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By NKMS2024

Faculté des Lettres et Sciences Humaines


Département de psychologie

COURS DE PSYCHOLOGIE DU TRAVAIL


Année universitaire : 2023-2024
Semestre : 1
Niveau d’étude : LICENCE 1

Partie III : INTRODUCTION A L’ERGONOMIE

Intervenant:

- Dr. Mick S. NGOULOU KOBI


Enseignant chercheur en psychologie du travail et ergonomique
Diplômé 3ème cycle en Management et Administration des Entreprises
IPRP : Intervenant en Prévention des Risques Professionnels

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PLAN DU COURS

AXE 1 : INTRODUCTION A L’ERGONOMIE


1ère Partie : Circonscription de l’ergonomie, rappel des fondements historiques et
évolution
I : Définition, objet d’étude et objectifs de l’ergonomie
A- Définition de l’ergonomie
B- L’objet d’étude de l’ergonomie
C- Les objectifs de l’ergonomie
II- Les fondements historiques et évolution de l’ergonomie
A- Les précurseurs : contexte
B- La naissance de l’Ergonomie
C- L’évolution de l’Ergonomie
1- L’enfance de l’ergonomie francophonie : 1963-1970
2- Une période de développement : 1970-1990

2ème Partie : les connaissances et les domaines de spécialisation de l’ergonomie

III- Les connaissances en Ergonomie


A- Les connaissances construites ou à construire par l’Ergonomie
1- La construction des connaissances sur l’être humain en activité
2- Les connaissances sur l’action ergonomique
B- Le type de connaissances ergonomiques ou les connaissances auxquelles l’ergonome
peut faire appel en situation d’action
IV- Les domaines de spécialisation de l’ergonomie
A- L’ergonomie physique
B- L’ergonomie cognitive
C- L’ergonomie organisationnelle

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1ère Partie: CIRCONSCRIPTION DE L’ERGONOMIE, RAPPEL
DES FONDEMENTS HISTORIQUES ET EVOLUTION

Introduction
Parallèlement à l’introduction à la psychologie du travail et à l’introduction aux théories des
organisations, nous entamons la 3e partie de cet enseignement centrée sur le champ global de la
psychologie de l’homme au travail. Cette partie d’enseignement porte sur l’« Introduction à
l’Ergonomie ».

L’objectif de cet enseignement est de fournir à l’étudiant les éléments essentiels qui lui
permettent de décrire de façon générale l’ergonomie comme discipline et comme pratique,
d’identifier ses champs de spécialisation et d’application, et enfin d’entrevoir son apport
sociétal.

Il s’articulera autour de deux parties dont la première cherche à circonscrire cette discipline et
rappelle ses fondements historiques en prenant en compte son évolution ; et la seconde partie
porte sur ses apports en tant que discipline contributrice à la création des savoirs et sur ses
domaines de spécialisation.

I- Circonscription de l’ergonomie

A- Définition de l’ergonomie
L’ergonomie est une discipline relativement récente. Le terme vient du grec ‘’Ergon’’, c’est-à-
dire : le travail, et de ‘’Nomos’’ qui veut dire : la règle ou les lois. Etymologiquement,
l’ergonomie signifie donc la ‘’loi du travail ou science du travail’’. Cependant, avec la
clarification de son objet, le sens de cette notion a beaucoup évolué en devenant plus circonscrit
et plus précis tout en préservant un rapport relativement étroit avec son étymologie. Mais avant
de définir cette discipline, il convient de souligner que l’ergonomie a plusieurs dénominations.
Ainsi, en Europe et plus particulièrement en France, on utilise le terme d’ergonomie ; tandis
qu’aux USA, on parle plutôt de Human Factors (facteurs humains) ou de moins en moins de
Human Engineering (ingénierie humaine). Quoi qu’il en soit, ces différentes dénominations
sont appréhendées comme des expériences désignant le même objet. Dans cette perspective,
chaque définition de cette discipline renvoie à ces principales dénominations.

L’ergonomie est une discipline pluri-définitionnelle. Cependant dans le cadre de cet


enseignement, nous n’en retiendrons que les plus essentielles. Ainsi, on peut dire dans les
années 1970 avec la Société d’Ergonomie de Langue Francophone (SELF) que : « l’ergonomie
peut être définie comme l’adaptation du travail à l’homme, ou plus précisément, comme la mise
en œuvre de connaissances scientifiques relatives à l’homme et nécessaires pour concevoir des
outils, des machines et des dispositifs qui puissent être utilisés avec le maximum de confort, de
sécurité et d’efficacité ».

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Cette définition pose l’ergonomie comme une pratique de transformation (adaptation,
conception) des situations et des dispositifs de travail. Elle met de fait l’accent sur la finalité
pratique de cette discipline. La définition de SELF précise que ces transformations sont opérées
sur la base de « connaissances scientifiques relatives à l’homme ». Cette précision souligne de
façon sous-jacente son caractère pluridisciplinaire.

Pour l’International Ergonomics Association (IEA, 1969), dans sa première version,


« l’ergonomie est l’étude scientifique de la relation entre l’homme et ses moyens, ses méthodes
et milieux de travail. Son objectif est d’élaborer, avec le concours des diverses disciplines
scientifiques qui la composent, un corps de connaissances qui, dans une perspective
d’application, doit aboutir à une meilleure adaptation à l’homme les moyens technologiques
de production et des milieux de travail et de vie ».

Cette définition présente l’ergonomie, en premier lieu, comme une discipline, qui cherche à
construire un corps de savoirs particuliers. L’usage de ce corps de connaissances apparait
second. La référence à des disciplines qui la composent soutient le sous-entendu
pluridisciplinaire énoncé dans la définition de SELF (1970) et témoigne de la situation d’une
discipline naissante qui cherche sa voie.

Par ailleurs, après une concertation internationale de 2 ans, l’International Ergonomics


Association (IEA) a aboutis, en 2000, à l’adoption d’une définition concertée de cette discipline.
Ainsi, selon cette nouvelle version définitionnelle : « l’ergonomie ou Human Factors est la
discipline scientifique qui vise la compréhension fondamentale des interactions entre les
humains et les autres composantes d’un système, et la profession qui applique principes
théoriques, données et méthodes en vue d’optimiser le bien-être des personnes et la
performance globale des systèmes. Les praticiens de l’ergonomie (les ergonomes) contribuent
à la planification, la conception et l’évaluation des tâches, des emplois, des produits, des
organisations, des environnements et des systèmes en vue de les rendre compatibles avec les
besoins, les capacités et les limites des personnes ».

L’adoption de cette définition signifie qu’il faudrait désormais ainsi appréhender la notion
d’ergonomie. En effet, elle est plus complète et correspond la vision actuelle et aux pratiques
de cette discipline relativement récente. C’est dans ce sens que Falzon (2004) souligne que
« Cette définition témoigne du développement de l’ergonomie et marque un tournant dans le
regard que la discipline porte sur elle-même » (p.18). Au-delà du fait que cette définition
s’appuie sur la première version centrée sur la discipline elle-même, elle porte aussi sur les
praticiens, énonce ce qu’ils font et reconnait l’existence de la profession d’ergonomes. En outre,
elle rappelle le caractère global de l’approche ergonomique et laisse entrevoir les domaines de
spécialisation de cette discipline.

L’expression domaine de spécialisation renvoie à des formes de compétence des ergonomes,


acquises par la formation et/ou par la pratique. La définition de l’IEA distingue l’ergonomie
physique, l’ergonomie cognitive et l’ergonomie organisationnelle. Ces différents domaines de
spécialisation vous seront présentés de façon plus large et détaillé dans la seconde partie de cet

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enseignement, pour l’instant, il convient, après avoir défini l’ergonomie comme discipline, de
passer à l’objet et aux objectifs de cette discipline.

B- Objet de l’ergonomie
L’ergonomie est une science hybride, en ce sens qu’elle est constituée par plusieurs disciplines
dont la médecine, la psychologie, la physiologie, la sociologie et l’ingénierie. Elle a pour objet
l’étude du travail humain, envisagé comme « l’unité des trois réalités qui n’existent pas
indépendamment les unes et les autres : les déterminants de l’activité de travail, l’activité de
travail elle-même et ses conséquences sur l’agent (l’opérateur ou le sujet), le groupe et
l’organisation ». De ce fait, elle intègre les branches de ces disciplines qui concourent à la
connaissance scientifique de l'homme au travail. Cette connaissance inscrit son objet dans la
recherche d’une meilleure adaptation du travail et de l'environnement de travail à l'homme. Or,
pour adapter le travail à l'homme, il est nécessaire d'effectuer des aménagements concernant les
outils, les postes de travail, les systèmes homme-machine, l'environnement, l'organisation du
travail et les intermédiaires techniques. Cette quête de l’adaptation du travail à l’homme vise
deux principaux objectifs.

C- Les objectifs de l’ergonomie


L’ergonomie est une discipline à double finalité. Le premier objectif de cette discipline est
centré sur les organisations et sur leur performance. Cette performance peut être appréhendée
sous différents aspects : efficacité, productivité, fiabilité, qualité, durabilité, etc. le second
objectif, centré sur les personnes, est également déclinée sous différentes dimensions : sécurité,
santé, confort, facilité d’usage, satisfaction, intérêt du travail, plaisir, etc.

Cependant la traduction de ces deux objectifs a évolué avec le temps. Par exemple, la notion de
santé a beaucoup changé dans les années 1980 et 1990. Ainsi, en ce qui concerne la santé
physique, on est passé d’une vision palliative ou préventive à une vision constructive : il s’agit
dans cette vision de rechercher les conditions qui non seulement évitent la détérioration de la
santé, mais qui favorisent aussi sa construction (Laville et Volkoff, 1993 ; Falzon, 1996) d’une
part. D’autre part, l’idée de santé cognitive a été avancée dans une perspective
développementale par Montmollin (1993) et Falzon (1996). La question n’est plus
seulement : « comment concevoir un système de travail qui permette un exercice fructueux de
la pensée ? ». Elle est aussi : « comment concevoir un système de travail qui favorise le
développement des compétences ? ». C’est dans cette optique que l’ergonomie a longtemps
utilisé le slogan « on est meilleur quand on est mieux », pour tenter justement de les articuler.

Toutefois, ces objectifs ne vivent pas toujours en parfaite harmonie. Certes que dans nombre de
situations, ces objectifs peuvent l’être. Mais ça n’est pas toujours le cas. Des compromis doivent
être recherchés, en interaction avec les acteurs de la situation. La présentation de la dualité
d’objectifs de cette discipline étant effective, revenons à ses fondements historiques et son
évolution.

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II- Les fondements historiques et évolution de l’ergonomie
L’histoire d’une discipline, en générale et dans le cas particulier de l’Ergonomie, s’appuie sur
celle des institutions qui l’ont portée, des personnes qui l’ont créée et développée, des concepts,
des théories, des méthodes qui en font son contenu et sur l’histoire d’une profession qui est un
de ses moyens d’action. Ces éléments historiques sont en rapport étroit avec l’histoire du travail
et des conflits sociaux qui en constituent à la fois le contexte, l’origine et l’objet de cette
discipline. Nous tenterons dans ce 2e point d’en exposer quelques repères.

A- Les fondements historiques de l’ergonomie

A.1- Les précurseurs : contexte d’origine


Les premiers travaux considérés comme précurseurs en ergonomie ont été menés, soit par des
ingénieurs et organisateurs du travail (managers), soit par des chercheurs, soit par des médecins.

En ce qui concerne les ingénieurs et organisateurs du travail, il faut noter que c’est d’abord dans
une perspective d’amélioration du rendement de l’homme au travail qu’en France, les
ingénieurs comme Vauban (XVIIe siècle) et Belidor (XVIIIe siècle) tentent de mesurer la
charge de travail physique journalière sur les lieux du travail. Ils suggèrent qu’une charge trop
élevée entraîne l’épuisement et des maladies et préconisent une meilleure organisation des
tâches pour améliorer le rendement.

Un peu plus tard, Vaucanson (XVIIIe siècle) et Jacquard (XIXe siècle) mettront au point les
premiers dispositifs automatiques qui suppriment des postes particulièrement pénibles.

Ensuite, les organisateurs du travail comme Taylor et ses précurseurs développent, à partir de
1903 aux Etats-Unis les principes du « Scientific Management » à savoir : l’Organisation
scientifique du travail (OST) et les Méthodes des Temps et Mouvements (MTM). Un
changement radical de l’organisation du travail va donc s’opérer. Ce changement fait que les
ouvriers ne maîtrisent plus leur travail ni leurs modes opératoires puisque ceux-ci sont conçus
par des experts et des ingénieurs. Le principe du travail à la chaîne introduite par Ford en 1913,
exportée progressivement dans le monde entier, entrainant parallèlement une certaine
conception de l’Homme : un homme dissocié (tête, jambes), au fonctionnement stable, tel une
machine, participe aux contextes à l’origine de l’ergonomie.

De leur côté, les chercheurs, physiciens, physiologistes s’intéressent à l’homme en activité pour
en comprendre le fonctionnement. Dans ce registre, on peut citer Leonard de Vinci (XVIe
siècle) qui a étudié les mouvements des segments corporels, ouvrant ainsi le champ de la
biomécanique. Plus tard, Lavoisier (XVIIIe siècle) découvre les premiers éléments de la
physiologie respiratoire et de la calorimétrie. Il fait également les premières tentatives
d’évaluation du coût musculaire.

Puis, au début du XXe siècle, Lahy (1916), physiologiste d’origine et Jules Amar (1923)
reprochent au taylorisme de négliger et d’ignorer les effets de la fatigue de l’homme au travail,
en se positionnant uniquement du point de vue de l’outil et partant de l’organisation.

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Enfin, Les médecins se situent dans un courant hygiéniste qui se focalise sur la sécurité et la
protection de la santé des salaries. Ainsi au moyen âge, Armanda de Villeneuve s’intéresse
aux conditions de travail et en particulier aux facteurs environnementaux (chaleur, humidité,
poussière, toxiques). En France, dès le XVIIe siècle, Ramazzini, considéré comme le père
fondateur de la médecine du travail, s’intéresse aux conséquences du travail : il décrit les
premières maladies professionnelles dans une série de monographies touchant à des activités
très diverses. Villermé (XIXe siècle), chirurgien, réalise des études statistiques et mène une
importante enquête sur les conditions de travail dans de nombreuses usines de toutes les régions
de France qui aboutit à un rapport publié en 1840 sur l'état physique et moral des ouvriers,
accomplissant ainsi un recensement des postes de travail provoquant la souffrance chez les
travailleurs. Ce rapport est à l'origine des premières mesures légales de limitation de la durée
de travail et de l'âge d'embauche pour les enfants.

A.2- La naissance de l’ergonomie


Le terme "Ergonomie" est apparu pour la première fois en 1857. Il est inventé par Wojciech
Jastrzebowski, un professeur de botanique, physique, zoologie et horticulture de l’université
de Varsovie (Pologne) qui publia en 1857 un « Précis d’ergonomie ou de la science du travail,
basée sur des vérités tirées des sciences de la nature ». Il créa le terme ergonomie pour désigner
une approche scientifique des activités humaines et animales, visant non seulement leur
description, mais aussi leur organisation rationnelle, voire leur évaluation sur une échelle
morale. Mais l'article ayant paru en langue polonaise dans "Nature et industrie", une revue peu
connue, le mot "ergonomie" tomba dans l'oubli jusqu’à sa réactualisation (réinvention) en 1949
par l’ingénieur et psychologue anglais Murell pour désigner l'étude interdisciplinaire des
activités humaines pratiquée pendant la 2ème guerre mondiale pour accroître l'efficacité des
combattants, des matériels et des systèmes militaires. Il le propose à ses collègues britanniques
qui l’adoptent officiellement lors de la création de l’Ergonomics Research Society en 1949.

C’est dans les années 1950 qu’un projet d’ergonomie francophone a vu le jour. Ces années sont
marquées par la nécessité de reconstruire les pays européens ravagés par la guerre. Aidée par
le plan Marshall (plan d’aide des Etats-Unis à la reconstruction de l’Europe, sous condition de
la modernisation des moyens de production), l’industrie se modernise et la recherche de gains
de productivité devient importante. Des missions sont envoyées aux Etats-Unis, des structures
administratives telles que l’agence européenne de productivité sont créés pour stimuler des
progrès dans ce domaine, cette dernière va par exemple soutenir très fortement le projet
d’ergonomie francophone.

A cette époque aux Etats-Unis, pour accroître la productivité industrielle, ce sont surtout les
théories d’Elton Mayo, de Maslow, de Herzberg sur les motivations et les besoins de l’homme
qui sont préconisées. Dans cette même visée, certains Européens francophones peu convaincus
par ces théories et leurs applications vont plutôt faire le choix d’améliorer les conditions de
travail.

Parallèlement, à cette époque, en France en particulier, une législation va se mettre en place.


Elle va organiser, d’un côté, la médecine du travail, la réparation des accidents de travail et des
maladies professionnelles et, de l’autre, dès la représentation des travailleurs dans les

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entreprises et leur rôle en matière d’hygiène et de sécurité, en particulier (création des Comité
hygiène et sécurité). L’Etat intervient de plus en plus dans le fonctionnement de l’entreprise en
matière de sécurité et de santé au travail entre autres. C’est dans ce contexte, où les conditions
de travail commencent à être reconnues comme un domaine important dans la société, que vont
se créer et se développer des centres de recherche privés et publics et des centres
d’enseignement publics dans divers pays francophones.

Dans l’industrie, en Suisse, Paule Rey, médecin du travail à cette époque, développe une
structure de recherche et d’action dans l’industrie horlogère : il s’agit d’analyser et de diminuer
les risques liés au travail, mais aussi les défauts de qualité de la production. En France, Pierre
Cazamian, médecin lui aussi, crée un Centre de Recherche pour l’Amélioration du Confort et
de la Sécurité des Véhicules chez un grand constructeur automobile.

Dans le secteur public, en France, au Conservatoire National des Arts et Métiers (avec Camille
Soula et Jean Scherrer), des enseignements et des recherches en laboratoire sont orientées
dans le domaine de la physiologie du travail musculaire après une longue tradition d’hygiène
industrielle. Au Centre d’Etudes et des Recherches Psychotechniques (CERP), qui dépend de
l’Agence nationale pour l’information, la formation et la reconversion de la main-d’œuvre,
André Ombredane, Jean-Marie Faverge et Jacques Leplat, qui sont respectivement
médecin, statisticien et psychologue, réorientent les recherches sur les techniques de sélection
vers l’analyse du travail. A Strasbourg, Bernard Metz, médecin, crée un Centre d’Etudes
Appliquées au Travail qui s’orientera vers la recherche sur les questions d’environnent
physique, de travail posté, de normalisation ergonomique.

En Belgique, Coppée crée un Centre d’Ergologie à Liège, et Ombredane puis Faverge, après
avoir quitté le CERP, continueront à l’université de Bruxelles leurs activités sur l’analyse du
travail. Rappelons que leur livre paraît en 1955, huit ans avant la naissance officielle de
l’ergonomie francophone. Cet ouvrage fondateur sur l’analyse du travail à un sous-titre :
« Facteur d’économie humaine et de productivité », rarement cité qui reflète pourtant les
préoccupations de l’époque.

En Suisse, Etienne Grandjean développe des enseignements et des recherches en Sciences


appliquées au travail au sein de l’Institut Polytechnique Fédéral de Zurich.

Certains de ces centres privilégient l’une ou l’autre des disciplines mères de l’ergonomie, la
physiologie ou la psychologie du travail, alors que d’autre sont, dès leur création,
pluridisciplinaires. Ainsi Bernard Metz, à Strasbourg engagera d’emblée des psychologues, des
physiologistes et des médecins au Centre d’étude appliquées au travail(CEAT), qui deviendra
le Centre d’étude biomécanique(CEB).

Trois principaux phénomènes vont ainsi converger dans le début des années 1960 pour aboutir
à la création de la SELF en 1963 :
- Le premier est un changement de problématique sur les problèmes du travail : il ne s’agit
plus de penser le travail, ses moyens techniques et organisationnels sur la seule logique
des ingénieurs, le travail et donc de la conception des moyens de travail ;

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- Le deuxième rôle joué par des personnalités universitaires dont certaines d’entre elles
sont animées par des valeurs humanistes qui se sont traduites par des engagements
pendant la guerre ;
- Le troisième est le soutien de structures administratives et politiques, nationales pour
les unes, européennes pour d’autres, comme la Communauté européenne du charbon
(CECA) qui rejoignent l’idée que la production et la sécurité doivent être conçues à
partir des travailleurs, de leurs fonctionnement, de leur activité au travail et non
l’inverse.

En 1963, suite aux contacts avec l’Ergonomic Research (devenue en 1976, l’Ergonomics
Society) et aux diverses rencontres dans le cadre de manifestations scientifiques internationales
sur le travail, des universitaires de France, (Bouisset, Leplat, Metz, Scherrer, Wisner), de
Belgique (Coppée, Faverge) et de Suisse(Grandjean) et un haut cadre du ministère du travail
français (Gillon), décident de crée la SELF pour promouvoir l’ergonomie dans les pays de
langue française. Le premier congrès de la SELF a eu lieu cette même année à Strasbourg.

Enfin, alors que l’Ergonomic Reseach Society est d’emblée largement pluridisciplinaire, allant
des économistes aux ingénieurs et aux architectes, la SELF, quant à elle s’élargira beaucoup
plus lentement au-delà des physiologistes et des psychologues du travail.

B- L’évolution de l’Ergonomie
Le contexte des activités universitaire ne permet pas d’aborder tous les aspects de l’évolution
de cette discipline. Dans cette perspective, il convient de nous limiter la présentation de ce point
portant : évolution de l’ergonomie à celle dite francophone. Cette évolution s’articulera autour
de l’enfance de l’ergonomie francophone et son développement.

B.1- L’enfance de l’ergonomie francophonie : 1963-1970


Née en 1963, les années 1963-1970 marque un tournant important dans l’évolution de
l’ergonomie francophone. C’est au cours de cette période que l’ergonomie francophone va
construire progressivement sa spécificité par rapport à l’ergonomie anglo-saxonne, celle d’être
en particulier, une ergonomie centrée sur l’analyse de l’activité étudiée en situation de travail,
c’est-à-dire l’activité située dans son contexte technique et organisationnel et dans un réseau de
contraintes de production.

Pendant ces années, on va assister à des mutations qui vont avoir un impact considérable. Parmi
ces mutations on peut noter : le développement continue de l’industrie ; l’extension de
l’organisation taylorienne du fait de celle de l’industrie de montage d’objets de consommation ;
les rapports conflictuels et tendus entre le patronat et les syndicats ; l’ouverture difficile de
l’entreprise aux recherches menées sur le travail.

Face à ces mutations, l’ergonomie va alors être confrontée à divers problèmes qui vont susciter
de débats passionnés. Quelques-uns de ces débats porteront par exemple sur :
- Comment sortir du laboratoire pour mener ces études sur le terrain ? D’une part la
communauté scientifique s’interroge sur la validité des résultats de recherche où l’on ne

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peut ni manipuler ni contrôler toutes les variables ; d’autre part les directions
d’entreprise craignent que de telles études favorisent des conflits sociaux ;
- Comment identifier cette discipline ? Faut-il limiter son champ aux processus
physiologiques et psychologiques de l’activité de travail, ou au contraire interroger les
phénomènes sociaux que met en évidence l’analyse du travail ?
- Comment définir l’ergonomie ? Doit-on la considérer comme une science, une
technique ou un art à l’instar de l’art du médecin, de l’ingénieur ?
- Comment délimiter son champ d’action ? Faut-il le restreindre à l’amélioration des
moyens matériels du poste de travail ou l’étendre à l’organisation du travail ?
- Comment cibler le niveau d’intervention le plus pertinent ? l’ergonomie doit-elle se
préoccuper, d’abord, de correction, d’aménagement, ou au détriment de conception des
situations et objets de travail ?
- Comment tenir l’équilibre dans l’action entre protéger la santé des travailleurs et
accroître la productivité ? Faut-il parfois privilégier l’un au détriment de l’autre ?

Ces questions font alors l’objet des pratiques différentes et de vifs débats qui se poursuivront,
d’ailleurs dans les périodes suivantes. Mais les thèmes des communications des premiers
congrès de la SELF montrent bien que ces questions sont abordées avec timidité. Dans leur
majorité, ces communications portent sur des études en laboratoire, ayant un rapport souvent
distant à la réalité, elles cherchent à définir des indicateurs physiologiques de la fatigue et de la
charge physique et sensorielle (fréquence cardiaque, fréquence critique de fusion,
électroencéphalogramme, électromyogramme…). Ce n’est guère qu’à la fin des années 1960
que sont rapportées des études ergonomiques de postes de travail et des propositions
d’aménagement.

Cependant, l’enseignement s’organise au CNAM, sous la direction d’Alain Wisner, de manière


à constituer une filière professionnelle. Ce qui aboutit à la création en 1970 d’un diplôme
d’ergonomie de niveau ingénieur. Dans cette perspective, l’enseignement de connaissances se
complète d’un enseignement de la pratique en entreprise, qui s’enrichira dans les décennies
suivantes.

B.2- Une période de développement : 1970-1990


A la fin des années 1960 et au début des années 1970, une contestation forte de l’organisation
taylorienne et fordienne du travail se manifeste en France par des grèves dure des ouvriers
spécialisés (OS) de divers secteurs de production. Le patronat, inquiet pour la production,
recherche à l’étranger d’autres modèles d’organisation du travail (élargissement,
enrichissement des tâches, équipe autonomes…).

L’extension du travail posté inquiète les pouvoirs publics qui demandent un rapport sur cette
question à Alain Wisner dont le rapport produit sera contesté par le patronat.

Les grandes centrales syndicales prennent de plus en plus en compte les questions des
conditions de travail dans leurs politiques. Ces fédérations syndicales et plus particulièrement
(métallurgie, chimie, confection) organisent des formations à l’analyse de l’activité et

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demandent des études aux laboratoires publics d’ergonomie. La question des conditions de
travail est ainsi posée de manière massive.

En France, le pouvoir politique tente d’y répondre par des dispositions législatives et par la
création de l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail). Mais
au début des années 1980, on passe d’une crise du travail à une crise de l’emploi : les conditions
de travail deviennent alors moins prioritaires dans les préoccupations sociales.

Les formations qualifiant des professionnels se développent : elles comportement en général


une partie de pratique d’intervention et d’analyse ergonomique du travail (il faut noter que
l’obligation d’une telle formation à la pratique sera un des critères retenus pour obtenir le titre
d’ergonome européen crée dans les années 1990 par une réunion des société d’ergonomie de
France, de Belgique, d’Italie, d’Allemagne, d’Angleterre et des pays et des pays nordiques).

Des formations courtes sont organisées par des entreprises pour leur personnel, par des
fédérations de grandes centrales syndicales pour leurs délégués CHSCT (Comité d’Hygiène, de
Sécurité et des Conditions de Travail), ces derniers s’inscrivant dans ces politiques de
revendications sur les conditions de travail.

La formation à la recherche s’officialise par la création d’un doctorat en ergonomie qui s’ouvre
à des étudiants étrangers : les deux premières thèses en « ingénierie de l’ergonomie » sont
soutenues à la fin des années 1970 par deux ingénieurs dont l’une Québécoise (Monique Lortie),
l’autre Français (Jacques Theureau). Ainsi, se développent les métiers d’ergonome en entreprise
et d’ergonome consultant. Différents acteurs dans les entreprises sont sensibles à l’ergonomie.

La recherche évolue, les lieux d’étude deviennent majoritairement les terrains et


l’expérimentation en laboratoire devient plus rare. Les thèmes prennent en compte l’évolution
du travail avec l’extension des nouvelles technologies, des transformations des horaires et des
organisations du travail et l’accroissement de la complexité des systèmes de production. Des
domaines d’application de l’ergonomie se créent par secteur productif, par exemple ergonomie
hospitalière, agricole, scolaire, du tertiaire… L’intervention ergonomique devient un thème
d’étude qui s’élargira ensuite à l’ergonomie de conceptions des systèmes de production.

C’est également à la fin de ces années 1970 qu’Alain Wisner commence à s’intéresser aux
spécificités culturelles, sociales et économiques des pays en développement qui importent des
technologies récentes. Cela pose à l’ergonomie des problèmes particuliers, à travers ce qu’Alain
Wisner nomme « l’Anthropotechnologie ». Un champ nouveau de recherche ergonomique est
ainsi créé et développé par des étudiants étrangers venus se former dans le laboratoire du
CNAM. Dans d’autres pays cette question est aussi abordée par l’ergonomie.

Il faut noter que dès ses origines et plus particulièrement dans les années 1970, l’ergonomie
s’est interrogée sur ses apports possibles et l’extension de ses actions aux questions
sociologiques et économiques de l’entreprise.

A cette époque, au début des années 1970, une équipe de sociologues avait mis au point une
grille générale d’analyse des conditions de travail après un dialogue avec des ergonomes. Des

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réunions avaient rassemblé économistes, sociologues du travail et ergonomes. Mais ces
tentatives de rapprochement sont restées sans suite, mise à part des initiatives individuelles de
coopération.

Ce n’est que dans les années 1990 que l’ergonomie s’est posé ces questions comme en témoigne
quelques thèmes de ses congrès annuels (interaction avec le contexte social, technique et
économique en 1997 ; critère de gestion des entreprises en 1999).

Cependant, dès la fin des années 1970, en France, des dialogues s’instaurent avec des
statisticiens du ministère du travail qui vont réaliser en 1978 la première enquête nationale sur
les conditions du travail. Cette enquête, qui sera reproduite périodiquement et qui sera même
étendue à des pays européens, est fortement marquée par les apports de l’ergonomie
francophone.

Conclusion partielle
En somme, il faut retenir que l’ergonomie, bien que récente, est une discipline scientifique à
part entière dont l’histoire est en lien avec celle des conditions de travail et l’évolution technique
et technologique du travail. Elle entretient une relation étroite avec l’histoire du travail et des
techniques, l’histoire des mouvements sociaux, l’histoire des idées et des sciences. Elle se
construit grâce à des hommes et des femmes qui créent et animent des structures
d’enseignement, de recherche, d’introduction de l’ergonomie dans le monde du travail, qui
exercent ce métier d’ergonome comme consultant ou comme salarié dans les entreprises. Elle
est aussi dépendante de l’histoire et de la culture des pays dans lequel l’ergonomie se
développe. Cette histoire n’est pas encore écrite ; c’est un domaine à explorer pour des
historiens. Mais cette histoire n’est pas terminée car le travail et les travailleurs évoluent, ce qui
pose de nouvelles questions. Comme l’écrivait De Montmollin en 1978, « l’ergonomie ne peut
être que pratiquée et créée en même temps avec ceux-là mêmes qui en ont besoin ».

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2ème Partie: LES CONNAISSANCES ET LES DOMAINES DE
SPECIALISATION DE L’ERGONOMIE

Introduction
Cette partie constitue une suite de la première partie et plus singulièrement celle portant sur
la circonscription de l’ergonomie qui s’articule autour de la définition de l’ergonomie, son
objet, ses objectifs et son histoire. La présente partie s’inscrit dans cette perspective de
présentation de cette discipline en abordant cette fois-ci ses apports en tant que discipline
conceptrice des savoirs. Plus concrètement, il s’agit ici de vous parler des connaissances
qu’elle construit et mobilise ainsi que ses domaines de spécialisation.

III. Les connaissances en Ergonomie


Il existe deux types de connaissances en ergonomie :
1. Les connaissances que l’ergonomie s’est donnée pour objectif de construire.
2. Les connaissances auxquelles l’ergonomie peut faire appel en situation d’action.

A. Les connaissances construites ou à construire par l’ergonomie


L’ergonomie s’est constituée sur le projet de construire des connaissances. Ces connaissances
concernent :
- L’humain en activité, c’est-à-dire : → les connaissances sur l’humain en activité.
- L’action ou la pratique ergonomique, c’est-à-dire : → les connaissances sur l’action
ergonomique.

1. La construction des connaissances sur l’être humain en activité


C’est un objectif que l’ergonomie s’est donné du fait de la tendance des disciplines à étudier
des processus hors contexte, hors tâche mais aussi parce que les connaissances en la matière
n’existaient pas. Cela n’est plus le cas aujourd’hui, car plusieurs disciplines à l’instar de la
psychologie, de la sociologie, de la physiologie ou encore de l’anthropologie s’intéressent
beaucoup plus qu’auparavant au sujet finalisé (en situation ou en contexte).

Néanmoins la différence qui existe entre ces disciplines et l’ergonomie réside dans le
fait que l’ergonomie développe une approche globale, systémique encore appelé approche
holistique, de l’homme où celui-ci est : « simultanément pensé dans ses dimensions
physiologique, cognitives et sociales » (Falzon, 2004).

Ce qu’il faut retenir, c’est que ce n’est pas parce que l’ergonomie en tant que discipline,
défend une approche holistique que vous trouverez nécessairement l’ensemble de ces
dimensions dans toutes les actions ou toutes les études menées dans les champs de l’ergonomie.
Car, embrasser l’ensemble de ces déterminants d’une situation dans une seule étude est un

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objectif quasi irréaliste et vraisemblablement contre-productif ; c’est pourquoi vous serez
souvent amené à opérer des choix pour être efficace et performant.

Toutefois, qu’ils s’agissent de transformer ou de concevoir des situations de travail ou


les objets techniques, les connaissances permettant d’étudier le sujet en activité ne sont pas les
seules connaissances à élaborer que l’ergonomie doit contribuer, les connaissances sur l’action
ergonomique en font aussi partie.

2. Les connaissances sur l’action ergonomique


Ce second volet des connaissances que l’ergonomie s’est donnée comme ambition de
construire. Il consiste en l’élaboration des méthodologies d’analyse et d’intervention sur les
situations de travail, des méthodologies de participation à la conception et à l’évaluation des
dispositifs techniques et organisationnels.

C’est un volet qui est rarement identifié et évoqué dans les ouvrages ergonomiques pour
des raisons diverses. Falzon en identifie quelques une d’entre elles dans son article publié en
2004. L’auteur mentionne le fait que :
L’action a toujours été pensée comme la « simple » mise en œuvre des connaissances
sur l’homme. Elle relève de l’application et ne saurait être ni objet de connaissances en elle-
même ni passible des méthodes de recherche scientifique ce qui pose le problème d’un modèle
implicite sous-jacent de référence.

B. Les connaissances auxquelles l’ergonome peut faire appel en situation


d’action
Ces connaissances se répartissent en quatre catégories. On peut noter :
 En premier lieu les connaissances générales sur l’être humain en action
 En second lieu les connaissances méthodologiques
 En troisième lieu les connaissances spécifiques
 En quatrième lieu les connaissances casuelles
Excepté ces quatre catégories de connaissances, vous entendrez également parler d’une
cinquième, dénommée : les connaissances additionnelles. Elles interviennent lorsque la
contribution de l’ergonome s’exerce plus en direction du processus de conception qu’en
direction de l’activité future.

1- Les connaissances générales sur l’être humain en action


Ces connaissances peuvent être empruntées à d’autres disciplines telles que la psychologie, la
physiologie et la sociologie. Elles peuvent aussi être construites par la recherche en ergonomie
elle-même. Ces connaissances sont acquises par la formation.

2- Les connaissances méthodologiques

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Cette forme de connaissances ne peut se construire et s’évaluer en dehors de la pratique et de
l’action. En revanche la pratique de l’action, même si elle est une condition nécessaire, elle
n’est pas suffisante pour construire la connaissance de l’action.

La réalisation d’un tel projet exige que soit menée une véritable étude scientifique de l’action
ou une véritable réflexion sur les conditions d’élaboration d’un savoir scientifique en matière
de méthodologie ergonomique. Et cela n’est possible qu’à partir de :
 Une étude expérimentale visant l’évaluation et la validité des méthodologies. Ici on
cherchera par exemple, à évaluer deux méthodes d’évaluation des interfaces, en utilisant
des variables comme la facilité de mise en œuvre, le temps nécessaire, les erreurs, la
détection des problèmes. On peut également chercher à évaluer des méthodes
participatives en comparaison avec des méthodes expertes en comparant la nature, la
quantité ou la validité des informations recueillies par les uns et les autres.

 Une analyse du travail des ergonomes : il s’agit d’analyser l’activité d’ergonomes aux
moyens des outils de l’ergonomie.

 Une auto-analyse réflexive : il s’agit de conduire des actions ergonomiques en


ménageant le temps pour une pratique réflexive. On retrouvera cette catégorie
d’approche dans les travaux menés par François Daniellou (1992) sur le statut de la
pratique et des connaissances en ergonomie.

3- Les connaissances spécifiques


Ces connaissances sont construites par l’ergonome en fonction des besoins de l’action. Elles ne
préexistent donc pas. Elles sont relatives et propre à la situation étudiée et résultent de la mise
en œuvre des connaissances méthodologiques mentionnées ci-dessus. Elles ont indispensables
dans la mesure où elles permettent au praticien d’élaborer une représentation de la situation à
laquelle il fait face.

4- Les connaissances casuelles


Cette dernière catégorie de connaissance est issue de la rencontre de l’ergonome avec les
situations de travail. Les connaissances casuelles sont fondées sur l’expérience des situations
rencontrées. Elles viennent enrichir la bibliothèque mentale des situations à l’actif de
l’ergonome ou les représentations de ses interlocuteurs pour en devenir une bibliothèque de
second usage. L’ergonome pourra donc y avoir recours lors de la confrontation avec les
situations nouvelles, soit pour les comprendre soit pour réutiliser ce qui avait alors été fait.

Les connaissances casuelles peuvent également être acquises au moyen de la lecture de la


littérature du domaine et la participation aux congrès. Ce sont là, autant de pratique qui viennent
alimenter l’expérience casuelle.

Ce qu’il faut retenir, c’est que, lorsque l’ergonome est face à une situation de travail, il peut
occuper deux types de position :

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 Soit il est impliqué en tant que spécialiste d’une discipline, l’ergonomie, dans une
intervention ou un projet de conception : ce sont les connaissances évoquées ci-
dessus qui sont alors mobilisés. Elles lui permettent de construire une représentation
des activités futures des opérateurs, sur la base de laquelle il produira des
recommandations relatives aux situations de travail ou aux dispositifs techniques et
organisationnels.

 Soit il est impliqué dans la conduite de projets. Ce sont des connaissances relatives
aux activités de conception qui sont alors mobilisées. Elles portent sur le processus
de conception et peuvent se rapporter aux éléments suivant :
 Nature des tâches (linéaire et séquentielle et des activités de conception
(coordination, coopération, etc.) ;
 Aspects collectifs(les interactions qui sous-tendent l’activité des partenaires
du processus de conception son synchrone et en face-à-face ou asynchrone
et médiatisées par les technologies de l’information et la communication (via
les progiciels intégrés, des sites web d’entreprise (intranet) des collecticiels,
des bases de données produits) ;
 Métrologies (méthodes de conduite de projet, méthode de conduite de
réunion, formation à la conception collective, etc).

Les recommandations de l’ergonome s’adresseront aux acteurs de projets de conception.


Elles se fonderont sur l’analyse et la compréhension des exigences cognitive de concepteurs et
nécessiteront que soit examinée l’organisation du processus global de conception en particulier
en comparant les modèles prescrits et leur mise en œuvre effective.

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IV- Les domaines de spécialisation
L’ergonomie est une discipline orientée vers le système, qui s’applique à tous les aspects de
l’activité humaine. Les ergonomes praticiens doivent avoir une compréhension large de
l’ensemble de la discipline, prenant en compte les facteurs physiques cognitifs, sociaux,
organisationnels, environnementaux et d’autres encore. Ces facteurs peuvent devenir des
domaines de spécialisation puisqu’ils constituent des compétences plus fouillées dans les
attributs humains spécifiques ou dans les caractéristiques de l’interaction humaine.
En référence à ces facteurs, on peut retenir les domaines de spécification suivants : l’ergonomie
physique, l’ergonomie cognitive et l’ergonomie organisationnelle.

A. L’ergonomie physique
L’ergonomie physique s’intéresse aux caractéristiques anatomiques, anthropométriques,
physiologiques et biomécaniques de l’homme dans leur relation avec l’activité physique. Les
thèmes pertinents comprennent les postures de travail, la manipulation d’objet, les mouvements
répétitifs, les troubles musculo-squelettiques (TMS), la disposition du poste de travail, la
sécurité et la santé.

B. L’ergonomie cognitive
L’ergonomie cognitive s’intéresse aux processus mentaux, au traitement de l’information et aux
caractéristiques cognitives de l’opérateur (Homme) tels que la perception, la mémoire, le
raisonnement, etc. Elle observe leurs effets sur les interactions entre les personnes et les autres
composantes d’un système. Dans ce domaine de l’ergonomie, on retrouve thèmes comme la
charge mentale (surcharge et sous-charge), la prise de décision, l’interaction homme-machine
(interfaces, conception de menus, etc.).

C. L’ergonomie organisationnelle
L’ergonomie organisationnelle s’intéresse à l’optimisation des caractéristiques des systèmes
sociotechniques, c’est-à-dire qu’elle a comme cible la structure organisationnelle, les règles et
les processus. On retrouve dans cette spécialité de l’ergonomie les thèmes de communication,
de conception du travail et des horaires de travail, de travail collectif et coopératif, de nouvelles
formes de travail notamment le télétravail, les organisations virtuelles, etc.

Conclusion partielle
Au terme de cette seconde partie de cet enseignement centrée sur l’introduction à l’ergonomie,
nous pouvons retenir que l’ergonomie est une discipline scientifique à part entière, en ce sens
qu’elle, à travers son objet et sa méthode, participe à la construction des connaissances de nature
variée parmi lesquelles les connaissances générales sur l’humain, les connaissances
méthodologiques ou pratiques, les connaissances spécifiques et les connaissances casuelles.
Ces connaissances sont acquises chacune selon un mode opératoire propre. Aussi l’ergonomie

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est une discipline possède plusieurs domaines de spécialisation dont les plus connus sont
l’ergonomie physique, l’ergonomie cognitive et l’ergonomie organisationnelle.

Bibliographie
Edholm, O.G. et Murrel, K.F.H. (1973). The ergonomics Research Society: A History
1949-1970. Ergonomics Society Publication.
Falzon, P. (2004). Ergonomie. Paris, Puf.
Falzon, P. (1998), La construction des connaissances en ergonomie : éléments d’épistémologie,
in M.F. Dessaigne et I. Gaillard (ed). Des évolutions en ergonomie. Toulouse, Octarès.
Falzon, P. (1996). Des objectifs de l’ergonomie in F.Daniellou (éd.). L’ergonomie en quête de
ses principes. Toulouse, Octarès.
Faverge, J-M., Leplat, J.et Guiguet, B. (1958). L’adaptation de la machine à l’homme. Paris,
Puf.
Jastrzebowski W. (1857). An Outline of Ergonomic, CIOP.
Lamonde, F. (2000). L’intervention ergonomique. Un regard sur la pratique professionnelle.
Toulouse, Octarès.
Leplat, J. (2000). L’analyse psychologique de l’activité en ergonomie. Aperçu sur son
évolution, ses modèles et ses méthodes. Toulouse, Octarès.
Leplat, J. (1996). Petites histoires pour des In Clot, Y.(éd), les histoires de psychologie
française,Octarès.
Ombredane, A. et Faverge, J.M. (1955). L’analyse du travail – facteur d’économie humaine
et de productivité. Paris. Puf.
Wisner, A. (1996). Itinéraire d’un ergonomiste dans l’histoire de la psychologie
contemporaine. In Clot, Y. (éd), les histoires de psychologie française, Toulouse, Octarès.

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