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EN IMAGES

Cultes ! 10 œuvres qui


vont vous donner des
cauchemars
Par Pauline Debroux • le 28 octobre 2022 à 18h10

Des monstres effroyables du Moyen Âge aux


visions macabres du romantisme noir en
passant par les scènes gores du baroque, les
artistes n’hésitent pas à jouer des pinceaux
pour donner vie à nos pires cauchemars. À
l’approche d’Halloween, voici 10 œuvres qui
risquent de venir hanter longtemps vos nuits.

LANCER LE DIAPORAMA

Matthias Grünewald, Retable dʼIssenheim. La Tentation i


de saint Antoine (détail), 1512-1516

La plus monstrueuse
Malgré leurs couleurs flamboyantes, quelles
effroyables créatures ! Issu du Retable d’Issenheim
peint par Matthias Grünewald (1475/1480 – 1528), ce
panneau illustre un thème récurrent au Moyen Âge,
celui de la Tentation de saint Antoine. L’œuvre
provient de l’église de la préceptorie d’Issenheim, où
les malades et pestiférés étaient amenés dans
l’espoir d’un miracle de saint Antoine en leur faveur.
La légende raconte que ce dernier était parti vivre
dans le désert, où il fut assailli par des monstres
envoyés par le Diable afin d’empêcher son ascension.
Ici, l’infortuné apparaît mordu, tiré, piétiné par des
bêtes difformes et parfois grotesques (comme le troll
de droite louchant, la morve au nez) dans un décor
apocalyptique. Dans le coin inférieur gauche, une
figure à moitié humaine agonise : son corps gris et
verdâtre est parsemé de pustules et sa main gauche,
qui n’est plus qu’un moignon, laisse supposer qu’il
s’agit d’un lépreux. Sa présence souligne la nécessité
de penser au salut de son âme, au risque de se
retrouver frappé par les maladies les plus affreuses. À
méditer…

tempera et huile sur bois • 269 × 307 cm • Coll. musée Unterlinden,


Colmar • © Collection Dagli Orti / Musée Unterlinden Colmar /
Gianni Dagli Orti / Aurimages

Pierre Paul Rubens, Tête de Méduse, 1612 i

La plus gore
Attention aux serpents ! Entre nature (très) morte et
peinture d’histoire, cette Tête de Méduse grouillante
et gore à souhait est l’œuvre de Pierre Paul Rubens
(1577 – 1640), virtuose dans le rendu des chaires
(fraîches ou nécrosées). Cette figure mythologique à
la chevelure reptilienne, qui pétrifiait quiconque osait
soutenir son regard, finit décapitée sous le glaive de
Persée. Morte, la Gorgone au teint verdâtre et au
regard exorbité n’en est pas moins terrifiante ; elle
est de plus entourée d’une horde de bêtes
repoussantes, tels que des scorpions, araignées ou
lézards. Le léger clair-obscur – typique du
mouvement baroque – renforce le côté tragique et
théâtral de cette œuvre au réalisme saisissant.

Huile sur toile • 68,5 x 118 cm • Coll. Kunsthistorisches Museum,


VIenne • © akg-images / Erich Lessing

Johann Heinrich Füssli, Le Cauchemar, 1781 i

La plus angoissante
Connaissez-vous la paralysie du sommeil ? Cet état,
entre éveil et torpeur, provoque une sensation
d’angoisse étouffante, que Johann Heinrich Füssli
(1741 – 1825) illustre avec brio en plusieurs tableaux,
dont celui-ci. On y voit une jeune femme plongée
dans un sommeil de morte, dans une scène où
monstruosité et sensualité vont de pair : ce qui
semble être un démon trône sur son ventre, et une
tête de cheval, spectrale et ahurie, fait irruption
derrière le rideau à l’arrière-plan. Ce dernier élément
est une interprétation littérale du terme anglais
« nightmare » (« cauchemar »), que l’on pourrait
traduire par « jument de nuit ». Au-delà de cette
vision étrange et stupéfiante, l’artiste nous offre une
représentation de la sensation physique même
produite par le cauchemar dans cette œuvre dont la
compréhension a considérablement évolué au cours
du temps. Aujourd’hui, beaucoup de critiques y
voient une scène sexuelle, anticipant les idées de
Sigmund Freud quant au subconscient. Faites de
beaux rêves…

Huile sur toile • 101,6 x 127cm • Coll. Detroit Institute of Arts • ©


Superstock/Leemage

Francisco de Goya y Lucientes, Le sabbat des sorcières, i


1797-1798

La plus ensorcelée
Cette œuvre, pleine de détails étranges et glauques,
fait partie d’un cycle satirique de huit toiles que la
duchesse d’Osuna destinait au cabinet personnel de
sa résidence de campagne près de Madrid. L’artiste
Francisco de Goya (1746–1828) représente ici le
thème de la sorcellerie qui tient une place toute
particulière dans ses dernières œuvres, et qui
jouissait d’une grande popularité en Espagne. On y
voit un groupe assis en cercle procédant au rituel du
sabbat qui, d’après la superstition, consistait à
sacrifier un enfant au diable (ici en plus du
nourrisson offert, des cadavres de bébés
squelettiques gisent un peu partout), dont le bouc
était traditionnellement l’incarnation. Les
expressions grotesques et démoniaques des
personnages traduisent les souffrances de l’âme
humaine, et la position de la femme au premier plan,
qui cache les parties génitales du bouc, suggère un
acte sexuel. Festif !

Huile sur toile • 40 x 30 cm • Coll. Fondation Lazaro Galdiano,


Madrid • © Mirar abajo

Horace Vernet, La Ballade de Lénore, 1839 i

La plus gothique
Représentant du romantisme, Horace Vernet (1789 –
1863) dépeint ici une scène tirée d’un conte gothique
allemand du XVIIIe siècle : Lénore attend
désespérément le retour de son bien-aimé parti à la
guerre mais, lassée d’attendre, elle blasphème, ce qui
lui vaut d’être enlevée par un cavalier noir qui
l’emmène vers le royaume des morts. Ici, elle est
représentée apeurée, s’agrippant pour ne pas tomber
et laissant échapper un cri d’effroi. Le cadre du
cimetière (le cheval saute un gisant royal) renforce
l’atmosphère sinistre. Le visage de la jeune femme
est éclairé par la lumière fantastique émanant du
casque du chevalier, visière relevée. Avec cette
œuvre, l’artiste cherche à démontrer que la mort
triomphe de l’amour. Réjouissant.

Huile sur toile • 61 x 55 cm • Coll. msuée des Beaux Arts de Nantes •


© Bridgeman Images

Franz Von Stück, Lucifer, vers 1890 i

La plus infernale
Un regard fou, un décor ténébreux, des ailes noires
comme la nuit : le Lucifer du peintre allemand Franz
Von Stück (1863–1928) donne la chair de poule.
Fasciné par les figures du mal, l’artiste représente ici
un être sculptural émergeant des ténèbres et fixant le
spectateur de ses yeux phosphorescents et
dépourvus d’iris. La seule touche de lumière,
reléguée au fond de la caverne, signale habilement la
déchéance de l’ange « porteur de lumière », ainsi que
l’indique son nom en latin, qui semble prêt à nous
bondir dessus. Sa position étrange, l’épaule déboitée
et le visage fermé soutenu par une main crispée,
renforcent le sentiment de malaise et de terreur. Von
Stück, qui fut un des fondateurs de la Sécession
viennoise aux côtés de Gustav Klimt, suit plutôt le
chemin de son compatriote Arnold Böcklin en
cultivant un symbolisme noir grandiloquent. Pas de
quoi effrayer toutefois le roi de Bulgarie Ferdinand Ier
qui fit l’acquisition de l’œuvre en 1891.

Huile sur toile • 161 x 152 cm • Coll. National Gallery for Foreign Art,
So]a • © akg-images

Alfred Kubin, LʼŒuf i

La plus freudienne
Cette improbable femme-œuf sort tout droit de
l’imaginaire fou et débridé du dessinateur et écrivain
autrichien proche des symbolistes Alfred Kubin (1877
– 1959) dont le talent singulier inspirera les maîtres
de l’horreur H.P. Lovecraft et Franz Kafka. Son œuvre
bizarre, obsédée par la difformité et les forces
obscures, travaillée autant par les pulsions sexuelles
que par la mort, offre une excellente traduction
visuelle des théories contemporaines de Sigmund
Freud sur l’inconscient, mais aussi sur le concept
d’« inquiétante étrangeté », c’est-à-dire du « malaise
né d’une rupture dans la rationalité rassurante de la
vie quotidienne ». Moitié squelette, moitié
humanoïde, la figure émerge ici de l’obscurité près
d’une tombe, devant une idole bouddhique. Une
référence au suicide que l’artiste tourmenté tenta de
commettre sur la tombe de sa mère ?
Incontestablement, la palme du glauque.

Eau-forte • 31,5 x 39,1 cm • Coll. Graphische Sammlung Albertina,


Vienne • © akg-images / Archives CDA

Julien Adolphe Duvocelle, Crâne aux yeux exorbités et i


mains agrippées à un mur, vers 1904

La plus macabre
Vous aussi, vous visualisez ce crâne penché sur votre
lit ? Ses mains squelettiques agrippées au mur et ses
globes oculaires luisants font froid dans le dos. Cette
vision macabre est le fait de Julien Duvocelle (1873 –
1961), peintre académique formé aux Beaux-Arts, qui
détourne le thème classique de la vanité et des
memento mori avec cette figure morbide et
grotesque. Les effets d’ombre et de lumière sont
rendus avec habileté, et ce rictus évoque les
squelettes moqueurs des danses macabres du
folklore médiéval. L’effet glaçant est d’autant plus
accentué par le cadre de l’œuvre qui joue avec
l’alignement des os comme dans les catacombes.
Viva los Muertos !

Dessin au crayon, fusain • 36 x 25 cm • Coll. musée d'Orsay, Paris •


© DR © Musée d'Orsay, dist. RMN-GP / Jean-Gilles Berizzi

Gustav-Adolf Mossa, Elle, 1905 i

La plus vénéneuse
Ne vous fiez pas à son visage de poupée ! À y
regarder de plus près, on distingue un monticule de
cadavres masculins nus et ensanglantés, sur lequel
cette figure aux formes généreuses trône avec
indifférence. Coiffée d’un chignon paré de deux
corbeaux noirs, de trois crânes humains et avec, au
creux de ses cuisses, un chat désignant son sexe, elle
est une allégorie de la prostitution. Emblématique du
thème de la femme fatale et perverse cher aux
symbolistes (ah, la misogynie fin-de-siècle !), Elle est
toutefois le pur produit de l’univers vénéneux et
étrange propre à Gustav-Adolf Mossa (1883 – 1971),
artiste méconnu dont l’œuvre préfigure d’une
certaine manière le surréalisme, voire l’esthétique
manga.

Huile sur toile • 78 x 62 cm • Coll. musée des Beaux Arts de Nice • ©


SuperStock/Leemage

Ivan Le Loraine Albright, Portrait de Dorian Gray, 1943- i


1944

La plus hideuse
Dans le roman fantastique et décadent d’Oscar
Wilde, Dorian Gray, jeune dandy vaniteux, fait le
souhait de ne jamais vieillir : son portrait s’en
chargera à mesure que l’âme du bellâtre noircira.
Réalisé par Ivan Albright (1897 – 1983) pour les
besoins de l’adaptation cinématographique d’Albert
Lewin en 1945, ce tableau donne corps à la fiction :
terrifiant, il reflète le caractère corrompu du
personnage principal au moyen d’une minutie
extraordinaire dans les détails, donnant une
impression de pourriture grouillante et dévorant la
toile. Les couleurs, éclatantes et psychédéliques,
procurent un sentiment oppressant, et traduisent la
folie du personnage à la fin du récit. L’artiste
américain était connu pour son réalisme outrancier,
cherchant à capturer la décrépitude de la société de
son temps, au point qu’une de ses œuvres, jugée trop
immonde, fut décrochée d’une exposition en 1929…

Huile sur toile • 215,9 x 106,7 cm • Coll. The Art Institute of Chicago
• © Bridgeman Images

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