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David Lindsay

Adaptation française de Pascal Poindron

Guide de
rédaction scientifique
L’hypothèse, clé de voûte de l’article scientifique
Éditions Quae, RD 10, 78026 Versailles Cedex, France

Version originale publiée en anglais sous le titre


Scientific writing = Thinking in words, CSIRO, 2011
© David Lindsay 2011, pour l’édition originale

© Éditions Quae, 2011, pour l’édition française


ISBN : 978-2-7592-1023-7

Adaptation française de Pascal Poindron


Coordination éditoriale : Éditions Quae
Maquette et illustration de couverture : Kate Lindsay
Adaptation de la maquette pour la version française,
mise en pages : alterego@aniane.net
Impression : Bialec
Dépôt légal : juillet 2011

© Le code de la propriété intellectuelle interdit la photocopie à usage collectif sans autorisation des
ayants droit. Le non-respect de cette disposition met en danger l’édition, notamment scientifique,
et est sanctionné pénalement. Toute reproduction même partielle du présent ouvrage est interdite
sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), 20 rue des Grands-
Augustins, Paris 6e.
Sommaire
Avant-propos 5
Préface 7
Réfléchir avant d’écrire 9
Rédiger pour achever votre travail de recherche 10
Le bon état d’esprit 11
Le bon style 12
Principes de construction d’un article scientifique 14
Comment démarrer ? Les 5 mythes de la rédaction scientifique 18
Mythe n° 1. Je dois apprendre le langage spécifique de la recherche
avant d’écrire correctement 19
Mythe n° 2. Je dois choisir la revue avant de commencer à écrire 20
Mythe n° 3. Si l’anglais n’est pas ma langue maternelle,
j’aurai besoin d’aide dès le départ 20
Mythe n° 4. Je dois écrire mon article dans l’ordre pour qu’il soit cohérent,
en commençant par le début et en finissant par la fin 21
Mythe n° 5. J’ai des résultats négatifs et les éditeurs ne publient pas
des résultats négatifs 22
Rédiger un article scientifique 25
Une structure logique et un style lisible 26
Le titre 27
L’introduction : l’hypothèse et sa justification 30
Formulation d’une hypothèse logique 32
Recherche de l’hypothèse sous-jacente 33
L’hypothèse, clé de voûte de l’article 35
Le raisonnement sous-jacent à l’hypothèse 36
Les matériel et méthodes 40
Les résultats 44
Choix des résultats à présenter 45
Quelle forme de présentation : texte ou illustrations ? 47
Quelles illustrations : figures ou tableaux ? 50
Utiliser des statistiques dans la présentation des résultats 52
La discussion 54
Qu’est ce qui fait une bonne discussion ? 54
Que faut-il discuter ? 57
Faire ressortir votre message scientifique 57
Le paragraphe, véhicule de vos arguments 60
Les erreurs de logique dans la discussion 62
Spéculations dans la discussion 63
Longueur de la discussion 64
Références dans la discussion 65
Vérifier la logique de la discussion 66

3
Le résumé 67
Les quatre éléments du résumé 67
L’élaboration du résumé 68
Les autres sections de l’article 69
Les auteurs 69
Les remerciements 71
La bibliographie 72
Corriger la lisibilité et le style 73
Éliminer les écueils freinant la lecture 74
Les huit écueils de la lecture 75
Livrer le message écrit d’une manière qui coïncide
avec la façon de lire du lecteur 87
Et maintenant ? 93
Comment juger la logique et le style objectivement 94
Les six étapes de polissage final du style et de la lisibilité 95
Relations avec la revue 97
Rédiger et communiquer avec d’autres supports scientifiques 103
Le texte pour une présentation orale à un séminaire scientifique 104
Les clés de la réussite d’une communication orale 104
Une structure bien pensée 105
Conception et préparation de posters pour des conférences 117
Qu’est ce qui fait le succès d’un poster? 118
La structure d’un poster réussi 119
L’article de synthèse 125
Structure de l’article de synthèse 126
Des idées novatrices 127
La bibliographie 128
Rester centré sur votre sujet 129
Quelques difficultés courantes dans les articles de synthèse 129
La rédaction scientifique pour un public non scientifique 131
Ce qu’un lecteur veut lire et ce qu’un chercheur veut dire 132
Qu’est-ce qui fait un bon article de vulgarisation ? 133
Les ingrédients essentiels 135
Construction de l’article de vulgarisation 136
Révision finale 137
La thèse 138
Forme et présentation d’une thèse 138
Revue de la littérature dans la thèse 139
La thèse sur articles 140
La thèse traditionnelle 141
Anatomie d’une thèse 147
Et maintenant, en avant pour la rédaction de la thèse, le résumé de travail 148

Mémento des étapes de rédaction d’un article scientifique 153


Index 156

4 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Avant-propos

Des centaines de personnes ont contribué à ce livre. Ce sont pour la plupart des
chercheurs qui ont participé à des travaux pratiques et à des cours. Dans le cadre
de ces travaux, nous avons collectivement appliqué des concepts concernant la
réflexion et le raisonnement qui permettent de convertir des idées et des données
expérimentales en articles bien ciblés et publiables. Ces chercheurs, issus de divers
pays et parlant des langues différentes, ont testé les limites de ces concepts sur
des sujets très variés tels que la biologie moléculaire, le marketing et le droit.
Les principes de raisonnement et de rédaction illustrés dans ce livre ont émergé
de cet effort collectif. Je suis reconnaissant à ces personnes qui m’ont lancé des
défis et se sont livrées à des échanges de vues sans concession, cela m’a permis
de progresser dans la formulation des idées présentées dans ce livre. En fait, je
ne me souviens pas d’un seul cours qui ne m’ait appris quelque chose ou incité à
modifier au moins un élément que je pensais fermement établi.
La rédaction scientifique est un exercice dynamique. Pour preuve, il suffit de
comparer un article publié aujourd’hui avec un texte publié par exemple dans
les années soixante. Bien sûr, certains éléments comme la précision, la clarté et
la concision semblent immuables, mais beaucoup d’autres, comme l’utilisation
de la forme passive ou de la première personne « je » ou « nous », ont changé
notablement en un temps relativement court. L’ère électronique a modifié et
continuera de modifier la façon dont les articles sont soumis, évalués, publiés
et même la façon dont ils sont lus. Mais la nécessité d’une bonne rédaction reste
toujours aussi impérative. Toutefois, pour tenir compte des changements dans le
monde de l’édition scientifique, j’aurai besoin de corriger ce livre périodiquement
et pour cela j’ai besoin de votre aide. Quelque part dans ce livre, j’ai utilisé le
cliché disant que l’article scientifique parfait reste à écrire et cette réflexion
s’applique également aux livres. De plus, le risque inhérent à la publication
d’un livre conseillant comment écrire est qu’il prépare le lecteur à reconnaître
plus facilement les erreurs présentes dans ce même livre que dans un ouvrage
traitant d’autres sujets. Donc vous, lecteurs, êtes mieux placés que quiconque pour
suggérer comment l’améliorer et, si vous souhaitez contribuer à cette amélioration,
vos commentaires seront les bienvenus.
Cet ouvrage est aussi le fruit des interactions avec mes collègues, qui utilisent les
principes de structure et de style régulièrement dans leur propre recherche et dans
l’enseignement, et qui n’ont jamais hésité à lancer des discussions animées dans
les lieux et aux moments les plus improbables pour questionner un aspect ou un
autre de cet ouvrage. Je tiens tout particulièrement à mentionner Pascal Poindron,

AVA N T- P R O P O S 5
collègue francophone qui parle couramment l’anglais et l’espagnol et qui est
largement responsable de cette version française, mais aussi Pierre Le Neindre,
également francophone parlant couramment anglais et Ian Williams, collègue
australien passionné de bonne rédaction. Ils ont tous proposé des compléments
intéressants et des modifications précieuses à la rédaction de ce livre. De plus, ils
m’ont rendu particulièrement attentif aux problèmes, et parfois aux avantages, qui
surgissent lorsque des auteurs dont l’anglais n’est pas la langue maternelle doivent
rédiger leur travail en anglais, qui est de facto la langue universelle des publications
scientifiques. Cela m’a conduit à traiter beaucoup des aspects de la rédaction
scientifique du point de vue des auteurs français et à souligner qu’ils ne sont pas
aussi désavantagés qu’ils peuvent peut-être le penser. Le langage scientifique, qui
traite de logique et de raisonnement, est indépendant de la langue dans laquelle
il est exprimé. Puisque le but premier d’une bonne rédaction scientifique est de
communiquer de la science de bonne qualité, les bons chercheurs dont l’anglais
n’est pas la langue maternelle ont de fait tous les outils nécessaires pour bien écrire,
même s’ils ont besoin d’aide dans la phase finale de rédaction pour publier dans
des revues de langue anglaise.
Je dois énormément à ma fille Kate, pour la mise en forme très professionnelle et la
conception de la couverture de la version anglaise de cet ouvrage, et à mon épouse
Rosalind, pour sa bonne volonté quasi permanente lors de ses innombrables
relectures et corrections du manuscrit.
David Lindsay (juin 2011)

Je tiens à remercier Pierre Le Neindre, « collaborateur de toujours et néanmoins


ami » – selon la formule pleine d’humour de Maurice Dubois, regretté collègue –
pour sa relecture critique et constructive de la version française de ce livre, ainsi
que pour son aide à la parution de cet ouvrage. Merci aussi à Monique, mon
épouse, pour sa relecture du texte avec un regard neuf et faussement naïf.
Pascal Poindron (juin 2011)

6 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Préface

La publication des travaux de recherche scientifique est un processus qui implique


non seulement la rédaction des résultats sous forme publiable, mais d’abord la
réalisation de recherches d’une qualité scientifique indiscutable. Cette réalisation
et la qualité scientifique des résultats recouvrent des aspects complexes qui
nécessitent une réflexion spécifique. Cette réflexion relève de la responsabilité
des chercheurs et doit être abordée avant l’étape de rédaction, qui est l’objet du
présent livre. Néanmoins, vous pourrez vous rendre compte que la rédaction
scientifique est bien plus qu’un exercice littéraire et même qu’elle n’est pas du
tout, ou presque pas, un exercice littéraire. Ainsi, si de nombreux chercheurs
éprouvent une difficulté à rédiger, c’est probablement en partie parce que le lien
logique entre ces deux aspects du travail scientifique, obtenir des résultats et les
publier, ne leur apparaît pas clairement. C’est pourquoi une idée sous-jacente
récurrente dans ce livre est que la qualité et la facilité de rédaction des résultats
d’une expérimentation dépendent étroitement de la qualité de la recherche qui a
produit ces résultats. Les deux étapes de la valorisation du travail de recherche,
l’obtention de résultats de qualité ainsi que leur diffusion, impliquent une activité
de réflexion majeure sans laquelle tout le travail de rédaction risque de n’être
qu’une corvée rébarbative.

P R É FA C E 7
Réfléchir avant d’écrire

PARLER AUX GENS DE VOTRE RECHERCHE EST PRESQU’AUSSI


important que la recherche elle-même. Mais beaucoup de chercheurs,
qui sont par ailleurs des scientifiques très compétents, ont peur de se
lancer dans la phase de rédaction. Ils s’inquiètent des règles cachées,
des dogmes non dits et du style curieusement complexe, l’ensemble
semblant aller à l’encontre de l’idée conventionnelle qu’ils se font de
la rédaction scientifique. De plus, lorsque la langue maternelle du
rédacteur n’est pas l’anglais, il a souvent le sentiment d’être limité
par la barrière de la langue pour exprimer ses idées. Dans cette section,
nous allons clarifier ces différents points et montrer que les difficultés
pressenties ne sont que des écrans de fumée et des illusions. Nous
allons les remettre en perspective par rapport à des principes qui
rendent la communication scientifique plus facile et qui encouragent
les chercheurs à écrire et à publier avec confiance.

Rédiger pour achever votre travail de recherche 10


Le bon état d’esprit 11
Le bon style 12
Principes de construction d’un article scientifique 14
Comment démarrer ? Les 5 mythes de la rédaction scientifique 18

R É F L É C H I R AVA N T D ’ É C R I R E 9
Rédiger pour achever votre travail de recherche
Un des plus grands paradoxes dans tous les secteurs de recherche est que le travail
doit être rédigé pour pouvoir être considéré comme achevé. Et pourtant, la formation
à la rédaction scientifique est rare dans le cursus de formation des futurs chercheurs.
On a coutume de dire « Si vous ne l’avez pas rédigé, c’est comme si vous n’aviez
rien fait ». Ce n’est pas parce que le dernier échantillon a été prélevé ou les dernières
données analysées qu’un projet de recherche est terminé. Dans le monde de la
recherche, il ne suffit pas qu’un ou deux collègues du bureau d’à côté soient au courant
de vos derniers résultats pour avoir accompli quelque chose de concret. Depuis le jour
où vous avez commencé vos études de troisième cycle universitaire et avez décidé
de devenir un chercheur, votre cercle de collègues, ou de collègues potentiels, est
passé de quelques compagnons d’études à un nombre indéfini
de chercheurs dans le monde entier. Communiquer avec eux
est une tâche très différente de celles que vous accomplissiez
en tant qu’étudiant. De fait, vous pourriez bien découvrir que
« Si vous ne l’avez vous allez passer autant de temps à écrire, lire ou corriger des
pas rédigé, manuscrits qu’à réaliser des protocoles expérimentaux. Même
si vous exposez aux participants d’un grand congrès ou d’une
c’est comme si vous réunion ce que vous avez fait, ceux-ci ne représentent sans doute
n’aviez rien fait » qu’une faible proportion des scientifiques de votre domaine de
recherche et les répercussions seront probablement éphémères.
« Les paroles s’envolent mais les écrits restent ». Ce qui est écrit
est permanent, se diffuse et reste la meilleure manière d’informer le reste du monde
des résultats des recherches auxquelles vous avez participé de manière significative.
Malgré cela, parmi les aptitudes indispensables aux chercheurs, la rédaction
scientifique reste de loin l’une dont l’enseignement demeure très déficient. Il suffit
pour s’en convaincre de jeter un œil à quelques données sur la formation à la
rédaction scientifique :
• 99 % des scientifiques sont d’accord pour dire que la rédaction fait partie
intégrante de leur travail de recherche ;
• moins de 5 % ont eu un enseignement formel en rédaction scientifique dans
leur cursus de formation ;
• pour la plupart, la seule expérience qu’ils ont acquise a été l’exemple fourni
par la littérature qu’ils lisent ;
• environ 10 % des chercheurs prennent plaisir à rédiger, les autres 90 %
considèrent la rédaction comme un mal nécessaire.
Ces chiffres sont bien sûr approximatifs, mais ils sont le fruit d’enquêtes informelles
conduites sur de nombreuses années dans beaucoup de pays et je crois qu’ils reflètent
assez bien la réalité.
Il est facile de déduire qu’un sérieux problème se cache derrière ces statistiques.
Par exemple, si 90 % des scientifiques ne prennent pas réellement plaisir à écrire,
cela signifie que la plupart de la littérature que nous consultons est écrite par des
gens qui n’aiment pas écrire. Il est probable que, indépendamment de la qualité de

10 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


la recherche, les résultats aient été rassemblés avec plus ou moins de bonheur pour
être publiés, examinés par des rapporteurs qui n’ont pas beaucoup plus d’intérêt ou
de formation que les auteurs pour écrire clairement et, finalement, ces résultats ont
été publiés dans un style qui n’a été que légèrement corrigé. Par conséquent, une
grande proportion de la littérature sur laquelle les nouveaux chercheurs s’appuient
pour se faire une idée du style et de la structure d’un article a en fait été écrite et
corrigée par des gens qui ne connaissaient pas grand-chose au style et à la structure
d’un article et qui ne prenaient probablement pas plaisir à écrire de toute façon. Une
telle littérature ne représente pas un modèle très efficace à cause de sa variabilité et
de sa qualité incertaine.
Si nous poussons un peu plus loin le dicton « Si vous ne l’avez pas rédigé, c’est
comme si vous n’aviez rien fait », nous pouvons dire « Si vous l’avez publié, mais que
personne ne le lit, c’est encore comme si vous n’aviez rien fait ».
L’unique raison pour rédiger vos travaux est d’arriver à ce que
les autres scientifiques lisent et comprennent ce que vous avez
écrit. Le chercheur oublie souvent cela lorsqu’il se met à rédiger
« Si vous l’avez
son travail. Nous croyons, et nous sommes souvent encouragés
à croire, que la publication dans une revue est l’objectif final de publié, mais que
la réalisation d’une expérience. Mais ce n’est pas le cas. L’article
personne ne le lit,
doit être lu et compris clairement par la communauté scientifique
mondiale spécialiste de ce thème et des thèmes qui s’y rapportent, c’est encore comme
avant de pouvoir prétendre que la tâche a été accomplie avec
si vous n’aviez
succès. Nous pouvons donc pousser le raisonnement encore plus
loin et dire « Si vous l’avez écrit et que votre article est lu mais rien fait »
que les lecteurs ne le comprennent pas, vous n’avez toujours
rien fait ».
À l’inverse des nombreux mauvais modèles que nous rencontrons dans la littérature,
il existe aussi des articles écrits et structurés de manière remarquable et qui ressortent
comme des repères, justement parce qu’ils sont très clairs et délivrent leur message
avec force. De tels articles sont les exemples que nous devons nous efforcer de suivre.
Malheureusement, ils ressortent aussi du reste de la littérature parce qu’ils sont rares.
Les suggestions contenues dans ce livre pour améliorer votre rédaction proviennent
directement et indirectement de ces articles modèles et sont généralement proposés
comme des exemples plutôt que comme des règles. C’est à vous de décider si les
principes vous paraissent logiques. S’ils le sont, vous pouvez adhérer à ces principes
et adopter les suggestions qui en découlent pour modifier la structure ou le style
de votre rédaction.

Le bon état d’esprit


Il semble qu’il y ait deux attitudes plutôt opposées dans la manière de rédiger et
de discuter des résultats scientifiques.
La première, qui semble malheureusement la plus commune, est une attitude plutôt
passive : « La recherche consiste à chercher et à trouver des informations que nous
ne connaissions pas jusqu’ici. J’écris cela [ces résultats] pour vous, qui avez été

R É F L É C H I R AVA N T D ’ É C R I R E 11
formé en tant que scientifique à rechercher des informations et à les utiliser. Je vous
présente des données et leur interprétation et j’attends de vous que vous utilisiez
vos capacités pour en tirer le meilleur profit possible ». Cette expression « attitude
passive » peut paraître un peu sévère, mais je crois qu’elle reste une interprétation
correcte de l’esprit dans lequel beaucoup d’articles scientifiques sont rédigés.
La deuxième attitude est beaucoup plus positive et peut s’exprimer ainsi : « Je viens
juste de participer à une aventure de recherche scientifique et j’ai trouvé quelque
chose que je veux partager avec vous, lecteur. Dans cet article je vais vous entraîner
dans cette même aventure et vous raconter ce que j’y ai trouvé de passionnant. De
ce fait, j’espère que vous comprendrez et apprécierez ma contribution scientifique ».
Si les articles scientifiques sont écrits pour être lus, alors il est important pour vous
en tant qu’auteur d’avoir une idée réaliste du type de personnes à qui s’adresse
votre prose et de comment elles vont la lire. En fait, les motivations de vos lecteurs
potentiels ne vont pas être très différentes des vôtres. Ce qui veut dire qu’ils sont
très occupés, qu’ils ont aussi d’autres choses à lire que des articles scientifiques
dans leur programme de la journée. Par conséquent, ils sont facilement convaincus
qu’ils n’ont pas besoin de lire la plupart des articles des journaux scientifiques qui
passent sur leur bureau. Et ils ne vont certainement pas se mettre à lire un article
simplement dans l’espoir qu’il contienne une information inattendue qui pourrait
leur être utile, surtout si elle est cachée dans un paragraphe noyé dans le reste de
l’article. D’abord, il faut donc capter l’attention du lecteur et ensuite essayer de la
maintenir jusqu’à la dernière ligne. Ce doit être votre but, même s’il est probable
que vous n’y arriviez pas dans bon nombre de cas, y compris avec des articles bien
écrits. D’une manière générale, le lecteur potentiel reste sélectif jusqu’à ce qu’il se
fasse une première idée du contenu de l’article et de ce qu’il peut en retirer. Ensuite,
si l’article l’intéresse vraiment, il reviendra sur l’ensemble et le lira complètement
avec attention. Le défi est de s’assurer que même s’il ne fait que survoler votre
article, le lecteur retienne l’essentiel de ce que vous avez à dire. Cela signifie qu’il
doit trouver les parties les plus importantes clairement présentées et là où il s’attend
à les trouver. S’il est obligé d’aller chercher vos résultats les plus intéressants noyés
dans une masse hétérogène de données dans la section résultats, ou votre plus
brillante déduction dans un ensemble de commentaires confus dans la discussion,
vous avez peu de chances que votre travail soit reconnu et apprécié à sa juste valeur.
Pour écrire un bon article, vous ne pouvez pas vous contenter de mettre vos résultats
et vos commentaires sur papier ; vous devez faire un effort supplémentaire pour
vous assurer qu’ils sont bien structurés et présentés de façon à ce que le lecteur y
ait facilement accès.

Le bon style
Lors de la rédaction d’articles scientifiques, beaucoup d’entre nous bataillons pour
obtenir un style de rédaction qui ne nous vient pas spontanément. Nous pensons
qu’il faut adopter un style compliqué sur la base de vagues impressions provenant
de ce que nous lisons dans la littérature : rien n’est plus éloigné de la vérité. Et c’est
là que la plupart des modèles que nous utilisons dans la littérature nous trahissent.

12 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Il y a trois caractéristiques immuables de la bonne rédaction scientifique (et trois
seulement) qui la distinguent de toute autre littérature. Le style doit toujours être :
• précis ;
• clair ;
• concis ;
… et dans cet ordre de priorité.
Si le texte est vague, il n’est pas scientifique ; s’il n’est pas clair ou s’il est ambigu,
il n’est pas scientifique et s’il est inutilement long et répétitif, c’est de la mauvaise
rédaction scientifique. Mais ne sacrifiez pas non plus la précision ou la clarté au
profit de la concision. Autrement dit, s’il vous faut quelques mots de plus pour être
sûr que ce que vous voulez dire sera absolument limpide pour
la majorité des lecteurs, n’hésitez pas utiliser ces quelques mots.
La bonne nouvelle est que si vous êtes précis, clair et concis,
« Si vous êtes
vous n’avez pas à vous conformer à d’autres règles spécifiques
pour être un bon auteur scientifique. Le style de la rédaction chercheur et que
scientifique est celui d’un langage courant et simple, similaire
votre ambition
à celui que vous utiliseriez lors d’une conversation avec un
collègue, aussi bien en français qu’en anglais. Ou, autrement est de recevoir
dit, « Le meilleur style, c’est pas de style du tout ». C’est aussi
un jour le Prix
un bonne nouvelle parce que ce style-là, c’est celui qui nous
est le plus familier et pour lequel nous sommes les plus doués. Nobel, essayez
Ceci est vrai quelle que soit la langue dans laquelle nous devons
de l’obtenir en
rédiger. C’est encore plus vrai bien sûr si nous le faisons dans
notre langue maternelle. C’est le style que nous utilisons tous sciences pour votre
les jours, qui nous permet de nous assurer en permanence que
recherche plutôt
nous transmettons bien nos idées avec succès, et qui conforte
notre confiance pour communiquer. Dans une rédaction de type qu’en littérature
scientifique, nous avons souvent à expliquer des procédures et
pour votre style
des concepts complexes. Par conséquent, il vaut mieux ne pas
compliquer encore plus les choses en bataillant avec des mots et de prose »
des expressions qui ne sont usuelles ni pour l’auteur ni pour ses
lecteurs. Bien sûr, vous pouvez décider que vous voulez impressionner vos lecteurs
avec vos connaissances et votre maîtrise de votre langue maternelle ou de l’anglais.
Si c’est le cas, réfléchissez plus avant. Vous devriez écrire pour informer et pas pour
impressionner. Parfois, quand je dis cela à des jeunes chercheurs, ils me demandent si
les éditeurs ou les rapporteurs (appelés referees en anglais, ou parfois aussi reviewers)
risqueraient de penser qu’ils sont naïfs et peu scientifiques si l’article est rédigé dans
un langage simple. Je ne peux pas parler à la place de tous les éditeurs et rapporteurs
du monde, mais je ne peux pas imaginer qui que ce soit se plaindre que les auteurs
soient trop clairs. Si vous êtes un scientifique et que votre ambition est de recevoir
un jour le prix Nobel, essayez de l’obtenir en sciences pour votre recherche plutôt
qu’en littérature pour votre style de prose.
Il y a une autre bonne raison pour écrire dans style simple et facile à lire plutôt
qu’en utilisant un langage fleuri, compliqué et obscur, que ce soit en français ou

R É F L É C H I R AVA N T D ’ É C R I R E 13
en anglais. En effet, la plupart du temps, la langue dans laquelle la science est
publiée aujourd’hui est l’anglais, alors que bien souvent ce n’est pas la langue
maternelle de ceux qui lisent les articles. Si ces lecteurs-là sont découragés parce
qu’il leur faut sans cesse chercher dans leur dictionnaire ce que les anglophones
veulent dire, l’objectif même de l’article, à savoir qu’il soit lu et compris, ne pourra
jamais être atteint. En fait, avec l’élargissement croissant de l’expertise scientifique
à travers le monde, les gens dont l’anglais est la langue maternelle ont une sérieuse
obligation vis-à-vis de leurs collègues non-anglo-saxons de ne pas faire étalage
de leur bonne fortune en utilisant des mots ou des formulations compliqués et
difficiles à comprendre. À plus forte raison, un francophone, ou toute personne
dont l’anglais n’est pas la langue maternelle et qui doit rédiger en anglais, n’a
aucun intérêt à le faire dans un style compliqué ou avec des mots inhabituels.
Cela ne ferait que lui compliquer la tâche, et l’usage de mots peu courants et un
style obscur peuvent impressionner, mais pas forcément de manière positive.
Souvenez-vous que votre premier objectif quand vous écrivez un article scientifique
doit être qu’un maximum de gens le lisent, le comprennent et soient influencés
par ce que vous avez écrit.

Principes de construction d’un article scientifique


Les gens dont le travail est en rapport avec les sciences et la recherche sont
pratiquement tous d’accord sur ce principe : la rédaction et la publication
d’articles qui présentent les résultats expérimentaux d’un
chercheur sont une partie intrinsèque de son activité de
recherche. Malheureusement, beaucoup d’entre eux pensent
« …penser que cette activité se réalise en trois étapes successives, mais
et réfléchir indépendantes : planifier le travail, faire l’expérience et rédiger
les résultats. C’est bien dommage, parce que ces trois étapes
pendant l’étape sont si intimement liées qu’aucune d’entre elles ne peut être
de planification menée à bien avec succès sans être associée aux deux autres.

facilite non La relation entre la bonne planification et l’exécution aisée d’un


programme de recherche est évidente, mais l’importance de
seulement la phase réfléchir à la manière dont vous allez écrire l’article pendant
de réalisation cette étape de planification est souvent sous-estimée. Le titre
du présent ouvrage, « Guide de rédaction scientifique. L’hypothèse,
expérimentale, mais clé de voûte de l’article scientifique » résulte de la conviction que
aussi la rédaction » penser et réfléchir pendant l’étape de planification facilite non
seulement la phase de réalisation expérimentale, mais aussi
la rédaction. Qui plus est, si la réflexion a été bien menée,
la rédaction des résultats peut s’avérer aussi stimulante que la réalisation de
l’expérience elle-même, au lieu d’être une tâche nécessaire mais déplaisante
comme beaucoup de chercheurs semblent le penser.
Globalement, le processus de raisonnement lié à la rédaction d’un article est
parallèle à celui de l’expérimentation elle-même. Il peut être résumé en quatre
étapes.

14 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


• Étape 1. Prévoyez les résultats de la recherche que vous vous proposez
d’entreprendre.
• Étape 2. Identifiez les raisons pour lesquelles vous pensez que vous allez
obtenir ces résultats.
• Étape 3. Imaginez comment vous les présenteriez.
• Étape 4. Imaginez comment vous les expliqueriez.
À première vue, cette démarche peut paraître assez simple. En réalité, le raisonnement
nécessaire pour aboutir à des réponses satisfaisantes à chacune de ces quatre étapes
représente probablement les trois quarts du travail de raisonnement que vous aurez
à faire pour l’ensemble de la rédaction. De plus, faire ce travail de raisonnement
avant de commencer l’expérience plutôt qu’après avoir obtenu les résultats, vous
donnera les meilleures chances de vous retrouver avec des données solides pour
rédiger votre article. Ce travail de réflexion préalable réduit le risque de découvrir
a posteriori un certain nombre de failles dans votre plan expérimental. Ces failles
peuvent aller d’une mauvaise planification à l’absence d’un groupe expérimental
(contrôle, traitement, par exemple) en passant par l’oubli d’une question de plus
dans votre enquête, ou encore l’absence d’une variable additionnelle. Identifiés au
préalable, tous ces éléments auraient pu faciliter la présentation des résultats ou
permettre de renforcer la crédibilité des conclusions. Une telle réflexion préliminaire
réduit le risque d’être confronté à la déception de voir une belle argumentation
compromise. Elle évite également d’avoir à expliquer pourquoi les résultats sont
finalement moins convaincants que ce qu’ils auraient pu être.
Cependant, tout ceci demande du temps et des efforts pour se frayer un chemin
au travers de ces quatre étapes. Vous pourriez croire que la « prédiction » de la
première étape n’est que le fruit d’une intuition sans fondement, mais la deuxième
étape montre clairement que non, puisqu’elle exige de justifier votre prédiction
par un raisonnement logique tiré d’informations acceptables et publiées. Une telle
démarche, bien évidemment, vous entraîne dans tout un processus de réflexion,
de lecture, d’interprétation et de réévaluation, et tout cela prend du temps. Mais
la récompense de tout ce travail est que, lorsque vous avez donné corps à votre
prédiction de cette manière, celle-ci devient une hypothèse, qui vous sert alors de
repère central pour l’expérience que vous allez faire et pour l’article qui en résultera.
Ainsi, il y a beaucoup d’avantages à suivre ces quatre étapes. Vous êtes contraint
de penser avant d’agir, ce qui est toujours une bonne chose. Plus important encore,
vous êtes obligé de penser scientifiquement et logiquement avant d’agir, ce qui
signifie que vous allez produire et écrire quelque chose de bonne qualité du point
de vue scientifique. Votre rédaction aura un but clair ; ce but conduira les lecteurs
à anticiper ce qu’ils sont sur le point de lire, ce qui en retour leur rendra la lecture
beaucoup plus facile.
Beaucoup de textes sur la philosophie des sciences et la méthode scientifique discutent
en profondeur à propos de l’hypothèse. En bref, nous pouvons la définir comme « une
proposition scientifique raisonnable ». Il ne s’agit pas simplement de l’affirmation
d’un fait mais d’une affirmation qui nous conduit juste au-delà de ce qui est connu et
qui anticipe l’étape suivante dans une série d’arguments logiques. L’hypothèse doit

R É F L É C H I R AVA N T D ’ É C R I R E 15
remplir deux conditions pour être utile en recherche scientifique : elle doit être en
accord avec l’information connue et elle doit être vérifiable. Pour remplir la première
condition, vous, chercheur, devez lire la littérature et la comprendre. Pour remplir la
deuxième condition, vous devez confronter votre hypothèse à la réalité du terrain.
Dans le fond, l’article que vous êtes sur le point d’écrire ne concerne rien d’autre
que ces deux points là. Il vous est donc facile de comprendre pourquoi l’hypothèse
joue un rôle aussi central dans la rédaction scientifique.
Dans l’application de la méthode scientifique, l’énonciation, la justification et
la vérification d’une hypothèse représentent l’essence même de toute recherche
scientifique digne de ce nom. Ce rôle primordial de l’hypothèse est également ce
qui fait l’essence du présent livre. En effet, l’hypothèse est un élément essentiel dans
l’argumentation de votre raisonnement scientifique sur lequel repose l’ensemble
de votre article. Il y a trois raisons à cela.
• Il vous faut connaître toute l’information disponible et
acceptable avant de pouvoir proposer une hypothèse.
• Vous économisez du temps et de l’argent en faisant
« Une fois que vous vos erreurs mentalement avant de vous lancer dans
avez mis en mots l’expérimentation.
une hypothèse • L’énoncé de l’hypothèse donne à votre recherche un but
clair et précis et, quand vous rédigerez votre article, vous
bien argumentée, aussi, vous aurez un but clair et précis.
il est étonnant Formuler votre hypothèse dans l’introduction est la manière
de réaliser comment la plus efficace d’identifier ce but parce que cela donne à vos
lecteurs une idée claire de ce à quoi ils doivent s’attendre dans
tout l’article le reste de l’article scientifique. Si nous nous plaçons du point
se structure de vue du lecteur, cela rend la lecture plus facile et beaucoup
plus agréable. De votre côté, en tant qu’auteur, cela signifie que
logiquement » le lecteur pourra aborder vos résultats et l’argumentation dans
la discussion du même point de vue que vous.
Une fois que vous avez mis en mots une hypothèse bien argumentée, il est étonnant
de se rendre compte comment tout l’article se structure logiquement et sans
difficulté majeure. Cela s’explique globalement par la manière dont l’hypothèse
influence la structure de trois des parties les plus importantes de votre article,
l’introduction, les résultats et la discussion.
L’introduction comprend seulement deux parties et rien d’autre ou presque :
• l’hypothèse ou, formulé en d’autres termes, ce que vous vous attendiez à
trouver ;
• le raisonnement logique qui faisait de cette hypothèse la prédiction la plus
plausible à propos du phénomène que vous vouliez étudier.
Éventuellement, ces deux parties essentielles peuvent être précédées d’une ou
de quelques phrases qui replacent le travail dans un contexte plus large ou qui
soulignent son intérêt. Il peut être avantageux également de présenter brièvement
à la suite de l’hypothèse la stratégie expérimentale utilisée pour la tester.

16 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Les résultats devraient être hiérarchisés plutôt que d’être présentés comme une
suite inorganisée d’informations. Les résultats prioritaires sont ceux qui se
rapportent à l’acceptation ou au rejet de l’hypothèse et les résultats secondaires
sont ceux qui ne s’y rapportent pas. Lorsque les résultats sont présentés en gardant
ces priorités à l’esprit, ils prennent automatiquement plus de sens, à la fois pour
l’auteur et pour le lecteur.
La discussion peut être structurée de la même manière en éléments (ou arguments)
de priorités différentes selon qu’ils concernent des résultats qui confirment ou
infirment l’hypothèse ou, au contraire, des résultats qui ne se rapportent pas
directement à l’hypothèse.
Supposons que nous écrivions un article dans lequel nous avons proposé une
hypothèse et qu’au final nous acceptions cette hypothèse. L’article se présenterait
de la manière suivante :
• l’introduction expliquera pourquoi cette hypothèse était la prédiction la plus
plausible à propos du sujet étudié ;
• les résultats iront dans le sens de l’hypothèse ;
• la discussion explorera les conséquences de ces résultats en relation avec la
littérature pertinente et peut-être, d’une manière plus large, les implications
théoriques ou pratiques.
Le produit final sera un bon article, cohérent et bien centré.
Mais les bonnes expériences ne nous amènent pas toujours à accepter l’hypothèse
de départ. Qu’en est-il de la structure d’un article dans lequel l’hypothèse proposée
s’est révélée récusée au vu des résultats ?
• l’introduction expliquera pourquoi cette hypothèse était la prédiction la plus
plausible à proposer… avant que vous ayez obtenu vos nouveaux résultats ;
• les résultats vont réfuter cette plausibilité ;
• la discussion explorera pourquoi la logique qui vous avait conduit à
proposer l’hypothèse de départ était fausse, comment il faudrait revoir
notre interprétation des travaux déjà publiés, et cela vous conduira peut-
être à proposer de modifier notre compréhension théorique du problème
étudié ou certaines pratiques qui en découlent.
En d’autres termes, le rejet de l’hypothèse peut fournir un article aussi bon,
voire meilleur, que son acceptation. Les expériences conçues en s’appuyant
sur l’argumentation et la mise à l’épreuve d’une hypothèse produisent une
information scientifiquement intéressante, que les résultats coïncident ou non avec
ceux que vous aviez prévus. La rédaction de l’article suit la même logique : vous
annoncez au lecteur ce que vous vous attendiez à trouver et pourquoi. Ensuite
vous présentez vos résultats et vous discutez dans quelle mesure ils concordent
avec vos prédictions.
Par conséquent, en bref, écrire un article scientifique est autant un exercice de
raisonnement clair et bien ciblé que de rédaction claire et précise. Mais pour réussir
pleinement, il faut que les lecteurs adoptent votre manière de voir lorsqu’ils lisent.
Et pour cela, vous devez planifier soigneusement la structure de votre article.

R É F L É C H I R AVA N T D ’ É C R I R E 17
Comment démarrer ?
Les 5 mythes de la rédaction scientifique
Les scientifiques ont pour la plupart un problème pour commencer à rédiger.
Pour eux, il n’y a rien de plus déprimant qu’un écran d’ordinateur vide ou une
feuille blanche en attente de se remplir de façon cohérente et lisible. Les chercheurs
rassemblent leurs données et leur cahier de laboratoire, les résultats de leurs analyses
statistiques, les résumés d’analyses d’articles déjà publiés sur le sujet, les idées qu’ils
ont notées ici ou là et attendent l’arrivée de l’inspiration. Dans cette phase de collecte
du matériel nécessaire à la rédaction, c’est souvent un soulagement pour le chercheur
d’être distrait par un appel téléphonique ou par l’arrivée d’un collègue dans son
bureau. Ces distractions peuvent soulager temporairement l’angoisse de la page
blanche mais elles ne résolvent pas le problème. Il est utile d’avoir quelques stratégies
un peu plus efficaces pour pouvoir démarrer.
La première étape pour pouvoir commencer à écrire est de
prendre conscience que votre problème n’est pas tant de savoir
comment vous allez commencer, mais plutôt de savoir comment
« …votre problème
vous allez finir. On ne part pas en voyage sans connaître sa
n’est pas tant destination. Pourtant, bien souvent, quand nous nous lançons
dans un voyage rédactionnel, nous écrivons quelques mots
de savoir comment
en espérant que le reste va suivre, tout en s’emboîtant dans la
vous allez direction souhaitée. Malheureusement, la probabilité que cela
se passe ainsi est extrêmement faible. D’un autre côté, avoir au
commencer, mais
départ une bonne idée de comment doit se terminer une tâche
plutôt de savoir aussi complexe et exigeante qu’un article scientifique demande
beaucoup plus que ce que la plupart d’entre nous sommes
comment vous
capables de gérer. Le secret est de réduire la tâche à accomplir en
allez finir » sections de taille raisonnable. Alors, pour chacune de ces sections
prises individuellement, nous pouvons définir les conclusions
qui s’y rapportent et rédiger les phrases qui y conduisent. Il
devient alors beaucoup plus facile d’avancer efficacement. Ensuite, à mesure que
l’orientation générale de l’article devient de plus en plus claire, les sections peuvent
être rassemblées et corrigées pour devenir un ensemble consistant et cohérent.
Heureusement, les articles scientifiques ont une structure relativement rigide qui
doit être respectée et cette structure fournit un premier découpage en sections plus
petites. Le format IMRED, introduction, matériel et méthodes, résultats, discussion, fournit
quatre éléments principaux. Chacun de ces éléments possède un rôle et un contenu
particuliers et peut être planifié et écrit indépendamment des autres – au moins dans
un premier temps. Ces éléments peuvent à leur tour être divisés temporairement
en portions de texte plus petites ; pour chacune d’elles vous pourrez alors vous
représenter mentalement ce que vous voulez dire du début à la fin. Lorsque vous
aurez rédigé quelques-unes de ces portions, elles vont amorcer la rédaction d’autres
éléments, pour aboutir finalement à un premier brouillon de tout l’article.
Une fois ce premier brouillon obtenu, vous avez une vision entièrement nouvelle de
l’article. Le défi n’est plus de remplir un écran vide ou une feuille blanche. Il s’agit

18 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


au contraire de corriger ou de compléter un texte déjà existant et de l’organiser de
manière logique et cohérente avec les autres sections qui le précèdent et qui le suivent.

C’est l’étape de correction. Corriger un texte est beaucoup plus facile que le générer
à partir de rien. Le texte que vous corrigez est déjà dans un contexte et il devient
beaucoup plus simple de vérifier comment il s’articule avec ce qui le précède et
avec ce qui le suit, ce qui rend sa modification moins risquée. Les modifications
de texte demandent beaucoup moins de temps et de réflexion que la création d’un
nouveau texte, parce qu’elles sont généralement mineures et dans un contexte déjà
bien défini. Qui plus est, le traitement informatique du texte simplifie encore plus
les modifications dans la mesure où des mots, des phrases ou des paragraphes
entiers peuvent être réorganisés ou déplacés par quelques commandes de clavier et le
résultat visualisé instantanément. Il ne faut pas hésiter à rédiger en utilisant ces outils.

La clé, par conséquent, est de passer le plus rapidement possible de l’étape de


la création de texte à celle de la correction ou de la modification qui paraît, et de
fait est, beaucoup moins compliquée. Même si certaines des corrections initiales
semblent importantes et entraînent la création et l’insertion de nouvelles portions
de texte, cela se fait généralement dans un cadre déjà existant avec un début et
une fin bien identifiés, ce qui rend la tâche beaucoup plus facile. Lors de la phase
de correction, vous pouvez avancer dans votre rédaction de manière significative
même dans un petit moment de temps libre, alors que vous n’auriez pas pu
envisager d’écrire une portion de texte nouveau dans le même temps. Votre
confiance s’accroît et vous avez le sentiment de progresser dans votre rédaction.

Il est difficile de démarrer la rédaction pas seulement parce qu’il faut penser à ce
que nous allons dire, mais aussi parce nous ne sommes pas sûrs de comment il
faut le formuler. Cette incertitude est entretenue et renforcée de manière inutile
par au moins cinq mythes sur la rédaction scientifique.

Mythe n° 1. Je dois apprendre le langage spécifique


de la recherche avant d’écrire correctement
Une idée répandue est qu’il existe un langage particulier à la science et à la recherche,
qui présente un style spécifique formel, guindé et différent du langage courant
de tous les jours. C’est un langage étranger à la plupart des gens, qu’ils soient
francophones, anglophones ou de toute autre langue. L’utilisation de ce langage
particulier les rend hésitants au moment de commencer à écrire. Heureusement,
comme nous allons le voir plus loin, l’idée que le langage scientifique est rigide,
formel et difficile à comprendre n’est qu’une illusion. Cette idée est perpétuée en
partie par le fait qu’il est facile de trouver des exemples d’écriture rigide, formelle
et compliquée dans des revues scientifiques. Évidemment, ces exemples viennent
en général d’articles qui sont eux-mêmes difficiles à lire. Mais le style de base pour
la rédaction scientifique est un langage simple et clair, ni plus, ni moins, quelle
que soit la langue utilisée. Bien sûr, les articles scientifiques contiennent beaucoup
d’idées complexes et connues par peu de gens, mais les mots qui portent ces idées
peuvent être, et devraient être, d’une simplicité désarmante.

R É F L É C H I R AVA N T D ’ É C R I R E 19
Le type de langage qui nous est le plus familier, et par conséquent avec lequel
nous sommes le plus à l’aise, est celui que nous utilisons dans nos conversations.
C’est plus que suffisant pour un premier brouillon d’article scientifique. Qui plus
est, lors des corrections ultérieures, et même lors des traductions éventuelles en
anglais, nous n’aurons pas à faire de changements importants dans le style. Par
conséquent, l’excuse qui consiste à dire que nous ne pouvons pas commencer
parce que nous ne sommes pas habitués à écrire dans le style scientifique tombe
d’elle-même, puisqu’un tel style n’existe pas.

Mythe n° 2. Je dois choisir la revue


avant de commencer à écrire
Les éditeurs de la plupart des revues scientifiques publient régulièrement un
guide pour les auteurs d’une ou deux pages. Ce guide décrit comment certaines
choses doivent être exprimées, les unités à utiliser, la manière dont les références
doivent être présentées, ainsi que d’autres détails mineurs pour que tous les
articles de la revue aient la même présentation. Cette présentation devient le
« style de la maison » pour cette revue. Ce guide est rarement complet et, pour
le chercheur qui commence la rédaction de son article, il peut représenter plus
un handicap qu’une aide pour formuler les fondements de sa recherche et les
principaux résultats obtenus. Il est beaucoup plus logique d’utiliser ce guide pour
corriger le texte quand vous approchez de la mise en forme finale de l’article. Et,
plus important encore, vous ne pourrez probablement pas choisir quelle est la
revue la plus appropriée pour votre article tant que vous n’aurez pas fait le plus
gros du raisonnement dont vous avez besoin pour le construire logiquement et
le rédiger. Il est plus logique de commencer à écrire sans a priori et sans vous
disperser sur les choix possibles des revues auxquelles vous pourriez soumettre
votre article. Mieux vaut se concentrer sur ce que doit contenir votre article et
sur son organisation logique. Vous obtiendrez ainsi une image claire de ce que
vous avez exactement à proposer qui vous permettra alors de choisir facilement
la revue et de faire les derniers ajustements de style nécessaires.

Mythe n° 3. Si l’anglais n’est pas ma langue maternelle,


j’aurai besoin d’aide dès le départ
Il est vrai que l’anglais est devenu de facto le langage scientifique par excellence et
publier dans une autre langue réduit l’audience potentielle d’un auteur de manière
significative. Presque tous les chercheurs, quelle que soit leur langue maternelle,
doivent apprendre l’anglais pour savoir ce que les autres chercheurs font et pour
faire partie de la communauté scientifique internationale de leur spécialité. Mais
si l’anglais est votre deuxième ou troisième langue, vous n’êtes probablement pas
aussi familiarisé avec le vocabulaire et les expressions courantes de la langue et
par conséquent vous ne vous sentez pas à l’aise pour écrire spontanément sans
aide dès le départ. Ce manque de confiance est largement injustifié.
La science possède son propre langage, mais celui-ci n’a rien à voir avec la langue
maternelle de l’auteur. C’est le langage de la logique, dans lequel un raisonnement

20 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


est développé à partir de faits bien présentés, conduisant à des conclusions
robustes et qui sont cohérentes. Indépendamment de l’origine de l’auteur et de
ses préférences linguistiques, ce langage est le même, et une bonne rédaction
scientifique dépend d’abord d’une formulation précise et claire. Si le texte est bien
formulé, sa révision ultérieure par un anglophone pour corriger l’anglais et le
mettre dans un style moderne courant est facile, avec pour résultat un bon article.
Par contre, si la formulation scientifique laisse à désirer, toutes les corrections
imaginables de l’anglais ne pourront pas en faire un bon article. Autrement dit, une
aisance limitée en anglais n’est pas une bonne excuse pour repousser la rédaction
d’un article rapportant un bon travail de recherche.
En fait, les francophones, dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, ont même
quelques avantages imprévus lorsqu’il s’agit de rédiger un travail scientifique.
Dans beaucoup de pays anglo-saxons, les enfants passent de moins en moins
de temps à apprendre les règles fondamentales de grammaire. Il en résulte
que de nombreux scientifiques dont l’anglais est la langue maternelle ont de
réelles difficultés à identifier des phrases grammaticalement incorrectes ou à
analyser pourquoi certaines phrases ne semblent pas dire ce qu’elles devraient
dire. À l’inverse, lorsqu’on apprend l’anglais dans un pays non anglo-saxon,
l’enseignement de la grammaire est souvent plus approfondi. Les étudiants
apprennent non seulement à reconnaître les verbes, les noms, les adjectifs, les
adverbes et les prépositions, mais ils apprennent aussi concrètement comment
les utiliser, bien que leur vocabulaire soit plus limité.
Le fait même d’avoir un vocabulaire limité peut aussi se révéler un avantage.
Il s’accompagne généralement d’une faible connaissance des figures de style
sophistiquées et des assemblages compliqués de mots comme ceux qu’on s’attend à
trouver dans la grande littérature. De ces connaissances limitées résultera un article
comportant des mots et des termes qui expriment simplement et succinctement
des idées. Heureuse coïncidence : c’est justement ce qu’il faut pour la rédaction
scientifique, ce qui donne aux auteurs dont l’anglais n’est pas la langue maternelle
un avantage dès le départ.

Mythe n° 4. Je dois écrire mon article dans l’ordre pour qu’il soit
cohérent, en commençant par le début et en finissant par la fin
Ceci implique que vous devez avoir toute votre information, toutes vos idées et
tout votre raisonnement clairement développés avant de vous mettre à écrire. C’est
beaucoup trop ambitieux et bien des résultats intéressants restent enfermés dans
des tiroirs parce que leurs auteurs les ont laissés là en attendant que l’inspiration
leur éclaircisse l’esprit. La rédaction est une partie intrinsèque du processus
scientifique, et l’exercice qui consiste à réfléchir à certains éléments de vos résultats
et à les rédiger génère presque toujours de nouvelles perspectives pour d’autres
éléments de l’article. Par conséquent, vous devriez accepter l’idée que vous allez
devoir élaborer votre article par morceaux, peut-être en commençant par les
parties les plus faciles et en les utilisant comme sources d’inspiration pour les
parties plus difficiles. Par la même occasion, vous éviterez l’étape difficile du

R É F L É C H I R AVA N T D ’ É C R I R E 21
« syndrome de la page blanche » pour vous retrouver au contraire rapidement
à l’étape de correction d’un texte déjà existant, ce qui est beaucoup plus facile à
gérer, particulièrement lors de courtes périodes de temps disponible. Beaucoup
d’auteurs aiment commencer par la section des matériel et méthodes, parce qu’elle
est descriptive et demande peu de travail d’interprétation. D’autres commencent
par une ébauche des résultats, pour disposer d’une base sur laquelle construire
leur raisonnement. D’autres encore considèrent important d’avoir un titre dès le
départ et c’est très bien, même si ce titre n’est pas forcément celui qui restera à la
fin, comme nous le verrons plus loin. Quel que soit l’ordre que vous choisissez
pour commencer à écrire, vous trouverez plus facile d’organiser et de rationaliser
les différents éléments en les corrigeant plus tard, plutôt que d’essayer de le faire en
rédigeant de façon séquentielle selon l’ordre dans lequel l’article doit être organisé
au final. Le seul élément qu’il vaut mieux éviter de rédiger en premier est le résumé.
En effet, essayer de résumer votre travail avant de l’avoir rédigé supposerait que
vous avez déjà mentalement une vue complète de votre article avant même de
l’avoir commencé. Non seulement c’est hautement improbable mais, de plus, la
rédaction du résumé nécessite une sélection rigoureuse des éléments essentiels de
votre article. Une telle sélection ne peut être effectuée efficacement qu’à la fin de
la rédaction, comme cela est expliqué pages 67-68.
Le style dans lequel vous écrivez est bien sûr important. Mais à ce stade initial, cette
préoccupation est secondaire par rapport au fait d’avoir une structure d’article
saine, logique et scientifique. Cela doit être votre but lors de la rédaction des
premiers éléments de votre brouillon. Bien sûr, si vous écrivez bien, de manière
intuitive et fluide, tant mieux ! Mais si vous devez batailler pour obtenir un texte
agréable et facile à lire à un point tel que vous perdiez de vue l’argumentation
logique et scientifique, le résultat risque d’être décevant et contre-productif. Il vaut
bien mieux dédier toute votre attention uniquement à construire un premier jet
bien structuré à ce stade et prévoir de travailler le style lors de la phase finale de
correction. C’est une stratégie valable pour tout auteur d’article scientifique, mais
encore plus pour les francophones dont l’anglais n’est pas la langue maternelle.
Les francophones ne devraient pas se sentir inhibés par les difficultés de la langue,
réelles ou non, qui pourraient les empêcher d’écrire un article rigoureux et logique.
En fait, ils ne seront probablement pas très désavantagés. En effet, s’ils veulent
exprimer des segments de raisonnements particulièrement complexes exactement
comme ils le souhaitent, il est préférable qu’ils écrivent au moins ces segments
dans leur langue maternelle et les traduisent ensuite, plutôt que d’anéantir leur
raisonnement parce que l’anglais est un frein supplémentaire.

Mythe n° 5. J’ai des résultats négatifs et les éditeurs


ne publient pas des résultats négatifs
Beaucoup de chercheurs se plaignent que les éditeurs et les rapporteurs
n’acceptent pas de publier des résultats qui apparaissent comme négatifs. Par
conséquent, ils s’autocensurent et ne soumettent pas pour publication des
expériences qui « n’ont pas marché ». Leur raisonnement est qu’une expérience
produira forcément un article peu intéressant et difficile à publier si les traitements

22 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


appliqués ou les résultats obtenus n’apportent pas une réponse claire. Mais ces
chercheurs soulignent aussi avec raison que si des résultats négatifs ne sont pas
publiés, d’autres chercheurs qui ne le savent pas vont alors répéter les mêmes
expérimentations, avec les mêmes résultats négatifs, et ainsi de suite. Ce problème
est suffisamment sérieux en écologie et en sciences de l’environnement pour avoir
encouragé l’apparition d’une revue spécialisée, le Journal of Negative Results.
Cela semble une réponse exagérée au problème car un projet de recherche qui est
correctement relié à une hypothèse n’a pas à se soucier de savoir si les résultats
obtenus sont positifs ou négatifs. Autrement dit, si l’argumentation pour prédire
des résultats positifs est logique et solide, mais que les résultats sont négatifs,
le résultat est quand même concluant. Bien sûr, le schéma expérimental doit
être robuste, avec des tailles de groupes adéquates et une approche statistique
appropriée pour éviter un risque d’erreur de type 2 (aussi dite de deuxième espèce)
trop élevé, c’est-à-dire d’accepter l’hypothèse nulle alors qu’elle est fausse. La
discussion détaillée de ces points dépasse largement le cadre du présent ouvrage,
et nous ne pouvons que recommander aux lecteurs intéressés de consulter les
ouvrages statistiques appropriés. Si ces conditions sont remplies, un résultat
négatif devrait mener à une discussion intéressante et avoir un impact significatif.
Ce sera particulièrement vrai si le fait qu’une prédiction logique s’est révélée
fausse impose une modification de la compréhension admise jusqu’alors dans le
domaine scientifique concerné. Un résultat négatif parce qu’il contredit ce à quoi
on pouvait s’attendre est précieux et, présenté comme tel, ne sera probablement
pas rejeté par les rapporteurs ou les éditeurs.
Le problème des résultats négatifs est souvent qu’ils ne sont pas correctement
mis en valeur. D’un autre côté, si des résultats sont négatifs parce qu’ils n’ont
pas été précédés d’une argumentation logique qui rend le rejet de l’hypothèse
surprenant, ou parce que l’expérience a été mal conçue et mal réalisée, alors ils
ne méritent certainement pas d’être publiés. Ils contribueront peu ou pas du tout
au progrès des connaissances.
Il y a encore une autre raison pour développer une hypothèse dans l’introduction
de tout article scientifique. Les termes positif ou négatif concernant les résultats
deviennent hors de propos lorsqu’on aborde la discussion de toute expérience,
étude ou enquête reposant sur une hypothèse bien construite.

R É F L É C H I R AVA N T D ’ É C R I R E 23
Rédiger un article scientifique

LES MOTS SONT PRÉCIEUX POUR ÉCRIRE DES ARTICLES


scientifiques qui transmettent des idées et des résultats nouveaux à
d’autres chercheurs. Les bons mots doivent être aux bons endroits pour
les bonnes raisons afin de remplir leur fonction correctement. Cette
section illustre comment les auteurs d’articles scientifiques peuvent
gérer l’information dans chaque portion de leur texte pour produire
un article rigoureux, concis et lisible, agréable tant pour l’auteur que
pour le lecteur.

Une structure logique et un style lisible 26


Le titre 27
L’introduction : l’hypothèse et sa justification 30
Les matériel et méthodes 40
Les résultats 44
La discussion 54
Le résumé 67
Les autres sections de l’article :
les auteurs, les remerciements, la bibliographie 69
Corriger la lisibilité et le style 73
Et maintenant ? 93

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 25
Une structure logique et un style lisible
Lorsqu’il sera fini, votre article présentera, ou devrait présenter, deux caractéristiques
très importantes. Il devrait avoir une structure logique et physique claire et il
devrait être écrit dans un style lisible, à la fois précis, clair et concis. Au début,
votre texte n’a peut-être aucune de ces deux propriétés, mais il est de la plus haute
importance que vous vous donniez pour objectif de les atteindre à mesure que
vous progressez. Pour cela, ne soyez pas trop ambitieux et évitez de vouloir gérer
la structure et le style simultanément. Faites-le plutôt par étapes ou par brouillons
successifs. Il vaut mieux rédiger en vous concentrant d’abord sur la structure de
l’article et ensuite en le modifiant pour améliorer le style et en vous assurant qu’il
se lit facilement. Je suggère de traiter la structure et le style séparément et dans cet
ordre, pour au moins trois raisons.
Premièrement, la nécessité d’une structure sans faille et les principes qui la régissent
ne sont pas aussi clairement admis que la nécessité d’un style lisible. De fait,
beaucoup de gens considèrent à tort qu’un article scientifique n’est rien de plus
qu’un exercice de rédaction, généralement en anglais. Donc il vaut mieux mettre
en avant l’importance de la structure dès le départ pour éviter de se concentrer
uniquement sur le style.
Deuxièmement, une structure sans faille est la preuve d’une réflexion et d’un
raisonnement scientifiques logiques. C’est votre spécialité. C’est le domaine dans
lequel vous avez été le mieux formé ; à vous d’utiliser cette formation pour renforcer
votre confiance pour écrire. Ensuite, dans un deuxième temps, améliorez le style
et la lisibilité.
Troisièmement, il n’y a pas de barrière de langue pour la science et le raisonnement
logique ; ils constituent une langue en eux-mêmes. Et c’est une langue universelle,
indépendamment de la langue dans laquelle vous vous exprimez normalement. Sur
ce plan, le fait que votre langue maternelle ne soit pas l’anglais ne vous désavantage
pas par rapport aux anglophones. Par conséquent, travaillez d’abord la structure.
Ensuite, même si vous avez besoin d’aide plus tard pour modifier la syntaxe
ou changer quelques mots, cela ne devrait pas poser de problème majeur. En
revanche, vous risquez de ne pas arriver à écrire « de la bonne science » si vous êtes
préoccupé en permanence par le souci d’écrire dans un anglais sans faute. Toutes
les corrections de style de l’anglais ne sauront convertir un texte mal structuré en
un bon article.
La structure physique d’un article scientifique est connue de tous et, excepté
quelques variations mineures, est pratiquement universelle.
Dans ce chapitre, nous allons examiner ce que devrait comporter chacune des
sections ci-dessous, dans l’ordre dans lequel nous les trouvons en général dans un
article. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’en pratique, vous devez à tout
prix rédiger dans cet ordre. En fait, beaucoup d’auteurs aiment bien commencer
par la section matériel et méthodes, pour se faciliter la tâche. Par contre, le résumé,
bien qu’il vienne en deuxième, est beaucoup plus facile à écrire après avoir rédigé
la discussion.

26 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Il y a un autre point important à prendre en compte à propos de la structure de
votre article. En effet, la structure logique d’un article scientifique est différente de
sa structure physique et dépend essentiellement de l’introduction. Par conséquent,
il vaut mieux commencer à travailler l’introduction dès que possible, car cela vous
guidera forcément dans la structuration logique du reste de votre article.
Structure physique d’un article scientifique
• Titre
• Résumé
• Introduction
• Matériel et méthodes
• Résultats (y compris tableaux et figures)
• Discussion
• Remerciements
« …vous êtes
• Bibliographie
en compétition
Le titre avec tous les autres
La raison primordiale d’écrire un article scientifique est qu’il auteurs qui ont
soit lu. Le titre de votre article est le premier, et bien souvent un article dans
aussi le dernier, élément qu’un lecteur potentiel va voir. Pour
chaque personne qui lit au moins une petite partie de votre le même numéro
texte, il y en a plus d’une centaine d’autres qui auront lu votre de la revue que vous.
titre et décidé de ne pas poursuivre leur lecture. Donc, la
rédaction du titre demande beaucoup d’attention. Vous devez donc
Le titre a deux fonctions : être très attentif
• inciter d’autres chercheurs à lire votre article ; à gagner l’attention
• fournir la meilleure information possible pour permettre
aux moteurs de recherche bibliographique de trouver
du lecteur
votre article facilement. et le décider
Composer un titre ne devrait donc pas consister simplement à passer son temps
à fournir un guide approximatif au lecteur à propos du thème
général de l’article. Ne vous y trompez pas : dans la page de
très précieux à lire
la table des matières (Contents, en anglais) de la revue où vous votre article. »
avez publié, vous êtes en compétition avec tous les autres
auteurs qui y ont aussi un article. Vous devez donc être très attentif à gagner
l’attention du lecteur et le décider à passer son temps très précieux à lire votre
article. Pour cela vous devez donc produire quelque chose qui soit non seulement
correct, mais en plus qui ressorte de la masse des autres titres de la table des
matières de la revue, ou de la liste des titres fournie par un logiciel de recherche
bibliographique.
Si vous gardez cela présent à l’esprit et que vous regardez la table des matières de
la première revue que vous avez sous la main, vous allez être surpris du nombre
de titres qui manquent d’imagination, qui ne disent pas grand-chose et qui, par

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 27
conséquent, sont très peu attractifs pour le lecteur. L’exemple le plus commun sera
probablement : « L’effet de A sur B », « L’influence de A sur B » ou « A influence B ».
Un tel titre n’incite pas vraiment le lecteur à poursuivre la lecture de l’article
pour en savoir plus. Pire encore, ce titre ne dit pas grand-chose : « A » peut avoir
perturbé ou influencé « B » en l’augmentant ou en le diminuant, ou encore peut
ne pas l’avoir modifié du tout. Il est très frustrant de lire un article dont le titre
annonce que quelque chose est supposé influencer quelque chose d’autre, alors
que le texte montre que, finalement, il ne s’est rien passé.
D’autres titres sont un peu plus informatifs, mais la question est de savoir si
l’information qu’ils donnent est importante. Prenons l’exemple suivant : « Étude
clinique rétrospective linéaire de l’incidence de la maladie de Tournanron dans
une population rurale d’adolescents » ou, en suivant une habitude courante qui
consiste à mettre deux points dès qu’on le peut dans un titre, « Incidence de la
maladie de Tournanron dans une population rurale d’adolescents : une étude clinique
rétrospective linéaire ». La question importante est de savoir si cette information est
susceptible d’inciter le lecteur à se plonger dans la lecture de l’article. Le titre ci-dessus
fait ressortir la méthodologie utilisée, mais le résultat reste un secret bien gardé. En
fait, si le thème principal de l’article était de montrer que cette méthodologie est une
nouvelle manière originale d’étudier la maladie de Tournanron, ce serait une raison
valable pour utiliser ce type de titre. Mais si ce n’est pas le cas, alors les auteurs ont
gâché une excellente opportunité de vendre leur article. En résumé, un titre qui ne
révèle pas le contenu de l’article rate complètement son objectif.
Vous pouvez faire beaucoup mieux que cela, et voici un ensemble de
recommandations qui aident à produire un titre qui remplisse les deux fonctions :
• de persuader les lecteurs potentiels de lire au moins une partie de l’article ;
• de s’assurer que les moteurs de recherche bibliographique vont trouver
votre article si les mots clés appropriés sont utilisés.
Choisissez soigneusement les mots clés dans votre article, ce que l’éditeur vous
demandera de toute façon.
Faites-en une liste par ordre d’importance ; si on vous demandait de résumer votre
article en un seul mot, ce mot là devrait être le premier de la liste !
Construisez votre titre en utilisant tous les mots clés et en essayant de les placer
dans la mesure du possible dans l’ordre de votre liste. Ceci s’appuie sur le
principe que le lecteur percevra les premiers mots de votre titre comme étant plus
importants que ceux qui viennent ensuite. Vous arriverez rarement à placer tous
les mots dans l’ordre exact que vous aviez établi mais, si vous vous en approchez,
vous donnerez probablement au lecteur la même impression que la vôtre de ce
qui est important dans votre article.
Si le titre est trop long, retirez d’abord les mots clés les moins importants, mais
gardez-les en réserve ; vous en aurez besoin plus tard pour votre liste de mots clés.
Maintenant, corrigez cette ébauche de titre pour y introduire une idée de votre
résultat principal ou de votre conclusion principale, en d’autres termes, la raison
première pour laquelle vous voulez écrire l’article.

28 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


En résumé, assurez-vous que votre titre révèle le plus possible les informations
scientifiques dont traite votre article. De prime abord, vous pensez peut-être que
cela trahit le secret trop tôt et que les lecteurs n’auront pas envie d’en savoir
plus s’ils savent ce qui va suivre. Mais c’est plutôt le contraire qui se passe.
Premièrement, vous ne pouvez révéler qu’une information générale dans un
titre, qui reste court par définition. De plus, et plus important encore, ce que
vous révélez amorce la tâche essentielle d’induire chez le lecteur une attente et
de lui fournir une trame, à partir de laquelle il sera plus facilement en mesure de
comprendre et de retenir les détails de votre article. Sans cette accroche, l’envie
du lecteur de continuer sa lecture risque d’être beaucoup moins forte.
Par exemple, considérons le titre « Effet d’extraits de Leptospernum fasciculum sur
des blessures infectées par Staphylococcus aureus. »
Si les auteurs pensaient que les résultats de leur étude étaient
l’information la plus importante fournie par ce travail, ils
auraient pu modifier leur titre en nous parlant du résultat « …assurez-vous
principal : « Les extraits de Leptospernum fasciculum réduisent que votre
l’infection de blessures contaminées par Staphylococcus aureus. »
titre révèle
En revanche, si les auteurs pensaient que leur message principal
était une conclusion découlant de leurs résultats, le titre aurait le plus possible
pu être modifié de la façon suivante : « Leptospernum fasciculum les informations
peut potentiellement remplacer les antibiotiques classiques
pour traiter des blessures infectées par Staphylococcus aureus. » scientifiques
Les deux derniers titres sont de loin plus attrayants et plus dont traite
informatifs que le premier. Il y a tant de titres stéréotypés dans votre article. »
la littérature qu’il est facile de vous donner un avantage réel
en fournissant un titre qui annonce aux lecteurs le profit qu’ils
peuvent espérer tirer de l’article. En plus, en fournissant plus de détails dans votre
titre, vous serez probablement moins ambigu et donc plus scientifique.
Et plus d’information ne veut par forcément dire plus de mots. Par exemple :
« L’influence du moment de vêlage sur la performance chez la vache Holstein », le
manque de précision soulève au moins trois questions. Quelle sorte d’influence ?
Bonne ou mauvaise ? Quelle performance ? Le saut, la course, la production de
lait, de viande… ? Quel moment ? Heure du jour, jour de la semaine, saison… ?
Une meilleure proposition serait « Les vaches Holstein produisent plus de lait
si elles vêlent au printemps plutôt qu’en automne. » Nous avons ajouté trois
mots, mais augmenté énormément l’information et l’impact sur le lecteur. De la
même manière, un titre tel que « Le manganèse renforce la couleur des feuilles de
pétunia » est beaucoup plus informatif et attrayant que « L’influence du manganèse
sur les feuilles de pétunia », même si ce deuxième titre prend un mot de moins.
En anglais, le nombre de mots est le même pour les deux titres.
Certains titres contiennent des mots ou des phrases qui ont l’air d’avoir été conçus
pour rebuter le lecteur. Vous devriez y réfléchir à deux fois lorsque vous êtes
tenté d’utiliser de tels mots. Les titres qui commencent par « Quelques aspects

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 29
de… », « Observations sur… » donnent l’impression que même si on lisait
l’article on ne serait pas beaucoup plus avancé. Des mots tels que changement,
influence ou effet n’indiquent pas de direction et devraient être remplacés par
des alternatives plus précises comme réduction, augmentation ou renforcement,
ou les verbes correspondants, qui indiquent aux lecteurs la direction de l’effet ou
du changement. De la même manière, les mots corrélation ou relation dans un
titre n’indiquent pas au lecteur ce qui se passe réellement, à moins qu’ils ne soient
accompagnés de qualificatifs comme positive ou négative.
Pour vous exercer, choisissez des titres dans une de vos revues habituelles et lisez
le résumé qui correspond à chacun d’entre eux. En utilisant cette information,
composez un nouveau titre qui ne soit pas plus long, mais qui soit plus précis
et informatif que l’original, et aussi plus utile aux moteurs de recherche
bibliographique. Un tel exercice est non seulement un bon entraînement, mais
il vous montrera aussi rapidement la mauvaise qualité de beaucoup des titres
proposés actuellement.
Quand vous élaborez votre liste de mots clés, assurez-vous qu’ils seront efficaces
en choisissant les mots les plus pertinents pour votre article. Si dans l’expérience
présentée dans votre article, vous avez trouvé une très forte corrélation
biologiquement importante entre A et B, assurez-vous que A et B sont bien dans
la liste des mots clés. En revanche, n’incluez pas des mots comme « corrélation »,
quel qu’en soit le signe, car il est très peu probable que la personne effectuant une
recherche bibliographique l’inclue dans sa liste de termes de recherche. La majeure
partie de vos mots clés devrait être des noms. Des adjectifs comme « important »
ou « significatif » n’apportent pas grand-chose.
Les moteurs de recherche bibliographique ne travaillent jamais uniquement sur
les mots de la section de mots clés. Ils prennent également toujours en compte le
titre. De fait, de nos jours certains moteurs de recherche travaillent sur tout l’article
et la section des mots clés perd progressivement de son importance. Cependant,
même si les ordinateurs et les moteurs de recherche modernes sont très puissants,
le champ des mots clés peut permettre de restreindre les limites d’une recherche.
De toute façon, il est inutile de répéter dans les mots clés des mots qui sont déjà
dans le titre ; en revanche assurez-vous bien d’y mettre ceux que vous n’avez
finalement pas utilisés lorsque vous avez construit votre titre.

L’introduction : l’hypothèse et sa justification


Un article scientifique communique des informations nouvelles à d’autres
chercheurs. Par conséquent, son premier objectif devrait être de démontrer que
l’histoire racontée vaut vraiment la peine d’être racontée, c’est-à-dire qu’elle est
scientifiquement sans faille et qu’elle est argumentée de manière plausible et
logique. L’introduction est l’endroit où l’auteur (c’est-à-dire vous) convainc le
lecteur que le travail a été bien pensé ; en même temps, c’est aussi l’endroit où
vous guidez la pensée du lecteur sur le même chemin intellectuel que celui que
vous avez suivi. En bref, c’est la « centrale énergétique » de votre article qui devrait
animer toutes les autres sections de celui-ci.

30 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Une bonne introduction ne se limite pas simplement à annoncer le problème et
à familiariser le lecteur avec la littérature pertinente. Elle doit aussi décrire une
série d’étapes logiques qui se terminent par l’annonce du thème de l’expérience,
pourquoi vous l’avez faite et ce que vous espériez en tirer. Si vous avez bien
travaillé en construisant votre introduction, vous aurez transformé le lecteur en
un acteur passionné en quête de l’information que vous voulez lui transmettre
alors qu’il n’était au départ qu’un récepteur passif relativement peu motivé pour
recevoir cette information.
La plupart des guides de rédaction scientifique donnent des instructions générales
sur la façon d’écrire une introduction. Ils ne sont généralement pas très précis et
n’apportent qu’une aide limitée. Globalement, les recommandations que l’on peut
trouver dans ces guides sont à peu près les suivantes :
• définir le thème de l’étude ;
• définir le problème ;
• annoncer l’objectif ;
• identifier les failles dans la compréhension du problème étudié ;
• annoncer la raison de l’expérience ;
• résumer l’état des connaissances sur la recherche entreprise (suffisamment,
mais pas trop !) ;
• énoncer la question que vous avez posée ;
• fournir le contexte de votre recherche ;
• expliquer brièvement la théorie concernée ;
• présenter une hypothèse ou une prédiction.
Vous devriez bien sûr faire tout cela, mais la question est « comment ? » et là,
les conseils deviennent beaucoup plus rares. Pour traiter chacun de ces points
correctement, il faudrait cinq, voire dix pages ou plus, d’introduction et aucun
journal scientifique ne vous permettra ce luxe. La recette pour écrire une introduction
commence en fait avec la compréhension de deux principes assez simples.
Le premier de ces principes est que l’hypothèse est la clé de l’introduction. Le
deuxième est qu’en justifiant l’hypothèse logiquement et scientifiquement, vous
fournissez pratiquement tout ce dont le lecteur a besoin pour comprendre le sujet
de votre article et pourquoi vous l’avez écrit. En d’autres termes, en respectant
ces deux principes, vous produirez une introduction qui sera un texte bien ciblé et
qui couvrira automatiquement de manière concise la liste des recommandations
citées plus haut.
Donc, une bonne introduction comprend deux éléments distincts, une affirmation
courte de ce que l’auteur pouvait logiquement s’attendre à trouver avant de
réaliser l’expérimentation, c’est-à-dire l’hypothèse, précédée par une proposition
scientifique raisonnable justifiant cette affirmation. Dans les articles bien écrits,
ces deux éléments se traduisent souvent par deux paragraphes ou, si ces derniers
sont très simples, ils peuvent être réunis en un seul paragraphe contenant les deux
éléments. Le premier élément n’a pour seul objet que de justifier l’hypothèse.
Le deuxième est plus court que le premier et contient l’hypothèse. La recette est

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 31
donc vraiment très simple. L’introduction qui en résulte est également simple et
relativement concise, mais vous devez rester prudent parce que la réflexion, le
raisonnement et le travail indispensables pour arriver à ce résultat apparemment
simple sont loin d’être faciles. Toutefois, si vous êtes prêt à faire l’effort de réflexion
nécessaire pour produire et rédiger la justification logique de votre hypothèse, vous
serez récompensé par le fait que non seulement votre introduction sera plus facile
à écrire, mais tout le reste de l’article sera aussi plus simple à rédiger, parce qu’il
a un but central bien identifié. Encore plus important, les lecteurs interpréteront
plus facilement ce que vous avez à dire dans le reste de l’article, parce que votre
introduction les aura incités à anticiper certaines informations que vous allez leur
présenter là où ils les attendent. Il en résulte moins de risques que les lecteurs
vous comprennent mal ; au contraire, ils seront plus susceptibles d’interpréter
vos informations de la même manière que vous.

Formulation d’une hypothèse logique


Le secret du succès réside sans aucun doute dans la formulation d’une hypothèse
logique. Mais les articles scientifiques ne traitent pas toujours de résultats
d’expériences dans lesquelles les traitements concernaient spécifiquement la
vérification d’une hypothèse. Certains présentent les résultats d’enquêtes sur du
nouveau matériel ou de nouveaux domaines de travail. Il peut s’agir d’observations
sur des populations particulières d’humains, d’animaux, de plantes, de milieux
environnementaux ou de composés sur lesquels aucun traitement expérimental n’a
été appliqué. Comment formuler des hypothèses raisonnables dans de tels cas ? À
première vue, cela peut sembler plutôt difficile, comme j’ai pu m’en rendre compte
au fil des années, à force d’avoir à argumenter avec des chercheurs confrontés à
ce problème. Chaque fois que je souligne l’intérêt d’avoir une hypothèse comme
base intellectuelle de leur article, ils me répètent continuellement que leur
expérimentation est différente, ou que ce n’est pas vraiment une expérience et
que, par conséquent, ils n’ont pas d’hypothèse. Leurs arguments sont toujours à
peu près les mêmes et peuvent se classer en six groupes principaux.

• Je cherchais seulement à collecter des données à partir desquelles je serais


en mesure d’élaborer une hypothèse à un stade ultérieur. Je n’avais aucune
idée de ce que j’allais trouver dans cette étude préliminaire.
• Nous venons d’acheter un nouvel instrument dans notre laboratoire, qui
nous permet de mesurer des choses que nous ne pouvions pas étudier
avant ; nous cherchions simplement à savoir ce que nous pouvions mesurer
de nouveau grâce à lui.
• Mon étude n’était pas une expérience mais une enquête par questionnaire.
Comment pourrais-je avoir prédit quelles réponses j’allais obtenir de la
part des gens interrogés par questionnaire ?
• Nous essayions simplement une nouvelle méthode, mais nous ne savions
pas si elle marcherait mieux ou plus mal que l’ancienne. Les résultats
n’étaient pas importants en eux-mêmes, seule la technique nous intéressait.

32 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


• J’ai hérité de l’expérience que je veux publier de quelqu’un qui a quitté le
laboratoire avant mon arrivée et je n’ai pas la moindre idée de quelle était
son hypothèse de départ quand il a commencé le travail.
• J’ai formulé l’objectif de l’expérience dont je suis sur le point de rédiger les
résultats, donc je n’ai pas besoin d’une hypothèse, n’est-ce pas ?

Il est triste de constater que lorsque de tels arguments sont avancés, les auteurs sous-
entendent, probablement sans s’en rendre compte, que leur article illustre comment
ils ont tâtonné dans l’obscurité en espérant que quelque chose d’intéressant allait
surgir. Il n’empêche qu’en aucun cas, les circonstances ne sont une excuse pour
éviter de faire l’effort de prédire ce qui pourrait être logiquement attendu comme
résultat, c’est-à-dire d’élaborer une hypothèse. Songez à des lecteurs confrontés à
un tel article pour la première fois, ils cherchent un encouragement scientifique
dans l’introduction pour décider de continuer à le lire ou pas. Pouvez-vous
imaginer qu’une déclaration exprimant l’une quelconque des raisons données
ci-dessus puisse les inciter à continuer ? Le plus probable, c’est qu’ils vont penser
que l’auteur a réalisé son étude un peu à tâtons, et ils se tourneront vers un article
un peu plus prometteur auquel dédier leur temps précieux. Par bonheur, dans
chacun des cas cités, il y a toujours une hypothèse sous-jacente qui, lorsqu’elle
est exprimée, donne aussi bien à l’auteur qu’aux lecteurs un fil conducteur pour
le reste de l’article. Examinons chacun de ces cas en détail.

Recherche de l’hypothèse sous-jacente


Je cherchais juste à collecter des données
Personne ne peut se permettre le luxe de simplement collecter des données.
Parmi le nombre infini de questions qui pourraient avoir été étudiées de par le
monde et les innombrables manières de le faire, vous avez choisi d’en étudier
seulement une et avec une seule approche. Votre travail dans l’introduction est
de convaincre le lecteur que vous avez fait ces deux choix de manière sensée.
Cela veut dire que vous devez expliquer pourquoi vous avez choisi ce sujet en
particulier et comment vous prévoyez d’utiliser vos données. Il est quasiment
impossible de faire n’importe quel travail de recherche sans objectif et, dans
pratiquement tous les cas, si vous avez un objectif, vous avez une petite idée
de ce que vous pourriez trouver. Autrement, comment pouvez-vous justifier
de collecter certains types de données et pas d’autres ? Et comment pouvez-
vous expliquer que vous utilisez une certaine méthodologie pour obtenir ces
données ? La manière la plus satisfaisante de répondre à ces questions est d’aller
au-delà de l’objectif, de prédire ce que vous allez trouver et de justifier pourquoi.
Alors, le lecteur comprendra logiquement pourquoi vous n’avez pas mesuré
certaines variables pour vous concentrer sur d’autres. Plus loin dans l’article,
vous et le lecteur pourrez faire la liaison entre la qualité des données que vous
avez collectées et la raison pour laquelle vous les avez collectées. Cela vous aidera
même probablement à expliquer le schéma expérimental que vous avez utilisé.
Qui plus est, vous aurez construit une idée directrice à partir de laquelle les
lecteurs pourront commencer à anticiper ce qu’ils vont trouver dans vos résultats,

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 33
puis dans votre discussion et cela va leur donner la motivation nécessaire pour
continuer à lire votre article.

On vient juste d’acheter un nouvel instrument


Les instruments sont des outils qui servent à faire de la recherche. Ils sont
importants seulement si le chercheur les utilise intelligemment ou s’il a une raison
précise de choisir un instrument en particulier. Vous vous dévalorisez du point de
vue scientifique si vous donnez l’impression que l’instrument devait être utilisé
parce qu’il venait d’arriver dans le laboratoire. La meilleure solution c’est encore de
dire ce que vous vous attendiez à trouver, c’est-à-dire votre hypothèse, pour vous
assurer que le lecteur reconnaisse la justification scientifique de votre recherche
et votre intelligence à utiliser le nouvel instrument.

C’est un questionnaire, pas une expérience


Les questionnaires sont un outil légitime et souvent très puissant pour effectuer
des recherches, en particulier en sciences sociales. En principe, leur efficacité
est directement liée à l’effort de réflexion et de planification développé pour
composer les questions. Ces questions bien planifiées sont invariablement le fruit
de l’anticipation des réponses probables parmi un éventail de réponses possibles.
Cela permet d’obtenir un minimum de questions bien adaptées qui assurent un
maximum de réponses intéressantes. En d’autres termes, le chercheur qui construit
le questionnaire doit avoir une hypothèse logique sur la manière dont les gens
vont répondre. L’annonce de cette hypothèse et du raisonnement qui vous y a
conduit dans l’introduction est la manière idéale d’expliquer votre logique et de
préparer le lecteur à suivre et comprendre le reste de l’article.

C’est une étude méthodologique, pas une étude expérimentale


Une recherche peut être à la fois méthodologique et expérimentale, mais sa
nature méthodologique n’est pas une excuse pour éviter d’avoir à formuler une
hypothèse. Si l’expérimentateur n’avait pas de bonnes raisons pour penser qu’une
certaine méthodologie apporterait quelque chose par rapport à une autre déjà
existante, il n’y aurait alors pas de raison majeure pour faire une expérimentation
pour le vérifier. Autrement dit, il est tout à fait possible de formuler une hypothèse
sur des aspects de méthodologie. Par exemple, « la méthode A est meilleure que
la méthode B pour mesurer une variable en particulier », ou « Cette nouvelle
méthode va nous permettre d’étudier quelque chose qu’on ne pouvait pas mesurer
de manière satisfaisante auparavant », ou encore « Cette nouvelle méthode sera
aussi précise que la précédente, mais elle coûtera moins cher ». Dans tous ces cas,
l’hypothèse sur laquelle reposait l’expérience sera le moyen idéal pour préparer
le lecteur et consolider le thème de l’ensemble de l’article.

J’ai hérité de l’expérience


Les auteurs qui n’avaient pas d’hypothèse au moment où ils se sont retrouvés
impliqués dans une expérience hésitent parfois à en formuler une pour introduire
l’article qui présente cette expérience, surtout s’ils en ont hérité lorsqu’elle était

34 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


déjà très avancée. L’absence initiale d’hypothèse peut venir du fait qu’ils n’ont
eux-mêmes pas du tout fait preuve de professionnalisme au départ, ou parce qu’ils
ont repris un travail conçu par quelqu’un d’autre. Ils doivent se rappeler que,
indépendamment de ce qu’ils pensent, ou de ce qu’ils auraient dû penser pendant
l’expérience, ils ont une histoire scientifique à raconter aussi précisément, clairement
et succinctement que possible. En tant qu’auteur, vous ne pouvez pas le faire en
transmettant aux lecteurs votre confusion ou celle de la personne dont vous avez
hérité l’expérience. Par conséquent, si les résultats que vous êtes sur le point de
présenter et de discuter permettent d’éclairer une hypothèse qui est le fruit d’une
réflexion a posteriori, il est important d’offrir au lecteur le fruit de cette réflexion et
de présenter cette hypothèse. L’expérience peut ne pas avoir été faite délibérément
pour tester cette hypothèse-là, mais en réalité elle a permis de le faire. Les lecteurs
veulent savoir ce que vous auriez pu vous attendre à trouver, pour pouvoir ensuite
évaluer chaque phrase de l’article par rapport à cette prédiction. Avec une hypothèse
bien raisonnée sous les yeux, le lecteur peut alors continuer à lire en anticipant
plutôt qu’en étant obligé de trier pour trouver de quoi traite l’article.

L’objectif est suffisant


L’objectif est très différent de l’hypothèse et ne la remplace pas. Il ne permet ni
de stimuler l’attente du lecteur, ni d’aider l’auteur à produire un article solide
et cohérent. Un objectif annonce ce que vous avez l’intention de faire, et il n’y a
aucun mal à cela, mais il ne précise pas pourquoi vous voulez le faire. Par exemple,
l’objectif de l’expérience peut être de « comparer l’indice du poids corporel d’un
échantillon d’enfants de zones rurales avec celui d’un échantillon d’enfants de
zones citadines ». Un tel objectif ne nécessite pas de justification. En revanche, la
formulation d’une hypothèse pour la même étude pourrait être la suivante : « Les
enfants citadins ont plus fréquemment accès à une nourriture de restauration
rapide que les enfants des zones rurales. Nous avons donc pensé que, si l’accès
à la nourriture de restauration rapide est une cause d’obésité chez les enfants,
les enfants des zones rurales auront un indice de poids corporel inférieur aux
enfants des zones citadines ». Dans ce deuxième cas, notre prédiction avait besoin
d’être justifiée pour pouvoir être comprise. L’objectif est donc beaucoup plus
facile à formuler que l’hypothèse. De fait, la formulation d’une hypothèse est un
exercice intellectuel majeur. On pourrait dire ironiquement que c’est par paresse
intellectuelle que certains scientifiques cherchent des prétextes pour éviter d’avoir
à présenter une hypothèse dans l’introduction d’un article scientifique. Mais, bien
formulée, l’hypothèse rend bien plus facile la rédaction du reste de l’article. Qui
plus est, elle rend le reste de l’article plus aisé à suivre et à interpréter.

L’hypothèse, clé de voûte de l’article


Il paraît donc évident que l’hypothèse est l’affirmation la plus importante de tout
votre article. Bien évidemment, vous n’êtes pas obligé de la formuler de manière
stéréotypée comme « L’expérience testait l’hypothèse que… ». Vous pouvez très
bien ne pas utiliser du tout le mot « hypothèse ». Vous pouvez utiliser les mots
« prédiction » ou « prévision » ou leurs dérivés parce qu’ils ont le même sens.

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 35
Vous pouvez aussi utiliser des expressions comme « Au vu des arguments ci-
dessous, nous avons déduit que [ou voulu savoir si] en appliquant le traitement A,
nous obtiendrions l’effet B », comme nous l’avons illustré avec l’exemple sur les
enfants obèses.
Que vous l’appeliez une hypothèse, une attente, une prédiction ou un raisonnement,
la solidité de la structure de votre article dépend d’une hypothèse bien argumentée
et clairement présentée. Elle devient la clé de voûte de l’article et, pour que vous
ne perdiez pas cela de vue, c’est une bonne idée de l’écrire en rouge, en majuscules
ou de toute autre manière qui la fera ressortir, et de la garder sous les yeux. Ainsi,
vous définissez le but de votre article et vous focalisez votre attention sur cette
cible, ce qui la rendra aussi plus évidente pour le lecteur. Cela sera d’autant plus
appréciable qu’il lira probablement l’article en dix minutes avec peu de risque
d’oublier cet objectif, ce qui lui facilitera encore plus la lecture. Vous, il vous faudra
peut-être des semaines ou des mois pour écrire votre article
au milieu de tout ce que vous avez à faire par ailleurs, de telle
manière qu’un pense-bête permanent de votre hypothèse vous
« …la solidité maintiendra sur le bon chemin.

de la structure de Après avoir montré le rôle crucial de l’hypothèse, je dois


souligner aussi que l’hypothèse elle-même est un résumé ou
votre article dépend une conclusion dérivée du raisonnement qui l’étaye. Vous
d’une hypothèse verrez souvent des articles dans lesquels les auteurs ont inséré
l’hypothèse parce qu’on leur a dit qu’il fallait le faire. Mais
bien argumentée ce sont la clarté et la logique du raisonnement qui orientent
et clairement le lecteur, pas seulement l’hypothèse. Par conséquent, une
introduction qui est longue et confuse, mais qui se termine
présentée. » par l’annonce d’une hypothèse qui n’a pas été clairement et
complètement justifiée, n’est pas beaucoup plus utile qu’une
introduction sans hypothèse du tout.
Ce qu’il faut éviter, c’est de dire qu’on a fait quelque chose d’une certaine manière
« pour voir ce qui allait se passer », ou que « ça semblait intéressant d’étudier
plus à fond ce phénomène », ou encore que « la présente étude a été réalisée
parce qu’il n’y avait aucune donnée dans la littérature sur ce sujet ». Tous ces
arguments donnent l’impression d’un travail « à l’aveuglette » et d’un manque
de rigueur scientifique, indiquant au lecteur que les pages qui suivent risquent
d’être indigestes. Quand vous rencontrez des formulations de ce type dans
l’introduction, vous risquez d’avoir à lire des résultats et des discussions concernant
un large éventail de propos qui se rapportent plus ou moins au thème général
trop vaguement annoncé au départ.

Le raisonnement sous-jacent à l’hypothèse


Maintenant que la dernière partie de l’introduction a été bien définie, nous pouvons
préparer le début. Beaucoup de chercheurs ont du mal à décider ce qui doit aller
dans cette première partie, quels travaux doivent être cités et quels travaux doivent
être gardés pour la discussion ou exclus de l’article.

36 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


La décision est facile à prendre. Le seul matériel à mettre dans votre introduction est
celui qui fait partie de la série logique des arguments nécessaires à l’explication et
à la justification de votre hypothèse. L’existence de travaux dans le même secteur
général de recherche ou le fait qu’un scientifique de renom puisse être agacé par
le fait de ne pas être cité, ne sont pas des raisons valables pour les inclure dans
votre introduction. L’introduction n’est pas là pour étaler une liste de références
illustrant votre culture ou pour augmenter l’indice de citation d’autres auteurs.
Leurs travaux ne doivent être cités que s’ils contribuent au développement de
votre raisonnement.
Lorsque vous élaborez votre hypothèse, souvenez-vous qu’un résultat qui va dans
le sens de votre hypothèse ne veut pas dire forcément que celle-ci est infaillible.
Par exemple, si vous mettez en place une expérience pour vérifier la possibilité
d’une généralisation et que vos résultats sont en accord avec cette hypothèse dans
vos conditions expérimentales, cela ne représente malgré tout qu’un élément
de plus en faveur de votre hypothèse. Si le contexte expérimental était un peu
différent, les résultats sortiraient peut-être du cadre de cette généralisation, auquel
cas ils réfuteraient votre hypothèse. Par conséquent, choisissez bien vos mots :
vous pouvez soutenir une hypothèse sans pour autant que vos résultats prouvent
sa validité de façon absolue, et il faut donc en tenir compte dans la manière
dont vous allez la formuler dans l’introduction. Par exemple, la plupart des gens
seraient d’accord pour considérer que la loi de la gravité de Newton énoncée en
1682 était une hypothèse bien testée et validée. Cependant, plus de 200 ans plus
tard, Einstein a trouvé certaines conditions dans lesquelles cette loi n’est pas
valide, même si ces conditions dépassent le cadre de notre expérience courante.
En d’autres termes, chaque fois qu’un objet tombe au sol comme on peut s’y
attendre, cet événement confirme l’hypothèse de Newton, mais il ne prouve pas
nécessairement que l’hypothèse soit vraie dans tous les cas.
D’un autre côté, si vos résultats vous conduisent à rejeter votre hypothèse, et
bien sûr si votre protocole expérimental et vos méthodes sont sans faille, alors
vous pouvez être beaucoup plus affirmatif dans votre conclusion et vous pouvez
dire que vos résultats réfutent l’hypothèse. C’est pourquoi, si les données de la
littérature et la logique le permettent, n’hésitez pas à profiter de cette opportunité
en formulant une hypothèse que vos résultats réfuteront. Un résultat qui réfute
l’hypothèse alors qu’on s’attendait à ce qu’il la confirme peut être très intéressant,
car il vous permet de renforcer l’impact de votre message, toujours dans la mesure
où la robustesse du schéma expérimental le permet, en particulier en ce qui
concerne la puissance des tests statistiques et le risque d’erreur de type 2.
J’insiste ici sur la nécessité d’organiser vos arguments et vos hypothèses dans un
ordre logique et précis. Tout le monde sait que même les chercheurs excellents, en
fait surtout les chercheurs brillants, ne pensent pas toujours de façon logique et
précise. Bon nombre de grandes découvertes scientifiques sont le fruit de flashes
d’inspiration surgis dans des circonstances inhabituelles. Nous connaissons tous
l’histoire selon laquelle Newton a énoncé ses lois sur la gravité après avoir reçu une
pomme sur la tête pendant sa sieste. Son génie a été de faire le lien entre un incident
heureux et les faits déjà connus pour développer ses lois sur la gravité. Le coup

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 37
de chance de Fleming a été d’avoir un milieu de culture contaminé parce qu’il ne
travaillait pas dans les meilleures conditions possibles. Lui aussi a eu l’intelligence
de comprendre les conséquences de cet accident, ce qui l’a conduit avec Florey à
isoler la pénicilline. Parkes et Polge ont découvert que les spermatozoïdes peuvent
être protégés du gel parce qu’un technicien avait fait une erreur et avait mélangé
du glycérol avec des échantillons de sperme qu’ils essayaient de conserver. Ces
chercheurs aussi ont fait patiemment le chemin à l’envers à partir des résultats
jusqu’à leur explication pour aboutir à une découverte majeure.
À notre modeste niveau, beaucoup de nos idées viennent aussi d’une inspiration.
Heureusement, il n’y a pas de méthode pour développer des idées de manière
logique dans 100 % des cas. Si nous pouvions faire cela, nous n’aurions plus qu’à
confier tout le processus de découverte scientifique aux ordinateurs. La plupart
des idées qui nous viennent sont invalidées lorsqu’elles sont confrontées aux
données de la littérature ou lorsque nous les soumettons à l’expérimentation.
Parfois, une expérimentation est mise en place pour tester ce qui semble une bonne
hypothèse sur le moment, mais il s’avère finalement que les techniques utilisées
ne sont pas adaptées ou que l’idée n’était pas vraiment brillante. Néanmoins, de
telles expérimentations fournissent parfois des données intéressantes, mais en
réponse à une hypothèse autre que celle qui était posée au départ.
Si les processus de la pensée scientifique sont si fortuits, pourquoi est-ce que je
vous suggère de les organiser de manière si logique pour écrire un article ? Après
tout, une règle de base en sciences, c’est que nous devrions être scrupuleusement
honnêtes. Ne devrions-nous pas présenter nos idées, nos découvertes et nos échecs
dans l’ordre chronologique dans lequel ils arrivent ? Si nous avons testé une
hypothèse pour l’abandonner plus tard, mais que dans le même temps nous
avons réalisé que nos données permettent d’expliquer une autre hypothèse, ne
devrions-nous pas le dire ?
La réponse est « Probablement pas ! ». Cela fait entre six mois et peut-être
vingt ans que vous testez, rejetez, reformulez et rejetez de nouveau des idées et des
hypothèses. Vous avez dormi, mangé et travaillé avec ces idées en tête pendant tout
ce temps pour finalement aboutir à ce qui semble être une information importante.
Vos lecteurs, de leur côté, ont à peu près une minute pour parcourir le même
chemin. Vous êtes donc obligé, ne serait-ce que par respect pour vos lecteurs, de
leur fournir seulement l’essentiel de votre cheminement intellectuel. Faire un travail
de recherche et publier votre recherche sont deux choses différentes, avec des
objectifs très différents. La recherche consiste à obtenir des informations nouvelles
en testant des hypothèses pour les accepter ou les rejeter, les affiner et les vérifier
de nouveau, pour aboutir finalement à de nouvelles connaissances. La rédaction est
l’enregistrement dépassionné de la connaissance réellement acquise en présentant
les faits de manière honnête, plausible et simple. Les impasses, les désappointements
et les problèmes techniques que vous avez rencontrés ne doivent pas masquer au
lecteur votre nouvelle information comme étant un bel exemple de raisonnement
logique. Par conséquent, dans l’introduction, vous ne devriez présenter que la ou
les hypothèses que vous allez tester et discuter dans votre article, accompagnées
seulement de l’information qui rend ces hypothèses plausibles.

38 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Le résultat final est que, loin d’être un préambule sans idée directrice, l’introduction
devient un texte très concentré et bien défini, dès que vous avez mis au point la
forme définitive de votre hypothèse. Ce n’est pas une revue générale de la littérature
pour des gens qui ne connaissent pas votre thème de recherche. L’introduction n’a
donc pas besoin de commencer par des banalités très générales et sans rapport
avec votre expérience. Il vaut mieux entrer rapidement dans le vif du sujet qui
consiste à présenter l’hypothèse comme étant une proposition plausible concernant
le phénomène que vous avez étudié. En suivant ces recommandations, votre
introduction sera plus courte que la plupart de celles que vous trouverez dans
beaucoup d’articles scientifiques et, dans la plupart des cas, c’est une bonne chose.
Cependant beaucoup d’auteurs, et occasionnellement quelques éditeurs, ressentent
le besoin de replacer le travail dans un contexte plus large : pourquoi avoir choisi
d’étudier ce problème plutôt qu’un autre ? Comment la question abordée s’intègre-t-
elle dans un thème plus large ? Ou encore, quel est le problème pratique qui a conduit
au besoin de faire cette expérience pour trouver une solution ? Une introduction
qui ne comprend qu’une hypothèse et sa justification ne satisfait pas toujours ces
conditions. Le défi est de remplir ces conditions en quelques phrases. Beaucoup
d’introductions sont rallongées inutilement par la présence de phrases de confort
à propos du contexte, dans l’idée fausse que cela met le lecteur d’humeur réceptive
pour comprendre les détails de l’expérience. Le problème dans la description du
contexte est que beaucoup d’auteurs ont du mal à décider des limites qu’ils doivent
s’imposer par rapport à l’expérience elle-même. Par exemple, une étude sur la
physiologie de la floraison du tabac n’a pas à être introduite par une considération
sur l’importance économique de la culture du tabac. Une étude de la sensibilité
aux antibiotiques d’une bactérie affectant les voies respiratoires chez l’humain,
n’est pas forcément rendue plus claire par la présentation des statistiques sur les
maladies respiratoires au niveau national ou mondial. Au contraire, un contexte
d’introduction aussi large peut distraire l’attention, sauf s’il a une incidence directe
sur la logique de l’hypothèse ou, occasionnellement, si c’est un préambule à des
éléments qui seront repris plus tard dans la discussion. La restriction du sujet dans
l’introduction signifie presque toujours qu’elle sera plus courte que ce qu’elle aurait
été autrement, ce qui est généralement apprécié des éditeurs, qui cherchent le plus
souvent à limiter le nombre de pages par article. Et c’est certainement apprécié par
les lecteurs dont le temps est précieux et qui sont toujours désireux d’accéder au
plus vite aux informations nouvelles que l’article peut offrir.
Il y a un principe important à mentionner ici à propos de la description du contexte
dans l’introduction. Si l’information contextuelle que vous proposez doit être
utilisée dans la discussion, ou bien renforce votre hypothèse, ou encore justifie
votre méthodologie, il n’y a pas à hésiter : il faut l’inclure dans l’introduction. Si
l’information en question ne concerne aucun de ces cas, il vaut mieux ne pas la
mettre. Elle ne serait en effet qu’un élément de distraction et de délayage qui
augmenterait la taille de votre article sans faire ressortir son intérêt scientifique.
De toute façon, si vous devez présenter le contexte de votre travail, faites-le en une
ou deux phrases intégrées dans la justification de votre hypothèse, plutôt qu’en
lui accordant un statut propre en le présentant dans un ou plusieurs paragraphes
séparés précédant l’introduction de votre travail proprement dit.

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 39
Les matériel et méthodes
Démarrer votre rédaction par la section des matériel et méthodes est un très bon choix
et donne confiance avant d’entreprendre les parties plus exigeantes de votre article.
Cette section est en général assez facile à rédiger parce qu’elle ne demande pas
beaucoup de travail d’interprétation. Ce que vous avez fait et comment vous l’avez
fait ne peuvent être changés même si, après réflexion ou au vu de l’expérience
acquise, vous pensez que vous auriez pu faire mieux. Votre tâche dans cette section
est de décrire ce que vous avez fait de manière à ce qu’un collègue compétent dans
la même discipline puisse refaire l’expérience à partir de l’information que vous
lui fournissez.
En dépit de sa relative simplicité, il peut y avoir des pièges dans la
rédaction d’un bon matériel et méthodes parce que vous connaissez
« Votre tâche dans « trop bien » ce que vous décrivez. L’art est non seulement de
savoir ce qu’on peut omettre, mais aussi et surtout ce qu’il faut
cette section est de inclure, pour permettre au lecteur qui ne connaît pas votre travail
décrire ce que vous de le comprendre et éventuellement de le répéter. La rédaction
du matériel et méthodes peut devenir un véritable casse-tête si vous
avez fait de manière essayez d’y mettre trop de détails. Prenez le temps d’examiner
à ce qu’un collègue minutieusement la liste de ce que vous pourriez y mettre et
triez ce que vous pouvez retirer sans perdre en précision et en
compétent dans clarté. Par ailleurs, il peut arriver que vous ayez à décrire une
la même discipline méthode qui vous est très familière. Alors, vous risquez d’omettre
inconsciemment des détails indispensables pour que le lecteur
puisse refaire puisse comprendre l’expérience. C’est une des raisons pour
l’expérience à partir laquelle vous avez besoin du regard d’un lecteur extérieur. En
définitive, le meilleur moyen de vérifier la qualité de votre matériel
de l’information et méthodes est de le soumettre à à ce que j’appelle « l’épreuve
que vous du collègue », c’est-à dire la lecture critique par un collègue
compétent qui n’a pas participé à l’expérience. Demandez-lui
lui fournissez. » s’il pourrait réellement refaire l’expérience avec l’information
que vous lui fournissez.
Et même si la rédaction du matériel et méthodes n’est pas la partie la plus compliquée
de votre article, il y a quelques principes qui peuvent vous aider pour sa rédaction.
Le premier point à considérer est que c’est la partie de votre article qui a de bonnes
chances d’être survolée ou ignorée par les lecteurs impatients d’arriver rapidement
aux résultats et à la discussion. En fait, certaines revues considèrent cela comme un
fait acquis et font du matériel et méthodes une sorte d’appendice en petits caractères
et placé en fin d’article. Toutefois, où qu’il soit placé dans la revue que vous avez
choisie, votre matériel et méthodes sera peut-être consulté méticuleusement par certains
lecteurs parce qu’ils sont particulièrement intéressés par le reste de l’article. Pourquoi
ne pas aider les lecteurs dès le départ à se faire une idée générale de la manière
dont l’étude a été réalisée en s’assurant qu’ils captent les points essentiels ? Vous
pouvez faire cela en fractionnant la section en une suite de sous-titres évocateurs qui
résument les points essentiels de votre méthodologie et du matériel utilisé.

40 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Par exemple, si vous aviez à consulter l’une des deux listes de sous-titres ci-dessous
après avoir lu une introduction bien construite, vous auriez assez d’information pour
bien comprendre les détails des résultats et de la discussion qui suivent.

Exemple 1
• Schéma expérimental
• Animaux expérimentaux et conditions d’entretien
• Traitements expérimentaux
• Variables prises en compte
• Méthodes de dosage
• Analyses statistiques
Exemple 2
• Planification de l’enquête « … ne veut pas
• Choix des patients dire pour autant
• Information demandées aux patients :
que vous devez
a) avant le traitement, b) après le traitement
• Informations cliniques médicales présenter toute
• Analyses statistiques l’information au
Il est dommage que cette section soit appelée matériel et méthodes lecteur dans cette
plutôt que Méthodes et matériel, parce que le lecteur ne peut
vraiment comprendre le matériel que vous utilisez que lorsqu’il
section. Cela veut
a une idée assez claire des méthodes que vous avez choisies. dire plutôt que
Par conséquent, une sous-section schéma expérimental, ou
quelque chose de similaire décrivant comment l’expérience a été
vous devez lui
effectuée (la stratégie choisie pour tester l’hypothèse), devrait fournir « un fil
être l’une des premières sous-sections de matériel et méthodes,
comme l’illustrent les deux exemples précédents. Ceci mis à
d’Ariane » qu’il
part, il n’y a pas d’ordre rigide imposé pour les autres sous- puisse suivre. »
sections ; mais à mesure que vous établirez la liste des sous-
sections qu’il vous paraît important d’aborder, il est probable
qu’un ordre logique s’impose de lui-même. Demandez-vous si ces seuls sous-
titres, associés à l’introduction, donneraient au lecteur une bonne idée de comment
vous avez réalisé votre expérience. Ainsi, dans l’exemple 2 ci-dessus, il pourrait
comprendre que vous avez étudié des patients sélectionnés d’après des critères bien
précis, que ces patients vous ont fourni des informations avant et après avoir reçu
un certain traitement et que vous avez relié ces informations à l’histoire clinique
de ces patients fournies par leur docteur. L’objectif et les attentes de ce protocole
expérimental auraient bien entendu déjà été annoncés dans l’introduction.
Le critère selon lequel un collègue compétent doit pouvoir répéter l’expérience
après avoir lu votre section matériel et méthodes ne veut pas dire pour autant que
vous devez présenter toute l’information au lecteur dans cette section. Cela veut
plutôt dire que vous devez lui fournir un « fil d’Ariane », une trame, qu’il puisse
suivre. Si vous avez utilisé de nouvelles techniques ou modifié des techniques déjà

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 41
existantes, vous devez bien sûr donner tous les détails correspondants. En revanche,
si vous avez utilisé des techniques déjà complètement décrites auparavant, il est
préférable de citer la référence de l’article dans lequel la technique a été publiée pour
la première fois ou l’article où elle est la mieux décrite. Assurez-vous de toute façon
de bien accorder le crédit bibliographique à qui de droit. Faire référence à un article
récent où la technique est décrite sommairement plutôt qu’à l’article original est
non seulement indélicat envers l’auteur inventeur, mais ne permet pas de placer la
technique dans sa perspective historique et empêche le lecteur d’accéder directement
à sa description complète. D’un autre côté, la référence d’origine est parfois difficile
d’accès ou la technique peut avoir été modifiée après sa publication initiale. Dans
ces cas, vous pouvez citer aussi un article plus récent qui donne accès à la technique
complète tout en donnant le crédit mérité aussi à celui ou ceux qui l’ont modifiée. En
utilisant les références appropriées que les lecteurs peuvent consulter pour répéter
votre travail, vous pouvez décrire en quelques lignes des expériences relativement
complexes comprenant beaucoup d’analyses d’usage courant.

Parfois, la reproductibilité d’une expérience dépend de petites précisions


méthodologiques ; dans ce cas il est essentiel de les décrire. Mais résistez à la
tentation d’inclure tous les petits détails imaginables seulement pour être sûr que
vous n’oubliez rien. Pour éviter un tel excès, posez-vous la question de savoir si ces
détails sont vraiment importants pour l’expérience que vous décrivez et s’ils sont
absolument nécessaires pour qu’un autre chercheur puisse répéter l’expérience. Par
exemple, une expérimentation de terrain portant sur la croissance d’une plante peut
nécessiter de préciser le lieu et la latitude de l’endroit où l’expérience a été menée,
ainsi que le climat, le type de sol et la pluviométrie. Tous ces paramètres doivent être
pris en compte pour l’interprétation des résultats car ils peuvent les influencer. Par
contre, l’expérience pourrait en théorie être répétée au milieu du Sahara ou au Pôle
Nord si elle a été effectuée dans une serre où tous ces paramètres sont strictement
contrôlés. Les détails climatiques seraient alors totalement incongrus et pourraient
gâcher l’article en noyant les faits importants au milieu de détails inutiles.

Il se peut que vous ayez à décrire une nouvelle technique pour la première fois dans
le cadre de votre article et que cette nouvelle technique demande à être validée.
Beaucoup d’auteurs ont des difficultés à décider si les résultats de cette validation
doivent accompagner la description de la technique dans la section matériel et méthodes
ou s’il vaut mieux les garder pour la section de résultats. C’est encore plus compliqué
si l’article concerne plutôt la nouveauté de la technique que les données générées par
cette nouvelle technique. La solution réside en fait dans la manière dont l’hypothèse
a été formulée. Votre hypothèse prédisait peut-être clairement que cette nouvelle
méthodologie ouvrirait de nouvelles possibilités de recherche, ou qu’elle serait plus
précise, ou plus propre, ou plus économique que d’autres méthodes. Dans ce cas, il
s’agit d’un article de méthodologie. La validation de la méthode et tous les autres
paramètres que vous avez mesurés sur sa précision, son coût ou tout autre point
technique, font partie du processus de vérification de votre hypothèse ; toutes ces
informations appartiennent donc logiquement plus à la section des résultats qu’à celle
des matériel et méthodes. À l’inverse, si votre hypothèse suggérait que l’utilisation de
cette nouvelle technique allait vous permettre de vérifier une supposition biologique

42 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


ou sociologique, la validation de la technique n’est pas l’élément clé de votre article ;
les résultats de la validation méthodologique appartiennent alors plutôt aux matériel
et méthodes. En fait le lecteur perdrait probablement de vue le but réel de l’article
si ces résultats méthodologiques étaient placés dans la section de résultats. Ceci est
d’autant plus vrai que ces données de validation devraient être présentées en premier,
occultant encore plus les résultats vraiment importants.
C’est généralement une bonne chose d’inclure une sous-section pour décrire
les méthodes statistiques dans matériel et méthodes. La science des statistiques a
beaucoup progressé au cours des quarante dernières années et l’utilisation des
méthodes statistiques est devenue aujourd’hui quasiment obligatoire dans les
études quantitatives. Initialement, des méthodes statistiques aujourd’hui très
communes étaient décrites en détail, de même que les manipulations de données
qu’elles impliquaient. La raison en était que les méthodes étaient nouvelles, peu
connues et les calculs devaient être faits manuellement. De nos jours, les analyses
statistiques ne sont plus une fin en soi, mais font partie de la panoplie des outils du
chercheur au même titre que les dosages hormonaux ou les analyses chimiques. Le
plus souvent, elles ne sont plus suffisamment originales ou rares pour nécessiter
d’être spécifiquement décrites, et certainement pas de façon détaillée. Si vous avez
effectué simplement une procédure courante comme une analyse de variance, un
test de t de Student ou un χ2, il suffit de le dire, en précisant simplement les logiciels
statistiques utilisés. Si la méthode est peu connue tout en étant bien décrite dans
un article publié ou un livre, il devrait suffire de la citer. Ce n’est que si vous avez
fait une gymnastique mathématique ou statistique très complexe que vous devez
la décrire en détail dans matériel et méthodes.
Le plus souvent, une description détaillée des méthodes statistiques que vous avez
employées n’est pas indispensable, mais quelques grandes règles doivent être
respectées. La plupart des méthodes statistiques sont utilisées dans les publications
pour rechercher des différences entre groupes, entre traitements ou au cours du
temps, mais les chercheurs ne tiennent pas compte de la direction de la différence
attendue, à savoir croissante, décroissante, positive ou négative. Par conséquent,
la probabilité qu’il faut prendre en compte est la probabilité bilatérale, ce qui est
généralement le résultat fourni par les logiciels de statistiques ou les tables de
signification fournies dans les ouvrages de statistiques. D’une manière générale,
si aucune précision n’est donnée dans un article, les probabilités présentées sont
bilatérales. Mais si votre hypothèse prédit la direction de la différence, il est alors
possible d’utiliser des probabilités unilatérales. Si c’est le cas, il est important
que vous le précisiez dans la sous-section analyses statistiques de la section
matériel et méthodes.
Un dernier élément qu’il convient de ne pas négliger concerne les éventuelles
questions d’éthique que peuvent soulever votre travail. C’est un aspect bien sûr
évident à prendre en compte dans les études expérimentales de type médical
sur des patients humains. Mais c’est également vrai en recherche animale, suite
à la préoccupation croissante du respect du bien-être des animaux. Depuis une
vingtaine d’années, des comités d’éthique ont vu le jour pour émettre un avis et
des recommandations sur l’aspect éthique des recherches proposées. Dans certains

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 43
pays ou institutions, l’avis favorable d’un comité d’éthique peut être obligatoire
pour effectuer votre recherche, alors que dans d’autre cas il peut être simplement
recommandé ou facultatif. Quel que soit le cas, soyez conscient que les revues
scientifiques demandent généralement des garanties indiquant que les travaux
que vous souhaitez publier ne soulèvent pas de problèmes éthiques ou de bien-
être des sujets utilisés dans vos expériences. Par conséquent, si votre travail a reçu
l’approbation d’un Comité d’éthique, signalez-le dans une sous-section éthique
(ethical note en anglais) en fournissant le cas échéant le numéro d’approbation
correspondant. S’il n’existe pas de Comité d’éthique ou de normes nationales
là où vous travaillez, il est utile de faire référence à des normes définies par des
circulaires officielles dans des pays où les considérations d’éthique et de bien-être
des animaux sont bien établies et reconnues internationalement. L’utilisation de
telles normes présente deux avantages. Premièrement, cela vous permettra d’offrir
les garanties nécessaires à l’éditeur de la revue dans laquelle vous soumettrez
votre article. Deuxièmement, le respect de ces normes vous guidera sur le plan
personnel pour prendre en compte les aspects d’éthique et de bien-être dans la
mise en place de votre expérimentation en l’absence des conseils d’un Comité
prévu à cet effet.

Les résultats
En s’inspirant d’une formule légale bien connue, les résultats, cela veut dire : les
résultats, tous les résultats et rien que les résultats. Cela semble si simple et évident
que vous penserez que cela va sans dire, ou presque. Mais vous seriez surpris du
nombre d’articles soumis où des résultats apparaissent pour la première fois dans
la discussion ou, pire encore, dans le résumé. La section de résultats est l’endroit où
les lecteurs s’attendent à trouver tous les résultats que vous avez l’intention de
présenter ; c’est donc là que vous devez les mettre. Des résultats placés à un autre
endroit dans l’article risquent de faire croire au lecteur qu’ils n’appartiennent pas
à l’expérience présentée, ou même qu’ils n’ont peut-être pas été obtenus par les
auteurs de l’article.
Occasionnellement, dans des articles très courts ou très simples, il n’y a pas grand-
chose à discuter après avoir présenté les résultats. Dans ces cas relativement rares,
il est possible de rajouter les quelques points de discussion nécessaires dans la
section résultats, qui peut alors être intitulée résultats et discussion. Quelques revues
le permettent, mais ce n’est ni très fréquent, ni vraiment conseillé. En fait, si
l’introduction a été correctement structurée et les raisons pour faire l’expérience
clairement énoncées, vous serez obligé de discuter dans quelle mesure vos résultats
ont répondu à vos attentes. Cette discussion est pratiquement toujours plus claire
et plus facile à mener si elle se trouve dans une section séparée des résultats. Sauf
pour des articles très courts, un tel mélange entre les résultats et leur discussion
génère toujours le chaos dans la logique de l’argumentation.

Séparer les résultats de la discussion protège l’objectivité dans la rédaction des


résultats, qui doivent être présentés clairement, sobrement et sans commentaire.
Cela encourage les lecteurs à tirer leurs propres conclusions, qu’ils compareront

44 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


sans aucun doute plus tard avec les vôtres lorsqu’ils atteindront la discussion.
Accompagner chaque résultat de vos commentaires et de comparaisons risque
de donner la forte impression que vous essayez d’influencer le jugement objectif
des lecteurs avant qu’ils aient eu l’opportunité de se faire une idée d’ensemble.
En plus du besoin d’être scrupuleusement objectif dans la présentation de vos
résultats, il y a deux autres très bonnes raisons pour séparer les résultats de la
discussion. La première est que vous allez très certainement comparer d’une
manière ou d’une autre vos résultats avec ceux de la littérature. Cela veut dire
que si vous mélangez résultats et discussion dans la même section, il y aura deux
types d’informations, les vôtres et celles de la littérature. Ce mélange augmente le
risque de confusion entre les deux lorsque le lecteur essaie de
les assimiler simultanément pour la première fois. Si tous vos
résultats sont clairement isolés dans une seule et même section,
le lecteur ne pourra avoir aucun doute sur le fait que tous ces « Séparer
résultats sont les vôtres. La deuxième excellente raison pour les résultats
ne pas mélanger résultats et discussion est qu’il est hautement
improbable que vous puissiez discuter les différentes parties de de la discussion
vos résultats sans avoir à les relier entre elles. Si pour discuter protège l’objectivité
un de vos résultats, vous devez en évoquer d’autres que vous
n’avez pas encore présentés, cela conduira forcément à un dans la rédaction
mélange chaotique presque impossible à rédiger et encore des résultats,
moins facile à comprendre pour le lecteur.
qui doivent
Choix des résultats à présenter être présentés
Vos résultats ne sont généralement pas en eux-mêmes clairement,
la connaissance nouvelle la plus importante que vous sobrement et sans
présentez dans votre article. Plus probablement, les lecteurs
se souviendront de votre article et le citeront en raison de commentaire »
l’interprétation que vous ferez de ces résultats. Par conséquent,
il est essentiel d’avoir votre discussion présente à l’esprit quand
vous organisez vos résultats. Dans toutes les disciplines autres
que les sciences absolument exactes, les chercheurs ne s’attendent pas à retrouver
exactement les mêmes chiffres s’ils répètent une expérience. En revanche, ils
s’attendent à aboutir aux mêmes conclusions. Donc, quand vous en êtes au stade
de décider quels résultats vous allez choisir, souvenez-vous qu’il ne s’agit pas
de servir au lecteur la plus grande quantité possible de chiffres et d’analyses
statistiques. Présentez-lui plutôt des informations que vous avez soigneusement
triées et choisies pour lui permettre de comprendre l’interprétation que vous
allez lui proposer ensuite dans la discussion. Vos données brutes prennent souvent
tellement de place qu’elles pourraient occuper l’espace de deux ou trois articles.
Cela veut dire que l’organisation de la section des résultats dépend de votre choix
des données à présenter et de la façon de les présenter.
Dans toutes les expériences, les résultats obtenus se composent d’un ensemble de
données dont certaines sont plus importantes que d’autres.

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 45
Au moment où vous rédigez, personne n’est mieux placé que vous pour déterminer
l’importance relative de chacune de vos données par rapport à l’ensemble des
résultats que vous avez à présenter. Lorsque vous avez fait ce travail consistant à
hiérarchiser vos résultats par ordre d’importance, vous pouvez alors décider de
la stratégie à adopter pour présenter vos résultats de façon à faire ressortir cette
hiérarchisation. Si vous ne le faites pas, les lecteurs risquent de se faire une fausse
opinion de ce qui est important et de ce qui l’est moins dans vos résultats, ce qui
pourrait finalement les conduire à une mauvaise interprétation de l’expérience
que vous leur décrivez.
Mais comment vous, auteur, pouvez-vous décider de cette importance et
la transmettre au lecteur ? La réponse se trouve dans l’introduction et plus
précisément dans l’hypothèse que vous avez annoncée et justifiée. Vous avez
donné là au lecteur un avant-goût de ce que vous vous attendiez à trouver dans
votre expérience. Maintenant dans les résultats, vous allez lui présenter les données
qui vont confirmer ou infirmer ce que vous vous attendiez à trouver. C’est ce que
le lecteur s’attend à trouver. Lui présenter autre chose le décevrait et le troublerait.
Pour affiner un peu plus ce concept, une bonne idée est
d’attribuer un niveau de priorité à toutes les données que vous
pensez présenter dans votre article. Cela clarifiera aussi dans
« …personne votre esprit l’importance relative de chacune de vos classes de
n’est mieux données expérimentales. Vous pouvez le faire en évaluant chaque
groupe de données en fonction de sa pertinence par rapport à
placé que vous votre hypothèse. En pratique, quatre catégories suffisent pour
pour déterminer vous permettre de mener à bien cette classification.

l’importance • Catégorie 1. Ces résultats sont clairs et pertinents par


rapport à votre hypothèse.
relative de chacune • Catégorie 2. Ces résultats vous permettent de dire
de vos données quelque chose en relation avec l’hypothèse, mais ils
ne sont pas aussi convaincants que les résultats de la
par rapport catégorie 1.
à la somme des • Catégorie 3. Ces résultats sont intéressants, robustes et
valent la peine d’être présentés, mais ils ne se rapportent
résultats que vous pas à votre hypothèse.
avez à présenter » • Catégorie 4. Ces résultats ne sont pas convaincants et ne
se rapportent pas à l’hypothèse.
Maintenant, avec cette information sur l’importance relative de vos différentes
données, vous avez en main ce qu’il faut pour organiser votre section résultats de
manière à faire ressortir clairement les plus importants. Premièrement, n’utilisez
aucun des résultats de catégorie 4. Ensuite et dans la mesure du possible, présentez
vos résultats dans l’ordre : catégorie 1, puis catégorie 2 et ensuite catégorie 3. Vous
pouvez renforcer cette hiérarchisation en vous servant du texte pour attirer l’attention
des lecteurs sur les informations importantes contenues dans les tableaux et les figures.
Parfois, les données de catégorie 3 demandent à être étudiées soigneusement.
Des données de ce type surgissent de temps en temps. Elles sont intéressantes et

46 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


contribuent à la compréhension d’un phénomène qui ne faisait pas directement
partie de l’expérience réalisée ou qui, autrement dit, n’était pas pris en compte
dans l’hypothèse. Présenter de telles données comme l’élément majeur des résultats
serait quelque peu déroutant pour le lecteur qui suivait jusque-là votre logique de
raisonnement. Mais ne pas présenter du tout un résultat intéressant parce qu’il n’a pas
de rapport direct avec votre hypothèse serait aussi une perte regrettable d’information.
Logiquement, l’hypothèse annonce le sujet de l’article et par conséquent les
résultats qui ne s’y rapportent pas ne devraient pas être le point central de votre
article. Si vous décidez que le résultat inattendu et exceptionnel est tellement
important et intéressant qu’il faut lui consacrer beaucoup de place, votre article
ne sera plus aussi bien ciblé et perdra son objectif principal. Quand les exceptions
occupent la majeure partie de l’article, il est temps de réévaluer vos résultats.
Si vous avez beaucoup de données intéressantes qui ne se rapportent pas à
l’hypothèse de départ, il faut peut-être envisager de les utiliser pour faire un autre
article. Une autre option serait d’abandonner la forme actuelle de l’article et de le
réorganiser avec une nouvelle hypothèse qui puisse être testée avec ces données.
Les auteurs trouvent parfois difficile d’exclure des résultats
qu’ils ont eu beaucoup de mal à obtenir, mais qu’ils ont placé en
toute objectivité en catégorie 4. Il leur est difficile de renoncer
à une partie de leurs résultats parce que ça veut probablement « Malheureusement,
dire qu’ils ont travaillé pour rien en ce qui concerne cet aspect les lecteurs ne sont
de leur expérience. Malheureusement, les lecteurs ne sont pas
intéressés par la quantité de travail fournie par les auteurs d’un pas intéressés
article. Ce qu’ils veulent savoir, c’est ce que les auteurs ont par la quantité
trouvé d’intéressant. Ne remplissez pas votre article de données
ennuyeuses qui vont être jugées en fin de compte sans intérêt de travail fournie
par les lecteurs, car cela donnera l’impression que les auteurs par les auteurs
ont été incapables d’éliminer ce qui n’avait pas d’intérêt. Une
telle incapacité n’améliorerait pas votre réputation scientifique. d’un article.
C’est une réalité de la vie scientifique qu’un sévère élagage Ce qu’ils veulent
des données scientifiques fait partie du processus de rédaction
des articles. Si vous avez du mal à exclure des données sans savoir, c’est ce
intérêt, consolez-vous en pensant aux dégâts que pourrait que les auteurs
occasionner la dilution de vos résultats les plus intéressants,
y compris en augmentant le risque que le lecteur passe à côté ont trouvé
de l’information principale. d’intéressant. »

Quelle forme de présentation : texte ou illustrations ?


Maintenant que vous avez sélectionné les données que vous allez utiliser et que vous
les avez classées par ordre de priorité, il vous faut encore les présenter de manière
logique et concise. Pour cela, dans la plupart des cas, les données nécessitent
d’être traitées et mises en forme. Cela peut aller d’une simple classification des
résultats et du calcul de quelques moyennes à une analyse statistique complexe.
Il est toujours bon d’essayer quelques options différentes de mise en forme des
données avant de décider quelle est la meilleure. À ce stade, vous devriez vous

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 47
représenter mentalement quels sont les arguments qui vont finalement constituer
l’ossature de votre discussion. Un tel processus d’essais et d’erreurs est nécessaire
pour trouver la meilleure solution pour votre présentation définitive. Souvenez-
vous que vous aurez à utiliser les points les plus saillants de vos résultats comme
base de la discussion. Par conséquent, il est essentiel que ces points apparaissent
clairement dans les résultats. Quelle que soit votre forme finale de présentation,
tableaux, figures ou texte, arrangez-vous pour que l’information clé et les chiffres
clés ressortent clairement.
Mais d’abord, établissons trois règles de base importantes.
• La section de résultats comprend généralement à la fois
« …tableaux et du texte et des tableaux et (ou) des figures. Elle peut ne
contenir que du texte mais jamais seulement des tableaux
figures sont le
ou des figures. Vous devez décrire vos résultats par du
moyen qui permet texte et pas seulement présenter des chiffres.
aux auteurs d’être • Les tableaux, les figures (ou les graphiques) et le texte
doivent être autonomes. En d’autres termes, les lecteurs
précis et, cette ne devraient pas avoir à lire le texte pour comprendre
obligation étant de quoi traite un tableau ou une figure. De la même
manière, ils ne devraient pas avoir à consulter un tableau
remplie, ils peuvent ou une figure pour comprendre le sujet du texte.
se concentrer • Les mêmes données ne doivent pas être répétées dans
le texte d’un côté et dans les tableaux ou les figures
sur le texte pour de l’autre, ni entre les tableaux et les figures. Par
remplir la deuxième conséquent, il faut décider ce qui doit être mis dans les
tableaux ou figures et dans le texte, pour ne pas être
condition, à savoir répétitif et ennuyeux.
la clarté. » Lorsque beaucoup de données sont présentées, il est toujours
difficile de les lire, en particulier si elles forment une suite
ininterrompue de chiffres d’une ligne ou plus. Dans ce cas, des tableaux qui
organisent clairement les données en rangées et en colonnes ou des figures qui
illustrent des tendances sont généralement mieux adaptés.
Mais souvenez-vous aussi que l’utilisation de tableaux et de figures ne vous
dispense pas de la responsabilité de produire un texte cohérent. Cela ne veut
pas dire que le texte doive présenter la même chose que les tableaux. En fait,
dans les résultats, le texte et les tableaux ont des fonctions bien différentes, mais
complémentaires. Gardez toujours ces différences de fonction à l’esprit quand
vous structurez le contenu des résultats, parce qu’elles vous aident à remplir les
conditions nécessaires à toute rédaction scientifique : être précis et être clair. En
bref, tableaux et figures sont le moyen qui permet aux auteurs d’être précis et,
cette obligation étant remplie, ils peuvent se concentrer sur le texte pour remplir
la deuxième condition, à savoir la clarté.
Tableaux et figures sont faits à partir de chiffres, de telle manière que n’importe
quel degré de précision est possible, bien sûr dans la mesure où il reste sensé. Le
texte vous offre la possibilité de clarifier ou de renforcer les points des tableaux

48 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


qui seront particulièrement importants au moment de la discussion. Il est peu
probable que tous les chiffres présentés dans un tableau aient la même importance.
Dans le texte vous pouvez montrer cela au lecteur en attirant son attention sur les
chiffres du tableau qui contiennent l’information importante. Le texte peut être
aussi un moyen efficace d’attirer l’attention sur une tendance ou une structuration
particulière des résultats au sein d’un échantillon ou entre différents groupes. Le
texte permet ainsi de faire émerger immédiatement une vue d’ensemble ou la
logique sous-jacente aux chiffres du tableau. Les chiffres qui n’ont pas d’intérêt
particulier peuvent aussi être présentés dans le tableau, dans le souci d’être
complet et pour les lecteurs qui voudraient prendre connaissance de tous les
détails. Mais en les omettant dans le texte, l’auteur peut indiquer sans équivoque
qu’ils ne vont pas jouer un rôle essentiel dans la discussion de l’expérience et dans
les conclusions à en tirer. Et même dans la description des données importantes,
l’auteur peut se servir du texte pour souligner la tendance principale d’un résultat.
Par exemple, il est possible dans le texte de dire que « le traitement A a été presque
deux fois plus efficace que le traitement B pour contrôler la maladie ». Un texte
aussi imprécis et vague serait totalement inacceptable dans un article scientifique
s’il n’était pas accompagné de chiffres précis dans un tableau. Mais si les données
exactes sont dans un tableau, il permet de faire passer le message principal en
soulignant quelque chose que la seule présentation des chiffres n’aurait pu faire.
Rendre les tableaux et les figures autonomes nécessite d’utiliser des titres complets
et descriptifs, avec des en-têtes de lignes et de colonnes informatives. Un titre de
tableau tel que : « Production laitière des vaches traitées » est totalement inapproprié.
Le titre doit toujours donner le numéro du tableau, même s’il n’y en a qu’un dans
tout l’article, et il devrait donner les détails essentiels de ce qu’il contient.
Ainsi, un titre : « Tableau 4 - Production laitière en litres/jour de vaches jersiaises
pendant les 30 premiers jours de la lactation après injection de caséine iodée »
est beaucoup plus informatif. Surtout, un tel titre évite au lecteur de revenir au
texte pour comprendre le tableau ou chercher à quoi se rapportent les chiffres
qui y sont présentés.
Les en-têtes des lignes et des colonnes d’un tableau doivent également être
complets. Un tableau dans lequel ces en-têtes sont des codes indéchiffrables ne
peut pas être qualifié d’autonome. Non seulement les entêtes doivent être lisibles,
mais elles doivent aussi préciser les unités de mesure, par exemple g/jour, 100 mg/l
ou %. De cette façon, le corps du tableau n’est pas encombré par la répétition
d’unités de mesure et ne contient que des chiffres. En fait, si l’unité de mesure
est la même pour toutes les cases du tableau, cette information peut être incluse
dans le titre, comme dans le cas de « litres/jour » dans l’exemple ci-dessus. S’il y
a des données manquantes, des omissions ou des anomalies, ces points doivent
être expliqués dans une note en dessous du tableau. Les notes servent également
à expliquer des abréviations, des symboles, des références ainsi qu’à fournir des
informations statistiques, même si ces explications sont aussi fournies dans le texte.
Une note annonçant dans un tableau « voir le texte pour les détails des groupes et
des traitements » implique que le lecteur soit capable de lire le texte et le tableau
simultanément, ce qui n’est bien sûr pas le cas. Soit dit en passant, les tableaux et

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 49
figures sont les seuls endroits dans un article scientifique où le renvoi à des notes
de bas d’illustration est vraiment justifié. Dans tous les autres cas, les notes risquent
de casser le rythme de la lecture et faire perdre le fil au lecteur, dont la priorité reste
d’accéder le plus efficacement possible à l’information essentielle. Dans un livre,
que nous lisons le plus souvent par étapes, la situation est différente et le renvoi à
des notes de bas de page peut s’avérer pratique, à condition de ne pas en abuser.
Une bonne stratégie pour vérifier l’autonomie de vos tableaux et de vos figures
est de les montrer à des collègues sans le texte correspondant et de leur demander
s’ils les comprennent. Si ce n’est pas le cas, il faut ajouter des informations dans
le titre, les en-têtes ou les notes de manière à les rendre totalement intelligibles.

Quelles illustrations : figures ou tableaux ?


Les auteurs pensent généralement que les graphiques et les figures ont plus d’impact
que les tableaux, surtout quand il faut décrire des changements continus de variables
associés à l’application également continue d’un ou plusieurs traitements. Mais
même dans de tels cas, il est parfois difficile de décider ce qui est le mieux. De fait,
les figures sont souvent plus simples, plus synthétiques et plus faciles à digérer pour
le lecteur que des tableaux, mais elles sont beaucoup moins précises. Globalement, si
votre but est de montrer des caractéristiques qualitatives de vos données et des effets
généraux, les figures sont idéales. En revanche, si la vérification de votre hypothèse
nécessite une analyse soigneuse et précise de vos résultats, un tableau présentant les
valeurs exactes des variables mesurées sera plus approprié. Par exemple, supposons
que vous vouliez montrer que la production de laine augmente chez les ovins
lorsque la concentration de protéine dans leur alimentation augmente jusqu’à 15 %,
mais pas au-delà de cette concentration. Vous pouvez le montrer simplement et
entièrement par un graphe dont l’abscisse représente la concentration en protéine.
Dans un tel cas, nous sommes plus intéressés par les tendances que par les valeurs
absolues et la précision sur l’axe n’est pas essentielle. L’objectif d’une figure est de
simplifier les données et de les rendre faciles à saisir visuellement. En revanche, si
nous voulions démontrer que le besoin journalier pour produire de la laine chez
le mouton est de 70,1 g de protéines par 100 g de laine, les chiffres exacts ayant
permis de calculer cette estimation seraient essentiels et un tableau bien structuré
permettrait de l’illustrer. Les figures peuvent être esthétiques, mais elles ne sont
pas toujours suffisamment précises.
Par conséquent, avant de décider si vous allez utiliser une figure et rejeter l’option
d’un tableau parce que c’est une manière ennuyeuse de présenter vos résultats,
tenez compte des considérations de A.S.C. Ehrenberg, qui est non seulement un
avocat des tableaux mais qui, en plus, propose une méthode appuyant son point
de vue pour les construire (Ehrenberg A.S.C., 1982. A Primer in Data Reduction.
An Introductory Statistics Texbook, Wiley & Sons, Chichester).
D’après Ehrenberg, les tableaux peuvent être autre chose que simplement des lignes
et des colonnes de chiffres. Pour être bon, un tableau doit présenter les chiffres de
manière à faire ressortir la structure, les points forts et les exceptions des données.
En insérant des moyennes générales et en les plaçant de manière à mettre en

50 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


évidence les contrastes et à faciliter les comparaisons, vous permettez au lecteur
de saisir la structure générale des informations en un seul regard. Par exemple,
si vous décidez que la discussion dépend du contraste entre deux moyennes en
particulier, disposez ces moyennes à proximité l’une de l’autre dans le tableau dans
la mesure du possible pour pouvoir les comparer d’un coup d’œil. Si votre objectif
est de montrer une relation entre deux ou plusieurs séries de chiffres, présentez-les
en colonnes plutôt qu’en lignes. Il est beaucoup plus facile de lire des colonnes que
des lignes et les relations sont plus facilement repérables.
Par exemple, comparez les deux tableaux 1 et 2 ci-dessous. Ils montrent les mêmes
données, les ventes de limonade dans sept points de vente de Plounevez-le-Sec
pendant les cinq premiers mois de l’année 2010. Le tableau 1 présente les revendeurs
en suivant la logique d’un ordre alphabétique et fournit les quantités vendues de
manière précise en milliers de litres, avec une précision de deux décimales, mais le
tout est un peu rébarbatif. D’un autre côté, le tableau 2 présente les mêmes données
de manière à ce qu’elles soient compréhensibles intuitivement au premier regard,
à l’aide d’au moins quatre techniques.

Tableau 1. Ventes de limonade (en litres x 103) chez 7 revendeurs de Plounevez-le-Sec


les cinq premiers mois de 2010.
Revendeur Mois
Janvier Février Mars Avril Mai
Breizh supermarché 107,21 137,63 129,17 149,38 183,40
Crêperie du port 25,41 29,70 30,79 33,53 34,64
Epicerie du coin 16,59 16,54 19,38 19,88 21,62
Ker Soizic bar 191,78 206,48 274,56 275,98 303,35
Marianne salon de thé 152,40 142,63 137,60 171,79 194,26
L’Oasis 48,10 47,32 51,83 53,73 60,23
Troquet des touristes 50,21 63,54 77,82 81,76 89,49

Tableau 2. Ventes de limonade (en litres x 103) chez 7 revendeurs de Plounevez-le-Sec


les cinq premiers mois de 2010.
Revendeur Mois
Janvier Février Mars Avril Mai Moyenne
Ker Soizic bar 192 206 275 276 303 250
Marianne salon de thé 152 143 138 172 194 160
Breizh supermarché 107 138 129 149 183 141

Troquet des touristes 50 64 78 82 89 73


L’Oasis 48 47 52 54 60 52
Crêperie du port 25 30 31 34 35 31
Épicerie du coin 17 17 19 20 22 19
Moyenne 84 92 103 112 127 104

D’abord, l’auteur a estimé que l’information additionnelle des deux chiffres après
la virgule dans le tableau 1 n’est d’aucun intérêt pour décrire des différences de

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 51
vente de limonade. Il a donc arrondi les valeurs à un niveau de précision gérable
par la mémoire à court terme du lecteur, mais qui reste suffisant.
Deuxièmement, l’impact visuel du succès relatif de chacun des sept points de vente
de limonade est souligné en les plaçant par ordre décroissant de volume de vente.
Peut-être que l’ordre alphabétique de présentation n’avait guère d’intérêt logique.
Troisièmement un espace, petit mais visible, a été ajouté pour souligner la claire
différence de débit entre les trois plus gros revendeurs et les quatre autres dont le
volume de vente est beaucoup plus faible. On pourrait le faire également en utilisant
une police de caractère en gras pour les ventes des trois premiers revendeurs.
Quatrièmement, les moyennes de chaque ligne et de chaque colonne ont été
ajoutées pour mieux guider le lecteur. Là encore, un espace a été ménagé pour
mieux distinguer les moyennes des valeurs individuelles. Une autre manière de
le faire serait d’utiliser des caractères en italique pour les valeurs des moyennes.
Le succès de chaque revendeur est confirmé par les moyennes de chaque ligne, et
une nouvelle information est fournie par les moyennes des différentes colonnes
qui illustrent les variations mensuelles de consommation de limonade. Remarquez
comment l’augmentation des ventes au cours du temps devient évidente, avec
un maximum en mai, alors que ces informations étaient loin d’être apparentes
dans le tableau 1. La présentation de ces moyennes montre immédiatement que
la consommation varie avec la saison et permet de suggérer une ou plusieurs
hypothèses explicatives lors de la discussion de ces résultats. Ehrenberg souligne
l’intérêt de présenter des moyennes plutôt que des sommes en dernière colonne ou
en dernière ligne, parce que des moyennes sont beaucoup plus faciles à comparer
avec les valeurs individuelles de chacune des cases du tableau.
En résumé, le tableau 2 rend volontairement évidentes les tendances et les
exceptions fournies par les données. Le tableau vous donne les résultats quasiment
avant que vous ayez lu les chiffres. De fait, on pourrait presque le décrire comme
une figure faite avec des chiffres.
De la même façon que les données des tableaux ne doivent pas être citées telles
quelles dans le texte, les graphiques ne doivent pas reproduire des données déjà
présentées dans des tableaux. Vous devez décider ce qui sert le mieux votre objectif.
Cet objectif est bien sûr de présenter vos résultats et vos conclusions de manière
claire et convaincante et c’est donc sur cette base que vous devez prendre votre
décision. Les éditeurs n’aiment pas du tout gaspiller de l’argent et de l’espace pour
des répétitions. Plus important encore, les lecteurs ne sont pas contents d’avoir à
lire deux fois la même chose pour se rendre compte ensuite qu’ils n’ont rien appris
de plus la deuxième fois. La répétition est à réserver pour les présentations orales
et pour des raisons tout à fait différentes, comme nous le verrons plus tard.

Utiliser des statistiques dans la présentation des résultats


L’analyse statistique est un outil puissant qui vous permet de mettre des probabilités
sur vos résultats. Les statistiques vous évitent d’être séduit par des différences qui
pourraient être le fruit du hasard et elles appuient vos conclusions quand vous
affirmez qu’un traitement a produit un effet. Mais souvenez-vous que l’important,

52 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


c’est la réponse au traitement que vous avez observée ou les différences trouvées
entre les populations étudiées, pas la méthode statistique qui vous a permis de
proclamer ces résultats. Par exemple, une formule comme « …l’analyse de variance
a révélé un effet du traitement (moyennes et erreur standard, valeur de F, df, p)… »
suggère que vous ne saviez pas que vous trouveriez une différence jusqu’à ce que
les statistiques vous le disent. Si vous changiez pour « les traitements ont différé
significativement » ou, mieux encore « le traitement A a été significativement plus
efficace que le traitement B », vous remettriez les statistiques à leur juste place
d’outil permettant de souligner le résultat expérimental. Vous devez bien sûr
indiquer clairement les niveaux de probabilité, mais vous n’avez pas besoin de
présenter des tableaux pour décrire comment vous les avez obtenus. Ils ne sont pas
essentiels pour votre article, pas plus que des analyses chimiques intermédiaires
permettant d’identifier un composé donné. Mais, tout comme pour les analyses
chimiques, vous devez avoir justifié, en principe dans les matériel et méthodes, que
les tests statistiques que vous avez utilisés sont bien adaptés et utilisés à bon escient.
Il existe de bons moyens pour présenter les informations statistiques dans les
tableaux ou figures qui vous serviront à exposer vos données. Nous en proposons
ici quelques-uns à titre d’exemples. Pour des raisons de clarté, il est préférable
de résumer des données très nombreuses en les réduisant à des sommes ou à
des moyennes. Les moyennes sont préférables aux sommes car elles rendent
compte des données à la même échelle que les valeurs individuelles, ce qui
facilite les comparaisons visuelles. Si vous faites cela, indiquez aussi le degré de
variation dans vos données d’origine en présentant l’erreur standard à la moyenne
(standard error of the mean, SEM, en anglais et ES en français) ou l’écart-type des
valeurs individuelles (standard deviation, SD, en anglais et DS en français). Ces
deux paramètres ne sont pas identiques, et vous ne devez pas simplement écrire
« 12,6 ± 1,3 », parce qu’il n’est pas évident si 1,3 est l’erreur standard ou l’écart-
type. En rajoutant (ES) ou (DS) derrière « 12,6 ± 1,3 », vous levez cette ambiguïté.
De plus, il convient de signaler qu’en règle générale, lorsque les résultats sont
présentés en donnant des moyennes, c’est l’erreur standard (SEM, ES) qui est
donnée en complément, que les résultats soient sous forme de chiffres dans le
texte, dans des tableaux ou sous forme de graphes. Lorsque les résultats sont
présentés dans le texte en donnant les médianes plutôt que les moyennes, il faut
alors donner également les valeurs des quartiles inférieur et supérieur (QI, 25 %
et QS, 75 %). Dans le cas d’une représentation graphique, les données seront
alors présentées sous forme de « boîtes et moustaches » (boxplot and wiskers en
anglais), avec matérialisation de la médiane, des quartiles inférieur et supérieur,
mais aussi des « moustaches » inférieures et supérieures (habituellement 1,5 fois
la valeur de l’écart interquartile QS-QI, interquartile range IQR en anglais). Quelle
que soit la mise en forme choisie, le plus simple est généralement de préciser les
conventions retenues et leurs abréviations dans la sous-section analyses statistiques
des matériel et méthodes. Par ailleurs, même quand les données dans les tableaux
ou les figures sont organisées pour permettre de les comparer facilement à l’œil
nu, une indication des différences statistiques doit aussi être fournie. Dans le
cas contraire, les résultats ne peuvent pas être vraiment interprétés. Le mot
« significatif » peut vouloir dire plusieurs choses en plus de sa signification

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 53
statistique, mais dans un article scientifique il est généralement synonyme de
« statistiquement significatif », compte tenu de son usage en sciences modernes.
C’est donc une bonne idée et une précaution utile de ne l’employer que dans ce
sens dans vos articles.
Enfin, il vaut la peine de réfléchir à la manière de présenter les valeurs des
probabilités obtenues lors des comparaisons statistiques. La coutume la plus
courante est de considérer une valeur de p = 0,05 (a = 0,05) comme seuil de
d’une différence significative. Par conséquent, les auteurs déclarent comme étant
significative toute comparaison pour laquelle p ≤ 0,05 et comme non significative
toute comparaison pour laquelle p > 0,05. Mais une telle dichotomie peut faire
perdre au lecteur une information précieuse. Même si le seuil « fatidique » de
0,05 n’est pas atteint, une probabilité de p = 0,06 n’a sans doute pas la même
signification pour le lecteur qu’une probabilité p = 0,64. Donc, lorsque c’est
possible, il est toujours préférable de donner la valeur exacte d’une probabilité
plutôt qu’un simple qualificatif lié à un seuil. Cela est d’ailleurs en accord avec le
principe proposé en début de ce livre selon lequel la première règle à respecter en
rédaction scientifique est la règle de précision. En revanche, la présentation des
valeurs exactes des probabilités dans le texte peut parfois générer des groupements
de chiffres assez indigestes pour le lecteur. Par exemple, supposons que vous ayez
effectué des comparaisons deux à deux entre quatre groupes et que les valeurs
des six comparaisons correspondantes soient toutes différentes, mais aussi toutes
inférieures au seuil de 5 %. Il est préférable dans ce cas d’écrire « p < 0,05 dans tous
les cas », plutôt que de donner les valeurs individuelles pour chaque comparaison.

La discussion
Ici, enfin, vous avez atteint la partie de l’article où votre raisonnement et vos
capacités d’interprétation sont révélées au grand jour. C’est là que vous avez
l’opportunité de permettre à vos lecteurs d’évaluer vos qualités
en tant que chercheur. Jusque-là, dans votre article, vous avez
certainement eu à réfléchir, mais le matériel composant chacune
« discussion veut des sections était déjà prédéterminé. Même si cela peut paraître
surprenant, vous aviez en fait peu de latitude pour exprimer
dire la discussion vos propres idées.
de vos résultats,
pas la discussion Qu’est ce qui fait une bonne discussion ?
des résultats Le premier principe dont vous devez vous rendre compte est
que discussion veut dire la discussion de vos résultats, pas la
des autres. » discussion des résultats des autres. Vous discutez vos résultats
en relation avec ceux des autres. Vous les discutez aussi peut-
être en relation avec le monde réel, c’est-à-dire en envisageant
leur validité dans certaines situations pratiques ou dans la sphère plus générale de
votre discipline de recherche. Par conséquent, ce n’est pas une section dans laquelle
vous vous lancez dans une revue générale de la littérature sur le thème de votre
étude. Toutes les références que vous citez doivent être là parce qu’elles confortent

54 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


des arguments concernant vos résultats ou contribuent à leur interprétation. Par
exemple la formulation suivante ne sert à rien :
« Brun (2005) a trouvé X, mais Lenoir (2006) a trouvé Y ; par conséquent mes
résultats confirment ceux de Lenoir. »
Vous mettez en valeur les mauvais résultats, c’est-à-dire ceux de Lenoir et de Brun,
pas les vôtres. Vous devriez plutôt dire :
« J’ai trouvé Y et mes résultats sont donc soutenus par ceux de Lenoir (2006), mais
pas par ceux de Brun (2005) qui a trouvé X. »
En d’autres termes, commencez par ce que vous avez trouvé et continuez en
discutant comment vos résultats se rapportent à ceux des autres.
Vous trouverez peut-être prétentieux, ou au moins illogique d’un point de vue
chronologique, de présenter vos travaux avant ceux de Lenoir et de Brun et de
dire que ces auteurs confirment ou pas vos résultats, vu que leurs travaux sont
probablement bien antérieurs au vôtre. Mais le fait est que c’est une discussion de
vos résultats dont il s’agit ici et pas d’une revue chronologique de la littérature.
Non seulement cela justifie que vous vous exprimiez ainsi, mais vous êtes obligé
de le faire pour respecter ce principe.
Le deuxième principe que vous êtes obligé de respecter, pour que votre discussion
contribue à la publication d’un document scientifique de valeur, est que chaque
argument que vous y développez se termine par une conclusion. L’objectif essentiel
de votre discussion est d’en tirer des conclusions. Une bonne discussion d’article
scientifique doit procurer une certaine satisfaction aux lecteurs. Vous devez sans
cesse les aider à découvrir ce qui a de la valeur. Si vous ne le faites pas, ils perdent
l’intérêt à lire votre article, s’arrêtent et passent à un autre. Cela veut dire que vous
devez aller bien au-delà de la rédaction de quelques commentaires sur vos résultats
ou sur les liens avec ceux que d’autres pourraient avoir trouvés. Et vous pouvez
faire cela en vous assurant que chaque point de discussion que vous abordez se
termine bien par une conclusion. Une conclusion peut revêtir beaucoup de formes
différentes. Ce peut être un résumé du point que vous discutez et qui intègre
votre nouveau résultat. Ce peut être aussi une recommandation, une nouvelle
idée qui pourrait servir d’hypothèse dans une recherche future ou encore l’énoncé
d’un nouveau principe. Il peut aussi arriver que vos résultats et la bibliographie
disponible ne permettent pas de proposer une conclusion satisfaisante, auquel cas
le fait même de dire que vous ne pouvez pas conclure est en soi une conclusion.
Dans ce dernier cas, il convient de préciser quelle nouvelle information doit être
recherchée et peut-être aussi comment y parvenir.
Déclarer simplement : « J’ai trouvé Y et par conséquent mes résultats sont en
accord avec ceux de Lenoir (2006), mais pas avec ceux de Brun (2005) », n’est
pas une conclusion. C’est l’énoncé d’un fait. Dans ce cas précis, la conclusion
devrait dire quelle est votre opinion ou mieux encore, elle pourrait consister
en une argumentation expliquant pourquoi il existe des différences entre une
expérience et les deux autres, ainsi que les conséquences pour des recherches
futures ou les conséquences pratiques de ces différences dans le monde réel.

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 55
Même une déclaration comme « Nous n’avons pas encore assez d’informations
sur X et Y pour pouvoir en tirer une conclusion » est bien plus satisfaisante pour
le lecteur qu’une liste d’informations concordantes ou contradictoires sans avis
ni commentaires de la part de l’auteur.
C’est là que la structure traditionnelle d’un paragraphe est une très bonne aide
pour votre rédaction. Une règle fondamentale dans la construction d’une phrase
est qu’elle doit posséder un verbe : pas de verbe, pas de phrase. Il y a une règle
similaire, bien que moins connue, selon laquelle, dans toute bonne rédaction
scientifique, chaque paragraphe de la discussion doit se terminer par une conclusion.
S’il n’y a pas de conclusion dans une argumentation scientifique, il n’y a pas de
paragraphe. Vous ne trouverez probablement pas cette règle dans les livres de
grammaire, parce que je viens juste de l’inventer. Mais si vous l’appliquez, vous
êtes en passe d’écrire une bonne discussion pour deux raisons essentielles. D’abord,
vous avez de bonnes chances de maintenir l’intérêt du lecteur.
Et deuxièmement, vous vous obligerez à maintenir le cap dans
votre rédaction. Si un élément d’information ne nécessite pas
« …dans que vous en tiriez une conclusion, c’est un signe fiable que ce
n’est probablement pas la peine de le discuter du tout.
toute bonne
Quand les auteurs pensent qu’un paragraphe est trop long,
argumentation beaucoup d’entre eux décident souvent de passer à un
scientifique, chaque nouveau paragraphe, sans autre raison que de s’assurer que
le paragraphe paraisse de la bonne taille. Si vous faites cela,
paragraphe doit le lecteur va se retrouver livré à lui-même et penser que vous
se terminer par n’avez rien de plus à dire sur le point qui était à l’origine du
paragraphe. La décision de couper ou pas un long paragraphe
une conclusion. » en deux est facile à prendre. Si vous pouvez identifier deux
conclusions, développez-les dans deux paragraphes séparés.
S’il n’y a qu’une conclusion, ne gardez qu’un seul paragraphe, même s’il paraît
trop long. En réalité, une chaîne complexe d’arguments de discussion, chacun
conduisant potentiellement à de longs paragraphes, peut souvent être expliquée
plus facilement si elle est découpée en plusieurs segments possédant chacun sa
propre conclusion. Lorsqu’une telle séquence a été identifiée, le long paragraphe
de départ peut être découpé en plusieurs nouveaux paragraphes plus petits et
bien construits, chacun avec sa propre conclusion.
Certains éditeurs de journaux scientifiques ont récemment ajouté de nouvelles
sections nommées conclusions ou conséquences pratiques (en anglais, implications), à
la suite de la discussion conventionnelle. Je soupçonne qu’ils l’ont fait en réponse à
leur frustration d’être confrontés à de nombreux auteurs qui essaient de discuter
leur travail sans rien conclure. Ces revues qui ont une section de conclusions
obligatoire posent un problème aux bons auteurs, parce que ceux-ci auront déjà
présenté leurs conclusions comme partie intrinsèque de la discussion. Le problème
est le même pour les conséquences pratiques, qui sont en fait aussi des conclusions,
mais qui s’appliquent généralement plutôt au monde réel, donc à caractère
pratique. Qu’il s’agisse de conclusions ou de conséquences pratiques, la solution la
plus simple est de les copier et de les reformuler sous forme de liste dans cette

56 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


nouvelle section. C’est certainement préférable plutôt que de diminuer l’intérêt de
la discussion en la privant de ses éléments les plus importants pour les proposer à la
fin dans une section séparée. Enfin, il peut arriver que l’ensemble des conclusions
qui sont présentées dans la discussion permette d’élaborer une conclusion finale qui
synthétise et dépasse les conclusions individuelles déjà énoncées. C’est d’ailleurs
ce que font parfois certains auteurs dans le dernier paragraphe de la discussion
lorsque la revue n’exige pas de section conclusions. Dans ce cas et si la revue le
demande, il suffit de rajouter le titre de conclusions ou d’implications en tête de ce
dernier paragraphe.

Que faut-il discuter ?


Pendant que vous collectiez, mettiez en forme et analysiez vos données, un certain
nombre d’idées à aborder dans la discussion vous seront venues à l’esprit. Certaines
de ces idées ont à voir avec la façon dont vos résultats se
rapportent aux idées et aux résultats d’autres chercheurs qui ont
déjà publié sur le même sujet. D’autres idées se rapportent peut-
être aux conséquences que vos nouveaux résultats pourraient « …la technique
avoir dans le monde réel, soit par leurs conséquences pratiques,
soit par leur contribution à la compréhension générale de pour développer des
phénomènes liés à votre discipline. Ces idées ont besoin d’être arguments dans
développées et reliées à vos données et à la littérature de façon
logique. Beaucoup d’entre elles vont probablement disparaître une discussion
dans le processus, et c’est normal, mais d’autres vont émerger est identique à celle
comme des points essentiels à discuter. Ces idées sont les
arguments que vous allez utiliser dans la discussion, parce que pour développer un
vous devez les argumenter et les justifier au regard de ce qui est bon paragraphe. »
déjà connu. Vous aurez en particulier à présenter leurs limites
aussi honnêtement que possible. La discussion devient ainsi un
ensemble d’arguments sur la pertinence, l’utilité ou les limites de votre expérience
et des résultats obtenus, ainsi que sur les nouvelles perspectives de recherche qu’ils
suggèrent. Chacun de vos arguments sera un élément individualisé de rédaction
logique et constituera normalement l’essence d’un paragraphe en tant que tel. En
d’autres termes, la technique pour développer des arguments dans une discussion
est identique à celle pour développer un bon paragraphe.

Faire ressortir votre message scientifique


Tous les soirs, dans la plupart des grandes villes du monde, les rédacteurs en
chef des différentes rubriques des journaux quotidiens se réunissent pour décider
des nouvelles qu’ils mettront dans l’édition du lendemain. Ils ont en général
beaucoup plus d’articles potentiels que de place et leur premier travail consiste
donc à décider de l’importance relative de chacune des informations qu’ils
pourraient publier. Celles qu’ils jugent peu intéressantes sont rejetées et les autres
sont classées en fonction de leur intérêt potentiel pour les lecteurs. Ensuite, ils
décident comment ils vont présenter chaque information de manière à montrer à
leurs lecteurs l’importance relative qu’ils y ont accordée. Il y a plusieurs moyens

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 57
pour faire passer ce message. Par exemple, l’information la plus importante est
toujours placée en premier. Elle occupe toujours plus de place que les nouvelles
moins importantes. Elle est aussi généralement présentée comme un titre avec des
caractères plus gros. Ce gros titre est formulé de manière attractive ou provocante
et associé à des photos ou des illustrations qui attirent l’œil. Le titre sera peut-être
même en couleur. Il en résultera de toute façon que les lecteurs n’auront aucun
doute sur ce qui constitue l’information la plus importante du jour, avant même
de l’avoir lue.
Comment tout cela se rapporte-t-il à la rédaction de votre discussion ? Il y a en
fait une grande similitude entre le travail quotidien des rédacteurs en chef et le
vôtre quand vous écrivez un article scientifique. Certains des points de votre
discussion vont être inévitablement plus importants que d’autres. Il faut que vos
lecteurs s’en rendent compte pour pouvoir apprécier pleinement l’ensemble de
votre discussion. Mais ce qui est encore plus intéressant dans ce travail de choix et
de mise en valeur des points que vous considérez importants, c’est que cela vous
offre l’opportunité de structurer votre discussion de telle manière que même des
lecteurs éphémères capteront votre message principal, y compris s’ils ne lisent
que les premières lignes de votre discussion.
Si la clé d’une discussion bien structurée est de choisir quels sont les arguments les
plus importants, alors il vous faut un moyen systématique pour évaluer la priorité
des arguments que vous avez l’intention d’utiliser. Quand vous commencerez à
rassembler et organiser vos arguments, vous vous rendrez compte que certains
ont vraisemblablement plus de poids que d’autres. Donc, prenez note de tous les
arguments que vous pensez avoir à utiliser dans la discussion. Ensuite clarifiez
pour vous-même l’importance relative de chacun d’entre eux. Examinez-les
individuellement et attribuez-leur une note. Quatre catégories similaires à celles
utilisées pour les résultats devraient faire l’affaire.
• Catégorie 1. Ces arguments se rapportent à l’hypothèse initiale et vous
permettent de formuler une opinion claire d’acceptation ou de rejet de cette
hypothèse.
• Catégorie 2. Ces arguments se rapportent à l’hypothèse initiale mais, pour
quelque raison que ce soit, ils restent ambigus, ou ils vous conduisent à
suggérer des expériences ou des observations supplémentaires avant de
pouvoir accepter ou rejeter l’hypothèse.
• Catégories 3. Ces arguments fournis par vos résultats ne se rapportent pas
à l’hypothèse initiale, mais vous les considérez suffisamment nouveaux ou
intéressants pour que cela vaille la peine de les inclure.
• Catégorie 4. Ces arguments fournis par vos résultats ne se rapportent pas à
l’hypothèse et sont d’un intérêt limité.
Lorsque vous êtes satisfait de votre classification, vous pouvez tirer d’autres
avantages des techniques journalistiques de mise en page. Bien sûr, beaucoup
des outils que les rédacteurs en chef peuvent utiliser pour souligner l’importance
d’un article, comme des caractères plus gros, des illustrations qui attirent l’œil et
des titres provocateurs, ne sont pas accessibles aux auteurs d’articles scientifiques.

58 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Les éditeurs des revues scientifiques ont tendance à être plus conservateurs que
les rédacteurs en chef des journaux. Néanmoins, deux de ces outils sont tout à fait
appropriés : placer le meilleur argument en premier et s’assurer qu’un argument de
moindre importance n’occupe pas plus de place que des arguments primordiaux.
N’hésitez pas à utiliser ces outils car ils donnent l’impression visuelle correcte de
l’ordre de priorité des arguments aux lecteurs.
La première étape est d’éliminer tous les arguments de la quatrième catégorie,
ou tout argument que vous n’arrivez pas à classifier facilement. Ceux qui restent
deviennent la base de votre discussion et ils sont classés en ordre décroissant
d’importance. Vous devez maintenant vous assurer de les présenter de manière
à ce que les lecteurs se fassent une idée de leur importance relative aussi proche
que possible de la vôtre. Vous serez sur la bonne voie si vous pouvez donner aux
lecteurs l’impression par simple impact visuel que ce qu’ils sont en train de lire
ou sur le point de lire, est important avant même qu’ils en aient
digéré le contenu. Il y a deux techniques pour y arriver et, en
faisant cela, vous pouvez inciter inconsciemment le lecteur
à hiérarchiser vos arguments de la même manière que vous. « …placer
La première technique concerne la taille. Le lecteur relie l’argument
automatiquement la longueur de texte dédiée à un argument
avec l’importance de celui-ci. Les éditeurs de journaux utilisent là où le lecteur
cette technique en première page, à la différence près qu’ils s’attend
peuvent accroître l’espace dédié à une information et son
importance simplement en augmentant la taille des caractères. probablement
Vous ne pouvez pas en faire autant et qui plus est, pour rendre à le trouver. »
les choses encore plus compliquées, votre argument majeur
est peut-être le plus simple à développer et à expliquer. S’il
ne prend que quelques lignes et qu’un argument mineur prend trois quarts de
page, toute votre discussion est virtuellement déséquilibrée, y compris sur le plan
logique, dans la mesure où le poids de chaque argument est modifié. Cela ne
veut pas dire qu’il faut ajouter des phrases inutiles dans le paragraphe traitant
de votre argument majeur pour en augmenter la taille. Il faut plutôt chercher à
vous assurer que les points secondaires de la discussion n’occupent que quelques
phrases, afin qu’ils n’acquièrent pas une importance injustifiée. Par ailleurs, il
est peu fréquent qu’un argument important n’occupe que quelques lignes. Il
impliquera probablement plusieurs apports théoriques ou conséquences pratiques
qu’il conviendra de développer dans le même paragraphe ou dans des arguments
et des paragraphes complémentaires. Si ce n’est pas le cas, vous devriez réfléchir
au classement que vous avez attribué à cet argument.
La deuxième technique concerne le positionnement de l’argument. L’auteur doit
placer l’argument là où le lecteur s’attend probablement à le trouver : le plus
important d’abord et le moins important en dernier. Certains auteurs pensent de
façon erronée qu’ils doivent garder leur meilleur argument pour la fin et ainsi
terminer leur discussion en laissant une très bonne impression. Le problème est que
souvent les lecteurs pressés ou trop occupés ne lisent pas les articles jusqu’à la fin.
De plus, la probabilité qu’ils ne terminent pas leur lecture est d’autant plus grande

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 59
que ce qu’ils lisent au début de la discussion présente peu d’intérêt. Mais l’inverse
est également vrai : les lecteurs seront probablement incités à poursuivre leur
lecture s’ils trouvent quelque chose qui les intéresse dans le premier paragraphe
de la discussion. Les éditeurs de journaux savent bien cela ; ils ne laissent jamais
les nouvelles les plus importantes pour la fin, et vous devriez faire de même.
Ils annoncent le point le plus important dès les premières lignes de leur article
et, dans votre cas, l’argument le plus important devrait être le sujet du premier
paragraphe de votre discussion. Les articles de journaux se terminent rarement par
un bouquet de révélations extraordinaires, comme peuvent le faire des romans ou
des histoires courtes. Ils cherchent à informer, pas à surprendre, et c’est aussi le
rôle d’une bonne discussion. Certains auteurs pensent aussi qu’il est souhaitable,
voire essentiel, de régler autant de détails que possible avant d’en venir aux
points essentiels. En faisant cela, ils attribuent beaucoup d’espace à des faiblesses
éventuelles de leurs méthodologies ou à des faits inattendus survenus pendant
leur travail expérimental, avant de présenter leurs conclusions principales. Du
point de vue du lecteur, et en rédaction c’est le seul à prendre en compte, il n’y a
rien de plus frustrant que de se trouver face à une collection de trivialités alors
qu’on cherche des conclusions importantes. À moins de disposer d’un temps
illimité ou d’avoir un intérêt tout à fait spécial pour ce travail, les lecteurs vont
lire votre premier paragraphe et en déduire que vos détails peu convaincants
sont tout ce que vous avez à discuter. Ils passeront à un autre article bien avant
d’atteindre les points intéressants.

Même animé des meilleures intentions, il n’est pas toujours possible de respecter
ces deux principes de jouer sur le volume de texte et sur sa position dans la
discussion pour faire ressortir efficacement ce que vous souhaitez. Dans ce cas,
cela ne peut pas faire de mal de dire « Le point le plus important qui ressort de mes
résultats… ». N’abusez pas non plus de cette formule, car la plupart des lecteurs se
lasse rapidement si vous répétez trop souvent la haute opinion que vous avez de
vos résultats. C’est une technique à utiliser occasionnellement, lorsque vous pensez
que vous devez compenser le fait que la taille et la position de votre argument dans
la discussion ne reflètent pas l’importance que vous voulez lui donner.

Le paragraphe, véhicule de vos arguments


Nous avons déjà vu qu’en rédaction scientifique les paragraphes doivent se
terminer par une conclusion. Le paragraphe est donc le développement d’un
argument jusqu’à cette conclusion. Physiquement, il donne au lecteur une aide
visuelle, en divisant la masse de la discussion et il lui permet d’absorber vos
arguments un par un. Lorsqu’il atteint la division physique suivante dans votre
discussion, le lecteur devrait pouvoir marquer un arrêt et être satisfait d’avoir
assimilé les conclusions de la section qu’il vient de lire. Des paragraphes qui ne
sont pas correctement assemblés, ne satisferont pas les lecteurs. Ils seront déçus
par ce qu’ils essaient de lire et abandonneront leur lecture.

Un bon paragraphe comprend trois éléments : une phrase thématique, un


développement logique et la conclusion.

60 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


La phrase thématique. La lecture est beaucoup plus facile et efficace si nous
avons une idée de ce que nous sommes sur le point de lire. Par conséquent, nous
devons commencer le paragraphe par une phrase thématique qui annonce ou
résume ce dont le paragraphe va parler. Cette phrase peut en fait paraphraser
le message essentiel que vous voulez faire passer dans le paragraphe. Elle attire
immédiatement l’attention et met le lecteur sur la bonne longueur d’onde pour
capter l’enchaînement logique des idées qui suivent. En plus d’annoncer le
thème du paragraphe, la phrase thématique devrait idéalement servir aussi de
transition avec le paragraphe précédent si besoin est. Cela augmente la cohérence
de la discussion dans son ensemble. Considérons par exemple les deux phrases
suivantes :
« Non seulement les fruits récoltés en début d’été n’ont pas la couleur des fruits
récoltés plus tard, mais ils présentent en plus des concentrations plus faibles en
sucres solubles… »
« À l’inverse de l’augmentation du rythme cardiaque observée chez les athlètes
exposés à de fortes chaleurs, leur appétit n’est pas perturbé… ».
Ces deux phrases remplissent les deux fonctions de la phrase thématique. D’une
part, elles se réfèrent aux arguments du précédent paragraphe, qui traitait
respectivement de la couleur des fruits et du rythme cardiaque. D’autre part,
elles annoncent le sujet du nouveau paragraphe, qui traitera de la teneur en sucre
soluble ou de l’appétit.
Le développement logique. Le corps principal du paragraphe utilise des faits tirés
de vos résultats et les combine avec d’autres faits ou théories pour constituer votre
raisonnement. Votre but est de tirer une conclusion solide par déduction, induction
ou un mélange de ces deux processus de raisonnement. Par exemple, vous pouvez
penser que vos résultats vous permettent de proposer une généralisation qu’il était
impossible de faire auparavant. Ceci serait développé en rassemblant l’essence de
vos résultats et peut-être aussi d’autres résultats de la littérature, par un processus
d’induction. Vous pouvez aussi penser que vos résultats ouvrent des perspectives
d’application nouvelles et, pour le démontrer, votre argument s’appuiera sur des
déductions tirées de vos propres résultats et de ceux de la littérature.
La conclusion. C’est l’annonce du message que vous voulez que le lecteur retienne
concernant le point discuté dans le paragraphe.
Par exemple :
« Pour que les fruits soient assez sucrés pour être transformés, ils ne doivent pas
être récoltés avant la mi-juillet. »
« Il n’y a donc aucune raison de penser que les athlètes mangeront moins pendant
les fortes chaleurs d’été. »
Nous avons ici deux exemples de phrases de conclusion, la première spécifique et
la seconde générale. Les deux contiennent un message clair qu’elles délivrent sans
ambiguïté. Bien sûr, le lecteur demandera à être convaincu par le raisonnement
qui sous-tend ces conclusions. Il doit le trouver dans le corps du paragraphe si
l’argumentation a été bien développée.

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 61
En pratique, c’est une bonne idée de tester les séquences d’information dans
chaque argumentation en les notant sous forme abrégée permettant une meilleure
vue d’ensemble de toute la séquence d’argumentation. De cette manière vous
pouvez décider quelle est finalement la séquence qui est la plus logique et qui sera
donc la plus rapidement comprise par un lecteur. Bien sûr, les phrases clés sont
la première, qui annonce le sujet du paragraphe, et la dernière, qui délivre votre
message principal. Une fois que vous les aurez rédigées, ce qui peut nécessiter pas
mal de réflexion, vous serez surpris de la simplicité avec laquelle vous pourrez
écrire les phrases intermédiaires, parce que vous avez un point de départ et
un point d’arrivée pour votre rédaction. Vous pouvez alors juger facilement si
chaque phrase intermédiaire s’intègre bien dans la logique conduisant vers votre
conclusion ou vous en écarte. Cela vous permettra rapidement de rédiger la phrase
en question ou de la rejeter parce qu’inutile.

Sous-titres dans la discussion. Beaucoup d’auteurs se demandent si ce serait une


bonne idée de mettre des sous-titres dans la discussion pour aider le lecteur. En
fait, si les paragraphes commencent par des phrases thématiques informatives,
il n’y a pas besoin de sous-titres. La phrase thématique joue exactement le même
rôle que les sous-titres, tout en permettant en même temps d’assurer la transition
et une cohésion difficile à réaliser entre les paragraphes avec des sous-titres.
Exceptionnellement, dans le cas d’une discussion très longue due à une grande
quantité de résultats à discuter, des sous-titres thématiques peuvent aider le lecteur
à atteindre un point particulier de la discussion ou y revenir facilement. Par ailleurs,
une discussion très longue à cause d’une profusion d’idées et d’arguments pourrait
indiquer qu’il y a suffisamment de données pour rédiger deux articles au lieu
d’un seul.

Les erreurs de logique dans la discussion


Chaque argument est unique et dépend d’informations qui lui sont spécifiques.
Par conséquent, il ne peut pas y avoir de règle systématique, si ce n’est que vous
devez éviter certaines erreurs de logique assez communes, comme les trois que
nous allons voir ci-dessous.

Généralisation. Une caractéristique propre à toutes les données biologiques,


sociologiques ou médicales est leur variabilité. Par conséquent, méfiez-vous des
généralisations prématurées à partir de quelques résultats préliminaires ou de
résultats obtenus dans des conditions très particulières. Elles pourraient vous
pousser à formuler des opinions que vous pourriez regretter plus tard. Un usage
bien raisonné des analyses statistiques vous aidera à minimiser les risques de
faire des généralisations hasardeuses. Si vos premiers résultats vont dans le sens
que vous espériez, vous avez raison d’être enthousiaste, mais ne vous laissez
pas entraîner dans des conclusions téméraires qui remettraient en question
votre logique. Même lorsque les analyses statistiques montrent que vos résultats
ne sont vraisemblablement pas le fruit du hasard, vos généralisations doivent
rester prudentes pour ne pas dépasser les limites imposées par vos données et
les conditions dans lesquelles elles ont été obtenues.

62 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Autorité. Il n’y a pas d’autorité absolue en science. Même les lois de conservation
d’énergie de Newton, qui sont restées acceptées pendant des siècles, ont
été modifiées par Einstein, et certains travaux d’Einstein lui-même sont
occasionnellement remis en question. Cependant, les principes fondamentaux
de la plupart des argumentations scientifiques proviennent d’une ou quelques
sources qui font autorité. Il est impossible de revenir au principe de départ pour
chaque raisonnement que nous voulons développer. Au moment de rédiger notre
argumentation, nous devons donc reconnaître certains concepts ou opinions
comme faisant autorité. Par conséquent, assurez-vous que l’autorité à laquelle
vous vous référez ne fragilise pas votre argumentation. Si la référence vous servant
d’autorité est obsolète, ou controversée, ou tout simplement fausse, c’est tout votre
raisonnement qui s’écroule. En sciences modernes, les principes et les concepts
sont revus et modifiés constamment à la lumière de nouveaux résultats. Votre
article lui-même peut devenir une de ces nouvelles sources d’autorité , et vous êtes
donc obligé d’y approcher la vérité scientifique d’aussi près que possible. Vous
devez être certain que le principe sur lequel vous vous appuyez est actuellement
accepté et reconnu. Un article dans une revue avec comité de lecture par des
pairs s’approche de ce critère de vérité plus que la plupart des autres formes de
publications. Si vous avez des doutes à propos de l’autorité que vous citez sans
trouver une meilleure référence alternative, faites-le apparaître clairement dans
votre raisonnement.
Expression de votre degré de conviction. Vos conclusions doivent être exprimées
en fonction de la robustesse de vos données. Si vous n’avez pas de conclusion
indiscutable, ne tournez pas autour du pot avec des expressions comme « Il
pourrait être possible que… » ou pire « La possibilité existe que… », qui suggèrent
que vous ne croyez pas à vos propres résultats de toute façon. D’autre part, de
légères différences entre un groupe expérimental et le groupe témoin ne vous
permettent pas de dire « Cette différence indique clairement que… ». Dans tous
ces cas, le plus sûr est de limiter votre argument à la constatation des faits que
vous avez trouvés. C’est honnête, factuel et absolument scientifique. Rappelez-
vous que la meilleure manière de faire passer un message scientifique, y compris
lorsqu’il s’agit de votre degré de conviction, est de s’assurer que sa signification
est claire dès la première lecture. L’effet recherché est perdu si les phrases sont
trop arrondies, fleuries ou ambiguës.

Spéculations dans la discussion


La spéculation est l’un des aspects les plus controversés de la rédaction scientifique.
Le dictionnaire la définit comme « une conclusion, théorie ou opinion s’appuyant
sur une information ou une évidence incomplète » ou encore comme une « étude,
recherche abstraite ». Les éditeurs ne sont pas d’accord entre eux ou avec les auteurs
ou les rapporteurs sur le degré de spéculation acceptable dans un article. Pour
certains, toute spéculation devrait être totalement interdite. Le mot « spéculation »
griffonné en travers d’un paragraphe non seulement exprime son rejet, mais donne
l’impression que le travail est sans valeur et avec une note de charlatanisme. Je
ne suis pas d’accord avec cette opinion parce qu’une bonne spéculation est le

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 63
piment de la science. C’est le moyen par lequel des idées non testées peuvent
être largement diffusées. De plus, les spéculations stimulent souvent les
lecteurs à générer eux-mêmes des idées novatrices ou à fournir l’information qui
manquait à l’auteur pour convertir un raisonnement spéculatif en une conclusion
solide et acceptée.
Mais laissez-moi préciser ma pensée sur ce point. Lorsque nous avons discuté du
développement des hypothèses, nous avons vu que l’hypothèse est une idée en
accord avec l’information disponible et qu’il est plausible d’envisager, mais qui
n’a pas encore été testée. C’est en fait une sorte de spéculation. Le plus pointilleux
des éditeurs l’acceptera dans l’introduction parce que cette spéculation va être
testée et acceptée ou rejetée dans le cadre de l’article, immédiatement après avoir
été proposée. Dans la discussion, les spéculations ne sont pas testées et incitent
donc aux critiques. Je crois que si un argument de spéculation est développé à
partir des résultats de l’expérience de la même manière qu’une hypothèse le
serait dans l’introduction, et que cet argument remplit les mêmes critères qu’une
hypothèse, alors cette spéculation n’est pas seulement acceptable dans la discussion,
mais elle y est souhaitable. Les seules raisons valables pour rejeter un élément de
spéculation sont qu’il ne coïncide pas avec l’information connue, y compris celle
présentée dans l’article, ou que la supposition ne pourrait pas être testée avec les
moyens disponibles actuellement. Ces restrictions sont suffisantes pour éviter
une théorisation inutile mais, en les respectant, les auteurs ont l’opportunité de
proposer des idées novatrices. Et les idées novatrices sont ce qu’il y a de plus
précieux en recherche scientifique.

Longueur de la discussion
Les éditeurs de revues scientifiques conviennent que l’un des défauts les plus
fréquents des discussions est qu’elles sont trop longues. Cette longueur les rend
généralement difficiles à suivre. La présence de références inutiles et de phrases
creuses qui ne conduisent pas aux conclusions présentées, sont des défauts
communs. Si l’auteur garde clairement à l’esprit sa conclusion en écrivant le corps
de chaque paragraphe, il ne devrait pas y avoir de problème.
Une autre source de texte en excès dans la discussion est la répétition mot pour
mot de données présentées dans les résultats. La discussion est supposée être lue
en conjonction avec les résultats et les répétitions sont donc rarement nécessaires.
Vous pouvez toujours faire référence aux valeurs des tableaux et des figures
présentés dans les résultats, sans avoir pour autant à les répéter. De toute façon il
est toujours difficile de lire une rangée de chiffres dans un texte. La discussion se
construit à partir de l’information présentée dans les résultats, en l’interprétant,
en généralisant, en faisant des comparaisons et en tirant des conclusions. Lorsque
des valeurs exactes sont nécessaires, un ou deux chiffres clés devraient suffire
pour ne pas embrouiller le raisonnement. Si vous trouvez que vous avez du mal
à être clair sans répéter de grandes portions de vos résultats, c’est un signe fiable
que vos résultats ne sont pas présentés de manière adéquate. De fait, beaucoup
d’auteurs se rendent compte qu’ils doivent changer la présentation des résultats
lorsqu’ils travaillent sur les derniers détails de la discussion. Cet ajustement en

64 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


va-et-vient est un processus normal de la correction finale. Cela peut entraîner de
changer un tableau en graphique pour souligner une tendance que vous voulez
faire ressortir. Il peut s’agir de modifier l’ordre ou la formulation des en-têtes de
colonnes ou de lignes pour mettre en valeur un contraste ou une séquence entre
des chiffres. Vous pouvez aussi être amené à supprimer une quantité importante
de données inutiles d’un tableau, afin que les valeurs restantes soient utilisables
directement dans la discussion.

Références dans la discussion


Les références jouent un très grand rôle dans la rédaction scientifique et leur
utilisation devrait le refléter. Des formules comme « Il y a un accord général
pour… » ou « La littérature suggère que… » ne sont pas acceptables si elles ne
sont pas accompagnées de références. Chaque affirmation que vous avancez doit
être appuyée par vos propres résultats, les résultats des autres ou un principe
reconnu s’appuyant sur les résultats d’autres chercheurs.
Les références peuvent paraître relativement secondaires et sans importance au
regard du développement principal de votre texte, mais le texte risque d’être
discrédité si elles ne sont pas précises. En d’autres termes, les noms doivent être
épelés sans erreurs, l’information citée doit être juste et les citations dans le texte
doivent correspondre complètement avec celles contenues dans la section des
références bibliographiques. Les références doivent aussi se référer exactement au
point auquel elles sont supposées se rapporter. Il n’est pas suffisant de citer un
article qui se rapporte à peu près à ce que vous êtes en train de dire. Les lecteurs
qui souhaitent suivre votre raisonnement de façon précise doivent pouvoir trouver
exactement ce qu’ils cherchent dans l’article que vous leur indiquez. Si l’article
ne correspond pas à celui contenant réellement l’information originale, mais qu’il
a simplement utilisé cette information pour discuter autre chose, vous dupez le
lecteur. En retour, celui-ci risque de ne plus faire confiance à votre interprétation.
Pire encore, vous pourriez offenser le chercheur qui a découvert le résultat original.
Pour éviter ce genre d’erreurs, arrangez-vous pour obtenir des copies ou des tirés
à part de tout le matériel bibliographique que vous citez, afin de pouvoir le vérifier
au fur et à mesure que vous avancez. Les références sont alors instantanément
disponibles pour vérifier par exemple que, si vous dites que Jones a fait ou dit
quelque chose, Jones l’a bien effectivement fait ou dit. De plus, vous pouvez
vérifier qu’il l’a bien fait et avec quels co-auteurs dans l’article que vous citez, et
pas dans un autre article publié l’année d’avant ou celle d’après. Votre mémoire
peut vous jouer des tours et les bibliothèques, même si elles sont à proximité
de votre bureau, sont encore souvent trop loin pour que vous alliez y vérifier
l’information immédiatement.
Les références peuvent avoir plusieurs fonctions. Elles peuvent servir d’autorité
indiscutable sur laquelle appuyer vos arguments. Elles peuvent servir d’autorité
temporaire dont vous avez l’intention de discuter la validité, ou bien vous pouvez
considérer qu’elles ont tort. Il est possible de suggérer au lecteur lequel de ces
usages vous voulez faire d’une référence en fonction de la manière dont vous
formulez votre texte. Examinez ces différents exemples :

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 65
« Toutes les bactéries aérobies sont sensibles à l’umptomycine (Bidule 2007). »
Ici, le rôle de cette référence est de montrer que c’est un concept accepté. Bidule
a été le premier à le prouver et vous, auteur, vous êtes d’accord. L’emphase est
signalée par le fait que le nom de l’auteur et la date sont placés entre parenthèses
à la fin de l’affirmation et par le fait que vous vous exprimez au présent.
« Bidule (2007) a trouvé (ou montré) que toutes les bactéries aérobies étaient
sensibles à l’umptomycine. »
Cette expression suppose que c’est un concept moins bien connu ; Bidule l’a trouvé,
et vous êtes d’accord avec lui. En vous exprimant au passé, vous indiquez que
votre accord se limite aux résultats auxquels vous faites référence, sans suggérer
pour autant que c’est un principe général admis par tous.
« Bidule (2007) a proposé que toutes les bactéries aérobies seraient sensibles à
l’umptomycine. »
Dans ce dernier cas, vous suggérez que Bidule s’opposait à l’opinion généralement
admise en faisant cette affirmation et vous, pour l’instant, vous gardez l’esprit
ouvert sur le sujet. Remarquez comment l’utilisation du verbe « proposer »
et le temps du verbe « être » suggèrent le doute et ouvrent la possibilité d’un
changement d’opinion à la faveur de résultats plus récents. Des petits changements
comme ceux-ci permettent de mettre l’accent de façon subtile sur votre position
par rapport à celle des autorités que vous citez. Vous remarquerez également que
ces principes s’appliquent aussi bien en français qu’en anglais.

Vérifier la logique de la discussion


Un certain temps peut s’écouler avant que la rédaction de votre discussion
commence à prendre une forme qui vous plaise : peut-être des jours, des semaines
ou même un mois ou deux si vous n’y travaillez qu’à temps partiel. Entretemps,
vous avez continué à réfléchir à votre article et vous évaluez maintenant beaucoup
mieux ses points forts et ses points faibles que lorsque vous avez commencé.
Il n’est donc pas surprenant que vous ne vous souveniez plus exactement en
détail comment vous avez structuré vos résultats et surtout votre introduction.
Vous avez même peut-être changé d’approche et de priorités à mesure que votre
compréhension de vos résultats évoluait avec la réflexion accompagnant votre
rédaction. Mais, à mesure que vous approchez de la conclusion de la première
version de votre article, vous êtes en bien meilleure position pour l’apprécier dans
son ensemble et non plus section par section. Par conséquent, les ajustements qui
restent à faire deviennent bien plus évidents. Vous pouvez revenir à vos résultats
et les lire côte à côte avec votre discussion toute fraîche. En faisant cela, ne soyez
pas surpris de trouver que vous avez organisé et mis en valeur des éléments d’une
manière qui n’est pas aussi homogène que vous l’auriez souhaité. Maintenant
vous pouvez corriger cela pour rendre vos résultats cohérents avec votre discussion
et vous assurer qu’ils se renforcent mutuellement. Faites aussi la même chose
avec votre introduction pour vérifier que la logique que vous y développez et son
contenu coïncident avec la logique et les conclusions que vous présentez dans
votre discussion.

66 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Le résumé
Les quatre éléments du résumé
Le résumé, appelé summary, abstract ou précis dans les revues anglo-saxonnes,
est une sorte de mini-article qui distille tout votre article en une petite portion
de son volume original. La plupart des gens attirés par votre titre vont d’abord
lire le résumé pour confirmer l’intérêt que le titre a suscité. Certains lecteurs vont
vouloir en savoir plus sur ce qui est dit dans le résumé et vont lire le reste de votre
article en détail, mais beaucoup n’iront pas plus loin. Par conséquent, le résumé
doit non seulement être concis, mais il doit aussi être complet. Le défi pour les
auteurs est que les éditeurs de certaines revues imposent des limites strictes pour
la taille du résumé. Ils fixent soit un nombre maximum de mots, habituellement
compris entre 150 et 250 mots, soit une proportion de la taille
totale de l’article, par exemple autour de 5 %. Pour respecter
ces limites, vous devez prendre des décisions draconiennes
sur ce que vous devez inclure ou pas, de manière à obtenir un « …et
mini-article concis. Heureusement, si vous attendez d’avoir
contrairement
terminé votre premier brouillon pour rédiger votre résumé,
vous avez déjà pris ces décisions et préparé la plupart du texte à ce que beaucoup
dont vous avez besoin. Par conséquent et contrairement à ce
d’auteurs croient,
que beaucoup d’auteurs croient, le résumé est l’une des parties
de l’article les plus faciles à écrire. le résumé est
Il y a bien sûr quelques principes simples à prendre en compte l’une des parties
pour y arriver.
de l’article les plus
Premièrement, le résumé est souvent extrait du reste du texte et
peut en être totalement séparé dans les revues qui ne publient faciles à écrire. »
que des résumés ou dans les consultations de littérature en
ligne. De plus, beaucoup de lecteurs risquent de se limiter à la lecture du résumé
même lorsqu’il est accompagné du reste du texte. Il doit donc être totalement
autonome et pouvoir être lu de manière indépendante, ce qui exclut l’utilisation
de références parce qu’elles ne peuvent pas être consultées sans la bibliographie.
De la même manière, les acronymes ou les abréviations non explicités dans le
résumé n’auront probablement aucun sens sans le texte de l’article.
Deuxièmement, le résumé n’apparaît jamais sans le titre de l’article. Cela signifie
donc qu’un titre bien travaillé peut être utilisé comme partie du résumé et vous
permettre une précieuse économie de mots.
Troisièmement, pour être efficace, un bon résumé devrait fournir au lecteur quatre
éléments distincts. Vous devez supposer que de nombreux lecteurs ne poursuivront
pas leur lecture au-delà de votre résumé et vous ne vous « vendrez » pas bien si
vous ne leur fournissez pas chacun de ces quatre éléments :
• pourquoi vous avez fait votre expérience ;
• comment vous avez fait votre expérience ;
• votre résultat (ou vos résultats) majeur(s) ;
• votre ou vos conclusions principales à propos de ce(s) résultat(s).

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 67
L’élaboration du résumé
Qu’est-ce qui rentre dans chacun de ces quatre éléments ?
Pourquoi ? Si vous copiez l’hypothèse que vous avez testée et la placez comme
première phrase de votre résumé, vous donnez les raisons pour faire votre
expérience de la manière la plus efficace et la plus économe qui soit. Vous n’avez
pas la place pour répéter tout ou partie du raisonnement qui sous-tend l’hypothèse,
mais l’hypothèse elle-même est la conclusion de ce raisonnement et peut être
exprimée le plus souvent en une seule phrase.
Comment ? C’est une description générale du schéma expérimental que vous
avez utilisé pour tester l’hypothèse.
« Nous avons mesuré l’équilibre acido-basique et l’indice
peptidique chez des enfants d’écoles primaires dans la Province
de Rivière Anaconda trois années de suite. »
« Lorsque
« Nous avons analysé le taux de récupération après
le travail de fond hyperventilation chez des patients exposés à des températures
est fait, vous pouvez de 15, 20 ou 30 °C après un test de stress de Tournanron. »

dans la plupart Pour économiser de l’espace, présentez seulement les méthodes


et pas les matériels, sauf s’il y a une raison particulière qui le
des cas composer justifie, par exemple si un matériel ou un produit bien précis
un excellent fait partie de l’hypothèse. Souvent, les auteurs ont déjà rédigé
avec les mots adéquats le « Comment ? », en particulier s’ils ont
résumé en 10 énoncé l’objectif de leur expérience et comment ils comptent la
à 15 minutes. » réaliser, et ces mots peuvent être transposés directement dans
le résumé pour le compléter.
Le résultat principal. Vous avez déjà appliqué les tests nécessaires à vos données
lorsque vous les avez classées par catégories de priorité pour rédiger vos résultats.
Vous n’avez plus maintenant qu’à présenter les résultats de catégorie 1 pour les
incorporer au résumé.
La conclusion principale. De la même manière, vous avez déjà choisi et classé les
points à aborder dans votre discussion. Vous n’avez plus qu’à sélectionner la ou
les dernières phrases des paragraphes que vous avez classés en catégorie 1. Vous
pourrez peut-être les copier mot pour mot ou avoir à les modifier légèrement.
Voilà ! Vous avez le brouillon de votre résumé. Et neuf fois sur dix, il sera déjà
dans les limites de la taille demandée par les éditeurs, parce que vous vous serez
conformés soigneusement aux règles fondamentales.
Je répète plusieurs fois dans ce livre que l’élaboration d’une hypothèse bien
argumentée peut être un défi mais que la réalisation de cette tâche simplifie
considérablement la rédaction du reste de l’article. La rédaction du résumé est la
démonstration éclatante de ce principe. Lorsque le travail de fond est fait, vous
pouvez dans la plupart des cas composer un excellent résumé en 10 à 15 minutes.
Et, étant donné que 80 % des résumés publiés dans les revues omettent au moins
un des quatre éléments essentiels qui doivent le constituer, le vôtre sera parmi
les meilleurs.

68 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Les autres sections de l’article
Les auteurs
La science moderne est de plus en plus souvent le fruit de collaborations entre
chercheurs ou entre plusieurs équipes de recherche, plutôt que celui de chercheurs
isolés. Les articles qui résultent de ces collaborations sont donc généralement cosignés
par plusieurs auteurs. La décision de qui fait partie de la liste des auteurs et dans
quel ordre est malheureusement trop souvent un point très sensible au moment
d’écrire un article comprenant plusieurs auteurs. L’ambition, la jalousie et l’égoïsme
viennent bien sûr parfois compliquer la tâche mais, comme il n’y a pas de règle, une
bonne partie de l’incompréhension vient de sincères différences
d’opinion entre les auteurs, qui n’ont d’ailleurs souvent aucune
idée claire de comment prendre une décision. Une solution qui
est parfois proposée est que toutes les parties intéressées décident « En définitive,
des signataires et de l’ordre des auteurs avant de commencer le
travail, ou au moins avant le début de la rédaction. Toutefois, il n’y a pas
cela peut exacerber le problème au lieu de le résoudre. En effet, de meilleure
l’implication finale de chacun est parfois très différente de celle
qui était prévue, et la gratification accordée à un auteur qui n’a alternative que
pas fait grand-chose devient une source de fort mécontentement. la bonne volonté
En définitive, il n’y a pas de meilleure alternative que la bonne
volonté des participants pour résoudre le problème de la des participants
signature d’un article. Malheureusement, la bonne volonté n’est pour résoudre
pas une qualité commune à tous les chercheurs.
le problème
Mais il y a plusieurs principes qui, s’ils sont acceptés,
peuvent aider à prendre des décisions raisonnables sur qui de la signature
devrait être auteur d’un article et dans quel ordre les auteurs
d’un article. »
doivent apparaître.
Le premier principe, qui l’emporte sur tous les autres, est qu’un article scientifique
dans une revue reconnue est une production intellectuelle et que les processus
essentiels qui aboutissent à la publication sont d’ordre intellectuel. Cela signifie
que les personnes qui fournissent un apport intellectuel substantiel dans
l’ensemble du processus devraient a priori avoir le droit d’être auteurs. De plus,
si les contributions intellectuelles relatives des auteurs sont clairement évaluées,
elles peuvent servir comme base raisonnable et équitable pour décider de l’ordre
de signature, en assumant bien sûr que le premier auteur est l’auteur principal
et que les autres signent dans un ordre correspondant à l’importance de leur
contribution, à l’exception du dernier signataire qui a souvent un statut particulier,
comme nous l’évoquons un peu plus loin.
Quels sont les composants intellectuels ?
• l’idée ou les idées ayant conduit à ce que la recherche soit réalisée ;
• le raisonnement qui a converti ces idées en une hypothèse vérifiable ;
• l’interprétation des résultats par rapport aux résultats de la littérature et
par rapport au monde réel ;

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 69
• l’élaboration de l’article ;
• la correction des aspects de raisonnement et de logique de l’article (plutôt
que simplement des corrections de style) ;
• la réponse aux commentaires des rapporteurs et la préparation de la
version finale.
Ces six composants n’ont pas tous la même importance et varient d’une discipline
à une autre, ce qui fait que des groupes d’auteurs différents pourront leur donner
des poids relatifs différents.
Vous pourrez remarquer que cette liste omet plusieurs autres éléments comme :
• l’obtention des fonds nécessaires pour faire la recherche ;
• la gestion du Département au sein duquel la recherche a été effectuée ;
• la participation physique à la collecte des données et à l’obtention des
résultats ;
• l’utilisation de méthodes statistiques ou analytiques courantes pour
l’obtention des résultats, ou le prêt d’un appareil particulier ;
• la supervision technique d’un étudiant qui a fait le travail.
Les éléments de cette deuxième liste sont sans aucun doute vitaux pour la
réalisation fructueuse d’une expérience, mais en eux-mêmes ne font pas partie de
la contribution intellectuelle. D’un autre côté, ils peuvent comprendre des aspects
de la première liste. Par exemple, il est difficile d’imaginer que l’obtention de
contrats de recherche pour mener à bien un projet puisse aboutir sans de bonnes
idées ou une hypothèse originale. Cependant, si la personne qui a émis l’idée de
départ n’était pas celle qui a fait le travail de routine de remplir les formulaires
de demande de financement, il ne serait pas justifié que cette dernière prétende
avoir contribué intellectuellement au projet. De la même manière, les chercheurs
ont généralement une influence sur le mode de réflexion et de raisonnement
des étudiants qu’ils supervisent. C’est toujours le cas pour les bons chercheurs,
mais ils ne devraient pas automatiquement exiger de cosigner un article d’un de
leurs étudiants, à moins qu’ils n’aient spécifiquement influencé les résultats qui
seront publiés. Les chefs d’unités scientifiques et les administrateurs gagnent leur
reconnaissance autrement et ne devraient pas avoir systématiquement le droit de
coller leur nom sur des articles pour augmenter leur notoriété.
Une fois que tout le monde est d’accord sur les six composants de la première
liste, avec peut-être une certaine pondération en fonction du type de recherche
concernée, chaque auteur potentiel peut suggérer un pourcentage pour sa
contribution à chaque composant et un score général peut être calculé. En pratique,
le total sera bien supérieur à 100 %, mais si la logique décidée au départ est
respectée, les scores globaux pourront être utilisés pour décider finalement assez
objectivement des auteurs et de l’ordre de signature. De toute façon, ceci n’est que
l’option de rechange, rappelez-vous que rien ne peut remplacer avantageusement
la bonne volonté entre collaborateurs scientifiques.
L’utilisation de cet ordre objectif des signatures permet de proposer un premier
classement qui est particulièrement utile lorsque le nombre potentiel d’auteurs

70 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


est par exemple supérieur à trois. Par ailleurs, il y a deux positions qui revêtent
une importance particulière, celle de premier auteur et celle de dernier auteur,
car elles jouent un rôle important dans les processus d’évaluation individuelle
des chercheurs. Logiquement, la place de premier auteur revient à la personne
qui rédige l’article. En effet, c’est elle qui fournit la plus grande contribution
intellectuelle à la production de l’article et c’est aussi très souvent elle qui a le plus
contribué à la conception et à la réalisation de l’expérience. C’est le cas typique
d’un bon étudiant de doctorat, d’autant plus qu’on demande à un étudiant à
ce niveau d’études de démontrer sa capacité à devenir un chercheur productif.
En ce qui concerne la place de dernier auteur, elle correspond le plus souvent
au chercheur qui a supervisé intellectuellement le travail de recherche et qui se
porte garant de la qualité de celui-ci. Il s’agit donc le plus souvent du directeur
de l’équipe où le travail a été réalisé, ou du superviseur de l’étudiant s’il fait son
travail de supervision comme il le doit. En revanche, le fait d’être le supérieur
hiérarchique d’un groupe d’auteurs ne devrait pas être un argument pour signer
en dernier auteur.

Les remerciements

À la fin du corps du texte scientifique et juste avant la liste des références, la


plupart des revues offrent la possibilité aux auteurs de remercier des personnes ou
des institutions qui ont aidé à la conclusion fructueuse de la recherche présentée.
C’est habituellement là que sont remerciés ceux qui ont participé physiquement
plutôt qu’intellectuellement à la réalisation du travail. La reconnaissance de la
contribution intellectuelle substantielle d’une personne devrait se traduire de
façon plus appropriée par sa signature comme co-auteur. Les personnes qui ont
travaillé sur le projet dans le cadre de leur travail quotidien habituel et sans s’y
intéresser de manière particulière ne devraient pas s’attendre à être remerciés
dans cette section. D’un autre côté, si des techniciens s’impliquent beaucoup plus
que ne l’exige leur fonction, cela mérite d’être reconnu. S’ils se sont impliqués
de manière particulière physiquement, par exemple en travaillant de longues
journées ou le week-end, c’est la moindre des courtoisies et c’est justice de les citer
dans les remerciements. S’ils ont contribué à expliquer des résultats ou participé
à l’élaboration d’une nouvelle méthode d’analyse, leur signature en tant que co-
auteurs devrait être envisagée.

Les organismes de financement aiment voir leurs noms associés à une recherche
fructueuse et, dans votre propre intérêt de survie à long terme, c’est probablement
une bonne chose de leur faire plaisir en les citant dans les remerciements. Néanmoins,
il ne s’agit pas de citer un peu n’importe qui dans cette section. Si vous avez
l’intention de citer quelqu’un, informez-le avant et obtenez son accord. Si vous
ne le faites pas et qu’il préfère ne pas être associé à votre article, cela pourrait
devenir très embarrassant. Dans tous les cas et contrairement à ce que peuvent
penser certains, citer une célébrité de votre discipline dans les remerciements a peu
de chance d’influencer les commentaires d’un rapporteur ou d’un éditeur. C’est
à l’article lui-même de le faire.

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 71
La bibliographie
Les références bibliographiques sont le support essentiel de la logique du
raisonnement scientifique et de sa rédaction. Des articles solides évalués par des
pairs sont le point de départ le plus sûr pour développer des arguments conduisant
à des hypothèses et à des conclusions. La raison en est que ces articles ont subi un
processus d’examen et d’approbation par des scientifiques de métier spécialistes
de cette discipline. Cela veut dire que vous n’êtes pas obligé de justifier la validité
d’une référence comme vous devez le faire pour vos propres nouvelles données.
La citation de toutes les références à l’endroit qui leur correspond dans votre
article fait partie de ce processus d’argumentation, ainsi que leur report sans
erreur dans la section de bibliographie. Cependant, il y a des cas et certains secteurs
de recherche où des données évaluées par des pairs ne sont tout simplement pas
disponibles. Des sources moins convaincantes et scientifiquement moins solides
sont alors la seule information disponible. Il peut s’agir d’articles de journaux,
d’informations anecdotiques ou de pratiques coutumières. Si vous devez utiliser
de telles sources, ayez la prudence de reconnaître leur moindre rigueur et de
modifier en conséquence la force des conclusions que vous en tirez. Citez si
besoin est des portions de texte, mais il est alors particulièrement important que
la source soit correctement mentionnée dans la bibliographie. En effet une erreur,
même mineure pourrait rendre impossible l’accès à une source peu classique ; par
exemple, une simple faute de frappe empêchera l’accès à une source sur internet.
Les références jouent un rôle central dans le raisonnement et la rédaction
scientifiques. Il serait donc raisonnable de penser qu’il existe une forme logique
et standardisée pour les présenter. Ce n’est malheureusement pas le cas. Il y a
des centaines de combinaisons possibles et chaque revue a son propre format,
totalement rigide et qui peut être plus ou moins différent de celui d’une autre
revue du même domaine scientifique.
En termes généraux, il y a deux méthodes principales pour référencer des articles
dans les revues et les livres scientifiques : le système Harvard (auteur, date) et le
système Vancouver (auteur, chiffre). Dans le système Harvard, le nom de l’auteur et
l’année de publication sont cités dans le corps de l’article, par exemple (Schmurch,
2007) et les références sont listées à la fin de l’article par ordre alphabétique
par nom d’auteurs. Dans le système Vancouver, les citations dans le texte sont
indiquées par des chiffres entre parenthèses. Par exemple, « la lune est bleue à
l’équinoxe (1), mais Bloggs (2) a trouvé des traces de rouge ». Dans la bibliographie,
ces références sont listées en ordre numérique comme elles apparaissent dans
le texte. Bien entendu chaque système a ses défenseurs. L’avantage du système
Harvard est qu’un lecteur qui veut connaître l’auteur d’un travail cité n’a pas
besoin de le déchiffrer en se reportant à la bibliographie. Au contraire, les défenseurs
du système Vancouver considèrent que le texte principal se lit plus facilement et
certains éditeurs le trouvent plus discret. Le système Harvard est plus courant que
le système Vancouver, mais ce dernier reste fermement installé dans beaucoup de
revues en sciences médicales. Et pour compliquer le tout, de nombreuses revues
ont leur propre « style maison » qui impose des modifications spécifiques à ces
deux standards. Par conséquent, les auteurs ne peuvent pas se permettre d’ignorer

72 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


les instructions aux auteurs que chaque revue publie régulièrement et ils doivent
les suivre scrupuleusement quand ils rédigent leur bibliographie.
Ce livre, dont l’objet est de se concentrer sur le raisonnement et la présentation
logiques dans la rédaction scientifique, ne prétend pas apporter de solution à
un tel chaos. Mais, heureusement, les ordinateurs sont venus à notre secours. Ils
peuvent reproduire les conditions requises par pratiquement toutes les revues
et modifier une base de données standard de références bibliographiques pour
s’accorder totalement avec les exigences spécifiques d’une revue.
Des logiciels, tels que Endnote, Reference Manager et ProCite, offrent aux
auteurs la possibilité de se concentrer sur la structure et la logique et de laisser à
l’ordinateur la responsabilité ennuyeuse mais combien nécessaire d’organiser les
références. Le plus simple est probablement de faire appel à ces logiciels à la fin
de votre rédaction, après que vous ayez identifié toutes les références que vous
allez utiliser et l’endroit où elles seront citées dans le texte.

Corriger la lisibilité et le style


À cette étape de votre rédaction, votre article devrait avoir acquis sa structure de
base. Il sera cohérent du point de vue scientifique mais présentera probablement
des imperfections qui auront besoin d’être corrigées pour améliorer son style.
Autrement dit, vous avez organisé le message scientifique
que vous voulez diffuser, et vous pouvez maintenant vous
concentrer sur sa révision pour vous assurer qu’il est fluide et
facile à lire pour vos collègues scientifiques. Cette révision ou « Le premier
correction consiste à vérifier que la manière dont vous avez objectif est bien sûr
exprimé vos idées ne freine pas leur compréhension par le
lecteur. Si vous destinez votre article à une revue anglophone et de vous assurer
si vous avez commencé à rédiger dans votre langue maternelle que ce que vous
qui n’est pas l’anglais, ce n’est pas encore le moment de faire
appel à un anglo-saxon pour corriger ou traduire le texte. Vous croyez avoir
pouvez et devez faire encore un certain nombre de choses avant formulé correspond
de céder le contrôle de votre texte à quelqu’un d’autre.
bien à ce que
Le premier objectif est bien sûr de vous assurer que ce que
vous croyez avoir exprimé correspond bien à ce que le lecteur le lecteur croit
croit avoir compris. C’est pourquoi la précision, la clarté et la avoir compris. »
concision sont des qualités essentielles de tout écrit scientifique
et ces trois éléments devraient déjà être présents dans la première version de votre
article. Toutefois, cela peut ne pas être suffisant lorsque vous écrivez pour des gens
très occupés qui ont peu de temps pour capter votre message aussi complètement
que vous le souhaiteriez. Ils n’ont certainement rien à faire d’un style érudit, de
mots peu courants dont ils doivent vérifier le sens dans un dictionnaire ou encore
de passages de texte si mal construits qu’il faut les relire pour être sûr de les avoir
compris. Les lecteurs de la littérature scientifique s’attendent à comprendre et,
espérons-le, à être influencés dès la première lecture plutôt que d’avoir à se livrer à
un exercice de décodage. La probabilité que des lecteurs interprètent mal un texte

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 73
est d’autant plus grande qu’ils ont besoin de plus de temps pour le lire, justement
parce qu’ils risquent de ne pas prendre le temps nécessaire.
Il y a deux façons principales relativement simples pour vous assurer
intentionnellement que votre rédaction est fluide et lisible. La première est
d’éliminer de votre texte toutes les expressions et structures qui freinent la lecture,
sortes d’écueils sur lesquels les lecteurs risquent de buter et qui les obligent à
abandonner le fil de vos idées pour saisir la manière dont vos mots sont organisés.
La deuxième façon est de faire coïncider votre manière d’écrire avec la manière
de lire des lecteurs. Ceci exige que vous compreniez suffisamment bien la
manière dont les lecteurs lisent. Vous pourrez alors faire en sorte de structurer
votre texte de la même manière qu’ils le lisent, ce qui leur permettra de saisir
l’information facilement car ils n’auront pas à faire d’effort de lecture. Ces deux
techniques ne sont pas difficiles à mettre en œuvre et elles devraient être utilisées
systématiquement dans votre rédaction. En effet, les auteurs qui écrivent bien
utilisent probablement régulièrement ces techniques ou d’autres similaires sans
en être conscients. Mais maintenant que nous connaissons ces techniques, ceux
d’entre nous qui n’ont pas cette facilité intuitive de rédaction pourront améliorer
la lisibilité et la fluidité de leurs écrits de manière spectaculaire.

Éliminer les écueils freinant la lecture


Si nous sommes d’accord pour conserver le dicton « nous écrivons pour informer,
pas pour impressionner », nous allons automatiquement éviter certains des freins de
la lecture qu’on rencontre souvent dans les textes scientifiques. Il suffit simplement
d’éviter dans notre rédaction les mots et les expressions que nous n’emploierions pas
si nous étions en train d’expliquer la même chose oralement à un collègue. Malgré
cela, il reste souvent des manières maladroites de s’exprimer qui peuvent sembler
familières ou acceptables lorsqu’on les écrit et même paraître très scientifiques.
Néanmoins, des chercheurs d’autres institutions ou d’autres pays peuvent les trouver
étranges, perturbantes ou ambiguës et ce sont d’excellentes raisons pour les identifier
et les remplacer par des alternatives plus simples et plus faciles à comprendre.
Les livres traitant de syntaxe et de l’emploi des mots sont remplis de tels exemples.
Lorsque vous lisez les centaines d’expressions et de pièges grammaticaux à éviter
pour écrire clairement, vous avez de bonnes raisons de vous sentir intimidé.
Mais je vais souligner quels sont à mon sens les huit écueils les plus communs en
rédaction scientifique, avec des suggestions d’options plus acceptables. Si vous
vous familiarisez avec ces quelques écueils et que vous les évitez chaque fois que
vous êtes tenté de les utiliser, vous pourrez être sûr que vos textes seront plus
clairs et plus faciles à lire. Comme il s’agit le plus souvent de rédiger votre article
en anglais, certains des points abordés sont spécifiques de cette langue et leurs
exemples seront présentés en anglais. Mais vous vous rendrez compte facilement
que la plupart des points évoqués s’appliquent très bien aussi à la rédaction d’un
texte scientifique en français ou en d’autres langues.
Il existe de multiples aspects de style que nous pourrions examiner, en plus
des huit écueils importants que nous allons voir. Cependant, ces autres aspects,

74 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


même s’ils existent techniquement, ne constituent pas de réels freins à la lecture.
Par exemple en français, la plupart des lecteurs n’auraient aucune difficulté à
comprendre « la fertilisation des ovules de mammifères peut être obtenue in
vitro » bien que cela ne soit pas correct et qu’il faille en fait écrire « la fécondation
des ovules de mammifères peut être obtenue in vitro ». De la même manière, si
vous écriviez en anglais « less people responded to the treatment » au lieu de « fewer
people responded to the treatment », vous auriez tort techniquement mais cela ne
causerait probablement aucune confusion dans l’esprit du lecteur. Autrement
dit, dans ces deux exemples, l’erreur n’aurait pas de conséquence catastrophique
sur la compréhension du texte et pourrait être réparée lors de la correction finale
du texte dans la langue dans laquelle il sera publié, qu’il s’agisse du français ou
de l’anglais.

Les huit écueils de la lecture


• Phrase commençant par la proposition subordonnée
• Nom au lieu du verbe dont il est dérivé
• Utilisation de mots imprécis
• Utilisation d’abréviations, de sigles, d’acronymes ou de symboles
• Citation des références, emploi des notes de bas de page et des parenthèses
• Phrase trop longue
• Phrase rendue compliquée par la présence de nombreux adjectifs
• Groupement de noms

Phrase commençant par la proposition subordonnée


Exemples
« Bien que les résultats ne concernent jusqu’ici qu’un seul groupe ethnique et
des tailles d’échantillons assez faibles, la laryngite semble être la conséquence
de trop parler. »
« En dépit du fait que le printemps de 2007 ait été plus chaud que la moyenne
et ait probablement accéléré la germination des graines après le semis, le taux
d’émergence des graines a été fortement lié à la taille des graines. »
Dans ces deux exemples, il y a deux propositions subordonnées avant la
proposition principale.
Les chercheurs sont par nature des gens prudents. Ils hésitent à faire des annonces
audacieuses ou incomplètement démontrées parce qu’ils savent que leurs pairs
vont les passer au crible de leur critique et souligner leur manque de précision
ou leurs généralisations abusives. Par conséquent, ils se sentent plus à l’aise
en présentant leurs conclusions seulement après avoir émis toutes les réserves
possibles quant à leur validité, jamais avant. Cela est bien sûr respectable mais
les lecteurs, à l’inverse des auteurs, ont à résoudre le simple problème qu’ils ne
savent pas à quoi se réfère le texte subordonné qualificatif tant qu’ils n’ont pas lu la
proposition principale qui, elle, vient en dernier. Plus la proposition subordonnée
est longue et pire est le problème. En effet, les lecteurs réagissent mentalement

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 75
à cette situation en ignorant la proposition qualificative ou subordonnée pour
chercher d’abord la proposition principale. Lorsqu’ils ont trouvé cette dernière
et en possession de l’information qu’elle contient, ils relisent la phrase pour en
comprendre tout le sens. Bien sûr, ils arrivent finalement à comprendre la phrase,
mais ils doivent la lire deux fois pour le faire. Leur mémoire à court terme ne
leur permet pas de le faire en un seul passage. La partie la plus importante de
n’importe quelle phrase pour guider le lecteur est le début de la phrase et il ne
faut pas perdre cette opportunité.

Comment régler le problème ?


Il suffit simplement de mettre la proposition principale en début de phrase et les
propositions subordonnées restrictives ou qualificatives en second. Vous pouvez
aussi mettre la proposition subordonnée dans une autre phrase si c’est plus commode.
En principe la proposition subordonnée constituera la deuxième phrase. Toutefois,
ce peut être aussi la première, par exemple si vous considérez que la proposition
restrictive ou conditionnelle revêt une grande importance. Mais demandez-vous
aussi si votre proposition principale reste valable malgré les conditions restrictives
que vous voulez mentionner. Si c’est le cas, cela veut peut-être dire que vos conditions
restrictives ne valent finalement pas la peine d’être mentionnées.
Si nous appliquons le principe d’inversion proposé ci-dessus au premier exemple
« Bien que les résultats ne concernent jusqu’ici qu’un seul groupe ethnique et des
tailles d’échantillons assez faibles, la laryngite semble être la conséquence de trop
parler », il devient « La laryngite semble être la conséquence de trop parler, bien
que les résultats ne concernent jusqu’ici qu’un seul groupe ethnique et des tailles
d’échantillons assez faibles ».
Remarquez que si vous devez rédiger en anglais, le principe s’applique exactement
de la même manière. Si nous traduisons le premier exemple, nous obtenons :
« Although the results so far are for only a single ethnic group and the numbers are
relatively small, laryngitis appears to be a consequence of too much talking », qui devient
« Laryngitis appears to be a consequence of too much talking, although the results so far
are for only a single ethnic group and the numbers are relatively small » en inversant
les propositions subordonnée et principale.
Vous pouvez le vérifier également avec le deuxième exemple. Le texte de départ
« En dépit du fait que le printemps de 2007 ait été plus chaud que la moyenne
et ait probablement accéléré la germination des graines après le semis, le taux
d’émergence des graines a été fortement lié à la taille des graines. » devient « Le
taux d’émergence des graines a été fortement lié à la taille des grains, en dépit du
fait que le printemps de 2007 ait été plus chaud que la moyenne et ait probablement
accéléré la germination des graines après le semis. ». En anglais, le texte initial :
« Notwithstanding the fact that the spring in 2007 was warmer than average which
probably hastened the germination of seed after sowing, the physical size of the seed was
strongly related to the rate of emergence of individual plants from the seed-bed » devient
alors « The physical size of the seed was strongly related to the rate of emergence of
individual plants from the seed-bed, notwithstanding the fact that the spring in 2007 was
warmer than average which probably hastened the germination of seed after sowing ».

76 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Occasionnellement, une condition ou une restriction peut être l’élément clé d’une
phrase. Dans ce cas, il est justifié de placer la proposition conditionnelle en premier.
Par exemple, à la suite d’un commentaire concernant des engrais, un auteur peut
dire : « Si les précipitations sont insuffisantes, il n’est pas rentable d’épandre
plus d’engrais ». De plus, si le sujet de la proposition subordonnée a été évoqué
à la fin de la phrase précédente, cette proposition subordonnée ne sera pas un
mystère pour le lecteur et sera tout à fait acceptable (comme l’illustre de fait la
transition entre cette phrase et la suivante si vous faites abstraction du texte entre
parenthèses). Néanmoins, quand vous placez une proposition subordonnée en
premier, assurez-vous que vous le faites pour une bonne raison et qu’elle ne freine
pas la lecture. Enfin, le dernier point à considérer si vous placez la proposition
subordonnée en début de phrase est que plus elle sera courte, moins elle freinera
la lecture.

Nom au lieu d’un verbe dont il est dérivé


Dans toute phrase, l’action est indiquée par le verbe et chaque phrase doit en
posséder un. Il est logique par conséquent, lorsque vous voulez écrire de manière
efficace et claire, de vous concentrer sur le verbe et de vous en servir au mieux
de vos intérêts. Malgré cela, beaucoup de scientifiques préfèrent utiliser un nom
pour faire passer leur message plutôt qu’un verbe, quand ils ont le choix.

Exemples
« Les poids [nom] des enfants ont été relevés. »
« Weights [nom] of children were taken. »
« Des réductions [nom] de température des cobayes ont été observées 10 minutes
après qu’ils aient été soumis à une immersion [nom] dans l’eau glacée. »
« Reductions [nom] in temperature of the guinea pigs were seen 10 minutes after they
were subjected to immersion [nom] in iced water. »

Comment régler le problème ?


Ces phrases ne sont peut-être pas des écueils très sérieux, mais elles sont un peu
compliquées et peuvent systématiquement être améliorées. Examinez chaque
nom dans la phrase et voyez s’il y a un verbe qui y correspond.
« Les poids [nom] des enfants ont été relevés » devient « Les enfants ont été
pesés [verbe] ». Vous pourrez remarquer ici que le système fonctionne aussi bien
en français qu’en anglais, comme pour la règle précédente : « Weights [nom] of
children were taken » devient « Children were weighed [verbe] ».
Nous pouvons appliquer la même règle au deuxième exemple. « Des réductions
[nom] de température des cobayes ont été observées 10 minutes après qu’ils
aient été soumis à une immersion [nom] dans l’eau glacée » devient alors « La
température des cobayes a diminué 10 minutes après qu’ils aient été immergés
dans l’eau glacée ». Dans cet exemple aussi, le système fonctionne aussi bien en
anglais qu’en français : « Reductions [nom] in temperature of the guinea pigs were
seen 10 minutes after they were subjected to immersion [nom] in iced water » devient

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 77
« The temperature of the guinea pigs was reduced 10 minutes after they were immersed
in iced water ».
Vous remarquerez qu’en transformant un nom en verbe ayant la même racine ou
une racine synonyme, nous avons fait deux choses intéressantes. Premièrement,
nous avons automatiquement éliminé le verbe d’origine, ce qui indique qu’il
n’avait pas grande valeur de toute façon. En fait il était là juste pour que le texte
soit bien une phrase. Nous aurions pu utiliser « notés, enregistrés, observés (noted,
recorded, observed) » ou d’autres encore sans changer fondamentalement le sens de
la phrase. En revanche, dans la nouvelle phrase il n’y a pas, ou très peu, d’autres
verbes qui peuvent remplacer de manière satisfaisante les nouvelles formes
verbales « pesés, diminué, immergés (weighed, reduced, immersed) ». Deuxièmement,
nous avons raccourci les phrases.
Et grâce à ces deux améliorations, l’impact de la phrase est automatiquement
renforcé. L’élément remarquable de cette technique est qu’elle marche dans 100 %
des cas. Remplacer des noms par des verbes est l’un des outils les plus simples,
mais aussi les plus puissants dont vous disposez pour améliorer la précision, la
clarté et la concision de votre rédaction. Les exemples ci-dessus étaient courts
et simples, mais jetez un œil à la phrase suivante, beaucoup plus longue et
compliquée, dans laquelle trois noms en gras pourraient être changés en verbes.
« Des accroissements de la température se sont traduits par une détérioration du
statut sanitaire de la population, particulièrement dans les régions où le traitement
des lagunes de collecte n’a pas été fait avant le début du printemps ».
Lorsqu’on effectue ces trois changements la phrase devient :
« Lorsque les températures ambiantes ont augmenté, le statut sanitaire de la
population s’est dégradé, particulièrement lorsque les lagunes de collecte n’ont
pas été traitées avant le début du printemps. »
Ce simple traitement quasi mécanique a réduit une phrase de 37 à 29 mots, sans
perdre aucune information, ni même sa manière d’être présentée. Elle pourrait
probablement être encore améliorée sur d’autres points, mais changer des noms
par des verbes a représenté un premier pas de géant.
Là encore le système fonctionne aussi parfaitement en anglais, où le changement
de quatre noms par les verbes correspondants permet de passer d’une phrase de
33 mots à une phrase de 24 mots. En effet « Increases in ambient temperature resulted
in a deterioration of the community’s health status, particularly in regions where the
treatment of the effluent ponds had not been carried out until the commencement of
spring » devient « When ambient temperature increased, the community’s health status
deteriorated, particularly in regions where the effluent ponds had not been treated until
spring had commenced ».

Utilisation de mot imprécis


La précision est cruciale en rédaction scientifique, de sorte que les mots imprécis
n’y ont pas leur place. En effet, le problème de tels mots est qu’ils peuvent être
interprétés de manières très diverses par des lecteurs différents.

78 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Exemples
Considérable (considerable)
assez (quite)
la grande majorité (the vast majority)
beaucoup (a great deal)
plutôt (rather)
quelque peu (somewhat)
etc. (etc.)
ainsi de suite (and so forth)
« Considérable » peut vouloir dire n’importe quoi de quelques pour cent à quatre-
vingt-dix-neuf pour cent. Par exemple, si 100 personnes avaient subi un nouveau
type d’intervention chirurgicale et que 10 d’entre eux meurent, cela représenterait
certainement un nombre considérable. En revanche, si un champ envahi par des
mauvaises herbes était traité avec un nouvel herbicide et que 10 % des mauvaises
herbes meurent, cela ne mériterait certainement pas le qualificatif de considérable.
Des expressions comme « et ainsi de suite, etc., … » (and so forth, etc., …) sont
souvent utilisées quand l’auteur ne sait plus quoi ajouter pour terminer une liste
de mots ou de possibilités. C’est l’antithèse même de la précision scientifique.
Par exemple, dans la phrase « Les données ont été traitées statistiquement pour
prendre en compte les changements de température, d’humidité, de durée du
jour, etc. », pouvez-vous deviner ce que « etc. » veut dire?

Comment régler le problème ?


Il est toujours plus précis et plus utile de donner le chiffre exact ou sa version
arrondie. Ainsi, au lieu de dire « Un grand nombre de plantes ont répondu
au traitement », nous devrions dire « Soixante-quatorze pour cent des plantes
ont répondu au traitement », ou même « Environ trois quarts des plantes ont
répondu au traitement ». Souvenez-vous bien sûr que la valeur arrondie n’est
acceptable que si la valeur exacte est donnée ailleurs, dans un tableau ou une figure
par exemple.
Évitez bien sûr des mots comme « et ainsi de suite », « etc. ». Si vous y tenez
absolument, alors vous ne devriez utiliser « etc. » que lorsque son identité est
absolument évidente. Par exemple « Les 20 fractions ont été étiquetées 1, 2, 3, 4,
etc. » ne présente aucune ambiguïté.

Utilisation d’abréviations, de sigles, d’acronymes et de symboles


L’utilisation d’abréviations, en particulier sous forme de sigles (groupements
d’initiales accolées ensemble) ou d’acronymes (groupements d’initiales qui
peuvent se prononcer comme un mot), est devenue une infection de plus en plus
courante et contagieuse dans la rédaction scientifique d’aujourd’hui. Beaucoup
d’auteurs semblent prendre un grand plaisir à en inventer de nouvelles et à les
utiliser le plus possible. Il en résulte de plus en plus souvent des articles qui

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 79
contiennent jusqu’à vingt ou trente abréviations différentes. Certaines revues ont
récemment introduit une nouvelle section en début d’article où les abréviations
doivent être présentées et définies en ordre alphabétique. C’est traiter le problème
sans en attaquer la cause et encore moins les conséquences. Qu’ils soient dans
une liste ou pas, il n’y a guère de pire écueil à la lisibilité d’un texte qu’une
accumulation d’abréviations, de sigles ou d’acronymes, surtout s’ils n’évoquent
pas les mots qu’ils sont sensés représenter. Même les abréviations relativement
familières requièrent un moment d’attention qui distrait le lecteur avant qu’il
reprenne sereinement le fil de sa lecture. Et les abréviations peu courantes ont
toutes les chances de bloquer complètement le flux de l’information pour le lecteur,
qui est obligé de passer du temps à retrouver leur signification, qu’elles aient été
expliquées précédemment dans l’article ou présentées dans une liste.

Exemples
Des abréviations couramment acceptées et bien connues, qui ne le sont peut-être
finalement pas autant que vous l’imaginez, posent déjà quelques problèmes à la
plupart des lecteurs. Par exemple, « AA » veut dire « acide aminé » (amino acid) pour
des biochimistes et « absorption atomique » (atomic absorption) pour des physiciens.
Mais cela veut dire aussi « Association automobile » (Automobile Association) pour
les conducteurs de voitures et « Alcooliques anonymes » (Alcoholics Anonymous)
pour d’autres. Par ailleurs, de nouvelles abréviations que vous inventez et que
vous présentez au monde pour la première fois peuvent peut-être vous laisser
penser que vous êtes une sorte de pionnier. Mais soyez certain qu’elles cassent
la lisibilité de votre article à coup sûr et, pour cette raison, elles devraient être
évitées, sauf en cas de nécessité absolue.

Comment régler le problème ?


Pour commencer, utilisez aussi peu d’abréviations que possible et soyez conscient
de leur effet catastrophique sur la lisibilité. Si vous êtes un généticien en biologie
végétale, vous comprendrez peut être :
« Le positionnement des clones BAC et un CM localisé par FISH et PRINS, ont été
combinés avec un CACM pour construire un idiogramme de NLL ».
Cependant, un lecteur non spécialiste aura besoin au moins de plusieurs minutes
pour commencer à comprendre de quoi il s’agit. Il ne dispose généralement pas
de ce temps libre et se dira probablement qu’il n’appartient pas à ce club qui
utilise un tel code secret et il arrêtera là sa lecture. Vous pourrez remarquer aussi
que traduit en anglais le résultat ne serait pas plus heureux : « Location of BAC
clones, together with CM localised by FISH and PRINS were combined with CACM to
construct an idiogram of NLL ».
Ensuite, et malgré toutes les restrictions évoquées plus haut, les abréviations
peuvent parfois être utiles. Si une expression qui peut être abrégée doit être utilisée
souvent dans un article, il faut certainement l’abréger. Vous devez le faire dans
le texte la première fois que vous l’utilisez. De plus, il faut l’écrire également en
toutes lettres dans le titre, dans le résumé et dans les titres de tableaux et de figures,

80 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


c’est-à-dire partout où cette abréviation pourrait être lue séparément du texte où
elle est définie. Cela offre aussi au lecteur plus d’opportunités pour l’assimiler. Par
contre, si une expression n’est pas utilisée plus de trois ou quatre fois, l’économie
d’espace en introduisant une abréviation ne compensera certainement pas le temps
et la concentration perdus par les lecteurs à retrouver son sens.
Enfin, il existe un certain nombre d’abréviations quasi obligatoires, telles que les
unités de mesure, certains termes statistiques ou encore les symboles chimiques
ou mathématiques. Les règles d’utilisation de ces abréviations sont généralement
précisées dans les recommandations aux auteurs de chaque revue. Pour les unités
de mesure, les revues demandent le plus souvent de suivre les recommandations
du Système International d’Unités, consultable par exemple en français sur
http://www.bipm.org/utils/common/pdf/si_brochure_8_fr.pdf ou en anglais
sur http://physics.nist.gov/cuu/Units/units.html. Outre ces abréviations
définies sur le plan international, il existe des termes dont la définition en clair
n’est plus demandée, mais leur liste varie en fonction des revues et des disciplines.
Là aussi, il faut vous en assurer en consultant les recommandations aux auteurs
de la revue à laquelle vous voulez soumettre votre article. Mais souvenez-vous
qu’il existe toujours la possibilité que des lecteurs d’une autre spécialité que la
vôtre lisent votre article et par conséquent définir chaque abréviation lors de sa
première utilisation reste une bonne habitude à respecter de toute façon.

Citation des références, emploi des notes de bas de page,


et des parenthèses
Les références sont particulièrement essentielles pour justifier une bonne partie
de la logique développée en rédaction scientifique. Mais elles ont un coût pour la
lisibilité si elles ne sont pas gérées avec précaution. Ne les laissez pas fragmenter
des phrases à moins d’avoir une bonne raison. Considérez cette phrase :
« Lorsque la teneur en manganèse est trop faible, le nombre de stomates par feuille
peut augmenter chez les géraniums (Brun, 1937), diminuer chez les pétunias
(Lenoir, 1978) ou rester constant chez les pois de senteur (Blanc, 1990). »
Cette construction assure que chaque fait est bien relié à l’auteur qui lui correspond,
mais la phrase est difficile à lire parce que les auteurs cités interfèrent trop. Une
formule plus appropriée parce que plus fluide, pourrait être :
« Lorsque la teneur en manganèse est trop faible, le nombre de stomates par feuille
peut augmenter chez les géraniums, diminuer chez les pétunias ou rester constant
chez les pois de senteur (Brun, 1937 ; Lenoir, 1978 ; Blanc, 1990). »
Cela rassemble les références nécessaires à la fin de la phrase, où le lecteur peut
choisir de les étudier en détail dans la bibliographie, ou de rester sur le message
principal pour lesquelles elles ont été citées et continuer sa lecture.
Tout contenu entre parenthèses est une distraction potentielle. Le message pour
le lecteur est « Ceci est moins important que le texte principal, mais je souhaite
attirer votre attention là-dessus parce que vous pourriez le trouvez intéressant ».
Chaque fois que vous êtes tenté de présenter une information entre parenthèses,

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 81
demandez-vous si vous avez vraiment besoin de cette information dans votre
texte. Si ce n’est pas le cas, laissez tomber l’idée et laissez le lecteur poursuivre
sa lecture. Si vous en avez besoin, alors vous avez toutes les bonnes raisons pour
l’incorporer dans votre texte principal et éliminer l’écueil que constituait le fait
de placer l’information entre parenthèses.
Les notes de bas de page entrent dans la même catégorie que les parenthèses,
excepté qu’elles sont encore plus éloignées du texte principal qu’elles sont
supposées étayer et elles cassent donc encore plus la lecture. Heureusement, la
plupart des revues en biologie et en médecine découragent leur utilisation, mais
elles sont toujours bien vivantes dans certaines publications en sciences sociales.
Il est naïf de croire que l’accumulation d’information additionnelle dans une note
de bas de page va augmenter la fluidité du texte principal. Les lecteurs confrontés
à une demi-page de texte qui paraît être l’histoire principale et une autre demi-
page qui est une note de bas de page ont à choisir entre suivre l’histoire principale
et ignorer la note, ou la consulter en espérant ne pas perdre le fil de l’histoire
principale. Ils ont aussi l’option attrayante d’arrêter là leur lecture s’ils n’ont pas
de raison essentielle de se frayer un chemin dans ce labyrinthe.

Comment régler le problème ?


La chose importante à réaliser est simplement de reconnaître que distraire
l’attention du lecteur d’une idée à une autre ou d’un morceau de texte à un autre
pour ensuite revenir au premier point est un vrai défi pour la lisibilité. Donc,
pour minimiser ce chaos, évitez autant que possible les crochets, parenthèses,
notes et autres appendices. Ne présentez pas l’information correspondante
si elle est seulement marginale et n’apporte pas grand-chose à votre message
principal. En revanche, si c’est une partie intrinsèque de ce message, incorporez-
la en restructurant la portion de texte correspondante. Dans le cas des références,
l’usage habituel et le système Harvard exigent que l’année ou le nom de l’auteur
et l’année soient cités entre parenthèses. Essayez par conséquent de positionner
ces parenthèses là où elles affectent le moins la fluidité du texte.

Phrase trop longue


Lorsque nous parlons, nous formons des phrases sans même en avoir conscience,
car nous ne visualisons généralement pas la ponctuation qui les compose. Mais si
vous faites attention, vous vous apercevrez que lorsque vous voulez absolument
vous assurer que votre interlocuteur suit bien le cours de votre pensée, vous
faites des pauses plus fréquentes. En d’autres termes, vous faites des phrases
plus courtes. Lorsque nous écrivons, nous n’avons qu’un seul interlocuteur
immédiat, nous-mêmes. Nous utilisons alors une stratégie bien différente, car ce
que nous voulons surtout, c’est ne pas perdre le fil de l’idée que nous sommes
en train de développer et pouvoir la développer jusqu’au bout, mais il peut en
résulter des phrases très longues, surtout dans le premier brouillon de notre article.
En revanche pour le lecteur, qui n’est pas autant immergé que l’auteur dans le
texte, cette longueur est une sérieuse épreuve pour sa mémoire à court terme et
pour la fluidité de sa lecture. Peut-être avez-vous trouvé d’ailleurs que l’avant-

82 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


dernière phrase que vous venez de lire est un peu longue ? C’est normal, je l’ai
fait exprès.

Comment régler le problème ?

Lorsqu’une phrase est trop longue ou trop compliquée, c’est généralement


parce qu’elle comprend plus d’une proposition principale et d’une proposition
subordonnée. Recherchez les conjonctions, en particulier « et (and) » ou les pronoms
relatifs tels que « qui, que (who, which ou that) » et remplacez-les par un point suivi
du sujet que désignait le pronom. Assurez-vous ensuite que le nouveau sujet de
votre phrase ne présente aucune ambiguïté. Vérifiez également que la relation
avec la phrase précédente reste évidente, comme cela est expliqué en détail un
peu plus loin, pages 88 et 89, et le tour est joué. Reprenons la phrase trop longue
du paragraphe précédent, dans laquelle j’ai indiqué en gras plusieurs endroits
où l’on pourrait couper la phrase :

« Nous utilisons alors une stratégie bien différente, car ce que nous voulons
surtout, c’est ne pas perdre le fil de l’idée que nous sommes en train de développer
et pouvoir la développer jusqu’au bout, mais il en résulte souvent des phrases
très longues, surtout dans le premier brouillon de notre article. »

L’application des principes énoncés ci-dessus donne le résultat suivant :

« Nous utilisons alors une stratégie bien différente. En effet, ce que nous voulons
surtout, c’est ne pas perdre le fil de l’idée que nous sommes en train de développer
et pouvoir la développer jusqu’au bout. Malheureusement, il en résulte souvent
des phrases très longues, surtout dans le premier brouillon de notre article. »

Remarquez que je n’ai pas utilisé la possibilité de faire une césure à l’endroit du
« et », car elle n’améliorait plus la lisibilité, la phrase initiale étant déjà scindée
en trois nouvelles phrases. De fait, une succession de plusieurs phrases courtes
peut aussi nuire à la lisibilité, en particulier si les transitions entre elles ne sont
pas évidentes. Mais en règle générale, la césure de phrases trop longues présente
deux avantages. Premièrement, elle facilite la lisibilité du texte en réduisant
l’effort de mémoire à court terme nécessaire au lecteur, évitant ainsi sa fatigue.
Deuxièmement, le fait d’avoir à raccourcir une phrase peut permettre de lever des
ambiguïtés d’interprétations, comme l’illustre l’exemple suivant :

« Les traitements ont augmenté les concentrations obtenues dans le sol après
lessivage par des pluies torrentielles seulement pour les doses supérieures à 5 %,
ces valeurs étant bien supérieures aux normes admises. »

Dans cet exemple « ces valeurs » est un terme ambigu, car il peut se rapporter
à « concentrations » ou à « doses ». En coupant la phrase après 5 %, nous nous
posons la question de la liaison entre les deux nouvelles phrases créées et
l’ambiguïté devient évidente. La phrase initiale peut être modifiée facilement
dans la nouvelle phrase en ajoutant une conjonction et en précisant à quoi le
terme « valeurs » se rapporte :

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 83
« Les traitements ont augmenté les concentrations obtenues dans le sol après
lessivage par des pluies torrentielles seulement pour les doses supérieures à 5 %.
Cependant, des traitements à ces doses sont bien supérieurs aux normes admises. »
Pour en terminer avec le problème des phrases trop longues, je crois important
d’attirer l’attention sur le fait que nous écrivons souvent pour un public dont la
langue maternelle n’est pas nécessairement celle de notre article. En effet, une
phrase un peu longue écrite en anglais sera facile à suivre pour un lecteur dont
l’anglais est la langue maternelle, mais ne le sera peut-être pas pour une personne
dont l’anglais est la deuxième langue, même si son niveau d’anglais est assez bon.
C’est une raison supplémentaire pour s’efforcer de faire des phrases relativement
courtes. C’est d’autant plus vrai si vous rédigez en anglais alors que ce n’est pas
votre langue maternelle, car vous trouverez en plus beaucoup plus facile de rédiger
des phrases courtes que des phrases plus longues. La même chose est valable
lorsque vous rédigez en français.

Phrase rendue compliquée par la présence de nombreux adjectifs


Exemples
« The maximum net returns above chemical treatment cost strategies. »
« Les stratégies de profits maximaux nets au-dessus des coûts des traitements
chimiques. »
« The high motivation but minimum social responsibility group. »
« Le groupe de haute motivation mais basse responsabilité sociale. »
Il s’agit là d’un problème assez spécifique de la langue anglaise, même si on peut
aussi tomber dans le même piège en français, la preuve en étant que nous avons
pu traduire ces exemples quasi littéralement et en reproduire les ambiguïtés. Le
sens des deux exemples ci-dessus était probablement parfaitement clair pour
leurs auteurs quand ils les ont écrits et sont probablement le résultat d’une trop
grande familiarité avec leur discipline. Malheureusement, une fois que de tels
textes sont écrits, la plupart des gens qui les lisent le font pour la première fois
et leur lecture sera bloquée par l’effort à accomplir pour comprendre ce que
l’auteur a voulu dire.

Comment régler le problème ?


Ces phrases complexes peuvent être améliorées simplement en rajoutant quelques
mots, le plus souvent des prépositions, pour clarifier leur sens. Ainsi, « The
maximum net returns above chemical treatment cost strategies » devient « The strategies
that give the maximum net returns above the cost of chemical treatment ». Ce type
d’amélioration est également possible pour la traduction française qui devient
alors « Les stratégies qui permettent les bénéfices nets maximaux supérieurs aux
coûts des traitements chimiques ».
De la même façon, « The high motivation but minimum social responsibility group »
devient « The group that was highly motivated but showed little social responsibility ».
Dans chaque cas, la clarté et la précision ont pris le pas sur la concision, et ce serait

84 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


également le cas pour la version française de cette phrase : « Le groupe qui était
très motivé mais qui a montré peu de responsabilité sociale ».
Ce problème n’est pas aussi fréquent exactement sous la même forme en français,
mais nous pouvons cependant faire des erreurs de style assez proches qui sont des
sources de confusion lors de la première lecture. Par exemple, dans la phrase « Il
faudrait d’autres échantillons de pigments, beaucoup plus clairs et plus nombreux,
pour pouvoir confirmer l’effet observé dans la gamme jaune-orangé », « plus
nombreux » peut se rapporter aux pigments, mais aussi à la nécessité d’augmenter
la taille des échantillons. Pour lever l’ambiguïté, il est nécessaire de rendre évident
pour le lecteur à quel substantif chaque adjectif se réfère. En fonction de la réalité,
on devrait écrire pour éviter toute confusion soit « Il faudrait des échantillons plus
nombreux pour les pigments beaucoup plus clairs, pour pouvoir confirmer l’effet
observé dans la gamme jaune-orangé », ou bien « Il faudrait d’autres échantillons
pour élargir la gamme des pigments beaucoup plus clairs, pour pouvoir confirmer
l’effet observé dans la gamme jaune-orangé ».

Groupement de noms
L’emploi en anglais des groupements de noms dans lesquels les prépositions sont
omises constitue un piège qu’on ne rencontre pas tel quel en français, mais qui
est typique de la langue anglaise. De nombreuses personnes dont l’anglais n’est
pas la langue maternelle s’imaginent que c’est faire preuve d’une bonne maîtrise
de l’anglais que d’utiliser de tels groupements de mots. Hélas, ces expressions
sont toujours difficiles à lire et correspondent parfaitement à la définition du
mot « jargon » dans un dictionnaire anglais : « …langage qui est utilisé par un
groupe, une profession ou une culture particulier, surtout quand les mots et les
phrases ne sont pas compris ou utilisés par d’autres personnes ». Parfois l’auteur
utilise ces blocs de mots en pensant qu’ils économisent une place précieuse, en
supprimant des prépositions telles que « as, of, on, in, for, comme, de, sur, dans,
pour » ou d’autres. De plus, des auteurs habitués à rencontrer certains groupes
de mots les reconnaissent parfois comme une entité unique et ne se rendent pas
compte qu’un lecteur essayant de les assimiler pour la première fois aura du mal à
y parvenir. Omettre les prépositions peut être acceptable quand le mot manquant
est évident à comprendre. Mais c’est loin d’être toujours le cas.

Exemples
Soil nitrogen uptake
Annoying infant pathology problems
Starch absorption rate analyses
Artificial learning enhancement programs
Plasma urea nitrogen concentrations
Est-ce que « soil nitrogen uptake » signifie « nitrogen taken up from the soil (absorption
de l’azote qui est dans le sol) » ou « nitrogen taken up by the soil (absorption de
l’azote par le sol) » ? En effet, ce groupement de mots ne permet pas de savoir

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 85
si l’azote est fixé par le sol ou s’il est extrait du sol et les deux interprétations
possibles sont pratiquement opposées l’une de l’autre. Autant dire qu’avec de
tels groupements de mots, les deux règles les plus importantes de la rédaction
scientifique, la précision et la clarté, ne sont pas respectées ! Par ailleurs, les
conjonctions et prépositions employées pour éviter ces groupements de mots en
anglais peuvent également être sources d’ambiguïtés en elles-mêmes en français.
Par exemple une imprécision similaire à celle causée par le groupement de noms
en anglais pourrait exister si nous écrivions « absorption de l’azote du sol ». En
effet « du », ou « of » en anglais, n’est pas précis. Il est nécessaire d’indiquer le
sens de l’absorption en utilisant soit « qui est dans » ou « par ». C’est pourquoi la
relecture du texte est une tâche importante en fin de rédaction pour vérifier qu’il
n’y a pas de multiples interprétations possibles.
Lorsque plusieurs noms sont regroupés ainsi et qu’il y a en plus un vrai adjectif
dans le groupe de mots, il est souvent très difficile de savoir à quel nom l’adjectif
se réfère. Ainsi, dans le deuxième exemple, « annoying infant pathology problems »,
est-ce qu’on a affaire à des symptômes pathologiques chez des enfants difficiles,
des symptômes difficiles dans les pathologies infantiles ou des symptômes de
pathologies difficiles chez les enfants ? En clair il y a trois interprétations possibles
assez différentes les unes des autres.

Comment régler le problème ?


Il y a trois options dans ce cas.
Premièrement, et c’est probablement l’option la plus simple, il suffit de replacer
les prépositions que vous aviez en tête lorsque vous avez écrit votre première
version de l’article. Des prépositions comme « of, by, in, from » « de, par, dans,
à partir de » sont parmi les mots les plus courts aussi bien en anglais qu’en
français. En insérer un ou deux ne va pratiquement pas rallonger votre article
mais fera des merveilles en termes de clarté et de précision. En fait, dans les
exemples ambigus de groupements de noms que nous venons d’examiner, nous
avons vu que les interprétations possibles différaient beaucoup, mais qu’après
l’insertion d’une ou deux prépositions, chaque alternative était précise, claire et
unique. Dans la liste des mots les plus utilisés dans la langue anglaise, six des
vingt premiers sont des prépositions que vous pouvez utiliser pour régler le
problème des groupements de noms : « of, to, in, for, on, with, de, vers, dans, pour,
sur, avec ». Cette recommandation est bien sûr également valable en français et
ce n’est certainement pas une technique inaccessible.
Deuxièmement, vérifiez si vous pouvez remplacer un nom dans le groupe de mots
par un adjectif approprié qui possède la même racine que ce nom. Si c’est le cas,
faites l’échange. Par exemple, « pathology symptoms, symptômes de pathologie »
peut être remplacé par « pathological symptoms, symptômes pathologiques ». En
plus, ce changement d’un substantif par un adjectif pourra peut-être concerner
plusieurs noms dans le groupement.
Troisièmement, lorsque deux mots ont une raison logique de rester groupés, nous
pouvons l’indiquer en les associant avec un tiret, créant ainsi un mot composé

86 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


avec une seule signification. Par exemple en anglais, fine wool sheep peut signifier
soit des moutons à laine fine (sheep with fine wool), soit de beaux moutons à laine.
En écrivant fine-wool sheep ou fine wool-sheep, on supprime totalement l’ambiguïté :
dans le premier cas il s’agit de moutons à laine fine et dans le deuxième cas de
beaux moutons de race à laine. De la même manière dans l’expression free range
eggs, si vous omettez de mettre un tiret entre free et range, le lecteur pourrait croire
qu’il s’agit d’œufs gratuits venant des collines ; mais les œufs produits par des
poules en plein air (free-range) ne sont certainement pas gratuits !
Avec un peu d’effort et d’entraînement, vous apprendrez à reconnaître et éviter ces
huit écueils principaux de manière quasi automatique. Il existe bien sûr beaucoup
d’autres défauts et la plupart des évaluateurs ont leurs « bêtes noires » personnelles
pour lesquelles ils sont sans pitié. Mais si vous apprenez à éviter celles que nous
venons de voir et à mettre en place de bonnes stratégies alternatives, vous pouvez
être sûr que vous couvrirez la plupart des défauts qui freinent la lecture d’un
article scientifique.

Livrer le message écrit d’une manière qui coïncide


avec la façon de lire du lecteur
Un article scientifique qui contient toutes les données et tout le raisonnement
scientifique que l’auteur avait l’intention de présenter n’est pas forcément un bon
article. L’article devient bon seulement quand la plupart des personnes qui le lisent
peuvent comprendre précisément et rapidement ce que l’auteur veut réellement
dire. Pour obtenir ce résultat, l’auteur doit être conscient de ce qui rend un texte
facile à lire. Les principes qui facilitent la lecture ont été très bien mis en valeur
par Gopen et Swan dans un article de l’American Scientist de 1990 (Volume 78,
550-558) ; « Pour que le lecteur saisisse ce que l’auteur veut dire, l’auteur doit
comprendre ce dont le lecteur à besoin ». Gopen et Swan ont proposé le concept
de « reader expectation », qui se réfère à l’état d’attente ou d’anticipation dans lequel
se trouve une personne en train de lire. Ce principe « d’anticipation du lecteur »
s’appuie sur des connaissances concernant la manière dont le lecteur perçoit et
interprète l’information écrite.
Globalement, toute information écrite nous apporte des idées et des concepts
qui sont nouveaux ou bien qui consolident des idées dont nous venons juste de
prendre connaissance par notre lecture. Dans la plupart des cas nous trouvons ces
deux types d’informations dans une même phrase. La clé de la compréhension
rapide d’un fragment de texte est d’utiliser l’information déjà connue pour situer
le lecteur par rapport à ce qu’il vient de lire et alors, mais alors seulement, de
présenter l’information nouvelle.
Une idée nouvelle est saisie beaucoup plus facilement si elle est perçue dans un
contexte déjà connu. Par conséquent, la première partie de la phrase devrait être
utilisée dans la mesure du possible pour préparer les lecteurs et faire le lien avec
l’information précédente, avant que le reste de la phrase révèle ce qui est nouveau.
Cet ordre de présentation est de la plus haute importance et nous pouvons
systématiquement apporter des améliorations majeures à la lisibilité et à la clarté

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 87
de fragments de textes simplement en respectant le bon ordre de présentation. Si,
en même temps, nous prenons soin d’utiliser des mots de transition qui indiquent
l’essence de notre idée suivante, nous pouvons quasiment faire des miracles avec
un texte qui était au départ difficile à suivre.
Vous avez peut-être déjà identifié dans ce livre la notion de créer chez le lecteur
une anticipation qu’il peut confronter avec une information nouvelle. Le concept
s’applique à l’article dans son ensemble, où l’hypothèse crée une anticipation qui
peut être alors comblée par l’information qui suit. Le principe fonctionne aussi
pour le paragraphe, où la phrase thématique permet au lecteur d’anticiper ce qui
va être discuté dans le reste du paragraphe. Lors du passage d’une phrase à la
suivante, la manière dont la deuxième phrase est structurée permet au phénomène
d’anticipation de servir efficacement de guide pour que le lecteur ne perde pas
le fil de sa lecture.
Il y a deux manières de relier les mots du début d’une phrase avec l’information
dont le lecteur a déjà pris connaissance. La première est de répéter des mots
déjà utilisés dans la phrase précédente ou, au plus, dans les deux dernières
phrases, c’est-à-dire ce que Gopen et Swan appellent de la « vieille information »
ou, autrement dit, de l’information déjà connue grâce à la lecture du texte
immédiatement antérieur. La deuxième est d’utiliser des mots de liaison, qui
indiquent une relation logique avec l’idée de la phrase précédente.

La répétition de l’information déjà connue


L’exemple ci-dessous comprend deux phrases dont la deuxième commence par une
information (marquée en gras) qui n’a rien à voir avec le contenu de la première.
« Des étudiants ont été sélectionnés et répartis aléatoirement en trois groupes
recevant des traitements différents. Un nouveau pifomètre deux fois plus rapide
que ceux disponibles antérieurement a été utilisé pour mesurer la vitesse à
laquelle ces étudiants apprenaient à bidouiller dans chaque groupe. »
L’information à propos du pifomètre est nouvelle par rapport au contenu de la
phrase (ou des phrases) précédente(s) et pourrait tout aussi bien tomber du ciel du
point de vue des lecteurs, jusqu’à ce qu’ils lisent la fin de la phrase. C’est seulement
lorsqu’ils auront lu toute la phrase qu’ils pourront placer cette information dans
la suite logique de leurs idées. En pratique, la plupart des lecteurs auront le
sentiment qu’ils doivent relire la phrase pour être sûrs qu’ils ont placé la nouvelle
information au bon endroit dans le contexte qu’ils viennent de découvrir.
En revanche, que se passe-t-il si les informations contenues dans la deuxième
phrase sont présentées en ordre inverse, avec l’information déjà connue concernant
les étudiants en premier ? Dans ce cas, les lecteurs en prennent connaissance dans
un ordre plus logique et confortable en une seule fois, ce qui rend instantanément
évidents les avantages du nouveau pifomètre.
« Des étudiants ont été sélectionnés et répartis aléatoirement en trois groupes
recevant des traitements différents. L’effet de ces traitements sur la vitesse
d’apprentissage à bidouiller a été mesuré chez ces étudiants à l’aide d’un nouveau
pifomètre deux fois plus rapide que ceux disponibles antérieurement. »

88 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


L’utilisation de mots de liaison

Pour commencer une phrase, il y a beaucoup de mots qui indiquent instantanément


dans quel sens va s’orienter la phrase. En utilisant ces mots, vous pouvez relier
la nouvelle phrase à l’information déjà connue aussi efficacement qu’en répétant
des mots de la phrase précédente. Ainsi, si une phrase commence par « Ainsi »
(So), cela signifie que ce qui suit va être une conclusion s’appuyant sur ce qui
vient d’être lu. Si la phrase commence par « Au contraire » (By contrast), cela
indique que le reste de la phrase sera l’opposé de ce qui vient d’être lu. De tels
mots de connexion sont des panneaux indicateurs qui guident le cheminement des
lecteurs dans le sens souhaité par l’auteur et qui les préparent à saisir et à retenir
efficacement une information précise avant même que celle-ci arrive. Des mots
de connexion comme « D’ailleurs (Moreover) », « Néanmoins (Notwithstanding) »,
« De plus (In addition) », « Cependant (However) », « Mais (But) », « Par conséquent
(Therefore) », « En particulier (Specifically) », « En résumé (In summary) », et beaucoup
d’autres remplissent la fonction de panneaux indicateurs s’ils sont bien placés et ils
améliorent toujours la lisibilité de votre texte. Pour la même raison, si vous avez
deux ou plusieurs explications ou conséquences possibles à proposer à propos
d’un résultat, dites-le dès le départ à vos lecteurs pour les orienter correctement
dès le début avec une formule comme :

« Il y a trois explications possibles à ce résultat. »

Une phrase simple de ce type est aussi efficace qu’une carte pour
orienter le lecteur dans un passage relativement compliqué. Elle
met chaque élément de l’information en perspective par rapport L’utilisation
aux autres. Chaque élément commencera par « Premièrement du principe
(First),… Deuxièmement (Second),… Troisièmement (Third),… »
et même si l’un ou plusieurs des éléments nécessitent plus d’anticipation
d’une phrase, les lecteurs sauront exactement où ils en sont et du lecteur de Gopen
pourront suivre votre raisonnement plus facilement.
et Swan est si simple
L’utilisation du principe d’anticipation du lecteur de Gopen et
Swan est si simple qu’il est difficile de croire qu’il puisse être qu’il est difficile
aussi efficace. Mais il est incontestablement facile à utiliser et de croire qu’il puisse
le résultat est immanquablement remarquable. La stratégie est
de développer une méthode systématique pour l’utiliser. Avec être aussi efficace.
l’habitude, vous incorporerez automatiquement l’information
déjà connue ou le panneau indicateur au début de la plupart
de vos phrases au moment même où vous les écrivez. Néanmoins, il se peut que
vous n’y arriviez pas toujours lors de la rédaction de la première version de votre
article, parce que vous devez aussi vous concentrer sur son contenu scientifique et
sur sa logique. En fait, lors de la rédaction du premier brouillon, l’effort à faire pour
appliquer ce principe d’anticipation risque de vous distraire et ne devrait pas être
votre priorité. Mais au moment de la correction, cela devient presque un processus
automatique que vous pouvez effectuer sans porter beaucoup d’attention au
contenu scientifique. Personnellement, je prends beaucoup de plaisir à cette étape.
En effet, lorsque j’ai fini et que je relis le texte en me concentrant de nouveau sur le

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 89
contenu scientifique, je suis souvent étonné de la façon dont l’écriture est devenue
automatiquement plus fluide.
Prenons l’exemple suivant qui traite de la mémoire à court terme et à long terme :
« La mémoire peut être divisée en deux phases : la mémoire à court terme et la
mémoire à long terme. Lorsqu’un animal apprend quelque chose, cette information
entre d’abord dans la mémoire à court terme, où elle va demeurer pendant un
temps pouvant aller de quelques minutes à quelques heures. Les méthodes
expérimentales utilisées et les espèces animales étudiées peuvent affecter la durée
exacte de la mémoire à court terme. Un certain nombre d’agents tels que les chocs
électro-convulsifs (chocs électriques de forte intensité appliqués au niveau de la
tête), le froid, le coma et une anesthésie profonde, peuvent détruire l’information
en train d’être stockée dans la mémoire à court terme. L’un quelconque de ces
traitements peut produire un état connu sous le nom d’amnésie rétrograde, dans
lequel la mémoire des événements récents est détruite, sans que la mémoire
d’événements antérieurs soit affectée. Puisque les mémoires plus anciennes sont
résistantes à cette destruction, il en a été conclu que le mécanisme par lequel
l’information est stockée dans la mémoire à court terme diffère de celui de la
mémoire à long terme. Parce que la mémoire à court terme est détruite relativement
facilement par des procédés dont il est prévisible qu’ils perturbent fortement
l’activité électrique du cerveau, il a été suggéré que l’information est stockée
dans la mémoire à court terme en tant qu’activité électrique réverbérante dans
le cerveau. À mesure que l’information passe dans la mémoire à long terme, par
contre, elle est stockée sous une forme plus durable. »
Les mots et les phrases ne sont ni compliqués ni trop longs et le texte est
grammaticalement correct. Donc, prises individuellement, les phrases sont faciles
à lire mais, mises ensemble elles nécessitent beaucoup de travail pour suivre l’idée
générale. Autrement dit, le paragraphe n’est pas fluide. Chaque phrase assaille le
lecteur avec de l’information nouvelle sans tenir compte de ce que disent les autres
phrases qui l’entourent. Par conséquent, le lecteur n’a pas la possibilité d’intégrer
l’information déjà connue alors qu’il lui faut déjà en intégrer une nouvelle. Son
esprit a du mal à classer l’information de manière logique, avec au moins deux
conséquences malheureuses. La première est que le lecteur est obligé de stocker
beaucoup d’informations pendant qu’il retourne en arrière pour relire et trouver
plus d’indices sur la manière d’utiliser ces informations. La deuxième, comme
conséquence directe de la confusion créée, est que les informations risquent d’être
interprétées différemment par des lecteurs différents.
Examinons les morceaux d’informations qui commencent chaque phrase de ce
paragraphe :
« La mémoire peut être divisée en deux phases : la mémoire à court terme
et la mémoire à long terme. Lorsqu’un animal apprend quelque chose, cette
information entre d’abord dans la mémoire à court terme, où elle va demeurer
pendant un temps pouvant aller de quelques minutes à quelques heures.
Les méthodes expérimentales utilisées et les espèces animales étudiées
peuvent affecter la durée exacte de la mémoire à court terme. Un certain nombre

90 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


d’agents incluant les chocs électro-convulsifs (chocs électriques de forte intensité
appliqués au niveau de la tête), le froid, le coma et une anesthésie profonde,
peuvent détruire l’information en train d’être stockée dans la mémoire à court
terme. N’importe lequel de ces traitements peut produire un état connu sous le
nom d’amnésie rétrograde, dans lequel la mémoire des événements récents est
détruite, sans que la mémoire d’événements antérieurs soit affectée. Puisque les
mémoires plus anciennes sont résistantes à cette destruction, il en a été conclu
que le mécanisme par lequel l’information est stockée dans la mémoire à court
terme diffère de celui de la mémoire à long terme. Parce que la mémoire à court
terme est détruite relativement facilement par des procédés dont il est prévisible
qu’ils perturbent fortement l’activité électrique du cerveau, il a été suggéré que
l’information est stockée dans la mémoire à court terme en tant qu’activité électrique
réverbérante dans le cerveau. À mesure que l’information passe dans la mémoire
à long terme, par contre, elle est stockée sous une forme plus durable. »
Dans presque tous les cas, l’information qui commence la phrase est nouvelle ou
alors elle ne se rapporte pas à la phrase précédente. Et c’est là tout le problème,
parce que le début de la phrase est précisément l’endroit où le lecteur est le moins
prêt à recevoir et à intégrer de l’information nouvelle. Les phrases ont besoin d’être
rendues plus faciles à utiliser pour permettre à l’esprit du lecteur d’organiser
l’information de la phrase précédente et de la mettre de côté pour se préparer à
phrase suivante. Voici maintenant ma tentative de mettre ce concept en pratique :
« La mémoire peut être divisée en deux phases : la mémoire à court terme et
la mémoire à long terme. La mémoire à court terme concerne la forme sous
laquelle l’information qu’un animal apprend est stockée en premier. Cette
information reste stockée sous cette forme pendant un temps pouvant aller de
quelques minutes à quelques heures, ce temps variant en fonction de l’espèce
étudiée et de la méthode de mesure de la mémoire. L’information stockée dans
la mémoire à court terme peut être détruite par un certain nombre d’agents tels
que les chocs électro-convulsifs (chocs électriques de forte intensité appliqués au
niveau de la tête), le froid, le coma et une anesthésie profonde. Tous ces agents
sont susceptibles de perturber fortement l’activité électrique du cerveau et tous
détruisent la mémoire des événements récents, conduisant à un état connu sous
le nom d’amnésie rétrograde. Cependant, l’amnésie rétrograde n’affecte pas la
mémoire d’événements plus anciens. Puisque la mémoire d’événements anciens
n’est pas détruite, le mécanisme par lequel l’information est stockée dans la
mémoire à court terme diffère probablement de celui de la mémoire à long terme.
Par conséquent, il a été suggéré que l’information est stockée dans la mémoire à
court terme sous forme d’activité électrique cérébrale réverbérante qui peut être
détruite relativement facilement. Par contre, à mesure que l’information passe
dans la mémoire à long terme, elle est stockée sous une forme plus durable. »
Le paragraphe est plus facile à lire parce qu’il a maintenant une structure qui
présente de l’information nouvelle seulement quand le lecteur a été préparé à
l’accepter.
Vous remarquerez que la première phrase n’a pas été modifiée parce que, en
l’absence de matériel qui la précède, nous n’avons pas d’information déjà connue

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 91
sur laquelle nous appuyer. De toute façon, c’est une excellente phrase thématique
qui nous annonce quel va être le thème de ce paragraphe.
En revanche, dans la deuxième phrase la nouvelle information concernant la
mémoire à court terme n’est maintenant plus évoquée avant que nous l’ayons
liée avec l’information déjà connue de la première phrase. La phrase modifiée
commence maintenant en indiquant qu’elle va continuer à nous parler de mémoire
à court terme. De la même manière, la nouvelle troisième phrase, ainsi que la
quatrième, nous guident vers le thème maintenant connu du lecteur concernant
le stockage de l’information avant d’introduire des éléments nouveaux indiquant
ce qui peut arriver à cette information. Ensuite, comme la phrase précédente, la
nouvelle cinquième phrase commence avec des ingrédients qui nous sont là aussi
connus. Le flux logique pour passer d’une phrase à la suivante a été mis en place
et continue dans tout le paragraphe. Cela a été fait principalement en commençant
les phrases avec des mots répétés des phrases précédentes, mais dans le cas de
« Cependant », « Par conséquent », « En revanche » c’est l’utilisation de panneaux
indicateurs qui indique aussi le sens dans lequel la phrase va s’orienter.
Pour bien illustrer l’universalité de ce principe quelle que soit la langue dans
laquelle vous devez écrire votre article, le même exercice d’amélioration de la
lisibilité est présenté ci-dessous pour la version originale du texte en anglais.
Vous pourrez voir qu’à quelques détails près, exactement les mêmes recettes ont
fonctionné pour rendre le texte beaucoup plus facile à lire.
Le texte de départ était le suivant :
“Memory can be divided into two phases: short-term memory and long-term memory.
When an animal learns something this information first of all enters the short-term memory
where it will remain for a matter of minutes to hours. The experimental methods used
and the species of animal studied can affect the precise duration of short-term memory.
A number of agents including electro-convulsive shock (strong electric shocks applied to
the head), low temperature, coma and deep anaesthesia can disrupt information that is
being stored in short-term memory. Any of these treatments may produce a state known
as retrograde amnesia, in which the memory of recent events is disrupted leaving earlier
events unaffected. Since more remote memories are resistant to disruption, it has been
concluded that the mechanism by which the information is stored in short-term memory
differs from that for long-term memory. Because short term memory is disrupted relatively
easily by procedures which may be expected to have a profound effect on the electrical
activity of the brain, it has been suggested that information is stored in short-term memory
as reverberating electrical activity in the brain. As information passes into long-term
memory, on the other hand, it is stored in a more durable form.”
Identifions les idées commençant chaque phrase :
“Memory can be divided into two phases: short-term memory and long-term memory.
When an animal learns something this information first of all enters the short-term
memory where it will remain for a matter of minutes to hours. The experimental methods
used and the species of animal studied can affect the precise duration of short-term
memory. A number of agents including electro-convulsive shock (strong electric shocks
applied to the head), low temperature, coma and deep anaesthesia can disrupt information

92 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


that is being stored in short-term memory. Any of these treatments may produce a state
known as retrograde amnesia, in which the memory of recent events is disrupted leaving
earlier events unaffected. Since more remote memories are resistant to disruption,
it has been concluded that the mechanism by which the information is stored in short-
term memory differs from that for long-term memory. Because short term memory is
disrupted relatively easily by procedures which may be expected to have a profound
effect on the electrical activity of the brain, it has been suggested that information is stored
in short-term memory as reverberating electrical activity in the brain. As information
passes into long-term memory, on the other hand, it is stored in a more durable form.”
Insérons maintenant l’information déjà connue ou des panneaux indicateurs en
début de chaque phrase :
“Memory can be divided into two phases: short-term memory and long-term memory.
The short-term memory is where information that an animal learns enters first, and
this information remains there for a matter of minutes to hours depending on the species
of animal studied and how it is measured. Information stored in the short-term memory
may be disrupted by a number of agents including electro-convulsive shock (strong electric
shocks applied to the head), low temperature, coma and deep anaesthesia. Any of these
agents may be expected to have a profound effect on the electrical activity of the brain
and disrupt the memory of recent events to produce a state known as retrograde amnesia.
However, retrograde amnesia leaves the memory of earlier events unaffected. Since
memory of earlier events resists disruption, the mechanism by which the information is
stored in short-term memory probably differs from that for long-term memory. So, it has
been suggested that information is stored in short-term memory as reverberating electrical
activity in the brain and can be disrupted relatively easily. On the other hand, information
that passes into long-term memory appears to be stored in a more durable form.”
Vous pourrez remarquer que quelle que soit la langue, aucune information nouvelle
n’a été ajoutée au texte, mais l’information existante est juste plus facile à saisir
pour ceux qui la lisent pour la première fois. Au contraire, ceux qui lisent cette
information pour la première fois dans le paragraphe d’origine pourraient bien
avoir à la lire deux ou trois fois avant d’être sûrs de l’avoir parfaitement comprise,
à moins d’être aussi familiarisés avec cette information que l’auteur lui-même. Par
exemple, maintenant que vous savez ce qu’il contient, vous pourriez probablement
reprendre le paragraphe d’origine et le comprendre sans problème. Cependant, la
plupart des lecteurs d’articles scientifiques lisent parce qu’ils veulent apprendre
et que le sujet de l’article ne leur est pas aussi familier qu’à l’auteur. De plus,
même si le thème général de l’article est familier aux lecteurs, ils liront de toute
façon plus vite et plus facilement la version corrigée pour la fluidité, parce qu’ils
en assimileront plus rapidement les détails.

Et maintenant ?
À ce stade, l’article devrait être à peu près terminé. Sa structure générale a été
bien réfléchie et il est écrit dans un style fluide et facile à suivre.
Du moins, c’est ce que vous croyez !

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 93
Comment juger la logique et le style objectivement
Vous avez maintenant un autre problème à résoudre. Ce problème, c’est que vous
connaissez tellement bien votre travail et ce que vous voulez en dire, que cet
excès de familiarité vous empêche de juger la logique et le style de votre article
de manière vraiment objective. Donc, vous avez besoin d’aide.
Les premières personnes auprès desquelles vous devez obtenir de l’aide sont vos
co-auteurs. Jusqu’ici, c’est vous qui avez pris la responsabilité principale pour la
rédaction de la première version de l’article. C’est donc maintenant leur tour de
prendre leurs propres responsabilités pour contribuer à la rédaction de l’article
en vous aidant pour les corrections finales. Et, étant donné que vous en savez
probablement plus qu’eux sur l’article et ce qu’il est censé apporter, vous devez
les guider pour que leur participation soit réelle et fructueuse et pas simplement
l’émission d’opinions qu’il vous incomberait ensuite de prendre en compte. Il n’y
a rien de plus frustrant à ce stade que des co-auteurs qui vous rendent votre texte
sans aucune correction de style. Cela indique qu’au mieux ils l’ont lu en le survolant
et au pire qu’ils ne l’ont pas lu du tout. Pour attirer leur attention, vous pouvez leur
préparer une liste des points à vérifier comme celle présentée page 95 qui, s’ils la
suivent, les incitera à réfléchir et donner leur avis sur tous les points importants
de chaque section de l’article. En bonus, cet exercice peut fournir des repères pour
discuter de passages sur lesquels les opinions de vos co-auteurs diffèrent de la vôtre.
Sans de tels repères, vous risquez de perdre beaucoup de temps. Vous remarquerez
que la liste suggérée page 95 couvre de nombreux points de structure et de style,
mais ne concerne pas la qualité scientifique du travail ni sa réalisation. L’essentiel
de la réflexion sur ces deux derniers aspects doit être effectuée dans la mesure du
possible avant de commencer la rédaction et de toute façon avant de discuter tout
désaccord de structure et de style. Essayer d’améliorer en même temps les aspects
scientifique, de structure et de style serait une tâche démesurée et menant à la
confusion. Au moment de cette étape de correction concertée entre co-auteurs, il
est préférable de vous mettre d’accord sur chaque aspect séparément : la science,
puis la structure et enfin le style.
Cependant, même vos co-auteurs peuvent être très familiers avec ce qui est dit dans
l’article ; dans ce cas, eux aussi assumeront à tort que ce qui leur paraît parfaitement
clair l’est également pour tout autre lecteur partout dans le monde. Idéalement,
il faudrait vous assurer qu’au moins une personne, qui n’a été impliquée ni dans
le travail ni dans la rédaction de l’article, vérifie qu’il est compréhensible et se lit
facilement. C’est la lecture critique d’un collègue, qui reste la meilleure façon de
vous assurer que votre article sera compréhensible pour les rapporteurs qui vont
l’évaluer avant sa publication et pour le reste du monde ensuite.
La difficulté de cette étape réside dans le fait que vos collègues sont généralement
occupés à autre chose, pour ne pas dire débordés, et n’ont pas de temps à dédier
à la révision d’un article entier dans lequel ils n’ont pas d’intérêt majeur, à part
peut-être celui de vous aider. Vous pouvez presque les entendre gémir lorsque vous
posez sur leur bureau un article d’une bonne trentaine de pages en leur demandant
de le lire d’un œil critique. Ils calculent mentalement que cela va leur prendre au

94 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


moins cinq heures et avec la meilleure volonté du monde, ils le laisseront sur leur
bureau avec l’intention de s’en occuper dès qu’ils auront cinq heures de libres.
Bien évidemment cela n’arrive jamais et votre texte reste entassé sur leur bureau
parmi d’autres documents pendant des mois, ou alors ils vous le rendent après
une lecture rapide et considèrent le problème réglé en disant que l’article leur
convient. Aucune de ces deux solutions n’est vraiment intéressante pour vous et en
plus vous risquez de perdre vos amis ! Vous devez donc être à la fois astucieux et
prévenant, en leur demandant de faire le travail par petits morceaux bien définis,
plutôt qu’en leur demandant un effort de correction titanesque sur tout l’article
en une seule fois. Vous pouvez souvent faire cela au fur et à mesure que vous
avancez dans la rédaction. Par exemple, vous pourriez demander à un collègue
d’évaluer votre introduction ou même son ébauche à l’aide de deux questions :
« Est-ce que mon hypothèse t’indique clairement ce que je
recherche dans ce travail ? » et « Est-ce que les arguments pour
proposer l’hypothèse te paraissent clairs et justifient l’intérêt
de l’expérience ? ». Ainsi définie et délimitée, non seulement la Vous devez
tâche ne prendra que quelques minutes à votre collègue, mais donc être à la
en plus vous obtiendrez l’essentiel de l’information que vous
désiriez sur cette section. Il ne vous en voudra pas de lui avoir fois astucieux et
pris un peu de son temps et vous ne courrez pas le risque de lui prévenant, en leur
en vouloir pour avoir fait le travail de façon superficielle ! Dans
le pire des cas, cet exercice stimulera un échange d’idées et une demandant de faire
discussion qui vous fourniront en fin de compte l’information le travail par petits
que vous souhaitiez. Vous aurez votre réponse rapidement et
votre collègue restera disposé à vous aider de nouveau dans morceaux bien
quelques jours dans des petites tâches similaires et bien définies définis, plutôt qu’en
concernant les résultats, la discussion, le résumé, le titre ou tout
autre aspect de votre article. leur demandant un
effort de correction
Les six étapes de polissage final du style titanesque sur
et de la lisibilité
tout l’article en
Comme nous l’avons vu plus haut, une des difficultés
une seule fois
pour effectuer les corrections finales vient de la trop bonne
connaissance que vous, en tant qu’auteur, avez développée avec
le texte. Parfois, en relisant votre article, des erreurs grossières ou des améliorations
possibles vous sautent aux yeux, mais elles détournent votre attention d’autres
fautes à corriger. Pour réduire ce risque, vous devez faire une dernière inspection
et, pour en être doublement sûr, l’aide d’un collègue est également précieuse. Mais
de toute façon, vous serez beaucoup plus sûr que rien n’a été laissé au hasard si
cette vérification est systématique et non pas superficielle. Pour vous aider à repérer
tous les défauts évitables, voici une liste de contrôle simple en six étapes établies à
partir de l’information de ce chapitre. Vous pourrez vous assurer que le polissage
est à la fois efficace et complet si vous suivez cette liste méthodiquement. Corrigez
le texte paragraphe par paragraphe, en vous assurant que chaque paragraphe a
bien été complètement examiné avant de passer au suivant.

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 95
Étape 1. Est-ce un paragraphe ? Vérifiez la première phrase pour voir si elle
définit le thème du paragraphe et la dernière pour vérifier qu’il s’agit bien d’une
vraie phrase de conclusion. Assurez-vous que les autres phrases sont pertinentes
par rapport au thème annoncé et qu’elles contribuent au développement du
raisonnement vers sa conclusion.

Étape 2. Est-ce que les phrases s’enchaînent correctement ? Examinez les premiers
mots de chaque phrase et assurez-vous qu’ils comprennent des mots utilisés dans
la phrase précédente ou que ce sont des mots panneaux indicateurs qui relient le
reste de la phrase avec la phrase précédente.

Étape 3. Y-a-t-il des écueils ? Recherchez les mots et les expressions qui peuvent
distraire le lecteur en créant le doute, l’ambiguïté ou qui demandent du temps pour
être déchiffrés et qui vont donc freiner la compréhension du message. Assurez-
vous aussi que vos phrases ne sont pas trop longues.

Étape 4. Le texte peut-il être raccourci sans perdre sa signification ? Supprimez


les expressions qui n’ajoutent rien à la signification, comme « nos études montrent
que… », ou « l’analyse des données a révélé… ». Vérifiez s’il y a des noms que
vous pouvez remplacer par des verbes de la même racine ou leurs synonymes et
reformulez la phrase en en tenant compte.

Étape 5. Le texte dit-il bien ce que vous voulez dire ? Les quatre étapes précédentes
sont assez automatiques et peuvent être réalisées sans regarder de près le message
que vous voulez délivrer dans le paragraphe. Vous devez maintenant relire le
paragraphe corrigé pour vous assurer qu’il dit bien toujours ce que vous voulez.

Étape 6. La vérification finale de l’anglais. Maintenant que vous avez réalisé ces
cinq étapes de vérification, c’est le moment d’envisager de faire vérifier l’anglais
par une personne dont c’est la langue maternelle. C’est bien sûr inutile si vous
avez la chance d’être parfaitement bilingue ou si l’un de vos co-auteurs l’est ou est
anglo-saxon, auquel cas ce travail de vérification lui incombe tout naturellement.
En revanche, si vous n’avez pas cette chance, il est important de faire effectuer cette
révision. En effet, il est très rare pour une personne de pouvoir écrire parfaitement
dans une autre langue que la sienne, l’anglais dans le cas présent, même si son
niveau d’anglais est très bon, grâce par exemple à plusieurs années de séjour dans
un pays anglo-saxon. Idéalement, cette révision de style devrait être faite par
une personne familiarisée avec le style scientifique, pour respecter les besoins de
précision, de clarté et de concision indispensables à un bon article. Ce peut être
un chercheur anglo-saxon présent dans votre laboratoire, un collègue de votre
connaissance ou un traducteur privé que vous pouvez d’ailleurs choisir dans des
listes que fournissent les revues scientifiques. C’est en fait essentiellement cette
étape finale de correction de l’anglais qui représente un désavantage concret
pour les auteurs dont l’anglais n’est pas la langue maternelle par rapport à leurs
collègues anglo-saxons. Mais soyez bien conscient que ce désavantage, pour ne
pas dire cette épreuve, sera d’autant plus facile à surmonter que vous aurez fait
l’effort de fournir à votre correcteur un texte bien structuré, logiquement construit,
précis, et argumenté dans un style clair et concis.

96 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Relations avec la revue
Choisir la revue
Après avoir pris en compte et intégré, lorsqu’ils étaient appropriés, les commentaires
que vous avez obtenus, y compris après la vérification finale de l’anglais, vous
commencerez à réaliser que votre article est proche de sa forme définitive pour
être soumis à une revue. C’est le moment de décider quelle est la revue la plus
appropriée. Certaines personnes conseillent de choisir la revue avant de commencer
à rédiger, mais cela n’est probablement pas une très bonne idée pour au moins
deux raisons. Premièrement, vous n’avez qu’une idée très générale de ce que vous
voulez dire avant d’avoir élaboré tout le raisonnement qui va vous permettre
d’écrire l’article. Vous n’avez très probablement pas assez de détails pour savoir
précisément comment vous allez le promouvoir dans la communauté scientifique.
Deuxièmement, les traitements de textes modernes vous permettent de mettre
votre texte facilement au format requis par une revue lorsque votre article est déjà
quasiment terminé, tout en y incluant les aspects spécifiques de la revue.
C’est seulement lorsque vous saurez exactement ce que vous avez à proposer
que vous pourrez décider sans ambiguïté quelle revue aura l’audience la plus
appropriée pour votre article. L’alternative consisterait à essayer d’orienter votre
article en cours de rédaction pour l’adapter à l’audience d’une revue donnée en
essayant d’améliorer ses aspects les moins convaincants. Néanmoins, le résultat
final serait très probablement un article beaucoup moins bon qu’il pourrait l’être.
Certains auteurs, tout particulièrement certains administrateurs de la recherche,
ont comme objectif principal de publier dans des revues ayant de très forts
facteurs d’impact (souvent abrégés IF en anglais). Cette stratégie s’explique parce
que les administrateurs de nombreuses institutions scientifiques et organismes
de financement décident de leurs financements en fonction du nombre d’articles
publiés par les chercheurs et du facteur d’impact des revues dans lesquelles ils
publient. Ceci est regrettable parce que, même si ces deux éléments sont quantitatifs
et faciles à utiliser, ils ne mesurent pas ou très mal la qualité de la recherche et la
justification de cette recherche, à savoir les deux choses qui importent réellement.
Tout et son contraire a été dit sur l’intérêt ou l’ineptie des facteurs d’impact. Ils
peuvent avoir un effet dévastateur sur le moral des jeunes auteurs qui cherchent
à publier, ou auxquels il est demandé de publier, dans des revues avec le facteur
d’impact le plus élevé possible. Certains chercheurs parlent même de la stratégie
qui consiste à soumettre votre article d’abord dans la revue avec le plus haut facteur
d’impact dans le domaine et, si l’article est rejeté, de le soumettre à la revue avec
le deuxième plus haut facteur d’impact et ainsi de suite, jusqu’à ce que finalement
une revue l’accepte. Le rejet d’un article, quelle qu’en soit la raison, est démoralisant
dans le meilleur des cas, mais s’exposer délibérément, ou pire encore exposer
votre étudiant à une forte probabilité de voir un article rejeté plusieurs fois n’est
vraiment pas judicieux. Et la probabilité d’un rejet est réellement élevée : certaines
revues à très haut facteur d’impact publient moins de 10 % des articles qui leur
sont soumis. Même les partisans de l’utilisation des facteurs d’impact soulignent
régulièrement avec raison que le facteur d’impact d’une revue se rapporte seulement

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 97
à la revue dans son ensemble et pas individuellement aux articles qu’elle contient.
Par conséquent, arriver à publier dans une revue à fort impact un article qui ne
sera lu que par un nombre restreint de lecteurs de cette revue contribuera peut-être
à augmenter le budget des financements de l’année suivante, mais cela n’aidera
guère à améliorer la reconnaissance des auteurs par leurs pairs.
Souvenez-vous que la première raison pour écrire un article scientifique est
que le plus grand nombre possible de personnes le lisent, le comprennent et en
soient influencés. Ce principe devrait aussi être la clé pour choisir la revue la plus
appropriée pour votre article. Cherchez la revue qui a les meilleures chances d’être
lue par le plus grand nombre de personnes que vous souhaitez influencer. Vous
vous êtes déjà assuré que la majorité de ces personnes liront et comprendront
votre article par la manière dont vous l’avez organisé et grâce au style lisible dans
lequel vous l’avez rédigé. Donc, vous aurez rempli toutes les
conditions essentielles si vous choisissez des revues qui sont
lues par des gens qui lisent votre type d’article.
Cherchez la revue
Soumettre l’article à la revue
qui a les meilleures
Beaucoup de facteurs entrent en jeu pour faire un bon article
chances d’être scientifique et nous avons traité dans ce livre la plupart de
ceux objectivement identifiables. Mais il y a aussi des facteurs
lue par le plus
subjectifs, qui font qu’un article est bon pour un auteur et
grand nombre excellent pour un autre. L’un des facteurs les plus importants
est la formation scientifique de chacun des lecteurs, qui ont
de personnes
par conséquent des préférences différentes pour certains des
que vous souhaitez thèmes discutés ou pour l’emploi de certains mots plutôt que
d’autres tout aussi appropriés. C’est pourquoi l’article parfait
influencer
n’a jamais été écrit. Par conséquent, ne continuez pas pendant
des mois, voire des années, à demander à vos collègues de
corriger et recorriger votre article en attendant vainement la perfection. Lorsque
les corrections que vous recevez ou celles que vous apportez ne concernent que
des différences mineures d’opinion, sans rien changer aux faits, à la structure, au
style ou à la lisibilité de votre article, il est temps de l’envoyer à la revue que vous
avez choisie. Après avoir vérifié une dernière fois les références, les éventuelles
erreurs typographiques et que vous avez bien suivi les règles de la revue stipulées
dans le guide aux auteurs, envoyez-le.
Lorsque vous envoyez votre article, vous pouvez augmenter vos chances qu’il soit
bien perçu par l’éditeur de la revue en l’accompagnant d’une lettre de présentation
(covering letter des revues anglo-saxonnes) bien argumentée. Cette lettre doit dire
plus que « Voici un article que j’aimerais que vous considériez pour être publié dans
votre revue ». Lorsque vous avez choisi la revue, vous l’avez fait pour certaines
raisons. Par exemple, votre article peut complémenter d’autres travaux récemment
publiés dans la même revue, ou il peut ouvrir de nouvelles perspectives sur des
problèmes connus qui sont dans le champ d’intérêt de la revue. Une déclaration
en deux ou trois phrases expliquant à l’éditeur pourquoi vous pensez que cette
revue peut être le moyen de diffusion idéal de votre article pourrait aider l’éditeur

98 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


à se faire une première opinion favorable et à vous donner un bon départ. Pour
la même raison, assurez-vous de relire la lettre de présentation afin de vérifier
tous les petits détails, tels que le nom et l’orthographe de la revue et de l’éditeur !

Les relations avec les éditeurs et les rapporteurs


Maintenant commence une phase d’angoisse tout à fait justifiée. Pour la première
fois, vous n’avez aucun contrôle sur le processus, parce vous avez remis votre article
dans les mains d’examinateurs invisibles, inconnus et peut-être désobligeants. Que
se passe-t-il pendant que vous attendez ? Vos angoisses sont-elles aussi justifiées
qu’elles le paraissent ?
La première personne à émettre un jugement est bien sûr l’éditeur, qui va
généralement examiner le titre, le résumé et la présentation générale de l’article pour
voir s’il est dans le domaine de la revue et s’il est conforme au « style maison ». C’est
là que votre lettre de présentation bien ciselée et bien ciblée peut être utile. L’éditeur
vous communiquera sa décision initiale rapidement, le plus souvent en quelques
jours. Si votre article ne semble pas remplir les conditions et ne pas correspondre au
domaine de la revue, l’éditeur vous en informera et vous conseillera d’essayer une
autre revue. Si votre manuscrit remplit les conditions de base, l’éditeur vous le dira
également et vous indiquera que le processus d’évaluation a commencé. Il choisira
deux noms, parfois trois, dans une liste de rapporteurs potentiels, appelés aussi
referees en anglais, qui lui semblent actifs dans le même domaine de recherche que
le vôtre. Ils recevront une copie de votre manuscrit pour qu’ils donnent leur avis,
en particulier sur l’originalité du travail, la qualité de la recherche, la méthodologie
et votre raisonnement à la fois pour faire le travail et en tirer des conclusions. En
général il ne leur est pas demandé de commentaires sur la rédaction, sauf sur les
fautes grossières telles que des erreurs d’orthographe ou des phrases incomplètes.
Ce travail est habituellement celui de l’éditeur, car c’est lui qui a le plus d’expérience
dans ce domaine et parce que les éditeurs sont les seules personnes qui peuvent
assurer l’homogénéité du style dans la revue.
De plus en plus, les revues utilisent les moyens électroniques pour accélérer
le transfert de l’information entre les auteurs, les rapporteurs et les éditeurs.
Malgré cela, le processus d’évaluation prend quand même toujours du temps et
de la patience, ces facteurs n’étant pas inépuisables ni toujours immédiatement
disponibles. Les rapporteurs étant des chercheurs en activité, ils sont rarement
capables de dédier immédiatement les heures nécessaires à l’évaluation correcte
d’un manuscrit. Celui-ci peut rester un bon moment, parfois plusieurs mois, coincé
sur le bureau d’un rapporteur pendant que la frustration de l’éditeur et celle des
auteurs augmentent progressivement. L’éditeur envoie des messages d’urgence,
les auteurs anxieux contactent l’éditeur pour avoir des nouvelles et les rapporteurs
se sentent coupables et débordés. En bref, ce processus, appelé évaluation par des
pairs, est loin d’être idéal. Mais il reste de loin la meilleure façon de nous assurer
que ce qui sera finalement imprimé est une recherche acceptable et de qualité
qui est sanctionnée par l’ensemble de la communauté scientifique. N’importe
quel système moins exigeant que l’évaluation par des pairs risque d’altérer la
réputation de l’ensemble de la recherche, en fournissant le même statut à une

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 99
recherche douteuse qu’à une recherche de qualité. Pratiquement tous les auteurs
ont souffert à un moment ou à un autre de cet interminable délai exaspérant entre
la soumission d’un manuscrit et son acceptation pour publication à cause d’un
rapporteur en retard. Donc, si vous tombez sur un tel rapporteur lors de votre
première soumission d’article, soyez philosophe et acceptez tout cela comme
faisant partie d’une étape malheureuse mais nécessaire du processus de recherche.
La deuxième évaluation, capitale, de votre texte par l’éditeur vient lorsqu’il a reçu
les rapports des rapporteurs. Après une relecture de votre article à la lumière de
ces rapports, l’éditeur décide de son acceptabilité pour publication.
Si tous les rapporteurs disent que le travail est bon et que l’éditeur pense que le
style et la présentation sont bons, vous recevrez une lettre par courrier postal ou
par courrier électronique dans laquelle l’éditeur vous annonce que l’article est
accepté avec quelques corrections mineures et qu’il sera publié dans un volume
à venir de la revue. Si vous recevez une lettre de ce type, vous avez toutes les
raisons du monde pour fêter cet événement, parce que, de manière peut-être
un peu surprenante, ce genre de lettre est plutôt rare de nos jours. Il est plus
fréquent, même si c’est aussi une bonne nouvelle, de recevoir un courrier dans
lequel les rapporteurs, l’éditeur, ou les deux, proposent que l’article soit modifié
pour plusieurs raisons et que, si vous suivez ces recommandations, l’éditeur fera
une nouvelle évaluation de l’article. Ces révisions sont généralement qualifiées de
mineures ou de majeures en fonction de l’estimation par l’éditeur de la quantité
de travail que ces modifications impliquent.
Vous serez certainement déçu ou même en colère parce que les rapporteurs ont
trouvé des fautes, petites ou grosses, dans le travail sur lequel vous aviez réfléchi
avec tant de soin et que vous aviez construit si soigneusement. Pire encore, vous
aurez peut-être l’impression que les rapporteurs n’ont pas tout compris, alors
qu’ils sont supposés être des experts du sujet. C’est pourquoi c’est souvent une
bonne idée de se donner le temps de digérer la réponse de l’éditeur et de la mettre
en attente dans un tiroir pendant quelques jours, plutôt que d’envoyer une réponse
rapide et inappropriée. Pour bien évaluer la valeur des commentaires de l’éditeur
et des rapporteurs, il faut prendre en compte les rôles que ces acteurs ont à jouer
dans le processus de publication. Ils ne sont pas là pour s’assurer que votre article
va être rejeté, même si vous pourriez être tenté de le penser. Les éditeurs ont deux
tâches principales, qui consistent à assurer la parution régulière de la revue et
garantir sa qualité scientifique et rédactionnelle. Pour cela ils ont besoin de travaux
comme les vôtres, mais ils veulent que ces travaux soient de la plus grande qualité
que vous puissiez produire en concertation avec eux. Les éditeurs assument en
général totalement la responsabilité de la qualité littéraire et de présentation.
Toutefois, ils ne sont généralement pas experts dans le domaine précis de votre
article et pour cette raison ils choisissent des rapporteurs pour évaluer l’intérêt
et la qualité de la recherche que vous voulez publier. Ces rapporteurs sont le
plus souvent des chercheurs qui travaillent dans un domaine proche de celui de
votre article et il leur est demandé d’évaluer la méthodologie, les résultats et le
raisonnement scientifique. L’éditeur ne considère pas automatiquement que les
rapporteurs soient plus compétents que vous ; il les considère plutôt simplement

100 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


comme des pairs qui jugeront le travail avec des points de vue différents. Par
conséquent, vous pouvez ne pas être d’accord avec un rapporteur et vous devez
pouvoir convaincre l’éditeur avec une raison logique pourquoi la partie de votre
article qui a été critiquée ne doit pas être modifiée. Si votre argumentation est
valide, il est probable que l’éditeur l’acceptera et qu’en fin de compte vous n’aurez
pas à faire les modifications suggérées par le rapporteur. De la même manière, si
un rapporteur dit que votre article doit être rejeté pour quelque raison que ce soit,
mais que l’éditeur indique qu’il est disposé à considérer une version révisée, tout
n’est pas perdu. Seul l’éditeur a le pouvoir de décider du rejet de votre article et
la lettre de réponse de l’éditeur est le document primordial de tous les éléments
qui vous reviennent après le processus d’évaluation.
Si cette lettre dit que votre article a été rejeté, évitez de perdre votre temps ou
votre réputation à essayer de faire changer d’opinion l’éditeur de cette revue.
Utilisez l’expérience et les commentaires obtenus pour évaluer de manière réaliste
et objective la possibilité d’améliorer votre article et de le soumettre à une autre
revue qui le considérera peut-être plus approprié. Souvenez-vous que le système
d’évaluation par des pairs est meilleur que tout autre système de vérification dont
nous disposons, mais il repose tout de même sur un jugement humain. Cela veut
dire qu’il a une forte composante liée aux facteurs humains tels que la subjectivité,
les opinions bien arrêtées et, osons le dire, les erreurs humaines et les abus. Le
tout peut aboutir à ce qu’un ou plusieurs des rapporteurs, et par conséquent
l’éditeur, émettent un avis erroné. Vous pouvez facilement vous remonter le moral
en vous souvenant qu’il y a beaucoup d’exemples bien documentés de découvertes
scientifiques majeures qui ont été rejetées par plusieurs revues réputées avant
d’être finalement acceptées et de produire leur impact.

Resoumettre l’article à la revue


Si vous avez été invité par l’éditeur à resoumettre votre article
pour évaluation, faites-le soigneusement et vous aurez de très
bonnes chances de succès. En fait, c’est ce que l’éditeur vous …la bonne nouvelle
dit indirectement en vous invitant à resoumettre une version
est que vous avez
corrigée de votre article et la bonne nouvelle est que vous avez
une liste écrite de conditions à remplir. Mais vous devez suivre une liste écrite
cette liste fidèlement et complètement en traitant chaque point,
de conditions
même infime, signalé par chaque rapporteur et par l’éditeur.
Pour chacun de ces points, notez ce que vous avez fait et, à remplir.
lorsque vous avez choisi de ne pas suivre une recommandation
complètement ou en totalité, notez-en les raisons. Ensuite, faites une liste séparée
de toutes ces réponses et joignez-la avec le reste de l’article corrigé lorsque vous le
resoumettez à l’éditeur. Cette liste lui facilite le travail pour vérifier vos corrections
et pour juger si vous aviez de bonnes raisons pour ne pas suivre certaines des
recommandations qui vous étaient faites.
Lorsque vous corrigez votre article en fonction des recommandations qui vous ont
été faites, vous faciliterez beaucoup la réévaluation de votre article en faisant preuve
d’une bonne dose de diplomatie dans la manière dont vous faites ces corrections.

R É D I G E R U N A RT I C L E S C I E N T I F I Q U E 101
Mettez de côté votre envie d’argumenter que c’est vous qui avez raison et pas le
rapporteur. De toute façon, et malheureusement pour votre ego, vous vous rendrez
compte que dans la plupart des cas le rapporteur a raison et que si vous acceptez
sa critique, votre document s’en trouvera amélioré. Mais, de temps en temps, vous
rencontrerez un commentaire qui s’apparente à une manie ou un parti-pris et qui
selon vous n’améliore pas ou très peu votre travail. Il faut alors vous demander si
vous pouvez accepter la correction proposée par le rapporteur, bien que vous ne la
trouviez pas meilleure que votre texte original. Si c’est le cas, soyez pragmatique,
faites la correction et remerciez le rapporteur pour sa suggestion. De cette manière,
vous construisez votre propre crédibilité comme étant un auteur raisonnable et
non pas quelqu’un qui bondit devant des suggestions dont la plupart ont été faites
probablement en toute bonne foi. Cette crédibilité est importante, parce que votre
refus sera pris en compte plus sérieusement par l’éditeur lorsque vous ne serez
pas d’accord avec une recommandation dont vous pensez qu’elle compromettrait
le message scientifique que vous présentez. En bref, c’est votre intérêt d’éviter
tout commentaire qui pourrait résulter de votre agacement ou de votre colère et
d’accepter de bonne grâce les suggestions marginales et sans importance.
Pour rejeter l’avis d’un rapporteur, les bons éditeurs ne considèrent pas que les
rapporteurs sont plus intelligents que les auteurs lorsqu’il y a désaccord entre
eux. Au lieu de cela, ils pèsent le pour et le contre des arguments et prennent leur
décision seulement en fonction de cela. Ainsi, si un rapporteur vous dit : « Votre
introduction manque de substance parce qu’elle ne mentionne pas l’important
travail de Bidule (2007) », et que vous répondez quelque chose comme : « En
dépit de son importance pour d’autres aspects, le travail de Bidule de 2007 n’a
aucun rapport avec la justification de l’hypothèse que j’ai testée dans cet article.
Il romprait la logique si je l’incorporais », la plupart des éditeurs acceptera votre
argument sans plus de questions.
En résumé, étant donné que le sort de votre article dépend de votre réponse
à l’éditeur, assurez-vous qu’elle soit excellente. Traitez soigneusement tous les
points soulevés par l’éditeur et les rapporteurs, même les plus infimes. Préparez
tout aussi soigneusement un document listant comment vous avez traité chaque
commentaire, comme cela est suggéré plus haut (page 101), de façon à ce
que l’éditeur puisse l’utiliser comme liste de contrôle. Incluez cette liste dans
votre nouvel envoi de l’article après correction, ainsi qu’une courte lettre de
présentation et répondez aussi rapidement que vous pouvez. Mais donnez-vous
quand même le temps de bien réfléchir à vos réponses, surtout pour les points de
controverse. Souvenez-vous qu’en vous invitant à soumettre une version révisée
et en définissant les conditions qui rendraient l’article acceptable, l’éditeur a pris
l’engagement tacite de l’accepter si ces conditions sont remplies. Votre objectif
est donc qu’il soit aussi difficile que possible à l’éditeur de trouver une raison
pour ne pas tenir son engagement, en traitant tous les points qui ont été soulevés.

102 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Rédiger et communiquer
avec d’autres
supports scientifiques

LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE QUE VOUS FAITES N’INTÉRESSE


pas seulement les personnes qui lisent les revues scientifiques
spécialisées. La transmission de votre recherche oralement, en affiche
ou poster, en articles de synthèse ou de vulgarisation pour informer
et attirer l’intérêt d’un public non scientifique, élargit votre sphère
d’influence. Mais l’objectif est différent pour chacun de ces moyens
de communication et il nécessite souvent une approche radicalement
différente de celle que vous utiliseriez pour la rédaction d’un article
pour une revue scientifique spécialisée. Dans cette section, nous allons
examiner ces objectifs et les moyens de les atteindre pour communiquer
avec succès.

Le texte pour une présentation orale à un séminaire scientifique 104


La conception et la préparation des posters pour une conférence 117
L’article de synthèse 125
La rédaction scientifique pour un public non scientifique 131
La thèse 138

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 103
Le texte pour une présentation orale
à un séminaire scientifique
La publication de résultats dans une revue scientifique spécialisée à comité de
lecture est sans conteste l’un des objectifs majeurs de tout chercheur souhaitant
remplir sa fonction avec succès. Mais le développement d’une recherche originale
et efficace et sa diffusion dépendent également d’autres éléments très importants
qui ne peuvent pas être accomplis pleinement par la seule activité de publication
dans des revues spécialisées. Se faire connaître, établir des contacts et des
collaborations, échanger des idées, sont également des conditions importantes
pour la valorisation de votre travail. Pour atteindre ces objectifs, la participation à
des séminaires scientifiques ou des conférences, et plus encore la présentation de
vos résultats dans ces réunions sont indispensables. Comme pour un article dans
une revue spécialisée, la qualité de votre communication sera déterminante, qu’il
s’agisse d’une communication orale ou affichée sous forme de poster.

Les clés de la réussite d’une communication orale


Si la rédaction de votre premier article scientifique vous paraît une tâche
impressionnante, alors la présentation de vos travaux à une conférence scientifique
risque de vous paraître encore plus effrayante. Non seulement
vous exposez vos résultats pour qu’ils soient examinés par
l’auditoire, mais en plus vous le faites en temps réel et vous
…une bien meilleure devenez en quelque sorte l’incarnation vivante du travail
approche est de que vous présentez. Donc, même si vos résultats et votre
raisonnement sont solides, ils courent le risque d’être ignorés
chercher à vous si vous gâchez tout par la manière dont vous les racontez. Une
distinguer, mais approche utilisée par beaucoup de conférenciers pour minimiser
ce risque est d’essayer de copier d’autres conférenciers qui
par l’excellence semblent être sortis indemnes de ce type d’épreuve. En les
de votre imitant, ils espèrent éviter d’être particulièrement naïfs ou
agaçants à écouter. Ce n’est pas une mauvaise idée, mais cela
communication dépend beaucoup des qualités de la personne qu’ils essaient
d’imiter. S’ils décident de copier des gens qui ne sont ni naïfs
ni agaçants, ils ne se distingueront peut-être pas comme étant de très mauvais
orateurs, mais ils seront peut-être quand même ennuyeux à écouter ou n’auront
aucun impact sur leur auditoire. En fait, une bien meilleure approche est de
chercher à vous distinguer, mais par l’excellence de votre communication. Une
présentation qui évite les clichés conventionnels et les rituels prévisibles mais
vides d’information et qui, en plus, fournit une prestation animée et enthousiaste,
incitera les gens à intégrer et retenir l’information nouvelle que vous leur proposez.
Une représentation ? Un spectacle ? Absolument ! Comment décrire autrement
une présentation en solo qui dure entre 10 et 30 minutes sur une estrade devant un
groupe allant jusqu’à plusieurs centaine de spécialistes ? Bien sûr, il faut avoir un
texte chargé de sens et capable de capter l’attention de l’auditoire. Mais sans une
prestation habile et fine, même de bonnes données peuvent être ignorées par des

104 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


congressistes submergés d’information. Chez certaines personnes, jouer comme
dans une pièce de théâtre vient plus naturellement que chez d’autres. Mais avec
un peu d’effort et quelques principes, chacun peut atteindre un niveau d’aisance
efficace et acceptable.
Ces principes peuvent eux-mêmes être divisés en deux éléments, ceux qui s’appliquent
à la structure de la communication et ceux qui s’appliquent à son style. De ces deux
éléments, c’est la structure de la présentation qui reste le plus important et, bien
souvent, le moins bien compris. Une communication bien structurée peut compenser
beaucoup un manque naturel d’aisance ou d’éclat dans le style de l’orateur.

Une structure bien pensée


Nous avons déjà vu qu’une structure bien pensée est un élément clé des articles
scientifiques écrits. La structure d’une communication orale est tout aussi
essentielle, mais elle est très différente. Une présentation orale doit être structurée
pour atteindre quatre objectifs principaux :
• capter l’attention de l’auditoire et la maintenir ;
• faire en sorte que l’auditoire se souvienne d’au moins une partie de votre
message ;
• faire en sorte que l’auditoire se souvienne des bonnes parties de votre
message et pas des mauvaises ;
• terminer votre communication avant la fin du temps imparti.

Capter l’attention de l’auditoire


Votre message est la seule chose sur laquelle vous voulez que l’auditoire se concentre :
ne le distrayez avec rien d’autre. Une technique ultramoderne peut vous aider à faire
passer votre message, mais ne doit pas l’occulter en la mettant trop en avant. Mais
une prestation négligée distrait aussi l’auditoire et le détourne de votre message.
La structure classique d’une bonne communication orale commence par l’annonce
de ce que vous allez dire, suivie d’une étape dans laquelle vous développez les
détails de ce que vous voulez dire et enfin d’une étape qui résume ce que vous avez
dit. Cette séquence temporelle fonctionne parce que la première partie prend en
compte le besoin de vos auditeurs d’avoir une idée générale qui sert de contexte
pour absorber les précisions que vous voulez leur faire retenir. La deuxième partie
leur donne ces précisions et la troisième partie leur donne le temps de réfléchir à
l’ensemble de la présentation en renforçant le message clé.
Quand vous préparez votre texte, c’est une bonne idée d’adopter un point de
vue pessimiste en imaginant quel pourrait être l’état d’esprit de vos auditeurs au
moment de votre présentation. Imaginez par exemple que vous êtes le troisième
orateur de la session après le déjeuner et que vous avez été précédé par deux
orateurs particulièrement ennuyeux. L’auditoire, en dépit de ses meilleures
intentions, est assommé, somnolent et cherche des distractions. Vous avez été
introduit par le président de séance et vous arrivez au pupitre pour prendre la
parole. Il serait irréaliste d’espérer que, dans une telle situation, l’assistance vous

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 105
attende avec impatience pour noter chacune des révélations que vous êtes sur le
point de lui faire. Au lieu de cela, les participants sont peut-être en train de penser
que vous avez les cheveux en bataille, que vous avez l’air nerveux, qu’il fait trop
chaud ou que la session est trop longue. C’est votre premier obstacle. Vous pourriez
faire une entrée spectaculaire en vous prenant les pieds dans le fil du micro ou
en renversant le verre d’eau du président de séance sur ses genoux, mais il serait
difficile de maintenir le même niveau pour le reste de votre communication. De
telles actions unifieraient certainement les pensées de tout l’auditoire, mais pas
d’une manière qui l’encouragerait à faire attention à ce que vous dites. Les mots
restent votre outil principal et votre phrase d’ouverture est cruciale. Elle doit créer
un impact et, en même temps, inciter les gens à vouloir en entendre davantage.
Ne gâchez pas votre entrée par quelque chose comme :
« Le titre de ma présentation cet après midi est ‘L’effet du
facteur inhibiteur de la leucémie sur la synthèse de la protéine
du lait dans les cellules épithéliales de la glande mammaire
Vous ne pouvez chez la vache’. »
pas espérer que Un titre n’est pas l’annonce du thème général dont vous
allez parler mais une annonce précise du sujet que vous allez
vos auditeurs présenter et ce sont deux choses différentes. Si la personne qui
comprennent préside la session fait bien son travail, l’auditoire connaîtra déjà
le titre de votre présentation de toute façon.
des points précis
Une alternative serait de commencer en annonçant tout de
sans avoir une suite un détail tel que :
idée d’ensemble « Suite à des études très complètes de la mamelle chez la vache
du problème en 2006, Trucmuche et ses collaborateurs ont conclu que la
production de protéines du lait par les cellules épithéliales peut
être inhibée sous certaines conditions… »
Vous ne pouvez pas espérer que vos auditeurs comprennent des points précis sans
avoir une idée d’ensemble du problème. Mis à part le type d’auditeur compulsif
qui ne veut pas perdre une seule miette d’aucune présentation du congrès,
pratiquement tout le monde risque de retomber instantanément dans son état de
somnolence digestive avec une entrée en matière aussi pointue. Combien plus
attrayante serait la formule suivante :
« Cet après-midi, je vais vous montrer que le facteur inhibiteur de la leucémie
inhibe la production de lait et de protéines dans la glande mammaire chez la vache
et qu’en bloquant son activité, nous pouvons augmenter la production de lait ».
Non seulement la phrase est plus informative, mais en plus elle annonce aux
auditeurs ce à quoi ils doivent s’attendre. C’est un résumé de toute la présentation
en une seule phrase.
Par conséquent, avant de rédiger votre communication, représentez-vous l’idée
d’ensemble de votre travail. Elle constituera votre message principal. Ensuite,
imaginez l’annonce la plus spectaculaire, stimulante ou intellectuellement
provocante que vous pouvez honnêtement dire à son propos.

106 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Ce sera votre déclaration d’ouverture.
Mais en auriez-vous trop dit en adoptant cette approche ? Pas du tout : votre
fonction est de transmettre un message, pas de garder des secrets, provoquer des
surprises ou raconter un mystère compliqué. Au contraire, l’adage « Dites leur
ce que vous allez leur dire, ensuite dites-le leur et, après, dites leur ce que vous
leur avez dit » fait des merveilles dans une présentation scientifique orale. Dans
notre cas, l’adage pourrait être transposé de la manière suivante : commencez par
une formule frappante qui contienne un mini-résumé, puis utilisez l’essentiel de
votre exposé pour présenter votre message principal et convaincre l’auditoire et
enfin terminez avec une conclusion contenant le message à ramener chez soi. Bien
entendu le message à ramener chez soi est le même que le message avec lequel
vous avez commencé votre exposé. Ainsi, si vous avez des problèmes pour décider
comment vous allez terminer une communication, votre problème sera résolu au
moment même où vous déciderez comment vous allez la commencer. Le début
et la fin de votre exposé sont les deux moments clés au cours desquels l’auditoire
sera le plus attentif. Assurez-vous de leur impact, en élaborant soigneusement
votre message le plus fort pour ces deux moments.

Faire en sorte que l’auditoire se souvienne


d’au moins une partie de votre message
Maintenant que vous avez gagné l’attention de toutes les personnes susceptibles
d’être intéressées, comment allez-vous la maintenir ? Vous parlez en temps réel à
une assemblée de personnes qui vivent, respirent et réfléchissent. Ils continueront
à vivre et à respirer quoi que vous disiez mais, s’ils réfléchissent à autre chose
que ce que vous dites, autant parler à un mur. Il faut donc que votre auditoire se
sente impliqué dans le travail que vous présentez. Vous devez donc préparer votre
texte dans un style qui dialogue avec l’auditoire plutôt que dans un style qui ne
fait que transmettre des informations. Ce style de conversation ne nuit pas à la
valeur de l’exposé, contrairement à certaines opinions. Le mot magique qui aide
à produire un style conversationnel et que vous devriez utiliser chaque fois que
cela vous semble approprié est le mot « vous ». Chaque fois que vous l’employez,
les auditeurs ont le sentiment de participer à l’exposé.
« Vous vous demandez peut-être pourquoi nous avons utilisé… »
« Si vous regardez les deux valeurs à droite du tableau… »
« La pente de la droite n’est pas aussi prononcée que ce à quoi vous auriez pu
vous attendre … »
Chaque fois que vous utilisez « vous », vous incitez vos auditeurs, qu’ils le veuillent
ou non, à penser qu’ils sont bien pris au sérieux, qu’ils ont bien compris et ne sont pas
abusés et, ce faisant, ils sont automatiquement attentifs. Dans une moindre mesure,
les mots « je » ou « nous » et la forme active plutôt que la forme passive ont un effet
similaire. Ils impliquent l’orateur dans ce qui constitue l’essence de son exposé.
« Je (nous) n’ai (n’avons) pas pu obtenir deux séries particulières de mesures
parce que… »
au lieu de « Il y avait deux séries de données manquantes parce que…. »

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 107
« J’interprète cela comme… »
au lieu de « Cela semble vouloir dire que… »
Ce style personnel aide vos auditeurs à vous imaginer, la personne qu’ils ont
devant eux, en train de vous frayer votre chemin au cours de votre travail et votre
raisonnement, ce qui renforce le message que vous êtes en train de leur transmettre.
Un autre moyen de soutenir et retenir l’attention est d’inclure un peu d’humour dans
votre exposé. Cela allège une session chargée et si vous pouvez inclure avec succès
une blague en début de votre exposé, vous maintiendrez au moins l’attention de
certaines personnes parce qu’elles en attendent une deuxième. Malheureusement,
tout le monde n’est pas doué pour raconter des blagues et tous les auditoires ne
répondent pas de façon prévisible à une plaisanterie. De plus, un humour forcé est
pire que tout. Les anecdotes du style de « Connaissez-vous la blague du… » ou « Ça
me rappelle celle du boucher unijambiste…. » sont à éviter absolument, parce qu’elles
annoncent justement que vous allez dire une blague et que vous vous attendez à
ce que votre auditoire rie à la fin. Cela peut vous conduire parfois à une situation
très inconfortable si la blague tombe à plat. En revanche, les bons orateurs dans les
réunions scientifiques développent leurs plaisanteries par de très légères variations
du texte sérieux et s’appuient sur des remarques ou des formulations de phrase
inattendues plutôt que sur des blagues prévisibles. De cette manière, l’humour ne
gâche pas ou peu de temps et augmente beaucoup l’attention, quand il atteint son
but. Si cela ne fonctionne pas, ce qui arrive parfois avec un auditoire apathique ou
somnolent, vous pouvez continuer sans même indiquer que vous vous attendiez
à une réaction. Si vous avez commencé avec une introduction du style de « Est-ce
que vous connaissez celle de… », vous ne pourrez pas éviter d’être embarrassé si
l’auditoire ne répond pas à votre blague.

Être conscient dès le départ que vous êtes plus compétent


que votre auditoire
Cela peut sembler arrogant, mais il y a deux raisons pour cela. D’abord, pourquoi
sont-ils rassemblés pour vous écouter si vous n’êtes pas plus compétent qu’eux ?
Deuxièmement, même si vous pensez qu’il y a des personnes plus intelligentes que
vous dans la salle, vous restez la personne la plus compétente pour parler de votre
travail. Vous êtes celui ou celle qui a passé des mois ou des années à travailler sur
le sujet de recherche très précis que vous présentez et la majorité de l’assistance
va obtenir grâce à vous une grande partie de cette nouvelle connaissance dans
les quelques minutes de votre exposé. Partant de là, il est impératif que vous
offriez à vos auditeurs la possibilité de suivre le flux d’information, mais la
question est combien de temps leur faut-il ? Les experts nous indiquent que des
auditeurs attentifs qui ne connaissent pas intimement un domaine de recherche
sont capables d’intégrer une nouvelle idée toutes les trois minutes. Si les idées
leur sont présentées plus rapidement, leur concentration diminue et ils cessent
d’absorber de nouvelles informations.
Lorsque vous structurez une présentation de 30 minutes, cela veut dire que vous
devez vous limiter à 10 nouvelles idées pour tout votre exposé. Par contre, si vous

108 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


devez parler seulement 10 minutes sur ce même sujet, vous devez alors vous
limiter à seulement trois idées différentes et abandonner l’intention d’introduire
les sept autres. C’est une décision souvent très difficile à accepter pour un
chercheur enthousiaste qui a tant de choses à dire. Ne vaudrait-il pas mieux
aborder chacune des dix idées brièvement et montrer l’ensemble des thèmes liés à
votre travail, plutôt que de passer sous silence des pans entiers du sujet que vous
voulez traiter ? La réponse est un non indiscutable. Présenter vos dix concepts
en dix minutes provoquera inévitablement un verrouillage dans le cerveau de
l’auditeur et il n’assimilera et ne retiendra rien. Au contraire, trois idées essentielles
présentées complètement et en détail auront beaucoup plus de chances de laisser
une impression durable et, pour certains auditeurs au moins, les motiveront
à s’intéresser plus avant au sujet. Et cela pourrait bien inclure la plupart des
sept points que vous avez délibérément choisis de ne pas présenter. En fait, certains
de ces points risquent fort d’être évoqués au moment des questions si vous avez
réussi à intéresser votre auditoire.
Votre domaine vous est tellement familier que vous trouvez
peut-être ennuyeux de parler lentement, pour donner le temps
à vos auditeurs de bien suivre le fil de votre exposé. Vous seriez
certainement ennuyeux si vous répétiez simplement exactement Un bon moyen
la même chose pendant trois minutes. Mais si vous abordez
de résumer et en
intelligemment le même sujet sous des angles différents,
vous permettrez à l’assistance de percevoir progressivement même temps de
l’ensemble de l’idée que vous êtes en train d’exposer. Certains
varier votre style,
angles de présentation seront plus compréhensibles pour
certains auditeurs que pour d’autres, parce qu’ils associeront consiste à alterner
votre information avec d’autres connaissances qu’ils possèdent
régulièrement
déjà. En définitive, l’association avec ce que nous savons déjà
est la façon dont la plupart d’entre nous apprenons et retenons entre le général
des informations nouvelles. Répéter la même information
et le particulier
sous des formes différentes est la meilleure façon de s’assurer
qu’elle sera comprise par le plus grand nombre possible
de personnes.
Heureusement, dans une présentation orale, vous disposez de beaucoup plus de
liberté pour vous répéter que dans une publication écrite. En fait, les auditeurs
ne peuvent pas assimiler et vérifier les informations en modifiant leur rythme de
prise d’information comme le font les lecteurs d’un texte écrit. C’est pourquoi
vous devez aider l’auditeur à suivre le rythme pour que votre présentation orale
soit profitable. Donc, vous pouvez résumer au fur et à mesure que vous avancez
dans votre exposé. Votre résumé permet à l’auditeur de réfléchir à ce que vous
venez juste de dire sans avoir le sentiment qu’il va peut-être manquer ce que vous
êtes sur le point de dire.
Un bon moyen de résumer et en même temps de varier votre style consiste à
alterner régulièrement le général et le particulier. Une série de détails peut devenir
ennuyeuse, à moins d’être interrompue par une généralisation qui résume ce
que ces détails veulent dire. À l’inverse, des principes très généraux peuvent

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 109
être illustrés et clarifiés en donnant des exemples précis pour illustrer l’impact
de ces généralisations, particulièrement si ces exemples parlent aux auditeurs.
Lors de votre exposé, vous aurez très certainement des documents audiovisuels
pour vous aider, comme un diaporama contenant des photos, des graphiques et
des tableaux, ou même du matériel qui peut être utilisé pour une démonstration
visuelle et gestuelle théâtrale. Tous ces outils vous permettent de renforcer votre
argument tout en donnant à vos auditeurs le temps de se mettre au même niveau
de raisonnement que vous, sans pour autant avoir à vous répéter.
Les orateurs expérimentés deviennent habiles à évaluer comment réagit leur
auditoire à ce qui est dit et y prêtent attention. Quand ils s’aperçoivent que
l’attention commence à baisser dans l’assistance, ils utilisent cela comme signal
pour passer au point important suivant. À l’inverse, s’ils jugent que les auditeurs
sont encore en train d’assimiler l’information présentée et que
cela nécessite plus de temps, ils ralentissent pour leur en donner
le temps avant de passer au point suivant. Ralentir ou accélérer
votre débit, bien sûr en restant dans des limites raisonnables,
Personne ne vous
vous permet de garder le rythme de votre présentation en
critiquera si vous harmonie avec la capacité de l’assistance à le suivre.
lisez. Par contre, Tout cela pourrait suggérer que votre présentation devrait
être une affaire d’improvisation adaptée en fonction de votre
on le fera sans
estimation de l’auditoire plutôt qu’une structure préétablie. Ce
doute si vous n’est pas du tout le cas. Pour que votre exposé ait de bonnes
donnez l’impression chances d’être réussi, il doit être soigneusement structuré et
présenté en respectant cette structure aussi fidèlement que
que vous le faites ! possible. Il n’y a pas de problème à faire des petits ajustements
pour tenir compte de l’humeur et des capacités de votre
auditoire, mais des envolées fantaisistes qui vous viennent à
l’esprit pour la première fois au milieu de votre présentation sont des recettes
potentielles de catastrophe. Vous ne pouvez jamais être sûr de combien de temps
vous allez avoir besoin pour les mener à bien et vous saurez encore moins quel
va être leur effet sur vos auditeurs. De plus, une fois que vous aurez abandonné
la structure que vous aviez soigneusement mise au point, cela peut devenir un
cauchemar pour y revenir. Même si vous avez admiré un orateur particulièrement
doué qui ne semblait pas avoir de notes et qui paraissait improviser tout son
exposé, ne vous y trompez pas. Si l’exposé était bon, il avait probablement été
préparé et répété de nombreuses fois pour en faire finalement l’exposé brillant
que vous avez apprécié.
Par conséquent, suivez votre scénario, mais soyez conscient aussi que l’impact que
vous aurez sera diminué s’il devient évident pour l’auditoire que vous lisez et que
vous dépendez d’un scénario préétabli. Une stratégie est de répéter votre exposé et
de le connaître par cœur, de telle sorte que vous puissiez le délivrer sans paraître
du tout dépendre de vos notes. D’un autre côté, cela peut être risqué de n’avoir
aucune note, parce que si vous n’avez aucun support de secours, vous devenez
vulnérable à la moindre défaillance de mémoire ou de concentration. Une option
plus sûre est d’avoir vos notes sous la main. Personne ne vous critiquera si vous

110 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


lisez. En revanche, on le fera sans doute si vous donnez l’impression que vous le
faites ! L’astuce est donc de garder vos notes pour vous aider, mais assurez-vous
bien de ne pas montrer que vous les lisez. Ce n’est pas aussi difficile que cela
semble l’être à première vue si vous suivez trois règles simples.
• Répétez votre présentation de manière à savoir ce qu’il y a dans vos notes,
au moins suffisamment par cœur pour pouvoir relancer votre exposé à
partir de mots repères, plutôt que d’avoir à lire toutes vos notes.
• Ne lisez jamais en même temps que vous parlez. Essayez de gardez le
contact visuel avec votre auditoire pendant tout le temps où vous parlez.
Quand vous lisez, faites-le en silence.
• Essayez de synchroniser vos périodes de lecture avec les temps morts
suivant l’introduction d’une nouvelle diapositive, ou d’une information
qui prend quelques secondes pour être digérée par les auditeurs.
Votre auditoire prendra votre silence pour des bonnes manières ou
une synchronisation bien planifiée. Les auditeurs seront probablement
suffisamment occupés par leurs propres réflexions pour ne même pas
réaliser que vous êtes en train de lire la suite de votre exposé.
Une autre possibilité est d’utiliser des aides audiovisuelles, non seulement pour
aider l’assistance mais pour vous fournir à vous aussi des points de repères et vous
aider à garder le fil de vos idées. Mais là encore, les mêmes règles s’appliquent.
Ne vous laissez pas aller à lire textuellement ce qui apparaît à l’écran. C’est encore
plus facile pour vos auditeurs de s’en rendre compte que si vous lisiez des notes
écrites. Assurez-vous que ce que vous dites renforce et complète ce que l’assistance
peut lire à l’écran et vice versa, mais utilisez des mots différents et, si possible, une
approche différente. De toute façon, le matériel montré à l’écran doit se limiter
à des points concis ou des titres et il ne doit surtout pas consister en de longues
portions de texte. Ainsi, vous serez obligé de développer ces points en temps réel,
ce qui donnera de la spontanéité à votre discours.

Valoriser les temps morts


Nous nous représentons naturellement un auditoire comme un groupe de
personnes qui sont là pour écouter ce que nous avons à dire. Cependant, dès
le moment où vous leur présentez des informations sur un écran, vous leur
demandez de faire deux choses à la fois, lire et écouter. En fait, la plupart des gens
ne peuvent pas le faire et vous devez garder cela présent à l’esprit lorsque vous
élaborez votre présentation. Par conséquent, si vous voulez que les gens assimilent
ce que vous dites, le matériel que vous projetez doit être aussi court que possible.
Lorsqu’une nouvelle information arrive à l’écran, elle devient automatiquement
l’élément le plus nouveau et le plus attractif vers lequel l’assistance dirige son
attention. Le temps nécessaire pour que les auditeurs se concentrent à nouveau sur
ce que vous dites dépend largement de la quantité et la complexité de l’information
projetée à l’écran. Ce moment est souvent appelé temps mort parce que tout ce que
vous pouvez dire pendant cette période est largement ou totalement ignoré. Vous
pouvez tenter l’expérience, de préférence avec un auditoire amical. Projetez une
diapositive et regardez l’assistance sans rien dire lorsque la diapositive apparaît

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 111
sur l’écran. Vous allez vous apercevoir qu’il faut 5 à 10 secondes avant que les
premières personnes se rendent compte qu’elles sont en train de lire en silence.
Une alternative est que vous disiez quelque chose de totalement absurde pendant
le temps mort ; il y a de bonnes chances que personne ne s’en aperçoive ! Vous
pouvez utiliser le temps mort pour lire vos notes en silence sans être remarqué ou,
si le silence vous incommode, vous pouvez en profiter pour donner des détails
marginaux sur la diapositive que l’assistance commence à regarder, comme la
description des axes d’un graphique ou des variables d’un tableau. Quel que soit
votre choix, rappelez-vous que ce n’est pas le moment pour délivrer les messages
clés de votre exposé, ni même le message clé de la diapositive que vous êtes en
train de présenter. Pour faire cela, attendez que l’assistance soit revenue en mode
d’écoute.

Un texte pour lire et un texte pour parler


Le contenu d’une communication scientifique orale à une conférence est très
différent de celui d’un article scientifique écrit pour présenter la même recherche
dans une revue spécialisée. C’est tellement vrai qu’il est impossible de les intervertir
de manière satisfaisante. Cela veut dire que si la conférence dans laquelle vous
allez exposer à l’oral publie aussi des comptes rendus, appelés généralement
Proceedings en anglais, vous devez alors rédiger deux textes, un pour les comptes
rendus et un autre pour votre présentation. Ils différeront sur pratiquement tous les
points mis à part le sujet de la présentation, aussi bien pour la structure (tableau 3)
que pour le style et la présentation (tableau 4).

Tableau 3. Différences de structure entre un texte préparé pour une présentation orale à une
conférence et le texte de cet exposé à publier dans les comptes rendus de cette même conférence.

Élément Pour la présentation orale Pour publication dans


les comptes rendus

Phrase d’ouverture Essentiel que cette phrase ait le Peut être moins conclusive et
plus d’impact possible plus introductive

Introduction 40 % du total (temps) 5-10 % du total (espace)

Méthodes et résultats 40 % du total (temps) 40-60 % du total (espace)

Discussion 20 % du total (temps) 30-60 % du total (espace)

Phrase de clôture Un résumé clair du message le Pas nécessaire. Inutile de


plus important, similaire à ou reprendre une conclusion déjà
complémentaire de la phrase présentée avant.
d’ouverture

Résumé Fournir des mini-résumés tout Un résumé informatif dans une


au long de l’exposé section prévue à cet effet

112 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Tableau 4. Différences de style et de présentation entre un texte préparé pour une présentation
orale à une conférence et le texte de cet exposé à publier dans les comptes rendus de cette même
conférence.

Élément Pour la présentation orale Pour publication dans


les comptes rendus

Répétitions Très souhaitables Très peu

Longueur Quelques secondes de moins Aussi court que possible


que le temps imparti

Matériel accessoire Diapositives, « PowerPoint », Seulement les tableaux et figures


transparents ou équivalent pour pertinents
renforcement du texte

Humour Souhaitable mais pas essentiel Indésirable

Grammaire Correcte, mais fautes mineures Bonne, aucune faute admise


sans conséquences - 1re et 2e
personnes utilisées souvent

Style Conversationnel et simple Correct et simple - Précis, clair


et concis

Références Le moins possible Le nombre nécessaire pour


appuyer une argumentation
solide

Remerciements Le moins possible Courts mais appropriés

Contrôler la durée de votre exposé


Tous les chercheurs considèrent comme un accomplissement d’être sélectionnés
pour faire une présentation orale dans une conférence importante. Ils peuvent être
légitimement satisfaits d’avoir l’opportunité d’exposer leur travail à des collègues,
mais ils ne doivent pas laisser leur enthousiasme les entraîner à vouloir en dire trop.
Rien ne dessert aussi sûrement un bon exposé que de dépasser le temps alloué.
Tout d’abord, c’est faire preuve d’impolitesse à plusieurs niveaux :
• vis-à-vis de l’orateur suivant, qui sera peut-être forcé de raccourcir
sa présentation ou être privé de sa session de questions pour respecter
le programme ;
• vis-à-vis du président de séance, qui peut le ressentir comme un défi
d’autorité envers sa fonction ;
• vis-à-vis de l’auditoire en général, car la succession d’exposés qui
dépassent le temps alloué résulte en un allongement de la session, souvent
déjà très chargée et une fatigue accrue des participants.

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 113
Ensuite l’orateur n’y gagne rien, bien au contraire ! Les orateurs qui sont satisfaits
d’avoir placé un ou deux faits supplémentaires en grappillant quelques minutes
devraient y réfléchir à deux fois.
En fait, l’une des premières règles pour la personne présidant une réunion est
précisément de gérer la session en respectant l’horaire. Les bons présidents de
séance sont sans pitié jusqu’à en être intransigeants envers des orateurs qui
cherchent à déborder sur leur temps de parole. De tels présidents ne permettent
pas aux orateurs de continuer même quelques secondes au-delà du temps prévu.
La tragédie, c’est que c’est la fin de la présentation qui est supprimée, c’est-à-dire
la conclusion finale avec le message à ramener chez soi ou, en d’autres termes, la
partie dont l’auditoire est supposé se souvenir. Et c’est bien sûr la partie essentielle
de tout l’exposé. Le résultat de cette sanction sera que la structure de l’ensemble de
l’exposé ne sera plus perceptible et la présentation sera inévitablement un échec.
Mais vous pouvez aussi avoir le cas inverse. Que va-t-il se passer si l’orateur
s’est rendu compte que le président de séance n’est pas très strict et en profite
pour continuer opiniâtrement pour finir sa présentation malgré les injonctions du
président de séance ? Le résultat sera le même. À partir du moment où le président
commence à s’approcher de l’orateur avec l’intention évidente de terminer l’exposé,
l’assistance réalise qu’il va y avoir du spectacle. Elle commence à se concentrer sur
la stratégie du président pour faire taire l’orateur et sur les réactions de ce dernier.
Est-ce qu’ils vont se fâcher ? Est-ce que l’orateur va faire semblant de ne pas voir
le président ou ignorer ses instructions ? Mais le point important dans tout cela,
c’est que quelle que soit l’information nouvelle que l’orateur peut arriver à délivrer,
personne ne l’écoute vraiment et elle sera perdue. Un désordre inopiné réveillera
peut-être l’assistance, mais pas pour les bonnes raisons.
Par conséquent, les raisons pour respecter votre temps de parole sont évidentes
et il y a des moyens simples pour y arriver. Premièrement, calculez le temps
maximal dont vous disposez. Comptez 10 % de moins que ce qui est annoncé
dans le programme, duquel il faut retrancher encore 30 secondes. En d’autres
termes, pour un exposé de dix minutes vous devez prévoir un temps de parole
réel de huit minutes et demie. Les 10 % restants sont à prévoir pour les temps
morts entre orateurs, le temps de présentation par le président, les ajustements de
matériel comme l’installation du micro de l’orateur ou l’ouverture de votre fichier
de présentation et autres détails du même ordre. Les 30 secondes permettent de
couvrir le fait que les orateurs parlent généralement plus vite quand ils répètent
dans leur salle de bain que dans un grand amphithéâtre devant une assistance
nombreuse. Si, en faisant ces ajustements, vous avez surestimé la durée de
votre exposé et que vous prenez moins de temps que prévu, personne ne s’en
rendra compte excepté le président, car personne d’autre ne vous chronomètre.
Et, au moins, vous n’aurez offensé personne et le président vous sera toujours
reconnaissant d’avoir respecté l’horaire. En revanche, si vous sous-estimez votre
temps de parole et que vous le dépassez, ne serait-ce que de quelques secondes,
vous courrez le risque de discréditer tout votre exposé.
Après avoir décidé de combien de temps vous disposez, il est pratique de faire
une liste des diapositives que vous pensez présenter, avec un titre qui résume

114 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


la fonction de chacune d’entre elles. Cela vous permet de visualiser facilement
l’ensemble de la séquence temporelle logique entre vos idées. De plus, cela vous
permettra également de décider précisément de la place de chacune des idées
novatrices que vous voulez introduire et vérifier que vous respectez bien la règle
générale d’une idée nouvelle par trois minutes.
Une fois cette liste établie, faites une ébauche des diapositives correspondantes,
puis répétez et chronométrez ce que vous avez à dire. Si vous prenez plus de temps
que ce que vous avez calculé, supprimez sans merci ce que vous considérez être
l’information la moins importante que vous aviez prévu de présenter, jusqu’à
tenir dans le temps prévu. Quand votre exposé s’appuie sur une projection de
diapositives ou une présentation PowerPoint, le moyen le plus sûr de gagner
du temps est de supprimer des diapositives. Une règle grossière pour estimer
le temps est de compter que vous allez passer entre une et deux minutes par
diapositive. Si vous prenez moins de temps, c’est probablement que vous parlez
trop vite et si vous passez plus de deux minutes sur une diapositive, c’est qu’elle
est probablement trop compliquée. Dans tous les cas, si vous avez plus de six ou
sept diapositives pour un exposé de dix minutes, c’est un signe que soit votre
présentation risquera d’être trop longue, soit vous respecterez votre temps de
parole mais vos auditeurs ne mémoriseront pas une bonne partie des informations
présentées parce que vous aurez parlé trop vite. Finalement, une fois cette étape
de chronométrage terminée et que vous êtes certain de respecter votre temps de
parole, vous pouvez affiner les diapositives sélectionnées pour leur donner leur
forme de présentation définitive.
Une précaution supplémentaire consiste à rédiger une ou deux phrases qui seront
votre message de conclusion et à l’apprendre par cœur. Cela vous permettra, si
besoin est, de le délivrer au moment le plus important de votre exposé, ou à tout
autre moment où vous en pourriez en avoir besoin. Ce « take-home message », pour
reprendre l’expression consacrée des anglo-saxons, peut être une véritable bouée
de sauvetage, par exemple si vous avez perdu la notion du temps et pris du retard
sur vos prévisions et que vous n’avez plus le temps de conclure ou, pire encore, en
cas de panne du système de projection. Dans vos notes, surlignez un paragraphe
vers la fin que vous seriez prêt à supprimer afin de gagner le temps nécessaire
pour pouvoir placer votre point crucial en conclusion finale. Même si vous pensez
que cette suppression va rompre la fluidité de l’exposé, ce sera beaucoup moins
perceptible pour l’assistance que si vous êtes obligé de vous arrêter brutalement
sans aucune conclusion.
Supprimer de l’information pour arriver à terminer votre exposé, si la fin vous
est brutalement imposée, sans perdre la face, peut être parfois difficile à accepter,
mais ce n’est pas aussi dramatique et décevant que cela peut paraître à première
vue. Par exemple, il y a généralement un temps pour les questions à la fin de la
plupart des sessions de communications orales. Ce temps peut être employé à
compléter certains points que vous n’avez pas pu présenter, si quelqu’un dans
l’audience (un ami, peut-être ?) pose une question à ce propos. Souvenez-vous
aussi que les conférences et les séminaires se limitent rarement à des présentations
formelles. Il y a généralement beaucoup d’occasions pour les gens intéressés

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 115
de discuter ensuite avec vous individuellement de votre exposé ou d’autres
aspects de votre travail. La condition primordiale que votre communication doit
remplir absolument, c’est d’être stimulante et intéressante. C’est pourquoi votre
priorité doit être de présenter votre idée principale efficacement et de laisser une
bonne impression.

Terminer votre exposé


Depuis quelques années il semble y avoir une forte tendance à présenter une
diapositive finale de remerciement à toutes les personnes sans exception ayant eu
quelque chose à voir avec le travail présenté, ou une illustration amusante avec
des mots comme « Merci » ou « Merci pour votre attention ».
Réfléchissez à cela un instant. Vous vous êtes efforcé pendant toute votre
présentation de faire passer une histoire cohérente, en concluant avec le point le
plus important de votre histoire, tout cela pour le balayer et le remplacer par une
liste de noms que l’auditoire ne connaît probablement pas et avec lesquels il n’a
aucune relation, ou une vague formule pour remercier vos auditeurs d’être restés
tranquilles pendant votre exposé. Mais il n’y a guère qu’à une réunion politique
où vous risqueriez d’être chahuté si vous faites un mauvais discours.
Le plus souvent, la dernière diapositive reste à l’écran pendant tout le temps dédié
aux questions. Quel dommage de perdre une telle occasion de renforcer votre
message alors que les auditeurs finissent d’assimiler ce que vous venez juste de
leur présenter. À ce moment-là, un message bien tourné et qui reste affiché a toutes
les chances de stimuler des questions intéressantes de la part de l’assistance. En
revanche, je n’ai jamais entendu dire qu’une liste de collaborateurs ait stimulé
quoi que ce soit.
L’objectif d’une communication orale bien conçue ne devrait certainement pas être
de présenter une liste de collaborateurs et encore moins d’en faire un point fort.
Cela peut vous donner bonne conscience mais, pour l’assistance, c’est simplement
un élément d’information sans intérêt. Malgré cela, si vous avez le sentiment
que vous devez absolument remercier quelqu’un, faites comme un aparté dans
la partie principale de votre présentation, à un moment où vous pensez que
l’auditoire peut avoir besoin d’une pause dans le flux d’information. Par exemple,
vous pourriez faire part de votre sincère appréciation de la contribution d’un
ou plusieurs collègues lorsque vous présentez un résultat ou une idée auxquels
ils ont particulièrement contribué. Mais votre dernière diapositive devrait être
réservée comme vecteur pour renforcer le message principal que vous présentez.

116 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Conception et préparation de posters
pour des conférences
Depuis environ 25 ans, une nouvelle forme de communication scientifique, le
poster ou communication affichée, s’est développée et est devenue très répandue.
Dans les conférences importantes, la programmation de communications orales
pour tous ceux qui le souhaitent est devenue de plus en plus difficile à organiser.
Certaines conférences mènent six ou sept sessions orales simultanément pour
permettre à tous les participants de présenter un exposé. Une telle organisation
est non seulement très coûteuse, mais aussi inefficace parce que les participants
se retrouvent souvent devant un choix impossible entre deux ou trois exposés
intéressants programmés à la même heure dans des sessions différentes.
Par conséquent, une solution très appréciée à ce problème
est de demander à une partie des chercheurs de préparer des
posters résumant leur travail, de les afficher sur des panneaux
disposés dans une ou plusieurs pièces réservées à cet effet et Le poster doit
d’être disposés à discuter avec les participants que leur poster agir comme un
intéresse. Aujourd’hui, des sessions entières sont dédiées à
la présentation et la discussion des posters et le spectacle de catalyseur pour
participants arrivant avec des tubes cylindriques contenant inciter un membre
leur contribution pour la session de posters est maintenant
très répandu dans la plupart des conférences. de l’assistance
Les formats traditionnels de présentation d’un article écrit ou à communiquer
même d’une présentation orale sont bien sûr de peu d’utilité avec l’auteur aussi
pour préparer un poster. Le support est relativement nouveau,
mais les auteurs ont maintenant testé ce système depuis un longtemps que les
certain temps en utilisant divers formats, de sorte que les deux interlocuteurs
principes qui caractérisent un bon poster commencent à émerger.
le souhaitent.
Il y a deux différences majeures entre les posters et les
présentations orales. La première est évidemment que
l’auditoire des posters n’est pas captif. Les membres de l’assistance peuvent
se promener devant des dizaines, voire des centaines de posters, choisir de lire
n’importe lequel et ignorer complètement ceux qu’ils ne trouvent pas attrayants.
Il en résulte que les participants à un congrès peuvent se retrouver complètement
submergés par la quantité d’information qui les entoure et ne pas voir ou ne pas
réagir à une grande partie des posters, noyés dans cette masse d’information. La
deuxième différence est que les présentations orales occupent un temps prédéfini
pendant lequel toute l’assistance est captive, que l’exposé soit intéressant ou pas.
Les posters peuvent maintenir l’attention de participants de façon individuelle
pour des durées allant de quelques secondes à une heure ou plus et le sujet abordé
peut dépasser largement celui présenté dans le poster. En fait, le poster doit agir
comme un catalyseur pour inciter un membre de l’assistance à communiquer avec
l’auteur aussi longtemps que les deux interlocuteurs le souhaitent. Au contraire,
la présentation orale est strictement limitée au sujet et au temps annoncés. Pour
ces différentes raisons, les deux formes de communication ont chacune leurs

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 117
partisans et leurs détracteurs. Mais en tout état de cause, aujourd’hui les posters
sont un mode de diffusion de l’information très populaire dans la communication
scientifique moderne.

Qu’est ce qui fait le succès d’un poster?


Un poster doit remplir quatre objectifs. Il doit, dans l’ordre :
• attirer le regard ;
• faire une déclaration qui interpelle l’intérêt du passant ;
• fournir des justifications sous forme de données ;
• inciter le spectateur à en savoir plus en discutant avec l’auteur.
Le poster doit non seulement accomplir cela, mais pour les trois premiers objectifs,
il doit le faire en un temps très court. Obéir à cette contrainte temporelle très stricte
est la clé pour la conception d’un bon poster.
Imaginez les participants à un congrès de taille moyenne entrant dans la salle
des posters pour regarder et s’informer sur 200 posters ou plus en un temps
qui ne dépasse pas, disons, deux heures. S’ils voulaient tous les parcourir, ils
auraient en moyenne 36 secondes pour chaque poster. C’est bien évidemment
impossible et il leur faut donc choisir lesquels ils vont ignorer et lesquels ils vont
examiner en détail. Ils commencent à se promener dans les rangées, en jetant un
œil à chaque poster pour décider s’ils vont y jeter un deuxième coup d’œil (ou
peut-être un troisième). Si la conférence est bien organisée, les participants seront
en possession de la liste des communications affichées en début de congrès ou
même avant et ils pourront faire leur choix et préparer la liste des posters qu’ils
souhaitent voir avant le début des sessions de posters. Y compris, dans certains
cas un résumé vous sera demandé lorsque vous soumettrez votre contribution au
congrès et, si votre poster est accepté, votre résumé sera publié dans les Mémoires
du congrès. Si un tel résumé vous est demandé, construisez-le en appliquant les
mêmes règles que celles proposées pour la construction du résumé d’un article
scientifique. Mais même ainsi, un participant peut établir une liste assez longue
des posters qu’il souhaite consulter, entre lesquels une certaine compétition peut
exister, sans oublier la possibilité d’être attiré par un poster non sélectionné mais
très séduisant. Par conséquent attirer le regard reste une priorité.
En clair, un poster doit attirer l’œil du passant en moins de deux secondes.
Si votre poster réussit à accrocher le regard, le congressiste commencera à chercher
quelque chose d’intéressant. À ce stade, trois choses peuvent se passer.
• Le poster n’est pas dans le domaine d’intérêt de la personne, qui s’en rend
rapidement compte et continue son chemin.
• Le congressiste ne peut pas identifier rapidement un message clair dans le
poster et décide de ne pas perdre plus de temps à le chercher et continue
son chemin.
• Le congressiste trouve un message clé l’informant que le poster concerne
quelque chose qui l’intéresse et reste là pour lire en détail le reste du poster.

118 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Cela aussi doit prendre peu de temps : un poster doit stimuler l’intérêt
scientifique en moins de 10 secondes.
Si le poster a franchi avec succès cet obstacle, le congressiste, qui est maintenant
devenu un lecteur, commence à chercher dans le poster une justification et un
développement du message qui l’a initialement attiré. Cette justification et ce
développement viendront sous la forme de données et de précisions qui développent
l’information principale contenue dans le message clé. Ces éléments de justification
et de conclusion doivent être lisibles en un temps assez court. En effet, les conditions
de lecture sont souvent mauvaises (bruit, chaleur, confinement, présence de
personnes faisant écran) et le degré de concentration du lecteur baisse rapidement.
En pratique, le contenu d’un poster doit pouvoir être lu en 30 à 60 secondes.
Maintenant, le lecteur du poster aura suffisamment d’information sur le travail
affiché pour pouvoir poser des questions à l’auteur à propos de la méthodologie,
de détails sur d’autres travaux prévus ou déjà réalisés, les possibilités d’embauche
ou tout autre sujet que vous pourriez imaginer.
À ce stade, le poster aura rempli sa mission avec succès : il n’y a virtuellement
aucune limite de temps pour les discussions entre les lecteurs intéressés et les
auteurs d’un poster.

La structure d’un poster réussi


… les bons
L’un des spectacles les plus tristes dans les congrès est celui
d’auteurs désolés et seuls à côté de leur poster, parce qu’ils posters doivent
n’ont pas tenu compte des quatre objectifs mentionnés ci- adopter un format
dessus. Compte tenu des contraintes extrêmement fortes
concernant le temps très court dont le poster dispose pour radicalement
atteindre ces objectifs, il est clair que les bons posters doivent différent de celui
adopter un format radicalement différent de celui d’un article
écrit ou d’une présentation orale. La séquence temporelle d’un article
introduction, matériel et méthodes, résultats, discussion et conclusion écrit ou d’une
ne fonctionne pas du tout pour le poster. Les objectifs sont
différents, donc le format doit être différent. présentation orale

Attirer le regard
Nous voyons parfois des posters qui trahissent la main de graphistes professionnels ;
ils attirent invariablement l’attention comme le feraient des publicités bien pensées.
Toutefois, la plupart des auteurs de posters scientifiques n’ont pas accès à une
aide aussi spécialisée et doivent recourir à des moyens moins professionnels et
généralement moins coûteux pour séduire leur assistance. Ceci ne devrait pas être
un obstacle majeur. En définitive, attirer l’œil est important, mais ce n’est pas ce qui
incite les autres chercheurs à s’arrêter et lire le poster. Son contenu et la présentation
astucieuse de ce contenu sont ce qui provoque la lecture. De façon très générale, la
plupart des scientifiques ont assez d’intuition pour s’assurer que la présentation de
leur travail est suffisamment agréable pour que la plupart des passants s’y arrêtent.

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 119
Dans un chapitre précédent concernant les articles écrits, nous avons vu que pour
souligner les points importants il n’y avait pas beaucoup d’options, mises à part la
position et la taille des énoncés. La conception des posters n’est pas limitée par la
plupart de ces contraintes. Vous pouvez jouer sur de nombreux éléments pour inciter
le spectateur à jeter un deuxième coup d’œil. Cela va du choix des couleurs, ou
même l’utilisation d’une couleur de fond au lieu du blanc classique, à la répartition
et au contenu des photographies et des graphiques, en passant par l’utilisation de
toute une palette de polices de caractères ou de différents diagrammes.

Mais, avant cela, nous devons faire attention à nous débarrasser d’un certain nombre
d’éléments qui rendent les posters désagréables. Le défaut de loin le plus courant
dans les posters est l’excès d’information. Une présentation qui ressemble à une page
agrandie d’un livre de référence spécialisé n’est visuellement pas du tout attrayante.
Comme l’information ne peut évidemment pas être lue en 30 à 60 secondes, le plus
souvent les gens ne vont même pas essayer de le faire. Ils le feront d’autant moins
qu’ils sont impatients de jeter aussi un œil à tous les autres posters affichés, ou au
moins à tous ceux qu’ils ont sélectionnés. Un autre facteur qui anéantit toute envie de
lire se trouve dans les posters dépourvus d’imagination et composés de différentes
sections, généralement les mêmes que celles d’un article écrit (introduction, matériel
et méthodes,…), chacune imprimée sur une feuille de format standard (21 x 29,7 cm)
et collée sur le panneau dans l’espace disponible. L’effet est encore pire si le texte et
l’information présentés n’ont pas de relation directe avec le message que le poster
devrait transmettre. Ces défauts rendent la lecture très ardue pour un lecteur qui
se tient dans une pièce bruyante au milieu de plusieurs centaines de congressistes.
Un troisième défaut très courant chez les auteurs de posters est l’utilisation d’une
taille de caractère trop petite pour être lue à plus d’un mètre. La présence d’un seul
de ces trois défauts suffit pour empêcher que le poster ait une chance raisonnable
d’attirer le regard de l’assistance.

Faire une déclaration qui interpelle l’intérêt du passant

C’est sur ce point que des décisions majeures doivent être prises. Vous devez
condenser toute l’information scientifique importante de votre poster en un texte
qui puisse être lu en 10 secondes au plus. En pratique, cela correspond à environ
trois phrases qui doivent ressortir suffisamment pour être détectées lors du premier
examen visuel. Ces phrases n’ont pas besoin d’être obligatoirement ensemble et elles
peuvent être renforcées par des informations additionnelles moins proéminentes sur
lesquelles le lecteur peut revenir plus tard. Mais elles doivent représenter le message
essentiel de la communication. En d’autres termes, ce texte peut être constitué
de titres bien élaborés et judicieusement placés, ou de deux ou trois phrases qui
résument l’ensemble de l’histoire que vous voulez raconter. Avec cette règle simple à
l’esprit, il devient évident que vous devez ignorer complètement plusieurs éléments
d’un article écrit pour une revue scientifique, y compris sa structure habituelle.
Comme nous l’avons déjà vu, des titres comme introduction, matériel et méthodes,
résultats et discussion sont presque toujours inappropriés dans un poster. Ils ne
contiennent aucune information réelle et les lecteurs n’ont tout simplement pas le
temps ou l’envie de lire le texte placé sous ces titres. Leur fonction dans un article

120 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


écrit est de servir de panneaux indicateurs pour permettre au lecteur de localiser
les différentes sections. Dans un poster, vous pouvez remplacer chacun de ces titres
par une ou deux phrases qui résument toute la section. Et l’ordre dans lequel vous
les présentez peut être assez flexible. En effet, le congressiste qui passe devant
votre poster cherche généralement à identifier le résultat principal, exprimé sous
une forme résumée et associé avec la conclusion majeure. À moins qu’il s’agisse
d’un poster de méthodologie, c’est rarement une bonne idée de se préoccuper de
matériel et méthodes à ce stade, et en tout cas pas de manière détaillée.

Fournir des justifications sous forme de données


Maintenant que vous avez attiré le lecteur, vous pouvez commencer à justifier
vos quelques phrases de message essentiel, mais vous devez vous souvenir que le
temps et l’espace disponibles restent encore pour l’instant votre souci principal. La
priorité que vous devez garder à l’esprit reste que si la lecture d’un poster prend
plus de 60-70 secondes en tout pour le lire, aussi court que cela paraisse, il risque
tout simplement de ne pas être lu ! Par conséquent, les données que vous choisissez,
ou les tableaux et figures que vous présentez doivent être les plus importants. Vous
avez vu auparavant que si nous choisissions des données d’un article écrit, les
données importantes seraient uniquement des données de catégorie 1, à savoir qui
vous permettent de dire quelque chose de substantiel sur votre hypothèse. Toute
information de moindre importance doit être éliminée sans pitié. Nombreux sont les
auteurs que cela perturbe, car ils ont l’impression qu’en faisant cela ils ne présentent
pas l’histoire complète. Mais ils devraient garder présent à l’esprit que l’objectif du
poster n’est pas de délivrer le message complet, mais d’inciter les gens à vous parler.
Lorsque vous avez atteint cet objectif, cela vous offre l’opportunité de présenter
des informations sur ce que vous voulez, y compris des données qui n’ont a priori
rien à voir avec votre poster si vous le jugez utile, et à condition bien sûr que votre
interlocuteur soit toujours là et n’ait pas été rebuté par la densité de votre information.
Lorsque les lecteurs entament l’étape de la lecture de vos données justificatives,
vous pouvez considérer qu’ils ont vraiment envie de savoir ce que vous avez à dire
et ils se placeront devant le poster pour le lire en détail. Par conséquent, la taille des
caractères de vos données justificatives n’a pas besoin d’être aussi grande que celle
de l’information utilisée au départ pour capter l’attention de vos lecteurs. En fait, si
vos données justificatives entrent en compétition avec vos messages clés pendant la
phase initiale, la confusion qui en résulte peut conduire les lecteurs à abandonner
leur lecture et continuer leur chemin plutôt qu’à s’arrêter pour comprendre ce que
vous voulez dire. Le poster doit clairement permettre de faire la différence entre
l’information utilisée pour attirer l’attention et celle qui sert à justifier le message
d’appel.

Inciter le spectateur à en savoir plus en discutant avec l’auteur


Le prix que vous avez eu à payer pour arriver jusqu’à ce stade de communication
de votre poster est que vous n’avez pu mettre en valeur que votre meilleure
information. Une bonne partie de votre travail et bon nombre de ses détails ont
été abandonnés pour convertir le passant nonchalant en un lecteur intéressé. En

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 121
revanche, maintenant que vous avez établi le contact vous pouvez regagner ce
terrain et, de plus, vous n’êtes pas limité seulement à la conversation. Vous pouvez
avoir un document écrit qui fournit plus d’information que le poster lui-même et
vous pouvez aussi inclure d’autres documents que vous aimeriez transmettre à un
collègue intéressé par votre sujet. Vous pouvez même distribuer
des tirés à part de vos articles les plus récents pour renforcer
votre présent message. Le point le plus important dont vous
…ce n’est pas juste devez être conscient est que la raison réelle de présenter votre
poster est d’arriver à engager la discussion avec des collègues
une question de intéressés par votre travail. Par conséquent, ce n’est pas juste
préparer un poster une question de préparer un poster accrocheur, original et
informatif. Vous devez aussi être capable d’en parler.
accrocheur, original
Si vous vous êtes bien préparé pour cette phase en ayant des
et informatif. Vous documents additionnels ou en ayant préparé et répété les
devez aussi être réponses aux questions et commentaires les plus probables,
vous atteindrez alors l’objectif de vous faire pleinement
capable d’en parler. apprécier, vous et votre travail, à la conférence où vous
présentez votre poster.

Exemples de bons et de mauvais posters


Pour illustrer l’emploi des techniques que nous venons d’évoquer, imaginons
que vous avez effectué une expérience sur l’utilisation de cases de maternité
chauffées, pour les porcelets nouveau-nés. Supposons que vous ayez trouvé que
le chauffage des cases à une température confortable pour les porcelets pendant
la première semaine de leur vie a un effet positif sur la fréquence à laquelle ils
tètent leur mère et sur leur taux de croissance.
Vous pourriez être tenté de concevoir votre poster en suivant servilement le format
d’un article scientifique écrit pour un journal spécialisé : introduction, matériel et
méthodes, résultats, discussion et même remerciements et bibliographie. Il contiendrait
beaucoup d’informations et nécessiterait un bon moment pour le lire. Toutefois,
il ressemblerait à quelque chose comme le premier poster présenté ci-dessous,
très chargé, sans rien pour attirer le regard (Figure 1).
À l’inverse, en appliquant les principes que nous avons vus, le même travail
peut être présenté de manière beaucoup plus efficace, comme cela est illustré
dans le second poster, tout aussi fictif sur le plan scientifique que le premier, bien
entendu (Figure 2).
Ce deuxième poster délivre l’information simplement, rapidement et dans le bon
ordre. Remarquez en particulier comment les trois sous-titres principaux délivrent
l’essentiel du message en un temps très court lorsqu’ils sont lus l’un à la suite de
l’autre. La lecture prioritaire de ces sous-titres est assurée par la grande taille de
leurs caractères, par le fait que cette taille est la même pour les trois sous-titres et
par l’ordre dans lequel ils sont disposés dans le poster. Il en résulte que ce poster
a de bien meilleures chances que le précédent d’atteindre son objectif d’inciter un
participant à s’arrêter, lire et finalement discuter les données avec l’auteur. J’irais

122 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


même plus loin : y compris en l’absence de l’auteur, un congressiste retiendra
probablement plus d’information de ce second poster que du premier. Enfin, la
photographie de l’auteur dans un coin du poster permettra, bien sûr, au lecteur
de savoir à qui il doit s’adresser pour entamer la discussion.

Figure 1. Un type de poster à éviter.

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 123
Figure 2. Un poster attractif capable de faire passer son message principal en quelques instants.

124 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


L’article de synthèse
L’article de synthèse, ou revue bibliographique, est important en littérature scientifique
parce qu’il présente une vue d’ensemble d’un domaine scientifique qui est plus vaste
que celle qu’on peut aborder dans l’introduction ou la discussion d’un article portant sur
un résultat original bien précis. Néanmoins, il ressemble beaucoup à une discussion
par son format même si son envergure est plus importante. En fait, il possède tous les
attributs de la discussion d’un article scientifique, excepté qu’il discute et rassemble
tous les travaux concernant un thème de recherche indépendamment de ses auteurs,
plutôt que de se limiter à vos nouveaux résultats en relation avec ceux de vos pairs
et avec votre hypothèse.
Comme pour une discussion, l’intérêt de l’article de synthèse réside dans les idées
novatrices et les conclusions qui y sont développées. Il y a trente ans ou plus, quand
la quantité de littérature publiée était beaucoup moins importante
que maintenant, les articles de synthèse servaient de guide pour
identifier les principales découvertes de chercheurs actifs dans un
domaine donné. Les lecteurs intéressés pouvaient ainsi se faire …le rôle d’une
assez rapidement une idée de l’état des recherches au moment où
bonne synthèse
la synthèse était publiée. Ils pouvaient utiliser la liste de références
bibliographiques pour sélectionner des articles à consulter. Ce rôle est de fournir
de catalogue scientifique n’est plus aussi pertinent aujourd’hui,
des idées et des
car il est rempli de façon beaucoup plus efficace par les systèmes
de recherche de littérature par internet, beaucoup plus rapides raisonnements
et puissants que ce que la plupart des auteurs sont capables
originaux dépassant
d’accomplir. En revanche, les ordinateurs ne peuvent pas élaborer
des raisonnements à propos de cette littérature, du moins pas la littérature de
encore. Par conséquent, le rôle d’une bonne synthèse est de
départ, qui sont
fournir des idées et des raisonnements originaux dépassant la
littérature de départ, qui sont des ingrédients indispensables du des ingrédients
progrès scientifique. Une revue bibliographique qui ne fait que
indispensables du
citer l’information existante est de peu d’utilité et elle aboutit
immanquablement à un catalogue ennuyeux des données progrès scientifique.
disponibles sans fournir de nouvelles idées. Le défi est de fournir
au lecteur une partie de ce catalogue, tout en l’analysant et en l’organisant afin
qu’il n’ait pas l’air d’un catalogue, mais qu’il apporte des idées novatrices. Si cette
structuration est réussie, la synthèse rassemble des informations bien digérées que les
lecteurs auraient eu à examiner à partir de nombreuses sources différentes, ainsi que
des idées émergentes qui sont le produit de cette digestion par votre brillant cerveau.
Bien sûr, pour présenter des arguments bien construits dans le domaine sur lequel
vous écrivez une synthèse, vous avez à utiliser des références et des informations
dans la mesure des besoins de votre argumentation. Par conséquent, vous n’êtes
pas obligé d’être exhaustif dans le nombre de références que vous citez. Le premier
objectif d’une bonne revue bibliographique n’est pas de présenter un catalogue
totalement complet de noms, de dates et de faits. La qualité essentielle d’un article
de synthèse moderne repose exclusivement sur l’excellence de ses idées, de son
raisonnement et de ses conclusions.

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 125
À première vue, tout cela peut sembler une tâche écrasante. Après tout, un article
de synthèse ne consiste pas à discuter une information nouvelle ou une expérience
et ne contient pas de données originales. En fait, les articles de synthèse qui
présentent des informations nouvelles sous forme de résultats non publiés ou
de communications personnelles peuvent être très décevants et scientifiquement
inacceptables. De telles informations ne permettent d’avoir accès aux données
et d’évaluer la méthodologie utilisée pour obtenir les résultats. Si l’auteur juge
indispensable d’utiliser des résultats non publiés dans un article de synthèse, ce
qui peut arriver, il a l’obligation scientifique de fournir assez de détails pour que
les données puissent être vérifiées par d’autres.
Par conséquent, dans la mesure du possible, le rédacteur d’un article de synthèse
utilisera les données de travaux déjà publiés dans des articles antérieurs et
développera des arguments à partir de ces données. C’est sur ce processus que
repose une bonne synthèse. Chacun de ces articles contient ses propres résultats
et conclusions, mais ces conclusions ne prenaient en compte que la littérature
disponible lorsque l’article avait été rédigé. L’auteur d’une synthèse a l’opportunité
d’examiner de façon plus globale les informations tirées de tous les articles qu’il a
rassemblés et d’en tirer des conclusions et des idées novatrices, inaccessibles aux
auteurs des différentes publications prises individuellement. Ces conclusions et ces
idées peuvent être très variées. Elles peuvent inclure des réflexions nouvelles sur le
sujet scientifique concerné, des suggestions pour la résolution de conflits existant
dans la littérature, des propositions de recherches futures, des implications pour
des innovations appliquées ou encore des applications dans d’autres secteurs de
recherche. En résumé, les articles de synthèse remplissent une fonction importante
dans la littérature scientifique que les articles traitant de résultats originaux ne
peuvent pas accomplir.

Structure de l’article de synthèse


Il n’y a pas de données nouvelles dans un article de synthèse, ce qui implique qu’il
n’y a besoin ni d’une section de matériel et méthodes, ni d’une section de résultats. Il
y a juste une introduction simple et cette section ne se termine pas nécessairement
par une hypothèse comme dans un article de recherche. Cela n’exclut pas d’avoir
une hypothèse et, en fait, lorsque la littérature publiée permet à elle seule de
clarifier une prédiction résultant d’un raisonnement, c’est une manière élégante
de commencer votre synthèse. De toute façon, l’introduction doit toujours définir
le thème couvert par l’article. C’est important parce qu’une des difficultés dans
la rédaction d’un article de synthèse est de définir les limites du sujet qui va être
traité. Les lecteurs, de leur côté, veulent aussi savoir ce qu’ils sont sur le point de
lire et quels aspects du sujet sont abordés dans l’article ; c’est dans l’introduction
qu’ils cherchent cette information.
Au-delà de ce point, le format et la présentation et ne sont généralement pas
aussi rigides que pour un article de recherche. Ils peuvent varier avec le thème
et l’étendue de la synthèse et permettent de proposer une présentation assez
libre. Mais cette liberté même présente ses propres défis. Le principe de rendre la
lecture aussi facile et compréhensible que possible s’applique aussi pour l’article

126 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


de synthèse. Cela veut dire que vous, rédacteur, devez développer vos arguments
logiquement et clairement et que vous devez tirer des conclusions et résumer
constamment tout au long de votre article.
Les lecteurs d’un article de synthèse s’attendent à y trouver trois éléments. Si ce
n’est pas le cas, ils vont certainement très rapidement trouver l’article ennuyeux.
Ils recherchent :
• des idées novatrices ;
• toute la littérature se rapportant à ces idées et les justifiant ;
• des informations spécifiques qui clarifient ces idées.

Des idées novatrices


Une caractéristique essentielle d’un bon article de synthèse est que le lecteur soit
amené jusqu’aux frontières de la connaissance sur le sujet abordé. Le moyen le plus
satisfaisant d’atteindre cet objectif est d’utiliser la méthode maintenant familière
de développer logiquement des arguments qui aboutissent à des conclusions ou
de nouvelles hypothèses susceptibles d’être testées dans des expérimentations
futures. Qu’il s’agisse de conclusions ou d’hypothèses, ces idées constituent le
cœur de votre synthèse : ce sont elles qui la différencient d’un catalogue de faits.
Quant aux hypothèses, elles doivent, bien sûr, être appuyées par l’information
existante et pouvoir être testées, comme dans un article de recherche de données
originales. Néanmoins, elles en diffèrent légèrement. En effet, dans un article de
données originales, l’hypothèse est la pierre angulaire de l’article et doit testée
immédiatement avec la technologie disponible. Dans un article de synthèse en
revanche, l’hypothèse est une proposition pour une expérimentation dans le
futur à une date non définie. Il est alors possible que la technologie disponible
au moment de la publication de la synthèse ne soit pas suffisante pour tester
l’hypothèse proposée. De ce fait, un des apports des bons articles de synthèse
peut être de souligner les secteurs où la technologie a besoin d’être améliorée pour
que la recherche puisse progresser. Bien entendu, vous devez rester raisonnable
dans votre interprétation de ce qui peut être testé. Des idées qui ne pourront
probablement jamais être testées ne sont que de la pure spéculation.
Il est impossible de proposer de nouvelles hypothèses sur tous les aspects que
vous abordez dans votre article de synthèse. Un article cohérent contiendra par
conséquent au moins certaines parties composées de simples faits et d’informations
qui ne conduisent pas directement à l’élaboration d’hypothèses. Cela ne vous
empêchera pas de vous livrer à des interprétations et de donner votre propre
opinion en vous appuyant sur votre connaissance du domaine. Vous pourrez ainsi
résumer sous une forme synthétique et didactique des idées ou des informations
qui n’avaient pas été complètement mises en valeur par leurs auteurs. De cette
manière, la valeur de l’information disponible peut être résumée en une conclusion
qui aide à orienter le lecteur. En fait, les lecteurs souhaitent trouver ce type de
contenu dans une synthèse et sont déçus s’ils sont livrés à eux-mêmes pour tirer
leurs propres conclusions d’un paquet d’informations mélangées. Si vous dites « Je
pense que Brun (1980) a raison parce que… » ou « L’interprétation de Brun (1980)

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 127
est la plus réaliste parce que… », vous n’apportez aucune information ou aucune
idée novatrice, mais vous ajoutez quelque chose à l’interprétation de données ou
de théories existantes. Vous remarquerez cependant l’importance de la conjonction
« parce que » dans chaque clause introductive. La présentation de matériel sous
forme argumentée d’idées, d’opinions et de jugements, marque la personnalité
et l’habileté scientifique de l’auteur de l’article de synthèse. Nous pouvons donc
dire que l’information n’est pas originale, étant donné qu’elle a déjà été publiée
ailleurs, mais l’article est néanmoins original et intéressant parce qu’il s’appuie sur
ces données pour élaborer de nouveaux points de vue.
La bonne nouvelle est qu’il est assez facile d’arranger et de présenter votre
information de manière à générer cette nouveauté pour informer et satisfaire vos
lecteurs. Il suffit de se servir de l’impact qu’un paragraphe
bien construit permet de produire. Lorsque vous préparez
votre article de synthèse, la première étape est de vous poser
La présentation de la question « de quoi vais-je parler ? ». Pour y répondre, le
plus simple est de faire un plan, un peu comme une table des
matériel sous forme
matières, qui énonce les différents points que vous allez aborder
argumentée d’idées, et de les organiser en une suite logique. En plus, lors de cette
phase poussez votre effort de réflexion un peu plus loin. Passez
d’opinions et de
à l’étape suivante qui consiste à formuler la conclusion que vous
jugements, marque voulez tirer pour chacun de ces sujets ou des éléments qui les
composent. Si vous notez ces deux informations de base, à savoir
la personnalité
le sujet et le message que vous voulez que le lecteur retienne,
et l’habileté vous avez l’essentiel de ce dont vous avez besoin pour écrire tout
votre article. Maintenant, vous pouvez attribuer un paragraphe
scientifique de
à chaque sujet et les deux informations que vous avez notées à
l’auteur de l’article son propos deviennent les phrases d’ouverture et de conclusion
de ces paragraphes : le sujet est votre thème d’ouverture et le
de synthèse
message votre conclusion. En bref, vous avez fait le plus gros du
travail de réflexion pour votre article. Vous n’avez pas encore
sous les yeux les mots pour le milieu de chaque paragraphe, c’est-à-dire ce qui
constitue le développement logique. Mais maintenant que vous avez clairement
formulé son thème et sa conclusion, il vous sera très facile de trouver les mots
qui vous manquent pour expliquer pourquoi votre conclusion est raisonnable. Ce
sera facile non seulement parce que vous avez déjà fait la plus grande partie de
la réflexion quand vous avez énoncé votre conclusion, mais aussi parce que vous
vous concentrerez uniquement sur la justification de cette conclusion et rien d’autre,
jusqu’à ce que vous passiez au paragraphe suivant. Savoir où vous allez lorsque
vous écrivez est un excellent moyen pour ne pas vous perdre.

La bibliographie
Dans la mesure du possible, vous devez présenter toute la littérature pertinente
relative au thème de votre synthèse, ou tout au moins fournir une piste bibliographique
de références en citant d’autres articles de synthèse qui contiennent ces références.
Nous savons tous que certaines données scientifiques sont plus fiables que d’autres

128 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


et il est courant qu’une bonne synthèse fasse ressortir ce fait. Il est évident que pour
développer une conclusion, la seule information qui vaut la peine d’être utilisée est
celle qui est fiable. Toutefois, vous ne pouvez pas ignorer une information pertinente
relative au sujet dont vous discutez, simplement parce qu’elle va à l’encontre de vos
conclusions. Cette information doit être présentée et rejetée par une argumentation
sans faille, ou alors vous devez expliquer pourquoi vous pensez qu’elle n’est pas
pertinente. Des conclusions s’appuyant sur des données sélectionnées sans bonne
raison sont sujettes à une critique immédiate et perdent toute crédibilité. D’un autre
côté, il peut arriver que vous n’arriviez pas à utiliser des données fiables parce
que vous ne les trouvez pas pertinentes pour l’argumentation que vous voulez
développer. Dans ce cas, elles doivent certainement être exclues afin que votre
raisonnement reste clair et ne soit pas encombré par des informations déplacées.
De plus, vérifiez dans votre introduction que vous avez bien précisé que le thème
de votre synthèse n’incluait pas de telles données.
Un autre danger, lorsque vous respectez la règle selon laquelle toutes les données
pertinentes doivent être incluses, est qu’il y ait trop de références sur un point
donné à des endroits clés de votre article. La solution consistant à citer toutes les
références est sans réel intérêt, mais il existe deux autres possibilités. La première
est de citer le travail du premier ou des premiers auteurs à avoir fait le travail dont
vous parlez. La deuxième solution réside dans le fait que certains points de votre
article ont déjà été certainement abordés dans une autre synthèse avec les références
adéquates. Donc, un raccourci acceptable consiste à citer cet article de synthèse. Ces
deux méthodes vous permettent de couvrir l’ensemble de la littérature, même si une
partie des références n’est pas dans la section bibliographie de votre propre article.

Rester centré sur votre sujet


Le fait qu’un article de synthèse couvre généralement un sujet plus étendu qu’un
article de résultats originaux est souvent un encouragement à gaspiller de la place
avec des banalités. Les généralisations reposant sur un raisonnement logique font
bien sûr partie intégrante de la méthode scientifique. Mais des généralisations telles
que « Des recherches approfondies sont nécessaires pour comprendre le rôle exact des
facteurs hormonaux, neuronaux, et liés aux expériences sensorielles, car ils affectent
le succès reproducteur des adolescentes… » ne devraient jamais être tolérées. Soit
ce sont des évidences qui n’ont donc pas besoin d’être énoncées, soit ce sont des
formules si vagues qu’elles n’ont pas de signification réelle. Un espoir commun à
tous les auteurs d’articles de synthèse est qu’ils stimuleront d’autres collègues à
poursuivre des recherches dans le même domaine. La manière de le faire est de
présenter des idées brillantes et stimulantes, pas de se perdre en exhortations banales.

Quelques difficultés courantes dans les articles de synthèse


Supposons que votre examen de la littérature révèle deux opinions contradictoires
sur un sujet et que les deux paraissent reposer sur une méthodologie et un
raisonnement impeccables, bien que les résultats soient suffisamment différents
pour conduire à des conclusions opposées. Vous n’avez pas de raison pour accepter

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 129
une opinion plutôt que l’autre. La façon d’aborder le problème est de reconnaître que
vous, et la littérature, êtes dans le doute, au moins pour le moment. Les lecteurs, qui
risquent aussi d’être troublés de toute façon, seront bien plus à l’aise s’ils savent dès
le départ que le matériel que vous leur présentez est dans une zone d’incertitude.
Si vous n’avertissez pas les lecteurs, ils en déduiront que leur incapacité à tirer une
conclusion claire est de votre faute. Parfois, dans de tels cas une des approches les
plus fructueuses est de proposer dans votre article une expérience qui pourrait
tester laquelle des deux opinions se rapproche le plus de la réalité.
À l’inverse, vous trouverez parfois que les seules informations disponibles sur
un sujet donné viennent d’une ou plusieurs sources peu sûres et dans lesquelles
vous n’avez pas confiance. Là encore, vous devez être honnête et dire clairement
que les arguments que vous allez développer sur le sujet reposent sur la meilleure
information disponible, laquelle est sujette à caution. Un parfait exemple de ce
type de source est celui des résultats non publiés ou autres
observations personnelles annoncés dans une discussion ou dans
un article de synthèse. Dans ce cas, des chiffres sont cités sans
En tant que que leur valeur ait été évaluée par des pairs. Si vous utilisez de
rédacteur d’une telles sources, il est important de signaler qu’elles ne sont pas
confirmées et restent donc sujettes à caution. Ainsi, les lecteurs
synthèse, vous avez peuvent ajuster leur interprétation de votre raisonnement. Cette
un rôle vital honnêteté permet aussi que votre réputation n’en pâtisse pas si
une expérience ultérieure démolit ces résultats non publiés et
à jouer dans l’étape du même coup la tentative d’interprétation que vous proposez.
d’interprétation. Vous vous posez peut-être la question « Pourquoi proposer
une quelconque interprétation si les données sont de mauvaise
qualité ? ». La réponse est que la science progresse par l’enchaînement d’une
série d’événements : d’abord en s’appuyant sur les données disponibles, aussi
mauvaises soient-elles, puis en les interprétant et en testant cette interprétation,
ce qui fournit finalement des informations plus sûres. En tant que rédacteur d’une
synthèse, vous avez un rôle crucial à jouer dans l’étape d’interprétation. Si vous ne
remplissez pas ce rôle, ça ne vaut probablement pas la peine d’écrire la synthèse.

130 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


La rédaction scientifique pour un public
non scientifique
Le progrès régulier de la science dépend d’un flux constant de résultats et d’idées
échangées entre les scientifiques, et les journaux scientifiques sont le support
habituel de ces échanges. Les chercheurs concentrent habituellement leurs efforts
sur ce support et, effectivement, ce livre traite principalement du raisonnement et
des qualités qui permettent une communication efficace entre scientifiques. Mais
le paysage change rapidement pour au moins trois raisons.
Premièrement, il y a quelques décennies, l’ensemble de la société acceptait en
général sans réticence la plupart des changements qui modifiait sa vie suite aux
résultats d’études scientifiques. Mais aujourd’hui, notre société questionne souvent
ces avancées et émet un avis sur bon nombre d’entre elles, souvent d’une manière
mal informée qui étonne et déçoit les scientifiques.
Deuxièmement, les agences qui évaluent et financent les programmes de
recherche encouragent de plus en plus les chercheurs à participer activement à la
compréhension de leur travaux par l’ensemble de la société.
Troisièmement, le financement de la recherche s’appuie aujourd’hui rarement sur
la seule qualité de la science ou sur l’intérêt théorique d’un problème scientifique.
Souvent, ces décisions reposent aussi sur les bénéfices économiques potentiels de la
recherche proposée, son respect de préoccupations éthiques ou sociales ou même sur
des intérêts sectoriels ou politiques évidents. Malgré tout cela, la recherche continue
de produire des résultats scientifiques fiables, mais les chercheurs subissent souvent
des pressions sur la manière dont ils doivent faire leurs recherches et, dans certains
cas sur le fait même de décider s’ils doivent en faire ou pas.
Les chercheurs sont déçus quand ils voient leurs arguments reposant sur la logique
et des données solides combattus avec succès par des arguments reposants sur
l’émotion et l’irrationalité de non-scientifiques parfois exaltés. Leur déception
peut encore être accrue par la manière dont les médias utilisent leurs travaux. Ils
la perçoivent souvent comme une apparente volonté des médias à dévaloriser les
vues de scientifiques hautement qualifiés dans un domaine précis en les mettant
sur un pied d’égalité avec celles de citoyens supposés responsables, mais très peu
familiarisés avec le domaine traité.
Une solution est évidemment de produire une information scientifique juste, lisible,
mais aussi accessible et attractive pour expliquer l’importance et la valeur du travail
à un public non scientifique qui, après l’avoir lue, devrait avoir une attitude plus
raisonnable et plus positive. Malheureusement, il est décevant de constater qu’une
proportion beaucoup trop faible d’articles de vulgarisation destinés au grand public
a de réelles chances d’atteindre cet objectif.
Il y a probablement trois raisons sous-jacentes à ce problème. Premièrement, les
articles de vulgarisation peuvent contenir de nombreuses erreurs s’ils sont écrits
par des journalistes professionnels qui n’ont pas de formation scientifique. De tels
journalistes ne sont pas toujours suffisamment compétents pour distinguer ce qui
est scientifiquement raisonnable, mais ils sont néanmoins très habiles pour détecter

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 131
ce qui peut faire un scoop. Le risque est que l’attrait du sensationnel l’emporte
sur la vérité. Et pour empirer les choses, beaucoup de scientifiques sont sur la
défensive lorsqu’il leur est demandé de fournir des informations aux journalistes,
parce qu’il leur est déjà arrivé d’être mal cités ou mal interprétés, au point d’en être
embarrassés ou offensés. Deuxièmement, les chercheurs qui écrivent des articles
s’efforcent d’être exacts et de respecter les justifications scientifiques, y compris
sur des détails marginaux, ce qui le plus souvent diminue l’intérêt du message
principal. Les chercheurs sont entraînés à être prudents et à
ne pas pousser trop loin l’interprétation de leurs résultats.
Troisièmement, la plupart d’entre eux, à la différence des bons
…les chercheurs journalistes, ont du mal à juger ce qui, dans leurs résultats,
est susceptible d’intéresser des lecteurs non spécialisés. Pour
doivent fournir l’une ou plusieurs de ces raisons, la valeur réelle du travail
des textes éducatifs peut ne jamais apparaître clairement.
Quoi qu’il en soit, il devient de plus en plus fréquent que les
pour le public
chercheurs aient à fournir des textes éducatifs pour le public
non scientifique non scientifique et le plus sûr et le mieux est qu’ils le fassent
eux-mêmes. Le problème est que les chercheurs, qui peuvent
et le plus sûr et le
communiquer entre eux généralement sans difficulté, sont
mieux est qu’ils le souvent mal à l’aise lorsqu’ils doivent expliquer leur travail
à une audience sans formation scientifique. Il y a une raison
fassent eux-mêmes.
logique à ce malaise et la comprendre aide beaucoup à réduire
le fossé entre les scientifiques et leur public.

Ce qu’un lecteur veut lire et ce qu’un chercheur veut dire


Lorsque vous demandez à des scientifiques quel est le sujet de leur travail, ils
commencent souvent par vous décrire en détail quelles sont leurs tâches pratiques
quotidiennes, leur méthodologie. Ceci est tout à fait compréhensible parce que
c’est ce qui occupe la majeure partie de leur journée. Ensuite ils vont probablement
mentionner certains de leurs travaux les plus récents ou les plus intéressants. Cela
aussi est compréhensible, parce que c’est l’obtention de résultats qui maintient
la motivation des chercheurs. Puis, ils vont peut-être en venir à vous expliquer
pourquoi ils travaillent sur leur sujet en particulier, en d’autres termes quels
sont leurs objectifs et leurs hypothèses. Beaucoup de chercheurs trouvent ces
explications relativement difficiles à donner. Il est plus difficile encore de leur
faire expliquer ce qu’ils attendent à long terme de leur recherche et comment
elle s’inscrit dans une vision plus large de leur discipline scientifique. Et vous
pourrez encore plus rarement obtenir qu’ils vous disent ce que leur recherche
peut signifier pour l’humanité dans son ensemble, ou au moins en quoi elle peut
se rapporter personnellement à leur interlocuteur. En résumé, il devient d’autant
plus difficile d’obtenir des informations d’un scientifique que vous vous éloignez
de son cheminement intellectuel quotidien.
D’un autre côté, si vous demandez à des non-scientifiques ce qui les intéresse le
plus à propos d’un sujet scientifique donné, vous obtenez une série de réponses
complètement différentes. Ce qu’ils veulent savoir c’est en quoi la recherche

132 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


effectuée peut les concerner ou comment elle peut modifier leur vision personnelle
de la vie. Tout bien considéré, c’est un motif tout à fait valable. En second lieu,
ils peuvent chercher à savoir comment le travail du chercheur s’intègre dans ce
qu’ils comprennent de la science. Ensuite, ils peuvent s’intéresser aux raisons pour
lesquelles le chercheur se soucie de travailler dans le domaine qui est le sien. C’est
seulement après avoir satisfait leur curiosité sur ces trois points principaux qu’ils
commencent à montrer un intérêt pour des résultats spécifiques et, plus rarement
encore, pour la méthodologie.
Il s’agit là d’une situation plutôt paradoxale. Le public non scientifique recherche
l’information exactement dans l’ordre inverse de celui dans lequel le chercheur est
généralement prêt à la délivrer. Par conséquent, pour communiquer avec des non-
scientifiques, les chercheurs doivent délibérément modifier leur mode habituel
de présentation.
Pour que les scientifiques soient compris, ils doivent faire
attention de parler de leur travail en considérant les catégories
ci-dessous classées par ordre d’importance.
C’est seulement
• 1. Quel est l’intérêt pour le lecteur ?
• 2. Comment le travail se situe dans le cadre plus large de en abandonnant
la science en général ? l’ordre habituel
• 3. Pourquoi le travail a-t-il été fait ?
de présentation
• 4. Quels sont les principaux résultats ?
• 5. Quelles sont les notions de méthodologie à connaître ? scientifique et
C’est seulement en abandonnant l’ordre habituel de présentation en suivant assez
scientifique et en suivant assez strictement un ordre inverse que
strictement un
les chercheurs peuvent espérer trouver une audience attentive
chez les non-scientifiques. Cela signifie au moins deux choses. ordre inverse que les
Premièrement, il faut systématiquement exclure les explications
chercheurs peuvent
de méthodologie et les justifications détaillées qui impliquent des
clarifications compliquées et ennuyeuses pour des interlocuteurs espérer trouver
non spécialistes. Deuxièmement, il faut en venir le plus vite et le
une audience
plus simplement possible à ce qui intéresse vraiment le lecteur.
La récompense pour avoir abandonné, ou au moins adapté, le attentive chez les
mode stéréotypé habituel de présentation du chercheur peut
non-scientifiques.
être grande car le monde de la science est un domaine très
fertile en idées de toutes sortes. Grâce à cet effort d’adaptation,
le chercheur peut diffuser auprès du grand public le fruit de son travail. Certaines
des histoires de vulgarisation les plus passionnantes qu’on puisse imaginer sont
inspirées de découvertes faites aussi bien en recherche fondamentale qu’en recherche
appliquée. Le succès de ces histoires dépend de la transposition de la littérature
scientifique à une forme claire et attrayante de littérature pour tout public.

Qu’est-ce qui fait un bon article de vulgarisation ?


Les chercheurs bien formés savent ce qu’eux-mêmes et leurs collègues recherchent
quand ils consultent un article scientifique. Ils veulent des hypothèses, des

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 133
méthodes, des résultats et une bonne discussion, brillante et incisive. Ils ont
l’habitude de la structure d’un article scientifique et ils savent exactement où ils
doivent chercher l’information dont ils ont besoin. C’est pour cela que ces articles
sont des articles scientifiques. Quand des non-scientifiques essaient de lire les
mêmes articles, ils n’ont pas la culture professionnelle qui leur permettrait de tirer
parti de leur structure ni, dans la plupart des cas, de comprendre leur contenu.
Par conséquent, pourquoi des non-scientifiques se donnent-ils la peine de lire des
informations scientifiques ou des faits qui s’y rapportent ? La raison est simple : la
science a une influence sur la vie, le travail et les intérêts de pratiquement tout le
monde. En fait c’est une caractéristique inhérente à tous les humains, scientifiques
ou pas, de chercher à comprendre le comment et le pourquoi des choses et des
êtres. Cette curiosité peut être vue sans doute comme la prolongation chez l’adulte
de la préoccupation incessante des enfants à demander « pourquoi ? », comme le
signalait le Prix Nobel de physique Georges Charpak. Et c’est dans cette curiosité
que réside la clé d’une transition réussie entre le monde des scientifiques et celui
des non-scientifiques dans la communication, qu’elle soit écrite ou orale. Vous
devez identifier ce qui a des chances d’attirer leur intérêt. Le lecteur doit être incité
à se jeter dans la lecture et ensuite y être maintenu à mesure que sa lecture avance.
Voici quelques exemples de ce qui peut attirer un lecteur profane :
Le sujet. Certains sujets sont d’intérêt universel et toujours d’actualité. La liste
est longue et inclut les sujets qui informent sur des économies d’argent ou qui
divertissent, comme les sports et les arts, ou encore qui traitent de questions
qui nous préoccupent, comme le réchauffement de la planète, pourquoi nous
nous comportons comme nous le faisons, ou encore les nouvelles possibilités de
combattre certaines maladies.
Le moment. Certains sujets peuvent être très populaires s’ils sont proposés aux
lecteurs à des moments bien précis. Un article sur un nouveau type de sous-
vêtements protégeant du froid sera plus lu en hiver qu’en été, de même qu’un
article sur les moyens de lutter contre les rhumes. Un article sur une nouvelle
variété de blé est le plus souvent pertinent juste avant la saison des semis
plutôt qu’à celle de la récolte. Un article sur le réchauffement planétaire aura
probablement plus d’impact en été qu’en hiver.
La présentation de la science avec une dimension humaine. Les lecteurs peuvent
apprécier la composante humaine d’une découverte scientifique : les joies d’un
succès, la déception liée à un échec, le dur travail d’un chercheur en solitaire.
La curiosité. Souvent les lecteurs sont attirés par une nouvelle approche scientifique
d’un problème récurrent, ou par une réponse à quelque chose qui restait jusque-là
un mystère, ou encore par l’explication d’un événement de la vie quotidienne.
La longueur de l’article. Le fait qu’un article soit lu ou pas dépend souvent de
sa longueur et de l’endroit et du moment où il est possible de le lire. Par exemple
un long article peut être approprié pour un journal de fin de semaine, mais sera
évité par les utilisateurs réguliers des transports en commun s’il est publié dans
le quotidien du matin. L’article n’aura généralement pas de succès s’il ne peut
pas être lu en une seule fois.

134 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Si l’article s’adresse au public cosmopolite d’un journal national, au moins l’une
des idées ci-dessus peut vous fournir une base sur laquelle construire votre histoire.
Mais les intérêts des lecteurs d’une revue donnée ont souvent un minimum de points
commun ce qui facilite le choix d’un angle de présentation relativement spécifique.
Généralement, les lecteurs d’un journal donné auront un fond d’intérêt commun.
L’article peut être pour un journal industriel ou rural, ou pour un magazine de
jardinage ou tout autre type de revue traitant d’une activité bien définie et s’adressant
à un public précis. Dans tous ces cas, le thème et l’intérêt de l’article peuvent être
faciles à identifier. Le point important est de ne pas commencer à écrire avant d’avoir
identifié ce thème.

Les ingrédients essentiels


Votre article pour les non-scientifiques peut être assez différent d’un article
scientifique spécialisé, mais, étant donné que c’est un article qui parle de science,
il doit toujours respecter les trois ingrédients de la rédaction
scientifique : précision, clarté et concision.
Cependant, la précision ne signifie pas forcément dans ce
cas de grandes quantités de chiffres ; elle se réfère plutôt à …c’est un article
la transmission de ce que les auteurs du travail considèrent qui parle de science
comme une description fidèle de ce qu’ils ont fait ou de ce
qu’ils en concluent. Si votre article ne concerne pas votre propre il doit toujours
travail mais celui d’autres chercheurs, la seule façon de vous respecter
assurer que vous êtes précis est de permettre aux chercheurs
ayant conduit ce travail de lire votre texte pour vérifier qu’ils les trois ingrédients
sont satisfaits de sa version finale. Cette version finale est celle de la rédaction
qui sera imprimée, pas une version intermédiaire qui pourrait
être changée après l’approbation des chercheurs concernés. Les scientifique :
auteurs qui écrivent à propos des travaux d’autres collègues, et précision, clarté
qui sont connus pour respecter ce principe, gagnent la confiance
des chercheurs et peuvent avoir accès à des données qui leur et concision.
resteraient autrement inaccessibles. Malheureusement, la
majorité des journalistes soi-disant scientifiques ne comprennent pas cela. Il leur
coûte d’avoir à modifier un communiqué enthousiaste, mais inexact, pour gagner
cette confiance. Mais ceux qui le font gagnent une réputation de crédibilité à la
fois auprès des scientifiques et des lecteurs, ce qui est à long terme bénéfique et
digne d’éloges.
La clarté est toujours importante, mais dans les articles de vulgarisation scientifique,
c’est souvent la raison première pour écrire l’article : pour clarifier et rendre
accessible à un non-scientifique ce qui est supposé être clair pour un scientifique.
Il faut bien sûr veiller à supprimer les termes scientifiques compliqués qui peuvent
troubler les lecteurs ou bien les traduire en langage courant. Des concepts bien
acceptés par des scientifiques peuvent nécessiter d’être expliqués en détail ou
illustrés avec des exemples compréhensibles par des non-scientifiques. Il est
essentiel de faire ces ajustements avec beaucoup de soin parce que le lecteur vous
donne rarement une deuxième chance si vous l’embrouillez.

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 135
La longueur de l’article est souvent imposée. Dans la grande majorité des cas,
qu’il s’agisse d’une page, une demi-page, 500 mots ou 1 000 mots, cela veut dire
exactement cette longueur et pas un mot de plus. Par conséquent, la concision est
aussi une obligation. Généralement, lorsque vous commencez à écrire, vous avez plus
de choses à dire que de mots ou de place pour le dire. Pour obtenir un bon résultat,
vous devez d’abord décider ce que vous pouvez vous permettre de supprimer du
matériel que vous aviez sélectionné au départ. Cela fait, vous devez ensuite rédiger
ce que vous avez choisi de dire de la manière la plus concise possible. Dans la presse
populaire, proposer un texte qui dépasse un peu la limite du nombre exact de mots
annoncée ne marche généralement pas et vous pourriez vous retrouver à devoir
supprimer une ou deux phrases, ou à devoir changer la structure d’une partie de
votre texte pour respecter exactement les limites imposées. Pire encore, si vous ne le
faites pas, un éditeur de la revue pourrait le faire à votre place sans vous demander
votre avis et tronquer ou déséquilibrer complètement votre article.

Construction de l’article de vulgarisation


L’objectif d’un article de vulgarisation diffère de celui d’un article scientifique
spécialisé et sa structure est donc aussi assez différente. Pour respecter la nécessité
d’être directs et simples, les articles de vulgarisation n’ont souvent pas autant
de parties que les articles scientifiques spécialisés et ont rarement des sous-titres
formels. Néanmoins, les articles bien conçus comportent quatre composants
principaux ayant chacun une fonction bien précise :
• le titre ;
• le résumé ;
• la description principale ;
• la section « Pour en savoir plus ».
Le titre. Dans ce contexte, le titre est souvent une idée force plutôt qu’un titre. C’est
un message très court conçu pour frapper l’imagination du lecteur sur un point clé
et qui fournit une indication très claire sur le contenu de l’article. Le fait d’inclure
dans ce message les deux ou trois mots clés les plus importants garantira que le
contenu de l’article soit clairement indiqué.
Le chapeau (souvent appelé deck en anglais). Dans un article de vulgarisation, il
existe un texte court similaire à celui du résumé dans un article, mais il ne porte
généralement pas ce titre. Cependant, il remplit le même rôle et fournit au lecteur
une version brève de l’article dans son ensemble, incluant le thème général, la
conclusion clé et toutes les recommandations que l’article cherche à faire passer.
Parfois le chapeau se distingue du reste du texte par une police de caractères plus
grosse ou une localisation particulière par rapport au texte principal. Par exemple
il peut couvrir deux colonnes de texte ordinaire.
Beaucoup de gens pressés ne lisent que cette partie de votre article et c’est pourquoi
vous devez en faire une revue concise de tout ce que vous considérez important.
Vous risqueriez fort de diminuer l’impact de votre message en vous lançant dans une
description du contexte ou dans des généralités trop éloignées du message principal.
Réservez-les, si vous les croyez nécessaires, pour le corps principal de texte.

136 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Le développement. Un des principes qui s’applique à la rédaction d’un article
scientifique spécialisé s’applique aussi à l’article de vulgarisation, à savoir qu’il
n’y a pas de secrets à garder et pas d’intrigue à construire pour terminer par des
révélations extraordinaires. Vous avez annoncé le sujet de votre article dans le titre,
vous l’avez réitéré et explicité dans le chapeau et maintenant, dans le corps du
texte, vous présentez les détails pour ceux qui ont encore suffisamment d’intérêt
et de temps pour lire l’ensemble.
Mais ce n’est pas le moment de relâcher votre attention. Les précisions qu’un
lecteur scientifique doit chercher ne sont pas forcément les mêmes que celles de
vos lecteurs non scientifiques. Gardez à l’esprit jusqu’au bout le type de lecteurs
auxquels vous vous adressez. Faites ressortir plus particulièrement ce qui peut
les intéresser et comment votre information coïncide, ou peut coïncider, avec
leurs préoccupations. Appliquez aussi les principes de lisibilité et d’anticipation
du lecteur que nous avons vus lorsque nous avons examiné le style de l’article
scientifique. Après tout, les lecteurs non scientifiques ne sont pas obligés de lire
un texte qui les ennuie ou qu’ils ne comprennent pas. Ils passent simplement à
quelque chose d’autre.
Pour en savoir plus. Si vous avez fait un bon travail, au moins une partie de vos
lecteurs aura envie d’en savoir plus. Un bon article de vulgarisation scientifique
conclura en orientant les lecteurs vers un article plus détaillé, une bibliographie
complémentaire ou vers le chercheur ou le laboratoire susceptibles de leur fournir
plus d’informations.

Révision finale
Quand vous avez fini d’écrire et que vous avez vérifié les fautes de frappe, la
grammaire et l’orthographe, vérifiez aussi si l’article est bien adapté à ses lecteurs.
Pour cela, vérifiez simplement qu’il remplit bien cinq critères importants.
Il doit être :
• attractif et alerte pour gagner l’attention du lecteur dès le départ ;
• brillant et pertinent pour le lecteur ;
• informatif, pas seulement par son propre contenu, mais aussi en dirigeant
le lecteur vers des informations complémentaires ;
• précis dans ce qu’il présente et faisable dans ce qu’il propose ;
• de la bonne longueur.
Après vous être assuré que ces critères sont bien remplis, une dernière étape, si
vous en avez l’opportunité, est d’en faire vérifier la lisibilité par un lecteur naïf.
Mais contrairement à un article scientifique spécialisé, choisissez un lecteur non
scientifique plutôt qu’un collègue et surtout pas un spécialiste du sujet.

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 137
La thèse
Tous les éléments qui caractérisent les bons articles scientifiques et les bons
articles de synthèse se retrouvent dans les bonnes thèses. Celles-ci sont cependant
généralement beaucoup plus longues que les articles et cette longueur est souvent
source de problèmes. Les thèses sont le témoin écrit d’un effort soutenu de
recherche qui a pris un à trois ans selon de type de thèse, mais parfois aussi
cinq ans ou plus. Le plus souvent, les thèses contiennent de manière imposée une
revue de la littérature en plus des données relatives à la recherche. Le problème
est, comme toujours dans des documents de cette taille, celui de la cohérence. Ce
n’est pas une difficulté dans le cas d’une thèse d’un an comme pour un master,
qui rapporte habituellement les résultats d’une seule expérience. Dans ce cas,
la structure de la thèse est fondamentalement la même que celle d’un article de
recherche (l’expérience), précédée par une revue de la littérature. En revanche, une
thèse d’université, ou un PhD (Philosophy Doctorate), qui a duré plusieurs années
peut inclure plusieurs expériences qui sont sources potentielles de plusieurs
articles scientifiques spécialisés et elle sera par conséquent plus complexe. Mais
quelle que soit leur durée, les thèses peuvent être homogénéisées et structurées de
façon cohérente, ce qui les rend faciles à lire, en utilisant comme thème directeur
l’élaboration, la justification et la mise à l’épreuve de l’hypothèse.

Forme et présentation d’une thèse


Il n’y a pas de structure unique et uniforme pour des thèses de licence, de master
et d’université. Sur le plan international, certaines universités exigent qu’elles
suivent des formats qui peuvent être très différents de ceux d’autres universités
voisines. Qui plus est, dans une même université, plusieurs options peuvent être
permises, ou demandées selon les départements de recherche concernés, ou encore
selon les exigences du superviseur de l’étudiant. Par conséquent, il n’y a pas de
format unique, mais en examinant les deux extrêmes dans l’éventail des thèses
publiées, nous pouvons dégager certains principes pour produire une bonne
thèse quel que soit son format. L’un des extrêmes de cet éventail consiste en ce
qui est appelé couramment « la thèse sur articles ». Dans ce type de thèse, le
travail du candidat est présenté sous forme d’articles indépendants les uns des
autres, chacun étant déjà publié ou formaté sous une forme publiée ou publiable
dans un journal scientifique. Ces articles ou projets d’articles, le plus souvent en
anglais, sont précédés par une introduction dans un chapitre initial qui présente
le contexte et les connaissances de base disponibles sur le sujet, et qui souligne
aussi les liens entre les différents chapitres. Ce format de thèse sur articles est
devenu très populaire au cours des vingt dernières années. À l’autre extrémité
de l’éventail, on trouve le type plus traditionnel de thèse qui traite le travail de
recherche comme un tout homogène. Dans ce cas, les différentes expériences sont
présentées en fonction de la logique qui sous-tend l’ensemble de la thèse, plutôt
qu’en fonction de la stratégie de publication des différents résultats comme dans
le cas de la thèse sur articles. C’est ce que j’appellerai la thèse traditionnelle.
Personnellement, je préfère la thèse traditionnelle. En effet, la formation pour
un diplôme d’université est souvent le seul moment dans la carrière des

138 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


scientifiques où ils sont contraints de réaliser une étude d’envergure qui nécessite
obligatoirement de prendre un certain recul et d’avoir une vue d’ensemble. Un
tel effort de synthèse accroît la valeur éducative de la formation bien au-delà
de celle fournie par la simple présentation de la thèse en différents éléments
relativement séparés les uns des autres. Ceci étant, la formule moins intégrative
de la thèse sur articles est généralement plus facile à réaliser et, comme beaucoup
de ses partisans le soulignent, elle incite les candidats à publier leurs résultats
aussi rapidement que possible dans des journaux spécialisés, ou au moins à les
présenter sous une forme prête à être publiée. Cela les oblige aussi à apprendre
et mettre en pratique les qualités de rédaction qui leur seront indispensables
pour devenir des scientifiques accomplis et productifs. Ce n’est pas un argument
trivial lorsqu’on réalise qu’un chercheur passe pratiquement la moitié de son
temps à rédiger, à enseigner à ses étudiants à le faire et à corriger leurs textes
et ceux de leurs collègues, ou encore à lire et évaluer des publications. En
revanche, dans une thèse traditionnelle, un travail additionnel est nécessaire
pour mettre en forme les données de la thèse afin de pouvoir les publier. Même
si le temps et le travail additionnels requis ne représentent pas un effort énorme,
c’est toujours une tâche supplémentaire à réaliser et la motivation n’est souvent
plus la même après avoir obtenu la thèse. En effet, de nombreuses thèses
traditionnelles contenant des résultats publiables et de grande qualité, mais
par ailleurs inconnus, dorment sur les étagères des bibliothèques universitaires.
Après l’obtention de leur diplôme, les étudiants sont passés à l’étape suivante de
leur carrière, et ils ont perdu la motivation nécessaire pour publier leurs résultats
ou n’ont plus le temps de le faire. Cet état de choses est probablement une des
raisons principales qui ont conduit de nombreuses universités à passer de la
thèse traditionnelle à la thèse sur articles, car les publications déterminent de
plus en plus leurs budgets de recherche. Un intérêt supplémentaire de la thèse
sur articles vient du fait que les universités exigent le plus souvent la publication
d’au moins un article tiré de la thèse pour que celle-ci puisse être acceptée.
Dans le cas d’une thèse traditionnelle, le travail supplémentaire nécessaire peut
retarder sa présentation. Un autre attrait important des thèses sur articles est
qu’elles permettent au superviseur d’inciter l’étudiant à ne pas attendre la fin
de toutes les expériences pour commencer à rédiger. Ceci présente le double
avantage de diminuer les risques de retard pour la présentation de la thèse et
d’assurer que l’essentiel du travail sera publié ou en passe de l’être avant que
l’étudiant ne disparaisse de l’équipe.

Revue de la littérature dans la thèse


Indépendamment du type de thèse, certaines universités insistent sur la présence
d’une section de revue de la littérature dans la thèse comme condition nécessaire
pour l’obtention d’un titre d’études universitaires supérieures. L’objectif de cette
section est de permettre au candidat de démontrer qu’il possède une ample
maîtrise de la littérature concernant le domaine de la thèse. Cela pose quelques
problèmes parce que l’ampleur de la connaissance nécessaire et par conséquent
de la revue correspondante est rarement précisée et laissée à l’appréciation du
candidat et de son superviseur.

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 139
En absence de règles bien définies à propos de l’ampleur du champ de littérature à
couvrir, il est parfois difficile de décider la quantité de matériel bibliographique à
inclure. Une stratégie qui porte ses fruits est de rassembler toute la littérature qui
a conduit au développement de toutes les hypothèses testées dans les différents
chapitres, ainsi que, si besoin est, celle justifiant les méthodes, matériels ou modèles
animaux utilisés. Parfois cette littérature se chevauche ou se répète, et le matériel
qui sert à justifier plusieurs hypothèses peut être rassemblé dans une même section.
Lorsque vous aurez fait cela, vous trouverez peut-être qu’il y a des vides flagrants
entre vos différentes sections. Vous aurez alors probablement à ajouter du matériel
bibliographique supplémentaire pour assembler les différentes sections en un
tout cohérent et bien structuré. Supposons par exemple que la sensibilité d’une
plante aux attaques d’un insecte dépende de cinq facteurs environnementaux,
mais que vous n’en ayez étudié que deux dans votre thèse. Pour que votre revue
de littérature soit complète et bien équilibrée, il sera souhaitable qu’elle considère
aussi les trois autres facteurs, même si c’est de façon moins détaillée que ceux qui
font l’objet de votre travail. Ce qui est important à considérer c’est que tout le
matériel inclus dans votre revue de la littérature ait une raison d’y être : soit pour
développer des arguments à utiliser dans les expériences qui seront décrites dans
les chapitres suivants, soit pour homogénéiser la présentation de ces arguments
ou pour étayer des points de discussion qui surgiront de vos résultats. En gardant
une telle règle à l’esprit, vous disposerez d’une base rationnelle pour limiter le
champ de votre revue de la littérature.
Néanmoins, même une revue de la littérature bien ciblée est difficile à intégrer
pleinement dans la structure de la thèse parce qu’une partie des informations
qu’elle contient reste toujours marginale par rapport à la section expérimentale,
et aussi du fait de sa taille. Votre revue devrait bien sûr toujours présenter les
conclusions et les arguments qui mènent aux hypothèses testées dans la thèse.
Mais ces arguments sont souvent présentés 30 ou 40 pages avant l’endroit où les
schémas expérimentaux résultant de ces arguments sont abordés et le lecteur aura
donc beaucoup de difficulté pour les relier. La tactique la plus sûre est de traiter
la revue de la littérature comme un exercice indépendant. Rédigez-la en suivant les
conseils des pages 128 et 129 donnés pour l’article de synthèse, et assurez-vous
que les arguments concernant chaque expérience sont à nouveau explicités dans
l’introduction de chacun des chapitres correspondants. Ce principe s’applique
aussi bien à une thèse sur articles qu’à une thèse traditionnelle.

La thèse sur articles


Une thèse de ce type est presque finie dès que le dernier article qui la compose est
rédigé. La structure et le style de chaque article sont identiques à ceux que nous
avons déjà présentés pour un article scientifique destiné à être publié dans un journal
international spécialisé. S’ils sont déjà publiés ou acceptés pour publication, c’est
encore mieux. Après tout, il faudrait être un examinateur particulièrement sévère et
courageux pour rejeter une thèse qui contiendrait textuellement deux articles ou plus
publiés dans des revues internationales à comité de lecture. La seule information
additionnelle nécessaire est pour chaque article une courte introduction replaçant

140 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


l’article dans le contexte du reste de la thèse et expliquant pourquoi et comment
vous avez procédé. Cette introduction n’est même pas une révision de la littérature,
puisque la littérature pertinente est déjà présentée dans l’introduction de chacun des
articles. C’est simplement un texte de transition pour situer le contexte de l’article.

La thèse traditionnelle
Une thèse traditionnelle typique est généralement constituée des sections
suivantes :
• Revue de la littérature
• Introduction générale
• Matériel et méthodes
• Section expérimentale : un ou plusieurs chapitres contenant chacun une ou
plusieurs expériences complémentaires
• Discussion générale (y compris les conclusions générales)
• Bibliographie
• Résumé
De plus, la thèse peut contenir des sections courtes pour les remerciements, des
index, des appendices, des déclarations de principe et tout autre matériel demandé
par l’institution dont dépend la thèse. Ces différentes sections principales sont
détaillées ci-dessous, excepté la revue de la littérature, que nous avons déjà examinée
plus haut.

Introduction générale
L’objectif de cette section, en plus de présenter le cadre général de la thèse, est de
présenter et justifier ce que nous appellerons l’hypothèse unificatrice. La nature
de cette hypothèse est différente de celle que nous avons vue jusqu’ici parce
qu’elle est moins spécifique. C’est en fait une hypothèse qui nécessite plusieurs
expériences pour être testée complètement et votre introduction générale doit être
constituée des informations nécessaires pour justifier cette hypothèse unificatrice.
Vous justifiez ainsi de manière pertinente votre programme de recherche. Voyons
dans deux exemples comment cette hypothèse unificatrice s’applique en pratique.
Georgget Banchero a présenté un PhD à l’Université d’Australie occidentale dont
l’introduction générale était construite à partir des informations et des arguments
suivants :
• 1. il existe une forte relation entre la nutrition des brebis gestantes et leurs
performances au début de la lactation ;
• 2. le premier lait, appelé colostrum, s’accumule dans la mamelle pendant
les derniers jours de la gestation pour être disponible dès la naissance de
l’agneau. Il est vital pour l’agneau nouveau-né et lui assure un bon départ
dans la vie ;
• 3. le début de la lactation est associé à des changements rapides de
l’équilibre hormonal en fin de gestation et au moment de la naissance de
l’agneau ;

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 141
• 4. les brebis insuffisamment nourries dans les dernières semaines de la
gestation ne produisent pas assez de colostrum ou le produisent trop
lentement pour que l’agneau en ait suffisamment lorsqu’il en a besoin ;
• 5. les brebis donnent souvent naissance à plus d’un agneau, ce qui exacerbe
le problème.
À partir de ces informations, G. Banchero développa l’hypothèse selon laquelle
des brebis recevant un supplément nutritionnel pour un temps court à la fin
de la gestation auraient des quantités supérieures de colostrum disponibles à la
naissance, et que ceci favoriserait la survie de leurs agneaux.
Pour vérifier cette hypothèse, l’étudiante avait besoin de faire plus d’une
expérience ; en fait elle fit neuf expériences séparées. Dans l’une de ces expériences,
elle compara spécifiquement la production de colostrum chez des brebis mères
d’un ou de deux agneaux, ainsi qu’entre des mères présentant des grandes
variations d’état d’engraissement avant de recevoir un supplément nutritionnel.
Dans d’autres expériences, elle analysa et testa plusieurs types de suppléments
alimentaires pour savoir si certains éléments nutritionnels particuliers jouaient
un rôle important pour induire une production abondante de colostrum. Dans
d’autres encore, elle testa de quelle manière les hormones dont dépend la lactation
étaient associées avec les suppléments alimentaires les plus efficaces.
Chacune de ces expériences testait une hypothèse spécifique bien précise. Les
résultats de chacune d’entre elles furent assemblés finalement dans la discussion
générale pour tester l’hypothèse unificatrice de départ. De cette façon, l’étudiante
structura l’ensemble de son travail en se rapportant à son hypothèse unificatrice,
en lui fournissant à chaque étape une raison et un objectif clairs.
Elle conclut en définitive que l’hypothèse unificatrice était vérifiée et, dans les
conclusions de la discussion générale, elle présenta de nouvelles informations sur
les relations entre nutrition et hormones en fin de gestation. Elle fit ensuite une
série de recommandations pratiques pour la conduite de l’élevage et la nutrition
des brebis pendant la gestation. Les conclusions étaient donc de différents types,
mais sans que cela porte atteinte à la cohérence de la thèse dans son ensemble
pour le lecteur.
Un second exemple est celui d’un étudiant qui a réalisé une thèse à partir des
informations suivantes :
• 1. des arbres d’une certaine espèce forestière étaient attaqués et tués par un
champignon ;
• 2. cette espèce d’arbre était toujours trouvée en association avec différentes
essences du sous-bois en fonction de la présence de feux et d’autres causes
aléatoires ;
• 3. en présence de certaines associations d’essences, les arbres n’étaient pas
affectés par le champignon, même si les conditions du sol paraissaient
favorables à celui-ci.
L’hypothèse unificatrice, ou générale, de l’étudiant était que la maladie pouvait
être contrôlée en encourageant la présence de certaines plantes qui seraient
nuisibles pour le champignon pathogène. Là aussi, pour tester cette hypothèse

142 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


générale, il avait besoin d’effectuer toute une série d’expérimentations testant
chacune sa propre hypothèse spécifique.
L’élément essentiel dans ces deux exemples est que l’objectif de la thèse était
évident dès le début pour les lecteurs. Il leur était par conséquent possible
d’évaluer progressivement comment les résultats atteignaient les objectifs de la
thèse. En d’autres termes, l’ensemble de la thèse était cohérent pour le lecteur
grâce à l’hypothèse unificatrice.
La construction de l’introduction générale est similaire à celle de l’introduction d’un
article scientifique original, telle que nous l’avons vue précédemment. L’hypothèse
unificatrice est soigneusement formulée et constitue l’objet de la dernière
partie de l’introduction générale. Ensuite, la première partie est élaborée à partir
d’une séquence logique d’informations qui fait de l’hypothèse une proposition
raisonnable à tester. Les données et les informations disponibles peuvent être
soigneusement examinées et analysées pour être conservées ou rejetées, selon
qu’elles sont nécessaires ou pas pour la construction de l’argumentation conduisant
à l’hypothèse. De cette manière, l’étudiant est assuré que l’ensemble de la section
sera à la fois pertinent et concis.

Matériel et méthodes
Une thèse décrit le plus souvent plusieurs expériences, mais celles-ci ont
généralement plusieurs éléments en commun. Elles peuvent avoir été réalisées
dans la même région, ou avec le même groupe de patients, ou sur le même type
de sol. Elles peuvent encore avoir utilisé les mêmes microorganismes ou tout
autre matériel biologique commun, ou encore les mêmes analyses chimiques.
Autrement dit, une grande partie des matériels ou des techniques utilisés dans
les matériel et méthodes peuvent être communs à la plupart des expériences. La
répétition pour chaque expérience d’une description complète de tous ces détails
serait ennuyeuse et distrairait l’attention du lecteur. Ceci est exactement ce qui
risque d’arriver dans une thèse sur articles parce que chaque article doit être
autosuffisant et indépendant. En revanche, dans une thèse traditionnelle, il est
fréquent d’inclure un chapitre qui rassemble les matériels et les techniques utilisés
dans la plupart des expériences. Ceci présente deux avantages. Vous évitez les
répétitions et réduisez l’espace entre la présentation des résultats d’une section
donnée et l’hypothèse spécifique qui leur correspond, en supprimant de longs
détails de méthodologie. Ce chapitre séparé de matériel et méthodes peut aussi
présenter la validation de méthodes ou de matériels utilisés, même si dans certains
cas cette validation a nécessité de petites expérimentations.

Section expérimentale
Chacune des expériences aura malgré tout ses particularités, la plus évidente étant
le schéma expérimental spécifique de l’hypothèse testée, ou certaines méthodes
utilisées uniquement dans une seule des expériences. Vous aurez donc toujours
besoin dans chaque chapitre expérimental d’une section traitant des matériels et
méthodes. Toutefois, cette section sera constituée uniquement de la description de
la procédure expérimentale ou du schéma expérimental propre à l’expérience en

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 143
question, ainsi que des techniques et matériels correspondants. En effet, la plupart
des éléments qui constitueraient normalement le matériel et méthodes d’un article
de recherche a déjà été décrite dans le chapitre général de matériel et méthodes. Pour
éviter toute confusion entre ces deux niveaux de matériel et méthodes, je suggère
l’utilisation d’un titre différent plus descriptif, procédure expérimentale, pour les
chapitres de la section expérimentale. Seule l’information spécifique de l’expérience
a besoin d’y être présentée.

Cette section comprend un ou, le plus souvent, plusieurs chapitres qui contiennent
chacun une ou plusieurs expérimentations ayant un étroit rapport entre elles.
Chaque chapitre est de la même forme qu’un article scientifique avec ses différentes
sections : introduction, matériel et méthodes, mais appelée ici procédure expérimentale,
résultats et discussion. L’organisation du contenu de ces sections est cependant
différente de celle des mêmes sections dans un article scientifique rédigé pour un
journal spécialisé. L’introduction peut être très courte parce qu’une bonne partie
des données bibliographiques nécessaires a déjà été présentée dans la revue de la
littérature ou dans la discussion du chapitre expérimental précédent. Il suffit de
prolonger les arguments déjà développés précédemment dans ces sections et de
les compléter par l’hypothèse spécifique de l’expérience du présent chapitre. La
section procédure expérimentale, sera également plus courte que le serait celle de
matériel et méthodes d’un article pour les raisons que nous venons d’expliquer dans
le paragraphe précédent.

Les résultats sont présentés de façon détaillée et organisés, dans la mesure du


possible, de la même manière que dans un article de recherche, en donnant la
priorité aux données les plus importantes et en supprimant ou en réduisant au
minimum les éléments sans importance. En l’absence de la menace du diktat d’un
éditeur de journal scientifique, certains étudiants présentent leurs résultats de
manière beaucoup plus longue et sans faire un tri aussi strict qu’ils le devraient.
Dans la plupart des cas, cela traduit simplement un manque d’autodiscipline.
Cependant, dans certains cas, il peut être intéressant d’inclure dans une thèse des
résultats qui n’ont qu’un lointain rapport avec l’hypothèse testée et qui seraient
donc exclus pour la publication d’un article de recherche. De telles données brutes
peuvent malgré tout présenter un intérêt pour d’autres chercheurs dans le futur,
ou comme trace écrite qui peut être citée en cas de besoin, même si la valeur
d’une telle référence est moindre que celle d’un article publié dans un journal à
comité de lecture. Par exemple, ce peut être le cas pour des informations brutes
tirées de questionnaires d’enquêtes, d’analyses de routine de compositions des
aliments dans une étude qui ne porte pas spécifiquement sur ce sujet ou certains
détails d’études épidémiologiques. Plutôt que de surcharger la section principale
des résultats et par conséquent l’ensemble de la présentation de l’expérience,
ces résultats accessoires peuvent être rassemblés sous forme de tableaux dans
des annexes. Les annexes rassemblant l’information marginale de toutes les
expériences peuvent être présentées dans une section à part à la fin de la thèse.
Mais prenez garde malgré tout : vous devez accepter que le contenu présenté
dans les annexes ne fait pas partie de l’expérience que vous présentez. Si vous
vous apercevez que vous êtes obligé de faire référence à une annexe dans votre

144 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


discussion, c’est un signe indéniable que vous devez réorganiser vos données
pour incorporer le contenu de cette annexe dans la section des résultats. Enfin,
un dernier problème, qui peut surgir dans les sections de résultats d’une thèse,
concerne l’insertion des tableaux et des figures par rapport au texte correspondant
aux résultats. Assurez-vous que les illustrations soient le plus près possible du
texte les concernant. C’est particulièrement vrai lorsque les sections de résultats
sont volumineuses. De toute façon, ne placez pas ces illustrations en annexe en
fin de thèse, car il est très fastidieux d’avoir à faire le va-et-vient entre un texte en
milieu de thèse et les tableaux et figures qui s’y rapportent en fin du document.
Cette habitude de présentation, héritée du temps où les textes étaient tapés à
la machine à écrire, n’a plus de raison d’être avec les moyens de mise en page
actuels. L’effort de mise en page nécessaire pour respecter la proximité entre le
texte et les illustrations qui s’y rapportent est loin d’être inutile, car il assure que
les examinateurs suivront facilement le fil de vos idées. Outre le dimensionnement
adéquat de vos illustrations pour éviter une perte de place, l’utilisation du verso
des pages de texte est un moyen efficace pour assurer au mieux cette proximité.

La discussion à la fin de chaque chapitre expérimental traite des résultats liés à


l’hypothèse spécifique de ce chapitre. Autrement dit, la base de la discussion est,
comme toujours, l’hypothèse que vous testez et rien de plus. Une thèse comporte
souvent plusieurs expériences ayant un rapport entre elles, mais chacune est
présentée dans un chapitre différent. Il pourrait être tentant de discuter les
résultats d’une expérience en relation avec les résultats d’une ou plusieurs autres.
Cependant, les résultats de ces autres expériences peuvent appartenir à un chapitre
suivant. Il en résulte que le lecteur, ou dans le cas présent l’examinateur, n’a
pas encore pris connaissance de ce chapitre à venir, ce qui risque de rendre la
compréhension de la discussion très difficile et fastidieuse. Une meilleure stratégie
consiste à limiter la discussion au but immédiat de l’expérience du chapitre en
cours, c’est-à-dire la vérification de l’hypothèse du dit chapitre. Mais bien entendu,
relier entre eux tous les résultats des différents chapitres est l’un des buts essentiels
de votre thèse. Par conséquent, pour atteindre ce but, notez soigneusement les
points de discussion qui peuvent se rapporter à des données présentées dans
d’autres chapitres de la thèse. Ils constitueront probablement l’essence de votre
bouquet final, à savoir la discussion générale.

discussion générale

Dans ce dernier chapitre essentiel de la thèse, nous revenons à l’hypothèse


unificatrice originale pour commencer la discussion en nous appuyant sur tous
les résultats. Il faut pour cela examiner comment les résultats dans leur ensemble
confirment l’hypothèse ou la réfutent, et considérer ensuite les conséquences
théoriques et pratiques des conclusions que vous avez tirées de cet examen.
L’intérêt de disposer d’une hypothèse unificatrice bien choisie apparaît maintenant
clairement, parce qu’elle permet la discussion et la comparaison des résultats
entre les différentes expériences. Jusque-là, chaque expérience a été exposée et
discutée indépendamment des autres pour simplifier sa présentation. Maintenant
une discussion qui intègre l’ensemble dans un dernier chapitre séparé peut être

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 145
structurée logiquement et constitue le plus souvent la section la plus informative
de la thèse. C’est certainement la preuve la plus claire pour les examinateurs, de
votre capacité à comprendre le sujet dans son ensemble. Votre capacité à montrer
une telle vision synthétique de votre travail leur permettra d’émettre une opinion
sans réserve sur votre contribution à la connaissance scientifique, comme cela leur
est généralement demandé.
Que vous rédigiez ou pas une section de conclusions à la fin de la discussion générale
est une question de choix personnel. Certaines personnes pensent qu’à la fin d’une
longue thèse un concentré de sagesse est souhaitable pour souligner les points
essentiels de la thèse. D’autres pensent que cela est suffisamment couvert par
un bon résumé et considèrent que la discussion générale est si importante comme
section de synthèse de la thèse qu’elle ne devrait pas être encombrée par quoi
que ce soit d’autre. Personnellement, je considère que le seul objectif véritable
de la discussion générale, comme de toutes les discussions, est de développer un
raisonnement pour formuler des conclusions à partir des résultats obtenus, et
que ces conclusions n’ont besoin d’être répétées que dans le résumé. Il me paraît
superflu d’ajouter une section de conclusion qui ne serait qu’une répétition de
fragments de la discussion générale.

Bibliographie
La section bibliographie ou références dans une thèse ne diffère pas de celle d’un
article de recherche ou d’un article de synthèse, excepté qu’elle est généralement
plus longue. La plupart des universités ne sont pas aussi inflexibles que les éditeurs
de journaux scientifiques en ce qui concerne le format des références. Néanmoins,
lorsque vous avez choisi le format que vous allez utiliser, vous devez vous y
conformer pour toutes les références. Lorsque vous revenez plus tard sur une
partie de votre thèse que vous voulez réorganiser pour publier un ou plusieurs
articles, il se peut que les journaux auxquels vous voulez soumettre ces articles
demandent un format différent de celui que vous aviez choisi pour votre thèse.
C’est par conséquent une bonne idée de choisir pour la thèse un format qui soit
le plus complet possible, avec les noms et initiales de tous les auteurs, le titre
de l’article, le nom de la revue en entier, le volume et les numéros des pages de
début et de fin de l’article. Au minimum, si vous disposez d’un logiciel de gestion
de votre bibliographie, assurez-vous que ces informations complètes sont bien
dans votre base de données, même si vous utilisez une version abrégée pour la
présentation des références dans votre thèse. De cette manière, vous serez sûr
d’avoir immédiatement sous la main les informations nécessaires lorsque vous
préparerez vos articles, quelle que soit la forme de la bibliographie exigée par
n’importe quel éditeur de revue.

Résumé
Dans le cas d’une thèse relativement courte, le résumé a la même fonction et la
même forme que celles d’un article de recherche. Lorsque le nombre d’expériences
et le volume des résultats est élevé, il peut devenir nécessaire de faire un tri. Des
résumés de cinq ou six pages ne sont plus des résumés. La technique pour obtenir

146 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


une taille acceptable consiste alors à faire une liste des conclusions principales
auxquelles vous avez abouti dans votre discussion générale. Ces conclusions
constitueront la partie finale de votre résumé. Au-dessus de cette partie, vous
décrivez les principaux résultats qui ont conduit à ces conclusions. Ainsi, vous
limitez les résultats que vous présentez dans le résumé à ceux qui sont les plus
importants et vous éliminez ceux qui sont secondaires ou qui ne rentrent pas
dans le cadre du thème de la thèse. Bien sûr, cela n’empêche pas que ces derniers
résultats jouent toujours leur rôle secondaire dans le corps de la thèse. Lorsque
vous avez sélectionné et placé les résultats importants, vous pouvez alors ajouter
en début de résumé une introduction abrégée consistant essentiellement dans
l’énoncé de l’hypothèse unificatrice. Enfin, vous pouvez terminer avec une ou
deux phrases précisant si vous acceptez ou rejetez votre hypothèse unificatrice,
rédigées sous forme de conclusion finale si cela vous paraît approprié.

Anatomie d’une thèse


Ci-dessous vous trouverez des principes généraux pour construire une thèse,
même si les étudiants doivent toujours vérifier les recommandations de leur
université pour prendre en compte les règles et les variations locales.
Page de titre
Table des matières et remerciements
Chapitre 1. Introduction générale
L’hypothèse générale unificatrice et une série d’arguments qui en font une
hypothèse logique à tester.
Chapitre 2. Revue de la littérature
Une révision couvrant tous les aspects de la littérature qui sont pertinents pour
la partie expérimentale et toute littérature complémentaire nécessaire pour faire
de la revue une synthèse complète et cohérente.
Chapitre 3. Matériel et méthodes généraux
Tous les matériels et méthodes communs à au moins deux expériences, mais
excluant spécifiquement les schémas expérimentaux spécifiques de chaque
expérience.
Chapitres 4 à N – Chapitres expérimentaux
Chaque expérience ou groupe d’expériences liées logiquement, mais pas forcément
dans leur ordre temporel de réalisation, traitées dans des chapitres séparés et
comprenant les sections ci-dessous.
• 1. Une courte introduction et la présentation de(s) l’hypothèse(s)
spécifique(s).
• 2. La procédure expérimentale et les matériels propres à cette ou ces
expériences.
• 3. Les résultats.
• 4. La discussion des résultats liés à (aux) l’hypothèse(s) spécifique(s).

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 147
Chapitre N+1. discussion générale
Une discussion des résultats de toutes les expériences en relation avec l’hypothèse
générale unificatrice qui était présentée et justifiée dans l’introduction générale.
Résumé
• 1. Un rappel de l’hypothèse générale unificatrice.
• 2. Le principe général des procédures expérimentales.
• 3. Les principaux résultats et leur signification.
• 4. La conclusion générale.
Références
Une compilation soigneuse et complète de toutes les références citées et aucune
autre.

Et maintenant, en avant pour la rédaction de la thèse,


le résumé de travail
Les deux questions que tous les étudiants du monde se posent lorsqu’ils préparent
une thèse sont :
• (avant de commencer à rédiger) est-ce que j’ai suffisamment de résultats
pour écrire ma thèse ?
• (après avoir commencé à rédiger) où est-ce que j’en suis dans cet océan de
données et de mots ?
Ces questions viennent tout simplement de la taille et de la complexité d’une thèse
de fin d’études universitaires. Pour y répondre, le matériel disponible doit d’abord
être réduit à ses éléments les plus importants. Cela étant fait, il devient possible
de porter des jugements, prendre des décisions et effectuer des comparaisons
entre les expériences et les sections de la thèse. Le résultat de ce type d’analyse
peut être considéré comme un résumé de travail. Ce résumé de travail ressemble
vaguement à ce que pourrait être le résumé de la thèse, mais il en diffère parce
qu’il ne souligne que les points qui sont vitaux pour vous personnellement, en
tant qu’auteur. Au contraire, le résumé final qui apparaîtra effectivement dans la
thèse doit être clair pour les lecteurs et ne devrait pas être écrit avant que la thèse
soit presque terminée. Par conséquent, ce résumé final devra contenir des éléments
de la méthodologie et des justifications que vous considérez comme évidents dans
la première phase de votre rédaction et qui n’ont donc pas besoin de figurer dans
le résumé de travail.
Pour construire votre résumé de travail, commencez par utiliser les éléments
vitaux de la partie expérimentale de la thèse. Ce sont :
• 1. l’hypothèse ou les hypothèses ;
• 2. les résultats principaux (de préférence par ordre d’importance) ;
• 3. les points majeurs de discussion découlant des résultats (aussi par ordre
d’importance).
Cette information doit être extraite soigneusement de chaque expérience qui va
constituer la thèse.

148 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


Exemples
Pour prendre un exemple, plaçons-nous dans la situation où l’étude des
associations de plantes avec le champignon pathogène que nous avons vue
page 142 a été effectuée et se présente sous forme d’une série d’expériences. Le
résumé de travail, qui peut être sous forme abrégée puisque seuls l’étudiant et
son superviseur ont besoin de le comprendre, pourrait inclure une section telle
que celle présentée ci-dessous.

Expérience 6
Hypothèse
Les exsudations d’espèces indigènes de légumineuses freinent la croissance du
champignon pathogène Phytophtora
Résultats principaux
1. (Expérience 1). Les nombres de Phytophtora sont plus faibles dans le sol venant
de la zone où se trouvent les racines de légumineuses que dans les sols venant de
zones des racines d’autres plantes.
2. (Expérience 2). Des plaques de culture des Phytophtora sont inhibées quand
du tissu de racines vivantes de légumineuses est ajouté au milieu de culture, mais
pas s’il s’agit de tissu mort.
Conclusions principales
1. L’hypothèse est confirmée dans chaque expérience.
2. La substance inhibitrice se trouve uniquement dans le tissu vivant. Par
conséquent une nouvelle hypothèse est que, dans la nature, les légumineuses
doivent être en croissance pour inhiber le champignon.

Expérience 7
Hypothèse : celle exprimée dans la conclusion de l’expérience 6.
Résultats principaux : etc.
Conclusions principales : etc.
Si nous ajoutons maintenant l’hypothèse générale de l’introduction, nous pouvons
utiliser cette hypothèse comme base pour développer la discussion générale à partir
du résumé des thèmes contenus dans les sections de résultats et de discussion de
chaque expérience. À ce stade, la présence éventuelle de déficiences importantes
dans l’ensemble des expériences devient évidente, tant pour l’étudiant que pour
son superviseur. Cette forme de résumé de travail permet donc aussi de suggérer
quelles expériences complémentaires doivent être faites pour que le travail
constitue un ensemble cohérent qui résulte en une thèse de qualité.
Réduire les expériences à leurs éléments essentiels de cette façon peut paraître
facile, mais en pratique cela peut être assez complexe parce que ces quelques
affirmations sont le résultat de la majeure partie de la réflexion et de l’analyse
nécessaires au départ pour construire la thèse. Il n’est pas rare que l’élaboration

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 149
d’un résumé de travail de thèse demande un mois ou plus, bien qu’il ne fasse au
final que trois ou quatre pages. En revanche, une fois que le résumé de travail
est fait, la rédaction se limite essentiellement à compléter les détails et, avec le
résumé sous la main, il devient pratiquement impossible de se perdre dans la
grande masse de données qui constituera le plus gros de la thèse. Les superviseurs
ou les membres du comité de thèse, qui doivent lire et commenter des brouillons
de sections de la thèse, peuvent le faire de manière beaucoup plus pertinente et
sûre s’ils ont, eux aussi, une copie du résumé de travail sous
la main pour évaluer la perspective dans laquelle se place la
section qu’ils sont en train de lire.
…une fois que
L’utilisation du résumé de travail
le résumé de
Avec un résumé de travail soigneusement établi sous la main,
travail est fait, la vous pouvez maintenant commencer à écrire.
rédaction se limite • Chaque introduction sera une justification de l’hypothèse
ou des hypothèses spécifiques proposées dans chaque
essentiellement
section.
à compléter • Chaque procédure expérimentale (ou schéma expérimental)
les détails… présentera les grandes lignes des différentes expériences
pour vérifier ces hypothèses.
• Chaque section de résultats sera rédigée de manière à ce que les résultats
principaux spécifiés dans le résumé de travail soient bien mis en valeur.
Les tableaux, les graphiques et le texte seront tous élaborés en gardant ces
résultats principaux à l’esprit. Les autres résultats moins importants seront
aussi inclus, mais leur position et leur volume devraient indiquer cette
moindre importance.
• Chaque discussion sera aussi construite à partir du résumé de travail en
utilisant les principes que nous avons déjà vus page 145 pour développer
les thèmes de discussion.
La fonction principale de la revue de la littérature est de fournir le contexte pour
les hypothèses et de les introduire. Le résumé de travail est utile ici aussi, comme
une sorte de liste de contrôle qui peut servir de plan général pour la revue de la
littérature.
Il serait surprenant si, au cours de la rédaction de la thèse, aucune idée novatrice
ne vous venait à l’esprit. De telles idées peuvent être incluses dans le résumé de
travail sans réduire son efficacité en tant que plan des grandes lignes de la thèse.
Au contraire, grâce au résumé de travail, vous pourrez insérer facilement ces
idées novatrices dans la trame de votre thèse en suggérant exactement où elles
s’inséreront le mieux.
Si nous considérons le résumé de travail comme le premier brouillon de la thèse,
nous pouvons alors considérer la version plus développée que nous venons
d’évoquer ci-dessus comme étant le deuxième jet. À ce stade, un étudiant en
train d’écrire sa thèse devrait tirer avantage du fait d’avoir un superviseur qui est,
ou devrait être, un participant officiellement nommé et disponible pour faire une

150 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


lecture critique, « l’épreuve du collègue » mentionnée page 94. L’expérience des
superviseurs dans la rédaction d’articles et la supervision d’autres étudiants sera
irremplaçable. Toutefois, assurez-vous que leur trop bonne connaissance du travail
ne les conduise à ne pas remarquer des expressions mal formulées et le jargon
propre au sujet de recherche. Si vous pouvez disposer d’une deuxième opinion,
même sur des parties choisies de votre thèse, cela vous sera très utile comme
guide pour la lisibilité de votre texte. Assurez-vous que les collègues auxquels
vous avez demandé de lire des sections de votre thèse aient
également accès à votre résumé de travail, pour qu’ils sachent
où ils en sont dans la thèse.
Beaucoup d’étudiants trouvent la rédaction de la thèse … bonne rédaction
fastidieuse et considèrent que c’est une perte de temps excessive. et bonne recherche
Au cas où vous seriez tenté de penser cela, souvenez-vous du
principe sous-jacent tout au long de ce livre : bonne rédaction vont de pair
et bonne recherche vont de pair. La formation que vous suivez
lors de la rédaction de votre thèse est tout aussi importante que votre travail de
recherche. Considérez-la comme telle et vos qualités en tant que scientifique s’en
trouveront améliorées. Vos collègues proches peuvent vous considérer comme un
scientifique de qualité et une personne très agréable du point de vue personnel,
mais les autres 99,99 pour cent du reste de la communauté scientifique vous
jugeront sur votre capacité de rédaction.

R É D I G E R E T C O M M U N I Q U E R AV E C D ’ A U T R E S S U P P O R T S S C I E N T I F I Q U E S 151
Mémento des étapes de rédaction
d’un article scientifique

La publication de données originales dans un article scientifique est loin d’être un


simple exercice de rédaction qui dépendrait essentiellement de votre maîtrise du style
et de la grammaire de la langue dans laquelle vous voulez le publier. C’est en fait un
processus logique qui implique plusieurs étapes temporelles et intellectuelles qui ne
sont pas toujours bien identifiées par les étudiants. L’enseignement pratique montre
qu’il est essentiel de rappeler sans cesse ces étapes.

Étape n° 1 - Planifier l’expérience


La genèse d’un article scientifique débute avant même de commencer l’expérience. En
effet, il faut vous demander si cette expérience sera publiable et réfléchir à la façon dont
vous pourrez en rédiger un article dès le moment où vous commencez à l’imaginer. En
particulier, votre travail doit reposer sur une hypothèse solide qui prend en compte les
travaux déjà publiés et toute autre information nécessaire. Souvenez-vous également
que la validité de vos résultats dépendra de la robustesse du schéma expérimental, y
compris en termes de taille d’échantillon et de méthodes statistiques. Enfin, n’oubliez
pas d’envisager la possibilité que les résultats réfutent votre hypothèse ; cela vous
aidera à planifier le schéma expérimental et facilitera la publication de votre travail,
quels qu’en soient les résultats.

Étape n° 2 – Analyser les résultats


Avant de commencer tout travail de rédaction, il est indispensable que vous sachiez
où vos résultats « vous mènent ». L’analyse statistique de vos données doit être aussi
exhaustive que possible, mais vous devez surtout identifier quels sont les résultats
majeurs par rapport à votre hypothèse et aux données de la littérature pour pouvoir
les interpréter et en tirer les conclusions qui s’imposent.
Cette étape d’analyse et d’interprétation des résultats est souvent insuffisamment
approfondie, en particulier en ce qui concerne la confrontation des résultats trouvés
avec ceux de la littérature. Elle est pourtant essentielle et indispensable pour évaluer
l’originalité et la portée de votre travail. C’est lors de cette étape que vous allez générer
les arguments qui alimenteront votre discussion et rendre la rédaction de celle-ci
beaucoup plus facile.

Étape n° 3 – Structurer l’article


Maintenant, vous allez donner une structure logique à votre article. Il ne s’agit pas
encore de rédiger mais plutôt de noter et d’ordonner tous les arguments ou éléments à
aborder dans chaque partie de votre article. À ce stade, il est d’ailleurs beaucoup plus
facile d’ordonner logiquement vos arguments s’ils sont rédigés sous forme de notes
que s’ils sont complètement développés. Pour chaque partie de l’article, les éléments
à prendre en considération diffèrent et peuvent être résumés de la façon suivante :
• introduction. Rédigez l’hypothèse de la façon la plus précise possible. Ensuite,
faites la liste des arguments qui précéderont l’hypothèse et la justifieront
et organisez-les en un ordre logique. Omettez tout argument ou référence

M É M E N T O D E S É TA P E S D E R É D A C T I O N D ’ U N A R T I C L E S C I E N T I F I Q U E 153
bibliographique inutile à la justification de l’hypothèse. Éventuellement,
ajoutez une ou quelques phrases de contexte au début de l’introduction
et une brève présentation du schéma expérimental à la fin ;
• matériel et méthodes. Le travail essentiel est ici de faire le tri pour n’incorporer
que ce qui est nécessaire. Commencez si possible par présenter en détail le
schéma expérimental. Le lecteur comprendra ainsi plus facilement la logique
permettant de vérifier l’hypothèse. Faites une liste des sous-titres de tous les
éléments techniques nécessaires pour que le lecteur puisse aussi comprendre
et évaluer correctement vos résultats. Assurez-vous enfin que le lecteur
dispose de toutes les informations nécessaires pour pouvoir refaire
l’expérience s’il le souhaite ;
• résultats. Classez vos résultats en quatre catégories selon leur importance par
rapport à l’hypothèse et à leur intérêt scientifique en général. Les résultats des
catégories 1 et 2 se rapportent à l’hypothèse directement (catégorie 1) ou de
façon moins évidente (catégorie 2). Les résultats de catégorie 3 présentent un
intérêt scientifique certain mais sans relation avec l’hypothèse. Les résultats
de catégorie 4 ne présentent qu’un intérêt marginal et sans rapport avec
l’hypothèse. Dans la mesure du possible, structurez votre section de résultats
en présentant vos résultats dans l’ordre 1, 2 et 3 et omettez les résultats
de catégorie 4 ;
• discussion. Comme pour la section des résultats, identifiez les arguments
pertinents découlant de l’interprétation de vos résultats. Classez-les en quatre
types en fonction de leur importance par rapport à l’hypothèse, en commençant
si possible par les plus importants. Les arguments de type 1 sont ceux qui
appuient le plus fortement l’acceptation ou le rejet de l’hypothèse de départ.
Ensuite viennent les arguments de type 2, qui permettent d’émettre une
opinion sur la validité de l’hypothèse, mais qui sont moins convaincants que les
précédents. Puis viennent les arguments de type 3, qui sont intéressants sur le
plan scientifique, mais qui sont sans rapport avec l’hypothèse initiale. Placez en
dernier les arguments n’ayant qu’un intérêt marginal sans rapport avec votre
hypothèse (type 4). N’hésitez pas à éliminer les arguments de ce dernier type
car le plus souvent ils ne font que rallonger inutilement la discussion et diluer
la force des arguments essentiels. Il peut arriver bien sûr que tous ces types
d’arguments ne soient pas présents dans votre discussion.

Étape n° 4 – Rédiger
Maintenant, et maintenant seulement, commence la rédaction proprement dite.
Fixez-vous comme objectif des tâches de taille limitée, par exemple un ou quelques
paragraphes. Pour chaque paragraphe, définissez-en le thème, qui constituera votre
phrase d’ouverture, ainsi qu’une conclusion, qui sera votre dernière phrase. Ensuite,
développez les arguments qui conduisent de la première à la dernière phrase. À ce
stade de rédaction, écrivez sans chercher à le faire dans un style parfait. Gardez le
polissage pour l’étape suivante. Concentrez-vous seulement sur les règles de précision,
de clarté et de concision, hiérarchisées dans cet ordre.

Étape n° 5 – Le polissage du style


C’est seulement après avoir produit un premier brouillon de votre texte ou d’une
partie de celui-ci que le style vaut la peine d’être travaillé. Vérifiez que vous avez
bien écrit le texte de la façon dont le lecteur va le lire. Vérifiez la fluidité de la lecture

154 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


en vous assurant de la bonne articulation entre les phrases, soit par répétition de
l’information déjà connue, soit par l’utilisation de mots « panneaux indicateurs ».
Éliminez au maximum les écueils qui freinent la lecture, les huit principaux étant :
• phrases commençant par une proposition subordonnée ;
• substantifs au lieu des verbes dont ils sont dérivés ;
• utilisation de mots imprécis ;
• utilisation d’acronymes, d’abréviations peu courantes et de symboles ;
• citations, notes de pied de page, parenthèses et autres distractions ;
• phrases trop longues, trop complexes ou ayant beaucoup de propositions
subordonnées ;
• phrases compliquées par la présence de nombreux adjectifs ;
• groupements de substantifs.
Lorsque vous pensez que ce polissage est terminé, relisez votre article en vous mettant
dans la peau d’un lecteur qui ne connaîtrait pas votre travail et qui ne peut pas lire
dans votre esprit. De plus, faites relire votre article par vos co-auteurs, mais aussi par
un collègue qui n’a pas participé à l’expérience et qui n’est donc pas très familiarisé
avec votre article. Jusqu’à ce point de votre rédaction, le fait que l’anglais ne soit pas
votre langue maternelle ne devrait pas constituer un obstacle majeur.

Étape n° 6 – La vérification de l’anglais et la soumission à la revue


Vous avez peut-être choisi d’écrire en français pour pouvoir exprimer plus facilement
vos idées et respecter les impératifs de précision, de clarté et de concision recommandés
dans ce livre. Si vous avez décidé de le faire traduire, sachez que les efforts que vous
avez fait lors de la rédaction en français permettront une traduction beaucoup plus
facile et réduiront au minimum les risques de faux sens ou de contre-sens dans la
version anglaise. Assurez-vous que la personne qui effectuera la traduction ou les
corrections de l’anglais possède bien une culture scientifique. En effet souvenez-vous
qu’en plus de la précision, de la clarté et de la concision, le seul impératif de style à
respecter est celui de la logique scientifique.
Si vous avez rédigé votre article en anglais, faites-le réviser par un collègue dont
l’anglais est la langue maternelle. En effet, à moins d’être totalement bilingue, il est
difficile de maîtriser parfaitement toutes les finesses d’une langue étrangère. Enfin,
terminez en relisant une dernière fois la version anglaise corrigée pour vous assurer
qu’elle dit bien toujours exactement ce que vous voulez dire. Transmettez-la ensuite à
tous les co-auteurs pour obtenir leur accord et, une fois celui-ci obtenu, envoyez votre
article à l’éditeur de la revue choisie en l’accompagnant d’une lettre dans laquelle vous
soulignez l’intérêt de votre travail et sa pertinence pour la revue.

M É M E N T O D E S É TA P E S D E R É D A C T I O N D ’ U N A R T I C L E S C I E N T I F I Q U E 155
Index

A boîtes et moustaches (boxplot and wiskers) 53


abréviation 79 bonne volonté de la part des auteurs 69
acceptation de l’hypothèse 17 bon style de rédaction 12
acceptation pour publication 100 C
acronyme 79 capacité d’interprétation 54
adjectifs trop nombreux 84 capter l’attention du lecteur 12
aide audiovisuelle pour une présentation orale 111 capter l’attention du lecteur d’un poster 121
aide des co-auteurs 94 catégories des arguments pour la discussion 58
ampleur de la revue bibliographique d’une thèse 139 catégories des résultats 46
analyses statistiques, comme sous-section des chapeau 136
matériel et méthodes 43, 53
choisir la revue 20, 97
analyses statistiques dans la méthodologie 41, 43
citation des références 81
analyse statistique 18, 52
clarté 13, 73, 135
analyse statistique dans les résultats 47
clé de voûte de l’article scientifique 36
analyse statistique, usage raisonné 62
cohérence dans une thèse 138
anatomie d’une thèse 147
cohérence de la discussion 61
anglais comme deuxième langue 20, 84, 96 comité de thèse 150
anglais de conversation 13 communication affichée 117
anglais et langue maternelle du lecteur 84 communication personnelle 126
anglais, vérification finale 96 composants d’un article de vulgarisation 136
angle de présentation 109 compréhension par le lecteur 11
angoisse, syndrome de la page blanche 18, 22 comptes rendus ou proceedings
annexe dans une thèse 144 des présentations orales 112
appendice 82, 141 concentration du lecteur pour un poster 119
argument dans la discussion 17, 48, 57 conception d’un bon poster 118
argument logique 15 concision 13, 73, 136
article à plusieurs auteurs 69 conclusion dans la discussion 55
article de synthèse 125 conclusion dans un article de synthèse 127
article de vulgarisation 131 conclusion d’un d’argument 55
attente du lecteur dans le titre 29 conclusion d’un paragraphe 60, 61
attente du lecteur et objectif de la recherche conclusion finale dans une thèse 147
dans l’introduction 35 conclusions (section de) dans un article 56
attention de l’auditoire 104 conclusions (section de) dans une thèse 146
attirer l’œil dans un poster 118 conséquences pratiques (section de)
attitude de rédaction 11 dans la discussion 56
attributs d’un article de synthèse 125 contact visuel et présentation orale 111
auditoire des posters 117 contenu d’un poster 119
autonomie du texte, des figures contenu entre parenthèses 81
et des tableaux 48, 50 contexte dans l’introduction 39
autorité 63 contrainte temporelle d’un poster 118
autorité nouvelle 63 contrat de recherche et signature d’un article 70
B contribution intellectuelle et signature
bibliographie 72 d’un article 70, 71
bibliographie dans un article de synthèse 127, 128 correction de l’anglais 21, 26, 96
bibliographie dans un article correction du texte 19, 73, 75
de vulgarisation 136, 137 correction finale 65, 75, 94, 95
bibliographie dans une thèse 146 corriger la lisibilité 73

156 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


corriger le style 73 fluidité 74
covering letter, lettre de présentation français de conversation 13
de votre article à l’éditeur 98
G
crédibilité de l’auteur 102
gagner l’attention du lecteur
crédibilité des informations et des conclusions 129 dans un article de vulgarisation 137
crédibilité des journalistes 135 gagner l’attention du lecteur
crochets 82 dans un article scientifique 27
D généralisation 37, 62, 129
début de phrase 89 Gopen et Swan 87, 89
deck, chapeau 136 graphique 48
déclaration d’ouverture 107 graphiste professionnel 119
dernier auteur 71 gros titre 58
dernière diapositive 116 groupement de noms 85
développement logique d’un paragraphe 60 guide pour les auteurs 20
difficultés courantes dans l’article de synthèse 129 H
discussion 16, 39, 54 hiérarchisation des résultats 46
discussion et article de synthèse 125 humour 113
discussion générale dans une thèse 145 humour dans votre exposé 108
discussion, longueur de 64 humour forcé 108
distraire l’attention du lecteur 82, 143 hypothèse 72
données de justification dans un poster 119, 121 hypothèse, acceptation de 17
données manquantes 49 hypothèse comme base intellectuelle 32
données sur la formation à hypothèse dans l’article scientifique 15, 31
la rédaction scientifique 10 hypothèse dans un article de synthèse 126
E hypothèse, formulation de 32
écart-type 53 hypothèse, justification de 32
écrire dans une langue non maternelle 96 hypothèse, rejet de 17
écueil freinant la lecture 74 hypothèse sous-jacente 33
éditeur 13, 63, 100 hypothèse spécifique dans une thèse 142
Ehrenberg 50 hypothèse unificatrice d’une thèse 141
éléments constitutifs d’un article de synthèse 127 I
éléments d’un résumé 67 idée novatrice dans un article de synthèse 127
enquête 32 idée novatrice dans une thèse 150
entêtes des lignes et des colonnes 49 idées, exprimer ses propres 54
épreuve du collègue 40, 94, 151 implications (section de) dans la discussion 56
erreur de type 2 ou de deuxième espèce 23, 37 importance relative des résultats 46
erreur standard 53 impressionner le lecteur 13
erreur typographique 98 improvisation dans une présentation orale 110
éthique, sous-section des matériel et méthodes 44 information acceptable 16
évaluation par des pairs 72, 99, 101, 130 information anecdotique 72
exclure des résultats 47 information dans un tableau 51
expression du degré de conviction de l’auteur 63 information déjà connue 91
F information déjà connue, vieille information 88
facteur d’impact 97 information fiable 129
faire coïncider votre manière d’écrire ingrédients essentiels d’un article
avec la manière de lire des lecteurs 74 de vulgarisation 135
familiarité avec la discipline 74, 84 instructions aux auteurs 73
familiarité avec le travail, excès de 94, 151 intégrer une nouvelle idée, rythme pour 108
familiarité envers le texte 94, 95 intérêt pour le lecteur 133
figure ou tableau 50 intérêt scientifique d’un poster 119
figures et tableaux utilisés pour la précision 48 interprétation dans un article de synthèse 130

INDEX 157
introduction dans un article de synthèse 126 moteur de recherche bibliographique 27, 28, 30
introduction dans un article scientifique 16, 27, 30 mot imprécis 78
introduction générale de la thèse 141 motivation du lecteur 12, 34
J mythes sur la rédaction scientifique 19
jargon 85 N
jeune auteur 97 nom au lieu d’un verbe 77
journaliste 131 note de bas de page 50, 81
justifier les arguments dans la discussion 57 note de bas d’illustration 50
L O
langage de la science et de la recherche 19, 20 objectif d’un article de vulgarisation 136
langage fleuri 13 objectif d’une communication orale 116
langue maternelle 9, 13, 14, 20, 22, 73, 84, 85 objectif d’une expérience 33, 36
lecteur 11 objectifs d’un poster 118
lecteur, langue maternelle du 84 objectivité des résultats 44
lecteur non spécialisé 132 observation personnelle 130
lecture critique 40, 94, 151 opinions contradictoires 129
lettre de l’éditeur 100 ordre de présentation de l’article scientifique 133
lettre de présentation de votre article à l’éditeur 98 ordre de rédaction des différentes sections 21
lignes et colonnes dans un tableau 50 ordre des auteurs 69, 70
limite de temps d’un poster 119 organismes de financement et remerciements 71
lire votre présentation orale 111 orienter le lecteur 36, 89, 127
lisibilité 26, 74, 80, 87, 92, 137, 151 P
liste de contrôle de l’article scientifique 95 paragraphe, bonne taille de 56, 59
liste des points à vérifier dans la correction 94 paragraphe, structure du 60
littérature dans un article de synthèse 127, 128 parenthèses 81
logique de la discussion, vérifier la 66 parler de votre poster 122
longueur d’un article de vulgarisation 136 phrase compliquée par de nombreux adjectifs 84
longueur du résumé 67 phrase d’ouverture d’une présentation orale 106
M phrase thématique d’un paragraphe 60
matériel bibliographique pour la thèse 140 phrase trop longue 82
matériel et méthodes dans l’article scientifique 40 planification d’un programme de recherche 14
matériel et méthodes dans la thèse 143 point de vue du lecteur 16, 60
mémento des étapes de rédaction polissage final du style 95
d’un article scientifique 153 positionnement des arguments
mémoire à court terme du lecteur 52 dans la discussion 59
message à ramener chez soi 107, 114 poster 117
message clé 112 poster dépourvu d’imagination 120
message clé d’une présentation orale 105 poster, exemples de bon et mauvais 122
message dans un article de synthèse 128 pour en savoir plus (section de) 136, 137
message de conclusion dans précision 13, 50, 73, 78, 86, 135
une présentation orale 115 prédiction 15, 16, 35
message scientifique dans la discussion 57 premier auteur 71
méthode scientifique 15 préposition 85, 86
méthodologie 33, 39, 126, 132 présentation des chiffres dans un tableau 50
mise en valeur des points importants présentation orale 104
dans la discussion 58 principe d’anticipation du lecteur 87, 89, 137
moment de publication d’un article priorité des résultats 46, 144
de vulgarisation 134 probabilités bilatérales 43
mot clé 28, 30 probabilités unilatérales 43
mot de connexion 89 procédure expérimentale dans une thèse
mot de liaison 89 (section de) 144

158 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE


proposition qualificative 76 résumé dans un article de vulgarisation 136
proposition scientifique 31 résumé dans un article scientifique 67
proposition subordonnée 75 résumé dans une thèse 146
public non scientifique 131 résumé de travail pour la rédaction
puissance des tests statistiques 37 de la thèse 148, 150
résumé, élaboration du 68
Q
résumé, longeur du 67
qualité essentielle d’un article de synthèse 125
résumer dans une présentation orale 109
qualité scientifique du travail 7, 94
résumé, rédiger le 22
quartiles 53
reviewer, rapporteur 13
questionnaire 32, 34
révision majeure 100
R révision mineure 100
raccourcir une phrase 83 revue à comité de lecture 63, 104, 140
raisonnement 36
revue bibliographique dans la thèse,
rapporteur 13, 22, 63, 70, 94, 99, 100, 102 ampleur de 139
reader expectation, principe d’anticipation revue bibliographique ou article de synthèse 125
du lecteur 87
revue de la littérature dans la thèse 139
recommandation comme conclusion 55
rythme dans une présentation orale 110
referee, rapporteur 13, 99
référence bibliographique 72 S
références bibliographiques dans un article de schéma expérimental 41
synthèse 125 section expérimentale dans une thèse 143
références, citation des 65 séminaire scientifique 104
références dans la discussion 65 sigle 79
références dans un exposé 113 signataire d’un article 69
régler des détails dans la discussion 60 significatif 53
rejet de l’hypothèse 17 soumettre l’article à la revue 98
rejet d’un article 97, 101 source peu sûre 130
rejeter l’avis d’un rapporteur 102 sous-titres dans la discussion 62
relations avec la revue 97 sous-titres dans les matériel et méthodes 41
relations avec les éditeurs 99 spectacle 104
relations avec les rapporteurs 99 spéculation dans la discussion 63
remerciements dans un article 71 spéculation dans un article de synthèse 127
remerciements dans une présentation orale 113, 116 statistiques 37, 41
remplacer des noms par des verbes 78 statistiques et signature d’un article 70
répéter votre présentation orale 111 statistiques, ouvrage de 23
répétition dans les résultats 52 statistiques, utilisation dans les résultats 52
répétition de données dans la discussion 64 structure de l’article de synthèse 126
réponse à l’éditeur 102 structure des données dans un tableau 50
réponse de l’éditeur 101 structure d’un article de vulgarisation 136
resoumettre l’article à la revue 101 structure d’un article scientifique 16, 18, 134
respecter votre temps de parole 114 structure d’un bon poster 119
résultat négatif 23 structure d’une présentation orale 105
résultat non publié 130 structure d’une thèse 138, 140
résultat principal dans un poster 121 structure d’une thèse traditionnelle 141
résultats 15 structure d’un paragraphe 56, 60
résultats dans l’article scientifique 46 structure logique d’un article scientifique 26, 27
résultats et article de synthèse 125 structure physique d’un article scientifique 26, 27
résultats et discussion (section de) 44 structurer votre discussion 58
résultats non publiés 126 structure scientifique d’un article 22
résultats (section de) 44 style dans un article de vulgarisation 137
résultats séparés de la discussion 44 style de conversation 13, 20, 107

INDEX 159
style de l’orateur 105 temps mort entre orateurs 114
style de rédaction 13 temps morts entre diapositives 112
style de rédaction dans la thèse 140 terminer votre exposé 116
style maison 20, 72, 99 texte dans les résultats 48
style pour la rédaction scientifique 11, 19, 93 texte pour comptes rendus
style, varier votre 109 des présentations orales 112
sujet dans l’introduction 39 texte pour la clarté 48
sujet d’un article de vulgarisation 134 texte sous forme de titres dans un poster 120
sujet et message dans un article de synthèse 128 thèse 138
summary, résumé 67 thèse sur articles 138
superviseur comme cosignataire de l’article 71 thèse traditionnelle 138
superviseur et rédaction de la thèse 139, 149, 150 titre avec conclusion principale 28
superviseur et structure de la thèse 138 titre avec résultat principal 28
survol des matériel et méthodes 40 titre de figure ou de tableau 49
symbole 79 titre d’un article de vulgarisation 136
système Harvard 72 titre, fonction du 27
système Vancouver 72 titres dans un poster 120
titre trop long 28
T
tableau et figure dans une thèse, présentation de 145 U
tableau ou figure 50 unification des arguments 140
tableaux et figures utilisés pour la précision 48 V
table des matières 27 validation de méthodes dans une thèse 143
taille des caractères dans un poster 120, 121 validation de nouvelles techniques 42
taille des caractères pour les titres d’un poster 122 verbe 77
take-home message, message à ramener chez soi 115 vérification finale de l’anglais 96
technique déjà publiée 42 vieille information, information déjà connue 88
technique ultra-moderne 105 vous dans une présentation orale 107
temps de parole 114 vue d’ensemble dans une thèse 139

160 GUIDE DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE

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