métier qui ne tombait jamais en panne devint le modèle le plus populaire de Toyoda. En
1929, il envoya son fils Kiichiro en Angleterre pour négocier la vente du brevet à Platt
Brothers, premier fabricant de machines à filer et tisser. Son fils négocia un prix de 100 000
livres et, en 1930, utilisa ce capital pour jeter les bases de Toyota Motor Corporation2.
Le juste-à-temps
La qualité intrinsèque
Continuité de la philosophie
Règle financière n° 1
Dans les années 1930, les dirigeants de Toyota visitèrent des usines Ford et
GM pour étudier leurs chaînes d’assemblage et lurent attentivement le livre
d’Henry Ford, Today and Tomorrow (« aujourd’hui et demain »)10. Ils
expérimentèrent, dans leur production de métiers, le système du tapis
roulant, les machines-outils de précision et les économies d’échelle. Avant
même la Seconde Guerre mondiale, Toyota avait compris que le marché
japonais était trop petit et la demande trop fragmentée pour justifier les gros
volumes de production (une chaîne automobile américaine pouvait produire
9 000 unités par mois contre 900 seulement pour Toyota, et la productivité
de Ford était neuf fois supérieure). Les dirigeants de Toyota savaient que la
survie à long terme de l’entreprise passait par une adaptation du système de
production de masse au marché japonais. Mais comment ?
Taiichi Ohno, qui dirigeait à l’époque une usine d’usinage pour des
pièces de moteur, se vit confier un défi d’envergure : améliorer le processus
de production de Toyota afin qu’il égale la productivité de Ford. Selon le
paradigme de la production de masse de l’époque, même les économies
d’échelle étaient impossibles pour la minuscule Toyota. C’était David
défiant Goliath. Et comme David, Ohno réussit. Il s’appuya sur les concepts
de Kiichiro Toyoda pour développer les processus de fabrication lean, qui
devaient donner naissance au TPS.
Le système de Ford était conçu pour produire d’énormes quantités d’un
petit nombre de modèles. Raison pour laquelle toutes les Ford T étaient
noires. À l’inverse, Toyota devait produire de petits volumes de différents
modèles en utilisant la même chaîne, car la demande sur le marché
automobile japonais était trop faible pour dédier une chaîne à chaque
modèle. Ford disposait de liquidités considérables et d’un vaste marché aux
États-Unis et à l’étranger. Toyota avait peu de capitaux et son marché était
aussi petit que le pays. Avec peu de moyens et de capital, Toyota devait
dégager rapidement des liquidités (depuis la commande jusqu’au paiement)
pour pouvoir payer ses fournisseurs. L’entreprise ne pouvait pas se couvrir
avec les gros volumes et les économies d’échelle que permettait le système
de production de Ford. Il lui fallait impérativement adapter ce système pour
obtenir simultanément un produit de bonne qualité – à faible prix de revient
et construit rapidement – et la flexibilité. Si Ohno et son équipe apprirent
d’autres entreprises – Ford en particulier –, il leur fallut élaborer des
solutions uniques pour répondre aux défis auxquels ils étaient confrontés.
Tout au long des années 1950, Ohno développa et perfectionna une
approche qui, à l’origine, ne portait pas de nom. On parlait de « système de
production d’Ohno », jusqu’à ce qu’on l’appelle le système de production
Toyota*.
Henry Ford a consacré des pages très intéressantes au flux et à
l’élimination des gaspillages dans son livre Today and Tomorrow11 –
notamment au chapitre viii, intitulé « Apprendre du gaspillage » :
Économiser des matières parce que ce sont des matières et économiser des matières parce
qu’elles représentent du travail peuvent sembler revenir au même. Mais la façon d’envisager
les choses change tout. Nous utiliserons les matières plus prudemment si nous y voyons du
travail. Par exemple, nous ne gaspillerons pas aussi facilement des matières simplement
parce que nous pouvons les récupérer – car les récupérer demande du travail. L’idéal est de
ne rien avoir à récupérer.
J’ai indiqué que Kiichiro avait été extrêmement déçu par les gaspillages
qu’il avait observés dans l’usine Platt Brothers. La qualité finale des
produits était certes remarquable mais au prix de beaucoup de gaspillage, à
commencer par un gros retravail d’ajustage des pièces pour qu’elles
s’emboîtent correctement. Dans le TPS, le flux pièce à pièce est l’idéal que
l’on cherche à atteindre : de la pure valeur ajoutée depuis le début jusqu’à la
livraison au client – sans interruption et sans retravail. Tout ce qui fait
obstacle au flux est gaspillage. Toyota a identifié sept sortes de gaspillage
dans les processus opérationnels ou de fabrication. On peut les appliquer au
développement des produits, au développement de logiciels, aux hôpitaux et
à toutes les tâches administratives. Elles ne sont pas l’exclusivité des
chaînes de production.
1. Surproduction. Fabriquer des articles qui n’ont pas été commandés, ce
qui engendre des gaspillages, occupe un nombre excessif d’opérateurs
et entraîne des coûts de stockage et de transport dus aux excédents de
stocks.
2. Attente. Surveiller une machine ou attendre la fin de l’étape suivante du
processus, attendre un outil, des fournitures, une pièce, etc., ou être
inoccupé sans date butoir immédiate.
3. Transport ou manutention inutiles. Transporter des encours sur de longues
distances sans que le transport ait une réelle utilité, ou déplacer des
matières ou des informations entre des points de stockage ou des
processus.
4. Usinages inutiles ou mal faits. Actions inutilement nombreuses pour
parvenir au résultat souhaité, ou mal exécutées à cause d’outils et de
produits mal conçus, qui entraînent des gestes inutiles et des défauts.
Produire des articles de meilleure qualité qu’il n’est nécessaire est un
gaspillage.
5. Stocks excédentaires. Trop de matières premières, d’encours ou de
produits finis, qui se traduisent par des temps de défilement plus longs,
l’obsolescence des produits, des articles endommagés, des coûts de
transport et de stockage et des retards. Les stocks excédentaires
occultent également des problèmes comme des déséquilibres dans la
production, des retards de livraison de la part des fournisseurs, des
défauts, des machines immobilisées et des temps de mise en place
longs.
6. Gestes inutiles. Tous les gestes inutiles que les employés doivent faire
pendant leur travail, que ce soit pour chercher, attraper ou empiler des
pièces, des outils, etc. Marcher est aussi un gaspillage.
7. Défauts. Fabrication de pièces défectueuses ou rectification. Réparation
ou correction, mise au rebut, fabrication de produits de remplacement et
inspection sont synonymes de manutention, temps et effort inutiles.
(Dans The Toyota Way to Service Excellence, nous proposons une liste
élargie des gaspillages prenant en compte les spécificités du secteur
tertiaire12.)
Ohno considérait la surproduction comme le premier des gaspillages, car
à l’origine de la plupart des autres. Produire davantage que n’en souhaite le
client à un stade du processus de fabrication entraîne obligatoirement
l’accumulation de stocks en aval : les matières sont immobilisées, en
attendant de passer à l’étape suivante. « Où est le problème, tant que les
hommes et les machines produisent ? » répondront peut-être ceux qui
fabriquent en masse ou par lots importants. Le problème, c’est que de gros
stocks tampons (intermédiaires) induisent d’autres comportements
susceptibles de nuire à la recherche de l’amélioration continue. Pourquoi se
soucier de maintenance préventive si les pannes n’ont pas d’effet immédiat
sur la production finale ? Pourquoi s’inquiéter de quelques défauts de
qualité lorsqu’il suffit de jeter les pièces défectueuses ? Parce que
lorsqu’une pièce défectueuse arrive à l’opérateur chargé de la dernière
opération d’assemblage, qui sait combien d’autres pièces défectueuses ont
été fabriquées et attendent dans les stocks tampons ?
La figure S.1 illustre ces gaspillages par une simple ligne représentant le
déroulement d’un processus de moulage, d’usinage et d’assemblage. Dans
la plupart des processus gérés de manière traditionnelle, la majeure partie
du temps de transformation est un gaspillage ; pourtant, les efforts
d’amélioration se limitent généralement à supprimer du processus à valeur
ajoutée des portions très réduites de temps – par exemple, augmenter la
cadence de production des machines pour les rendre plus « efficientes ».
Imaginons que, pour être compétitive, votre entreprise doive fabriquer une
grande variété de produits et raccourcir le délai entre la commande et la
livraison de sorte que vos clients puissent eux aussi réduire leurs stocks tout
en obtenant ce qu’ils veulent quand ils le veulent. Vous réunissez un groupe
pluridisciplinaire, dont un spécialiste des concepts lean, et vous créez une
vision pour l’état futur. À quoi devrait ressembler le flux de valeur pour que
vous atteigniez vos objectifs ?
Le résultat ressemblera par exemple à la carte de l’état futur représentée
sur la figure S.3. Dans ce cas, vous avez conçu un système de flux des
matières qui lisse la production des différents produits pour que vous n’ayez
pas besoin de produire des lots d’un produit le matin et des lots d’un autre
produit l’après-midi (voir principe 4). Vous avez supprimé la
programmation des opérations individuelles, génératrice de stocks, et
remplacé le flux d’informations par des systèmes tirés. Ainsi, chaque
processus ne produit que ce dont le processus suivant a besoin lorsqu’il en a
besoin (voir principe 3). Pour soutenir le flux, vous devrez aussi
probablement réduire le temps de changement d’outillage des machines
d’un produit à l’autre et le temps d’immobilisation des machines. Sur la
carte de la chaîne de valeur, ces activités complémentaires sont représentées
par des explosions de kaizen-points. On a généralement tendance à se
rendre dans les ateliers et à essayer de mettre en place ce qui figure sur la
carte, en répartissant le travail entre plusieurs équipes. Malheureusement,
l’état futur n’est pas une liste de solutions à mettre en œuvre. C’est une
image d’ensemble de ce à quoi vous aspirez. Il est peu probable que vous
atteigniez jamais cet état futur si vous vous contentez de chasser les
gaspillages à travers les kaizen-points. Et il est tout aussi probable que vous
ne réaliserez pas la vision globale la première fois où vous essaierez
d’implémenter les outils lean. Vous devrez sans doute en passer par
plusieurs expérimentations pour tester vos idées et découvrir comment
progresser vers l’état futur.
La démarche s’est traduite par une baisse drastique des temps d’attente, de
meilleurs programmes de soins, une prise en charge des patients de
meilleure qualité et une baisse des coûts. Si beaucoup de gaspillages ont
ainsi été éliminés, ce n’était pas le point central de la démarche. L’objectif
était d’améliorer la prise en charge globale du patient. Il a fallu dans un
premier temps réinventer l’état futur, pour ensuite progresser – grâce à une
amélioration méthodique – vers cette vision. C’est la différence entre
nettoyer ce qui existe et tout faire pour atteindre une nouvelle vision
audacieuse.
Comme le soulignent Rother et Shook16, élaborez toujours un état futur
qui orientera vos actions. Ne vous contentez pas de cartographier l’état
actuel et de partir à la chasse aux gaspillages. Dans leur livre Toyota Kata
Culture, Rother et Aulinger nous mettent au défi d’envisager la carte du
flux de valeur de l’état futur comme un ensemble de défis imbriqués les uns
dans les autres, afin que chaque niveau de l’organisation comprenne ce qu’il
doit accomplir pour soutenir le niveau suivant – des processus individuels
au flux de valeur global17. Ces défis sont au-delà de ce que nous
connaissons aujourd’hui et ils pourront être atteints avec des cycles PDCA
répétés. Chaque cycle de PDCA est une nouvelle expérimentation –
formuler une hypothèse, tester, réfléchir et apprendre.
Conclusion
Et encore :
Nous voulons décider de notre destin. Nous agissons avec assurance, sommes confiants dans
nos capacités. Nous assumons la responsabilité de nos actes et nous nous engageons à
entretenir et perfectionner les compétences qui nous permettent d’apporter une valeur
ajoutée.
Ces mots forts décrivent bien ce que Ohno et son équipe accomplirent. Sur
les décombres de la Seconde Guerre mondiale, ils acceptèrent une mission
qui semblait impossible : égaler la productivité de Ford. Ohno releva le défi
et, « avec un esprit créatif et du courage », résolut les problèmes les uns
après les autres et créa un nouveau système de production. Le même
processus s’est répété inlassablement tout au long de l’histoire de Toyota.
Points clés
Le modèle Toyota et le système de production Toyota sont les fruits de
décennies de pratique et d’apprentissage visant à répondre aux défis
spécifiques auxquels l’entreprise était confrontée.
Le système de production Toyota est un système de personnes, de machines et
de méthodes de travail alignées pour atteindre les objectifs de l’entreprise :
qualité, coûts, fiabilité, sécurité et épanouissement.
L’élimination des gaspillages est souvent présentée comme le but du TPS, mais
traquer les gaspillages ne suffit pas à créer un système à hautes performances.
Une meilleure approche consiste à développer une vision d’un système qui
remplira les objectifs de l’organisation, puis à s’efforcer d’atteindre cette vision
par le kaizen. Toujours expliciter le dessein.
La carte de la chaîne de valeur est un outil qui nous aide à comprendre l’état
actuel et à élaborer une vision d’ensemble de la façon dont les matières et les
informations doivent circuler pour atteindre les objectifs de l’entreprise. Cette
vision nous apporte une direction vers laquelle progresser grâce au PDCA.
Les facteurs les plus importants pour la réussite sont la patience, une action axée sur le long
terme plutôt que sur les résultats immédiats, l’investissement dans les hommes, le produit et
les moyens de production, un attachement sans faille à la qualité.
Tout est dit. La vocation d’une entreprise est d’enrichir ses actionnaires, pas
de « créer de la valeur sociale ». Le seul étalon qui vaille est le cours de
l’action. À cet égard, les performances de Toyota sont, au mieux,
médiocres. Les actions de l’entreprise ont rarement constitué un bon
investissement de court terme. Adoptant le point de vue inverse, le
journaliste Michael Steinberger s’est exprimé au sujet des rachats d’actions,
un moyen privilégié de transférer les gains de l’entreprise aux actionnaires :
Quelle qu’en soit la raison, certaines estimations indiquent qu’entre les rachats d’actions et
les dividendes, les plus grandes entreprises américaines ont rendu environ 90 % de leurs
gains aux actionnaires au cours de la dernière décennie. Un argent qui aurait pu être utilisé
pour augmenter les salaires des collaborateurs ou pour renforcer les dépenses de recherche
et développement, ou encore pour amortir une récession future ; mais non, il est allé aux
investisseurs5.
Cela ne signifie pas que Toyota n’a pas le souci de réduire les coûts.
Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, peu après la Seconde Guerre
mondiale, l’entreprise frisa la faillite et dut licencier des ouvriers – une
situation qui entraîna la démission de son fondateur, Kiichiro Toyoda. Forts
de cette expérience, les dirigeants de Toyota se jurèrent de ne plus avoir de
dettes, ce qui exige une démarche de réduction des coûts agressive. Réduire
les coûts est une passion depuis que Taiichi Ohno a commencé à éliminer
les gestes inutiles dans la fabrication. Cela se traduisait souvent par la
suppression d’un processus sur une ligne ou dans une cellule. Pour autant,
cela ne se traduisait pas – et ne se traduit toujours pas – par le départ
d’employés. La personne était, et il en va toujours ainsi aujourd’hui,
transférée à un autre poste. Dans la logique de Toyota, c’est un opérateur de
moins à recruter et à former plus tard.
Toyota possède aujourd’hui un système global de contrôle des budgets
(Total Budget System Control), qui permet de surveiller les budgets de
toutes les divisions jusqu’à la moindre dépense. Dans mes entretiens avec
les managers, j’ai souvent demandé si réduire les coûts était une priorité.
Ma question les amusait beaucoup. Leur réponse était, en gros : « Vous
n’avez rien vu, tant que vous ne savez pas jusqu’où Toyota pousse le sens
de l’économie6. » Ancien manager de Toyota, Michael Hoseus raconte que,
lors d’un voyage au Japon, un manager a ouvert le tiroir de son bureau et lui
a montré un crayon. Il était composé de plusieurs vieux crayons raboutés
avec du scotch, lesquels avaient été utilisés jusqu’à ce qu’ils soient trop
courts pour qu’on puisse les tenir entre les doigts.
Pourtant, la réduction des coûts n’est pas le principe qui détermine la
politique de Toyota. Ainsi, l’entreprise ne licencierait pas d’employés à
cause d’une baisse temporaire des ventes, pas plus que nous ne jetterions
nos enfants à la rue parce que nous aurions perdu de l’argent dans nos
investissements.
Le professeur Hirotaka Takeuchi et ses étudiants ont étudié de nombreux
cas de ce type au Japon et ont conclu que se préoccuper du bien social est
un actif clé pour surmonter les périodes de crise. Par exemple, le violent
tremblement de terre de 2011 et le tsunami qu’il a provoqué ont dévasté de
nombreuses entreprises et usines. Pourtant, les entreprises ont été
nombreuses à conserver leurs salariés pour reconstruire et fournir
gratuitement des produits et des services à la communauté. Ce fut
notamment le cas de Yakult, un fabricant de boissons probiotiques dont les
produits sont livrés directement au domicile des clients par des « dames
Yakult » (oui, le biais de genre reste vivace au Japon). En dépit d’une baisse
de 30 % du chiffre d’affaires, le P-DG de l’entreprise, Hiromi Watanabe, a
assuré aux salariés que l’entreprise ferait tout pour conserver les emplois,
livrer de la nourriture et des boissons aux victimes et participer au
rétablissement de la communauté, même si cela impliquait d’« utiliser toute
la trésorerie et tous les bénéfices de l’entreprise ». Le professeur Takeuchi
raconte7 :
Il a remis 300 dollars en espèces à chaque Yakult Lady, directement prélevés dans le coffre-
fort de l’entreprise car les banques étaient fermées ; utilisé la plate-forme de livraison comme
centre d’accueil pour les salariés et leur famille ; et garanti leur emploi aux Yakult Ladies
contraintes d’évacuer leur maison. Lorsque les approvisionnements en boissons probiotiques
se sont taris parce que l’usine avait été contrainte de fermer et que les Yakult Ladies se sont
retrouvées sans produits à livrer, certaines ont décidé de leur propre chef de distribuer de
l’eau et des nouilles instantanées à leurs clients, gratuitement. Lorsque Watanabe l’a
découvert, il a encouragé les salariés à livrer davantage de produits aux victimes dans les
refuges.
Faire passer la communauté et les clients d’abord est également inscrit dans
l’ADN de Toyota. L’entreprise est semblable à un organisme qui se nourrit
de lui-même, protège ses enfants, favorise leur épanouissement, afin de
continuer à donner aux clients, aux communautés et à la société. Dans le
cynisme ambiant concernant la morale des dirigeants d’entreprise et la
place des grandes entreprises capitalistes dans la société, le modèle Toyota
offre une autre voie et montre ce qui peut être accompli lorsqu’on fédère
près de 400 000 personnes autour d’un but commun qui dépasse de très loin
la recherche du profit.
L’histoire de NUMMI : un laboratoire pour
comprendre comment exporter le TPS à
l’étranger
Au début des années 1980, les dirigeants de Toyota prirent conscience que
l’entreprise devait construire ses voitures là où elles seraient vendues si elle
voulait devenir une entreprise mondiale viable. Dès lors, une question se
posait : comment exporter le TPS ? Pouvait-il exister en dehors de la culture
japonaise ? En 1972, Toyota avait créé une petite usine de châssis de
camions en Californie, TABC, où le TPS avait été mis en place avec succès.
Mais il s’agissait cette fois d’une usine complète de fabrication et
d’assemblage de voitures, une tout autre aventure. Il est naturel pour Toyota
d’apprendre en faisant, et l’entreprise est toujours disposée à expérimenter.
L’entreprise estima que nouer un partenariat pourrait être intéressant et elle
créa donc en 1984 une joint-venture avec General Motors (GM), qui
deviendrait plus tard New United Motor Manufacturing, Inc. – ou NUMMI.
Toyota allait enseigner à GM les principes du système de production
Toyota. Toyota accepta de reprendre une usine de petits camions située à
Fremont (Californie), que GM avait fermée en 1982, et de la gérer selon les
principes du modèle Toyota. Toyota convint également d’accepter le
syndicat United Auto Worker. L’avocat de Toyota, Dennis Cuneo, qui
deviendra par la suite vice-président senior de Toyota Motor
Manufacturing, en Amérique du Nord, travaillait à l’époque pour
l’entreprise comme conseil juridique. Il explique les défis :
En ce temps-là, tout le monde pensait que le système de production Toyota était synonyme de
cadences infernales. Je me souviens de la première réunion que nous eûmes avec les
responsables syndicaux. Il y avait là un personnage du nom de Gus Billy. Il était assis en bout
de table et nous parlions du TPS, du kaizen, etc. « Pour moi, c’est produire toujours plus vite,
dit-il. En fait, toute cette histoire de suggestions, c’est une manière d’essayer de proposer une
idée pour supprimer votre poste. »
Une telle hostilité n’était pas isolée. Même lorsque l’usine était dirigée par
GM, le syndicat local avait une réputation de militantisme intransigeant,
allant jusqu’à déclencher des grèves sauvages. Au sabotage des véhicules
s’ajoutaient des problèmes de drogue, d’alcool et de prostitution. Un
ouvrier poussa même un superviseur8 devant un chariot élévateur en
mouvement, sous les rires des autres ouvriers. Pourtant, lorsque Toyota et
GM créèrent NUMMI, Toyota décida de rétablir le syndicat local.
L’entreprise s’engagea également à réembaucher jusqu’à 85 % des anciens
ouvriers de GM et, contre l’avis de GM, à réintégrer les anciens délégués du
syndicat en grande partie responsables de l’attitude militante des employés.
Cuneo explique :
Je pense que GM fut surpris. Certains, à la direction du personnel, nous mirent en garde
contre ce projet. Nous prîmes un risque calculé. Nous savions que les anciennes équipes de
GM avaient besoin de leadership et les leaders naturels de ces équipes siégeaient au comité
d’entreprise. C’était à nous de les faire changer d’attitude et d’opinion. Nous avons donc
envoyé ses membres au Japon pendant trois semaines. Ils ont vu eux-mêmes ce qu’était le
TPS. Ils sont revenus « convertis » et ils ont convaincu la base que ce système de production
Toyota n’était pas si terrible qu’on le disait.
Défi
Toyota a été fondé sur la volonté de relever des problèmes ardus et d’y
travailler jusqu’à ce qu’ils aient été résolus. On attend de tout employé de
Toyota non seulement qu’il excelle à son poste actuel, mais qu’il travaille
avec enthousiasme pour atteindre des niveaux plus élevés de performance.
Le hoshin kanri, sur lequel nous reviendrons au principe 13, est un moyen
de répercuter en cascade les objectifs de haut niveau à tous les échelons de
l’entreprise. On peut lire ainsi dans « The Toyota Way 2001 » : « Nous
accueillons les défis avec un esprit créatif et le courage de réaliser nos
propres rêves sans nous décourager. »
Kaizen
On serait tenté de se dire qu’aller voir quelque chose par soi-même est
simplement une question pratique – encore qu’on y recoure trop rarement
dans la plupart des entreprises – plutôt qu’une valeur. La valeur du genchi
genbutsu ne réside pas nécessairement dans l’acte d’aller voir soi-même sur
le terrain, mais bien plutôt dans la philosophie qui sous-tend cette démarche
: acquérir une compréhension approfondie de la situation actuelle avant de
prendre une décision ou d’essayer d’apporter un changement dont on pense
qu’il constituera une amélioration. Le genchi genbutsu a deux facettes.
Premièrement, les décisions sont prises sur la base des faits observés
concernant le problème – et non sur des intuitions, des suppositions ou des
perceptions. Deuxièmement, les décisions doivent être confiées aux
personnes les plus proches du problème et à celles qui sont allées le voir et
qui ont une connaissance approfondie de ses causes et des conséquences
probables des solutions envisagées.
Dans sa préface à The Toyota Way to Lean Leadership, le président Akio
Toyoda expliquait ainsi son engagement d’apprendre à l’« endroit réel », au
gemba :
Dans un discours que j’ai prononcé peu de temps après être devenu président, en 2009,
j’exprimai le souhait d’être plus proche du gemba. Chaque fois qu’il y a un objet réel, il y a
un gemba. Lorsque les clients conduisent nos voitures, le gemba, c’est la façon dont ils
utilisent nos produits, ce qui fonctionne pour eux et ce qui leur cause des difficultés. En tant
que dirigeant de l’entreprise, je me dois d’incarner le comportement que j’attends des autres.
Aller là où les choses se font, c’est aller voir moi-même comment nos produits sont conçus,
fabriqués, utilisés et quels problèmes nous rencontrons. Il y a toujours des problèmes parce
que nous ne sommes jamais parfaits. Le seul moyen de vraiment comprendre un problème est
de l’observer sur le terrain10.
Dans le cadre de ma master class sur le leadership lean, nous visitons une
usine Toyota et nous avons ensuite une discussion. Une des choses qui
frappe le plus les étudiants est la constance remarquable de la philosophie et
de la pensée des leaders de tous niveaux. Ainsi, les premières observations
d’un de ces groupes étaient : (1) « constance des principes et des valeurs à
tous les niveaux, en permanence » ; (2) « répétition à l’envi des anecdotes
historiques de Toyota » ; (3) « culture très forte omniprésente ».
Même à la faveur d’une simple visite d’une journée, il est évident que les
actes des leaders de Toyota reflètent leurs discours. Ces étudiants seraient
parvenus aux mêmes conclusions s’ils avaient visité n’importe quelle autre
usine Toyota dans le monde. La culture de Toyota est délibérée et constante,
et les paroles que véhicule l’entreprise correspondent à ses actions.
J’aborderai au principe 12, consacré au raisonnement scientifique, le rôle
de la pratique délibérée. Qu’il s’agisse de la pratique d’un sport, d’un
instrument de musique ou même de la cuisine, ce n’est pas en faisant les
choses encore et encore de la même manière que l’on progresse. La pratique
délibérée est orientée vers un but, visant à déterminer, par exemple : «
Quelle est ma prochaine étape pour parvenir à un niveau supérieur de
compétences ? Quel est l’écart entre la manière actuelle et la manière
souhaitée ? Quels exercices puis-je faire pour réduire cet écart ? » On peut
aussi envisager la culture de cette manière. Par culture délibérée*, il faut
entendre que nous avons une idée très précise des croyances, des valeurs et
des hypothèses fondamentales que nous voulons que nos équipes fassent
leurs et incarnent. Combler l’écart entre la façon naturelle dont les gens
pensent et agissent et l’attitude souhaitée demande du travail. L’ouvrage
Toyota Culture15 raconte en détail comment Toyota sélectionne et forme ses
collaborateurs afin qu’ils correspondent à la culture souhaitée, ce qui est
essentiel pour vivre sa philosophie.
La clé d’une culture forte est la stabilité. Si les P-DG et leurs
philosophies ne cessent de se succéder, les salariés sont perdus. L’occasion
ne leur est jamais donnée de développer des croyances profondément
enracinées, et il est certain qu’ils n’acquerront jamais les comportements
habituels requis d’une culture positive et vivante. Chaque nouveau P-DG
prêchera sa vision d’une culture souhaitée. Certaines personnes
s’efforceront de soutenir le P-DG en prononçant les mots adéquats – mais il
est plus que probable que ceux-ci ne correspondront pas aux actes. La
constance de Toyota quant à sa philosophie remonte à la fondation de
l’entreprise. La culture est enracinée dans l’organisation, terreau sur lequel
peut prospérer l’excellence.
Points clés
La mission de Toyota va bien au-delà de la rentabilité à court terme et Toyota est
déterminé à investir pour le long terme.
Toyota envisage son organisation comme un système sociotechnique vivant,
non comme des parties mécaniques mues par des relations de cause à effet
directes. Investir dans la formation des femmes et des hommes leur permet de
contrôler localement les dynamiques de systèmes complexes.
Toyota démontre que faire ce qui est bien est une stratégie bénéfique pour
l’entreprise.
Ce qui fait avancer Toyota, ce sont des femmes et des hommes animés par la
conviction qu’il y a toujours une meilleure manière de faire et qui font confiance
à l’entreprise pour bien se comporter à leur égard.
Le fondement de la confiance des salariés est la sécurité de l’emploi et Toyota
fait beaucoup plus que nombre d’entreprises pour protéger les emplois de ses
salariés.
Les cinq principes directeurs de « The Toyota Way 2001 » sont le moteur de
l’amélioration continue qui repose sur la poursuite d’objectifs ambitieux grâce au
kaizen et à l’attention quotidienne à la formation des individus et des équipes.
Toyota a une culture délibérée, constante dans le temps, sur ses différents sites,
à tous les niveaux de l’organisation. Toyota « walks the talk ».
1 Daniel Markovits, « How McKinsey Destroyed the Middle Class », Atlantic, 3 février 2020.
2 David P. Hanna, Designing Organizations for High Performance, Reading, MA, Addison-Wesley,
1988.
3 https://planet-lean.com/akio-toyoda-crisis-management/.
4 https://asia.nikkei.com/Opinion/Japanese-companies-must-stop-gloating-about-cash-hoarding.
5 https://www.nytimes.com/interactive/2020/05/26/magazine/stock-market-corona-virus-
pandemic.html?action=click&module=Top%20Stories&pgtype=Homepage.
6 Jeffrey Liker et Michael Hoseus, Toyota Culture: The Heart and Soul of the Toyota Way, New
York, McGraw-Hill, 2008.
7 Hirotaka Takeuchi, « Why Japanese Businesses Are So Good at Surviving Crises », Harvard
Business School Working Knowledge, 26 juin 2020.
8 Il s’agissait de Leroy Morrow, qui occupa des postes de management à NUMMI et par la suite sur
le site de Georgetown, dans le Kentucky. Il devait plus tard travailler pour moi comme consultant.
9 James P. Womack, Daniel T. Jones et Daniel Roos, Le Système qui va changer le monde, Paris,
Dunod, 1993.
10 Jeffrey Liker et Gary Convis, The Toyota Way to Lean Leadership, New York, McGraw-Hill,
2011.
* En 2008, General Motors enregistra une perte de 30,9 milliards de dollars, dont 9,6 milliards de
dollars au cours du seul quatrième trimestre. Pour survivre, l’entreprise dut passer sous tutelle de
l’État américain et supprimer des dizaines de milliers d’emplois. La même année, Ford perdit
près de 15 milliards de dollars après avoir déjà perdu 30 milliards de dollars depuis 2006.
11 Jeffrey Liker et Timothy Ogden, Toyota Under Fire: Lessons from Turning Crisis into
Opportunity, New York, McGraw-Hill, 2011.
12 Chris Isidore, « 7.9 Million Jobs Lost—Many Forever, » CNNMoney.com, 2 juillet 2010,
http://money.cnn.com/2010/07/02/news/economy/jobs_gone_forever/index.htm.
13 http://www.toyota.com.cn/company/vision_philosophy/guiding_principles.html.
14 Entretien personnel avec John Shook, 2002.
* C’est à Richard Sheridan de Menlo Innovations que je dois de m’avoir fait découvrir le concept
de culture délibérée.
15 Jeffrey Liker et Michael Hoseus, op. cit.
Partie II
Processus
Tout faire pour apporter de la
valeur à chaque client
Principe 2
Connecter les personnes et les
processus avec le flux pièce à
pièce pour mettre au jour les
problèmes
Avec le flux pièce à pièce, toute la chaîne de production s’arrête si un problème apparaît. De
ce point de vue, c’est un très mauvais système de fabrication. Mais lorsque la production est
interrompue, tout le monde est obligé de résoudre le problème immédiatement. Les
opérateurs doivent donc réfléchir et cette réflexion leur permet de progresser en tant
qu’employés et en tant qu’individus.
Chez Toyota, l’idéal du flux continu est devenu une croyance centrale. Le
flux est au cœur du message lean qui prône la réduction du temps qui
s’écoule entre les matières premières et les produits finis (ou les services),
de sorte à améliorer la qualité, réduire les coûts et le délai de livraison.
Cependant, les stocks tampons ont leur raison d’être. Les stocks tampons et
les intervalles de temps entre les étapes d’un processus protègent les
processus aval des processus amont. Un stock tampon de pièces d’un
fournisseur vous prémunit contre les périodes d’arrêt de la production ou
contre des retards de livraison émanant du fournisseur en question. Il vous
donne même la possibilité de régler les problèmes de qualité sur des
volumes de livraison importants afin d’éviter de perturber votre production.
Ce niveau de confort, cependant, n’est pas exempt de risque. Il conduit à
la complaisance. Des processus connectés obligent tous les opérateurs à
rechercher la perfection. Ohno a enseigné que, lorsqu’on abaisse le « niveau
d’eau » des stocks, des problèmes apparaissent (comme des rochers dans
l’eau). Il faut alors impérativement traiter les problèmes. La création d’un
flux, qu’il soit de matières ou d’informations, abaisse le niveau d’eau et met
au jour les anomalies qui appellent des solutions immédiates. Toutes les
parties concernées sont incitées à régler les problèmes, faute de quoi le
processus sera bloqué. Minoura, disciple d’Ohno, explique :
Lorsqu’ils produisent à la pièce, ils ne peuvent pas avoir la quantité qu’ils veulent. Tout le
monde est agacé et personne ne sait quoi faire. Mais, à cause de ça, ils doivent réfléchir pour
trouver le moyen d’obtenir ce qu’il leur faut. C’est l’essence même du TPS et, de ce point de
vue, nous créons la confusion pour aborder ce problème d’une manière différente.
Je me dois de mettre en garde le lecteur : le flux pièce à pièce n’est pas pour
les timorés… et il ne faut pas s’y lancer tête baissée. Un simple calcul
illustre la pression à laquelle vous serez confronté si vous passez
brutalement de la fabrication par lots au flux continu. Imaginons que vous
ayez quatre processus séquentiels comme ceux représentés sur la figure 2.1
et que chacun d’eux fonctionne correctement 90 % du temps en moyenne.
L’entreprise a toujours utilisé l’approche par lots et il existe un volume non
négligeable de stocks entre les processus et d’autres gaspillages. La plupart
du temps, cela fonctionne plutôt bien. Le travail de chacun étant alimenté
par les stocks, même lorsque des processus s’interrompent en amont ou en
aval, vous vous retrouvez avec un niveau de production de 90 % (voir
figure 2.1). En conservant des produits finis en stock et en utilisant les
heures supplémentaires en cas de besoin, vous tenez le calendrier des
expéditions.
FIGURE 2.1 Un système par lots avec des stocks tampons permet à chaque processus
de fonctionner de manière indépendante. Tant que les stocks sont insuffisants, même en
cas d’arrêt d’un processus amont, le processus aval peut continuer à travailler.
FIGURE 2.2 « Flux pièce à pièce » désorganisé, regorgeant de gaspillage : l’arrêt d’un
processus entraîne l’arrêt de tous les autres. Dans un système séquentiel sans stock, vous
multipliez le temps de fonctionnement des processus pour obtenir la production moyenne à
la fin de la chaîne.
Chez Toyota, ce n’est pas de l’arrogance – bien au contraire. L’entreprise
n’a pas la présomption de croire qu’elle peut prédire l’avenir et elle s’attend
à de nombreux problèmes. Parce qu’elle ne peut prévoir toutes les
difficultés que rencontrera la production, elle relie ses opérations avec des
stocks réduits et, lorsque les inévitables problèmes se produisent, les
opérateurs les résolvent un à un. En l’absence de problèmes, il y a trop de
stocks et l’entreprise les réduit un peu plus.
La plupart des processus opérationnels
regorgent de gaspillages, même si nous ne
les remarquons pas
La limite supérieure du WIP portait sur le nombre de projets FEA sur lequel
chaque analyste pouvait travailler à un instant t. Le groupe l’estima à six
projets par analyste, répartis entre changements partiels et analyse
complète. Chaque nouveau projet serait inscrit sur un tableau visuel et
assigné à un analyste – un maximum de six projets étant dévolu à chaque
analyste (voir figure 2.3). Lorsque les six cases d’un analyste étaient
remplies, il ou elle ne pourrait pas travailler sur un nouveau projet avant
d’avoir terminé un des six qui lui avaient été affectés – un projet sort du
tableau et un projet y entre, créant un flux.
FIGURE 2.3 Tableau de bord pour l’analyse d’ingénierie.
Dans les courses d’aviron, le barreur joue un rôle décisif. Il coordonne les
rameurs afin qu’ils produisent tous leur effort en cadence. Si l’un d’eux
rame trop fort et trop vite, le rythme est rompu et le bateau ralentit. L’excès
de puissance et de vitesse a l’effet contraire à celui qui est recherché.
Lorsqu’on crée un flux pièce à pièce dans une cellule, comment
déterminer sa cadence de production ? Quelle doit être la capacité des
machines ? Combien faut-il d’opérateurs ? La réponse se trouve dans le takt
time.
Takt est un mot allemand qui signifie rythme ou compteur. Le takt est le
rythme de la demande, celui auquel le client achète un produit. Si on
travaille 7 heures et 20 minutes par jour (440 minutes), 20 jours par mois, et
que le client achète 17 600 unités par mois, il faut fabriquer 880 unités par
jour, soit une unité toutes les 30 secondes. Si l’on produit plus vite, il y a
surproduction ; si l’on produit plus lentement, on crée des goulets
d’étranglement dans les autres processus. Le takt peut être utilisé pour
cadencer la production et alerter les opérateurs qui prennent de l’avance ou
du retard.
Le flux pièce à pièce et le takt time sont plus faciles à mettre en œuvre
dans les activités de fabrication et de service répétitives. Cependant, avec de
l’imagination, le concept peut être appliqué à tout processus répétable, dans
lequel on peut définir les tâches et identifier puis éliminer le gaspillage pour
améliorer le flux.
Les avantages du flux pièce à pièce
Dans tout processus, Toyota s’attache à créer un véritable flux pièce à pièce,
débarrassé de tout gaspillage. Créer un flux veut dire relier des tâches qui
sont normalement dissociées, de sorte à favoriser le travail d’équipe,
accélérer le feed-back sur les problèmes de qualité, mieux contrôler le
processus et inciter les opérateurs à résoudre les problèmes, réfléchir et
progresser. In fine, le principal bienfait du flux pièce à pièce dans le modèle
Toyota est qu’il pousse les hommes à réfléchir et à apprendre. Toyota est
prêt à prendre le risque d’arrêter la production pour faire apparaître les
problèmes et mettre les opérateurs au défi de les résoudre. Le modèle
Toyota consiste à s’arrêter et à prendre en charge chaque problème au
moment où il surgit. Nous y reviendrons en détail avec le principe 6.
Comme le suggère l’intitulé du groupe de principes consacrés aux «
processus », apporter un flux de valeur à chaque client sans interruption est
une vision – et aussi une lutte toujours recommencée. On croit souvent, à
tort, que le flux pièce à pièce, tel que dans une cellule, est une solution. On
me dit par exemple : « Nous ne pouvons pas mettre en place le flux pièce à
pièce parce que nous avons beaucoup d’immobilisations sur un robot
capricieux et que cela arrêterait toute la production. » Ou encore : « Nous
travaillons en petites séries, les commandes varient toutes les heures et
suivent des parcours différents ; il n’y a donc pas de séquence définie de
processus à mettre dans une cellule. » Dans ces deux exemples, la cellule
est envisagée comme une solution que mes interlocuteurs considèrent
comme inadaptée à leur situation – à juste titre, sans doute, précisément
parce qu’ils considèrent le flux pièce à pièce comme un outil.
Me revient en mémoire un des premiers exemples de collaboration du
centre de soutien aux fournisseurs de Toyota (le TSSC) avec un fournisseur
automobile, Grand Haven Stamped Products, dans le Michigan.
L’entreprise fabriquait des mécanismes de leviers de vitesse. M. Ohba, qui
dirigeait le centre, a commencé par parcourir le flux de la valeur. Celui-ci
était entre autres composé d’un robot pour souder les pièces de métal et de
plusieurs opérations d’assemblage. Ensuite, il a demandé à faire une cellule
en flux pièce à pièce en rapprochant ces processus. Le président et les
autres dirigeants de l’entreprise m’ont raconté avoir travaillé toute la nuit
pour créer la cellule, poussant même le robot tous ensemble pour le
déplacer. Lorsqu’ils ont lancé la cellule, ils ont tout juste pu terminer un
seul levier de vitesse. Il y avait toujours un problème de processus qui
arrêtait la production. M. Ohba est revenu et leur a demandé de résoudre les
problèmes. La cellule faisait apparaître au grand jour de nombreux
problèmes. Ils n’avaient alors d’autre choix que de les résoudre s’ils ne
voulaient pas que la production soit interrompue.
Comme le soulignait M. Minoura, le flux pièce à pièce provoque de fait
des arrêts de la production. Il n’est donc intéressant que si vous y voyez une
occasion d’améliorer le processus. Le flux du processus et la résolution de
problème vont main dans la main. Sur la figure 2.8, nous renversons la
perspective. Le flux pièce à pièce est souvent envisagé comme une variable
indépendante, à manipuler techniquement pour obtenir les résultats
(variables dépendantes) que l’on veut. Sur cette illustration, le flux pièce à
pièce est envisagé comme une variable dépendante (ou à tout le moins
intermédiaire du résultat souhaité)*. Grâce au raisonnement scientifique,
nous identifions les raisons pour lesquelles la chaîne est rompue et nous
améliorons le processus, nous approchant ainsi de plus en plus du flux pièce
à pièce. Ce faisant, la chaîne se resserre et met au jour de nouveaux
problèmes ; un par un, nous les résolvons et nous nous rapprochons encore
du flux pièce à pièce idéal. C’est un cercle vertueux récurrent
d’amélioration continue.
FIGURE 2.8 Le flux pièce à pièce et le raisonnement scientifique.
Points clés
Le concept central du système en juste-à-temps de Toyota est de tout faire pour
atteindre la vision du flux continu de valeur jusqu’au client, avec zéro gaspillage.
Nous envisageons souvent un processus comme quelque chose de physique,
mais c’est en fait un idéal vers lequel tendre – pas un outil à déployer.
Les penseurs de la production de masse ont souvent l’impression erronée que
s’ils minimisent le temps des processus individuels, ils rendront la production
plus efficace. Or, dans la plupart des cas, ils ne font rien d’autre que créer des
montagnes de gaspillages, ralentir la vitesse d’écoulement des matières et des
informations vers les clients et créer beaucoup de confusion.
Le flux pièce à pièce augmente la productivité, mais il permet également
d’obtenir une meilleure qualité, des délais plus courts, une meilleure réactivité
aux demandes des clients, un meilleur moral et une meilleure sécurité.
Si le passage à un mode de production en flux génère des bénéfices immédiats,
les bénéfices à long terme découlent de la mise au jour des problèmes afin qu’ils
puissent être traités rapidement, renforçant l’amélioration continue.
Le flux pièce à pièce doit aller de pair avec le développement, chez les
opérateurs, d’une démarche de raisonnement scientifique pour résoudre les
problèmes lorsqu’ils apparaissent.
1 J. F. Krafcik, « Triumph of the Lean Production System, » Sloan Management Review, n° 30,
1988, p. 41-52.
2 James Morgan et Jeffrey Liker, Designing the Future: How Ford, Toyota, and Other World-Class
Organizations Use Lean Product Development to Drive Innovation and Transform Their
Business, New York, McGraw-Hill, 2018.
* Pour une analyse détaillée de la conversion de Wiremold au lean, voir Bob Emiliani, David Stec,
Lawrence Grasso et James Stodder, Better Thinking, Better Results, Kensington, CT, Center for
Lean Business Management, 2002.
3 Jeffrey Liker et Gary Convis, The Toyota Way to Lean Leadership, New York, McGraw-Hill,
2011, chap. vi.
* L’atelier kaizen était dirigé par Jeffrey Rivera, ancien consultant dans mon entreprise, et Eduardo
Lander, à l’époque mon étudiant en doctorat à l’université du Michigan.
* Merci à Mike Rother qui a suggéré d’envisager de nombreuses techniques lean, dont le flux pièce
à pièce, comme des variables dépendantes. La figure 2.8 illustre les modifications qui en
résultent.
Principe 3
Utiliser des systèmes tirés pour
éviter la surproduction
Plus une entreprise a de stocks… moins elle a de chances d’avoir ce qu’il lui faut.
TAIICHI OHNO
Imaginez que vous trouviez sur Internet une société de services qui propose
de vous livrer des produits laitiers directement chez vous pour un prix plus
bas que le prix public. Le problème, c’est que vous devez créer un compte
et indiquer à l’avance quelle quantité de chaque produit vous souhaitez par
semaine, pour le mois à venir. La société doit programmer les expéditions
hebdomadaires à son entrepôt. Pour ce faire, elle veut des commandes
fermes pour être certaine de vendre ce qu’elle reçoit de son fournisseur. Si
vous êtes absent au moment de la livraison, les produits seront déposés
devant votre porte dans un conteneur réfrigéré. Puisque vous ne savez pas
exactement ce que vous allez consommer, vous estimez la quantité d’œufs,
de lait et de beurre dont vous avez besoin pour une semaine, avec une petite
marge de sécurité. Le problème est que si vous ne consommez pas tout ce
que vous avez commandé dans la semaine, les produits vont s’accumuler
dans votre réfrigérateur, certains dépassant leur date de péremption.
Semaine après semaine, vos stocks augmentent. Beaucoup trop pour que
cela tienne dans un seul réfrigérateur. Il vous faudra donc en acheter un
second, que vous installerez dans le garage – une dépense non négligeable.
Et si vous partez en vacances en oubliant de suspendre votre commande,
vous trouverez un stock de produits laitiers périmés devant votre porte à
votre retour.
C’est un exemple de système poussé. Dans la distribution de détail, les
produits et les services sont souvent poussés chez le commerçant, grâce à
un système de planification sophistiqué. Certains ont même recours à
l’intelligence artificielle et au big data. Si les estimations sont plus exactes
que par le passé, cela reste néanmoins des estimations et les produits sont
poussés chez le commerçant – qu’il soit ou non certain de les vendre
immédiatement. Commerçant qui, à son tour, essaie de les pousser vers le
consommateur, à grand renfort de remises ou d’autres stratégies de
merchandising. Si vous cédez à ces promotions, il est probable que vous
vous retrouviez avec une accumulation de produits dont vous n’avez pas
l’usage immédiat, sans que cela change grand-chose aux stocks du
détaillant, toujours aussi pléthoriques.
Imaginons maintenant que cette société Internet, suite à de nombreuses
réclamations, décide de s’inspirer du système tiré de Toyota et revoie
entièrement son système logistique. Elle vous envoie un boîtier sans fil
comportant un bouton pour chacun de vos produits laitiers. Lorsque vous
ouvrez une bouteille de lait ou une boîte d’œufs, vous appuyez sur le
bouton correspondant. Le lendemain, on vous livre une unité pour
remplacer ce que vous avez commencé à consommer. Vous aurez donc
l’unité partiellement utilisée, si vous ne l’avez pas finie, plus une unité
complète. Un petit stock. Si vous pensez que vous allez utiliser une grande
quantité d’un produit, du lait par exemple, vous pouvez commander par
Internet ou sur l’appli et on vous livrera immédiatement ce dont vous avez
besoin. De son côté, le prestataire de service a renégocié ses accords avec
ses fournisseurs de produits laitiers. Lorsque le client commande davantage
d’un produit, un signal avertira les producteurs d’envoyer la quantité
correspondante au distributeur. C’est un exemple de système tiré, ou
système en juste-à-temps. Vous recevez les articles uniquement lorsque
vous les demandez et le distributeur les reçoit en fonction de la demande
réelle des clients. Pour ne pas être obligé de prendre des produits d’avance,
vous accepterez peut-être même de payer un peu plus cher pour ce service «
à la demande ».
Nombreuses sont les entreprises et les fonctions de services des
entreprises qui travaillent selon leur propre programme interne, pour des
raisons de commodité. Elles produisent donc des pièces, des produits et des
services en suivant leur programme ou leur plan et « poussent » leur offre
vers leurs clients, qu’elles obligent ainsi à stocker (voir figure 3.1).
Toyota a toujours revendiqué être avant tout une entreprise qui fabrique des
choses. Et, contrairement à une entreprise Internet, la logistique de la chaîne
d’approvisionnement est une « affaire d’atomes, pas de bits ». Amazon est
autant une société d’entrepôts et de livraison qu’une société Internet. Le
modèle Toyota, nous l’avons vu, ne cherche pas à gérer les stocks mais à
satisfaire les clients grâce à des flux de valeur lean. Très tôt, Ohno a
commencé à réfléchir à un système qui produirait sur la base de la demande
immédiate du client, de préférence à un système qui essaye d’anticiper cette
demande en se fondant sur des prévisions. Dans le modèle Toyota, « tiré »
désigne l’idéal du juste-à-temps : on donne au client (qui peut être la phase
suivante d’un processus interne) exactement ce qu’il veut, au moment où il
en a besoin et dans la quantité nécessaire. La forme la plus pure d’un
système tiré est le flux pièce à pièce décrit au principe 2. Si l’on parvient à
prendre une commande et à fabriquer les produits correspondants un par un
– en utilisant une cellule de fabrication en flux pièce à pièce –, on atteint le
summum du lean, avec une production entièrement régulée par la demande
et aucun stock. Mais il y a des ruptures naturelles dans le flux, entre la
transformation des matières premières en produits finis et la livraison aux
clients, de sorte qu’il faut constituer quelques stocks.
Dans l’exemple ci-dessus, le service Internet n’est pas un système sans
stocks, même dans sa version lean. Il y a des stocks, des « tampons ». Le
service (amélioré) vous demande simplement de l’avertir chaque fois que
vous utilisez un article, afin qu’il puisse remplacer ce que vous avez
consommé alors qu’il reste encore des produits dans votre réfrigérateur.
C’est ainsi que fonctionnent la plupart des supermarchés. En fait, ce sont
simplement des entrepôts mais ils travaillent d’une manière particulière.
Une quantité précise de produits est stockée sur les rayonnages, sur la base
des schémas d’achats passés et des prévisions de demande. Les clients
prennent ce dont ils ont besoin sur les rayonnages. Un employé vérifie
régulièrement les rayons et va chercher dans les stocks les articles
manquants pour les remplacer. Il ne pousse pas simplement des stocks sur
les rayonnages, pas plus qu’il ne commande directement de produits au
fabricant. Il prélève dans les stocks du supermarché, mais ces stocks sont
peu importants et gérés selon un système de réapprovisionnement.
Le principe : utiliser des systèmes tirés pour
éviter la surproduction
Taiichi Ohno et ses collègues furent fascinés par la place qu’occupaient les
supermarchés dans la vie quotidienne des Américains dans les années 1950.
Ohno avait très vite reconnu que, dans certains cas, les stocks étaient
nécessaires pour fluidifier le flux, mais il comprit aussi que les fonctions
qui produisaient selon un programme et un système poussé auraient
naturellement tendance à fabriquer des quantités excessives et à créer ainsi
des stocks considérables. Comme nous l’avons vu, la « surproduction »
constitue le gaspillage fondamental.
Ohno avait besoin d’un compromis entre le flux pièce à pièce idéal et le
système poussé. S’appuyant sur le travail de Kiichiro Toyoda sur les
systèmes en juste-à-temps, Ohno (et ses collègues) eurent l’idée de créer de
petites « réserves » de pièces entre les tâches de sorte à maîtriser les stocks.
L’idée était simple : lorsque le client commence à utiliser un conteneur de
pièces, il envoie un signal et on lui apporte le conteneur de pièces suivant,
ce qui déclenche la fabrication d’un nouveau conteneur de pièces. Lorsque
le client n’a pas besoin des pièces, le conteneur reste dans le tampon et rien
n’est produit. La surproduction est ainsi limitée et il y a au moins une
connexion directe entre ce que veut le client et ce que l’entreprise fabrique :
le client indique simplement au moyen d’un signal : « Je suis prêt pour
davantage de ce produit. »
Toutefois, les usines sont souvent étendues et les fournisseurs de pièces
sont éloignés les uns des autres. Il fallait donc à Ohno un moyen de signaler
que la chaîne de production avait utilisé des pièces et qu’il fallait les
remplacer. Il utilisa des signaux simples – cartes, casiers vides, chariots
vides – appelés kanban. Le mot kanban désigne un signal, quelle que soit sa
forme. Renvoyer un casier vide, ou une carte contenant des informations
détaillées sur la pièce et l’endroit où elle se trouve, indique qu’il faut le
remplir avec un nombre déterminé de pièces.
Aujourd’hui, dans le monde de la communication électronique haut
débit, Toyota utilise des kanban électroniques mais aussi des kanban en
papier ou des casiers avec une étiquette code-barres. Grâce à ce système
redondant, en cas d’erreur ou de défaillance du système électronique, les
opérateurs peuvent toujours voir les signaux – par exemple, remarquer
qu’un conteneur circule sans kanban. C’est un système remarquable,
simple, efficace et très visuel. Ce qui ne signifie pas que Toyota a renoncé à
toute planification de la production. Comme nous le verrons au chapitre
suivant, le contrôle de la production repose sur un algorithme complexe qui
crée un programme lissé à partir des commandes passées par les clients.
J’ai insisté sur le fait que le modèle Toyota repose sur le raisonnement
systémique. On pourrait penser que planifier un système complexe requiert
des systèmes de planification tout aussi complexes ayant une vue globale de
l’ensemble, et aussi que la planification optimise ce qui doit se passer à
chaque point du processus. Malheureusement, le monde est trop complexe
même pour les systèmes de planification les plus sophistiqués, en particulier
lorsqu’ils reposent sur des prévisions. La version de Toyota du
raisonnement systémique consiste donc à découper les processus et à
répartir le contrôle entre les clients locaux – créant ainsi de petites boucles
de retours d’expérience reposant sur les informations les plus récentes. Le
kanban donne le pouvoir de planification à chaque client dans la chaîne de
valeur et lui permet de passer ses commandes quand il le souhaite, en
fonction de ses besoins réels. Plus le temps de réaction est court, moins il y
a besoin de stocks. Toyota élimine donc en permanence les gaspillages du
système pour accélérer le flux.
Une des quatre règles de Spear et Bowen, dans leur article consacré à
l’ADN du TPS, concerne cette approche du contrôle distribué :
Règle n° 2
Chaque connexion client-fournisseur doit être directe et il doit exister
un moyen oui-ou-non d’envoyer des demandes et de recevoir des
réponses2.
Points clés
La plupart des entreprises considèrent qu’elles peuvent recourir à des prévisions
de la demande et à des algorithmes complexes pour donner des instructions à
chaque processus.
Le système classique de programmation de la production conduit souvent à la
mise en place de systèmes poussés ; même de petits changements de la
demande ou du contexte peuvent déstabiliser le processus, engendrant des
amoncellements de stocks, des pénuries de pièces et des retards d’expédition.
Toyota utilise des systèmes poussés, souvent pour créer des programmes
lissés, mais préfère limiter la programmation à un point unique de l’usine – celui
qui donne la cadence.
Idéalement, Toyota n’aurait que des opérations en flux pièce à pièce sans stocks
d’encours ; dans de nombreux cas, ce n’est cependant pas adapté.
Lorsque le flux pièce à pièce ne peut pas être mis en place, Toyota prélève les
pièces dans de petits stocks tampons puis les réapprovisionne – à l’image des
supermarchés modernes.
Le kanban (un signal physique ou électronique) est souvent utilisé pour que le
processus amont (le client) informe le processus fournisseur aval qu’il a besoin
d’être réapprovisionné.
Le plus grand bénéfice du système kanban est de permettre de visualiser le flux,
de l’étudier et de trouver des moyens de réduire les stocks afin de se rapprocher
du flux pièce à pièce.
Les systèmes tirés sont souvent utilisés dans les environnements de service,
comme les hôpitaux et les bureaux, pour réguler le flux interne de fournitures. Ils
sont également très efficaces pour réguler les flux d’informations.
1 Elizabeth G. Dun, « In a Burger World, Can Sweetgreen Scale Up? », New York Times, 4 janvier
2020.
2 Steven Spear et Kent Bowen, « Decoding the DNA of the Toyota Production System », Harvard
Business Review, septembre/octobre 1999, p. 98.
3 Mike Rother et John Shook, Training to See Kit, Cambridge, MA, Lean Enterprise Institute,
octobre 2002.
Principe 4
Lisser la production (heijunka)
En général, lorsqu’on essaie d’appliquer le TPS, il faut commencer par répartir, ou lisser, la
production. Cette responsabilité incombe en premier lieu aux personnes chargées du contrôle
ou de la gestion de la production. Le lissage du programme de production peut nécessiter
d’anticiper ou de reporter des expéditions, parfois de demander à certains clients d’attendre
quelques jours.
FIGURE 4.1 Les trois M : muda (gaspillages), mura (variabilité) et muri (surcharge de
travail). Éliminez les trois pour atteindre le vrai flux.
Se concentrer uniquement sur le muda est la démarche la plus souvent
adoptée pour mettre en œuvre les outils lean, car il est facile de repérer les
sept gaspillages. Mais ce que la plupart des entreprises ne cherchent pas à
mettre en œuvre, c’est le processus plus difficile de stabilisation et
d’équilibrage du système visant à obtenir un flux lean, dans lequel le travail
est parfaitement réparti. Ce principe, que Toyota appelle heijunka ou lissage
du programme de travail, constitue le fondement du TPS. Il s’agit peut-être
– de tous les principes du modèle Toyota – du plus difficile à appréhender.
Parvenir à lisser la production est fondamental pour éliminer la variabilité
et, par conséquent, la surcharge de travail et le gaspillage. Voici ce
qu’explique Taiichi Ohno :
La tortue, plus lente mais régulière, cause moins de gaspillage et elle est de loin préférable
au lièvre qui court à perdre haleine puis s’arrête pour se reposer. Le TPS ne peut être réalisé
que lorsque tous ses acteurs deviennent des tortues1.
Une chaîne fabrique trois tailles de moteurs – petit, moyen et gros. Les
moteurs de taille moyenne sont ceux qui se vendent le mieux ; ils sont donc
fabriqués en début de semaine, du lundi jusqu’à une partie du mercredi. Il
faut ensuite quelques heures pour changer les outils pour fabriquer les petits
moteurs, pendant le reste de la journée du mercredi et jusqu’au vendredi
matin. Les gros moteurs – les moins demandés – sont fabriqués le vendredi
après-midi. Ce programme non lissé présente au moins quatre
inconvénients :
1. En général, les achats des clients ne sont pas prévisibles. Le client
achète des moteurs moyens et des gros moteurs n’importe quel jour.
Donc, s’il décide brusquement d’acheter un nombre inhabituel de gros
moteurs en début de semaine, l’usine a un problème. Elle peut le
résoudre en ayant des stocks de tous les types de moteurs, mais le
capital immobilisé et tous les frais annexes sont élevés.
2. Il y a un risque d’invendus. Si l’usine ne vend pas tous les moteurs
moyens fabriqués du lundi au mercredi, elle doit les garder en stock.
S’ajoute le risque qu’ils deviennent obsolètes si la conception change.
3. L’utilisation des ressources n’est pas équilibrée. Les besoins de main-
d’œuvre sont probablement différents selon la taille des moteurs, les
plus gros demandant le plus grand nombre d’heures de travail. L’usine a
donc besoin d’un nombre moyen d’opérateurs au début de la semaine,
plus faible au milieu et beaucoup plus important à la fin. Les risques de
surcharge et de gaspillage sont donc potentiellement élevés.
4. Les processus amont sont soumis à une demande irrégulière. C’est
peut-être le problème le plus grave. Comme l’usine achète des pièces
différentes pour les trois types de moteurs, elle demandera à ses
fournisseurs de lui expédier certaines pièces du lundi au mercredi et
d’autres pour le reste de la semaine. On sait que la demande des clients
est variable et que l’usine de moteurs sera, de toute façon, incapable de
suivre le programme. Le plus probable est qu’il y aura des changements
importants dans le mix de modèles, par exemple une commande urgente
de gros moteurs et l’obligation de consacrer toute la semaine à la
fabrication de ces modèles. Le fournisseur devra être prêt au pire. Pour
ce faire, il lui faudra conserver au moins une semaine de stocks de
pièces pour les trois types de moteurs. En outre, l’effet « coup de fouet
» aura des répercussions dans tous les maillons amont de la chaîne
logistique2. Imaginez la force considérable et destructrice que peut
donner un simple mouvement de votre poignet à l’extrémité de la
lanière d’un fouet. De la même manière, un petit changement dans le
programme de l’usine de montage des moteurs entraînera une
augmentation constante des stocks à chaque stade de la chaîne
logistique, dans le sens aval/ amont en partant de l’utilisateur final.
Dans la production par lots, le but est de réaliser des économies d’échelle
pour chaque élément individuel. Changer la fabrication pour alterner entre
le produit A et le produit B semble un gaspillage parce que rien n’est
fabriqué pendant ce changement. Vous payez aussi l’opérateur pendant que
la machine est immobilisée. La solution logique est donc de fabriquer de
grandes quantités du produit A avant de changer les outils pour passer au
produit B. Mais cette approche engendre gaspillage et surcharge.
Accompagnée par un conseiller lean, l’usine de moteurs fit une analyse
approfondie et découvrit que la durée relative au changement d’outils était
due au fait qu’il fallait retirer les pièces et les outils correspondant au gros
moteur et apporter des pièces et des outils différents pour le petit moteur.
Les palettes étaient aussi de tailles différentes selon les modèles. Le
problème fut résolu en plaçant une petite quantité de toutes les pièces dans
des casiers mobiles situés à proximité de l’opérateur sur la chaîne et en
montant les outils nécessaires pour les trois moteurs à portée de main.
L’usine créa également une palette flexible, capable de porter n’importe
quel type de moteur. Les changements d’outils furent ainsi complètement
éliminés, ce qui permettait à l’usine de fabriquer les moteurs dans l’ordre de
son choix sur une chaîne mixte. Elle pouvait ensuite faire une série
répétitive de toutes les tailles de moteurs, de sorte qu’elles correspondent
aux différentes pièces commandées par le client (voir figure 4.3). Le lissage
du programme présentait quatre avantages :
1. La flexibilité nécessaire pour fabriquer ce que le client veut au
moment où il le veut. Les stocks de l’usine et les problèmes associés
furent réduits.
2. La réduction du risque d’invendus. L’usine fabriquant uniquement ce
que le client commande, elle n’a pas à se soucier du coût des stocks.
3. L’utilisation équilibrée des hommes et des machines. L’usine pouvait
alors standardiser des tâches et lisser la production en intégrant le fait
que certains moteurs nécessitent moins de travail et d’autres davantage.
C’est ce que Toyota appelle le travail standardisé moyen pondéré. Tant
qu’un gros moteur qui demande plus de travail n’est pas suivi par un
autre gros moteur, les opérateurs peuvent faire face. Une fois que
l’usine prend cela en compte et qu’elle continue de lisser le programme,
la charge de travail quotidienne est équilibrée et gérable. En outre, les
opérateurs sont plus productifs.
4. Le lissage de la demande pour les processus amont et les
fournisseurs de l’usine. Si l’usine utilise un système juste-à-temps
pour les processus amont et que les fournisseurs effectuent des
livraisons plusieurs fois par jour, ceux-ci auront un ensemble de
commandes stable et lissé. Ils seront ainsi en mesure de réduire les
stocks et de répercuter une partie des économies sur le client, de sorte
que tout le monde retire avantage du lissage.
Rien de tout cela n’aurait été possible si l’usine n’avait pas trouvé un
moyen d’éliminer le temps de changement des outils. S’il peut sembler
utopique de faire la même chose dans la plupart des usines, c’est pourtant
ce qu’a fait Toyota dans les années 1960. Shigeo Shingo, un ingénieur
industriel qui n’était pas un employé de Toyota, mais travaillait en étroite
collaboration avec l’entreprise, a aidé celle-ci à réduire le temps de
changement de fabrication de plus de 97 %. Ingénieur méticuleux, il étudia
chaque geste de l’opérateur. Dans le style de Toyota, il analysa en détail le
processus de changement d’outils des grosses presses à emboutir et constata
que la plupart des tâches entraient dans deux catégories : gaspillage ou
quelque chose qui pouvait être fait sans arrêter la presse. Il appela la
seconde « changement externe », par opposition aux « changements
internes », qui désignent les tâches devant être réalisées pendant que la
presse est à l’arrêt3.
Dans la production de masse classique, le premier geste des équipes
chargées des changements d’outils sur une chaîne de production est
d’arrêter la presse. Shingo se demanda quelle part du changement pouvait
être effectuée pendant que la presse fonctionnait. Il créa à cet effet un poste
de travail et apporta d’autres améliorations techniques, jusqu’à ce que
l’opérateur ne puisse plus faire aucun changement pendant que la presse
fonctionnait. Prendre l’étampe et les outils correspondant à la prochaine
fabrication, préchauffer l’étampe et la positionner à côté de la presse
entraient dans la catégorie des tâches extérieures pouvant être exécutées
sans arrêter la machine. Lorsqu’il arrêta finalement la presse, l’opérateur
n’avait plus qu’à déconnecter certains tuyaux, échanger les étampes,
reconnecter les tuyaux et redémarrer la presse. Chose extraordinaire, les
changements de fabrication sur ces presses de plusieurs centaines de tonnes,
qui demandaient autrefois plusieurs heures, pouvaient être accomplis en
quelques minutes – procédé que Shingo baptisa « l’échange minute des
étampes » (SMED). Un peu comme les mécaniciens d’une équipe de
Formule 1, qui changent les pneus, font le plein et remettent la voiture sur
la piste souvent en moins d’une minute. L’équipe de mécaniciens a
développé et constamment amélioré cette méthode, car elle constitue un
avantage concurrentiel.
Southwest Airlines a compris très tôt que le changement rapide
d’appareil constituait un avantage concurrentiel et y a énormément travaillé,
changeant même le moteur des appareils lorsque c’était nécessaire. Avec
des appareils immobilisés moins longtemps sur le tarmac, le temps de vol
augmente, les clients attendent moins longtemps et le nombre d’appareils
nécessaires pour un nombre donné de vols diminue.
Au fil des années, le changement d’outils est devenu une sorte de sport
au Japon, l’équivalent industriel du rodéo américain. Lors d’un voyage au
Japon dans les années 1980, j’ai visité un fournisseur de panneaux de
portières pour Mazda, dont les opérateurs venaient de remporter un
concours national pour avoir changé la configuration d’une énorme presse à
emboutir en 52 secondes.
Le lissage du programme est indispensable pour que le TPS fonctionne,
ce qui explique l’importance que lui accorde Toyota. Le diagramme
présenté sur la figure 4.4 résume la logique qui sous-tend le heijunka. Le
lissage permet le takt (taux de demande stable), nécessaire au travail
standardisé et à l’équilibrage du travail sur la chaîne, eux-mêmes
indispensables au tiré lissé des processus et des fournisseurs en amont. Le
tout rendant possibles la réduction des stocks, la réduction des coûts et
l’amélioration de la qualité.
FIGURE 4.5 Pièces pour une maison Toyota construite sur une ligne d’assemblage avec
la charge de travail équilibrée au takt.
Pour lisser la production, il faut commencer par définir les tâches pour
chaque pièce, les chronométrer puis les répartir entre différents postes de
travail. Certaines pièces demandent beaucoup plus de temps que d’autres.
Toyota peut faciliter le processus en veillant à ce que les pièces les plus
gourmandes en temps ne soient pas fabriquées les unes à la suite des autres,
mais disséminées. Lorsqu’une tâche demande plus de temps que le reste des
tâches combinées, elle est sortie de la ligne d’assemblage. C’est par
exemple le cas des escaliers en bois fabriqués à la main (voir figure 4.6).
Un programme très détaillé est affiché pour la ligne de production et un
autre pour les tâches qui sont réalisées à part.
FIGURE 4.6 Modules d’assemblage hors ligne – les escaliers sur mesure demandent un
travail important qui varie en fonction des choix des clients.
FIGURE 4.7 Programmation des cellules de découpe des feuilles pour les gouttières en
aluminium.
Lisser le travail dans un centre d’appels
Malgré le raz de marée digital qui balaye le paysage des entreprises, les
personnes qui répondent au téléphone pour parler aux clients ont toujours
leur raison d’être – et pour longtemps. De nombreuses entreprises semblent
s’ingénier à empêcher les clients d’entrer en contact avec d’autres humains,
à grand renfort de menus sans fin et d’horribles musiques d’attente. Ce n’est
pas le cas chez Zingerman’s Mail Order (ZMO), une entreprise basée à Ann
Arbor, dans le Michigan, qui expédie des produits alimentaires artisanaux
haut de gamme dans tous les États-Unis. Composez leur numéro et il y a
toutes les chances qu’un être humain décroche sur-le-champ et vous traite
comme si vous étiez « le meilleur moment de sa journée ».
ZMO s’est engagé en 2004 dans un important programme de
transformation de son entrepôt au lean, intégrant tous les outils du lean et
formant des collaborateurs dévoués4. Au cours du processus, l’entreprise a
décidé d’améliorer son centre d’appels. L’examen des données concernant
le volume des appels a fait apparaître des schémas clairs, sur la journée, la
semaine et l’année, de sorte que l’équipe a pu produire des estimations
relativement fiables des besoins en personnel pour les pics de volume
anticipés pour une journée. Le volume des appels variant néanmoins au
cours de la journée, les opérateurs étaient inoccupés durant les périodes
creuses, dans la mesure où il est impossible de lisser le moment des appels
ou la durée des conversations. L’activité d’un centre d’appels est, par
nature, irrégulière.
L’entreprise a décidé d’utiliser un concept de heijunka différent : lisser
non pas les commandes des clients, mais plutôt la manière de travailler des
équipes. Comment occuper les plages creuses des téléconseillers de manière
flexible et créer un flux régulier de travail ? Le premier changement a
consisté à placer les stations informatiques dédiées aux appels entrants dans
des cellules de travail. Les sièges étaient numérotés, le numéro 1 étant le «
siège chaud », celui qui reçoit le premier appel. Ensuite, lorsque de
nouveaux appels arrivent, les opérateurs prennent place dans les sièges
suivants, au fur et mesure de l’arrivée des appels. Pendant la période
chargée de Noël, lorsque les volumes explosent, il y a une cellule chaude.
Ensuite, les collaborateurs sont affectés à des cellules supplémentaires, à
mesure que le volume augmente. Les collaborateurs qui ne sont pas au
téléphone vont jusqu’au panneau visuel (voir figure 4.8) prendre la carte
suivante, qui affiche une tâche qui ne fait pas partie du cycle : par exemple,
traiter les commandes payées par carte bancaire, organiser les produits sur
les étagères, répondre à des messages vocaux et traiter les cartes-cadeaux.
Les cartes sur le tableau sont organisées au début de la journée par blocs de
2 heures et affichées face rouge vers l’extérieur. Lorsqu’une tâche est
achevée, la carte correspondante est retournée sur sa face verte, indiquant
que la tâche a été accomplie dans le créneau de 2 heures. Simple, mais
extrêmement efficace. Sans supervision, les collaborateurs savent ce qu’ils
doivent faire ensuite, qu’il s’agisse de consacrer toute leur attention à un
client ou de travailler sur l’une des tâches secondaires.
FIGURE 4.8 Tableau de travail du centre d’appels de ZMO.
Le tableau est organisé en tranches horaires de 2 heures. Chaque carte indique une tâche
(par exemple, « appels commandes en attente », « vérifier boîte vocale », « rédiger cartes-
cadeaux »). Le matin, toutes les cartes sont mises en place face rouge vers l’avant ; elles
sont retournées sur leur face verte à mesure que les tâches sont achevées.
Associer lissage et flux – un exercice difficile
Points clés
Pour parvenir au flux lean, il faut chercher à éliminer les M : muda (gaspillage),
mura (variabilité) et muri (surcharge de travail).
Les trois M sont interdépendants. Se contenter d’agir sur les gaspillages lorsque
la variabilité et la surcharge de travail sont élevées peut en fait réduire la
productivité et le flux de valeur ajoutée.
Dans une usine Toyota de fabrication de plusieurs modèles, réduire le mura et le
muri exige un cycle lissé de voitures – par exemple, Camry, Camry, Avalon,
Camry, Camry, Avalon…
La création d’un programme lissé doit s’accompagner de la réduction du temps
de réglage des machines, afin de passer rapidement d’un produit à un autre et
de fabriquer par petits lots.
Il est parfois préférable de détenir des stocks supplémentaires de produits finis à
gros volumes, de sorte à amortir les fluctuations de la demande des clients et à
pouvoir fabriquer à la commande les types de produits à faibles volumes, tout en
regarnissant le stock des produits les plus demandés.
Lisser les programmes de travail dans des activités de services ne prendra pas
nécessairement la même forme que dans des entreprises industrielles.
Toutefois, cela est possible et profitable, comme en témoigne l’exemple du
centre d’appels de Zingerman.
Le défi du heijunka est qu’il réclame un raisonnement systémique, non de
réfléchir à l’optimisation locale d’opérations individuelles.
1 Taiichi Ohno, Toyota Production System: Beyond Large-Scale Production, New York,
Productivity Press, 1988.
2 Hau L. Lee, V. Padmanabhan et Seungjin Whang, « The Bullwip Effect in Supply Chains »,
Sloan Management Review, 15 avril 1997.
3 Shigeo Shingo, A Revolution in Manufacturing: The SMED System, New York, Productivity
Press, 1985.
4 Eduardo Lander, Jeffrey Liker et Tom Root, Lean in a High-Variety Business: A Graphic Novel
About Lean and People at Zingerman’s Mail Order, New York, Productivity Press, 2020.
Principe 5
La standardisation des
processus est le fondement de
l’amélioration continue
Les feuilles de travail standard et les informations qu’elles contiennent sont des éléments
importants du système de production Toyota. Pour rédiger une feuille de travail
compréhensible pour les autres opérateurs, l’auteur doit être convaincu de son importance.
Le maintien d’un haut niveau d’efficacité dans la production passe par la prévention des
défauts récurrents, des erreurs opérationnelles et des accidents, mais aussi par la prise en
compte des idées des opérateurs. Et tout cela est possible grâce à la feuille de travail
standard.
TAIICHI OHNO
Les standards de travail de Toyota jouent un rôle beaucoup plus large que
de favoriser la répétitivité et la performance. La standardisation préconisée
par le modèle Toyota s’applique dans toutes les fonctions. Par exemple,
Toyota applique des standards aux méthodes de formation des ingénieurs,
aux phases et délais du développement des produits et applique également
des standards à la conception des produits et des équipements de
production.
Les managers ont une idée fausse de la standardisation. Il ne s’agit pas de
déterminer scientifiquement LA meilleure manière d’exécuter une tâche et
de la figer. Comme l’explique si bien Imai dans son célèbre livre sur
l’amélioration continue, Kaizen4, aucun processus ne peut être amélioré
avant d’avoir été standardisé. Dans un processus instable, toute
amélioration ne sera qu’une variation de plus, modifiée à son tour par la
variation suivante. Pour que l’amélioration continue soit possible, il faut
standardiser – et donc stabiliser – le processus. Ainsi, si vous voulez
apprendre à jouer au golf, l’instructeur commencera par vous enseigner le
coup élémentaire qu’est le swing. À vous, ensuite, de vous entraîner pour
stabiliser ce geste. Tant que vous ne le maîtrisez pas, il y a peu de chances
que vous appreniez les subtilités de la direction, des effets, de la distance et
du comportement de la balle au sol.
Les standards de travail sont aussi un élément essentiel pour construire la
qualité. Demandez à n’importe quel chef d’équipe de Toyota comment il
pense que le zéro défaut est possible. La réponse est toujours la même : «
Par les standards de travail. » Chaque fois qu’un défaut est découvert, la
première question est de savoir si les standards ont été respectés. Lors du
processus de résolution des problèmes, le chef d’équipe observera
l’opérateur exécuter la feuille de travail pas à pas afin d’identifier des
écarts. Si l’opérateur applique rigoureusement les standards et que les
défauts réapparaissent, il faut peut-être modifier les standards.
Chez Toyota, les standards sont affichés hors de la vue des opérateurs. Ils
sont formés à les utiliser, mais ils doivent faire le travail sans regarder la
feuille. Celle-ci est visible des chefs d’équipe et de groupe, afin qu’ils
puissent vérifier qu’elle est suivie par l’opérateur.
Tout responsable qualité digne de ce nom sait qu’il est impossible de
garantir la qualité sans procédures standard qui rendent le processus
constant. De nombreux services qualité produisent des volumes entiers de
procédures. Malheureusement, leur rôle est souvent d’attribuer les
problèmes de qualité au non-respect des procédures. Le modèle Toyota vise
à habiliter les exécutants à concevoir et construire la qualité (qualité
intrinsèque) en rédigeant eux-mêmes les procédures standardisées. Les
procédures qualité doivent être suffisamment simples et pratiques pour être
utilisées au quotidien par ceux qui exécutent le travail.
La figure 5.1 reproduit une feuille de travail standardisé pour la soudure
d’un longeron latéral sur la carrosserie en acier d’une voiture. La soudure
est réalisée par un robot, mais c’est l’opérateur qui charge et décharge le
longeron sur le support. Le takt time est de 76 secondes et la durée du cycle
des étapes accomplies manuellement par l’opérateur de 56 secondes. La
feuille n’indique pas en combien de temps le robot réalise la soudure ; cette
information apparaît sur une autre fiche, la « feuille combinée de travail
standardisée » qui montre les mouvements de l’opérateur par rapport au
travail du robot.
La feuille standardisée permet d’analyser les tâches. Un coup d’œil suffit
pour repérer les gaspillages dans le processus. Ici, le diagramme
représentant les déplacements fait apparaître de nombreux gaspillages de
mouvements. Au total, environ 40 % du poste consiste en allers et retours
au point de fixation. De toute évidence, c’est une cible prioritaire pour
réduire les gaspillages.
La définition du travail standardisé permet de disposer d’une image de la
situation idéale. Transformer le comportement souhaité en comportement
réel requiert de former l’opérateur en répétant les gestes jusqu’à ce que la
nouvelle façon de faire devienne une habitude. Pour utiliser la formation à
la prise en main du poste en vue de développer les compétences et les
routines du travail standardisé, il faut s’intéresser à un niveau de détail
supplémentaire : la feuille de ventilation des tâches. La figure 5.2 illustre
les tâches d’un autre poste : retirer un pare-chocs en plastique d’un moule.
L’opération de démontage fait appel à différentes compétences. Sur la
feuille, chaque étape qui serait portée sur la feuille de travail standardisé
avec les durées d’exécution correspondantes est à son tour décomposée en
gestes, avec des points clés concernant la sécurité, la qualité, la technique
ou le coût et la raison d’être de ces derniers. Dans de nombreux cas, même
pour une tâche qui ne dure que 60 secondes, chaque étape de la feuille de
travail standardisé est décomposée en trois ou quatre sous-étapes, avec leurs
points clés. Il y a souvent des photos qui indiquent comment les tâches
doivent être accomplies. Par exemple, à chaque élément de la tâche, comme
sur la figure 5.1, serait associée une page supplémentaire indiquant
comment le décomposer.
Si vous visitez une usine Toyota, vous ne verrez nulle part ces
volumineux documents. Ils se trouvent dans des carnets suspendus à
proximité de la chaîne ou stockés dans une armoire là où est assis le chef de
groupe. On les consulte à des fins de formation, puis on les remet à leur
place*. Pour pouvoir former un nouvel opérateur, il faut que le travail ait été
standardisé et qu’un certain degré de stabilité ait été obtenu. La formation à
la prise en main du poste développée par TWI repose sur une méthode très
particulière. On commence par un élément du poste ; on montre à
l’opérateur comment faire ; on laisse l’opérateur le faire seul ; on lui
explique les points clés tout en montrant une deuxième fois comment on
fait ; on demande à l’opérateur de montrer et d’expliquer ; on lui explique
les points clés et leur justification tout en montrant une troisième fois ; on
demande à l’opérateur de reproduire les gestes. Ce processus est répété
autant de fois que nécessaire jusqu’à ce que l’opérateur maîtrise la tâche en
question. Le processus recommence avec la tâche suivante. Dans une usine
Toyota avec des cycles de tâches d’une minute, cette formation peut durer
jusqu’à deux semaines avant que l’opérateur ne soit laissé seul, une
formation plus importante que celle que reçoivent beaucoup de personnes
dans certains emplois intellectuels.
FIGURE 5.1 Feuille de travail standardisé pour la soudure d’un panneau latéral sur une
carrosserie.
Source : Jeffrey Liker et David Meier, The Toyota Way Fieldbook, New York, McGraw-Hill,
2006.
FIGURE 5.2 Feuille de décomposition des tâches pour le démoulage d’un pare-chocs
arrière.
Source : Jeffrey Liker et David Meier, Toyota Talent, New York, McGraw-Hill, 2007.
Le travail standardisé est comme une drogue pour les managers des
bureaucraties coercitives : contrôler les ouvriers ! Les ingénieurs industriels
tenants du management scientifique de Taylor7 considéraient les ouvriers
comme des machines qu’il importait de rendre aussi productives que
possible. Le processus se déroulait de la manière suivante :
déterminer scientifiquement la meilleure méthode d’exécution ;
développer scientifiquement la meilleure méthode de formation de
l’exécutant ;
sélectionner scientifiquement les individus les mieux adaptés à la
tâche concernée ;
former des contremaîtres pour enseigner à leurs « subordonnés » et
veiller à ce qu’ils appliquent la meilleure méthode d’exécution ;
créer des incitations financières à l’application de la meilleure méthode
et au dépassement du standard de performance établi scientifiquement
par l’ingénieur industriel.
FIGURE 5.5 « Better Way » pour le café infusé – comparaison de la condition initiale et
du nouveau travail standardisé.
Source : Starbucks.
La figure 5.7 présente une vision plus dynamique, plus fluide du travail
standardisé, qui intègre le temps et l’effort nécessaires aux êtres humains
pour apprendre une nouvelle façon de faire. J’ai utilisé ici le modèle
d’amélioration développé par Mike Rother, qui fait partie des kata Toyota et
que j’aborde en détail au principe 12. Issus des arts martiaux, les kata sont
des mouvements codifiés que l’on doit pratiquer régulièrement et répéter
avec un entraîneur pour acquérir une compétence donnée et réduire les
variations. Le kata constitue également le socle de la formation à la prise en
main du poste, qui consiste à répéter de petits éléments de la tâche sous la
direction d’un coach. Dans l’idéal, le travail standardisé est pratiqué avec
constance par les employés, associé à l’amélioration étape par étape à
travers des cycles PDCA rapides. Le niveau suivant de performance peut
être assimilé à une « condition cible » que les employés doivent s’efforcer
d’atteindre. On expérimente différentes méthodes pour accomplir la tâche.
Lorsque le seuil de performance est atteint, le processus est documenté et
enseigné comme meilleure manière de faire connue à ce moment-là – via la
formation à la prise en main du poste, qui développe les nouvelles habitudes
à travers la répétition. Le nouveau comportement devient la norme. Et ainsi
de suite, avec la condition cible suivante. Le travail standardisé et
l’amélioration continue deviennent ainsi les deux faces d’une même pièce.
Le travail standardisé peut être une chose horrible entre les mains de
bureaucrates avides de contrôle et une chose merveilleuse lorsqu’il permet
la créativité et l’amélioration continue. La bureaucratie habilitante exige
plus de temps, mais le jeu en vaut largement la chandelle.
Points clés
L’ingénierie industrielle classique se concentrait sur l’efficacité en concevant la «
meilleure façon » d’accomplir une tâche.
Dans l’approche du management scientifique de Taylor, les ingénieurs
industriels pensent, les managers font respecter les conceptions et les ouvriers
obéissent.
Henry Ford avait une autre conception du travail standardisé, qu’il considérait
seulement comme la meilleure méthode en attendant d’en trouver une autre.
Toyota a révolutionné le management scientifique, donnant le chronomètre aux
groupes de travail responsables de concevoir et d’améliorer en permanence leur
travail.
La formation à la prise de poste a été enseignée à Toyota dans le cadre du
programme « Training Within Industry » ; elle est fondamentale pour faire des
standards de travail une manière habituelle de travailler, en se concentrant sur
les points clés de chaque petite étape.
Même dans une activité de service au contact direct de la clientèle comme celle
de Starbucks, avec une myriade de combinaisons de boissons et une demande
qui change d’un instant à l’autre, il est possible de créer une cadence de travail
régulière qui réduit le stress et améliore l’expérience du client.
Lorsque les standards deviennent un outil que se sont approprié les personnes
qui accomplissent la tâche, la bureaucratie n’est plus coercitive mais habilitante.
Le travail standardisé est un but que l’on cherche à atteindre à travers
l’amélioration continue et une formation rigoureuse reposant sur la pratique
jusqu’à ce que la nouvelle façon de faire devienne une habitude.
1 Frederick Taylor, The Principles of Scientific Management, New York, Dover Publications, juillet
1997.
* La différence entre « travail standardisé » et « travail standard » est floue dans la littérature
consacrée au lean. J’ai retenu « travail standardisé » parce que c’est l’expression qu’utilise
Toyota. Une des explications de Toyota est que « travail standard » implique une norme et que les
normes ne sont pas mises à jour lorsque des améliorations sont apportées au travail. On pourrait
renverser le propos, mais il fallait que je choisisse.
2 Henry Ford, Today and Tomorrow: Special Edition of Ford’s 1929 Classics, Boca Raton, FL,
CRC Press, Taylor & Francis Group, 2003.
3 War Manpower Commission, Bureau of Training, Training Within Industry Service, The Training
Within Industry Report: 1940–1945, Washington, DC, U.S. Government Printing Office,
septembre 1945.
4 Masaaki Imai, Kaizen: The Key to Japan’s Competitive Success, New York, McGraw-Hill, 1986.
* On trouvera une description détaillée des techniques de formation dans Jeffrey Liker et David
Meier, Toyota Talent, New York, McGraw-Hill, 2007.
5 Durward Sobek, Jeffrey Liker et Alan Ward, « Another Look at How Toyota Integrates Product
Development », Harvard Business Review, vol. 76, n° 4, juillet-août 1998, p. 36-50.
6 James Morgan et Jeffrey Liker, The Toyota Product Development System: Integrating People,
Process, and Technology, New York, Productivity Press, 2006.
7 Frederick Taylor, op. cit.
8 Tom Burns et G.M. Stalker, The Management of Innovation, New York, Oxford University Press,
1994.
9 Karen Gaudet et Emily Adams, Steady Work, Boston, Lean Enterprise Institute, 2019.
Principe 6
Arrêter le processus pour
identifier les anomalies et
construire la qualité
M. Ohno avait l’habitude de dire qu’un problème découvert en arrêtant la chaîne devait être
résolu le lendemain matin au plus tard. Parce que, lorsqu’on produit une voiture par minute,
on sait que le même problème ressurgira le lendemain.
FUJIO CHO, PRÉSIDENT DE TOYOTA MOTOR CORPORATION
Lorsque je m’entretins avec Cho pour l’écriture de ce livre, je lui posai des
questions sur les différences culturelles entre la gestion de l’usine du
Kentucky et celle des usines Toyota au Japon. Il répondit immédiatement
que son principal problème était d’obtenir l’arrêt de la chaîne d’assemblage.
Les équipes et leurs responsables avaient peur d’être blâmés si la chaîne
cessait de produire. Cho m’expliqua qu’il avait fallu plusieurs mois pour les
« rééduquer » et les convaincre de la nécessité d’arrêter la chaîne pour
améliorer constamment le processus. Chaque jour, il se rendit à l’usine, en
fit le tour avec ses collaborateurs et, chaque fois qu’il remarquait une raison
d’arrêter la chaîne, encourageait les chefs d’équipe à le faire.
Le principe : arrêter le processus pour
construire la qualité ( jidoka)
Le jidoka est aussi appelé autonomation – les machines étant dotées d’une
intelligence artificielle pour s’arrêter elles-mêmes en cas de problème.
Éviter de répercuter les problèmes sur les stations suivantes de la chaîne est
une méthode beaucoup plus efficace et moins coûteuse que l’inspection et
la correction des défauts a posteriori.
La production lean souligne de manière spectaculaire l’importance de
bien faire du premier coup. Avec des stocks réduits au minimum, il n’y a
plus de filet de sécurité en cas de problème de qualité. Des anomalies au
poste de travail A entraîneront rapidement l’arrêt du poste B. Lorsque les
machines s’arrêtent, des drapeaux ou des voyants lumineux, généralement
accompagnés d’une alarme sonore, indiquent qu’il faut aider un opérateur à
résoudre un problème de qualité. Ce système d’alarme est appelé andon.
On demande également aux opérateurs de tirer la corde lorsqu’ils
identifient des conditions hors standard, ce qui contribue à l’amélioration
continue. Comme nous le verrons plus loin, cela n’interrompt pas
immédiatement la chaîne mais indique au chef d’équipe qu’il va peut-être
falloir le faire. L’un des motifs d’alerte le plus courant est le retard de
l’opérateur dans le cycle de travail. Des marques sur le tapis roulant
indiquent aux opérateurs quel pourcentage de travail standardisé doit avoir
été accompli afin qu’ils sachent s’ils sont en retard. Les opérateurs sont très
qualifiés et peuvent généralement rattraper d’eux-mêmes si nécessaire –
mais, dans ce cas-là, la condition hors standard ne serait pas identifiée et le
problème ne serait pas résolu.
S’il semble logique de vouloir détecter et traiter immédiatement les
problèmes de qualité, l’interdit absolu, dans la production de masse
traditionnelle, est d’arrêter la production. Les pièces défectueuses,
lorsqu’elles sont découvertes, sont simplement étiquetées et mises de côté
pour être rectifiées plus tard et par un autre service. Le mot d’ordre est : «
Produisez le plus possible à n’importe quel prix et réglez les problèmes plus
tard. » Voici ce que m’expliqua Gary Convis, ancien patron de l’usine
Toyota de Georgetown :
Lorsque j’étais chez Ford, si on ne produisait pas à 100 %, il fallait s’expliquer auprès de la
division. On n’arrêtait jamais la chaîne. Ici, on ne produit pas à 100 % du temps. La force de
Toyota, selon moi, est que la direction connaît les avantages du système andon […]. Ils l’ont
expérimenté et ils veulent qu’il soit appliqué. Depuis que je suis chez Toyota, on ne m’a
jamais fait de reproche pour avoir arrêté la production et privilégié la sécurité et la qualité
au détriment des objectifs de fabrication. Tout ce qui les intéresse, c’est de savoir ce que vous
faites pour résoudre les problèmes et identifier leurs causes et quelle aide ils peuvent vous
apporter. Je dis à nos collaborateurs qu’il y a deux façons de se faire mal voir ici :
l’absentéisme, et ne pas donner l’alarme si vous avez un problème. Donner à chaque individu
le sentiment de sa responsabilité dans la qualité est vraiment essentiel.
La qualité intrinsèque que permet de créer le jidoka n’a jamais été plus
importante pour Toyota qu’avec la Lexus à cause de la nécessité de
répondre aux attentes extrêmement élevées des propriétaires. Lors du
lancement de la marque, les modèles Lexus étaient fabriqués exclusivement
au Japon, où la culture et les systèmes qualité sont incontestablement les
meilleurs du monde. Mais serait-il possible de construire une Lexus en
Amérique du Nord avec les niveaux de qualité exceptionnels que les
acheteurs en attendent ? La réponse fut oui. Toyota commença à fabriquer
la Lexus dans son usine de Cambridge, dans l’Ontario, et plus tard dans son
usine du Kentucky.
Ray Tanguay, ancien président de Toyota Motor Corporation Canada,
savait que la barre était désormais encore plus haute, lorsqu’il fut transféré
de la fabrication des modèles Corolla et Matrix à celle de la Lexus RX 330.
De nombreuses innovations furent introduites dans les processus et les
technologies de la ligne Lexus afin de garantir aux acheteurs la qualité
Lexus. Ainsi, les outils et les robots de la chaîne ont été munis de capteurs
intégrés pour détecter tout écart par rapport aux standards. Par ailleurs, ils
envoient par radio-émetteur un signal électronique dans les écouteurs que
portent les chefs d’équipe. Parce que tous les problèmes ne peuvent pas être
détectés pendant la fabrication, chaque RX 330 finie est soumise à un
contrôle qualité en 170 points extrêmement détaillés. Tanguay porte en
permanence à la ceinture un organiseur numérique. Dès qu’une anomalie
est découverte dans un véhicule fini, l’organiseur reçoit immédiatement un
rapport accompagné d’une photo. Tanguay peut la transférer sur un panneau
électronique dans l’usine, afin que les opérateurs voient l’anomalie et soient
attentifs à ce qu’elle ne se reproduise pas. Si la technologie était nouvelle,
l’exécution dépendait toujours d’opérateurs vigilants et le principe restait le
même : mettre au jour les problèmes, les rendre visibles et prendre
immédiatement des contre-mesures.
« Vous voulez dire que la chaîne ne s’arrête
pas vraiment ? »
Cela a déjà été dit, mais il n’est pas inutile de le rappeler : plus vous vous
rapprochez du flux pièce à pièce parfait, plus les problèmes de qualité qui
doivent être corrigés apparaîtront rapidement. J’ai personnellement eu
l’occasion de le vérifier au cours de l’été 1999. General Motors avait
développé un programme, au travers de sa joint-venture avec Toyota,
l’usine NUMMI de Fremont en Californie, dans le cadre duquel des
employés de GM suivaient une semaine de formation au TPS. Le
programme comprenait notamment deux jours dans l’usine d’assemblage de
Toyota – sur les chaînes. On me proposa de participer au stage.
On m’affecta à une chaîne annexe, qui assemblait des essieux pour la
Corolla et le modèle équivalent de GM. Les voitures monocorps ne
comportent pas de châssis ni de vrai essieu arrière, mais quatre modules
indépendants qui comprennent les roues, les freins et les amortisseurs. Ils
sont fabriqués dans le même ordre que les modèles qui défilent sur la
chaîne, placés sur des palettes et livrés dans l’ordre de défilement. Il
s’écoule environ 2 heures entre le moment où un module est assemblé et
celui où il est monté sur la voiture ; s’il y a un problème, on dispose donc
de 2 heures au maximum pour le rectifier avant l’arrêt du segment concerné
de la chaîne d’assemblage principale.
L’une des tâches faciles que l’on me confia consistait à assujettir un joint
à rotule à l’aide d’une goupille fendue. On insère la goupille, on écarte les
deux branches et le joint est verrouillé. Le joint ayant un effet sur le
freinage, c’est un élément de sécurité d’une grande importance. Dans
l’après-midi, j’observais de nombreuses allées et venues et des réunions
impromptues. Mon voisin m’expliqua qu’un sous-ensemble était arrivé sur
la chaîne sans goupille, d’où l’agitation. L’opérateur chargé de le monter sur
le véhicule avait repéré l’anomalie. L’équipe savait que l’erreur ne s’était
pas produite plus de 2 heures auparavant. Je supposai que j’en étais
responsable et culpabilisai immédiatement. L’opérateur m’informa que
c’était arrivé pendant ma pause. Qui sait ? Mais sa réaction lorsque je lui dis
me sentir coupable fut encore plus étonnante. Voici ce qu’il me dit :
Ce qui est grave, c’est que l’anomalie soit passée devant huit personnes sans qu’aucune ne
l’ait vue. Nous sommes censés contrôler le travail lorsqu’il nous arrive. Et celui qui est en
bout de ligne est supposé tout vérifier. La pièce n’aurait jamais dû arriver jusqu’à la chaîne
d’assemblage. C’est toute l’équipe qui se sent mal parce que nous n’avons pas fait notre
travail.
Bien que l’absence de goupille n’ait pas été détectée par le système
d’inspection, un grand nombre de contre-mesures avaient déjà été mises en
place sur la chaîne d’essieux pour prévenir des problèmes de ce type.
Chaque poste de travail était doté de plusieurs dispositifs poka-yoke, des
dispositifs ingénieux qui rendent les erreurs impossibles… ou presque.
Manifestement, il n’en existait pas pour vérifier si la goupille était en place.
Le niveau de sophistication de la chaîne était néanmoins impressionnant :
27 dispositifs anti-erreur sur la seule chaîne fabriquant les essieux avant.
Chaque dispositif avait également sa propre fiche standard, qui résume le
problème traité, le signal d’alarme qui sera utilisé, la mesure à prendre en
cas d’urgence, la méthode et la fréquence de vérification du bon
fonctionnement du dispositif, et la procédure à suivre pour contrôler la
qualité si le dispositif anti-erreur est défaillant. Voilà jusqu’où Toyota
pousse le détail pour construire la qualité.
Par exemple, s’il n’y avait pas de poka-yoke pour vérifier la présence de
la goupille, il y avait un rideau en tissu léger au-dessus du plateau de
goupilles. Si le rideau n’était pas remué par le passage de la main de
l’opérateur pour prendre une goupille, la chaîne s’arrêtait, un voyant andon
s’allumait et une sonnerie d’alarme se déclenchait. Un autre dispositif anti-
erreur m’obligeait à remettre un outil sur son support après chaque
utilisation, sinon la chaîne stoppait et une alarme sonnait. Cela peut sembler
bizarre, un peu comme de recevoir une décharge électrique à chaque faux
pas. Mais c’est efficace. Bien entendu, il y a des moyens de déjouer le
système et les opérateurs de la chaîne les trouvent tous. Mais, chez Toyota,
il existe une discipline concernant l’application des règles et les opérateurs
la respectent.
La standardisation des tâches (voir principe 6) est une contre-mesure aux
problèmes de qualité. Par exemple, l’une des tâches qui m’avaient été
confiées était conçue de manière à pouvoir être exécutée en 44,7 secondes
tout compris. Le takt time (la vitesse de la chaîne, dans ce cas) était de 57
secondes ; la marge étant importante, ce travail convenait à un débutant.
Pourtant, même pour cette tâche simple, le diagramme de flux comportait
28 étapes, jusqu’au nombre de pas à faire entre la chaîne et mon poste de
travail. Ce diagramme était affiché, accompagné de dessins expliquant les
problèmes de qualité potentiels. Il existait aussi un carnet dans lequel
chacune des 28 étapes avait sa propre page, avec une description détaillée et
une photo de chaque étape exécutée correctement. Rien ou presque n’était
laissé au hasard. Chaque fois qu’un problème de qualité apparaît, le
diagramme de flux est examiné pour voir s’il manque une indication qui
aurait entraîné l’anomalie. Dans ce cas, il est complété.
Ne compliquez pas le contrôle qualité et
impliquez les employés
Cet audit est de toute évidence très différent de l’audit qualité classique
effectué selon les procédures détaillées décrites dans un manuel,
éventuellement en analysant des données statistiques, voire en vérifiant que
les procédures sont appliquées. Jackson voit aujourd’hui les choses avec un
autre regard – celui de l’opérateur qui contrôle le processus. Il aborde la
qualité du point de vue de l’homme de terrain – dans les conditions réelles
(genchi genbutsu).
Outre le système andon, un des outils les plus puissants de la production
est le mur qualité. La chaîne de production est disposée en sections et, à la
fin de chaque section, se trouve un point de contrôle de la qualité. Les
défauts sont examinés afin de déterminer l’origine de l’erreur et cette
information est transmise au chef de groupe concerné, qui prend des
mesures pour résoudre le problème. Cette opération est réalisée tous les
jours. Si le problème échappe à ces contrôles et est identifié sur la chaîne
finale, il est porté à la connaissance du management. S’il parvient jusqu’au
client, c’est une crise majeure.
Tirer les enseignements d’une crise de
qualité majeure
Points clés
Le client est l’arbitre final de la qualité du travail qu’accomplit l’entreprise.
La voix du client doit être portée à travers tout le processus – de la conception à
la fabrication.
Le célèbre système andon de Toyota – s’arrêter pour corriger les problèmes –
est un des moyens de mettre au jour les problèmes immédiatement afin qu’ils
puissent être rapidement corrigés.
Un des exemples les plus spectaculaires de la gestion des problèmes de qualité
chez Toyota est la façon dont l’entreprise a réagi face à la crise et aux rappels
de produits provoqués par l’accident de la Lexus en 2009. Plus de 10 ans après,
Toyota y fait toujours référence pour sensibiliser les équipes à l’importance de la
qualité.
La qualité intrinsèque s’applique également aux entreprises technologiques. Les
meilleures entreprises ont élaboré des processus en vue d’obtenir un retour
d’expérience rapide au fur et à mesure de l’écriture du code et de conduire des
expériences avec les clients afin de recueillir un feed-back permanent en vue
d’améliorer le logiciel.
La qualité ne se limite pas à des outils ; il faut créer une culture qui valorise
même les retours d’expérience négatifs et les utilise pour l’amélioration continue
– de la conception à l’utilisation par le client.
1 « The Toyota Way 2001 », Toyota Motor Corporation, document interne, 2001.
* Pour une présentation détaillée de l’entreprise, voir Richard Sheridan, Joy, Inc., New York,
Portfolio, 2013.
2 Stefan Thomke, « Building a culture of Experimentation », Harvard Business Review, mars/avril
2020.
Principe 7
Utiliser le contrôle visuel afin
d’aider les individus dans la
prise de décision et la
résolution de problèmes
M. Ohno était un inconditionnel du TPS. Il disait que tout doit être propre et en ordre pour
pouvoir voir les problèmes. Il était mécontent si quelque chose l’empêchait de voir et de
détecter un problème.
FUJIO CHO, PRÉSIDENT DE TOYOTA MOTOR CORPORATION
Nous assimilons les informations par nos cinq sens : la vue, l’ouïe, le
toucher, l’odorat et le goût. De nombreuses études montrent que, chez la
plupart d’entre nous, c’est d’abord par la vue que nous apprenons,
rappelons et utilisons l’information. Dans son livre Brain Rules, John
Medina expose ce qu’il appelle les « 12 lois du cerveau »1. La 10e loi
stipule : « La vision l’emporte sur tous les autres sens. » L’auteur résume :
Nous nous souvenons très bien des images. Lorsqu’on entend une
information, on se souvient trois jours plus tard de 10 % de cette
information. Ajoutez-y une image, et vous vous souviendrez de 65 % de
cette même information.
Les images l’emportent également sur le texte, en partie parce que le
processus de lecture est inefficace. Notre cerveau voit les mots comme
une multitude de petites images et nous devons identifier certaines
caractéristiques des lettres pour les déchiffrer. Cela prend du temps.
Pourquoi la vision est-elle tellement importante pour nous ? Peut-être
parce que c’est ainsi que nous avons toujours appréhendé les menaces
les plus graves, la nourriture et les opportunités de reproduction.
Débarrassez-vous de vos présentations PowerPoint. Elles sont
essentiellement composées de mots (près de 40 mots par diapositive),
avec six niveaux hiérarchiques de chapitres et d’intertitres – des mots,
encore des mots. Chacun doit se convaincre de l’incroyable
inefficacité de l’information écrite et du pouvoir incroyable des
images. Brûlez vos présentations PowerPoint et créez-en de
nouvelles2.
Dans les années 1980, la plupart des usines de production hors du Japon
étaient de véritables capharnaüms. Et encore, le plus important était ce que
l’on ne voyait pas, à commencer par les montagnes de stocks empilés
jusqu’aux plafonds. Impossible de voir si les outils étaient à leur place ou
non. Impossible de voir également s’il y avait des problèmes dans les
méthodes de travail. La règle tacite de l’époque était de ne pas voir ni
entendre les problèmes tant qu’ils ne vous sautaient pas à la figure. À ce
moment-là, ce n’était plus un problème mais une crise. Les responsables
passaient alors une grande partie de leur temps à jouer les pompiers, passant
d’un incendie à l’autre. En bref, le mot d’ordre général était de gérer les
crises.
L’usine de Donnelly Mirrors (aujourd’hui Magna Donnelly) à Gran
Haven, dans le Michigan, qui fabrique des miroirs pour rétroviseurs
extérieurs, était dans un tel chaos au début des années 1990 qu’elle
ressemblait davantage à un entrepôt qu’à un site de fabrication. Un jour, une
Ford Taurus disparut mystérieusement. Elle se trouvait dans l’usine en
attendant d’être équipée de prototypes de rétroviseurs. L’usine déclara sa
disparition à la police. Et elle réapparut quelques mois plus tard. Où était-
elle ? Derrière l’usine, dissimulée par des piles de stocks. Les dirigeants de
Donnelly citent toujours cet exemple pour illustrer les progrès accomplis
depuis la mise en œuvre du lean3.
Pour outrancier qu’il puisse paraître, ce cas illustre ce que beaucoup
d’entre nous vivent quotidiennement dans leur vie professionnelle. Prêtez-
vous au petit exercice suivant : demandez à un collègue de consulter un
document, sur son ordinateur ou sur l’intranet de la société. Est-il capable
d’aller immédiatement au bon endroit et de trouver le document du premier
coup ? Selon le temps qu’il lui faudra et, peut-être, l’agacement de votre
interlocuteur, vous saurez tout de suite si son organisation visuelle est
satisfaisante ou non. Vous pouvez aussi observer une salle de conférences
utilisée pour des réunions de projets importantes. Est-il facile d’identifier
d’un coup d’œil le déroulement des discussions ? Que voyez-vous lorsque
vous regardez les murs ? Y a-t-il des diagrammes et des graphes pour
indiquer si les participants sont en avance ou en retard sur l’ordre du jour ?
Les anomalies ou les retards dans le projet sont-ils facilement visibles ? Les
documents sont-ils à jour ? En d’autres termes, y a-t-il des moyens de
contrôle visuel pour repérer immédiatement les anomalies ? Chez Toyota,
on appelle les salles de réunion de gestion des projets les obeya, ou grandes
salles ; il suffit de regarder les murs pour comprendre le statut du projet
(nous y reviendrons un peu plus loin).
Lorsque les Américains se rendaient en pèlerinage dans les usines
japonaises au cours des années 1970 et 1980, leur première réaction était
invariable : « C’est si propre qu’on pourrait manger par terre. » Pour les
Japonais, c’était une question d’amour-propre. Qui voudrait vivre dans une
porcherie ? Mais leurs efforts vont au-delà de la propreté et de l’ordre. Au
Japon, les « programmes 5S » comprennent une série d’activités destinées à
éliminer les gaspillages qui contribuent aux erreurs, aux défauts et aux
accidents du travail. Les cinq S, seiri, seiton, seiso, seiketsu et shitsuke
signifient* :
1. Trier. Conserver seulement ce qui est nécessaire et éliminer ce qui ne
l’est pas.
2. Mettre de l’ordre. « Une place pour chaque chose et chaque chose à sa
place. »
3. Nettoyer. Le processus de nettoyage agit souvent comme une forme
d’inspection qui met au jour les anomalies ou des lacunes susceptibles
de nuire à la qualité ou d’entraîner une panne mécanique.
4. Standardiser. Développer des systèmes et des procédures pour
pérenniser les trois premiers S.
5. Institutionnaliser. Maintenir la stabilité de l’environnement de travail
en tant que processus permanent d’amélioration continue – le contexte
évoluant.
Dans la production de masse, sans les 5S, les gaspillages s’accumulent
pendant des années, occultent les problèmes et deviennent un
dysfonctionnement accepté comme inhérent à la manière de travailler. Les
5S créent un processus d’amélioration continue de l’environnement de
travail (voir figure 7.1).
Voici comment intégrer les 5S. On commence par trier tout le contenu de
l’atelier ou du bureau, en vue de séparer ce qui est nécessaire pour exécuter
des tâches à valeur ajoutée de ce qui est rarement – voire jamais – utilisé.
Tout ce qui tombe dans cette catégorie doit être identifié par une étiquette
rouge et retiré du lieu de travail. Ensuite, on crée un endroit permanent pour
ranger chaque pièce ou outil, en tenant compte de la fréquence d’utilisation.
Stockez les éléments rarement utilisés en dehors de l’espace de travail et
débarrassez-vous du reste. Vient ensuite le nettoyage, afin que tout soit
propre. Standardisez visuellement les quantités et les emplacements, afin
que chacun sache où les choses doivent être rangées et repère d’un coup
d’œil l’absence d’un élément (par exemple, un carré rouge à l’emplacement
du casier).
FIGURE 7.3 Le gabarit anti-erreur de ZMO pour les articles envoyés dans un emballage
cadeau standard.
Points clés
Les êtres humains sont des créatures visuelles. Ils se rappelleront et utiliseront
plus facilement une information si elle est dans un format visuel, de préférence
une image.
Les 5S – trier, mettre de l’ordre, nettoyer, standardiser, institutionnaliser – sont
un outil qui peut être utilisé pour créer un lieu de travail visuel. Cependant, ils
sont le plus efficaces lorsqu’ils font partie d’un système lean, avec des
opérations stables, des standards de travail et l’amélioration continue.
Le contrôle visuel sur le lieu de travail doit permettre de savoir d’un simple coup
d’œil quel est le standard et si quoi que ce soit s’en écarte.
Pour la gestion de projets, Toyota utilise une grande salle de réunion visuelle,
l’obeya, afin que chaque fonction impliquée puisse présenter des informations
actualisées sur le statut du projet et tout problème sur lequel elle a besoin
d’aide.
De nombreuses entreprises jugent inefficaces et obsolètes les dispositifs visuels
physiques, et portent au pinacle les outils numériques. Sources de distraction,
les ordinateurs ne facilitent pas toujours le travail d’un groupe. Toutefois,
lorsqu’ils sont correctement conçus et utilisés, les systèmes informatiques
peuvent contribuer au contrôle visuel.
1 John Medina, Brain Rules: 12 Principles for Surviving and Thriving at Work, Home and School,
Seattle, WA, Pear Press, 2014.
2 http://www.brainrules.net/pdf/mediakit.pdf.
3 Jeffrey Liker (dir.), Becoming Lean: Inside Stories of U.S. Manufacturers, Boca Raton, FL, CRC
Press, 1997, chap. viii.
* En fait, Toyota n’utilise que quatre S. L’entreprise dit en plaisantant qu’elle est un peu rétrograde
et qu’elle n’en est pas encore aux 5S. La vérité est que Toyota ne s’occupe pas du cinquième S,
institutionnaliser, parce que cela va de soi. Si ce n’est pas pour institutionnaliser, à quoi bon ?
4 Hiroyuki Hirano, 5 Pillars of the Visual Workplace, New York, Productivity Press, 1995.
5 James Morgan et Jeffrey Liker, Designing the Future: How Ford, Toyota, and Other World-Class
Organizations Use Lean Product Development to Drive Innovation and Transform Their
Business, New York, McGraw-Hill, 2018.
Principe 8
Adopter et adapter des
technologies qui soutiennent
vos collaborateurs et vos
processus
Il suffit aujourd’hui d’appuyer sur un bouton pour être immédiatement inondé d’informations
techniques et managériales. Tout cela est très commode, bien sûr, mais si l’on n’y prend
garde, le risque est de perdre la capacité de penser. Nous ne devons jamais oublier que, in
fine, c’est l’homme qui doit résoudre les problèmes.
EIJI TOYODA, CREATIVITY, CHALLENGE AND COURAGE, TOYOTA MOTOR
CORPORATION, 1983
Au fil des ans, Toyota a pu prendre du retard par rapport à ses concurrents
dans l’acquisition des technologies les plus récentes. J’ai bien dit «
acquisition » et non « utilisation ». Toyota utilise un nombre incroyable de
robots dans les opérations de peinture et de soudure des carrosseries. Les
usines de moteurs et de transmissions regorgent de machines d’usinage et
de forgeage automatisées. L’entreprise dispose de superordinateurs et de
technologies assistées par ordinateur de pointe pour accompagner le
développement de produits. Des milliards de dollars sont investis dans
l’intelligence artificielle pour les véhicules autonomes. Par ailleurs,
l’entreprise fabrique et vend des robots « de mobilité » pour aider les
patients dans les hôpitaux, les malades et les plus âgés à domicile. La
philosophie d’automatisation de Toyota est demeurée cohérente au fil du
temps : « Indépendamment de l’expansion des domaines de recherche, nous
resterons fidèles à “l’automatisation avec une touche humaine” qui a
toujours été chérie par nos prédécesseurs comme l’élément le plus
important dans les technologies, ce qui signifie que les systèmes comme la
robotique ou l’intelligence artificielle ne doivent pas remplacer l’être
humain, mais l’accompagner2. »
Malheureusement, une grande part des technologies et des équipements
acquis par les entreprises dites de pointe n’est jamais pleinement utilisée.
La notion de plug and play peut fonctionner pour connecter une imprimante
à votre ordinateur portable. Cependant, la plupart des systèmes
informatiques sont beaucoup plus complexes, et toutes sortes de choses
peuvent aller – et vont – de travers. Un exemple particulièrement parlant
nous en est offert par le grand bond de Tesla dans l’automatisation avancée
pour l’assemblage automobile dans l’ancienne usine NUMMI en Californie.
Au cours d’une conférence avec les investisseurs fin 2017, Elon Musk
l’avait présentée rien de moins que comme la plus grande avancée depuis le
complexe intégré de River Rouge d’Henry Ford. L’objectif était d’éliminer
tout contact de l’homme avec le produit et de fabriquer des véhicules à une
vitesse ultrarapide3. Il est intéressant de noter que, même avec cette
automatisation « avancée », la productivité du travail était beaucoup plus
mauvaise que lorsque l’usine était gérée par Toyota. Quelques mois plus
tard, Musk reconnut que l’usine était dans « l’enfer de la production » et
incapable de tenir les objectifs de production du modèle 3. Tesla construisit
alors une deuxième chaîne d’assemblage, plus simple, sous une tente. Musk
tira de cette expérience un enseignement précieux : « Nous avions ce réseau
dingue, hypercompliqué, de courroies. Et ça ne marchait pas. Nous avons
donc décidé de nous en débarrasser4. » Musk tweeta ensuite : « les êtres
humains sont sous-évalués » – signe qu’il avait peut-être passé le cap,
reconnaissant la valeur de l’être humain5.
Cela ne signifie pas que la technologie à l’ère du numérique ne soit pas
en adéquation avec la pensée lean ou qu’Elon Musk ne réalisera jamais ses
rêves de fabrication ultra-automatisée. Adopter cette perspective reviendrait
à se mettre des œillères et à ignorer certains des plus grands progrès
technologiques de notre temps. Il me semble que l’enjeu est de ne pas céder
à la tentation d’acquérir et de déployer les outils numériques dernier cri,
mais plutôt d’intégrer de manière réfléchie la technologie avec des
individus et des processus hautement développés. Plus loin dans ce
chapitre, nous nous intéresserons à Denso, l’un des plus importants
fournisseurs de Toyota, qui a accompli des progrès remarquables en
adaptant la collecte de données en temps réel, l’Internet des objets et
l’analyse de données pour soutenir les systèmes lean et amplifier le kaizen.
Les hommes sont au centre de l’approche de Denso, avec leur aptitude à
ressentir la réalité et à déployer une pensée créative. Denso démontre que
c’est avec des personnes qualifiées qui progressent en permanence que la
technologie a le plus de potentiel.
Les ordinateurs traitent l’information, les
êtres humains pensent
J’ai donné d’innombrables cours sur les bases du système Toyota, parmi
lesquelles le kanban, qui est pour l’essentiel une méthode manuelle
visuelle. S’il y a parmi les participants des spécialistes de l’informatique, ils
ne manquent jamais de suggérer de supprimer le kanban papier et de
digitaliser le processus. Toyota a utilisé avec succès le kanban papier
pendant de nombreuses années. Il présente l’avantage d’être tangible et de
se déplacer avec les casiers de pièces, ce qui permet de savoir d’un simple
regard s’il est présent ou absent. En l’absence de kanban, le casier ne doit
pas être déplacé. Cela étant, Toyota est passé il y a quelques années au
kanban électronique, même s’il existe en parallèle un système de kanban
papier à scanner et éliminer. L’intérêt d’utiliser différents types de supports
est de permettre aux opérateurs de visualiser facilement au cours de leur
travail si le processus respecte ou non les standards.
L’inanité de la technologie à tout prix m’est apparue lorsque j’ai conduit
une mission de conseil auprès d’un fournisseur américain de sièges auto qui
avait travaillé pendant des années avec Toyota et appris le TPS. Le P-DG de
l’entreprise s’était mis dans la tête de faire de l’augmentation des rotations
de stocks l’un des objectifs « lean » majeurs de l’entreprise. Il fixa à toutes
les unités opérationnelles des objectifs ambitieux en matière de rotation de
stocks, qui semblaient aller dans le sens de l’élimination du gaspillage
préconisée par le TPS. L’exercice devint une véritable obsession.
Un groupe d’ingénieurs logisticiens de l’entreprise fut chargé de réduire
les stocks. Le leader du groupe était un informaticien. Il voulait introduire
une nouvelle technologie Internet pour apporter « de la visibilité dans la
chaîne logistique ». Les « solutions » logicielles qui promettent de réduire
radicalement les stocks et de maîtriser le processus logistique sont pléthore.
Comment ? En montrant en temps réel à ceux qui se connectent au site
Internet le volume des stocks à chaque étape de la chaîne logistique et en
alertant les utilisateurs lorsqu’ils s’écartent de niveaux de stocks prédéfinis.
Ses collaborateurs étaient très fiers de leur patron, intelligence brillante
et esprit rapide, et ils répétaient souvent un exemple qu’il citait. Il
comparait le logiciel en question à un bulldozer. On peut très bien, disait-il,
creuser un fossé à la main. Mais un bulldozer fera la même chose en très
peu de temps. L’informatique faisait la même chose : accélérer
spectaculairement le travail qui était auparavant réalisé à la main.
Je ne comprenais pas que l’on puisse croire cela. Comment le fait de
suivre les stocks sur l’ordinateur peut-il permettre de les faire tourner plus
rapidement ? Ma formation au TPS m’avait appris que les stocks sont
généralement symptomatiques de processus mal maîtrisés. In fine, pour
produire, il faut fabriquer. J’expliquai mon point de vue au responsable : un
logiciel peut certes contrôler les stocks très rapidement, mais les hommes et
les machines produisent le produit en se fondant sur une certaine logique et,
ce faisant, créent des stocks. En fait, une « vraie visibilité de la chaîne
logistique » consisterait plutôt à installer une caméra vidéo sur le chantier, à
la connecter à un écran dans un endroit éloigné et à regarder travailler les
terrassiers. Rien n’y fit, il s’obstina à pousser la technologie.
Mon point de vue fut validé lorsqu’on nous demanda de réaliser, à des
fins de comparaison, un projet en parallèle dans l’une de leurs usines, sans
utiliser la technologie. Sans recourir à l’informatique, nous réussîmes à
réduire les stocks de 80 % sur la chaîne d’assemblage, alors que l’usine
pilote utilisant le logiciel de chaîne d’approvisionnement n’avait eu qu’un
impact marginal. Nous y parvînmes en passant d’un système poussé à un
système tiré manuel, à l’aide du kanban. Le temps d’écoulement fut réduit
d’un tiers – sans ordinateurs. Pour éliminer la majeure partie des stocks,
nous fûmes amenés à travailler avec un fournisseur mexicain – appartenant
à la même entreprise – qui poussait le maximum de stocks dans l’usine de
son client afin que son taux de rotation paraisse bon. C’est en améliorant le
processus que l’on peut contrôler les stocks de manière durable.
Déployer les technologies de l’information
les plus récentes n’est pas un objectif pour
Toyota
FIGURE 8.1 Le kanban clé manuel ouvre seulement le couvercle de la pièce à prendre.
À l’image de ce que mon groupe de recherche avait connu dans les années
1980 avec « l’usine du futur », lorsque Raja et son équipe étudièrent de plus
près les prétendues entreprises de référence de l’industrie 4.0, ils furent
consternés. Il y avait beaucoup d’esbroufe et de merveilleux affichages de
données, mais quasiment aucune action pour résoudre les vrais problèmes.
Nous avons beaucoup appris, c’est vrai, mais soyons honnêtes, tout cela n’allait pas très loin.
Lorsque vous visitez des sites, on vous montre quantité d’écrans et de tableaux de bord –
j’appelle ça du papier peint électronique. Et après ? Sauf à me montrer quelles actions vous
avez prises en vous fondant sur ces données en temps réel, et que les données sont des
données authentiques, ce n’est rien de plus que du papier peint électronique. J’ai visité plus
d’une douzaine d’usines de grandes entreprises de premier plan et beaucoup d’entre elles
avaient de bonnes activités, mais elles n’étaient pas totalement intégrées. Et on découvre vite
que plus elles font de tableaux de bord, moins elles agissent.
Raja visita l’usine d’un autre grand fournisseur automobile qui faisait figure
de référence dans l’utilisation de l’IoT, et dont on parlait beaucoup. Le
fournisseur avait de très beaux affichages de données avec d’innombrables
histogrammes. Raja consulta un écran qui mesurait l’efficacité globale des
machines, afin de jauger leur temps de bon fonctionnement. Pour une ligne
de production, les chiffres à l’écran indiquaient que les machines tournaient
à 135 %. Surpris par ce chiffre, Raja demanda s’il était exact. On lui
répondit : « Non, ce n’est pas tout à fait vrai sur cette ligne parce que le
logiciel n’a pas été reparamétré en tenant compte des problèmes que nous
avons eus aujourd’hui. » Raja se dit : « Que penseraient les opérateurs s’ils
voyaient le chiffre de 135 %, alors qu’ils savent qu’ils sont au-dessous des
objectifs de production du jour ? »
Il découvrit également que le logiciel était conçu par des spécialistes de
la technologie qui ne connaissaient rien à la fabrication et qu’il était souvent
impossible de l’adapter au contexte réel. Voici un exemple rencontré par
Raja dans sa quête de prestataire :
Des démonstrations de faisabilité ont été conduites avec deux entreprises, l’une allemande et
l’autre américaine. Admettons que le travail débute à 8 heures et que cette donnée soit entrée
dans le logiciel. À 8 heures, il commence à suivre la productivité de votre ligne. Mais
admettons que nous recevions un message du chef d’équipe sur un problème de sécurité, ou
autre, et que la ligne ne démarre qu’à 8 h 07. Nos opérateurs ne doivent pas être tenus pour
responsables de ces 7 minutes de production perdues parce que le management a décidé de
retarder le démarrage. Croyez-moi si vous le voulez, ajuster le programme pour qu’un chef
d’équipe puisse entrer les données indiquant que nous avions commencé à 8 h 07 a été
extrêmement compliqué.
Les applications IoT à Denso, Battle Creek
Son équipe développa même le logiciel utilisé pour déplacer les données
d’un système à l’autre. Une des clés pour transformer une entreprise où
cohabitent de nombreux systèmes est de permettre à ces systèmes de
partager les données de manière fluide. Raja poursuit :
Si l’interface utilisateur n’est pas difficile à créer, récupérer les données auprès des différents
systèmes en place requiert une API [Application Programming Interface] performante. Les
prestataires que nous avons consultés n’ont pas été capables de créer une bonne opérabilité
avec nos systèmes historiques. Seules nos équipes pouvaient le faire parce que c’étaient elles
qui les avaient construits. Et elles ont appris les nouveaux systèmes, ce qui leur a permis de
créer une API qui marche.
Pour les big data, Raja recruta deux analystes de données expérimentés
dans l’analyse de grands ensembles de données. Ils travaillèrent avec les
équipes des ateliers et des prestataires de logiciels sur de vrais projets au
gemba. Ils commencèrent à obtenir de très bons résultats. Un de leurs
clients, un grand constructeur automobile américain, eut vent de ce qu’ils
étaient en train de faire et amena un groupe de personnes pour étudier
l’utilisation qu’ils faisaient des analyses de données. Le client avait consenti
un investissement important en recrutant 50 analystes de données. Raja
demanda à un des membres du groupe sur quoi il travaillait. Comme il
l’explique, il fut extrêmement déçu par la réponse du visiteur :
Il répondit en riant : « Pas grand-chose. Nous collectons seulement des tonnes de données. »
Six mois plus tard, nous étions toujours en contact et je lui montrai certains des exemples que
nous élaborions avec les scientifiques de données – les gens les utilisent vraiment. Abasourdi,
il répliqua : « Vous n’avez que deux personnes et vous avez déjà des exemples qui
fonctionnent ? »
Il n’est peut-être pas surprenant que Drishti ait découvert que c’est à des
clients comme Denso et Toyota, déjà dotés de systèmes lean solides, que le
système d’intelligence artificielle est le plus utile. Le directeur général du
département Toyota, Akiharu Engo, parle de « TPS + AI », suggérant que
les deux vont main dans la main. L’intelligence artificielle apporte une
réelle valeur ajoutée lorsque l’usine a atteint un certain niveau de travail
standardisé, stable et performant. Afin que le flux de travail soit régulier,
tous les éléments techniques du TPS doivent fonctionner ensemble. La
visualisation demeure importante. Une tablette informatique est suspendue
devant l’opérateur qui permet de visualiser en temps réel l’exécution des
différentes tâches ; en cas d’écart, elles apparaissent en rouge. Le rôle de la
technologie est d’alerter les personnes sur des problèmes, afin qu’elles
puissent répondre rapidement et trouver une solution. Comme nous le
verrons au principe 10, les entreprises lean sont organisées en groupes de
travail dont les membres sont formés à la résolution de problème. La
culture, fondée sur la confiance mutuelle, soutient le système des hommes
et de la technologie. Il n’est pire situation que celle où le management et les
ouvriers se disputent sur les standards de performance et où les opérateurs
pensent que le système d’intelligence artificielle est une tentative du
management pour les contrôler et accélérer la production.
La technologie déqualifie-t-elle, remplace-t-
elle ou renforce-t-elle le travail humain ?
Points clés
La multiplication des machines automatisées sur les sites de production
augmente le capital fixe, ce qui peut être préjudiciable à l’entreprise, comme
Toyota l’a découvert à l’occasion d’une baisse d’activité.
Après plusieurs expériences négatives de ce type, en particulier lors de la crise
financière de 2008, le mot d’ordre est devenu : « simple, frugal et flexible », avec
le juste équilibre entre êtres humains et automatisation.
L’automatisation ne sonne pas le glas du kaizen. L’amélioration continue
d’équipements automatisés peut aider les entreprises à se rapprocher de la
vision du flux pièce à pièce ininterrompu.
L’Internet des objets a le potentiel de capitaliser sur les principes du TPS et de
conduire les opérations à un niveau de performance inconnu jusqu’ici, les
salariés étant alimentés en informations en temps réel pour accélérer et
amplifier le kaizen.
Les collaborateurs de Toyota continuent d’être considérés comme des artisans
d’exception qui utilisent tous leurs sens pour comprendre l’état du processus et
sont capables d’exécuter manuellement même des processus automatisés.
1 Takahiro Fujimoto, The Evolution of a Manufacturing System at Toyota, New York, Oxford
University Press, 1999.
2 https://www.toyota-global.com/innovation/partner_robot/index.html.
3 Joann Muller, « Musk Thinks Tesla Will School Toyota on Lean Manufacturing: Fixing Model 3
Launch Would Be a Start », Forbes, 16 février 2018.
4 http://www.businessinsider.com/elon-musk-says-model-3-production-using-too-many-robots-
2018-4.
5 https://techcrunch.com/2018/04/13/elon-musk-says-humans-are-underrated-calls-teslas-
excessive-automation-a-mistake/.
* L’expression « papier peint électronique » a été utilisée pour la première fois pas Dave Grimmer,
qui était vice-président du North American Production Innovation Center de Denso lorsqu’il
découvrit l’écart entre l’affichage des données et leur utilisation.
6 Jeffrey Liker, David Roitman et Ethel Roskies, « Changing Everything All at Once: Work Life
and Technological Change », Sloan Management Review, vol. 28, n° 4, 1987, p. 29-48.
7 https://www.prnewswire.com/news-releases/denso-and-drishti-bring-innovation-to-the-
production-floor-with-ai-based-action-recognition-technology-301003329.html.
8 Discours prononcé par Akio Toyoda, décembre 2019,
https://global.toyota/en/company/messages-from-executives/details/.
Partie III
Employés et partenaires
Respecter, mettre au défi et
former vos employés et vos
partenaires pour atteindre
l’excellence
Principe 9
Former des responsables qui
connaissent parfaitement le
travail, vivent la philosophie et
l’enseignent aux autres
Il n’y a pas de méthode magique. Mais un système de management total, propre au plein
développement du potentiel humain, est requis pour être toujours plus créatif et fécond, bien
utiliser les sites et les machines et éliminer tout gaspillage.
NAMPACHI HAYASHI, DISCIPLE D’OHNO, TOYOTA MOTOR MANUFACTURING
Former en interne des leaders modestes
Cette vision du leader Toyota est bien résumée dans « The Totyota Way
2001 » : piloter l’amélioration continue dans le respect des personnes. Cela
revient à dire qu’il convient de traiter les individus équitablement et en
membres à part entière de l’équipe et, par-delà, les mettre au défi de se
former et de progresser.
Former des « leaders de niveau 5 » plutôt
qu’acheter des leaders de niveau 4
Quelle fut la réussite de ces P-DG audacieux qui eurent les honneurs de la
presse ? Ils étaient généralement un niveau au-dessous – des leaders de
niveau 4 –, efficaces jusqu’à un certain point et capables de « susciter
l’adhésion et l’engagement au service d’une vision motivante et de
mobiliser le groupe autour de standards élevés6 ». Cependant, ils dirigeaient
des entreprises médiocres, et leurs principaux objectifs étaient des résultats
à court terme tape-à-l’œil, la plupart envisageant leur poste comme un
tremplin vers leur prochain « boulot ». Plus des deux tiers des entreprises en
demi-teinte étaient dirigées par des leaders de niveau 4 « dont l’ego
démesuré contribua au déclin ou à la stagnation de l’entreprise ». Collins
conclut :
Dès l’instant où un dirigeant s’autorise à devenir la première réalité dont les personnes
s’inquiètent, en lieu et place de la réalité première, vous êtes condamné à la médiocrité, ou
pire. C’est une des raisons essentielles pour lesquelles les dirigeants effacés produisent
souvent de meilleurs résultats de long terme que leurs homologues plus charismatiques7.
Leadership et culture
Kiichiro Toyoda apprit de son père l’importance de mettre les mains dans le
cambouis et d’apprendre en faisant – et il en demandait autant à tous ses
ingénieurs. Une anecdote célèbre concernant Kiichiro fait partie de
l’héritage culturel de Toyota11 :
Un jour, Kiichiro parcourait l’immense usine lorsqu’il tomba sur un opérateur qui se grattait
la tête en maugréant, car sa meule refusait de marcher. Kiichiro lui lança un coup d’œil,
releva ses manches et plongea les mains dans le carter d’huile. Il en ressortit deux pleines
poignées de boue. La jetant sur le sol, il demanda : « Comment pouvez-vous imaginer faire
votre travail sans vous salir les mains ? » [La présence de copeaux métalliques dans la boue
fournissait un indice sur le problème.]
Lorsque je demande aux managers américains qui ont travaillé pour une
autre entreprise avant de rejoindre Toyota ce qui distingue le leadership
Toyota, ils mentionnent très rapidement le genchi genbutsu. Il serait
relativement facile, pour des dirigeants intéressés par le modèle Toyota, de
demander à tous les ingénieurs et managers de passer chaque jour une
demi-heure à observer les opérations et possiblement de suivre « un
standard de travail de leader ». Mais sans la capacité à analyser et
comprendre la situation, cela n’aurait guère d’utilité. Il existe une version
superficielle du genchi genbutsu et une version beaucoup plus profonde,
dont la maîtrise ne s’acquiert qu’après de nombreuses années. Le modèle
Toyota requiert des employés et des responsables qu’ils comprennent « en
profondeur » le déroulement du flux, les tâches standardisées, etc., mais
aussi qu’ils soient capables d’évaluer et d’analyser avec un œil critique ce
qu’ils observent. L’analyse des données est elle aussi précieuse, mais elle
doit être adossée à une appréhension plus granulaire de la condition
actuelle.
Au cours des années, Taiichi Ohno a pris en charge plusieurs groupes d’«
étudiants » et sa première leçon était toujours la même : se tenir dans un
cercle et observer. C’est le fameux « cercle d’Ohno ». J’ai eu la chance de
m’entretenir avec Teryuki Minoura qui avait appris le TPS directement
auprès du maître et participé à l’exercice du cercle :
T. MINOURA. – M. Ohno nous demandait de tracer un cercle sur le sol
d’un atelier, puis nous disait : « Tenez-vous dans ce cercle, regardez le
processus et réfléchissez par vous-même. » Il ne nous donnait aucune
indication sur ce que nous devions regarder. C’est l’essence même du TPS.
J. LIKER. – Combien de temps restiez-vous dans le cercle ?
T. MINOURA. – 8 heures !
J. LIKER. – 8 heures !
T. MINOURA. – Un matin, M. Ohno m’indiqua que je devais rester dans le
cercle jusqu’au soir. Plus tard, il est venu vérifier et m’a demandé ce que je
voyais. Bien entendu, j’ai répondu [il réfléchit], j’ai répondu : « Il y avait
tellement de problèmes avec le processus… » Mais M. Ohno n’a pas
entendu. Il regardait.
J. LIKER. – Que s’est-il passé à la fin de la journée ?
T. MINOURA. – Il était presque l’heure de dîner. Il est venu me voir. Il n’a
donné aucun feed-back. Il a seulement dit gentiment : « Rentrez chez vous.
»
Naturellement, il est difficile d’imaginer ce genre d’exercice dans une
usine américaine. La plupart des jeunes ingénieurs seraient furieux si on
leur demandait de tracer un cercle et de s’y tenir pendant une demi-heure, a
fortiori toute la journée – sans la moindre explication ! Mais Minoura
comprit que c’était une leçon importante, en même temps qu’un honneur,
qu’il recevait du maître du TPS. Que voulait enseigner Ohno ? Le premier
pas du genchi genbutsu, à savoir le pouvoir de l’observation approfondie. Il
apprenait à Minoura à réfléchir par lui-même à ce qu’il voyait, entendait,
sentait, c’est-à-dire à se poser des questions, à analyser et à évaluer ce que
lui disaient ses sens.
Tadashi (« George ») Yamashina, ancien président du centre technique
Toyota, m’a énormément appris sur le genchi genbutsu :
Il ne suffit pas d’aller voir. « Que s’est-il passé ? Qu’avez-vous vu ? De quoi s’agit-il ? Quels
sont les problèmes ? » Chez Toyota Amérique du Nord, nous nous contentons encore
simplement d’aller voir. « Je suis allé voir et je pense que… » Mais avez-vous réellement
analysé ? Comprenez-vous vraiment de quoi il s’agit ? À la base de tout cela, notre but est de
prendre des décisions fondées sur des informations factuelles, pas sur la théorie. Les
statistiques et les chiffres complètent les faits, mais il faut aller plus loin. On nous accuse
parfois de passer trop de temps à analyser. D’aucuns diront : « Cela relève du simple bon
sens. Je sais quel est le problème. » Mais les informations et l’analyse vous diront si votre
bon sens a raison.
Aller voir par soi-même s’applique également à ces fonctions que nous
considérons généralement comme administratives. Lorsque Glenn Uminger,
un comptable, se vit confier la mission de créer le premier système de
comptabilité de gestion pour l’usine Toyota de Georgetown, dans le
Kentucky, il estima qu’il lui fallait d’abord comprendre ce qui se passait
réellement dans les ateliers, et donc en savoir plus sur le système de
production Toyota. Il passa six mois dans des usines au Japon et aux États-
Unis pour apprendre en faisant – en travaillant à la production. Il comprit
très vite que le système complexe qu’il avait mis en place dans une autre
entreprise n’était pas nécessaire. Il explique :
Si le système que j’avais installé chez le fournisseur de pièces pour qui je travaillais
précédemment était de niveau 10 en termes de complexité, celui que je mis en place chez
Toyota était de niveau 3. Plus simple et beaucoup plus efficace.
Il était plus simple parce que Uminger avait pris le temps de comprendre le
système de fabrication, le client dont il était le fournisseur de services. Il lui
fallait créer un système de comptabilité qui réponde aux besoins réels du
système de fabrication de Toyota. Par le genchi genbutsu et le kaizen, il
acquit une connaissance approfondie du TPS en action. Il apprit que c’était
un système tiré, avec si peu de stocks que les systèmes complexes de suivi
utilisés par son ancienne entreprise étaient inutiles. Et l’inventaire, tâche
ardue et coûteuse, pouvait être grandement rationalisé. Toyota fait un
inventaire physique deux fois par an, auquel participent les équipes de
travail. Des étiquettes sont préparées, le chef d’équipe fait un comptage des
stocks en 10 minutes à la fin du poste et inscrit le résultat sur l’étiquette. Un
employé de la comptabilité récupère les étiquettes et saisit les chiffres dans
l’ordinateur. L’inventaire est terminé le soir même. Il suffit de quelques
heures, deux fois par an !
Hourensou – rendre compte, informer,
consulter quotidiennement
Au lieu d’exposer les modèles comme cela se fait aux États-Unis pour
promouvoir les ventes, la tradition japonaise est de vendre au porte-à-porte.
Les constructeurs automobiles disposent d’informations détaillées sur les
clients et savent à quel moment frapper à la porte. Par exemple, lorsque
Mika aura presque atteint l’âge d’avoir sa propre voiture, un vendeur
prendra contact avec elle pour lui présenter le modèle Toyota correspondant
exactement à ses besoins. L’attention personnelle crée un lien entre les
clients et la marque. Lorsque leur voiture a besoin de réparations, les clients
auront tendance à demander l’aide du vendeur plutôt que de s’adresser
directement à un service entretien anonyme. Cette démarche va dans le sens
de l’objectif de Toyota, qui est de fidéliser ses clients (et leurs descendants)
à vie.
Toyota a utilisé cette méthode et, plus tard, son réseau de
concessionnaires pour apprendre aux nouveaux employés à voir et
comprendre les choses du point de vue du client. J’ai demandé à Toshiaki
Taguchi, ancien P-DG de Toyota Motor Amérique du Nord, s’il se
souvenait d’une expérience particulière où il avait véritablement compris ce
qu’était le modèle Toyota. Il se remémora ses premiers pas de vendeur :
J’ai commencé comme stagiaire de vente […]. Je devais passer dans plusieurs services de
Toyota Motor Sales Company et, avec deux autres stagiaires, on nous envoya chez les
concessionnaires afin de déterminer s’il serait intéressant pour les gens de la production de
travailler quelques mois dans une concession. Je suis donc resté cinq mois chez le
concessionnaire de Nagoya, où j’ai fait du porte-à-porte avec des brochures. J’ai ainsi vendu
neuf voitures neuves et d’occasion. Mais cela m’a permis de connaître nos clients. Toyota
donne aux nouveaux l’occasion de se tester. Aujourd’hui encore, ils doivent passer un mois ou
deux dans une concession.
Cela vaut également pour les ingénieurs, qui, dans le cadre de leur
formation, doivent eux aussi faire l’expérience de la vente. Aller à la source
pour observer et comprendre (genchi genbutsu) permet de connaître les
attentes des clients. Se plonger dans les chiffres de vente ou écouter des
présentations marketing ne suffit pas. Vendre au porte-à-porte est un bon
moyen d’acquérir un sens viscéral de ce que l’achat d’une Toyota implique
pour les clients. Le système d’ingénieur en chef de Toyota en est un autre.
L’ingénieur en chef est comme le P-DG d’une entreprise innovante. Il est
responsable du programme de développement des voitures. À ce titre, sa
première responsabilité est de comprendre le client et d’élaborer une vision
pour le modèle.
Le lancement de la Sienna 2004 fut très important, car il fit de Toyota
l’un des leaders du marché des monospaces. L’ingénieur en chef
responsable du développement de ce Sienna était Yuji Yokoya. Les
principaux marchés de ce nouveau véhicule étaient les États-Unis et le
Canada et, dans une moindre mesure, le Mexique. Yokoya avait travaillé sur
des projets japonais et européens, mais jamais sur un modèle destiné au
marché nord-américain. Il pensait donc ne pas réellement connaître ce
marché. D’autres dirigeants auraient simplement consulté quelques
ouvrages. Cela n’est qu’une partie de la manière de procéder chez Toyota.
Yokoya alla voir son directeur et demanda la permission de faire un voyage
: « Je veux faire en voiture les 50 États et les 13 provinces et territoires du
Canada et toutes les régions du Mexique. »
Andy Lund, un Américain responsable de programme au centre
technique Toyota, fut nommé adjoint de Yokoya. Il eut l’occasion de
l’accompagner pendant une partie de son périple au Canada. Il cite un
exemple de la détermination du Japonais, qui voulait absolument se rendre
dans la petite ville canadienne de Rankin Inlet, dans le Nunavut :
Il est arrivé dans un aéroport minuscule et a essayé de louer une voiture. Mais il n’y avait
aucun bureau de location, ni à l’aéroport ni en ville. Il a donc appelé un taxi et a vu arriver
un monospace. Il a essayé de demander quelque chose au chauffeur, mais celui-ci ne parlait
pas suffisamment bien l’anglais pour que M. Yokoya le comprenne. Le fils du chauffeur vint
traduire et expliqua à son père que M. Yokoya voulait louer sa voiture et la conduire lui-
même. En fait, la ville était tellement petite qu’il ne lui fallut que quelques minutes pour
parcourir les seules routes existantes. Il avait obtenu ce qu’il voulait.
Yokoya arriva à ses fins, qui était de rouler en voiture dans tous les États
américains, y compris en Alaska et à Hawaï, et dans toutes les régions du
Canada et du Mexique. Dans la plupart des cas, il put louer un Sienna, à la
recherche des améliorations qui pourraient y être apportées. À son retour, il
effectua plusieurs changements qui n’auraient eu aucun sens pour un
ingénieur japonais vivant au Japon. Par exemple :
Les routes canadiennes ont une couronne plus haute qu’en Amérique
(plus bombées au centre), peut-être en raison de la quantité de neige
qui y tombe. Contrôler la « dérive » du monospace est donc très
important.
Sur un pont au-dessus du Mississippi, une rafale de vent secoua le
véhicule et Yokoya comprit que la stabilité latérale était capitale.
Dans les rues étroites de Santa Fe, Yokoya eut des difficultés à tourner
avec l’ancien Sienna. Le rayon de braquage du nouveau modèle a été
accru d’un mètre. C’est énorme, car il est nettement plus gros.
En vivant pratiquement dans le véhicule tout au long de son voyage,
Yokoya comprit la valeur des supports pour gobelets ou bouteilles. Au
Japon, les distances sont généralement plus courtes. Si le conducteur
achète un jus de fruit, il le boit à l’extérieur de la voiture. En
Amérique, pendant un long voyage, Yokoya apprit qu’il était fréquent
d’avoir un gobelet de café ou une bouteille d’eau à moitié entamée et
une pleine, pour ne pas avoir à s’arrêter lorsque la première est finie. Il
faut donc deux supports par personne, voire trois si une personne veut
un gobelet de café plus deux bouteilles d’eau. Le Sienna en compte 14.
Ainsi que de nombreux compartiments et vide-poches pour les longs
voyages.
Yokoya remarqua aussi l’habitude américaine de manger dans la
voiture plutôt que de s’arrêter. Au Japon, c’est très rare, car les routes
sont plus étroites, les camions nombreux ; il faut faire extrêmement
attention et s’arrêter régulièrement pour se détendre. Il comprit donc
l’intérêt pour les conducteurs américains de disposer d’un plateau
escamotable facilement accessible et à portée de main pour poser leur
hamburger.
Des concepts aux comportements
quotidiens
FIGURE 9.3 Compétences centrales pour le management (utilisées pour les entretiens
d’évaluation, la formation et la promotion).
La pyramide inversée
Comme nous l’avons dit, les opérateurs (les « équipiers ») sont au sommet
de la hiérarchie, le reste de la hiérarchie est là pour les aider. La deuxième
ligne de défense est le chef d’équipe, un employé qui a travaillé sur la
chaîne, a manifesté sa volonté d’apprendre à résoudre les problèmes et est
passé par un processus intensif de formation et de développement. Dans la
plupart des pays, le chef d’équipe a un statut d’employé mais son salaire
horaire est un peu plus élevé. Le chef d’équipe ne peut pas conduire de
revues de performance ni prendre de mesures disciplinaires ; son rôle est de
soutenir les membres de l’équipe. Le responsable en première ligne est le
chef de groupe, qui dirige et coordonne plusieurs équipes.
La part la plus importante des activités de kaizen est conduite au niveau
du groupe de travail de production, même si, prises une à une, ces
améliorations ne produisent pas nécessairement des résultats spectaculaires.
Les ingénieurs et les managers pilotent souvent des projets ayant un impact
important : déployer une nouvelle technologie ou modifier l’architecture du
flux de matières, par exemple. Une fois ces changements de grande
envergure mis en place, le système est généralement perturbé par toutes
sortes de petits problèmes. C’est alors aux groupes de travail qu’il
appartient de régler et d’ajuster les choses dans le détail. Ils sont la clé de
l’excellence.
Les rôles et les responsabilités des équipiers, des chefs d’équipe et des
chefs de groupe sont résumés sur la figure 10.2 (la figure 10.1 et la figure
10.2 sont reproduites avec l’autorisation de Bill Costantino, l’un des
premiers chefs de groupe à l’usine Toyota de Georgetown, dans le
Kentucky). L’extension progressive des responsabilités – depuis l’opérateur
jusqu’au chef de groupe – est intéressante. Les équipiers accomplissent des
tâches manuelles selon des standards de travail et sont responsables de la
résolution de problèmes et de l’amélioration continue. Les chefs d’équipe
assument un certain nombre des responsabilités qui incombent
traditionnellement aux responsables « administratifs », bien qu’ils ne soient
pas officiellement des managers et qu’ils n’aient pas de pouvoir
disciplinaire sur les équipiers. Leur rôle essentiel est, d’une part, de veiller à
ce que la chaîne tourne rond et produise des pièces de qualité (réponse
immédiate à l’andon) et, d’autre part, de résoudre les problèmes en cas
d’écarts par rapport aux standards. Les chefs de groupe endossent beaucoup
de responsabilités qui seraient normalement assumées par des spécialistes
dans les fonctions ressources humaines, ingénierie et qualité. Dans le
domaine des ressources humaines, ils sont notamment en charge des
évaluations de performance, des plannings, de la formation, de la sécurité et
de la discipline. Ils participent aux améliorations majeures du processus, et
introduisent même des produits et processus nouveaux. Ils assurent
régulièrement des formations. Si nécessaire, ils sont aussi capables de
remplacer un opérateur sur la chaîne. Il n’y a pas de responsable en gants
blancs chez Toyota.
FIGURE 10.2 Rôles et responsabilités des groupes de travail chez Toyota.
Les élèves apprennent en menant, en han, divers projets. Les outils comme
le travail standardisé et le management visuel sont courants dans la vie
quotidienne de ces enfants. À l’heure du déjeuner, la salle de classe est
convertie en salle à manger :
D’après ce que j’ai pu observer, les groupes attendent avec impatience que vienne leur tour
de préparer le repas ; les visages de l’autre côté du « comptoir » rayonnaient sous leur coiffe
de chef […]. La prise en charge de cette tâche par les élèves – même les tout petits
l’accomplissent tous les jours – est rendue possible par la nature standardisée du processus.
Des graphiques répertorient les responsabilités pour les différentes tâches et les élèves
cochent les étapes au fur et à mesure.
Le développement des équipes dans un
entrepôt Toyota : pas de solution minute
Ce qu’il voulait dire, c’est qu’il ne souhaitait pas se retrouver des années
plus tard à essayer de rectifier le tir en matière de culture, comme en
Californie. Bien faire du premier coup.
Lorsque je me rendis sur le site d’Hebron, je fus surpris d’entendre les
responsables se référer fréquemment au « leadership situationnel », qu’ils
avaient appris de Ken Blanchard, célèbre auteur du Manager Minute.
Blanchard décrit quatre phases de développement des équipes (entre
parenthèses, les descripteurs d’un autre modèle bien connu) et le rôle des
leaders à chaque phase :
Première phase : orientation (formation). Le groupe a besoin d’une
direction forte de la part de son leader ; il doit comprendre la mission,
les règles de travail et les outils qui seront utilisés.
Deuxième phase : insatisfaction (tension). Le groupe se met au
travail et ses membres découvrent qu’il est plus difficile qu’ils ne le
pensaient de travailler en équipe. À ce stade, ils continuent d’avoir
besoin d’une direction forte de la part du leader, mais il leur faut aussi
beaucoup de soutien pour maîtriser une dynamique sociale
contraignante qu’ils ne comprennent pas.
Troisième phase : intégration (normalisation). Le groupe commence
à acquérir une image plus claire du rôle de chacun des membres et à
contrôler les processus du travail en équipe. Le leader n’a pas à donner
beaucoup d’instructions, mais l’équipe a encore besoin d’un soutien
social important.
Quatrième phase : production (exécution). Le groupe s’est soudé et
fonctionne comme une équipe performante, avec peu de soutien
technique ou social de la part du leader.
Les missions et les attentes associées ont été documentées sur des feuilles
de papier A3 pour les opérateurs, les chefs d’équipe, les chefs de groupe et
les managers de section. Pour les opérateurs, par exemple, 21 missions sont
identifiées, parmi lesquelles : comprendre le TPS, effectuer des démarrages-
TPM-immobilisations sur les machines, identifier les anomalies, servir de
référent pour le processus, parfaire l’exécution des standards de travail,
connaître les compétences fondamentales et utiliser l’andon. La figure 10.3
représente une feuille A3 pour utiliser l’andon pour la fonction d’opérateur
: suivre exactement le standard de travail, alerter le groupe à la moindre
anomalie et participer activement au kaizen. L’usine utilise la rotation de
poste entre deux processus, et chaque opérateur est le responsable principal
du processus – pour un processus de la rotation en cours et pour la
communication entre les rotations.
FIGURE 10.3 Consignes pour les opérateurs concernant l’utilisation de l’andon.
Pour les chefs d’équipe, 40 missions centrales ont été définies : réponse à
l’andon, analyse de l’andon, formation à la sécurité, confirmation de
posture, gestion de la qualité, réunion d’équipe avant de lancer le travail,
maîtrise du TPS en interne, gestion des points de changement, leadership
4S, kaizen, rapport rapide de résolution de problème et confirmation du
travail standardisé. On trouvera sur la figure 10.4 un exemple de feuille A3
pour la fonction de chef d’équipe visant à confirmer la posture des
opérateurs. Globalement, les chefs d’équipe ont pour mission de positionner
les opérateurs de sorte à ce qu’ils réussissent, d’animer la réunion avant le
lancement du travail, de répondre à l’andon et de piloter le kaizen.
FIGURE 10.4 Consignes pour les chefs d’équipe concernant la confirmation de posture.
Quant aux chefs de groupe, 44 missions principales ont été définies. Selon
un manager de TMUK, « c’est leur travail qui est le plus difficile », comme
en témoignent la diversité et l’étendue de leurs attributions : organiser le
panneau des KPI, gérer le panneau de contrôle de la production (graphique
horaire des unités produites par rapport au réel avec les motifs), savoir
animer des réunions, gérer les équipements de protection personnelle,
confirmer les postures des opérateurs, confirmer le travail standardisé,
veiller au respect des Toyota Business Practices, gérer les rebuts et les
matières rejetées, atteindre les objectifs hoshin, coacher et donner le feed-
back sur les performances. Les chefs de groupe ont un rôle comparable à
celui d’un directeur en matière de planification, de management, de gestion
du personnel et d’activités kaizen en vue d’atteindre les objectifs hoshin
annuels.
Enfin, les managers de section (qu’on appelle parfois sous-directeurs)
chapeautent de 100 à 120 personnes, ainsi que quatre chefs de groupe
environ qui leur sont rattachés. Ils passent deux heures d’intense activité
dans les ateliers au début de chaque rotation, veillant à ce que les choses se
déroulent sans incident ; ils sont ensuite un peu plus libres de leur temps. «
Si vous manquez les deux premières heures, vous manquez la rotation », a-
t-on coutume de dire à TMUK. Les missions centrales des managers de
section sont au nombre de 11 seulement. Généralistes, elles consistent
essentiellement à appliquer et incarner le modèle Toyota : trouver les faits et
analyser les problèmes, déployer un raisonnement créatif et innovant, créer
des plans et construire le consensus, agir et persévérer, suivre l’avancement
des projets et accompagner les collaborateurs.
Au final, les chefs d’équipe GM intervenaient dans des cas précis (si un
opérateur voulait s’absenter quelques minutes, par exemple), afin de
contrôler la qualité et lorsque des réparations étaient nécessaires. En
l’absence de problème immédiat et d’urgence à régler, ils ne savaient pas
très bien quoi faire, se retirant parfois dans une salle pour faire une pause.
Ce qui manquait à GM était évident : le système de production Toyota ou la
culture sous-jacente. GM s’était contenté de répliquer et de surimposer la
structure du groupe de travail dans des usines faites pour la production en
grande série. La leçon était claire : inutile de mettre sur pied des groupes de
travail sans avoir préalablement mis en place le système et la culture
adéquats pour qu’ils soient efficaces, comme nous l’avons vu avec
l’entrepôt de Toyota du Kentucky.
L’exemple d’Herman Miller : investir à long
terme dans la formation du chef d’équipe et
du chef de groupe
Dans une deuxième expérience, la boîte était vide et les punaises étaient
posées à côté. Dans ce cas, l’usage potentiel de la boîte était plus évident et
les sujets ont souvent trouvé la bonne solution du premier coup. Les
participants ayant reçu une incitation financière ont beaucoup mieux réussi
que les autres.
Duncker en a conclu que la motivation extrinsèque est particulièrement
efficace lorsque la tâche à accomplir est simple et ne nécessite pas de
raisonnement créatif. En revanche, lorsqu’il faut faire preuve d’imagination,
l’incitation financière conduit les sujets à se précipiter pour essayer de
réussir et ils réfléchissent moins.
De nombreuses autres études sont parvenues à des conclusions similaires
: pour les tâches créatives, la motivation extrinsèque est moins efficace et
peut même réduire la productivité. En outre, les sujets prennent moins de
plaisir à ce qu’ils font6. Les individus étant récompensés par unité
d’activité, ils ont tendance à faire juste ce qui est nécessaire pour obtenir la
récompense.
On pourrait penser que les tâches manuelles répétitives se prêtent
particulièrement bien à une rémunération à la pièce. De même, si l’on veut
obtenir des idées créatives d’amélioration, pourquoi ne pas rémunérer les
collaborateurs à l’idée ? Pour sa part, Toyota évite autant que faire se peut
les récompenses extrinsèques. Tout le monde perçoit une rémunération
alignée sur les salaires du marché, mais il n’y a pas de primes fondées sur
les performances pour les ouvriers de production. Même pour les managers,
la part de salaire variable est modeste. Par ailleurs, elle dépend
principalement des résultats de l’entreprise et des résultats de l’organisation,
c’est-à-dire de l’usine. Une petite partie est composée d’une prime
individuelle.
Produire de grandes quantités de pièces ou générer rapidement des idées
n’intéresse pas Toyota. Ce que l’entreprise attend, c’est un travail de
production réalisé avec une qualité élevée au takt, pas de la surproduction.
Des opérateurs qui réfléchissent à la manière d’améliorer leur travail. Elle
veut que la résolution de problème soit le fruit d’un travail approfondi,
généralement conduit en équipe. De surcroît, elle veut que chacun exerce sa
créativité.
Seule exception à la priorité donnée à la motivation intrinsèque : des
récompenses viennent reconnaître les accomplissements collectifs ou
individuels. L’usine de TMUK, par exemple, décerne un « Prix de l’œil de
lynx », lorsqu’on repère un problème de qualité particulièrement difficile à
remarquer, ou encore de petits prix aux meilleurs cercles qualité, cités en
exemple. Les activités kaizen particulièrement remarquables sont elles aussi
distinguées. Qui plus est, tous les leaders sont formés à identifier les
comportements positifs et à valoriser les accomplissements individuels et
collectifs.
La confiance est le fondement du respect
des personnes – la sécurité de l’emploi et la
sécurité au travail sont les fondements de la
confiance
Points clés
La culture Toyota repose sur la conviction qu’avec le bon leadership, tout
individu peut se développer et progresser pour relever de nouveaux défis
assortis d’engagement et de passion.
Toyota a fait sien le servant leadership bien avant que cette philosophie de
management soit à la mode, renversant l’organigramme pour placer au sommet
les travailleurs qui produisent la valeur ajoutée.
Le standard Toyota est de développer des groupes de travail responsables de
leurs processus et servis par les organisations support.
La structure standard se compose d’un chef de groupe, considéré comme un
directeur de division, et des chefs d’équipe qui pilotent de petites équipes de
travail.
Le rôle du « mystérieux » chef d’équipe est central ; présent au quotidien aux
côtés des opérateurs, il veille au respect des standards de travail, prend en
charge les anomalies et pilote le kaizen, avec une équipe suffisamment réduite
(idéalement, quatre personnes) pour permettre un coaching quotidien.
Même pour Toyota, développer et pérenniser un leadership de qualité constitue
un défi. C’est pourquoi l’entreprise expérimente régulièrement de nouvelles
approches afin de dynamiser le groupe de travail.
Certaines entreprises supposent à tort qu’il leur suffit de créer sur le papier une
version des fonctions de chef d’équipe et de chef de groupe pour que leurs
groupes de travail fonctionnent comme ceux de Toyota. La plupart du temps,
elles échouent.
Herman Miller s’est engagé dans une démarche volontariste de développement
d’équipes à hautes performances ; ses animateurs et ses chefs d’équipe suivent
une formation pratique rigoureuse de trois mois, prolongée par un stage lui aussi
de trois mois.
Les groupes de travail de Toyota sont adossés à un système de gestion des
ressources humaines, dont la sécurité de l’emploi est la pierre angulaire et qui
œuvre pour apporter un environnement équitable et sûr.
* Un des cinq premiers Américains embauchés par Toyota Motor Manufacturing, dans le Kentucky.
1 Robert Greenleaf, The Servant as Leader, Greenleaf Center for Servant Leadership, 2015.
2 Carol Dweck, Mindset: The New Psychology of Success, New York, Ballantine Books, 2007.
3 David Brooks, « This is How Scandinavian Go Great: The Power of Educating the Whole Person
», New York Times, 13 février 2020.
4 Jennifer Yukiko Orf, « Japanese Education and its Role in Kaizen », dans Jeffrey Liker (dir.),
Becoming Lean: Inside Stories of US Manufacturers, Portland, OR, Productiviy Press, 1998.
5 https://www.linkedin.com/pulse/30-years-later-original-nummi-commando-shares-lesson-mark-
graban/.
6 Daniel Pink, Drive: The Surpising Truth About What Motivates Us, New York, Riverhead Books,
2012.
Principe 11
Respecter votre réseau de
partenaires et de fournisseurs
en les encourageant et en les
aidant à progresser
Toyota a une approche plus pratique qui cherche à améliorer ses propres systèmes, puis à
vous montrer comment améliorer les vôtres… Par exemple, Toyota lissera ses systèmes de
production pour vous faciliter la tâche. Ils viennent chercher nos produits douze fois par jour.
Ils nous ont aidés à déplacer des machines pour les rapprocher de l’arrivée d’eau, ils ont
formé nos employés. Commercialement, ils sont aussi très concrets : ils observent, ils
mesurent et identifient des sources d’économies. Il est plus facile d’accroître la rentabilité
avec Toyota. Nous avons commencé à travailler avec eux lorsque nous avons ouvert une usine
au Canada pour fabriquer un composant, et à mesure que notre performance s’est améliorée,
nous avons obtenu d’autres contrats. Nous fabriquons maintenant la quasi-totalité de
l’habitacle. Par rapport à d’autres constructeurs avec lesquels nous travaillons, Toyota est le
meilleur.
UN ÉQUIPEMENTIER AUTOMOBILE
Le Working Relations Index® est étroitement corrélé aux avantages que l’OEM reçoit de ses
fournisseurs, investissements plus élevés dans l’innovation et les technologies, prix inférieurs
et meilleur soutien du fournisseur, notamment – le tout contribuant au bénéfice d’exploitation
de l’OEM et à sa compétitivité.
« Métier de base » (ou « coeur de métier ») est un terme à la mode dans les
entreprises. Toyota sait parfaitement quel est son cœur de métier –
construire des voitures –, mais semble l’interpréter de manière assez souple.
Cela remonte à la création de l’entreprise, lorsqu’elle décida de concevoir
les modèles et de fabriquer les pièces elle-même plutôt que de les acheter à
des constructeurs américains et européens établis.
L’un des piliers de la philosophie de Toyota est le concept
d’autosuffisance. Il est énoncé dans le modèle Toyota : « Nous prenons
notre destin en main. Nous agissons en nous fiant à nos propres capacités. »
Confier des responsabilités clés à des intervenants extérieurs contredit
apparemment cette philosophie. Toyota vend, crée et fabrique des véhicules
de transport. Si Toyota se reposait sur la technologie de ses fournisseurs et
sous-traitait 70 % du véhicule à ces mêmes fournisseurs qui travaillent avec
ses concurrents, comment l’entreprise pourrait-elle exceller et se
différencier ? Si une nouvelle technologie est l’élément vital du véhicule,
Toyota veut en être un expert et la maîtriser mieux que quiconque.
L’entreprise veut apprendre avec les fournisseurs, mais ne transfère jamais à
ces derniers toute la connaissance fondamentale ni la responsabilité dans un
domaine clé.
Dans le principe 14, je reviens sur le développement de la Prius. L’un des
composants clés du moteur hybride est le transistor bipolaire à porte isolée,
un organe de commutation à semi-conducteur qui amplifie la tension de la
batterie et convertit le courant continu amplifié en courant alternatif pour
entraîner le moteur électrique.
Les ingénieurs de Toyota n’étaient pas des spécialistes des semi-
conducteurs. Cependant, plutôt que de sous-traiter ce composant essentiel,
Toyota l’a développé puis a construit une usine pour le fabriquer – et ce, en
respectant le calendrier très serré du projet Prius. Toyota considère les
véhicules hybrides comme la prochaine étape de l’évolution de
l’automobile. Il voulait l’« autosuffisance » pour la franchir. Une fois cette
compétence interne acquise, elle pouvait être sous-traitée de manière
sélective. Les dirigeants ont insisté pour que le transistor soit fabriqué en
interne, car ils y voient une compétence clé pour la conception et la
production des futures générations d’hybrides – et, par-delà, de tout
véhicule électrifié. Toyota veut savoir ce que contient la « boîte noire ». Par
ailleurs, l’entreprise ne voulait pas avoir à dépendre d’autres constructeurs
pour consentir l’effort dont elle se savait capable en termes de réduction des
coûts.
Toyota a en outre décidé de collaborer avec Matsushita (Panasonic) pour
le développement et la production de la batterie, une technologie qui est au
cœur des hybrides et des futurs véhicules à haut rendement énergétique.
Toyota voulait absolument développer cette compétence en interne, mais
l’entreprise estima qu’elle n’en avait pas le temps. Plutôt que de confier
purement et simplement cette responsabilité à Matsushita, Toyota créa une
joint-venture : Panasonic EV Energy. Ce n’était pas la première
collaboration avec Matsushita. La division Véhicules électriques avait déjà
développé avec cette entreprise une batterie hybride nickel-métal pour une
version électrique du RAV4. Il existait donc des relations et une première
collaboration réussie entre les deux partenaires.
En dépit de cette expérience, la joint-venture mit à l’épreuve les
différences culturelles entre les partenaires. Yuichi Fujii, à l’époque
directeur général de la division Véhicules électriques et responsable
Batterie Prius, exaspéré, déclara3 :
J’ai le sentiment qu’il y a une différence entre un constructeur automobile et un
équipementier électrique, dans la manière dont ils abordent la notion de temps. Un ingénieur
Toyota est instinctivement conscient que la préparation de l’industrialisation intervient à un
moment précis. En revanche, je trouve les ingénieurs de Matsushita un peu trop « relax ».
La rigueur de Matsushita dans le contrôle qualité était également un sujet
d’inquiétude. Toyota se demandait en effet si le niveau de qualité exigé
pour cette nouvelle batterie très complexe n’était pas trop élevé par rapport
à ce que Matsushita avait l’habitude de faire. Fujii fut rassuré lorsqu’il
tomba un jour sur un jeune ingénieur de Matsushita, l’air épuisé : il avait
travaillé jusqu’à 4 heures du matin pour terminer certains tests sur la
batterie, mais il était revenu le lendemain à la première heure « juste pour
vérifier une chose »4. Ce jour-là, Fujii comprit qu’il existait un « style
Matsushita » qui pouvait s’accorder avec celui de Toyota.
Travailler avec les fournisseurs pour
apprendre ensemble le TPS
Toyota a progressivement fait évoluer son style pour le rendre moins punitif
et mettre davantage l’accent sur l’accompagnement des participants, en
particulier aux États-Unis. Le centre de soutien aux fournisseurs ou TSSC
(Toyota Supplier Support Center), aujourd’hui devenu le centre de soutien
au système de production Toyota, toujours sous l’acronyme TSSC, est ce
qui s’en rapproche le plus aux États-Unis. Le TSSC a été créé en 1992 et
dirigé par Hajime Ohba, ancien membre de la division OMCD et disciple
d’Ohno, pour s’adapter à la culture américaine ; les projets restent toutefois
le fil conducteur. Les fournisseurs, et même des entreprises autres
qu’automobiles, comme New Balance, Viking Range et Herman Miller,
devaient faire une demande pour être acceptés comme clients. Gratuit à
l’origine, le service est ensuite devenu payant.
Le TSSC identifie un besoin dans une entreprise, puis choisit une ligne
de produits pour conduire un projet, qui consiste à développer une « ligne
modèle ». Une ligne modèle typique comprend la chaîne d’assemblage et la
chaîne de fabrication de pièces qui l’alimente. Le TPS est mis en œuvre par
le management de l’entreprise avec tous les éléments : juste-à-temps,
jidoka, tâches standardisées, management visuel, gestion quotidienne,
maintenance productive totale, etc. Les mentors Toyota enseignent le TPS
comme système. Au fil du temps, le TSSC a été externalisé, devenant une
entreprise à but non lucratif. C’est alors qu’il a pris le nom de Toyota
Production System Support Center. Il réserve 30 % de ses activités à des
sociétés privées, 30 % à des organisations à but non lucratif et 30 % à des
associations caritatives. Seules les entreprises privées payent les prestations.
Le TSSC a obtenu des résultats spectaculaires dès le début. Entre 1992 et
1997, le centre a conduit ses 31 premiers projets, tous extrêmement positifs,
avec une réduction moyenne des stocks de 75 % et des gains de productivité
de 124 % en moyenne. L’espace a été réduit, la qualité améliorée et les
expéditions d’urgence éliminées5. En 25 ans d’existence, le TSSC a
accompagné plus de 320 organisations, banques alimentaires, hôpitaux,
écoles, associations d’aide au logement, éditeurs de logiciels…
C’est par exemple le cas de Community Kitchen & Food Pantry de West
Harlem, à New York. L’association sert chaque mois plus de 50 000 repas
gratuits à la population. Par le passé, de longues files d’attente s’étiraient
devant les locaux de l’association, même en plein hiver, alors que l’espace
du réfectoire n’était utilisé qu’à 77 %. Community Kitchen a fait appel au
TSSC pour l’aider à résoudre le problème. Le TSSC a abordé le
fonctionnement du site comme un processus d’assemblage, concentrant ses
efforts sur l’amélioration du flux et l’élimination des gaspillages6.
L’équipe a rapidement établi qu’il était plus efficace de servir les clients un par un, plutôt que
par groupes de 10, comme c’était le cas. Elle a également suggéré de créer une zone
d’attente et affecté une personne à la gestion des flux, pour orienter les visiteurs vers les
sièges disponibles. Grâce à ces changements, l’association a pu servir ses clients plus
rapidement et plus efficacement.
Tous les fabricants vous le diront : leur réussite tient pour une large part à la
qualité de leurs relations avec leur réseau de distributeurs. Dans l’industrie
automobile, ce sont les concessionnaires, visage de la marque auprès des
clients. Les concessionnaires Toyota sont des entreprises indépendantes que
Toyota considère comme des partenaires. Jouer les gros bras n’est pas plus
efficace avec les concessionnaires qu’avec les fournisseurs. Toyota a
élaboré une version du modèle Toyota pour les ventes et les services*, qui
indique : « Créer des réseaux de concessionnaires pour le plaisir, la praticité
et la valeur ajoutée et apporter ses services 3S intégrés (ventes, pièces
détachées, après-vente), établissant une communication directe avec les
clients pour développer une relation durable**. »
Toyota s’est doté il y a plusieurs années d’une version du système de
production Toyota pour les concessionnaires, mais l’entreprise ne l’impose
pas. Elle le propose et l’enseigne. Un exemple aux États-Unis en est le
service Toyota Express Maintenance. Les quais de réparation sont dédiés à
l’huile, au graissage et aux visites d’entretien. Le système de maintenance
s’apparente à ce qui existe dans les enseignes spécialisées dans les
vidanges. Toyota a certifié un réseau de consultants pour l’enseigner en
aidant le concessionnaire à le mettre en place. Le concessionnaire rémunère
le consultant, mais cette somme lui sera remboursée par Toyota une fois
qu’il aura atteint un certain jalon.
C’est chez Volvo que j’ai trouvé l’un des meilleurs exemples de système
lean complet pour les concessionnaires, Volvo Sales and Service. Einar
Gudmundson, vice-président en charge des ventes et du marketing de
Volvo, avait lu The Toyota Way to Leadership. Totalement séduit et
convaincu par la démarche, il décida de foncer – commençant par s’y
former sous la houlette d’un consultant de premier ordre. Depuis lors, il n’a
jamais cessé. Il créa une obeya pour la planification annuelle, mensuelle et
quotidienne, rencontrant ses équipes tous les jours pour mesurer la
progression. Ce management visuel quotidien fut étendu à toutes les
fonctions, et les ventes de voitures, d’accessoires et de pièces détachées
augmentèrent.
L’entreprise porta une attention toute particulière aux concessions dont le
design et l’aménagement furent totalement repensés autour de l’expérience
des clients. Si l’achat d’un véhicule est un acte ponctuel, les clients
reviennent ensuite régulièrement chez le concessionnaire pour les
changements de pneus, l’entretien et les réparations. Volvo prend en charge
toutes les réparations sous garantie. Au-delà de cette période, rien
n’empêche les clients de se rendre chez d’autres garagistes, mais ils perdent
alors le lien avec la marque.
L’équipe de Volvo a utilisé sa propre version de la cartographie de la
chaîne de valeur pour retracer le parcours d’un client qui se rend à la
concession pour l’entretien de sa voiture (voir figure 11.1), mettant en
lumière d’innombrables problèmes. Le client téléphone, décrit le problème
et prend rendez-vous auprès du secrétariat. Après quoi, il se prépare pour
une longue journée, se déplace jusqu’à la concession et remet sa voiture à
l’accueil de l’atelier (où il aura probablement besoin de répéter ce qu’il a
déjà expliqué par téléphone). Ensuite, s’il n’a personne pour venir le
chercher, il s’assied dans la salle d’attente, où il passera une bonne partie de
la journée. À un moment, quelqu’un vient l’informer que la concession n’a
pas les pièces pour la voiture mais qu’elles seront là le lendemain à la
première heure. Il reprend donc sa voiture – ou la laisse à l’atelier –, rentre
chez lui et retourne à la concession le lendemain. La voiture est enfin
réparée, il récupère les clés et on lui indique qu’il doit effectuer son
règlement dans une autre zone de la concession.
FIGURE 11.1 La chaîne de valeur du client dans un atelier classique de réparation
automobile Volvo.
Source : Volvo.
Source : Volvo.
FIGURE 11.3 Panneau de charge pour planifier visuellement une journée de travail dans
une concession Volvo.
Si vous avez acheté une maison, vous avez probablement signé des dizaines
de documents pour conclure l’affaire, en espérant que tous étaient des
documents types et qu’aucun ne reviendrait vous hanter. Votre notaire a
sans doute examiné ces documents et vous a confirmé que tout était en
règle. Vous les avez donc signés en toute bonne foi. Cela semble la manière
normale de faire des affaires pour la plupart des entreprises, mais pas si l’on
suit le modèle Toyota.
Richard Mallery fut engagé par Toyota comme avocat pour l’achat de
485 hectares au nord-ouest de Phoenix, dans l’Arizona. C’est aujourd’hui le
circuit sur lequel Toyota teste ses véhicules. Ces 485 hectares comprenaient
une parcelle représentant un quart d’un domaine d’élevage, le Douglas
Ranch. Mallery avait traité des transactions beaucoup plus importantes ;
celle-ci était pour lui pure routine. Cependant, il n’avait jamais travaillé
pour un client comme Toyota. Il raconte :
À la fin de cette affaire, j’avais considérablement approfondi mes connaissances sur l’histoire
du droit de l’Arizona et le développement de sa réglementation, parce que j’avais dû
répondre à toutes les questions des gens de Toyota. Impossible de leur faire signer l’acte
d’achat en leur certifiant que toutes les garanties étaient prises. Ils voulaient connaître toute
la jurisprudence de ce type d’opérations pour décider sur les meilleures bases possibles.
Pour répondre à toutes leurs questions, je suis redevenu étudiant et j’ai beaucoup appris sur
le système fédéral qui fit de l’Arizona d’abord un territoire, puis un État.
Les fournisseurs ont également besoin que les processus des clients
fonctionnent correctement. Cela commence par des processus stables et
fiables – y compris le heijunka, présent dans tous les esprits mais dont
personne n’ose parler (voir principe 4). Si les programmes du client ne sont
pas lissés, le fournisseur est en permanence mené en bateau et il lui est
impossible d’avoir des systèmes lean solides. Il n’a d’autre choix que de
bâtir une montagne de stocks pour expédier le produit réclamé par le client,
tout en le réapprovisionnant à travers des systèmes tirés internes. Un
fournisseur me montra ainsi les produits accumulés pour un client dont les
programmes n’étaient pas lissés – le « mur de la honte » du client, me dit-il.
La hiérarchie des besoins de la chaîne de valeur représentée sur la figure
11.4 suggère que, tant que la relation n’est pas stabilisée et équitable, tant
que les processus ne sont pas stables et tant que les attentes ne sont pas
claires, il est impossible d’atteindre les niveaux supérieurs des systèmes
d’habilitation ni de développer une entreprise véritablement apprenante. Le
même principe s’applique au versant commercial des réseaux de
concessionnaires. Je ne sais combien de fois j’ai entendu les
concessionnaires de marques américaines se plaindre qu’en dépit de la
faiblesse de la demande pour certains modèles, ils étaient obligés d’en
acheter pour gonfler artificiellement les chiffres des ventes des
constructeurs. Soumis en permanence à ce type de pression, ils avaient le
sentiment de ne recevoir aucune aide de la part des marques qu’ils
représentaient – et doutaient même que les constructeurs fussent capables
de les aider. Les programmes de récompenses mis en place par les
constructeurs américains leur laissaient le même goût amer. Toyota, en
revanche, envoie régulièrement des équipes apporter leur aide aux
concessionnaires. Ces collaborateurs leur fournissent des données
marketing locales de grande qualité et leur proposent des programmes pour
les aider à apprendre les méthodes lean. Dans les situations les plus
difficiles, ils apportent même un soutien financier à leurs concessionnaires.
« Respectez votre réseau de partenaires et de fournisseurs en les
encourageant et en les aidant à progresser », stipule le principe 11 du
modèle Toyota. Ce qui fait de Toyota un modèle pour la gestion du flux de
valeur, c’est la volonté d’apprendre et de progresser en même temps que ses
partenaires. L’entreprise est, à mon sens, parvenue à développer quelque
chose d’unique : une entreprise apprenante étendue. C’est, pour moi, la
forme la plus aboutie de l’entreprise lean.
Points clés
Toyota respecte les personnes et pratique l’amélioration continue de la chaîne
de valeur, en encourageant et développant ses partenaires extérieurs clés.
Du point de vue du client, c’est une voiture Toyota. Toutes les pièces fournies
doivent donc avoir la même qualité de conception et de fonction que les pièces
détachées Toyota. De même, aux yeux des clients, les concessionnaires
indépendants « sont » Toyota – ils doivent par conséquent incarner la marque.
Toyota attend de ses fournisseurs une livraison irréprochable des pièces et leur
fixe des objectifs de coûts ambitieux.
Les fournisseurs de premier rang des principaux systèmes de composants sont
impliqués dès le départ dans le cycle de conception, collaborant avec les
ingénieurs Toyota et ayant les mêmes objectifs agressifs de coûts, de qualité, de
poids et de fonctionnalités.
Pour former et développer ses fournisseurs, Toyota dispose de plusieurs
méthodes : associations régionales de concessionnaires ; aide directe de
professionnels des achats, de la qualité et de la fabrication ; projets de « lignes
modèles » coachés par des formateurs spécialistes du TPS.
En dépit des attentes et des standards très exigeants que Toyota impose à ses
fournisseurs, ceux-ci désignent régulièrement l’entreprise comme le client en qui
ils ont le plus confiance et qu’ils respectent le plus.
Toyota sélectionne rigoureusement ses nouveaux fournisseurs, leur confiant
d’abord un petit volume de commandes, jusqu’à développer sur une période de
plusieurs années un plein partenariat. L’entreprise « licencie » rarement un
fournisseur.
Toyota applique ses principes de respect et de défi à toute la chaîne de valeur,
notamment aux concessionnaires, points de contact des clients avec la marque
et ses produits.
L’établissement d’une relation durable avec les fournisseurs commence avec les
pratiques équitables et respectables et les processus fiables et stables de leurs
clients.
Le but ultime est de bâtir une entreprise apprenante stable, qui s’étend à toute la
chaîne de valeur.
1 https://www.plantemoran.com/get-to-know/news/2019/06/working-relations-study-shows-uphill-
road-for-oems.
2 T. Nishiguchi et A. Beaudet, « The Toyota Group and the Aisin Fire », Sloan Management
Review, automne 1998, p. 49-59.
3 Hideshi Itazaki, The Prius That Shook the World: How Toyota Developed the World’s First Mass-
Production Hybride Vehicule, Tokyo, Japon, The Nikkan Kogyo Shinbun, LTD, 1999.
4 Ibid.
5 Jeffrey Dyer et Nile Hatch, « Using Supplier Network to Learn Faster », Sloan Management
Review, vol. 45, n° 3, printemps 2004.
6 https://www.tssc.com/projects/nfp-fbny.php.
7 Jeffrey Liker et Yen-Chun Wu, « Japanese Automakers, US Suppliers, and Supply-Chain
Superiority », Sloan Management Review, vol. 41, n° 2, 2000.
8 Jeffrey Dyer et Nile Hatch, « Relations-Specific Capabilities and Barriers to Knowledge
Transfers: Creating Advantage through Network Relationships », Strategic Management Journal,
vol. 27, 8 août 2006, p. 701-719.
* On en trouvera une description détaillée dans Yoshio Ishizaka, The Toyota Way in Sales and
Marketing, Tokyo, Asa Publishing, 2009.
** Voir Jeffrey Liker et Karyn Ross, The Toyota Way to Service Excellence, New York, McGraw-
Hill, 2016.
9 Jeffrey Liker et Thomas Choi, « Building Deep Supplier Relationships », Harvard Business
Review, déc. 2004, p. 104-113.
Principe 12
Observer et apprendre de
manière itérative (PDCA) pour
relever les défis
Nous avons testé les 200 métiers à tisser pour vérifier s’ils fonctionneraient en conditions
réelles. J’avais fait plusieurs suggestions et [père] les essaya toutes sans exception. Les êtres
humains ont le don de trouver des idées inutiles ; lorsqu’on les met à l’épreuve, il y a toujours
des surprises : celles que l’on pensait intéressantes se révèlent parfois inutiles et inversement.
D’où le principe : essayer, essayer, essayer. Nous avions un jour une discussion avec mon
père, nous n’étions pas d’accord et il a fini par se rendre à mes arguments, convenant avec
moi que telle chose ne fonctionnerait sans doute pas. Mais c’était plus fort que lui et père a
dit : « Essayons tout de même. » J’ai donc fait le test et, contre toute attente, la chose
fonctionnait très bien. Depuis ce jour-là, je ne fais plus passer les discussions en premier1.
KIICHIRO TOYODA, FONDATEUR DE TOYOTA MOTOR COMPANY
Dallis fut affecté à une zone pendant trois jours, avec l’objectif de réaliser
50 changements (soit un changement toutes les 22 minutes). Au cours de la
première rotation, Dallis, avec l’aide d’un membre de la cellule de
production, produisit sept idées, dont quatre furent mises en œuvre. Il apprit
alors que deux chefs d’équipe suivaient eux aussi la formation et avaient
produit respectivement 28 et 21 idées de changement au cours de la même
rotation. Dallis accéléra la cadence et continua à travailler et apprendre,
avec d’excellents résultats.
Cependant, l’aventure était loin d’être terminée. Dallis fut renvoyé sur le
site de Georgetown pour essayer de réduire l’écart en termes de
disponibilité opérationnelle. Pourquoi avait-il obtenu 90 % seulement – et
pas 95 % ? À côté de quoi était-il passé ? Il poursuivit, obstiné, le kaizen
auquel il avait été formé et obtint un taux de 99 %. Plus important, l’image
que se faisait Dallis de son rôle de leader et de sa contribution à la
résolution de problème, et son respect pour le groupe de travail, avaient
changé du tout au tout. Analysant l’expérience fondatrice vécue par Dallis,
Spear résume ainsi ce que le jeune homme avait appris :
Enseignement 1. Rien ne remplace l’observation directe.
Enseignement 2. Les changements proposés doivent toujours être
structurés sous la forme d’expériences.
Enseignement 3. Les ouvriers et les managers se livreront à des
expérimentations le plus fréquemment possible.
Enseignement 4. Le management est là pour coacher, par pour réparer.
Avant de préciser :
Quant à notre philosophie du genchi genbutsu, aller sur le terrain, regarder les produits en
vrai, nous devons, je pense, en préciser la définition. Jusqu’à présent, le plus important à nos
yeux était le gemba, aller voir là où le travail est accompli, aller au genchi, et nous le faisions
naturellement, cela allait de soi. C’est la même chose pour les produits, nous aurons toujours
besoin de regarder les vrais produits, de les mettre devant nos yeux. Jusqu’à présent,
personne n’a remis cette philosophie en question. Mais au cours du mois écoulé, c’est
davantage par des images affichées sur des écrans que nous avons regardé les produits. Je
pense qu’à certains stades, c’est bien, cela ne pose pas de problème, mais il y aura toujours
des moments où nous aurons besoin d’être en contact direct avec le produit. Certaines choses
ne peuvent être perçues qu’au gemba, Dans tous ces cas-là, oui, il faut continuer à aller sur
le terrain. L’idée n’est pas de dire que nous appliquons le genchi genbutsu partout ; nous
devons préciser les conditions dans lesquelles il est nécessaire d’aller voir par soi-même.
Ainsi, une distinction s’établit une nouvelle fois entre les outils et le mode
de raisonnement. Les outils, en l’occurrence les outils numériques, ne sont
que des instruments émoussés si l’être humain qui utilise l’information ne
raisonne pas de manière scientifique et ne résout pas les vrais problèmes.
En revanche, ils peuvent se révéler de formidables partenaires lorsqu’on les
associe au raisonnement critique et à l’expérimentation. Nous avons vu
avec l’exemple du service pédiatrique que les systèmes informatiques ont
été d’emblée considérés comme le problème et la solution – une attitude qui
aurait pu empêcher de mettre au jour les causes réelles et de résoudre le
problème.
Lorsque c’est possible, revenir aux principes
premiers de la science
Il ne m’a pas été très difficile de convaincre les dirigeants et les managers
de l’intérêt du raisonnement scientifique. Le « management par les faits »,
comme le prêchait Deming, est largement accepté et pratiqué. Mais lorsque
l’entreprise est très centralisée et hiérarchisée, cela devient souvent : «
Obtenir les données sur les indicateurs de performances clés et
responsabiliser les individus sur les résultats6. » Par quoi il faut entendre
que la motivation extrinsèque – lier les résultats à des récompenses et des
sanctions – monte ou descend
Ce que fait Toyota est un peu différent : développer chez les individus
une manière de penser pour comprendre la direction ; aller se rendre compte
par soi-même et demander pourquoi en vue d’appréhender correctement, et
dans toute sa complexité, l’état actuel ; expérimenter et apprendre tout au
long de la progression vers le but. Quelque chose comme un « raisonnement
scientifique pratique », en accord avec le modèle du kata d’amélioration
dont il sera question plus bas. En un sens, on peut voir la pratique
d’accompagnement des personnes dans l’acquisition d’un mode de
raisonnement scientifique comme une contre-mesure à notre tendance
naturelle à tirer des conclusions hâtives, à croire que nous savons et à nous
engager dans des solutions avant d’avoir la preuve qu’elles fonctionneront.
Notre appareil neurologique est le produit de plusieurs millions d’années
d’une évolution placée sous le signe de la survie du plus fort. Pour certains
chercheurs, l’évolution aurait débuté avec le cerveau reptilien doté de
fonctions élémentaires de préservation de la vie – comme respirer, manger,
se reproduire – et les réponses de survie – se battre, fuir ou s’immobiliser.
Puis se seraient développés le cerveau des mammifères et le système
limbique, siège des souvenirs et des émotions : plaisir, douleur, peur,
attitude défensive et quête de la sécurité. Enfin, le néocortex est la partie
spécifiquement humaine du cerveau, siège du langage, de la conscience de
soi, de la pensée abstraite, de la perception du temps, du raisonnement et de
l’imagination.
Pendant des millions d’années, le comportement humain a répondu aux
exigences de la survie : trouver de la nourriture, lutter contre d’autres êtres
humains et des animaux prédateurs, et procréer pour assurer la survie de
l’espèce. La réflexion approfondie et le « raisonnement scientifique » y sont
moins efficaces que les réactions rapides et les aptitudes physiques. Dès
lors, il n’est guère surprenant que le psychologue cognitiviste Daniel
Kahneman, lauréat du prix Nobel, ait trouvé chez les êtres humains une
inclination naturelle à la « pensée rapide ». La pensée plus lente, plus
réfléchie, a-t-il observé, nous vient moins naturellement et peut même être
pénible7. Les êtres humains ayant réussi à transmettre leurs gènes avaient
des cerveaux qui décourageaient la pensée lente, les punissant par la
douleur lorsqu’ils réfléchissaient trop longuement. Kahneman propose une
simplification utile des mécanismes de pensée du cerveau en distinguant
deux systèmes qui fonctionnent en parallèle :
« Système 1 » (RAPIDE). Ce mode est celui de la pensée intuitive –
rapide, automatique et émotionnelle. Il repose sur des règles mentales
simples (des « heuristiques ») et des biais cognitifs, qui génèrent des
impressions, des sentiments et des inclinations. La pensée rapide
n’aime pas l’incertitude et veut la « bonne réponse » tout de suite.
« Système 2 » (LENT). Ce mode est celui de la pensée rationnelle –
lente, réfléchie et logique. Il repose sur une évaluation réfléchie qui
débouche sur des conclusions logiques. La pensée lente exige de la
concentration et une évaluation approfondie du problème et des
solutions possibles.
Le mot « contre-mesure » est très important chez Toyota. On vous dira par
exemple qu’il n’y a pas de solutions, seulement des contre-mesures. Il s’agit
de mesures dont les participants supposent qu’elles peuvent contribuer à
contrer (réduire) l’écart entre l’état souhaité et l’état actuel. Elles sont
testées. Si elles contribuent effectivement à réduire l’écart, elles restent en
place jusqu’à ce que de meilleures mesures soient élaborées. Les contre-
mesures efficaces débouchent sur des standards – la meilleure manière
connue aujourd’hui, jusqu’à ce que nous fixions un meilleur standard, peut-
être plus ambitieux.
Si le processus de résolution de problème tel qu’il est décrit dans les
documents peut paraître très linéaire, dans la pratique, il s’inscrit dans une
démarche d’apprentissage itérative. L’apprenant décompose le défi en sous-
problèmes, qu’il classe par ordre de priorité, et se consacre au premier.
Résoudre le premier sous-problème suffit rarement à atteindre l’objectif.
L’apprenant analyse donc le nouvel état actuel et sélectionne le sous-
problème prioritaire suivant, et ainsi de suite. Nous verrons plus loin que les
Toyota kata présentent certains points communs avec les TBP. Par exemple,
le sous-problème et ses objectifs s’apparentent à la « condition cible ».
Lorsque Toyota commença à utiliser les TBP à des fins de formation, ce
fut d’abord à destination des dirigeants, sous la houlette des sensei les plus
expérimentés. On ne peut enseigner ce que l’on n’a pas vécu soi-même. Les
dirigeants, après avoir appris tout au long de leur carrière à résoudre les
problèmes, suivirent humblement le processus, généralement sur une
période de huit mois, travaillant sur des problématiques à la mesure de leurs
responsabilités. Chacun présenta ensuite ses conclusions à un jury, dont
faisait partie Fujio Cho. Dans 80 % des cas environ, on leur demanda de
compléter leurs travaux. À l’issue du processus, ils formèrent à leur tour
leurs subordonnés, tenant le rôle de coaches et siégeant au jury
d’examinateurs – et ainsi de suite, à tous les niveaux de l’entreprise. La
démarche n’est pas sans évoquer celle qu’a pu observer Steven Spear,
mentionnée plus haut.
Le but des TBP est de faire de la hiérarchie managériale une chaîne de
coaching, de sorte que le développement des collaborateurs devienne une
responsabilité centrale des managers et que ceux-ci n’attendent pas qu’un
membre du personnel s’en charge. Je me trouvais dans une usine Toyota
lorsque les TBP, huit ans après le lancement du programme au niveau des
dirigeants, furent déployées au niveau des chefs de groupe. On l’aura
compris, c’est un programme de très long terme pour Toyota.
Sur la figure 12.4, sous l’intitulé « Motivation et engagement », on
trouve les éléments suivants : « Le client d’abord », « Propriété et
responsabilité », « Visualisation », « Jugement fondé sur les faits », «
Communication rigoureuse » et « Implication de toutes les parties prenantes
». Il ne suffit pas que l’apprenant exécute correctement les huit étapes. Il
doit acquérir les compétences et être capable de les enseigner aux autres, y
compris par l’exemple. En surface, la tâche de l’apprenant est de suivre les
huit étapes et d’atteindre l’objectif, mais elle se double d’un processus
parallèle plus profond d’acquisition de cet ensemble de compétences de
leadership. Le coach (manager) profite d’être avec l’apprenant pour trouver
des occasions de lui donner du feed-back sur toutes ces compétences.
Le feed-back est d’autant plus efficace qu’il est apporté immédiatement
après le comportement – il doit être centré sur le comportement, et non sur
la personne – et qu’il est exercé en ayant à cœur de faire progresser la
personne que l’on accompagne. Le coach ne peut pas créer artificiellement
des comportements chez l’apprenant, il doit donc les identifier lorsqu’ils se
produisent et prodiguer ses conseils dans la foulée. C’est la raison pour
laquelle il est extrêmement important que le coach soit le manager de la
personne et qu’il la côtoie régulièrement pour observer les comportements
en temps réel.
Les leaders de Toyota doivent suivre le modèle des TBP dès lors qu’ils
sont confrontés à un projet complexe. Le mode de raisonnement doit être
parfaitement assimilé, jusqu’à devenir la manière naturelle d’aborder un
problème – grand ou petit. Dans l’usine de Toyota au Royaume-Uni, par
exemple, les projets TBP font partie intégrante du parcours des salariés :
chaque fois que la personne franchit un échelon hiérarchique – tous les trois
ou quatre ans généralement –, elle participe à un projet TBP officiel, sous la
conduite d’un coach. Celui-ci doit au minimum avoir atteint le même
niveau que celui auquel la personne aspire – « prêt à être mentor » par
exemple. Le rapport de fin de programme est présenté sur une feuille A3, au
cours d’une présentation qui ne doit pas durer plus de 15 minutes, à un
groupe de trois personnes. Celles-ci interrogent le candidat sur le document
avant de l’admettre ou de le recaler (« prêt à être mentor » ou « besoin de
progresser » par exemple)*.
Par la suite, Toyota a élaboré une troisième phase de formation centrée
sur le « développement sur le poste » (OJD), plus particulièrement destinée
à former le coach. La formation débute par quelques jours de formation
théorique, en classe, et consiste ensuite à accompagner un projet TBP. Le
coach en formation choisit un subordonné à coacher tout au long du projet
et est coaché à coacher. Il y a donc l’apprenant, le coach en formation et le
« deuxième coach », pour reprendre la terminologie des Toyota kata.
Lancée en 2001, la formation au modèle Toyota, aux TBP et à l’OJD
existe toujours en 2020 et fait partie intégrante de la culture Toyota.
Les cercles de qualité pour développer le
raisonnement scientifique chez les
opérateurs
Les meilleurs projets sont distingués, ce qui crée une émulation et valorise
le travail accompli. Chaque usine sélectionne deux des meilleurs projets :
une équipe représentera l’usine au cours d’une présentation régionale au P-
DG Europe et l’autre se rendra au Japon pour présenter son projet dans un
forum mondial, présidé par un vice-président. Les gagnants reçoivent un
prix et tous leurs frais de déplacement sont pris en charge.
En plus de participer aux cercles de qualité, certains opérateurs
travaillent sur des activités kaizen spéciales pendant deux ou trois ans avec
des managers. Dans certains cas, ils rejoignent une équipe pilote pour lancer
de nouveaux produits. Cela peut ouvrir la voie à une promotion de chef
d’équipe, puis de chef de groupe.
Acquérir l’habitude du raisonnement
scientifique : les kata
Source : Mike Rother, Toyota Kata Practice Guide, New York, McGraw-Hill, 2017.
Source : Mike Rother, Toyota Kata Practice Guide, New York, McGraw-Hill, 2017.
Étude de cas : Zingerman’s Mail Order
À la fin du semestre, l’équipe observa une baisse de 80 % des OOM sur les
produits carnés. La condition cible fut atteinte. Le projet se poursuivit les
années suivantes, intégrant de nouveaux groupes de produits. Au final, si
les OOM continuaient d’enregistrer des niveaux très élevés lorsque les
intérimaires étaient embauchés chaque année en décembre, les progrès
étaient réels :
décembre 2016 : 2,6 % ;
décembre 2017 : 2 % ;
décembre 2018 : 1,6 %.
Source : Mike Rother, Toyota Kata Practice Guide, New York, McGraw-Hill, 2017.
Comme l’avait affirmé le président Cho avec insistance, les TBP n’ont pas
été conçues pour créer une manière rigide de penser mais tout au contraire
pour poser des bases pour la résolution créative des problèmes. C’est
également ainsi que Mike Rother envisage le kata d’amélioration. Voici
quelques points clés pour pratiquer le modèle de l’IK avec le kata de
démarrage :
1. C’est une approche pratique du raisonnement scientifique. Par «
pratique », il faut entendre qu’elle poursuit des objectifs précis,
concrets, à la différence de la science qui cherche à comprendre la
nature des choses.
2. Le point de départ est un défi ambitieux – généralement, de six à 12
mois. Quelle amélioration significative nous rapprocherait de notre
vision ?
3. Il reconnaît l’incertitude. Si le défi est bien conçu, les solutions ne se
laisseront pas deviner dès le début et toute solution « présumée »
passera rapidement au-delà de notre seuil de connaissances.
4. Les cycles rapides d’apprentissage itératif sont explicites. Chaque
condition cible est assortie d’une durée relativement limitée, une à
quatre semaines. Chaque expérience teste une idée rapidement et à
moindre coût.
5. Le principe est celui du binôme : un coach et un apprenant. Responsable
de l’expérience, l’apprenant pilote souvent une équipe pour suivre le
processus et les résultats. Le coach est chargé de développer les
compétences et l’état d’esprit de l’apprenant.
6. Le temps dévolu à la pratique est strictement limité (par exemple, 20
minutes par jour), ce qui favorise l’apprentissage : faire quelque chose
tous les jours et de manière régulière pour étendre le seuil de
connaissances de l’apprenant.
Nous traitons trop souvent les problèmes par lots : un lot de problèmes
spécifiques conduit à un lot de causes racines qui débouchent à leur tour sur
un lot de solutions, « mises en œuvre » et contrôlées ensemble, pour enfin
déployer largement le lot de solutions. De même, on y associe souvent des
créneaux de temps réservés, une semaine à plein temps par exemple dans un
événement kaizen. J’en suis venu à envisager le modèle des Toyota kata
comme une résolution de problème en flux pièce à pièce. Décomposer le
problème en sous-problèmes, définir une condition cible, conduire une
expérience, apprendre de chaque expérience pour concevoir la suivante.
Consacrer chaque jour un peu de temps à apprendre quelque chose de
nouveau. Inutile de revenir sur les avantages du flux pièce à pièce.
Changer la manière de penser en changeant
le comportement
Source : Mike Rother, Toyota Kata Practice Guide, New York, McGraw-Hill, 2017.
Le rôle de hansei (réflexion) dans le kaizen
Mike Rother a élaboré à l’intention du plus grand nombre des kata plus
universels, en vue d’acquérir un mode de raisonnement scientifique, qui
s’appliquent même à la vie quotidienne. Il passe aujourd’hui beaucoup de
temps dans des écoles, des collèges, des lycées et des établissements
d’enseignement professionnel à montrer aux enseignants comment aider
leurs élèves à acquérir un mode de pensée scientifique au quotidien. Avec, à
la clé, un vocabulaire et un mode de pensée communs, fondements d’une
culture partagée18. Avec le prochain principe, nous allons voir comment le
déploiement en cascade de la politique peut clarifier l’orientation de
l’entreprise et connecter horizontalement et verticalement les objectifs
d’amélioration, ainsi que les efforts d’individus et d’équipes au mode de
raisonnement scientifique.
Points clés
Dans l’environnement de changement accéléré qui est celui du XXIe siècle,
l’apprentissage et l’adaptation organisationnels sont essentiels pour réussir.
Le concept d’organisation apprenante reste une abstraction s’il n’est pas traduit
en un état d’esprit et un comportement de raisonnement scientifique. L’être
humain préfère la certitude et veut croire qu’il a raison, sans prendre le temps de
réfléchir ni d’étudier la condition actuelle.
L’entreprise grandissant et s’internationalisant, Fujio Cho prit conscience que
Toyota avait besoin de former les individus à travers la pratique et le coaching. Il
pilota la création de « The Toyota Way 2001 », des Toyota Best Practices et de
l’OJD (apprentissage par la pratique). Les salariés ont été formés à ces
méthodes à travers des projets, un par un.
Mike Rother a élaboré une approche universelle pour développer le
raisonnement scientifique, fondée sur ses recherches sur le système de
management Toyota. Elle comporte un modèle pratique et des « kata de
démarrage » qui sont des routines d’entraînement. Avec cette approche, à
travers la répétition et un feed-back correctif dispensé par un coach, l’apprenant
construit les chemins neuronaux pour réfléchir et agir scientifiquement.
Certaines études montrent que le choc du Covid-19 a poussé de nombreuses
entreprises à se recentrer sur les individus, s’adaptant et apprenant rapidement,
et faisant même évoluer leurs valeurs vers davantage de confiance,
d’engagement et de communication. Malheureusement, ces changements ne
sont pas toujours remontés jusqu’aux dirigeants, ce qui autorise à douter de leur
pérennité.
Il faut envisager l’apprentissage itératif comme la résolution séquentielle de
problèmes pris l’un après l’autre, par laquelle on décompose le problème en
sous-problèmes et où chaque expérience nourrit la suivante. L’idée n’est pas
seulement de progresser par petits changements, mais par un grand nombre de
petits changements orientés sur un défi ambitieux.
1 Kazuo Wada et Tsunchiko Yui, Courage and Change: The Life of Kiichiro Toyoda, Toyota Motor
Corporation, 2002, p. 130.
2 Peter Senge [1991], La Cinquième Discipline, Paris, Eyrolles, 2015.
* Cette section est un résumé de l’article de Steven L. Spear, « Learning to Lead at Toyota »,
Harvard Business Review, mai 2004, p. 1-9.
3 https://vimeo.com/300443389.
4 Charlie Baker, « Transforming How Products Are Engineered at North American Auto Supplier
», dans J. Liker et J. Franz (dir.), The Toyota Way to Continuous Improvement, New York,
McGraw-Hill, 2011, chap. XI.
5 Ashley Vance, Elon Musk, New York, Ecco Press, 2017.
6 W. Edwards Deming, Out of the Crisis, 2e éd., MIT Center for Advanced Engineering Study,
Cambridge, MA, 1988.
7 Daniel Kahneman, Thinking, Fast and Slow, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2011.
8 Michael Rother, Toyota Kata, New York, McGraw-Hill, 2009, p. 9.
9 Justin Kruger et David Dunning, « Unskilled and Unaware of It: How Difficulties in Recognizing
One’s Incompetence Lead to Inflated Self-Assessments », Journal of Personnality and Social
Psychology, vol. 77, n° 6, 1999, p. 1121-1134.
10 https://www.britannica.com/science/information-theory/Physiology.
11 Fujio Cho, « The Toyota Business Practices », Toyota Motor Corporation, 2005.
* D’après le livret « The Toyota Business Practices », op. cit.
* Ces informations m’ont été fournies par Rob Gorton, du département Corporate Planning &
External Affairs, qui m’a expliqué comment les choses se passent à Toyota Motor Manufacturing,
au Royaume-Uni.
12 Mike Rother et John Shook, Learning to See: Value Stream Mapping to Create Value and
Eliminate Muda, Cambridge, MA, Lean Enterprise Institute, 1998 ; Mike Rother et Rick Harris,
Creating Continuous Flow: An Action Guide for Managers, Engineers and Production
Associates, Cambridge, MA, Lean Enterprise Institute, 2001.
* Une traduction possible de « Toyota kata » est « modèle Toyota ». Mon ancien étudiant Mike et
moi-même nous en amusons souvent et sourions de ce qui est finalement une convergence
intéressante de nos recherches respectives sur Toyota.
** Voir Mike Rother, Toyota Kata Practice Guide, New York, McGraw-Hill, 2017.
13 http://www.kata-dojo.com.
14 https://www.valluescentre.com/covid/.
15 Robert E. Cole, « Reflections on Learning in U.S. And Japanese Industry », dans Jeffrey Liker,
W. Mark Fruin et Paul S. Adler (dir.), Remade in America: Transplanting and Transforming
Japanese Production Systems, New York, Oxford University Press, 1999.
16 Charles Duhigg et Mike Chamberlain, The Power of Habit: Why We Do What We Do in Life and
Business, New York, Random House, 2012.
17 http://www.leanblog.org/2011/05/guest-post-what-is-yokoten.
18 Mike Rother et Gerd Aulinger, Toyota Kata Culture: Building Organizational Capability and
Mindset Through Kata Coaching, New York, McGraw-Hill, 2017.
Principe 13
Mobiliser l’énergie de progrès
de vos équipes avec des
objectifs alignés à tous les
échelons de l’organisation
La vie est ce qui se passe pendant que vous êtes occupé à faire d’autres plans.
Sources : Volvo Car Corporation (à gauche) ; adapté de Toyota Motor Company (à droite).
Tous les 10 ans environ, Toyota crée une vision globale à 10 ans, qui est
convertie en buts plus concrets dans un business plan à cinq ans, puis
traduite en objectifs à horizon de un à trois ans. À l’heure où j’écris ces
lignes, la vision globale de l’entreprise indique : « Toyota sera aux avant-
postes de la mobilité du futur, enrichissant la vie des habitants de la planète
avec les solutions de mobilité les plus sûres et les plus respectueuses de
l’environnement. » L’entreprise le fera en « mobilisant le talent et la passion
de toutes celles et tous ceux qui ont la conviction qu’on peut toujours mieux
faire ».
Un jalon clé du déploiement de la politique est l’allocution que prononce
le président au début du quatrième trimestre de l’année. Il y présente les
éléments de la politique et lance les trois mois de planification hoshin.
Chaque unité a toutefois déjà une idée assez précise de ce que l’on attend
d’elle, car la réflexion et la préparation ont été engagées dès le troisième
trimestre. Au niveau de l’entreprise, le processus comporte quatre phases :
planification, communication horizontale et verticale, construction du
consensus et engagement sur les objectifs (voir plus bas l’exemple de
TMUK). Cette planification annuelle donne lieu à de nombreux rapports
A3, déclinés d’échelon en échelon, et de plus en plus précis et spécifiques à
mesure qu’on descend dans l’organisation.
La fin de la période de planification annuelle ne marque pas pour autant
le coup d’envoi du déploiement. Comme Gudmundsson l’a découvert chez
Volvo, il est plus efficace d’envisager la réalisation d’objectifs ambitieux
comme l’ascension d’une montagne. Vous avez un plan, vous avez préparé
tout ce qui peut l’être et vous devez maintenant affronter tous les obstacles
imprévus que vous réserve l’ascension de la vraie montagne. Il y faut de
nombreux cycles PDCA ; le processus exige une bonne dose
d’apprentissage et de raisonnement scientifique. C’est également l’occasion
pour les leaders de prendre le temps de développer leurs collaborateurs, de
les coacher et de les mettre au défi d’accomplir de grandes choses. Chez
Toyota, on enseigne que les clés de l’efficacité du hoshin kanri résident
dans les compétences de résolution de problème et de coaching (OJD) des
leaders.
Dans une organisation mécaniste, le processus d’évaluation est
strictement planifié et généralement complexe. Ce n’est pas le cas chez
Toyota. À l’échelle du groupe, il y a deux grandes évaluations : l’une en
milieu d’année, l’autre en fin d’année. En revanche, le processus de revues
et de dialogue court tout au long de l’année, y compris au sein du conseil
d’administration, dirigé par le président et composé pour l’essentiel de
collaborateurs de l’entreprise. La plupart des revues sont locales, en divers
points de l’organisation – depuis les groupes de travail des ateliers,
jusqu’aux groupes d’ingénierie produit en passant par les équipes
commerciales dédiées à tel ou tel segment de véhicules. Il y a des points de
contrôle et des revues quotidiennes aux différents niveaux de management.
Dans la division fabrication, chaque échelon hiérarchique – des
responsables de groupe au directeur du site – se retrouve quotidiennement
dans des réunions debout devant des panneaux visuels. L’objectif est de
faire le point sur hier, aujourd’hui et demain, et de mesurer la progression
globale. Les revues aux jalons servent donc rarement à gérer des crises ; ce
sont plutôt des moments de discussion et de réflexion. À mi-chemin du
processus, en milieu d’année, il peut arriver que l’évolution du contexte
exige d’ajuster le hoshin, comme ce fut notamment le cas pour le hoshin
2020 à cause de la pandémie de coronavirus.
Planifier et décider en se fondant sur une
réflexion approfondie (nemawashi)
Source : Glenn Uminger, ancien directeur général, Toyota Motor Manufacturing Amérique
du Nord.
FIGURE 13.8 Hoshin du directeur général pour la production des tôles (emboutissage) et
de la carrosserie (soudage).
FIGURE 13.12 Vue d’ensemble du hoshin kanri et des kata à SigmaPoint Technologies.
Source : Mike Rother, The Toyota Kata Practice Guide, New York, McGraw-Hill, 2017, p. 83.
Points clés
Le hoshin kanri (ou « déploiement de la politique ») est la méthode de Toyota
pour aligner collectivement les buts et les plans à tous les échelons de
l’entreprise, afin de définir les défis et les objectifs pour l’année.
Le hoshin kanri est plus qu’un outil : c’est un processus pour faire progresser les
individus par le coaching et la résolution de problème.
Le hoshin kanri utilise une période de planification pour définir les défis et les
jalons. Ces derniers fixent un cadre au processus d’amélioration continue, fondé
sur l’expérimentation et l’apprentissage.
La progression vers des objectifs ambitieux pour atteindre de nouveaux
standards (PDCA) est soutenue par le management quotidien en vue d’identifier
et d’éliminer les déviations par rapport au standard (SDCA).
Le simple recto d’une feuille de papier au format A3 est un excellent moyen de
synthétiser sa pensée pour des plans, des actions et des résultats. Les leaders
l’utilisent pour coacher et développer les collaborateurs, et faire émerger le
consensus autour des plans et des actions.
Recourir au hansei (réflexion) permet d’identifier les faiblesses et de hiérarchiser
les domaines de progrès.
De la direction de l’entreprise aux groupes de travail qui exécutent, chaque
échelon est responsable de son activité : planifier et travailler pour se conformer
au plan.
Le processus en cascade va au-delà de la décomposition et de l’attribution
d’objectifs aux groupes. La planification exige un raisonnement causal. Sur quoi
dois-je travailler pour aider ma chef à atteindre ses objectifs ?
Lorsqu’on fait de petites choses, il faut penser aux grandes choses, pour que toutes les petites
choses aillent dans la bonne direction.
ALVIN TOFFLER, ÉCRIVAIN, LE CHOC DU FUTUR
Le voyage qui a conduit Toyota à la place de géant mondial qui est la sienne
aujourd’hui n’a pas été de tout repos – un parcours de croissance émaillé
d’innombrables péripéties. En interne, l’entreprise a bâti la culture
d’excellence du modèle Toyota, améliorant et perfectionnant sans relâche
jusqu’au moindre recoin de son organisation. L’innovation incrémentale a
été l’autre fer de lance du constructeur – assurant son développement sur les
marchés mondiaux –, associée à une fiabilité et une qualité exceptionnelles.
Tout fonctionne comme il faut. Et pourtant, « exaltant » ou «
enthousiasmant » sont des adjectifs que l’on trouve rarement associés à
Toyota. C’est oublier les modèles de sport comme la Supra et la Lexus LF.
Oublier aussi que, sous la bannière de « la poursuite obstinée de la
perfection », la marque haut de gamme Lexus a bouleversé le secteur de
l’automobile de luxe. Et que ce condensé d’innovations technologiques
qu’est la Prius a ouvert la voie aux véhicules tout électriques. Mais le fait
est que ces avancées sont perçues comme l’exception – et non la règle –
dans l’histoire du constructeur.
À l’aube du xxie siècle, Akio Toyoda imagine des véhicules qui
interagissent avec les clients, les font sourire. Par ailleurs, il ambitionne d’«
être aux avant-postes de la future société de la mobilité, enrichissant la vie
des habitants de toute la planète avec les moyens de mobilité les plus sûrs et
les plus respectueux de l’environnement ». Il y a de l’audace,
indéniablement, à vouloir écrire la mobilité de demain. Mais faire rêver ?
Toyota y parviendra en « mobilisant le talent et la passion de toutes celles et
tous ceux qui savent que l’on peut toujours mieux faire ». Le moteur qui fait
avancer l’entreprise demeure le modèle Toyota fondé sur le respect des
personnes et l’amélioration continue.
Pour l’heure, chaque jour qui passe semble voir naître un nouvel acteur
de la mobilité électrique, appelé à révolutionner le secteur, à remplacer les
constructeurs « historiques » comme Toyota et à séduire les investisseurs.
Le tableau est certes un peu caricatural, mais Tesla est le leader de cette
nouvelle vague, Tesla qui a d’ores et déjà rebattu les cartes du secteur, battu
tous les records de capitalisation boursière pour un constructeur automobile
et fait figure de nouveau modèle à suivre aux yeux des start-up automobiles.
D’où la question : le modèle Toyota a-t-il perdu son éclat et son utilité pour
cette nouvelle ère ?
En 2020, certains analystes ont déjà proclamé la victoire de Tesla1. Leurs
arguments sont convaincants : « Tesla ne fabrique pas des voitures. Tesla
vend un iPhone sur roues. Le véhicule lui-même n’est qu’un moyen de
vendre le logiciel soutenant la communauté aux allures d’i-Tune que Tesla
est en train de bâtir. »
À l’heure où j’écris ces lignes, Toyota et Tesla ne se livrent pas encore
une concurrence à mort pour la même base de clients. Bien malin qui
pourrait dire s’ils jouent seulement le même match. Toyota est présent sur la
plupart des segments de véhicules, la plupart des marchés du monde, vend
près de 10 millions de voitures par an et investit l’argent généré par les
bénéfices, là où Tesla écoule quelque 500 000 véhicules ciblant des marchés
de niche, principalement aux États-Unis, et a recours à l’argent
d’investisseurs qui espèrent que la marque sera le prochain Amazon ou le
prochain Apple. Comment cela évoluera-t-il ? Nul ne le sait.
Toyota et Tesla ne sont pas pour autant sans points communs. L’un et
l’autre ont fait le choix de stratégies audacieuses, pris quelques paris très
risqués et bataillé, un petit pas après l’autre. Dans les coulisses du big bang
Tesla, qui semble avoir surgi de nulle part et s’être imposé du jour au
lendemain comme la nouvelle merveille de l’automobile, il y a plus de 15
ans de travail acharné, jalonnés de succès et d’innombrables échecs. La
société a vu le jour en juillet 2003 et l’essentiel du noyau technologique que
nous connaissons aujourd’hui a été développé par deux brillants ingénieurs,
avant qu’Elon Musk ne s’intéresse à l’entreprise et y investisse de l’argent,
en 2004. Le message du principe 14 est qu’il y a loin de la stratégie à
l’exécution et qu’on ne peut pas copier la stratégie d’une autre entreprise.
Malheureusement, chaque entreprise doit définir sa propre stratégie en
fonction de son propre contexte et progresser vers cette vision en
accomplissant quelques grands bonds et beaucoup de petits pas.
Une chose est claire. Améliorer en permanence ses processus ne suffit
pas à assurer la réussite d’une entreprise – et c’est maintenant que vous
nous le dites ! Toute entreprise a besoin d’une stratégie pour les produits et
les services qui lui vaudront des clients. En outre, nous avons besoin d’une
stratégie pour nos opérations : de quelles capacités avons-nous besoin pour
que notre modèle économique fonctionne ? Les clients veulent un produit
ou un service qui leur parle – qui résolve leurs problèmes, les passionne, ait
un sens pour eux, et accomplisse pour eux quelque chose que les produits
ou les services concurrents n’accomplissent pas. Les consommateurs qui
peuvent se le permettre sont prêts à payer plus cher, et même à subir des
désagréments, pour un produit ou un service de nouvelle génération qui leur
apporte plus.
Une stratégie se compose d’une vision, d’un plan, d’idées sur le produit
ou le service, d’un marché cible, de moyens de distribution et de niveaux de
services. Il faut ensuite la mettre en œuvre. Pour la simplicité du propos,
distinguons la stratégie, c’est-à-dire la vision et le plan, de l’exécution, la
manière dont nous faisons les choses. L’exécution peut être excellente,
correcte ou médiocre. Si votre produit ou votre service est sans équivalent,
ou si vous en avez le monopole, ou encore si les quantités en sont limitées,
la qualité de l’exécution compte moins. Rappelons-nous ce que le premier
iPhone, bourré de bugs et sans rien de spécial, a fait subir aux
consommateurs, qui se pressaient pourtant en files interminables pour avoir
le leur. Ou plus récemment, au début de la crise du Covid-19, ce que chacun
était prêt à faire pour mettre la main sur des lingettes désinfectantes ou des
masques.
Et puis il y a ces entreprises qui, comme Amazon, combinent stratégie
disruptive et excellence de l’exécution. À l’origine, en 1994, le modèle était
celui d’un site Web convivial qui expédiait directement des livres aux
consommateurs. Au fil des années, la mission est devenue : « Être
l’entreprise au monde la plus axée sur le client, où les consommateurs
peuvent trouver et découvrir tout ce qu’ils pourraient avoir envie d’acheter
en ligne. » Pour tenir sa promesse, Amazon a dû devenir maître dans l’art
d’exécuter les commandes des clients en construisant des systèmes
logistiques ultraperformants et une chaîne d’approvisionnement
d’envergure internationale.
D’autres entreprises ont pour stratégie d’apporter aux clients des produits
de base et de le faire à des niveaux supérieurs de qualité, de coûts et de
livraison – ce que nous considérons généralement comme la démarche du
lean. La mise en œuvre est tout. Et malheur aux entreprises qui ne sont pas
à la hauteur de la qualité d’exécution inscrite dans leur plan stratégique.
Pfeffer et Sutton parlent de l’« écart entre la connaissance et l’action » et
donnent de nombreux exemples d’entreprises qui pensent savoir comment
être excellentes mais échouent dans leurs pratiques quotidiennes2. Ce
qu’elles croient qu’elles savent ne correspond pas à ce qu’elles sont
capables de faire.
Exemple d’entreprise ayant une stratégie et une offre produit uniques,
Tesla bouleverse l’industrie automobile en dominant le marché – encore
limité mais en forte croissance – des véhicules électriques à batteries. Son
orientation stratégique est extrêmement ciblée et tient en quelques lettres :
CASE, acronyme anglais pour véhicules connectés (via Internet),
autonomes, partagés (avec d’autres clients payants) et électrifiés. Libre des
véhicules, des chaînes d’approvisionnement et des modèles économiques
traditionnels, Tesla est en marche vers la mobilité du futur, avec un niveau
d’innovation jamais vu dans l’industrie automobile depuis la révolution du
moteur thermique. Avant Tesla, prendre pied et survivre dans ce secteur à
forte intensité capitalistique et faibles marges semblait difficile, voire
impossible. Mais Tesla a réussi à ouvrir de nouvelles voies, bouleversant au
passage tout un secteur. Si la construction d’usines pour produire des
groupes motopropulseurs complexes fut un temps une barrière à l’entrée, ce
n’est plus le cas avec les véhicules électriques.
Le gourou de la stratégie Michael Porter soulignait déjà en 1996, dans un
article désormais classique paru dans Harvard Business Review, que «
l’efficacité opérationnelle n’est pas la stratégie »3. Dans ce même article, il
notait également que les constructeurs japonais avaient fait des voitures des
produits de consommation courante et étaient en concurrence sur la qualité
et les coûts, cannibalisant leurs marges :
Les dangers de la concurrence « à la japonaise » sont désormais plus faciles à admettre.
Dans les années 1980, les concurrents opérant loin de la frontière de la productivité, il
semblait possible de gagner indéfiniment et sur les coûts et sur la qualité […]. Mais à l’heure
où les écarts de productivité se réduisent, les entreprises japonaises se retrouvent prises à
leur propre piège. Pour échapper aux luttes destructrices qui ravagent désormais leurs
résultats, elles vont devoir apprendre la stratégie.
* Ventes cumulées.
** La croissance des ventes de véhicules hybrides s’est poursuivie en 2019. Toyota pourrait
en vendre beaucoup plus, mais le développement est freiné par l’offre limitée de batteries.
Source : James Morgan et Jeffrey Liker, Designing the Future, New York, McGraw-Hill,
2018.
Source : James Morgan et Jeffrey Liker, Designing the Future, New York, McGraw-Hill,
2018.
Dans les années 1980, Robert Quinn a éclairé d’un jour nouveau la stratégie
d’entreprise et ses relations avec la culture grâce à son « modèle des valeurs
concurrentes19 ». J’ai eu l’occasion d’assister à une de ses interventions
alors que je travaillais sur ce chapitre et j’ai pris conscience que ce modèle
était un formidable outil pour comprendre la relation entre la stratégie et
l’exécution. Comme on peut le voir sur la figure 14.4, il comporte deux
axes : contrôle vs flexibilité ; interne vs externe. Le contrôle est une des
caractéristiques du modèle mécaniste, quand la flexibilité est caractéristique
du modèle organique. L’axe interne/externe indique si l’entreprise est plutôt
centrée sur son environnement ou sur le fonctionnement interne de ses
opérations. En croisant ces deux dimensions, on obtient les quatre quadrants
du modèle.
FIGURE 14.4 Modèle des valeurs concurrentes pour la stratégie et la culture.
Source : Robert Quinn, Beyond Rational Management: Mastering the Paradoxes and
Competing Demands of High-Performance, San Francisco, Jossey-Bass, 1988.
Source : Robert Quinn, Beyond Rational Management: Mastering the Paradoxes and
Competing Demands of High-Performance, San Francisco, Jossey-Bass, 1988.
Votre environnement a-t-il tellement changé que vous devriez vous aussi
vous adapter ou mourir ? Êtes-vous une start-up qui a besoin d’attirer des
capitaux importants pour poursuivre sa route ? Si tel est le cas, il se peut
que Tesla soit un modèle utile, au moins pour le court terme. Quelles sont
les caractéristiques clés dont vous devez vous inspirer ?
1. Le P-DG doit être un génie visionnaire et audacieux, qui prospère dans
la prise de risque et détient tous les pouvoirs.
2. Le leader visionnaire rassemble autour de lui des personnes très
intelligentes prêtes à travailler jour et nuit pour atteindre les objectifs et
les buts du leader.
3. La clé de la réussite est un produit ou un service révolutionnaire,
tellement différent et séduisant que la qualité, le respect des délais de
livraison et le coût passent au second plan.
4. Faire une excellente impression auprès des clients les plus importants –
les investisseurs – est capital.
5. Le leader est le leader et ne doit pas être contesté – dédiez votre vie à
changer le monde selon la vision du leader ou allez voir ailleurs.
6. Tous les managers, à l’exception du leader visionnaire et peut-être d’un
petit cercle de proches, sont des pièces remplaçables dont la tâche
principale est d’atteindre les résultats qu’on leur a fixés.
7. Les collaborateurs qui ont les mains dans le cambouis sont aussi des
pièces remplaçables qui doivent faire ce qu’on leur dit et qu’on recrute
et licencie au gré des besoins.
8. Bâtir une culture utilitariste et centrée sur les résultats, où les valeurs
sociales comme le « respect des personnes » sont accessoires.
Qui sont les plus grands sportifs de tous les temps ? Qui vaut-il mieux
mettre à la tête du pays : les conservateurs ou les libéraux ? Quel est le plus
grand film de tous les temps ? Et qui dominera la mobilité du futur : Tesla,
Toyota, un autre constructeur historique ou peut-être une de ces start-up qui
poussent comme des champignons sur le marché du véhicule électrique ?
Autant de questions dont on peut débattre. Mais dans le jeu de la stratégie
pour nos propres organisations, nous sommes plus que spectateurs. Peu
nombreux sont ceux d’entre nous qui feront partie d’une équipe de
championnat ou remporteront une médaille d’or aux Jeux olympiques… ou
qui créeront une entreprise qui révolutionnera un secteur. Le fait est que 75
% des start-up soutenues par le capital-risque ne rapportent pas le moindre
centime à leurs investisseurs et que l’issue la plus probable est la faillite23.
Je ne prétends pas être un expert en stratégie. C’est une discipline à part
entière, enseignée dans les écoles de commerce, et un vaste champ de
recherches. Qu’on me permette néanmoins quelques conseils :
Premièrement, élaborez votre propre stratégie à partir de vos produits,
de vos services, de vos marchés et de votre situation unique. Comme le
disait si justement l’ancienne P-DG d’IBM Ginni Rometty : « Vous
bâtissez une stratégie qui n’est qu’à vous. Vous ne la définissez pas en
fonction de ce que font vos concurrents. »
Deuxièmement, le modèle des valeurs concurrentes peut vous aider à
dessiner votre future stratégie en trouvant le bon équilibre entre dedans
et dehors, entre flexibilité et contrôle. Il ne s’agit pas de déterminer
quel quadrant est le meilleur, mais de quelles capacités votre
organisation a besoin pour réussir étant donné votre seuil de risque,
votre marché, les tendances technologiques dans votre domaine,
l’environnement au sens large, et ce que vous pensez que vos clients
aimeront. Votre stratégie doit répondre aux besoins de votre
organisation et à votre environnement. Pour en revenir au secteur
automobile, il se dégage aujourd’hui un consensus comme je n’en ai
jamais observé auparavant autour de la nouvelle mobilité, dont rend
compte l’acronyme CASE. Tous les acteurs s’accordent pour dire que
c’est la voie dans laquelle ils doivent s’engager. À quelle vitesse et
avec quelle approche ? En ce qui concerne Toyota, il est évident que
l’entreprise doit continuer à enraciner son développement dans ses
piliers historiques que sont la sécurité et la fiabilité.
La vision stratégique s’élabore d’abord à partir de la partie
environnement externe du modèle des valeurs concurrentes. Quelle est
votre vision idéale pour vos produits et vos services, et comment se
connectera-t-elle aux clients (systèmes ouverts) ? Quelle est votre
vision pour gagner de l’argent (buts rationnels) ? Vient ensuite la partie
interne. Quelle maîtrise de l’exécution devez-vous posséder ? La
livraison de ces produits et services constitue-t-elle un facteur de
différenciation ? Avez-vous besoin de collaborateurs flexibles
s’améliorant en permanence pour progresser vers l’excellence ? Ou un
niveau modéré de contrôle interne est-il suffisant ?
Troisièmement, ne commettez pas l’erreur de penser que, parce que
vous avez une stratégie bien définie, avec des chiffres et des
diagrammes, vous en avez terminé. Ce n’est que le commencement.
Élaborer une stratégie et la mettre en œuvre, c’est le jour et la nuit.
Une vision n’est que cela : une vision, fondée sur ce que nous pensons
que sera l’avenir. On ne saura vraiment ce qu’il va arriver que lorsque
cela arrivera. L’exécution doit être faite par tout petits morceaux, en
apprenant de chaque expérience.
FIGURE 14.6 Connecter la stratégie à l’amélioration continue par des conditions cibles
successives et l’apprentissage itératif.
Source : Mike Rother, Toyota Kata Practice Guide, New York, McGraw-Hill, 2017.
Points clés
Pour réussir, les entreprises ont besoin d’une stratégie bien pensée, de sorte à
apporter un produit ou un service distinctif exécuté avec les capacités
opérationnelles appropriées.
Chaque entreprise doit élaborer une stratégie qui n’appartient qu’à elle, en
fonction de sa situation et des caractéristiques de son environnement.
Dans l’industrie automobile, Tesla a été le premier à mettre au point une voiture
électrique qui fait rêver les clients. L’avantage du premier entrant lui a permis de
vendre suffisamment de voitures à un prix élevé en vue de surmonter les
problèmes de production, de qualité et de livraison.
Toyota a la taille et les ressources pour élaborer une stratégie plus nuancée et
commercialise en parallèle des véhicules électriques à batterie, hybrides,
hybrides branchables et à hydrogène, modulant son mix-produit au fil du temps.
Le développement de la Prius témoigne de la capacité d’innovation radicale de
Toyota, qui a mis au point la première voiture hybride produite en masse, affinant
et perfectionnant les générations successives de modèles pour en faire un socle
de croissance rentable.
Le modèle des valeurs concurrentes est un outil utile pour déterminer
conceptuellement où doit se situer une entreprise en interne et en externe, et les
liens qui existent entre stratégie et exécution.
Pour une start-up, il est plus important d’être forte dans le quadrant des
systèmes ouverts avec un produit ou un service très innovant. Plus l’entreprise
se développe et grandit, en revanche, plus il est important de bénéficier d’une
solide capacité interne d’exécution.
Chaque entreprise est dans une position unique et a besoin de sa propre
stratégie ; copier des entreprises de référence peut freiner la créativité et vous
retarder.
1 https://asia.nikkei.com/Opinion/Has-Elon-Musk-s-Tesla-already-won.
2 Jeffrey Pfeffer et Robert Sutton, The Knowing-Doing Gap: How Smart Companies Turn
Knowledge into Action, Brighton, MA, Harvard Business Review Publishing, 1999.
3 Michael Porter, « What is Strategy? », Harvard Business Review, nov./déc. 1996.
4 https://global.toyora/en/coompany/messages-from-executive/details.
* La description du projet Prius est basée sur un entretien avec Takeshi Uchiyamada, ingénieur en
chef de la première version, et sur le livre d’un journaliste japonais, Hideshi Itazaki, The Prius
That Shook the World: How Toyota Developed the World’s First Mass-Production Hybrid Vehicle,
Tokyo, The Kikkan Kogyo Shimbun, Ltd., 1999.
5 Allen Ward, Jeffrey Liker, Durward Sobek et John Cristiano, « The Second Toyota Paradox: How
Delaying Decisions Can Make Beeter Cars Faster », Sloan Management Review, printemps 1995,
p. 43-61.
6 Hideshi Itazaki, The Prius That Shook the World: How Toyota Developed the World’s First Mass-
Production Hybrid Vehicle, The Kikkan Kogyo Shimbun, Ltd., Tokyo, 1999.
7 https://carandriver.com/news/a33435923/toyota-solid-state-battery-2025/.
8 http://www.businessinsider.com/toyota-prius-is-most-important-car-last-20-years-2017-12.
9 https://media-toyota-co.uk/2020/04/toyotas-global-hybrid-vehicle-sales-reach-15-millions-units/.
10 Jonathan M. Gitlin, « 2017 Was the Best Year Ever for Electric Vehicules Sales in the US »,
ARS Technica, 4 janvier 2018.
11 https://qz.com/1762465/2019-was-the-year-electric-cars-grew-up/.
12 Ashlee Vance, Elon Musk: Tesla, SpaceX and the Quest for a Fantastic Future, Dallas, TX,
BenBella Books, 2019.
13 Edward Niedermeyer, Ludicrous: The Unvarnished Story of Tesla Motors, Dallas, TX, BenBella
Books, 2019.
14 https://caranddriver.com/news/a26703778/toyota-why-ot-selling-electric-cars/.
* https://global.toyota./en/sustainability/esg/challenge2950/.
15 https://www.reuters.com/articles/us-toyota-electric/toyota-speeds-up-electric-vehicule-schedule-
as-demand-heats-up-idUSKCN1T806X.
16 Charles A. O’Reilly et Michael L. Tushman, « The Ambidextrous Organization », Harvard
Business Review, avril 2004.
17 Bansi Nagi et Geoff Tuff, « Managing Your Innovation Portfolio », Harvard Buisness Review,
mai 2012.
18 https://automatedtoyota.com/automated-driving-technology-deployment-strategy.
19 Robert Quinn, Beyond Rational Management: Mastering the Paradoxes and Competing
Demands of High-Performance, San Francisco, Jossey-Bass, 1996, p. 5.
20 https://www.youtube.com/watch?v=ng3X39lenvg.
21 Robert Quinn, Deep Change, San Francisco, Jossey-Bass, 1996, p. 5
22 https://www.lean.org/leanPost/Posting.cfm?LeanPostId=581.
23 Faisal Hoque, « Why Most Venture-Backed Companies Fail », Fast Company, 12 décembre
2012.
Partie V
Conclusion
Regarder, écouter et développer
l’entreprise
Bâtir votre entreprise
apprenante lean en vous
inspirant du Modèle Toyota
Un homme fit sa part, et un autre la sienne, et ni l’un ni l’autre n’eurent à vérifier que les
deux missions avaient été remplies. Comme la danse des atomes, telle qu’Alvin l’avait
imaginée. Il n’avait pas compris que les humains étaient parfois comme les atomes. La
plupart du temps, ils sont désorganisés, ignorant ce que font les autres, s’agitant dans tous les
sens, comme les atomes, avant que Dieu leur apprenne qui ils étaient et leur confie une
tâche… Le miracle était qu’ils savaient ce que les autres allaient faire avant même qu’ils le
fassent. Alvin riait de bonheur devant ce spectacle, sachant que cela était possible, rêvant de
ce qui pourrait être – des milliers d’humains, se connaissant si bien, travaillant ensemble, en
parfaite harmonie. Qui pourrait s’opposer à eux ?
Source : Glen Uminger, ancien directeur général, Toyota Motor Manufacturing, Amérique du
Nord.
Lorsqu’il était à la tête du TSSC, Hajime Ohba utilisa cette même grille
dans son travail avec Herman Miller – ce qui n’a rien de surprenant puisque
l’IK repose sur la démarche qu’utilisaient les personnes comme Ohba pour
piloter une transformation (voir figure C.3). Le voyage débuta en 1996
lorsque Ohba se rendit au gemba pour comprendre les processus et qu’il
formula son défi : sans investissements importants, et pour construire le
même nombre de meubles de cuisine, passer de 2 lignes d’assemblage, 3
équipes et 126 personnes à 1 ligne d’assemblage, 2 équipes et 13 personnes.
Une telle chose, il va sans dire, semblait parfaitement impossible aux
personnes qui étaient là, mais elles jouèrent le jeu. Deux jeunes managers
avaient un peu pratiqué le lean et savaient quels miracles il peut accomplir.
Ils avaient été envoyés quelque temps plus tôt faire un stage de plusieurs
mois chez un équipementier avec qui Ohba avait travaillé. L’un deux était
Matt Long, qui prendrait par la suite la direction du développement du
Herman Miller Performance System en tant que vice-président en charge de
l’amélioration continue. Il occupa ce poste jusqu’à sa retraite, en 2020.
FIGURE C.3 Logique scientifique du pilotage de la ligne modèle dans l’usine de caissons
de rangement d’Herman Miller, par Hajime Ohba, du TSSC.
FIGURE C.4 Le TSSC accompagne Herman Miller dans le premier projet de ligne
modèle.
FIGURE C.5 Résultats à long terme du Herman Miller Performance System sur
l’ensemble de la fabrication.
FIGURE C.7 L’entropie conduit toujours à un retour en arrière après l’« implémentation
d’outils lean » si les managers ne s’approprient pas la démarche.
Toutes ces entreprises sont allées au-delà des outils lean, en s’engageant
dans une réelle démarche de formation des collaborateurs en matière de
compétences liées à l’amélioration continue. Leur vision ne se résume pas à
réaliser des bénéfices, mais à faire de l’excellence de l’expérience client
leur priorité. Si chacune a abordé le changement en fonction de son
contexte spécifique, elles ont toutes utilisé un schéma similaire :
1. Elles ont commencé par un projet pilote et un défi, qu’elles ont
déployés progressivement et prudemment, à un rythme permettant aux
collaborateurs d’assimiler la démarche.
2. Elles ont adopté une perspective de long terme et avaient une vision
d’excellence portée par une philosophie de même type que celle de
Toyota.
3. Elles ont mis l’accent sur l’apprentissage interne des managers, pour la
plupart avec des – parfois sans – consultants extérieurs jouant un rôle de
coaches plutôt que d’experts.
4. Elles ont adopté une approche d’apprentissage par l’expérience, plutôt
qu’une approche de mise en œuvre.
5. Elles ont créé une culture du coaching, avec des retours d’expérience
réguliers, visant à rendre habituelle une manière disciplinée d’agir et de
résoudre les problèmes.
6. Elles ont maintenu la continuité du leadership lean en formant et
fidélisant les leaders.
7. Elles ont apporté la sécurité de l’emploi en ne licenciant personne à
cause du kaizen.
Le défi le plus difficile et le plus fondamental qui est posé aux entreprises
désireuses de s’inspirer de l’exemple de Toyota est de parvenir à créer un
collectif aligné, composé d’individus imprégnés de la culture
entrepreneuriale, désireux de progresser ensemble pour apporter une
valeur ajoutée au client. Et si toutes les problématiques du lean renvoyaient
finalement à une seule et même chose : la culture ? C’est en tout cas ce que
suggèrent les éléments réunis dans ce livre.
Le changement de culture est un sujet complexe en soi et a fait l’objet de
nombreux ouvrages. Ce qui est si délicat, avec la culture, c’est qu’elle
renvoie à une communauté humaine, des individus qui partagent des
valeurs, des croyances et une manière d’aborder les problèmes. Ce que l’on
voit et ce que l’on entend dans une entreprise lors du premier contact ne
sont que des manifestations superficielles de sa culture. La figure C.9
représente la culture comme un iceberg. Lorsqu’on visite une usine « lean »,
on peut se faire une idée de la mission de l’entreprise et de ses valeurs –
peut-être figurent-elles sur un poster dans le hall d’accueil. On voit des
outils et des structures formelles : 5S, cellules, graphiques des KPI, kanban,
structure des équipes, espaces de réunions, ce genre de choses. Ce que vous
voyez, c’est ce que le management veut faire advenir, pas ce qu’il se passe
réellement. Les anthropologues parlent d’« artefacts ». Patrick Adams*
appelle cela « l’apparence continue », par opposition à « l’amélioration
continue ». Pour réellement comprendre la culture, il faut creuser plus
profondément dans le gemba afin de voir si les individus font évoluer leur
manière de penser et d’agir.
Dans ces conditions, que faire si vous n’êtes pas PD-G et que la direction de
votre entreprise ne s’intéresse qu’aux résultats financiers immédiats ? À ma
connaissance, trois possibilités s’offrent à vous :
1. Partir vers d’autres cieux, comme le suggère Gary Convis.
2. Jouer le jeu du court terme en espérant profiter de la manne.
3. Bâtir un modèle lean performant et éduquer les dirigeants en les
éblouissant avec des résultats exceptionnels.
N’oublions pas non plus qu’un peu partout dans le monde, des organisations
très différentes ont vu leur voyage lean couronné de succès. Beaucoup ont
connu un niveau de performance et de satisfaction qu’elles n’auraient
jamais cru possible. Il y a de la passion et de l’enthousiasme, et, oui, ce peut
être amusant ! Il faut toutefois savoir que le succès n’est jamais acquis.
Pérenniser la démarche exige de poursuivre l’effort sans relâche, même
chez Toyota. C’est toute une vie de défis passionnants.
Revenons à ce programme de fitness intensif qui a duré ce que dure ce
type de programme. Vous en essayez un autre dont l’objectif est de modifier
durablement votre mode de vie. Vous vous retrouvez chaque semaine
pendant un an à la salle de sport, avec un groupe qui vous soutient et vous
encourage dans votre démarche. On vous enseigne plusieurs exercices
qu’on vous demande de faire chez vous. On vous propose un régime
protéiné et à faible teneur en glucides, accompagné de suggestions
hebdomadaires de menus. Vous perdez progressivement du poids et votre
corps est plus tonique. Vous ne vous êtes jamais senti aussi en forme, ce que
le regard des autres vous confirme. Quatre ans après la fin du programme,
vous continuez de vous plier à vos exercices avec assiduité et vous
respectez vos nouvelles habitudes alimentaires. La vie est géniale ! Est-ce à
dire que cela va durer ? C’est possible, tout comme il est possible que vos
anciennes habitudes reprennent le dessus. Le programme de fitness serait-il
pour autant un échec ? Il a indéniablement porté ses fruits, mais exigeait un
effort continu. Il en va de même du management lean : il faut y travailler
sans relâche. L’amélioration continue et le respect des personnes sont une
quête éternelle, car la quête de l’excellence est sans fin.
Les incertitudes et les défis sont innombrables, mais les principes du
modèle Toyota sont une voie à explorer à l’heure d’imaginer votre future
organisation. Le modèle Toyota est la quête obstinée de l’excellence. C’est
un appel à respecter les individus. À développer chez eux la capacité de
diriger avec respect. Un appel à planifier, tout en acceptant l’incertitude du
monde et en affrontant les obstacles avec un état d’esprit scientifique – et
même avec plaisir. C’est un appel à l’action, mais lire ce livre ou copier les
pratiques de Toyota n’est pas agir. Agir, c’est faire. Pour progresser, il faut
créer une image de ce que l’on cherche à atteindre, expérimenter en
introduisant des changements – quelques grands et beaucoup de petits –,
repérer les écarts entre ce que vous attendiez et ce qui est arrivé, et réfléchir.
Aller au-delà de la reproduction ou de la diffusion de meilleures pratiques
pour créer votre propre entreprise apprenante lean.
Points clés
Le point de départ est la vision de ce que vous essayez d’accomplir.
La vision du modèle Toyota est de mobiliser toute l’organisation de sorte à
apporter de la valeur aux clients et à la société, dans une quête sans fin
d’adaptation, d’amélioration et d’apprentissage.
L’implémentation mécaniste semble plus confortable aux entreprises centrées
sur la rentabilité de court terme.
Sous l’effet de l’entropie, les bénéfices issus du déploiement mécaniste
disparaissent avec le temps.
Le meilleur antidote à l’entropie est l’énergie positive de l’amélioration continue
portée par les groupes de travail au gemba.
Les entreprises qui parviennent à se convertir durablement au lean sont celles
qui s’engagent dans la démarche avec des dirigeants mobilisés autour d’une
vision de long terme, puis la développent organiquement depuis les lignes
modèles jusqu’à un déploiement large piloté par le management local.
Pour aborder le déploiement de manière scientifique, il faut commencer par
développer organiquement des penseurs scientifiques et des coaches avant de
l’étendre progressivement à mesure que les coaches sont plus expérimentés.
La plupart des programmes de changement de culture se concentrent sur des
artefacts et sur les discours, mais ne pénètrent pas profondément jusqu’aux
modes de pensée et d’action des individus.
Les kata Toyota se concentrent sur la pratique répétitive, en vue de changer les
comportements et les modes de pensée et de créer une culture de la pensée
scientifique.
Le modèle Toyota est une source d’inspiration et d’idées visant à créer votre
propre vision et votre propre chemin.
Si le succès de votre entreprise dépend de l’excellence, un réel engagement
dans le développement de long terme payera de retour la patience et les efforts
qu’il exige.
1 Eduardo Lander, Jeffrey Liker et Tom Root, Lean in a High-Variety Business: A Graphic Novel
About Lean and People at Zingerman’s Mail Order, New York, Productivity Press, 2020.
2 Karen Gaudet, Steady Work, Boston, Lean Entreprise Institute, 2019.
3 Voir Edgar H. Schein, « Coming to a New Awareness of Organisational Culture », dans James B.
Lau et Abraham B. Shani, Behavior in Organizations, Homewood, Irwin, 1998, p. 375-390.
4 Mike Rother et Gerd Aulinger, Toyota Kata Culture: Building Organizational Capability and
Mindset Through Kata Coaching, New York, McGraw-Hill, 2017.
5 Richard Nisbett, The Geography of Thought: How Asian and Westerners Think, New York,
Simon & Schuster, 2004.
* Dans son livre Avoiding the Continuous Appearance, publié à compte d’auteur, Patrick Adams
compare la culture de deux entreprises avec lesquelles il a travaillé. Toutes deux ont démarré en
se reportant aux mêmes modèles et aux mêmes visions lean : l’une était mécaniste et n’avait que
l’apparence du lean, alors que l’autre a fait naître et grandir une culture de l’amélioration
continue.
Annexe
Résumé des 14 principes
Plus j’ai étudié le TPS et le modèle Toyota, plus il est devenu clair que c’est
à la fois un système technique et un système social, les deux oeuvrant dans
un but commun. Le modèle Toyota conduit à s’appuyer davantage sur les
hommes. Chaque jour, les ingénieurs, les ouvriers spécialisés, les
spécialistes qualité, les fournisseurs, les chefs d’équipe et – surtout – les
opérateurs participent aux activités de résolution de problèmes et
d’amélioration continue, chacun apprenant à penser scientifiquement et
progressant.
Cette annexe propose un résumé des 14 principes qui constituent le
modèle Toyota. Ces principes sont organisés en quatre grandes catégories
interdépendantes :
La philosophie. Elle consiste en une pensée systémique à long terme.
Les processus. Tout faire pour apporter de la valeur à chaque client.
Les hommes. Respecter, mettre au défi et former vos employés et
partenaires en visant l’excellence.
La résolution de problèmes. Penser et agir scientifiquement pour
progresser vers un avenir souhaité.
J’y ai également inclus la figure A.1 afin que vous puissiez sommairement
évaluer où vous vous situez par rapport à ces 14 principes. Pour chaque
principe, j’ai élaboré des descripteurs correspondant à trois approches du
lean : management top-down et contrôle, approche par les outils et idéal des
principes du modèle Toyota. Il vous suffit d’entourer les éléments qui
correspondent au niveau de déploiement du lean dans votre entreprise. Si
vous pensez vous situer entre deux niveaux, tracez un X à l’intersection des
deux cases. En reliant les cercles et les X, vous obtiendrez un profil visuel.
Le cas échéant, vous pouvez reformuler les principes en fonction du
contexte spécifique de votre entreprise et de ses activités.
Vous pouvez aussi utiliser ce tableau à des fins de planification, afin de
vous projeter dans un état futur. L’idée n’est pas de vous fixer des objectifs
pour chaque principe et d’essayer de les atteindre tous, mais de progresser
vers un état futur, matérialisé par des défis. Comme dans la planification
hoshin, sélectionnez les plus importants. Ne vous attelez pas à trop de défis
en même temps. Puis abordez-les de manière itérative, une condition cible à
la fois. Expérimentez, apprenez, amusez-vous !
Consignes : pour chaque principe, entourez le niveau de maturité
correspondant à votre situation. Si vous vous situez entre deux niveaux,
tracez un X à l’intersection des deux cases. Puis entourez l’état futur
souhaité.
FIGURE A.1 Niveaux de maturité pour les principes du modèle Toyota.
Principe 1. Fonder les décisions sur une pensée systémique à long terme,
même au détriment des objectifs financiers à court terme.
Ayez une vision et une philosophie qui transcendent la prise de
décision immédiate. Guidez l’entreprise vers un but commun, au-delà
du profit. Situez-vous dans l’histoire de l’entreprise et œuvrez pour la
conduire au niveau supérieur. Votre vision est le fondement de tous les
autres principes.
Générez de la valeur au bénéfice du client, de la société et de
l’économie. Tel est votre point de départ. Évaluez chaque fonction de
l’entreprise à l’aune de sa capacité à y parvenir.
Considérez votre entreprise comme un système sociotechnique vivant
plutôt que comme un ensemble de relations de cause à effet simples et
directes. Investir dans la formation des individus leur permet de
contrôler localement des dynamiques de systèmes complexes.
Soyez responsable. Décidez vous-même de votre destin. Agissez avec
assurance et ayez confiance en vos capacités. Assumez la
responsabilité de votre conduite et de votre impact sur la société,
l’environnement, et les communautés où est présente votre entreprise.
Principe 14. Tracer son chemin vers le futur en apprenant, avec une
stratégie audacieuse, quelques grandes avancées et beaucoup de petits pas.
Les entreprises ont besoin d’une stratégie (plan) pour proposer un
produit ou un service distinctif, couplée à une mise en œuvre efficace.
Une stratégie pour affronter un avenir incertain (externe) doit être en
accord avec le développement des capacités (internes).
Le modèle des valeurs concurrentes peut aider à déterminer où doit se
situer l’entreprise en interne et en externe, et les liens qui doivent
exister entre la stratégie et l’exécution.
Chaque entreprise se trouve dans une situation spécifique et doit
élaborer sa stratégie. Copier les entreprises de référence peut entraver
la créativité et vous faire perdre du temps.
Glossaire
5S
En japonais, les 5S sont : seiri, seiton, seiso, seiketsu et shitsuke. Les 5S
signifient :
1. Trier. Conserver seulement ce qui est nécessaire et déplacer ou éliminer
ce qui ne l’est pas.
2. Mettre de l’ordre. « Une place pour chaque chose et chaque chose à sa
place. »
3. Nettoyer. Le nettoyage fait souvent office d’inspection. Il met au jour
les anomalies ou des lacunes susceptibles de nuire à la qualité ou
d’entraîner une panne mécanique.
4. Standardiser. Développer des systèmes et des procédures pour
pérenniser et contrôler les trois premiers S.
5. Institutionnaliser. Maintenir la stabilité de l’environnement de travail
est un processus permanent d’amélioration continue.
Andon
En japonais, andon signifie « lumière » ou « lampe ». Dans la fabrication
lean, un andon est un système utilisé pour alerter les chefs d’équipe et leur
indiquer que le processus de production présente une anomalie, afin que le
problème soit pris immédiatement en charge. On évite ainsi qu’il ne se
reproduise. Chez Toyota, l’andon consiste généralement en une corde que
les membres des équipes doivent tirer pour alerter leur chef d’équipe
lorsqu’ils repèrent quelque chose qui menace la sécurité, la qualité ou la
productivité. Les machines sont dotées de dispositifs de détection et
d’alarmes automatiques.
CASE (ou C.A.S.E.)
Acronyme signifiant connectivity (connectivité), autonomous
(autonome), shared (partagé) et electrified (électrifié). Désigne la prochaine
génération de véhicules, capables de se connecter à des systèmes extérieurs
; de circuler seuls ou avec une intervention humaine minimale ; d’être
utilisés par plusieurs personnes plutôt que par un unique propriétaire ; de
fonctionner avec l’énergie électrique.
Flux continu
État idéal du processus de fabrication : la valeur circule au rythme de la
demande du client via la chaîne d’approvisionnement, à travers différents
individus et processus, et jusqu’au client avec un minimum de stocks
tampons d’information ou de matières.
Gemba (genba)
Le gemba (littéralement, « endroit réel » en japonais) est un des principes
clés de la fabrication lean et du système de production Toyota : aller là où
les choses se font pour étudier et comprendre la situation.
Genchi genbutsu
Au sens littéral, genchi signifie le lieu et genbutsu les matières ou les
produits. C’est le principe qui consiste à enseigner en se rendant
directement à la source pour prendre connaissance des faits, prendre les
bonnes décisions, créer le consensus et atteindre les objectifs.
Hansei (réflexion systématique)
Désigne le processus de réflexion par lequel on reconnaît ses erreurs, on
manifeste son profond regret et on prend les mesures nécessaires pour éviter
qu’elles ne se reproduisent.
Heijunka
Terme japonais qui signifie « lissage ». Le heijunka lisse la demande par
types et quantités sur une période de temps donnée, en vue de créer un flux
de travail régulier. C’est le fondement du flux, du tiré et du travail
standardisé.
Hoshin kanri
Système de management qui aide l’entreprise à rester compétitive en
maintenant l’organisation alignée et concentrée sur la réalisation d’objectifs
définis et partagés. Parfois appelé « déploiement de la politique », le
processus débute par la stratégie de l’entreprise. Des objectifs volontaristes
sont fixés au niveau exécutif, puis chaque niveau définit à son tour des
objectifs annuels, alignés sur ceux du niveau supérieur de façon à ce que
chacun ait des objectifs alignés pour chaque année. Les efforts individuels
d’amélioration ne doivent pas avoir seulement pour but de rendre la
personne plus productive et plus efficace, mais aussi d’atteindre les
objectifs de l’entreprise. Le processus de planification et la mise en œuvre
sont pour les leaders l’occasion d’accompagner et de former les
collaborateurs.
Hourensou
Hourensou est un mot japonais composé de trois parties : hou (hou koku,
« rendre compte »), ren (renraku, « faire périodiquement des mises à jour »)
et sou (sou dan, « consulter » ou « conseiller »). Toyota insiste sur
l’importance du partage de l’information à tous les échelons de l’entreprise.
Les managers se doivent de rester informés des activités de leurs
subordonnés. Les managers de Toyota s’efforcent donc de trouver des
moyens efficaces d’obtenir les informations et de prodiguer feed-back et
conseils. Il n’y a pas de méthodologie type pour y parvenir, mais de
nombreux managers de Toyota demandent à leurs subordonnés de présenter
des rapports quotidiens.
IdO (Internet des objets)
Fait référence à tous les appareils qui peuvent se connecter à Internet et à
d’autres appareils connectés. Des téléphones portables aux machines à café,
machines à laver, écouteurs, lampes… en passant par les équipements de
fabrication et les véhicules. Les systèmes avancés utilisent des caméras et
des capteurs pour collecter les données et l’intelligence artificielle en vue
d’analyser les données et de fournir des instructions, par exemple pour
l’entretien des machines.
Indicateurs clés de performances (KPI)
Terme courant dans le monde de l’entreprise, qui désigne un jeu
normalisé d’indicateurs utilisés pour évaluer les performances. Les KPI
sont des indicateurs qui accompagnent la réalisation des objectifs les plus
importants d’une organisation. Toyota affiche visuellement ses KPI sur des
diagrammes et des graphiques, et fixe des objectifs, par exemple à travers le
hoshin kanri, afin d’encourager les activités d’amélioration.
Jidoka (autonomation)
Terme désignant une machine ayant la capacité de s’arrêter d’ellemême
lorsqu’un problème est détecté. En ajoutant de l’intelligence à la machine,
le jidoka permet aux opérateurs de se consacrer aux tâches à valeur ajoutée
et à la résolution des problèmes.
Juste-à-temps (JAT)
Système à flux tendus qui apporte toutes les matières et les informations
par petits lots à l’endroit où elles sont utilisées au moment où elles sont
requises – ni trop tôt, ni trop tard. Cela permet de réduire les gaspillages,
dont la surproduction, et crée un flux plus efficace qui fait rapidement
apparaître les anomalies. Ainsi, les collaborateurs peuvent améliorer la
qualité, les coûts, la ponctualité de la livraison et la réactivité aux
changements de la demande des clients.
Kaizen (amélioration continue)
Terme japonais signifiant « changer pour le mieux » ou « amélioration
continue ». C’est à la fois une philosophie de quête de l’excellence et une
méthode d’amélioration itérative qui utilise le PDCA. Toute l’organisation
s’y consacre avec passion.
Kanban
Système de programmation pour la production en juste-à-temps par
lequel la demande du client déclenche la commande de matériaux et
d’information directement en fonction des besoins. Le kanban lui-même est
un signal binaire qui peut prendre diverses formes – manuelle, sonore,
visuelle ou électronique – et qui indique à l’étape précédente la nécessité de
réapprovisionner.
Kata
Kata a deux sens. Le mot signifie, d’une part, « forme » ou « manière de
faire les choses » et, d’autre part, un ensemble de mouvements codifiés que
l’on pratique pour développer une compétence fondamentale. Le kata
d’amélioration (IK), développé par Mike Rother, est une méthode
séquentielle permettant d’appliquer un raisonnement scientifique à une
situation que l’on souhaite améliorer. Il comporte quatre étapes : vision,
situation actuelle, objectifs de court terme et expérimentation. Des routines
d’entraînement ont été développées pour le kata de coaching (CK). Elles
reposent sur une série de questions visant à aider le coach à garder l’élève
sur la bonne voie jusqu’à ce que le raisonnement scientifique devienne
naturel.
Keiretsu
Après la Seconde Guerre mondiale, la structure traditionnelle des
entreprises japonaises a été bouleversée. La plupart des entreprises se sont
réorganisées en « keiretsu », ou groupements d’entreprises, à intégration
horizontale ou verticale. Les conglomérats ont par la suite été officiellement
interdits, car monopolistiques. En revanche, les accords entre entreprises
très soudées ont perduré.
Lean
Les auteurs James Womack, Daniel Jones et Daniel Roos sont les
premiers à avoir utilisé l’expression « production lean », dans leur livre Le
Système qui va changer le monde, pour décrire le système de production
Toyota. Les auteurs y décrivent le lean comme un paradigme supérieur, qui
combine le meilleur de la production de masse et de la production artisanale
dans le but d’améliorer la productivité, de réduire le temps de traitement, de
diminuer les coûts de production, d’améliorer la qualité des produits et
d’apporter sécurité et sérénité aux équipes.
Management visuel
Démarche visant à visualiser rapidement le statut actuel d’un processus,
d’une procédure ou d’un projet et son adéquation par rapport au standard.
Les écarts concentrent les efforts d’amélioration. Toyota a fait du
management visuel une forme d’art et l’utilise au quotidien.
Mapping du flux de valeur
Méthode pour comprendre le flux des matières et des informations dans
la séquence de processus de travail. La carte de l’état actuel décrit comment
la valeur circule jusqu’aux clients et les différents gaspillages qui font
obstacle à ce flux. La carte de l’état futur décrit comment les matières et les
informations doivent circuler de sorte que l’entreprise atteigne ses objectifs.
Muda (gaspillage)
Muda désigne le gaspillage, terme qu’utilise Toyota pour tout ce qui
prend du temps mais n’apporte pas de valeur aux clients. Sept types de
muda courants ont été identifiés pour les activités de fabrication :
surproduction, attente, transport inutile, suringénierie, excédents de stocks,
gestes inutiles et défauts. Cette liste a été adaptée pour les secteurs des
services et de l’information.
Mura (variabilité)
Irrégularité qui résulte d’un programme de production irrégulier ou de la
fluctuation des volumes de production en raison de problèmes internes,
comme l’indisponibilité de certaines machines, une rupture dans
l’approvisionnement en pièces ou des défauts. La variabilité des niveaux de
production oblige à disposer des machines, des matières et des opérateurs
nécessaires pour produire au niveau maximum, même si la demande
moyenne est inférieure à ce niveau. Il s’ensuit que la charge de travail est
parfois insuffisante et parfois supérieure à ce que les opérateurs ou les
machines peuvent assumer.
Muri
Charge de travail excessive pour les hommes ou les machines. Le muri
consiste à pousser une machine ou un homme au-delà de ses limites
naturelles. Donner aux opérateurs une charge de travail excessive entraîne
des problèmes de sécurité et de qualité ; pour les machines, des pannes et
des défauts. En d’autres termes, le muri est créateur de muda. Pire encore, il
peut entraîner des problèmes de santé et de sécurité pour les opérateurs.
Nemawashi
Processus informel consistant à jeter les bases d’un projet ou d’un
changement en examinant les problèmes et les solutions possibles avec
toutes les personnes concernées, et en recueillant leurs idées. L’objectif est
d’obtenir un consensus et un large soutien en faveur du changement en
impliquant toutes les personnes concernées avant d’annoncer officiellement
la nouvelle initiative.
PDCA (préparer, mettre en œuvre, contrôler, agir)
Acronyme de Plan, Do, Check, Act ou parfois Plan, Do, Check, Adjust.
Le PDCA est la pierre angulaire du raisonnement scientifique et il est au
centre du processus d’amélioration continue.
Raisonnement scientifique
Le raisonnement scientifique admet que notre compréhension soit
partielle. Il s’emploie donc à tester des idées et à apprendre de ces
expériences. Toyota adopte une approche d’apprentissage itérative, reposant
sur les faits, pour triompher des défis difficiles. Le raisonnement
scientifique est au cœur des 4P du modèle Toyota : philosophie, processus,
personnes et résolution de problèmes.
Rapport A3
Ainsi nommé en référence à la nomenclature internationale des formats
de papier, le « rapport A3 » est une feuille de papier qui regroupe, sur une
seule face, toutes les informations utiles sur un sujet, sous la forme de
courts énoncés, de chiffres et de graphiques. Toyota utilise cet outil pour
renforcer le raisonnement scientifique, accompagner le développement des
collaborateurs et aligner les individus sur les objectifs de l’entreprise.
Sensei
Le terme est utilisé au Japon avec déférence pour désigner un maître
dans un domaine donné. Un sensei du lean a démontré de manière répétée
sa maîtrise du gemba. Qu’on les appelle coaches, professeurs, formateurs,
mentors ou sensei, les experts du lean ont joué un rôle central dans
l’enseignement du système de production Toyota chez Toyota, notamment
lors de son introduction chez ses fournisseurs et à l’étranger.
Système tiré
Un système tiré est conçu pour éviter la surproduction. Dans un système
tiré, après que les matières sont utilisées ou achetées, un signal est envoyé à
l’étape précédente du processus autorisant le réapprovisionnement ou la
production de ce qui est nécessaire à l’étape suivante. Dans la vie de tous
les jours, le supermarché offre un excellent exemple de système tiré.
Lorsque des produits sont achetés dans une épicerie, un espace libre est créé
dans les rayons. À intervalles réguliers, un employé vient vérifier les
quantités de produits vendues et les remplace. Dans la fabrication, l’idée est
la même : maintenir de petites quantités de pièces qui sont nécessaires et ne
réapprovisionner qu’après avoir atteint un certain seuil.
« Toyota Business Practices » (TBP)
Lorsque Fujio Cho pilota la mise en place du modèle Toyota en 2001, il
prit conscience que cela ne serait pas suffisant pour permettre aux salariés
d’acquérir l’état d’esprit du kaizen et apprendre à respecter et former les
collaborateurs. En quelques années, il mit en place les « Toyota Business
Practices », un processus de résolution des problèmes en huit étapes. Dans
l’esprit de Cho, toutefois, il s’agit non pas d’une méthode rigide de
résolution des problèmes mais d’un cadre visant à développer la pensée
Toyota à travers la pratique axée sur des problèmes réels. Les huit étapes
sont :
1. Clarifier le problème.
2. Décomposer le problème.
3. Fixer un objectif.
4. Analyser la cause racine.
5. Développer des contre-mesures.
6. Mener à bien les contre-mesures.
7. Évaluer les résultats et le processus.
8. Standardiser les processus qui marchent.
Autres
Toyota
SigmaPoint Technologies
Herman Miller
J’ai une dette particulière envers John Shook, ancien manager Toyota qui
participa à la création de NUMMI, du centre technique Toyota et du centre
Toyota d’assistance aux fournisseurs. Il devint par la suite président du
Lean Enterprise Institute. John a consacré sa carrière au modèle Toyota. Il a
apporté sa passion à l’université du Michigan où il s’est joint à nous
pendant plusieurs années comme directeur de notre programme d’étude de
la technologie japonaise. John a été mon mentor. Il m’a appris d’abord les
bases du TPS puis, à mesure que je progressais dans la connaissance de
celui-ci, il m’a enseigné les leçons toujours plus sophistiquées de la
philosophie du modèle Toyota. Ses commentaires sur les deux manuscrits
du livre sont précieux.
Pour cette deuxième édition, je remercie tout particulièrement mon
ancien étudiant et collègue à l’université du Michigan, Mike Rother. Mike a
poursuivi ses recherches sur le TPS et l’a appliqué avec diligence au gemba
(là où la valeur est créée) à travers le monde. Et puis il a écrit un livre,
Toyota Kata, dont il m’a parlé avec passion. J’ai essayé bon gré mal gré de
comprendre le livre. Après l’avoir longuement étudié, et après
d’innombrables discussions enflammées avec Mike, j’en suis venu à
remettre en question certaines de mes hypothèses sur le modèle Toyota et à
approfondir ma réflexion sur l’application d’un mode de pensée scientifique
pour triompher de défis apparemment impossibles. Cela m’a conduit à
élaborer une vision plus fluide et plus dynamique de la transformation lean
et à revoir la partie consacrée à la résolution de problème : « Penser et agir
de manière scientifique pour progresser vers un futur souhaité » (voir
principes 12 à 14). Merci, Mike.
Mon coauteur et collègue, James Franz, a déniché des statistiques
particulièrement intéressantes sur la rentabilité et la qualité de Toyota,
discutées en introduction. Je remercie également mon ancien doctorant
Eduardo Lander, qui a revu les chapitres tirés de sa propre expérience chez
Toyota. Nombre des entreprises citées dans ce livre ont eu recours aux
services de Liker Lean Advisors et j’ai travaillé sur ces missions avec mon
associé John Drogosz. J’ai également beaucoup appris sur le hoshin kanri
auprès de mon associée allemande Daniela Kudernatsch.
La majeure partie de la première édition a été écrite en 2003, où j’eus la
chance d’échapper à l’hiver glacial de la côte est pour passer quelque temps
dans la tiédeur de Phoenix, auprès de mon ancien élève, Tom Choi,
aujourd’hui professeur à l’université d’Arizona. Entre un charmant bureau
sans fenêtre le matin et le golf l’après-midi, les conditions étaient idéales
pour écrire. Cette aventure de quatre mois avec mon épouse, Deborah, et
mes enfants, Jesse et Emma, reste un souvenir inoubliable.
Au-delà du système de production Toyota, ce livre s’intéresse à la chaîne
de valeur au sens large. Ma connaissance de la « logistique lean » a été
grandement enrichie par des recherches financées par la Sloan Foundation
dans le cadre de son programme sur l’industrie du transport routier, dirigé
par mon ami et collègue Chelsea (Chip) White au Georgia Institute of
Technology.
Enfin, j’ai été beaucoup aidé pour réviser et corriger ce livre. Lorsque,
pour la première édition, mon éditeur m’a informé que le livre était deux
fois plus long que prévu, j’ai appelé au secours mon ami éditeur Gary
Peurasaari qui a accompli des miracles à chaque page. Il a réorganisé le
texte chaque fois que nécessaire mais, surtout, en vrai connaisseur du
modèle Toyota, il a éliminé les mots inutiles, pour en introduire d’autres qui
apportaient une vraie valeur. Il a été un véritable partenaire d’écriture.
Richard Narramore ensuite, éditeur chez McGraw-Hill, qui m’avait
demandé d’écrire le livre, m’amena à le remanier profondément une
seconde fois pour le porter à un nouveau niveau. Pour la présente édition,
j’ai pu compter sur l’aide experte de Kevin Commins, concepteur éditorial
et écrivain, qui m’a aidé à clarifier mon message, et sur celle de Patricia
Wallenburg, correctrice hors pair, de TypeWriting.
Merci à ma famille, Deb, Em et Jesse, qui m’inspire et me soutient (et
me supporte).
L’auteur
B
Baker, Charlie, 346
BAMA (Bluegrass Automotive Manufacturers Association), 316
Berra, Yogi, 457
Beseda, Jane, 211-212, 480
Biais cognitifs, 350-351
Biais de confirmation, 350
Billy, Gus, 59
Blackman, Edward, 339-343
Blanchard, Ken, 276
Bluegrass Automotive Manufacturers Association (BAMA), 316
Boîte Heijunka, 133-134
Bowen, Kent, 109
Brain Rules (Medina), 185
Brewer, Michael, 61, 183
Bridge, programme d’apprentissage, 289-292
Brownlee, Bruce, 377
Bureaucraties :
apprenantes, 153
coercitives, XXIV–XXVIII, 151-153, 175, 328-329
habilitantes, XXIV-XXVII, 151-153, 328-329, 449
Burnaston, England, usine (TMUK), 277-285, 298-302, 395-410
But, entreprise, 51-55, 243
BYD, 441
C
Café infusé, standards Better Way, 156-157
Cambridge, Ontario, usine, 168
Camry, Toyota, 6, 250
Capacité interne, 313-315, 433-434
Capitalisme, 51
Card, Orson Scott, 461-462
CASE (connecté, autonome, partagé, et électrifié), 402, 426, 503
Catchball, 383, 385, 414, 418
Cause racine, 337-338, 346, 353
Cellule, 81, 90-93, 100
Centre d’appel, 134-136
Centres d’apprentissage de la qualité, 177-178
Cercle d’Ohno, 249-250
Cercles de qualité, 356-358
Certification qualité, fournisseur, 328-329
Cerveau, évolution de, 347-350
Changements de disposition, 96-99
« Changing Everything All at Once » (Liker, et al.), 219
Chauffeur, mode, 443, 444
Chef d’équipe, 271-273
dans pyramide inversée, 269
dans système andon, 170-171, 182
définition missions principales, 279
chez General Motors, 285-287
chez Herman Miller, 288-289
responsabilités de, 271-273
Chefs de groupe, 269-270, 271, 273-274, 277-281, 288, 292-295
Chicago, Illinois, centre de distribution, 211-212
Cho, Fujio :
et Toyota Business Practices, 351, 354, 373, 379
et Toyota Way 2001, 63
voie du leadership pour, 235-239
sur agir, 1, 15, 21
sur arrêts lignes, 165-166
sur contrôles visuels, 165
sur lissage charge de travail, 117
sur Taichii Ohno, 261
sur travail standardisé, 142
Chrysler, 69, 438
CIM (computer-integrated manufacturing), 219
Cincinnati, Ohio, centre de distribution, 199, 211
5Ss, 186-190, 199-200, 503
Circuit d’essais, Arizona, 253, 325-326
CK (kata de coaching), 362-367
Clarification du problème, 352
Coaching, 12, 246-247, 260-262, 354-355, 384, 392-395
Cœur de métier, 258-261, 313-315, 384
Cohérence, 75-76, 144, 245
Collaborations, 225-229, 314
Collins, Jim, 240, 241
« Commande et contrôle », approche, 383-384, 494-495
Community Kitchen & Food Pantry, 318
Compagnon de mobilité, concept de (MTC), 444
Compétences universelles, 258-261
Complaisance, 83
Complexe de Rivière Rouge, 207
Comportement, 258-261, 374-375
Comportements quotidiens, 258-261, 374-375
Comptage stocks physiques, 252-253
Concessionnaires, 319-324, 329
Concurrents, 61-62, 454
Confiance, 60-61, 227, 298-301, 308-309, 482
Connecté, autonome, partagé, et électrifié (Voir CASE)
Consensus, construire le, 325-327, 386-388
Consultations, XIII–XVI, 253-254
Contre-mesures, 172-174, 222, 353-354
Contrôle, XIII-XV, 108, 272, 447-449, 465 (Voir aussi Contrôle visuel)
Contrôle qualité, 174-176
Contrôle visuel, 185-203
à TMUK, 283-285
dans entrepôt pièces détachées, 195-199
en soutien des processus, 190-191
et 5S, 186-190
évaluer degré de maturité, 495
pour planification et gestion projet, 199-201
résumé, 498-499
sites, exemples de, 192-195
technologie numérique pour, 201-203
utilisation de la technologie avec, 221-222, 227
Contrôler, dans Toyota Business Practices, 353
Convis, Gary, 65, 149, 168, 245-247, 427, 456, 483-484
Corolla, Toyota, 7, 169, 277, 398, 401, 402, 428-429
Costantino, Bill, 270
Coûts fixes, 206-207
Covid-19, crise, 5, 53-54, 344, 367-371
Creating Continuous Flow (Rother et Harris), 358
Créativité, 42, 96, 139, 229, 297-298
Crises, 176-178, 187
Crise économique mondiale de 2008, 2, 51, 67-71, 205-206, 279, 311, 401, 450
Crise des rappels (2009-2010), 2, 3, 176-178
Culture (organisationnelle), 35 (Voir aussi Culture qualité)
des organisations apprenantes, 377-379
engagement du leadership, 483-487
et développement collaborateurs, 302-303
et développement leader, 236-237, 242-245
et pensée systémique de long terme, 75-76
faire évoluer, 242-243, 478-482
partagée, 379-380
Culture qualité, 165-184
arrêts lignes dans, 169-171
comme principe et système, 182-183
contre-mesures et dispositifs anti-erreur, 172-174
dans TPS, XIX-XX
enseignements à long terme, crises, 176-178
évaluer degré de maturité de, 495
pour sociétés développement logiciels, 178-181
principe jidoka, 166-169
résumé, 498
Culture nationale, 243-244, 487-488
Cuneo, Dennis, 59-62
D
Daihatsu, 441
Dana Corporation, 96, 456
De la performance à l’excellence (Collins), 240, 241
Déchets, 39
Décomposition des problèmes, 352
Deep Change (Quinn), 451-452
Défauts, 40, 92-93, 168
Définition objectifs, dans TBP, 353
Défis :
esprit de, 46-47, 62
et kata d’amélioration, 360, 364
et « The Toyota Way 2001 », 64
pour partenaires de chaîne de valeur, 309-313
progresser vers, 335-337
Délibérée, culture, 75-76
Délibérée, pratique, 217-218
Dell Computer, 117
Demande des clients, 93-94, 123, 158
Demande saisonnière, 131-134
Deming, W. Edwards, 65, 243, 244, 347, 466
Denso, 208, 218-232, 343
Designing Organizations for High Performance (Hanna), 53
Designing the Future (Morgan and Liker), XXXI
Développement agile, 450
Développement collaborateurs et équipes, 265-304
automatisation et, 214-217
chez General Motors, 285-287
chez Herman Miller, 287-295
chez Toyota, 275-277
comme responsabilité du leader, 260-261
confiance et respect dans, 298-302
dans « The Toyota Way 2001 », 66
dans usine TMUK, 277-285
engagement leadership dans, 484-485
et contrôle visuel, 195-196
et « servant leadership », 266-268
et structure organisationnelle, XXXI-XXXII
et utilisation technologie, 227-229
évaluer degré de maturité de, 495
pour amélioration continue, 302-303
pouvoir du travail en équipe, 268-275
résumé, 499-500
récompenses pour motivation, 296-298
Développement des leaders, 235-263
apprendre en faisant dans, 248-253
chez Herman Miller, 291-292
chez Toyota Motor Company, 245-247
comportements quotidiens des leaders, 258-261
et culture, 242-245
et humilité, 235-239
évaluer niveau de maturité de, 495
faire passer le client d’abord dans, 254-258
pour leaders de Niveau 5, 239-241
rendre compte, informer et consulter dans, 253-254
résumé, 499
Développement équipe (Voir Développement des collaborateurs et des équipes)
Développement état d’esprit, 475
Développement produit, 87-90, 200, 206-207, 256-258, 310-313, 390-391
Diagnostics processus, 405
Diagramme d’équilibrage du travail, 148
Diagrammes du travail standardisé, 173-174
Dispositifs anti-erreur, 134–136, 166–167
Dispositifs Poka-yoke, 173
Domaine opérationnel de conception, 445
Donnelly Mirrors, 187
Drishti Technologies, 225-227
Duncker, Karl, 296
Dunning-Kruger, effet, 350
Dweck, Carol, 267
E
Écart « connaissances – action », 426
Effet coup de fouet, 123
Efficacité locale, 40-42
Efficacité opérationnelle, 426-427
Élaboration stratégie, XXIX, 423-447
à l’ère numérique, XXXI
avec valeurs concurrentes, 447-453
chez Toyota et Tesla, 436-442
évaluer degré de maturité de, 495
et exécution, 453-457
hoshin kanri pour, 386-388
pour développement Prius, 3429-436
pour développement véhicules autonomes, 443-447
résumé, 501-502
Elliott, Ken, 275-276
Engo, Akiharu, 277
Enseigner, 319-324, 480 (Voir aussi Développement des leaders)
Entrepreneurs, 452
Entreprise, but de, 51-59, 243
Entreprises ambidextres, 442
Entreprises apprenantes lean, 461-491
adhésion du leadership à la culture dans, 483-487
changement de culture pour, 478-482
déploiement scientifique du lean par, 466-471
effort requis pour entretenir, 487-490
entropie après transformation, 471-475
et implémentation mécaniste du lean, 462-465
réussites, 476-478
Entreprises apprenantes étendues, 327-330
Entrepôts, 195-199, 211, 275-277
Entropie organisationnelle, 471-478
Environmental Challenge 2050, 441
Environnements de bureau, 112-114, 252
Environnements diversifiés, 128-131, 195-199
e-Palette, 445
Équipes pilotes, pour lancement produit, 149-150
Équipes plurifonctionnelles, 430-432
Équité, 327-330
ES 350, Lexus, 176-178
Espace au sol, et flux continu, 95
État d’esprit centré sur la mise en œuvre, 367, 371-372
États d’esprit d’apprentissage, 365-366
État d’esprit de développement, 267
États-Unis :
Centre Technique Toyota aux, 481
développement des leaders aux, 236, 239
lissage de la charge de travail aux, 121
modèle des valeurs concurrentes aux, 447-453
production et ventes pendant la crise financière aux, 67-68
qualité intégrée aux, 174-175
standards de design aux, 150
système andon aux, 169-170
Système de Production Toyota aux, 61-62, 245, 317
Étiquettes d’idées, 416, 417
Europe, 174, 448-449 (Voir aussi Royaume-Uni)
Exécution, stratégie, 419, 425–426, 437, 453-457
Expérimentation, 361, 365-366
Expertise interne, 223-224
F
Fabrication lean, 167, 507
FEA (analyse par éléments finis), 87
Feed-back, 267, 355, 374-375, 418
Feuille de décomposition des tâches, 147-148
Feuilles de travail standardisé, 143-146, 194
Flexibilité :
avec charge de travail lissée, 124
avec flux continu, 94
dans modèle des valeurs concurrentes, 447, 448
dans processus standardisés, 159
et automatisation, 206-207
et niveau de bureaucratie, 152, 153
du temps de travail, 300-301
Flux continu, XIV-XV, 81-102, 504
avec charge de travail lissée, 136-138
bénéfices de, 92-96
comme vision vers laquelle travailler, 99-101
difficultés avec, 82-85
et gaspillage, 85-90
évaluer degré de maturité de, 494-495
faux vs. vrai, 96-99
pensée production de masse, vs., 90-92
résumé, 496-497
takt time et, 93-94
Flux d’information, systèmes tirés pour, 114
Flux de la valeur, 19, 40-42, 410-411
Flux de valeur ajoutée, 39-42
Flux pièce à pièce :
avantages, 94-96
comme vision à atteindre, 99-101
difficultés, 82-85
faux vs. vrai, 96-99
dans Système de Production Ohno/TPS, 20-21, 38, 39
résolution de problème et, 172
système tiré avec, 106-107, 110-111
takt time dans, 93-94
Focus externe, 447-448
Focus interne, 448
Force de travail, technologie, et, 212-213, 225-229
Ford, Bill, 235
Ford, Henry, 25, 36, 37, 38, 141, 177, 207, 244
Ford Motor Company, XIX, 2–4, 17, 25, 36, 62, 68, 141
Formation, 282-283, 287-295
Formation à la prise de poste, 145-146
Formation sur le poste (expérience), 245-247, 290-291, 356
Fournisseurs, 305-319
apprentissage mutuel du TPS avec, 315-319
certification qualité pour, 328-329
et capacité interne, 313-315
genchi genbutsu pour, 250
impact de charge de travail non lissée sur, 123, 125
respect pour, 309-313
système kanban avec, 110-112
Frais généraux, 18, 288-289
Franz, James, 3
Fujii, Yuichi, 314-315
Fujimoto, Takahiro, XXVIII
G
G21 (Global 21), 430-432
GAP (Global Appraisal Process), 259-260
Gardien, mode, 444
Gaspillage (Voir aussi Muda)
5S et, 188
cartographie flux de valeur pour réduire, 43-46
dans processus traditionnels, 85-90
dans Système de Production Toyota, 17-19
et flux continu, 81
feuilles de travail standardisé pour identifier, 145
Henry Ford sur, 37
lisser travail pour éliminer, 118-120, 136-138
observations de Kiichiro Toyoda sur, 28-30
sept types de, 39-40
transport, 39
Gates, Bill, 206
Gaudet, Karen, 154, 157-158, 473
Gemba (genba), XV, 504
amélioration continue au, 266, 268
apprentissage au, XXXI, 16, 30, 65-66, 335-337, 369-370
but d’aller au, 344-345
comprendre client via, 179-180
dans TPS, XX
et analyse par les 5 « pourquoi », 337-343
Kiichiro Toyoda sur, 30
résolution de problème au, 28
Genchi genbutsu, 504
à l’ère numérique, 343-345
dans « The Toyota Way 2001 », 65
pour le développement des leaders, 238-239, 248-253
pour Sakichi Toyoda, 26
General Motors, 88 (Voir aussi New United Motor Manufacturing Inc. (NUMMI))
arrêts des lignes, 165
bureaucratie de, XXIII
contexte économique d’après-guerre, 17, 36
développement collaborateurs et équipes, 285-287
et crise financière, 68
relations syndicats-management, 59-60
revenu net, 2–4
système andon, 183
systèmes tirés, 112-114
Georgetown, usine, 114, 165, 168, 237, 250, 252, 335-337
Gerard, Roger, 45
Gestion de projet, 187, 199-201
Gestion points de changement, 283
Ghosn, Carlos, 235, 236
Gieszl, Yale, 62
Givens, Stephen, 54-55
Global 21 (G21), 430-432
Global Appraisal Process (GAP), 259-260
Global Vision 2020, 72, 73, 387
Grand Haven Stamped Products, 100
Gratopp, Betty, 369
Greenleaf, Robert, 266
Griffith, Jim, 250-252, 391
Grimmer, Dave, 218
Groupe avancé, 470-471
Groupe Toyota, 26, 485-486
Groupes de travail, 268, 271-273, 286-287, 296-298, 408-410
Gudmundsson, Einar, 320, 323, 324, 383-386
Guerro, Berto, 311
H
Habitudes, 377-379
Hamtramck, usine, 183
Han, 274-275
Hanna, David, 53
Hansei, 285, 504
Harmonie des relations de travail, 33
Harris, Rick, 358
Hayashi, Nampachi, 235, 338
Heaphy, Andy, 357, 404, 406-407
Hebron, centre de pièces détachées, 195-199, 202, 275-277
Heijunka, 121-127, 299, 504
Heltman, Sam, 265
Henke, John, 308
Herman Miller, 86, 273, 287-295, 467-469, 476
Heydon, Scott, 157
Hiérarchie des besoins de la chaîne de valeur, 327-330
Highlander, Toyota, 6, 70
Hino, 440
HMPS (Herman Miller Performance System), 288
Honda Motor Company, 4, 306
Hoseus, Michael, 57
Hoshin kanri, 64, 504
à TMUK, 401-410
annuel, 386-388
apprentissage organisationnel via, 417-420
avec pensée kata, 410-417
chez Toyota, Ford, et Volvo, 383-386
de niveau supérieur, 402-404, 412-415
et management quotidien, 395-401
rapports A3 dans, 394
Hôtel à voitures, 35
Hourensou, 253-254, 505
Humilité, 235-241
I
Incertitude, 372-373
Indépendance, 34, 313-319
IK (Voir kata d’amélioration)
Illusion rétrospective, 350
Imai, Masaaki, 143
Imaizumi, Kiyoshi, 316-317
Indicateurs de performance clés (KPIs), 258, 278, 395, 398, 408-410, 505
Indice des relations de travail, 308
Industrie 4.0, 217-221, 223, 229-230
Industrie automobile, 305-306, 423-429
Ingénierie industrielle, 139-143, 151, 299
Institutionnaliser (dans 5Ss), 188-189, 503
Intelligence artificielle (AI), 225-227
Intérêt général, 56-59
Internet des objets (IoT), 218-229, 231, 505
Internet des objets (Voir aussi Internet of Things)
Invendus, risques de, 123, 125
Ito, Fumitaka, 247
J
Jackson, Don, 175-176
Japon :
bulle économique années 1990, 205
culture des usines Toyota au, 165-166
culture nationale, 243-244
tremblement de terre et tsunami 2011, 2, 58
travail d’équipe dans les écoles primaires au, 274-275
J.D. Power, classements, 5, 6, 311
Jidoka, XIX-XX, 21, 130–132, 385
Jishuken, 240–242
Johnson Controls, 311, 346
Jones, Dan, XXI
K
Kahneman, Daniel, 114, 348-349
Kaizen, 506 (Voir aussi amélioration continue)
à NUMMI, XXII
dans cercles de qualité, 356-358
dans groupes de travail, 269-270
dans Modèle Toyota, XI-XII, 64
et hoshin kanri, 395-401, 402
pendant crise financière, 69
pour automatisation, 213-217
réflexion pour, 376-377
utilisation technologie pour, 229
Kaizen (Imai), 143
Kamiya, Shotaro, 254-255
Kanban, 385
clé, 216
charge de travail lissée avec, 132-133
chez Zingerman’s Mail Order, 363-367
contrôle visuel avec, 193-194
dans systèmes tirés, 107-109
dans TPS/système de production Ohno, 38, 114-115
et systèmes juste à temps, 31
pour environnements de bureau, 112-114
technologie et, 209-210
Kanebo, 32
Kata, XXX, 380, 506
chez Zingerman’s Mail Order, 363-367
coaching, 362-367
d’amélioration (IK), 359-367, 373, 418-419, 455
dans transformation lean, 466-471
de démarrage, 360-362, 368, 373, 375
et raisonnement scientifique, 12
hoshin kanri avec, 410-417
pour développer habitudes d’apprentissage, 358-362
pour travail standardisé, 161-162
Kawai, Mitsuru, 213-217, 231
Keiretsu, 26, 506
K4, plan (kozokeikaku), 391
Kia Motors, 69
Kikui Boshoku, 33
Killmann, Gerald, 440
Kimbara, Yoshiro, 430
Kimberly Clark, 241
Kozokeikaku (K4), 391
KPI (Voir indicateurs de performance clés)
Krafcik, John, XXV, 16, 82
Kuffner, James, 446, 447, 450
L
La Cinquième discipline (Senge), 334
Lancement nouveau produit, 149-150, 401
Lander, Eduardo, 97, 476
Leaders (en général) :
adhésion à la culture, 475, 483-487
apprendre et enseigner par, 468-469
comportements quotidiens de, 258-261
Niveau 4, 239-242
Niveau 5, 239-241
parcours, 484-486
pensée système par, 75-76, 462
Leadership, 75-76, 242-245, 266-268, 275-277
Leadership situationnel, 275-277
Learning to See (Rother and Shook), 43, 358
Lexus, 5-6, 168-169, 423, 429, 444, 450
Licenciements, 33-34, 68, 288-289
Lieu de travail, contrôle visuel sur, 192-195
Ligne d’assemblage, arrêt, 165-172
Ligne-modèle, processus de :
à Herman Miller, 287-288, 467-468
avec TSSC, 317
dans transformation lean, XIV-XV, 470-471
dans approche organique, XXVI, 465
déploiement du lean après, 475
déployer lean en profondeur avec, 488-489
Lignes chaku chaku, 212
Liker, Jeffrey, XXXI, 65, 219
Lissée, production mixte, 121-124
Lisser charge de travail, 117-138
à Toyota Housing Corporation, 128-131
concept du heijunka, 121-127
dans centre d’appel, 134-136
en constituant des stocks supplémentaires, 131-133
évaluer niveau de maturité de, 494
flux continu avec, 136-138
pensée systémique à propos de, 71-72
pour fournisseurs, 329-330
résumé, 497
Loi du moindre effort mental, 349
Long, Matt, 289, 295, 467
Lund, Andy, 256-257
M
Magna Donnelly, 187
Main d’œuvre indirecte, 272-273
Main-d’œuvre variable, 69, 300
Maintenance prédictive, 221-223
Mallery, Richard, 325-326
Management :
audits par, 143-144, 189
compétences centrales, 258-261
dans organisations lean, 271-272
lissage de la charge de travail par, 121
motivation de, XI-XII
problèmes systèmes pour, 244
Management Lean, 271-273
approche outils, 20-21, 494-495
approche mécaniste vs. organique, XXV–XXVII
chez concessionnaires, 323-324
chez SigmaPoint Technologies, 410-411
exposition à, 486
hypothèses sur, XVII
mauvaise compréhension de, XIV-XVII, 20-21
Management quotidien, 395-401
Management scientifique, 139-141, 151-153
Management visuel, 185-186, 201, 202, 507
Managers de section, 280-281
Managing to Learn (Shook), 393
Markovits, Daniel, 52
Masaki, Kunihiko « Mike », 199
Matrice en X, 411-412
Matsushita, 314-315
Mazda Motor Corporation, 127
McCurry, Robert B., 51
Mécaniste, approche :
apprentissage dans entreprises avec, 377-379
bureaucratie dans entreprises avec, 152-153
changement de culture avec, 482
dans cadre mécaniste vs. organique, XXIX-XXX, 464-465
dans Système de Production Toyota, XXII-XXV
déploiement lean avec, XXV–XXVII, 462-465, 488-489
et raisonnement scientifique, 13
gestion chaîne d’approvisionnement avec, 309-310
processus de révision avec, 388
processus standardisés avec, 160
utilisation technologie avec, 227
Medina, John, 165
Menlo Innovations, 178-183, 450
Mentoring, 354-356 (Voir aussi Coaching)
Merillat, 456
Mettre de l’ordre (dans 5Ss), 188-189, 503
Micromanagement, 254
Miller, Jill, 290-291, 295
Minoura, Teruyuki, 81, 83, 100, 249
Mirai, Toyota, 435, 439-440, 450
Missions principales, 278-281
Mitsui Trading Company, 255
Miura, Kenji, 128
Modèle Toyota, 1-24
adaptation, XII
apprendre du, XXVII–XXIX
catégories de principes, 15-16
comme source d’inspiration, 461-491
comme système technique et social, 493
description, XI-XII
développement de, 25-47
élaboration stratégie basée sur, 456-457
engagement leadership dans, 483
et idées reçues sur production lean, 20-21
et leadership, 237-238
et qualité, 183
et réussite de Toyota Motor Company, 11
état d’esprit pour, 371-372
évaluer maturité entreprise avec, 493-495
intégration des principes dans, 8-10
mondialisation et, 480-482
raisonnement scientifique et, 10-16
résumé, 493-502
technologie et travail d’équipe dans, 202
valeur de, 22-23
Modèle 3, Tesla, 208, 437-438
Modèle de production à la commande, 117-118, 121, 131
Modèle des 4P
et croyances sur le management lean, 20-21
et principes du Modèle Toyota, 8-10
raisonnement scientifique sous-jacent, XXIII-XXIV, 15-16
Modèle des valeurs concurrentes, 447-453
Morgan, James, XXXI
Motion technology, 225-227
Motivation, IX–X, 296-298
Mouvements/Déplacements, gaspillage dans, 40-41
MTC (concept de compagnon de mobilité), 444
Muda, 20, 118-120, 507 (Voir aussi gaspillage)
Mulally, Alan, 236
Mura, 118-120, 137, 507-508
Muri, 118-120, 137, 237, 508
Murs qualité, 176
Musk, Elon, 207-208, 347, 425, 436-437, 451
N
Nemawashi, 399-392, 508
Nettoyer (dans 5Ss), 188-189, 503
New United Motor Manufacturing Inc. (NUMMI), 113
approches organiques et mécanistes, XXIV-XXV
bureaucratie habilitante, 152-153
chefs d’équipe, 285-287
culture, 245-246, 481
et crise financière mondiale, 70-71
et Modèle Toyota, XI
formation au TPS à, 172
PDCA à, 372
pensée systémique à long terme, 59-62
système andon, 183
New York City Food Bank, 319
Nike, 476-477
Nissan Motors, 62, 68
Nokia, 436
Norval, Alistair, 378
Norme ISO-9000, 175
NUMMI (Voir New United Motor Manufacturing Inc.)
O
Obeya, 187, 200, 431
Observation, 248-250, 256-258, 337-343 (Voir aussi Apprentissage)
Ohba, Hajime, 11-12, 100, 288, 317, 467-468, 355–356
Ohno, Taichii, 480
créativité de, 147
coaching/enseignement par, 261, 317, 335
état d’esprit scientifique de, 10-11
étudiants de, XVIII, 214, 215, 237
exercice du cercle, 249-250
flux continu pour, 81, 83, 91
kanban pour, 31
4Ps pour, XXX
processus standardisés de, 139
réduction du gaspillage par, 57
stocks tampons pour, 103, 106, 107, 115
sur fournisseurs, 313
sur le heijunka, 120-121
sur résolution de problème, 337, 343
système de production de, XIX, 18-19, 36-41
Okuda, Hiroshi, 237, 432-433
OMCD (Operations Management Consulting Division), 316-317
On the Mend (Toussaint, et al.), 45
Opérateurs (Voir aussi Développement des collaborateurs et des équipes)
contrôle qualité avec, 174-176
dans pyramide inversée, 269
définition missions principales, 278-279
responsabilités de, 270-271
Operations Management Consulting Division (OMCD), 316-317
Orbeck, Chad, 224
Orf, Jennifer, 274-275
Organigramme, 265, 269-271
Organisations apprenantes (Voir aussi entreprises apprenantes lean)
définition, 333-335
évolution de, 379-380
kanban dans, 115
leadership dans, 260, 261
réflexion dans, 376
Toyota comme, 21
Organique, approche, XXII–xxv
alignement des objectifs dans, 386
bureaucratie dans entreprises avec, 152, 153
dans cadre mécaniste vs. organique, XXIX-XXX, 465
dans Toyota Production System, XV, XX-XI
déploiement du lean avec, XXV-XXVII, 465, 488-489
hoshin kanri et management quotidien dans, 400-401
utilisation technologie avec, 227-228
Outsourcing, 313-315
P
Paiement heures supplémentaires, 300-301
Panasonic, 314-315, 433
Panasonic EV Energy, 314-315
Panneau d’action du chef de groupe, 283-285, 409
Panneau de charge, 323-324
Panneaux de contrôle des processus, 196-198
Panneau de management quotidien, 414, 416
Papier-peint électronique, 218, 220, 231
Partenaires de chaîne de valeur, 305-331
apprentissage mutuel du TPS avec, 315-319
concessionnaires, 201-203
dans entreprises apprenantes étendues, 327-330
et maintien capacité interne, 313-315
évaluer degré de maturité, 495
faire preuve de respect vis-à-vis de, 309-313
fournisseurs, 306-319
prestataires de service, 325-327
résumé, 500
PDCA (plan-do-check-act), 508
apprendre de, 371-374
dans kata d’amélioration, 361-362
dans le Système de Production Toyota, 379-380
et hoshin kanri, 387, 414-415
et kaizen, 65
et rapports A3, 394
et entropie organisationnelle, 473-474
formation chef d’équipe, 291-294
pour développement de la Prius, 434
pour processus standardisés, 161
pour Sakichi Toyoda, 27
SDCA vs., 395-397
P-DG (présidents-directeurs généraux), 239-242, 370-371
Pensée intuitive (rapide), 14, 349
Pensée lente, 14, 349
Pensée rapide, 14, 349
Pensée rationnelle (lente), 14, 349
Pensée systémique, 53, 71-75, 462 (Voir aussi Pensée systémique à long terme)
Pensée systémique à long terme, 51-77
à NUMMI, 59-62
chez Toyota, 71-74
dans « The Toyota Way 2001 », 62-66
et mission de l’entreprise, 56-59
évaluer niveau de maturité de, 494
leadership et culture dans, 75-76
pendant la crise financière, 67-71
résumé, 496
Personnages, 178-180
Personnalisation logiciels, 223-225
Personnes, catégorie de principes, 493
développement collaborateurs et
développement des leaders, 235-263
évaluer degré de maturité pour, 495
partenaires de chaîne de valeur, 305-331
raisonnement scientifique sous-tendant, 16
résumé, 499-500
Pfeffer, Jeffrey, 426
Phénomène des silos, 326-327
Philosophie, catégorie de principes, 493
évaluer degré de maturité pour, 494
pensée systémique à long terme, 51-76
raisonnement scientifique sous-tendant, 15
résumé, 496
Philosophie de l’entreprise, 15, 33-36, 256-258, 485 (Voir aussi Développement collaborateur set
équipes ; Développement leaders)
Philosophie du client d’abord, 19, 56-57, 254-258
Planification, 18
alignement des objectifs dans, 390-392, 418-420
contrôle visuel pour, 199-200
en cascade, 380, 418-420
qualité, 174, 175
Platt Brothers, 29-30, 31
Point-based design, 391
Point kaizen, 44, 45
Porter, Michael, 427
Positions initiales, dans entrepôt, 196
Postes de transition, 282-283
Pratt, Gill, 445, 446
Présidents-directeurs généraux (P-DG), 239-242
Press, Jim, 56
Prestataires de services, 325-327
Primes, 296-297
Princeton, usine, 68-69
Prise de décision, 64-66, 388-392 (Voir aussi Contrôle visuel)
Prius Prime, Toyota, 435
Prius, Toyota, 7, 200, 237, 313-314, 423, 429-436, 450
Problème harnais (1997), 250-252
Problèmes, mettre au jour, 165-166, 187
Problèmes système, 244
Processus, catégorie de principes, 493
contrôle visuel, 185-203
culture qualité, 165-184
évaluer degré de maturité pour, 494
flux continu, 81-102
lisser charge de travail, 117-138
processus standardisés, 139-163
raisonnement scientifique sous-jacent, 15-16
résumé, 496-499
se focaliser sur, 20-21
systèmes tirés, 103-116
utilisation technologie, 205-232
Processus de revue, 387-388
Processus standardisés, 139-163
chez Starbucks, 154-159
comme but à atteindre, 159-162
dans bureaucraties coercitives vs. Habilitantes, 151-153
dans Toyota Business Practices, 353
et contrôle visuel, 192-195
évaluer degré de maturité de, 494
pour amélioration continue, 143-148
pour Kiichiro Toyoda, 32
pour lancement nouveaux produits, 149-150
résumé, 498
surdimensionnés, 39
Production artisanale, XXI-XXII, 139
Production de masse :
5Ss dans, 191
accumulation gaspillage dans, 188
flux continu vs., 21, 90-92
lean et, XXI-XXII, 25
prendre en charge problèmes dans, 168
processus standardisés dans, 139, 140
temps de changement d’outils dans, 126
TPS vs. Système Ford pour, 25, 36-37
Production en série, 81-84, 86-86, 68–69, 90-92, 124
Production intégrée par ordinateur (CIM), 219
Production lean :
à NUMMI, XXIV-XXV
à Toyota Motor Company, XVIII-XIX
5 S et, 190-191
croyances sur, 20-21
efficacité locale et, 40-43
et partenariats avec fournisseurs, 306-308
et Système de Production Toyota, 16-19, 25
fragilité de, 81-82
Productivité :
amélioration continue de, 213-215
avec flux continu, 95
dans ingénierie industrielle, 139-141, 151
dans usine automatisée Tesla, 208
et arrêts lignes, 169, 171
Profit, 51-55, 402-403
Programmation, 90-91, 108, 121-124
Programme ACE 1000, 403, 404
Programme de fabrication synchrone, 286
Projets pilotes, 230, 389, 410-411, 471, 475
Promotions commerciales, 137
« Propel », programme d’apprentissage, 289, 293-294
Proposition, histoire, 394-395, 396
Q
Qualité :
avec flux continu, 92-93
designed-in, 178-181
intégrée, 31-32, 144, 168-169, 172-174, 182-183
intrinsèque, 31-32, 144, 168-169, 172-174, 178-183 (Voir aussi Culture qualité)
service, 144
sur poste, XVIII-XX, 166-171
totale, 384
Quinn, Robert, 447-448, 451-452
R
Raisonnement scientifique, 508
cercles de qualité pour développer, 356-358
changement comportement pour augmenter, 374-375
dans Modèle Toyota, 8-9, 10-16
et apprentissage, 346-362
et crise du Covid-19, 367-371
et déploiement du lean, XXX, 466-471
et flux pièce à pièce, 101
et modèle des 4P, XXX, 15-16
et pérennité du lean, 487-489
et prise de décision, 389-390
et Toyota Business Practices, 351-356
kata pour développer, 358-362
obstacles au, 347-351
PDCA en soutien à, 371-374
pratique délibérée dans, 75
Rapport A3, 508-509
dans processus hoshin kanri, 387, 407-411, 414, 415
de la capacité de mentoring, 355
et prise de décision, 389
pour alignement des objectifs, 392-395
pour le coaching, 247
réflexion sur, 376
sur missions principales, 278-281
Ratio d’exploitation, 84
Rayonnages dynamiques, 191
Récompenses, 296-298
extrinsèques, 296-298
intrinsèques, 296-297
Reconnaissance, comme récompense, 298, 358
Recrutement, 440
Réduction des coûts, 57
Réflexion, 376, 387-388
Reiter Automotive, 182
Relation maître-disciple, 247
Réparations, faire, 167-168
Reporting, 253-254
Repos compensatoire, 301
Résolution de problèmes :
1x1, 283-285
analyse des 5 pourquoi, 337-343
après audits 5S, 189-190
formation du chef d’équipe, 291-293
par leaders, 247
rapports A3 pour, 392-395
responsabilité de, 269-270
Toyota Business Practices pour, 351-353
utilisation technologie pour, 211-212, 223-227, 230
Résolution de problème 1x1, 283-285
Résolution de problèmes, catégorie de principes, 493
alignement des objectifs, 383-421
apprentissage, 333-337
élaboration stratégie, 423-457
évaluer degré de maturité pour, 495
raisonnement scientifique sous-jacent, 16
résumé, 500-501
Résolution de problème réactive, 16
Respect, XI-XII, 62-66, 298-302, 309-313
Responsabilisation, 159, 160, 167, 271
Responsabilité, 66, 348
Ressources humaines, 271
Re-travail, 87
Réunions, 283-285
Réunions quotidiennes, 283, 285
Revenu net, 2-4
Rivera, Jeffrey, 97
Robots, utilisation sélective de, 212-213 (Voir aussi Automatisation)
Rogers, Will, 483
Roitman, David, 219
Rometty, Ginni, 454
Roos, Dan, XXI
Roskies, Ethel, 219
Ross, Karyn, XXXI
Rother, Mike, XXX
modèle des kata de, 358-362, 373, 380, 418-419, 467, 471
modèle de stratégie et d’amélioration continue de, 455
sur l’incertitude, 349
sur processus PDCA, 373, 419
sur raisonnement scientifique, 12-13
sur travail standardisé, 161
value stream mapping par, 43, 46, 100
Royaume-Uni, 356-358 (Voir aussi Burnaston, usine (TMUK))
S
Salon de l’automobile de Tokyo (1994), 432
San Antonio, usine, 68-70, 311
Scaffede, Russ, 165-166
Schein, Edgar, 242, 479
Schwarz, Tilo, 362
SDCA (standard-do-check-act), 395-399, 414-417, 473-474
Sécurité de l’emploi, 298-302
Seconde Guerre mondiale, XVIII-XIX, 17, 30, 36, 57, 141
Secteur du bâtiment, 128-131
Sécurité, 95-96, 301, 408-409
Self-Help (Smiles), 27-28
Senge, Peter, 334
Sensei, XII-XVI, 238, 288, 464, 509
« Servant leadership », 266-268
Set-based design, 391-392
Seuil de connaissances, 13
Shembekar, Raja, 219-229
Shingo, Shigeo, 126
Shiomi, Masanao, 432
Shook, John, 43, 46, 74, 110, 345, 358, 372
Sienna, Toyota, 256-258
SigmaPoint Technologies, 410-417, 476
Smalley, Art, 399
Smiles, Samuel, 27
Smith, Darwin E., 240
Sobek, Durward, 392
Société de développement de logiciels, culture qualité pour, 178-181
Southwest Airlines, 127
Spear, Steven, 108, 335
Spiegel, Larry, 286
Stage d’orientation, 276
Standards de design, 149
Standard-do-check-act (Voir SDCA)
Standardiser (dans 5Ss), 188-189, 503
Standards externes, 142
Starbucks, 154-159, 473, 475
Steady Work (Gaudet), 154
Steinberger, Michael, 55
Stéréotypes, 350
Stocks :
comptage stocks physiques, 252-253
contrôle visuel et excès, 187
coûts associés, 96
dans production en série par lots, 82, 84
dans systèmes tirés, 43-45, 103-104
dans TPS, XX
de sécurité, 132-133
en-cours, 88-89, 90, 96
et gaspillage, 18, 40, 41
lisser charge de travail avec excès de, 131-134
pour modèle fabriqué à la demande, 117-118
technologie pour réduire, 209-210
Stocks tampons :
ligne d’assemblage, 171
saisonniers, 131-134
stocks, 31, 82-85, 110-111, 115, 191
Stratégie, définition, 425-426
Stratégie audacieuse (Voir Élaboration stratégie)
Structure de l’actionnariat, 485-486
Supermarchés, comme systèmes tirés, 105-107
Surproduction, 17, 39, 40, 107-109 (Voir aussi Systèmes tirés)
Sutton, Robert, 426
Suzuki, Ichiro, 201
Suzuki Motor Corporation, 441
Sweetgreen, 105
System fill rate, 199
Système andon, 503
chef d’équipe dans, 271-273
contrôle visuel dans, 192
et arrêts lignes, 166-169
et qualité intrinsèque, 27, 31-32
prévention des erreurs avec, 173
technologie pour, 182-183
Système d’arrêt de ligne posté, 170, 183
Système d’évaluation des performances, 258-259
Système de développement du management des ateliers (FMDS), 278
Système de Performance Herman Miller (HMPS), 288
Système de production d’Ohno, 36-39 (Voir aussi Système de Production Toyota (TPS))
Système de Production Toyota (TPS), 510
amélioration continue dans, 113-114
à NUMMI, 59-62, 172, 285-286
apprentissage mutuel de, 315-319
aspects mécanistes et organiques de, XV, XXII–xxv, 465
aux États-Unis, 244-245
5Ss dans, 189-190
comme système technique et social, 493
contribution de Taichii Ohno à, 36-39
développement des équipes et, 268, 276
et intelligence artificielle, 226, 227
et Modèle Toyota, XI
et production lean, 16-19
et système comptable, 252
évolution de, XXVII-XXIX
flux pièce-à-pièce et, 20-22
hoshin kanri dans, 383-384
impact de, XIII, 10, 25
implication de Fujio Cho dans, 237
influence de Kiichiro Toyoda sur, 30-33
interconnexions dans, 52-53, 71
PDCA dans, 379-380
pour concessionnaires, 320-321
pour entrepôts, 198-199
pour fournisseurs, 309-312
pour travail automatisé, 214-216
respect dans, 66
« vrai », XVIII-XXII
Système des coûts cibles, 311-313, 327-328
Système d’ingénieur en chef, 256
Système éducatif scandinave, 267
Systèmes JAT (Voir systèmes en Juste à temps)
Systèmes en Juste à temps, XIX-XX, 31, 308-309, 505-506 (Voir aussi systèmes tirés)
Systèmes poussés, 103-104, 210, 230
Systèmes poussés planifiés, 103-104, 109-110
Systèmes sociaux, 400, 493
Systèmes socio-techniques, XXIII
Systèmes techniques, 400-401, 493
Systèmes tirés, 103-116, 509
à Toyota Motor Company, 110-112
avec contrôle visuel, 190, 192
dans bureau de formation General Motors training office, 112-114
dans Système de Production Ohno, 38
dans vie quotidienne, 109-110
évaluer degré de maturité de, 494
éviter surproduction avec, 107-109
objectifs de, 114-115
réduction des stocks avec, 43-44
résumé, 497
T
Tableau de contrôle du chef d’équipe, 283-284
Tâches hors-ligne, 135-136
Tâches principales, 281-282
Taguchi, Toshiaki « Tag », 255-256
Tahara, usine, 205
Takeuchi, Hirotaka, 57
Takt time, 93-94, 111, 147-148
Tanguay, Ray, 168-169
Taux d’exécution directe, 406
Taylor, Frederick, 139-141, 151, 153, 160
TBP (Voir Toyota Business Practices)
Techno-anthropologues, 179-180
Technologie numérique, 196, 199-201
Temps de changement d’outils, 124-127, 137
Temps de cycle planifié, 147-148
Tesla, Inc., 8, 207-208, 347, 424-425, 427, 436-442, 449-453
The Machine That Changed the World (Womack, et al.), XXI-XXII
« The Toyota Way 2001 », 62-66, 237, 239, 313, 351
The Toyota Way to Lean Leadership (Liker et Convis), 65, 456
The Toyota Way to Service Excellence (Liker et Ross), XXXI
Thedacare, 45-46
Thomke, Stefan, 181
« Time and Motion Regained » (Adler), XXIV
TMUK (Voir Burnaston, usine)
Today and Tomorrow (Ford), 36, 37, 244
Toffler, Alvin, 423, 455
Total Budget Control System, 43
Toussaint, John, 45
Toyoda, Akio, 486
investissements dans innovation systèmes ouverts, 451
pendant crise des rappels, 177, 178
sur apprentissage au gemba, 65
sur automatisation, 232
sur genchi genbutsu à l’ère numérique, 343-345
sur priorités de l’entreprise, 53
vision de, 423, 427-430
voie du leadership pour, 238-239
Toyoda, Eiji, 31-32, 35-36, 205, 428, 430
Toyoda, Kiichiro, XIX, 25, 28-36, 38, 39, 107, 238, 248, 333
Toyoda, Sakichi, XIX, 26-28, 71, 166
Toyoda Automatic Loom Works, 26, 31-33
Toyoda Boshoku, 32-33
Toyota Business Practices (TBP), 293, 351-356, 509
Toyota Express Maintenance, 320
Toyota Housing Corporation, 128-131
Toyota Kata (Rother), XXX, 12, 349
Toyota Kata Culture (Rother et Aulinger), 146
Toyota Motor Manufacturing, 35-36, 165-166, 245-247, 281, 388-389, 390
Toyota Motor Sales, 254
Toyota Production System Support Center (TSSC), 132
Hajime Ohba au, 11
projet d’Herman Miller avec, 317, 466-467, 476
projet de Nike avec, 476-477
mettre en place flux pièce-à-pièce avec, 95, 100
Toyota Research Institute (TRI), 445-446, 451, 486
Toyota Research Institute–Advanced Development (TRI-AD), 445-446, 451
Toyota Technical Center (TTC) :
adaptations des ressources humaines au, 481
contrôle visuel au, 199
genchi genbutsu au, 249-250
hansei au, 376-377
hourensou au, 253-254
proposition de programme de carte d’achat pour, 394-395
TPS (Voir Système de Production Toyota)
Training to See Kit (Rother et Shook), 110
Training Within Industry (TWI) service, 141-142, 145-146
Transformations au lean, XIII-XV, 15-16, 462-465, 471-476
Travail à valeur ajoutée, 86-87, 193, 265-266
Travail en équipe :
chez Toyota Motor Company, 66, 275-277
dans les écoles primaires japonaises, 274-275
et contrôle visuel, 201-203
importance de, 268-275
pouvoir de, 268-275
processus standardisés et, 149-150
Travail hors-ligne, 129-130, 272-274
Travail intellectuel, 143
Travail intellectuel, gaspillage dans, 87-88
Travail standardisé, 510
andons pour retards, 167-168
comme contre-mesure, 174
formation chef d’équipe sur, 290-291
motion technology pour, 225-227
par concessionnaires, 322-324
pour chefs de groupe, 281-282
Travail standardisé moyen pondéré, 125
Travailleurs intérimaires, 69, 300
Trésorerie, 5, 54-55
TRI (Voir Toyota Research Institute)
TRI-AD (Toyota Research Institute–Advanced Development), 445-446, 450, 451
Trier (dans 5Ss), 188-189, 503
TSSC (Voir Toyota Production System Support Center)
TTC (Voir Centre Technique Toyota)
U
Uchiyamada, Takeshi, 430-433
Uminger, Glenn, 252, 258-259, 261
Understanding A3 Thinking (Sobek et Smalley), 394, 395
United Auto Workers, 59, 60
Université du Michigan, XXIII, 363-367
Utilisation des ressources, 123, 124
Utilisation technologie, XXXI, 205-232
améliorer travail automatisé avec, 213-217
chez Denso, 221-227
chez Toyota Motor Company, 211-213
dans industrie 4.0, 217-218
effet de, sur collaborateurs, 227-229
et contrôle visuel, 196-197, 198, 201-203
et Internet des Objets, 218-221
et efficacité, 229-232
et qualité intégrée, 169, 182-183
évaluer degré de maturité de, 495
pour apprendre, 343-345
résumé, 499
V
Valeur pour l’actionnaire, 54-55
Valeurs, 3447-453
Valeurs centrales, 447-453
Value stream mapping, 41-42, 110, 321-322, 507
Véhicules à pile à combustible, 432, 436, 439-441
Véhicules autonomes, 436-437, 443-447
Véhicules électriques, 429, 435, 439, 440-441
Véhicules hybrides, 432-435, 439-440, 441
Vente en porte-à-porte, 255
Visibilité chaîne d’approvisionnements, 209-210
Vision, 99-101, 386-388, 454, 485
Vitesse, production, 18, 92-93
Voitures autonomes, 443-447
Volkswagen, 2-4
Volvo, 320-324, 384-388
W
Wada, Akihiro, 432, 433
Wada, K., 31
Ward, Alan, 391, 392
Warren, Alex, 166-167
Watanabe, Hiromi, 58
Watt, James, 28
Wheatley, Margaret J., XIII
Will-Burt Company, 97-98
Wiremold Corporation, 95
Womack, James, XXIII, 453
Y
Yakult, 58
Yamashina, Tahashi « George », 253-258, 376
Yazaki Corporation, 250
Yokoten, 378, 510
Yokoya, Yuji, 256-257
Yui, T., 31
Z
Zetzsche, Dieter, 235
Zingerman’s Mail Order (ZMO), 470, 476
et adaptation au Covid-19, 367-371
et contrôle visuel, 193-194, 195
et kata, 363-367
et lissage charge de travail, 134-136