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Insécurité aux frontières du Cameroun

Rodrigue Nana Ngassam


Dans Études 2014/3 (mars), pages 7 à 16
Éditions S.E.R.
ISSN 0014-1941
DOI 10.3917/etu.4203.0007
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internat i o n a l

insécurité aux frontières


du Cameroun
Nana Ngassam Rodrigue

De nombreux facteurs contribuent à déstabiliser la situation


dans plusieurs États africains. La situation au Cameroun est
caractéristique de cela. La porosité des frontières est un pro-
blème sérieux. Cela invite à renforcer la coopération internatio-
nale, au sein de l’Afrique et parmi les pays qui sont concernés
par son développement.

L ongtemps considéré comme un havre de paix, une terre d’accueil,


un pays de prospérité où il fait bon vivre, le Cameroun paraît
aujourd’hui victime de son hospitalité. La dimension géopolitique et
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stratégique du pays le rend sensible à un ensemble de menaces sur
le plan sécuritaire. Alors que la sous-région fait face à une vague de
violences, la situation humanitaire aux frontières du Cameroun, du
Nigeria et de la République Centrafricaine, se dégrade de jour en jour.
L’insécurité transfrontalière progresse, faisant des victimes parmi les
populations civiles. Elle résulte des mouvements de rébellions armés
comme la Séléka, le Mouvement d’émancipation pour le delta du Ni-
ger (Movement for the Emancipation of the Niger Delta, MEND), les
Bakassi Freedom Fighters (BFF), le Front démocratique du peuple cen-
trafricain d’Abdoulaye Miskine ou encore des forces armées centra-
fricaines en déroute, auxquels s’ajoutent des attaques des coupeurs de
route, des organisations criminelles ou terroristes à l’image de Boko
Haram qui, depuis un certain
Doctorant en Études Internationales à temps écument le territoire ca-
l’Université de Douala au Cameroun.
merounais. Le pays porte désor-

études • Mars 2014 • n°4203 • 7

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mais l’estampille de « zone à risque » à l’image de l’océan de sable
sahélien connu pour ses groupes terroristes et ses hordes de criminels
qui ont fait de cet espace une zone de non-droit.
L’insécurité transfrontalière, ensemble d’actes délictueux dont les
auteurs, les victimes et les répercussions vont au-delà des frontières
étatiques, s’inscrit donc dans les réseaux et un ensemble d’activités
à caractère criminel, comme le terrorisme, les enlèvements et prises
d’otages, le banditisme par bandes armées, la piraterie maritime, les
insurrections et les pillages. Dans cet ensemble d’activités, la frontière
sert de balancier entre l’État où est illicitement prélevée la ressource,
souvent violemment, et celui où elle est stockée ou écoulée. Cette orga-
nisation spatiale confère aux activités concernées une portée interna-
tionale et favorise la connexion à des réseaux globaux de criminalité.
Ces nouvelles menaces de tout type sont des facteurs de déstabilisa-
tion au regard de ce qui se passe à l’Est du Cameroun (frontière avec
la Centrafrique), au Nord (avec le Nigeria) et au Sud-Ouest (du côté
du golfe de Guinée). Le scénario des attaques et le mode opératoire
des assaillants sont d’autant plus redoutables que, la plupart du temps,
ceux-ci commettent leur forfait et disparaissent sans être inquiétés.
Devant cette situation fortement incertaine, dans un climat d’insécu-
rité généralisé difficilement contrôlable, faut-il craindre le pire ?
La brutalité des événements qui agitent les frontières camerou-
naises en ce moment doit être prise au sérieux et considérée comme
un signe avant-coureur capable de remettre en question la stabilité et
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la paix sociale observées dans cet État, et sur lesquelles celui-ci avait
fondé ses acquis. Plus qu’hier, on assiste à la montée en force d’une
insécurité frontalière et transfrontalière qui se développent de façon
sournoise sur un mode métastasique. Leur dangerosité est d’autant
plus forte que leur visibilité est faible. Dès lors, comment comprendre
cette escalade de violence aussi bien aux frontières que sur le sol ca-
merounais, et quelles stratégies d’anticipation faut-il mettre en œuvre
pour retourner la situation face à des forces transnationales qui me-
nacent l’État et sa population ?

Les défaillances étatiques

L’insécurité transfrontalière actuelle au Cameroun résulte de


l’imbrication entre de nouveaux facteurs participant à sa structura-

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tion et de traces d’un passé trouble qui produisent encore leurs effets,
que l’on peut qualifier de facteurs anciens. On commencera par ces
derniers.
Un premier facteur est la défaillance des États. Pour de nombreux
experts, les États postcoloniaux demeurent incapables de parachever
leur autorité sur leur territoire. Le grand ensemble constituant leur
espace reste sous-administré et souffre d’une mauvaise gouvernance
chronique hypothéquant leur avenir. L’insécurité actuelle dans les
limes camerounais, montre par exemple à quel point l’État du Came-
roun et les pays frontaliers sont dans une telle situation. Pays aux six
frontières, se constituant comme le pivot géostratégique des échanges
et des menaces transfronta-
lières de toutes sortes, dont les L’appareil étatique a été
indications sont centrées, d’une
souvent privilégié au détriment
part sur sa position d’entrée et
de sortie de presque tous les
de l’édification nationale
pays de la sous-région (le Tchad
au Nord, la Guinée Équatoriale, la République du Congo, le Gabon au
Sud, la RCA à l’Est) et de la CEDEAO par le Nigeria, et par le golfe de
Guinée, d’autre part, par sa caractéristique d’oasis de paix et de sécu-
rité pour les populations réfugiées, le Cameroun tout comme le reste
de ses voisins demeure confronté à des problèmes de capacité et/ou de
stabilité institutionnelle et sociopolitique. Cette fragilité étatique est
nourrie par une crise de la gouvernance liée elle-même à une corro-
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sion de la légitimité. Elle s’enracine dans les difficultés de la construc-
tion nationale, dans laquelle l’appareil étatique a été souvent privilé-
gié au détriment de l’édification nationale. L’émergence de rébellions
identitaires et centrifuges en constitue un marqueur.
De plus, les insuffisances dans la démarcation des frontières et
la fluidité de celles-ci, qui en font des espaces favorables aux embus-
cades, constituent la problématique centrale en alimentant les risques
de déstabilisation et de conflits armés. Les faibles capacités des États,
conjuguées à des zones frontalières immenses pouvant s’étendre sur
plusieurs centaines de kilomètres, la porosité des frontières et les soli-
darités transfrontalières dans des aires culturelles qui transcendent
les limites des États de la sous-région, rendent possibles les déplace-
ments incontrôlés de personnes et de biens divers, licites ou illicites,
et contribuent à faciliter par la même occasion le développement des
bandes terroristes et de la grande criminalité. De même, la faible coo-

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pération entre les forces de l’ordre, les limites du droit de poursuite,
la dissémination des armes en dépit des efforts de désarmement civil,
qui se traduit par un accès facile au marché noir et par la constitu-
tion d’arsenaux privés, la corruption, l’ambivalence du rôle des chefs
traditionnels frontaliers, et le problème de la sécurisation de la natio-
nalité1 sont autant de facteurs qui génèrent l’insécurité aux frontières
camerounaises.

Les ingérences étrangères

Un autre facteur est l’existence d’ingérences étrangères. Le Ca-


meroun, tout comme le reste des États de la sous-région de l’Afrique
Centrale, est au cœur des rivalités et convoitises des puissances exté-
rieures. Des acteurs multiples – États, entreprises multinationales,
cartels divers… – sont attirés par cet espace de fragilités et s’insèrent
avec leurs propres stratégies. Au cœur de ces rivalités nouvelles,
l’Afrique, riche de ses matières premières, de ses ressources hydro-
électriques et solaires, de ses 60 % de réserves mondiales de terre
cultivables redevient une priorité mondiale avec une incitation forte
à l’ingérence2. Les convoitises sur ces ressources induisent le dévelop-
pement de menaces qui peuvent déboucher sur des conflits violents et
une insécurité déstabilisatrice. Ces acteurs sont en mesure de contri-
buer au financement des armées ou des polices d’État, mais aussi
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de les corrompre, de créer des leurres, de monter une armée privée,
d’armer des rébellions et des dissidences, etc. Leur capacité d’action
est puissante et significative, ce qui est susceptible d’avoir un impact
durable sur les équilibres des États de la sous-région et de permettre
à des États en rivalités pour la prise de contrôle des richesses, de se
positionner économiquement et militairement.
Aujourd’hui, le nouveau contexte mondial remet en question
les paradigmes qui ont fondé les relations Nord-Sud3. Les puis-
sances européennes – la France avec Elf (devenue Total), la Grande-

1. On retrouve dans ces zones frontalières avec le Cameroun de nombreuses personnes détentrices
de multiples cartes d’identité.
2. Colonel Michel Goya (IRSEM), « De nouvelles formes de conflictualité en Afrique », 50 ans de
défense et de sécurité en Afrique : États et perspectives stratégiques, Colloque International de
Simbock (13 et 14 avril 2011), p. 18.
3. Hugon Philippe et Charles-Albert Michalet (dir.), Les nouvelles régulations de l’économie
mondiale, Éd. Karthala, 2005.

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Bretagne et les Pays-Bas avec British Petroleum et Shell – ont long-


temps dominé le jeu pétrolier dans les anciennes colonies. La France a
cherché à se constituer un espace vital énergétique autonome. La situa-
tion postcoloniale des chasses gardées et des rapports entre les trois
E (Élysée, Elf, État-major militaire) a disparu ou du moins s’est forte-
ment transformée. Le jeu est devenu plus complexe et moins transpa-
rent avec l’arrivée de nouveaux acteurs, notamment chinois, cherchant
à être présents sur ces territoires par des pratiques peu claires (prêts
à taux zéro ou rémunérations en nature). Pris dans cet étau et par
crainte de perdre son « pré carré », la France n’a pas l’intention de par-
tir, contrairement à ce qui a été dit jusqu’à aujourd’hui quant à la fin
d’une « Françafrique ». Elle est ainsi prise dans un dilemme : intervenir
en étant taxée d’ingérence ou laisser faire, signe d’indifférence, voire
d’acceptation du pire, quitte à recevoir de vives critiques.

L’impact des crises locales

Quelle que soit l’importance de ces facteurs, l’insécurité trans-


frontalière au Cameroun s’est aggravée. Un premier élément est la crise
centrafricaine, autrement dit, l’insécurité grandissante en RCA avec
la prolifération des armes dans les zones frontalières de ces deux pays.
La transition démocratique en Afrique Centrale se révèle belligène
dans la plupart des cas4. Face aux démocratisations bloquées, l’armée
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a été la productrice d’alternance, mais c’est généralement d’une armée
milicienne qu’il s’agit, dès lors que ses éléments sont recrutés sur des
bases affinitaires5. Cependant, dans cette situation de déchéance de la
fonction présidentielle, il peut y avoir émergence de réseaux criminels
qui tirent parti de l’instabilité chronique qui s’installe. Le récent coup
d’État qui a eu lieu en République Centrafricaine et qui a mis un terme
au règne de dix ans de François Bozizé Yangouvonda le 24 mars 2013,
marqué par sa fuite au Cameroun, est le dernier exemple en date. Son
départ a généré une instabilité. La récurrence et la pluralité des formes
de violences rendent difficile le contrôle des zones frontalières entre
4. Les conditions de remplacement de Hissène Habré au Tchad, Mobutu Sese Seko au Zaïre,
Pascal Lissouba au Congo Brazzaville, d’Ange Félix Patassé et récemment de François Bozizé en
Centrafrique sont des cas révélateurs du problème de gouvernance que l’on rencontre en Afrique
centrale et dans le reste du continent.
5. Saibou Issa, « La prise d’otages aux confins du Cameroun, de la Centrafrique et du Tchad : une
nouvelle modalité du banditisme transfrontalier », Polis/R.C.S.P./C.P.S.R., Vol. 13, Numéros 1-2,
2006, p. 126.

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la Centrafrique et le Cameroun. Au nombre des entreprises crimi-
nelles figure notamment l’exacerbation du mouvement rebelle Séléka
aux frontières camerounaises avec le risque de répercussions graves et
préjudiciables à la paix, à l’harmonie sociale, à la stabilité politique et
à la sécurité du Cameroun.
La Séléka a multiplié de nombreuses attaques sur des villes du
département de l’Est du Cameroun. Le scénario des attaques et le
mode opératoire des assaillants sont souvent extraordinaires et théâ-
traux, voire héroïques. Ces individus disposent généralement d’une
artillerie de guerre de qualité : AK47, lance-roquettes, grenades, etc.
Ils maîtrisent l’environnement, connaissent les entrées et sorties des
villes dans lesquelles ils opèrent. Si l’existence de complicités locales
ou d’éventuelles connivences n’a pas été prouvée quant à un quel-
conque soutien à cette coalition de forces rebelles qui agit depuis sur
le territoire camerounais sans être inquiétée, la menace qu’on semble
sous-estimer devrait être prise au sérieux. Et comme le dit Guy
Mvelle6, « tant que le Cameroun demeurera un îlot de paix dans un
océan d’instabilité, et surtout un pays riche en ressources diverses,
il est quasi évident qu’il subira toujours, à un moment où à un autre
des invasions, des attaques et des agressions venant des pays voisins ».
Confronté au crime organisé et à la montée du terrorisme, le Came-
roun est aujourd’hui une cible. L’interconnexion entre les trafiquants
et les groupes terroristes qui écument ses frontières est une illustration
supplémentaire des dangers que court le pays sur le plan sécuritaire.
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Banditisme et terrorisme
La fluidité des frontières est à l’origine d’un banditisme trans-
frontalier grandissant accompagné des trafics en tout genre qui pul-
lulent dans la sous-région d’Afrique Centrale. La mondialisation a
facilité le phénomène et l’a fortement amplifié. La libre circulation
des capitaux et des personnes, la déréglementation, l’affaiblissement
des contrôles publics ont favorisé l’essor d’une économie parallèle où
s’échangent illégalement des biens licites et celui d’un marché pour
l’échange des biens illégaux. Le commerce des stupéfiants est au cœur

6. Guy Mvelle est docteur en Science politique et enseignant à l’Université de Yaoundé II-Soa, à
l’Institut des Relations Internationales (IRIC), à l’École d’état-major et au Cour supérieur interarmées
de défense de Yaoundé.

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de cette économie souterraine où l’on trouve aussi le commerce illégal


des diamants, des bois tropicaux, des animaux, des armes (lourdes ou
légères), et tous les trafics possibles autour du corps humain. De mul-
tiples groupes criminels comme les coupeurs de route7 et les pirates8
participent à cette économie souterraine, parfois avec la complicité
de dirigeants politiques. Le Cameroun, le Tchad et la Centrafrique,
qualifiés de « triangle de la mort », en opposition à l’autre triangle
« de l’opulence » (Cameroun, Gabon et Guinée Équatoriale), voient
se développer cette insécurité chronique9. Cette zone est entourée de
foyers de tensions de toutes natures, à savoir la partie Sud du Congo,
le Tchad, la RCA, le Darfour, les Grands Lacs10. Ce climat d’insécu-
rité généralisé se renforce de jour en jour avec l’acuité de la menace
terroriste.
Tout comme la région sahélienne, l’Afrique Centrale et en parti-
culier le Cameroun font l’objet d’une progression de la menace terro-
riste. Certes, il est vrai que la menace d’Al-Qaïda et d’un islam radi-
cal ne paraît pas imminente comme dans la zone sahélo-saharienne.
Mais on sait également que le terrorisme religieux islamique peut
muter relativement vite en d’autres formes sous une autre couverture.
La globalisation ne fait pas seulement des vainqueurs et des profi-
teurs, mais elle produit également beaucoup de perdants et d’exclus11.
Comme ils l’ont toujours fait, les groupes terroristes restent mobiles
et circulent librement dans des vastes espaces aux frontières incon-
trôlables. Les poussées de violence du mouvement Boko Haram ne
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cessent de s’étendre en « tache d’huile » du Nigeria au Cameroun via
l’extrême Nord de ce dernier où elle semble avoir une base arrière, et
avec le phénomène des prises d’otages. Il en est de même pour les BFF
et pour le MEND, deux groupes de rébellion déjà mentionnés, qui
contribuent à la violence et à l’enracinement de l’insécurité transfron-
talière au Cameroun.

7. Voir Djimtoloum Rangar, « La prolifération des ALPC et le phénomène des coupeurs de route en
Afrique centrale : quel rôle pour la société civile ? Lutte contre la circulation des armes légère et le
phénomène des coupeurs de route en Afrique centrale : quel rôle pour la société civile ? », Fondation
Friedrich Ebert, Yaoundé, 2006.
8. Voir à ce sujet Joseph Vincent Ntuda Ebode (dir.), « Terrorisme et Piraterie : De nouveaux enjeux
sécuritaires en Afrique Centrale », Fondation Friedrich Ebert, Yaoundé, février 2010.
9. Etanislas Ngodi, « L’Afrique centrale face aux nouveaux enjeux sécuritaires du XXIe siècle »,
Codesria, 13e Assemblée Générale, Rabat-Maroc, 5-9/12/2011, p. 8.
10. Claude ABE, « Pratiques et productivité de la criminalité transfrontalière en Afrique centrale :
l’exemple des Zarguina », Bulletin de l’APAD, n° 25, 2003.
11. Joseph Vincent Ntuda Ebode (dir.), « Terrorisme et Piraterie : De nouveaux enjeux sécuritaires en
Afrique Centrale », Fondation friedrich Ebert, Yaoundé, février 2010, p. 11.

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Des perspectives stratégiques et tactiques

La lutte contre l’insécurité transfrontalière au Cameroun ne sau-


rait se concevoir sans la mise en place d’une politique nationale sécu-
ritaire et répressive et sans une action concertée de solidarité adaptée
et de coopération à l’échelle sous-régionale, régionale et même inter-
nationale.
L’insécurité transfrontalière actuelle aux frontières camerou-
naises dicte le renforcement du dispositif sécuritaire sur l’ensemble
du territoire national. Or, l’armée camerounaise traverse une vraie
crise d’identité12. On note aujourd’hui une pression considérable au
sein de cette armée dans un contexte de tension sous-régionale. Outre
le matériel souvent ancien ou vieillissant, les actes d’indiscipline et
de corruption sapent l’opérationnalité de cette armée. De plus, un
autre constat qui semble très inquiétant est celui de la division dans
l’armée : d’un côté les unités régulières qui s’estiment mal entretenues
et mal équipées et de l’autre, les unités d’élite (Garde présidentielle,
Bataillon d’intervention rapide), mieux équipées et mieux entraî-
nées. D’où la naissance d’un malaise grandissant qui tend à créer une
rivalité de corps. Cette impuissance de l’armée camerounaise, alors
que la menace prend de l’ampleur, fait dire à certains que « l’armée
n’a plus les moyens de défendre le Cameroun13 ». Une situation for-
tement incertaine qui appelle à reconsidérer les moyens de lutte dans
leur globalité et à dégager une stratégie d’urgence, notamment pour le
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contrôle des frontières.
Il s’agit d’apporter des réponses adéquates aux menaces transfron-
talières. Selon les circonstances et les moyens, celles-ci pourront être
militaires ou non. Face à des frontières poreuses, il est important que
l’État du Cameroun ait la maîtrise de son espace géographique. Cela ne
peut se faire qu’à travers une forte présence étatique et par le redéploie-
ment d’un dispositif sécuritaire sur l’étendue du territoire national. Cela
doit s’accompagner d’un équipement et d’une logistique adaptés aux
technologies innovantes en matière de sécurité. Par ailleurs, l’éternel
problème de la corruption, qui mine l’institution sécuritaire du pays,
12. Voir Jeune Afrique, « Malaise dans les rangs de l’armée camerounaise », http://www.
jeuneafrique.com/Articles/Dossier/JA2749p020.xml0/cameroun-bakassi-paul-biya-upcmalaise-
dans-les-rangs-de-l-armee-camerounaise.html (consulté le 8 janvier 2014).
13. Lire l’interview de Victorin Hameni Bieleu, « L’armée n’a plus les moyens de défendre le Cameroun »,
http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossier/JA2749p020.xml2/cameroun-corruption-paul-
biya-armee-camerounaisevictorin-hameni-bieleu-l-armee-n-a-plus-les-moyens-de-defendre-le-
cameroun.html (consulté le 8 janvier 2014).

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doit être combattu ardemment afin de dissiper le doute et de réveiller


un esprit de patriotisme au sein des troupes. De même, une améliora-
tion des cadres juridiques nationaux est nécessaire pour combattre les
différentes formes de criminalité dans le but de consolider davantage le
système de sécurité. Au-delà des préoccupations nationales, des actions
concertées et communes sont aujourd’hui indispensables pour agir
contre toute sorte de menace.

Une coopération internationale

La nature des menaces aux frontières du Cameroun oblige ce der-


nier à mettre sur pied une collaboration étroite entre les différents
acteurs aux niveaux sous-régional (CEMAC) et régional (Union Afri-
caine). La mise en œuvre et l’efficacité d’une telle initiative dépend
de la volonté des dirigeants politiques concernés. Pour coordonner
leurs renseignements et leurs moyens de lutte, des actions concertées
sont indispensables. Ce renforcement des efforts par une perception
commune des menaces permettrait de faire disparaître des désac-
cords et des points de vue qui, pour le moment, ne convergent pas.
S’il existe déjà un ensemble de
mesures matérialisées par des
Définir une ligne d’action prenant en
rencontres bilatérales entre
chefs d’État ou multilatérales
compte les enjeux du local et du global
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dans le cadre de la CEMAC, le
récent sommet des chefs d’État et de gouvernement de la CEEAC, de
la CEDEAO et de la CGG sur la sécurité dans le Golfe de Guinée qui
s’est réuni à Yaoundé les 24 et 25 juin derniers, est un pas de plus
pour lutter contre l’insécurité transfrontalière. Une telle coopération
pourra permettre de combattre l’insécurité qui sévit dans le Golfe de
Guinée, face à laquelle la CEMAC en général et le Cameroun en par-
ticulier sont restés impuissants.
Il convient enfin de noter que la mondialisation produit des effets
pervers d’un bout à l’autre de la planète. Pour faire face à cette nouvelle
« société du risque14 », une approche globale incluant une aide inter-
nationale ou des partenaires stratégiques est nécessaire pour affronter
les menaces transfrontalières. Le Cameroun, tout comme ses voisins,
14. Ulrich Beck, La Société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, traduit de l’allemand par
Laure Bernardi, Flammarion, 2003.

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gagnerait à solliciter une aide internationale impliquant l’ONU ou des
pays avancés dans la lutte contre l’insécurité comme la France ou les
États-Unis, dans le but de renforcer son efficacité contre l’insécurité.
Il ne s’agit pas de se laisser imposer une vision mais de définir une
ligne d’action prenant en compte les enjeux du local et du global afin
de prévenir et d’anticiper l’insécurité transfrontalière. C’est pourquoi
une relation de confiance et non de suspicion, le partage du sens com-
mun de la menace, doivent faire prévaloir un impératif de stabilité,
pour une paix sociale commune à notre humanité. Le Sommet de
l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique du 6 décembre 2013 axé
sur la sécurité du continent est une bonne initiative. Car, « la sécurité
de l’Afrique, c’est aussi la sécurité de l’Europe ».

En l’état actuel des choses, le Cameroun a du mal à relever


le défi des menaces asymétriques en général, et de l’insécurité
transfrontalière en particulier. Pour sortir de cette ornière, il doit se
donner une vision, une stratégie et des moyens opérationnels appro-
priés pour le traitement desdites menaces, dans une optique de spé-
cialisation, d’opérationnalisation et de mutualisation des forces et des
efforts, aux niveaux national, régional et international, conformément
à la sécurité collective. La concertation et la coopération sont donc in-
dispensables pour la sécurité et le développement de cette sous-région
d’Afrique centrale. Dans cette optique, l’intégration régionale, qui est
encore un vœu pieux, pourrait contribuer à éradiquer ces menaces
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transnationales.

Nana Ngassam Rodrigue

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