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Les collectivités locales : histoire

Préambule
L’histoire des collectivités locales est une histoire relativement « courte » liée aux spécificités de
l’histoire de France.

Il faut tout d’abord rappeler que c’est grâce à l’Etat que la France s’est constituée. Notre pays est le
seul de toute l’Europe à être le résultat de la volonté d’une organisation administrative, qui
s’appelait tout simplement le Roi. Si tous les autres pays européens que nous connaissons
actuellement sont un ensemble de territoires qui se sont réunis et se sont ensuite dotés d’un
appareil de gestion, le nôtre est en réalité le résultat de la volonté d’hégémonie d’une seule
personne, le Roi de France, qui peu à peu, par alliances, guerres, ruses, achats …. a constitué un
ensemble cohérent, vaste et continu, de territoires sur lesquels il a peu à peu imposé des règles
communes, une monnaie commune, une langue commune. La centralisation est à la base de la
construction de l'État.

« La France a eu besoin de la centralisation pour se faire, elle a maintenant besoin de la


décentralisation pour ne pas se défaire ». François Mitterrand.

Grande étapes de cette décentralisation :

 Les prémisses avec la Révolution française


 La 3ème République qui confère un régime de semi centralisation aux départements
et à l’origine de la charte municipale (l’organisation de la commune a très peu
changé depuis)
 Lois Deferre Acte 1 : véritable point de départ du grand mouvement de
décentralisation qui se poursuit aujourd’hui encore

I/ Les apports (timides) de la Révolution française

Avec la Révolution, la question des rapports entre le pouvoir central et les autorités locales revêt ses
caractéristiques modernes.

L’Assemblée constituante fixe les cadres territoriaux encore en place aujourd’hui. Elle érige les
communautés d’habitants en communes (loi du 14 décembre 1789) et crée des départements (loi du
22 décembre). Ces lois consacrent également un principe d’uniformité exigeant que tous les Français
soient soumis à une administration identique sur l’ensemble du territoire. Les administrations locales
des communes, districts et départements doivent donc être régies par des règles similaires au nom du

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principe d’égalité devant la loi défini par la Déclaration des droits de 1789 et de la fin des privilèges
votée le 4 août 1789.

Mais, il ne s’agit pas d’une réelle décentralisation : l’administration locale gère des affaires de
l’État (les communes ont la charge de la répartition des contributions directes ; les départements ont
vocation à gérer toutes les matières administratives mais au nom du roi) par des organes néanmoins
élus. Seule la commune est conçue comme s’occupant à la fois des affaires locales et nationales.

Les difficultés rencontrées par la Révolution, à partir de la Convention (1792), ont conduit l’État à re-
centraliser l’administration locale. Il s’agissait de lutter contre les tendances "fédéralistes" ou
"girondines" qui marquaient, en réalité, la volonté d’échapper au pouvoir révolutionnaire parisien.Ce
mouvement de recentralisation est consacré par Napoléon Bonaparte avec la loi du 28 pluviôse
an VIII (17 février 1800). Elle organise une administration totalement hiérarchisée depuis les préfets,
qu’elle crée, jusqu’aux maires. Toutes ces autorités locales sont nommées par le pouvoir central.

Notre organisation administrative moderne trouve donc son origine avec la révolution de 1789. Nos
36 500 communes sont le reflet de 36 500 paroisses. À la révolution les départements sont créés et
leur limite territoriale est déterminée par la distance que peut parcourir en une journée un homme à
cheval depuis la ville centre , sans en respecter toujours les anciennes limites, dans le but de
favoriser l’unité nationale et d’empêcher l’expression d’une identité provinciale trop marquée.

II/ Les apports de la IIIe République

La IIIe République est le point de départ de la décentralisation moderne.

Après la révolution de juillet 1830, des lois sur l’organisation locale avaient été votées, et certains
projets avaient été élaborés à la fin du Second Empire (1852-1870). Mais c’est le changement de
régime politique en 1870 qui amorce de réelles évolutions administratives. Cette longue période de 70
ans (1870-1940) est surtout marquée par le vote de deux lois qui vont s’appliquer durant plusieurs
décennies.

 La loi du 10 août 1871 sur les conseils généraux est adoptée au lendemain de la
Commune de Paris. Le conseil général devient l’entité chargée de gérer les affaires du
département. Il est aidé en cela par une commission départementale élue en son sein et dont
les réunions étaient plus fréquentes que celle du conseil général. Le préfet détient la fonction
exécutive et reste le véritable "patron" de l’administration départementale. Président du
conseil général, il préside les séances.

C’est la crainte de confier trop de pouvoirs à un élu départemental qui conduit à la mise en
place de ce régime de semi-décentralisation qui va perdurer jusqu’en 1982.

 La loi du 5 avril 1884 relative à l’organisation municipale, encore appelée la Grande


Charte municipale, fait de la commune une véritable collectivité décentralisée. En effet, le
conseil municipal, désormais, "règle par ses délibérations les affaires de la commune".
L’organisation de la commune, le fonctionnement de ses organes, fixés par cette loi, ne

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connaîtront que très peu d’évolutions jusqu’à nos jours. Les lois de décentralisation des
années 1980 ne concerneront qu’assez peu la commune, en dehors de la question des
compétences.

III/ L’ « acte I » de la décentralisation

Adoptées à partir de 1982, les "lois Defferre" (du nom du ministre de l’Intérieur et de la
Décentralisation de l’époque) correspondent à la volonté politique de la gauche, arrivée au pouvoir
en 1981, de réaliser une profonde décentralisation de l’administration française. Ces lois constituent
ce que l’on appellera par la suite l’"acte I" de la décentralisation.

La première loi est celle du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions. Elle remplace la tutelle pesant sur les collectivités territoriales par un
contrôle a posteriori confié au juge administratif, transfère la fonction exécutive départementale et
régionale aux présidents de conseil général et régional, et transforme les régions en collectivités
territoriales de plein exercice.

Suivent de très nombreux textes relatifs :

 à certaines collectivités particulières (Corse, régions d’outre-mer, certains territoires


d’outre-mer comme la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française…) ;
 au nouveau mode de scrutin des communes de 3 500 habitants et plus ;
 au transfert des compétences de l’État vers les collectivités territoriales dans de nombreux
domaines (urbanisme, action sociale, formation professionnelle, gestion des collèges et
lycées) par les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983 ;
 à la fonction publique territoriale créée par la loi du 26 janvier 1984.

Les alternances qui ont suivi n’ont pas remis en cause les principes de ces lois, et n’ont procédé qu’à
des modifications mineures ou des approfondissements :

 loi du 3 février 1992 : premiers éléments d’un statut des élus locaux ;
 loi du 6 février 1992 : premières formes de démocratie locale (consultation des électeurs
locaux) et relance de la politique de coopération intercommunale (création des
communautés de communes, approfondie par la loi du 12 juillet 1999) ;
 nouveau mode de scrutin régional (loi du 19 janvier 1999) et évolution du régime statutaire
de la Nouvelle-Calédonie (loi du 19 mars 1999).

La loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions
ouvre la voie à un profond bouleversement de la répartition des pouvoirs au profit des acteurs locaux.
Considérée comme la loi fondamentale de la décentralisation, elle consacre essentiellement trois
évolutions.

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La suppression de la tutelle administrative et financière a priori exercée par le
préfet

La loi du 2 mars 1982 et celles qui la complètent sont en rupture franche avec l’état antérieur du droit.
Avant elle, l’autorité de tutelle (le préfet) disposait – dans des hypothèses et conditions déterminées –
du pouvoir d’annuler les actes des autorités locales qu’elle jugeait illégaux ou inopportuns. Le préfet
exerçait une tutelle a priori sur l’acte, avant qu’il ne devienne exécutoire.

La loi de 1982 lui retire entièrement ce pouvoir. Désormais, il exerce une tutelle a posteriori et ne peut
que déférer les actes des autorités qu’il contrôle au tribunal administratif, qui apprécie s’il doit en
prononcer l’annulation s’il les juge « contraires à la légalité . Cette procédure exclut que ces actes
puissent être censurés pour cause d’inopportunité, comme c’était le cas auparavant. Actuellement,
pour qu’un acte d’une collectivité soit exécutoire, il suffit qu’il soit adopté par l’assemblée délibérante
ou signé par l’autorité exécutive, transmis au préfet (loi du 2 mars 1982) et publié ou notifié (loi du 22
juillet 1982).

La loi du 2 mars 1982 dresse une liste des actes dont la transmission est obligatoire en raison de leur
importance particulière, qui rend souhaitable que l’autorité de tutelle en soit informée. Ces actes sont
des actes unilatéraux (délibérations, arrêtés réglementaires…) ou des contrats (marchés, contrats
d’emprunts…). La liste de ces actes soumis à l’obligation de transmission a été réduite par la loi du 13
août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. N’y figurent plus, notamment, les décisions
prises par le maire en matière de circulation et de stationnement, comme certaines prises en matière
d’urbanisme. Il s’agit de concentrer le contrôle de légalité sur les principaux enjeux, afin de renforcer
son efficacité. C’est également l’objectif de la circulaire du 17 janvier 2006 modernisant le contrôle de
légalité et qui le recentre sur les questions d’intercommunalité, de commande publique, d’urbanisme
et d’environnement. Toutefois, avant de saisir le tribunal (ce qu’il peut faire dans les deux mois), le
préfet est dans l’obligation d’informer la collectivité, par une lettre d’observations, des illégalités
qu’il aura décelées. Loin d’entraîner un recours systématique aux tribunaux, cette disposition
favorise le dialogue entre le représentant de l’État et les collectivités qu’il contrôle.

La loi de 1982 n’a fait que prolonger l’évolution antérieure dans le sens d’une limitation du contrôle de
tutelle, mais en aucun cas elle ne la supprime, ce qui serait d’ailleurs contraire à la Constitution.
Allégée, la tutelle subsiste, assurée par les préfets de département et par les préfets de région.

Le transfert de l’exécutif départemental et régional au profit d’un élu local

Avant 1982, l’exécutif de ces deux collectivités était assuré par un préfet (de département ou de
région). Depuis la loi du 2 mars 1982, le chef de l’exécutif départemental est le président du conseil
général – devenu en 2013 conseil départemental – et celui de la région est le président du conseil
régional.

Le département était déjà une collectivité territoriale, puisqu’il disposait d’un organe délibérant élu
au suffrage universel direct (le conseil général) et d’un président, au titre uniquement honorifique. En
effet, c’était le préfet, aidé par les administrations d’État, qui assurait l’exécution des décisions du
conseil général. Avec la loi du 2 mars 1982, le département devient une collectivité de plein exercice.
Désormais, c’est le président du conseil général, élu parmi ses pairs, qui préside l’assemblée, prépare

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et exécute les budgets et les délibérations. Il devient également le chef de l’administration
départementale.

En ce qui concerne la région, le transfert de l’exécutif fut réalisé immédiatement (article 73 de la loi du
2 mars 1982), sans attendre que celle-ci devienne une collectivité territoriale. En effet, ce n’est qu’en
1986 que les conseillers régionaux ont été élus au suffrage universel, mais dans le cadre
départemental. Le préfet n’est plus que le représentant de l’État dans le département ou dans la
région.

La région devient une collectivité territoriale de plein exercice

En tant que personnes morales décentralisées, les régions ont été instituées par la loi du 5 juillet
1972, mais sous la forme d’établissements publics. Leur transformation en collectivités territoriales de
plein exercice fut prévue par la loi du 2 mars 1982, qui spécifiait (articles 59 et 60) que cette
transformation serait liée à l’élection de leur assemblée délibérante, le conseil régional, au suffrage
universel direct. Cependant, leur organisation n’est intervenue que par la loi du 6 janvier 1986. Leur
mode de fonctionnement est calqué sur celui des départements, la région ayant en plus un conseil
(ancien comité) économique et social (organisme consultatif).

Cette émergence difficile peut s’expliquer par des raisons administratives, le législateur de 1972
craignant une certaine lourdeur, alors que celui de 1982 a manifesté une autre volonté.
Techniquement, la nouvelle formule est en harmonie avec le dessein d’accroître l’importance des
régions, même si leurs nouvelles attributions ne doivent pas faire d’elles des unités d’administration
aussi complètes que les autres collectivités.

Aujourd’hui, on constate que le périmètre des missions dévolues à la région n’est pas encore
pleinement stabilisé. En effet, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, comme la
loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ont accordé de nouvelles
prérogatives à la région. Ainsi son rôle de coordination dans le domaine économique et sa pleine
responsabilité de la gestion de la formation professionnelle ont-ils été récemment affirmés. La réforme
en cours en 2013 pourrait faire de même.

La vaste réforme réalisée par la loi du 2 mars 1982 et celles qui l’ont suivie étaient ambitieuses : elles
ont tracé un véritable programme législatif qui apparaît aujourd’hui largement positif.

IV/ L’"acte II" de la décentralisation

Une nouvelle période dans la politique de décentralisation s’ouvre avec la nomination de M. Raffarin
comme Premier ministre, en mai 2002. Ses initiateurs ont baptisée cette période « acte II » pour
montrer à la fois qu’elle se situait à la suite de ce qui est alors qualifié d’« acte I » et qu’elle se
démarquait de celui-ci.

Cet « acte II » a commencé par le vote de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, relative à
l’organisation décentralisée de la République.

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 Cette première révision importante du titre XII de la Constitution, consacré aux collectivités
territoriales depuis 1958, visait à permettre des évolutions juridiques et statutaires que le texte
initial, tel qu’il avait été interprété par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, interdisait. Il
en est ainsi de la reconnaissance de l’expérimentation législative et de la possibilité de donner
à une collectivité la qualité de chef de file pour gérer des compétences communes à plusieurs
niveaux de collectivités.

 Cette révision introduit aussi plusieurs dispositions novatrices relatives notamment aux
finances locales pour permettre des évolutions statutaires pour les collectivités situées outre-
mer.

 Elle consacre enfin le principe selon lequel l’organisation de la République française « est
décentraliséé » (art. 1er de la Constitution).

L’« acte II » devait être aussi l’occasion d’une vaste redistribution des compétences entre l’État et les
différents niveaux territoriaux. Cette ambition s’est traduite par la loi du 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales. Le contenu de la loi, qui certes attribue de nouvelles
compétences aux collectivités, ne répond pas totalement à l’objectif initial.

La réforme entreprise à partir de 2010 a mis fin, de manière anticipée, à l’« acte II » dont toutes les
potentialités n’avaient pas été épuisées.

V/ Les innovations de la réforme de 2010

Cette réforme a été présentée par certains comme l’"acte I de la re-centralisation", mais par d’autres
comme l’"acte III" de la décentralisation.

En 2009, le comité pour la réforme des collectivités territoriales présidé par Edouard Balladur dresse
un bilan sévère de la décentralisation menée depuis 1982.L’organisation des collectivités locales n’a
cessé de se compliquer au fil du temps, les étapes récentes de la décentralisation et la multiplication,
depuis 1999, des établissements publics de coopération intercommunale ne se sont pas
accompagnées d’un effort de rationalisation des structures des collectivités locales, des compétences
qu’elles exercent et des financements qui s’y attachent. Il en résulte une perte d’efficacité pour l’action
publique et pour les usagers des services publics, un coût élevé pour le contribuable et un manque de
transparence pour l’électeur. Dans le même temps, la France s’est tenue à l’écart du puissant
mouvement régionaliste qui a parcouru l’Europe et elle a échoué à porter remède au morcellement
communal. 20 propositions sont présentées par le comité afin de renforcer l’efficience de
l’organisation territoriale et la démocratie locale.

Elle a été adoptée par la loi du 16 décembre 2010, dite de "réforme des collectivités territoriales".
Cette loi devait être suivie d’autres textes, notamment de caractère électoral, mais qui n’ont jamais été
discuté au Parlement. Elle avait été précédée de la loi de finances pour 2010 qui avait supprimé la
taxe professionnelle pour la remplacer par la contribution économique territoriale. Mais, initialement, la

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réforme des finances locales devait former un ensemble homogène avec les réformes institutionnelles
et celles relatives aux compétences.

La réforme de 2010 avait pour objectif de réaliser des économies substantielles de gestion et de
réduire le "mille-feuilles" territorial caractérisant la France (trop de niveaux d’administrations
locales, trop de collectivités territoriales).

L’objectif était également de rationaliser les rapports entre les départements et les régions en créant
un élu commun, le conseiller territorial, qui aurait dû être élu dans des cantons redessinés.

Enfin, elle entendait limiter les compétences des départements et des régions à celles que la loi
devait leur attribuer, supprimant partiellement la clause générale de compétence pour ces deux
niveaux territoriaux, tout en permettant de mutualiser leurs services, et de déléguer la gestion de ces
compétences d’un niveau à l’autre.

Le changement de majorité à l’Assemblée nationale, à la suite de l’élection présidentielle de 2012, a


rendu cette loi en partie caduque. Il en reste toutefois un certain nombre d’innovations de taille :

– la modification des rapports entre les communes et les intercommunalités : elle a facilité
l’achèvement et la rationalisation de la carte intercommunale en obligeant chaque commune à
adhérer à un établissement public de coopération intercommunale ; elle a créé de nouvelles structures
de coopération intercommunale, les métropoles et pôles métropolitains ;

– l’élection au suffrage universel direct, à partir de 2014, des délégués des communes au sein
des conseils des différentes communautés de communes, d’agglomération ou urbaines, en même
temps que les conseillers municipaux.

VI/ La modernisation de l’action publique territoriale entreprise à


partir de 2012

L’arrivée à l’Assemblée nationale d’une nouvelle majorité, de gauche, à la suite de l’élection


présidentielle de mai 2012 et des législatives de juin 2012, a mis fin à plusieurs des innovations
portées par la réforme de 2010.

Cependant, plutôt que de parler d’un « acte III », volonté initiale du président de la République
nouvellement élu, le gouvernement a préféré amorcer un mouvement de « modernisation de
l’action publique territoriale » qui s’appuie aussi sur un nouveau mouvement législatif en faveur de
la décentralisation. Plus de trente ans après les lois de 1982, il s’agit de « conjuguer actions
publiques locale et nationale, avec des collectivités locales responsabilisées dans leurs compétences,
et un État mieux centré sur ses missions fondamentales », comme l’a rappelé Marylise Lebranchu,
ministre de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique, devant le Sénat 30
mai 2013.

 Le conseiller territorial a été supprimé par la loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des
conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires,

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et modifiant le calendrier électoral. Il a été remplacé par le conseiller départemental élu
selon un mode de scrutin novateur, le scrutin binominal paritaire dans le cadre de cantons
élargis.

 La clause générale de compétence des départements et régions – qui signifie que ces
collectivités disposent d’une capacité d’intervention qui n’est pas limitée par une énumération
de compétences – avait été rétablie par la loi du 27 janvier 2014 sur la modernisation de
l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). La loi du 7 août 2015
portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) supprime à nouveau la
clause générale de compétence pour les départements et les régions.

 La carte régionale a été redessinée par la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des
régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

 Le régime de la commune nouvelle a été amélioré par la loi du 16 mars 2015.

 La répartition des compétences entre collectivités territoriales a été profondément


modifiée par la loi NOTRe susmentionnée. Celle-ci confie de nouvelles compétences aux
régions, réaffirme le rôle du département en matière de solidarité et renforce les
intercommunalités désormais organisées autour des bassins de vie.

 L’exercice des mandats électifs et des responsabilités politiques a été redéfini :

Loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de
leur mandat.

Lois organique et ordinaire du 14 février 2014 interdisant, à partir de 2017, le cumul


de fonctions exécutives locales avec le mandat de parlementaire national ou
européen.

Lois organique et ordinaire relatives à la transparence de la vie publique du 11


octobre 2013 qui ont notamment pour objet de prévenir les conflits d’intérêts pour les
élus locaux et nationaux, ainsi que d’assurer la transparence démocratique. Elles
créent la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), autorité
administrative indépendante, qui remplace, avec des pouvoirs et des moyens
élargis, la Commission pour la transparence financière de la vie politique.

 Des continuités peuvent être observées entre, d’une part, la loi du 16 décembre 2010 et les
textes précédents et, d’autre part, les réformes entreprises à partir de 2012, certes avec des
évolutions : amplification du phénomène de métropolisation avec la création par la loi de trois
grandes métropoles de nature différente (Paris, Lyon, Aix-Marseille) et de métropoles de droit
commun, achèvement et rationalisation de la carte de l’intercommunalité, meilleure définition
du chef-de-filat et volonté de clarifier les compétences locales, etc.

En revanche, une modification du paysage territorial a été engagée avec la nouvelle carte
des régions, dans le cadre de laquelle ont eu lieu les élections régionales de décembre 2015.
La disparition des départements, telle qu’elle avait été envisagée par le Gouvernement en

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2014, aurait entraîné une transformation plus profonde, mais face aux nombreuses
résistances des élus locaux, notamment dans les départements les moins urbains, cette
réforme a été abandonnée.

Conclusion
L'organisation territoriale de la France repose sur un clivage « simple » entre État et collectivités
territoriales.

On rappellera d'abord que la déconcentration correspond à l'organisation de l'État dans les territoires,
alors que la décentralisation correspond aux transferts de compétences de l'État vers les collectivités
locales.

Schématiquement on peut dire que l'État assure les cinq missions traditionnellement qualifiées de
régaliennes :

 Justice, Défense, Sécurité, Monnaie, Diplomatie

et qu’au surplus il est garant de l'égalité des citoyens devant la loi, et conserve le pouvoir et le devoir
d’intervenir en cas de difficultés majeures ou d'absence de gestion locale.

Quant aux collectivités de rang « inférieur », depuis une trentaine d'années, elles se voient confier de
plus en plus de compétences. On constatera d'ailleurs que la séparation entre les compétences de
l'État et celle des collectivités territoriales est perpétuellement remise en question,

 à la demande des élus locaux


 mais aussi sous l’effet des difficultés financières de l’Etat

Les collectivités ont bénéficié de compétences de plus en plus grandes. L'État central se recentre sur
les missions régaliennes, et l’égalité de tous. Il tend donc à transférer de plus en plus de compétences
aux échelons infranationaux (régions, départements, métropole, pôle métropolitain, intercommunalités
diverses, communes, établissements publics de coopération intercommunale). Ce mouvement
centrifuge a longtemps rencontré l'adhésion des élus locaux qui étaient persuadés de pouvoir faire
mieux que l'État, et pour moins cher. Compte tenu des difficultés financières que rencontre l'État
central il n'hésite pas à satisfaire une demande accrue et continuelle de compétences de la part des
collectivités.

Ainsi dès 1982 la loi applique au département et aux régions la règle dite de « clause générale de
compétence », jamais vraiment définie, mais reprenant une ancienne formule figurant dans une loi de
1884 et actant que « le conseil municipal règle, par ses délibérations, les affaires de la commune ».
L'organisation territoriale repose également sur la libre administration des collectivités (article 72 de la
constitution), en application d’une forme du principe de subsidiarité censé permettre une plus grande
proximité des citoyens.

Il s'agit là d'une clause définissant la capacité juridique dont disposent toutes les collectivités pour
prendre des actes de gestion quand ceux-ci la concernent. Mais on rappellera que cette clause ne
saurait être interprétée comme une autorisation pour agir sans limite. Les collectivités territoriales ont
vu leurs domaines de compétences être régulièrement redéfinis.

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Par ailleurs il ne faut pas sous-estimer les conséquences de ces transferts pour l'État lui-même.
Pendant longtemps il était le financeur, le décideur, de tout ; son rôle a évolué vers celui de
facilitateur. Il n'est plus acteur, mais plutôt chef d'orchestre des politiques locales. Au nom du principe
d'égalité des citoyens, il harmonise les différentes politiques. En effet le principe d'égalité des citoyens
interdit une différence de traitement des situations individuelles selon la commune, le département ou
la région. C’est un point central qu'il faut garder à l'esprit : le baccalauréat à la même valeur qu'on l'ait
obtenu à Lille à Perpignan ou dans une commune de 20 000 habitants ; où qu'on l'ait obtenu, il permet
l'accès à l'université. Cela semble évident mais il n'est pas inutile de rappeler que ce n'est pas le cas
en Allemagne par exemple. Chez nos voisins, l'absence d'harmonisation se traduit par une
dévalorisation ou une sur valorisation de diplômes pourtant de rang identique. L'université de Berlin
par exemple n'est pas tenue d'accepter un étudiant voulant s'inscrire avec un diplôme d'accès obtenu
dans un Lander dont elle estime qu'il n'assure pas un niveau de formation suffisant.

Notre État reste donc le garant de l'égalité, ce qui nécessite qu'il harmonise, coordonne, l'action des
collectivités.

Mais ce principe d’égalité trouve ses limites avec la décentralisation : inégalités entre les
citoyens du fait de politiques locales différentes, transfert de ressources insuffisants… alors même
que les collectivités réalisent 70% du total des investissements publics. Les territoires sont marquées
par de grandes inégalités (Sevran vs Courbevoie) car le potentiel fiscal n’est pas le même et que les
populations non plus (plus de besoins dans secteurs défavorisés). Les inégalités territoriales sont
fortement marquées voire parfois caricaturales (Cf Région parisienne). La situation dans certains
quartiers remet même en question l’indivisibilité de la République comme le dénoncent de nombreux
élus de banlieue (cf Maire de Sevran). Selon un rapport du CESE (« réduction des inégalités
territoriales »), les dépenses de collectivités locales de tailles et de types identiques varient très
fortement (de 1 à 3 pour les communes, de 1 à 1,5 pour les départements).

L’enjeu majeur est la réduction de ces inégalités notamment par un renforcement de la péréquation
locale notamment horizontale. L’Etat en tant que garant de l’égalité et de la cohésion sociale est en
première ligne.

Par ailleurs, le CESE a dans un récent rapport souligné que la Réate était accélératrice d’inégalités
entre territoires.

Depuis les Lois Deferre (Acte I), soit une génération, l’organisation de l’Etat est ainsi passée d’une
centralisation historiquement efficace à une décentralisation « en devenir » ou tout du moins en «
recherche d’équilibre».

L’extension des compétences n'est pas remise en question, loin de là, mais après un certain
émiettement en faveur des petites collectivités, on constate un mouvement de « recentralisation » non
pas au profit de l'État, mais au profit de structures regroupant différentes collectivités
(intercommunalité). Dans un contexte de difficultés financières et de baisse des concours de l’Etat,
c’est un mouvement inévitable et souhaitable pour faire face à émiettement français.

L’enjeu est aussi et surtout se d’adapter au monde moderne :

 métropolisation : les politiques publiques locales doivent changer d’échelle (enfin le


grand Paris pour traiter questions de logement, aménagement…)

 régionalisation dans le cadre européen et mondialisation : attractivité des territoires…

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Les dernières lois (réforme territoriale de 2010, loi sur la modernisation de l’action publique territoriale
et l’affirmation des métropoles, loi Notre, fusion des régions,…) vont dans ce sens.

L’Etat a un rôle fondamental pour organiser cette mutation territorial aussi bien du point de vue de
l’administration déconcentrée de l’Etat que des collectivités. Cela est intimement lié.

Si le retour au centralisme est peu probable, l’évolution récente de l'administration de l'État et de ses
relations avec les collectivités locales semble avoir montré ses limites. Dans un contexte européen,
une évolution vers des régions plus ou moins autonomes, ou fédérées, n’est pas à exclure.

En effet on voit se développer une coopération transfrontalière, comme par exemple dans « l'arc
méditerranéen », classiquement défini géographiquement de Barcelone à Milan.

L'État, comme toute institution vivante, est constamment amené à se réformer et à se moderniser. Il
faut donc comprendre que les évolutions récentes n'ont pas vocation à être définitives mais qu'elles
constituent des étapes. Si les modifications incessantes peuvent parfois agacer ou désorienter les
citoyens, elles doivent être comprises comme la preuve de la vitalité d'un État moderne en perpétuelle
adaptation à un monde en changement.

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