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DROIT
DES SOCIÉTÉS
Des mêmes auteurs
Maurice Cozian
PRÉCIS DE FISCALITÉ DES ENTREPRISES
Litec, réédition annuelle.
EXERCICES DE FISCALITÉ DES ENTREPRISES
(en collaboration avec Martial CHADEFAUX) Litec, réédition annuelle.
LES GRANDS PRINCIPES DE LA FISCALITÉ DES ENTREPRISES
Litec, 4 édition, 1999.
Alain ViANDIER
LA NOTION D'ASSOCIÉ
LGD)J, Bibl. de dr. privé, 1978.
LA SOCIÉTÉ EN COMMANDITE, ENTRE SON PASSÉ
ET SON AVENIR
(ouvrage en collaboration) Creda, Litec, 1983.
DROIT COMPTABLE
(en collaboration avec Christian DE LAUZAINGHEN) Dalloz, 2° édition, 1993.
RECHERCHE DE LÉGISTIQUE COMPARÉE
Heidelberg, Spinger, 1988.
OPA-OPE ET AUTRES OFFRES PUBLIQUES
Éd. F. Lefebvre, 3 édition, 2006
Florence DeBoissy
CODE DES SOCIÉTÉS
(en collaboration avec Guillaume Wicker) Litec, 2007.
LA SIMULATION EN DROIT FISCAL
LGD)J, 1997, préface Maurice COzIAN.
M. Cozian A. Viandier F. Deboissy
Professeur émérite Professeur émérite de l’université Professeur à l'université
de l’université de Bourgogne René Descartes (Paris-V) Montesquieu-Bordeaux-IV
DROIT
DES SOCIÉTÉS
20° ÉDITION
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tives à la gestion collective du droit de reproduction par reprographie.
ISBN 978-2-7110-0922-0
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5
Sommaire
Introduction
Première partie
LE DROIT COMMUN DES SOCIÉTÉS
Deuxième partie
LE DROIT SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS
Troisième partie
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
Section 1
Code civil :
3. — La réponse est donnée par l’article 1832 du
es qui conviennent par un contrat
« La société est instituée par deux ou plusieurs personn
leur industrie en vue d'en partager le
d'affecter à une entreprise commune des biens ou ;
bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. l'acte de volonté d'une seule
e, dans les cas prévus par la loi, par
Elle peut être institué
personne.
»
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes.
deux variétés de sociétés ;
4. — Si l’on s’en tient à ces composantes, il existe
la société pluripersonnelle et la société unipersonnelle. Au départ, la société a
personnes s'associent pour
d'abord été pluripersonnelle : deux ou plusieurs
i encore , à Lire l’article 1832, elle reste
réaliser une œuvre commune. Aujourd’hu
statis tiquem ent le plus répandu et de très loin.
le modèle de droit commun,
DROIT DES SOCIÉTÉS
(1) A. Courer, Mondialisation et droit des sociétés : RID. éco 2002, n° 2-3,
p. 339.
(2) K. RooiGuez, L'attractivité, nouvelle perspective du droit national
des sociétés : Bull. Joly 2004, p. 330.
(3) A. Viannieret A. CHaRvERIAT, Sociétés et loi NRE, F. Lefebvre, 2° éd., 2002.
:
(4) A. Lienkaro, Loi pour l'initiative économique : quoi de neuf pour
les sociétés ? : D. 2003, p. 1900.
(5) À. Courer, Les dispositions de la loi sécurité financière intéressant le
droit des sociétés : JCP E 2003,
INTRODUCTION
comme l'exercice des droits et obligations de chacun ; ainsi, parce que les statuts « consti-
tuent le contrat accepté par les parties et fixant leurs droits et obligations » (Cass. com.
8 mars 2005 : Bull. Joly 2005, 8 237, p. 995, note P. Le CANNU : JCP E 2005, 1046, n° 9, obs.
J.-J. Caussa, Fl. Desoissy et G. Wicker), les associés peuvent convenir, par exemple, d’une
clause de retrait forcé ou d'une clause de non-concurrence, la seule limite étant, comme dans
tout contrat, celle du respect de l’ordre public (C. civ., art. 6).
Pour l'ensemble de ces raisons, et faute d'un vocable plus adéquat, le terme de contrat
de société continuera donc d'être utilisé dans cet ouvrage.
4. La codification du droit des sociétés
15. - À dire vrai, il n'existe pas de Code des sociétés comme il existe un Code civil ou
un Code de commerce par exemple (V. infra, n° 16). Le droit des sociétés est réglementé
pour partie dans le Code civil et pour partie dans le Code de commerce, sans compter les
nombreux autres textes intéressant la matière.
La réglementation première du contrat de société se situe au titre IX du livre troisième
(« Des différentes manières dont on acquiert la propriété ») du Code civil (art. 1832 et S.).
C'est le premier des petits contrats qui prend place à la suite des quatre grands contrats que
sont le contrat de mariage, la vente, l'échange et le bail. Selon l'article 1834 du Code
civil, « les dispositions du présent chapitre sont applicables à toutes les sociétés, s’il n'en est
autrement disposé par la loi en raison de leur forme ou de leur objet ». Par conséquent, des
questions aussi fondamentales que la naissance de la personnalité morale, la dissolution ou
la nullité sont réglées par le Code civil. Cela crée parfois des difficultés d'harmonisation avec
certains articles du Code de commerce traitant des mêmes thèmes (V. par exemple, infra,
n° 152 à propos de la nullité des sociétés). Outre les règles communes à toutes les sociétés,
le Code civil réglemente la société civile, la société en participation et la société créée
de
fait.
L'essentiel de la matière est aujourd'hui compris dans le Code de commerce dont le livre
Il reproduit les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ainsi que
les textes applicables aux GIE et GEIE. La première partie du Code regroupe les
textes à
caractère législatif. La partie règlementaire, adoptée par le décret n° 2007-431 du 25
mars
2007, regroupe les textes à caractère réglementaire, spécialement l'ancien décret du
23 mars
op
pt
mena
oo
1967, modifié par le décret n° 2006-1566 du 11 décembre 2006. La codification
a été opérée
à droit constant : si la numérotation des articles a été modifiée, leur contenu est resté
en
principe identique.
Reste que de nombreux textes intéressant le droit des sociétés ne sont aujourd'hui
intégrés
ni dans le Code civil ni dans le Code de commerce. Les dispositions relatives
au droit boursier
ont été codifiées dans le Code monétaire et financier tandis que plusieurs
lois importantes
ont échappé à toute codification, telle la loi du 31 décembre 1990 sur
la société d'exercice
libéral (V. infra, n°% 1260 et s.). Autant dire que l'adoption du Code de
commerce n'a pas
Signé la mort de l'anarchie qui règne en droit des sociétés, ce qui conduit,
après d'autres, à
regretter l'absence d’un véritable Code des sociétés et des groupemen
ts dont l'adoption
aurait été l'occasion de procéder, sur le fond, à une réforme globale
du droit des sociétés
devenue nécessaire.
5. De l'intérêt d'avoir un bon code annoté des sociétés à
portée de main
16. — S'il n'existe pas de Code des sociétés comme il existe un
Code civil ou un Code de
commerce (V. supra, n° 15), les maisons d'édition présentent sous
ce titre des recueils rassem-
blant là multitude de textes intéressant le droit des sociétés, à commenc
er par les articles du
Code civil traitant de la société et ceux du Code de commerce
relatifs aux sociétés commer-
ciales, sans compter les textes particuliers visant l'agriculture,
les coopératives, l'immobilier,
les professions libérales, le secteur public, les salariés ou encore
les groupements particuliers
autres que les sociétés (association, fondation, indivision…).
On recommandera le Code des sociétés et autres groupem
ents de couleur bleue, édité
par Litec, annoté par Florence Deboissy et Guillaume Wicker.
Il est autre chose qu'un empile-
ment de textes de toutes sortes. Les articles de base sont
enrichis de références doctrinales
mentionnant les études les plus importantes publiées sur
le sujet, puis de références jurispru-
dentielles où les décisions de justice les plus marquantes
sont analysées selon un ordre
logique. Le Code annoté se présente au fond comme un véritable
traité où les thèmes sont
commentés à partir des textes de base. Les mêmes remarqu
es valent pour le Code des
sociétés et des marchés financiers de couleur rouge, édité
par Dalloz.
Cette articulation avec le Code des sociétés explique que, dans
le manuel, les notes de
INTRODUCTION
bas de page soient réduites au minimum. Ce n'est en rien une incitation à la paresse ou au
moindre effort. Bien au contraire c'est une pressante invitation à se reporter à la lettre même
des textes et aux substantielles annotations qui les accompagnent. Là comme ailleurs, deux
lectures valent mieux qu'une.
6. Comment faire des recherches en droit des sociétés
17 - Outre l'usage du Code, il faut savoir consulter les traités et les manuels, les ency-
clopédies, les recueils de jurisprudence, les recueils d'études de cas et les revues, sans
compter les ouvrages spécialisés et les thèses se rapportant à des points particuliers. Ceux
qui y ont accès interrogeront les banques de données (uris-Data par exemple aux Éditions
du Juris-Classeur du groupe LexisNexis où encore Légifrance). Enfin, il faut être attentif
aux « choses de la vie ». Quotidiennement les journaux financiers où à plus large diffusion
apportent leur moisson de faits relatifs aux sociétés (OPA, assemblées, conflits entre action-
naires, résultats, émissions de valeurs mobilières...) qui valent pour un esprit curieux les PANC
meilleurs cours magistraux. Signalons qu'un petit lexique des termes anglo-saxons à la
mode a été dressé en fin d'ouvrage à l'intention des lecteurs désireux de connaître le sens
. mots anglo-saxons qui ont envahi le langage du monde des affaires (V. infra,
n :
a) Les traités et les manuels
Il est toujours instructif de comparer les traités et les manuels, chacun apportant un éclai-
rage personnel sur chaque question examinée. Voici, parmi un large échantillon, les princi-
paux publiés ces dernières années :
A. Consranrn, Droit des sociétés, Mémento Dalloz, 2° éd., 2005.
J. Bonwaro, Droit des sociétés, Hachette, 4° éd., 2007.
P. Dir, Droit commercial, t. Il, L'entreprise en société, Les groupes de sociétés, PUF, CR
cette discipline : le Bulletin Joly (mensuel), le Droit des sociétés (mensuel) et la Revue des
sociétés (trimestrielle). 11 ne faut pas hésiter à consulter les revues spécialisées de comptabilité
qui comportent souvent d'intéressantes études sur le droit des sociétés : Économie et compta-
bilité, Bulletin du Conseil national des commissaires aux comptes, Bulletin comptable et finan-
cier, Revue fiduciaire comptable, Revue française de comptabilité. Pour la fiscalité des sociétés,
on se reportera notamment à Droit fiscal, à la Revue de jurisprudence fiscale (RJF) et à la
Revue trimestrielle de droit commercial (chronique de régime fiscal des affaires).
à
: — FP : formation plénière de chambre.
EEE
Section 2
Reste que la réalité est toujours plus nuancée que les classifications doctri-
nales. L'aspect patrimonial n’est pas absent dans les deux premiers types de
sociétés. Dans toute société de partenaires, il y a une entreprise sous-jacente
tandis que le partenariat est souvent présent dans la société conçue comme
technique d'organisation de l’entreprise. L'organigramme d’un groupe fait
apparaître le mélange des genres ; on y rencontre des sociétés qui exploitent
des entreprises, d’autres qui gèrent des patrimoines immobiliers ou mobiliers,
d’autres enfin qui organisent des actions conjointes avec des partenaires exté-
rieurs au groupe (les filiales communes par exemple).
10
INTRODUCTION
11
DROIT DES SOCIÉTÉS
D
OU
12
INTRODUCTION
_ quand on crée une société, il faut nécessairement compter avec une bureaucratie et une
paperasserie dévoreuses de temps et d'argent ;
— sur le plan social, les cotisations à payer sont réduites parce que calculées sur le bénéfice
par hypothèse peu élevé.
La loi pour l'initiative économique du 1° août 2003 a eu une pensée particulière pour les
entrepreneurs individuels. Moyennant une déclaration notariée publiée à la fois au registre
du commerce et des sociétés et à la conservation des hypothèques, ils peuvent mettre leur
résidence principale à l'abri du droit de poursuite de leurs créanciers professionnels. Ceux qui
se mettent en société ne bénéficient pas d’une telle mesure de sécurité s'ils ont choisi une
société à risque illimité (F. VauviiLé, La déclaration notariale d'insaisissabilité : Bull. Joly 2003,
p. 1117). On ajoutera une mise en garde supplémentaire ;si la résidence principale de l'entre-
preneur a été logée dans une société civile immobilière, la déclaration notariée d'insaisissabi-
lité n'est pas possible (Rép. min. à M. JEANIEAN : JOAN 5 avr. 2005, p. 3540 ; Bull. Joly 2005,
p. 541). La société n'est donc pas à tout coup le paradis juridique ou le paradis fiscal que
certains imaginent.
Enfin, travailler seul peut également être une question de tempérament où de choix de
vie : comme dans un domaine voisin, certains trouvent leur bonheur en solo sans pour autant
être solitaires : ils n'envisagent pas de se lier juridiquement à queïqu'un (ou quelqu'une) en
principe pour la vie.
Autrefois, le choix de la société (société anonyme ou SARL à gérance minoritaire) a pu se
justifier par l'attrait du statut fiscal et social des dirigeants qui étaient assimilés à des salariés.
Ceci est du domaine du passé. Aujourd'hui, salariés et non-salariés sont logés, à peu de
|
choses près, à la même enseigne en ce qui concerne tant l'imposition de leurs rémunérations
que leur protection sociale (V. infra, n° 41 et s.). À l'inverse, quand l'entreprise atteint une
certaine dimension et qu'elle doit, pour assurer son développement, diversifier ses sources de
financement, sur le plan juridique, il faut la transformer en société, tandis que, sur le plan
fiscal, il convient de la placer sous le régime de l'impôt sur les sociétés. L'opération s'opère
désormais sans douleur fiscale.
3. De l'amour du bon vin. au contrat de société
trouve
31. — Événement rarissime, une petite parcelle du domaine du Clos-de-Vougeot se
amis qu'unit le culte du bon vin décident de s'en porter acquéreurs. Ils
en vente. Quelques
la donne
créent à cet effet une société civile qui achète la parcelle à son nom. La société
était chargé
aussitôt à bail au vigneron qui, jusque-là, dans le cadre d'une autre société civile,
par remise
de la vinification. Il est stipulé dans le bail que le fermage sera payé en nature
de bouteilles de Clos-de-Vou geot, lesquelles bouteilles sont ensuite
d'un certain nombre
de pouvoir ranger
réparties entre les associés. Et c'est ainsi qu'ils connaissent cette ivresse
même si le délai de
chaque année dans leur cave quelques bouteilles du célèbre domaine,
patience avant dégustation est de l'ordre de dix ans.
de gestion, avec
Les compétences de chacun sont mises à contribution. Un professeur
financier du placement . Un professeur de fiscalité a
moult équations, a conclu à l'intérêt
en musique juridique. Un
savamment disserté du montage à retenir. Un notaire à mis le tout
et assume parallèlement les
professeur de comptabilité tient scrupuleusement les comptes
Les rituels juridiques sont religieus ement respectés, les assemblées géné-
fonctions de gérant.
travaux pratiques de dégustati on à l'appui.
rales se tenant dans la cave du vigneron,
Quelques réflexions juridiques.
ée ? Ce n'est certaine-
Et d'abord quelle est la nature de la société civile qui a été constitu
e d'organi sation de l’entrepr ise (l'entrep rise est exploitée dans le cadre
ment pas une techniqu une technique
le vigneron et son fils). C'est en revanche
de la société civile, laquelle réunit
, les amis trouvant dans la
d'organisation du partenariat avec affectio societatis renforcée
nt une technique d'organisation
société le cadre ludique de leur culte bachique. C'est égaleme
servant de support à la propriét é et à la gestion de la parcelle de
du patrimoine, la société
rité : les dividend es sont versés non en espèces, mais
vigne. Notons par ailleurs cette particula
en nature (V. infra, n° 702).
de lucre que par le plaisir de partager
À la vérité, les associés sont animés moins par l'esprit
du bon vin. Leur groupe ment est à cet égard plus proche de l'associa-
en commun leur amour
|
retenir la formule de l'association si leur souhait avait
tion que de la société. Ils auraient pu
le produit de leur récolte. La jouissance en
été de déguster ensemble, à intervalles réguliers,
association ne fait pas injure à
commun de bonnes bouteilles acquises dans le cadre d'uneétait cependant inapproprié dans
ment
l'esprit de l'institution. En l'espèce, ce type de groupe
13
DROIT DES SOCIÉTÉS
la mesure où les statuts prévoient une répartition des bouteilles (c'est-à-dire des bénéfices)
et une cessibilité des parts sociales.
Quelques réflexions fiscales.
À la différence de la société civile du vigneron, qui relève de la fiscalité des entreprises
(les revenus sont taxés dans la catégorie des bénéfices agricoles), celle des sybarites relève de
la fiscalité des ménages ;la valeur des bouteilles, qui est fixée chaque année par arrêté préfec-
toral, est imposée dans la catégorie des revenus fonciers au nom de chacun des associés. De
façon plus précise, la société civile est en réalité un GFA (groupement foncier agricole) et le
bail est un bail à long terme conclu pour une durée de dix-huit ans. Cette combinaison
permet de bénéficier d'exonérations partielles d'impôt sur la fortune et de droits de mutation
à titre gratuit. Comme quoi vin et fiscalité peuvent à l'occasion faire bon ménage.
Et pourquoi ne pas aller plus loin … et se constituer une cave de 600 bouteilles de
premiers crus ?
La réponse est donnée dans Le Monde du 15 octobre 2001 qui signale comment la Société
Générale Asset Management (SGAM) a obtenu le prix de l'Innovation décerné pendant le Salon
de l'épargne pour son fonds SGAM premier cru. Ce fonds original propose aux souscripteurs
une sortie en capital ou en bouteilles. Cela peut représenter 600 bouteilles de Bordeaux et de
Bourgogne premiers crus. Le journal précise que les souscripteurs sont régulièrement invités à
des réunions d'information, assorties de dégustations. La valeur totale du fonds représentait
10 millions d'euros en juillet 2006. Le fonds a été fermé à la Souscription en mars 2002. La
souscription initiale était de 30 000 € et la valeur liquidative de 29 552 € au 30 juin 2005, soit
une légère évaporation du capital initial (Source : Sicavonline.fr).
4. Les actions de bienfaisance des sociétés :
le mécénat et les fondations d'entreprises
32. — La société n'est pas une œuvre de bienfaisance et sa vocation n'est pas de faire la
charité. Il ne lui est cependant pas interdit de s'intéresser aux bonnes œuvres. Non
om
an
no
rnrenanomo
seulement
la loi ne l'interdit pas, mieux encore elle l'encourage. On distinguera à cet égard
entre le
mécénat et les fondations d'entreprise.
a) Le mécénat
Le mécénat d'entreprise est régi par une loi du 23 juillet 1987, complétée par une
loi du
19" août 2003. Les entreprises sont invitées à prendre le relais des princes
d'autrefois dans
leur rôle de mécènes. Mais le fisc exerce sa police et freine les élans de générosité
excessive.
Voici le mode d'emploi (CGI, art. 238 bis) :
— les dons et subventions aux œuvres d'intérêt général (on entend
par là les œuvres à
Caractère philanthropique, éducatif, scientifique, humanitaire,
sportif, familial, culturel) ne
sont pris en compte que dans la mesure où leur montant n'excède
pas cinq pour mille du
chiffre d’affaires annuel de la société : la générosité est encourag
ée mais tarifée :
— l'avantage fiscal prend la forme d'un crédit d'impôt égal à
60 % du montant des dons
et subventions ; ce crédit s'impute sur l'impôt dont l'entreprise
est redevable: ceci signifie
que pour un don de 100, le fisc prend 60 à sa charge
si bien que l'effort financier de
l'entreprise est limité à 40.
Le droit des sociétés exerce-de son côté sa police. Dans les
sociétés par actions (rien n'est
prévu pour les autres sociétés), les actionnaires exercent.un
droit de regard sur ces actes de
bienfaisance. Ils peuvent notamment demander à tout
moment communication de la liste
des opérations de parrainage et de mécénat (V. infra,
n° 664). Voilà qui doit garantir une
certaine transparence de ce type de générosité.
b) Les fondations d'entreprise
Les sociétés peuvent souhaiter aller au-delà du simple
mécénat et créer elles-mêmes leur
propre œuvre de bienfaisance. La loi du 4 juillet
1990 leur offre pour ce faire un cadre
juridique approprié : la fondation d'entreprise.
Il s'agit de susciter en France la constitution
de fondations privées à l'image des grandes fondati
ons américaines (Fondations Ford, Rocke-
feller, IBM...) ou allemandes (Fondations Mercede
s, BMW...). Aux termes de l'article 18 de
là loi du 23 juillet 1987 sur le mécénat : « la fondati
on est l'acte par lequel une ou plusieurs
personnes physiques ou morales décident l'affect
ation irrévocable de biens, droits ou res-
Sources à la réalisation d'une œuvre d'intérêt
général et à but non lucratif ». La fondation
est une personne morale à but non lucratif,
dotée d'une Capacité juridique plus large
celle d'une simple association. Il existe désorma que
is deux catégories de fondations : les fonda-
tons reconnues d'utilité publique et les fondati
ons d'entreprise. Au titre de ces dernières,
DR
on
14
INTRODUCTION
citera notamment celles créées à l'initiative d'EDF, de GDF, de Cartier, de LVMH, de Vivendi
de Danone, de l'Oréal. (V. infra, n° 83, l'exemple de la fondation Cognacq-Ja)).
Le terme « fondation » est protégé et il est interdit de baptiser une œuvre quelconque de
ce label si elle n'estni une fondation reconnue d'utilité publique ni une fondation d'entre-
prise. Du coup, la loi pose de strictes conditions à la fondation d'entreprise ; elle doit obtenir
une autorisation préfectorale qui est publiée au Journal officiel; la dotation apportée par
l’entreprise doit être précisée; la fondation doit tenir une comptabilité de type commercial
avec bilan, compte de résultat et annexe ; un commissaire aux comptes doit être désigné,
un rapport d'activité doit être adressé chaque année à l'autorité administrative de tutelle (le
préfet). Il s'agit de vérifier que la fondation se consacre bien à la réalisation d'une œuvre
d'intérêt général et se comporte en personne morale à but non lucratif.
Renseignements statistiques. En 2006, il existait 178 fondations d'entreprises ; à comparer
avec les 50 000 existant aux États-Unis, les 8 800 existant au Royaume-Uni et les 8 300
existant en Allemagne. C'est l'importance des incitations fiscales qui explique le foisonnement
des fondations d'entreprises dans ces pays.
5. L'originalité des sociétés coopératives
33. - La coopérative est une société, mais proche de l'association par les objectifs qu'elle
affiche. Elle est régie par la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Son
but n'est pas de réaliser et de partager un profit, mais d'améliorer le sort de ses membres.
Voici comment on peut les présenter (Hourin et Bosueux, Traité théorique et pratique des
sociétés, t. Il, 1935, n° 1568) :
« Quel que soit leur objet, les sociétés coopératives se proposent toujours, en définitive,
de supprimer des intermédiaires afin de diminuer une dépense ou d'augmenter un gain. Elles
se caractérisent par la réunion, en la même personne, de deux qualités généralement séparées
et
entre lesquelles il existe une antinomie naturelle (patron et salarié, marchand de détail
le
consommateur, banquier et emprunteur) et par le rôle effacé et secondaire qu'y joue
capital par rapport au Concours personnel et au travail des associés. »
de
Les plus connues sont les coopératives agricoles, les sociétés coopératives ouvrières
détaillants. Les
production (les SCOP) ou encore les sociétés coopératives de commerçants
:
principes coopératifs, parfois étrangers au monde des sociétés, sont les suivants
dans certains
= principe de la variabilité du capital; ce principe se rencontre également
types de sociétés (V. infra, n° 244);
;
— principe de la double qualité ;patron et salarié dans la SCOP par exemple
des bénéfices qui
— principe altruiste ;la vocation de la coopérative n'est pas de réaliser
économiques,
seraient ensuite répartis entre les coopérateurs ; ses fins ne sont pas seulement
sans doute au capital
elles sont également sociales et morales ; les coopérateurs participent
d'un intérêt annuel et non
de la coopérative, mais ce capital est rémunéré par le versement
par la distribution de dividendes ;
manière que le citoyen
— principe démocratique ; le coopérateur est traité de la même
que soit sa part de capital.
pour les affaires de la Cité : « un homme égale une voix », quelle
les rapports entre l'asso-
Les tribunaux se sont efforcés d’infuser davantage de liberté dans
du droit des obligations.
cié coopérateur et la société coopérative en tirant parti des principes
de coopération étant un contrat
Comme l'a justement énoncé la Cour de cassation, le contrat
d'une coopérati ve auxquels il se réfère ont valeur contractuelle dans
de droit privé, les statuts 1"° civ., 15 juill. 1999 :
chacun de ses adhérents (Cass.
les rapports entre la coopérative et
la prohibition des engagements
Bull. Joly 1999, p. 1115, note A. Couret). Ainsi, le jeu de
production contractés par des agricul-
perpétuels a permis d'annuler certains engagements de
une durée excessive, c'est-à-di re excédant la durée moyenne de la vie profession-
teurs pour
28 oct. 1997 : Bull. Joly 1998, p. 49, obs. P. ScHouer). De même, le
nelle (Cass. 1'° civ.,
de l’article 1184 du Code civil et réclamer la résolution
coopérateur peut invoquer le bénéfice
coopérative a manqué gravement
judiciaire du contrat de coopération dès lors que la société
obligatio ns (Cass. 1" civ., 20 mars 1990 : RTD com. 1990, p. 428, n° 12). Dans un
à ses de son engagement par la force
_ ordre d'idées voisin, le coopérateur peut justifier la rupture
l'imposs ibilité pour une coopéra tive laitière d'absorber toute la produc-
majeure, par exemple (CA Rennes, 7 sept. 1988 :
de l'imposi tion de quotas laitiers
tion d'un agriculteur à raison rs des coopératives prévoient
les statuts intérieu
RTD com. 1990, p. 420, n° 8). Et puisque
de pénalité s financiè res aux coopéra teurs, conformément à l'article R. 522-3 du
l'applic ation
clause pénale et d'appliquer l'article 1152
Code rural, il y a lieu de retenir la qualification de
autorise le juge à « modére r ou augmenter la peine qui avait été conve-
du Code civil, lequel
excessiv e où dérisoir e » (Cass. 1'° civ., 15 juill. 1999, préc.).
nue, si elle est manifestement il existe une société européenne
europé enne comme
Il existe désormais une coopérative
RER
RE
RER
15
DROIT DES SOCIÉTÉS
16
INTRODUCTION
Section 3
4
35. — C'est une évidence : la fiscalité n’est pas neutre. Le poids de l'impôt
varie, parfois dans des proportions considérables, selon que l’on adopte telle
ou telle structure juridique ou tel ou tel mécanisme sociétaire. Ces discrimina-
tions sont regrettables, l'idéal étant celui de la neutralité fiscale. Le poids de
l'impôt ne devrait pas varier en fonction de considérations tenant aux mon-
tages juridiques, mais seulement en fonction des résultats économiques ou
financiers. Certains impôts, la TVA et la taxe professionnelle notamment, sont
dus à raison de la seule activité exercée, quelle que soit la forme juridique de
l’entreprise. On ne manipule pas le droit des sociétés pour payer moins de
TVA ou de taxe professionnelle. L'idéal de neutralité fiscale est alors atteint.
36. — Il en va autrement d’autres impôts (impôts frappant les bénéfices,
droits d'enregistrement, impôt sur la fortune notamment) qui varient en fonc-
tion de la structure juridique adoptée. Voilà qui fait le bonheur des stratèges
et autres amateurs d'optimisation fiscale. Tout l’art consiste alors à faire de
bons choix juridiques et de bons choix fiscaux ; la conciliation n'est pas tou-
jours facile. Les résultats en tout cas sont souvent factices, parfois désastreux.
Pendant trop longtemps, le droit des sociétés a été dévoyé par la fiscalité. On
pourrait utiliser l’image du rapt et du viol du droit des sociétés par la fiscalité,
comme on parle dans d’autres enceintes du rapt et du viol de la comptabilité
par la fiscalité. :
37. — Il ne faut cependant pas s’en tenir aux clichés du passé. N'en déplaise
et
aux esprits chagrins, les choses ont beaucoup changé ces dernières années
L'évoluti on n’est certes pas achevée et la neutralité est loin
dans le bon sens.
de
d'être parfaite. La quête du Graal fiscal se poursuit. Il est indispensable
suivants serviront de fil d'Ariane :
faire le point avec objectivité. Les repères
té enfin respecté e : le coût de la création de la
— deux exemples de neutrali
société et le statut du dirigeant ;
des béné-
— l'impossible neutralité tenant au double mode d'imposition
fices ;
de droits sociaux ;
_ Jes discriminations subsistant en matière de cession
fortune.
— une pernicieuse « exception française » : l'impôt sur la
Sous-section 1
ÉE :
DEUX EXEMPLES DE NEUTRALITÉ ENFIN RESPECT
LE COÛT DE LA CRÉATION DE LA SOCIÈ TE
ET LE STATUT DU DIRIGEANT
constitutions de sociétés,
38. — On a longtemps stigmatisé le coût fiscal des
des struct ures face à l’évolu-
qui était une entrave à la nécessaire adaptation plus qu'un mau-
ent ; ce grief n'est
tion de l’entreprise et de son environnem contre la diabolique
encore plus de virule nce
vais souvenir. On pestait avec aidé
dirigeants de sociétés. Le fisc,
discrimination dont étaient victimes les
17
DROIT DES SOCIÉTÉS
par la Sécurité sociale, avait réussi ce tour de force d’opposer le clan des
privilégiés et celui des pestiférés selon que les dirigeants bénéficiaient ou non
du statut protecteur des salariés. Par étapes successives, non sans mal, les
brimades infligées aux pestiférés se sont atténuées pour disparaître complè-
tement.
18
INTRODUCTION
41. — Salariés et non salariés sont désormais taxés à l'impôt sur le revenu
selon un même barème progressif comportant cinq tranches, la dernière étant
imposée au taux maximal de 40 %. Il n'est pas fait de différence entre les
simples salariés et les dirigeants de sociétés, y compris les gérants majoritaires
de SARL, ni entre les salariés et les travailleurs indépendants. Les anciennes
querelles de jalousie n’ont plus de raison d’être sur ce point.
2° La neutralité sociale
Sous-section 2
ON
LES DISCRIMINATIONS SUBSISTANT EN MATIÈRE DE CESSI
DE DROITS SOCIAUX
19
DROIT DES SOCIÉTÉS
21
DROIT DES SOCIÉTÉS
||
1. Déduction des intérêts d'emprunt : les avancées résultant
de l'arrêt du Conseil d'État du 24 octobre 2004
51. — Voici le contexte de l'affaire. En 1989, MM. Boutourlinsky et François, qui sont
| salariés d'un cabinet de comptabilité exploité dans le cadre d’une société anonyme, décro-
chent leur diplôme d'expertise comptable. Ils rachètent alors chacun 400 des 2 000 actions
composant le capital de la société ;ils ajoutent ainsi la qualité d'associé à leur qualité initiale |
de salarié. Ils déduisent chaque année de leurs salaires imposables les intérêts de l'emprunt
| qu'ils ont dû contracter. Lors d’un contrôle, l'administration rejette cette déduction. Le tribu-
! nal administratif, puis la cour administrative d'appel de Bordeaux confirment cette prise de
| position. L'arrêt d'appel est cassé dans les termes suivants : « Considérant qu'un salarié peut |
| déduire de ses revenus les dépenses qui, eu égard à leur objet et à leur ampleur, peuvent
être regardés comme directement utiles à l'acquisition de ses revenus, alors même que ni les
circonstances de fait ni aucun texte de loi ne les rendraient obligatoires » (Dr. fisc. 2005,
n° 8, comm. 224, concl. E. Giaser. — M. Cozan, Les experts-comptables salariés peuvent enfin
| déduire le coût du financement de l'acquisition de titres de leur société : JCP E 2005, 444 ;
Financement du rachat d'entreprise : pour en finir avec un apartheid fiscal : Dr. fisc. 2006,
| n° 38, 57). Ainsi, la déductibilité des intérêts d'emprunt suppose que les titres soient
directe-
| ment utiles à l'acquisition ou à la conservation des revenus et que le montant des intérêts
ne
Soit pas hors de proportion avec ceux-ci. Prenant le temps de la réflexion, l'administration
a
| précisé la portée qu'elle entendait donner à cette jurisprudence dans une instruction
du
| 23 novembre 2006 (BO/ 5-7-2006).
L'administration a confirmé que la solution dégagée par le Conseil d'État pour des
salariés
|
était transposable aux associés et dirigeants membres d'une profession règlementé
e (avocats,
notaires, experts-comptables, médecins...). Ainsi certains professionnels exercent
leur activité
dans la société, non en qualité de salariés, mais en qualité d'associés et sont
rémunérés
par des honoraires imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux
; tel est
fréquemment le cas des avocats exerçant au sein d’une société d'exercice
libéral. La possibilité
de déduire les intérêts d'emprunt souscrit pour l'acquisition des titres
devrait faire sauter le
verrou freinant le développement des SEL (V. infra, n° 1283).
S'agissant des professions non réglementées, la déductibilité est égalemen
t ouverte aux
salariés et dirigeants imposables dans la catégorie des traitement
s et salaires dans la mesure
où ils ont opté pour la déduction des frais réels. De façon discutable
, l'instruction ne vise pas
les associés exerçant leur profession dans la société : ROUrquoI
sur ce point réserver un sort
différent aux professionnels libéraux ?
| Par ailleurs, l'administration a précisé, de façon assez contesta
entendait donner à l'exigence de proportionnalité. Par analogie
ble, le contenu qu'elle
| engagement de caution (V. infra, avec les pertes liées à un
|
allouée ou escomptée à brève échéance, lors de la Souscrip
tion de l‘emprunt.
2. Un pis-aller discriminatoire :
l'octroi conditionnel d'une réduction d'impôt
52. — Plutôt que de retenir la voie simple et équitab
le de la déductibilité des intérêts
|d'emprunt, le législateur, par la loi pour l'initiative économique du 1 août 2003, a préféré
Î
22
INTRODUCTION
|
lâcher du lest par le biais d'une réduction d'impôt réservée aux dirigeants de PME. Les condi- |
tions à remplir sont les suivantes (CGI, art. 199 terdecies OB) : 1
. la société reprise doit être soumise à l'impôt sur les sociétés et constituer une PME |
répondant aux normes communautaires ; ce doit être une société opérationnelle, ce qui exclut |
les sociétés patrimoniales ; |
= le repreneur doit racheter au moins 50 % du capital de la société ; deux repreneurs à |
égalité peuvent ainsi bénéficier de la réduction d'impôt, mais non s'ils s'y mettent à trois à !
parts égales ; |
— le repreneur doit exercer des fonctions de direction au sein de la société; il doit s'enga-
ger à conserver les titres pendant au moins cinq ans. |
Si ces conditions sont réunies, le repreneur bénéficie d'une réduction d'impôt égale à
25 % des intérêts dus chaque année. Elle est cependant plafonnée puisqu'elle est calculée |
sur un montant d'intérêts annuels fixé à 10 000 € pour les personnes seules et à 20 000 €
pour les couples. La réduction maximale est donc de 2 500 € ou de 5 009 € selon la situation |
familiale du contribuable. Si elle est supérieure au montant de l'impôt exigible, l'excédent |
n'est ni remboursé ni reporté sur l'impôt des années suivantes. |
Rien n'interdit de cumuler la déduction des intérêts et la réduction d'impôt de 25 %. |
Pourront par exemple bénéficier des deux avantages à la fois les professionnels libéraux qui |
rachètent au moins 50 % du capital de la société au sein de laquelle ils exercent leur activité. 4
rss D ST US
Sous-section 3
23
DROIT DES SOCIÉTÉS
24
INTRODUCTION
2° Être « capitaliste »
59. — Ceci implique la possession de 25 % au moins du capital social, le
calcul se faisant à l'échelon familial. Là encore, l’ISF épargne les puissants et
ne frappe que les seconds couteaux (17).
3° Être bien payé
60. — Être patron et « capitaliste » ne suffit pas. Il faut encore que le diri-
geant exerce des fonctions effectives au sein de la société, que ces fonctions
donnent lieu à rémunération normale et que cette rémunération représente
plus de la moitié de ses revenus professionnels. Les bénévoles et les sous-
payés n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes (sur d’autres malheurs pesant sur
les dirigeants bénévoles, V. infra, n° 560).
25
DROIT DES SOCIÉTÉS
26
INTRODUCTION
Sous-section 4
64. — Les sociétés de personnes — dont la liste est donnée par l’article 8 du
CGI - sont dites fiscalement transparentes en ce qu’elles n’ont pas la qualité de
redevables en matière d'imposition des bénéfices ; le fisc adresse directement la
note à payer aux associés. Ces sociétés ne sont d’ailleurs pas prisonnières de leur
statut. Si elles le souhaitent, elles peuvent opter pour le régime de l'impôt sur les
sociétés, ce qui est une marque supplémentaire de souplesse (CGI, art. 206-3). Il
faut cependant prendre garde au fait que l'option est irrévocable, ce qui peut
entraîner d’amères surprises si en cours de route on change les règles du jeu
fiscal. Dans le régime de l'impôt sur le revenu, il est important de distinguer
selon que les résultats sont bénéficiaires ou déficitaires.
27
DROIT DES SOCIÉTÉS
28
INTRODUCTION
|. — L'énoncé
On prendra l'exemple d’un contribuable marié qui perçoit en 2007 des divi-
dendes d’un montant de 10 000 €. Disposant de revenus confortables, il atteint
la tranche maximale de l’impôt sur le revenu, soit 40 %.
Il. — La solution
Les calculs se présentent de la façon suivante :
<idividendes perçus 2.2 tn. 10 000
facon de 0 RER EUR ER ONER RnRR 4 000
— abattement complémentaire 3 050
— dividendes imposables 2 950
— impôt sur le revenu au taux AA Pereee nana rase 1 180
- crédit d'impôt plafonné ee 230
— impôt sur le revenu exigible 950
Le contribuable sera par ailleurs soumis aux contributions sociales frappant
les dividendes bruts au taux de 11 %, soit 1 100 €. Et voilà comment des contri-
butions de 11 % se révèlent plus lourdes qu’un impôt de 40 % calculé sur une
base minorée.
29
DROIT DES SOCIÉTÉS
| images en opposant les extrêmes, la transparence et l'opacité, puis les intermédiaires, la semi-
transparence et la translucidité.
a) L'opacité fiscale des sociétés de capitaux
Les sociétés opaques sont dotées de la pleine personnalité juridique et de la pleine person-
nalité fiscale. Ce sont des contribuables à part entière soumis à un impôt spécifique, l'impôt
sur les sociétés, dont le taux est en principe de 33,1/3 %. On peut donc dire que l'État est
associé, à concurrence d’un tiers, dans toutes ces sociétés, du moins quand les résultats sont
bénéficiaires. S'il participe aux bénéfices, il ne participe pas en revanche aux pertes. Si les
résultats sont déficitaires, le principe d'opacité interdit la remontée des pertes sur les revenus
personnels des associés; elles ne sont imputables que sur des bénéfices de la société elle-
|
le phénomène de la double imposition frappant le bénéfice une première fois au nom de la
société quand il est réalisé, une deuxième fois au nom des associés quand il est distribué:on
a vu que cette double imposition est atténuée, pour les personnes physiques, par divers
|
ticle 1655 ter du CGI énonce expressément que ces sociétés « sont réputées, quelle que soit
leur forme juridique, ne pas avoir de personnalité distincte de celle de leurs membres pour
||
l'application des impôts directs, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière ».
Cette transparence répond à un souci de neutralité fiscale. On a voulu soumettre à un statut
fiscal identique les copropriétaires et les titulaires de droits sociaux donnant vocation à la
jouissance d'une copropriété. Autrement dit, l'associé dont les droits sociaux donnent voca-
tion à la jouissance d’un appartement par exemple est traité fiscalement comme s’il était
copropriétaire de cet appartement.
| Le même régime est également applicable aux sociétés de pluripropriété qui confèrent à
chaque ässocié la possibilité de disposer d'un logement meublé pendant une ou plusieurs
semaines par an (CGI, art. 239 octies).
|
.
c) La semi-transparence des sociétés de personnes
Ces sociétés, visées à l’article 8 du CGI, échappent à l'impôt sur les sociétés : ce
sont les
associés qui paient l'impôt à raison de la quote-part des bénéfices sociaux qui leur
revient
|| (V. supra, n°® 64 et s.). ils ne sont pas pour autant traités comme de simples copropriétai
mais comme de vrais associés. Pour l'essentiel, hors le paiement de l'impôt, il
res
est tenu compte
de la personnalité juridique et de la personnalité fiscale de la société. Ces sociétés
jouent un
| rôle important en pratique et suscitent d'épineux problèmes de droit fiscal.
| d) La translucidité des sociétés d'investissement
| Il existe désormais deux types de sociétés d'investissement ; les premières
gèrent des
|
valeurs mobilières et les secondes des immeubles. Le modèle du premier
groupe est la SICAV
(société d'investissement à capital variable). II s'agit d’une société
de capitaux, une société
anonyme en général, qui gère un portefeuille de valeurs mobilières
pour le Compte de ses
membres. Ceux-ci, au lieu de gérer directement leur épargne avec
tous les soucis et les aléas
que cela comporte, la confie à une société financière spécialisée
. La SICAV se trouve dans le
champ de l'impôt sur les sociétés, mais en est exonérée. Elle est
|
par ailleurs tenue de distribuer
l'essentiel des dividendes qu'elle perçoit et des plus-values
qu'elle réalise, à ses associés ;
ceux-ci sont imposés selon le régime normal des dividendes
| et des plus-values. 1| y à ainsi
égalité de traitement entre ceux qui gèrent directement leur
épargne et ceux qui en confient
la gestion à une SICAW.
Un régime comparable est applicable aux OPCI (organi
smes de placement collectif immo-
bilier) qui gèrent l'épargne de leurs associés dans les placeme
nts immobiliers. Elles échappent
à l'impôt sur les sociétés et les revenus qu'elles distribuent
à leurs associés sont imposés
comme des dividendes.
30
INTRODUCTION
au fil des années sont impressionnantes. En 1989, l'un des associés, M. Marchal, décide de
se retirer en empochant le jackpot au passage. La société Conforama est disposée à racheter
sa participation au prix fort.
M. Marchal est « surfiscalisé », ce qui veut dire qu'il atteint la tranche maximale de l'impôt
sur le revenu, 57 % à l'époque. Il se résigne mal à reverser au fisc plus de la moitié de ce qui
fui revient. Fort heureusement, dans la machinerie fiscale, le gain réalisé lors de la cession de
parts sociales ou d'actions n'est pas qualifié de revenu mais de plus-value. Or les plus-values
sur cession de droits sociaux sont imposées à un taux plus raisonnable, 17 % en 1989 (ce
serait 27 % aujourd'hui). M. Marchal trouve que c'est encore beaucoup, mais les 83 %
restants devraient lui assurer une retraite paisible.
Pour la mise en musique juridique, M. Marchal s'adresse à son conseil, M° B..., qui est
avocat. Celui-ci prépare les différents actes et notamment la signification du projet de cession
à ses deux coassociés. On n'entre pas en effet dans une SARL comme dans un moulin :
l'admission du nouvel arrivant est subordonnée à l'agrément des associés restants. Ceux-ci
ne sont guère enthousiastes d'avoir à l'avenir la société Conforama comme partenaire. Ils
refusent l'agrément, ce qui est leur droit, et proposent de racheter eux-mêmes les parts du
sortant. Cela leur coûtera cependant une fortune. C'est pourquoi le notaire attitré de la SARL
sugaère une autre variante, également prévue par les textes, à savoir le rachat des parts par
la SARL elle-même en vue de leur annulation dans le cadre d'une réduction de capital. Cette
dernière solution ayant l'assentiment de tous, les différents actes sont signés en l'étude du
notaire en présence de M° B... M. Marchal empoche le prix convenu et déclare scrupuleuse-
ment la plus-value qu'il a réalisée.
Las ! Quelque temps plus tard il reçoit un avis de son inspecteur, lequel a suivi les ensei-
gnements de la faculté de droit et ceux de l'École des impôts; il maîtrise aussi bien le droit
fiscal que le droit des sociétés. Selon son analyse, qui est exacte, le gain réalisé par M. Marchal
à la suite du rachat de ses droits par la SARL suivi d'une réduction de capital, n'a pas la nature
d'une plus-value mais celle d'un revenu (V. infra, n° 851). Le redressement est vertigineux.…
Furieux, M. Marchal assigne son conseil en justice et lui demande réparation. M$ B... se
défend comme il peut. Il plaide notamment que si sa compétence englobe l'ensemble du
droit des sociétés, elle ne s'étend pas à la fiscalité dont les mystères lui restent impénétrables.
Les juges lui répondent vertement qu'il lui revenait soit de refuser le dossier, soit de consulter
un fiscaliste. Ils le condamnent en conséquence à rembourser à M. Marchal le supplément
d'impôt qui lui a été notifié, soit la bagatelle de 1,5 million d'euros (CA Paris, 16 avr. 1996 :
Bull. Joly 1996, p. 826, note A. CouRET).
ll ne faudrait pas croire que l'assistance d'un conseil exonère par là même le notaire
rédacteur de l'acte. Dans une autre affaire, un notaire avait conseillé à l'une de ses clientes
exerçant la profession d'expert immobilier de créer une SARL à caractère familial. L'expert-
le
comptable avait indiqué qu'une telle société pouvait opter pour le régime de l'impôt sur
revenu (V. infra, n° 1008) : malheureusement, une telle option n'est pas possible si la société
pour les
exerce une activité libérale. Le notaire a été condamné à supporter le préjudice fiscal
et l'expert-comp table pour le tiers (CA Dijon, 3 déc, 1996 : JCP E 1997, pan. 121.
deux tiers
alerté les
_ Adde Cass. 1° civ., 15 févr. 2005 : RIDA 6/05, n° 714; le notaire n'avait pas
que les cédants
cédants sur le niveau de taxation des plus-values; les juges ont considéré
en œuvre là
n'auraient pas vendu s'ils avaient eu cette information). A pareillement été mise
d’un avocat qui ne maîtrisait pas les règles du report d'imposition des plus-
responsabilité
cas de mise en société d'une entreprise individuelle (Cass. 1° civ., 18 déc.
values applicable en
2001 : Bull. Joly 2002, p. 703 ; RTD com. 3/2003, p. 588, obs. FL. DeBoissy).
type de mésa-
Les auteurs du présent manuel souhaiteraient épargner à leurs lecteurs ce
et des plus-values ;
venture. Ils n’exposeront pas par le menu le mode de calcul des bénéfices
ils n'hésiteront cepen-
cela est du ressort des spécialistes de la chose fiscale. Chemin faisant,
si, face à la variété des itinéraires juridiques possibles,
dant pas à tirer la sonnette d'alarme
l'un d'entre eux conduit droit à un précipice fiscal.
3. L'imposition allégée à 15 % des bénéfices des petites
et moyennes sociétés
, dans certaines limites,
74. — Le législateur a fait un geste en faveur des PME en abaissant
les sociétés de 33,1/3 % à 15 %. Comme on peut s'en douter, le
le taux de l'impôt sur de donner
pas à la tentation
cadeau est assorti d’un luxe de précautions, Bercy ne résistant .
:
3 ces sociétés des leçons de bonne conduite (CGI, art. 219-1-b)
taxe, doit être inférieur à
— importance de la société : le chiffre d'affaires annuel, hors
7 630 000 €;
31
DROIT DES SOCIÉTÉS
— Caractère personnel de la société; elle doit être contrôlée à 75 % au moins par des
personnes physiques ;
— libération complète du capital ;c'est un moyen comme un autre de lutter contre la sous-
capitalisation (V. infra, n° 256) ;
— plafonnement de l'avantage fiscal;le taux de 15 % ne s'applique qu'à concurrence de
38 120 € de bénéfice par exercice.
et nt estate tt
et these
Section 4
L'ASSOCIATION, LA FIDUCIE : k
QUELLE CONCURRENCE POUR LA SOCIÉTÉ ?
Sous-section 1
32
INTRODUCTION
dent (par pudeur, on parle d’excédents et non de bénéfices). Mais les excé-
dents accumulés ne sont pas distribuables aux sociétaires et seront, en cas de
dissolution, attribués à une association poursuivant un but analogue. Le cas
échéant, l'association réalise des opérations lucratives : organisation de ker-
messes, vente aux membres d'articles divers ou fournitures de services. On
estime que ces opérations n’ont pas la nature d'actes de commerce du fait
Leelles présentent un caractère accessoire et sont liées à la mission de l’asso-
ciation.
33
DROIT DES SOCIÉTÉS
34
INTRODUCTION
226.
(25) FI. Desorssy : RTD com. 1998, p. 702 et 1999, p.
35
DROIT DES SOCIÉTÉS
|
direct d'actions, soit par une augmentation de Capital réservée (V. infra, n° 1406 et s.). Et
c'est
ainsi que la participation de LVMH dans La Samaritaine a pu franchir le seuil des 50 % (pour
un
Re
autre exemple, moins innocent, d'association créant une société, V. infra, n° 856).
Sous-section 2
36
INTRODUCTION
8 1. - L'établissement de la fiducie
87. — La fiducie est établie par la loi ou par contrat ; elle doit être expresse
(C. civ., art. 2012). À la différence de la société (V. infra, n° 188), la fiducie est
un contrat solennel.
D'abord, le contrat doit, à peine de nullité, comporter différentes mentions
(C. civ., art. 2018) : les biens, droits ou sûretés transférés, la durée du transfert
de propriété, qui ne peut pas excéder 33 ans (ce qui constitue une différence
du fidu-
avec la société, V. infra, n° 439), l'identité du (ou des) constituants,
ciaire ainsi que du (ou des) bénéficiaire ou, à défaut, les règles permettant sa
désignation, la mission du fiduciaire et l'étendue de ses pouvoirs d’adminis-
tration et de disposition.
Ensuite, le contrat de fiducie et ses avenants doivent être enregistrés à peine
entraîne
de nullité dans un délai d’un mois (C. civ., art. 2019). L'enregistrement
tre-
la perception d’un droit fixe de 125 € (CG, art. 1133 quater), là ou l’enregis
ment (V. supra, n° Do):
ment du contrat de société s'effectue en principe gratuite
registre national des
S'agissant de l'information des tiers, il est prévu qu'un
la publica-
fiducies soit mis en place par décret (C. civ., art. 2020), décret dont
tion semble conditi onner l'appli cation effectiv e de la réforme .
ence par le
Fiscalement, la ficudie doit faire l’objet d’une déclaration d'exist
fiduciaire (CGI, art. 223 VH. - D. n° 2007-725, 7 mai 2007).
37
DROIT DES SOCIÉTÉS
8 2. —- Le patrimoine fiduciaire
À. — Constitution du patrimoine fiduciaire
89. — Puisque le contrat de fiducie emporte transfert de propriété, les
for-
malités habituelles de publicité trouvent à s'appliquer, qui varient en fonction
des biens transmis (créances, immeubles, fonds de commerc
e, titres de
sociétés...). Le transfert fiduciaire de propriété d’un immeubl
e, qui relève du
régime de la formalité fusionnée (V. supra, n° 191), entraîne la
perception de
la taxe de publicité foncièré (0,715 %) (CGI, art. 1020).
90. — En matière d'impôts directs, le régime"fiscal applicable
est pour l’es-
sentiel celui prévu en cas de fusion (V. infra, n° 1381). Le
transfert fiduciaire
est traité comme une opération intercalaire, ce qui permet
d’exclure du résul-
tat imposable du constituant les profits, les pertes ainsi que
les plus ou moins
values constatés à l’occasion de la constitution du patrim
oine fiduciaire. Cette
neutralité fiscale est toutefois subordonnée à la conditi
on que le constituant
soit désigné comme l’un ou moins des bénéficiaires
(CGI, art. 223 V).
B. - Nature du patrimoine fiduciaire
91. — Il s’infère de la définition du contrat de fiduci
fiduciaire est un patrimoine d'affectation. e que le patrimoine
D'une part, les biens et droits composant le patri
moine fiduciaire sont sou:
mis à une affectation commune ; ils doivent être
gérés dans un but particulier.
La loi ne précise pas quel est ce but ; le transfert
de propriété temporaire peut
38
INTRODUCTION
39
DROIT DES SOCIÉTÉS
ou solliciter son remplacement (ce qui n’est pas sans évoquer la révocation
judiciaire du dirigeant, V. infra, n° 1016).
Le fiduciaire est responsable, sur son patrimoine propre, des fautes qu'il
commet dans l'exercice de sa mission (C. civ., art. 2026).
93. — Sur le plan fiscal, conformément aux règles de droit commun, parce
que c’est le fiduciaire, propriétaire des biens, qui gère ceux-ci, il est personnel-
lement redevable de la TVA ainsi que des impôts locaux (taxe professionnelle
et taxes foncières).
La solution est différente en matière d'impôts directs puisque le fiduciaire n’a
pas la qualité de redevable. Le fiduciaire doit tenir une comptabilité distincte
pour chaque patrimoine fiduciaire en respectant les exigences de la comptabilité
commerciale (C. com. art. L. 123-12 à L. 123-15) ;il doit nommer un commissaire
aux comptes chargé de procéder au contrôle des comptes fiduciaires. À partir du
résultat comptable, le fiduciaire doit déterminer le résultat imposable selon les
règles d’assiette de l'impôt sur les sociétés et déposer une déclaration de résultat.
Ce résultat, selon le schéma applicable aux sociétés de personnes (V. infra, n° 64),
est imposé entre les mains du constituant (CGI, art. 223 VA), lequel relève par
hypothèse de l’impôt sur les sociétés. Le constituant est dans tous les cas person-
nellement redevable de l'impôt même si les fruits de la gestion fiduciaire sont
attribués à un tiers (sur la taxation en matière d'enregistrement de l'avantage
ainsi accordé, V. supra, n° 91). Le fiduciaire n’est imposable que sur le montant
de la rémunération qui lui est allouée par le constituant en contrepartie de ses
services de gestion ; cette prestation de service relève de plein droit du champ
d'application de la TVA (CGI, art. 256 IV 1°), ce qui constitue une différence avec
la règle applicable aux rémunérations des dirigeants.
40
8 3. — L'extinction de la fiducie
96. — Comme le contrat de société (V. infra, n° 437 et s.), la fiducie prend
fin par la survenance du terme, par la réalisation du but poursuivi (C. civ.
art. 2029) ou par l'accord des parties. D’autres causes d'extinction lui sont spéci-
fiques : certaines jouent de plein droit, telle la révocation par le constituant
avant acceptation du bénéficiaire ou la révocation par le constituant de l'option
pour l'impôt sur les sociétés. D’autres causes d'extinction supposent d’avoir été
expressément prévues ou, à défaut, de faire l’objet d’une décision de justice :
renonciation de tous les bénéficiaires à la fiducie ; liquidation judiciaire du fidu-
ciaire, dissolution ou disparition par suite d’une cession ou d’une absorption.
Conformément à ce qui aura été stipulé dans le contrat, les biens seront
transmis au bénéficiaire, qui peut être le constituant, le fiduciaire ou un tiers.
97. — Fiscalement, l'extinction du contrat de fiducie vaut en principe cessa-
tion d'entreprise, ce qui emporte imposition immédiate, au nom du constituant,
des résultats de l'exercice comme des plus-values constatées sur les actifs (CGI,
art. 223 VE). Un régime de faveur, calqué sur celui applicable en cas de trans-
mission universelle du patrimoine d'une personne morale, a toutefois été
prévu, qui conduit à traiter l'extinction de la fiducie comme une opération
intercalaire (V. supra, n° 90), à condition, ce qui est logique, que la fiducie
prenne fin sans liquidation du patrimoine fiduciaire (CGI, art. 223 VG).
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Première partie
LE DROIT COMMUN
DES SOCIÉTÉS
99. — Il existe un droit commun des sociétés (1). En poussant l'effort de
synthèse on discerne des règles générales applicables à toutes les sociétés. Le
législateur en a d’ailleurs tenu compte lors de la réforme de 1978 et a pu
dessiner des dispositions gouvernant toutes les formes de sociétés, qu'elles
soient civiles ou commerciales (C. civ., art. 1832 à 1844-17). Ces prescriptions
communes viennent parfois d’autres horizons que le droit des sociétés; la
fiscalité, la comptabilité, les procédures collectives apportent leur pierre à
l'édifice. L'examen de la naissance, de la vie et de la disparition des sociétés
offre l’occasion de retrouver ces différentes alluvions.
100. — Le droit commun peut être plus ou moins large selon qu'il s'étend à
un ensemble ou à un sous-ensemble. Ainsi, il existe un droit commun des
sociétés, qui sera étudié dans la première partie de l'ouvrage. La deuxième par-
tie, consacrée au droit spécial des sociétés, opposera les sociétés à risque limité
et les sociétés à risque illimité. Il y avait une dizaine d’autres classifications pos-
sibles (V. supra, n° 29). Celle-là a été retenue parce que chacun des deux blocs
constitue un sous-ensemble homogène, régi par son propre droit commun.
On aura souvent l’occasion d’opposer ces deux blocs dès la première partie ;
autant dégager dès maintenant le droit commun de chacun d'eux. Commen-
par
cons par l'inventaire. Les sociétés à risque limité regroupent les sociétés
et les SARL. Elles sont toutes
actions (SA, SAS et commandites par actions)
moitié
commerciales à raison de leur forme. Si elles représentent moins de la
sociétés (V. supra, n° 12), leur poids économiq ue est autrement
du total des
ce bloc les
plus lourd que celui des sociétés de personnes. Il faut isoler dans
ment appel à l'épargne, qui sont soumises
sociétés par actions faisant publique
res, disons à un droit commun spécifique . Il existe en
à des sujétions particuliè qu'une
SA familiale, alors
effet un abîme entre une SA cotée en bourse et une
t de grandes ressembla nces.
SA familiale et une SARL familiale présenten
? : Mél. M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 247. — Adde,
(1) P. Le Cannu, Existe-t-il une société de droit commun
1966 comme modèle d’un droit commun des groupements, ibia., p. 195.
M.-L. Coaueurr, La loi du 24 juillet
commun des sociétés commerciales : Journal des sociétés, févr.
- |. KaracHkevova, À la recherche d'un droit
2007, p. 46 ets.
43
DROIT DES SOCIÉTÉS
La liste des sociétés à risque illimité est plus bariolée. On y trouve des
S
7
Î
|
| 1. Comparaison des deux blocs de sociétés
| 101. — En la matière, un bon tableau vaut sans doute plus qu'un long discours.
— Caractère civil | sociétés commerciales par la |la SNC et la commandite simple sont |
| Où Commercial forme commerciales par la forme ; les autres
sont civiles ou commerciales en
| fonction de leur objet
| — Capital minimum imposé par la loi Fées de minimum imposé ; apports
| de 37 000 € pour les sociétés | en industrie autorisés
par actions ; apports en
industrie interdits dans les
sociétés par actions
pas de qualité de
n
|
Éléments Sociétés Sociétés
de comparaison | à risque limité à risque illimité
— statut fiscal régime fiscal et social des statut fiscal et social des travailleurs
|et social salariés indépendants
:
— cumul avec un | cumul possible, mais cumul impossible, mais la solution est
contrat de travail | réglementé discutable (V. infra, n° 1130)
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Titre 1
LA NAISSANCE
DES SOCIÉTÉS
103. — Par société, on entend le contrat de société (V. supra, n° 14), mais
aussi la personne juridique qui va naître du contrat sous réserve de l’observa-
tion d’un rite particulier, l’immatriculation au registre du commerce et des
sociétés. Aussi bien l'attention du juriste porte-t-elle sur ces deux éléments,
qui existent de façon distincte : le contrat (les statuts, le pacte social) et la
personne morale.
Cependant, si toute personne morale suppose un contrat originel, tout
contrat de société ne donne pas le jour, via l’immatriculation, à une personne
juridique. En ce sens, certaines sociétés restent purement contractuelles ; c'est
le cas de la société en participation et de la société créée de fait. Pour de telles
formes, la naissance s'achève avec la signature du contrat — hypothèse de la
société en participation — ou s’induit d'un comportement — hypothèse de la
société créée de fait. Mais ces situations sont minoritaires et le plus souvent
les deux étapes, celle du contrat, puis celle de la personnalité morale, sont
franchies.
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Chapitre 1
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
104. —- Lorsqu'elle est unipersonnelle, la société est créée par acte unilatéral
de l’unique associé. À l'inverse, si elle est pluripersonnelle (ce qui, pour l'ins-
tant, est la situation la plus fréquente), sa création implique la conclusion d’un
contrat, ou plus précisément d’un acte unilatéral collectif (V. supra, n° 14).
Outre les conditions générales communes à tous les contrats, les éléments
spécifiques du contrat de société sont la mise en commun d’apports, la voca-
tion aux résultats et l’affectio societatis (1). Le défaut de l’une de ces conditions
conduit à s'interroger sur le régime des nullités.
Section 1
Sous-section 1
LE CONSENTEMENT
8 1. - Le consentement vicié
s. Le
105. - Le consentement ne retient l'attention que par ses accident
ement est une hypothè se d'école. En revanch e, le consente -
défaut de consent
dol est plus plausibl e
ment peut être vicié. L'erreur est rarement retenue. Le
les manœuv res fraudul euses (voire
et un associé peut par exemple invoquer
il n'aurait pas
le silence mensonger) dont il a été victime et sans lesquelles
contracté.
——————————
49
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
8 2. - Le consentement simulé
50
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
51
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 2
LA CAPACITÉ
8 1. - La capacité générale
110. — La capacité requise des associés varie selon le type de société. Les
sociétés dans lesquelles les associés ont la qualité de commerçant (la SNC par
exemple) exigent la capacité commerciale, ce qui en réserve l'accès aux
majeurs, à condition qu'ils ne soient frappés d'aucune mesure d'interdiction,
d'incompatibilité ou d'incapacité (curatelle ou tutelle) (V. infra, n° 1129). La
porte des sociétés ne conférant pas à leurs associés la qualité de commerçant
(sociétés par actions et SARL essentiellement) est plus largement ouverte. Les
mineurs émancipés peuvent y accéder par eux-mêmes. L'entrée des mineurs
non émancipés et des incapables majeurs, de même que l'exercice des préro-
gatives d’associés, suppose au contraire que les règles de représentation ou
d'assistance propres à chaque régime d'incapacité soient respectées (V. infra,
n° 1176). Il existait autrefois des interdits frappant les époux ; ils ont disparu
(V. infra, n° 343).
111. — La situation des étrangers appelle quelques précisions. Si les ressor-
tissants de l’Union européenne peuvent librement entrer dans une société
française ou la diriger, des restrictions doivent être signalées dans le cas des
non ressortissants. Une ordonnance du 25 mars 2004 a supprimé l'obligation
qui était faite à ces derniers d’être titulaires de la carte de commerçant pour
être associé d’une SNC ainsi que pour diriger une société par actions ou une
SARL ; la carte de commerçant a été remplacée par une autorisation préfecto-
rale (C. com, art. L. 122-1 et s.).
Sous-section 3
L'OBJET SOCIAL
52
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
l’entreprise commune visée par l’article 1832 du Code civil. L'objet social ne
se confond pas avec d’autres notions telles que la cause, l'intérêt social ou
l'activité sociale :
. — la cause correspond au pourquoi de la création de la société ; selon l’ar-
ticle 1832 du Code civil, la société a pour cause l'enrichissement des associés,
qu'il s'agisse pour chacun d’eux de partager un bénéfice ou de profiter d’une
économie (V. infra, n° 135 et s.) ;
— l'intérêt social est un impératif de conduite qui s'impose aux organes de
la société ; il ne leur suffit pas de respecter l’objet social ; ils doivent en outre
ne rien faire qui contrarie l'intérêt de la société (V. infra, n° 369 et s.) ;
%: l'activité sociale est l’activité réellement exercée par la société alors que
l’objet social correspond au programme qu’elle s’est fixé ; l’objet social peut
être défini de façon très large (par exemple : exploiter toutes activités hôte-
lières et de restauration sous toutes leurs formes), alors que l’activité réelle
est plus modeste (l'exploitation d’une modeste auberge de campagne) ; en cas
de conflit entre l’objet social et l’activité sociale, les tribunaux s’en tiennent à
celle-ci, notamment s’il s’agit d'en apprécier la licéité.
114. — L'objet social doit être licite, c’est-à-dire n'être pas contraire à l'ordre
public et aux bonnes mœurs (C. civ., art. 1833). Serait par exemple nulle une
société d'encouragement des mères porteuses (4) ou une société de distribu-
tion de médicaments vétérinaires au mépris de la réglementation appli-
cable (5). Il en serait de même du GIE dont l'objet déguiserait une entente
illicite (V. infra, n° 1297). Bien que ne heurtant pas les bonnes mœurs, un objet
social peut se révéler contraire à la délicatesse requise de certaines profes-
sions; ainsi l’objet social comprenant « la restauration, l’épicerie fine, bar,
hôtel, salle de jeu, night-club, cave de vins, lavomatic... » a été jugé contraire
à la dignité de la qualité d'avocat (6).
115. - L'objet social doit non seulement être licite, il doit encore être déter-
miné. Les sociétés n’ont pas vocation à faire n'importe quoi. Elles doivent
afficher un objet social qui constitue en quelque sorte le programme qu'elles
entendent réaliser; leur sphère d'activité est limitée à l'objet en vue duquel
elles ont été créées. Tel est le principe de la spécialité statutaire des sociétés.
La capacité de jouissance des personnes morales n’a pas l'étendue de celle
là
des personnes physiques : la capacité des personnes morales est spéciale,
praticiens s'ingénien t à
où celle des personnes physiques est générale. Les
formuler l’objet social de la façon la plus extensive qui soit (pour un exemple,
doit
V. infra, n° 117). Cela évite d’avoir à modifier les statuts lorsque la société
cependant pas sans
étendre ou diversifier son activité. Cette méthode n’est Un
risques, notamment lorsque la responsabilité des associés est illimitée.
façon précise est alors un garde-fou (V. infra,
objet social circonscrit de
que la vente
n° 1181). Il met les associés à l'abri de mauvaises surprises telles
constituan t l’activité de la
inopinée par le dirigeant du fonds de commerce
société (V. infra, n° 585).
t de se réfé-
116. - Indépendamment de l’existence de la société, il convien
rer à l’objet social pour vérifier son bon foncti onneme nt :
est civile ou
— c'est l’objet social qui permet de déterminer si une société
infra, n° 232) ;
commerciale lorsque la forme ne dicte pas la solution (V.
des problèmes pratiques posés par les prêts
(4) Comp. pour une association dont l'objet est la gestion
(sic), Cass. civ., 13 déc. 1989 : JCP G 1990, Il, 21526, note A. SÉRIAUX.
d'utérus FI. Desoissy et G. WICKER.
obs. J.-J. CAUSSAIN,
(5) Cass. com. 11 juill. 2006 : JCP E 2007, 1049,
(6) Cass. 1"° civ., 13 déc. 1988 : JCP G 1989, IV, p. 59.
53
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
|
L'objet social peut-il être universel ?
117. - Il est des sociétés qui se disent universelles, telle autrefois la « Compagnie univer-
selle du canal de Suez » laquelle, malgré la nationalisation dudit canal, n'en a pas moins
| continué une brillante carrière puisque, outre l'exploitation du canal, les statuts prévoyaient
| que la société pouvait s'adonner à diverses activités financières (V. infra, n° 446).
Afin de prévenir toute limite, ne pourrait-on prévoir dans les statuts que l’objet social sera
| universel en décidant par exemple que «la société pourra tout faire, n'importe où, sous
| quelque forme que ce soit » ? Ce n'est pas la position du droit français qui pose le principe
| de la spécialité statutaire selon lequel une société ne peut exercer que l’activité prévue dans
| ses statuts, ce qui implique que son objet soit délimité. L'objet n'est parfois universel qu'en
apparence. En voici un exemple relevé dans les Petites affiches du 19 mai 1986 visant la SARL
| Jacatex : « Objet : dans tous pays, la vente, l'achat, l'import, l'export et le négoce de tous
| produits. » Cette société peut sans doute s'adonner à tous commerces de tous genres en
tous lieux, mais ne saurait exploiter un hôtel ou construire des avions. Voici, comme exemple
| d'objet social à rallonge, celui figurant dans les statuts de Darty :
| «La fabrication et le commerce de tous Vêtements, ainsi que le commerce de tous
| articles ménagers, radios, phonos, photos, tous appareillages électriques et de télévision,
ainsi
que le commerce de tous ustensiles de pêche, de chasse, l'importation, l'exportation
des
| produits ci-dessus indiqués ainsi que de toutes marchandises se rattachant
aux objets ci-
dessus indiqués et, généralement, toutes opérations mobilières, immobilières ou
financières
se rattachant directement ou indirectement à l'objet précité et à tous objets connexes
ou
| similaires ou susceptibles de faciliter l'exploitation ou le développement de
l'objet social de
| _ la société, le tout, tant pour elle-même que pour le compte de tiers ou en
participation sous
| quelque forme que ce soit, notamment par voie de création de sociétés,
de commandites,
| de fusion ou d'absorption, de‘souscription, d'avance, d'achat ou de
vente de titres et droits
| Sociaux et cessions et locations de tout ou partie de ces biens, droits mobiliers
ou immobiliers
| Où par tout autre mode. »
: Certes, un objet social en mille-feuille est une commodité dans les sociétés
dont la straté-
gie repose sur la diversification des activités. La formule est en revanche
à déconseiller dans
les sociétés à risque illimité car il est prudent que les associés s'y
protègent, grâce à un objet
| social strictement délimité, contre les fantaisies aventureuses des
dirigeants (V. infra, n° 275)
54
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
Section 2
Sous-section 1
8 1. —- L'exigence d'apports
118. — Sans apport, il n’est pas de société. L'apport est le contrat par lequel
l'associé affecte un bien ou un droit à la société en contrepartie de la remise
de titres sociaux (C. civ., art. 1843-3). Tout aspirant associé doit apporter une
somme d'argent, un bien ou son talent, d’où la distinction des apports en
numéraire, en nature ou en industrie. Par l’acte d'apport, les associés scellent
le pacte social et manifestent leur volonté d'y adhérer, autrement dit leur
affectio societatis ; ils rendent également possible l’accomplissement de l'entre-
prise commune qui constitue l’objet de la société (V. supra, n° 113). C'est dire
le caractère fondamental de l'apport, qui porte en lui les autres traits spéci-
fiques de la société. Notamment, le total de la valeur des apports donne la
mesure du capital social, lequel est un instrument essentiel du fonctionnement
sociétaire (V. infra, n° 238 et s.).
On comprend la vigueur de la sanction prévue en l'absence d’apports : la
nullité de la société (C. civ., art. 1844-10; C. com, art. L. 235-1). Au vrai, le
défaut d'apport ne se rencontre guère à l’état pur. On rencontre en revanche
des apports fictifs, dénués de toute valeur et de toute utilité ; ainsi de l'apport
d'un brevet périmé, d’une créance sur un débiteur insolvable ou encore d'un
fonds de commerce sans valeur. C’est la même chose de ne rien apporter ou
d'apporter quelque chose qui ne sert à rien ou qui ne vaut rien.
Il ne faut pas confondre la fictivité de l'apport et sa surévaluation (V. infra,
n° 125). L'apport n’est pas non plus fictif lorsque l'associé a dû emprunter,
même auprès de ses coassociés, pour financer sa mise initiale ; c’est en effet
l'associé et non la société qui supportera les charges financières (8).
L’exigence d’apports n’a toutefois pas la même intensité selon le type de
société :
m ; la
— dans les sociétés à risque limité, la loi impose un capital minimu
valeur totale des apports doit donc atteindre le minimum fixé; en rupture
capital
avec cette logique, la loi du 1° août 2003 a supprimé l'exigence d’un
légal minimum dans la SARL (V. infra, n° 1003) ;
m ; des
_ dans les sociétés à risque illimité, la loi n’impose aucun minimu
donc créer une SNC ou une société civile au capital
commerçants peuvent
; la loi prévoit même que les GIE et les GEIE peuvent être constitu és
d’un euro
sans capital, c'est-à-dire sans apports.
55
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
A. - L'apport en numéraire
119. —- L'apport en numéraire est un apport de somme d'argent. Il ne doit
pas être confondu avec l'avance en compte courant qui représente un prêt
consenti par l'associé à la société (V. infra, n° 247 et s.). Dans les deux cas il
y a remise d’une somme d'argent ; dans le premier, l’associé reçoit en contre-
partie des droits sociaux, tandis que dans l’autre il ne peut faire valoir que sa
qualité de prêteur.
120. — Il faut distinguer par ailleurs la souscription et la libération de l’ap-
port en numéraire. Par la souscription, l'associé s'engage à effectuer un apport
d’un montant déterminé ; la société n’est créée qu'autant que la totalité du
capital a été souscrite. Par la libération, l'associé exécute son engagement,
c'est-à-dire verse la somme promise. La qualité d’associé est acquise, quelle
que soit la date de libération, dès la souscription. On comparera utilement
avec la conclusion du contrat de vente, le paiement du prix, qu'il soit immé-
diat ou échelonné dans le temps, n'étant pas en principe une condition de
formation du contrat. Le délai de libération varie selon le type de société.
Dans la SA et la SAS, la libération doit être au moins de la moitié de l’apport
tandis qu'il doit être du cinquième dans la SARL (V. infra, n° 1004). Dans les
deux cas, le solde doit être versé dans les cinq ans. Aucun délai légal n’est en
revanche imposé dans les sociétés de personnes, d’où la possibilité de prévoir
que les apports seront libérés au fur et à mesure de la réalisation des bénéfices.
Voilà qui, dans ce type de société, tempère le principe de l'exigence des
apports.
L'associé qui n’a pas entièrement libéré son apport en numéraire bénéficie
néanmoins des prérogatives attachées à sa qualité : droit de vote, droit aux
bénéfices, droit de céder ses titres. L'obligation de libérer les apports étant
personnelle à l'associé, et non attachée à la détention des titres, l’associé ne
saurait s'en prétendre déchargé du fait de la cession de ceux-ci (9).
121. — Le pis-aller d’une libération incomplète du capital souscrit.
56
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
— si ce sont les dirigeants qui font preuve de négligence, tout intéressé peut
solliciter un référé-injonction judiciaire sous astreinte en vue de les obliger à
procéder aux appels de fonds ; on peut dans les mêmes conditions demander
la désignation d’un mandataire chargé de procéder à cette formalité (C. civ.,
art. 1843-53, al. 5);
— tant que le capital n’est pas entièrement libéré, on ne peut procéder à une
augmentation de capital ni dans une SA (V. infra, n° 819), ni dans une SARL
(V. infra, n° 1067) ; une société par actions ne peut pas davantage émettre des
obligations (V. infra, n° 951).
2. Les réactions du droit fiscal
Face au souci de ne pas entraver la création de sociétés à cause d’un manque
de fonds, on trouve la préoccupation inverse d'encourager la constitution de
fonds propres pour ne pas les fragiliser à l'excès. Ainsi s'explique que les deux
mesures fiscales suivantes soient subordonnées à la libération complète du
capital social :
— allégement à 15 % du taux de l'impôt sur les sociétés en faveur des PME
(V. supra, n° 74) ;
- déduction des intérêts alloués aux comptes courants d’associés (V. infra,
n°1251).
B. - L'apport en nature
122. — L'apport en nature est l'apport d’un bien autre que de l'argent ou
une industrie. Ce peut être un bien corporel (immeuble, matériel...) ou incor-
porel (fonds de commerce, brevet, marché, créance...). Quant à la mise à dis-
position elle peut se faire en propriété ou en jouissance.
1° L'apport en propriété
57
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
58
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
2° L'apport en jouissance
en jouissance fait
129. — Si l'apport en propriété évoque la vente, l'apport
Code civil énonce au demeur ant que l'ap-
penser au bail. L'article 1843-3 du preneur ».
la société comme un bailleu r envers son
porteur « est garant envers
59
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
L'apport en jouissance peut être défini à partir de deux éléments (1). Il est
d'une part une variété d'apport en nature donnant droit à l'attribution de
droits sociaux (C. civ., art. 1843-3). Il est d’autre part un contrat de mise à
disposition temporaire de la jouissance d’un bien par l’apporteur au profit de
la société. Il peut donc être rangé, avec le contrat de bail, le contrat de location-
gérance ou le contrat de prêt à usage, au sein des techniques juridiques orga-
nisant une dissociation de la propriété et de la jouissance, l’apporteur restant
propriétaire du bien dont la société a seulement la jouissance.
L'apport en jouissance est peu utilisé en pratique et suscite un contentieux
marginal (12). Outre son utilisation dans certains schémas de défiscalisation,
il est parfois choisi par certaines professions libérales désirant mettre leur
clientèle à la disposition d’une société (13). L'apport en jouissance n’est pour-
tant pas dépourvu d’'attrait. Restant propriétaire du bien, l’apporteur est non
seulement assuré de récupérer la pleine jouissance de ce dernier à la dissolu-
tion de la société, mais on lui remboursera de surcroît la valeur de son apport
(sur cet apparent paradoxe, V. infra, n° 134 à propos de l'apport en usufruit).
Enfin, si la société fait l’objet d’une procédure collective, le bien apporté
échappe au droit de gage des créanciers sociaux puisqu'il ne fait pas partie
du patrimoine social.
3° L'apport en usufruit ou en nue-propriété (14)
130. — L'apport en usufruit confère à la société la qualité d’usufruitière.
L'usufruit concédé à une personne morale ne peut excéder 30 ans (C. civ.,
art. 619) ; cette durée maximale étant impérative, les parties ne peuvent y déro-
ger par des conventions contraires (15). Quant à l’apport en nue-propriété, il
donne à la société la certitude de récupérer à l'avenir tous les attributs de la
pleine propriété, lorsque l’usufruit - temporaire par nature — aura disparu.
Les apports en usufruit ou en nue-propriété se multiplient actuellement. Ils
s'inscrivent dans une stratégie patrimoniale et fiscale de transmission d’un
patrimoine. Ce sont surtout les avantages fiscaux qui expliquent le succès de
ces apports en usufruit (V. infra, n° 134) ou en nue-propriété (V. infra, n° 1169).
Il faut bien distinguer l'apport en usufruit ou en nue-propriété et l’usufruit
ou la nue-propriété portant sur des droits sociaux. Raisonnons à partir de la
nue-propriété :
— en Cas d'apport en nue-propriété, la société dispose seulement des droits
d’un nu-propriétaire sur les biens apportés ; l'apporteur reçoit en contrepa
rtie
(11) €. Recnauir-Mourier, La notion d'apport en jouissance, LGDJ,
1994, préface J. PReuR. — Ph. ENGEL,
Associé et créancier, l'apporteur en jouissance dans les sociétés
de capitaux : JCP E 1998, p. 2056. —
N. Pererka, Réflexions sur la nature juridique de l'apport en jouissance
: Bull. Joly 2000, p. 361.
(12) En voici tout de même un exemple original. Les bénéficiai
res d'un pacte de préférence avaient
apporté leurs actions en justice en jouissance à une société
en participation. L'arrêt d'appel qui n'avait rien
trouvé à redire a été cassé au motif « qu'une action en justice
ne peut faire l'objet d'un apport en jouissance
rémunéré par l'attribution de droits sociaux » (Cass. com.,
31 mai 2005 : Rev. sociétés 2006, p. 114, note
B. Donvero). Il n'est pas interdit à des plaideurs de se regrouper
au sein d'une société de défense. Si l'apport
en jouissance n'a pas été admis, c'est en raison, semble-t-i
l, du caractère aléatoire du recours en justice et
de l'impossibilité de l'évaluer.
(13) Sur les aspects fiscaux de l'apport en jouissance
d'une clientèle civile, CE, 18 sept. 1998 : Dr. fisc.
1998, n° 49, comm. 1081 : RJ com. 1999, p. 353,
note FI. Desorssy. — CE, 26 mars 2003 : RJF 6-2003,
n° 708; RTD com. 4-2003, p. 839, obs. FI. Deboissy
. — C. RecNauLT-Mourier, Le régime fiscal de l'apport
jouissance d’un cabinet libéral à une société de Capitaux en
: JCP E 1999, |, p. 1573. ;
(14) H. Hovasse, M. DesLanDes et R. GENTILHOMME, Apports
de droits démembrés : Dr sociétés, actes pra-
tiques, n° 10, 1993.
(15) Cass. 3° civ., 7 mars 2007 : D. 2007, p. 1009
: cassation de l'arrêt ayant jugé qu'il était possible,
dans le cas de l’usufruit d'un immeuble acquis par
une SCI, de déroger par convention à la durée de
ans. 30
60
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
61
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
|
associés
actifs qui exercent leur profession au sein de la société et lui réservent par conséquent
leur
industrie, et les associés passifs qui ont simplement fait un placement financier.
|
Le droit fiscal
y est au contraire sensible (V. infra, n° 1108 et s.). Le droit de la Sécurité
sociale retient la
même distinction dans les sociétés de personnes. Les associés passifs échappent
aux cotisa-
tions sur leur part de bénéfices puisque ce ne sont pas des revenus professionn
els mais des
| revenus financiers. À l'inverse, les associés actifs devront acquitter des
puisque les bénéfices qui leur sont distribués rémunèrent l'activité qu'ils
cotisations sociales
fournissent dans le
; cadre de la société ;ce sont des revenus du travail et non du capital (V.
| c'est parce que les apports en industrie, qui sont beaucoup plus
infra, n° 1111 ets).
Si la distinction entre associés actifs et associés passifs est occultée en
droit des sociétés,
fréquents qu'on ne le dit,
ne Sont pas traités en tant que’tels. Ainsi, dans les purès sociétés
de partenariat, une société
civile professionnelle d'avocats ou de notaires par exemple, l'importan
t est moins l'apport
financier effectué par chacun que le talent qu'il déploie au service
de la société. De même,
les bénéfices réalisés résulteront moins de la fructification de la finance apportée
mais ce n’est pas le principal) que du travail fourni par chacun (il en faut,
des associés. La répartition des
bénéfices n'est d'ailleurs pas nécessairement proportionnelle
à la participation au capital. Il est
possible par une clause statutaire de moduler la vocation
aux bénéfices en fonction de l'acti-
! vité déployée par les associés, par exemple en indexant
|
la répartition des bénéfices sur les
résultats obtenus par chacun (V. infra, n° 137).
La distinction entre actifs et passifs se retrouve dans
les sociétés de capitaux, sociétés par
| actions ou SARL, qui se présentent comme une techniq
ue d'organisation de l'entreprise. La
|
situation des passifs est simple : les dividendes qui
leur sont versés rémunèrent les fonds qu'ils
ont mis à la disposition de la société. Celle des actifs
est plus délicate. Du fait qu'ils consacrent
leur talent et leur temps à la société, il est légitime
qu'ils soient rémunérés à ce titre. Le
moyen le plus simple passe par la conclusion d’un
contrat de travail entre l'associé et la
société. Ce n'est pas toujours possible, notamm
ent lorsque l'associé exerce des fonctions de
|
direction et possède l'essentiel du capital : il est
trop en situation de force pour invoquer un
réel lien de subordination envers la société dont il est le patron à tous égards.
Qu'à cela
62
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
ne tienne, les fonctions qu'il exerce seront rémunérées : ces rémunérations n'auront pas
juridiquement la nature de salaires, mais là n'est pas l'essentiel. S'agissant par exemple du
NN
président d'une SA, il bénéficiera du statut fiscal et social des salariés, ce qui pendant très
longtemps a été la planche de salut recherchée.
Il existe d’autres combinaisons permettant de favoriser les actifs par rapport aux passifs :
leur réserver des parts privilégiées justifiant une répartition inégalitaire des bénéfices, jouer
sur la répartition entre apports en capital et apports en compte courant (pour une illustration,
V. infra, n° 254).
2. L'apport en usufruit face au principe de l'intangibilité
du capital social
134. — Le droit des sociétés est volontiers dogmatique ; c'est ainsi qu'il confère au capital
social des vertus quasi sacramentelles (V. infra, n°5 241 et s.). Pas de société sans capital bien
sûr. Par ailleurs, on proclame que le capital est affecté au gage exclusif des créanciers sociaux,
ce qui postule son intangibilité.
Cemment concilier une telle présentation avec le particularisme de l'apport en usufruit,
celui-ci étant temporaire par nature ? On raisonnera à partir d'un exemple ayant donné lieu
à contentieux fiscal (TA Poitiers, 21 nov. 1996 : RJF 1/1997, n° 7). Il s'agissait en l'espèce
d'une SA qui exploitait à Poitiers un hôtel-restaurant affilié à la chaîne Campanile. Souhaitant,
ne serait-ce que pour rassurer banquiers et créanciers, gonfler le montant du capital social,
le président de la société lui fait apport en usufruit, pour une durée de dix ans, de 4 220
actions de la société de champagne Louis Roederer qu'il possédait à titre personnel. L'aug-
mentation de capital s'est élevée à 366 000 €, correspondant à la valeur attribuée à l'usufruit.
Sur le plan comptable, la SA pratiquait chaque année un amortissement de 10 % sur la valeur
de l'usufruit inscrit à l'actif du bilan parmi les valeurs immobilisées ; cet amortissement ne
faisait que constater la perte de valeur de l'usufruit au fur et à mesure de l'écoulement du
temps. Passons sur le litige fiscal (l'administration contestait à tort la nature d'immobilisation
amortissable de l’usufruit) pour nourrir quelques réflexions juridiques. La régularité d'un
apport en usufruit de titres n'est pas en cause. Relevons cependant le paradoxe de la situation
à l'expiration du délai de dix ans.
L'usufruit comptabilisé à l'actif s'est volatilisé ;l’actif du bilan a donc fondu d’une valeur
de 366 000 €. Par effet de symétrie, ne serait-ce que pour respecter la nécessaire correspon-
dance de l'actif et du passif, ne conviendrait-il pas d'alléger le passif d'une même valeur, en
clair d'annuler les actions attribuées au président de la SA à raison de son usufruit temporai-
re ? À l'expiration du délai de dix ans, son apport ne devient-il pas fictif puisque envolé en
fumée ?
Cette vision prosaïque n'est pas celle du droit des sociétés. Ce dernier ne prête importance
qu'à la valeur initiale de l'apport, quelles que soient les vicissitudes affectant ultérieurement
le bien apporté. La valeur s'inscrit au passif en augmentation du capital (c'est cette dette de
voire
valeur qui est intangible). Le bien apporté est comptabilisé à l'actif;il peut se déprécier,
Au
disparaître, sans que cela ait une quelconque incidence sur la valeur capitalisée au passif.
de l’usufruit, le capital ne sera pas réduit, le président conservera ses
moment de l'extinction
la dissolu-
actions et continuera de percevoir les dividendes correspondants. Mieux encore, à
tion de la société, on lui remboursera le nominal de son apport, soit 366 000 €.
de la
Une simple comparaison permet d'évacuer l'apparent paradoxe. Si le président
en propriété une machine d’une valeur de 366 000 €, le matériel aurait
société avait apporté
même façon entière-
été entièrement amorti au bout de dix ans et sa valeur réelle aurait de la
capital social. Autre
ment fondu. On n'aurait pas pour autant remis en cause le montant du
n : le président aurait pu faire un apport en espèces de 366 000 € grâce auquel
comparaiso
machine de même
la société aurait financé l'acquisition d'un usufruit temporaire ou d'une
présente comme une
valeur. Il ne faut donc pas confondre la valeur de l'apport, laquelle se
n° 240) et la substance
dette affectée d'un terme de la société envers l'apporteur (V. infra,
du bien apporté.
e en usufruit ?
Reste une interrogation : quel peut être l'intérêt d'un apport temporair
en usufruit d'actions d'une maison de champagne
Il paraît a priori étrange de faire apport
? Le juriste répondra
au profit d'une société qui exploite un hôtel. Quel peut en être l'intérêt
de la société et de renforcer
que c'est un moyen comme un autre de fortifier les fonds propres
la majorité du dirigeant. . .
l'institution de l'impôt de
Le fiscaliste sera tenté d'avancer une autre explication. Depuis
des apports en usufruit. Selon
solidarité sur la fortune (l'ISF), on assiste à une multiplication
63
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
l'article 885 G du CGI, les biens ou droits grevés d'un usufruit sont en principe compris dans
le patrimoine de l’usufruitier pour leur valeur en pleine propriété. Or, l'ISF étant dû par les
personnes physiques et non par les personnes morales, la société usufruitière échappe à
l'impôt. Quant à l'associé, les titres reçus en contrepartie de l'apport en usufruit sont peuvent
être exonérés en tant que biens professionnels, si du moins les conditions de l'exonération
sont remplies (V. supra, n% 55 et s.). Le droit d'usufruit étant amortissable, n'est-ce pas par
ailleurs un moyen d‘amortir la valeur d'un bien qui par nature n'est pas amortissable? On
peut estimer que ces montages, dans la mesure où ils ne sont pas fictifs, relèvent de la simple
2. fiscale et ne tombent pas sous le coup de l'abus de droit (V. infra, n° 185).
D OS M me A so
Sous-section 2
64
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
avec le lion, fable qui donne, au passage, une poétique définition du contrat
de société :
La génisse, la chèvre, et leur sœur la brebis,
Avec un fier lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,
Et mirent en commun le gain et le dommage.
Le Code civil (art. 1844-1) dispose que « la stipulation attribuant à un asso-
cié la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des
pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge
la totalité des pertes sont réputées non écrites ». Serait par exemple considérée
comme nulle la clause par laquelle un associé renoncerait par avance à perce-
voir les dividendes auxquels il aurait droit. On ne rencontre guère dans la
pratique de clauses aussi radicales, mais des clauses plus subtiles dont l'effet
indirect est de prémunir un associé contre les aléas de la vie sociale. Constitue
par exemple une clause léonine l'engagement pris par le gérant d’une société
civile immobilière de verser à ses coassociés un dividende minimum (19). Il
importe peu que la clause soit contenue dans les statuts ou dans un acte
séparé, qu’elle soit temporaire ou sans durée définie (V. infra, n° 145 : cessions
massives de droits sociaux et conventions de partage).
L'article 1844-1 du Code civil dispose que les clauses léonines « sont répu-
tées non écrites », ce qui signifie qu’elles ne produisent aucun effet (V. infra,
n° 168). Mais si la clause léonine a été l’une des conditions déterminantes de
la création de la société, ne pourrait-on demander la nullité de la société elle-
même ? L'article L. 235-1 du Code de commerce l'interdit en ce qui concerne
les sociétés par actions et les SARL. À contrario, les sociétés de personnes
pourraient-elles être annulées ? Il ne le semble pas, la seule nullité de la clause
léonine s’accordant le mieux avec la lettre et l'esprit de l’article 1844-1. Ne
convient-il pas de punir l’associé « léonin » par là où il a péché en le privant
du bénéfice de la clause ?
65
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Qu'en est-il s'ils sont déficitaires ? L'effet de symétrie ne joue pas et les
associés n’ont pas, à la faveur d’un vote majoritaire, le pouvoir de décider
une contribution immédiate aux pertes sociales. Cet ordre de renflouer la
société en cours d'activité reviendrait à leur imposer une augmentation de
leurs engagements, ce que la loi interdit (V. infra, n° 334). Les pertes donnent
lieu seulement à un traitement d'ordre comptable (V. infra, n° 146). Elles sont
portées au passif du bilan en report à nouveau négatif, ce qui entraîne une
diminution des capitaux propres (V. infra, n° 364). L'apparition de pertes
sociales défigure sans doute le bilan de la société mais n’affecte en rien le
portefeuille des associés. À
Il faut par ailleurs distinguer la contribution aux pertes et l'obligation aux
dettes, laquelle pèse sur les membres des sociétés à risque illimité. Dans une
SNC par exemple, les créanciers impayés ont la possibilité de réclamer leur
dû à chacun des associés, l'obligation de ceux-ci étant alors indéfinie et soli-
daire. La contribution aux pertes joue dans toutes les sociétés et n’affecte que
les relations entre les associés et la société elle-même, tandis que l'obligation
aux dettes ne vaut que dans les sociétés à risque illimité et est invoquée par
les créanciers à l'encontre des associés (V. infra, n°° 1103 et s.).
66
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
ms à
jusqu'à leur ruine parfois. Dans un cas, on ne perd que sa mise ; dans l’autre,
on peut y laisser jusqu'à sa dernière chemise.
2° L'exception : la loi ou les statuts peuvent prévoir une mise à contribution
anticipée
a) La contribution anticipée prévue par la loi
143. — Les hypothèses sont exceptionnelles et l’on se bornera à signaler un
exemple ; dans les sociétés de capitaux, en cas de perte de la moitié du capital
social, les associés doivent renflouer la société lorsqu'ils décident la poursuite
de l’activité sociale (V. infra, n° 842 et s.).
b) La contribution anticipée prévue par les associés
144. — La mise à contribution anticipée peut résulter d’une décision des
associés. Ainsi, en cas de réduction du capital à zéro dans le cadre d’un « coup
d’accordéon », les droits initiaux des associés sont purement et simplement
annulés, ce qui est pour eux une façon de contribuer aux pertes (V. infra,
n° 857).
Elle peut également résulter d’une clause statutaire : les statuts peuvent
prévoir que les associés devront contribuer aux pertes à la clôture de chaque
exercice (23). Ce type de clause est fréquent dans les groupements ne sécrétant
que des charges qu'il convient de couvrir d’une façon ou d’une autre. D'où
les cotisations annuelles mises à la charge des associés. On prendra l'exemple
d’une société civile de moyens constituée entre médecins exerçant leur activité
dans les mêmes locaux avec un secrétariat commun (V. infra, n° 1257) ; cette
organisation a pour but de réaliser des économies de loyers et de salaires.
L'équilibre financier est assuré par le versement de cotisations selon les moda-
lités prévues par les statuts. Les appels réguliers de fonds ne constituent en
rien une augmentation des engagements des associés parce qu'ils y ont
consenti par avance en signant les statuts. Lorsque la clause est insérée en
cours de vie sociale, elle doit être adoptée à l'unanimité. À défaut, il y aurait
augmentation des engagements des associés sans leur consentement (C. civ.,
art.1806, al: 2).
67
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
personne, le plus souvent un établissement financier (le porteur), acquiert des titres pour le
compte d'un donneur d'ordre qui s'engage à les lui racheter à une date fixée et pour un prix
minimal (promesse d'achat). Le porteur rend ainsi un service au donneur d'ordre (service de
discrétion, service financier...) qui donne lieu à rémunération.
Ces clauses de promesse d'achat à prix plancher bénéficiant à un associé peuvent-elles
être annulées sur le fondement de la prohibition des clauses léonines ? Ainsi, si la société fait
de mauvaises affaires et si le prix convenu excède la valeur réelle des droits, le promettant
(cessionnaire ou donneur d'ordre) tentera de faire juger que la promesse d'achat est léonine
car elle met l'associé bénéficiaire de la promesse à l'abri de tout aléa social : l'associé serait
dispensé de toute contribution aux pertes en raison de la garantie financière résultant de la
promesse de rachat à un prix minimal.
En matière de cession de contrôle, les tribunaux n'ont pas hésité, dans un premier temps,
à prononcer la nullité demandée. Si la chambre civile continue de réaffirmer, tout en le
nuançant, le principe de la nullité de telles clauses conformément à l'ancienne jurisprudence
(Cass. 1e civ., 7 avr. 1987 : JCP E 1988, Il, 15133, note M. GERMAN), la chambre commerciale
de la Cour de cassation refuse pour sa part de faire jouer l’article 1844-1 du Code civil à
l'égard de pareilles conventions extrastatutaires. Elle a réaffirmé clairement sa position dans
un arrêt du 19 octobre 1999 au motif que, la promesse de rachat ayant pour objet d'assurer,
moyennant un prix librement convenu, la transmission des droits sociaux entre associés, elle
est sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes dans les
rapports sociaux et ne porte pas atteinte au pacte social (Cass. com., 19 oct. 1999 : JŒE
1999, p. 2067, note Y. Guvon). La chambre commerciale admet pour les mêmes raisons la
validité des clauses de prix plancher insérées dans des conventions de portage (Cass. com.,
24 mai 1994 : Bull. Joly 1994, p. 797, note P. Le Can). On signalera le cas dans lequel un
investisseur, une société de capital-risque par exemple (Cass. com., 16 nov. 2004 : JŒ@E
2004, 131, 8 1, obs. J-J. Caussan, FI. Desoissy et G. Wicker), voire un simple associé, accepte
de souscrire à une augmentation de capital à la condition que les autres associés s'engagent
à lui racheter les titres émis, à l'expiration d'un certain délai et pendant une certaine durée,
au prix de souscription majoré d'un intérêt. La chambre commerciale a validé cette clause de
rachat : le bénéficiaire de la promesse d'achat ne pouvant lever l'option qu'à l'expiration d'un
certain délai et pendant un temps limité, il en résulte qu'il reste, en dehors de cette période,
soumis au risque de disparition ou de dépréciation des titres : tout risque social n'est donc
pas supprimé, ce qui suffit à écarter le grief tenant au caractère léonin de la promesse (Cass.
com., 25 fév. 2005 : JCP E 2005, 938, note H. Hovasse: JCP E 2005, 1046, n° 1, obs.
J.-J. CaussAN, F1. Depoissy et G. Wicker. — V. dans le même sens, Cass. com., 27 sept. 2005 :
Bull. Joly 2005, 8 13, p. 92, note A. Courer).
Le jeu des promesses de rachat de droits sociaux est essentiel dans la vie des affaires ;
elles ne sont en rien attentatoires à la « morale » des sociétés. || est donc légitime de leur
garantir un minimum de sécurité juridique en les mettant à l'abri de demandes en nullité
fondées sur leur prétendu caractère léonin. À quand le ralliement des chambres
civiles ?
(E. Ciauoa, Clauses léonines extra-Statutaires, les voies d'un compromis : Mél.
Jeantin, Dalloz,
1999, p. 183, - EX. Lucas, Promesses d'achat des droits sociaux à prix garanti
et prohibition
des clauses léonines. À la recherche de la cohérence perdue... : JCP E 2000,
p. 168).
2. Ne pas confondre pertes juridiques, pertes comptables
et pertes fiscales
146. — Une société qui accumule des pertes est une société fragilisée
par la maladie qui
la ronge. Encore faut-il s'entendre sur la Signification de ces pertes.
En la matière, les juristes,
les comptables et les fiscalistes ne parlent pas le même langage.
Plus précisément, le même
mot (les pertes) ne désigne pas nécessairement la même réalité chez
les uns et chez les autres.
a) Les pertes en droit des sociétés
On sait qu'aux termes de l'article 1832 du Code civil « les associés
s'engagent à contribuer
aux pertes ». Ces pertes recouvrent à l'évidence les dettes que
la société n'a pu régler elle-
même. La question est alors de savoir si les associés sont tenus
ou non de régler personnelle-
ment ces dettes sociales. La réponse n'est pas uniforme,
car il faut distinguer à cet égard
entre la contribution aux pertes et l'obligation aux dettes
(V. supra, n° 140 et s.).
b) Les pertes en droit comptable
Les pertes comptables ne se résument pas à une addition de
dettes : elles sont au contraire
OS le résultat d'une soustraction, c'est-à-dire un solde. Elles
FOU[UUUUNOSIUO
DESS
correspondent au déficit, lequel
68
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
exprime l'excédent des charges supportées par la société sur les produits réalisés par elle au
cours d'un exercice donné (l'exercice comptable est la période de douze mois servant de
référence au calcul des résultats ; ce n'est pas nécessairement l’année civile). Lorsque le solde
est positif, il donne la mesure du bénéfice réalisé par la société; s'il est négatif, il donne la
mesure du déficit subi par la société.
Le résultat comptable est calculé conformément aux normes du Plan comptable général. ||
peut être négatif sans que pour autant la situation financière de la société soit obérée. Le
résultat prend notamment en compte un certain nombre de charges non monétaires telles
que les amortissements et les provisions. Ces charges ne correspondent pas à des dettes ; il
n'y a pas de créanciers face aux amortissements et aux provisions. Par ailleurs, des résultats
négatifs peuvent être contrebalancés par des plus-values latentes que le principe de prudence
interdit de faire apparaître en comptabilité. Des bureaux de prestige situés avenue des
Champs-Élysées à Paris, complètement amortis, apparaissent pour une valeur de zéro à l'actif
du bilan alors que leur valeur réelle peut être considérable.
Sur le plan comptable, les pertes apparaissent au passif du bilan en report à nouveau
négatif et influent sur le montant des capitaux propres. On prendra l'exemple d'une société
au capital de 100 000 en distinguant selon que les résultats d'un montant de 40 000 sont
bénéficiaires (ils sont mis en réserve) ou déficitaires (ils sont comptabilisés en report à nouveau
négatif) :
— les résultats sont bénéficiaires :
capital A 100 000
FOSSES 40 000
capitaux propres... RS 140 000
— les résultats sont déficitaires :
CE 100 000
(EDOFÉ à NOUVEAU NÉDADÉ rires (40 000)
CAPITAUX DFODIES. ein eee 60 000
69
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 3
L'AFFECTIO SOCIETATIS
70
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
71
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Le professeur Claude Champaud oppose avec bonheur les préoccupations des contrôlaires
et celles des bailleurs de fonds (Catégories d'actions ou sortes d'actionnaires : Mél. M. Jeantin,
Dalloz, 1999, p. 182) :
« Aux uns, le contrôle, la puissance et la gloire;
Aux autres, le placement, la jouissance et l'espoir. »
——
2 72772777
Section 3
Sous-section 1
72
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
73
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
74
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
judiciaire ne peut lui être étendue. La chambre commerciale écarte cette argu-
mentation : « Attendu que la cour d'appel, qui n'était pas saisie d'une demande
de nullité de la société GPL, a seulement constaté la fictivité de celle-ci et
décidé, dans l'intérêt des tiers, d'étendre à Mr° Franck la procédure collective
précédemment ouverte. »
. En effet, en cas de liquidation judiciaire, il ne s’agit pas d'annuler la société
fictive mais seulement d’en constater l’inopposabilité afin d'étendre la procé-
dure de liquidation judiciaire au véritable maître de l'affaire.
158. — Quels sont les critères de la fictivité ? Il ne faut pas pécher par pru-
derie juridique et crier à la fictivité dès qu’une personne possède l'essentiel
du capital d’une société et apparaît comme en étant le véritable maître. À ce
compte, on pourrait annuler comme fictives (elles sont légion) toutes les
sociétés dont le capital appartient à plus de 99 % à une même personne,
qu’elle soit physique ou morale. La déclaration de fictivité demeure exception-
nelle ; elle suppose la réunion d’un faisceau d'indices concordants (défaut de
pluralité d’associés, défaut d'activité sociale, défaut de respect du rite socié-
taire, défaut d'autonomie patrimoniale de la société.) (28).
159. —- Sauf volonté de fraude, doit être considérée comme valable la
société dominée par une même personne dès lors que les coassociés ne sont
pas de simples potiches (on n’est pas trop regardant sur l'affectio societatis) et
que le rituel social est scrupuleusement respecté. La reconnaissance des
sociétés unipersonnelles (EURL, SASU, SELARL. ou SELAS unipersonnelle)
ne fait que renforcer la marginalité des sociétés fictives. De même, ce n'est
pas parce que des associés communs créent à la fois une société civile immobi-
lière et une société d'exploitation, l'immeuble possédé par la première étant
est
donné en location à la seconde, que l’inévitable imbrication des intérêts
révélatrice de fictivité et de confusion des patrimoines (V. infra, n° 169).
75
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 2
L'ACTION EN NULLITÉ
161. - L'action en nullité est semée d'obstacles de toute nature qui la font
ressembler à un parcours du combattant. S'il s’agit d’une nullité relative,
seule la personne protégée (la victime d’un dol par exemple) peut agir en
nullité. Dans le cas d’une nullité absolue, la demande peut émaner de toute
personne intéressée : associé, créancier, dirigeant, commissaire aux comp-
tes. Hors de là, les obstacles les plus redoutables tiennent à la brièveté de
la prescription et à la possibilité d’une régularisation. Le législateur semble
avoir atteint son but : le contentieux relatif à la nullité des sociétés est peu
important.
8 1. —- L'obstacle de la prescription
162. — La prescription est de trois ans à compter du jour où la nullité est
encourue (C. civ., art. 1844-14). Il n’y a cependant pas de prescription possible
lorsque la nullité est fondée sur l’illicéité de l’objet ou sur la fraude, ou encore
lorsque la loi répute certaines clauses non écrites (V. infra, n° 168). Par ailleurs,
en application du droit commun des contrats, celui à qui on demande d’exé-
cuter un acte irrégulier peut toujours opposer l'exception de nullité, laquelle
est perpétuelle (V. infra, n° 170).
163. — Nullité de la société pour perte d’affectio societatis et jeu de la
prescription (Cass. 1° civ., 20 nov. 2001).
76
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
8 2. - L'obstacle de la régularisation
Sous-section 3
77
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
78
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
parties. le véritable intéressé est une autre personne tenue secrète » (G. Cornu, Vocabulaire
juridique). Appliquée aux sociétés, l'interposition « suppose qu'une société intervienne, non
pour réaliser son propre intérêt... mais pour réaliser l'intérêt d'autrui » (B. Viar-PEDROLETTI
:nn de personnes dans les sociétés commerciales, thèse Aix-en- Provence, 1986,
Les deux notions ne sont pas équivalentes. La fictivité procède de la confusion des patri-
moines, d'une absence de réalité de la personne morale, ainsi d'une filiale traitée comme une
simple succursale où d'une société inséparable de son animateur. L'interposition procède
simplement de l'absence d'intérêt propre d'une personne où d’une société dans une opéra-
tion déterminée, sans qu'il y ait à prouver une imbrication de patrimoine ou la fictivité de
ladite société, qui peut être une société importante et prospère.
L'interposition de personne est en soi neutre ; ce n'est pas une cause de nullité de l'acte
ou de l'opération. C'est le principe. Maïs il faut le tenpérer par la considération habituelle à
la fraude et rappeler avec Josserand que « l'on peut faire en cachette ce que la loi permet
de faire ostensiblement, mais rien au-delà » (Les mobiles dans les actes juridiques du droit
privé, 1928, n° 195). Ainsi, si la convention de prête-nom permet la réalisation d'une fraude,
les sanctions de la nullité ou de l'inopposabilité trouveront à s'appliquer. Ceci explique aussi
les prohibitions prévues dans le Code de commerce (art. L. 223-21, L. 225-43, L. 225-91 )
3. Les clauses réputées non écrites
168. — Une bonne règle se reconnaît à la qualité des sanctions qui en assurent l'efficacité.
De ce point de vue, la technique législative des clauses réputées non écrites est tout à fait
remarquable (V. Correreau, La clause réputée non écrite : JCP G 1993, 1, 3691. — J. KULLMANN,
Remarques sur les clauses réputées non écrites : D. 1993, p. 59). Même inscrites dans les
statuts, de telles clauses sont censées ne pas exister:c'est un cas d’inexistence juridique par
la seule volonté de la loi. Cette analyse n'est pas sans conséquences. Elle explique notamment
que la prescription de trois ans visée à l'article 1844-4 du Code civil ne joue pas (V. supra,
n° 162). Par ailleurs, la sanction n'a pas à être officialisée par une décision de justice (Cass.
3e civ., 26 avr. 1989 : Bull. civ. III, n° 93).
Le droit des sociétés en fait grand usage. Sont ainsi réputées non écrites (la liste n'est pas
limitative) :
les clauses léonines (V. supra, n° 138);
la loi
_ les clauses attribuant aux administrateurs une rémunération non prévue par
(V. infra, n° 514);
infra,
_ les clauses stipulant un intérêt fixe où intercalaire au profit des associés (V.
n° 699);
d'administra-
_ les clauses restreignant le libre droit de révocation du président du conseil
tion (V. infra, n° 535);
t avec moins
_ les clauses prévoyant que le conseil d'administration délibère valablemen
de la moitié de ses membres (V. infra, n° 510);
extraordinaire pour
_ les clauses contrevenant à la compétence exclusive de l'assemblée
modifier les statuts (V. infra, n° 687);
par correspondance ou de
— les clauses restreignant le droit de tout actionnaire de voter
participer aux assemblées (V. infra, n° 689) ;
n° 284).
_ les clauses restreignant l'exercice de l'action sociale (V. infra,
infernal ?
4. SCI - société d'exploitation : est-ce vraiment un couple
l'immobilier et l'investisse-
169. - Dans le monde des affaires, on n'aime pas mélanger
d'instinct la distinction des
ment d'exploitation. Comme les juristes, les gestionnaires opèrent
es et des meubles. Au moment de se lancer dans une aventure nouvelle, les opéra-
immeubl
l'immobilier sera logé dans une société
teurs créent le plus souvent deux structures parallèles :
civile immobilière (SCI), les équipem ents professi onnels dans une société d'exploitation (une
: bien souvent l'une des deux sociétés cautionne
SA, SAS où SARL dans la plupart des cas)
engagem ent de l'autre (V. infra, n° 1114). On retrouve généralement dans chacune des
les
dirigeants, les sièges sociaux sont souvent
deux sociétés les mêmes associés et les mêmes
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il existe une communauté
situés à la même adresse.
l'une joue le rôle du bailleur d'immeuble et l'autre
_ d'intérêts entre les deux sociétés dont
calculés, les loyers doivent permettre de couvrir
celui du locataire. Lorsqu'ils sont correctement
de rembour sement de l'emprun t contract é par la SCI. Si ce montage est fréquem-
les annuités
permet, indépen damment des aspects fiscaux, de se constituer à bon
ment retenu, c'est qu'il ation. N'est-ce pas la stratégie
par la société d'exploit
compte un capital immobilier financé
79
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
utilisée par les investisseurs qui acquièrent des immeubles de rapport dont les loyers serviront
à rembourser l'emprunt contracté ? || faut cependant compter avec les accidents de parcours
et notamment le dépôt de bilan de là société d'exploitation. Si les règles du jeu sociétaire ont
un sens, la mise en redressement où en liquidation judiciaires de la société commerciale ne
doit pas rejaillir sur la société civile. Les deux sociétés, même avec des associés communs,
restent juridiquement étrangères l’une à l’autre. -
On conçoit que les créanciers de la société d'exploitation ne se résignent pas à la contem-
plation de cet actif immobilier soustraïit à leur droit de poursuite. C’est pourquoi ils multiplient
les actions de guérilla pour rapatrier les immeubles dans la masse à partager. Ils disposentà
cet effet de deux armes redoutables : la fictivité dela SCI qui ne serait qu'une fausse appa-
rence de société indépendante et la confusion des patrimoines résultant de la coupable imbri-
Cation des actifs et des passifs des deux sociétés ou de flux financiers anormaux (€. com.
art. L. 621-2).
Dans certains cas, l'extension de la procédure se justifie : fixation de loyers exorbitants
aboutissant à des transferts extravagants de trésorerie, prise en charge par la société d'exploi-
tation d'importants travaux de rénovation ou d'aménagement devant revenir en fin de bail à
la SCI sans aucun dédommagement, désordre comptable avec mouvements financiers inso-
lites où inscription des dépenses et des recettes indifféremment dans les comptes de l’une
ou l'autre société. Il s'agit là de comportements relevant du vampirisme financier qui ne
seraient pas concevables si les deux sociétés étaient contrôlées par des associés différents
défendant âprement leurs intérêts respectifs. Lorsque les associés communs ont, dans leur
intérêt personnel, pillé la société d'exploitation, il est légitime que les juges les sanctionnent
en écartant la SCI abusive ou frauduleuse (pour une illustration, Cass. com. 7 janv. 2003 :
BRDA 4/2003, n° 5).
Dans d’autres hypothèses on ne trouve pas trace de pareils dérèglements, les associés
ayant scrupuleusement respecté les impératifs du jeu juridique et ceux du jeu financier. Pour-
tant, certains juges du fond n'hésitent pas à contester la légitimité de la dissociation de
l'immeuble et de son exploitation au prétexte que, les associés étant communs, la SCI est
sous l'entière dépendance financière de la société d'exploitetion et n'a d'autres ressources
que les loyers qui lui sont versés.
Pareille dérive est inquiétante. Fort heureusement, elle a été censurée à plusieurs reprises
par la Chambre commerciale (V. notamment, Cass. com. 25 juin 1996 : Defrénois 1996,
p. 1297, note H. Hovasse ; décision référencée P+B+R, V. supra, n° 18). La leçon est claire :
la communauté d'intérêts entre deux sociétés n'est pas à elle seule le signe d'une fictivité ou
d'une confusion des patrimoines (Ch. Curaar, Le montage société civile — société d’exploita-
tion à e de l'extension jurisprudentielle de la procédure collective : Bull. Joly 1999,
D, 1052).
5. De la perpétuité de l'exception de nullité
170. — Cette maxime paraît sibylline aux profanes et sa formulation latine ajoute encore
au mystère : Quæ temporalia sunt ad agendum, perpetua sunt ad excipiendum (ce qui
est
temporel quant à l’action est perpétuel quant à l'exception). Elle permet de mettre le débiteur
à l'abri du risque d'une action de la part de son créancier qui attendrait l'expiration
du délai
de prescription pour demandef l'exécution du contrat. En voici une illustration (Cass. 3°
civ.
2 déc. 1998 : Rev. sociétés 1999, p. 359, note Y. Charter ; RTD civ. 1999,
p. 617, obs.
1. MESTRE). Une société civile immobilière, représentée par Mme G., consent le
28 septembre
1990 un bail commercial de neuf ans à une société anonyme G, représentée par
l'époux de
Mme G. En octobre 1990, la SA change de président. Le nouveau
président conteste la
validité du bail. Devant l'échec des pourparlers, la société G quitte les lieux
le 31 juillet 1992
et la SCI l'assigne en paiement des loyers restant à courir jusqu'à la fin de
la première période
triennale. La société oppose la nullité du bail pour défaut d'autorisation
du conseil d'‘adminis-
tration (V. infra, n% 593 et s.). Les juges d'appel écartent l'objection faisant
valoir que l'action
en nullité du bail était prescrite. Leur décision est cassée au motif
que «le principe selon
lequel la prescription d'une action en nullité n'éteint pas le droit d'oppose
r celle-ci comme
exception en défense à une action principale ».
_ .
6. Ne pas confondre nullité d’une souscription
et nullité d'une société
171. - le régime des nullités est plein de chausse-trapes. L'article
1844-16 du Code civil..
semble pourtant clair : « Ni la société ni les associés ne peuvent
se prévaloir d'une nullité à
l'égard des tiers de bonne foi. » Néanmoins la Cour de Cassation
y décèle des distinctions
invisibles au premier coup d'œil.
SN
A
D
80
LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ
Deux époux font l'objet d'un démarchage et souscrivent, pour un montant de 15 000 €
à une augmentation du capital d'une société civile de construction-vente. La société ayant
été mise en liquidation de biens, une banque, impayée, assigne les époux en paiement de
leur quote-part des dettes sociales. Pour leur défense, ils invoquent la nullité de la souscription
des parts sociales du fait que celle-ci est intervenue à la suite d'un démarchage prohibé par
la loi (seul est autorisé le démarchage pour des titres émis par des sociétés faisant appel
publiquement à l'épargne). La banque leur oppose l'article 1844-16 du Code civil. La Cour
de cassation écarte ce moyen pour le motif que voici : « Attendu qu'ayant prononcé la nullité
d’une souscription de parts sociales, comme étant le résultat d'un démarchage prohibé, c'est RA
à bon droit que la cour d'appel, qui n'a prononcé ni la nullité de la société, ni la nullité
d'actes ou délibérations des organes de la société, a écarté l'application des dispositions de
l'article 1844-16 du Code civil » (Cass. com. 5 oct. 1999 : Bull. Joly 1999, p. 1219, note P. LE
CANNU).
Et c'est ainsi qu’à la faveur de l'irrégularité du démarchage dont ils ont été | objet, les
époux souscripteurs ont pu échapper à l'action en paiement de la banque.
81
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Chapitre 2
LA PERSONNALITÉ MORALE
172. — La personne morale n’est pas une personne. Ni souffrante, ni
aimante, sans chair et sans os, la personne morale est un être artificiel. Et
Casanova le savait bien, qui poursuivit nonnes et nonnettes, mais ne tenta
jamais de séduire une congrégation. On n’a jamais troussé une personne
. morale (1). On connaît la formule célèbre de Gaston Jèze : «Je n'ai jamais
déjeuné avec une personne morale » (2).
Pourquoi parler de personne ? À la vérité, la terminologie se comprend
aisément. Qui dit personnalité morale dit patrimoine distinct. Or, selon la
théorie classique, seules les personnes peuvent être titulaires d’un patrimoine
et puisque cette personne est pur esprit, elle sera qualifiée de morale et non
de physique (3).
Section 1
Sous-section 1
RÉALITÉ OÙ FICTION ?
propos de la
173. - Deux théories se sont principalement affrontées à
et la théorie
nature juridique de la personnalité morale, la théorie de la fiction Elle ne
premiè re en date.
de la réalité technique. L'école de la fiction est la
cette direction, en tentant d'attribuer un sexe à
(1) Un esprit inventif a cependant fait un pas utile dans
rapports des personnes morales et de leurs membres,
là personne morale, BLunrscHu, cité par B. Open, Les
Paris, 1963, p. 334. — On notera toutefois la prédomi nance du féminin, spécialement dans les groupes
thèse
de sœur (V. infra, n° 1451).
où il est question de mère, de fille, de petite-fille,
(2) « Moi non plus, mais je l'ai souvent vue payer l'addition », rétorquait malicieusement un professeur
de l'Université de Paris Il (Jean-Cl aude Sover).
groupements volontaires de droit privé : RTD com.
(3) J. Peer, La personnalité morale et la forme des
e de la personna lité morale : RTD civ. 1993, p. 705. — G. WICKER,
1981, p.471.— J. PaLusseau, Le droit modern
BarucHeL , La personnalité morale en droit privé, LGD)J, 2004.
Rép. civ. Dalloz, V° Personne morale. - Adde, N.
83
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
reconnaît comme sujets de droit que les êtres humains, faits de chair et de
sang, et n'accepte de personnifier les groupements qu’à la condition que l’État
autorise cette personnification puisque seul l'État peut créer des fictions.
174. - L'école de la réalité technique fait au contraire l’économie de cette
intervention étatique. La personne morale est une réalité qui existe dès lors
que certaines conditions sont réunies. Plus précisément, un groupement dis-
pose de la personnalité juridique indépendamment de toute reconnaissance
étatique à condition qu'il possède un intérêt distinct des intérêts individuels
et une organisation capable de dégager une volonté collective qui puisse
représenter et défendre cet intérêt.
175. - Qu'en est-il du droit positif ? Parfois la personnalité est attribuée
par le législateur, lequel prévoit alors expressément les conditions de son attri-
bution. Telle est la solution retenue pour les sociétés (immatriculation au
registre du commerce et des sociétés) ou pour les associations (déclaration à
la préfecture et publication au Journal officiel). Lorsque le législateur n’a pas
reconnu expressément la personnalité morale à un groupement, la jurispru-
dence fait application de la théorie de la réalité technique. C’est ce que la
Cour de cassation a jugé dans une décision du 28 janvier 1954 à propos du
comité d'établissement auquel elle a reconnu la personnalité juridique en
dehors de toute intervention législative : « Attendu que la personnalité morale
n'est pas une création de la loi : elle appartient en principe à tout groupement
pourvu d’une possibilité d'expression collective pour la défense d'intérêts
licites, dignes, par suite, d’être juridiquement reconnus et protégés » (4). Elle
a de même jugé qu’un comité de groupe possédait la personnalité juridique
et pouvait agir en justice (5). On notera une limite remarquable : un groupe
de sociétés n’est pas doté de la personnalité morale (V. infra, n° 1497).
Cette jurisprudence a été récemment confirmée dans le cadre suivant. Une
société de consultants, s’estimant victime d'actes de concurrence et d'abus de
position dominante, avait assigné en réparation de son préjudice la Compa-
gnie des commissaires-priseurs de Paris, laquelle avait accordé son soutien à
une société développant une activité concurrente de formation : la Cour d'ap-
pel de Paris avait rejeté la demande au prétexte que la Compagnie ne possé-
dait pas la personnalité juridique. L'arrêt a été cassé au motif que «la
Compagnie des commissaires-priseurs de Paris, organisme créé par la loi avec
mission de gérer certains intérêts collectifs présentant le caractère de
droits
susceptibles d'être invoqués en justice, possède la personnalité morale
» (6).
Sous-section 2
TRANSPARENCE OÙ OPACITÉ ?
84
LA PERSONNALITÉ MORALE
de même les associés sont connus, mais la personnalité morale les place hors
d'atteinte des poursuites des créanciers sociaux. Telle est l’opacité.
La transparence va consister à ouvrir des brèches dans l'écran. Aïnsi, en
matière de nationalité, plutôt que de déterminer celle-ci en fonction de la seule
situation de la société, il arrive que l’on prenne en considération la nationalité
des associés et des dirigeants pour en induire celle de la société (V. infra,
n° 227). De même, c’est parfois une clause d’un contrat passé par la société
qui confère au tiers contractant la faculté de résilier le contrat en cas de modi-
fication de la personne des associés, de la personne des dirigeants ou de l'or-
ganisation sociétaire (V. infra, n° 199). Enfin, la même image de transparence
se retrouve dans le domaine fiscal (V. supra, n° 63 et s.).
Sous-section 3
LÉGITIMITÉ OÙ ABUS ?
177. — Si l’on devait forger une théorie de l’abus en droit des sociétés , il y
aurait lieu de ne pas oublier l’abus de la personnalité morale à côté de l'abus
de majorité, de minorité et d'égalité (V. infra, n° 378 et s.), de l’abus de biens
ou de pouvoirs (V. infra, n° 612 et s.), de l'abus de révocation ou de démission
des dirigeants (V. infra, n° 536 et s.). Il ne faudrait pas oublier non plus les
différents abus de personnalité morale commis au détriment du fisc.
85
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
réalisée par le biais d’une société civile immobilière constituée par le mari, sa
seconde femme et leur fils commun (10).
Dans tous les cas, les tribunaux rétablissent la réalité, faisant l'impasse sur
la personnalité morale des différentes sociétés. La sanction prononcée est le
plus souvent la nullité de la société abusive, parfois l'inopposabilité de l’ap-
port incriminé (cas de la fraude paulienne par exemple) (11) (V. infra, n° 182).
179. - Combien de sociétés n’ont-elles pas été créées avec des arrière-pen-
sées fiscales ? Peut-on en faire reproche ? Pas le moins du monde. Il faut
d’abord rappeler que l’habileté fiscale n’est pas un péché mais une vertu. Le
bon père de famille doit gérer ses affaires au mieux de ses intérêts, y compris
fiscaux. Il n’a jamais été dit, écrit ou jugé qu'entre plusieurs voies possibles il
fallait choisir celle où l’on paie le plus d'impôt. Et le conseil qui orienterait
son client vers une telle direction engagerait sa responsabilité (V. supra, n° 73).
180. —- Cela dit, habileté ne vaut pas licence et ici comme ailleurs l'excès
devient répréhensible. Quels sont les excès que le fisc ne saurait tolérer ? Il
faut distinguer entre les fonctions qu’il exerce. Il est d’abord agent taxateur
chargé de calculer les impôts dus par chaque contribuable. Il est ensuite agent
de recouvrement chargé de faire rentrer les impôts ainsi calculés. On verra,
en inversant l’ordre chronologique, que les armes anti-abus ne sont pas les
mêmes dans les deux hypothèses (12).
86
LA PERSONNALITÉ MORALE
Des époux, en délicatesse avec le fisc, avaient tenté d'organiser leur insolva-
bilité en apportant la nue-propriété des deux immeubles qu'ils possédaient à
deux sociétés civiles immobilières dont ils étaient les seuls associés. Le comp-
table public avait réagi en exerçant l’action paulienne de l’article 1167 du Code
civil. Les époux se défendaient en proposant un nantissement sur les parts
sociales dont ils étaient titulaires. Le Trésor n’était nullement lésé, prétendaient-
ils, du fait qu'il pouvait exercer avec succès son droit de saisie sur les parts
sociales grevées du privilège du créancier gagiste. La cour d'appel s'était laissée
séduire par l'argument. Sa décision fut cassée au motif qu'elle n'avait pas
recherché, comme il le lui était demandé, si la difficulté de négocier les parts
sociales et le risque d'inscription d’hypothèques sur les immeubles du chef des
créanciers ne constituaient pas des facteurs de diminution de la valeur du gage
du créancier et d’appauvrissement des débiteurs (Cass. 3° civ, 20 déc. 2000 :
Bull. Joly 2001, p. 305, note H. Le NABASQUE).
La décision est référencée P + B (V. supra, n° 18), ce qui en souligne l’impor-
tance. La fraude paulienne ne se réduit pas à la seule organisation d’une véri-
table insolvabilité (se dépouiller de tous ses biens par des donations
notamment) ; elle peut prendre la forme plus insidieuse d’entraves à l'action
des créanciers. Si le Trésor met aux enchères des parts sociales d’une SCT riche
de la seule nue- propriété d'un immeuble {sans revenus immédiats par consé-
quent), les amateurs ne se bousculeront pas.
Il n’y a évidemment pas que le Trésor public qui puisse exercer l'action
paulienne. Ainsi, une banque avait, en garantie d’un prêt accordé à deux époux,
fait inscrire un privilège de deniers et une hypothèque conventionnelle sur
l'immeuble leur appartenant. Les époux ayant fait apport de ce bien à une SCI
constituée entre eux, avec réserve d’un droit d'usage et d'habitation viager à
leur profit, la banque avait demandé que l’opération lui soit déclarée inoppo-
sable pour fraude paulienne, ce qui a été jugé recevable (Cass. 3° civ., 12 oct.
2005 : BRDA 1/06, n° 2).
1° L'abus de droit-simulation
la société créée
184. - Comme un tiers quelconque, le fisc peut estimer que
en clair qu’elle est fictive et ne
par le contribuable n'existe que sur le papier,
cas de simulat ion, la société n’a pas plus d’exis-
lui est donc pas opposable. En rudence
d'exist ence juridiq ue, ce que confir me une jurisp
tence fiscale que
d'abus de droit : RTD com. 1/2003, p. 181 ets.
(13) F1. Desoissy, Montage sociétaire : attention au risque
87
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
185. — Il faut supposer que la société créée est exempte de tout vice de
fictivité et qu'elle fonctionne de façon parfaitement régulière. Le fisc prétend
toutefois qu'elle n’a été créée que pour des considérations fiscales, en clair
qu'elle constitue une fraude à la loi fiscale (V. supra, n° 178). Fort heureuse-
ment, les tribunaux ne retiennent ce grief que si la société ne répond à aucune
logique autre que fiscale. Autrement dit, la société sera considérée comme
légitime si, à côté des motifs fiscaux, les associés peuvent faire valoir des
motifs d’une autre nature à condition qu'ils soient plausibles : motifs juri-
diques, financiers, familiaux, organisationnels... De là vient qu'il est, pour
l'instant, rarissime que les tribunaux déclarent qu’une société soit inopposable
au fisc sur le seul fondement de la fraude à la loi. Il ne faudrait cependant
pas croire que l'abus de droit pour fraude à la loi ne soit qu’un épouvantail
de pacotille. Dans les montages les plus audacieux, il faut toujours prendre
en compte le risque fiscal de l'abus de droit. Ce risque est source d'insécurité
et, le plus souvent, facteur de sagesse. sauf pour les inconscients.
Section 2
Sous-section 1
8 1. - L'idée
187. - Un homme (ou une femme) d'affaires, voulant créer sa
propre entre-
prise en bénéficiant d’un statut fiscal et social favorable, décide
de se mettre
en Société. Des pourparlers s'engagent avec des partena
ires. La rupture des
|. Degoissv, La simulation en droit fiscal, LGDIJ, 1997,
préface M. Cozian.
ee. à PLANTAMP, Le point de départ de Ja période de formatio
n des sociétés commerciales : RTD com.
ATOME
88
LA PERSONNALITÉ MORALE
8 2. — Les statuts
89
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Un acte juridique existe alors qui crée des obligations à la charge des asso-
ciés. Selon l’article 1842, alinéa 2 du Code civil, « jusqu’à l’immatriculation,
les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les
principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ». La ques-
tion qui se pose ici, importante dans l'hypothèse d'une modification des sta-
tuts, est celle de savoir si, avant l’immatriculation, les décisions doivent être
prises à la majorité comme le prévoient les statuts, ou à l’unanimité comme
cela est la règle, sauf clause contraire, dans les contrats. Il faut admettre que
les statuts, en prévoyant des règles de majorité, dérogent précisément à la
règle supplétive de l’unanimité ; ils doivent en conséquence recevoir applica-
tion dans les rapports internes entre associés pendant la période précédant
l’immatriculation.
8 4. - L'immatriculation
90
LA PERSONNALITÉ MORALE
D. - La mission du greffier
196. — Le greffier, après un contrôle formel du dossier, procède à l’imma-
attribu-
triculation de la société au registre du commerce et des sociétés, avec
ces données,
tion d’un numéro d’immatriculation (sur la consultation de
n° 200). La formalit é est effectué e gratuite ment. L'immatr iculation,
V. infra,
jour
sauf difficultés particulières, doit intervenir dans le délai franc d'un peut
la demande . En cas de refus, le demande ur
ouvrable après réception de
saisir le juge commis à la surveillance du registre.
91
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
92
LA PERSONNALITÉ MORALE
|
concurrent, la modification de l’actionnariat, la transformation ou la fusion de la société
constituent autant de circonstances propres à fragiliser cette dernière et à inquiéter légitime-
ment son cocontractant. Celui-ci peut-il se prévaloir de telles modifications pour obtenir la
résiliation du contrat ? La réponse de principe est négative puisque ces événements n'affec-
tent ni le maintien de la personnalité morale ni la survie du lien contractuel. || en va différem-
ment si ces événements sont entrés dans le champ contractuel et ont été érigés par les
parties en qualités essentielles. C'est ainsi qu'est apparue dans certains Contrats à exécution
|||
successive une clause dite d'intuitu societatis qui n'est ni pius ni moins qu’une transposition |
à la société de l'intuitus personae (C. Priro, La société contractante, PU d'Aix-Marseille, 1994,
n° 682 et s. — J. Preur, Droit des contrats et droit des sociétés, Études A. Sayag, Litec, 1997,
|
D 379'ets.).
Techniquement, la clause d'‘intuitu societatis connaît deux variantes. Parfois l'une des par-
ties bénéficie d'un droit de résiliation en cas de survenance d'événements affectant la société
avec laquelle elle contracte. Autrement dit, certaines qualités de la société contractante sont |
considérées comme déterminantes par les parties et leur disparition ou leur modification i
autorisent le cocontractant à faire jouer la clause de résiliation. Parfois la clause prévoit seule-
ment l'information du cocontractant et la possibilité pour ce dernier de donner un agrément |
à l'opération projetée. Si l'opération est effectuée en dépit du refus du cocontractant, ce
dernier pourra résilier le contrat. Quel que soit le type de clause envisagé, il convient de |
prendre la mesure de son danger puisque la société se trouvera souvent enfermée dans un |
choix impossible. Si elle réalise la modification sociétaire projetée, elle s'expose à la disparition |
d'une relation contractuelle représentant parfois un élément esseritiel de son exploitation. Si
elle opte au contraire pour le maintien du contrat, elle sera obligée de renoncer à une mesure |
de restructuration peut-être indispensable à sa survie économique. |
|
La jurisprudence a validé de telles clauses, écartant ainsi l'argument selon lequel elles
feraient fi de la personnalité morale de la société en autorisant la prise en compte, par les
tiers cocontractants, de la personne des dirigeants, de la personne des associés ou de l'organi- |
sation sociétaire (V. supra, n° 176). Toutefois, devant le risque de rupture arbitraire du contrat
dont elles sont porteuses, l'admission de leur validité suppose que plusieurs conditions soient
satisfaites. La clause doit d'abord spécifier de façon suffisamment précise les circonstances
||
matérielles susceptibles de permettre sa mise en œuvre et elle doit être interprétée de façon
étroite ; ainsi une clause prévoyant la résiliation d'un contrat en cas de cession du fonds de
|
commerce ne pourrait pas jouer en cas de cession de contrôle. Les juges se réservent ensuite
la possibilité de contrôler le caractère éventuellement abusif de l'exercice de la clause (CA
Paris, 25 janv. 1995 : Bull. Joly 1995, p. 413, note A. CouRET ; RTD civ. 1996, p. 158, obs.
;
J. Mesrre et, sur pourvoi, Cass. com., 14 janv. 1997 : RTD civ. 1997, p. 427, obs. J. MESTRE
:
RI com. 1998, p. 178, note G. Wicker). Ainsi, la clause doit être fondée sur un intérêt légitime
du
seule une cause légitime telle la bonne exécution du contrat ou la protection des intérêts
bénéficiaire de la clause peut justifier sa licéité (G. Wicker, note préc.). Enfin, la clause doit
la clause,
satisfaire à une exigence de proportionnalité ;autrement dit, la mise en œuvre de
au risque
à savoir la résiliation du contrat, ne doit pas être disproportionnée par rapport
réellement supporté par le cocontractant.
3. Comment consulter les informations |
|
stockées au registre du commerce et des sociétés ?
200. — Si les entreprises sont tenues à de multiples formalités de publicité,
les tiers intéressés puissent être utilement renseignés. Un banquier, un concurrent
c'est pour que
, un client, |
souhaiter obtenir
un fournisseur ou toute autre personne quelque peu curieuse peuvent
financiers. Il est possible
divers renseignements sur telle société et notamment sur ses résultats
ou d'adresser un courrier. Il est encore plus commode
de se rendre physiquement sur place
d'interroger le site SIRENE : www.sirene.trm.fr
PDT TT ets rm
72227772 series
93
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 2
201. — Dès que les statuts ont été signés, la société est constituée. C’est déjà
un contrat mais ce n’est pas encore une personne morale. Un temps plus ou
moins long va s’écouler entre la signature des statuts et l’immatriculation au
registre du commerce et des sociétés. Pendant cette période, des dépenses
sont susceptibles d'être engagées (location de bureaux pour l'installation du
siège social, embauche de personnel, achat de matériel, ouverture d’un
compte bancaire.….). Parfois, l’activité sociale débute avant toute immatricula-
tion (V. infra, n° 211). Or, faute d’immatriculation, la société n’a pas encore
de personnalité juridique. À défaut de capacité juridique, elle ne peut évidem-
ment pas contracter (V. infra, n° 208). Quel est dès lors le sort des actes passés
pendant la période de formation de la société ?
94
LA PERSONNALITÉ MORALE
95
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
reprise est utile lorsque les conditions d’une reprise automatique ne sont pas
réunies, par exemple parce que le mandat confié à l'associé qui a agi était
trop général ; cette forme de reprise, dite parfois « reprise-balai », ménage les
intérêts des tiers (la société est engagée) et les intérêts des associés qui ont agi
(ils ne sont pas engagés), sans sacrifier ceux des associés puisque la reprise
suppose l'accord exprès de la majorité d'entre eux; pour cette raison, la
reprise doit résulter d'une décision expresse des associés (26) et ne peut pas
être implicite, par exemple résulter d’une exécution de l’acte par les dirigeants
(V. infra, n° 212).
96
LA PERSONNALITÉ MORALE
97
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
&AN
1. Société en formation
et société créée de fait
211. — I! est des gestations qui se prolongent du fait de la passivité des fondateurs et
l'hésitation peut naître entre les qualifications de société en formation ou de société créée
de fait. Le critère résulte de l'analyse de l'activité déployée par les associés : la société créée
de fait est révélée par «le développement de façon durable et importante d'une activité
dépassant l'accomplissement de simples actes nécessaires à la constitution de la société »
(Cass. com., 9 nov. 1987 : Bull. Joly 1987, p. 857). L'allongement de la période de conception
et l'importance de l'activité exercée sont donc autant d'indices révélant que les associés ont
renoncé à la société initialement projetée pour le charme discret de la société créée de fait.
Le choix déclenche des conséquences pratiques importantes. S'il s'agit d'une société en
formation, seul l'auteur de l'acte est engagé. S'il s’agit au contraire d'une société créée de
fait, il faut, par le jeu de l'article 1873 du Code civil, appliquer les règles écrites pour la société
en participation. En principe, dans une telle société, chaque associé contracte en son nom
personnel et est seul engagé à l'égard des tiers. La situation semble donc la même dans la
société en formation et dans la société créée de fait : seul celui qui a personnellement passé
l'acte est tenu tandis que les autres associés sont à l'abri des poursuites du créancier. On sait
toutefois que ce principe est écarté dans trois cas énumérés par l'article 1872-1 du Code civil
(V. infra, n° 1223) : tous les associés sont tenus lorsqu'ils ont agi en qualité d'associés au vu
et au su des tiers ; l’associé qui s'est immiscé dans l'opération ou celui au profit duquel …
l'engagement a tourné peut être également poursuivi. Si le créancier arrive à prouver que la
société en formation est en réalité une société créée de fait, il n'aura guère de mal à établir
que l'une de ces trois conditions est remplie et pourra en définitive se retourner contre un
autre que son débiteur initial. + .
La Cour de cassation a fait application de ces Principes dans une affaire jugée le
26 novembre 1996 (Bu/l. Joly 1997, p. 149, note P. SERLOOTEN ; JCP G 1997,
I, 22904, note
D. GBrLA. — Adde, Ch. Gover, L'article 1872-1 du Code civil s'applique-t-il aux
situations |
informelles ? : D. 1998, p. 37). Une SA est immatriculée tardivement après avoir commencé
|
de façon massive son activité sociale. L'arrêt de la cour d'appel ayant retenu la responsabilit
é
solidaire de tous les associés est cassé pour défaut de base légale :
les juges auraient dû …
caractériser les actes personnels des associés permettant de considérer qu'ils
avaient agi |
en qualité d’associés au vu et au su des tiers ou qu'ils s'étaient immiscés
danslecontrat passé par
le représentant de la société, leur faisant croire qu'ils entendaient s'engager
à leur égard. Siune
telle preuve peut être rapportée par le créancier, les associés seront
finalement tenus indéfini-
ment au passif Social au mépris de la limitation de responsabilité liée
au choix de la SA etinitiale-
ment inscrite dans les statuts. Les fondateurs ont-ils tous à l'esprit
les dangers résultant d'une.
immatriculation tardive assortie d’un début d'exercice de l'activité sociale?
Dans une autre affaire, une société française et une société hollandai .
991 le projet de créer en février 1992 une filiale commune se font en juillet |
qui sera le distribute exclusi
ur
DNA
NAN
RP
NAN
NN
2AN
NP
NN
98
LA PERSONNALITÉ MORALE
en France des marques exploitées par le groupe hollandais. Dans l'attente de cette création,
la commercialisation de la collection printemps-été 1992 est effectuée par la société française
avec une participation de la société hollandaise. Cette dernière avise son partenaire le
18 novembre 1991 qu'elle met fin à leurs relations à compter du 31 décembre 1991. La
société française assigne la société hollandaise en paiement de dommages-intérêts pour rup-
ture de la société créée de fait ayant existé entre elles. La cour d'appel la déboute au motif
que le projet de créer à l'avenir une société de droit implique nécessairement que les deux
sociétés n'entendaient pas se considérer comme associés de fait pour la seule distribution de
la collection printemps-été 1992. La décision est cassée pour le motif suivant (Cass. com.,
4 déc. 2001 : JCP E 2002, 594, note F.-X. Lucas) :
« Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs impropres à écarter l'existence
d'une société créée de fait, dès lors qu'il résultait des constatations que l'activité dévelop-
pée par les parties dépassait l'accomplissement de simples actes nécessaires à la Constitu-
tion de la filiale commune en formation, sans rechercher si les éléments constitutifs d'une telle
société étaient ou non réunis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. »
La leçon est claire : le projet des parties d'immatriculer une société ne fait pas obstacle à
ce qu'ait pu naître entre elles une société créée de fait.
2. Quand reprise rime avec mauvaise surprise
. 212. - La période de formation est décidément pleine d'incertitude. Les solutions rela-
tives aux actes passés par la société avant son immatriculation sont relativement complexes
et suscitent un contentieux abondant. Plusieurs décisions permettent de souligner les risques
existant en la matière, en particulier pour les créanciers.
a) L'exécution de l'acte ne vaut pas reprise
Un prêt bancaire est consenti au profit d'une société en formation à la demande d'un
associé désigné ensuite comme gérant. La société règle les premières échéances, puis se
trouve dans l'impossibilité de faire face aux échéances. La banque se retourne alors contre
les cautions qui ont garanti les engagements de la société. La cour d'appel, estimant que
l'exécution partielle du contrat valait reprise implicite, les condamne au paiement. Sa décision
est cassée (Cass. 1'° civ., 2 oct. 2002 : Bull. Joly 2002, p. 1335, note B. Sanrourens ;JCP E
2003, 627, n° 1, obs. J.-J. Caussan, Fl. DeBoissy et G. Wicker). La solution est fondée en ce
que la reprise suppose en tout état de cause une décision des associés (V. supra, n° 205).
Dans la mesure où la reprise tacite s'infère d'un commencement d'exécution, elle procède
du pouvoir des dirigeants qui assurent la gestion quotidienne de la société. En admettre la
validité reviendrait dès lors à déposséder l'assemblée de son pouvoir au profit des dirigeants.
Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante et l'on serait tenté de reprendre le vieil
peut
adage romain : summum jus, summa injuria (traduction libre : le droit dans sa raideur
LL
R
conduire à une injustice flagrante). Le dernier mot n'est peut-être pas dit : devant les juges
de renvoi, pourquoi ne pas invoquer les règles de la gestion d'affaires, puisque l'engagement
d'une
résultant d'un quasi-contrat, contrairement au mécanisme de la reprise, ne procède pas
en effet à
manifestation de volonté ? La mise en œuvre de la gestion d'affaires conduit
des
confronter, non l'intérêt des dirigeants et celui de la société apprécié par l'assemblée
résoudre cette
associés, maïs l'intérêt de la société et celui du tiers cocontractant. Or, pour
d'écarter le droit
opposition d'intérêts, aucune règle spéciale du droit des sociétés ne permet
de la gestion d’affaires et de sacrifier l'intérêt du tiers contractant lorsqu'il apparaît
commun
que l'acte a été utile et a profité à la société.
99
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
volonté des associés (V. supra, n° 205). Lorsque tous les associés ont concouru à l'acte, la raison
NAN
d'être du texte est respectée, ce qui devrait, par identité de raison, autoriser le jeu de la reprise.
c) Pas de reprise d’un engagement souscrit au nom d’une EURL en formation à défaut
de mention sur le registre spécial des décisions è*
Si l’EURL est soumise aux règles de droit commun de la reprise des actes passés pendant
la période de formation, il faut tout de même se méfier des pièges liés à l'unipersonnalité.
Pas de difficulté si les actes passés au nom de la société sont recensés dans un état annexé
aux Statuts : leur signature vaut reprise des engagements antérieurement passés. Le passage
par le rite du mandat laisse perplexe : l'associé unique peut-il se donner mandat à lui-même
pour signer les contrats prévus ? La réponse semble positive puisque l'associé agit au titre de
deux qualités différentes.
Reste la régularisation par l'associé unique après l'immatriculation de l’EURL. Le procédé
est efficace. à condition de respecter scrupuleusement certains rites : l'associé doit en effet
prendre une décision formelle et la répertorier sur le registre spécial des décisions (V. infra,
n° 1093). Certaines cautions ont su jouer de ce formalisme rigoureux pour se soustraire à
leurs engagements comme l'illustre l'affaire que voici. Un entrepreneur de travaux publics
décide d'apporter son fonds à une EURL. La banque lui consent un prêt, garanti par ses
quatre frères qui s'engagent en tant que cautions hypothécaires. L'EURL ayant déposé le
bilan, là banque engage à leur encontre une procédure de saisie immobilière. Elles se défen-
dent en objectant que le registre des délibérations de l'EURL ne fait état d'aucune décision
de reprise du prêt. Un vrai miracle juridique pour les cautions : elles ne sauraient être tenues
là où le débiteur principal ne l'est pas. La cour d'appel rejette cette argumentation au motif
que le fait que l'associé unique ait perçu le montant du prêt et en ait disposé sans émettre
de réserve valait ratification implicite, La cassation est sèche : « Attendu qu’en statuant ainsi,
sans constater que la reprise des engagements résultant du prêt contracté au nom de la
société avait fait l'objet d'une décision sociale, la cour d'appel a violé les textes susvisés »
(Cass. com., 31 mai 2005 : Bull. Joly 2005, p. 1417, note H. Lécuver).
On peut supposer que l'associé unique a péché par ignorance. On pourrait également
imaginer qu'il ait agi par cynisme pour soustraire ses frères aux affres du cautionnement.
NEC
NAN
PA
Dans ce cas, le créancier pourrait sans doute invoquer la fraude (V. supra, n° 210), ou encore
la gestion d'affaires (V. supra, a); mais on imagine les difficultés de la preuve à apporter.
Décidément, le fondamentalisme juridique de la Cour de cassation en matière de reprise
laisse un goût amer au regard du sentiment de l'équité.
3. Assignation en justice d'une société en formation : mode d'emploi ?
213. — Poursuivant sur son erre, la Chambre commerciale persiste à vouloir traiter de facon
univoque toutes les hypothèses d'absence de personnalité morale, se refusant à distinguer
entre personnalité morale impossible (le défaut de personnalité morale est irrémédiable : société
liquidée où absorbée, société créée de fait ou en participation) et personnalité morale future.
C'est ce que confirme un arrêt rendu dans les circonstances suivantes (Cass. com,, 20
juin
2006, n° 03-15957, FS-PIBH4R : Bull Joly 2006, 8 291, p. 1419, note J.-F. Bargièr: PE
2007, 1049, n° 1, obs. J.-J. Caussan, Fl. Desorssy et G. Wicker). En l'espèce, le titulaire
de droits
intellectuels avait actionné uné société alors en formation, qui avait déposé
des noms de
domaine sur le réseau Internet, en vue qu'il lui soit fait interdiction d'utiliser ces
dénominations
qui portaient atteinte à ses droits et qu'elle soit en outre condamnée à réparer
le préjudice en
résultant. Les juges du fond déclarèrent cette demande recevable au motif
que, du fait de
l'immatriculation en Cours d'instance de la société assignée, le dépôt des noms
de domaine
effectué antérieurement à cette date avait été repris automatiquement
par la société lors de
son immatriculation. La décision est cassée par la chambre commerciale
au double visa des
articles 32 et 126 du NCPC au motif « qu'est irrecevable toute prétention
émise par ou contre
une personne dépourvue du droit d'agir ; que cette situation n'est pas
susceptible d'être régula- |
risée lorsque la prétention est émise par Où contre une partie dépourvue
SAN
RC
RENE de personnalité juridi-
que ». En conséquence, la société étant, lors de l'assignation, dépourvue
juridique, la demande était en l'espèce irrecevable, sans que cette de personnalité
situation
ait pu être régulari-
sée (V. déjà dans le même sens, Cass. com., 30 nov. 1999 : Rev. sociétés 2000, p. 512,
M: BEAUBRUN, — Cass. com., 14 juin 2000 : Sul. Joi 2000, p. 1078, note 8. Samar)
note
Outre qu'elle peine à recueillir l'adhésion des juges du fond,
cette solution se trouve en
opposition, quant à la nature de la sanction, avec les jurisprudences des deuxièm
chambres civiles qui sanctionnent le défaut de personnalité e et troisième
morale, non par une irrecevabili |
mais par une nullité de fond (Cass. 2e civ., 11 sept. 2003:Bull. Joly
2004,8 45, p.263, note
CNP
100
LA PERSONNALITÉ MORALE
ess
B. SAINTOURENS. — Cass. 3° civ., 9 oct. 1996 : Procédures déc. 1996, n° 348, obs. R. Perror ; R/
com. 1998, p. 16, note D. VeLarpoccHio).
Lorsqu'une société est assignée à raison d'un droit constitué pour son compte pendant
sa période de formation, puis est immatriculée en cours d'instance, deux cas de figure doivent
être distingués selon qu'ont été assignées les personnes ayant agi au nom de la société en
formation ou la société en formation elle même. |
a) Assignation délivrée aux personnes ayant agi au nom de la société en formation
Le premier, qui est le plus simple, est celui où le demandeur à l’action assigne ceux des
|
associés qui ont agi au nom et pour le compte de la société en formation. Conformément à |
l'article 1843 du Code civil, ceux-ci sont tenus des actes ainsi accomplis : ils doivent donc
être tenus pour les titulaires du droit litigieux, ce qui implique qu'ils soient titulaires du droit
d'agir en défense relativement à ce droit. Reste cependant qu'ils ne seront alors parties à |
l'instance qu'en leur qualité de titulaires de ce droit. Par conséquent, si, par l'effet de la
reprise des engagements, la société devient après son immatriculation, et l'acquisition de sa |
personnalité morale, titulaire de ce droit, l'action doit alors lui être transmise. De la même
|
||
façon que le cessionnaire d'un droit substantiel est également cessionnaire de l'action affé-
rente au droit, la société acquiert la position processuelle de ceux de ses fondateurs qui, étant
à l'origine du droit, avaient été assignés. En définitive, la reprise du droit substantiel selon les
règles définies pour la reprise des engagements souscrits au nom d'une société en formation
suffit à emporter transfert de l'action et, partant, de la position processuelle.
|
b) Assignation délivrée à la société en formation |
Le second cas, qui est plus complexe, est celui où l'assignation a été délivrée à la société
en formation avant qu’elle ait acquis sa personnalité morale. Cette assignation fait alors
apparaître trois vices.
En premier lieu, la défense de la société est irrecevable car, étant dépourvue de capacité
de jouissance, elle ne peut en aucune façon être titulaire d’un droit d'action (NCPC, art. 122); |
|
ce à quoi correspond la nature de l'irrégularité retenue par la chambre commerciale. Or que
se passe-t-il après que la société, ayant été immatriculée, se trouve investie de la personnalité
morale ? Dans l'hypothèse où, conformément aux règles du droit des sociétés, est opérée la
reprise du droit litigieux par la société, celle-ci se trouve désormais titulaire du droit substantiel |
|
||
et du droit d'action y afférent. Il s'ensuit que, en application de l'article 126 du NCPC, la
cause en ayant disparue, l'irrecevabilité doit être écartée. Et là encore, on ne comprend pas
pourquoi la chambre commerciale affirme « que cette situation n'est pas susceptible d'être
régularisée lorsque la prétention est émise par ou contre une partie dépourvue de personna-
lité juridique ».
En deuxième lieu, l'assignation estaffectée d’une nullité de fond pour incapacité de jouis-
sance, et plus spécialement pour défaut de capacité d’ester en justice de la société (NCPC,
troi-
art. 117): ce à quoi correspond la nature de l'irrégularité retenue par les deuxième et
cette
sième chambres civiles. Or, si la société acquiert la capacité de jouissance, disparaît
cause d'irrégularité de fond. En application de l'article 121 du NCPC, la nullité, étant couverte,
deuxième
ne devrait pas pouvoir être prononcée. Et ici l'on ne comprend pas pourquoi la
ne peut
chambre civile affirme dans une telle hypothèse que cette « irrégularité de fond [...]
(Cass. 2° civ., 11 sept. 2003 : préc. — Contra, Cass. 3° ci, 9 oct 1996.
être couverte »
préc.).
irrégularité de fond
: En troisième et dernier lieu, il est une seconde cause de nullité pour
(NCPC,
qui tient au défaut de pouvoir de la personne à laquelle a été délivrée l'assignation
la société n'ayant pas encore la personnalité morale, il n'existait par hypo-
art. 117) puisque,
sont alors à envisa-
thèse aucune personne habilitée à la représenter. Deux sous hypothèses
représenter la société
ger. Soit cette personne se trouve désormais investie du pouvoir de
121 du NCPC prévoyant
personne morale, et il y a alors lieu d'appliquer la règle de l'article
ne peut pas être prononcée lorsque la cause en a disparu. Soit cette personne,
que la nullité
morale par la société, demeure toujours sans pouvoir
malgré l'acquisition de sa personnalité
elle est susceptible d'être
pour la représenter : l'irrégularité de fond demeure alors mais
ie
régularisée, ce qui suppose un acte positif de régularisation.
en définitiv e que rien ne devrait s'oppose r à la régularis ation de l'action intentée
Il apparaît
approche univoque, cela suppose
contre une société en formation. Seulement, loin d'une
|
la personnalité morale ; qu'elle
_ une triple vérification : que la société ait effectivement acquis
l'assignation soit parvenue à celui
ait repris l'acte ou le droit qui est la cause de l'action : que
qui a le pouvoir de représenter la société personne morale.
mers ee
101
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Section 3
214. — Étant une personne juridique, la société est dotée d’attributs non
seulement patrimoniaux mais encore extrapatrimoniaux. Elle à un nom, un
domicile, une nationalité. Par ailleurs, elle a ou non la qualité de commerçant
selon qu'elle est commerciale ou civile. Ajoutons qu'elle a un honneur, voire.
une intimité, qu’elle peut faire protéger le cas échéant par voie de justice
(V. infra, n° 215). En contrepartie, elle a des devoirs; si elle ne les respecte
pas, elle engage sa responsabilité non seulement civile mais aussi pénale.
102
LA PERSONNALITÉ MORALE
b) En droit européen
En droit européen, on assiste au même mouvement d'assimilation des personnes morales CS
aux personnes physiques au regard de l'application de la Convention européenne des droits
de l'homme : droit à un procès équitable (Convention, art. 6 — CEDH, 27 févr. 1992);
— droit au respect du domicile (Conv., art. 8. — CEDH, 16 avr. 2002 : Bull. Joly 2003
p. 953, obs. N. MATHEY):
: on d'ester en justice (Protocole additionnel. — Cass. com, 8 juill. 2003 : Bull. civ. IV,
Jusqu'où peut-on aller dans cette direction ? Certains droits ne font pas problème : droit
au secret de la correspondance, liberté d'expression. En revanche, l'absence de corps et d'âme
de la personne morale sont des obstacles à la reconnaissance d'autres droits ou garanties,
comme l'interdiction de la torture (Conv., art. 3), celle de l'esclavage et du travail forcé (Conv.,
art. 4), le droit à la sûreté, qui prohibe par exemple la détention irrégulière (Conv., art. 5), le
droit au mariage (Conv., art. 12 : « À partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit
de se marier et de fonder une famille .… ») .… Être de papier, la personne morale est affran-
chie des avatars de la destinée humaine ; elle vit dans un autre monde, sans âge .. et sans
rhumatisme, sans âme et sans état d'âme, sans pensée, sans rêve, sans sentiment et sans
joie;ses analystes ne sont que financiers et ne doivent rien aux enseignements de Freud ou
Lacan: bref, ce n'est tout de même pas une personne humaine et à ce titre elle ne mérite NO
Sous-section 1
L'APPELLATION
103
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
a een ee mn
|
1. Le nom des fondateurs est-il la propriété de la société ?
| 218. — Rien de plus naturel que de personnaliser la société que l’on crée en faisant figurer
Son nom patronymique dans la dénomination sociale. M. Jacques Dupond, qu'il soit commer-
| Gant, vigneron ou avocat, créera ainsiàson image la société Jacques Dupond. Puis la société
| se développe et un jour se détache de son fondateur ne serait-ce qu'à son décès. Qu'en est-il
alors du sort du nom patronymique ? Les solutions sont nuancées.
| ;
a) La solution classique du détachement du nom patronymique : l'affaire Bordas
| Pierre et Henri Bordas créent en 1946 une SARL qu'ils dénomment « Éditions Bordas »,
| laquelle est ultérieurement transformée en SA. Les fondateurs cèdent plus tard à un groupe
financier là majeure partie du capital social. Pierre Bordas demeure président, mais à la suite
| d’un désaccord avec les nouveaux maîtres, il doit démissionner. Le conflit se déplace alors sur lé
; terrain judiciaire. Pierre Bordas demande qu'il soit ordonné à la société de cesser toute utilisation
L du patronyme Bordas. Juridiquement, l’action est fondée sur le principe de l'inaliénabilité du
| nom patronymique. Succès devant la cour d'appel de Paris, échec devant la Cour de cassation :
| le principe de l’inaliénabilité.… du nom patronymique, qui empêche son titulaire d'en disposer
librement pour identifier au même titre une autre personne physique, ne s'oppose pas à la
: conclusion d’un accord portant sur l’utilisation de ce nom comme dénomination sociale ou nom
| Commercial ; ce patronyme (Bordas) est devenu, en raison de son insertion dans les Statuts, un
| signe distinctif qui s'est détaché de la personne physique qui le porte, pour s'appliquer à la per-
| sonne morale qu'il distingue, et devenir ainsi objet de propriété incorporelle » (Cass. com.,
| 12 mars 1985 : Rev. sociétés 1985, p. 607, note G. PARLÉAN).
h. Ceux qui « prêtent » leur nom (mieux vaudrait dire « donner ») à la société qu'ils créent
| et animent doivent prendre garde au fait qu'il leur échappe par la suite et parfois
pour
| l'éternité : Citroën et Renault par exemple. ont d'abord été des personnes physiques ayant
| Un nom, une famille, une tradition. (A. Vanne, Les conflits entre cédant et cessionnaire
| relatifs aux noms : RJ com. 1995, p. 1). s
?
|
à) Les limites tenant à la notoriété du nom du fondateur : l'affaire Ducasse
Alain Ducasse est un chef de cuisine notoirement connu. Après avoir obtenu
sa troisième
étoile Michelin, il crée en 1991 avec deux autres associés une SARL en vue de
ÎL là commerciali-
sation de la ligne A. Ducasse. || dépose par la suite la marque « A. Ducasse
» après avoir
racheté une marque déposée par un tiers comportant son nom et son
prénom. Apprenant
que la SARL a de son côté déposé la marque « Ducasse », il demande en justice la nullité du
| dépôt de la SARL au motif qu'il a été effectué
en fraude de ses droits. Appliquant la jurispru-
dence Bordas, la cour d'appel d'Aix-en-Provence fait application de la
théorie du détachement
et confirme la validité du dépôt de marque effectué par la SARL. L'arrêt
5 est cassé au motif
| que « le consentement donné par un associé fondateur, dont le nom est notoirement
à l'insertion de son patronyme dans la dénomination d'une société
connu,
exerçant son activité dans
le même domaine ne saurait, sans accord de sa part et en l'absence
de renonciation expresse
| ou tacite à ses droits patrimoniaux, autoriser la société à déposer ce patronyme à titre de .}
| marque pour désigner les mêmes produits ou services (Cass. com. 6 mai 2003 :Bull. |
Joly |
| 2003, p. 921, note P. Le Cannu : D. 2004, somm., p. 265, obs. J.-CI. HaltouIn). _
Il convient donc de distinguer selon qu'à la date de création de la
société le nom du
fondateur est un nom banal où un nom notoirement connu. Dans
| cette dernière hypothèse, |
Î
104
LA PERSONNALITÉ MORALE
. solution du détachement ne s'applique pas d'office, mais des aménagements sont possi-
les ; encore faut-il qu'ils aient été prévus dans des clauses spécifiques. Nul doute qu'à l'avenir
les conseils des parties en présence ne manqueront pas d'évoquer ces points délicats.
2. Le renouveau des racines gréco-latines
dans les changements de dénomination sociale
219. - Une bonne dénomination peut avoir le même impact qu'une bonne marque. Là
| comme ailleurs il existe des effets de mode. Des cabinets spécialisés aident les sociétés à
changer de nom comme d'autres changent de look (J.-M. Norman, En quête d'imaginaire, les
entreprises n'hésitent plus à changer de nom, Le Monde 15 déc. 2001). Aujourd'hui, l'appel-
lation doit être courte, musicale, internationale, susciter une forme d'empathie et, bien sûr,
être juridiquement disponible ; les racines gréco-latines sont souvent mises à contribution. En
voici quelques exemples récents :
Lexis-Nexis, éditeur du présent manuel, est la nouvelle dénomination du groupe Jurisclas-
seur-Litec;
Vivendi a remplacé l'ancienne dénomination de « Générale des eaux » ;
Lactalis a remplacé Besnier, grand groupe de fromages et produits laitiers;
Altadis est le nouveau nom de la Seita, fabricant de cigarettes ;
Vivarte est le nouveau nom du groupe des chaussures André ;
Dexia désigne l'ancien Crédit local de France;
Natexis désigne l’ancien Crédit National.
Dans d’autres cas, on reprend le nom d’un personnage célèbre de l'histoire. Voici quelques
exemples :
Thales, savant et philosophe grec, est le nom actuel de l'ex-Thomson-CsSF ;
Vinci, référence à Léonard de Vinci, remplace l'ex CGE (Compagnie générale d'électricité),
aujourd'hui numéro un mondial de la construction et de l'exploitation des parkings souter-
rains ;
Coriolis, du nom du mathématicien français du xx siècle, est la nouvelle dénomination
de Vodaphone-France.
Au fil des ans, le public oublie les références anciennes des dénominations. Combien
d'automobilistes connaissent-ils l'origine latine de Volvo (je racle) où de Audi (écoute) ?
Qu'importe si l'appellation a acquis la notoriété souhaitée.
3. Dénomination sociale : vers la mort du langage articulé ?
$, etc.
220. - L'appellation sociale peut comprendre des signes teis que : Β, /, *, +,
2001, n° 688).
Tel est le sens d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 février 2001 (RIDA
s'était opposé à
Une société avait voulu insérer dans sa dénomination le signe *, le yreffier
avait partagé
cette innovation. Le juge commis à la surveillance du registre du commerce
La cour d'appel de Paris adopte une position différente :
cette opposition.
« Considérant que la dénomination d/g* Desgrippes Gobé Group, choisie par les associés,
du groupe-
n'est pas de nature à créer une tromperie ou une confusion sur la nature juridique
auquel elle s'applique et qu'elle ne peut, au stade de l'inscription modificative, faire D
ment
l'objet d'un refus. »
du commerce et
On observera que, de son côté, le Comité de coordination du registre
pouvait comporter le
des sociétés avait antérieurement précisé qu'une dénomination sociale
, n'était pas acceptable
signe @, mais que le signe @, faute d'être une lettre de l'alphabet
4). Allez comprend re ! Les juges du fond sont pour leur part moins puristes,
(BRDA 1/2002, p.
fait partie des caractères autorisés à composer une dénomi-
qui ont estimé que le caractère @
que du RCS (CA Caen, 6 mars
nation sociale destinée à être inscrite sur le fichier alphabéti
2003 : Bull. Joly 2003, p. 783, note P. SCHOLER).
et que l'impératif d'identifi-
Il reste qu'une appellation ne saurait se limiter à de tels signes
tion compren ne au moins un mot, un nom ou un prénom,
cation commande que la dénomina
mort.
seraient-ils de fantaisie : le langage articulé n'est pas encore
PP
amants
105
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 2
LE SIÈGE SOCIAL
106
LA PERSONNALITÉ MORALE
Sous-section 3
LA NATIONALITÉ
8 1. - Le critère de nationalité
225. — Alors que la nationalité des personnes physiques est un attribut fixe
et indélébile, celle des personnes morales est à contenu variable, une société
à
pouvant être considérée comme française à tel égard et comme étrangère
tel autre. Il n'empêch e qu'il existe un principe (le critère du siège social),
tempéré par une exception (le critère du contrôle).
107
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
8 2. — Le changement de nationalité
108
LA PERSONNALITÉ MORALE
109
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 4
(34) Par exemple, Cass. com., 10 mars 1998 : Bull. Joly 1998,
p. 665, note J.-J. DAIGRE ; « nonobstant la
nature civile du mandat unissant un agent général à une compagni
e d'assurances, la compagnie Prudence
Créole GFA était bien fondée à revendiquer la compétence de
la juridiction commerciale, le litige opposant deux
personnes morales ayant la qualité de commerçantes à l’occasion
de l'exercice de leur activité statutaire. »
110
LA PERSONNALITÉ MORALE
Fo
les ventes d'immeubles
1: e
sont réputées
/ »
conserver leur nature civile quelle
que soit la qualité de la société venderesse, ce qui exclut la compétence des
tribunaux de commerce ;
Ë — le régime des baux commerciaux est refusé aux sociétés commerciales par la
orme exerçant une activité civile, une SA d'expertise comptable par exemple.
ne
111
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
- çant, les tribunaux de commerce sont compétents (C. com., art. L. 721-3). Là ou les textes
visaient antérieurement « les contestations entre associés pour raison d’une société commer-
ciale », la loi prévoit désormais que : «les tribunaux de commerce connaissent [...] des
contestations relatives aux sociétés commerciales ». Sont visés non seulement les litiges oppo-
sant les associés entre eux mais également ceux qui opposent la société et les associés. Encore
faut-il qu'ils trouvent leur origine dans la création, le fonctionnement ou la liquidation de la
société ; relèvent par exemple de la compétence des tribunaux de commerce les actions en
responsabilité intentées contre les dirigeants sociaux.
Qu'en est-il des litiges relatifs à une cession de titres sociaux ? Il est traditionnellement
admis que ces litiges ne mettent pas en cause le pacte social et échappent pour cette raison
à ta compétence des tribunaux de commerce. Par exception, en cas de cession de contrôle,
ce sont les juridictions commerciales qui sont compétentes (V. infra, n° 715). Toutefois, prenant
acte de la nouvelle formulation de la règle légale, certains auteurs considèrent que sont désor-
mais de la compétence des juridictions consulaires toutes les contestations concernant la pro-
priété de parts ou d'actions d'une société commerciale (P. Bézarp, La réforme de la
réglementation concernant le domaine de l'arbitrage et ses conséquences sur le droit des
sociétés : Etudes offertes à B. Mercadal, éd. Francis Lefebvre 2002, p. 297). Qu'en est-il de la
jurisprudence ? La Cour d'appel de Versailles a retenu la compétence du tribunal de commerce
pour trancher une contestation relative à l'exécution d'une promesse de cession d'actions,
laquelle était de nature à faire perdre ou acquérir la qualité d'associé, au motif que tout litige
ayant pour objet l'existence même de la qualité d’associé a trait au pacte social (CA Versailles,
13 mai 2004 : JCP E 2005, 33, note J.-P. Lecros). Plus récemment, la question s'est posée à
propos d’un litige entre associés portant sur le nombre d'actions devant être attribuées à l’un
d'entre eux, par l'exercice d'un bon de souscription d'actions, en exécution d’une convention
passée entre la société et l'associé, convention selon laquelle le nombre d'actions attribuées
dépendait de la fréquentation du site exploité par ce dernier : la chambre commerciale de la
Cour de cassation a jugé que relevait de la compétence des juridictions commerciales l’action
intentée par l'un des associés qui contestait le décompte de cette fréquentation, et donc le
nombre d'actions à attribuer au bénéficiaire (Cass. com., 14 févr. 2006 : JCP E 2007, 1390,
note J.-P. Lecros; Aer. soc 2007, p. 787, note B. SaiNrourEeNs). Peut-on déduire de cette
jurisprudence que tous les litiges relatifs aux actions relèvent désormais de la compétence des
juridictions consulaires ? Une telle interprétation semble hasardeuse : dans cet arrêt, comme
dans celui rendu par la Cour de Versailles le 13 mai 2004, le litige avait certes pour objet la
titularité de titres sociaux, mais avait pour cause une opération ayant une influence directe sur
le fonctionnement de la société ou le montant de son Capital — pacte d'actionnaires ou attribu-
tion de titres par la société en exécution d'une convention conclue par elle —
En revanche, les tribunaux civils sont seuls compétents pour connaître des actions en
justice dans lesquelles l’une des parties est une société d'exercice libéral (V. infra, n° 1263).
b) Efficacité ou non d’une clause compromissoire
Dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, l'article 2061 du Code civil dispose
que « la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus à raison d'une activité
professionnelle ». Une telle clause, conduisant à résoudre les litiges par voie d'arbitrage, peut
désormais figurer non seulement dans les statuts de Sociétés commerciales comme
avant
2001 (V. infra, n° 715) mais encore dans ceux de sociétés civiles, du moins quand
elles
exercent une activité professionnelle. Elle ne saurait en revanche trouver place
dans les
sociétés, telles les sociétés civiles immobilières, qui ne sont que des techniques d'organisati
on
du patrimoine (V. supra, n° 28). — Adde, E. SCHOLASTIQUE, Arbitrage et droit des
sociétés : Dr.
et patrimoine, 06/2002, p. 52.
Par une décision du 14 février 2003, la chambre mixtea renforcé l'efficacité
d'un autre .
mode alternatif de résolution des litiges, à savoir la conciliation. Elle à jugé,
à propos d'une
cession de droits sociaux, que la clause de conciliation, autrement dit la clause
par laquelle
les parties s'engagent à soumettre leur litige à un conciliateur préalable
ment à la saisie du
juge judiciaire où arbitral, rendait irrecevable l'action en justice et que
sa mise en œuvre
suspendaït le cours de la prescription (Cass. ch. mixte, 14 févr. 2003
: JCP E 2003, 70/7, note
H. Croze et D. GauriER ; /CP E 2003, 627, n° 4, obs. J.-J. Caussan,
Fl. Desoissy et G. WiCkER).
2. La forme des sociétés et la fiscalité
236. — Tout autant que le commercialiste, le fiscaliste s'intéres
se à la forme des sociétés . .
surtout quand il s'agit de sociétés à forme commerciale exerçant une
activité de nature civile.
D
SN
OS
D
NO
GR
RNA
D
AN
Re
ANNE
TENTE
PNR
112
LA PERSONNALITÉ MORALE
En matière d'imposition des bénéfices, c'est la forme qui l'emporte tandis que le fond dicte
les solutions en matière de TVA et de taxe professionnelle.
a) La prédominance de la forme en matière d'imposition des bénéfices
Les sociétés à risque limité (sociétés par actions et SARL), quelle que soit la nature de
l'activité exercée, relèvent de l'impôt sur les sociétés, lequel renvoie au régime des bénéfices
industriels et commerciaux. Si une société anonyme exploite un domaine agricole, les béné-
fices seront calculés selon le mode commercial et non selon le mode agricole. De même, si
des avocats coopèrent dans le cadre d'une société d'exercice libéral, les bénéfices seront
soumis à l'impôt sur les sociétés, alors même que les professions libérales relèvent par nature
du régime des bénéfices non commerciaux.
b) La prédominance du fond en matière de TVA et de taxe professionnelle
L'article 256-A du CGI dispose que « sont assujetties à la TVA les personnes qui effectuent
d'une manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa,
quel que soit le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et
la forme où la nature de leur intervention ». De même que « l'habit ne fait pas le moine », l'habit
ne fait pas la TVA. Ainsi, les activités médicales ne sont pas soumises à la TVA, quand bien même
elles seraient exercées dans le cadre d'une société par actions où d’une SARL.
Quant à la taxe professionnelle (CGI, art. 1441), elle est due par toute personne exerçant
une activité professionnelle indépendante, qu'elle soit civile ou commerciale. Les agriculteurs
en sont toutefois exemptés, quel que soit le statut juridique de l'exploitation ; une société
anonyme exploitant un domaine agricole échappera ainsi à la taxe professionnelle.
nn inner tnt ét et tte sant eh RD TRE RER ess ÉPAR
Section 4
Sous-section 1
? Dalloz 2004.
(39) A. Courer et H. Le NaBasQuE, Quel avenir pour le capital social
113
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
ACTIF PASSIF
Bilan de la SARL
ACTIF PASSIF
L
|
114
LA PERSONNALITÉ MORALE
115
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
243. - Ce droit de gage est important dans les sociétés às risque limité
(sociétés par actions et SARL), car les créanciers n’ont pas en principe de
recours contre les associés ; la société est leur seul débiteur. Aussi bénéficient-
ils d'une garantie complémentaire avec la règle de l’intangibilité du capital
social (on parle aussi de fixité du capital). Ce principe ne doit pas être pris à
la lettre car il est possible d'augmenter ou de réduire le capital en respectant
le formalisme lié aux modifications statutaires. La règle signifie seulement
que les associés n’ont pas le droit de demander le remboursement de leur
créance tant que la société n’est pas dissoute. Le principe de l’intangibilité
interdit également aux associés de « manger » le capital en le mettant en distri-
bution sous forme de dividendes. Ils se rendraient alors coupables, du moins
dans les sociétés par actions et les SARL, du délit de distribution de divi-
dendes fictifs.
Ce droit de gage n’entraîne aucun blocage des biens figurant à l'actif. Si les
affaires vont mal, ces éléments peuvent fondre alors que le montant du capital
social reste inchangé au passif. Ce n’est donc pas une garantie contre l’évapo-
ration des éléments d’actif. En réalité, c’est le montant des capitaux propres
qui donne la mesure réelle de la garantie des créanciers (V. infra, n° 246).
Rappelons enfin que, dans les sociétés de personnes, la meilleure des garan-
ties réside dans la responsabilité personnelle et illimitée des associés, sauf
évidemment s'ils sont eux-mêmes insolvables.
2° L'exception : les sociétés à capital variable
244. — Par exception au principe de l’intangibilité du capital social, il est
possible de créer des sociétés à capital variable (C. com. art. L. 231-1). La
clause de variabilité du capital doit être inscrite dans les statuts et être réguliè-
rement publiée ; les mots « à capital variable » doivent être indiqués
dans tous
les actes émanant de la société et destinés aux tiers (C. com. art. L'
231-2) a
clause peut être introduite dans n'importe quel type de société, à l'excepti
on
des sociétés anonymes. C’est la directive européenne du 13 décembr
e 1976
qui a imposé au droit français cette interdiction propre aux sociétés
ano-
nymes. Les négociateurs français ont seulement réussi à arracher
deux
entorses à cette interdiction en faveur des SICAV et des sociétés
coopératives
(V£upra, n® 33.èt 72).
La formule de variabilité du capital permet l'entrée de nouvea
ux associés
et la sortie, volontaire (le retrait) ou forcée (l'exclusion), d'ancie
ns associés
sans qu'il y ait à modifier les statuts (C. com., art. L. 231-6). Ceux-ci
doivent
prévoir un capital statutaire correspondant au maximum
de parts sociales
pouvant être émises. Le capital réel, évolutif par nature, ne
saurait cependant
descendre ni en dessous du dixième du capital statutaire ni,
pour les sociétés
116
LA PERSONNALITÉ MORALE
autres que les coopératives, en dessous des seuils légaux exigés en fonction
de la forme sociale (C. com. art. L. 231-5).
Sous-section 2
246. — Alors que le capital est une notion abstraite caractérisée par son
intangibilité, les capitaux propres représentent une réalité concrète, soumise
à variation. Ils donnent la mesure de la fortune de la société. Cette notion est
L'ar-
désormais appropriée par le droit comptable et le droit des sociétés.
du Code de commerce dispose que « le bilan décrit séparéme nt
ticle L. 123-13
e, de façon dis-
les éléments actifs et passifs de l’entreprise, et fait apparaîtr
du capi-
tincte, les capitaux propres ». Ceux-ci comprennent, outre le montant
rement constitué es ou, en négatif, les pertes qui
tal social, les réserves antérieu
Le montant des capitaux propres peut être négatif : ce
n’ont pu être apurées.
V. supra, n° 146).
n'est pas un signe de bonne santé (pour un exemple chiffré,
Ce sont les capitaux propres qui donnent la mesure de la situation finan-
ent le montan t du capital social, c'est un
cière réelle de la société. S'ils dépass de béné-
l'excéd ent provien t de la mise en réserve
gage de prospérité puisque montan t du
urs au
fices antérieurs. Si les capitaux propres deviennent inférie ures au
pertes supérie
capital social, cela signifie que la société a subi des de bon
capital, ce qui n’est pas
montant du capital social : elle « mange » son
lorsque le montant
augure. Aussi, dans les sociétés par actions et les SARL,
inférie ur à la moitié du capital social, les associés
des capitaux propres devient
re la société ou pour-
doivent se concerter sur les mesures à prendre : dissoud n° 842 et s.).
(V. infra,
suivre l’activité en reconstituant les capitaux propres
117
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 3
A. - La souplesse d'utilisation
249. — Bien souvent l'opération ne donne lieu à aucun écrit. On suppose
ra
par exemple que le dirigeant d’une société anonyme dont il détient
la quasi-
totalité du capital décide de la renflouer en lui avançant des fonds
qu'il pos-
sède à titre personnel ou que parfois il a dû emprunter auprès
de son ban-
quier. L'opération se limite à un virement financier au profit de
la société et
à la passation d’une écriture comptable créditant le compte courant
du diri-
geant dans la société. Aucun écrit ne retrace l'opération de prêt
réalisée par le
(40) Cass. 3° civ., 3 févr. 1999 : Bull. Joly 1999, p. 577, note
A. Cour.
(41) D. Daner, Comptes courants d'associés : pour en finir
avec un apartheid juridique : RTD com. 1993,
pA55t
118
LA PERSONNALITÉ MORALE
B. - Le problème de remboursement
250. — Les difficultés se rencontrent, non lorsque le dirigeant détient la
quasi-totalité du capital et consent l'essentiel des avances, mais lorsque la
société comprend plusieurs associés dont certains jouent un rôle analogue
à celui d’un banquier du fait de l'importance de leurs avances en compte
courant.
Le principe de l’intangibilité du capital social ne s'appliquant pas aux
avances en compte courant, les associés prêteurs sont en droit de demander
119
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
(46) En dernier lieu, Cass. com. 3 nov. 2004 : Dr. sociétés févr.
2005, n° 24, obs. F.-G.
TréBuue :l'associé
peut, sauf disposition conventionnelle contraire, demander à tout
moment le remboursement du solde
créditeur de son compte-courant. - Adde J.-P. Garçon, Le droit au
remboursement permanent des comptes
courants d'associés : JCP E 1998, 1536.
120
LA PERSONNALITÉ MORALE
une PME un emprunt, qui est un vrai passif externe, ils peuvent imposer une
mesure de blocage interdisant aux dirigeants ou aux associés principaux de
réclamer le remboursement de leurs avances avant l’arrivée d’un terme
convenu, l'échéance du prêt bancaire par exemple. Cette mesure de blocage
doit être librement acceptée. La société n’a pas le pouvoir de l'’imposer contre
son gré à un associé car ce serait augmenter ses engagements (V. infra,
n° 334) (47).En cas de blocage, le compte courant présente la même vertu
d intangibilité que le capital, ce qui est de nature à renforcer le droit de gage
des créanciers. Même en l'absence de clause de blocage, l'associé peut renon-
cer à son droit au remboursement, à condition toutefois que cette renonciation
procède d’une volonté précise et non équivoque (48).
En outre, les banques imposent parfois une classe de déclassement de rang
— ou clause de subordination — par laquelle les dirigeants et associés acceptent,
en cas de liquidation de la société, d’être remboursés après tous les autres
créanciers, privilégiés ou chirographaires.
Si les affaires vont mal et qu'il faille reconstituer les capitaux propres, on
peut jouer sur les comptes courants d’associés, soit en les incorporant au capi-
tal, soit en les abandonnant (V. infra, n° 858).
——_————
|
(47) Cass. com., 24 juin 1997 : Bull. Joly 1997, p. 871, note B. SAINTOURENS.
note P. LE Cannu : la volonté de l'associé quant
(48) Cass. com., 14 févr. 2006 : Rev. soc. 2006, p. 960, résolution d'assemblée
à la modification de sondroit au remboursement peut résulter de son adhésion à la
décidant de cette modification.
121
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
2. Le « Savetier et le Financier »
ou comment appeler en renfort un partenaire financier
sans perdre le contrôle de son entreprise
254. — Max a le génie de l'informatique; il crée des logiciels qui connaissent un certain
nn
D succès. Travaillant en solo avec des moyens limités, il est débordéde commandes qu'il ne
peut honorer. L'un de ses amis, Antoine, qui est féru de gestion et dispose d'une fortune
convenable, le convainc de créer une véritable entreprise avec des collaborateurs de haut
_ Niveau, un service de recherche actif et un réseau de commercialisation. Les besoins financiers .
sont estimés à 5 000 000 €, qui seront apportés par Antoine.
Max est à la fois séduit par l'ambition du projet mais inquiet à la perspective d'un enferme-
ment, même avec un ami, dans une sorte de prison juridique. Adieu l'heureux temps où, tel
le Savetier de La Fontaine, il pouvait chanter dans son échoppe ne devant des comptes qu'à
lui-même, à l'URSSAF et au fisc... Ses nuits sont troublées par des cauchemars où s’entremé-
lent banquiers et commissaires aux comptes, brigade financière et inspecteurs des impôts, le
tout sur fond de tribunaux... Il était devenu le Financier de la fable.
Peu de temps après, Max retrouve par hasard une de ses amies de faculté, Cécile, brillante
avocate d'affaires, avec laquelle il a autrefois connu des jours heureux. Elle le rassure :
— fiscalement, la mise en société de son entreprise ne lui coûtera pas un centime d'euro
(V. supra, n° 39) :
— qu'il soit travailleur indépendant, gérant majoritaire ou gérant minoritaire de SARL, le
régime est identique sur le plan fiscal (V. supra, n°% 40 et s.); Max n’en croit pas ses yeux
tant ses amis et connaissances l'avaient mis en garde contre le statut de gérant majoritaire
de SARL, l’horreur selon eux.
Pour le reste, Cécile lui conseille de rester le patron de l'affaire, c'est-à-dire d'avoir la majorité
du capital social, 51 % par exemple. Comme là mise d'Antoine dépasse, et de loin, les 49 % du
capital qui lui reviendront, le surplus fera l'objet d'une avance en compte courant, bloquée tant
qu'Antoine Sera associé. Si pour une raison ou pour une autre (désengagement, mésentente,
décès), Antoine quitte la société, le remboursement du compte courant n'interviendra que sur
un préavis de douze mois, le temps que Max trouve une solution de rechange (V. supra, n° 250).
Et, comme on ne saurait mettre sur le même pied un banal apport financier et le génie de Max, il
est convenu un partage des bénéfices inégalitaire, la meilleure part allant évidemment au talent
de l'artiste (sur la licéité des clauses inégalitaires, V. supra, n° 137).
Max est aux anges. || n'aurait jamais imaginé qu’on puisse tailler sur mesure un costume
juridique et fiscal qui lui soit aussi seyant. Encore faut-il que le partenaire soit d'accord.
Antoine se laisse convaincre par Cécile, accepte les conditions proposées et signe donc un
protocole d'accord. Heureuse issue due à la rencontre de deux génies, celui de Max et celui
de Cécile. Le Savetier devenu Financier peut continuer à chanter…
3. Le principe de l'autonomie du patrimoine social
255. — Toute société dotée de la personnalité morale a un patrimoine propre, distinct de
celui de ses associés. Comme pour une personne physique, le patrimoine englobe tous les
droits et obligations de la société. Il faut donc distinguer le patrimoine social et le capital .
social, ce dernier représentant seulement le montant des apports. Le principe de l'autonomie
du patrimoine social signifie que le patrimoine des associés est clairement séparé de celui de
la société. Ce principe de la séparation des patrimoines est lourd de conséquences tant
, au
niveau des associés qu’au niveau des créanciers.
a) La portée du principe à l'égard des associés
Le patrimoine de la société échappe aux associés. Ils ne sont pas copropriétaires des
sommes ou biens qu'ils ont apportés ; ils sont seulement titulaires de droits sociaux. Ainsi, les
associés dirigeants ne peuvent pas puiser impunément dans les caisses sociales. À défaut, ils
se rendent coupables sur le plan pénal du délit d'abus de biens sociaux, ou d'abus de confian-
ce ; en cas de dépôt de bilan, ils peuvent être obligés aux dettes sociales (V. infra, n° 304)
b) La portée du principe à l'égard des créanciers
Les créanciers sociaux ne peuvent exercer leur droit de gage que sur le patrimoine de la
société mais non sur le patrimoine des associés, du moins dans les sociétés à risque limité. Rap-
pelons en effet que dans les sociétés à risque illimité, en cas de carence de la société, les créan-
CIers peuvent se retourner contre les associés, tenus indéfiniment et parfois solidairemen
t au
passif social lorsque la société est commerciale. Les créanciers personnels des associés, pour leur
RER
RER
NN
NS
ANA
NN
NS
NT
RNA
122
LA PERSONNALITÉ MORALE
part, ne peuvent pas saisir les biens de la société. Ils n'ont aucun droit sur le patrimoine social,
sauf en cas de fraude des associés ou de simulation (V. supra, n° 156 et s.).
4. Variations sémantiques autour du capital
. 256. - Le mot « capital » vient du latin caput-capitis qui signifie « tête ». Au dire des
linguistes, c'est l'une des racines les plus fécondes de notre langue. S'y rattachent des termes
aussi variés que capitaine, décapitation, chef, cheptel (V. J. PinocHe, Dictionnaire ét/mologique
du français, Éd. Les usuels du Robert, V2. Chef. Par ailleurs, le mot « capital » est doté à lui
seul de multiples significations. Passons sur le Grand Capital cher aux marxistes. Les juristes
doivent en revanche se méfier du sens que réservent à ce mot les économistes, les financiers,
les comptables; ils n'utilisent évidemment pas la même langue. Ce n'est pas tout; le mot a
engendré divers néologismes qui ne sont pas nécessairement reconnus par l’Académie fran-
_çaise. Signalons-en quelques-uns que l'on retrouvera au fil de l'ouvrage.
a) La capitalisation
Chacun connaît la technique, sinon le régime, de la capitalisation des intérêts (V. O. Gour,
La capitalisation des intérêts : éclairage sur un mécanisme réputé obscur : Dr. et patrimoine,
12/2000, p. 26).
En droit des sociétés, il s'agit d'autre chose. Est visée l'incorporation de certaines valeurs
au capital ; c'est ainsi que la capitalisation des réserves constitue l’une des variantes de l'aug-
mentation de capital (V. infra, n° 831). Il en va de même de l'incorporation des comptes
courants au capital social (V. infra, n° 835). EE
CRT
R
ENT
b) La recapitalisation
Les praticiens du droit des sociétés font une nuance entre capitalisation, qui est un terme
neutre, et recapitalisation, qui est plus volontariste. On parle de recapitalisation lorsqu'une
société souffre d'anémie financière et que l'on décide de lui injecter une nouvelle dose de
fonds propres, un peu à la manière d’une transfusion sanguine. Il existe plusieurs familles de
« donneurs ». Tantôt, ce sont les associés d'origine qui sont mis à contribution; ils remplis-
sent, dit-on, leur devoir d'actionnaires (V. infra, n° 322) ; le cas échéant, leurs comptes cou-
rants sont incorporés au capital. Tantôt, il faut faire appel à un opérateur extérieur ; on lui
propose dans ce cas une ouverture du capital; c'est une des modalités de la cession de
contrôle (V. infra, n° 1412). Tantôt on sollicite le cercle des amis et des partenaires;on parle
alors de tour de table.
c) La sous-capitalisation
La sous-capitalisation est l'état d'une société dont le capital social est manifestement ina-
dapté au volume de ses activités. La société n'est pas nécessairement en mauvaise posture
car il ne faut pas confondre capital social et capitaux propres (V. supra, n° 246). Les sociétés
françaises, surtout les petites et moyennes entreprises à caractère familial, sont généralement
sous-capitalisées et ce de manière délibérée, les maîtres de l'affaire privilégiant le financement
par comptes courants d'associés {V. supra, n° 247). On citera un autre cas de sous- capitalisa-
tion manifeste lorsque des repreneurs créent une holding de reprise pour racheter une socié-
té; le capital est souvent réduit au minimum, le financement du rachat étant assuré pour
l'essentiel par des emprunts ; cette formule d'endettement massif permet de réaliser ce que
les financiers appellent un effet de levier (V. infra, n° 1413). Au plan fiscal, des règles ont été
posées pour lutter contre la sous-capitalisation dans les groupes de société (V. infra, n° 1481).
d) La décapitalisation
Cette fois, la société n'est pas sous-capitalisée, elle est surcapitalisée. Elle est prospère et
dispose de fonds propres pléthoriques. D'où l'idée de réduire le capital et de restituer aux
associés une partie de leurs apports. C'est à quoi correspond la décapitalisation qui n'est
_ qu'une réduction de capital non motivée par des pertes (V. infra, n° 840). Il s'agit surtout
d'une stratégie entre les mains des dirigeants de sociétés cotées soucieux de créer de la valeur
pour leurs actionnaires. Une augmentation de capital peut faire le bonheur de la société, mais
pas nécessairement celui des actionnaires qui, à l'avenir, devront partager le gâteau avec les
nouveaux arrivés. On parle de la dilution de leur droit aux bénéfices au fur et à mesure que
s'agrandit le tour de table. Une réduction de capital, s'accompagnant à l'inverse d'une dimi-
nution du nombre des bénéficiaires, ou du moins du nombre des actions, a pour résultat
à l'effet
immédiat de revaloriser les actions restantes ; c'est l'effet de relution par opposition
de dilution.
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LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
Section 5
257. - Une personne morale at-elle une conscience ? Peut-on Jui imputer
des fautes engageant sa responsabilité ? Ces interrogations suscitaient autre-
fois des discussions passionnées entre les tenants de la réalité des personnes
morales et ceux de la fiction (V. supra, n° 173 et s.). Elles ne sont plus de
mise aujourd’hui. La capacité de nuisance des personnes morales appelle de
vigoureuses actions en responsabilité. Sans tomber dans un anthropomor-
phisme factice, la jurisprudence a vite reconnu la responsabilité civile des
personnes morales ; puis la loi a consacré en 1994 le principe de leur responsa-
bilité pénale.
Sous-section 1
258. —- Celui qui s’estime victime des agissements d’une société peut lui
demander réparation du dommage qu'il a subi en se fondant sur la responsa-
bilité contractuelle (mauvaise exécution ou défaut d'exécution d’un contrat
passé au nom de la société) ou la responsabilité délictuelle (fait dommageable
imputable à la société ne trouvant pas sa source dans l’inexécution d’un
contrat). On peut décliner toutes les causes de responsabilité délictuelle visées
aux articles 1382 et suivants du Code civil : faute personnelle par le truche-
ment des organes sociaux, fait d'autrui, fait des choses, fait des animaux (49).
Il est donc possible d'agir directement contre la société sans avoir à mettre en
cause la personne qui est intervenue dans la réalisation du dommage, diri-
geant ou préposé.
Ce principe a été fermement proclamé dans un arrêt de 1977. Dans cette
affaire, un ouvrier avait trouvé la mort à la suite du fonctionnement défec-
tueux d’un monte-charge manœuvré par l’un des associés. Les ayants cause
de la victime avaient actionné directement la société sur le fondement de
l’article 1382 du Code civil. Les juges du fond rejetèrent leur action sous le
prétexte qu'une société ne pouvait être recherchée pour faute. Leur décision
fut cassée pour le motif de principe que voici : « Attendu que la personne
morale répond des fautes dont elle s’est rendue coupable par ses organes et
en doit la réparation à la victime sans que celle-ci soit obligée de mettre en
cause, sur le fondement de l’article 1384, alinéa 5, lesdits organes pris comme
préposés » (50).
(49) Cass. 2° civ., 27 sept. 2001 : D. 2002, inf. rap., p. 2948 : responsabilité d'une société du fait d'un
veau ayant provoqué la charge d'un taureau. — Pour un autre exemple où une société, et avec elle
sa
compagnie d'assurances, s'est trouvée condamnée à réparer le préjudice subi par un cycliste renversé
par
un chien dont la société était réputée détenir la garde, Cass. 2e civ., 22 févr. 1984 : RTD civ. 1985,
p. 399,
obs. J. HUET.
(50) Cass. 2° civ., 27 avr. 1977, Société Guerre : Bull. civ. I, n° 108, p. 74.
124
LA PERSONNALITÉ MORALE
Sous-section 2
125
LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
126
LA PERSONNALITÉ MORALE
127
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Titre 2
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Chapitre 1
LES ACTEURS
Section 1
LES DIRIGEANTS
Sous-section 1
267. - De même que dans une démocratie le peuple désigne ses représen-
tants, de même dans une société l'assemblée des associés désigne ses diri-
geants ; c’est l’une de ses prérogatives politiques. Les modalités varient selon
le type et la taille de la société.
Dans les petites sociétés dominées par une personne ou par une famille,
le maître de l’affaire (le principal associé) est généralement désigné comme
;
dirigeant ; le détenteur du capital est en même temps patron de l’entreprise
propriété et pouvoir vont alors de pair.
Dans les grandes sociétés faisant publiquement appel à l'épargne, compor-
tant plusieurs milliers d'actionnaires, les dirigeants sont choisis en raison
ne
de leurs compétences techniques. Ce sont des managers professionnels
possédant qu'une part infime du capital ; les sociologues parlent de techno-
structure ; il y a alors dissociation de la propriété et du pouvoir.
131
LA VIE DES SOCIÉTÉS
À de rares exceptions près (V. infra, n° 640 pour les membres du directoire),
le pouvoir de nomination entraîne celui de révocation. Le pouvoir de révoca-
tion reconnu aux associés est quelque peu théorique lorsque le dirigeant pos-
sède l'essentiel du capital, mais non s’il est un manager soumis au bon vouloir
des associés. Ceux-ci peuvent le remercier s’il a cessé de plaire, un peu comme
on remercie un ministre au gré des fluctuations politiques.
268. — Les tiers doivent être avertis de la nomination maïs aussi de la révo-
cation ou de la démission des dirigeants. La publicité est assurée selon les
modes habituels : journal d'annonces légales, registre du commerce et des
sociétés, BODACC. Ni la société ni les tiers ne peuvent se prévaloir d’une
irrégularité dans la désignation des dirigeants lorsque cette nomination a été
régulièrement publiée (C. com. art. L. 210-9). La publicité entraîne purge des
vices de désignation, ce qui est un facteur de sécurité pour les tiers (1).
A l'opposé, le défaut de publicité de la désignation d’un dirigeant ne peut
avoir pour effet de soustraire celui-ci aux responsabilités attachées aux fonc-
tions qu'il a acceptées et exercées (2).
POLE
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|
; 1. Le dirigeant de fait
| 269. — Le dirigeant de fait est assimilé au dirigeant de droit, du moins en ce qui concerne
: les aspects contraignants : fiscalité et responsabilité. Le fisc taxe de la même façon dirigeant
| de fait et dirigeant de droit. Par ailleurs, comme le dirigeant de droit, le dirigeant de fait peut
voir sa responsabilité, civile ou pénale, engagée :
— condamnation d'une société mère qualifiée de dirigeant de fait de sa filiale en comble-
ment du passif de celle-ci (Cass. com., 6 juin 2000 : R/DA 2000, n° 868):
— condamnation d'un gérant de fait de SARL pour abus de biens sociaux (Cass. crim.,
20 sept. 2000 : R/DA 2001, n° 38).
Bien évidemment, la responsabilité du dirigeant de fait n’efface en rien celle du dirigeant
de droit. En outre, si le dirigeant de fait subit la responsabilité et la fiscalité du dirigeant de
droit, il n’en a ni le statut, ni les fionneurs (être électeur et éligible à la chambre de commerce
Où au tribunal de commerce par exemple), ni les pouvoirs: il ne représente pas la société; il
n'a donc pas la qualité pour exercer un pourvoi en cassation (Cass. com., 12 janv. 1993 : RJF
| 4/1993, n° 554).
É Reste à définir le dirigeant de fait : « la qualité de gérant de fait est caractérisée par
| l'immixtion dans les fonctions déterminantes pour la direction générale de l’entreprise, impli-
quant une participation continue à cette direction et un contrôle effectif et constant
de la
marche de la société en cause » (CA Paris, 11 juin 1987 : Bull. Joly 1987, p. 719. - Adde,
D. Fricor, Les critères de la gestion de fait : Dr et patrimoine, 1/1996, p. 24).
Mérite donc
cette qualité quiconque s'immisce dans la direction d'une société. Doit ainsi être
considéré
comme dirigeant de fait celui qui donne des instructions aux salariés, traite avec
les banques,
| définit la politique sociale, perçoit des règlements au nom de la société.
C'est bien sûr à
132
LES ACTEURS
l'associé majoritaire que l'on pense immédiatement : il y à toutefois lieu de préciser que la
position majoritaire ne présume pas l'ingérence et que l'associé majoritaire qui s'est borné à
exercer le droit de contrôle et d'intervention attaché à ses titres ne saurait être tenu pour un
dirigeant de fait.
_Dépassant le cercle des associés, on rencontre d’autres dirigeants en puissance. Le premier
spécimen, le banquier, tente quelquefois de piloter lui-même la société; il est alors qualifié
de dirigeant de fait (Cass. com., 27 juin 2006 : D. 2006, p. 1892, obs. A. Lienhard, confirmant
CA Versailles, 29 avr. 2004 : Bull. Joly 2004, 8 245, p. 1201, note A. ConsranriN et Y. Léwy. —
Ph. DELEBECQUE, L'administrateur de fait par personne interposée : une notion à définir : JCP
E 2005, p. 234 : condamnation en responsabilité pour insuffisance d'actifs d'une banque en
qualité d'administrateur de fait par l'intermédiaire de ses représentants au conseil d'adminis-
tration de la société). Cependant, tout créancier, même puissant, ne saurait être qualifié a
priori de dirigeant ; il peut demander des explications et des comptes sans changer de statut ;
ce qui lui est interdit, c'est de se substituer aux dirigeants régulièrement nommés ou de
participer aux décisions de gestion. La frontière entre le contrôle et la direction peut être
franchie par d'autres que le banquier, comme le concédant, le franchiseur ou le maître de
l'ouvrage, voire l'État. (V. dans l'affaire SCOPD Manufrance, T. confl. 23 janv. 1989 : D.
1989, p. 367, note P. Auseuex et F. DerripA ;Gaz. Pal. 1989, II, p. 579, note D. PLANTAMP).
2. La variété des statuts de dirigeant
270. — Tous les dirigeants ne se ressemblent pas, tant s'en faut. Leur titre déjà varie :
ss
sessANNE
RSS
CORRE
ses
président, directeur, administrateur, gérant... Comme pour les classifications de sociétés
(V. supra, n° 29), on se livrera à un exercice de taxinomie en proposant les dix critères suivants
de distinction :
1) Associé ou non ? C'est uniquement dans les SA que certains dirigeants doivent avoir la
qualité d’associé : le président-directeur général, le président du conseil d'administration, les
administrateurs et les membres du conseil de surveillance : a contrario n'ont pas nécessaire-
ment la qualité d’associé le directeur général, les directeurs généraux délégués et les membres
du directoire. Dans les autres sociétés, la direction peut être confiée à un tiers non associé ;
une particularité : dans les commandites, les commanditaires ne peuvent avoir la qualité de
gérant.
2) Personne physique ou personne morale ? Dans les SA, le président du conseil d'adminis-
tration, le directeur général, les directeurs généraux délégués et les membres du directoire
sont nécessairement des personnes physiques ; il en est de même des gérants dans les
SARL. Les membres du conseil d'administration où du conseil de surveillance dans les SA, les
gérants des sociétés de personnes, les administrateurs des GIE et GÉIE, de même que les
présidents et autres dirigeants de SAS, peuvent être des personnes morales.
3) Révocable ou irrévocable ? Il n'existe pas en droit de dirigeant irrévocable ; les dirigeants
sont révocables sur décision des associés ; certains sont révocables ad nutum, c'est-à-dire de
façon discrétionnaire et sans indemnité ; tel est le sort du président-directeur général, du
président du conseil d'administration, des administrateurs et des membres du conseil de
surveillance dans la SA : les autres catégories de dirigeants sont révocables pour justes motifs ;
ceci ne signifie pas qu'ils ne peuvent être révoqués en l'absence de justes motifs, mais seule-
ment que leur révocation justifie l'octroi de dommages-intérêts. Question : comment assurer
la révocabilité du dirigeant associé unique dans les sociétés unipersonnelles ? èR
eines
4) À durée déterminée ou à durée indéterminée ? Dans les SA, la loi fixe elle-même la
durée du mandat des dirigeants : dans les autres sociétés ce sont les statuts qui organisent
qui
cette durée: ils peuvent prévoir que le gérant est désigné pour la durée de la société, ce
pour
est une sorte d'irrévocabilité : reste cependant la possibilité d'une révocation judiciaire
cause légitime.
_ 5) Commerçant ou non ? Lorsque la direction est confiée à un tiers non associé, celui-ci
et dans la
_a la position de mandataire, ce qui exclut la qualité de commerçant. Dans la SNC
associés acquièrent automatiqu ement la qualité de commerçant .
commandite, les gérants
de commerçant,
Dans la société par actions et la SARL, les dirigeants n'ont pas la qualité
mais ils sont éligibles au tribunal de commerce et à la chambre de commerce.
des fonctions
6) « Cumulard » ou non ? Dans les sociétés par actions et les SARL, le cumul
le cumul est
de dirigeant et de salarié est possible sous certaines conditions ;dans la SAS,
associés (V. infra,
libre: dans les sociétés de personnes, un tel cumul est discuté pour les
n° 1130).
sont nor-
7) Rémunéré ou bénévole ? Dans toutes les sociétés, les fonctions de dirigeant
malement rémunérée s, mais rien n'interdit qu'elles soient gratuites.
O
RSR
133
LA VIE DES SOCIÉTÉS
8) De droit ou de fait? Par principe, le dirigeant de fait est soumis aux mêmes sujétions
et aux mêmes responsabilités que le dirigeant de droit (V. supra, n° 269).
9) Statutaire ou non statutaire ? Le statut du dirigeant est identique, qu'il soit désigné
dans les statuts où dans un acte ultérieur ; par exception à ce principe, le gérant statutaire
d'une SNC bénéficie d'un statut plus protecteur puisque sa révocation ne peut être décidée
qu'à l'unanimité des autres associés.
10) Bénéficiant ou non du statut fiscal et social des salariés ? Sont seuls à bénéficier de ce
régime les dirigeants de SA (président du conseil d'administration, directeur général, directeur
général délégué et membres du directoire), de SAS et les gérants de SARL.
3. L'obligation de loyauté du dirigeant
271. — Même si la loi est muette sur ce point, la Cour de cassation fait peser sur le diri-
geant une obligation de loyauté. Au sein de cette communauté qu'est la société, il est tenu de
cultiver la vertu de civisme à l'égard tant des associés que de la société (B. Daie-Ducros, Le
devoir de loyauté du dirigeant : ICP E 1998, p. 1486. — H. Le Nagasour, Le développement du
devoir de loyauté en droit des sociétés : RTD com. 1999, p. 273. — M. L'ATHELZE-BONNEMAZON,
Bilan et perspective du devoir de loyauté en droit des sociétés : LPA, 23 juin 2000).
a) L'obligation de loyauté envers les associés
Le dirigeant est dépositaire de précieuses informations sur la marche de la société: il est
tenu d'en faire bénéficier les associés. Le droit à l'information n'est- il pas la première de
leurs prérogatives politiques (V. infra, n° 318) ? Le maître mot est la transparence. La Cour
de Cassation a eu l'occasion de le proclamer solennellement dans une décision du 27 février
1996 UCP E 1996, I, 838, note D. Schminr et N. Dion). En l'espèce, le dirigeant était en
pourparlers avec un éventuel repreneur prêt à racheter la société au prix fort. Un minoritaire
lui demande au même moment de lui trouver un acquéreur pour ses actions. Le dirigeant
les lui rachète lui-même au prix de 3 000 F l’action, puis les revend quelques jours plus tard
au repreneur pour le prix de 8 000 F. Ayant eu vent de la chose, le cédant assigne le
dirigeant en réparation du préjudice subi. La Cour de cassation le condamne à des dom-
mages et intérêts sur le fondement de l'obligation de loyauté : « Attendu que M. Bernard
Vilgrain a manqué au devoir de loyauté qui s'impose au dirigeant d’une société à l'égard
de tout associé, en particulier lorsqu'il en est intermédiaire pour le reclassement de sa
participation. »
b) L'obligation de loyauté envers la société
Le dirigeant doit agir dans l'intérêt de l'entreprise aux destinées de laquelle il préside. Là
encore, il est dépositaire de précieux savoirs qu'il ne saurait impunément communiquer à
l'ennemi, c'est-à-dire à une société concurrente. Pour avoir trahi son devoir de loyauté, un
dirigeant a été condamné à de lourds dommades-intérêts (Cass. com., 24 févr. 1998 :
Bull. Joly 1998, p. 813, note B. Per). Dans cette affaire, M. Kopcio exerce au sein de la
société PIC les fonctions salariées de directeur régional en étant tenu par une clause de non-
concurrence. || est mis fin à cette clause lors de sa nomination comme dirigeant de l’une
des filiales du groupe. Quelque-temps plus tard, il orgañise son départ en incitant plusieurs
collaborateurs à démissionner pour le rejoindre au sein d'une société concurrente qu'il allait
créer. La société PIC le poursuit pour concurrence déloyale, mais elle est déboutée par la
cour
d'appel au prétexte que la clause initiale de non-concurrence avait été abandonnée. Son
arrêt
est cassé au motif que « M. Kopcio était tenu à une obligation de loyauté à l'égard de cette
entreprise ». Pareillement, engage sa responsabilité pour manquement à son obligation
de
loyauté et de fidélité le dirigeant démissionnaire qui, pendant son préavis, crée
une société
concurrente (Cass. com., 12 févr. 2002 : Rev. sociétés 2002, p. 617, note B.
SAiNTOURENS : Dr.
et patrimoine, 5/2002, p. 94, obs. D. PoraccHa). Ainsi, même en l'absence de clause de
non-
concurrence, le devoir de loyauté interdit au dirigeant toutes intelligences avec l'ennemi.
—
a L. Gopon, L'obligation de non-concurrence des dirigeants sociaux : Bull.
|
Joly 1999,
bp 5,
A
134
LES ACTEURS
Sous-section 2
273. - Les organes de gestion ont tous pouvoirs pour diriger la société
dans l’intérêt de celle-ci. Ces pouvoirs sont considérables. Les dirigeants exer-
cent d’abord les missions de tout chef d'entreprise : embaucher les salariés,
assurer la production et la commercialisation des stocks, gérer la trésorerie,
établir les plans de financement... En clair, les dirigeants assument à la fois
la direction économique de l’entreprise (ils exercent les fonctions dévolues à
tout patron) et la direction juridique de la société qui structure l’entreprise
(ils assurent la représentation juridique de la société). Il s'agit là d’un pouvoir
quotidien alors que le contrôle des associés n'est qu'épisodique.
Les pouvoirs des dirigeants ne sont cependant pas absolus. La loi les oblige
dans tous les cas à respecter les prérogatives des autres organes, spécialement
celles des assemblées générales. Ainsi seules ces dernières sont compétentes
pour modifier les statuts ou approuver les comptes (V. infra, n° 356). Les
statuts peuvent par ailleurs interdire aux dirigeants de passer certains actes
(vendre un fonds de commerce, souscrire un emprunt dépassant un certain
montant...) ou leur imposer l'autorisation préalable des associés ou d'un
organe de contrôle. Outre l'obligation d'inscrire leur action dans les limites
de l’objet social, les dirigeants sont enfin soumis à un impératif qui leur
impose d'agir dans l'intérêt de la société (V. infra, n® 369 et s.). Le dirigeant
qui ne respecterait pas la ligne de conduite qui lui a été dictée s’exposerait
sur le plan interne à une double sanction :
— sanction politique : les associés mécontents peuvent, réunis en assemblée
générale, décider sa révocation ;
— sanction juridique : si le dirigeant a commis une faute ayant causé un
préjudice à la société, il engage sa responsabilité civile à l'égard de celle-ci
(V. infra, n® 281 et s.).
135
LA VIE DES SOCIÉTÉS
136
LES ACTEURS
statutaire limitative
(5) Parce que le gérant associé n'est pas un tiers au contrat de société, une clause
p. 1133, note P. Le CANNU.
de pouvoirs lui est opposable : Cass. 3£ civ., 25 mai 2005 : Bull. Joly 2005, 8 250,
— Pour une société civile :
(6) Pour une SARL, Cass. com. 2 juin 1992 : Bull. Joly 1992, note P. Le Cannu.
3 civ., 12 juill. 2005 : Bull.
Cass. 3° civ., 24 janv. 2001 : Bull. Joly 2001, p. 529, note F.-X. Lucas. — Cass.
Joly 2006, 8 46, p. 231, note Y. DEREU.
Bouioc ; en l'espèce, le président
(7) Cass. 2e civ., 23 oct. 1985 : Rev. sociétés 1986, p. 408, note B.
autorisation préalable du conseil
d'une SA exerce une action en justice alors que les statuts exigent une
en invoquant le défaut de qualité
d'administration : le tiers poursuivi a obtenu l'annulation de la procédure
du demandeur.
(8) G. Wicker, Rép. civ. Dalloz, V° Personne morale, n° 31.
Les contrats spéciaux : Defrénois,
(9) V. en matière de mandat, Ph. MaauURE, L. Aynës, P.-Y. GaurIER,
2005, n° 575 et 576.
137
LA VIE DES SOCIÉTÉS
exige une autorisation expresse de l'assemblée des associés, la société est tou-
jours engagée, qu'elle soit à risque limité ou illimité, que le cocontractant soit
de bonne ou de mauvaise foi.
3. Le dirigeant passe un acte en violation de l'intérêt social
L'acte n’est pas étranger à l’objet social et aucune clause statutaire ne limite
les pouvoirs du dirigeant. Mais il a été passé contrairement à l'intérêt de la
société au profit d’une personne que le dirigeant souhaite avantager (par exem-
ple, la vente à prix bradé d’un immeuble social à un membre de la famille du
directeur général d’une SA). Dans ce cas, c’est le droit commun de la nullité
des actes juridiques qui a vocation à s'appliquer (V. supra, n° 277) ; le cas
échéant, on appliquera le régime propre aux conventions réglementées (V. par
exemple, infra, n° 588 et s. à propos de la SA). à ‘
Le dirigeant indélicat devra répondre civilement de la faute de gestion qu'il
a commise (V. infra, n° 281 et s.) ; il pourra être poursuivi pénalement pour
abus de biens sociaux (V. infra, n° 612 et s.) ou abus de confiance (V. infra,
n° 1106 et s.). Quant au fisc, en cas de contrôle, il sera en droit d’invoquer l’acte
anormal de gestion (V. infra, n° 377).
La délégation de pouvoirs
279. — L'exercice des fonctions de direction implique, surtout dans les grandes sociétés,
de compléter l'organisation légale et statutaire du pouvoir par le recours aux délégations de
pouvoirs ou, plus ponctuellement, à un mandat ordinaire. Si la mise en œuvre d'un mandat
obéit aux règles de droit commun, ce qui autorise notamment qu'il soit consenti à un tiers
(Cass. 26 civ., 22 oct. 1997 : Rev. sociétés 1998, p. 7/6, note Ÿ. CHARTIER : exercice d'une action
en justice par un tiers), la notion de délégation de pouvoirs renvoie à une forme particulière
de mandat en ce sens que, moins volatile qu'un mandat ordinaire, il a pour objet l'exercice
d'une fonction participant à l'organisation du pouvoir au sein de l'entreprise (N. FERRIER,
La
délégation de pouvoir, technique d'organisation de l’entreprise, Bibl. de droit de l’entreprise,
Litec, 2005). En l'absence de réglementation spécifique, et sous réserve des solutions
origi-
nales qu'impose la particularité de son objet, la délégation de pouvoirs obéit aux
règles du
mandat (J.-F. Buue, Les délégations de pouvoirs : JCP E 1999, p. 1136).
Quant à la fonction déléguée, elle peut avoir pour objet d'investir son bénéficiair
e du
pouvoir soit de prendre une décision dans le fonctionnement de l'entreprise
sociétaire, soit
de représenter la société à l'égard des tiers. Dans la mesure où le délégataire
se trouve ainsi
intégré à l'organisation sociale, il est en général choisi parti les dirigeants ou
préposés. Ainsi
le directeur juridique reçoit-il une délégation pour assigner, faire appel,
former un pourvoi en
cassation. De son côté, le directeur financier recevra pouvoir d'engager la société à l'égard
des banques, au moins à l'intérieur de certaines limites.
La validité d'une délégation de pouvoirs suppose la réunion de deux
conditions. D'une
part, elle doit être déterminée dans son objet, ce qui ne signifie pas qu'elle
doive être spéciale,
autrement dit limitée à certains actes spécifiés, mais simplement
que son objet doit être
précisément identifié. D'autre part, il est généralement affirmé
qu'elle doit être temporaire.
En réalité, l'exigence signifie seulement que, puisque la délégation
est de la nature du man-
dat, elle ne saurait être irrévocable.
La délégation de pouvoirs peut, lorsque certaines conditions
sont remplies, conduire à
exonérer le déléguant sur le terrain pénal (V. supra, n° 295),
Qu'advient-il de ces délégations lorsque l’auteur de la délégati
on cesse ses fonctions ? La
pratique distingue généralement les délégations de signatur
e et les délégations de compé-
tence. Les premières confèrent à un mandataire le soin de signer
un acte pour le compte et au
nom d’un dirigeant. Parce qu'elles ne sont en réalité que de simples
mandats, eltes deviennent
caduques en cas de cessation des fonctions du déléguant.
Les délégations de compétence,
D
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138
LES ACTEURS
Sous-section 3
8 1. —- La responsabilité civile
139
LA VIE DES SOCIÉTÉS
284. — Lorsque la société subit un préjudice causé par une faute des diri-
geants, ce sont normalement ces derniers qui, en tant que représentants de la
personne morale, devraient agir en justice : tel est l’objet de l’action sociale ut
universi. Or les intéressés sont rarement enclins à tresser la corde qui servira
à les pendre. Le débat de conscience, s’il existe, sera facilement tranché en cas
de changement des dirigeants sociaux, le successeur n’ayant aucune raison
d'épargner son prédécesseur. Restent les hypothèses, fréquentes, où les diri-
geants sont demeurés en place malgré le préjudice causé à la société.
Comment assurer alors la défense du patrimoine social ?
La réponse est fournie par l’action sociale ut singuli, c’est-à-dire l’action
sociale intentée par les associés contre les dirigeants sociaux, action qui existe
dans toutes les sociétés (C. civ., art. 1843-5) et qui vise à l'allocation de dom-
mages et intérêts au profit de la société. Chaque associé peut exercer l’action
sociale, même s’il ne possède qu’une seule part ou une seule action (V. pour
la SA, infra n° 609). Comment expliquer que chaque associé soit autorisé à se
substituer au représentant légal de la société dans l'exercice de l’action en
responsabilité ? Cette attribution dérogatoire de la qualité pour agir à l'associé
est justifiée, d'une part, par le caractère conservatoire de l’action ut sinqul,
puisqu'elle a pour objet la défense du patrimoine social, et, d'autre part, par
son caractère subsidiaire (11) : c'est parce qu'est constatée une carence des
personnes ayant
en principe vocation à représenter la société que l'associé se
voit reconnaître qualité pour agir en vue de la conservation du patrimoine
social (V. infra, n° 285).
La société, en sa qualité de créancière des dommages et intérêts, doit être
régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux
(D. 3 juill. 1978, art. 38). Dans la SA, lorsqu'il existe un conflit d'intérêt
entre
celle-ci et ses représentants légaux, un mandataire ad hoc peut être désigné
(V. infra, n° 609. L'associé agissant ut singuli peut également solliciter
une
mesure conservatoire contre le dirigeant ; parce que la mesure conservatoire
vise la protection de la créance de la société, l'associé doit logiquem
ent agir
au nom de cette dernière (12). Ainsi l’action sociale ut singuli permet
non
seulement d'établir la créance de réparation appartenant la société
mais aussi
de mettre en œuvre les mesures de contrainte destinées à assurer l'effectiv
ité
de cette créance, mesures conservatoires ou encore
voies d'exécution.
Reste que cette action reste rare puisque l'associé supporte
le poids de la
procédure sans en retirer de bénéfice direct. Pourtant, la loi
a tout fait pour
en garantir l’effectivité :
140
LES ACTEURS
— toute clause des statuts qui aurait pour effet de subordonner l’action en
responsabilité à une autorisation ou à un avis de l’assemblée générale est
réputée non écrite ;
— toute clause statutaire de renonciation par les associés à une telle action
est réputée non écrite ;
— le quitus donné par une assemblée ne peut pas faire obstacle à une action
ultérieure en responsabilité.
285. — Le caractère subsidiaire de l’action sociale ut singuli.
action sociale
141
LA VIE DES SOCIÉTÉS
142
LES ACTEURS
143
LA VIE DES SOCIÉTÉS
alors même qu'il est constitutif d’un délit pénal et qu'il caractérise une absten-
tion fautive imputable au dirigeant de la personne morale assujettie à l’obliga-
tion d'assurance (23). D'une façon générale, comment la commission d’une
infraction pénale, du moins lorsqu'elle est intentionnelle, pourrait-elle être
compatible avec l'exercice normal des fonctions dirigeantes (24) ? De façon
plus particulière, si l’on s’en tient aux critères dégagés par les autres chambres
de la Cour de cassation, le dirigeant, en s’abstenant de souscrire une assurance
obligatoire, a commis une faute d’une particulière gravité et avait, ou aurait
dû avoir, conscience du préjudice susceptible d'en résulter, ce qui donne à sa
faute la nature d’une faute lourde, équivalente à une faute intentionnelle :
comment alors justifier que sa responsabilité personnelle ne soit pas engagée ?
Cette espèce, où la société était une EURL, conduit à poser la question sui-
vante : peut-on se soustraire à sa responsabilité civile en s’abritant derrière
une société dans des circonstances qui rendraient inefficace une clause limita-
tive de responsabilité ?
292. — Faute détachable des fonctions : illustrations jurisprudentielles.
—
Voici quelques exemples de condamnation personnelle du dirigeant, can-
tonnés à des hypothèses caricaturales :
——
(23) Cass. 3 civ., 4 janv. 2006 : Bull. Joly 2006, 8 106, p. 527, note S. Messaï-BauRI ;
n° 1, obs. J.-J. Caussan, FI. Desoissy et G. Wicker. En l'espèce, JCP E 2006, 2035,
le dirigeant avait omis de souscrire des assu-
rances obligatoires en matière de construction de maison individuel
le, ce qui constitue un délit réprimé par
les articles L. 111-34 du Code de la construction et de l'habitati
on et L. 243-3 du Code des assurances.
(24) V. Cass. 1" civ., 6 oct. 1998 : RDA 12-1998, p. 1021,
n° 1362. Se référant au jugement ayant
condamné le dirigeant pour corruption, les juges ont retenu
qu'il avait commis à titre personnel une faute
détachable de ses fonctions. — V. aussi, Cass. 1re civ., 14 déc. 1999 : Bull.
Joly 2000, p. 736, note A. Courer:
complicité de violation de secret médical.
LES ACTEURS
—_———
F. Degoissy et G. WICKER.
(25) Cass. com., 7 mars 2006 : JCPE 2006, 2035, n° 2, obs. J.-J. Caussain,
Th. BONNEAU; JCP E 2004, 1510,
(26) Cass. com., 31 mars 2004 : Dr. sociétés juill. 2004, n° 131, obs.
n° 4, obs. J.-J. Caussain, FI. Deoissy et G. WICKER.
B. BouLoc.
(27) Cass. crim., 14 oct. 1991 : Rev. sociétés 1992, p. 782, note
145
LA VIE DES SOCIÉTÉS
8 2. - La responsabilité pénale
295. — Le dirigeant est responsable pénalement. Dans les sociétés à
risque
limité, des délits spécifiques ont été conçus pour donner une
morale des
affaires à ceux qui n’en ont pas, ainsi de la présentation de comptes
infidèles,
de l'abus de biens sociaux. (V. infra, n°° 611 et s.). Dans les sociétés
à risque
illimité, il n'existe pas de délits spécifiques. L'abus de biens par
exemple n'est
pas réprimé en tant que tel dans les SNC ;: mais le droit commun
s'applique
et le gérant déloyal qui détourne les actifs sociaux est en grand
danger d’être
poursuivi pour abus de confiance au titre de la violation
de son mandat
(V. infra, n° 1106 et s.).
La responsabilité personnelle du dirigeant sera sans doute
moins souvent
retenue depuis que le Code pénal consacre la responsabilité
pénale des per-
sonnes morale
s (V. supra, n°° 259 et s.). Bien évidemment, lorsque
le dirigeant
est condamné pénalement, il ne saurait mettre à la charge
de la société le
146
LES ACTEURS
paiement des amendes qui lui ont été infligées; il encourrait de ce fait une
deuxième condamnation pour abus de biens sociaux ou abus de confiance.
Enfin, le dirigeant social assume la responsabilité pénale du chef d’entre-
prise. Il répond à ce titre des infractions à la réglementation générale des
entreprises (droit du travail, droit de l’environnement, Code de la route, droit
de la consommation...) et aux réglementations spécifiques gouvernant le sec-
teur d'activité de l’entreprise. Il répond aussi des infractions révélant un
défaut de surveillance ou une imprudence ayant entraîné un dommage (par
exemple un homicide involontaire du fait d’un accident pharmaceutique).
La responsabilité pénale du chef d'entreprise est toutefois écartée si,
n'ayant pas personnellement pris part à l'infraction, il rapporte la preuve qu'il
a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’auto-
rité et des moyens nécessaires (28) (V. supra, n° 279). Si une telle preuve est
rapportée, le délégataire encourt les sanctions pénales correspondantes.
8 3. — La responsabilité fiscale
147
LA VIE DES SOCIÉTÉS
nr
148
LES ACTEURS
aux dettes ou de leur contribution aux pertes (V. infra, n° 1103) ; à l'inverse, dans les sociétés
de capitaux relevant de l'impôt sur les sociétés, sociétés par actions et SARL essentiellement,
le déficit fiscal n'est pas imputable sur le revenu personnel des associés (V. supra, n° 71);
c'est donc uniquement dans le cadre de cette opacité fiscale que se pose le problème de la
déductibilité des paiements effectués par les dirigeants pour le compte de la société,
— le dirigeant doit être rémunéré à raison des fonctions qu'il exerce ; il n'y à de charge
déductible que là où il y a revenu imposable ; le dirigeant bénévole, faute de rémunération,
ne saurait donc faire état à l'encontre du fisc du passif social qu'il a dû assumer (pour d'autres
désagréments fiscaux liés au bénévolat, V. infra, n° 560); le dirigeant pourrait certes faire
valoir qu'il perçoit des dividendes : mais il ne s'agit pas là de la contrepartie de la fonction
qu'il exerce puisque le dividende rémunère uniquement le capital investi dans la société ;
— le dirigeant, s'il bénéficie du régime fiscal des salariés, doit renoncer à la déduction
forfaitaire de 10 % pour frais professionnels ; les charges supportées par les salariés sont EGOORE
NE
149
LA VIE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 4
150
LES ACTEURS
302. — Si, par leurs fautes ou leur impéritie, les dirigeants ont contraint la
société au dépôt de bilan, ils encourent des sanctions civiles (ils doivent parti-
ciper au dédommagement du naufrage), pénales (le juge leur inflige amende
et/ou prison) et professionnelles (on leur enlève le permis de diriger).
151
LA VIE DES SOCIÉTÉS
152
LES ACTEURS
153
LA VIE DES SOCIÉTÉS
154
LES ACTEURS
155
LA VIE DES SOCIÉTÉS
Section 2
- LES ASSOCIÉS
316. — Le statut des associés n’est pas uniforme. Il varie selon le type de
société ; l'étendue de la responsabilité qu’ils encourent n’en est qu'un exemple
parmi d’autres. Mais au-delà de cette diversité, il existe un certain nombre
d’attributs fondamentaux attachés à la qualité de l'associé, quelle que
soit la
société en cause (sur la notion de droits propres de l'associé, V. infra, n°
324).
Par ailleurs, la qualité d’associé est l’objet en elle-même d’un certain nombre
de mesures de sauvegarde. On envisagera enfin l'attribution de la qualité
d’associé en cas de titres démembrés ou indivis ainsi que l'incidence de
la vie
de couple sur celle-ci.
156
LES ACTEURS
Sous-section 1
. 317. — Il est commode de distinguer, parmi ces attributs, les droits poli-
tiques, les droits financiers et les droits patrimoniaux.
157
LA VIE DES SOCIÉTÉS
321. — Les droits sociaux (parts sociales ou actions) ont une valeur vénale
et font partie du patrimoine de l'associé. Celui-ci peut les monnayer en tirant
argent comptant de leur cession, avec plus-value le cas échéant. Une telle.
cession sera plus ou moins aisée selon le type de société et surtout selon que
les titres sont ou non cotés. Les titres peuvent, le cas échéant, être d’utiles
instruments de garantie ; ils peuvent faire l’objet d’un nantissement au profit
d’un créancier (V. infra, n° 744 et s., 1052 et 1200 et s.). Ils peuvent également
être l’objet d’un démembrement de propriété (usufruit et nue-propriété).
On rappellera que l’apporteur en industrie, bien qu'ayant la qualité d’asso-
cié, est privé des attributs patrimoniaux puisque ses droits sont incessibles
(V. supra, n° 131).
|| |
…
1. « Remplir son devoir d'actionnaire »
322. — L'article 1836 du Code civil est formel : « En aucun cas, les engagements d’un
associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci » (V. supra, n° 334).
Malgré cela, certains associés sont régulièrement pris à partie et sont sommés de « remplir
leur devoir d'actionnaire » en renflouant les caisses de la société. Il ne s'agit pas, il est vrai,
de n'importe quels associés, mais de ceux que l'on appelle les actionnaires de référence. En
réalité, ce devoir relève, sinon d'un vœu pieux, au mieux d'un slogan syndical ou d’une
pression politique, maïs non d'un précepte juridique.
L'exhortation s'adresse d'abord à l'État actionnaire. Quand il vient au secours d'Air France
ou du Crédit Lyonnais, il ne ferait qu'accomplir son devoir d'actionnaire : on ne comprendrait
pas qu'il se dérobe. Il en est de même quand il décide de recapitaliser France Telecom pour
l'aider à se désendetter et pour soutenir son cours à la bourse (V. infra, n° 860).
De là on passe aux groupes lorsqu'une des filiales connaît des difficultés financières. Il ést vrai
qu'ils remplissent souvent leur devoir soit en confortant le crédit de la filiale (signature de lettres
d'intention par exemple, V. infra: n° 1496), soit en recapitalisant la filiale exsangue, soit en
lui
Consentant des subventions ou des abandons de créances, ces dernières formes d'aide étant
généralement préférées pour des raisons d'ordre fiscal (V. infra, n° 1481). Mais cette pratique
n'est pas le fruit d'une obligation juridique. De fait, il n'est pas rare qu'un groupe laisse
une filiale
déposer le bilan et invoque la limitation de sa responsabilité à l'encontre des créanciers
impayés
(sur les éventuelles exceptions, fondées sur la faute où l'apparence, V. infra, n°% 1471 ets.).
Comme on le constate, il ne faut pas confondre slogan et règle juridique. Du
reste, les
temps changent et les actionnaires redressent la tête. Ce sont eux désormais qui
somment
les dirigeants de remplir leurs devoirs envers les actionnaires. Comme le souligne
Patrick
Richard, P-DG de Pernod-Ricard, « L'actionnaire n'est pas là pour qu'on lui
demande de !
l'argent. || est là pour qu'on lui en donne » (Le Monde, 5 févr. 1997).
En cas de défaillance d’un établissement financier, l'article L. 511-42 du Code
monétaire
et financier prévoit que le gouverneur de la Banque de France peut « inviter
» ses actionnaires
à lui fournir le soutien qui lui est nécessaire (V. infra, n° 708). ||
ne s'agit là que d'une
« invitation », car ni coercition ni sanction ne sont prévues (Ch.
Gavaupa et J. STOUFFLET, Droit
bancaire, Litec, 4° éd., 1999, n° 146).
A
D
A
A
na
158
LES ACTEURS
|
hypothèse, si faute il y a, le tiers n’a d'action que contre la société elle-même. |
b) La responsabilité dans l'ordre interne
Le rempart de la personnalité morale ne protège plus les associés lorsque sont en jeu leurs |
rapports internes. L'associé fautif engage donc sa responsabilité personnelle quand il cause |
|
un préjudice à un autre associé.
RER
D
RER
OE Ainsi, en cas d'abus de majorité, les associés coupables peuvent être condamnés à verser
personnellement des dommages-intérêts aux minoritaires lésés (V. infra, n° 381). La même
solution vaut, de manière symétrique, en cas d'abus de minorité (V. infra, n° 384).
On signalera enfin que la Chambre commerciale de la Cour de cassation a admis là respon-
|
sabilité personnelle des associés en cas de révocation abusive d’un dirigeant (V. infra, |
|
n° 1015). |
3. Une notion mal éclaircie : les droits propres de l'associé
324. — La doctrine a mis en relief l'existence de droits propres de l'associé et la jurispru-
dence ne manque pas de s'y référer. Il s'agit des attributs essentiels dont l'associé ne saurait
être dépouillé, encore qu'on puisse relever à chaque fois des limites, voire des exceptions |
(M. German, La renonciation aux droits propres des associés : illustrations : Mél. F. Terré,
1999, p. 401). La liste exacte n'est pas établie avec précision, mais on s'accorde volontiers
|
|
sur les droits propres suivants : :
_ droit de conserver la qualité d'associé, ce qui interdit par principe les mesures d'exclusion
(V. supra, n°% 326 et 5.);
— droit de participer aux assemblées et d'y voter (V. supra, n° 318 et Se
— interdiction d'augmenter les engagements de l'associé (V. supra, n° 334);
_ vocation aux bénéfices (V. supra, n° 136 et 5.); |
|
|
_ droit d'exercer l’action sociale ut singuli (V. supra, n° 285).
4. Les conventions passées entre la société et un associé
|
325. - On peut toujours craindre des abus lorsqu'un associé, surtout s'il est en position
de force, passe une convention avec la société. Face à ce risque, le droit des sociétés réagit
de façon différente selon le type de société :
_ dans les SA et les SCA, les conventions passées entre la société et un associé possédant
plus de 10 % des droits de vote sont soumises à une procédure d'autorisation
(V. infra,
|
)
|
|
|
n° 593 et 881);
libres,
_ dans les SARL, la loi applique aux associés la distinction entre les conventions
traités de la
réglementées et interdites ; gérants et associés non gérants sont donc toujours
|
ET
même facon (V. infra, n° 1056);
plus de
dans les SAS, les conventions passées entre la société et un associé possédant
(V. infra, n° 900);
10 % des droits de vote sont soumises à une procédure d'autorisation
_ dans les sociétés de personnes, la loi ne pose aucune règle particulière
au droit commun de la responsabi lité si les associés abusent de leur situation
; elle s'en remet
pour imposer à
contrôle des
|
|
la société une convention désavanta geuse ; en revanche, une procédure de
infra, n° 1115).
conventions passées avec les dirigeants est instituée dans certains cas (V.
ns ans
159
LA VIE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 2
8 1. — L'exclusion de l'associé
A. - Le principe
327. — Dans les clubs et les associations, il existe des procédures d’exclu-
sion à l'encontre des membres devenus indésirables. L'Église n'hésite pas à
excommunier ceux de ses fidèles qui ne se plient pas à sa doctrine. L'État lui-
même peut retirer sa nationalité à un citoyen à titre de sanction dans des
circonstances exceptionnelles. Peut-on de la même façon retirer sa qualité de
citoyen à un associé trouble-fête en l’excluant de la société ? La loi est muette
sur ce point. Coupant court aux controverses doctrinales et aux flottements
jurisprudentiels, la Cour de cassation a en 1996 proclamé le principe de l’inter-
diction de l'exclusion d’un associé ; c’est donc un droit fondamental pour
l'associé de le demeurer, quoi qu'il arrive (38). La leçon est claire : en l’absence
de texte ou de clause statutaire, le juge ne peut de lui-même prononcer l’exclu-
sion d’un associé (39).
B. —- Les exceptions
1° L'exclusion légale
328. — Le droit de l'associé à demeurer dans la société n’a rien d’absolu et
la loi prévoit des exceptions dans un certain nombre d'hypothèses :
— dans les sociétés à capital variable (V. supra, n° 244) ;
— lorsque l'incapacité ou le vice du consentement d’un associé risquent
d'entraîner l’annulation de la société (V. supra, n° 164) ;
— à l'encontre des dirigeants en cas de procédure collective ouverte contre
la société (V. supra, n° 299 et 300) :
— dans les sociétés cotées, à l'encontre des minoritaires qui ne possèden
t
pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote (V. infra, n° 982).
2° L'exclusion statutaire
329. — Rien n'interdit d'insérer dans les statuts une clause autorisa
nt l’ex-
clusion d’un associé si certains événements nettement précisés à l'avance
vien-
(38) Cass. com., 12 mars 1996 : Rev. sociétés 1996, p. 554.
— CA Toulouse, 10 juin 1999 : JCP E 2000,
Il, 10372, note J.-J. DAIGRE. — Adde, S. Darioseco et N. Mérar,
Les clauses d'exclusion, solution à la mésententé
entre associés : Bull. Joly 1998, p. 893.
(39) On Signalera que certaines opérations portant sur le capital,
le « coup d'accordéon » notamment,
aboutissent indirectement à exclure certains associés (V. infra,
n° 857)
160
LES ACTEURS
161
LA VIE DES SOCIÉTÉS
8 2. — Le retrait de l'associé
162
LES ACTEURS
CR
(49) Cass. com., 7 mars 1989 : Rev. sociétés 1989, p. 473, note Y. CHARTIER.
; JCP E 2004, 601, obs. crit. J.J. CAUSSAIN,
(50) Cass. com. 13 nov. 2003 : /CP E 2004, 337, note A. VianoiR
p. 97, note B. SAINTOURENS : une société civile de
F. Desoissy et G. Wicker, n° 601; Rev. sociétés 2004, à la charge des
créant ainsi une obligation
médecins s'était engagée à racheter les parts de l'un d'entre eux,
associés — s'agissant de protéger le consente ment, la nullité relative aurait été plus indiquée.
autres
163
LA VIE DES SOCIÉTÉS
sembler hors de propos, sauf à se rattacher à l‘exigence de motivation que semble imposer
l'exercice de tout pouvoir unilatéral.
Quoi qu'il en soit, la Cour de cassation a marqué dans plusieurs décisions, en forme de
coup d'arrêt, sa volonté de ne pas appliquer en tant que tel l’article 6, 8 1 de la CEDH aux
décisions prises par les organes sociaux : d'une part, parce qu'il ne s’agit pas d'organes
Juridictionnels ; d'autre part, parce qu'ils examinent la violation d'engagements contractuels.
Ainsi, dans le cas d'une association, lorsque le membre connaissait la sanction à laquelle il
était exposée et a été mis en mesure de se faire entendre par les organes chargés d'arrêter
la sanction, il n’y a pas violation des principes de la contradiction et d’impartialité qui s'impo-
sent dans le droit associatif ;pour le reste, les dispositions de l'article 6 de la Convention, ét
spécialement le droit d'être assisté par un avocat, sont sans application aux conseils d'admi-
nistration et aux assemblées générales examinant la violation d'engagements contractuels
(Cass. com., 16 mars 2004 : Bull, Joly 2004, 8 217, p. 1109, note E. GarAUD. — Cass. com.
14 déc. 2004 : Bull. Joly 2005, 8 106, p. 515, note Ph. Néau-Leouc). Également, parce que
l'assemblée générale n'est pas un organisme juridictionnel, mais un organe de gestion interne
à la société, la décision de révoquer un gérant et de l'exclure de la société en sa qualité
d'associé ne suppose pas de lui reconnaître le droit d’être assisté par un avocat (Cass. com.,
10 mai 2006 : Rev. soc. 2007, p. 70, note L. Gopon).
f |
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TT D 7 7 7
Sous-section 3
336. — Il est de plus en plus fréquent que les droits sociaux fassent l’objet
d'un démembrement de propriété, spécialement quand il s'agit d'en préparer
la transmission à la génération suivante (V. supra, n° 130) ou encore lorsque
le conjoint survivant reçoit l’usufruit des titres appartenant au prédécédé.
Quels sont le statut du nu-propriétaire et celui de l’usufruitier ?
À. — Le statut du nu-propriétaire
337. — Il est admis par tous que le nu-propriétaire a la qualité d’associé.
L'article 1844 du Code civil dispose que « si uné part est grevée d’un usufruit,
le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concer-
nant l'affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier ». Mais
le texte
ajoute que les statuts peuvent déroger à cette combinaison. Il a par exemple
été jugé que les statuts peuvent attribuer le droit de vote à la fois au nu-
propriétaire et à l’usufruitier (51). Cette liberté peut-elle autoriser la suppres-
sion du droit de vote du nu-propriétaire ? Pour la Cour de cassation, il est
possible de supprimer le droit de vote du nu-propriétaire, à condition qu'il
ne soit pas dérogé à son droit de participer aux décisions collectives
(52),
ce qui lui permet d’être convoqué aux assemblées, de recevoir l'informat
ion
préalable comme du droit d'y assister et d'y exprimer un avis
consultatif.
(51) Cass. 3 civ., 2 mars 1994 : Rev. sociétés 1995, p. 41, note
P. Diner.
(52) Cass. com., 22 févr. 2005 : D 2005, somm. p. 1430, obs. B.
Thuuuer : JCP E 2005, 1046, n° 3, obs.
1.-J. Caussan, Fl. Desoissy et G. Wicker. — Se trouve ainsi confirmée l'interprétation
restrictive de l'arrêt de
Gaste (Cass. com., 4 janv. 1994 : JCP E 1994, |, 363, n° 4, obs. A.
Vianier et J.-J. CAuSsAIN). — R. KabboucH
Conditions de l'attribution statutaire de la totalité du droit de vote
au seul usufruitier : JCP E 2005, 968.
164
LES ACTEURS
Par suite, la clause des statuts selon laquelle l’usufruitier représente le nu-
propriétaire pour toutes les décisions sociales, quel qu’en soit l’objet, n’est pas
valable en ce qu'elle interdit l'accès du nu-propriétaire à l'assemblée (53).
Si l’on tient compte des règles du droit des biens, la suppression du droit
de vote du nu-propriétaire ne devrait pas être possible lorsqu’est en cause la
substance de la chose ; ainsi en est-il de modifications statutaires importantes
ou de la dissolution conventionnelle de la société.
B. —- Le statut de l’usufruitier
LE CANNU.
(53) Cass. 2° civ., 13 juill. 2005 : Bull. Joly 2006, 8 43, p. 217, note P.
(54) A. Vanne, La notion d’associé, LGD), 1978, n° 248 ets.
d'associé ? : JCP E 1994, |, 374.
(55) M. Cozaw, Du nu-propriétaire ou de l’usufruitier, qui a la qualité
de l’usufruitier de titres
(56) F1. Desorssy et G. Wicker, Le droit de vote est une prérogative essentielle
sociaux : JCP E 2004, 1290.
et actions : Defrénois 1994,
(57) En ce sens, J. Derrupré, Un associé MÉCONNU : l'usufruitier de parts
ns 7
;JCP E 2004, 1510, n° 1, obs.
: (58) Cass. com., 31 mars 2004 : JCP E 2004, 929, note A. Ragreau
obs. H. HovASse. — Adde, A. ViANDIER,
JJ. Caussan, FI. Desoissy et G. Wicker ;Dr. Sociétés juin 2004, p. 26,
L'irréductible droit de vote de l’usufruitier : RIDA 8-9/2004, p. 859.
165
LA VIE DES SOCIÉTÉS
340. — En cas d’indivision des droits sociaux (59), à la suite par exemple
d’une succession, de la dissolution d’un régime de communauté ou de la
conclusion d’un PACS (V. infra, n° 352), chacun des indivisaires a la qualité
d’associé (60). Leur situation diffère cependant de celle des titulaires privatifs
de droits sociaux. Les indivisaires ne peuvent en effet exercer leurs préroga-
tives de façon isolée. S'agissant notamment du droit de vote, ils doivent se
faire représenter par l’un d’entre eux ou par un mandataire unique (C. civ. .
art. 1844, al. 2) (V. pour les actions indivises, infra, n° 688). Étant cotitulaire
d’un titre unique, chacun des indivisaires a la qualité d’associé, mais l’unité
du titre implique l’indivisibilité des prérogatives y afférentes et donc, leur
exercice collectif.
Sous-section 4
8 1. — L'associé marié
166
LES ACTEURS
B. —- Le conjoint de l'associé
344. — Tout d’abord, une personne mariée, quel que soit son régime matri-
monial, peut entrer dans une société sans avoir à demander l'autorisation de
son conjoint. Les brimades anciennes frappant les femmes mariées appartien-
nent à un passé révolu. Les principes nouveaux sont connus : égalité des
sexes, autonomie professionnelle, capacité de gestion patrimoniale. L'indé-
pendance est pleine et entière lorsque les époux sont mariés sous le régime
de la séparation de biens ou de la participation aux acquêts, ou encore en cas
de communauté si l'apport (à la constitution de la société) ou l'acquisition des
droits sociaux (en cas de rachat) a été financé grâce à des biens propres. Dans
ce cas, le conjoint de l’associé n’a pas voix au chapitre : il ne peut rien exiger,
encore moins rien interdire. Le mariage n'’affecte d'aucune inanière la qualité
d’associé.
345. — Les solutions sont plus nuancées lorsque, dans le cadre du régime
de communauté, l'apport initial ou l'acquisition des droits sociaux est financé
grâce à des biens communs. Quelle que soit la forme de la société, seul l'ap-
porteur ou l'acquéreur a la qualité d’associé ;lui seul peut voter dans les
assemblées générales ; ceci n'empêche pas que les droits sociaux, de même
que les dividendes, demeurent des biens communs. On retrouve ainsi la diffé-
rence, classique dans les régimes matrimoniaux, entre le titre, qui est person-
nel, et la finance, qui est commune. Ainsi, lorsqu'un époux finance des actions
avec des fonds communs, il a seul la qualité d’actionnaire mais la valeur des
actions tombe en communauté (62). La règle joue également pour les titres
sociaux non négociables (63). L'époux d’un associé dont les parts sociales
sont des biens communs n’a pas, de ce seul fait, la qualité d’associé (V. infra,
n° 348).
346. — Toutefois, dans les sociétés autres que les sociétés par actions, autre-
ment dit dans les sociétés par intérêts (SARL, SNC, sociétés civiles….), l’indé-
pendance de l'époux qui utilise à son profit des biens communs est moins
complète ; le conjoint a son mot à dire. Si l'apporteur (ou l'acquéreur) a en
principe seul la qualité d’associé, son conjoint peut toutefois revendiquer la
même qualité pour la moitié des parts sociales ; dans ce cas, chacun a la qua-
lité d’associé à égalité. C’est pour permettre l’exercice de ce droit de revendi-
cation que le projet d'apport ou d'acquisition doit, à peine de nullité, être
notifié au conjoint (C. civ., art. 1832-2). Trois attitudes sont possibles :
— le conjoint revendique immédiatement la qualité d'associé ; l'agrément de l’un
vaut automatiquement pour l’autre ; les associés doivent donc ou agréer les
deux ou rejeter les deux ;
— le conjoint renonce par écrit à revendiquer la qualité d'associé ; sa renonciation
est définitive et ne peut faire l’objet d'une rétractation ultérieure ; l'époux
renonçant est privé du droit de repentir ; "
— le conjoint reste dans l'expectative ; son silence actuel ne lui interdit pas
clauses d'agrément
d'exercer ultérieurement son droit de revendication; les
associé
prévues à cet effet par les statuts sont opposables au conjoint, l'époux
ne participant pas au vote.
347. — Si l’on examine maintenant le fonctionnement de la société, on
un tiers quel-
s'aperçoit que le conjoint de l'associé n’est pas traité comme
conque. En voici quelques illustrations :
(62) Cass. 1° civ., 16 mai 2000 : Dr. famille 2000, comm. 115, obs. B. BEIGNIER.
1991, p. 1333, note P. LE CANNU. —
(63) Cass. 1'° civ., 9 juill. 1991 : Bull. civ. 1991, |, n° 232 ; Defrénois Milhac.
Cass. 1° civ., 10 févr. 1998 : Bull. civ., |, n° 47 : Defrénois 1998, p. 1119, note O.
167
LA VIE DES SOCIÉTÉS
— en cas de cession des droits sociaux, l'agrément prévu pour l'entrée des tiers
dans la société est interdit pour le conjoint dans les sociétés anonymes
(V. infra, n° 720) et est facultatif dans les SARL (V. infra, n° 1049) ; il est en
revanche exigé dans les sociétés en nom collectif (V. infra, n° 1145) et dans les
sociétés civiles mais, dans ce dernier cas, la règle n’est pas toujours d'ordre
public (V. infra, n° 1190) ;
— en cas de cession ou d'apport en nature d'immeubles, de fonds de commerce ou
de parts sociales communes, le consentement des deux époux est requis à peine
de nullité de la cession ou de l'apport (C. civ., art. 1424) ; un époux marié
sous le régime de la communauté ne peut donc céder seul les parts sociales .
(parts de SARL, de SNC, de SCI...) sans le consentement de son conjoint ; le
cessionnaire fera bien de se renseigner sur le régime matrimonial du cédant ;
— pour l'exercice du droit de vote dans les assemblées, l'associé peut se faire
représenter par son conjoint dans les SA (V. infra, n° 678) et dans les SARL
(V. infra, n° 1035) ; dans les autres types de société, la représentation par le
conjoint est subordonnée à une clause spéciale des statuts.
348. — Le conjoint de l'associé n’est pas nécessairement associé.
Quand des époux sont mariés sous le régime de la communauté, les droits
sociaux souscrits par l’un des conjoints en cours de mariage sont des biens
communs ; quant à l’autre conjoint, il n’a pas nécessairement la qualité d’asso-
cié. Ainsi, deux époux sont poursuivis en paiement des charges dues à une
société civile immobilière dont le mari est associé. Constatant que les parts de
la SCT ont été acquises au cours du mariage, la cour d'appel de Paris en déduit
qu'il s'agit de biens communs et condamne en conséquence les deux époux in
solidum à payer la dette sociale. Rappel à l’ordre de la Cour de cassation :
« Qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Mme Dubois avait la qualité d’associé
de la SCI, la cour d'appel n’a pas donné de base légale à sa décision de ce
chef » (Cass. 3° civ., 20 févr. 2002 : JCP E 2002, 766, note Th. BONNEAU ; Bull. Joly
2002, p. 718, note F.-X. Lucas). Le conjoint commun en biens de l'associé n’a
pas nécessairement la qualité de coassocié (V. supra, n° 346). Dans la négative,
le titre d’associé est personnel même si la finance est commune.
8 2. — L'associé divorcé
8 3. - L'associé pacsé
350. — Quand on se présente chez un notaire pour passer un acte
;
il commence par s’enqué 2 ;
rir de votre état Re A
civil : êtes-vous célibata RE juridique,
>
ire, marié,
168
LES ACTEURS
divorcé... ou pacsé ? Si vous êtes lié à un partenaire dans le cadre d’un pacte
civil de solidarité, le notaire en prendra acte et ne manquera pas (cela relève
de son devoir de conseil) de vous mettre en garde contre les incidences pos-
sibles de votre état civil et, le cas échéant, de vous indiquer les choix que vous
pouvez exercer. Si l’acte à passer concerne le droit des sociétés, voici, si PACS
il y a, quelques aspects juridiques et quelques aspects fiscaux à ne pas
négliger (64).
A. — Aspects juridiques
351. - Deux personnes liées par un PACS peuvent, seules ou avec d’autres,
être associées au sein d’une même société ; cela ne fait pas problème. De la
même manière, si elles ont participé à une œuvre commune avec une âme
d’associés, on pourra faire juger qu'il y avait entre elles une société créée de
fait ; on leur transposera la jurisprudence relative aux sociétés créées entre
concubins ou entre époux (V. infra, n°° 1238 et 1240). Pour le reste, le droit des
sociétés ignore le PACS. Ainsi, les conventions interdites visant les dirigeants
s'étendent au conjoint mais non, faute de texte, au partenaire pacsé (pour la
SA, V. infra, n° 589).
352. — Dans son état initial, l’article 515-5, al. 2, du Code civil, disposait
que les biens (autres que les meubles meublants) dont les partenaires deve-
naient propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte
étaient présumés indivis par moitié si l’acte d'acquisition ou de souscription
n’en disposait autrement. Devant les difficultés résultant du jeu de cette pré-
somption d’indivision, véritable machine infernale à créer des biens indivis -
en l'occurrence des droits sociaux indivis - la règle a été modifiée.
Dans sa nouvelle rédaction, applicable de plein droit aux seuls PACS
conclus à compter du 1* janvier 2007, l’article 515-5 du Code civil dispose
que chacun des partenaires conserve l'administration, la jouissance et la libre
disposition de ses biens personnels, sauf stipulation contraire de la convention
de PACS. Chacun des partenaires peut donc acquérir, souscrire ou céder libre-
ment des titres sociaux. Unique propriétaire des titres, le partenaire exerce
seul les prérogatives attachées à ceux-ci.
Par exception, les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans
une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l'indivision
les biens acquis, ensemble ou séparément, à compter de l'enregistrement de
ces conventions (C. civ., art. 515-5-1) ; les biens sont alors réputés indivis par
moitié, sans recours de l’un des partenaires au titre d’une contribution iné-
gale. Chacun des partenaires, en sa qualité d'indivisaire, a la qualité d’associé
(V. supra, n° 340), étant précisé que l'exercice du droit de vote est réglé confor-
mément aux prescriptions de l’article 1844, al. 2 : représentation des indivi-
saires par un mandataire unique désigné en justice en cas de désaccord
(V. infra, n° 688). La situation pourrait être plus délicate lorsque l'acquisition
de la qualité d’associé est liée à la personne de l'acquéreur : qualification
professionnelle ou encore agrément sans que l'acquéreur ait fait état de l'exis-
tence de la convention de PACS et de son contenu, en l'occurrence la soumis-
sion des biens acquis en cours de PACS au régime de l’indivision. Deux voies
sont envisageables. La première est de faire application de l’article 515-5-2 du
Hovasse, R. GENTILHOMME
(64) C. Mauecki, Le PACS et le droit des sociétés : Rev. sociétés 2000, p. 653. — H.
2001. — R. BESNARD
et M. Desianes, PACS et sociétés : Actes pratiques et ingénierie sociétaire, janv.-févr.
Gouper, Réflexions sur le PACS et le droit des sociétés : JCP E 2001, p. 1128.
169
LA VIE DES SOCIÉTÉS
Code civil disposant que les biens à caractère personnel restent la propriété
exclusive de chaque partenaire. La seconde est de faire application de la dis-
tinction du titre et de la finance, seul l'acquéreur se voyant reconnaître le titre
d’associé quand la finance resterait indivise (V. supra, n° 345).
B. - Aspects fiscaux
353. — Dès la déclaration de leur pacte, les deux partenaires font l’objet
d’une imposition commune, comme en cas de mariage (CGI, art. 6-1). L’assi-
milation fiscale est parfaite, l’article 7 du CGI étendant purement et simple- .
ment au partenaire les règles applicables au conjoint en matière d'impôt sur
le revenu.
En matière d'ISF, si le couple pacsé bénéficie d’une certaine fortune, il sera
assimilé, au regard de cet impôt, à un couple marié. On en tire notamment
les conséquences suivantes (V. supra, n°® 53 et s.) :
— pour la détermination du seuil d'imposition (V. supra, n° 54), il est tenu
compte de la fortune globale du couple ; c’est l'aspect pénalisant de la vie en
commun ;
— pour que la valeur des actions ou des parts de SARL bénéficie de l’exoné-
ration attachée aux biens professionnels (V. supra, n° 55 et s.), il suffit que l’un
ou l'autre des partenaires ait la qualité de dirigeant ; le seuil de 25 % du
capital social s’'apprécie de même au niveau du couple.
Egalement, deux partenaires pacsés peuvent créer une SARL de famille
soumise au régime de l'impôt sur le revenu (V. infra, n° 1008).
170
Chapitre 2
LES RÉSULTATS
354. — Que la société ait pour objet la recherche de bénéfices ou la
recherche d'économies, il convient à la fin de chaque année, plus précisément
à la clôture de chaque exercice, de faire le point, de calculer le résultat, de
vérifier s’il est bon ou mauvais (1). C’est le problème de la détermination du
résultat. Reste ensuite à s'interroger sur son affectation.
Section 1
LA DÉTERMINATION DU RÉSULTAT
Sous-section 1
356. — Les comptes annuels (on les appelle également les comptes sociaux)
comprennent trois documents de synthèse : le bilan, le compte de résultat et
l'annexe. Ils doivent être approuvés par les associés en même temps que le
lequel correspond en
(1) Le calcul des résultats se fait une fois l'an à la clôture de l'exercice comptable,
entre l'année civile et
principe à une période de douze mois. Mais il n'y a pas nécessairement coïncidence
du 1% juin au 31 mai de
l'exercice comptable. Un exercice peut par exemple englober la période allant
l'année suivante.
171
LA VIE DES SOCIÉTÉS
rapport de gestion (C. com. art. L. 232-1 ; V. infra, n° 587). Dans les groupes de
sociétés, l'approbation est étendue aux comptes consolidés (V. infra, n° 1469).
L'assemblée générale ordinaire doit, dans les six mois de la clôture de l’exer-
cice, statuer sur les comptes annuels.
Un vote éclairé suppose une information sur les comptes sociaux. Les
modalités de celle-ci varient selon la forme de la société. Ces comptes et le
rapport de gestion sont adressés aux associés quinze jours au moins avant la
tenue de l'assemblée, d'office dans les sociétés de personnes, sur demande
dans les sociétés par actions et les SARL. Les mêmes documents sont commu-
niqués au commissaire aux comptes et au comité d’entreprise, du moins si
ces organes existent. Lorsque les personnes intéressées ne peuvent obtenir ces
documents, elles peuvent solliciter en référé une injonction judiciaire sous
astreinte ou la nomination d’un mandataire chargé de procéder à la communi-
cation (C. com. art. L. 238-1).
Sous-section 2
172
LES RÉSULTATS
Les tiers ne sont pas privés de tout moyen de riposte. Selon l’article R. 210-18
du Code de commerce, lorsque la publicité a été omise, tout intéressé peut
demander au président du tribunal de commerce statuant en référé de désigner
un mandataire chargé d'accomplir la formalité. Ce sont parfois les concurrents
qui se chargent de leur rappeler leur devoir (V. infra, n° 358).
Il faut encore préciser que, à la demande de tout intéressé ou du ministère
public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre au dirigeant,
sous astreinte, de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce
et des sociétés auquel la société est tenue, ce qui est le cas des comptes sociaux ;
il peut également désigner un mandataire chargé d'accomplir cette formalité
(C. com. art. L. 123-5-1). La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005
a complété le dispositif en autorisant le président du tribunal, en cas d’omission
du dépôt des comptes annuels au greffe, à adresser une injonction de le faire, à
bref délai, sous astreinte (C. com. art. L. 611-2 II) (2).
|
|
Que faire en cas de défaut de publication des comptes annuels ?
358. — Les roueries de la concurrence sont parfois inattendues comme le révèle un arrêt |
de la cour d'appel de Rennes du 2 décembre 1992 (CP E 1993, Il, 500, note P. Le FlocH). |
Une société À exploite à Nantes un hypermarché à l'enseigne Leclerc. L'un de ses concurrents, j
j
la société B (il s'agit d’une société à succursales multiples), exploite un autre hypermarché
dans la même ville dans le cadre d'une succursale sans personnalité juridique. La société B
cherche à connaître, via les comptes sociaux, la situation financière et les conditions d’exploi-
tation de son concurrent. Mais celui-ci n'a pas déposé ses comptes au greffe du tribunal de
commerce. Pour l'y contraindre, une société d'expertise comptable de Cognac l'assigne en |
référé sur le fondement de l'article 283 du décret du 23 mars 1967 (C. com, art. R. 210-18) : |
« Lorsqu'une formalité de publicité a été omise [...], tout intéressé peut demander au prési- |
dent du tribunal de commerce statuant en référé de désigner un mandataire chargé d'accom-
plir la formalité. » La société A lui oppose diverses fins de non-recevoir. N'étant qu'un « sous- |
marin » de la société B, elle n’a pas la qualité d'intéressé au sens du décret de 1967; la |
publicité est en effet organisée au profit des créanciers et non des concurrents ; quant aux |
comptes propres à la succursale de la société B, ils ne sont pas davantage publiés, car ils sont |
noyés dans les comptes globaux de la société à succursales multiples. Le juge des référés est
censible à ces arguments, mais son ordonnance est réformée en appel. La demande de la
société d'expertise comptable est en fin de compte jugée recevable et un mandataire est
désigné avec mission d'accomplir les formalités de publicité omises.
Saisie d'un autre contentieux, la Cour de cassation a cassé un arrêt d'appel qui avait rejeté
la demande émanant d'un tiers au prétexte qu'il ne démontrait pas en quoi la production
des comptes sociaux était nécessaire à la défense de ses intérêts : « Attendu qu'en statuant
par actions est
ainsi, en soumettant cette production à des conditions alors que toute société |
de déposer ses comptes sociaux au greffe du tribunal de commerce, [...] et qu'en cas
tenue
formalité... tout intéressé peut demander au président du tribunal de
d'omission de cette
la formalité, la
commerce statuant en référé de désigner un mandataire chargé d'accomplir
1999, p. 1013,
cour d'appel a violé les textes susvisés » (Cass. com. 15 juin 1999 : Bull. Joly |
J.-M. BaHaws : JCP E 2000, p. 30, obs. A. Vianpier et J.-J. CAUSSAN. — V, dans le même
_ note
sens, Cass. com., 6 déc. 2005 : Bull. Joly 2006, 8 %6, p. 488, note P. SCHOLER).
de « référé-
Plusieurs lois récentes ont complété le dispositif en créant la procédure dite |
comptes annuels
injonction » pour obtenir des sociétés certains documents dont leurs
|
(V. supra, n° 357).
serres ssl
PTT té
173
LA VIE DES SOCIÉTÉS
Section 2
L'AFFECTATION DU RÉSULTAT
359. — En même temps qu'ils statuent sur les comptes sociaux, les associés
décident de l'affectation du résultat en fonction des propositions faites par les
dirigeants. Ils peuvent décider soit la mise en réserve du résultat (il grossira
alors les fonds propres et alimentera l’autofinancement de la société), soit sa .
mise en distribution (il financera dans ce cas les dividendes distribués aux
associés).
Sous-section 1
A. — La réserve légale
361. — La loi impose la constitution d’une réserve légale uniquement dans
les sociétés par actions et dans les SARL (C. com., art. L. 232-10); pareille
obligation ne se rencontre pas dans les sociétés de personnes. Elle se calcule
sur le bénéfice net de l'exercice, diminué le cas échéant des pertes antérieures.
Son taux est de 5 % (le vingtième du bénéfice, dit la loi). Le prélèvement cesse
d’être obligatoire dès que les sommes inscrites à la réserve légale atteignent
le dixième du capital.
B. — La réserve statutaire
362. — Il s'agit de la mise en réserve d’un pourcentage du bénéfice, impo-
sée par les statuts ; la réserve statutaire complète dans ce cas la réserve
légale.
Elle est rare dans la pratique.
174
LES RÉSULTATS
8 3. —- Le report à nouveau
Sous-section 2
175
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LES CRISES
366. — La vie d’une société n’est pas toujours celle d’un long fleuve tran-
quille. Comme celle d’un couple ou celle de toute autre institution humaine,
elle connaît ses crises, qui sont plus ou moins aiguës. Ne seront pas envisagées
ici les crises mettant en cause les relations avec l'extérieur : clients, fournis-
seurs, banquiers, fisc, Sécurité sociale. Il ne sera question dans ce chapitre
que des crises internes opposant entre eux les membres de la société : diri-
geants et associés.
Quand la paix ne peut être retrouvée à l’amiable, il faut en appeler à un
arbitre extérieur qui ne peut être que le juge. Le juge est ainsi devenu, par
nécessité, un personnage clé de la vie des sociétés. Si on ne peut s'en passer,
il ne faut pas qu'il soit omniprésent et tout-puissant : le gouvernement d’une
société n’est pas le gouvernement des juges (1). L'équilibre n'est pas toujours
facile à trouver.
On distinguera les crises politiques, qui sont des crises affectant l'exercice
du pouvoir au sein de la société, et les crises juridiques, qui sont dominées
par la théorie des nullités affectant les actes internes passés par la société.
1985, n° 4, p. 81. —
(1) J. Mesrre, Réflexions sur les pouvoirs du juge dans la vie des sociétés : RJ com.
p. 149. — A. GUENGAN, P. TROUSSIÈRE
M. Jean, Le rôle des juges en droit des sociétés : Mél. R. Perrot, 1996,
et S. ve Venoeuu, Le rôle du juge dans la vie des sociétés, éd. Fidal, 1997.
177
LA VIE DES SOCIÉTÉS
« tout associé peut demander au tribunal statuant sur requête la désignation d'un mandataire |
de justice chargé de provoquer la consultation prévue » (C. civ., art. 18446; V. infra,
n° 439) : d'une manière générale, les mesures d'instruction avant procès (une expertise ou
un constat par exemple) peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête
où sur référé (NCPC, art. 145 et 812); le juge ne peut cependant retenir la formule non
contradictoire que si l'efficacité de la mesure sollicitée implique que la partie adverse n'ait
pas été préalablement avertie (Cass. 3° civ., 13 mai 1987 : Bull. iv. I, n° 112);
— les ordonnances de référé respectent le principe du contradictoire, ce qui implique la
| mise en cause de la partie adverse ; il en est fait grand usage en droit des sociétés ; il convient
| de bien distinguer en la matière les ordonnances de référé proprement dites et les ordon-
nances rendues en la forme de référé, en isolant les ordonnances de référé-injonction.
a) Les ordonnances de référé proprement dites
Dans sa forme classique, l'ordonnance de référé est une décision provisoire, prise en cas
d'urgence en l'absence de contestation sérieuse au fond, ce qui permet aux parties d'attendre
| sans dommage la solution définitive qui sera rendue par le tribunal saisi au fond. Répondent
notamment à cette définition les ordonnances qui désignent un séquestre (V. infra, n° 406)
| où un expert in futurum (V. infra, n° 407) où encore qui décident l'ajournement de l'assem-
blée des associés (V. infra, n° 692).
b) Les ordonnances rendues en la forme des référés
|
Les ordonnances rendues en la forme des référés sont de véritables décisions au fond,
dotées de l'autorité de la chose jugée mais rendues selon les règles procédurales des référés.
|
Elles ne sont pas soumises aux conditions d'urgence et d'absence de contestation au fond.
Les ordonnances de référé-injonction relèvent de cette catégorie.
| c) Les ordonnances de référé-injonction
Le droit des sociétés est un droit formaliste émaillé d’une multitude de formalités destinées
notamment à garantir l'information soit des associés soit des tiers. Reste à assurer l'effectivité
de ces mesures. La loi de 1966 avait multiplié les sanctions pénales ; l'expérience a démontré
que leur menace n'intimidait guère les dirigeants. La loi du 15 mai 2001 lui a préféré la
| méthode plus directe du référé-injonction (E. JeuLAND et F. Mann, Les incertitudes du référé
| injonction de faire en droit des sociétés : Rev. sociétés 2004, p. 1) (C. com, art. L. 238-1
et S.).
| . L'objectif est de contraindre, sous le double signe de la rapidité et de l'efficacité, les
| dirigeants à exécuter les formalités que la loi met à leur charge. La voie du référé est retenue
: à la fois parce qu'elle est rapide et qu'elle respecte le caractère contradictoire de la procédure.
| L'ordonnance rendue par le juge est une injonction de faire. Le plus souvent, l'injonction
s'adresse aux dirigeants eux-mêmes, éventuellement sous astreinte : mais le juge peut égale-
| ment désigner un mandataire ad hoc qui sera chargé d'exécuter la formalité omise. La
demande est dans certains cas réservée aux associés (demande de communication de cer-
taines informations avant la tenue des assemblées générales) ; dans d'autres cas, elle
est
| ouverteà toute personne intéressée (exécution des mesures de publicité, par exemple).
Voici quelques exemples de missions dont l'exécution peut justifier le recours à la
procé-
dure du référé-injonction : :
— libération complète du capital social (V. supra, n° 120):
—_ communication aux associés des comptes sociaux et du rapport de gestion (V.
supra,
n° 356),
— dépôt des comptes sociaux au greffe du tribunal de commerce (V. supra,
n° 357).
L'immixtion du juge dans là gestion de la société est devenue une réalité.
Ce n'est que
l'une des manifestations de la juridicisation croissante des relations économiques.
178
LES CRISES
Section 1
368. — Les extravagances des dirigeants ou les dissensions entre les asso-
ciés peuvent provoquer des crises affectant l'existence même de la société :
il est des mésintelligences qui conduisent à la dissolution de la société
(V. infra, n° 450 et s.). Le suicide collectif reste heureusement exceptionnel et
le plus souvent des mesures d’apaisement permettent de retrouver la sérénité.
Le Code de commerce n’a pas prévu de mesures d'ensemble pour per-
mettre la résolution de ces conflits. Ce sont les juges qui ont dessiné les
contours de constructions originales telles que l'intérêt social, l'abus de mino-
rité, l'abus de majorité ou encore l'administration provisoire. On le voit, en
dépit de la réglementation souvent tatillonne qui le caractérise, le droit des
sociétés laisse des espaces de liberté aux créations prétoriennes.
L'intérêt social, c’est la boussole qui indique la conduite à suivre et qui
permet de détecter les déviations, notamment les abus de majorité, de mino-
rité ou d'égalité. Le juge est fréquemment sollicité lors des guérillas entre
associés et son rôle est loin d’être négligeable en cas de crise. Parfois, il lui
suffit de trancher entre les prétentions des protagonistes. Le cas échéant, il est
amené à placer lui- même des « tuteurs » auprès des organes sociaux en place.
; Sous-section 1
369. - La notion d'intérêt social n'apparaît dans la loi que de façon détour-
née, notamment à propos des pouvoirs des dirigeants. Voici par exemple la
formule de l’article 1848 du Code civil : « Le gérant peut faire tous actes de
gestion dans l'intérêt de la société. » Il s’agit d'un concept qui a été forgé par
la jurisprudence au gré des besoins, ce qui explique que ses applications
soient pour l'essentiel identifiées quand sa notion reste incertaine. Les organes
sociaux doivent agir dans l'intérêt de la société, de même que les contrats
doivent être exécutés de bonne foi ou encore que les époux doivent respecter
qui
l'intérêt de la famille. En ce sens, l'intérêt social est un standard, un guide
éléments fondament aux de la société. C'est
impose d'agir dans le respect des
qui
un impératif de conduite, une règle déontologique, en clair la boussole
l’une des facettes de
indique la marche à suivre. On peut ajouter que c'est
marche des sociétés (2), mais d'une
l'éthique qui doit présider à la bonne
sociétaire.
éthique qui trouve sa source dans la règle de droit et dans la norme
t social ? En la matière , les querelles
370. — Mais qu'est exactement l'intérê
(3). Elles ne sont pas gratuit es car, en cas de crise, les
doctrinales fleurissent
nent, varie-
sanctions, leur objet et plus encore les conditions qui les détermi
che, 2000, p. 291.
(2) J. Mesrre,Éthique et droit des sociétés : Mél. A. Honorat, éd. Frison-Ro
L'intérêt social : quel intérêt ? Mél. B. Mercadal,
(3) Parmi les études ies plus récentes, V. A. ConsrTanT,
aLLEBAUT, Là définition de l'intérêt social : RTD com. 2004, p. 35.
éd. F. Lefebvre, 2002, p. 315. — G. Gorraux-C
179
LA VIE DES SOCIÉTÉS
ront selon que la vision que l'on a de l'intérêt social procède d’une conception
contractuelle, institutionnelle ou inspirée de la doctrine de l’entreprise :
— conception contractuelle : l'intérêt social se confond avec l'intérêt des asso-
ciés visé à l’article 1833 du Code civil; en matière d’acte juridique — et la
société en est un (V. supra, n° 14) — la notion d'intérêt renvoie aux parties à
l'acte, en l'occurrence aux associés (4) ; l'intérêt commun est l'intérêt de chacun
des associés, identique pour tous, tel qu'il est défini dans l'acte de société ; c'est
un intérêt personnel maïs objectivé par son inscription dans le pacte social ; il
se définit par référence à la cause du contrat de société, à savoir l’enrichisse-
ment de l’ensemble des parties contractantes par la réalisation de l’objet social:
(C. civ., art. 1832); et, parce qu'il est commun, parce qu'il est le même pour
tous, ce à quoi correspond le principe d'égalité, l'intérêt social ne saurait être
réduit aux aspirations égoïstes de certains associés, qu'ils soient minoritaires,
majoritaires ou égalitaires ; en revanche, dans la mesure où tous les associés
sont d’accord, ils sont libres de décider du sort de la société, dans le respect
de l’ordre public et des engagements souscrits à l'égard des tiers, par exemple
en décidant sa dissolution alors même qu’elle serait économiquement viable ;
cette conception contractuelle apparaît le plus nettement lorsque la société
n'est qu'une technique d'organisation du patrimoine (V. infra, n° 376) ;
— conception institutionnelle : V'intérêt social ne se confond pas avec l'intérêt
égoïste et immédiat des associés, fussent-ils majoritaires ou minoritaires,
encore moins avec l'intérêt personnel des dirigeants ; la société a un intérêt
propre qui transcende celui des associés ; en fin de compte, il s’agit de l'intérêt
propre de la société en tant que personne morale, en tant que communauté
dans laquelle associés et dirigeants ne sauraient ägir en négligeant l'intérêt
commun et supérieur qui les domine ; cette conception est peut-être moins
éloignée de la précédente qu'il n’y paraît car elle revient en fait à souligner
que la liberté des associés, comme celle des dirigeants, n’est pas entière mais
assujettie au respect du pacte social, de l’ordre public et des engagements
contractés vis-à-vis des tiers ;
— conception inspirée de la doctrine de l'entreprise : l'intérêt social ne saurait
être confiné au seul intérêt de la société; il englobe l'intérêt de l'entreprise
qui est la réalité économique, humaine et financière à laquelle la société sert
d'enveloppe juridique (5) ; s’il est vrai que la société est le plus souvent une
technique d'organisation de l’entreprise, il n’en reste pas moins que cette der-
nière est une chose dont la société, en tant qu'exploitante, est propriétaire
(V. supra, n° 21 et s.) ; la considération de l'intérêt de l’entreprise n’est dès
lors qu’une façon imagée de dire que la gestion de la société doit être dévelop-
pée dans le respect des contraintes inhérentes à l’entreprise, c’est-à-dire pesant
sur la société en sa qualité d’entrepreneur et d'employeur.
371. - Quand l'intérêt social est violé, c’est que les organes de la
société
(dirigeants, conseil d'administration ou de surveillance, associés réunis en
assemblée selon la nature de la décision prise) n’ont pas respecté
les règles
du jeu social. Le juge est alors appelé à remettre les choses en ordre
et, le cas
échéant, à prononcer les sanctions contre les fauteurs de trouble.
Est mise en
(4) G. Wicker, Rép. civ. Dalloz, V® Personne morale, n° 26.
(5) Cette conception est défendue par l'école dite de Rennes,
V. notamment, J. PAILLUSSEAU, Les fonde-
ments du droit moderne des sociétés : JCP E 1995, |, 488.
180
LES CRISES
action l'artillerie lourde qui croise la puissance de feu du droit des sociétés,
du droit pénal et du droit fiscal.
181
LA VIE DES SOCIÉTÉS
182
LES CRISES
| Il est en effet tentant de réaliser de bonnes affaires sur le dos de la société. Le bénéfice |
dégagé est réduit d'autant, ce qui entraîne une économie d'impôt. Le fisc est donc perdant |
et on conçoit qu'il réagisse. Dès lors que l'acte est passé contrairement à l'intérêt de la
société (V. aussi, infra, n° 633), dans l'intérêt personnel des dirigeants ou dans l'intérêt d’une
personne extérieure à la société, les baisses de résultat sont déclarées inopposables au fisc.
Celui-ci rattache donc au bénéfice imposable les charges indues ou excessives (les rémunéra-
tions exagérées allouées aux dirigeants par exemple) ou le manque à gagner (vente d'un bien
social à un prix anormalement bas par exemple) ; il taxe le bénéficiaire dans la même mesure.
En voici une illustration qui n’est pas une hypothèse d'école. Une SA met à la disposition
de son président, pour ses déplacements professionnels, une somptueuse limousine financée
par crédit-bail. À l'expiration du contrat, le président lève l'option à son nom personnel pour
un prix résiduel symbolique. Il réalise incontestablement une bonne affaire, mais au détriment |
de la société qui avait vocation à lever l'option, quitte à revendre le véhicule avec une substan- {
| tielle plus-value. Au regard du droit des sociétés, s'agissant d'une convention réglementée, |
_ les minoritaires peuvent demander la nullité de l'opération si l'autorisation préalable du
conseil n'a pas été sollicitée (V. infra, n° 1058). Il s'agit par ailleurs d'un abus de biens |
sociaux que le commissaire aux comptes doit dénoncer au procureur de la République s'il en
a connaissance. Sur le plan fiscal enfin, c'est un acte anormal de gestion justifiant que la
société soit imposée sur le manque à gagner dont elle a été indûment privée (CE, 3 mars
1982 : Dr. fisc. 1982, n° 27, comm. 1430 ; R/F 4/1982, n° 410). ’
On éprouve tout de même un sentiment de malaise sur le plan fiscal puisque c'est la }
victime qui se trouve sanctionnée ; dans notre exemple, la société subit un manque à gagner |
et elle se voit infliger un supplément d'impôt. Il lui est certes loisible de se retourner contre
le dirigeant indélicat (V. supra, n° 284); il n'est pas sûr que pareille démarche soit courante |
dans la pratique. On signalera au moins un exemple. Le gérant d'une SARL encaissait sur |
_ son compte personnel certaines recettes sociales ; lors d'un contrôle fiscal, la société fit l’objet |
| d'un redressement et dut payer l'impôt sur les sociétés à raison des recettes qui n'avaient pas |
| été comptabilisées ;à la suite d'une cession de contrôle, la SARL demanda à l'ancien gérant |
le remboursement de ce supplément d'impôt dû aux fautes de gestion qu'il avait commises
(Cass. com., 12 oct 1993 : Bull. Joly 1993, p. 1257). |
SR )
Sous-section 2
8 1. —- L'abus de majorité
183
LA VIE DES SOCIÉTÉS
184
LES CRISES
majorité porte en effet préjudice non seulement aux minoritaires maïs encore
à la société. Il n’est donc pas illogique que la société puisse agir pour faire
sanctionner un acte contraire à l'intérêt social.
Autre différence, tandis que l’action en réparation doit être dirigée contre
les associés majoritaires, l’action en annulation doit être intentée contre la
société : il y aurait erreur d’aiguillage à réclamer des dommages et intérêts à
la société (13).
8 2. — L'abus de minorité
382. — Face à la superbe des forts, il faut compter avec la tyrannie des
faibles, ce qui pose le lancinant problème de l'abus de minorité (14). Certaines
décisions sociales, notamment celles a
ut, ne peuvent être prises qu’à une majôrité qualifiée, par exemple les deux
tiers dans les SA. L'associé qui dispose d’une noie tePoétge æentre
les mains une arme redoutable ; il peut s'opposer par exemple à la proroga-
tion d’une société arrivée à son terme, à une augmentation de capital essen-
tielle pour la survie de la société, à un changement hautement souhaitable de
forme sociale. Également, lorsqu'une décision doit être adoptée à l’unani-
mité, chaque associé dispose de fait d’un droit de veto. Reste à tracer la fron-
le droit de voter contre, qui est légitime, et l'opposition entêtée,
tière entre
qui serait constitutive |l'un abus (15).
A. = La définition de l'abus de minorité
(13) Cass. com., 6 juin 1990 : Bull. Joly 1990, p. 782, note P. LE CANNU.
droit des sociétés : Mél. Y. Guyon,
(14) A. Consranrn, La tyrannie des faibles — De l'abus de minorité en
Dalloz, 2003, p. 213.
ils engagent leur responsabilité si leur
(15) Les minoritaires peuvent certes faire valoir leurs droits, mais
action relève du harcèlement à l'encontre des majoritaires.
185
LA VIE DES SOCIÉTÉS
ne suffit pas à établir l’abus de minorité ; encore faut-il établir que le refus
des minoritaires est fondé sur l'unique dessein de favoriser leurs propres inté-
rêts au détriment des autres associés (16).
384. — Lorsque l'abus de minorité est reconnu, la sanction n’est pas l'annu-
lation de l'acte abusif puisque par hypothèse aucune décision n’a été prise. La
condamnation des minoritaires à des dommages-intérêts ne fait pas problème
(V. supra, n° 380) (17). Les tribunaux peuvent-ils autoriser les majoritaires à
passer outre à l'obstruction des minoritaires ? Certains, craignant l’instaura-
tion d’un gouvernement des juges, y sont hostiles ; d’autres n’éprouvent pas
les mêmes appréhensions. La Cour de cassation a tranché en proposant une
solution de compromis. La marche à suivre est la suivante : face à un abus de
minorité caractérisé, le juge ne peut prendre une décision valant vote ; il peut
en revanche désigner un mandataire ad hoc chargé de voter à la place et au
nom des minoritaires défaillants (V. infra, n° 385).
385. — L'arrêt Flandin du 9 mars 1993 sur la sanction de l'abus de
minorité.
—
1. Les faits
La SARL Alarme service électronique a été régulièrement constituée au capi-
tal de 20 400 F. La loi du 1° mars 1984 a porté le capital minimum à 50 000 F
en précisant que les sociétés anciennes avaient un délai de cinq ans pour se
conformer à la loi, faute de quoi elles seraient dissoutes de plein droit. Le gérant
propose, lors d’une consultation écrite, que le capital de la société soit porté à
50 000 F. Il n'obtient pas la majorité requise des trois quarts du fait de l'opposi-
tion de deux minoritaires. Il convoque alors deux assemblées générales extraor-
dinaires en proposant cette fois que le capital soit porté non à 50 000 F mais à
500 000 F. Il s'appuie pour cela sur un rapport d'audit démontrant que l'intérêt
de la société est de se développer, ce qui implique un apport d'argent frais.
Les
deux minoritaires, Joseph et Marcel Flandin, ne se rendent pas aux assemblées,
bloquant ainsi la décision d'augmentation de capital. Le gérant et la
SARL les
assignent en justice pour abus de minorité. Le grief est retenu par
les juges
d'appel qui décident que leur arrêt vaudra vote d'augmentation
de capi-
tal, mais leur décision est cassée (Cass. com., 9 mars 1993
: JCP:E:1993 11448,
note À. VIANDIER). ‘
2. Les solutions de la Cour de cassation
a) En ce qui concerne le grief d’abus de minorité
La Cour de cassation examine séparément les deux projets
d'augmentation
du capital. Elle estime que le premier refus constitue
un abus de minorité
puisque porter le capital à 50 000 F répond à un impératif
légal et conditionne
la survie de la société. À l'inverse, le refus de voter l'augme
ntation de capital
à hauteur de 500 000 F n’en constitue pas un, car la société
est prospère et ses
résultats sont honorables. Peut-être pourrait-elle faire
encore mieux ; mais on
ne saurait contraindre les minoritaires à souscrire à de
lourdes augmentations
(16) Cass. com., 20 mars 2007 : Dr. sociétés mai 2007, n° 87, obs. H. LecuyER : JCP E 2007, 1755,
À. VianDiEr : refus de voter une augmentation de capital note
destinée à reconstituer les capitaux propres de la
société, indispensable à la survie de la société.
(17) Par exemple, Cass. com., 18 juin 2002 : Bull. Joly
2002, p. 1197, note L. Gopon. Dans cette affaire,
les minoritaires ont été condamnés à payer de lourds
dommages-intérêts parce que leur refus de voter une
augmentation de capital nécessaire à la survie de la société
était contraire à l'intérêt socialet n'avait pour
but que d’acculer les majoritaires à prendre en charge
les risques correspondants.
186
LES CRISES
8 3. — L'abus d'égalité
386. — L'abus d'égalité n’est qu'une variété d'abus de minorité et est sou-
mis au même régime. L'hypothèse vise surtout les sociétés composées de deux
associés possédant chacun la moitié du capital social. Dans les assemblées,
qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires, toutes les décisions impliquent
en conséquence l’unanimité. En cas de crise, l'un des associés peut bloquer le
fonctionnement de la société par des votes négatifs ou en s'abstenant de voter.
Toutefois, l'opposition systématique de l’un des deux associés ne révèle pas
nécessairement un abus d'égalité. Le refus de vote est parfois justifié par l'atti-
?
tude de l’autre associé (V. infra, n° 388). Comment sortir de l'impasse
Le juge peut désigner un administrateur provisoire en espérant que les
tensions s’apaiseront avec le temps ;mais le remède n’est pas toujours effi-
cace. Il ne saurait en tout état de cause prononcer l'exclusion de l'associé
trublion en lui imposant de céder ses titres à son partenaire (V. supra, na327)
dom-
Lorsque l’abus d'égalité est caractérisé, une lourde condamnation à des
suffira parfois à faire entendre raison à l’obstruc tionniste . Si la
mages-intérêts
on de la société pour
situation est irrémédiable, le juge prononcera la dissoluti
juge dési-
mésintelligence. Hors de là, s'il estime que la société est viable, le
qui votera au nom du minoritai re récalcitra nt.
gnera un mandataire ad hoc
187
LA VIE DES SOCIÉTÉS
188
LES CRISES
189
LA VIE DES SOCIÉTÉS
note H. LE NaBASQUE ; JCP E 2001, p. 1911, obs. À. Vianoier et J.-J. CaussAIN. — Adde D. COHEN,
La prime d'émission entre liberté et contrôle : JCP E 2002, 5). L'affaire, il est vrai, remonte à
1992 et la société a été renflouée par la suite.
En décembre 1992, la société, pour faire face aux pertes qui se sont accumulées, décide
une augmentation du capital assortie d'une prime d'émission représentant 59 fois le nominal
des actions émises (sur la fonction de la prime d'émission, V. infra, n° 827 et s.). Les majori-
taires souscrivent seuls à l'augmentation de capital, ce qui renforce leur contrôle sur la société.
Les minoritaires qui, faute de moyens financiers, n'ont pu participer à l'opération engagent
un contentieux en brandissant l'arme de l'abus de majorité et celle de la fraude. Ils critiquent
le montant exorbitant de la prime d'émission justifié, selon eux, non par la situation financière
de la société, mais par le seul désir de les évincer. Ils sont déboutés en appel et leur pourvoi
en cassation est rejeté. Voilà qui mérite quelques explications.
Il peut en effet paraître paradoxal de prévoir une faramineuse prime d'émission alors que
la société accuse des pertes. L'expert désigné par les juges donne l'explication : les pertes
sont dues pour l'essentiel aux dotations aux comptes d'amortissement et de provisions et
ee
nm
eh
mn
nn
mA
A
nn
or
om
l'on sait qu’il ne faut pas confondre pertes juridiques et pertes comptables (V. supra, n° 146).
La stratégie menée par les majoritaires n'est sans doute pas dénuée d'arrière-pensée expan-
sionniste. Mais on retiendra la leçon de l'arrêt : l'habileté n’est pas nécessairement un abus
de majorité ou une fraude.
A nine niet
Sous-section 3
8 1. —- L'administrateur provisoire
392. — La désignation par le juge d’un administrateur proviso
ire qui se
substituera aux organes légaux le temps que se dénoue la crise est
une mesure
grave et exceptionnelle. Elle n’est ni prévue ni organisée par
la loi. Il s’agit
d’une pure construction prétorienne, témoignage du pouvoir
légitime du juge
de s’immiscer dans la gestion de la société lorsque la survie
de celle-ci est en
cause (18).
La désignation d’administrateurs provisoires n’est pas propre
au droit des
sociétés ; on la rencontre dans toutes les institutions
en cas de crise ; ainsi le
ministr e de l'Éducation nationale peut désigner un administrate
ur provisoire
à la tête d’une université si celle-ci est dans l'incapacité d’élire
un président ;
le pape fait de même lorsque dans une abbaye en crise
les religieux ne par-
viennent pas à élire un abbé accepté par tous.
;
(18) G. Boiarp, Administration provisoire et mandat
ad hoc : JCP E 1995, |, 509.
190
LES CRISES
A. LEcOURT.
(19) Cass. com., 25 janv. 2005 : Rev. sociétés 2006, p. 828, note
Cass. com., 26 avr. 1982 : Rev. sociétés 1984, p. 93, note J.-L. SIBON.
(20)
: Dr. sociétés avr. 2007, n° 73, obs.
(21) Par exemple, Cass. com., 6 févr. 2007 : BRDA 6-2007, n° 4
s entre deux frères associés n'empêcha nt pas le fonctionnement normal des
H. Hovasse : graves dissension
organes sociaux.
J.-J. DAIGRE.
(22) Cass. com., 17 janv. 1989 : Bull. Joly 1989, p. 321, note
191
LA VIE DES SOCIÉTÉS
B. - La procédure de nomination
397. — La demande est présentée devant le tribunal, le plus souvent par la
voie du référé en raison de l’urgence (V. infra, n° 367). N'étant pas attitrée,
l’action est ouverte à toute personne se prévalant d’un intérêt légitime (NCPC,
art. 31). Les associés minoritaires sont les demandeurs naturels ; les dirigeants,
notamment lorsqu'ils viennent d’être révoqués, peuvent également présenter
une demande, ou encore les administrateurs d’une SA s'ils estiment que les
informations dont ils disposent sont insuffisantes. Dans des situations excep-
tionnelles, surtout en cas d'inertie des associés, l'initiative peut être prise, sous.
réserve qu'un intérêt légitime soit démontré, par le commissaire aux comptes,
le comité d'entreprise, voire un créancier (23).
8 2. — L'expert de gestion
400. — À la différence de l'administrateur provisoire, qui est
une création
des juges, l'expert de gestion est une création de la loi. Sa
désignation n’est
possible que dans les sociétés par actions (C. com. art. L. 225-231
) et les SARL
(C. com. art. L. 223-37) (24). La désignation d’un tel expert est
de plus en plus
fréquemment sollicitée.
À. — La procédure de nomination
401. - Dans les SARL, un ou plusieurs associés représ
entant au moins un
dixième du capital social peuvent, individuellement ou en se groupant,
192
LES CRISES
193
LA VIE DES SOCIÉTÉS
non soumis aux régimes des scissions (29). La solution devrait être la même,
semble-t-il, pour les conventions réglementées qui doivent être approuvées
par les associés (30).
C. - Le rôle du juge
404. — La demande est portée devant le président du tribunal de commerce
statuant en la forme des référés (V. infra, n° 367). Le juge vérifie, outre la
qualité du demandeur, si les conditions de la nomination de l'expert sont
remplies ; il apprécie enfin l’opportunité de la demande. Pour que cette der-
nière aboutisse, il faut que le demandeur fasse état d’une présomption d’irré-
gularité ou du moins qu'il établisse que l'opération concernée est susceptible
de porter atteinte à l'intérêt social (31). En revanche, il n’est pas nécessaire
que le demandeur ait épuisé toutes les voies normales d’information (32).
S'il accède à la demande, le juge détermine la mission exacte de l'expert et
désigne les opérations sur lesquelles l’investigation doit porter. À l'issue de
sa mission, l'expert fait un rapport, lequel est adressé au demandeur, aux
dirigeants, au Ministère public, au comité d'entreprise et à l'AMEF si la société
est cotée. Il est ensuite annexé au rapport du commissaire aux comptes pour
être soumis à la prochaine assemblée des associés. Au vu de ce document, si
les révélations sont compromettantes, les hostilités sont parfois déclenchées :
action en responsabilité contre les dirigeants, demande de révocation, action
en nullité des décisions abusives… Il est dans la nature de l'expertise de ges-
tion de fournir des armes à des associés recherchant l'affrontement avec les
dirigeants en place.
A. - Le séquestre
406. — La mise sous séquestre est fréquemment demandée à l’occasi
on de
conflits opposant deux associés, voire un associé à la société
(33). Elle vise à
placer dans les mains d’un séquestre les actions ou parts litigieu
ses, ce qui les
rend indisponibles et aboutit à les figer pendant tout le temps
du litige. Cette
mesure conservatoire est fondée sur l’article 1961 du
Code civil, lequel vise le
litige sur la propriété d’un bien, mais a fait l'objet d’une interpré
tation exten-
sive par les tribunaux. Aussi bien le séquestre est-il prononc
é dans tous les
(29) Cass. com., 12 janv. 1993 : JCP E 1993, Il,
415, note A. ViANDIER. — Inversement, lorsque l'apport
partiel d'actif est Soumis au régime des scissions, la décision
d'approbation du projet de traité d'apport
a: de la ae de us générale extraordinaire : elle ne constitue donc pas une
gestion susceptible de faire l'objet d'une mesure d'expert décision de
ise de gestion (CA Paris, 4 sept 1998 : Bull. Jol
1999, p. 250, note F.-X. Lucas). : rs
(30) En ce sens, CA Versailles, 27 févr. 1997 : Bull. Joly
1997, p. 543, note P. Le CanNu et M. MENJUCQ.
) Cass. com., 10 févr. 1998 : Bull. Joly 1998, p. 468, note M.
Meniuco.
2) Cass. com., 21 oct 1997 : JCPE 1998, p. 36,
note Ÿ. Guyon.
3) M. BorDoNNEAU, Le séquestre de valeurs mobilières
: Dr. et patrimoine 2001, p. 40.
194
LES CRISES
195
LA VIE DES SOCIÉTÉS
conditions d’accès et la nature sont très clairement précisées par les disposi-
tions spécifiques de l’article L. 225-231 du Code de commerce. Le juge ne
saurait en aucun cas modifier en accordant une mesure d'instruction parallèle
la portée de ce texte que le juge n’a pas le pouvoir de modifier en faisant
usage d'un autre texte d’une portée générale » (38). La cour d’appel de Paris,
dans une décision ultérieure, n’en a pas moins maintenu sa jurisprudence
traditionnelle (39). On attend que la Cour de cassation soit amenée à trancher
le débat.
D. - L'enquêteur-conciliateur
409. —- Lorsque, malgré une crise, le juge estime que les conditions
de
nomination d’un administrateur provisoire ne sont pas réunies, par exemple
parce que les organes sociaux fonctionnent normalement, il n’hésite
pas à
désigner un mandataire ad. hoc, qualifié d'enquêteur-conciliateur,
qui sera
chargé d’enquêter sur les causes du conflit, de, proposer des
remèdes et, si
possible, de concilier les protagonistes. Le juge se fait ainsi
juge de paix des
affaires sociales (41).
196
LES CRISES
Section 2
411. — Il y a crise juridique lorsque la décision prise par les organes sociaux
n'est pas conforme aux lois et aux règlements. En effet, si le cap est donné
par l'intérêt social, la société ne peut évoluer que dans le chenal balisé par les
lois et règlements en vigueur. À défaut, le risque de mesures correctrices est
important : nullité des actes et délibérations ou autres sanctions, telles l’inop-
posabilité et l’action en responsabilité.
Sous-section 1
197
LA VIE DES SOCIÉTÉS
198
LES CRISES
199
LA VIE DES SOCIÉTÉS
420. — Ce qui a été dit plus haut vaut de la même façon ici (V. supra, n° 415
et s.) : la fraude (49), l'abus (de majorité, mais non de minorité ou d'égalité)
sont des causes d'annulation de même que l'illicéité de l'objet ou de la cause,
les vices du consentement.
200
LES CRISES
201
LA VIE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 2
8 1. —- L'inopposabilité
423. — Il est des cas dans lesquels la loi ou le juge, loin de retenir la nullité
de l'acte querellé, se contente d’en proclamer l’inopposabilité à la société. Le
défaut de conformité de l'acte au regard du droit des sociétés ne provoque
pas son anéantissement, il en limite seulement les effets à l'égard de la société.
Spécialement, la société ne saurait être engagée du fait de cet acte. Outre le
cas de la fraude paulienne, l'exemple le plus caractéristique est celui des cau-
tions, avals et garanties non autorisés par le conseil d'administration d’une
SA. Il a été jugé que ces garanties sont inopposables à la société lorsqu'elles
n'ont pas été dûment autorisées (V. infra, n° 575). La différence avec la nullité
est sensible : le vice ne saurait être couvert ni par une autorisation ultérieure
du conseil d'administration ni par un début d'exécution de l'engagement.
8 2. —- La responsabilité civile
424. — Une action en responsabilité civile fondée sur l'annulation des actes
et délibérations peut être intentée (C. civ., art. 1844-17 ; €. com. art. L. 235-13).
En effet, les dirigeants sociaux sont responsables « des infractions aux disposi-
tions législatives et réglementaires » (V. supra, n° 282). Il reste cependant à
prouver le préjudice et le lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
L'action se prescrit par trois ans.
202
Chapitre 4
LES ÉVOLUTIONS
Section 1
Sous-section 1
LE MÉCANISME DE LA TRANSFORMATION
du pacte originaire ;
426. — La transformation aboutit à une modification
à eux et non aux diri-
les associés avaient opté pour une forme donnée, c'est donc conduits à se
Ils sont
geants de prendre la décision de transformation. ions de la transforma-
réunir en assemblée pour arrêter le princi pe et les condit
203
LA VIE DES SOCIÉTÉS
tion. Semblable résolution exige une majorité qualifiée qui varie selon le type
de société et également selon la forme souhaitée : ainsi, dans les SA, la majo-
rité est des trois quarts du capital social, voire des deux tiers (V. infra, n° 1040),
pour une transformation en SARL et des quatre quarts — l'unanimité — pour
une mutation en SNC. La loi impose également l’unanimité pour la transfor-
mation d’une société en SAS (V. infra, n° 890).
427. - Les tiers doivent être avisés du changement, lequel emporte parfois
à leur égard des conséquences importantes. Ils traitaient hier avec une SNC,
bénéficiant ainsi de la garantie offerte par la responsabilité indéfinie et soli-
daire des associés, ils traiteront demain avec une SARL et, pour l'avenir, ladite
garantie disparaîtra. Cette publicité passe par les formalités comparables à
celles de l’immatriculation : journal d'annonces légales, enregistrement,
registre du commerce, BODACC (V. supra, n® 190 et s.). La transformation
n'est opposable aux tiers, aux créanciers notamment, qu’à la date d'exécution
des mesures de publicité.
Sous-section 2
204
LES ÉVOLUTIONS
—————
205
LA VIE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 3
206
LES ÉVOLUTIONS
;1
|
1. Un bel exemple d'optimisation fiscale :
|
transformer une SARL en SA juste avant d'en céder le contrôle |
;
434. — On a déjà exposé la théorie fiscale de l'abus de droit à propos de l'abus de la
personnalité morale (V. supra, n° 179 et s.). Le fisc a la possibilité de brandir cette arme pour
||
critiquer non seulement la création de la société mais encore son fonctionnement. || peut |H
ainsi prétendre que la transformation d'une SARL en SA ne répond à aucune logique écono- |
mique et ne s'explique que par des préoccupations exclusivement fiscales, alléger la fiscalité j
_pesant sur une cession de contrôle par exemple. |:
On sait que la cession des parts d’une SARL supporte un droit de mutation dont le taux
est de 5 % alors que le droit frappant la cession des actions d'une SA-ou d'une SAS n'est
que de 1,10 % ; encore est-il plafonné à 4 000 € (V. supra, n°® 44 et s.). Il est donc tentant,
|d
pour faciliter la transaction, de transformer là SARL en SA juste avant d'en céder le contrôle. |
L'administration avait annoncé qu'elle se réservait la possibilité d'invoquer l'abus de droit face L
à cette manœuvre. Selon elle, la transformation réalisée à la veille d'une cession est sans
un
intérêt pour les cédants ; c'est aux cessionnaires de la décider si elle présente pour eux
intérêt stratégique. On conçoit que la crainte de l'abus de droit contrariait bien des projets
|
de transformation.
Fort opportunément, la Cour de cassation a eu l'occasion, dans un arrêt RMC-France, de
||
relevait
se prononcer sur ce type de montage en jugeant qu'il n'avait rien d'abusif et qu'il
d'une légitime habileté fiscale (Cass. com., 10 déc. 1996 : JCPE 1957, 1, 923,
seulement
conséquence
note H. Hovasse). L'administration a pris acte de cette jurisprudence et a en
fiscale qui pesait
rapporté sa doctrine antérieure. Se trouve ainsi éliminée la grave insécurité
transformer
sur les transformations de sociétés. La leçon est claire : il n'y a rien d'illégitime à
une société pour bénéficier d'un régime fiscal plus favorable.
Section 2
ue la dissolu-
436. - Quand on veut ôter la vie à une société, on en provoq
s’agit, de retour à l'état indépe ndant d'éléments
tion. C’est de dissolution qu'il
Les associés se sont
autrefois groupés. Pareil retour devrait être affaire privée.
tout aussi librement ; c'est le
associés librement, ils peuvent donc se dissocier -
les causes de dissolu
mutuus dissensus du droit des obligations. De fait, parmi
tiennent à la volonté des associé s. Pour autant, les associés
tion, il en est qui
207
LA VIE DES SOCIÉTÉS
Sous-section 1
1. Société civile
— absence de gérant depuis plus d’un an (C. civ., art. 1846-1) ;
— révocation du gérant, si les statuts prévoient dans ce cas la dissolution
(C. civ., art. 1851, al. 3) ;
— décès d’un associé, si les statuts prévoient dans ce cas la dissolution
(C. civ., art. 1870, al. 2);
— interdiction ou incapacité d’un associé, si les statuts prévoient dans ce cas
la dissolution (C. civ., art. 1860).
2. Société en nom collectif
— décès d’un associé, sauf clause statutaire contraire (C. com. art. L. 221-15);
— révocation du gérant dans certains cas (C. com., art. L. 221-12);
— interdiction ou incapacité d’un associé, sauf clause statutaire contraire
(C. com. art. L. 221-16, al. 1*).
3. Société anonyme
— nombre d'actionnaires inférieur à sept (C. com. art. L. 225-247, al. 1*);
— réduction du capital en deçà du minimum légal (C. com. art. L. 224-2,
al. 2);
— Capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social (C. com. art. L. 225-
248, al. 4).
Ces causes valent sauf régularisation dans les délais prescrits.
4. Société à responsabilité limitée
— dépassement du plafond de cent associés (C. com. art. L. 223-3)
;
— Capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social (C. com.
art. L. 223-427, al. 4).
Ces causes valent sauf régularisation dans les délais prescrits.
5. Société en participation
— notification adressée par l’un des associés à tous les autres
si la société a
été conclue pour une durée indéterminée (C. civ., art. 1872-2).
208
LES ÉVOLUTIONS
8 1. — L'arrivée du terme
439. — Les sociétés sont nécessairement conclues pour une durée détermi-
née qui ne saurait excéder 99 années (C. civ., art. 1838. — C. com. art. L. 210-2).
Elles n’ont donc pas vocation à l'éternité car ce serait heurter le principe de
la prohibition des engagements perpétuels (5).
Que se passe-t-il à l’arrivée du terme convenu ? Si les associés restent les
bras croisés, la société se trouve automatiquement dissoute (coms
art. L. 1844-6) (6). Mais ce n’est pas là une fatalité ; ils ont en effet la possibilité,
avant la date fatidique, de décider la prorogation de la société. Encore faut-il
qu'ils le fassent à temps.
C’est pour les alerter que la loi impose qu'ils soient consultés un an au
moins avant la date d'expiration. À défaut, tout associé peut demander au
président du tribunal statuant sur requête la désignation d'un mandataire de
justice chargé de provoquer la consultation en cause (C. civ., art. 1844-6). La
décision de prorogation est prise à la majorité exigée pour la modification des
statuts ; elle fait l’objet d’une publicité, via le centre des formalités des entre-
prises (V. supra, n% 193 et s.). Elle doit de même être enregistrée, le fisc en
profitant pour percevoir un droit fixe de 375 €, porté à 500 € lorsque la société
a un capital d’au moins 225 000 €.
440. — Les associés peuvent décider de ne pas reconduire la société qui est
alors dissoute. Il en est de même si par ignorance ils laissent passer le terme
sans s’être prononcés; la société est alors traitée comme une société de fait
(7). Aucune régularisation n’est prévue par la loi, ce qui est fâcheux; il
n'existe pas davantage de prorogation tacite. Mais les associés peuvent tou-
jours, à l'unanimité, décider de ressusciter la société dissoute comme s'ils
créaient une société nouvelle. En principe le fisc serait fondé, du fait qu'il y a
création d’un être moral nouveau, à exiger les droits dus à raison de la liqui-
dation de la première société et de la naissance de la seconde. De façon oppor-
tune, il s’abstient de tirer les conséquences désastreuses de ce qui n'est que la
régularisation d’un oubli (Doc. adm. 7 H-362).
441. — Il arrive que, par pure malveillance, les minoritaires refusent de
voter la prorogation de la société, par ailleurs en pleine prospérité. Pour les
aboutis-
associés, l'opération relève du suicide fiscal, la cascade d’impositions
sant à une quasi-confiscation. C'est la mort de l’entreprise, avec la dispersion
un
de l'outil de travail et le licenciement du personnel. Peut-on s'opposer à
catastrop he ? On pense évidemme nt à l'abus de minorité (V. supra,
tel scénario
songé
n° 382 et s.). Une parade efficace — encore faut-il que les associés y aient
clause par laquelle, en cas de
_ consiste à inclure dans les statuts une
209
LA VIE DES SOCIÉTÉS
désaccord sur la prorogation, les opposants s'engagent à céder leurs parts aux
associés voulant poursuivre l’aventure sociale (V. sur la licéité des clauses
statutaire d'exclusion, supra, n° 329).
A. — La réalisation de l'objet
442. — Cette cause de dissolution ne joue qu’exceptionnellement, car elle
suppose que les associés n’ont entendu se lier que pour la réalisation d’un
programme précis et limité dans le temps. On en trouve des exemples avec
les sociétés en participation créées pour une opération ponctuelle, par exem-
ple une société en participation créée pour le financement d’un film ou la
réalisation d’un spectacle (V. infra, n° 1217). Il en est de même de certaines
sociétés civiles de construction-vente (8) ; on crée une société par programme
immobilier et on la dissout quand tous les appartements sont vendus (V. infra,
n° 1208). C'est au fond le succès qui est ici cause de dissolution.
B. — L'extinction de l’objet
443. — C'est plutôt d'échec qu'il faut ici parler : l’objet social ne peut plus
être atteint pour des raisons extérieures à la volonté des associés. Par exemple,
la société avait pour objet l'exploitation d’une concession ; plus de concession,
plus de société. La difficulté majeure est ici de déterminer si l'extinction est
totale ou non. Si elle ne l’est pas, le maigre filet d’activité suffit à maintenir
en vie la société. Ainsi la nationalisation des installations du canal de Suez
n'a pas occasionné la dissolution de la Compagnie du même nom, car depuis
plusieurs années celle-ci s'était tournée vers d’autres opérations financières et
industrielles (V. infra, n° 446). En vérité, cette cause de dissolution est souvent
théorique en raison de la rédaction de la clause relative à l'objet social
(V. supra, n° 115 et 117). La société peut quasiment conduire toute activité, ce
qui pallie les inconvénients de la disparition d’un des secteurs envisagés, fût-il
majeur.
444. — Enfin, la cessation d'activité n’entraîne pas automatiquement la dis-
solution de la société, qui peut être mise en,sommeil (V. infra, n° 474) ou
encore changer d'activité. En voici un exemple : une SA est créée pour exploi-
ter l'hôtel dont elle est propriétaire. Même si la fermeture de l’hôtel est déci-
dée, la société continue de survivre tant que les associés n’en prononcent
pas la dissolution ; ils peuvent changer l'affectation des locaux, les donner
en
location par appartements par exemple, ce qui peut justifier la transformation
de la SA en société civile immobilière. Ils peuvent encore vendre l'immeubl
e
et investir les fonds dans une autre activité ; il suffit de modifier
l'objet social
en conséquence.
445. — Si les cas de dissolution pour extinction de l'objet
sont rarissimes,
ils ne sont pas inexistants. Ainsi, une société avait pour objet la
réalisation
d'expertises pour le compte de compagnies d'assurances ; elle ne
fonctionnait
que grâce aux qualités de son gérant, lequel bénéficiait d’un agrémen
t person-
(8) CA Paris, 5 nov. 2004 : D. 2005, p. 569, obs. À. LienHaro : dissolution d’une société
attribution dont l'objet était la construction d'un immeuble d'habitat de construction-
ion en vue de sa division dès lors que
la construction est achevée.
210
LES ÉVOLUTIONS
C’est une belle page de notre histoire. En 1854, Ferdinand de Lesseps obtient
la concession de l'exploitation du canal de Suez pour une durée de 99 années
à compter de son achèvement. L’inauguration a lieu le 17 novembre 1868 en
présence de l’impératrice Eugénie, ce qui reporte au 17 novembre 1967 l'expira-
tion de la concession. Par une loi du 26 juillet 1956, le colonel Nasser nationalise
le canal moyennant une indemnité de 43 milliards de francs. Une assemblée
générale extraordinaire du 25 juin 1957 modifie la dénomination de la société
(elle devient la Compagnie Financière de Suez), son objet social (elle se trans-
forme en société à vocation financière) et proroge sa durée jusqu'au
31 décembre 2050. Estimant que la société s’est trouvée dissoute de plein droit
le 26 juillet 1956, un actionnaire mal intentionné conteste la régularité des déci-
sions prises et demande le partage immédiat des dépouilles (et du trésor de
guerre) de la Compagnie universelle. La perte de la concession ne traduit-elle
pas l'extinction de l'objet au sens de l’article 1844-7? Au vrai, la société avait
depuis longtemps diversifié ses activités, notamment dans le domaine financier.
Le tribunal de commerce de la Seine (22 juin 1959) rejeta en conséquence les
prétentions gloutonnes de l'actionnaire trop pressé (Gaz. Pal, 1959, 1, 222).
447. — C’est sans doute, de toutes les causes de dissolution, la plus contrac-
tuelle car cette dissolution anticipée n’est rien d'autre que la rupture du
contrat de société. La décision de dissolution anticipée est prise dans Îles
conditions prévues pour la modification des statuts. Lorsque la décision est
porter
prise à la majorité, si la majorité décide, elle ne saurait à cette occasion
dans l'abus de majo-
préjudice aux minoritaires, car ces derniers trouveraient
n. Quant aux dirigeants , ils
rité l'arme propre à faire obstacle à la dissolutio
mettre fin à la société, même de façon indi-
ne sauraient de leur propre chef
vendant le fonds de commerce dont l'exploita tion cor-
recte, par exemple en
l’objet social (V. infra, n° 585). Concrète ment, c'est lorsque les
respond à
er, que les asso-
affaires vont mal, lorsque les pertes ne cessent de s'accumul
: mieux
ciés, par calcul, décident de mettre fin à l'instrument de leur ruine
l'amiable décidée à temps qu’une liquida-
vaut en général une liquidation à
tion judiciaire imposée après coup.
re ris-
Les dirigeants qui s’entêteraient à poursuivre une activité déficitai
pour insuffi-
quent fort d’être personnellement poursuivis en responsabilité
re collective
sance d’actif si la société fait ultérieurement l’objet d’une procédu
ce, à défaut d'énerg iques remèdes
(V. supra, n°® 304 et s.). La sous-performan
nouvea ux associés par exemple ), doit conduir e
(injection d'argent frais par de
dirigeants et associés à s'interr oger sur la viabilité de la société.
211
LA VIE DES SOCIÉTÉS
448. — L'article 1844-7 du Code civil prévoit que la société prend fin « par
la dissolution judiciaire prononcée par le tribunal à la demande d’un associé,
pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un
associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la
société ».
(10) P. Can, La mésentent e entre associés, cause de dissolution Judiciaire anticipée des
ms sociétés :
1998, p. 4. — H. Marsopoutou, La dissolution pour mésentente entre
associés : Rev. sociétés
FDA
(11) Ce qui exclut l'action du syndic de la liquidation des biens
de l'un des associés : Cass. com., 28 sept.
2004 : Dr. sociétés févr. 2005, n° 25, obs. F.-X Lucas.
(12) Cass. com., 16 juin 1992 : Bull. Joly 1992, p. 944, note
P. Le Cannu: l'irrecevabilité de l'action est
fondée sur la comporte ment fautif du demandeur, qui, par la violation de son obligation
a provoqué la mésentente ; il est par suite privé du droit de se prévaloir de collaboration,
de celle-ci (V. G. Wicker, La légitimité
de l'intérêtà agir : Mél. Serra, Dalloz, 2006, p. 455, spéc . n° 26.
(13) Cass. com., 21 oct. 1997 : Rev. sociétés 1998, p. 310,
note H. MarsopouLou.
212
LES ÉVOLUTIONS
213
LA VIE DES SOCIÉTÉS
En dehors de ces deux hypothèses, lorsqu'un associé réunit entre ses mains
toutes les parts ou actions, la société n’est pas automatiquement dissoute. Tel
est le principe proclamé à l’article 1844-5 du Code civil : « La réunion de
toutes les parts sociales en une seule main n’entraîne pas la dissolution de
plein droit de la société. » L'insolite n’a toutefois qu’un temps et le droit tolère
seulement de telles sociétés : « tout intéressé peut demander cette dissolution
si la société n’a pas été régularisée dans le délai d’un an » (ibid.). Un créancier
est admis à demander une telle dissolution, à condition toutefois qu'il justifie
d’un intérêt légitime à agir (NCPC, art. 31) (18). La péremption du délai de
régularisation n'interdit cependant pas le sauvetage de la société. D'une part,
si personne n’'agit en dissolution, elle continue à vivre sur un seul pied ;
d'autre part et surtout, un intéressé (on pense à un créancier) agirait-il que
l'associé unique pourrait régulariser in extremis avant que le tribunal ne statue
sur le fond de l'affaire. Mieux, l'associé unique peut solliciter au nom de la
société un délai maximal de six mois pour régulariser la situation. Tout est
donc fait pour que la société ne disparaisse pas si tel est le vœu de l'associé
unique.
455. — Mais le souhait de celui-ci peut être précisément de mettre fin à la
société. L'associé unique peut ainsi, à tout moment dissoudre la société par
déclaration au greffe du tribunal de commerce (D. 3 juill. 1978, art. 8). La
solution est identique pour les sociétés unipersonnelles, SASU ou EURL. La
dissolution est opposable aux tiers à compter de l’accomplissement des forma-
lités légales de publicité, lesquelles consistent en l'insertion d’un avis dans un
journal d'annonces légales et une inscription modificative au RCS (C. com,
art. R. 123-70).
456. — Quant aux conséquences de la dissolution d’une société uniperson-
nelle, il convient de distinguer selon que l’associé unique est une personne
physique ou une personne morale.
Si l'associé unique est une personne physique, la dissolution est suivie
d’une liquidation. Dans le cas d’une société à risque limité, par exemple une
EURL ou une SASU, l'associé unique peut ainsi bénéficier d’une limitation
de sa responsabilité ; en contrepartie, il subira le coût et le formalisme de la
liquidation.
En revanche, si l'associé unique est une personne morale, la dissolution de
la société entraîne la transmission universelle du patrimoine de la société à
l’associé unique personne inorale sans qu'il y ait lieu à liquidation (C. civ.,
art. 1844-5, al. 3 et 4). Sous cet angle, la réunion de toutes les
parts en une
seule main cesse d’être une situation pathologique ; c'est un état voulu
car il
permet de mettre fin à une société en court-circuitant le lourd formalisme
de
la liquidation et du partage. La façon la plus expéditive de liquider une
société
consiste à faire racheter toutes les parts par le même associé ou encore
de les
faire racheter par un tiers qui, uniquement intéressé par les actifs sociaux,
s'empressera de dissoudre la société. Il ÿ aura dans ce cas
dissolution par
confusion des patrimoines. Les créanciers ne sont pas oubliés
puisqu'ils peu-
vent faire opposition dans les trente jours. À l'issue de ce délai,
la transmis-
sion universelle du patrimoine est réalisée et la personnalité morale
disparaît.
(18) CA Paris, 27 sept. 1996 : Dr. sociétés, janv. 1997,
p. 4 : dans cette affaire, deux pharmaciennes
exploitaient, dans le cadre d'une SNC, là Grande pharmacie
de la gare de Lyon. L'une cède ses droits à
l’autre qui devient associée unique. La SNC est ensuite mise en
redressement judiciaire, un plan de continuité
de l'exploitation étant arrêté. Un créancier agit en dissolution de la société. Les juges ordonnent à la SNC
de régulariser sa situation dans les six mois, faute de quoi elle
sera dissoute de plein droit.
214
LES ÉVOLUTIONS
d'agence commerciale.
(19) Cass. com., 7 juin 2006 : JCP E 2006, 2294, note H. Hovasse : contrat
COQUELET ;JCP E 2003, 627, n° 2,
(20) Cass. com., 19 nov. 2002 : Bull. Joly 2002, p. 174, note M.-L. s'est
à terme, la caution qui
obs. J.-J. Caussain, Fl. Degoissy et G. Wicker. — Dans le cas d'une obligation
la dissolution de la société reste tenue, peu important que la dette n'ait pas été exigible à
engagée avant
5 mai 2004 : Bull. Joly 2004, 8 248, p. 1227, note P. SCHOLER.
cette date : Cass. com.,
E 2005, 1834, n° 1, obs.
(21) Cass. com., 12 juill. 2005 : /CP E 2005, 1586, note J.-P. Lecros ;JCP
J.-J. Caussan, Fl. Degoissy et G. WiCKER.
(22) V. M. SénécHa, L'effet réel de la procédure collective, Litec, 2002.
nouvelle étape : JCP E 2002, 457. —
(23) S. PLanr, La dissolution pour confusion de patrimoines : une
supplanter la fusion : Dr. et patri-
A. PErrancosrA et Ch. GerscHer, La « dissolution-confusion » en passe de
moine 6/2002, p. 32.
215
LA VIE DES SOCIÉTÉS
460. — Les associés peuvent prévoir dans les statuts d’autres causes de dis-
solution : changement de nationalité ou d'occupation d’un d’entre eux, baisse
continue du résultat, passage d’un partenaire sous le contrôle d’un concur-
rent. Pareilles conditions résolutoires sont cependant à manier avec la plus
grande circonspection. Si la société est prospère, l'acte de dissolution équivau-
dra à un suicide fiscal. Il est en général plus judicieux de s’en tenir à une
clause prévoyant le rachat des droits de l’associé cessant d’être persona grata
(V. supra, n° 329).
Sous-section 2
8 1. —- La publicité de la dissolution
216
LES ÉVOLUTIONS
A. - Le principe
462. — Aux termes de l’article 1844-8, alinéa 3, du Code civil, « la personna-
lité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la
publication de la clôture de celle-ci » (24). Ainsi la société est dissoute mais
conserve sa personnalité juridique. Elle dispose toujours d'un patrimoine
séparé de celui de ses associés ; les créanciers ne sont donc pas obligés de
diviser leurs actions en paiement. La dette reste sociale et la société demeure
leur seul débiteur ; de plus, les créanciers sociaux évitent ainsi la concurrence
des créanciers personnels des associés. Également, les associés conservent la
possibilité de céder leurs droits à des tiers.
B. — Les tempéraments
463. — Le premier tempérament est temporel : la survie se termine avec la
publication de la clôture de la liquidation ; tant que celle-ci n’est pas terminée
et publiée, la société survit. En vue d'éviter des liquidations qui s’éternisent,
le Code civil autorise tout intéressé à saisir le tribunal qui fait alors procéder
à la liquidation ou à son achèvement, lorsque la clôture n'est pas intervenue
dans un délai de trois ans à compter de la dissolution (C. civ., art. 1844-8,
al. 4).
Le second tempérament est matériel : la société dissoute n'est qu'en sursis
et le liquidateur ne saurait par exemple lancer des activités nouvelles ou pour-
suivre l'exploitation sociale. S'il gère, c'est uniquement afin de mener à bien
et dans les meilleures conditions les opérations de liquidation. En d’autres
termes, la capacité juridique de la société est réduite aux actes nécessaires aux
opérations de liquidation. Les images qui s'imposent ici sont celles de la bou-
gie qui se consume ou du navire dont les machines sont arrêtées et qui conti-
nue à courir sur son erre (sa vitesse acquise) ; il est de moins en moins
manœuvrable et s'immobilisera bientôt.
Il est toutefois un tempérament au tempérament ; une société, même en
liquidation, peut fusionner ou se scinder (C. civ., art. 1844-4). C'est le seul cas
dans lequel elle peut connaître une nouvelle vie. Les associés ne sauraient en
revanche, après la décision de dissolution, changer d'avis et ressusciter la
société ou encore décider sa transformation (25).
217
LA VIE DES SOCIÉTÉS
A. - La nomination du liquidateur
465. — Le liquidateur est nommé conformément aux dispositions des sta-
tuts ou, à défaut, par décision des associés. S'ils ne peuvent se mettre d’ac-
cord, c’est le juge qui procède à sa nomination. Selon les cas, le liquidateur
est un amateur (un ancien dirigeant par exemple) ou un professionnel (un
administrateur judiciaire). Dans les affaires les plus complexes, plusieurs
liquidateurs peuvent être désignés. La nomination fait l’objet d’une publicité
pour être opposable aux tiers (C. com. art. L. 237-3). Pour éviter que la liqui-
dation ne s’éternise, la durée du mandat du liquidateur est limitée à trois .
ans (26), mais une prolongation est possible (C. com. art. L. 237-21).
B. — La mission du liquidateur
466. — Dès sa nomination, le liquidateur se substitue aux organes de direc-
tion qui perdent leurs pouvoirs de gestion et de représentation à compter de
la dissolution de la société (en cas de liquidation judiciaire de la société,
V. supra, n° 459). Désormais, le liquidateur est le seul représentant de la
société, y compris dans les rapports avec les tiers. Comme les anciens diri-
geants, il agit sous le contrôle des associés ; il doit les convoquer régulière-
ment et leur présenter l’état d'avancement des opérations. Une première
réunion a lieu dans les six mois de sa prise de fonction. Ensuite, tous les ans,
dans les six mois suivant la clôture de l'exercice, il présente aux associés les
comptes annuels et un rapport de liquidation. Les associés peuvent prendre
communication des documents sociaux dans les mêmes conditions qu’anté-
rieurement (C. com., art. L. 237-26). La survie de la personnalité morale per-
met le respect des rites sociétaires.
Le liquidateur commence par dresser un inventaire de l'actif et du passif.
Ensuite interviennent les opérations proprement dites de liquidation. Liqui-
der, dirait M. Prud’homme, est rendre liquide ; autrement exprimé, il s'agit
de transformer en liquidités les biens et les créances composant l'actif de l’en-
treprise.
L'argent récolté sert à désintéresser les créanciers sociaux. Comme on est à
l'écart d'une procédure collective, le liquidateur n’est pas tenu de respecter
un ordre quelconque. Il règle les créanciers au fur et à mesure qu'ils se présen-
tent ; c’est le prix de la course. Dans la pratique, surtout si les opérations sont
menées par un liquidateur professionnel, les *choses se passent autrement.
Avant de procéder aux règlements, le liquidateur dresse un état estimatif en
distinguant le passif privilégié et le passif chirographaire. Si les fonds sont
suffisants, il désintéresse tous les créanciers ; en cas de cessation de paiements,
le tribunal ordonne la mise en procédure collective de l'entreprise.
C. - La clôture de la liquidation
467. — Lorsque sa mission est achevée, le liquidateur convoque les associés
pour présenter le compte final de la liquidation (C. com., art. L. 257-9);-Si1ce
dernier omet de convoquer l'assemblée de clôture, tout associé
peut deman-
der en justice la désignation d’un mandataire chargé de procéder à la convoca-
(26) Lorsque les fonctions du liquidateur ont pris fin, l'assemblée générale
ne peut renouveler rétroactive-
ment ces fonctions pour régulariser le défaut de pouvoir du liquidateur :
Cass. com., 8 nov. 2005 : Bull. Joly
2006, 8 77, p. 387, note J.-CI. HAiLouIN.
218
LES ÉVOLUTIONS
J.-J. DAIGRE.
(27) Cass. com., 13 févr. 1996 : Bull. Joly 1996, p. 496, note
note Y. CHARTIER.
(28) Cass. com., 15 juin 1993 : Rev. sociétés 1993, p. 797,
note J.-P. GARÇON.
(29) Cass. 3€ civ., 31 mars 2004 : Bull. Joly 2004, p. 998,
Guyon.
(30) Cass. com., 3 juill. 2001 : JCP E 2002, 76, note Y.
219
LA VIE DES SOCIÉTÉS
471. — Si créer une société ne coûte rien sur le plan fiscal, il n’en va pas de
même des dissolutions si du moins elles dégagent un boni de liquidation.
Certes, lorsque la société est en déconfiture, le partage dégage un mali de
liquidation et les associés, ayant tout perdu, ont au moins la consolation de
n'avoir pas d'impôt à payer. Si la société est prospère, le coût fiscal est suppor-
table lorsque la société relève de l'impôt sur le revenu, mais risque d’être
confiscatoire dans le cas contraire.
220
LES ÉVOLUTIONS
déjà été imposées au moment de la réalisation des bénéfices (V. supra, n° 65).
En matière d'enregistrement, le partage des liquidités ou des acquêts entraîne
la perception d’un droit de 1,10 %.
|
1. La mise en sommeil des sociétés
|
|
474. - ll est des sociétés économiquement mortes mais juridiquement vivantes. Ce sont
|
les sociétés en sommeil (d'autres parlent de sociétés inactives, de sociétés nécropoles, de
|
sociétés en hibernation, de sociétés dormantes, de coquilles vides….). L'espèce est mélangée,
à la fois ossuaire et vivier. D'un côté, on trouve des sociétés infantiles, nées en sommeil, qui
n'ont pas encore exercé d'activité. De l’autre, il y a les sociétés séniles, qui ont eu leur heure
de gloire :ayant abandonné toute activité, elles ont été mises en sommeil. Les problèmes |
juridiques ne sont pas les mêmes dans les deux cas (P. Diener, Un abus de la personnalité }
!
morale : la société en sommeil, dans l'ouvrage Dix ans de droit de l'entreprise, Litec, 1978, |
p. 81. — G. Norié, Les sociétés en sommeil : JCP CI. 1981, 13499). !
i
a) Les sociétés infantiles attendant d'être réveillées
les |
Ce sont des sociétés régulièrement conçues et immatriculées mais sans activité. On
trouve essentiellement dans les banques d'affaires et les groupes. Elles sont prêtes à fonction-
|
ner du jour au lendemain. Dotées d'un objet attrape-tout, elles sont aptes à conduire n'im-
de |
porte quelle activité économique. Elles constituent un corps de réserve, des pièces
dor- |
rechange. Qu'une opportunité survienne et elles seront réveillées, telle la Belle au bois
sont
mant attendant le baiser du prince charmant. Les délais et les tracas de l'immatriculation
sont-elles
économisés. Ces sociétés, qui ne sont que des coquilles vides en attente d'emploi,
(en ce sens,
valides ? Certains en doutent, y voyant des sociétés fictives, voire frauduleuses
V. P. Diner, préc.). L'opinion dominante est plus indulgente ; si la société est une technique
juridique |
d'organisation de l'entreprise, on ne fait jamais que tailler à l'avance le vêtement
dont on habillera plus tard une entreprise quelconque.
b) Les sociétés séniles mises en sommeil
leurs magasins,
| Les sociétés séniles vivotent, aucune marchandise n'entre ou ne sort de
n'ont plus de salariés. Si ce n’est pas encore la mort, c'est déjà le coma. Le droit des
elles
sociétés ne doit-il pas en prendre acte ?
pour cessation
Les textes prévoient la radiation du registre du commerce et des sociétés
art. R. 123-129).
d'activité, radiation qui peut être décidée d'office par le greffier (C. com.,
dans ce biffage
Mais quel est l'effet d'une telle radiation ? Les amateurs de symétrie verront
registre du commerce une « désimmatri culation », donc une cause supplé-
de la société du
trompeuse. De
mentaire de disparition de la personnalité morale. La symétrie est toutefois
vie du citoyen passé pour
même que la radiation de l'état civil est sans conséquence sur la
mort, de même la radiation de la société ne la prive pas de sa personnali
té juridique ; celle-ci
|
221
LA VIE DES SOCIÉTÉS
subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés
(Cass. com., 20 févr. 2001 : Dr. sociétés, juin 2001, obs. Th. BonNEAU).
La radiation consécutive à la cessation d'activité n'est donc pas une cause d'extinction de
la personnalité juridique. Est-ce un juste motif de dissolution tenant à la réalisation où à
l'extinction de l’objet social ? Non, et les tribunaux répugnent à prononcer la dissolution de
la société pour cause de mise en sommeil dès lors qu'une chance de réveil demeure. Aucun
principe ni aucun texte n'imposent de liquider une société qui a cessé l'activité pour laquelle
elle a été constituée.
Au reste, cessant son activité, la société change en réalité d'activité. De technique d'orga-
nisation de l'entreprise, elle devient technique d'organisation du patrimoine, car elle se
contentera à l'avenir de gérer les biens dont elle est propriétaire. || sera d'ailleurs prudent de
modifier en conséquence l'objet social. Si la société possède un important patrimoine immobi-
lier, elle le fera fructifier par voie de location ; le cas échéant, une transformation en société
civile immobilière sera envisagée. Si elle possède un actif de valeurs mobilières, elle se compor-
tera comme une société de portefeuille ; elle peut dans ce cas intéresser certains amateurs. ||
existe, dit-on, un marché des sociétés en sommeil comportant un actif composé de valeurs
mobilières, Voire de trésorerie ; le rachat se ferait moyennant une décote de l'ordre de 20 %
(cette décote s'explique par l'économie fiscale que réalisent les associés dispensés de procéder
à la liquidation de la société).
La consultation des journaux d'annonces légales permet de vérifier la banalisation de la
mise en sommeil des sociétés ;on apprend ainsi que les associés d’une SNC immatriculée à
Fort-de-France ont décidé au cours d'une assemblée générale extraordinaire, qui s'est tenue
le 1°" octobre 2001, la mise en sommeil de la société ; cette décision a fait l’objet d'une
publicité légale (V. supra, n° 195).
2. Comment déjouer le coût confiscatoire
d'une liquidation de société ?
475. — Une société relevant de l'impôt sur les sociétés cesse son activité :l'actif représente
une grande valeur et les associés veulent en tirer argent comptant. S'ils procèdent à une
nine
AR
A
D
A
EN
nn
mm
dissolution et à une liquidation en bonne et due forme, c'est le fisc qui sera le premier
bénéficiaire (et de loin), ne laissant que des miettes aux associés. La fusion-absorption est une
É solution, maïs les associés reçoivent des titres en échange et non des espèces. Ils perçoivent en
| revanche argent comptant s'ils cèdent leurs droits sociaux au repreneur intéressé par les
éléments composant l'actif social. Les associés paient seulement un impôt de 27 % sur le
| montant de la plus-value, ce qui reste supportable. Pendant longtemps, ce stratagème n'a
pu être utilisé en raison du cauchemar fiscal entourant les cessions massives de droits sociaux :
| il a heureusement disparu depuis fin 1984.
On rappellera que, si l’on est en présence d'une société unipersonnelle, la dissolution par
|
confusion de patrimoines peut bénéficier du régime fiscal de faveur des fusions (V. Supra, n° 458).
3. La dissolution et la liquidation sont deux opérations distinctes
| nécessitant la tenue de deux assemblées successives
et une double publicité
|
| 476. — Une SARL n'exerce flus aucune activité : elle est en sommeil par conséquent
(V. supra, n° 474). Les associés décident de la dissoudre de la façon la plus expéditive et la
| plus économique qui soit. Au cours d'une même assemblée générale extraordinaire, ils votent
la dissolution de la société, nomment un liquidateur et approuvent les comptes ainsi que
la
clôture de la liquidation. Ils estiment avoir ensuite scrupuleusement respecté le triple rituel
|
imposé par la loi :
— enregistrement des opérations avec paiement du droit fixe de 375 €, porté à
500 €
; lorsque la société a un capital d'au moins 225 000 € :
|i — avis dans un journal d'annonces légales:
— dépôt des actes au centre des formalités des entreprises en vue d'une radiation
| registre du commerce et des sociétés.
du
| Las ! Le juge délégué à la surveillance du registre du commerce rend une
| rejetant la demande de radiation au motif que la dissolution de la société et
ordonnance
la clôture de la
liquidation doivent faire l'objet de deux assemblées et de deux publicités distinctes.
La déci-
| sion est confirmée en appel (CA Lyon, 13 juin 1997 : JCPE 1998, p. 421,
Même si les comptes sociaux sont vides et qu'il n'y a rien à liquider et à
note Th. GRANER).
partager, il faut
suivre le règlement à la lettre.
L SE Serres
menens
222
Deuxième partie
LE DROIT SPÉCIAL
DES SOCIÉTÉS
477. - Comme le droit pénal, le droit des sociétés comporte une partie
générale et une partie spéciale ; celle-ci passe en revue les principaux échantil-
lons de sociétés, lesquelles mettent en œuvre les règles exposées dans la pre-
mière partie. Deux volets principaux composent la partie spéciale :
— celui des sociétés à risque limité ;
— celui des sociétés à risque illimité.
Malgré l’ingéniosité classificatrice des professeurs, certains groupements
atypiques sont rebelles à cette division bipartite ; on se résignera donc à ouvrir
un autre tiroir dans lequel seront rangés les sociétés propres au secteur libéral,
la société européenne et des groupements qui ne sont pas des sociétés, tels le
GIE et le GEIE. :
223
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Titre 1
LES SOCIÉTÉS
À RISQUE LIMITÉ
478. — Les sociétés à risque limité englobent deux grandes familles :
— la famille des sociétés par actions dans laquelle se détache la SA, ce qui ne
doit pas occulter les deux autres espèces, l’une ayant le mérite de l'ancienneté
(la société en commandite par actions), l'autre celui de la jeunesse (la société
par actions simplifiée, SAS par abréviation, créée en 1994) ;
— la famille des SARL qui s’est enrichie en 1985 d'un rameau nouveau, celui
des EURL.
Ces sociétés présentent des caractéristiques communes qui les différencient
des sociétés à risque non limité (V. supra, n° 101) :
_ sur le plan juridique, elles sont soumises à une législation contraignante ;
signale
relevons toutefois que la dernière née, la SAS (V. infra, n° 887 et s.), se
par sa souplesse et par une grande liberté contractuelle ; elle forme un îlot de
liberté dans le groupe des sociétés à risque limité ; sa dénomination de société
simplifiée n’est pas usurpée ;
;
— sur le plan pénal, leurs dirigeants sont l'objet d'incriminations spécifiques
— sur le plan fiscal, elles sont assujett ies à l'impôt sur les sociétés.
225
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LA SOCIÉTÉ ANONYME
479. — L'apparition de sociétés caractérisées par la responsabilité limitée
des associés et la libre cessibilité des droits sociaux est relativement récente.
Certes, les archéologues du droit des sociétés en ont relevé des indices à
l’époque romaine avec les societates regigalium, qui étaient des formes de
sociétés par actions créées à Rome entre publicains chargés de la collecte des
impôts. On en trouve des traces plus significatives en France au temps de
Richelieu et de Colbert avec les grandes compagnies coloniales. À partir de
la Révolution, l’histoire des sociétés anonymes est agitée :
_ Ja loi d’Allarde du 2 mars 1791 sur la liberté du commerce et de l'industrie
entraîne comme conséquence naturelle la libre constitution de sociétés par
actions : cela fit le bonheur de financiers sans scrupules et la ruine d’action-
naires sans défense;
_ devant de tels scandales, la Convention interdit purement et simplement
la constitution de sociétés par actions ;
_ Je Directoire rétablit la liberté, de là de nouveaux scandales ;
— en 1807, par prudence, le Code de commerce soumet la constitution de
sociétés anonymes à l'autorisation gouvernementale, parcimonieusement
accordée au demeurant ; d’où la fièvre des commandites par actions, qui
n'étaient pas soumises à autorisation ;
— Ja loi du 24 juillet 1867 donne un véritable statut aux sociétés par actions
et supprime l'autorisation gouvernementale pour la constitution des sociétés
anonymes ;
_ la loi de 1867 est remplacée un siècle plus tard par celle du 24 juillet 1966,
le
soumise depuis à de (trop) fréquentes révisions et finalement intégrée dans
Code de commerce en 2000 ;
_ Ja loi du 15 mai 2001 sur les Nouvelles régulations économiques (loi NRE)
a affiné le statut des sociétés anonymes ;
des
_ Ja loi Sécurité financière du 1° août 2003 a renforcé la protection
actionnaires et des investisseurs ;
régime
_ l'ordonnance n° 2004-604 du 24 juin 2004 a entièrement refondu le
des valeurs mobilières ;
sation
_ Ja loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la moderni
de l’économie a rajeuni la réglementation des sociétés par actions.
480. - La SA présente plusieurs particularités :
tant les pertes
_ c'est une société à risque limité, les actionnaires ne suppor
sociales qu’à concurrence de leur mise ;
227
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
— c'est une société de capitaux, le capital apporté comptant plus que la per-
sonne de celui qui apporte ; la SA n'est pas conclue intuitus personae et l’action-
naire s’efface derrière l’action ;
— c'est une société hiérarchisée, où chaque organe dispose de pouvoirs pro-
pres ;
— c'est une société commerciale par la forme, la nature de l’activité, fût-elle
civile, étant sans influence sur la qualification commerciale de la société ;
— c'est une société par actions, elle émet des valeurs mobilières, lesquelles,
puisque fongibles, sont susceptibles d’être cotées en Bourse (V. infra, n°° 914
et s.).
481. —- La SA a été conçue au x siècle comme une technique permettant
de drainer l'épargne publique ; selon la formule de Georges Ripert, elle fut
« le merveilleux instrument du capitalisme moderne ». Mais elle a été victime
d’un détournement de forme sociale, de nombreux entrepreneurs n’y recou-
rant qu’en raison des attraits du statut fiscal et social du P-DG; sur les
quelque 133 158 sociétés anonymes existantes, soit un peu plus de 4 % du
total des sociétés (V. supra, n° 12), les trois quarts sans doute ne sont l'affaire
que d’un seul homme ; l'Allemagne, qui n’est pas un pays émergent, n’en
compte guère plus de 3 200, alors qu'il existe plus de 500 000 SARL (GmbH).
L’alignement du statut fiscal et social des non-salariés sur celui des salariés
permettra, on l'espère, la disparition à l'avenir de ces fausses SA créées pour
convenance personnelle des dirigeants (V. supra, n° 41 et s.).
Section 1
LA CONSTITUTION
228
LA SOCIÉTÉ ANONYME
Sous-section 1
doivent
484. — La SA obéissant au droit commun des sociétés, ses créateurs
cause, objet, apports,
respecter les exigences usuelles : consentement, capacité,
cela
affectio societatis, participation aux résultats (V. supra, n® 105 et s.). À
s'ajoutent quelques exigence s ou interdict ions particuli ères :
pas
_ le nombre des actionnaires est d’au moins sept (2) ; comme ils n'ont
la qualité de commerçant, on peut choisir un mineur, fût-il un nourrisson
(V. supra, n° 110) ;
s
— le capital social est d’au moins 37 000 € (3);
131), de même que les
— les apports en industrie sont interdits (V. supra, n°
clauses de variabilité du capital (V. supra, n° 244).
——————
Le nombre
urs de la loi de 1867 exigeait Sepi fondateurs.
(2) Car le droit anglais qui inspira les rédacte libéral (V. infra, n 1267). DE
dans les SA d'exerci ce
minimal d'actionnaires n'est que de trois 000 € pour les sociétés d'assurances,
plus important : 450
(3) Certaines activités réclament un montant presse et 1 500 €
000 € pour les banques ..., mais seuleme nt 300 € pour les sociétés de rédacteurs de
225
pour les sociétés coopératives.
229
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Sous-section 2
485. — Le conseil juridique choisi par les fondateurs taille un projet de sta-
tuts sur l’un des patrons mis au point par la pratique ; à ce sujet les techniciens
se partagent en deux écoles, celle du « court », qui réduit les statuts au mini-
mum et celle du « long », qui n’hésite pas à rappeler dans les statuts les solu-
tions légales et réglementaires ; le « court » est préférable, ne serait-ce que
parce qu'il évite d’avoir à modifier les statuts à chaque modification des textes
législatifs ou réglementaires. Les statuts peuvent être opportunément
complétés par un protocole d'accord ou un pacte d'actionnaires (V. infra,
n° 709).
Les mentions suivantes doivent figurer dans les statuts (C. com.
art. R. 224-2, mod. D. 12 déc. 2006) :
— identité des signataires ;
— spécification de la forme anonyme de la société ;
— durée ;
— dénomination sociale ;
— siège social ;
— objet social ;
— montant du capital social ;
— nombre d'actions émises avec pour chaque catégorie l'indication de leur
valeur nominale ou de la part de capital qu’elles représentent et, éventuelle-
ment, de la nature des droits particuliers qui leur sont attachés ;
— mention de la forme, nominative ou au porteur, des actions ;
— spécification et évaluation des apports en nature :
— Composition, fonctionnement et pouvoirs des organes sociaux ;
- règles de partage des bénéfices.
Dans un premier temps, il s’agit d’un projet de statuts, car la signature ne
peut intervenir qu'après la réalisation des apports et, le cas échéant, le
contrôle des apports en nature ou des avantages particuliers (V. infra, n° 488).
230
LA SOCIÉTÉ ANONYME
(6) Pour un exemple : Cass. com., 28 juin 2005, RIDA 10/05, n° 1107 : surévaluation de titres de
sociétés.
231
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Les actionnaires sont égaux, mais certains le sont plus que d’autres en raison
des avantages qui leur sont reconnus par les statuts à titre personnel ou en
raison des actions de préférence qu'ils détiennent (V. infra, n° 932 et s.) ; ces
avantages sont conférés à la création de la société ou en cours de vie sociale :
droit de préférence sur l'actif social, dividende préciputaire (prélevé en prio-
rité), cumulatif (reportable en cas d'insuffisance de bénéfices distribuables),
option sur certains actifs, prélèvement prioritaire sur le boni de liquidation ou
avantages tarifaires sur les services délivrés par la société (par exemple, avan-
tages tarifaires sur les remontées mécaniques bénéficiant à certains actionnaires
d’une société exploitante). — Adde, Ph. BissARA et autres, L'égalité des actionnaires,
mythe ou réalité : Cahiers de dr. de l'entreprise 5/1994, p. 18. — J.-J. DaIcRE, Actions
privilégiées, catégories d'actions et avantages particuliers : Mél. M. Jeantin, Dalloz,
1999, p. 213 et s.
1. Procédure
Afin de protéger les autres actionnaires, que ces avantages soient incorporés
ou non dans l’action, une procédure doit être suivie, dite procédure des avan-
tages particuliers (C. com. art. L. 225-8 et L. 225-12) :
— intervention d’un commissaire aux apports chargé d'apprécier la valeur
de l'avantage particulier ;
— vote d'une assemblée générale statuant sur l'octroi de l'avantage particu-
lier ; l'assemblée statue aux conditions de quorum et de majorité prévues pour
les assemblées extraordinaires (C. com., art. L. 225-9 et L. 225-12), les bénéfi-
ciaires ne participant pas au vote (C. com. art. L. 225-10 et L. 225-12).
2. Domaine
L'avantage particulier est une faveur attribuée à une personne dénommée.
Semblable définition conjugue deux éléments : l'existence d’une faveur et la
référence à une personne dénommée.
1° D'abord, il ne saurait y avoir avantage particulier sans faveur ou privilège.
C'est la raison pour laquelle les juges insistent sur l’idée de rupture d'égalité.
On observera que la nature — pécuniaire ou non — de l'avantage est indifférente :
une représentation spécifique au conseil d'administration est un avantage parti-
culier. Toutefois, faute de jurisprudence récente, ce point reste discuté en doc-
trine (Ph. REIGNÉ et Th. DELORME, La nature nécessairement pécuniaire des avantages
particuliers : Bull. Joly 2002, p. 1117 et s.). Également, la qualité de l’attributaire
importe peu ; il peut s’agir selon l’article L. 225-8 d’un associé ou d’un tiers :
le droit de regard accordé à un tiers sur la gestion peut constituer un avantage
particulier (V. infra, n° 1449 à propos de l'alliance entre Renault et Nissan).
L'avantage peut être institué dans les statuts ou dans un protocole d'accord.
En revanche, lorsque l'avantage est institué par la loi, il n’y a pas avantage
particulier ;cela a été jugé à propos d’une fusion-absorption d’une filiale
par
sa société mère, celle-ci bénéficiant de la transmission universelle du patrimoine
de la filiale, à la différence des associés minoritaires de cette filiale
(CA Douai,
7 juill. 1994 : RJDA 1994, p. 996).
2° Ensuite, il n’y a avantage particulier que dans la mesure où les privilège
s
octroyés le sont à une ou plusieurs personnes dénommées (V. en
ce sens,
C.com., art. L. 228-15). Autrement exprimé, l'avantage particulier s’infuse
d’in-
tuitus personae ;il est accordé à titre personnel à une ou plusieurs
personnes.
La précision permet d’exclure de la catégorie des avantages particuli
ers les
232
LA SOCIÉTÉ ANONYME
491. — Le faire-part de naissance est diffusé selon les règles valant pour
l'acte, avis dans
toutes les sociétés (V. supra, n° 190 et s.) : enregistrement de
-
un journal d'annonces légales, passage au centre de formalités des entrepri
ses; le greffier procède à l’immatr iculatio n et à une insertio n au BODACC
(Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales).
233
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Sous-section 3
234
LA SOCIÉTÉ ANONYME
Section 2
LES DIRIGEANTS
494. — Les fondateurs de sociétés anonymes ont le choix entre deux for-
mules, lesquelles sont susceptibles de variantes :
— la direction « à la française », soit avec conseil d'administration et directeur
général ;
— la direction « à l’allemande », avec conseil de surveillance et directoire, la
révocation des membres du directoire pouvant relever de la compétence de
l'assemblée générale ou de celle du conseil de surveillance (V. infra, n° 640).
Sous-section 1
LA STRUCTURE CLASSIQUE :
CONSEIL D'ADMINISTRATION, PRÉSIDENT DU CONSEIL
D'ADMINISTRATION ET DIRECTEUR GÉNÉRAL
495. — Le titre de P-DG a été créé par la loi du 16 novembre 1940; la loi
de 1966 lui a substitué celui de président du conseil d'administration ; la pra-
tique n’a pas retenu la nouvelle dénomination et s’en tient généralement à
l’ancienne (sans doute à cause du prestige lié au sigle de P-DG). La loi NRE
du 15 mai 2001 a introduit la possibilité de dissocier les fonctions de président
et de directeur général. Cette modification est nettement inspirée des pra-
tiques américaines qui distinguent les directors et les officers. Le choix sur
l'unité ou la dissociation de ces deux fonctions appartient au conseil qui doit
en informer les actionnaires et les tiers dans les conditions définies par décret
(C. com. art. L. 225-51-1 et R. 225-26).
Deux modèles sont dès lors envisageables :
_ Ja dissociation des deux fonctions : le président du conseil d'administra-
tion, comme son nom l'indique, préside cet organe tandis que le directeur
général dirige la société, la représente à l'égard des tiers et prend la qualité
de chef d'entreprise en en assumant toutes les responsabilités ;
_ Ja réunion des deux fonctions : le président du conseil assume en plus la
au direc-
direction générale de la société ; en ce cas les dispositions relatives
teur général lui sont applicables.
directeurs
Dans les deux situations, le directeur général peut être assisté de
généraux délégués.
du
Seront étudiés successivement le conseil d'administration le président
conseil d'administration et les organes de direction de la SA, directeu r général
et directeurs généraux délégués.
235
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 1. — Le conseil d'administration
A. - La composition du conseil
1° La taille du conseil
496. — Le conseil d'administration est composé de trois membres au mini-
mum et de dix-huit au maximum (C. com. art. L. 225-17, al. 1*). En cas de
fusion, les administrateurs de la société absorbée rejoignent souvent ceux de
la société absorbante, ce qui autorise à dépasser le plafond de dix-huit pen-
dant un délai de trois ans à compter de la date de la fusion sans pouvoir
dépasser le chiffre de vingt-quatre (V. infra, n° 1369). Si les statuts prévoient
l'élection d’administrateurs salariés (C. com., art. L. 225-27), ceux-ci ne sont
pas pris en compte pour le calcul du plafond (V. infra, n° 794). La règle est
identique pour les représentants des salariés actionnaires nommés au conseil
d'administration (C. com. art. L. 225-23, al. 1°. — V. infra, n° 793).
Par ailleurs, en cas de décès, de démission ou de révocation du président
du conseil d'administration, et si le conseil n’a pu le remplacer par un de ses
membres, le conseil peut nommer un administrateur supplémentaire appelé
aux fonctions de président (C. com. art. L.225-17, al. 2).
En février 2006, la loi relative à l'égalité salariale à tenté de promouvoir la
place des femmes dans les conseils d'administration en donnant cinq ans aux
sociétés pour réaliser une représentation équilibrée entre les femmes et les
hommes au sein des conseils, le nombre des représentants de chacun des sexes
ne pouvant pas être supérieur à 80 %. Cependant, le Conseil constitutionnel a
invalidé cette mesure le 16 mars 2006 (8).
2° Les conditions de nomination
a) La qualité d’actionnaire
497. — « Chaque administrateur doit être propriétaire d’un nombre d’ac-
tions de la société déterminé par les statuts » (C. com., art. L. 22525 sal)"
il peut s'agir d'une seule action. La règle exprime un impératif : l’accès au
conseil d'administration est réservé aux actionnaires. Si la condition n’est pas
remplie au jour de la nomination, l'administrateur a trois mois pour se mettre
en règle, sinon il est réputé démissionnaire et se trouve privé de la qualité
d'administrateur.
Dans les sociétés fermées {une société de famille ou encore la filiale d’un
groupe), on peut souhaiter accueillir au conseil un manager en raison de ses
compétences, sans pour autant en faire un partenaire en capital qui pourrait
s’incruster au-delà de son mandat. Il est possible dans ce cas de recourir à la
formule accueillante du prêt de consommation, contrat par lequel est mis à la
disposition du nouvel arrivant, pour la durée de son mandat, le minimum
d'actions imposé par les statuts (V. infra, n° 523). La pratique du prêt de titres
se rencontre aussi dans les groupes de sociétés, la société mère prêtant
des
actions détenues dans une filiale à l’un de ses mandataires sociaux afin de lui
permettre de devenir administrateur de celle-ci.
b) Les incapacités et incompatibilités
498. — Bien que l'administrateur n'ait pas la qualité de commerç
ant, les
individus qui sont interdits d'activité commerciale ne sauraient
administrer
(8) RIDA juin 2006, n° 796. — Ailleurs, la réglementation évolue pour
promouvoir la place des femmes
dans les conseils d'administration ; en Espagne, un projet de loi propose
de laisser huit ans aux sociétés pour
236
LA SOCIÉTÉ ANONYME
237
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
238
LA SOCIÉTÉ ANONYME
505. - La durée des fonctions est prévue par les statuts, sans pouvoir excé-
der six ans. Cependant, les premiers administrateurs, nommés dans les sta-
tuts, voient leur premier mandat plafonné à trois ans (C. com. art. L. 225-18).
Les administrateurs sont rééligibles, l'absence de renouvellement n'équivaut
pas à une révocation (11).
Outre l’arrivée du terme de leur mandat, d’autres événements peuvent en
écourter la durée, ne serait-ce que la dissolution ou la transformation de la
société, le décès de l'administrateur ou le butoir de la limite d'âge (V. supra,
n° 499).
506. — Les deux causes qui dans la pratique soulèvent le plus de difficultés
sont la démission et la révocation :
_ la démission : l'administrateur est libre de démissionner quand bon lui
semble sans avoir à se justifier ; sa décision serait cependant blâmable et
appellerait une condamnation à des dommages-intérêts si elle était motivée
par l'intention de nuire (V. infra, n° 566) ; si tous les administrateurs démis-
sionnent (par exemple en cas de crise ou de mise en redressement judiciaire),
il faut faire nommer judiciairement un administrateur provisoire dont la pre-
mière mission sera de convoquer une assemblée générale afin de reconstituer
le conseil (V. supra, n°° 392 et 5.) ;
_ la révocation : la loi précise que les administrateurs « peuvent être
révoqués à tout moment par l'assemblée générale ordinaire» (C. com.
art. L. 225-18) ; il importe peu que la question n'ait pas été inscrite à l’ordre
du jour en raison de la théorie des incidents de séance (V. infra, n° 675) ; le
même pouvoir est reconnu à l'assemblée générale extraordinaire ; les adminis-
trateurs sont donc théoriquement révocables ad nutum, c'est-à-dire de façon
cas de
discrétionnaire, sans pouvoir réclamer de dommages et intérêts en
révocation sans juste motif (V. infra, n° 533 et s. et les tempéram ents apportés
à ce principe).
B. — Le fonctionnement du conseil
507. — Le conseil d'administration est un organe collégial : l'administrateur
conseil, il
tire son pouvoir de sa seule participation au conseil ; en dehors du
nter spontan ément la société en
n'est rien, et ne peut pas par exemple représe
justice (12).
proposé le renouvellement du mandat
(11) CA Paris 7 sept. 2004 : RDA 2/05, n. 156 (le conseil avait
pas été suivi par l'assemblé e : les juges refusent de considérer que la déci-
d'un administrateur mais n'avait
son pouvoir souverain, équivaut à une révocation).
sion de l'assemblée, qui n'a fait qu'exercer
(12) Cass. com. 3 oct. 2006 : RIDA janv. 2007, n° 63 : irrégularité de la déclaration des créances
collective.
effectuée par un administrateur à l'occasion d'une procédure
239
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
240
LA SOCIÉTÉ ANONYME
le président ou, selon les cas, le directeur général de la société est tenu de
communiquer à chaque administrateur tous les documents et informations
nécessaires à l’accomplissement de sa mission. L'information, pour être utile,
doit être préalable à la tenue du conseil (14). Si certains administrateurs
étaient privés de ce droit, les délibérations seraient nulles. À l'opposé, les
administrateurs doivent exercer cette prérogative conformément à l'intérêt
social ; ils ne sauraient entraver l'action des dirigeants par des demandes
incessantes ou réclamer des informations sur des opérations ne relevant pas
de leur compétence.
241
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
242
LA SOCIÉTÉ ANONYME
243
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
ANNE
SN
(24) Si les statuts prévoient l'élection d'administrateurs salariés, ceux-ci ne sont pas pris en compte pour
le calcul de ce quota (V. infra, n° 794) ; la règle est identique pour les !
représentants des salariés actionnaires
nommés au conseil d'administration (V. infra, n° 793) (C. com.,
art. L. 225-22, al. 3) ù
(25) Cass. soc., 13 juin 2006 : RJDA 10/06, n° 1026 ; jurisprud
ence constante.
244
LA SOCIÉTÉ ANONYME
|
521. — La réflexion sur le rôle des administrateurs a été relancée en raison de diverses
études menées à l'étranger. Ainsi à Londres, en 1992, un Comité présidé par M. Cadbury a
ébauché un « Code of best practice » auquel devraient se soumettre les conseils d'administra-
tion des sociétés cotées ; ce code recommande notamment la création d'un « audit commit-
tee » (comité des comptes), la révision des situations intérimaires par les commissaires aux
comptes et ledit comité, la vérification par les administrateurs de leur propre système de
|
contrôle interne, l'obligation pour les administrateurs d'informer les actionnaires de toute
menace sur la poursuite de l'exploitation de la société, etc. (A. Tunc, Le gouvernement des
sociétés anonymes : RID comp. 1994, p. 59 et s.).
|
Le débat s'est cristallisé depuis 1994 autour du concept de corporate governance, où
gouvernement d'entreprise, qui repose sur la nécessaire distinction entre administrateurs-
dirigeants (executive) et administrateurs indépendants, c'est-à-dire non dirigeants ; cela a
provoqué une réflexion sur le rôle et les responsabilités des administrateurs et sur la manière
dont ils assument leurs fonctions (J.-J. Caussaw, Le gouvernement d'entreprise, Litec. — F. Pet-
TER, La corporate governance au secours des conseils d'administration, éd. Dunod). |
Dans le prolongement de ce débat, le CNPF [MEDEF] et l'Association française des entre-
prises privées (AFEP) ont chargé un comité de poursuivre les réflexions engagées outre-
Manche. Dans un rapport publié en juillet 1995 et actualisé en juillet 1999, dit Rapport
Viénot, le comité insiste notamment sur le caractère collégial du conseil d'administration, sur
son action dans le contrôle de la gestion et sur la qualité de l'information fournie aux action-
naires et aux marchés : dans cette optique, le comité propose un avis de l'assemblée générale
des actionnaires en cas de cession importante d'actifs ou d'activités, même sans atteinte à
l'objet social. Quant à la composition et au fonctionnement du conseil d'administration, il est
recommandé, en son sein, de nommer des administrateurs indépendants pour la représenta-
tion des actionnaires minoritaires, de constituer un comité de sélection des administrateurs,
un comité des rémunérations et un comité des comptes ; il est également suggéré l'établisse-
ment par le conseil d'administration d’un règlement intérieur qui précise les conditions de
|
son fonctionnement, le rôle des administrateurs indépendants, le nombre, la composition et
les prérogatives des comités du conseil (A. ViANDIER, Le règlement intérieur du conseil d'admi-
|
: une
nistration des sociétés cotées : RIDA 12/03, p. 1003). Dernière proposition du comité
d'être
charte de l'administrateur lui imposant certaines obligations et particulièrement celles
actionnaire à titre personnel, de limiter à cinq le nombre de ses mandats d'administrateur,
de s’astreindre à un véritable secret professionnel et de s'abstenir d'effectuer des opérations
sur les titres de la société.
La COB (devenue AMF) s'est également essayée à analyser la notion de corporate gover-
de P. Feuriot :
|
nance et ses conséquences sur les sociétés cotées (V. l'intervention
31). Par une recommanda tion, la COB a retenu les principales orienta-
Bull. COB, oct. 1995, p.
p. lets:
tions proposées par le rapport Viénot (Bull. COB, nov. 1995, bp. 57, sept. 1999,
OCDE,
« Gouvernement d'entreprise, évolutions récentes en France et à l'étranger ». — Adde,
Principes relatifs au gouverneme nt d'entreprise , avr. 1999).
de réformer —
La réflexion a été complétée par une avalanche de rapports proposant
du gouverne-
encore — le droit des sociétés afin que soient mieux pris en compte les impératifs
Montaigne (mars
ment d'entreprise : rapport Bouton (septembre 2002), rapport de l'Institut
rapport de la commis-
2003), rapport cosigné par l'AFEP, l'ANSA et le MEDEF (octobre 2003),
sion juridique de la CCIP (oct. 2003), sans oublier le plan d'action de la Commission euro-
Le plan d'action de la
péenne en droit des sociétés (mai 2003 — G. Gorreux-CaueBaur,
|
française : Bull. Joly 2003,
Commission européenne en droit des sociétés : une approche
l'émission par celle-ci de recommand ations en octobre 2004 sur le rôle des adminis-
p. 997) et
|. _trateurs indépendants.
par deux lois successives.
Sur le terrain législatif, le thème de la governance a été entonné
ns directement inspirées des
. La loi NRE du 15 mai 2001 a introduit bon nombre de dispositio
tion et la transparence dans le
_ principes de la corporate governance en améliorant l'informa
rééquilib rant les pouvoirs en son sein. Par ailleurs, en réponse
fonctionnement de la SA et en
les marchés financiers suite
à la crise de confiance que connaissent depuis quelques années
s constaté es dans la gestion de certaines sociétés, a été adoptée la loi sécurité
aux déviance
à améliorer le contrôle des
financière du 1° août 2003 par laquelle le législateur a cherché
ence dans le fonction nement des sociétés.
comptes et à renforcer la transpar
245
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
246
LA SOCIÉTÉ ANONYME
que l'intéressé est devenu actionnaire (V. par exemple, CA Paris 10 juin 2005 ; BRDA 21/05,
|
n° 4 : JCP E 2005, 1834, n° 6, obs. J.-J. Caussan, Fl. Degoissy et G. WiCKER). ||
Le prêt de consommation d'actions suscite plusieurs interrogations.
a) Des actions peuvent-elles faire l'objet d'un prêt de consommation ? |
Si les actions sont des biens fongibles en ce qu'elles confèrent à leur titulaire des droits
identiques et sont interchangeables (V. infra, n° 915), elles ne sont pas pour autant des
choses consomptibles. Selon le vocabulaire juridique Capitant, une chose consomptible est
|
une chose dont on ne peut faire usage sans la détruire (boissons, denrées) ou l'aliéner (mon-
haie), ce qui n'est évidemment pas le cas des actions. Faut-il en déduire que le prêt de
||
4
consommation d'actions est impossible ? Rien n'est moins sûr puisqu'il est admis, tant par la
doctrine que par la jurisprudence, que la volonté de l'homme puisse remédier à l'état naturel
des choses (F. Couarp-Dunueut et Ph. Deursecour, Contrats civils et commerciaux, Dalloz,
7e éd., n° 622). Rien n'interdit donc de conclure un prêt de consommation ayant pour objet
des actions. Cette possibilité a au demeurant été reconnue par une réponse ministérielle |
(Rép. ke n° 26584 à M. Ph. Mar : JO Sénat, 26 oct. 2000, p. 3710; Bull. Joly 2000, i
p. 1191). !
|
b) Le prêt de consommation d'actions est-il une convention interdite au sens )
de l'article L. 225-43 du Code de commerce ? |
Certaines conventions passées entre la SA et ses dirigeants sont interdites en ce qu'elles ;
1
présentent un risque majeur pour le patrimoine social (V. infra, n° 589 et s.). Il est ainsi |
interdit « aux administrateurs autres que les personnes morales de contracter, sous quelque
forme que ce soit, des emprunts auprès de la société ». Cette disposition s'applique-t-elle ||
à l'administrateur personne physique qui se fait consentir un prêt de titres par la SA pour
devenir administrateur d'une filiale ? Si la lettre de l’article semble postuler une réponse
à une
positive — «sous quelque forme que ce soit » —, l'analyse de son esprit conduit ;
réponse moins catégorique : le but de la règle est d'interdire les prêts d'argent
prohiber sans nuance tous les emprunts auprès de celle-ci, spécialement ceux qui,
et non de
tel le |
;
|
;
prêt de consommation d'actions, peuvent être conformes à l'intérêt social. Aussi est-il
logique d'écarter l'application de l'article L. 225-43, réserve faite de l'hypothèse dans
Rép. min.
laquelle le prêt de consommation dissimulerait un prêt d'argent (en ce sens,
n° 26584 à M. Ph. Mari : JO Sénat, 26 oct. 2000, p. 3710; Bull. Joly 2000, p.
1191).
|
|
il peut
Reste que, si le prêt de consommation d'actions n'est pas une convention interdite,
son caractère
s'agir d'une convention réglementée soumise à autorisation, sauf à accepter
courant (V. infra, n°5 593 et s.). !
res ?
c) Le prêt de consommation d'actions peut-il contrevenir à un pacte d'actionnai
qu'un pacte d'actionnai res stipule que toute cession impose au cédant d'infor-
Supposons
préemption et que
mer les autres actionnaires afin de leur permettre d'exercer leur droit de
l'un des signataires consente un prêt d'actions à un tiers pour lui permettre
d'accéder au
? Oui car
|
conseil d'administration : le prêt déclenche-t-il l'application du droit de préemption
|
2002 : Juris-data
le prêt emporte cession des actions prêtées (en ce sens : CA Paris, 2 juill.
pour exclure les prêts
n° 2002-190681). D'où l'intérêt d'aménager le pacte d'actionnaires
aux administrateurs du champ du droit de préemption . !
5. Ordre du jour du conseil d'administration :
l'abus des questions diverses est déconseillé
l'ordre du jour (V. supra,
524. — La convocation du conseil d'administration doit indiquer
n° 508). Réserve faite de la révocation du président et du directeur
général qui peut intervenir |
_ à tout moment en application
l'absence d'inscription d'une
de la théorie dite des incidents de séance (V. infra, n° 675),
délibérat ion à l'ordre du jour est un cas de nullité. Si l'on conçoit
e une question délicate en
||
que l'auteur de la convocation soit tenté de ne pas faire apparaîtr
||
toutefois d'user de cette pra-
réservant son étude au titre des questions diverses, il convient
p. 821, note P. Le CAN).
tique avec modération (Cass. com., 3 mai 2000 : Bull. Joly 2000,
la convocat ion ne mentionn ait pas l'existenc e d'une délibération portant sur une
En l'espèce,
l'ordre du jour intitulé « ques-
convention réglementée qui avait été incluse dans le point de
tions diverses ». La Cour de cassation a estimé que la cour
la délibération. On retiendra de cette décision que l'autorisa
être expressé ment mentionn ée dans l'ordre du
d'appel avait à bon droit annulé
tion d’une convention réglemen-
jour. En fait, les questions diverses
|
tée doit
présenter qu'une minime importan ce », ainsi que le prévoit l’article R. 225-66
«ne doivent
|
AN
ro
247
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
du Code de commerce à propos des assemblées d'actionnaires (V. infra, n° 690). La transpa-
rence et la bonne information des administrateurs sont à ce prix.
6. La fin d'un tabou : la divulgation des rémunérations
des dirigeants de SA
525. — À la différence des Américains, toujours ravis de claironner le niveau de leur
rémunération, manifestation supposée de leur réussite sociale, les Français en gardent
jalousement le secret. Même si la Cour de cassation a jugé à propos d’un homme d'affaires
que « le respect dû à la vie privée de chacun n'est pas atteint par la publication de rensei-
gnements d'ordre patrimonial ne comportant. aucune allusion à la vie et à la personnalité
de l'intéressé » (Cass. 1" civ. 28 mai 1991 : D. 1992, p. 213, note P. Kaiser), il ressort
du dernier état de la jurisprudence qu'une information patrimoniale est une information
personnelle protégée au titre du respect au droit de la vie privée (FI. Degoissy et J.-Ch. Sainr-
Pau, La divulgation d'une information patrimoniale (à propos de l'affaire Calvet) : D. 2000,
- 207.
è Conformément au droit commun, le droit des sociétés a longtemps garanti le caractère
confidentiel des rémunérations octroyées aux dirigeants.
La loi du 26 juillet 2005 a marqué un progrès sensible. Aujourd'hui la situation est la
suivante. D'un côté, en application de l'article L. 225-115, 4, tout actionnaire peut obtenir
communication du montant global, certifié exact par les commissaires aux comptes, des
rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées, le nombre de ces personnes
étant de dix ou de cinq selon que l'effectif du personnel excède ou non deux cents salariés. D
C'est bien d'information globale qu'il s'agit et la rémunération individuelle des dix ou cinq
personnes n'est pas identifiée.
D'un autre côté, mais s'agissant seulement des sociétés cotées, l'article L. 225-102-1 exige
de mentionner dans le rapport de gestion délivré aux actionnaires lors de l'assemblée annuelle
là rémunération totale, ainsi que les avantages de toute nature versés par la société, durant
l'exercice écoulé, à chacun des mandataires sociaux (directeur général, membres du conseil
d'administration, etc.). En outre, l'obligation de transparence s'étend aux rémunérations et
avantages procurés par les sociétés contrôlées par celle dans laquelle le mandat est exercé
(salaire reçu d'une filiale) ou par la société contrôlant cette dernière (par exemple, apparte-
ment mis à disposition par la société-mère).
Le rapport doit décrire les éléments fixes, variables et exceptionnels composant les rému-
nérations et avantages, ainsi que les critères de calcul, tels les paramètres de détermination
d'un éventuel bonus ; le même rapport mentionne également l'existence et le montant des
engagements pris par la société au bénéfice de ses mandataires sociaux, et correspondant
à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages susceptibles d'être dus
à la cessation des fonctions, ce qui couvre les « parachutes dorés » (V. infra, n° 539. -
V. aussi, infra, n° 1415, à propos du « management package ») (C. com., art. L. 225-
102-2, al. 3).
Voici un exemple d'information tiré du rapport annuel 2005 d'une importante société
industrielle française :
«En 2005, nos mandataires sociaux étaient : À (Président), B (Directeur général),
€ et D
(Directeurs généraux délégués). L'éur rémunération était composée d'une partie fixe et d’une
partie variable qui peut atteindre au maximum pour le Président 80 %, pour le
Directeur
général 160 % et pour les Directeurs généraux délégués 120 % de la partie fixe.
La partie variable est fixée en fonction, d'une part, pour environ les deux tiers
pour le
Président et les trois quarts pour le Directeur général et les Directeurs généraux
délégués, des
résultats financiers du Groupe, comparés à des objectifs fixés en début d'année
et d'autre
part, pour environ un tiers pour le Président et le quart pour le Directeur
général et les
Directeurs généraux délégués, de l'appréciation de la performance individuelle
des intéressés
au cours de l'année.
Pour 2005, les critères financiers utilisés pour la partie variable étaient
: l'augmentation
de l’EVA (Economic Value Added) qui traduit la rentabilité du capital utilisé
par l'entreprise,
l'accroissement du résultat par action et l'évolution de la rentabilité
des actifs de [la société]
comparée à celle de ses concurrents. La partie individuelle est notammen
t déterminée par
référence à des objectifs personnels fixés en début d'année, portant sur
les principales actions
attendues. :
Les résultats obtenus en 2005 ont été moyens sur le critère de l'EVA,
faibles sur le critère
du résultat par action et moyens sur l'évolution de la rentabilité
de [la société] comparée à
celle de ses concurrents.
:
RO
D
US
ENTER
248
LA SOCIÉTÉ ANONYME
La rémunération individuelle brute des mandataires sociaux, au titre des années 2005 et
2004 est la suivante :
Milliers d'euros A B C D
Rémunération fixe versée en 2005 875 825 510 490
Dont avantages en nature 52 3,5 5,0 4,8
Rémunération variable due au titre de 2005 433 734 340 27 |
(versée en 2006) |
Jetons de présence 2005 (versés en 2006) 5,2 26,9 N/A 12,6 |
Total au titre de 2005 1 333 1 586 850 830 i
RE
A. - La nomination
com.
527. - Le président est nommé par le conseil d'administration (C.
art. L. 225-47). Il doit remplir différentes conditions :
— être une personne physique (C. com., art. L. 225-47) ;
à cette
- ne pas être âgé de plus de 65 ans, mais les statuts peuvent déroger
condition d'âge (C. com. art. L. 225-48) ;
ire (C. com.,
_ être membre du conseil d'administration et, partant, actionna
art. L. 225-47) ;
(V. supra,
— respecter les règles de cumul applicables aux administrateurs
er plus de cinq mandats
n° 501) ;il n’est donc pas possible en principe d'exerc de
ur général , il est astreint aux règles
de président; s’il est en plus directe
cumul applicables à cette fonctio n (V. infra, n° 546).
B. — Le statut
1° Le statut juridique
a) La rémunération
rémunération du
528. — La loi précise que c’est au conseil de déterminer la
Ce qui est dit à propos de la
président (C. com., art. L. 225-47, al. 1°). la décision du
l vaut pour le présid ent :
rémunération du directeur généra
entées la compétence
;
conseil ne relève pas du champ des conventions réglem
du conseil est exclusive et préalable (V. infra, n° 54).
ur, il reçoit de la
Puisque le président est nécessairement administrate
ls il faut ajouter ceux
société des jetons de présence (V. supra, n° 514), auxque
249
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
250
LA SOCIÉTÉ ANONYME
251
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
252
LA SOCIÉTÉ ANONYME
b) L'indemnisation conventionnelle
1) Les aspects juridiques
539. — La révocation du dirigeant — sauf caractère abusif — ne donne lieu à
aucune indemnisation ; il n’y a pas d’indemnité légale de révocation. Mais il
peut y avoir une indemnité conventionnelle, appelée parfois « parachute
doré » (golden parachute) (34). Elle pose trois questions.
540. — Quelle procédure ? Pareille indemnisation est quelquefois un élément
du statut du dirigeant, défini dès son entrée en fonctions, par exemple par la
résolution du conseil d'administration le nommant, ou ultérieurement. Lorsque
le dirigeant est en même temps salarié, il n’est pas rare que sa protection soit
organisée à l'échelon du contrat de travail : prévision d’un préavis de plusieurs
mois, indemnité contractuelle de licenciement, etc. Quel que soit l’instrumen-
tum, l'aspect conventionnel est indéniable, ce qui oblige à la soumettre à la pro-
cédure des conventions réglementées (V. infra, n° 596). Certes, la détermination
du salaire du dirigeant, par son caractère unilatéral, échappe à cette procédure
(V. supra, n° 528), mais la prévision d’une indemnisation n'est pas à proprement
parler un élément du salaire. Au surplus, l'observation de cette procédure a
deux vertus : révéler l'existence de la promesse d'indemnisation aux action-
naires et permettre au commissaire aux comptes de formuler un avis.
S'agissant des sociétés cotées, la loi du 26 juillet 2005 a confirmé l’assujettis-
sement à la procédure des conventions réglementées des engagements pris
au bénéfice des présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux
délégués, par la société qu'ils dirigent, ou la filiale ou la société-mère de cel-
le-ci, et correspondant à « des éléments de rémunération, des indemnités ou
des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du
changement des fonctions » (C. com. art. L. 225-42-1) (35). Cela couvre par
exemple les indemnités de révocation — entre dix-huit mois et trois ans le plus
souvent -, les compléments de retraite (V. infra, n° 564), les avantages en
nature (automobile, secrétariat.…..).
De tels engagements sont donc nécessairement soumis à autorisation préa-
lable du conseil d'administration et à ratification par l'assemblée générale des
actionnaires. Ils ne peuvent pas bénéficier du régime des conventions cou-
sur
rantes. L'absence de ratification par les actionnaires est sans conséquence
ment, étant observé que les conséque nces préjudici ables
la validité de l'engage
600).
pour la société peuvent être mises à la charge de l'intéressé (V. infra, n°
de mai 2007, le gouvern ement a mis
À la suite de l'élection présidentielle
loi visant à encadrer davanta ge la pratique des para-
à l'étude un projet de
d’objec-
chutes dorés, en exigeant que le versement dépende de la satisfaction ue
tifs de performance et que le paiement fasse l’objet d’une décision spécifiq
du conseil d'administration.
de la conformité
541. — Quelle validité ? La question la plus délicate est celle
de la libre révocab ilité des mandat aires sociaux.
de l'indemnité au principe
avoir atteint
Pendant longtemps, la jurisprudence a été hostile, mais elle paraît
ion n’est pas en soi illicite,
un point d'équilibre : la promesse d'indemnisat aires
a pour effet de dissuad er les actionn
mais elle peut le devenir si elle
donc affaire de montant
d'exercer leur libre droit de révocation (36). Tout est
conventionnelles de départ des dirigeants :
(34) J. Ei Axoao, Les parachutes dorés et autres indemnités
#
Rev. sociétés 2004, p. 18.
V. À. VianIER, La soumissi on des indemnit és de départ des dirigeants sociaux à la procédure des
(35) à
conventions réglementées : JCP E, 2005, 1585. é dissuasive, car égale à la
2004 : JCP E 2004, 1344, n. A. Vianoer : indemnit
(36) Cass. com. 26 mai
moitié du bénéfice annuel de la société.
253
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 3. — Le directeur général
et les directeurs généraux délégués
544. — Le directeur général est à la fois le chef d'entreprise et le représen-
tant légal de la société : c'est le vrai patron de la société. Il peut de surcroît
(37) Cass. com., 14 déc. 2004 : R/DA 2005, n° 406; JCP E 2005, 1834, n° 5, Obs. J.-J. CAUssAIN,
Fl. Desoissy et G. Wicker : l'ancien président de la société Elf bénéficiait
d'un secrétariat, d'une automobile
et d'un chauffeur en contrepartie de l'assistance et de l'expérience qu'il était
appelé à apporter :ces avan-
tages lui furent retirés au motif des diverses procédures liées à ce que l'on
désigne pudiquement l'affaire
Elf; l'intéressé demanda le rétablissement des avantages ; il fut débouté
en considération du fait que ces
procédures étaient exclusives du lien de confiance conditionnant la fourniture
de ladite assistance.
(38) CE, 9 avr. 1999 : ATD com. 2000, p. 214, obs. FI. DeBoissy (déductibil
ité de l'indemnité versée au
P.DG révoqué au motif que le versement a eu pour but de permettre
à la société, en gardant l'ancien
dirigeant à son service comme directeur commercial, de conserver la clientèle
attachée à la famille et d'éviter
tout litige susceptible de résulter de la baisse de sa rémunération)
254
LA SOCIÉTÉ ANONYME
présider le conseil d'administration lorsque les deux fonctions n’ont pas été
dissociées (V. supra, n° 495).
545. — Directeur général, directeur général délégué, directeur général
unique et directeur technique : gare aux confusions.
A. - La nomination
B. — Le statut
1° Le statut juridique
a) La difficulté de qualification
catalogue des
547. — Il n’est pas facile de situer le directeur général dans le
tions. Il est avéré
classifications juridiques, à moins de procéder par élimina es pré-
qu’il en possèd e certain
qu'il n’a pas la qualité de commerçant, encore tribuna l
chambr e de commer ce et au
rogatives (il est électeur et éligible à la en cas
en subisse certain es servitu des : ainsi,
de commerce), et surtout qu'il
société, il est exposé à
de redressement ou de liquidation judiciaires de la
certaines sanctions (V. supra, n° 302 et s.).
fonctions, la qualité
Il est également certain qu'il n'a pas, à raison de ses
d'auc une des mesur es de protection offertes
de salarié : il ne bénéficie donc
255
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(39) Cass. com., 3 mars 1987 : Rev. sociétés 1987, p. 266, note Y. Guyon.
(40) Cass. com., 11 oct. 2005 : JCP E, 2005, 1796, n. H. Hovasse
: JCP E 2005, 1834, n° 4, obs.
J.-J. Caussan, Fl. DeBoissy et G. Wicker : Un comité ad hoc avait
attribué un complément de retraite au
président du conseil d'administration, sans qu'il y ait eu délibération de cette
instance ; l'irrégularité commise
justifie le refus de la société de verser le complément de retraite.
256
LA SOCIÉTÉ ANONYME
A. Picann-L'AMÉREC, L'autorémunération du
(41) Cass. com., 15 déc. 1987 : Bull. Joly 1988, p. 80. — V.
tration : Bull. Joly 1988, p. 319.
président du conseil d'adminis M. Heis. — CE, 6 avr. 2001 :
comm. 124, concl.
(42) CAA Bordeaux, 10 avr. 2001 : Dr fisc. 2002, n° 7,
Dr. fisc. 2002, n° 526.
257
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(43) CA Dijon, 28 nov. 2003 : Dr. sociétés, mars 2004, n° 47, obs. J.
Monner (inopposabilité à la société
d'un bail signé par le directeur des ventes, simple préposé)
(44) Cass. soc., 29 janv. 1992 : RIDA 1992, p. 272 : la subordination
est notamment induite du fait que
le directeur général avait reçu des « avertissements » pour absences injustifiées
.
258
LA SOCIÉTÉ ANONYME
259
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
ANS
st
1. Le dirigeant bénévole
560. — Les fonctions de dirigeant peuvent être gratuites : même bénévoles, ils n‘en doi-
vent pas moins être vigilants, car la gratuité n'emporte pas l'irresponsabilité. Ni le repentir
d'ailleurs : un président n'avait jamais demandé de rémunération : au moment de la liquida-
tion amiable de la société, il réclame 128 000 € au motif que toute prestation de travail
mérite salaire ; cette prétention est écartée au motif de l’inapplication des règles du droit du
travail aux mandataires sociaux (Cass. com., 12 janv. 1993 : Bull. Joly 1993, p. 338, note esse
Y. CHAPUT).
D'une façon générale, faute de rémunération, le dirigeant n‘exerce pas d'activité profes-
Sionnelle, ce qui entraîne d'importantes conséquences tant sur le terrain social que fiscal : à
défaut de rémunération, le dirigeant bénévole d'une SA ne peut pas être affilié au régime
général de sécurité sociale des salariés (Cass. ch. réunies, 24 juin 1966 : Rev. sociétés 1967,
p. 136); il ne relève pas pour autant du régime des non-salariés : il ne bénéficie donc d’au-
cune couverture sociale.
Sur un autre plan, les dirigeants condamnés à combler le passif social peuvent, sous
certaines conditions, considérer les sommes ainsi versées comme une charge déductible de
leurs rémunérations imposables (V. supra, n° 297); encore faut-il qu'il y ait rémunération,
car il n'y a de charge déductible que là où il y a revenu imposable : un P-DG qui avait accepté
son mandat sans rémunération l'a appris à ses dépens (CE, 18 févr. 1985 : JŒE 1985, Il,
14526, concl. de Guitenschmir et note C. Davo). La solution est identique pour le dirigeant
bénévole s'étant porté caution de sa société : faute de revenu, la somme versée au créancier
suite à la mise en œuvre du cautionnement n’est pas déductible (CE, 26 nov. 1999 : RJF
172000, n° 50 ; RTD com. 3/2000, p. 752, obs. FI. DeBoissv).
Les biens professionnels sont exonérés de l'impôt de solidarité sur la fortune; sous cer-
taines conditions, l’exonération est étendue aux droits sociaux dont sont titulaires les diri-
geants de société ; mais la loi a précisé que les dirigeants bénévoles ou peu rémunérés ne
sauraient bénéficier d'une telle exonération (V. supra, n° 57).
Bref, le bénévolat est excessivement coûteux pour celui qui s'y livre.
2. Le dirigeant surpayé
561. — Pour les dirigeants rémunérés, il n'y a ni plancher ni plafond à respecter. Ils ont
droit à une « juste rémunération », précepte moral qui a les mêmes vertus d'ambiguïté que
la notion de « juste prix ». Il est légitime qu'un haut niveau de rémunération récompense
talents et résultats ; en revanche, si les résultats se dégradent et que la situation
financière
devient critique, il serait inconvenant d'octroyer aux dirigeants de substantielles augmenta-
tions (indexées sur les déficits ?).
Périodiquement, les esprits s'enflamment, et pas seulement en France, devant
le niveau
de rémunération des dirigeants des très grandes entreprises. L'AFEP et le MEDEF
ont tenté
d'allumer un contre-feu en janvier 2007 en publiant des Recommandations sur
la rémunéra-
tion des dirigeants mandataires sociaux de sociétés cotées : à côté de divers conseils
de procé-
dure, on y trouve des remarques inodores du genre : « la rémunération
des dirigeants de
l'entreprise doit être mesurée, équilibrée, équitable et renforcer la solidarité
et la motivation
à l'intérieur de l’entreprise » (Recommandations, p. 4). De telles formules,
tout aussi lisses
que creuses, font irrésistiblement penser au fameux « à consommer avec
modération » qui
orne les bouteilles de vin et dont on connaît l'efficacité en matière de lutte contre
l'alcoolisme.
Des solutions plus énergiques seront donc nécessaires à l'image de ce qui
se pratique dans
D
SU
260
LA SOCIÉTÉ ANONYME
certains pays : vote indicatif des actionnaires sur la rémunération, fixation d’un plafond de
rémunération par l'assemblée. C'est le prochain scandale qui les rendra nécessaires.
Cependant, des moyens existent d'ores et déjà pour discipliner les appétits financiers des
trop gourmands, en droit des sociétés et en droit fiscal.
a) En droit des sociétés
Les minoritaires peuvent demander l'annulation de la délibération du conseil d'administra-
tion pour abus de majorité (CA Paris, 30 mars 1977 : Rev. sociétés 1977, n° 3, p. 470, note
LAS le dirigeant s'est octroyé irrégulièrement des augmentations de salaire qui ont mis la
société en difficulté, celle-ci peut demander réparation du préjudice subi (CA Paris, 11 oct.
1988 : Bull. Joly 1988, p. 920). Dans les cas les plus graves, les dirigeants peuvent être
condamnés pour abus de biens sociaux (Cass. crim., 13 déc. 1988 : Rev. sociétés 1989,
p. 257, note B. Bouioc : dirigeant de fait dont la rémunération représentait près du tiers de
la marge brute et près de la moitié des frais généraux. — Cass. crim. 22 sept. 2004 : Rev.
sociétés 2005, p. 200, note B. BouLoc : dirigeant d'une société connaissant de graves difficul-
tés, dont la rémunération variait en fonction du chiffre d'affaires, et émettant des factures
fictives de manière à augmenter artificiellement le chiffre d'affaires et donc sa rémunération).
b) En droit fiscal
C'est le fisc qui est le censeur le plus vigilant, s'appuyant sur l'article 39-1-1° du Code
RS
R
général des impôts, qui dispose que « les rémunérations ne sont admises en déduction des
résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas
excessives eu égard à l'importance du service rendu ». Cette police fiscale des rémunéra-
ou
tions suscite querelles, indignations et contentieux. Dans les grandes sociétés, privées
publiques, le fisc se garde de remettre en cause les rémunérations, même élevées, allouées
Son
aux dirigeants, car elles reflètent généralement l'état du «marché des dirigeants ».
s'exerce en fait essentiellemen t à l'encontre des dirigeants de sociétés familiales ;
contrôle
du capital, ils déterminent plus ou moins généreusemen t le montant
possédant la majorité
de la
de leur rémunération, d'où des abus possibles. En tout état de cause, le montant
effectivement
rémunération doit être apprécié au cas par cas en tenant compte des services
S. AusTRy ; RJF
rendus à la société (CE, 23 janv. 2002 : Dr. fisc. 2002, comm. 382, concl.
PE
4/2003, n° 378).
de la société.
La rémunération jugée excessive est réintégrée dans les résultats imposables
salaires, mais selon
Quant au dirigeant, il est imposé sur ce montant, non selon le régime des
dirigeant atteint la
celui des distributions irrégulières de bénéfices (CGI, art. 111-d); si le
de l'impôt sur le revenu, le fisc empoche, en additionna nt le supplément
tranche maximale
t d'impôt sur le revenu, une grande partie du montant
d'impôt sur les sociétés et le supplémen
.
de la rémunération excessive, laquelle se trouve quasiment confisquée
ions excessives est
Dans les petites et moyennes sociétés, le phénomène des rémunérat
part un héritage du passé en raison de l'attrait qu'exerça it le statut fiscal et
_pour une large rémunéré sous
ui, au-delà d’un certain plafond, mieux vaut être
social des salariés:aujourd’h
forme de dividendes plutôt que par des salaires.
3. Le dirigeant sous-payé
car ils n'ont pas la qualité
562. — Le SMIC n'est pas applicable aux dirigeants de société
que l'URSSAF ne saurait calculer les
de salariés au regard du droit du travail. On en conclut
social des salariés sur une base au
cotisations dues par un dirigeant bénéficiant du régime
lorsque la rémunéra tion réelleme nt perçue est inférieure (Cass. soc.,
moins égale au SMIC
28 mars 1984 : Bull. civ. V, n° 129, p. 100).
tion, inférieure au SMIC,
Si certains dirigeants se satisfont d'une modeste rémunéra
, à l'unisson de leurs salariés, réclamen t une revaloris ation régulière, parfois substan-
d'autres
lorsque « l'autorité de tutelle » (le
tielle, de leurs appointements. Comment régler le conflit oreille
dans la SARL) fait la sourde
conseil d'administration dans la SA, l'assemblée générale
aux « légitimes revendications » du dirigeant ?
à lui-même et décider unilatérale-
Une chose est sûre : le dirigeant ne peut se faire justice
— même raisonn able — de sa rémunér ation. C'est l'occasion de rappe-
ment une augmentation
des organes sociaux : un organe ne saurait s'arroger
ler le principe de hiérarchie n° 571). Le dirigeant qui
organe (V. infra,
une prérogative que la loi réserve à un autre
ce principe encourt une double sanction : sur le plan civil, il sera tenu de restituer la
enfreint
il risque une condamnation pour abus de
rémunération indüment perçue ;sur le plan pénal,
biens sociaux (Cass. crim., 15 juill. 1981 : Bull. Joly 1981, p. 840).
A
261
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Reste le recours aux tribunaux. Mais ceux-ci sont-ils compétents pour arbitrer la juste
rémunération à laquelle peuvent prétendre les dirigeants ? Tout dépend des circonstances.
Par principe, les tribunaux, qui se gardent de toute immixtion dans le fonctionnement des
organes sociaux, n'ont pas le pouvoir de modifier la rémunération allouée aux dirigeants
dès lors qu'il n'est pas établi que la décision est irrégulière ou abusive (V. infra, n° 1018).
À contrario, les juges retiennent leur compétence en cas d'irrégularité ou d'abus. En voici un
exemple concernant un gérant de SARL, mais la solution vaudrait de la même façon pour un
dirigeant de SA. Une SARL, exploitant une supérette, est contrôlée à égalité par deux familles :
M. H (le gérant) et son épouse (50 % des parts), M. T et sa fille (50 % des parts) ; les statuts
prévoient que le gérant recevra à titre de rémunération de son travail et en compensation de
la responsabilité attachée à la gestion un traitement, comportant une partie fixe et une partie
proportionnelle. Les résultats de la supérette progressant de façon satisfaisante, M. H réclame
une actualisation de sa rémunération. Qu'il puisse ou non participer au vote sur sa rémunéra-
tion (sur ce débat, V. infra, n° 1017), sa demande n’a aucune chance d'aboutir en raison de
l'obstruction du clan T. I! obtient en fin de compte satisfaction devant les tribunaux qui
tranchent dans le vif après avoir désigné un expert (CA Versailles, 20 sept. 1990 : Rev. sociétés
1991, p. 80, note CI. Rocca).
4. Le dirigeant chômeur
563. — Les salariés bénéficient d'une assurance-chômage, mais non les dirigeants de
société, même s'ils sont affiliés en tant que tels au régime général de Sécurité sociale : il n'en
Va autrement qu'en cas de cumul d'un contrat de travail et encore les ASSEDIC exercent-elles
un contrôle vigilant sur ce point. Le dirigeant titulaire d'un contrat de travail qui tient à être ment
S
rassuré sur sa couverture sociale peut prendre les devants et demander à l'ASSEDIC de se
prononcer sur la validité du cumul de fonctions (Rép. à M. Gourmelon : JOAN, 27 avr. 1992,
p. 1986) ; une réponse positive le met à l'abri de toute contestation ultérieure en matière
d'AGS ou d'allocation de chômage.
Il n'est pas rare de voir des dirigeants inscrits à l'ANPE, soit que la société ait déposé le
bilan, soit qu'ils aient été révoqués. À défaut de protection légale, les syndicats patronaux
ont mis sur pied un régime volontaire d'assurance-chômage.
5. Le dirigeant pensionné
564. — Le dirigeant qui prend sa retraite a droit aux mêmes pensions de retraite que les
salariés (régime général, régime des cadres..….). Cela ne représente pas le niveau antérieur
de rémunération. D'où la pratique de certaines sociétés d’allouer aux anciens dirigeants un
complément de retraite, réversible le plus souvent sur la tête du conjoint survivant. Cette
pratique suscite un abondant contentieux (A. CHarvérar, Attribution d’une retraite à un airi-
geant : RIDA 1992, p. 439).
On s'accorde en général à voir dans la pension un complément où un substitut de la
rémunération du dirigeant, d'où la compétence du conseil d'administration quant à son
attri-
bution (V. supra, n° 549). Ceci explique que la Cour de cassation fasse échapper l'octroi
de la
pension, présentée comme un complément de rémunération, à la procédure des conventions
réglementées prévue à l’article L. 225-38 du Code de commerce (V. infra, n° 595) :
encore
faut-il que la société ne soit pas cotée (V. supra, n° 539) et que la pension réponde
aux trois
conditions suivantes (Cass. com., 3 mars 1987 : Rev. sociétés 1987, p. 266,
note Y. Guyon:
Cass. com., 10 févr. 1998 : Bull. Joly 1998, p. 521, note P. Le CANNU) :
— être justifiée par les services rendus à la société pendant l'exercice des fonctions
:
— être proportionnée à ces services :
— ne pas constituer une charge excessive pour la société.
Lorsque ces conditions sont remplies, la compétence du conseil d'administration
est exclu-
sive et il n'est pas du pouvoir de l'assemblée générale d'annuler la décision qui
a été régulière-
ment prise (Cass. com., 22 janv. 1991 : Rev. sociétés 1992, p. 61,
note J.-P. Lecros). Parce
qu'il doit faire l'objet d'une décision du conseil d'administration, l'octroi
d'un complément
de retraite ne peut pas résulter d’une ratification implicite par le conseil
(Cass. com., 27 févr.
2001 : Bull. Joly 2001, p. 631, note M. Srorck. — Cass. Com, 11 ot 2005 : JCP E 2005,
1796, note H. Hovasse ; JCP E 2005, 1834, n° 4, obs. J.-J. CaussAI, Fi.
Desoissy et G. Wicker).
Également, le conseil d'administration est seul compétent pour
supprimer une pension via-
gère réversible attribuée à un ancien président lorsque celle-ci constitue
une charge excessive
eu égard aux difficultés économiques rencontrées par la société
(Cass. com., 24 oct. 2000 :
JCP E 2001, p. 37, note Y. Guyon). L'ex-dirigeant ne peut se prévaloir
d'aucune rente de
situation : sa situation est marquée du sceau de la précarité.
-
D
D
DD
AOO
262
LA SOCIÉTÉ ANONYME
En revanche, si les conditions exposées plus haut ne sont pas remplies ou si la société est
cotée (C. com. art. L'225-42-1 et L. 225-90-1), la pension est analysée comme une indemnité
exceptionnelle, devant être soumise à la procédure des conventions réglementées de l'ar-
ticle L. 225-38, puisque détachée de la rémunération normale du dirigeant (Rappr. Cass.
com. 7 juil. 2004 : BRDA 17/04, n° 2). La procédure des conventions réglementées s'applique
pareillement lorsque le dirigeant bénéficiant d'un contrat de travail se fait octroyer un complé-
ment de retraite (V. supra, n° 551). Ce formalisme de départ constitue une garantie appré-
ciable pour le dirigeant puisque, dans ces deux hypothèses, le conseil d'administration ne
peut pas décider seul la suppression de la pension de retraite ; une délibération d'assemblée
est nécessaire pour mettre fin aux versements.
Quant au fisc, il est particulièrement intransigeant et ne reconnaît la légitimité de la pen-
sion que si elle a la nature d’une aide justifiée par l'état de besoin de l'ancien dirigeant et
fondée sur une sorte d'obligation naturelle d'assistance alimentaire à la charge de la société
(CE, 15 févr. 2002 : /CP E 2002, p. 602 ; R/F 5/2002, n° 479); autrement dit, il faudrait
».…..;
supposer que l'ancien dirigeant, devenu clochard, en soit réduit à «faire la manche
hors de là, la pension est considérée comme anormale (référence obligée à la théorie de
l'acte anormal de gestion, V. supra, n° 377) et ne saurait venir en déduction du bénéfice
imposable pour le calcul de l'impôt sur les sociétés.
En matière d'impôt sur la fortune, le dirigeant qui part en retraite perd le bénéfice de
l'exonération à raison de sa participation dans le capital social. Deux solutions sont envisa-
geables. Il suffit de dissocier les fonctions de présidence et de direction générale et de confier
et
la seule présidence à l'ancien P-DG ou de transformer la société en SA de type nouveau
de le désigner comme président du conseil de surveillance (V. supra, n° 61).
6. Le dirigeant amoureux
des
565. — Cherchez la femme... ; l'invitation, politiquement incorrecte, vaut en droit
d’une secré-
sociétés comme ailleurs. Voici une affaire pittoresque dans laquelle les charmes
de son
taire ont entraîné une grave crise sociale ; le président d'une SA devient amoureux
; la société est
assistante et licencie le mari encombrant, employé dans la même entreprise
; pour empêcher
condamnée à verser au mari de lourdes indemnités pour licenciement abusif
les minoritaires
le président de se livrer à d’autres extravagances ruineuses pour la société,
25 sept. 1969:
obtiennent la nomination en justice d'un administrateur provisoire (CA Rouen,
président ne puisse
JCP 1970, 16219, note Y. Guyon). On aurait tort d'en conclure que le
ne troublent
être amoureux : il peut l'être, et on lui souhaite, à condition que ses pulsions
pas la paix sociale.
d'être amoureux. En
D'autres désagréments peuvent survenir lorsque le dirigeant cesse
les fonctions de gérant
voici une illustration : dans une petite SARL familiale, le mari exerce
en tant que salariée
majoritaire, tandis que son épouse, associée minoritaire, le seconde
une guérilla judiciaire : demande de dissolutio n de la société pour
Divorce. L'épouse lance
d'un administr ateur provisoire pour crise grave. Il y à
mésentente, demande de désignation
l'épouse-salariée; le
effectivement crise. L'époux-gérant y met fin à sa façon en licenciant
couple rendant impossible
licenciement n'est pas considéré comme abusif, le dissentiment du
du contrat de travail dans une entreprise de petite taille nécessitant de bonnes
la continuation
appelées à collaborer constamm ent (CA Aix-en-Provence,
relations entre deux personnes
3 janv. 1990 : Dr. sociétés, janv. 1991, p. 4)...
procédure de divorce
Dans le même désordre d'idées, il a été jugé que l'existence d’une
et son épouse associée constituai t un juste motif de révocation du gérant (CA
entre le gérant
Rouen, 13 juin 1991 : Juris-Data n° 050351).
7. Le dirigeant démissionnaire
de la démission des dirigeants.
566. - Le Code de commerce est discret sur la question
imposent un minimum de précautions, l'institution d'un
Raison de plus pour que les statuts
x se réfèrent aux règles du
délai de préavis notamment. En cas de contentieux, les tribunau
Or, l'article 2007 du Code civil dispose que « le mandataire peut renoncer au mandat
mandat.
discrétionnaire qui n'a pas à
en notifiant au mandant sa renonciation ». Il s'agit d'un droit
de ce principe, nul ne doit demeure r prisonnier de sa fonction.
être justifié ;en application ilité et pourrait être
engagera it sa responsab
Mais liberté ne signifie pas licence ; le dirigeant
é à des dommage s-intér êts si la démissio n intervenait à contretemps, dans des
condamn
la société. Un minimum de civilité est
conditions intempestives, où dans l'intention de nuire à
qui abandon ne son poste. L'existence d'un motif légitime
requis de la part du dirigeant
le respect de délais raisonna bles de préavis interdisent
(désaccord sur un point important) et
263
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
de qualifier là démission d'abusive (CA Paris, 12 mai 1993 : JCP E 1994, 331, n° 7, obs.
À. ViANDIER et J.-J, CAUSSAIN).
Le dirigeant démissionnaire ne saurait exiger des dommages-intérêts puisqu'il quitte la
société à sa seule initiative. Encore faut-il qu'il s'agisse d’une vraie démission et non d’une
révocation déguisée. On ne s'y trompe pas quand on dit d'un personnage qu'il a été « dérmis-
sionné ». Parfois, toutes les parties en présence sont d'accord pour camoufler la révocation
sous la forme moins infamante d'une démission, assortie le cas échéant d’une confortable
indemnité. Dans d'autres cas, les maîtres de l'affaire s'emploient à forcer le dirigeant en place
à présenter sa démission, de façon à le priver de tout droit à indemnité : la démission équivaut
alors à une révocation ; un gérant de SARL « démissionné » de la sorte a pu obtenir des
dommages-intérêts pour révocation sans justes motifs (Cass. com., 30 mai 1980 : Bull. civ.
IV, n° 224, p. 181); de la même façon, le gérant qui a remis entre les mains de l'associé
majoritaire d'une SARL une lettre de démission signée en blanc pourra plaider, lorsque la
lettre cessera d'être blanche, qu'il a été l'objet d'une révocation abusive (V. infra, n° 1059).
Quant au dirigeant qui, de façon impulsive et sous le coup de l'émotion, donne sa démission,
est-il en droit de la reprendre ? La réponse est négative. Sauf stipulation contraire des statuts,
la démission produit tous ses effets dès lors qu'elle a été portée à la connaissance de la
société, aucune acceptation de cette dernière n'étant nécessaire. || s'ensuit que la démission
RER
NN
NN
NA
AN
NN
ne peut faire l'objet d'aucune rétractation, son auteur pouvant seulement en contester la
validité en démontrant que sa volonté n'a pas été libre et éclairée (Cass. com., 22 févr. 2005 :
JCP E 2005, 683, note J.-L. Navarro).
Vis-à-vis des tiers, la situation est différente et la démission ne leur est opposable que du
jour où les formalités de publicité sont effectuées (Cass. com., 28 nov. 1995 : R/DA 1996,
p. 362. — V. supra, n° 268). Aussi un administrateur démissionnaire est-il fondé à exiger en
justice que soit mentionné le caractère erroné de sa qualité d'administrateur sur tous les
documents sociaux, de même que la publication de la décision de justice dans un journal
d'annonces légales (CA Paris, 15 mars 2002 : JCP E 2003, 1639, n° 4, obs. J.-J. CAUSSAIN,
FI. Desoissy et G. Wicke).
8. Le dirigeant incompétent
567. — La compétence n'est pas une condition de nomination et n'importe qui, n'aurait-il
aucune notion de comptabilité, de droit ou de gestion, est autorisé à diriger une entreprise.
Il peut donc arriver que le dirigeant social soit incompétent.… et que l’on s’en aperçoive. Cela
entraîne diverses conséquences. Ainsi l'incapacité notoire d'un gérant de SARL — attestée par
les créanciers de l'entreprise, le propriétaire du local commercial, le comptable agréé... —
constitue un juste motif de révocation dispensant la société d'indemniser le dirigeant limogé ;
là cour d'appel ajoute même, ce qui est un mode d'appréciation insolite, que le bien-fondé
de la révocation s'est trouvé confirmé par la progression du chiffre d'affaires consécutive
au
congédiement de l'intéressé (CA Agen, 9 nov. 1989 : Cahiers de jurisprudence d'Aquitaine,
1990-1, n° 2632, p. 85, obs. P. Le CanNU). Pareillement, un gérant qui travaillerait en
dilettante
pourrait être révoqué sans indemnisation (Cass. com., 22 oct. 2002 : Bull Joly 2003, p. 182,
Obs. G. BaRANGER ; preuve non rapportée en l'espèce).
Autre incidence éventuelle de l'incompétence : la condamnation du dirigeant à des
dom-
mages et intérêts (V. supra, n° 281-et s.) ou la condamnation en responsabilité pour
insuffi-
sance d’actif si la société est mise en redressement judiciaire: puisque la faute de gestion
est
l’un des critères de mise en œuvre de l'artide L. 651-2 du Code de commerce (V.
supra,
n®304ets). :
9. Le dirigeant suicidaire
568. — Une société est-elle responsable du suicide de son directeur général
survenu peu
de temps après que ce dernier ait reçu une lettre de Convocation au conseil
d'administration
dont l'ordre du jour comportait l'étude de sa révocation ? Telle est la question,
délicate et
inédite, qui a été récemment soumise à la cour d'appel de Reims (CA Reims,
10 nov. 2003 :
Juris-Data n° 237240). La cour d'appel rejette la demande d'indemnisation
des héritierau s
motif notamment que la procédure avait été régulière, que l'intéressé
avait eu le temps de
préparer utilement sa défense et qu'il n'ignorait pas avoir « gravement
failli aux directives
expressément données quant aux modalités prévues pour honorer la commande
du principal
client ». La cour conclut à l'absence de faute et ajoute qu'au surplus
il n'existait aucun lien
de causalité entre le comportement de la société et le suicide du directeur
général dès lors
qu'aucun indice dans le Comportement de la victime ne laissait augurer
un tel acte, qui.
procédait du seul libre arbitre de son auteur. Effectivement, pour le juriste,
au-delà du … ARÇCERCRE
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SO
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NC
264
LA SOCIÉTÉ ANONYME
problème humain, c'est bien ce libre arbitre qui empêche de reconnaître la responsabilité de
la société ; en revanche, si la liberté morale de l'intéressé a été profondément altérée par le
comportementde la société qui aurait harcelé gravement le dirigeant, où qui l’aurait humilié,
alors la responsabilité de la société serait peut-être engagée. On peut sur ce point évoquer
la jurisprudence développée en droit du travail à propos du suicide, lequel est qualifié d'acci-
dent du travail s'il s'explique par les pressions psychologiques de l'employeur (Rappr. Cass. civ.
2e, 3 avr. 2003 : RJS 7/2003, n° 938), mais n'est pas justiciable d'une telle qualification s’il
résulte d'un acte réfléchi et volontaire.
On rapprochera cette situation de celle du dirigeant atteint de troubles psychologiques et
dont il a été jugé qu'un tel état de santé est un juste motif de révocation dès lors qu'il
||
constitue une menace pour le fonctionnement de la société (CA Paris, 5 mars 2004 : RIDA
11/04, n° 1226: gérant de SARL).
10. … et d'autres encore |
ae — Voici quatre autres portraits de dirigeants à accrocher, faute de place, au fond de |
!
a galerie :
— le dirigeant lointain ; peut-on déménager lorsque l'on est dirigeant ? Oui, à condition |
|
de déménager aussi l'entreprise. Un gérant a été révoqué en raison de son déménagement
|
à 500 km du magasin exploité par la société (CA Pau, 6 mars 2003 : R/DA 12/2003, n°1191);
|
— le dirigeant intempérant ;peut-on boire et fumer lorsque l'on gère une société ? Oui,
encore
car la conduite d'une entreprise n’est pas celle d'un avion ou d’une automobile, mais
|
faut-il que la société n'exploite pas un commerce de produits frais. C'est ainsi qu’un gérant
(CA Versailles, :
d'un tel fonds qui abusait de l'alcool et du tabac a pu être justement révoqué
en se |
A mars 2004 : RDA 7/2004, n° 844); l'intéressé n'avait pas amélioré sa situation
remarques désagréables au personnel et en embauchant, pour un emploi
permettant des Î
fictif, son épouse ;
de |!
- le dirigeant étudiant ; la vie d'étudiant, qui s'accompagne de peu de contraintes |
l'intérêt de cer-
temps, ne comporte pas l'interdiction de diriger une société ; et on imagine |
général et le
| tains examinateurs de droit des sociétés à rencontrer un président-directeur ;
; d'autres seront plus suspicieux, car ilsont
plaisir pervers à l'interroger sur ses responsabilités
des hommes de paille,
| déjà rencontré des cas de dirigeants étudiants qui n'étaient que |!
avr. 2002 : RIDA 4/2002,
| gérants de droit sans pouvoir réel (par exemple : CA Paris, 12 étudiant |
inconscient ou. un
n° 1030) et ils se demanderont s'ils ont en face d'eux un naïf, un !
ignorant des périls menaçant les dirigeants prête-noms ; |
au dirigeant de
- le dirigeant militant politique; la militance politique n'est pas interdite |
qui peut donc prêter ses bras pour coller des affiches, participer aux réunions électo-
société, |
dangereux, celui de l'abus
rales et signer des lettres de soutien ; mais il entre sur un terrain :
à faire prendre en charge
des biens (V. infra, n°612 et s.) si, dans son élan militant, ilen vient
(Cass. crim., 21 sept.
par sa société les salaires des employés du ou des partis ayant ses faveurs
12/05, n° 1451); pour être à l'abri de la critique, il conviendrait que le dirigeant
2005 : RDA un tel sacrifice. |
personnelle, mais peu poussent le militantisme jusqu'à
puise dans sa cassette
PT
Sous-section 2
265
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
solution que la Cour de cassation a posée en 1946 dans un important arrêt Motte,
plusieurs arrêts ultérieurs en tirant les conséquences (V. infra, n° 584).
572. - L'arrêt Motte du 4 juin 1946 sur le principe de la hiérarchie des
organes.
A. - Pouvoirs généraux
573. — Selon l’article L. 225-35 du Code de commerce, le conseil d’adminis-
tration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise
en œuvre. Il se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la
société et règle par ses délibérations les affaires qui la concernent. Il procède
aux contrôles et vérifications qu'il juge opportuns.
Les pouvoirs du conseil connaissent des limites :
— €n raison du principe de la hiérarchie des organes (V. supra, n° 571), il ne
saurait empiéter sur les pouvoirs propres des autres organes, en particulier
ceux de l'assemblée générale (C. com., art. L. 225-39,rat- 419);
— il doit en toute occasion respecter l'intérêt social (V. Supra, N° 277)":
— il doit agir dans la limite de l’objet social (C. com, art. L. 225-35, al.
ER
la société étant toutefois engagée à l'égard des tiers de bonne foi en cas de
dépassement de cet objet (V. supra, n° 275) ;
— il doit respecter les clauses statutaires limitatives de pouvoirs (par exem-
ple celles exigeant l’autorisatioh de l’assemblée générale pour certaines déci-
sions très importantes), maïs la société est engagée à l'égard des tiers de bonne
. de mauvaise foi en cas de dépassement de ces limitations (V. supra,
n° 276) ;
— n'ayant pas la personnalité juridique, il ne peut agir en justice (46).
B. - Pouvoirs particuliers
1° Prérogatives propres du conseil
574. — Le conseil jouit de prérogatives qu'il est seul à pouvoir exercer
; ni
le président ni le directeur général ni l'assemblée des actionnaires ne
sauraient
se substituer à lui. Voici les plus importantes :
(46) Cass. com. 3 oct. 2006 : BRDA 21/06, n° 2 ; JCP E 2007, 1049, n° 7, obs. J.-J. CauSsAIN,
et G. Wicker ; la demande de destitution judiciaire du commissaire Fl. Degoissy
aux comptes ne peut pas être introduite
par le conseil d'administration mais doit l'être par le représentant
légal de la société.
266
LA SOCIÉTÉ ANONYME
267
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
268
LA SOCIÉTÉ ANONYME
579. — D'une part, il préside le conseil et, à ce titre, il organise et dirige les
travaux de celui-ci (C. com., art. L. 2265-51). Ainsi, c’est le président qui
convoque le conseil, prépare les réunions, met au point l’ordre du jour
(V. supra, n° 524), assure la discipline et le suivi des réunions ; en cas de
partage de voix, la sienne est prépondérante, sauf disposition statutaire
contraire (V. supra, n® 508 et s.).
Le président doit également rendre compte des travaux du conseil à l'as-
semblée générale (C. com. art. L. 225-51). La loi a précisé et élargi cette obliga-
tion pour les sociétés faisant publiquement appel à l'épargne en exigeant du
président la rédaction d’un rapport spécial soumis aux associés lors de l'as-
semblée générale ordinaire annuelle. Par suite, le président rend compte, dans
un rapport joint au rapport de gestion (V. infra, n° 587), « des conditions de
préparation et d'organisation des travaux du conseil » (C. com. art. L. 225-37,
al. 6). Peuvent ainsi être portés à la connaissance des associés le nombre de
réunions, la durée de celles-ci, les membres présents ou représentés, les princi-
pales questions traitées.
580. —- D'autre part, le président veille au bon fonctionnement des organes de
la société (C. com. art. L. 225-51). Il s'assure en particulier que les administra-
teurs sont en mesure de remplir leur mission ; à cet effet, il doit veiller que
soit correctement assurée leur information (V. supra, n° 512). Il doit encore
porter à la connaissance du conseil et des commissaires aux comptes la liste
et l’objet des conventions libres (V. infra, n° 592), de même qu'il doit aviser
ces derniers de l'existence de conventions réglementées (V. infra, n° 597). Il
reçoit les questions posées par les actionnaires à l'occasion de la mise en
œuvre de la procédure d'expertise de gestion (V. supra, n° 400). Il répond
également aux questions qui lui sont posées par tout actionnaire représentant
au moins 5 % du capital social sur tout fait de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation (V. infra, n° 666).
269
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
du conseil. Mais ces limites sont inopposables aux tiers qui pourront deman-
der l'exécution du contrat quand bien même l'autorisation du conseil n’aurait
pas été sollicitée ; on rappellera que l’inopposabilité joue également à l'égard
des tiers de mauvaise foi connaissant l'existence des clauses limitatives de
pouvoirs (V. supra, n° 276). En outre, ces clauses ne doivent pas être telles
qu’elles réduisent le directeur général à un rôle de simple exécutant, gommant
les pouvoirs propres qu'il tient de son office de direction générale. Dans les
sociétés faisant appel public à l'épargne, ces limitations de pouvoirs doivent
être mentionnées dans le rapport spécial rédigé par le président à destination
des actionnaires (C. com., art. L. 225-37, in fine) (V. supra, n° 579).
582. — Par-delà les formules distinctes utilisées par la loi pour caractériser
les pouvoirs du conseil d'administration et ceux du directeur général, sur le
terrain, la répartition des tâches dévolues aux deux organes procède de la
nature des choses, des statuts, du règlement intérieur et de l'usage :
— la nature des choses : le directeur général est un opérationnel, c’est au
surplus un personnage unique ; le conseil, organisme collégial, ne siège pas
en permanence et son intervention se limite à quelques réunions par an (cinq
ou six dans le meilleur des cas), réunions qui durent rarement plus de deux
à trois heures ;
— les statuts : certains statuts contiennent des clauses limitatives de pou-
voirs, qui concernent le directeur général, mais qui peuvent également s’appli-
quer au conseil, lequel est parfois requis de solliciter l'autorisation de
l'assemblée ;
— le règlement intérieur du conseil d'administration : lorsqu'il en est établi un,
il précise les pouvoirs propres du conseil ; il est courant de stipuler que le
conseil d'administration de la société approuve les orientations stratégiques
proposées par le directeur général, est informé des déviations par rapport à
ces orientations, examine le budget annuel présenté par le directeur général,
autorise les opérations significatives, veille à la maîtrise des risques
générés
par l’activité sociale, etc.
— l'usage : le directeur général est en charge de la gestion quotidienne,
il
donne les impulsions à l’activité sociale, il est tacticien mais
aussi stratège ; le
conseil intervient en pratique à la demande du directeur général, qui
lui sou-
met certains projets de croissance externe (un projet d'OPA par
exemple),
l'informe des opérations majeures en cours d'exécution.
583. — Ces considérations conduisent à poser les solutions suivant
es :
— le conseil donne son avis sur les décisions les plus importantes ; il arrête,
avec
le directeur général, les grandes orientations stratégiques, économi
ques, finan-
cières, sociales ou technologiques de l'entreprise ; ainsi, il approuv
e le projet
de rachat d’une autre entreprise, un plan d'intéressement des
salariés, la ces-
sion d’une filiale importante, une introduction en Bourse
. ;
— le conseil surveille l'action du directeur général et s'assure
que cette action
est conforme aux lois, aux statuts, à l’objet et à l'intérêt
social (53) ;
— pour le reste, c'est le directeur général qui assure la gestio
n quotidienne de
la société et la représente auprès des tiers, assisté le cas échéan
t de directeurs
généraux délégués.
270
LA SOCIÉTÉ ANONYME
271
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
L'un des administrateurs de la SA, par ailleurs P-DG de la société locataire-gérante, cède le
fonds à cette dernière avec l'accord de deux assemblées générales ordinaires. Des actionnaires
minoritaires contestent la cession en se prévalant d'une atteinte à l’objet social : la cession
du fonds, ayant privé la SA de toute activité sociale, relevait de la seule compétence de
l'assemblée générale extraordinaire et n'avait donc pas pu être valablement décidée par les
dirigeants, même avec l'approbation de l'assemblée générale ordinaire. La Cour de cassation
leur donne raison et prononce l'annulation de la cession en invoquant la violation d'une
clause statutaire selon laquelle la cession globale de l'actif social relevait, dans la société en
cause, de la compétence exclusive de l'assemblée générale extraordinaire (Cass. com., 24 juin
1997 : Rev. sociétés 1997, p. 792, note P. Dinier. — V. également, Cass. com., 18 oct. 1994 :
Bull. Joly 1994, p. 1330, note B. Sawrourens ; JCP E 1994, |, 447, n° 2, obs. A. ViaNoIER et
J.-J. CaussAIN : promesse de vente du fonds de commerce appartenant à la société).
3. Les vérifications à opérer par les créanciers
obtenant la garantie d’une société anonyme
586. — Les tiers qui contractent avec une SA n'ont pas de précaution particulière à pren-
dre; à condition de traiter avec un représentant légal (V. supra, n° 274), ils n'ont pas à
s'inquiéter de l'objet social ni de l'étendue des pouvoirs du dirigeant qui signe l'acte: le
système du pouvoir légal leur assure pleine sécurité, sauf dans un domaine, celui des cautions,
avals et garanties, lesquels supposent une autorisation préalable du conseil d'administration
(C. com., art. L. 225-35 et D. 89). Les créanciers doivent alors se livrer à de minutieuses
vérifications à peine d'amères déconvenues :
— vérifier que le débiteur garanti n'est pas un dirigeant ayant contracté un emprunt auprès
de Ja société, une telle opération étant interdite (V. infra, n° 589): la société peut opposer
cette nullité aux tiers, sauf s'ils sont de bonne foi; mais ils sont censés savoir que l'ar-
ticle L. 225-43 interdit aux sociétés de garantir les engagements de leurs dirigeants ;
— vérifier que le directeur général a été préalablement autorisé par le conseil d'administra-
tion (V. supra, n° 575), d'où la nécessité pour le créancier de se faire communiquer une copie
du procès-verbal du conseil (Cass. com., 13 févr. 2001 : Bull. Joly 2001, p. 608, note J.-F. Bar-
BËrI) ; le créancier ne saurait exciper de sa bonne foi en invoquant la théorie du mandat
apparent (Cass. com., 24 févr. 1987 : Rev. sociétés 1987, p. 407, note Y. Guyon) :
— vérifier que l'autorisation remonte à moins d'une année, puisque l'autorisation donnée
par le Conseil ne vaut pas au-delà (C. com., art. R. 225-28):
— vérifier que le montant de la garantie n'excède pas le maximum fixé par le conseil :
celui-ci peut en effet accorder son autorisation pour un plafond donné, le directeur général
engageant librement la société dans cette seule limite ;
— être attentif aux événements de nature à affecter la garantie, par exemple la transfor-
mation (V. supra, n° 431), la fusion, la scission ou l'apport partiel d'actif (V. infra, n° 1373
et S.).
272
LA SOCIÉTÉ ANONYME
— le tableau d'évolution des résultats durant les cinq derniers exercices (D, art. 148) ;
* le tableau d'utilisation des délégations d'augmentation de capital (C. com. art. L. 225-
100}
Pour les sociétés cotées, le rapport de gestion est sérieusement menacé d'obésité, car
s'ajoutent, par exemple :
— «l'analyse objective et exhaustive de l'évolution des affaires, des résultats et de la
situation financière de la société, notamment sa situation d'endettement au regard du volume
et de la complexité des affaires » (C. com. art. L. 225-100);
— la mention « des indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à
l'activité spécifique de la société, notamment des informations relatives aux questions d'envi-
ronnement et de personnel » (/bid.) ;
7. description des principaux risques et incertitudes auxquels la société est confrontée
Ibid.) ; RECET
RNC
. - de la politique de la société en matière de gestion des risques financiers
Ibid); :
_ la rémunération totale et les avantages de toute nature, y compris les indemnités de
départ accordées aux mandataires sociaux (C. com. art. L. 225-102-1);
— l'exposé de la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et
environnementales de son activité (/bid.). -
Et comme si cela ne suffisait pas, le législateur, toujours pour les sociétés cotées, a
complété cet ensemble indigeste par des rapports annexes, notamment sur là préparation et
l'organisation des travaux du conseil d'administration et les procédures de contrôle interne
(C. com., art. L. 225-37), ou encore sur les opérations de rachat d'actions (€. com.
D
art. L. 225-209)...
à | MER
en
Sous-section 3
273
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(54) Cass. ch. mixte, 10 juill. 1981 : Rev. sociétés 1982, p. 84, note Ch. Mouv ; une société
avait accepté
de constituer une hypothèque sur ses biens immobiliers pour garantir une dette personnelle
de son prési-
dent ;une action en nullité étant introduite, la question s'était posée de la durée de la
prescription : la Cour
de os considère que la nullité étant absolue, c'est le droit commun de la prescription
trentenaire qui
s'applique.
(55) Cass. com., 25 avr. 2006 : Rev. soc. 2006, p. 818, note R. ROUTIER ;emprunt
auprès d'une banque
garanti par un cautionnement hypothécaire de la société dirigée: l'emprunteur peut
opposer la nullité de
l'opération à la banque prêteuse, et échapper à l'obligation de remboursement ; l'arrêt
concerne.une SARL
mais la solution vaut tout autant pour une SA.
274
LA SOCIÉTÉ ANONYME
275
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
593. — Les conventions qui ne sont ni libres (V. supra, n° 592) ni interdites
(V. supra, n° 589 et s.) sont soumises à une procédure d'autorisation et de
contrôle et ce, quel que soit leur objet. Le principe est posé par l’ar-
ticle L. 225-38 du Code de commerce.
(62) Cass. com., 27 févr. 2001 : Bull. Joly 2002, p. 614, note J.-J. Daicre. Il s'agissait
en l'espèce d'une
convention d'assistance orale conclue entre la société Cerus et son actionnaire le plus
important, par ailleurs
administrateur, la société Valéo (V. infra, n° 995).
276
LA SOCIÉTÉ ANONYME
B. - La procédure
597. — La procédure est complexe ; elle ne comporte pas moins de cinq
étapes à franchir (C. com, art. L. 225-40) :
— information du conseil par l'intéressé dès qu'il a connaissance d’une conven-
tion à laquelle l’article L. 225-38 est applicable; l'information doit être
complète et indiquer les modalités essentielles de la convention : tarifs, délais
de paiement, garanties. ;
— autorisation préalable du conseil par un vote auquel l'intéressé, s’il est admi-
nistrateur, ne doit pas participer ;
— information du commissaire aux comptes par le président sur les conventions
autorisées dans un délai d’un mois à compter de la conclusion desdites
conventions (C. com. art. R. 225-30) ;
— rapport spécial du commissaire aux comptes, contenant l’'énumération des
conventions, le nom du dirigeant ou actionnaire concerné, la nature et l’objet
des conventions avec la mention des clauses essentielles : prix ou tarifs pra-
tiqués, ristournes consenties, délais de paiement accordés et plus générale-
ment toute indication permettant aux actionnaires d'apprécier l'intérêt qui
s'attache à la conclusion des conventions (C. com. art. R. 225-31, mod.
D. 11 déc. 2006) ; le rapport est mis à la disposition des actionnaires vingt
jours au moins avant la réunion de l'assemblée générale ordinaire ;
— approbation lors de l'assemblée ordinaire annuelle au vu du rapport du
commissaire aux comptes ; l'intéressé ne peut pas prendre part au vote ; ses
actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la
majorité.
cours
598. — Lorsque l'exécution d’une convention, conclue et autorisée au
cours du dernier exercice, deux
d'exercices antérieurs, a été poursuivie au
règles particulières trouvent à s'appliquer. D'une part, le commissaire aux
comptes doit en être avisé dans le délai d’un mois à compter de la date de
le rapport
clôture de l'exercice (C. com., art. R. 225-30, al. 2 ). D'autre part,
nce
spécial rédigé par ce dernier (V. supra, n° 597) doit mentionner l'importa
prestatio ns de services fournies ainsi que le
des fournitures livrées ou des
de
montant des sommes versées ou reçues au cours de l'exercice en exécution
la convention (C. com. art. 225-31).
C. - Les sanctions
pas
599. — Si la procédure de l’article L. 225-38 du Code de commerce n'a
; la nullité n’est en
été observée, la convention n’est pas nécessairement nulle
à
effet prononcée que si la convention n'a pas été préalablement soumise a
du conseil d'administrati on (absenc e d'autori sation) ou si elle
l'approbation
277
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(64) Cass. com., 15 juin 1993 : Bull. Joly 1993, p. 868 ;Rev. sociétés 1993, p. 806, note B. SAINTOURENS
(rachat des participations du président dans d'autres sociétés obligeant la société qu'il dirigeait à supporter
l'intégralité du mali de liquidation). — Cass. com., 10 déc. 1996 : BRDA 97/1, p. 5 (convention accordant à
son bénéficiaire une commission hors de tous les usages sans contrepartie positive pour la société,
une SARL
en l'espèce). — Cass. com., 10 mai 1999 : JCP E 1999, p. 1237 et s., n° 3, obs. À. Vianpier et J.-J. CAUSSAIN
(contrat de travail fictif). — À l'inverse, n‘encourt pas l'annulation une mission de conseil confiée à
un adminis-
trateur en vue de négocier un rapprochement avec une tierce société dans la mesure où ce rapprochement
a permis la survie de la société (CA Versailles, 7 juin 2001 : BRDA 23/01, ps3);
(65) Par exemple, Cass. soc., 29 nov. 2006 : ZRDA 24/06, n° 2 : une convention par laquelle la société
s'engageait à verser un an de salaire en cas de licenciement d’un dirigeant salarié n'avait pas été
autorisée
préalablement par le conseil d'administration ; jeu de l'exception de nullité au-delà du délai
de prescription
de trois ans.
(66) En revanche, tout autre procédé de confirmation, ainsi la simple approbation
des comptes annuels
est exclu (Cass. com., 6 oct. 1998 : Rev. sociétés 1999, p. 115, note J.-F. Bargièri).
— Ne vaut pas davantage
régularisation le fait que la convention à exécution successive ait été annuellement portée à
la connaissance
des associés en application de l'article 91 du décret de 1967 (Cass. com., 25
mars 2003 : Bull. Joly 2003
p. 803, note P. Srorck). |
278
LA SOCIÉTÉ ANONYME
;
|
Sous-section 4
eux-
603. — Les dirigeants sociaux exercent une fonction dangereuse, pour
mais aussi pour la société et pour les tiers ; d’où un régime de respon-
mêmes,
affectant
sabilité civile spécifique ; s'y ajoute, pour les fautes les plus graves
ble est complét é par une res-
l’ordre social, une responsabilité pénale ; l'ensem
ponsabilité fiscale (V. supra, n° 296).
8 1. - La responsabilité civile
les circonstances ;
604. — La responsabilité civile des dirigeants varie selon
ts : une respon sabili té exception-
on peut distinguer les trois régimes suivan
té ordina ire envers la société et les asso-
nelle envers les tiers, une responsabili ation
ée en cas de redres sement ou de liquid
ciés, une responsabilité aggrav
judiciaires (V. supra, n° 302 et s.).
279
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(67) Les agissements d'un tiers dirigeant de fait n'ont aucune vertu exonératoire (Cass. com., 12 juill.
1993 : RIDA 1993, p. 866).
(68) CA Paris, 15 févr. 1990 : D. 1990, somm. 80 (est prescrite l'action sociale exercée par un actionnaire
majoritaire plus de trois ans après la révélation de l'inexactitude du bilan provisoire, dès lors que, dès la prise
de contrôle de la société, il a eu accès à l'ensemble des documents sociaux).
280
LA SOCIÉTÉ ANONYME
du fait dommageable et
(69) CA Paris, 5 juill. 2001 : Bull. Joly 2002, p. 1290 (la dissimulation s'entend
non de ses conséquences préjudiciables).
(70) CA Paris, 14 déc. 2001 : D. affaires 2002, p. 726, note A. LIENHARD.
1325, note H. Hovasse.
(71) Cass. com., 28 juin 2005 : R/DA 10/05, n. 1107 ; JCP E 2005,
281
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(72) M. Haschke-Dournaux, Réflexion critique sur la répression pénale en droit des sociétés, LGD), ,
tome 439.
(73) E. Joiy et CE: JoLY-BAUMGARTNER, L'abus de biens sociaux à l'épreuve de la pratique, Économica, 2002.
(74) Cass. crim., 3 juin 2004 : JCP E 2004, 1600, note M. RAIMON.
282
LA SOCIÉTÉ ANONYME
283
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
tion ou d’omission ; le président qui, par complaisance, ferme les yeux sur les
dettes d’un client de la société, l'administrateur qui approuve une convention
passée entre un dirigeant et la société à des conditions manifestement léo-
nines, abusent de leurs pouvoirs ;
— usage des voix : les voix sont les procurations (notamment les pouvoirs en
blanc) données aux dirigeants par certains actionnaires qui les chargent de
les représenter aux assemblées générales; en utilisant ces procurations, les
dirigeants usent des voix qu'ils possèdent ;
616. - Un exemple d'abus de biens Sociaux : le canapé maudit.
Un canapé fut acquis par une société exploitant une agence immobilière. Il
était, aux antipodes d’un usage grand public : fragile, de style, et d’une taille
disproportionnée par rapport à celle des locaux de l’entreprise. Sans doute ému
par le sort du canapé, le dirigeant social crut bien faire en l’hébergeant à son
domicile. Sa générosité lui attira des ennuis, à savoir une condamnation pour
abus de biens sociaux. Il est vrai que le dirigeant avait fait montre de la même
sollicitude à l'égard d’un écran de rétroprojection (CA Riom, 21 janv. 2004 :
Juris-Data, n° 241807).
L'affaire Mouillot (Cass. crim., 6 févr. 1997 : Bull. Joly 1997, p. 291, note
J.-E. BARBIÈRI ; LPA 14 févr. 1397, note CI. DucouLoux-FAVARD ; Rev. sociétés 1997,
p. 147, note B. BouLoc) et l'affaire Carignon (Cass: crim., 27 oct. 1997 : JCP G
1998, IT, 10017, note M. PraLUS ; LPA 1997, n° 134, p. 6, note CI. DucouLoux-
FAvARD et n° 146, p. 30, note Th. DALMASS0) ont permis à la Cour de cassation
de clarifier la question de l'appréciation de la conformité d’un acte illicite à
l'intérêt social. Le contexte des deux affaires est sensiblement le même : des
prélèvements frauduleux ont été opérés par des dirigeants dans les caisses
sociales en vue de corrompre un élu, de façon à obtenir des dégrèvements
fiscaux ou des marchés importants. Les dirigeants furent poursuivis pour abus
de biens sociaux tandis que les hommes politiques le furent pour recel d'abus
de biens sociaux (sur la prescription de cette infraction, V. infra, n° 613). Les
dirigeants soutinrent en défense que l’abus de biens sociaux n'était pas caracté-
risé faute d'atteinte à l'intérêt social : n'est-il pas de l'intérêt de la société d’obte-
nir un marché public ou une diminution de sa dette fiscale ?
(75) P. Mousseron et L. SaucIEr, Un dirigeant peut-il profiter d'une opportunité offerte à sa'société ? Les
Échos, 13 mars 2003.
284
LA SOCIÉTÉ ANONYME
620. - Le dol général (l’usage de mauvaise foi) se double d’un dol spécial
(l’usage à des fins personnelles).
a) L'usage de mauvaise foi
621. —- La condamnation suppose que le dirigeant ait eu conscience du
caractère délictueux de son comportement. En cela, l’imprudence, l'inatten-
tion, la négligence, la désinvolture ne sont pas pénalement réprimées. La maur-
vaise foi s’évince bien souvent des circonstances de la cause (76). Egalement,
(76) Dans une affaire où des dirigeants avaient octroyé, en vue de satisfaire leurs propres besoins de
trésorerie, des prêts à des sociétés dans lesquelles ils étaient intéressés, la mauvaise foi a été caractérisée
à
par la confusion des pouvoirs, l'interposition de personnes morales et la passation d'écritures destinées
dissimuler la destination des fonds, Cass. crim., 26 sept. 2001 : Bull. Joly 2002, p. 74.
285
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(77) De par sa formation comptable, le gérant d'une SARL ne pouvait ignorer les risques encourus du
fait de la signature de chèques sans indication du nom des bénéficiaires, chèques correspondant en réalité
au versement de salaires fictifs au profit des cogérants de fait ou de membres de leur famille : Cass. crim.,
14 déc. 2000 : Bull. Joly 2001, p. 488, note P. Le CaNNu.
(78) Cass. crim., 27 mars 2002 : Bull. Joly 2002, p. 794.
(79) Brieuc DE Massiac, Réflexions à propos de l'abus de biens sociaux : RIDA 1996, p. 719 ets.
(80) Cass. crim., 8 oct. 2003 : Bull. Joly 2004, p. 54, note J.-F. Bargièr!; JCP E 2004, 29, n° 4, obs.
J.-J. Caussain, FI. Degoissy et G. Wicker. — Cass. crim., 14 juin 2006 : Æ/DA 1/07, n° 61 (V. aussi, infra, n° 995).
286
LA SOCIÉTÉ ANONYME
1224. ke
(81) Cass. crim., 16 juin 2004 : RIDA 11/04, n°
(82) Par exemple, Cass. crim., 23 mai 2002 : Bull. Joly 2002, p. 1048, note E. DezEuzE : commissions
versées à des bureaux d'études en rémunération de prestations fictives. - Cass. crim., 14 mai 2003 : Bull. Joly
2003, p. 1043, note J.-F. Baraiëri : factures adressées à un prête-nom. — Cass. crim., 28 mai 2003 : Bull. Joly
2003, p. 1147, note J.-F. Bargiëri : contrat de travail fictif.
mère
(83) Cass. crim., 8 mars 2006 : A/DA 6/06, n° 655 ; dirigeant d'une société familiale versant à sa
un salaire pour un contrat de travail fictif, au vu et au su des autres actionnaires membres de la même
famille :l'infraction fut découverte par un contrôleur des impôts.
comm. 9,6, obs.
(84) Cass. crim., 10 avr. 2002 : Bull. Joly 2002, p. 935, note P. ScHouer ; Dr. pén. 2002,
une société
J.-H. Roger : conventions frauduleuses ayant pour parties la société victime, ses dirigeants et
lesquelles le formalisme des conventions réglementées n'a pas été respecté. — Cass. crim.,
tierce et pour
23 mars 2005 : JCP E 2005, 1230, note J.-H. ROBERT.
287
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
est donc facile de comprendre combien les entreprises sont tentées de présen-
ter leurs comptes au mieux de leurs intérêts. Face à cette tentation, le Code
de commerce oppose le délit de présentation ou publication de comptes
annuels ne donnant pas une image fidèle (sur l’exercice de l’action civile,
V. infra, n° 632).
1° Les conditions d'incrimination
627. — L'article L. 242-6, 2° du Code de commerce réprime le fait pour les
dirigeants sociaux de publier ou de présenter sciemment, « en vue de dissimu-
ler la véritable situation de la société, des comptes annuels ne donnant pas,
pour chaque exercice, une image fidèle du résultat des opérations de l'exer-
cice, de la situation financière et du patrimoine, à l'expiration de cette pério-
de ». Les premières cibles sont les dirigeants de droit ainsi que les dirigeants
de fait (C. com. art. L. 246-2). Les employés trop dociles, les commissaires
aux comptes complaisants et les experts-comptables arrangeants sont des
complices tout trouvés.
a) Publication ou présentation de comptes annuels
628. — Les comptes annuels, tels que définis par l’article L. 123-12 du Code
de commerce, comprennent le bilan (85), le compte de résultat et l’annexe.
La publication s'entend de tout procédé de communication collective ayant
pour but ou pour effet de faire connaître les comptes aux tiers, ainsi du dépôt
aux greffes (V. supra, n° 357) ou de la reproduction du bilan au verso d’un
bon de caisse ou dans un prospectus (86).
La présentation est la soumission des comptes à l'assemblée générale des
associés en vue de leur approbation.
b) Ne donnant pas une image fidèle
629. —- L'image est infidèle si les comptes sont irréguliers ou insincères.
Irrégularités : non-respect de la règle de la spécialisation des exercices (antici-
pation d’un profit), violation de l'interdiction des compensations entre comp-
tes. Insincérités : défaut de constitution de provisions (87) ou
d'amortissements, surévaluation (ou sous-évaluation) des stocks (88), omis-
sion d'inscription d’une dette.
c) Sciemment, en vue de dissimuler la véritable situation de la société
630. — L'infraction est doublement intentionnelle. D'abord, le procureur
doit prouver la mauvaise foi des dirigeants, autrement dit qu'ils avaient
conscience des irrégularités ou insincérités commises, conscience souvent
induite de la gravité des incorrections accomplies. Ensuite, il doit démontrer
que les prévenus ont cherché à dissimuler la véritable situation de la société :
il importe peu que leur désir ait été d’embellir ou d’enlaidir le bilan, de flatter
ou de mutiler le résultat, de restaurer le prestige de la société ou de réaliser
une économie fiscale. L'intention de dissimulation, elle-même parfois induite
de la gravité de l'acte, suffit à punir.
(85) Serait-il qualifié de « bilan provisoire », Cass. crim., 25 avr. 1995 : JE 1995, Il, 760.
(86) En revanche la communication d'un bilan à l'acquéreur de la majorité du capital sans diffusion à
d'autres personnes n'est pas une publication, Cass. crim., 5 oct. 1990 : BRDA 12/1990, p. 9.
(87) Cass. crim., 29 nov. 2000 : Bull. Joly 2001, p. 407, note J.-D. Beror et E. Deueuze (défaut de comptabili-
sation d'une provision pour dépréciation de stocks immobiliers en dépit des recommandations pressantes
des commissaires aux comptes et de la Commission bancaire).
(88) Pour un exemple de minoration des stocks, Cass. crim., 8 avr. 1991 : Rev. sociétés 1991/p #76!
note B. BouLoc.
288
LA SOCIÉTÉ ANONYME
2° Les sanctions
rec ps
(89) Cass. crim., 20 févr. 1997 : Rev. sociétés 1997, p. 572, note B. Boutoc.
été
(90) Cass. com., 20 juin 2006 : R/DA 12/06, n° 1231 ; une espérance de dommages intérêts avait
traitée comme un profit d'ores et déjà acquis.
289
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
JCP E 1999, p. 1633, note J.-H. Roerr) ainsi qu'à l'associé agissant ut singuli en réparation
du préjudice social (Cass. crim., 12 déc. 2000 : Rev. sociétés 2001, p. 323, note A. CONSTANTIN ;
V. supra, n° 285).
Également, la Cour de cassation a autorisé la constitution de partie civile de l'actionnaire
d'une société mère à l'encontre des dirigeants d'une filiale poursuivis pour abus de biens
NNsociaux commis
ANNEES au préjudice de la filiale (Cass. crim., 6 févr. 1996 : JCP E 1996, Il, 837, obs.
JF. Renuca et O. Mever): l’action en responsabilité doit alors emprunter la Voie de l'action
ut singuli et non celle de l'action individuelle (Cass. crim., 4 avr. 2001 : D. 2002, p. 1475,
note E. ScHoLasrique). L'action civile est pareillement ouverte à l'actionnaire d’une société
absorbante demandant, par la voie de l'action ut singuli, la réparation du dommage résultant
de délits commis au préjudice de la société absorbée et de ses filiales (Cass. crim., 2 avr.
2003, n° 2002 F-P+F : Bull. Joly 2003, p. 929, note J.-F. BARBIER).
Elle a de même, dans l'affaire Carignon, admis la constitution de partie civile d'une asso-
ciation agréée de consommateurs (V. supra, n° 618).
En revanche, l'action civile ne peut pas être exercée lorsque le préjudice invoqué, étant la
conséquence de celui porté au patrimoine social, se trouve dépourvu de tout caractère direct.
Ont ainsi été rejetées :
SAN
l'une des sociétés du groupe, l'appartenance au groupe soit prise en compte (V. infra,
n° 1456). Pour sa part, le Conseil d'État a longtemps jugé que chacune des entités devait
poursuivre son propre intérêt sans que l'existence du groupe ne puisse justifier le sacrifice
consenti par l'un de ses membres: C'est ainsi qu'a longtemps été jugé anormal le fait pour
une filiale où pour une société sœur, en l'absence de relations commerciales, de venir en aide
à une autre société du groupe (remise de dette, subventions, avances sans intérêts, abandon
de créances...), même si l'intérêt bien compris de l'ensemble peut économiquement justifier
l'aide ainsi apportée (sur cette question, M. Cozan, Les grands principes de la fiscalité des
entreprises, Litec, 4° éd., 1999, doc. 33 : « Peut-on immoler une société à l'intérêt du grou-
pe ? »). Certes il était parfois admis qu'une société mère vienne en aide à l’une de ses filiales
alors même que les deux sociétés n’ont pas de liens commerciaux mais, en ce cas, la société
mère poursuit son propre intérêt — et non l'intérêt du groupe — puisqu'elle sauvegarde par
ce biais sa vocation aux dividendes et la valeur de sa participation. Il convient toutefois de
noter une évolution de la jurisprudence. Le Conseil d'État a en effet jugé qu'un membre de
l'association des centres distributeurs E. Leclerc, tenu de parrainer les nouveaux membres en
s'engageant notamment à les soutenir financièrement, agissait conformément à son propre
intérêt en consentant des abandons de créances, des avances sans intérêts ou des cautionne-
ments gratuits, la contrepartie consistant en l'espèce dans les avantages - clientèle, prix de
nn
RS
A
D
0A revient — découlant de l'appartenance au réseau (CE, 26 sept. 2001, SA Rocadis : Dr. fisc.
2002, n° 24, comm. 490. - M. Cozian, Le devoir d'entraide des centres Leclerc : est-ce un
acte anormal de gestion : BF Lefebvre 7/2002, p. 523). De la même façon, il pourrait être
poses
290
LA SOCIÉTÉ ANONYME
Sous-section 5
LA STRUCTURE NOUVELLE :
DIRECTOIRE ET CONSEIL DE SURVEILLANCE
291
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 1. - L'organisation
A. -— Le directoire
1° La composition
a) La taille
637. — Le nombre des membres du directoire est déterminé par les statuts,
la loi exigeant seulement qu'il soit compris entre 2 et 5 (7 pour les sociétés
dont le capital est au moins égal à 1 500 000 €). Aucun dépassement n’est
prévu en cas de fusion. À l'inverse, lorsque le capital social est inférieur à
150 000 €, la société a la faculté de n’investir qu’un seul « directeur », qualifié
alors de directeur général unique (C. com, art. L. 225-58)
b) Les conditions de nomination
638. — Voici quelles sont les règles à retenir :
— la condition d'âge est celle prévue pour les présidents et directeurs géné-
raux, à savoir 65 ans (C. com. art. L. 225-60) ;
— seules les personnes physiques peuvent être membres d’un directoire et
ce, sous peine de nullité de la nomination (C. com., art. L. 225-59, al. 3);
(91) P. Le Cannu, Pour une évolution du droit des sociétés anonymes avec directoire
et conseil de surveil-
“ :ue Joly 2000, p. 483. — J.-J. Caussan, Le directoire et le conseil de surveillance de société anonyme,
itec, 2002.
|
292
LA SOCIÉTÉ ANONYME
(92) Est réputée non écrite la clause des statuts prévoyant la désignation des membres du directoire par
le conseil de surveillance mais sur proposition du président du directoire (CA Versailles, 8 juill. 1993 : Bull. Joly
1993, p. 1024, note P. LE CANNU).
(93) CA paris, 17 janv. 2003 : BRDA 8/2003, n° 4; JCP E 2003, n° 1203, n° 5, obs. J.-J. CaussAN,
El Desoissy et G. Wicker : absence de concordance de vue entre le directoire et l'actionnaire détenant 94 %
des actions.- Cass. com., 25 avr. 2006 : Æ/DA 7/06, n. 797; juste motif constitué par une divergence
stratégique entre un membre du directoire et le président de cet organe.
(94) Cass. com., 4 févr. 1997 : Bull. Joly 1997, p. 306, obs. P. LE CANNU.
(95) V. par exemple, CA Paris, 28 mai 2004 : R/DA 4/05, n° 386 ; l'envoi à l'intéressé six jours à l'avance
a respecté
d'une convocation à une réunion du conseil de surveillance destinée à envisager sa révocation
l'exigence du contradictoire car il a eu le temps de préparer sa défense.
293
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
B. - Le conseil de surveillance
1° La composition
a) La taille
643. — Les statuts déterminent la taille du conseil de surveillance (C. com.
art. L. 225-69), la loi posant seulement un minimum (trois) et un maximum
(dix-huit). S'y ajoutent le cas échéant les membres élus par les salariés
(96) CA Paris, 31 janv. 2001 : Bull. Joly 2001, p. 791, note P. LE Cannu ; JCP G 2001, 1, 372, n° 6, obs.
À. VianoiR et J.-J. CaussAN : condamnation d'une société à 500 000 francs de dommages-intérêts pour
légèreté blâmable susceptible de porter atteinte à l'image et à la réputation d'un membre du
directoire
révoqué quatre mois après sa prise de fonction ; les juges se sont fondés sur le battage médiatique
opéré
autour de son nom et sur le fait que la société lui avait laissé croire que sa nomination comme
président du
directoire était acquise.
(97) Tel n'est pas le cas si l'intéressé est le principal actionnaire de la société et si le directoire,
décidant
à l'unanimité, n'est composé que de deux membres, ce qui lui confère la possibilité de bloquer
toute décision
le concernant (CA Versailles, 12 févr. 2004 : RDA 12/04, n° 1324).
294
LA SOCIÉTÉ ANONYME
(V. infra,n° 794) ainsi que les représentants des salariés actionnaires (V. infra,
n° 793). À l'image de ce qui s'applique au conseil d'administration, le plafond
de dix-huit peut être porté à vingt-quatre en cas de fusion (V. infra, n° 1369).
b) Les conditions de nomination
644. — Ayant à l'esprit les exigences requises pour les administrateurs,
voici celles qui gouvernent l'accès au conseil de surveillance :
— les membres du conseil de surveillance doivent être actionnaires (C. com.
art. L. 225-72) ; une dérogation est toutefois prévue pour les actionnaires sala-
riés nommés au conseil de surveillance (V. infra, n° 793 et 794) ;
— la limite d'âge est la même que pour les administrateurs, soit 70 ans, sauf
clause statutaire contraire (C. com. art. L. 225-70) ;
— le cumul de mandats est soumis aux mêmes limites que celles applicables
aux administrateurs (C. com. art. L. 225-77) (V. supra, n° 501) ;
- le cumul avec la qualité de membre du directoire est interdit ;
— une personne morale peut détenir un siège au conseil de surveillance
(C. com. art. L. 225-76) ; elle désigne alors un représentant permanent, comme
cela est de rigueur pour les administrateurs (V. supra, n° 500).
c) La procédure de nomination
645. — Lors de la constitution de la société, les membres du conseil de sur-
veillance sont désignés dans les statuts ; ultérieurement, ils sont élus par l’as-
semblée générale ordinaire (C. com., art. L. 225-75). Par exception, la
cooptation est possible, dans les mêmes termes que pour le conseil d'adminis-
tration (C. com. art. L. 225-78) (V. supra, n° 504).
d) La durée des fonctions
646. — La durée des fonctions est identique pour le conseil de surveillance
et le conseil d'administration (V. supra, n° 505) ; elle est donc de six exercices
(C. com. art. L. 225-75), d’où une différence avec la durée du mandat du
directoire (V. supra, n° 640). Ce décalage ne cause pas de problème de cohabi-
tation, l'assemblée générale ayant les moyens, par le jeu des révocations, de
faire avancer d’un même pas les deux organes. Comme les administrateurs,
les membres du conseil de surveillance sont indéfiniment rééligibles.
À part le décès, diverses causes mettent fin aux fonctions : atteinte de la
limite d'âge, démission (V. supra, n° 566), adoption de la forme de la SA de
type classique, révocation à tout moment par l'assemblée générale ordinaire
(C. com., art. L. 225-75, al. 2); il s’agit d’une révocation ad nutum (V. supra,
n® 533 et s.).
2° Le fonctionnement
295
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
cet organe parmi ses membres ; il est assisté d’un vice-président (C. com.
art. L. 225-81).
3° Le statut
8 2. — Les pouvoirs
A. - Le directoire
651. — L'article L. 225-64 du Code de commerce investit le directoire «
des
pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la
socié-
296
LA SOCIÉTÉ ANONYME
té ; il les exerce dans la limite de l’objet social et sous réserve de ceux expressé-
ment attribués par la loi au conseil de surveillance et aux assemblées
d'actionnaires ». On retrouve la formulation employée pour le directeur géné-
ral dans la SA à conseil d'administration (V. supra, n° 581). Le directoire exerce
les fonctions de direction, il est donc chef d'entreprise ; il jouit en outre des
prérogatives de gestion du conseil d'administration ; dès lors, il lui appartient
d'arrêter les orientations stratégiques de la société. Les commissaires aux
comptes sont convoqués à toutes les réunions du directoire qui examinent ou
arrêtent des comptes annuels ou intermédiaires (C. com. art. L. 225-238).
En revanche, seul le président du directoire a qualité pour représenter la
société à l'égard des tiers ; les statuts peuvent cependant prévoir que le même
pouvoir de représentation sera attribué à un ou plusieurs autres membres du
directoire, qui portent alors le titre de directeurs généraux (C. com.
art. L. 225-66).
Les pouvoirs du directoire sont bornés par l’objet social; cependant,
comme il est de règle dans les sociétés de capitaux, le dépassement de l’objet
est sans conséquence à l'égard des tiers de bonne foi. Les pouvoirs du direc-
toire sont également limités par les prérogatives propres de certains organes,
tel le conseil de surveillance, notamment en matière de cession d'immeubles
et de participations (V. infra, n° 653). Parfois, les statuts balisent l’activité du
directoire et soumettent certains actes à l'autorisation préalable du conseil de
surveillance ; ces limitations conventionnelles sont inopposables aux tiers, de
bonne comme de mauvaise foi (V. supra, n° 276).
À ces pouvoirs de gestion s'ajoutent des pouvoirs propres :
— convocation de l'assemblée générale ;
— réalisation d’une modification du capital sur délégation de l'assemblée
générale extraordinaire.
B. —- Le conseil de surveillance
297
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 4. — Les responsabilités
À. — La responsabilité des membres du conseil de surveillance
656. — Le régime de la responsabilité est coloré par la division des rôles
entre le directoire et le conseil de surveillance. On ne saurait reprocher aux
membres de ce dernier des erreurs de gestion, puisqu'il ne leur appartient
pas de gérer, mais plutôt des insuffisances dans la surveillance du directoire.
Tel est le sens de la règle selon laquelle les membres du conseil de surveillance
«n'encourent aucune responsabilité, en raison des actes de gestion et de leur
résultat » (C. com. art. L. 225-257).
Ils sont seulement responsables des carences dans l'exécution de leur man-
dat de surveillance. Toutefois, ils peuvent être déclarés civilement respon-
sables des délits commis par les membres du directoire si, en ayant eu
298
LA SOCIÉTÉ ANONYME
connaissance, ils ne les ont pas révélés à l'assemblée générale (C. com.
art 225-257):
Pénalement, et suivant la même idée, les membres du conseil de surveil-
lance ne sauraient en principe se voir reprocher un abus de biens ou la présen-
tation d’un bilan ne donnant pas une image fidèle de la situation financière
ou du patrimoine de la société. Leur responsabilité pénale peut toutefois être
Fe en cas de complicité ou de direction de fait de la société (V. infra,
n
| | |
É
1. Le président du conseil de surveillance exerce-t-il une activité
professionnelle au sens du droit de là Sécurité sociale ?
658. — Les organismes sociaux, avec leur arsenal de cotisations, ne cessent de traquer
ceux qui, à leurs yeux, exercent une activité professionnelle. Dès qu'une personne perçoit
régulièrement des rémunérations, la Sécurité sociale est à l'affût. Elle présume que cette
personne exerce une profession et doit acquitter des cotisations sociales.
C'est ainsi que les présidents des conseils de surveillance se sont trouvés dans son collima-
teur. Mais fort opportunément la Cour de cassation a rejeté une telle prétention (Cass. soc.
RENE
25 janv. 2001 : Bull. Joly 2001, p. 1010, note P. Le Cannu).
L'affaire vaut d'être résumée. Mme Deville est présidente du conseil d'administration de
la société Deville. Au moment de son départ à la retraite, la société est transformée en société
avec directoire et conseil de surveillance ; pour cause d'ISF, Mme Deville est désignée comme
présidente du conseil de survéillance avec une rémunération mensuelle de 20 000 F (V. supra,
n° 61). L'URSSAF plaide que les fonctions exercées et les rémunérations perçues constituent
des indices révélateurs de l'exercice d'une activité professionnelle. Pour la Cour de cassation,
ces indices sont insuffisants :
« Attendu que l'arrêt, après avoir relevé que le président du conseil de surveillance n'entre
pas dans l'énumération de l'article R. 241-2 du Code de la Sécurité sociale, retient à bon
droit que le conseil de surveillance a pour seule mission de contrôler les organes de direction
de la société, sans assumer la gestion de celle-ci, dans laquelle il ne peut s'immiscer, et que,
le président du conseil de surveillance était chargé uniquement de convoquer le conseil et
d'en diriger les débats, il appartenait à l'URSSAF de démontrer que Mme Deville exerçait en
réalité une activité professionnelle ; qu'ayant constaté que l'URSSAF ne rapportait pas cette
preuve, la cour d'appel a exactement déduit que Mme Deville n'était pas assujettie au titre
de sa rémunération au paiement de la cotisation personnelle d'allocations familiales. »
La rédaction de l'arrêt est prudente. Il peut en effet arriver que le président du conseil de
de
surveillance exerce parallèlement une activité professionnelle ; il peut par exemple, fort
rémunéré pour une mission de consultant auprès de la société ; dans ce
son expérience, être
cas il y aura assujettissement à la Sécurité sociale (V. également, infra, n° 659). ET
ER
EE
CESR
R
A
299
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
du départ à la retraite de l'ancien président (V. supra, n° 61). Se contenter d’un simple rôle
de surveillant n'est pas chose facile pour celui qui a tenu les commandes de la société pendant
de nombreuses années. Un arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 mai 1999 (R/DA 6/2000,
| n° 672) permet de prendre la mesure du risque découlant de cette confusion des genres. En
{ l'espèce, le président du conseil de surveillance de la société informatique Seagull Data System
| jouait un rôle important dans la direction de la société, spécialement dans le domaine comp- :
| table et financier, tandis que le président du directoire s'occupait plus particulièrement du
volet commercial. L'instruction permit de révéler que le second ne prenait jamais aucune
| décision sans en référer au préalable au premier. Les juges en tirèrent la conséquence logique
! que les prévenus avaient la qualité de codirigeants et retinrent la responsabilité pénale de |
| chacun d'eux du chef de présentation de comptes ne donnant pas une image fidèle de la }
| société (V. supra, n° 626). |
Pareillement, la responsabilité d'un membre du conseil de surveillance assurant la direction
de la société pourrait être engagée sur le terrain civil (V. supra, n° 656) et en cas de redresse- |
ment judiciaire (Rappr. Cass. com., 12 juillet 2005 : BRDA 15-16/05, n° 1 ; CPE 2005, 1834, |
n° 8, obs. J.-J. CaussAN, FI. DeBoissy et G. Wicker : Une cour d'appel avait prononcé l'incessibi-
| lité des actions détenues au sein d’une société objet d'une procédure collective par trois
personnes, au motif qu’elles disposaient de la majorité des voix au conseil de surveillance et
de la majorité du capital ; l'arrêt est toutefois cassé au motif que ces circonstances étaient
insuffisantes à les faire qualifier de dirigeants).
ou
| Enfin, les organismes de sécurité sociale pourraient alors qualifier l’activité de profession-
nelle et réclamer des cotisations sociales au dirigeant (V. supra, n° 658).
Section 3
LES ACTIONNAIRES
660. — Dans l'imagerie d’Épinal, qui fait vivre les sociétés anonymes sous
le régime de la démocratie universelle, les citoyens-actionnaires constituent le
peuple souverain, élisant (et révoquant) leurs représentants au gouvernement
de la société. La vérité est toute différente. S'il est des cas où l'actionnaire,
parce qu'il détient une part essentielle du capital social (et donc des droits de
vote), participe au gouvernement de la société, par assemblée interposée, il
en est beaucoup d’autres où, simple épargnant n'ayant en vue qu’une valori-
sation des titres, il demeure de son plein gré à l’écart de la direction des
affaires sociales, s'abstenant même de participer aux assemblées (V. supra,
n° 150). En ce cas, le pouvoir est exercé sans pärtage par les dirigeants, les-
quels, en s'appuyant sur une part relativement faible du capital social, sont
en mesure de conduire la société aussi aisément que le ferait un entrepreneur
individuel dans son entreprise (100), d’où les débats récents autour du thème
du gouvernement d'entreprise ou corporate governance (V. supra, n° 521).
Pareille hétérogénéité n’est que faiblement prise en compte par le législateur,
qui ne connaît qu’un modèle d’actionnaire.
Quels sont les pouvoirs des actionnaires ? On peut distinguer entre les
droits politiques, exercés collectivement dans les assemblées, les droits finan-
ciers, exprimant leur vocation au partage des bénéfices, et les droits patrimo-
niaux, leur permettant de monnayer la valeur de leurs titres.
(100) Le peuple souverain est de dimension variable : sept citoyens dans les plus
petites républiques
plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions dans les plus imposantes.
300
LA SOCIÉTÉ ANONYME
Sous-section 1
8 1. —- Le droit à l'information
A. - L'information permanente
662. — L'actionnaire dispose en permanence d’une prérogative d’informa-
tion, décrite par l’article L. 225-117 du Code de commerce, renvoyant à l’ar-
ticle L. 225-115. Aux termes de ce dernier texte, tout actionnaire peut à toute
époque, mais dans le respect de l'intérêt social, consulter au siège de la société
notamment les documents suivants :
- comptes annuels des trois derniers exercices et, le cas échéant, les comptes
consolidés ;
_ liste des administrateurs (ou des membres du directoire et du conseil de
surveillance) ;
- rapports de gestion des organes sociaux ;
— procès-verbaux et feuilles de présence des assemblées tenues dans la
même période ;
- montant global des rémunérations versées aux personnes les mieux rému-
nérées ;
— liste et objet des conventions portant sur des opérations courantes,
conclues à des conditions normales.
Ce droit à la curiosité est crucial pour les nouveaux actionnaires. Tout refus
de la société expose celle-ci à des dommages-intérêts. Surtout, l'associé qui
n'aurait pu exercer son droit à l'information peut solliciter en référé une
mesure d’injonction judiciaire sous astreinte ou la nomination d'un manda-
taire chargé de procéder à la communication (C'comS art'E.250"À).
Pour les sociétés cotées, l'obligation est plus large encore et concerne l'in-
formation nécessaire du public de tout fait susceptible d’avoir une influence
sur le cours de bourse (V. infra, n° 974).
B. - L'information occasionnelle
663. - On désigne par « occasionnelle » l'information préalable à la tenue
d'une assemblée.
1° La consultation au siège social
301
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
expert, est autorisé à consulter divers documents (C. com. art. L. 225-115), la
liste des documents concernés recoupant celle des informations pouvant être
consultées à tout moment :
— les comptes annuels ;
— les rapports du conseil - d'administration ou de surveillance — et du
commissaire aux comptes ;
— les projets de résolution ;
— le cas échéant les notices relatives aux candidats aux fonctions d’adminis-
trateur ;
— la liste des actionnaires (C. com., art. L. 225-116).
L'actionnaire peut prendre une photocopie de tous les documents
consultés, à l'exception de l'inventaire ; ce dernier est en effet riche de rensei-
gnements comptables que la société ne souhaite pas voir mis à la disposition
d’un concurrent.
L’actionnaire peut encore satisfaire sa curiosité en demandant la communi-
cation des renseignements suivants :
- montant global des rémunérations versées aux 5 ou 10 personnes les
mieux rémunérées, selon la taille de l’entreprise (V. supra, n° 525) ;
-— liste des actions de parrainage et de mécénat et montant des sommes
versées à ce titre (V. supra, n° 32);
— liste et objet des conventions courantes et conclues à des conditions nor-
males (V. supra, n° 592).
À défaut d'obtenir ces documents ou informations, l’associé peut solliciter
en référé une mesure d’injonction judiciaire sous astreinte ou la nomination
d'un mandataire chargé de procéder à la communication (C. com.
art. L. 238-1). En outre, l'assemblée peut être annulée si l’actionnaire n’a pas
été en mesure d'exercer ses prérogatives d’information (C. com., art. L. 225-
121), sans préjudice d’autres mesures, telles que, en amont, l’ajournement
judiciaire de l'assemblée (V. infra, n° 692) ou, en aval, l'octroi de dommages-
intérêts.
2° La réception de documents
665. — L’actionnaire reçoit à domicile divers documents, soit qu'il en ait
fait la demande, soit que la société adresse des formules de procuration ou
de vote par correspondance, auquel cas cet envoi s'accompagne d’une infor-
mation adéquate (V. infra, n° 689). Parmi les documents ainsi expédiés, figu-
rent, dans le cas d’une assemblée annuelle, les documents consultables sur
place, à l'exception de l'inventaire et de la liste des actionnaires, en raison de
leur caractère généralement volumineux.
302
LA SOCIÉTÉ ANONYME
portés à l’ordre du jour (101). À ce droit s'ajoute celui de poser des questions
orales en cours d’assemblée (V. infra, n° 694).
Cette prérogative ne se confond pas avec le droit pour tout actionnaire
représentant au moins 5 % du capital social, ou pour une association d’action-
naires remplissant les conditions de l’article L. 225-120 (V. infra, n° 994), deux
fois au plus par exercice, de poser par écrit des questions au président du
conseil d'administration sur tout fait de nature à compromettre la continuité
de l'exploitation (C. com. art. L. 225-232).
Dans toutes ces occurrences, l'actionnaire doit selon nous respecter l'intérêt
social et s’interdire de poser des questions ayant déjà reçu réponse ou mettant
gravement en cause le secret des affaires. De même, l'abus dans l'exercice du
droit de poser des questions écrites — c’est-à-dire son utilisation à des fins
étrangères à leur finalité — engage la responsable de l’auteur de la
question (102).
Enfin, la désignation d’un expert de gestion à l'initiative des actionnaires
minoritaires suppose qu’une question écrite ait préalablement été posée au
président ou au directoire sans avoir reçu de réponse satisfaisante dans un
délai d’un mois (V. supra, n° 400).
8 2. — Le droit de vote
(101) V. À. Vanorer, Les questions écrites des actionnaires à l'assemblée générale, Les Échos 5 mai 2003.
mécontent avait
(102) T. com. Paris, 11 mai 2004 : JCPE, 2004, 1154, note A. Vianper : un actionnaire
— espérant
pris l'habitude de poser des questions en assemblée — vingt en 2002 et cinquante et une en 2003
à 1 € de
par ce harcèlement obtenir une indemnisation à laquelle il estimait avoir droit;il a été condamné
dommages-intérêts.
d'une commandite
(103) Cass. com., 9 févr. 1999 : Bull. Joly 1999, p. 566, note J.-J. Daicre (les statuts
l'approbation
par actions étendaient l'interdiction de voter du dirigeant ayant contracté avec la société sur
de titres
de cette convention à sa famille :la clause a été jugée nulle). — Sur le droit de vote de l'usufruitier
sociaux, V. supra, n° 339.
303
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
1° La liberté de vote
(104) Cass. crim., 26 mai 1994 : R/DA 1994, n. 1038 (les représentants de diverses
entités actionnaires
d'une société anonyme s'étaient vu interdire l'accès à l'assemblée des actionnaires).
| (105) A. Vianoier, Observations sur les conventions de vote : JCP E 1986, 15405.
— M. JEANTIN, Les conven-
tions de vote : RJ com. 1990, p. 124. - M. German, Le transfert du droit de vote : RJ com.
1990, p. 135. —
P. DIDIER, Les conventions de vote : Mél. Foyer, 1997, p. 341. — A. Vianneer, Après
l'article de M. Jeantin sur
les conventions de vote : Mél. M. Jeantin, Dalloz, 1999, p. 311 ets. — À. Consrannn,
Réflexions sur la validité
des conventions de vote : Mél. J. Ghestin, LGD), 2001, p. 255.
(106) Rappr. T. com. Paris, réf. 12 févr. 1991 : Bull. Joly 1991, p. 592, obs.
M. Jeannn : accord relatif à
la répartition des postes d'administrateurs.
304
LA SOCIÉTÉ ANONYME
305
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
rale des actionnaires (C. com., art. L. 225-103). Néanmoins, il faut compter
avec la réticence de ces instances, désireuses parfois de ne pas affronter la
colère des associés ; d’où la faculté offerte à d’autres personnes de procéder à
la convocation :
— conseil de surveillance ;
- commissaire aux comptes (107) ;
- mandataire désigné par le président du tribunal de commerce, soit en cas
d'urgence à la demande de tout intéressé, en particulier du comité d’entre-
prise (C. trav., art. L. 432-6-1) (108), soit à la demande d’un ou plusieurs
actionnaires réunissant au moins 5 % du capital social en l'absence d’ur-
gence (109), soit à la demande d’une association d'actionnaires remplissant
les conditions de l’article L. 225-120 (V. infra, n° 994).
L'instance de convocation arrête l’ordre du jour de l'assemblée, c'est-à-dire
la liste des questions dont elle débattra (V. infra, n° 690) ; en dehors de l’ordre
du jour, aucune délibération n’est admise, sauf... sur la révocation des admi-
nistrateurs ou des membres du conseil de surveillance, en vertu de la théorie
dite des incidents de séance (C.com. art. L. 225-105, al. 3).
Les actionnaires, dès bé qu'ils possèdent au moins 5 % du capital social,
ou une association d'actionnaires remplissant les conditions de l’article L. 225-
120 (V. infra, n° 994), ont la possibilité de déposer des projets de résolution,
lesquels sont obligatoirement rattachés à l’ordre du jour; par ce moyen, les
dirigeants ne sont pas les seuls maîtres de l’ordre du jour (C. com. art. L. 225-
105). La même prérogative est reconnue au comité d'entreprise (C. trav.,
art. L. 432-6-1).
676. — Comment l'assemblée est-elle convoquée ? À s’en tenir aux sociétés ne
faisant pas publiquement appel à l'épargne, les formalités de convocation sont
doubles :
— un avis de convocation est inséré dans un journal d'annonces légales ;
— une lettre de convocation est adressée aux actionnaires titulaires de titres
nominatifs ; par souci d'économie, une simple lettre suffit.
Toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée (C. com.
art. L. 225-104). Il'$'dgit d’une nullité facultative dont le prononcé est laissé
au pouvoir d'appréciation du juge (110). En outre, l'assemblée ne saurait être
annulée dès lors que tous les actionnaires étaient présents ou représentés.
677. — Quand l'assemblée est-elle convoquée ? Chaque type d’assemblée a son
propre rythme : rythme régulier pour l'assemblée annuelle, rythme irrégulier
pour l’assemblée extraordinaire, dont la tenue est commandée par la nature
de la décision à prendre.
Quant au délai de convocation, il est destiné à permettre aux actionnaires
de prendre leurs dispositions, de s'informer, voire de s’organiser en vue du
(107) Pour un cas d'annulation d'une convocation faire par un commissaire aux comptes, sur le papier
à en-tête de la société, disant exécuter les ordres de l'actionnaire majoritaire, et donc ne respectant pas son
devoir d'indépendance : CA Versailles 19 janv. 2006 : D. 2006, p. 918 ; RJDA 12/06, n° 1235.
(108) T. com. Marseille, réf., 7 nov. 2001 : Rev. sociétés 2002, p. 57, note R. VATINET : convocation
à la
demande du comité d'entreprise aux fins d'examen par l'assemblée générale d’un rapport d'expertise
relatif
au fonctionnement de la société et en vue de la révocation des membres du directoire.
(109) T. com. Paris, réf., 3 déc. 2003 : JCP E 2004, 71 note A. ViANDIER : convocation
de l'assemblée
générale de la société Eurotunnel par un groupe d'actionnaires minoritaires en vue
de la révocation du
conseil d'administration.
(110) Cass. com., 9 juill. 2002 : JCP E 2003, 627, n° 9, obs. J.-J. Caussan, FI. Desoissy
et G. Wicker : refus:
d'annuler une assemblée générale convoquée par un conseil d'administration ayant
siégé irrégulièrement. —
CA Paris2 mars 2004 : R/DA 8-9/04, n. 1004; refus d'annuler malgré une convocation irrégülière
car tous
les associés avaient été soit présents, soit à même de participer à l'assemblée.
306
LA SOCIÉTÉ ANONYME
scrutin. Le temps minimum est de quinze jours; il est abaissé à six jours
lorsque l'assemblée précédemment convoquée n’a pu se tenir faute de quo-
rum (V. infra, n° 683). Le délai est également réduit à six jours en période
d'offre publique pour l'adoption de mesures de défense (C. com,
art. R. 225-69, mod. D. 11 déc. 2006). Dans les sociétés cotées, il faut en réalité
près de trois mois pour convoquer une assemblée compte tenu du temps
nécessaire à la collecte des pouvoirs par les banques et les sociétés de bourse.
L'assemblée une fois convoquée, son ajournement peut être obtenu en jus-
tice (V. infra, n° 692).
307
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
682. — L'assemblée est un organe collégial. Cela se traduit par deux carac-
téristiques importantes :
— l'assemblée est un organe intermittent qui n'existe que pour le temps des
réunions ;
— l'assemblée n'est pas convoquée pour émettre des vœux ou des sou-
haïts, mais pour prendre des décisions à l'issue d’un débat ; la nature des
résolutions dépend de la forme de l'assemblée — ordinaire ou extraordinaire ;
l'assemblée dite ordinaire est l’assemblée de droit commun, qui peut tout,
sauf modifier les statuts ; l'assemblée dite extraordinaire ne peut que modifier
les statuts (V. infra, n° 685) ; les dissemblances entre les deux types d’assem-
blées intéressent le quorum et la majorité.
a) Le quorum
683. — Le quorum sert à mesurer la représentativité de l'assemblée : seules
les assemblées réunissant un nombre suffisant d'actions sont autorisées à
débattre et à prendre des résolutions. Ce quorum est fixé par la loi (C. com.
art. L. 225-9%6 et L. 225-98) ; il dépend de la nature de l’assemblée.
Pour l'assemblée ordinaire, le quorum est du cinquième des actions ayant
droit de vote ; s’il n’est pas-atteint, l'assemblée est ajournée et une deuxième
convocation a lieu. À cette occasion aucun quorum n'est exigé; en théorie,
une seule action représentant par exemple 0,1 % du capital social autorise la
tenue de l'assemblée et la prise de résolutions. à l'unanimité de l'unique
actionnaire présent.
Pour l'assemblée extraordinaire, le quorum est du quart des actions ayant
droit de vote sur première convocation ; il est du cinquième sur seconde
convocation. Si ce deuxième essai n’est pas concluant, il faut recommencer le
cycle et procéder à une troisième convocation et ainsi de suite jusqu’à ce que
le quorum du cinquième soit atteint.
b) La majorité
684. — La majorité exprime le seuil d'opinions favorables qu'une résolution
doit recueillir pour être adoptée. Ce seuil varie selon la nature de l'assemblée :
308
LA SOCIÉTÉ ANONYME
il est fixé par la loi (C. com., art. L. 225-96 et L. 225-98). Pour l'assemblée
ordinaire, il est de la majorité — la moitié plus une -— des voix des actions
présentes ou représentées. Pour l'assemblée extraordinaire, il est des deux
tiers des voix des actions présentes ou représentées ; il suffit donc de détenir
un tiers des actions plus une pour être en mesure de bloquer les décisions
des assemblées extraordinaires, d’où l'expression « minorité de blocage ».
685. — Jeux de votes dans une société anonyme.
c) Les résolutions
686. — L'obstacle du quorum franchi et le seuil de la majorité atteint, les
résolutions présentées à l'assemblée sont approuvées ou refusées ; par exem-
ainsi
ple, si ces questions figuraient à l’ordre du jour, les dividendes vont être
aux comptes ou l'admini strateur nommé, le capital
répartis, le commissaire
augmenté ou réduit.
Une fois que l’ordre du jour est épuisé, la séance est levée. Une trace écrite
contenir un résumé
est conservée : le procès-verbal de l’assemblée, qui doit
309
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
r—
|
|
|
1. L'accès aux assemblées en cas de « dédoublement »
de la qualité d'actionnaire -
688. — La qualité d'actionnaire ne pose généralement pas de difficulté. La société connaît
! la liste des actionnaires nominatifs qui sont inscrits en compte dans ses registres (V. infra,
n° 716); quant aux actionnaires au porteur, leurs droits font l'objet d'une inscription en
compte chez un intermédiaire agréé ; pour participer aux assemblées, ils doivent seulement
justifier de leur qualité en produisant une attestation établie par l'intermédiaire (V. supra
L nn 679). 11 y a en revanche problème lorsque la qualité d'actionnaire se trouve « dédoublée »
ce qui se rencontre dans les hypothèses suivantes : indivision, usufruit, communauté,
nantis-
sement, séquestre, saisie, prêt et location (A. Viander, La notion d’associé,
LGDJ, 1978,
n%238 ets. — Adde, F.-X. Lucas, Les transferts temporaires de valeurs mobilières,
LGDJ, 1997.
— Y. Pacior, Remarques sur le démembrement des droits sociaux : JCP E, 1997,
674) :
310
LA SOCIÉTÉ ANONYME
public (€. com., art. L. 225-110, al. 1 et 4) ; cependant les statuts ne peuvent pas supprimer
le droit de vote de l'usufruitier pour les décisions concernant les bénéfices (Cass. com.
31 mars 2004, n° 624 FS + P +B ; V. supra, n° 339) ; le droit de vote du nu-propriétaire peut
être limité, à condition qu'il ne soit pas dérogé à son droit de participer aux décisions collec-
tives (V. supra, n° 337); ainsi, il n‘est pas possible de prévoir statutairement que le nu-
propriétaire est représenté par l'usufruitier pour toutes les décisions sociales, quel que soit
leur objet (Cass. 2 civ., 13 juill. 2005 : R/DA 11/05, n° 1224 ; Bull. Joly 2006, 8 43, p. 217,
note P. Le Cannu);
c) communauté de biens entre époux : la SA ne connaît que le conjoint qui a souscrit au
capital ou qui a acheté les actions, füt-ce avec des fonds communs ; si les deux époux se
présentent ensemble à l'assemblée, chacun est considéré comme titulaire de la moitié des
actions (V. supra, n° 344) ; après la dissolution de la communauté, les règles de l'indivision
s'appliquent, d'où la nécessaire désignation d'un mandataire unique par les époux concernés
(CA Paris, 20 oct. 1999 : R/DA 2000, n° 543);
d) nantissement : malgré le nantissement des actions (V. infra, n° 744 et s.), le débiteur
conserve sa qualité d'actionnaire et par conséquent son droit d'assister et de voter aux assem-
blées;
On
D
RER
ARR
e) séquestre (V. supra, n° 406) : lorsque les actions font l'objet d'un séquestre, par exemple
à la suite d'une contestation sur la propriété ou en cas d'incident grave, c'est au juge qu'il
revient de statuer sur l'exercice du droit de vote et d'en investir ou non le séquestre (pour
une illustration, V. l'affaire Lustucru, Cass. com., 15 févr. 1983 : Rev. sociétés 1983, p. 593,
note M. GuiLBeRTEAU ; sur les prolongements de cette affaire, V. infra, n° 721);
f) saisie : la saisie-vente des actions (V. infra, n° 710) entraîne l'indisponibilité des droits
pécuniaires du débiteur saisi ; ce dernier continue en revanche d'exercer les droits non pécu-
niaires attachés aux titres, donc le droit d'assister et de voter aux assemblées ;
g) prêt : c'est le bénéficiaire du prêt qui a la qualité d'actionnaire dès lors qu'il s'agit
d'un prêt de consommation, car celui-ci est réputé transférer la propriété de l’action ; tel est
notamment le cas lorsque les actions sont prêtées à un administrateur (V. supra, n°° 497 et
523);
h) location : la loi du 2 août 2005 a introduit la location d'actions (C. com. art. L. 239-1
et 5.) (V. infra, n° 747 et s.); par l'effet de la loi (C. com. art. L. 239-3), le droit de vote
appartient au bailleur dans les assemblées statuant sur les modifications statutaires ou le RCSERROERRERCERR
ES
RER
D
311
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
dans un sens défavorable ou de s'abstenir; il doit être accompagné du texte des résolutions.
Le formulaire de vote par correspondance peut faire l'objet d'une signature électronique.
Depuis la loi NRE du 15 mai 2001 et si les statuts le prévoient, sont réputés présents
pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée
par visioconférence où par des moyens électroniques de télécommunication permettant leur
identification (C. com. art. L. 225-107, Il). La loi ouvre de la sorte la voie à la visioconférence
et au vote électronique, qui étaient réclamés avec insistance par les sociétés réunissant de
nombreux actionnaires. Ces modalités peuvent jouer pour tout type d'assemblée, à condition
d'avoir été prévues dans les statuts (M.-CH. GLorn, Les délibérations sociales par télétransmis-
sion : JCP E 2002, 722). En cas de recours à la visioconférence et aux moyens de télécommuni-
cation, ces différents modes doivent transmettre au moins la voix des participants et satisfaire
des caractéristiques techniques permettant la retransmission continue et simultanée des déli-
bérations (C. com., art. R. 225-97, mod. D. 11 déc. 2006).
Le recours au vote électronique suppose que la société ouvre un site Internet réservé à
mate
on
nn
nn
nm
Sn
cet usage, accessible au moyen d'un code communiqué aux actionnaires. La question majeure
est celle de la signature électronique pour le vote aux assemblées, afin d'éviter toute fraude.
Un choix est offert entre le droit commun de la signature électronique sécurisée de l'ar-
ticle 1316-4 du Code civil, qui suppose le recours à un certificat électronique qualifié (D. 30
mars 2001) et de tout procédé fiable d'identification, stipulé dans les statuts, garantissant le
lien entre la signature et le formulaire de droit de vote (C. com., art. R. 225-77 et R. 225-79,
mod. D. 11 déc. 2006).
Les actionnaires dûment convoqués à une assemblée peuvent désormais choisir entre
l’une des six attitudes suivantes :
— se rendre effectivement à l'assemblée (présence physique) ;
— voter par correspondance (présence intellectuelle) ;
— Voter par télétransmission ou visioconférence (présence virtuelle) ;
— se faire représenter (présence par procuration) ;
— adresser un pouvoir en blanc (quasi-absentéisme) ;
— rester chez eux (absentéisme).
L'avenir dira si le vote par correspondance et le vote par télétransmission sortiront les petits
actionnaires de leur torpeur. Reste que la fiabilité du vote doit être assurée pour prévenir les
risques de piratage (V. T. Com. Paris, 2 mai 2002 : JCP E 2002, pan. p. 1220 : soupçons de
piratage des boîtiers électroniques de vote lors de l'assemblée générale de la société Vivendi
Universal, qui refusa d'approuver la résolution relative aux options de souscription).
3. L'ordre du jour de l'assemblée
690. — L'ordre du jour est « la liste fixée à l'avance des questions qu'une assemblée
délibérante aura à examiner au cours d'une séance, suivant le rang dans lequel elles ont été
inscrites » (H. Caprranr, Vocabulaire juridique, V° Ordre). Le fait qu'une assemblée quelle
qu'elle soit ne puisse prendre de décisions que dans les matières se rapportant à l’ordre du
jour explique l'importance attachée à l'établissement de ce dernier ; c'est vrai pour les assem-
blées politiques comme l'atteste, pour le Parlement, l'article 48 de la Constitution (V. obs.
G. Carcassonne, La Constitution, Le Seuil, 6° éd., 2004, p. 228 et 5.) ; c'est également vrai
no assemblées d'actionnaires (pour l'ordre du jour du conseil d'administration, V. supra,
h° 524), \:
a) Établissement de l'ordre du jour
L'ordre du jour est en principe établi par l'auteur de la convocation (C. com., art. L. 225-
105), tel qu'il est désigné par le Code de commerce : conseil d'administration (et non prési-
dent), directoire. Lorsque le pouvoir de convoquer l'assemblée est reconnu à un autre organe,
ainsi par exemple du conseil de surveillance où des commissaires aux comptes, c'est cet
organe qui établit l'ordre du jour. Lorsque l'assemblée est convoquée par un mandataire de
justice, c'est le juge désignant ce mandataire qui fixe l'ordre du jour. Également, le comité
put. peut requérir l'inscription de projets de résolution à l’ordre du jour (V. infra
n° 760) :
Afin d'infuser un peu de démocratie dans ce processus, le Code de commerce prévoit la
possibilité pour les actionnaires de déposer des projets de résolution (C. com., art L_ 225.
105), lesquels viennent donc compléter l'ordre du jour, ainsi de la proposition de révocation
de tel administrateur ou de la décision de mettre à l'étude telle opération. Il n’est toutefois
pas nécessaire que les ajouts se rapportent à l'une des questions déjà portées à l'ordre du
jour. Cependant, cette prérogative est conditionnée par la détention de 5 % au moins
du
000
m0
0400
RS
Renan
D
312
LA SOCIÉTÉ ANONYME
capital social, ce seuil étant dégressif en fonction de l'importance du capital social selon un
barème fixé par décret (C. com., art. R. 225-71, mod. D. 11 déc. 2006). Les propositions
doivent être adressées à la société vingt-cinq jours au moins avant la date de l'assemblée,
lorsqu'il s'agit d'une société non cotée (C. com., art. R. 225-72, mod. D. 11 déc. 2006). La
demande est accompagnée d'une attestation justifiant du nombre d'actions détenues ; une
nouvelle attestation justifiant de l'inscription des actions au troisième jour ouvré précédant
l'assemblée doit être fournie le moment venu, faute de quoi la proposition de résolution ne
sera pas examinée (C. com, art. R. 225-71, mod. D. 11 déc. 2006).
b) Précision de l’ordre du jour
L'ordre du jour doit être explicite et intelligible par les actionnaires, de manière à ce que
ces derniers puissent apprécier la nature et la portée des résolutions soumises à leur suffrage
et se prononcer en connaissance de cause, voire décider ou non de prendre part à l'assemblée
(C. com., art. L. 225-108 et R. 225-66). Par exemple, la seule mention « respect des contrats
de concession » ne saurait justifier que l'assemblée décide la rupture d'un contrat de conces-
sion (note Y. Guyon citée infra).
Cette exigence n'interdit pas de terminer l'ordre du jour par la référence usuelle aux
« questions diverses », mais cette rubrique ne peut englober que des sujets de « minime
importance » (C. com., art. R. 225-66, al. 2).
c) Intangibilité de l'ordre du jour
L'ordre du jour établi, peut-il être modifié ? La réponse est affirmative pour la proposition
de révocation d'un membre du conseil d'administration ou de surveillance et son remplace-
ment : l'assemblée « peut, en toutes circonstances, révoquer un où plusieurs administrateurs
ou membres du conseil de surveillance et procéder à leur remplacement» (C. com.
art. L. 225-105, al. 3). Pour le reste, le principe est clair : l'assemblée ne peut délibérer sur
SeRPC
sNassau
ss
SN
une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour, tel qu'établi par l'auteur de la convocation
et complété le cas échéant par un où plusieurs actionnaires dans les conditions précédem-
ment indiquées (V. par exemple CA Paris, 28 févr. 2003 : R/DA 8/2003, n° 844; l'assemblée
avait été convoquée pour la mise en harmonie des statuts avec la loi NRE; elle avait ainsi
approuvé de nouveaux statuts qui ne reprenaient pas l’ancienne stipulation dérogeant à la
limite d'âge du président; les juges ont considéré que la question de la limite d'âge n'étant
pas à l’ordre du jour, la suppression de ladite dérogation n'avait pas pu être décidée).
Cependant, il est admis que l'assemblée, sans ajouter une question supplémentaire à
l'ordre du jour, puisse compléter le projet de résolution qui lui est soumis (Cass. com., 25 avr.
1989 : Bull. Joly 1989, p. 531, note M. JEanTN) ;ainsi elle peut rectifier les comptes sociaux
ou élire au conseil d'administration ou de surveillance une personne autre que celle mention-
née dans le projet de résolution (Cass. com., 7 mars 1984 : Rev. sociétés 1984, p. 793, note
Y. Guyon).
Le juge des référés n’a pas davantage le pouvoir de modifier l'ordre du jour (Ord. T. com.
Paris, 26 avr. 1999 : JCP E 1999, p. 1237, n° 1, obs. A. Vianpie et J.-J. CAUSSAIN).
4. Jeu de devinette
691. — Que peut-on faire dans une SA avec...
_ yne action : assister aux assemblées, poser des questions écrites ou orales aux dirigeants,
agir ut singuli, au civil ou au pénal, s'opposer aux décisions augmentant les engagements
des actionnaires ou, plus généralement, à toute décision supposant un vote unanime ;
- 5 % du capital social : demander l'inscription d'un projet de résolution à l'ordre du jour
de l'assemblée ; provoquer la désignation d'un expert chargé d'enquêter sur une ou plusieurs
opérations de gestion ; demander la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'as-
semblée générale ;demander la récusation du commissaire aux comptes ;
_ 20 % du capital social : assurer le quorum d'une assemblée ordinaire sur première
convocation où d’une assemblée extraordinaire sur deuxième convocation ;
- 25 % du capital social : s'opposer à la transformation de la SA en SARL, assurer le
quorum d’une assemblée extraordinaire sur première convocation ;
- 34 % du capital social (minorité de blocage) : bloquer les résolutions aux assemblées
extraordinaires…, mais attention à l'abus de minorité ;
_ 50 % du capital social : bloquer les résolutions des assemblées ordinaires.…., mais atten-
tion à l’abus d'égalité ou de minorité ;
_ 50 % du capital social plus une action: gouverner les assemblées ordinaires... mais
attention à l'abus de majorité; -
NS
E
R
ATS
313
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
314
LA SOCIÉTÉ ANONYME
propos grossiers à l'égard du président de la société (traité de divers noms d'oiseaux, promis
« à la case prison », qualifié d'escroc, accusé d'avoir truqué les dernières élections au conseil
d'administration).
Lors de l'assemblée générale, les actionnaires renversèrent le conseil d'administration et y
substituèrent un rassemblement hétéroclite de personnalités, dont un homme d'affaires
connu, le président d'une association de défense d'actionnaires et .. un député (qui devait
démissionner ultérieurement).
Bien que l'évolution du cours de bourse ne soit pas l'unique critère d'appréciation des
performances des dirigeants sociaux, spécialement pour une société connaissant des difficul-
tés importantes à raison d'un endettement excessif, on observera que le cours qui était de
0,60 € le 8 avril 2004 au lendemain du coup d'État, n'était plus que de 0,24 € le 21 décembre
2004... et de 0,26 € le 21 décembre 2005.
7. Divertissement : le sociologue à l'assemblée
694. — Les sociologues fréquentent rarement les assemblées d'actionnaires ; ils ont tort
car il ya là matière à savantes recherches ; voici quelques pistes inspirées par la participation sxN«sPQ
315
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
rancœurs, leur attachement touchant à la société ou leur regret — paradoxal — de n'avoir pas
pu vendre au plus haut.
C'est au fond l'exercice du droit de critique de l'actionnaire, qui n'est pas en soi fautif,
dès lors que les frontières, lointaines, de la diffamation ou de l'injure ne sont pas franchies;
il a été par exemple jugé que la dénonciation « en termes véhéments » d’un acte de gestion
de la société et l'affirmation selon laquelle «les anomalies de gestion ont une odeur de
collusion suffisamment répulsive » ne faisaient pas franchir ces frontières (Cass. civ. 2°, 13 mai
2004 : RIDA 10/04, n° 1122. — V. à l'inverse, CA Paris, 25 oct. 2002 : RIDA 4/03, n° 385,
| dénigrement du dirigeant social par l'expression de critiques fausses et insultantes.…).
naissent
pots tsarsstaiasae ts eene
Sous-section 2
a) L'existence du bénéfice
698. —- On ne peut distribuer que des bénéfices réalisés et disponibles ; si
ceux de l'exercice sont insuffisants, il est possible de « piocher » dans les
réserves constituées au cours des exercices précédents. À défaut de bénéfices
(ou de réserves), les dirigeants se rendent coupables du délit de répartition
de dividendes fictifs (C. com., art. L. 242-6, 1°). Les actionnaires sont
alors
tenus de restituer à la société les dividendes irrégulièrement distribués, s’il
est démontré qu'ils ont pu avoir connaissance du caractère fictif du dividende
qui leur a été distribué. Hors de là, on applique la maxime « Dividende distri-
316
LA SOCIÉTÉ ANONYME
bué ne peut être repris » (C. com., art. L. 232-17) ; la société ne saurait par
exemple exciper de difficultés financières pour exiger des actionnaires qu'ils
restituent les sommes perçues... ou pour refuser de leur verser les sommes
dont la distribution a déjà été décidée. Sur le plan financier, les actions sont
des placements à risques ; si la société ne réalise pas de bénéfice, les action-
naires ne perçoivent aucun revenu ; c’est une autre façon, « en se serrant la
ceinture », de contribuer aux pertes.
b) La décision de distribution
699. — Si l'existence de bénéfices est une condition préalable, ce n’est pas
une condition suffisante ; les actionnaires ne toucheront de dividendes qu’au-
tant que l’assemblée, statuant à la simple majorité, en aura ainsi décidé. Il Tui
est loisible en effet, par mesure de prudence, de laisser les bénéfices en réserve
de façon à assurer l’autofinancement de la société (c’est une forme d'épargne
forcée pour les actionnaires). Cette liberté d'affectation des résultats peut
cependant être limitée par les statuts.
Ils peuvent par exemple décider que tous les bénéfices disponibles, après
dotation de la réserve légale, seront distribués chaque année sous forme de
dividendes ; de telles clauses sont peu fréquentes, mais licites ; en revanche,
serait nulle la clause qui interdirait, pendant toute la durée de la société, toute
distribution de bénéfices, car elle contredirait la vocation même de la société.
Lorsque les statuts se prononcent, c’est généralement pour prévoir l’attribu-
tion d’un dividende majoré pour récompenser les actionnaires fidèles ou la
répartition d’un premier dividende ; on entend par là un intérêt calculé sur la
valeur nominale des actions (5 %, 6 %, 7 %...), qui doit être versé aux action-
naires dès lors qu’un bénéfice distribuable existe (C. com., art. L. 232-16);
l'assemblée est alors tenue, dans cette limite, de voter la distribution de ce
premier dividende. Il ne faut pas confondre le premier dividende et la clause
d'intérêt fixe qui imposerait le versement d’un intérêt, même en l'absence de
bénéfice ; une telle clause est réputée non écrite (C. com. art. L. 232-15. —
V. supra, n° 168).
Au premier dividende s'ajoute le superdividende, dont l'assemblée décide
souverainement l'importance. À défaut de stipulation relative au premier
dividende, les actionnaires reçoivent seulement ce superdividende. Si toutes
les actions ne sont pas entièrement libérées, seules celles qui sont libérées ont
droit au premier dividende, tandis que toutes ont droit au superdividende ;
de même, en cas d'amortissement du capital, les actions de jouissance sont
privées du premier dividende (V. infra, n° 841).
La politique financière suivie (distribution de dividendes ou mise en
réserve) varie selon les sociétés (112) ; le cas échéant, les minoritaires qui s’es-
timent lésés peuvent entamer un contentieux, pour abus de majorité pour
mise en réserve systématique des bénéfices réalisés (V. supra, n° 387).
Toutes les actions existantes à la date de l’assemblée bénéficient, sauf clause
même
contraire du contrat d'émission, de la totalité du dividende, quand bien
elles auraient été créées peu de jours avant ladite assemblée (V. infra, n° 707).
sociétés françaises calculé en
(112) A titre d'exemple voici le rendement 2006 de quelques grandes
21 févr. 2007) :
rapportant le montant du dividende au cours de bourse (Source : ZEs Échos
— AXA : 3,44 %;
— France Telecom : 5,87 % ;
— Renault : 3,54 % ;
— Société générale : 4,10 % ;
— Total : 3,94 %.
317
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(113) Les dividendes non réclamés dans un délai de cinq ans sont prescrits, mais la
prescription joue au
profit de l'État : la société est donc tenue de verser au Trésor public les dividendes, de même que
les intérêts
d'obligations, qui n'ont pas été réclamés depuis cinq ans.
318
LA SOCIÉTÉ ANONYME
319
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
320
LA SOCIÉTÉ ANONYME
2. L'actionnaire de référence
708. — L'expression « actionnaire de référence » se rencontre parfois dans la presse; a-
t-elle un sens juridique ? À lire le Code de commerce, on est tenté de répondre par la néga-
tive. Et c'est une réponse identique qu'appelle la consultation du Code monétaire et financier.
Certes, un article L. 511-42 permet au gouverneur de la Banque de France d'inviter les action-
naires d’un établissement de crédit en difficulté « à fournir à celui-ci le soutien qui lui est
nécessaire » (sur cette invitation, dépourvue de caractère obligatoire, CA Paris, 13 janv. 1998 :
JCP E, p. 508, n° 1, obs. A. Vian et J.-J. CAUSSAIN. — B. GReLon, Les banques en difficulté :
D. 1997, chron., p. 197. — V. supra, n° 322). Mais l'invitation ne concerne pas spécifiquement
tel ou tel actionnaire, aussi bien on peut difficilement y voir un élément de définition de
l'actionnaire de référence.
Reste que, d'intuition, on mesure que tous les actionnaires ne sont pas à égalité de situa-
tion et spécialement de devoirs (Comp. L. Govon, Les obligations des associés, Économica,
spéc. n° 114). Certains ne font que passer, d’autres ont l'ambition de demeurer. Certains ont
une participation négligeable, d'autres ont une participation significative. Certains ne peuvent
pas espérer être les acteurs d'une réorientation où d'une restructuration, d'autres seront les
interlocuteurs inévitables de telles opérations. Ainsi, les seconds, bien que n'étant ni action-
naires majoritaires, ni actionnaires de contrôle, ont une position d'influence. La durée, les
objectifs, le nombre d'actions, la présence dans les organes sociaux déterminent cette
influence et s’il n'y a pas de seuil précis, l'appellation « actionnaire de référence » devient
pertinente à partir de 15, voire 10 %. Appellation et non qualification car le droit des sociétés
ne tire (encore ?) aucune conséquence de cette « désignation ». Spécialement, tant que l'ac-
tionnaire de référence ne se comporte pas comme un dirigeant de fait, il n'assume pas les
aléas sociaux au-delà de son investissement.
3. Les pactes d'actionnaires
709. — On pactise parfois avec le Diable, avec un ennemi, voire avec un co- actionnaire,
et dans ce dernier cas, on parlera de pactes d'actionnaires.
À la vérité on pourrait dire contrat, car le pacte est d’abord une convention, soumise comme
telle aux règles du droit des contrats. Mais l'emploi du terme pacte (de pactum, paix) souligne
l'importance dudit contrat, qui n’est pas un protocole banal en tant qu'il a une connotation d'al-
lance, de là un caractère solennel plus marqué. Et puis, il faut bien reconnaître que Pacte Atlan-
tique ou Pacte d'actionnaires ont plus d’allure que Contrat Atlantique ou Contrat d'associés.
1° Typologie
Les pactes peuvent être rangés dans deux catégories, en sachant que très souvent les
pactes sont mixtes, en tant qu'ils comportent des clauses se rapportant à l'une et à l'autre
de ces catégories.
a) Pactes relatifs aux mouvements d'actions.
Par le pacte, les actionnaires s'efforcent de discipliner les mouvements d'actions, c'est-à-
dire d'organiser les conditions de cession et de transmission des actions (S. Prar, Les pactes
d'actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992).
Voici quelques échantillons :
- préemption : les actionnaires stipulent qu'en cas de cession, le cédant offrira d'abord
aux autres membres du pacte la possibilité de lui racheter ses actions — on dit de celles-ci
influence
qu'elles sont pactées -, ce qui permettra aux membres du pacte de conserver leur
(V. infra, n® 725 et s.);
détenir
— plafonnement des participations : le pacte prévoit qu'aucun signataire ne devra
plus de N % du capital de la société;
entre les signa-
_ concertation en cas d'offre publique : le pacte organise la concertation
de l'obligation
taires en cas d'offre publique d'acquisition, concertation parfois prolongée
position commune, déterminé e par la majorité des membres du pacte ;
d'adopter une
émise au profit
_ droit de suite : le pacte stipule qu'en cas de proposition d'acquisition
l'acheteur potentiel qu'il
d'un des actionnaires ayant signé le pacte, celui-ci doit obtenir de
étende sa proposition aux autres signataires ;
ts ne pourra
— non-agression (ou Stanastill) : le pacte prévoit qu'aucun des contractan
lancer une offre publique à l'encontre de la société ;
leurs actions pen-
_ inaliénabilité : le pacte oblige les actionnaires concernés à conserver
dant une certaine durée.
321
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
322
LA SOCIÉTÉ ANONYME
SNS
(. CARBONNIER, Droit civil, tome IV, Thémis, n° 140. — A. Benagenr, Droit civil, Obligations,
. Montchrestien, ®% éd., n° 312). Elle procède d'une interprétation analogique de diverses
dispositions du Code civil dont les articles 1780 et 1838 et est constamment rappelée parles
tribunaux (Cons. Cass. civ., 5 mars 1968 : G.P. 1968, |, 368. — Cass. com., 26 mai 1970 : |
Bull. civ. IV, p. 153. — Cass. 3 civ., 8 mai 1973 : D. 1973, LR., 58. — Cass. 3° civ., 19 févr. |
1992 RJDA 1992, n° 323. — Cass. com., 7 avr, 1998 : RJDA 1998, n° 977). Reste à apprécier
ce qui est perpétuel et ce qui ne l’est pas. Un engagement pris pour la durée d'une vie
professionnelle l’est assurément ; de même qu'un engagement à durée indéterminée, mais
dont on ne peut se libérer qu'avec l'accord des autres signataires. La Cour de cassation a
apporté une contribution utile à propos d’un droit de préemption inclus dans un pacte d'ac-
tionnaires conclu pour 20 ans, en approuvant la cour d'appel de n'avoir pas considéré cette |
durée excessive au motif que le pacte cessait de produire effet à l'égard de tout actionnaire |
perdant cette qualité, perte qui pouvait survenir à tout moment du fait de la liberté de |
cession, sous réserve toutefois de respecter le droit de préemption (Cass. com., 27 sept. |
2005 : RJDA 2005, n° 1359, 1" esp.).
| n'est pas rare que le pacte stipule que ses dispositions « s’appliqueront aussi longtemps |
que Îles parties] ou leur substitués demeureront ensemble actionnaires » ; cette clause ne fait |
pas du pacte un engagement perpétuel dès lors que chaque actionnaire, en cédant ses !
actions, peut sortir du pacte (CA Paris, 15 déc. 2006 : BRDA 5/07, n° 3, p. 2). |
PP re
Sous-section 3
710. — Les actions sont des droits incorporels de nature mobilière (alors
même que la société ne comprendrait que des immeubles). Elles sont un élé-
ment du patrimoine de l'associé et entrent donc dans la sphère du droit de
gage général des créanciers ; ceux-ci peuvent les saisir en exerçant une saisie-
vente (114) entre les mains de la personne (société ou établissement déposi-
taire) ayant en compte les actions saisies. De leur côté, les actionnaires peu-
vent monnayer leurs actions en les cédant ou en tirer crédit en les nantissant ;
depuis la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, il
leur est également possible de les louer.
323
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
1° Trouver un acheteur
713. — Pas de vente sans acheteur, pas de cession sans cessionnaire. C’est
une règle d’or des sociétés à capital fixe. Le vendeur ne peut pas se contenter
d'exprimer son envie d'évasion et demander à la société de rembourser son
apport ; il doit trouver un remplaçant, un acheteur acceptant d’être action-
naire en ses lieu et place. Les SA ne reconnaissent, en principe, aucun droit
de retrait aux actionnaires (V. supra, n° 331).
Pour les sociétés non cotées, l’entreprise est délicate, faute de marché, spé-
cialement lorsque le lot d'actions à céder ne confère pas le contrôle de la
société. Les banques et certaines institutions spécialisées s'efforcent d'aider le
candidat à la cession, mais dans nombre de cas, celui-ci est obligé de passer
sous les Fourches Caudines des majoritaires et de brader ses titres. Cela tem-
père l'argument selon lequel les sociétés de capitaux offrent l'avantage d’un
désinvestissement rapide par rapport aux sociétés de personnes ; en vérité,
quel que soit le type de société, le plus difficile est souvent de trouver un
acheteur.
2° Passer une convention
(116) Cass. com., 19 mai 1992 : Bull. Joly 1992, p. 747 : détermina
tion du prix rendue impossible en ,
raison du défaut de fiabilité des comptes. — Cass. com., 5 avr.
2005 : BRDA 12/05, n° 2 : indétermination
du prix en raison de l'inclusion dans la somme payée des indemnités de
licenciement du cédant et d’autres
indemnités au titre d'un engagement de non-concurrence, sans que
le montant de ces dernières soit précisé.
324
LA SOCIÉTÉ ANONYME
B. — La liberté de cession
1° Les clauses d'agrément
par rapport
(117) Cass. com., 18 juin 1996 : BRDA 15/96, n° 3 : validité d'une clause de fixation du prix
d'une clause
3 un bilan futur. - Cass. com., 16 janv. 2001 : Bull. Joly 2001, p. 391, note A. COURT : validité
seul un droit de contrôle
de révision du prix en fonction d'un bilan rectificatif établi par un professionnel,
étant reconnu aux cessionnaires.
(118) Cass. 2° civ., 30 mars 2000 : R/DA 2000, n° 873.
; condamnation de l'un des
(119) Pour un exemple, Cass. com., 11 mars 2003 : RIDA 6/2003, n° 599
de solidarité. — Adde
acquéreurs à payer la totalité du prix de cession, par application de la présomption
et HOVASSE.
Cass. com., 28 nov. 2006 : Droit des sociétés févr. 2007, p. 22, obs. MonneT
325
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
- a Cass. com., 13 déc. 1994 : JCP E 1995, 447, n° 4, obs. À. Vianoier et J.-J. CAUSSAIN (affaire du Midi
ibre).
(121) Cass. com., 6 mai 2003, n° 750 FS-P : /CP E 2003, 1327, note D. CoHen (affaire Yves Rocher)
:
JCP E 2003, 1203, obs. J.-J. Caussan, F. Desoissy et G. Wicker n° 8.- Est donc confirmée la licéité
de
principe de la clause Statutaire soumettant à agrément le transfert de titres intervenant lors de la transmission
universelle du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante (Rappr. CA Paris, 9 févr.
2006 :
RIDA 7/06, n° 789).
(122) Cass. com., 14 déc. 2004 : RDA 2005, n° 387 ; l'acquéreur prétendait pouvoir agir en nullité pour
absence d'agrément de la cession qui l'avait fait devenir actionnaire.
326
LA SOCIÉTÉ ANONYME
Une belle empoignade juridique a opposé les trois grands fabricants de pâtes
alimentaires : Rivoire et Carret, Lustucru et Barilla ; ce pourrait être le titre d’un
roman policier : « Du rififi dans les spaghettis ». Les deux fabricants français,
Rivoire et Carret Lustucru, se sont réunis au sein d’une holding, composée de
la famille Cartier-Millon d’une part, représentant environ 41 % du capital, et
du groupe Skali, possédant environ 48 % du capital. Les deux groupes se sont
rapidement brouillés et ont engagé un contentieux. Les minoritaires (la famille
Cartier-Millon contrôlant Lustucru) ont demandé l'annulation de la société hol-
ding pour atteinte à la liberté de vote ; ils furent déboutés, ce qui a permis à la
Cour de cassation, dans un arrêt du 2 juillet 1985, de proclamer solennellement
la validité des sociétés de portefeuille (sur ce point, V. infra, n° 1464).
L'affaire rebondit. En effet, à la suite de la décision de la Cour de cassation,
le groupe minoritaire cherche à vendre sa participation au concurrent italien,
Barilla. Mais les statuts de la holding comportent une clause d'agrément. Pour
tourner la difficulté, la famille Cartier-Millon cède sa participation à une société
qui est sous son contrôle, la société Embranchement de la Capuche, laquelle
possède déjà quelques actions de la holding ; cette qualité d’actionnaire la fait
échapper à la procédure d'agrément en raison de la jurisprudence en vigueur
à l’époque (V. supra, n° 720). Il suffit alors à la famille Cartier-Millon de céder
au groupe Barilla sa participation dans la société Embranchement de la
Capuche, qui par ce biais se trouve titulaire de 40 % du capital de la holding.
Et c’est ainsi que le loup entre dans la bergerie... Les majoritaires ne l'entendent
pas de la sorte ; ils sollicitent et obtiennent la mise sous séquestre des actions
cédées et plaident la fraude à la clause d'agrément, la fraude consistant en
l'espèce à agir par personne interposée. La cour d'appel de Grenoble leur donne
gain de cause le 30 juin 1988 et annule la cession litigieuse. Le pourvoi est rejeté
par la Cour de cassation (Cass. com., 27 juin 1989 : RD bancaire et bourse 1989,
p. 176, obs. M. JEANTIN et A. VIANDIER ; D. 1990, 314, note J. BONNARD).
Une autre illustration de la vitalité de l’argument de fraude a été offerte par
un arrêt de 1997 rendu en matière de SARL (Cass. com., 21 janv. 1997 :
Rev. sociétés 1997, p. 349, note D. BUREAU ; Dr. sociétés 1997, n° 55, obs. Th. BoN-
NEAU) ; dans cette espèce, un frère souhaite céder ses actions à sa sœur en s’af-
franchissant de l’agrément requis par les statuts, lesquels exemptaient de
l'agrément les cessions à ou par un ascendant ;pour cela, il commence par
céder ses droits à sa mère, cession libre, laquelle les rétrocède aussitôt à sa fille,
cession également libre ; le procédé a été jugé frauduleux.
c) La procédure d'agrément
722. - La demande d'agrément est présentée par lettre recommandée ou
par acte extrajudiciaire à la société par le cédant ou par le cessionnaire. L’or-
gane compétent est désigné dans les statuts ;c'est généralement le conseil
d'administration (le conseil de surveillance le cas échéant), plus rarement l’as-
semblée (123). Le cédant n’est pas interdit de vote ; ainsi sa voix est prise en
compte s’il a la qualité d'administrateur lorsque la décision relève du conseil
d'administration.
723. - L'agrément peut être accordé de façon explicite. Il peut être impli-
cite si la société n’a pas répondu à la demande dans un délai de trois mois.
(123) B. Javauo, Qui décide de l'agrément à la cession d'actions ? JCP E 2001, 1946.
327
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
| (124) Cass. com., 7 janv. 2004 3 Bull. Joly 2004, p. 682, 8 133, note T. Massarr: les majoritaires
avaient
pris une série de positions de principe entraînant une division de l'offre d'acquisition, présentée
comme
globale, et obligeant l'acquéreur à retirer celle-ci.
(125) CA Paris, 23 avr. 1998 : Bull. Joly 1998, p. 959, note J.-J. Daicre : refus d'agrément
arbitraire
dans une société civile de masseurs-kinésithérapeutes, manifestant l'intention de capter fraudüleuseme
nt la
clientèle du candidat à la cession.
328
LA SOCIÉTÉ ANONYME
sion entre associés puisse bouleverser cet équilibre. La clause est générale-
ment contenue dans un pacte extra-statutaire (V. supra, n° 709), mais elle peut
être également introduite dans les statuts.
726. —- Le mécanisme est le suivant : l'actionnaire qui désire céder ses
actions doit d’abord proposer celles-ci à ses coactionnaires, sans toujours
avoir, d’ailleurs, à révéler le nom du cessionnaire pressenti. Les autres asso-
ciés peuvent alors racheter les actions à proportion de leur part dans le capi-
tal. La procédure varie selon les clauses; il n’est pas rare qu’un « premier
tour » ait lieu à l'issue duquel les actions qui n'auraient pas été préemptées
(par exemple parce que l’un des actionnaires ne souhaiterait pas acquérir d’ac-
tions supplémentaires) sont offertes aux préempteurs du premier tour. Par-
fois, dans les sociétés familiales notamment, la préemption opère d’abord au
sein de la branche familiale à laquelle appartient le cédant, avant d’être élargie
ensuite à tous les actionnaires. Les clauses prévoient les conditions de fixation
du prix en recourant à l'expertise d’un tiers (C. civ., art. 1592 ; V. infra, n° 752).
727. — La violation d’une clause de préemption, à la différence de ce que
prévoit l’article L. 228-23 du Code de commerce pour les clauses d'agrément,
n'est pas sanctionnée par la nullité de la cession, sauf par application des
règles générales du droit civil, en cas de complicité de fraude de la part du
tiers acheteur. En dehors de ce cas limité, la violation de la clause de préemp-
tion emporte trois conséquences ; d’abord, si la clause est statutaire, la cession
sera inopposable à la société et l’acheteur ne sera donc pas reconnu actionnai-
re ; ensuite, l'associé irrespectueux de la clause de préemption pourra être
condamné à dommages-intérêts ; enfin, depuis un arrêt d’une chambre mixte
de la Cour de cassation du 26 mai 2006, le bénéficiaire du droit de préemption
peut demander à être substitué au tiers acheteur à condition de démontrer
que l’acheteur connaissait l’existence du droit de préemption et l'intention du
bénéficiaire d’en demander l'application (V. supra, n° 709).
3° Les clauses de rachat forcé
329
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(127) Cass. com., 1 oct. 1991 : JCP E 1992, 277, note À. ViaNDIER ;D. 1992, p. 190, note G. ViRASsAMY.
(128) Cass. com., 17 oct. 1995 : BRDA 1995-21, p. 3; D. 196, p. 167, note J. PAILLUSSEAU.
(129) Cass. com., 28 févr. 2006 : AIDA 10/06, n° 1036.
(130) Cass. com., 4 déc. 2001 : Bull. Joly 2002, p. 62, obs. A. Courer.
(131) Cass. com. 10 déc. 2003 : RJDA 7/04, n° 829, 2e espèce.
330
LA SOCIÉTÉ ANONYME
sionnaire, le vendeur ayant par exemple dissimulé à ce dernier tel ou tel tour
de prestidigitation comptable à implication fiscale. Si le dol est démontré, le
cessionnaire pourra demander la nullité de la convention ou des dommages-
intérêts (V. infra, n° 754). Dans un tel cas, l’action en annulation n'est pas
soumise à la prescription triennale mais à la prescription de droit
commun (132). Le dol peut tout aussi bien émaner de l'acheteur, par exemple
un dirigeant social omettant de signaler qu'il a trouvé un acheteur auquel il
va rétrocéder les actions à un prix très supérieur (133).
Encore faut-il que la victime ne soit pas elle-même coupable d’un défaut
de diligence. On pourra notamment lui reprocher d’avoir agi à la légère, de
n'avoir pas fait procéder à un « audit » de la société par un expert, de n'avoir
pas pris la précaution de demander au cédant une clause de garantie de pas-
sif (134). On lui reprochera aussi parfois d’avoir été parfaitement au courant
de la situation fragile de la société (135).
Parfois l'acheteur victime d’un dol préférera demeurer associé, mais obtenir
une réduction du prix convenu; il agira alors en responsabilité contre le
cédant, responsabilité délictuelle, puisqu'elle résulte de faits antérieurs au
contrat, et qui aboutira à une condamnation à dommages-intérêts du cédant.
4) Violence ?
734. — La violence est un vice du consentement au même titre que l'erreur
ou le dol.
Plus qu’à la violence physique — la paire de gifles pour provoquer l'accepta-
tion du cédant — c’est à la violence morale que l’on pense : chantage à l'emploi
par exemple (136).
5) Violation de l'obligation de bonne foi ?
735. — À côté du dol dont la sanction est une manifestation de l'impératif
de bonne foi dans les relations contractuelles, la jurisprudence a fondé sur le
même principe le devoir d’information des cocontractants lequel vaut tout
autant en matière de cession d'actions, spécialement lorsqu'il s’agit d’une ces-
sion portant sur la majorité des actions. Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle
censuré un arrêt d'appel qui n'avait pas recherché si le cédant « n'avait pas
manqué à son obligation de contracter de bonne foi en omettant d'informer
[l'acquéreur] des conséquences probables d'un accident de travail intervenu
avant la cession » (137).
(132) L'action en annulation d'une cession de droits sociaux n'est soumise à la prescription triennale que
dans l'hypothèse où elle est fondée sur une irrégularité affectant la décision agrément : Cass. com., 6 oct.
2004 : Bull. Joly 2005, p. 114, note P. Le CanNu.
(123) Cass. com., 11 juill. 2006 : A/DA 11/06, n° 1146; président achetant chaque action 525 pour les
revendre 786 six semaines plus tard.
cédant
(134) CA Versailles, 23 juin 2005 : Æ/DA 7/06, n° 784; le fait que le cessionnaire soit le frère du
élémentaire
ne le dispense pas de demander tout renseignement comptable utile et de prendre la précaution
de consulter les documents disponibles au greffe du tribunal de commerce.
en fait intéressé
(135) CA Paris, 21 mars 2006 : ADA 7/06, n° 785; l'acquéreur de la totalité du capital,
par la part de marché de la société, avait procédé à un audit et exigé une garantie de passif.
société civile se
(136) CA Paris 3 nov. 1999 : Bull. Joly 1999, p. 289; le souscripteur de parts d'une
au motif que
trouvait être le salarié du fondateur de la société ; il recherchait l'annulation de la souscription
l'avait menacé de licenciement s'il ne souscrivait pas : il est débouté au motif qu'étant une
son employeur
et que le
personne raisonnable il n'avait pas pu être conduit à souscrire sous la pression du fondateur
chantage prétendu au licenciement n'était pas démontré.
D. Daner, Cession
(137) Cass. 1'° civ., 15 mars 2005 : Rev sociétés 2005, p. 587, note N. Marxev. - Adde
315$.
de droits sociaux : information préalable ou garantie des vices ? RTD com. 1992, p.
331
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
| (138) Cass. com., 16 nov. 2004 : RIDA 2005, n. 563 : l'apparition de pertes sociales importantes
supé-
rieures de dix fois aux prévisions, ne constitue pas un vice caché dès lors que la société n'était
pas dans
l'impossibilité de poursuivre l'activité économique constituant son objet.
(139) Cass. com., 25 janv. 1983 : JCP 1984, II, 20180, note A. VianDIER.
(140) Cass. com. 9 juill. 2002 : Bull. Joly 2002, p. 1311, note A. Courer : absence de
jeu de la garantie
d'éviction en cas de résiliation d'un contrat de distribution avec une filiale, en raison notamment
de la part
réduite du chiffre d'affaires réalisé à travers ce contrat.
(141) Cass. 1 civ., 24 janv. 2006 : Rev. soc. 2006, p. 561, note B. LEcOURT ;
cédant de parts d'une
société médicale se réinstallant avant la date prévue au contrat et déployant des manœuvres
pour capter la
clientèle de la société ; arrêt rendu en matière de société civile professionnelle mais qui
vaut également pour
les sociétés par actions.
332
LA SOCIÉTÉ ANONYME
333
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
741. - C'est la première catégorie qui nous retiendra dans les développe-
ments qui suivent. Voici un exemple de clause de garantie : «… le vendeur
s’oblige notamment à indemniser l'acquéreur et/ou la société de tout passif
de la société non déclaré, non provisionné, ou insuffisamment provisionné au
bilan clos le 31 décembre 2006, qui se révélerait ultérieurement et aurait une
cause antérieure à la date de cession des actions, tous impôts, taxes, amendes,
majorations, intérêts de retard, et pénalités exigibles à la suite de tous redres-
sements fiscaux ou résultant de la législation sociale et ayant une cause anté-
rieure à la date du transfert des actions. Le montant de l'indemnisation de
l'acquéreur et/ou de la société sera payé par le vendeur dans les soixante
jours suivant la notification par lettre recommandée avec accusé de réception
du dommage et de son évaluation. »
c) La portée de la garantie
742. — Les clauses de garantie de passif concernent souvent plus que le
passif et embrassent des éléments extrafinanciers : régularité de la constitution
de la société, réalité de la propriété des actions cédées, respect de la réglemen-
tation, du fonctionnement des sociétés (documents sociaux à jour, publicités
légales effectuées.….), nature des actes accomplis depuis la clôture du bilan de
référence (144).
Mais le cœur de la garantie est bien sûr le passif. Elle couvre généralement
toutes les dettes sociales. Sauf indication d’un plafond, le garant est tenu sans
limite, y compris au-delà du prix qu'il a perçu. Il en va différemment si la
garantie a été conçue comme une «réduction de prix » (V. supra, n° 740),
puisque, au pire des cas, la mise en œuvre de la garantie ne peut aboutir qu’à
la restitution intégrale du prix. Comme il s’agit des dettes non déclarées ou
non provisionnées à la date de la cession, la convention désigne l’état financier
de référence : dernier bilan ou situation intermédiaire. Il peut arriver que
l'acheteur supporte une certaine franchise et ne puisse invoquer la garantie
qu'au-delà d’un seuil déterminé et seulement pendant une durée donnée.
Lorsque le bénéficiaire de la garantie se trouve être l’auteur des pratiques
fiscales ayant conduit, après la cession, à un redressement, sa mauvaise foi
lui interdira d’invoquer la garantie .… de ses propres faits (145). Pareillement,
en application du principe de loyauté des contrats, le bénéficiaire d’une garan-
tie au titre des créances irrécouvrables ne peut s’en prévaloir qu’à la condition
de prouver avoir accompli les diligences minimales qui lui incombaient pour
procéder au recouvrement de celles-ci (146).
d) Les bénéficiaires de la garantie
743. — Selon la rédaction de la clause, le bénéficiaire peut être soit le ces-
sionnaire, soit la société cédée (147). Si la société est la bénéficiaire de la garan-
(144) CA Paris, 6 juin 2003 : RJDA 1/2004, n. 53 : le cédant avait déclaré qu'il n'avait accompli aucun
acte dépassant la gestion normale et courante de l'entreprise : or il avait en fait continué à honorer les
commandes d'un client notoirement insolvable, acte anormal ayant justifié la mise en cause de la responsabi-
lité du cédant au titre de cette déclaration.
(145) CA Paris, 14 mars 2006 : AÆ/DA 10/06, n° 1038 ; cession de 47 % d'une société
exploitant une
discothèque au président, détenteur de 41 % et responsable des dissimulations de recettes ayant
conduit
au redressement.
(146) CA Lyon, 1° juin 2006 : Dr. sociétés 2006, n° 125, obs. H. Hovasse ; JCP E 2007, 1049, n° 4, obs.
J.-J. Caussan, FI. Degoissy et G. Wicker : en l'espèce le cessionnaire prétendait faire jouer la
garantie due au
a des créances irrécouvrables alors qu'il n'avait même pas envoyé de mise en demeure
de payer aux
ébiteurs. Ë
(147) J. PaLusseau, Le bénéficiaire de la garantie de passif dans la cession de contrôle :
JCP E 2002, 367.
334
LA SOCIÉTÉ ANONYME
tie, le cédant est tenu de verser les fonds nécessaires dans les caisses sociales
ou de désintéresser directement les créanciers sociaux (le Trésor public en cas
de redressement fiscal par exemple) (148).
Lorsque la clause est de révision de prix, elle ne saurait profiter qu'au seul
cessionnaire (149).
744. — C'est un aspect du droit patrimonial que de pouvoir tirer crédit des
actions dont on est titulaire. On peut accorder une sûreté réelle sur les titres
à son créancier (un banquier ou encore le cédant qui consent des délais de
paiement) sous la forme d’un nantissement, c'est-à-dire d’une mise en gage.
Cette garantie n’a pas connu le succès escompté en raison des difficultés de
gestion du portefeuille de titres nantis et de la lourdeur des mécanismes de
réalisation du gage. Le législateur a donc tenté de remédier à cette désaffec-
tion en modifiant en profondeur le régime du gage par la loi du 2 juillet 1996
dite de modernisation des activités financières, qui a institué « un gage des
comptes d'instruments financiers » (C. monét. fin., art. L. 431-4).
A. — La constitution du gage
745. —- La mise en gage d'instruments financiers est réalisée, tant entre les
parties qu’à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par une
déclaration signée par le constituant du gage, l'actionnaire en l'espèce. Les
titres sont virés sur un compte spécial ou sont l’objet d’une identification
informatique. Le créancier peut (il s’agit d’une faculté) obtenir à tout moment
une attestation de nantissement de compte d'instruments financiers.
En vérité ce ne sont pas les valeurs mobilières qui sont gagées mais le
compte lui-même. Il est d’ailleurs prévu que les titres qui sont substitués (cas
de la fusion) ou qui complètent (cas d'attribution d'actions gratuites) les titres
figurant dans le compte gagé entrent, par le jeu de la subrogation réelle, äans
l'assiette du gage (C. monét. fin. art. L. 431-4, I). Les dividendes sont égale-
ment compris dans cette assiette.
Pendant la durée du gage, c’est le débiteur (le constituant) qui a la « pro-
priété » du compte et qui reste associé. Toutefois l’article L. 431-4 précité pré-
voit que le créancier gagiste et le titulaire du compte gagé peuvent définir les
conditions dans lesquelles ce dernier peut disposer des éléments du compte,
par exemple des dividendes reçus.
Enfin, règle importante, le créancier gagiste se voit reconnaître expressé-
ment par la loi un droit de rétention sur les titres figurant dans le compte
soient
gagé ; autrement exprimé, il peut s'opposer à ce que les titres gagés
IV).
transférés sur un autre compte (C. monét. fin., art. L. 431-4,
B. — La réalisation du gage
le gage.
746. — À défaut de paiement à l’échéance, le créancier peut réaliser
Le droit commun du gage prévoit deux modes de réalisation : la vente forcée
335
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
747. — La loi du 2 août 2005 prise en faveur des petites et moyennes entre-
prises a prévu la possibilité pour un propriétaire d'actions — comme de parts
sociales de SARL (V. infra, n° 1055) - de mettre ses titres en location ou en
crédit-bail (C. com. art. L. 239-1 et s.). L'objectif affiché est de permettre une
meilleure reprise des petites entreprises, notamment lorsque l'instrument
choisi est le crédit-bail.
A. — Conditions de la location
748. — La mise en location, qui n’est pas possible pour les actions cotées
en bourse, suppose que les statuts autorisent cette faculté. Le contrat de loca-
tion doit être écrit et le locataire ne peut être qu'une personne physique. Les
titres doivent être évalués au début et au terme de la location sur la base des
comptes sociaux, évaluation certifiée par le commissaire aux comptes. Le
contrat prévoit la durée de la location et le loyer ; dans le cas du crédit-bail,
le propriétaire consent une promesse de vente des actions à un prix convenu,
qui prend totalement ou partiellement en compte les loyers versés. Le loca-
taire est soumis à agrément lorsqu'une clause d'agrément est stipulée dans
les statuts de la société. La location est opposable à la société au moyen d'une
signification par acte d’huissier ou d’une acceptation par la société dans un
acte authentique (C. civ., art. 1690).
B. — Effets de la location
749. — La location, ou le crédit-bail, signifiés à la société, celle-ci porte une
mention appropriée sur le registre des titres. Le bailleur demeure associé puis-
qu'aucun transfert de propriété n’est intervenu. Cependant, s’il vote dans les
assemblées statuant sur les modifications statutaires et le changement de
nationalité de la société, c’est le locataire qui exerce cette prérogative pour
336
LA SOCIÉTÉ ANONYME
toutes les autres décisions. Les autres droits sont distribués comme en matière
d'usufruit, le bailleur étant assimilé à un nu-propriétaire et le locataire à un
usufruitier (C. com. art. L 239-3). Aïnsi le dividende revient-il au locataire et
lui permet ainsi de payer tout ou partie du loyer stipulé au contrat.
750. — Il est encore trop tôt pour dire si cette innovation produira les effets
escomptés par ses promoteurs, spécialement en matière de transmission des
petites entreprises. En tout état de cause, il est heureux que cette nouvelle
facilité ait été autorisée, ce qui donne un peu plus de souplesse au droit des
sociétés (150).
re
337
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
paquet d'actions assurant le contrôle de la société. Dans ce cas, c'est la valeur même de la
société qui est en jeu. Pareillement, la circonstance qu'un bloc d'actions confère une minorité
de blocage influe sur la valeur vénale des titres (CA Paris, 2 juill. 2002 : Bull. Joly 2003,
p. 217, note À. Courer). Un élément essentiel de l'évaluation réside dans la valeur de rende-
ment reposant sur le bénéfice moyen de l'entreprise ; ce bénéfice moyen est multiplié par un
taux que l'on appelle le PER (Price earning ratio). Le PER dépend du secteur d'activité.
2. La détermination du prix par un tiers évaluateur
752. — || arrive que les parties s'en remettent à un expert où à un collège d'experts pour
fixer le prix des actions, par application de l'article 1592 du Code civil («Il [le prix] peut
cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers; si le tiers ne le veut pas ou ne peut faire
l'estimation, il n'y a point vente »). Il arrive également, par exemple en cas de refus d'agré-
ment, qu'un désaccord survienne sur le prix, ce qui implique encore l'intervention d'un expert,
par application cette fois, de l'article 1843-4 du Code civil ; dans ce dernier cas, le recours à
l'expertise est obligatoire pour le juge comme pour l'arbitre (CA Paris, 21 mai 1996 : Rev. arb.
1996, p. 625, note A. VIANDIER).
Quant à la nature de la mission, la Cour de cassation a consacré l'analyse, communément
admise en doctrine (V. L. Caner, Arbiter, Arbitrator, Gloses et post-gloses sous l'article 1843-4
du Code civil : Mél. Y. Guyon, Dalloz 2003, p. 155 et s.), selon laquelle, malgré le terme
d'arbitrage employé à l’article 1592, le tiers évaluateur n’est que le mandataire commun des
parties (Cass. com., 4 févr. 2004, n° 278 FS-P+B : JCP E 2004, 601, n° 1, obs. J.-J. CaussaAIN,
Fl. Desoissy et G. Wicker; Rev. sociétés 2004, p. 93, note Y. CHartier). La même analyse
s'impose lorsque le tiers évaluateur est nommé sur le fondement de l'article 1843-4 : il est le
mandataire des parties et non un expert judiciaire au sens de l'article 145 du NCPC (CA
Orléans 16 janv. 2003 : Dr. sociétés 1/2004, n° 3, obs. F.-X. Lucas).
En conséquence, c'est par rapport au contrat qui le lie aux parties que doit être appréciée
sa responsabilité. En acceptant sa mission, il s'est engagé à fixer le prix de cession en respec-
tant l'intérêt de chacun des mandants, ce qui implique qu'il retienne la valeur la plus objective
possible. Par suite, en cas de faute commise dans l'exercice de sa mission, et notamment en
cas de sous-évaluation des titres, le tiers peut voir engager sa responsabilité civile (Cass. com.,
4 févr. 2004 : préc.). Cela implique également qu'il puisse être récusé si ses liens actuels ou
passés avec l’une des parties sont de nature à faire naître un doute légitime et actuel sur son
impartialité (Cass. com., 5 oct. 2004 : R/DA 2004, n° 1335; Bull. Joly 2005, 8 44, p. 262,
note G.-C. GIGRGINI).
Son évaluation s'impose aux parties et au juge — ce qui montre bien que le tiers n’est pas
un expert judiciaire — sauf erreur grossière, laquelle oblige à désigner un nouvel expert. Telle
est la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Cass. com., 6 juin 2001 : /CP E 2001,
p. 1909, n° 2, obs. À. Vianbier et J.-J. CaussaN). Que doit-on entendre par erreur grossière ?
On pourrait poser que la faute où erreur grossière est celle qu’un technicien normalement
soucieux de ses fonctions ne saurait commettre. C'est donc par rapport au comportement
d'un appréciateur avisé et consciencieux qu'il y aurait lieu d'apprécier l'erreur grossière per-
mettant la rectification judiciaire de l'évaluation, ainsi de l'estimation de biens immobiliers à
leur coût historique, d'une erreur de calcul, d’une partialité manifeste, d'une évaluation à
partir d’un seul critère, de la vidiation du principe du contradictoire lors des opérations d'ex-
pertise (V. cependant sur ce dernier point : Cass. com., 19 avr. 2005, n° 663 FS-PBR : R/DA
2005, n° 986 ; JCP E 2005, 1390, note H. Lécuver; l'expert n'avait pas communiqué avant le
dépôt du rapport le nom et l'avis des sachants qu'il avait consultés, considérant que l'expert
a toute latitude pour fixer le prix, la Cour de cassation estime que cette circonstance ne
constitue pas une erreur grossière).
Les parties peuvent, dans la convention, déterminer certaines règles d'évaluation, qui s'im-
poseront à l'expert (CA Paris, 18 sept. 1998 : JCP E 1999, p. 666, n° 1, obs. A. VianDER et
J.-J. Caussan). Le dépassement de pouvoir caractérise une erreur grossière (Cass. 1e civ.
13 nov. 2003 : BRDA 2003, n° 5 : l'expert s'était permis de refaire le bilan de la société)
justifiant que soit écartée l'évaluation des titres sociaux réalisée par le mandataire désigné
en
application de l'article 1843-4 du Code civil, le juge ne pouvant alors — ce qui est sans doute
contestable — substituer sa propre évaluation (Cass. com., 25 nov. 2003 : JE 2004,
601,
obs. J.-J. Caussan, FI. Desoissy et G. Wicker, n° 2). Il reste que l'obligation pour l'expert de
respecter les consignes des parties suppose que celles-ci soient suffisamment précises
et
garantissent que le prix soit fixé en fonction d'éléments ne dépendant pas de la volonté des
parties, faute de quoi c'est le contrat lui-même qui est nul faute de détermination
du prix
(Cass. com., 19 déc. 2006 : BRDA 3/07, n° 11: promesse de cession de parts souscrite
par
338
LA SOCIÉTÉ ANONYME
l'exploitant d'un centre commercial LecLERc pour le cas où il changerait d'enseigne; l'expert
devait faire application des règles posées par le Mouvement Leclerc, sans autre précision;
annulation de la promesse).
Le juge écartant l'évaluation ne peut pas davantage nommer un nouvel expert, ce pouvoir
appartenant au seul président du tribunal statuant en la forme des référés (Cass. com.,
30 nov. 2004; Bull. Joly 2005, 8 75, p. 383, note H. Le Nasasque). En tout état de cause, le
juge lui-même ne saurait jouer le rôle d'expert et fixer judiciairement le prix dans le silence
de la convention (Cass. 1° civ., 24 févr. 1998 : R/DA 1998, pb. 417) où préciser la manière
Rs Un doit opérer pour mener à bien sa mission (CA Paris, 23 nov. 2005 : Æ/DA 5/06,
n° :
3. La fiscalité des cessions d'actions
753. — La fluidité du marché financier implique que les entraves fiscales soient réduites
au minimum. S'agissant du marché des actions, il faut compter avec trois types d'impositions :
— l'impôt sur la plus-value réalisée par le cédant : le taux d'imposition des plus-values est de 27
% si le cédant est une personne physique et de 15 % s'il s'agit d'une société soumise à l'impôt
sur les sociétés cédant des titres de participation ; on signalera qu'à compter de 2007, les plus-
values sur cessions de titres de participation seront exonérées (V. infra, n° 1488);
— l'impôt sur les opérations de Bourse : son taux est de trois pour mille jusqu'à 153 000 €
et de 1,50 pour mille au-delà de cette limite ;sa suppression est demandée avec insistance
par les milieux financiers;
- Je droit d'enregistrement dû par le cessionnaire : les cessions d'actions sont mieux trai-
tées que les cessions de parts sociales (CGI, art. 726) ; ces dernières sont dans tous les cas
soumises à un droit de 5 % (V. supra, n° 45); les cessions d'actions de sociétés cotées
échappent à tout droit si elles ne sont pas constatées dans un acte, c'est-à-dire dans un écrit
valant preuve au sens du Code civil, ce qui implique l'indication du prix et de la chose vendue,
de même que la signature des parties au contrat ; si un tel acte est rédigé, le droit d'enregis-
trement n'est exigible qu'au taux de 1,10 % et surtout son montant est plafonné à 4 000 €
par transaction ; s'agissant des sociétés non cotées, le droit de 1,10 %, plafonné à 4 000 €
est toujours dû ; enfin, si la société est à prépondérance immobilière, la cession d'actions est
soumise au droit de 5 % (V. supra, n° 46).
4. Le doi dans les cessions d'actions
754. — Les exemples d'annulations de cessions d'actions pour dol, généralement pour
réticence dolosive, se multiplient. Voici quelques illustrations :
_ défaut d'information du cessionnaire d’une entrave à la liberté de circulation propre à
gêner l'exploitation de l'entreprise (CA Paris, 11 déc. 1992 : JCP E 1993, 250, n° 3, obs.
À. Vianoier et J.-J. CAUSSAIN) ; -
_ dissimulation d’un important passif et préfacturation destinée à tromper le cessionnaire Sù
CAS
EC
SàNANTES
CREER
a
(Cass. com., 5 déc. 2000 : R/DA 2001, n° 323);
— silence gardé par le cessionnaire sur des informations privilégiées dont il a bénéficié (CA
Paris, 19 janv. 1994 : JCP E 1994, I, 363, n° 3, obs. A. VIANDIER et J.-J. CaussAIN. — Cass. com.
3, obs.
14 juin 2005 : Bull. Joly, 8 304, p. 1400, note P. Le CANNU; /CP E 2005, 1834, n°
J.-J. CaussaN, FI. DeBoissy et G. WICKER) ;
par
_ omission de passer une provision pour dépréciation du stock de poupées vendues
la société (CA Versailles, 19 mai 1995 : Bull. Joly 1995, p. 665);
Paris,
= dissimulation de la perte d’un client représentant 50 % du chiffre d'affaires (CA
12 avr. 2005 : RDA 2005, n° 1227);
discothèque
— silence gardé sur l'inadaptation des travaux d'isolation phonique d'une
(Cass. com., 13 janv. 1998 : R/DA 1998, n° 600);
n'était
_ défaut d'information du cessionnaire sur le fait que l'une des activités exercées
la société était titulaire (Paris, 3 févr. 1998 : RDA 1998, n° 601);
pas autorisée par le bail dont
liées au système
_ dissimulation des plaintes des copropriétaires relatives aux nuisances
E 1999, p. 666, n° 2,
d'évacuation des fumées d'une pizzeria (CA Paris, 18 nov. 1998 : JCP
obs. À. Vanier et J.-J. CAUSSAIN) ;
ation d'un camping sur
— silence gardé par le cédant des parts d'une société d'exploit
ration compéten te relatif au classemen t des campings
l'existence d’un courrier de l'administ
(Cass. 1° civ., 16 oct. 2001 : BRDA 2001, p. 3);
des contrats de crédit-
_ défaut d'information de l'acquéreur sur la résiliation prochaine
machines utilisées par la société (Cass. com., 8 juill. 2003 : R/DA 1/2004,
bail relatifs aux
R 50
”Nr
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339
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Section 4
LES SALARIÉS
Sous-section 1
340
LA SOCIÉTÉ ANONYME
Dans tous les cas, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les ques-
tions intéressant l’organisation, la gestion et la marche de l’entreprise ; à cette
fin, il reçoit régulièrement des informations et des rapports sur sa situation et
ses résultats (C. trav., art. L. 432-1 et L. 432-4).
Dans les SA, le comité d'entreprise dispose du même droit d’information
et de communication que les actionnaires (V. supra, n° 662 et s.). Spécialement,
les comptes annuels et les projets de résolution lui sont transmis ; il peut
convoquer le commissaire aux comptes et se faire assister d’un expert-comp-
table aux frais de la société (153). S'il formule des observations, elles seront
portées à la connaissance de l'assemblée générale.
758. — Le comité d'entreprise est parfois mieux traité que les actionnaires ;
les dirigeants sont en effet tenus (alors que pareille obligation n'existe pas à
l'égard des actionnaires) de l’informer et de le consulter sur différents projets :
— le comité d'entreprise doit être informé de tous les projets de modification
de structure et notamment de cession de contrôle; en matière d'offres
publiques, sont désormais prévues une information spécifique du comité
d'entreprise de la société cible et la faculté pour celui-ci de convoquer et d’en-
tendre l’initiateur de l'offre (C. trav., art. L. 432-1 ; V. infra, n° 1433) ;
- le comité d'entreprise doit être réuni lorsqu'une entreprise est partie à
une opération de concentration (C. trav., art. L. 432-1 bis).
341
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Sous-section 2
761. — Lorsque les résultats sont bénéficiaires, le premier servi est le Trésor
qui à lui seul se réserve le tiers du bénéfice, à raison de l’impôt sur les sociétés
au taux de 33,1/3 %. Les associés viennent ensuite, si du moins une distribu-
tion de dividendes est décidée. Les derniers servis sont les salariés, à condi-
tion qu'un accord de participation ou d’intéressement ait été signé.
762. — Ces deux régimes — participation ou intéressement — s'appliquent
quelle que soit la forme de l’entreprise : forme individuelle, forme sociale,
forme associative. On évoquera ensuite les plans d'épargne salariale, récem-
ment modernisés, et le dividende du travail, nouvellement créé.
8 1. — L'intéressement
763. — Le régime de l’intéressement est facultatif (C. trav., art. L. 441-1 s.) ;
il est subordonné à la conclusion d’un accord d’intéressement. L'intéresse-
ment est par nature collectif — il concerne tous les salariés — et aléatoire — la
formule de calcul des primes dépend des résultats ou des performances de
l'entreprise —. Les primes ne doivent pas dépasser annuellement 20 % du total
des salaires bruts.
Lorsque ces différentes conditions sont remplies, les primes attribuées au
bénéficiaire sont exonérées de charges fiscales et sociales tandis qu'elles
constituent des charges fiscalement déductibles pour la société versante.
8 2. — La participation
764. — Le régime de la participation est obligatoire dans toutes les entre-
prises de 50 salariés au moins ; il est facultatif dans les autres (C. trav.,
art. L. 442-1 et s.). pe |
Le calcul de la participation prend en compte le bénéfice fiscal
de l’entre-
prise, le montant des capitaux propres et la masse salariale.
765. — La participation revenant aux salariés est indisponible
pendant
cinq ans ; il s’agit donc pour eux d’une épargne forcée (C. trav.,
art. L. 442-7).
Les sommes doivent recevoir l’une des affectations suivant
es :
— attribution d'actions (les salariés deviennent alors actionnaires de la
société) ;
— constatation d’une créance productive d'intérêt (ils
ont alors la position
de créanciers) :
— versement au plan d'épargne de l'entreprise (V.
infra, n° 767) ;
— Souscription au capital d’une société créée pour
racheter l’entreprise ;
— placement dans un organisme indépendant de
la société (SICAV ou fonds
commun de placement).
Pour les accords de participations conclus après
|
le 31
possibilités d'affectation des sommes issues de la Partic décembre 2006, les
ipation sont beaucoup
342
LA SOCIÉTÉ ANONYME
8 4. - Le dividende du travail
343
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
tion est décidé après la clôture de l'exercice. Sur le plan fiscal, les sommes
sont exonérées de charges fiscales et sociales pour le bénéficiaire et constituent
des charges déductibles pour la société.
Sous-section 3
771. — Ce régime a été institué en 1970 sur le modèle américain des stock-
option plans (C. com. art. L. 225-177 et s.). Son succès s'explique par un régime
fiscal et social attractif.
A. — Aspects juridiques
1° Mécanisme des stock-options
772. — Il existe deux types d'options :
— les options de souscription d'actions, à savoir le droit pour le bénéficiaire de
souscrire à des actions nouvelles émises par la société ;
— les options d'achat d'actions, à savoir le droit pour le bénéficiaire d'acheter
des actions existantes ; cette formule est moins utilisée en pratique.
773. — Le bénéficiaire est titulaire d’une promesse unilatérale de souscrip-
tion ou d'achat portant sur un certain nombre de titres. Les droits résultant
des options consenties sont incessibles jusqu’à ce que l'option ait été exercée ;
toutefois, en cas de décès du bénéficiaire, ses héritiers peuvent exercer l'option
dans un délai de 6 mois à compter du décès (C. com. art. L. 225-183, al. 2). Le
bénéficiaire peut, s’il le souhaïite, lever l'option dans le délai prévu et devenir
propriétaire des actions. Il réalise alors éventuellement un profit tenant à la
différence entre le prix d'achat ou de souscription, déterminé 4b initio, et la
valeur de l’action au jour de la levée de l'option. En cas de revente ultérieure
de l’action, il bénéficie de la plus-value éventuelle.
344
LA SOCIÉTÉ ANONYME
Desoissy et G. WICKER. Le
(157) Cass. soc., 29 sept. 2004 : JCP E 2004, 131, n° 4, obs. J.-J. Caussan, Fl.
Auzero, Attribution
Cass. soc., 16 mars 2005 : Bull. Joly 2005, n° 247, p. 1120, note G. Auzero. — G.
au droit des
individuelle des stock-options et licenciement injustifié du bénéficiaire : le recours salutaire
obligations : Bull. Joly 2005, 8 34, p. 177.
;JCP S 2006, 1177,
(158) Cass. soc., 1° déc. 2005 : Bull. Joly 2006, 8 100, p. 507, note G. Auzero
CaussaIN, Fl. Degoissy et
note R. Vanier. — Cass. soc., 2 févr. 2006 : JCP E 2006, 2035, n° 5, obs. crit. J.-J.
G. WICKER.
de bonne foi, la société
(159) CA Paris, 8 juin 2001 : R/DA 2001, n° 977 ; en vertu de cette obligation
ne saurait priver les bénéficiaires des options du droit de céder les titres acquis.
345
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
346
LA SOCIÉTÉ ANONYME
avantage est en principe soumis aux règles des traitements et salaires (CGI,
art. 80 bis).
Par exception, et si le bénéficiaire n’opte pas pour une imposition au titre
des traitements et salaires, cet avantage est imposé à un taux spécifique si les
actions revêtent une forme nominative et si une indisponibilité de quatre ans
est respectée à compter de la date d'attribution de l'option (CGI, art. 163 bis).
L'avantage tiré de la levée de l'option est alors imposable au taux de 30 % (41
% avec les prélèvements sociaux) à concurrence de la fraction annuelle qui
n'excède pas 152 500 € et au taux de 40 % (51 % avec les prélèvements
sociaux) pour le surplus (CGI, art. 200 A). Cette condition d’indisponibilité
n'est pas exigée en cas de licenciement, mise à la retraite par l'employeur,
décès ou invalidité du bénéficiaire (CGI, art. 91 ter, Ann. Il). Ces taux sont
ramenés respectivement à 16 % (27 % avec les prélèvements sociaux) et 30 %
(41 % avec les prélèvements sociaux) si le bénéficiaire conserve les titres pen-
dant au moins deux ans après la fin de la période d’indisponibilité de 4 ans.
La plus-value de cession (différence entre le prix de cession et la valeur du
titre au moment de la levée de l'option) est imposable selon le régime des
plus-values mobilières au taux de 27 %.
Différentes mesures d’incitations fiscales ont été prévues quant à la déter-
mination du résultat fiscal de la société (V. infra, n° 797).
783. — Quant au régime social, l'avantage correspondant à la différence
entre la valeur de l’action au jour de la levée de l'option et le prix de
souscription ou d’achat est considéré comme un salaire passible des cotisa-
tions de sécurité sociale si les titres sont cédés moins de 4 ans après l’attribu-
tion des options. À contrario, si les titres sont cédés plus de 4 ans après
l'attribution de l'option, l'avantage n’est pas soumis à cotisation sociale (CSS,
art. L. 242-1, al. 2).
347
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
785. — Par ailleurs, tous les trois ans (C. com. art. L. 225-129-6), une assem-
blée générale extraordinaire est convoquée pour se prononcer — accepter ou
refuser — sur un projet de résolution tendant à réaliser une augmentation de
capital effectuée dans les conditions prévues à l’article L. 443-5 du Code du
travail. Cette règle ne s'impose que si les actions détenues par le personnel
de la société et des sociétés qui lui sont liées au sens de l’article L. 225-180
représentent moins de 3 % du capital.
A. - Aspects juridiques
787. — L'attribution gratuite d'actions peut bénéficier tant aux salariés
qu'aux dirigeants — à l'exclusion des administrateurs et des membres du
conseil de surveillance -, étant précisé que les bénéficiaires ne doivent pas
détenir plus de 10 % du capital, avant comme après l'attribution. Lorsque
certaines conditions sont remplies, des actions gratuites peuvent être attri-
buées à des salariés ou dirigeants des sociétés du groupe (C. com. art. L. 225-
197-2).
788. —- La procédure, proche de celle applicable en matière de stock-options
(V. supra, n° 782), se déroule en deux temps.
Sur rapport du conseil d'administration, ou le cas échéant du directoire,
ainsi que sur rapport spécial du commissaire aux comptes, l'assemblée géné-
rale extraordinaire autorise le conseil d'administration, ou le directoire, à pro-
céder à une attribution gratuite d'actions, existantes ou à émettre. Lorsque
l'attribution porte sur des actions à émettre, l'autorisation donnée par l’assem-
blée emporte de plein droit, au profit des bénéficiaires, renonciation des
actionnaires au droit préférentiel de souscription (C. com., art. L. 225-197-1,
mod. L. 30 déc. 2006). L'assemblée fixe le pourcentage maximal du capital
pouvant être ainsi attribué, qui ne peut excéder 10 % du capital social; ce
pourcentage s'apprécie à la date de la décision d'attribution des actions gra-
tuites par le conseil d'administration ou le directoire, et non à la date de
l’autorisation donnée par l'assemblée. L'assemblée fixe encore la durée de
cette autorisation — qui ne peut excéder 38 mois -, la durée de la période
d'acquisition — au minimum de deux ans — au terme de laquelle les bénéfi-
ciaires deviennent propriétaires des actions et le délai de conservation de cel-
les-ci — au moins deux ans — Par exception, si la période d'acquisition fixée
par l'assemblée est supérieure ou égale à quatre ans, la période de conserva-
tion pourra être réduite à moins de deux ans ou supprimée. Lorsque l’attribu-
tion gratuite bénéficie à tous les salariés, le bénéficiaire peut, à l'issue de la
348
LA SOCIÉTÉ ANONYME
période d'acquisition, placer les actions gratuites sur un PEE (C. trav., art. L.
443-6) (V. supra, n° 767).
Le conseil d'administration, ou le directoire, détermine ensuite l'identité
des bénéficiaires, les conditions et, le cas échéant, les critères d'attribution des
actions. Lorsque des actions nouvelles sont attribuées, la distribution suppose
de procéder à une augmentation de capital par capitalisation de réserves
(V. infra, n° 831) ; lorsqu'il s’agit d'actions existantes, la société doit lancer un
programme de rachat d’actions (V. infra, n° 840).
Un rapport spécial informe chaque année l'assemblée générale ordinaire
des opérations réalisées dans le cadre de ce dispositif (C. com., art. L. 225-
197-4).
Sous-section 4
LA PARTICIPATION À LA GESTION
de la société anonyme :
(162) G. Auzéro, Représentation des salariés dans les organes de gestion
J.-CI. Traité sociétés, 2003, fasc. 130-60.
349
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 1. - Le régime obligatoire
8 2. - Le régime facultatif
794. — Un régime facultatif a été institué par une ordonnance du 21 octobre
1986 ; il implique une modification des statuts décidée par l'assemblée géné-
rale extraordinaire (C. com. art. L. 2272-27 ;ale 1%)
Les règles de base sont les suivantes :
— le nombre des administrateurs salariés ne peut être supérieur à quatre,
ni excéder le tiers du nombre des autres administrateurs : ils ne sont pas pris
en compte pour le calcul du nombre maximal d’administrateurs, ni pour
le
350
LA SOCIÉTÉ ANONYME
351
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Section 5
(164) Pour les sociétés cotées, c'est sans doute le cours en bourse qui
est l'instrument de contrôle le
plus redoutable : comme on l'a noté avec pertinence, « un marché financier
efficient est dans tous les Cas
un instrument de contrôle et de sanction bien plus performant que tous les contrôles
institutionnels, car il
vérifie l'efficacité d'une action et non pas seulement sa régularité formelle. Le droit
des sociétés se fait
aujourd'hui à la bourse » (P. Diner, La publicisation du droit des sociétés : JCP E 1986,
14637)
352
LA SOCIÉTÉ ANONYME
qui peuvent faire appel à l'épargne publique, ainsi des fonds communs de
placement, des sociétés civiles de placement immobilier et des GIE émettant
des obligations.
| L'obligation de désigner un commissaire aux comptes à raison de la dimen-
sion économique de l’entreprise pèse non seulement sur les sociétés, qu'elles
soient civiles ou commerciales, mais encore sur d’autres groupements tels que
les personnes morales exerçant une activité économique (C. com,
art. L. 612-1), par exemple une association, ou un établissement public ayant
une activité industrielle ou commerciale. Dans ces entités, un commissaire
aux comptes doit être désigné si, à la clôture d’un exercice, deux des trois
seuils suivants se trouvent dépassés (C. com., art. R. 221-5) :
— 1 550 000 € pour le total du bilan ;
— 3 100 000 € pour le chiffre d’affaires hors taxe ;
— 50 pour le nombre moyen de salariés.
La société n'est pas tenue de désigner un commissaire aux comptes dès
lors qu'elle n’a pas dépassé les chiffres fixés pour deux de ces trois critères
pendant les deux exercices précédant l'expiration du mandat de commissaire
aux comptes.
À ce titre, le GIE suit un régime à part puisque la désignation d’un commis-
saire aux comptes est imposée lorsqu'il comprend au moins cent salariés
(C. com. art. L. 251-12).
Sous-section 1
800. — Le statut du commissaire aux comptes est identique quelle que soit
la personne morale concernée (C. com., art. L. 822-1 et s.). Le commissaire
aux comptes exerce une profession libérale et dépend d’une organisation — ia
Compagnie nationale des commissaires aux comptes — qui jouit à son égard,
par l'intermédiaire des compagnies régionales, de prérogatives disciplinaires.
Une instance supplémentaire, le Haut Conseil du Commissariat aux comptes,
a été créée en 2003 ; elle veille notamment au respect de la déontologie et de
l'indépendance, donne son avis sur les normes professionnelles et connaît des
recours contre les décisions disciplinaires (C. com. art. L. 821-1 et s.). Le dis-
positif est complété par un code de déontologie.
S'agissant des relations du commissaire avec la société dont il contrôle les
comptes, la règle d’or est celle de l'indépendance ; elle justifie les conditions
de nomination, la durée des fonctions et la rémunération.
8 1. —- La nomination
353
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
durée de son mandat. Ainsi lui est-il interdit de prendre, recevoir ou conser-
ver, directement ou indirectement, un intérêt auprès de la société (C. com.,
art. L. 822-11), mais aussi de lui donner tout conseil ou toute autre prestation
de services n’entrant pas dans les diligences directement liées à sa mission de
contrôle des comptes (C. com. art. L. 822-11. - Adde Code de déontologie de
la profession de commissaire aux comptes, art. 10).
Les commissaires aux comptes étant très souvent membres d’un réseau,
national ou international (KrMG, PRICE WATERHOUSE, DELOITTE, etc.), le Code de
déontologie a opportunément réglé les difficultés pouvant naître, au regard
du principe d'indépendance, d’une telle appartenance ; on pense par exemple
au cas dans lequel un autre membre de réseau, dans un autre pays, fournit
des conseils en gestion à la société contrôlée ou à une autre société du même
groupe. Le Code de déontologie (art. 24) identifie les situations dans les-
quelles l'indépendance du commissaire aux comptes est violée par la fourni-
ture d'une prestation par un membre du réseau : tenue de comptabilité,
élaboration de la communication financière, mise en place de mesures de
contrôle interne, conseils en matière de financements, prestations en matière
fiscale de nature à avoir une incidence sur les résultats de l’entreprise dont
les comptes sont certifiés, etc.
De même, le Code de déontologie (art. 27) interdit au commissaire aux
comptes d'entretenir, notamment avec les dirigeants sociaux, les personnes
chargées de l'élaboration des comptes, « des liens personnels étroits, suscep-
tibles de nuire à son indépendance ». Ainsi un commissaire aux comptes ne
saurait être l’amant de la présidente de la société ; il ne lui est pas interdit de
tomber amoureux, mais il doit alors choisir entre sa passion et sa mission,
occasion peut-être de relire Racine. Les liens financiers avec les dirigeants
sociaux sont évidemment également prohibés (art. 28).
802. —- La nomination est le fait de l'assemblée générale ordinaire dans la
SA (C. com. art. L. 225-228 et L. 823-1). Un commissaire suppléant est néces-
sairement désigné. En outre, lorsque la société est astreinte à la publication
de comptes consolidés, elle doit nommer deux commissaires (et deux sup-
pléants).
Est sanctionné pénalement — emprisonnement de deux ans et 30 000 €
d'amende — le fait pour tout dirigeant de personne morale tenue d’avoir un
commissaire aux comptes de ne pas en provoquer la désignation (C. com.
art. L. 820-4). 53 ;
803. — Le commissaire aux comptes est nommé pour six exercices ; son
mandat est indéfiniment renouvelable; il n’est donc pas lié au mandat des
dirigeants sociaux, ce qui renforce son indépendance. Dans les sociétés faisant
publiquement appel à l'épargne, il est interdit à un commissaire aux comptes
de certifier les comptes d’une telle société pendant plus de six exercices consé-
cutifs, son mandat n’est donc pas immédiatement renouvelable (C.
com.
art. L. 822-14).
, Le commissaire aux comptes est soumis à récusation (C. com. art.
L. 823-6) ;
l’action doit être intentée devant le tribunal de commerce dans les trente
jours
de la désignation par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins
5%
354
LA SOCIÉTÉ ANONYME
8 3. — La rémunération
par un employé ne
(165) L'absence de découverte des malversations d'un montant modeste commises
pas un juste motif, spécialement si les détournemen ts ont été facilités par une défaillance du
constitue
ven ,
logiciel comptable de la société : Cass. com. 14 févr. 2006 : R/DA 5/06, n° 546).
et des produits financiers hors
(166) Pour une société dont le total du bilan, des produits d'exploitation
est entre 20 et 35, alors
taxes est inférieur ou égal à deux millions €, le nombre d'heures de travail annuel
millions €, le nombre d'heures
qu'à l'autre extrémité de l'échelle, pour un total compris entre 300 et 800
est entre 300 et 700.
(167) CA Paris, 10 mars 2006 : DA 12/06, n° 1232 : la société avait justifié le refus de paiement par
judiciairement constatées ; la société
les fautes commises par le commissaire aux comptes et qui avaient été
quitte à se retourner ensuite contre l'intéressé et lui réclamer des dommages intérêts.
doit donc payer,
355
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Sous-section 2
8 1. —- Le devoir de contrôle
8 2. —- Le devoir d'information
356
LA SOCIÉTÉ ANONYME
leurs répondre aux éventuelles questions des actionnaires. Mais ces derniers
ne sont pas les destinataires exclusifs du résultat de ses investigations. De fait,
la loi (C. com, art. L. 823-16) enjoint au commissaire de porter à la connais-
sance du conseil d'administration ou de surveillance les irrégularités et
inexactitudes constatées.
808. — L'information concerne également le procureur de la République,
puisque le réviseur légal doit lui révéler les faits délictueux dont il aura eu
connaissance à l’occasion de ses investigations (C. com., art. L. 823-12), ainsi
d'un abus de biens sociaux aperçu à la lecture des relevés bancaires de la
société ou des présentations ou publications de bilan inexact débusquées lors
de l'examen des comptes. Révélation dont le respect est assuré pénalement,
le mutisme et/ou la complaisance plaçant le commissaire aux comptes en
infraction (V. infra, n° 812). La révélation concerne tout fait pénalement sanc-
tionné, ce qui englobe les crimes, les délits et les contraventions, qu'ils soient
définis par le droit des sociétés, le droit comptable, douanier, social ou fis-
cal (168)... Cependant, une norme n° 6-701 du Conseil national des commis-
saires aux comptes (inopposable au Parquet...) limite le champ de la
révélation aux délits prévus par le Code de commerce ou présentant une
importance significative pour les comptes sociaux. Le commissaire n’a pas à
apprécier l'opportunité de déclencher des poursuites et il doit informer le
procureur dès l'instant où une qualification pénale est incontestable, même si
les auteurs de l'infraction ont régularisé et par exemple remboursé les sommes
éventuellement perçues à tort.
809. — L'information profite encore au comité d'entreprise, qui a la faculté
de convoquer le commissaire pour recevoir ses explications sur les différents
postes des documents comptables communiqués par le chef d'entreprise
(C. trav., art. L. 432-4. — V. supra, n° 757).
Tels sont les destinataires des informations dispensées par le commissaire
aux comptes. Aucune autre personne — banquier, créancier, fisc — ne saurait
être ajoutée à cette liste sans que le commissaire ne viole le secret profession-
nel (C. com. art. L. 822-15. — Adde, C. déont, art. 9), violation sanctionniée
pénalement (V. infra, n° 812).
8 3. —- Le devoir d'alerte
357
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Sous-section 3
8 1. - La responsabilité civile
8 2. —- La responsabilité pénale
(169) Cass. com .,24 sept. 2003 : RDA 2/2004, n° 175 ; JCP E 2004, 203, G. Lamort ; action en respon-
sabilité d'un administrateur qui s'était porté caution des engagements de la société, contre le commissaire
comptes, dont les négligences avaient contribué à donner de la société une image erronée de sa solva-
Ite.
(170) CA Paris, 8 sept. 1999 : RIDA 2000, n° 287 (la certification des comptes avait eu une incidence
. 5 décision du repreneur) ; pourvoi rejeté par Cass. com. 11 févr. 2003 : Bull. Joly 2003, p. 549, note
.F. BARBIER.
| (171) Cass. crim., 9 févr. 2005 : Rev. sociétés 2005, p. 673, note B. BouLoc : remboursement
par un
dirigeant de frais non justifiés.
(172) Cass. crim., 26 févr. 2004 : Bull. Joly 2004, 8 154, p. 763, , note J.-F. BARBIER! (le commissaire
aux
comptes avait connaissance des escroqueries à la TVA commises par le chef d'entreprise ;:en certifiant
néanmoins les comptes il avait permis la poursuite de l'infraction : de là une complicité d'escroquerie au
même titre d'ailleurs que l'expert-comptable de la société)
358
LA SOCIÉTÉ ANONYME
|
1. Cas de relèvement du commissaire aux comptes
813. — Ont été considérés comme de justes motifs de relèvement :
— le non-respect des règles d'incompatibilité (TGI Paris, 16 févr. 1993 : Bull. Joly 1993,
p. 1003, note J.-J. BARBIER);
— la contestation des dirigeants sociaux et le refus de déposer le rapport général (CA Paris,
28 sept. 1989 : Bull. Joly 1990, p. 969) ;
— la carence fautive dans l'exécution de la mission (Cass. com., 6 févr. 1990 : Bull. Joly
1990, p. 367)
— l'immixtion dans la gestion (CA Paris, 28 avr. 1993 : /CP E 1994, 331, n° 4, obs. A. Vian-
pr et J.-J. CAUSSAIN):
— la mise en œuvre intempestive d'une procédure d'alerte, harassement, refus d'établir
certains rapports (Cass. com., 14 mai 1995 : BRDA 1995-28, p. 8);
— l'abus dans le déclenchement d'une procédure d'alerte (Cass. com., 14 nov. 1995 :
Rev. sociétés 1996, p. 279, note PASQUALINI) ;
— la dissimulation d’un lien avec le directeur administratif de la société {T. com. Paris,
17 févr. 1999 : JCP E 1999, p. 667, n° 4, obs. A. VianDier et J.-J. CAUSSAIN).
En revanche, le refus d'intervention — la « grève » du commissaire — pour cause de non-
paiement des arriérés d'honoraires n'est pas une cause de relèvement (CA Rouen, 11 juin
2002 : R/DA 2002, n° 1289).
2. Cas de responsabilité civile du commissaire aux comptes
814. — Les commissaires aux comptes, comrne tout professionnel assujetti à une obliga-
tion d'assurance, sont particulièrement exposés à une action en responsabilité civile. Voici
quelques exemples de condamnation à dommages-intérêts :
_ défaut de découverte de malversations qu'un examen sérieux des comptes aurait permis
de mettre à jour (CA Paris, 14 mai 2003 : Bull. Joly 2003, p. 1250, note Ph. Mere) ;cepen-
dant, l'absence de surveillance de la société sur son préposé peut « absorber » la faute du
commissaire (Cass. com., 14 déc. 2004 : RIDA 5/05, n° 578);
_ certification erronée facilitant la poursuite d'une activité déficitaire (CA Paris, 13 nov.
1998 : JCPE 1998, p. 2001);
_ certification hâtive des comptes n'ayant pas permis de révéler les détournements du
gérant (Cass. com., 19 oct. 1999 : R/DA 2000, n° 36),
_ absence de vérification des informations reçues des dirigeants (Cass. com., 11 juill.
2000 : /CP E 2000, p. 1806, n° 5, obs. A. Vianier et J.-J. CaussAI :RIDA 2000, n° 1120);
_ absence de découverte de la falsification des comptes par un salarié (Cass. com., 24 oct.
2000 : BRDA 2000, p. 5);
— non-révélation de faits délictueux et confirmation d'informations mensongères ayant
causé un préjudice à une banque prêteuse (Cass. com. 6 sept. 2000 : RIDA 2001, n° 698);
_ absence de révélation de l'existence d’un litige important dans un rapport établi à l'occa-
sion d’une augmentation de capital (Cass. com., 11 juill. 2000 : R/DA 2000, n° 1120);
_ défaut d’information de la société sur le renouvellement de l'option pour le régime de
l'intégration fiscale (CA Versailles, 11 avr. 2002 : Bull. Joly 2002, p. 919);
— absence de vérification physique des immobilisations alors que certains des matériels
considérés — audio et vidéo notamment - sans utilité pour l'entreprise, ne se trouvaient pas
dans les locaux de celle-ci (CA Paris, 2 juin 2003 : R/DA 4/04, n°434).
EE …
359
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Section 6
Sous-section 1
360
LA SOCIÉTÉ ANONYME
8 1. - L'augmentation de capital
361
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
362
LA SOCIÉTÉ ANONYME
363
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Avant Après
eme
Anatole 33,00 % 40,00 %
Bertrand 33,00 % 40,00 %
Camille 6,67 6,67 %
Daniel, Ernest, Fabien et Gérard 6,67 3,33 Vo |
la
Avant, Anatole et Bertrand, même réunis, n'avaient pas la majorité dans les
assemblées extraordinaires ; désormais ils l’ont.
364
LA SOCIÉTÉ ANONYME
c) La prime d'émission
827. — À l’image du droit préférentiel de souscription, la prime d'émission
remplit une fonction égalitaire. Il ne s’agit plus d'égalité politique mais d’éga-
lité financière. En effet, la prime d'émission représente le droit d'entrée des
nouveaux actionnaires ; son paiement est destiné à éviter que l'élargissement
de la population des actionnaires soit de nature à diminuer le droit des
anciens sur les réserves ; à mesure que la table s'agrandit le gâteau doit
s'élargir.
828. — Voici un exemple. Soit une SA ayant un million de capital et un
million de réserves ; la masse des capitaux propres, soit 2 millions d’euros,
donne la mesure de la valeur mathématique des actions (V. supra, n° 751);
elle a dix actionnaires ayant chacun 10 % du capital social, la valeur réelle de
la participation de chaque actionnaire est de 200 000 €.
Si la société augmente son capital et le passe à 2 millions, en réservant
l'augmentation de capital à un tiers ou à un seul des actionnaires, quelles
seront les conséquences sur la valeur de la participation des actionnaires ?
Si aucune prime d'émission n'est exigée, la valeur de la participation pas-
sera de 200 000 à 150 000 €, soit une perte de 50 000 € pour chaque actionnai-
re ; en effet, la nouvelle valeur de la société est de 3 millions (2 millions plus
1 million d'augmentation de capital) ; or ces 3 millions sont répartis entre les
actionnaires à proportion de leurs actions. Le nouvel actionnaire ayant 50 %
du capital a droit à la moitié de cette valeur, soit 1 million et demi et les
anciens actionnaires se partagent le solde, ce qui donne une participation de
150 000 € pour chacun. Pour éviter cette perte, l'assemblée pourra décider le
versement d’une prime d'émission, égale au montant des réserves, en l'espèce
un million d'euros. Le nouvel actionnaire devra donc débourser à la fois la
valeur de l’augmentation de capital et la valeur de cette prime d'émission.
À la suite de l’opération, la société vaudra 4 millions d'euros qui seront répar-
tis entre les anciens et les nouveaux actionnaires, selon la même clef de répar-
tition ; comme on le devine, chaque ancien actionnaire aura toujours une
participation valant 200 000 €.
829. — La prime d'émission est facultative (C. com. art. L. 225-128). Cepen-
dant, dans l'hypothèse où l'assemblée ne voterait pas le principe d’une prime
d'émission afin de réserver à un tiers une entrée avantageuse dans le capital
de la société, on pourrait s'interroger sur l'existence d'un abus de majorité,
lequel, s’il était démontré, pourrait emporter annulation de l’augmentation de
capital (175). Lorsqu'une prime d'émission est requise, celle-ci doit être libérée
intégralement, même si la libération du capital n'est pas immédiate.
2° L'augmentation de capital par apports en nature
830. — Il est inutile d’insister sur cette forme d'augmentation de capital. En
effet, les règles applicables à l'apport en nature lors de la création de la société
(V. supra, n° 487) gouvernent ce mode d'augmentation de capital. Il sera donc
nécessaire de faire désigner judiciairement un commissaire aux apports
(C. com., art. L. 225-147). De plus, l’apporteur, s'il est déjà actionnaire, ne
serait
pourra pas prendre part au vote sur l'augmentation de capital, car ce
le faire voter sur l'évaluation de son apport.
1909 et s., n° 7, obs.
(175) Pour un exemple de contestation : Cass. com., 22 mai 2001 : /CP E 2001, p.
constatant que le montant de la
A. Vianorer et J.-J. Caussan (les juges rejettent l'action des minoritaires en entre
prime d'émission était justifié par diverses considérations comptables). - D. Coxen, La prime d'émission
liberté et contrôle : JCP E 2002, 35. — V. supra, n° 390.
365
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
366
LA SOCIÉTÉ ANONYME
367
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
valeur vénale si elle devait être cédée à un tiers) est inférieure à sa valeur
nominale ? La doctrine et la jurisprudence dominantes estiment que la situa-
tion financière et comptable de la société ne saurait paralyser le mécanisme
de la compensation légale dès lors du moins qu'une procédure collective n’a
pas été ouverte à l'encontre de la société. Aucune disposition légale ne fait en
effet de la solvabilité de la société une condition de la compensation. La solu-
tion est heureuse, car la capitalisation des comptes courants permet d’assainir
la situation financière de la société (réduction de l'endettement et gonflement
corrélatif du capital), même si l’opération est neutre sur le plan de la trésorerie
(il n’y a pas d'injection d'argent frais). |
En tout état de cause, on ne saurait contraindre les titulaires de comptes
courants à en incorporer le solde au capital social, car cela reviendrait à leur
imposer une augmentation de leurs engagements (V. supra, n° 250 et 334).
8 2. —- La réduction de capital
368
LA SOCIÉTÉ ANONYME
369
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 3. - L'amortissement du capital
(176) À ne pas confondre avec les autres sens, notamment comptable, du mot amortissement.
370
LA SOCIÉTÉ ANONYME
371
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
372
LA SOCIÉTÉ ANONYME
850. — Si la société est cotée (mais seulement dans ce cas), l'offre d'achat
doit être jugée recevable par l'Autorité des marchés financiers.
Lorsque la société n’est pas cotée, la seule exigence tient à la nécessité d’une
décision d’assemblée générale extraordinaire.
2° Traitement fiscal
851. — C'est la fiscalité qui dicte en fin de compte l'attitude des actionnaires
(V. infra, n° 859) :
- s'il s’agit d’un simple particulier, la plus-value qu’il réalise à l’occasion du
rachat de ses droits sera imposée selon le régime applicable aux dividendes,
(V. supra, n° 69), ce qui peut représenter près de 50 % en cas d'imposition au
taux maximum ; cette seule perspective le détournera de la procédure d'offre
de rachat ;
— à l'inverse, s'il s’agit d’une société bénéficiant du régime des sociétés
mères, ce qui suppose une participation au capital d'au moins 5 % (V. infra,
n° 1484), les gains réalisés sont purement et simplement exonérés ; la décision
à prendre sera dès lors commandée par les seules considérations financières.
373
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
one
PNR
S
ERNEST
374
LA SOCIÉTÉ ANONYME
qu'outil de production de richesse. Or une société peut être viable tout en étant insoivable
et, tant qu'elle demeure viable, elle conserve une valeur positive. Si la société demeure viable,
la décision de l'assemblée est objectivement illicite puisqu'elle exproprie sans indemnisation
l'associé de valeurs qui sont siennes — ce qui est une violation du droit de propriété — et valeurs
qu'il ne peut se réapproprier qu'en souscrivant à l'augmentation de capital subséquente, donc
en réalisant un effort supplémentaire. En revanche, si la valeur de la société est nulle, il est
possible d'imposer aux associés cette forme particulière de contribution aux pertes résultant
de la compensation de leur créance d'apport avec les pertes sociales que réalise la réduction
de capital à zéro.
375
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
acT IF ù PASSIF
L'assemblée générale se réunit le 30 juin 2007 (c'est la date limite pour l'approbation des
comptes, V. supra, n° 356). Elle constate que la société, du fait de l'ampleur des pertes, a
perdu plus de la moitié de son capital (exactement 80 %). Conformément à la loi, une
assemblée générale extraordinaire se réunit dans les quatre mois qui suivent, c'est-à-dire le
30 octobre. Elle se prononce pour la poursuite de l'exploitation et procède aux publicités
nécessaires. Elle décide dans l'immédiat la reconstitution des fonds propres à hauteur de la
moitié du capital sans attendre l'échéance de 2009.
Il existe une formule mathématique qui permet de calculer l'augmentation minimale
(soit x) à réaliser pour que les capitaux propres atteignent la moitié du capital :
capitaux propres + x =
x = Capital — (capitaux propres x 2).
Ce qui dans notre hypothèse donne :
x = 1 000 000 — (200 000 x 2)
x = 600 000
Ce chiffre représente le double de l'insuffisance actuelle pour que les capitaux propres
atteignent la moitié du capital (la moitié du capital est de 500 000 et l'insuffisance des
capitaux propres de 300 000) ; le double de cette insuffisance correspond bien à 600 000.
On envisagera quatre modes de reconstitution des capitaux propres : augmentation de
capital par apport d'argent frais, augmentation de capital par incorporation des comptes
courants d'associés, réduction de capital, abandon de créance.
a) L'augmentation de capital par apport d'argent frais
Si on augmente le capital de 600 000, le bilan se présente de la façon suivante :
ACTIF PASSIF
Le résultat recherché est obtenu : les capitaux propres atteignent la moitié du capital
social ; à l'actif, le poste de trésorerie a augmenté de 600 000 : au passif, la structure de la
dette n'est pas modifiée.
b) L'augmentation du capital par incorporation des comptes courants
Les comptes courants d'associés représentent les prêts que ces derniers ont consentis à,
la On les incorporera au capital à concurrence de 600 000, d'où la présentation :
suivante :
376
LA SOCIÉTÉ ANONYME
| ACTIF PASSIF
|
Immobilisations 1 800 000 | Capital 1 600 000
Stocks et créances 550 000 | Report à nouveau négatif (800 000)
Trésorerie 50 000 | Capitaux propres 800 000
Comptes courants
d'associés 100 000
Emprunts et dettes 1 500 000
|Total 2 400 000 |Total 2 400 000
L'actif n’est pas modifié, mais la masse des emprunts a été résorbée à concurrence de
600 000.
c) La réduction de capital
Ilest possible de reconstituer les capitaux propres en réduisant le montant du capital social
de 600 000 afin d'apurer les pertes à due concurrence.
Hope ur
ACTIF PASSIF
Les capitaux propres représentent toujours la moitié du capital social. Mais cette manipula-
tion comptable n'enrichit, ni n‘appauvrit la société; les pertes ont néanmoins été éliminées
du bilan à concurrence de 600 000 € (V. supra, n° 836).
a) L'abandon de créance
L'abandon consenti par un créancier enrichit la société et diminue d'autant le montant du
report à nouveau négatif. Il suffit que l'abandon corresponde à l'insuffisance initiale des
capitaux propres pour que ceux-ci atteignent la moitié du capital. On supposera que les
associés font abandon de leurs comptes courants à hauteur de 300 000. D'où le bilan
suivant:
ACTIF PASSIF
7
Immobilisations 1 800 000 | Capital 1 000 000
Stocks et créances 550 000 | Report à nouveau négatif (500 000)
Trésorerie 50 000 | Capitaux propres 500 000
Comptes courants
d'associés 400 000
Emprunts et dettes 1 500 000
Total 2 400 000 | Total 2 400 000
Le capital reste inchangé, mais la résorption du report à nouveau négatif amène une
élévation des capitaux propres ; les dettes de la société ont diminué de 300 000 (les comptes
courants d'associés représentant en effet de véritables dettes pour la société).
Remarque finale
Peut-on dire que la situation de la société a été redressée du moment que les capitaux
propres atteignent désormais la moitié du capital ? Rien n'est moins sûr. Supposons que la
société souffre d'un manque d'argent frais et que la trésorerie soit trop tendue. La réduction
du capital n'apporte alors aucun soulagement. L'incorporation au capital d'une partie du
compte courant des associés a pour seul effet de rendre perpétuelle une dette jusque-là
377
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
mais n'influe
remboursable à vue. L'abandon de créance fait disparaître une partie de la dette,
par injec-
pas davantage sur la trésorerie. En fin de compte, seule l'augmentation de capital
tion d'argent frais améliore la situation de trésorerie.
4. La fiscalité des réductions de capital
859. - La réduction de capital motivée par l'existence de pertes comptables ne soulève
pas de difficulté fiscale ; l'acte modificatif des statuts doit être enregistré, ce qui justifie la
perception du droit fixe de 125 €. Quant à la situation fiscale des actionnaires, elle ne subit
aucune modification.
À l'inverse, la réduction de capital non motivée par des pertes, qui se traduit par une
distribution au profit des actionnaires, pose de redoutables problèmes fiscaux, du moins
lorsque des réserves figurent au bilan. On laissera de côté l'hypothèse exceptionnelle où le
bilan ne comporte aucune réserve, même capitalisée;dans ce cas, le montant des capitaux
propres est égal à celui du capital social, comme au jour de la constitution de la société. La
réduction de capital se traduit alors par un remboursement partiel d'apport soit au profit de
tous les actionnaires, soit au profit seulement de ceux dont les actions ont été rachetées. Ne
recevant que ce qu'il a initialement apporté, l'actionnaire ne s'enrichit, ni ne s'appauvrit ; il
est donc quitte avec le fisc (V. supra, n° 473).
Reste l'hypothèse la plus fréquente où la société a constitué des réserves, lesquelles peu-
vent figurer en tant que telles à un poste distinct du bilan ou avoir été incorporées au Capi-
tal. Sur le plan fiscal, la réduction de capital s'analyse alors comme une dissolution partielle
de société;le gain réalisé par l'actionnaire est donc traité comme un boni de liquidation. Ce
régime est pénalisant si l'actionnaire est une personne physique, mais se révèle extrêmement
favorable s'il bénéficie de la qualité de société mère ; il convient enfin de prendre en compte
les assouplissements réalisés par la loi du 2 juillet 1998.
a) Malheureuses les personnes physiques
On supposera qu'un actionnaire a souscrit des actions au prix de 100 et qu'elles valent
aujourd’hui 150 du fait des réserves figurant au bilan. S'il cède ses actions à un tiers, voire à
un coassocié, le gain de 50 qu'il réalise par action a la nature d'une plus-value sur cession de
droits sociaux et est imposé au taux de 27 %. Si, en revanche, c'est la société qui rachète
ses droits et réduit à due concurrence le capital social, le gain de 50 est taxé comme un
revenu mobilier, c'est-à-dire près de 50 % si le contribuable atteint la tranche maximale de
l'impôt sur le revenu. Il convient cependant de rappeler que les revenus distribués ne sont
imposés qu'après application de divers abattements comme les dividendes (V. supra, n° 69).
b) Bienheureuses les sociétés mères
Bénéficient de la qualité de sociétés mères les sociétés de capitaux (sociétés par actions
où SARL) qui ont une participation d'au moins 5 % dans le capital de leur filiale;dans ce
cas, les dividendes que leur versent leurs filiales échappent à l'impôt sur les sociétés (V. infra,
n° 1484). C'est une exonération appréciée. C'est pourquoi il est fréquent en pratique de
recourir à la technique de la réduction de capital pour organiser la sortie d'un actionnaire qui
peut se prévaloir de la qualité fiscale de société mère (par exemple désengagement d'une
he capital-risque qui accompagné le développement d’une société pendant quelques
années). i
378
LA SOCIÉTÉ ANONYME
devait donc acheter 10 BSA pour souscrire 19 actions nouvelles en présentant 200 BSA (190
_BSA reçus et 10 BSA acquis) et en payant 275,5 € (19 x 14,50 €);
— ne pas exercer les BSA, totalement ou partiellement, en les cédant sur le marché et en
encaissant le prix correspondant ; ainsi le même actionnaire aurait pu céder ses 190 BSA en
encaissant, par exemple, le prix correspondant ; à titre indicatif, le BSA cotait 3,6 € le 1° avril
2003, ce qui aurait permis à l'actionnaire considéré de recevoir 684 € ; de là un gain finan-
cier mais en contrepartie une « dilution », c'est-à-dire, en raison des nouvelles actions émises,
une réduction de la part de résultats de chaque action.
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Sous-section 2
LA TRANSFORMATION ET LA DISSOLUTION
8 1. — La transformation
379
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 2. — La dissolution
380
LA SOCIÉTÉ ANONYME
381
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Chapitre 2
868. — Cette forme sociale a été très en vogue entre 1807 et 1850, et on
parla même à ce propos de « fièvre » des commandites (1). Cela s’expliquait
notamment par l’absence de réglementation contraignante : la commandite
par actions figurait une oasis de liberté et d'équilibre, au point que les Améri-
cains s’en servirent de modèle pour concevoir leur Limited Partnership. Mais
la fièvre retomba et des formes sociales concurrentes — société anonyme,
société à responsabilité limitée — apparurent ; le déclin de la commandite par
actions s’accéléra au milieu du xx° siècle au point que le législateur de 1966
faillit supprimer cette forme de société. Par bonheur, il n’alla pas au bout de
ses intentions et la commandite par actions a toujours droit de cité.
869. — La commandite par actions est régie par les articles L. 226-1 et sui-
vants du Code de commerce. Les textes, enrichis des enseignements de la
pratique, permettent d'étudier l'architecture puis les vertus de la commandite
par actions.
Sous-section 1
L'ARCHITECTURE DE LA COMMANDITE
PAR ACTIONS
383
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
où
sont applicables aux sociétés en commandite par actions, « dans la mesure
elles sont compatibles avec les dispositions particulières » des articles L. 226-1
et suivants. De là une nécessaire combinaison de règles profondément diffé-
rentes dans leur inspiration, qui donne à la commandite par actions une allure
baroque, ainsi qu’on l’observe en examinant les commanditaires, le comman-
dité et le gérant.
8 1. —- Les commanditaires
8 2. —- Les commandités
384
LES AUTRES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
385
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
eux (C. com. art. L. 226-14), ce qui revient à l'unanimité s'ils ne sont que
deux.
877. - L'ampleur de ces prérogatives se justifie par la responsabilité encou-
rue par le commandité. Elle pose néanmoins un problème d'organisation, car
il faut compter parfois avec les lubies et les folies de commandités personnes
physiques, trop facilement tentés d'user de leur veto ; situation aggravée par
le fait que l’on ne peut pas se débarrasser d’un commandité, se révélerait-il
un mauvais associé, la voie de l'exclusion étant fermée. C’est une raison de
plus pour préférer la personne morale commanditée à la personne physique ;
les décisions de l'associé commandité ne sont pas le fait d’une seule per-
sonne, mais expriment alors le consensus des associés de la société commandi-
tée. Cela exige de rédiger avec beaucoup de soin les statuts de cette société,
spécialement les clauses relatives aux pouvoirs des gérants et à la cession des
droits sociaux. Il n’est pas rare de prévoir la variabilité du capital de cette
société commanditée, ce qui impose alors de choisir la SARL puisque la SA
(sauf les coopératives et les SICAV) ne peut plus être à capital variable
(V. supra, n° 243) ; cette variabilité permet l'exclusion des associés et facilite
les retraits d’associés. Dans certains cas, la société commanditée est composée
de telle manière qu’elle associe en son sein les différentes parties prenantes :
gérants, fondateurs, cadres supérieurs, personnalités extérieures de grand
renom.
Dernier avantage du recours à une personne morale pour la position de
commandité : la mort naturelle ne la menace pas, ni l'accident de santé, et la
société ne risque pas de se trouver subitement privée d’associé commandité.
8 3. —- Le gérant
386
LES AUTRES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
sieurs gérants ou de nommer une personne morale, dont l’objet social est
d'assumer la gestion de la société en commandite par actions ; cette personne
4 - 217 . .
Sous-section 2
8 1. —- La souplesse d'organisation
387
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
886. —- La commandite par actions est une bonne défense anti-OPA. Cela
tient principalement à la répartition des pouvoirs entre commanditaires et
commandités et à la possibilité d’avoir des gérants soustraits à l'influence
des commanditaires, obéissant seulement aux injonctions des commandités ;
lorsque la même personne est à la fois gérante et commanditée, ce qui est
possible (V. supra, n° 879), on n'est pas loin du despotisme, du fait de l’ab-
sence de tout contrepouvoir social. Ainsi le raider qui réussit à acheter la majo-
(4) La Cour de cassation a jugé que la fonction de président du conseil de surveillance d'une SCA, quand
bien même elle n'était pas prévue par la loi, ouvrait droit au bénéfice de l'exonération des biens profession-
nels en matière d'ISF : Cass. com., 11 oct. 2005 : Bull. Joly 2006, 8 16, p. 105, note A. Courer ; JCP E 2005
1834, n° 9, obs. J.-J. Caussan, FI. Desoissy et G. Wicker.
(5) M. Turck, Société en commandite par actions et effet de levier juridique : JCP E 1994, |, 377. —
F. BucHer, Du bon usage de la commandite par actions : Rev. sociétés 1994, p. 415. ‘Ÿ :
(6) La défense peut être instituée au niveau de la société mère ou au niveau des filiales, l'associé
commandité étant par exemple, dans une combinaison sulfureuse, une société composée des seuls dirigeants
du groupe (Cons. A. Viannier, OPA, OPE et autres offres publiques, Éd. Fr. Lefebvre, 3e éd., 2006, n° 654).
388
LES AUTRES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
Section 2
389
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
La souplesse de cette forme sociale a été accrue en 1999 (9), ce qui a accéléré
le développement de la SAS, adoptée par 110 276 entreprises au 1° janvier
2007, soit un peu moins que les SA (V. supra, n° 12).
889. — De quelques charmes de la SAS pour ses dirigeants.
Sous-section 1
LA CONSTITUTION DE LA SAS
890. — La SAS peut être créée ab nihilo ou par transformation d'une société
d’une forme différente. La transformation d’une société en SAS suppose une
décision prise à l'unanimité des associés (C. com. art. L. 227-3) (10). Le texte,
bien que visant la seule transformation en SAS, est, selon la Cour de cassation,
applicable également en cas de fusion-absorption d’une SA par une SAS (11).
Si la société transformée n’a pas de commissaire aux comptes, un commis-
saire à la transformation doit être désigné afin d'apprécier la valeur des biens
composant l'actif social et les avantages particuliers ; les associés statuent
ensuite sur l'évaluation des biens et l'octroi des avantages particuliers, cette
dernière règle étant prescrite à peine de nullité de la transformation (C. com.
art. L. 224-3).
891. — Quiconque, personne physique, personne morale, société à but
lucratif ou non, quel que soit le montant du capital, association ou groupe-
ment, peut être associé d’une SAS. La pluralité d’associés n’est pas requise ;
on peut donc, grâce à la SAS, créer une société par actions unipersonnelle,
dite SASU (V. infra, n° 909).
(9) M. German, La SAS libérée : JCP E 1999, p. 1505. — P. Le CANNU, La SAS pour tous, Bull. Joly 1999,
p. 841. — J. PaiussEeau, La nouvelle société par actions simplifiée. Le Big-Bang du droit des sociétés : D. 1999,
p. 333. —E. Rory, SAS et SA à conseil d'administration, tableau comparatif : JCP E 2000, p. 1694. — J. PauLus-
seau et ali, Les sociétés par actions simplifiées : une nouvelle structure pour les PME et les personnes phy-
siques : JCP E 2002, 458. — Adde, les contributions publiées dans la Rev. sociétés 2000, p. 215 ets.
(10) L'unanimité exigée par l'article L. 227-3 en cas de transformation d'une SA en SAS s'entend néces-
sairement de la totalité des associés liés par le pacte social, et pas seulement des associés présents où
représentés à l'assemblée : CA Versailles, 24 févr. 2005 : JCP E 2005, 731, note J.-P. Lecros : JCP E 2005,
1046, n° 6, obs. J.J. CaussaI, FI. Desoissy et G. Wicker.
(11) Cass. com., 19 déc. 2006 : JCP E 2006, 1192, note A. VIANDER : « Attendu qu'aux termes de
l'article L. 227-3 la décision de transformation d'une société en société par actions simplifiée est prise à
l'unanimité des associés, qu'il en est de même en cas de fusion-absorption d'une société par une société
par actions simplifiée ».
390
LES AUTRES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
892. — Le capital social de la SAS est d'au moins 37 000 €. La SAS peut
être constituée avec un capital variable, dès lors que le plancher du capital
minimum est respecté. L'article L. 227-2 dispose que la SAS ne peut pas faire
publiquement appel à l'épargne. L'intention du législateur est en effet d’assu-
rer le caractère fermé de la société, conformément à l’intuitus personne qui est
supposé marquer les relations des associés entre eux. Toutefois, les associés
d'une SAS peuvent faire eux-mêmes publiquement appel à l'épargne, au
même titre que la filiale d'une SAS.
Ce capital représente, comme dans toute société de capitaux, la somme des
apports réalisés : apports en numéraire, apports en nature, en propriété ou en
jouissance. L'apport en nature donne lieu à la vérification de la valeur de
l'apport par un tiers indépendant, le commissaire aux apports ; sur ce point
le régime de la SAS est identique à celui de la SA (V. supra, n° 487). De même,
les apports en industrie sont proscrits dans les SAS.
893. —- La SAS peut se voir assigner tout objet social, civil ou commercial,
dès lors qu'il n’est pas contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Quelle
que soit la nature de l’objet social, la SAS, à l’image de la SA, est une société
commerciale par la forme. Elle est assimilée sur le plan fiscal à la société
anonyme (CGI art. 1655 quinquies) et relève de l'impôt sur les sociétés.
894. — Les règles de forme qui doivent être suivies pour la constitution et
l’immatriculation sont celles prévues pour la SA (C. com. art. L. 227-1, al. 3).
La procédure de vérification des avantages particuliers doit donc être respec-
tée dans la SAS, que l’avantage soit de nature pécuniaire ou non, un droit de
vote multiple par exemple (V. supra, n° 488).
Sous-section 2
LE FONCTIONNEMENT DE LA SAS
8 1. - La direction et l'administration
(12) Exemple de clause : les statuts de la SAS qui est la holding de contrôle de Crédit agricole (V. infra,
n° 910) stipulent que le président est obligatoirement le président de la Fédération nationale du Crédit
agricole.
391
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
fonc-
représentant légal de la société (V. supra, n° 274). Il est à noter que cette
tion, à la différen ce du droit commun des SA peut être assurée par une per-
peuvent prévoir que le
sonne morale (C. com., art. L. 227-8). Les statuts
président sera choisi parmi les actionna ires apparte nant à une catégori e déter-
minée, ou encore que la présidence sera assurée à tour de rôle par certains
associés, ou qu'elle sera assumée par un tiers, etc..
896. — Les statuts peuvent, à côté du président, créer des organes collé-
giaux, avec toute liberté de fixer leur dénomination (conseil d'administration,
comité directeur, comité exécutif, bureau, etc.), ainsi que leurs fonctions res-
pectives et le mode de décision (majorité simple, qualifiée, unanimité). Les
modes de nomination concevables sont très variés : nomination classique des
dirigeants à une majorité déterminée ou accord des deux associés les plus
importants, nomination «automatique » de l'associé majoritaire en cas de
direction unique, alternance, etc. Les modalités de contrôle interne de la
société sont également laissées à la discrétion des rédacteurs des statuts
(Rappr. infra n° 900).
897. — Les autres modalités du statut des dirigeants sont librement fixées
par les statuts. Ainsi en est-il du cumul avec un contrat de travail ou des
conditions de cessation des fonctions : révocation, avec ou sans exigence de
motif, de préavis et d’indemnité, révocation par la décision d’un organe social,
d’un seul des associés, voire d’un tiers, révocation du fait de la survenance
d’un événement prévu par les statuts (baisse du chiffre d'affaires, du résultat),
pour faute grave, etc. (13). De même, la rémunération des dirigeants, ou les
conditions de sa détermination, sont librement arrêtées par les statuts : forfait
ou somme variable en fonction de divers paramètres financiers, versement de
numéraire ou options d'achat d'actions, voire options d'achat d'actifs sociaux.
Règle appréciée par les dirigeants de SAS : leur rémunération n'est pas sou-
mise à publicité (V. supra, n° 525).
2° Statut fiscal et social
898. — Le choix de la forme sociétaire est bien souvent dicté par des consi-
dérations tenant au statut fiscal et social des dirigeants. La SAS étant assimilée
fiscalement à la SA (CGI art. 1655 quinquies), le président et les autres diri-
geants sont assimilés à des salariés quant à l'imposition de leur rémunération
(V. supra, n° 530). Qu'en est-il au regard de l'ISF ? Les fonctions de dirigeant
de SAS ne sont pas citées’parmi celles ouvrant droit à l'exonération au titre
des biens professionnels (V. supra, n° 57). Pour‘autant, tirant les conséquences
de l'assimilation fiscale de la SAS à la SA, l'administration a admis que l’exo-
nération — toute autre condition étant par ailleurs respectée — était ouverte
aux dirigeants de SAS sous réserve qu'ils soient titulaires de fonctions dont
l'étendue est au moins équivalente à celles exercées par les dirigeants de SA
mentionnés à l’article 885-0 bis du CGI (14).
(13) Il reste que la révocation ne doit pas être abusive, l'abus devant s'apprécier en tenant compte du
particularisme de la SAS, dont sa grande liberté d'organisation (CA Versailles, 5 juin 2003 : Bull. Joly 2003,
p. 1131, note P. LE Cannu ; JCP E 2004, 29, n° 5, obs. J.-J. Caussai, Fl. Desoissy et G. Wicker ;Rev. sociétés
2004, p. 108, note L. Gopon). — La révocation est abusive si elle est brutale et intempestive (CA Paris, 4 avr.
2006 : RIDA 10/06, n° 1045 ; les statuts stipulaient une révocation sur simple décision de l’associé unique:
cette facilité de révocation n'interdit toutefois pas de rechercher si la révocation est ou non abusive, te
qu'elle était selon la cour d'appel en raison de son caractère intempestif, l'intéressé ayant été félicité peu de
temps avant pour avoir atteint les objectifs assignés).
(14) Rép. min. n° 39477, 27 déc. 1999 : JOAN, 13 nov. 2000, p. 6466.
392
LES AUTRES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
393
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
ts de
L. 225-43. — V. supra, n° 594) s'appliquent de la même façon aux dirigean
SAS (C. com. art. L. 227-12).
8 3. — La police de l'actionnariat
904. —- Une des grandes innovations de la SAS est de permettre aux asso-
ciés d'insérer dans les statuts des clauses d’inaliénabilité. Toutefois la durée
de ces clauses ne peut excéder dix ans (C. com. art. L. 227-13). Cette condition
remplie, elles peuvent revêtir de multiples formes : ne s'adresser par exemple
qu’à certains actionnaires (ce sera souvent pour préserver un « noyau dur »),
394
LES AUTRES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
ne s'appliquer que pour une certaine proportion, ne concerner que les trans-
ferts à l'égard de certaines personnes désignées comme concurrentes de la
SAS, jouer enfin pour les cessions entre les associés eux-mêmes, par souci de
ne pas rompre l'équilibre interne de la société.
905. — Les statuts peuvent également soumettre toute cession d'actions à
l'agrément préalable de la société (C. com., art. L. 227-14). Tout comme la
clause d’inaliénabilité, il est possible d'aménager la clause d'agrément en ne
l’appliquant par exemple qu’à certains associés. Les statuts doivent désigner
l'organe qui aura compétence pour agréer le cessionnaire. L'’agrément peut
également jouer, selon ce que décident les statuts, en cas de changement de
contrôle affectant une société associée de la SAS. Si les statuts ne prévoient
pas les modalités du prix de cession des actions en cas de mise en œuvre de
la clause, ce prix est fixé par accord des parties, ou, à défaut, déterminé selon
les règles de l’article 1843-4 du Code civil (V. supra, n° 752) ; lorsque les actions
sont rachetées par la société, elle doit les céder dans un délai de six mois ou
les annuler (C. com. art. L. 227-18).
906. — Bien qu’elles ne soient pas prévues expressément par un texte, les
statuts peuvent encore stipuler des clauses de préemption et prévoir, par
exemple, que si l’un des associés souhaite céder ses actions il doit prévenir
ses coassociés et leur offrir la possibilité de racheter ses actions (V. supra,
n° 725). Dans les filiales communes (joint ventures), il n’est pas rare que la
clause de participation soit prolongée d’une clause au terme de laquelle en
cas de cession, les coassociés du cédant peuvent obliger celui-ci à leur acheter
leurs propres actions.
2° Régime des clauses
907. — Les clauses d’inaliénabilité et d'agrément doivent être adoptées ou
modifiées à l'unanimité des associés (C. com., art. L. 227-19). Par ailleurs, la
loi prévoit expressément que « toute cession effectuée en violation des clauses
statutaires est nulle » : la sanction n’est donc pas seulement l'allocation de
dommages et intérêts mais également la nullité de la cession, ce qui renforce
leur efficacité (C. com. art. L. 227-15).
395
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Les statuts, spécialement ceux des filiales communes, énoncent les moda-
lités de traitement d'éventuels blocages, c’est-à-dire les cas dans lesquels
aucune décision ne peut être prise, compte tenu des règles de majorité. IL est
par exemple prévu qu’à défaut d'accord dans un certain délai l'un des parte-
naires peut demander à l'autre de lui racheter ses actions, à un prix déterminé,
cet autre associé peut alors accepter ou, au contraire, renverser l'offre et obli-
ger le premier à lui acheter ses propres actions au prix proposé.
Sous-section 3
LA SASU
909. —- La SAS peut n'avoir qu'un associé, lequel dirige ou non la société ;
on parle alors de SASU. L'unipersonnalité peut être congénitale — un seul
associé depuis la constitution — ou se révéler en cours de vie sociale. Cette
caractéristique est réversible et la SASU, en fonction du nombre des associés,
redeviendra pluripersonnelle, quitte à redevenir plus tard unipersonnelle,
sans que cela emporte à chaque fois transformation juridique de la société.
L'entrepreneur individuel qui veut exploiter seul son entreprise sous forme
sociétaire dispose donc, à côté de la formule de l’EURL, de celle de la SASU.
Egalement, dans les groupes de sociétés, la SASU est une forme envisageable
pour abriter une filiale à 100 % (V. infra, n° 1467).
Lorsque la SAS est unipersonnelle, son régime juridique connaît quelques
particularités :
— exercice par l'associé unique des prérogatives reconnues aux associés
dans la SAS (V. supra, n°° 902 et s.) mais les décisions collectives sont transfor-
mées en décisions unilatérales (C. com., art. L. 227-1, al. 2) ; le rapport de
gestion et les comptes sociaux sont arrêtés par le président et approuvés par
l'associé unique, qui ne peut déléguer ses pouvoirs ; les décisions doivent être
répertoriées sur un registre (C. com. art. L. 227-9);
— absence d'intervention d’un commissaire aux comptes en cas de conven-
tions intervenues directement ou indirectement par personnes interposées
entre la société et son dirigeant ; il est seulement fait mention de celles-ci au
registre des décisions (C. com., art. L. 227-10,in fine) (15) ;
— transmission universelle du patrimoine social à l'associé unique personne
morale, sans liquidation de la société, en cas de dissolution (C. civ.,
art. 1844-5.
— V. supra, n° 456) ; si l'associé unique est une personne physique, la liquida-
tion intervient dans les conditions du droit commun.
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396
LES AUTRES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
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Chapitre 3
LE FINANCEMENT
DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
911. — L'exigence d’apports est d'ordre juridique autant qu’économique.
On ne peut pas lancer et développer une entreprise sans financement. L’entre-
prise à forme individuelle est financée par le patrimoine de l'entrepreneur et
par des aides extérieures : crédits accordés par les fournisseurs (délais de
paiement) ou par les banquiers. L'entreprise à forme sociale ne se confond
pas avec le patrimoine de ses associés ; ses besoins de financement sont donc
couverts par les apports de ces derniers, par leurs avances en compte courant
(V. supra, n° 247 et s.), ainsi que par les emprunts auxquels elle procède elle-
même, avec parfois la garantie des associés. Elle couvre également ses besoins
financiers en réinvestissant les bénéfices qu’elle réalise — c’est l’autofinance-
ment — ce qui diminue d'autant la part distribuée aux associés.
Tel est le schéma de base qui vaut pour toute entreprise à forme sociétaire.
Mais c’est la société par actions qui en offre le modèle le plus achevé grâce
au monopole qui lui est reconnu par le Code de commerce pour l'émission
de valeurs mobilières (V. infra, n° 914 et s.). D'où l'intérêt d'approfondir le
financement des sociétés par actions.
912. — Cet approfondissement suppose d’inventorier les instruments de
financement, avant de visiter, brièvement, les marchés de financement, c’est-
à-dire les marchés où ces instruments sont échangés.
Section 1
399
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 1. - Éléments de vocabulaire
A. - Valeurs mobilières et instruments financiers.
914. —- Commençons par les valeurs mobilières. Leur définition est portée
par l’article L. 211-2 du Code monétaire et financier :
«Constituent des valeurs mobilières, les titres émis par des personnes
morales, publiques ou privées, transmissibles par inscription en compte ou
tradition, qui confèrent des droits identiques par catégorie et donnent accès,
directement ou indirectement, à une quotité du capital de la personne morale
émettrice ou à un droit de créance général sur son patrimoine.
Sont également des valeurs mobilières les parts de fonds communs de pla-
cement, les parts de fonds de placement immobilier et de fonds communs de
créance ».
915. — Les termes « droits identiques » sont essentiels, car ils signalent l’es-
sence de la valeur mobilière, à savoir son caractère fongible. Comme l’ensei-
gnent PMALAURIE et L. Aynès, « Une chose n’est pas fongible ou non fongible
en elle-même : elle est fongible ou non fongible avec une autre » (1). De fait,
la fongibilité provient « d’un rapport d'équivalence entre deux choses » (2) ;
elle « résulte d’une comparaison, d’un rapport entre deux choses qui présen-
tent les mêmes qualités, peuvent être indifféremment prises l’une pour l’autre,
et qui ont la même fonction libératoire » (ibid.). En ce sens, les valeurs mobi-
lières sont indiscutablement fongibles et les définitions données ici et là se
fondent sur cette fongibilité.
Or, si les actions sont fongibles, elles ne sont pas consomptibles par nature
en ce qu'elles ne se consomment pas par le premier usage. Il est toutefois
admis que la volonté de l’homme puisse remédier à cet état des choses. Par
suite, le prêt de valeurs mobilières peut, de par la volonté des parties, prendre
la forme d'un prêt de consommation et emporter transfert de propriété au
profit de l’emprunteur, lequel a seulement une obligation de restitution en
équivalent ; c’est de cette façon que des administrateurs peuvent justifier de
la propriété d'actions qui leur ont simplement été prêtées (V. supra, n° 523).
Il en va de même pour le dépositaire — on parle de dépôt irrégulier — et pour
l’'usufruitier — on parle de quasi-usufruit conventionnel (C. civ., art. 587). Dans
tous les cas, la propriété est transférée, d’où le droit de disposition du déposi-
taire, de l’usufruitier, de l’emprunteur. Le propriétaire initial a troqué son
droit réel pour un droit personnel, à savoir une créance en restitution d’une
quantité équivalente de valeurs mobilières.
La jurisprudence a consacré par ailleurs la notion de « portefeuille de
valeurs mobilières de placement », conçue comme une universalité de
fait (sur
la différence entre titres de placement et titres de participation, V.
supra,
n° 245). Par le mécanisme de la subrogation réelle, les valeurs mobilièr
es
acquises viennent en remplacement de celles cédées. Ainsi, l’usufrui
tier d’un
portefeuille de valeurs mobilières est autorisé à gérer cette universal
ité en
cédant des titres dans la mesure où ils sont remplacés, à charge pour lui
d’en
conserver la substance et de les rendre.
916. — Les valeurs mobilières s’insèrent dans un ensemble plus
vaste qui
est celui des instruments financiers, dont le périmètre est dessiné
par l’ar-
ticle L. 211-1, I du Code monétaire et financier .
400
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
(3) En ce sens, Rierr et Roguor, Traité, Tome 1, volume 2, 18° éd. par M. GErMAIN, n° 1523.
401
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
928. — Ces titres sont uniquement mentionnés pour mémoire, leur étude
ayant déjà été faite (V. supra, n°° 697 et s.). On rappellera que le détenteu
r
cette classe de titres de capital a la qualité d’actionnaire, ce qui lui confère de
droits financiers, principalement le droit au dividende et des droits
des
politiques,
essentiellement le droit d’information et le droit de vote lors des
assemblées
générales ordinaires et extraordinaires.
929. — L'action est le titre de base, l’étalon de mesure en quelqu
là le qualificatif « ordinaire », qui n’a de sens, à dire vrai, e sorte, de
que s’il existe
d’autres catégories d'actions. C’est par rapport à l’action ordinai
re que se défi-
niront l’action de préférence (V. infra, n° 932 et s.)et les
titres donnant accès
à terme au capital (V. infra, n° 987 et s.).
930. — La création des actions ordinaires obéit aux règles
déjà présentées
d'augmentation de capital (V. supra, n° 817 et s.), et appell
e donc l’interven-
tion de l'assemblée générale extraordinaire.
402
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
« Qu'est-ce que c’est que ces actions, je ne comprends pas bien ? demanda
Ivan Matvéevitch.
C'est une invention allemande ! dit Tarantiev, agressif. Par exemple, un
arnaqueur trouve un procédé pour construire des maisons qui résistent au feu.
Il décide de bâtir toute une ville : il a besoin d'argent. Alors, il met en vente
des bouts de papier, disons de cinq cents roubles chacun ; une foule d’imbéciles
les achète et les revend les uns aux autres. Le bruit court que l'entreprise
marche bien, le prix des papiers monte ; ou qu’elle marche mal, et tout s’ef-
fondre. Il te reste des bouts de papier, mais ils ne valent plus rien. Tu
demandes : où est la ville ? On te dit qu’elle a brûlé, qu’elle n’a pas été achevée
et que l'inventeur s’est sauvé avec ton argent. Voilà ce que c’est que les
actions ! » (I. GONTCHAROV, Oblomov, éd. L'Age d'homme, p. 382).
403
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
404
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
405
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Actions de capital : elles font bénéficier leur titulaire de la plénitude des droits pécuniaires
qu'elles comportent, à la différence des actions de jouissance.
Actions de concert : c'est le faux ami de la bande (V. infra, n° 991).
Actions de jouissance : elles appartiennent à des actionnaires qui ont récupéré le montant
de leur apport, sans que le capital social soit réduit, on parle alors d'amortissement (V. infra,
n° 841). Ils sont toujours associés, mais leurs actions sont devenues des actions en jouissance
qui ont perdu leur droit au premier dividende, et au remboursement de leur valeur nominale,
laquelle représente leur apport. .
Actions de préférence : il s'agit d'actions, avec ou sans droit de vote, assorties de droits
particuliers de toute nature, à titre temporaire où permanent (V. supra, n° 932 et s.).
Actions de priorité : autre manière de désigner les actions de préférence.
Actions à droit de vote double : bien que le droit de vote soit en principe proportionnel à
la quotité représentée par les actions souscrites, et que chaque action donne droit à une voix
au moins, la loi admet la faculté d'attribuer des actions avec un droit de vote double, sous
certaines conditions (V. supra, n° 672).
Actions à dividende prioritaire sans droit de vote (ou ADP) : le détenteur jouit d'un droit
prioritaire pour la distribution du premier dividende et le remboursement des titres, mais est
privé de son droit politique de vote ; cette catégorie de titres est en voie d'extinction (V. Supra,
n° 943).
Actions de travail : elles existent dans les sociétés anonymes à participation ouvrière :ce
sont les actions appartenant à l'ensemble du personnel salarié, constitué en société commer-
ciale coopérative de main-d'œuvre ; elles sont caractérisées par l'inaliénabilité et l'incessibilité
pendant toute la durée de la SA à participation ouvrière.
Actions nouvelles : les actions nouvelles sont les actions émises lors d’une augmentation
de capital par la société.
Actions gratuites : lors d'une augmentation par incorporation de réserve, les actionnaires
peuvent recevoir des actions gratuites, à raison d’une certaine parité par actions anciennes
(V. supra, n° 831 et s.), sans oublier les attributions d'actions gratuites aux salariés (V. supra,
n® 786 et s.).
Actions d'autocontrôle : lorsqu'une société détient directement ou indirectement ses
propres actions, qu'elle devient donc son propre actionnaire, les actions détenues sont appe-
lées actions d'autocontrôle (V. infra, n° 1465 et s.).
Action spécifique (golden share) : action ordinaire portant des droits particuliers — ainsi du
pouvoir d'agréer certains franchissements de seuils — et attribuée à l'État à l'occasion d'une
privatisation ;on observera que la CJCE a jugé que l'État français, en instituant une
action
spécifique de l'État dans la société Elf-Aquitaine, avait manqué à ses obligations au regard
de l'article 73 B du traité CE (CJCE, 4 juin 2002 : Rev. sociétés 2002, p. 519, note G. PaRLÉANI).
Actions reflet (trackings stocks) : actions émises par une société mère et dont
le dividende
reflète les résultats d'une filiale où d'une activité particulière du groupe: l'émission
de telles
actions est pratiquée aux USA afin de valoriser les groupes détenant des « pépites
» du genre
sociétés de la nouvelle économie : la société Alcatel a ainsi émis des actions
reflet en 2000
(A. Viannier, Les actions reflet : RIDA 2001, p. 3), avant de les supprimer en
2003.
2. La fin de l'anonymat
945. — La pratique des TPI (V. supra, n° 920) a contribué à réduire
l'anonymat attaché
aux titres aux porteurs. Cependant, les données recueillies étaient souvent
insuffisantes, en
raison des prête-noms, des trusts et des intermédiaires étrangers
dont les noms apparaissent
sur les registres alors qu'ils ne sont pas les véritables propriétaires
des actions.
C'est la raison pour laquelle le législateur est intervenu (loi NRE
du 15 mai 2001; D.
23 mars 1967, art. 151-1 et s., mod. par le décret du
3 mai 2002) en modifiant les
articles L. 228-1 et s. du Code de commerce (A. Viannier et À.
CHARVÉRIAT, Sociétés et Loi NRE,
éd. Fr. Lefebvre, 2002, n°400 et s.). Le texte, suivant une étude
de l'ANSA (L'identification
des actionnaires des sociétés cotées, 1996), à mis en place
un mode d'identification des
actionnaires qui bouleverse le régime des TPI ; en voici les
traits principaux :
— Un intermédiaire (banque, société de bourse) peut être
inscrit comme actionnaire pour
le compte du véritable propriétaire des titres si ce dernier
n'est pas un résident français
(C. COM., art. L. 228-1) ;mais l'intermédiaire doit alors déclarer
sa qualité d'intermédiaire et
lefait qu'il détient les actions correspondantes pour le compte
d'autrui : grâce à cette inscrip-
tion, l'intermédiaire pourra voter lors des assemblées générale
s, comme s'il était le proprié-
taire des actions (C. com., art. L. 225-107-1):
— si les statuts le prévoient, la société peut demander
à Euroclear France (ex Sicovam),
Organisme de compensation des opérations sur valeurs
mobilières intervenant entre banques
406
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
contenu stratégique et industriel, dans l'intérêt des actionnaires mais également des parties
prenantes” (Déclaration du ministre de l'Économie au Sénat, séance du 21 février 2006).
L'innovation peut revendiquer l'exemple de la pratique nord-américaine des pilules empoi-
sonnées, ou « rights plans », c'est-à-dire le droit de souscrire à un prix préférentiel ; plus de
40 % des 5 500 sociétés américaines cotées disposeraient d'un mécanisme de défense de ce
type (The Economist, 21 févr. 2004, p. 64). Le « rights plans”, comporte l'attribution de droits
de souscription à tous les actionnaires de la société ; ces droits ont une durée de 5 à 10 ans
(10 ans pour Yahoo) et peuvent être exercés mais à des conditions prohibitives (par exemple
AN
NER
AN
An
deux fois le cours de bourse), ce qui veut dire qu'en temps normal les droits ne sont pas
exercés. Si un actionnaire franchit, pendant la durée de vie du plan, un seuil déterminé (par
exemple 20 % du capital), ses propres droits, s'il en détenait, sont annulés ; les droits des
autres actionnaires deviennent exerçcables à des conditions de prix différentes de celles pré-
vues initialement et très avantageuses. L'attaquant, s'il souhaite éviter le risque d'une dilution
considérable, n’a plus qu'une issue, à savoir négocier avec le conseil d'administration le désa-
morçage des plans, ce qui suppose qu'il soit prêt à offrir plus.
Dans le système français, l'émission des bons peut être décidée en période d'offre, ce
qui suppose la convocation de l'assemblée des actionnaires. L'assemblée compétente est
l'assemblée extraordinaire, mais elle statue aux conditions de quorum et de majorité posées
par l'article L. 225-98, autrement dit celles qui régissent les assemblées ordinaires.
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407
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Afin de ménager aux‘dirigeants une plus grande liberté d'action, l'assemblée générale
donnera une délégation au directoire ou au conseil d'administration. Dans un tel cas, elle fixe
le montant maximum de l'augmentation de capital pouvant résulter de l'exercice des bons
ainsi que le nombre maximum des bons à émettre ; elle peut également préciser les conditions
relatives à l'obligation ou l'interdiction de procéder à l'émission, d'y surseoir ou d'y renoncer.
| Les caractéristiques des bons, et spécialement les modalités de détermination du prix sont
| également fixées par l'assemblée, ou par le conseil d’administration ou le directoire sur délé-
| gation. Il en va de même des conditions d'exercice des bons “qui doivent être relatives aux
termes de l'offre ou de toute offre concurrente éventuelle” ; cela signifie que les conditions
d'exercice de l'offre ne doivent pas se référer à un initiateur particulier.
| Cette dernière exigence est l’une des rares contraintes de l'émission des bons. En voici
| d'autres :
— l'attribution est gratuite ;
— l'attribution est faite à tous les actionnaires, par suite aucun avantage particulier n’est
conféré ;
— l'attribution est faite aux actionnaires ayant cette qualité avant l'expiration de la période
d'offre, ce qui pose un problème de preuve :
— les bons deviennent caducs dès que l'offre ou toute offre concurrente éventuelle
échoue, devient caduque ou est retirée.
Les délégations sont cependant suspendues par le dépôt d’un projet d'offre (C. com.
art. L. 233-32, Ill), sauf si les dirigeants de la société visée sont en mesure de démontrer que
la société offrante n'est pas astreinte aux mêmes règles que la société visée en termes de
pouvoir des dirigeants en temps d'offre (C. com., art. L. 233-33. — V. infra, n° 1423).
Ces prescriptions ménagent une grande liberté au directoire et au conseil d'administration,
ou à l'assemblée au cas, improbable, d'absence de délégation. Il pourra ainsi être prévu par
exemple l'attribution des bons qui, s'ils étaient souscrits en totalité, aboutiraient à un double-
ment du capital social, le prix de souscription représentant 50 % d'une moyenne de cours,
les bons étant exerçables après la clôture de l'offre, en bloc ou par tranches, sauf échec ou
retrait de l'offre, ou décision du directoire ou du conseil d'administration, laquelle pourra être
encadrée par l'assemblée générale, ou sauf surenchère d'au moins N % ou contre-offre à un
prix supérieur de X % à la première offre. - Adde, A. Courer, Les bons d'offre : D. 2006,
p. 1372.
on
A. — L'obligation ordinaire
949. — L'article L. 213-5 du Code monétaire et financi
er énonce : « Les obli-
gations sont des titres négociables qui, dans une
même émission, confèrent
408
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale. » Titres négo-
ciables : les obligations sont en effet des valeurs mobilières, donc des instru-
ments financiers (V. supra, n°® 914 et s.), elles sont cédées sans formalité, elles
sont fongibles (V. supra, n° 915), elles peuvent être cotées en bourse. Cette
qualification emporte un avantage considérable pour le prêteur : il a prêté par
exemple 10 000 € sur 15 ans, il peut si nécessaire céder à un tiers son
obligation avant l'échéance, sans avoir à se soumettre aux formalités de la
cession de créances ; le prêteur peut donc mobiliser sa créance sur la société.
1° L'émission
409
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
[
(5) L'AME veille à la « lisibilité
» de l'indexation : ainsi s'est-elle opposée à l'émission de
dont le rendement était indexé sur le nombre d'entrées d'un titres de créances
film, en considérant que cela était de nature
à fairecourir des risques importants aux investisseurs (Bull. mens.
COB, sept. 2002, n° 574 b:418)
410
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
b) L'obligation échangeable
958. — L'idée est voisine, mais la conversion fait place à un échange. Lors
de l'émission des obligations, des actions ont été souscrites par un tiers échan-
giste (une banque par exemple) qui s’est engagé à échanger, selon une parité
définie à l’origine, les actions contre les obligations dites échangeables.
L'échange, comme la conversion, est facultatif ; il est au gré de l’obligataire ;
il se fait aux conditions définies dans le contrat d'émission.
961. — Les titres participatifs (à ne pas confondre avec les prêts participatifs
qui sont des prêts à long terme rémunérés par un intérêt et par une participa-
tion aux bénéfices) sont des quasi-obligations ; ils en diffèrent par deux traits :
— les titres participatifs ne peuvent être émis que par les sociétés du secteur
public, les sociétés anonymes coopératives et les coopératives agricoles ;
— les titres participatifs sont rémunérés par une partie fixe ; celle-ci porte
au moins sur 60 % du nominal, et par une partie variable, qui dépend d’élé-
ments tirés des comptes annuels, voire des comptes consolidés. Pour le reste,
c'est le régime des obligations qui a été décalqué.
et J.-J. CAUSSAIN
(6) En ce sens, CA Versailles, 17 nov. 1994 : JCP E 1995, |, 447, n° 7, obs. A. Vianoer
1995, p. 736,
(affaire Métrologie internationale) et, sur pourvoi, Cass. com., 13 juin 1995 : Rev. sociétés
note P. DIDIER.
411
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
962. — Les titres subordonnés à durée indéterminée (ou TSDI) sont encore
appelés titres perpétuels. Ils sont définis par l’article L. 228-97 du Code de
commerce : « Lors de l'émission de valeurs mobilières représentatives de
créances sur la société émettrice…, il peut être stipulé que ces valeurs mobi-
lières ne seront remboursées qu'après désintéressement des autres créanciers,
à l’exclusion des titulaires de prêts participatifs ou de titres participatifs. »
Au fond, c'est une affaire de rang, les porteurs de tels titres étant des por-
teurs d’avant-dernier rang, d’où en cas de difficultés de moindres chances de
remboursement. Pour le juriste, la différence est ténue avec l'associé, surtout
si l’intérêt servi est variable et si son paiement est lui aussi affecté d’une
clause de subordination. Pour le financier, la différence est encore plus mince,
puisqu'il traite ces titres comme des quasi-fonds propres, et non comme des
dettes, ce qui présente l'avantage, pour la société, de ne pas affecter ses ratios
financiers.
|
H
963. — En France, on ne peut créer de société pour plus de 99 ans, même si la prorogation
est possible (V. supra, n° 439 et s.). Ne serait-ce que pour cette raison, une société française
|
ne pourrait émettre des obligations à échéance de 100 ans. Pareille contrainte n'existe pas
aux États-Unis. IBM a ainsi émis le 3 décembre 1996 des obligations à 100 ans au taux de
7,22 % pour un montant de 850 millions de dollars (Le Monde, 5 déc. 1996). Voilà qui
traduit une belle confiance et dans Big Blue et dans le marché. Avec un « prêt centenaire »,
| le fabricant américain d'ordinateurs fait comme s'il avait l'éternité devant lui, mais la société
| luxembourgeoise Safra Republic Holdings a fait plus en émettant des obligations subordon-
| nées sur 1 000 ans (Le Figaro, 16 déc. 1997). Qui dit mieux ?
412
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
— dans le passé, des banquiers anglais ont émis des titres de créances dont la rémunération
variait en fonction de la vente de disques de tel ou tel chanteur, par exemple David Bowie
en 1997 (V. The Economist 29 nov. 2003) ; à quand une obligation à l'effigie de notre Johnny
national ?
= une fondation néerlandaise créée par un gourou indien très célèbre (au moins pour
avoir enseigné la méditation transcendantale aux Beatles) a lancé, début 2006, une émission
. d'obligations d’un nominal minimal de 50 000 USD (World Peace Bond for Poverty removal)
offrant jusqu'à 15 % d'intérêt et dont le capital serait destiné à acquérir ou développer
2 milliards d'hectares dans 100 pays, soit le huitième de la surface terrestre .…. difficile de
rester zen en face d’une telle émission (/nternational Herald Tribune, 18 janv. 2006) ;
— afin de pouvoir jouer sur un violoncelle Guarneri de 1712, d’une valeur de près de
1 300 000 €, un violoncelliste anglais a eu l'idée de créer un «syndicat» d'investisseurs
(investment trust), en fait un groupement de copropriétaires, qui vont fournir les fonds néces-
saires pour l'acquisition de l'instrument ;dans ce genre d’arrangement, en contrepartie de la
mise à disposition de l'instrument pendant une durée déterminée de l'ordre de 20 ans, l'ar-
tiste s'engage à se produire un certain nombre de fois devant les investisseurs et à payer la
prime d'assurances (1 % de la valeur), mais ne paie pas de loyer, bien que l'on puisse imaginer
qu'une partie des cachets de l'artiste ou du produit de ses ventes de disques revienne aux
copropriétaires ; les investisseurs restent propriétaires de l'instrument et profitent de la plus-
value lors de la revente, plus-value facilitée par l'usage de l'instrument par un artiste renommé
(The Economist, 23 déc. 2006).
3. Du contrat de société au contrat d'investissement
965. — L'examen des modes de financement de la société par actions fait toucher du
doigt l'absence de différence profonde entre l'actionnaire d'une grande société et l'obliga-
taire. Ils n'ont ni l’un ni l'autre vocation à gérer la société ; s'ils votent, c'est avec leurs pieds,
en vendant leurs titres lorsque leur placement ne répond plus à leurs espérances où au
contraire les a par trop comblés (plus-values). Si différence il y a, elle est d'état d'esprit; les
premiers sont optimistes, ils escomptent une plus-value, ils prennent le risque d'une rémuné-
ration évoluant en fonction des performances de la société ; les seconds sont pessimistes, ils
préfèrent un revenu régulier. Et entre les deux extrêmes, il y a toute une gamme de situations
dont rend compte la prolifération des produits financiers complexes. Aussi bien aurait-on
peut-être intérêt à cesser de penser en termes de contrat de société et d'y substituer le
contrat d'investissement. L'entreprise a besoin de fonds, elle s'adresse à des investisseurs,
lesquels endossent l'uniforme d'obligataire où d’actionnaire en fonction du titre acheté, par-
tageant tous la qualité d'investisseurs. Les uns ont un droit de regard sur les affaires sociales
que les autres n'ont pas, mais cela est parfaitement cohérent avec la nature de l'investisse-
ment et n'a pas besoin d'être justifié par un affectio societatis, plus symbolique que réel ; il
est normal que celui qui court des risques soit informé de la gestion sociale. Cette ingérence
est fondée sur le risque et non sur la qualité de l'emprunteur ; d'ailleurs, dans nombre de
contrats comportant un intéressement aux bénéfices, « l'intéressé » a un droit de regard, ce
qui ne veut pas dire qu'il soit associé.
La conclusion est claire : les uns et les autres ne sont que des créanciers. En dehors des
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« contrôlaires » (V. supra, n° 150), il n'y a pas de véritables associés dans les grandes sociétés.
_ Hérésie ? Pour les juristes d'autrefois peut-être, pour les financiers d'aujourd'hui, assurément
non (sur la notion de contrat d'investissement, V. F.-X Lucas, Les transferts temporaires de DST
413
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Section 2
414
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
tie, par les statuts de l'émetteur, à des clauses restreignant leur libre négo-
ciation.
L'AMF dispose d'un droit d'opposition (C. monét. fin., art. L. 421-4 T).
969. — L'introduction en bourse suit l'admission; c’est la procédure par
laquelle les investisseurs se voient offrir la possibilité d'acheter une partie des
titres dont l’admission vient d’être décidée. Les procédures d'introduction en
bourse sont définies dans les règlements établis par chacune des entreprises
de marché.
de la société Poweo,
(8) Ainsi, en 2004, l'AMF a refusé d'accorder son visa à une introduction en bourse
et financières de la
faute pour les commissaires aux comptes d'avoir validé les projections économiques
société (AMF, communiqué du 24 févr. 2004).
415
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
416
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
417
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
418
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
celui qui cède une action doit recevoir le même prix que celui qui a cédé le
bloc de contrôle. Cela revient à considérer que la prime de contrôle, dite
encore prime de majorité, doit profiter à l’ensemble des actionnaires et non
seulement au majoritaire.
Il est toutefois des cas dans lesquels le cours garanti peut être inférieur au
prix de cession du bloc : si la cession est assortie d’une clause de garantie de
passif visant un risque identifié ou si elle donne lieu à un mode de paiement
autre qu’un règlement immédiat en espèces (Règl. préc., art. 235-3).
c) L'offre de retrait (13)
981. - Sauf s’il trouve un preneur qui lui rachète ses droits, le retraït d’un
associé demeure exceptionnel dans notre droit des sociétés (V. supra, n° 331
et s.). Le législateur a introduit d’autres cas de retrait au profit des action-
naires des sociétés cotées (C. monét. fin., art. L. 433-4. - Règl. général AMF,
art. 236-1 et s.) :
— Retrait à la demande des actionnaires : lorsque 95 % des droits de vote d’une
société cotée sont détenus par la même personne ou un groupe de personnes
agissant de concert, tout actionnaire peut demander à l'AMF de requérir le
dépôt par le dominateur d’un projet d'offre publique de retrait. À l’occasion
de cette offre, les intéressés peuvent ainsi sortir en faisant racheter leurs titres.
— Retrait proposé par le dominateur : dans la même situation, le dominateur
peut spontanément lancer une offre publique de retrait ; mais les minoritaires
sont libres d'accepter ou de refuser cette offre. Il y a donc dissymétrie avec le
cas précédent dans lequel, si l'AMF en décide ainsi, le dominateur n’a pas le
choix, il doit lancer l'offre publique.
— Retrait pour changement substantiel : une procédure d'offre publique de
retrait peut également être imposée à l’occasion de plusieurs événements :
e transformation en commandite par actions ;
e modification significative des dispositions statutaires notamment celles
relatives à la forme de la société ou aux conditions de cession et de transmis-
sion des titres ;
e apport de la totalité ou du principal des actifs à une autre société ;
e réorientation de l’activité sociale ;
e projet de suppression pendant plusieurs exercices de toute rémunération
des titres de capital.
Le retrait est offert aux actionnaires minoritaires, par l'actionnaire ayant au
moins 95 % (premier et deuxième cas), par l'actionnaire ayant la majorité des
deux tiers (transformation en commandite par actions) ou par l'actionnaire
contrôlant la société (autres changements substantiels). Les conditions de
l'offre, et notamment le prix, sont arrêtées en concertation avec l’AMEF.
419
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
retrait forcé à la demande du majoritaire (Règl. général AMF, art. 237-1 et s.).
Les conditions d'indemnisation sont précisées dans le règlement général de
l'Autorité des marchés financiers (15).
« Est puni de deux ans d'emprisonnement et d’une amende de 1 500 000 € dont
le montant peut être porté au-delà de ce chiffre, jusqu'au décuple du montant
du
profit éventuellement réalisé, sans que l'amende puisse être inférieur
e à ce même
profit, le fait, pour les dirigeants d’une société mentionnée à l’article
L. 225-109
du Code de commerce [société cotée], et pour les personnes disposant
, à l’occa-
sion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions, d'inform
ations privilé-
giées sur les perspectives ou la situation d’un émetteur dont
les titres sont
négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d'évoluti
on d’un ins-
trument financier admis sur un marché réglementé, de réaliser
ou de permettre
de réaliser, soit directement, soit Par personne interposée,
une ou plusieurs opé-
rations avant que le public ait connaissance de ces informations.
»
420
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
(16) T. corr. Paris, 28 janv. 1985 : Gaz. Pal. 28 et 30 avr. 1985, p. 13.
n° 383, p. 67.
(17) T. corr. Paris, 12 mai 1976 : JCP 1976, II, 18496. — Adde Bull. COB 2003,
(18) Cass. com., 15 mai 1997 : Rev. sociétés 1998, p. 135, note B. BouLoc.
(19) L'Équipe du 15 octobre 2005.
proche d'une danseuse
(20) Le New York Times du 22 décembre 1999 révèle ainsi qu'un banquier très
de films X, lui avait communiqué diverses informations grâce auxquelles l'artiste avait réalisé
exotique, actrice
un financier a avoué avoir pris
88 000 $ de profits. Où l'amour de la danse peut-il conduire ? En 2006,
à sa petite amie, avocate de la
connaissance de documents confidentiels relatifs à une offre et adressés
cours provoqué par l'annonce de
société visée par l'offre, et avoir pu bénéficier de la hausse de 98 % du
2006).
l'offre … Il a fait l'obiet d'une poursuite (International Herald Tribune, 8 mars
(21) International Herald Tribune, 8 mars 2007
421
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
C. —- La manipulation de cours
988. — L'article L. 465-2 du Code monétaire et financier sanctionne le fait :
«d'exercer ou de tenter d'exercer, directement ou par personne interposée,
une manœuvre ayant pour objet d’entraver le fonctionnement régulier d’un
marché d'instruments financiers en induisant autrui en erreur ». La manipula-
tion se distingue de la fausse information : il s’agit d’influencer mécanique-
ment le marché, par exemple par des achats pour des volumes considérables
juste avant la clôture de la bourse pour faire monter le cours ou par l'interven-
tion de plusieurs opérateurs situés aux quatre coins du monde créant
un
volume de transactions fictives. Une condamnation est très délicate
à obtenir,
en raison des difficultés de preuve et de la difficulté de distinguer la
manipu-
lation, qui est pénalement sanctionnée, de la spéculation,
qui demeure licite.
989. si Sur ce point également, l'autorité de marché est
intervenue en édic-
tant une interdiction formelle (Règl. général AMF, art. 631-1
s.). Le règleme
nt
général qualifie notamment de manipulation de cours le fait pour
plusieurs
422
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
D. - La fausse information
990. — Le deuxième alinéa de l’article L. 465-2 du Code monétaire et finan-
cier énonce :
« Est puni des peines prévues au premier alinéa [deux ans d'emprisonne-
ment ; 1 500 000 €] le fait pour toute personne de répandre dans le public par
des voies et moyens quelconques des informations fausses et trompeuses sur
les perspectives ou la situation d’un émetteur dont les titres sont négociés sur
un marché réglementé ou sur les perspectives d'évolution d’un instrument
financier admis sur un marché réglementé, de nature à agir sur les cours. »
7 1
_ 1. L'action de concert
991. — La loi du 2 août 1989 a introduit le concept d'action de concert à propos des
franchissements de seuils (V. infra, n° 1427). En effet, pour apprécier si des seuils légaux ont
été franchis, il est tenu compte des actions ou droits de vote détenus par une personne et
par les personnes qui agissent de concert avec elle. La même notion est utilisée pour détermi-
ner les cas d'offre publique obligatoire (V. infra, n° 1417. — A. Vianor, OPA-OPE,
éd. Fr. Lefebvre, 3° éd., 2006, n°: 1410 et s.).
L'action de concert, c'est le concerto, c'est l'accord (A. Vianpier, Sécurité et transparence du
marché financier : JCP E 1989, 15612, n%85 ets. —D. Schmr et CI. Ba, Réflexions sur la notion
d'action de concert : RD bancaire, n° 25, 1991, p. 86. — P. Le Cannu, L'action de concert :
Rev. sociétés 1991, p.675.-D. Martinet A. Vianoier, Lexique de l'action de concert : RIDA 1 992,
p. 239 et s.). Cette figure juridique, qui évoque les pratiques concertées du droit de la concur-
CERCERER
RE
rence et la collusion frauduleuse dans l'action paulienne, a été définie par l'article L. 233-10 du
Code de commerce, plusieurs fois modifié. - D. Schmipr, Contrôle et action de concert : évolu-
tions : JCP E 2002, 72) : « Sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont
conclu un accord en vue d'acquérir ou de céder des droits de vote, ou en vue d'exercer des droits
de vote, pour mettre en œuvre une politique vis-à-vis de la société. »
Cela recouvre notamment les ramassages d'actions opérés par des alliés, certains portages
(pour un exemple : CA Paris, 24 juin 1991 : Bull. Joly 1991, p. 806 et s.), un pacte majoritaire
(pour un exemple de pacte d'actionnaires non constitutif d'une action de concert, CA Paris,
19 mars 2002 : JCP E 2002, 998, note A. VIANDIER).
La loi prolonge la définition par des présomptions : « Un tel accord est présumé exister :
_ entre une société, le président de son conseil d'administration et ses directeurs généraux
ou les membres de son directoire ou ses gérants ;
DR
EEE
RÉ
RE
PANNES
(23) Pour un exemple de condamnation : CA Paris, 12 sept. 2006 : JCP E 2007, 1364 (mise en œuvre
d'actions afin de per-
d'une politique délibérée de hausse du cours au moyen d'un programme de rachat
mettre l'acquisition d’un bloc d'actions au prix souhaité par le vendeur).
423
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
||
— entre une société et les sociétés qu'elle contrôle ;
— entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes;
— entre les associés d’une société par actions simplifiée à l'égard des sociétés que celle-ci
contrôle. »
Un cas d'action de concert propre à l'existence d’une offre publique d'acquisition a été
ajouté en 2006 et est exprimé par l’article L 233-10-1 du Code de commerce :
|
« En cas d'offre publique d'acquisition, sont considérées comme agissant de concert les
personnes qui ont conclu un accord avec l'auteur d'une offre publique visant à obtenir le
contrôle de la société qui fait l'objet de l'offre. Sont également considérées comme agissant
de concert les personnes qui ont conclu un accord avec la société qui fait l’objet de l'offre
afin de faire échouer cette offre ».
||
992. — Voici quelques cas de condamnation par l'autorité de marché pour diffusion d'in-
formations mensongères :
— communiqué de presse annonçant la progression de l'activité alors que le groupe
connaissait une situation difficile (CA Paris, 25 janvier 2000 : R/DA 6/2000, n° 676):
— Communication d'informations comptables inexactes pour freiner artificiellement la
baisse du cours (CA Paris, 1° févr. 2000 : R/DA 6/2000, n° 677):
| — déclaration d'intention relative à une offre publique démentie par les faits (CA Paris,
1° févr. 2000 : R/DA 2000, n° 993):
— Confusion entretenue entre des prévisions de commande et des commandes fermes
(Cass. com., 31 mars 2004 : R/DA 10/2004, n° 1132):
— Communication financière axée sur le chiffre d'affaires et omettant de mentionner que
|
là marge financière serait inférieure à celle prévue antérieurement (COB, 7 oct. 2003,
Bull. COB 2003, n° 383, p. 37):
! — affirmation selon laquelle tel nouveau produit rencontrait un succès sans précédent alors
|
que 40 % des commandes avaient été reportées ou annulées (Cass. com., 23 juin 2004 :
BRDA 19/2004, n° 6):
— Caractère résolument optimiste des indications de chiffres d'affaires (CA Paris, 13 sept.
| 2005 : Rev. AMF, n° 18, oct. 2005, p. 49).
| La fausse information émane généralement de la société émettrice des instruments finan-
ciers, mais elle peut avoir une autre source, par exemple un concurrent désireux de dénigrer
la société. Ainsi a été sanctionné le chef d'entreprise ayant organisé une campagne
de
Communication sur l’action d'un concurrent par le biais d'articles de presse et de création
d'un site internet, sur les thèmes (faux) suivants : la société x (le concurrent) est
une société
| à risque, en raison de la multiplicité des procès en cours et de son exposition démesurée
certains risques géopolitiques (TG Paris, 9 janv. 2004 : Bull. Joly Bourse 2004,
à
| note CI. DucouLoux-Favaro).
p. 255, n. 59,
|
En revanche, l'inexactitude du journaliste décrivant dans un article une situation
différente
de la réalité n'engage pas la responsabilité de la société concernée et de
ses dirigeants, même
s'ils ne démentent pas l'information. En effet les sociétés cotées n'ont
aucune obligation de
contrôler les informations que la presse choisit de publier (CA Paris, 11
| 2000, n° 427). .
janv. 2000 : RJDA
|
|
3. La cotation des clubs de football
993. —- De nombreux clubs de football étrangers sont cotés : Manchest
|
er United, Juventus
de Turin, AS Rome, AC Milan, etc. La loi française y a été longtemp
s hostile, notamment au
nom de l'éthique du sport (V. V. Mouno et J.-B. Guior, La possibilit
é pour les sociétés sportives
de faire appel public à l'épargne, LexisNexis, Actes pratiques,
sociétés, sept-oct. 2006, p. 45)
et à raison du risque pour les investisseurs, le cours de l’action
dépendant essentiellement
des résultats sportifs, lesquels sont soumis à une multitude
d’aléas (sur les fluctuations de
cours, V. ALLoUCHE et SouLez, La cotation des clubs de football
anglais. Une analyse différenciée
iea explicatifs de fluctuations de Cours, Univ. Paris |, 2005.
— Adde Les Échos 11 juill.
Une loi du 30 décembre 2006 a rompu avec cette hostilité
et les clubs de football peuvent
désormais faire publiquement appel à l'épargne (C. sport,
art. L 122-5 et L 122-8. - V. V.
Thomas, L'appel public à l'épargne des clubs Sportifs :
JCP E 2007, 1325. - D. PORRACCHIA,
L'appel public à l'épargne des sociétés anonymes sportive
s : Rev. sociétés 2007, p. 41).
Dans la foulée de cette loi, l'Olympique lyonnais a fait
son entréeen bourse en février
2007. Cependant, ce n'est pas le club lui-même —
la société à objet sportif Olympique
424
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
lyonnais — qui est coté, mais sa holding, la société OL Groupe, qui à procédé à une augmenta-
tion de capital par appel public à l'épargne (V. Note d'opération visée par l'AMF le 9 janv.
2007). La documentation a rappelé les facteurs de risques propres à l'entreprise, notamment
l'impact des résultats sportifs du club et d'éventuelles modifications de l'effectif des joueurs
professionnels. Les salariés et les abonnés du club ont bénéficié de certains avantages pour
la souscription de l'augmentation de capital. I! n'est pas sûr que les premiers investisseurs
aient fait une excellente affaire : deux mois après l'introduction, l'action a perdu 16 % de sa
valeur en raison notamment de l'élimination de l'OL de la Ligue des Champions.
4. De redoutables protagonistes en matière d'actions en responsabilité :
les associations d'actionnaires et les associations de défense
des investisseurs
994. — Alors que la pratique est bien ancrée aux États-Unis, les associations d'actionnaires
commencent à se développer en France. Ainsi voit-on fleurir depuis quelques années de
nombreuses associations regroupant des actionnaires, le plus souvent minoritaires, les
« gros » usant plutôt du pacte d'actionnaires (V. infra, n° 709). En ce sens, les associations
d'actionnaires, qui se transforment parfois en « machine à procès », constituent un mode de
protection de la minorité (Y.-A. Ach et P. Ropoirxe, Les problèmes juridiques posés par la
démocratisation dans les sociétés par actions : Petites affiches, 1% janv. 1997, n° 1, p. 6. —
V. aussi le numéro d'avril-juin 1995 de la Revue des sociétés consacré à ce thème). Il faut ici
distinguer les associations de défense des investisseurs — réglementées dans le Code moné-
taire et financier — et les associations d'actionnaires — réglementées dans le Code de
commerce.
a) Les associations de défense des investisseurs
Selon l’article L. 452-1 du Code monétaire et financier, complété par les articles R. 452-1
à 452-8, les associations de défense des investisseurs sont des associations régulièrement
déclarées ayant pour objet statutaire la défense des investisseurs qui ont placé leurs fonds en
valeurs mobilières ou en produits financiers. Elles peuvent agir en justice devant toutes les
juridictions, même par voie de constitution civile, relativement aux faits portant un préjudice
direct où indirect à l'intérêt collectif des investisseurs ou de certaines catégories d’entre eux.
Le texte distingue deux types d'associations :
_ les associations agréées, dans des conditions fixées par décret après avis du ministère
public et de l'autorité des marchés financiers, lorsqu'elles justifient de six mois d'existence
et, pendant cette même période, d'au moins 200 membres cotisant individuellement ; leurs ce
ss
NANTE
ss
RE
NE
TN
dirigeants doivent par ailleurs remplir des conditions d'honorabilité et de compétence fixées
par décret ;
— les associations regroupant les actionnaires d'une société donnée (V. infra, b.).
Qu'elles soient ou non agréées, les associations de défense des investisseurs peuvent
demander en justice la cessation de certaines pratiques contraires aux dispositions législatives
et réglementaires de nature à porter atteinte aux droits des épargnants (C. monét. fin.
leur
art. L. 452-1, al. 3 et 4). Également, lorsque plusieurs personnes physiques, identifiées en
et
qualité d'investisseur, ont subi des préjudices individuels causés par une même personne
les associations peuvent, si elles sont mandatées par écrit par
ayant une origine commune,
au moins deux investisseurs, agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces inves-
tisseurs (C. monét. fin., art. L. 452-2, al. 1 et 2).
L'agrément permet à l'association d'obtenir en justice le droit de solliciter des actionnaires
: appel
un mandat pour agir en leur nom en ayant recours à différents moyens de publicité
monét. fin,
public télévisé ou radiophonique, affichage, tract ou lettre personnalisée (C.
chaque année
art. L. 452-2, al. 3). En contrepartie, les associations agréées doivent établir
des adhérents, sans
un bilan, un compte de résultat et une annexe approuvés par l'assemblée
L. 612-5 du Code
préjudice du respect des obligations prescrites par les articles L. 612-1 à
personnes morales de droit privé non commerçant es ayant
de commerce à l'encontre des
une activité économique (C. monét. fin., art. L. 451-2, al. 4).
b) Les associations de défense d'actionnaires
é, les actionnaires
Dans les sociétés dont les actions sont admises sur un marché réglement
en associati ons destinées à représent er leurs intérêts au sein de la
| peuvent se regrouper
n nominativ e depuis au moins deux ans et détenir
_ société. Ils doivent justifier d'une inscriptio
% pour les sociétés dont le
ensemble une fraction minimum des droits de vote qui va de 5
15 millions d'euros (C. com.,
capital est inférieur à 750 000 € à 1 % lorsque le capital dépasse
EÉOIOIC
ANA
ÀBA
e.
à
425
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
art. L. 225-120). Si l'association a communiqué ses statuts, d'une part, à la société et, d'autre
part, à l'Autorité des marchés financiers, elle peut exercer certains droits reconnus aux action-
naires minoritaires : provoquer la réunion d'une assemblée générale en demandant la nomi-
nation d'un mandataire ad hoc (V. infra, n° 675), demander l'inscription d’un projet de
résolution à l’ordre du jour (V. infra, n° 675), demander la nomination d'un expert de gestion
(V. supra, n° 400), poser des questions écrites sur tous faits de nature à compromettre la
continuité de l'exploitation (V. infra, n° 666), demander en justice la révocation ou le relève-
ment du commissaire aux comptes (V. infra, n° 803) ; l'association peut aussi agir en respon-
sabilité contre les administrateurs pour demander la réparation d’un préjudice social (V. supra,
n° 609), mais non la réparation du préjudice individuel d'un actionnaire (V. supra, n° 610).
c) Remarques
Il convient de noter que ces deux catégories d'associations ne sont pas étanches : si une
association remplit tout à la fois les conditions prescrites par l’article L. 225-120 du Code de
commerce et celles posées par l'article L. 451-1 du Code monétaire et financier, elle peut
exercer cumulativement l'ensemble des prérogatives prévues par ces textes.
À l'inverse, une association de défense des actionnaires qui ne remplit aucune de ces deux
séries de conditions est une simple association soumise à la loi de 1901 dont la capacité
d'ester en justice est limitée. Elle peut toutefois jouer un rôle important en informant ses
membres, en les aidant à préparer un contentieux individuel ou en organisant le vote des
minoritaires aux assemblées.
Ces associations, dont l'utilité majeure est de pouvoir agir en justice avec ou à la place
d'investisseurs ou d'actionnaires, permettent de combler une lacune importante du droit
français, à savoir l'absence d'action collective ou class action. On entend par là la possibilité
pour une où plusieurs personnes victimes d'un produit où d'un placement défectueux de
poursuivre le fabricant ou la société dans laquelle ils ont placé leur argent. Les demandeurs
agissent au nom de la classe des acheteurs ou investisseurs, sans avoir à les identifier. L'action
intentée au nom du groupe aboutit à une condamnation au profit du groupe, à charge pour
chacune des victimes de se manifester et d'obtenir le paiement de la part d'indemnité lui
revenant. Ainsi, plusieurs actionnaires de la société de distribution Ahold intentèrent une
action de classe aux USA au motif que les comptes publiés entre le 30 juillet 1999 et le
23 février 2003 étaient faux. À la suite d’une transaction, la société a constitué un fonds
de
règlement de 1,1 milliard de dollars, chaque actionnaire ayant acquis ses actions durant
la
période considérée pouvant faire valoir ses droîts à indemnisation (en moyenne 1,51 dollar
par action).
Ces actions de classe ont un caractère dissuasif évident et constituent une arme redoutable
en droit de la consommation — on pense à un médicament produisant des effets
indésirables
cachés aux malades — et en droit des sociétés. Elles ont cependant été dévoyées
en raison de
l'avidité des cabinets d'avocats spécialisés alléchés par les honoraires espérés (30
à 40 % du
montant de la condamnation), qui dans certains cas n’ont pas hésité à recruter
des victimes
et à les faire agir : dans un cas, le même cabinet utilisa le même plaignant
dans plus de
cinquante procès financiers (The Economist, 2 juill. 2005 et 27 mai 2006).
En janvier 2005, le Président de la République avait demandé au gouvernem
ent de modi-
fier là réglementation pour permettre aux groupes de consommateurs
d’intenter des actions
collectives ; Un projet de loi fut laborieusement bâti, qui he visait pas
les consommateurs
d'épargne, il fut enterré.
d) Carnet d'adresses
À l'intention des actionnaires esseulés, voici les coordonnées des principale
s associations
de défense d'actionnaires « généralistes » ainsi que celles de l'associati
on de défense des
actionnaires d'Eurotunnel :
ANAF : Association nationale des actionnaires français : 13, avenue
de Lattre- de-Tassigny,
94000 Saint-Maur ; +
ADAM : Association de défense des intérêts des actionnaires
minoritaires : 2, rue des Bois-
Chandelles, 28100 Nogent-le-Roi : l'association, présidée par
Colette NEUVILLE, S'est notam-
ment illustrée dans la fusion Schneider-Legrand (2001):
Association pour l’action Eurotunnel : 7, rue Royale, 75008
Paris.
Il convient d'ajouter à cette liste DEMINOR-France, antenne
française d’un cabinet belge
spécialisé dans la protection des minoritaires (9, rue Artois,
75008 Paris). II ne s'agit pas d'une
association mais d'une société commerciale.
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426
LE FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
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LA SOCIÉTÉ
À RESPONSAVBILITÉ LIMITÉE
996. —- La SARL connaît deux variantes : la SARL pluripersonnelle
(comprenant au moins deux associés) et l'EURL (comprenant un seul associé).
Section 1
LA SARL PLURIPERSONNELLE
997, — La SARL est née en 1925... en même temps que le charleston ; c'est
en effet la loi du 7 mars 1925 qui a introduit en France le modèle allemand
datant de 1892 (GmbH). Elle est aujourd’hui réglementée par les
articles L. 223-1 à L. 223-43 du Code de commerce, modifiés par une ordon-
nance du 25 mars 2004 (1) et par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites
et moyennes entreprises (2). La SARL, comme la SA, est une société commer-
ciale par la forme soumise à l'impôt sur les sociétés (V. toutefois, infra,
n° 1008). Elle a une nature hybride (3). Elle participe à la fois de la nature des
sociétés de personnes et de celle des sociétés de capitaux. Par son âme, c'est
une société de personnes : associés peu nombreux, intuitus personae, parts
sociales non négociables, mécanisme légal d'agrément ; à l'évidence, la per-
sonne de l'associé est importante. Mais son organisation juridique la rap-
proche de la SA, du moins de celle qui ne fait pas appel à l'épargne publique.
Outre que la SARL peut émettre des obligations (V. infra; n° 1075 ét:s.), elle
fonctionne en effet selon un mode emprunté aux sociétés de capitaux : forma-
n du droit et
(1) Th. Massarr, Aspects sociétaires de l'ordonnance du 25 mars 2004, portant simplificatio
entreprises : Bull. Joly 2004, p. 743. — B. SAINTOURENS, L'attractivité renforcée de la
des formalités pour les
p. 207.
SARL après l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 : Rev. sociétés 2004,
pour la confiance et
(2) B. Sanrourens, Les réformes du droit des sociétés par les lois du 26 juillet 2005
moyennes entreprises :
là modernisation de l'économie et la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et
Rev. sociétés 2005, p. 527.
p. 177.
(3) J. BoukourecHuev, De natura SARL : Mél. A. Sayag, Litec, 1997,
429
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
430
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
Sous-section 1
LA CONSTITUTION DE LA SARL
A. - L'objet social
1001. — Le principe est celui de la liberté ; toute activité économique peut
être conduite sous forme d’une SARL. Certains secteurs lui sont cependant
fermés, tel celui de l’assurance, de la capitalisation et de l'épargne (C. com.
art. L. 223-1, al. 4), ou encore celui des bureaux de tabac (5). Quant aux profes-
sions libérales réglementées (avocats, médecins..), elles peuvent opter pour
la SELARL (société d'exercice libéral à responsabilité limitée), qui est un
décalque de la SARL classique (V. infra, n°° 1260 et s.).
B. — Les associés
C. - Le capital social
1003. - Le montant du capital social est librement fixé par les statuts
(C. com. art. L. 223-2). Le capital peut être constitué sous forme d’apports en
numéraire, en nature ou en industrie (C. com. art. L. 223-7). Il est divisé
en parts sociales égales dont le montant est librement déterminé. Selon une
jurisprudence des juges du fond (6), confirmée par une réponse ministérielle,
il est possible d'insérer dans les statuts de la SARL une clause de variabilité
du capital (7).
431
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
1004. — Les parts représentant les apports en numéraire doivent être libé-
rées d’au moins un cinquième de leur montant, le solde devant être libéré,
sur décision du gérant, dans les cinq ans de l’immatriculation. Toutefois, le
capital social doit être intégralement libéré avant toute souscription de nou-
velles parts en numéraire, à peine de nullité de l'opération (C. com,
art. L. 223-7, al. 1°). Par ailleurs, le bénéfice de l'imposition allégée à l'impôt
sur les sociétés suppose une libération intégrale du capital (V. supra, n° 121).
Les statuts doivent indiquer le nom du dépositaire chez qui les fonds ont .
été déposés (C. com., art. R. 223-3). Comme dans la SA (V. supra, n° 486), le
retrait des fonds n’est autorisé qu'après l’immatriculation (C. com.
art. L. 223-8, al. 1°), sur présentation de l'extrait K bis (C. com. art. R. 223-4).
Toutefois, et cette fois la règle est propre à la SARL, si la société n’est pas
constituée dans un délai de 6 mois à compter du premier dépôt des fonds, ou
si elle n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés dans le
même délai, deux procédures de retrait des fonds, l’une individuelle, l’autre
collective, sont prévues (C. com. art. L. 223-8, al. 2 et R. 223-5). Les apporteurs
peuvent individuellement demander au président du tribunal de commerce
l'autorisation de retirer le montant de leurs apports. Le recours au juge peut
être évité lorsqu'un mandataire représente tous les apporteurs : celui-ci peut
demander directement au dépositaire le retrait des fonds en justifiant d’une
autorisation écrite de tous les apporteurs. Si les apporteurs veulent ultérieure-
ment constituer la société, il ne leur reste qu’à procéder à nouveau au dépôt
des fonds (C. com. art. L. 223-8, al. 3).
432
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
|
Dans quel cas une SARL relève-t-elle de l'impôt sur le revenu ?
1008. — On sait que les sociétés visées à l’article 8 du CGI, caractérisées par la responsabi-
_ litéillimitée des associés, relèvent par principe de l'impôt sur le revenu, mais qu'elles peuvent
opter pour l'impôt sur les sociétés ; attention toutefois à l'irrévocabilité d'une telle option
(V. supra, n° 64). La démarche inverse n'est pas prévue : les sociétés à risque limité relèvent
de plein droit de l'impôt sur les sociétés et ne sauraient opter pour l'impôt sur le revenu.
Cette interdiction de principe comporte cependant un aménagement et une exception dans
le cadre des SARL.
Tout d’abord, les EURL créées par des personnes physiques relèvent en principe de l'impôt
sur le revenu: c'est sur option qu'elles passent sous le régime de l'impôt sur les sociétés |
(V. infra, n° 1084).
Par ailleurs, les SARL créées entre les membres d'une même famille (ascendants, descen- |
dants, frères et sœurs, et conjoints, partenaires pacsés, V. supra, n° 353) peuvent opter, sur |
décision unanime des associés, pour le régime de l'impôt sur le revenu (CGI, art. 239 bis l
|
AA). Personne ne sait pourquoi, cette option est réservée aux sociétés exerçant une activité
commerciale ou agricole, mais est refusée à celles qui exercent une activité libérale. Un notaire
et un expert-comptable qui n'avaient pas relevé cette subtilité ont été condamnés à payer de
_ leur poche le redressement fiscal qui en est résulté (V. supra, n° 73). Pareille option peut
présenter un intérêt dans les petites SARL aux résultats modestes pour lesquelles l'impôt
sur
penser
|
le revenu est plus adapté que l'impôt sur les sociétés (M. Cozian, Et pourquoi ne pas
à la SARL de famille ? : JCP E 2006, 2423).
DDR sr PC
Sous-section 2
LA GÉRANCE DE LA SARL
la SA du fait
1009. — La structure de la SARL est plus légère que celle de
d'organ e de directio n, le ou les gérants, dont on
qu’il n'existe qu’un seul type
examinera successivement le statut et les pouvoirs.
433
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 1. — Le statut du gérant
A. —- La nomination
1011. — La loi exige que le gérant soit une personne physique (C. com.
art. L. 223-18, al. 1*). Bien qu'il n'ait pas la qualité de commerçant, il ne doit
pas être frappé d’une interdiction d'exercer une activité commerciale. Pour le
reste, il appartient aux statuts de préciser les conditions requises des gérants :
âge, diplôme, plein temps. La loi n’étend pas au gérant les conditions restric-
tives qu’elle impose aux administrateurs (V. supra, n° 497 et s.); d’où les
conséquences suivantes :
— il peut être choisi parmi les associés ou les tiers ;
— aucune limite d'âge n’est prévue (mais les statuts peuvent suppléer à la
loi) ;
— le cumul des gérances n’est pas plafonné.
1012. — Les premiers gérants sont désignés par les statuts ou par un acte
séparé ; il n’est pas fait de différence selon que le gérant est statutaire ou non
statutaire. Ultérieurement (C. com., art. L. 223-18, al. 2), ils sont nommés en
assemblée ou à l’occasion d’une consultation écrite dans les conditions pré-
vues pour l'adoption des décisions ordinaires (V. infra, n° 1039). L’associé
majoritaire (possédant la moitié des parts sociales plus une) est ainsi assuré
de sa désignation comme gérant si tel est son souhait.
La désignation d’un nouveau gérant fait l’objet de mesures de publicité,
spécialement au registre du commerce et des sociétés. Conformément au droit
commun, il y a alors purge des vices qui pouvaient entacher la désignation
(V. supra, n° 268).
434
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
placement (C. com., art. L. 223-27, al. 5), le délai de convocation étant alors
réduit à huit jours (C. com., art. R. 223-20).
Pour le reste, c’est la révocation qui pose le plus de problèmes ; elle peut
intervenir sur décision des associés ou sur décision de justice.
1° La révocation par les associés
1014. —- Comme en matière de nomination, le gérant est révocable par déci-
sion des associés dans les conditions prévues pour l'adoption des décisions
ordinaires (V. infra, n° 1039) : majorité absolue sur première convocation ;
majorité simple sur seconde convocation, sauf stipulation statutaire contraire.
Les statuts peuvent toutefois retenir une majorité plus forte (C. com,
art. L. 223-25, al. 1*). Encore que la loi soit muette sur ce point, les juges
estiment que, comme l'administrateur (V. supra, n° 506), le gérant peut faire
l’objet d’une révocation en assemblée alors même que la question ne figurerait
pas à l’ordre du jour (application de la théorie des incidents de séance) (10).
Le gérant n’est pas révocable ad nutum ; il peut obtenir des dommages-
intérêts si la révocation est décidée sans juste motif (V. infra, n° 1030) (C. com.
art. L. 223-25, al. 1°). Il appartient au gérant, demandeur à l’action, d'établir
l'absence de juste motif (11). Le droit à indemnisation en cas d'absence de
juste motif est-il ou non d'ordre public ? Si l’on transpose à la SARL la solu-
tion rendue à propos de la société civile, il faut admettre que les statuts peu-
vent valablement décider que la révocation du gérant, même intervenue sans
juste motif, ne donne pas lieu à dommages et intérêts (V. infra, n° 1030).
En tout état de cause, outre une indemnisation fondée sur les motifs de la
révocation (absence de juste motif), le gérant peut invoquer les circonstances
dans lesquelles celle-ci est intervenue pour obtenir réparation : révocation
brutale, révocation injurieuse ou encore non-respect du principe du contradic-
toire puisque cette solution a été étendue aux mandataires sociaux protégés
par le juste motif (V. supra, n° 640). Mais, pour autant, le droit à l'assistance
d'un avocat n’est pas de droit (V. supra, n° 335).
On rappellera que le contentieux est de la compétence du tribunal de
commerce (V. supra, n° 235).
1015. - Révocation du gérant et responsabilité personnelle des associés.
Il n’est pas rare que la responsabilité d’un associé soit retenue à l'égard de
ses coassociés (V. supra, n° 323). En particulier, la responsabilité d'un associé
peut-elle être engagée en raison de sa participation à une décision collective,
par exemple la révocation d'un dirigeant social ? La réponse de principe est
: la décision collective exprime la volonté sociale : c’est donc la
négative
société — et non les associés ayant voté la décision — qui est tenue des consé-
quences préjudiciables de celle-ci. Toutefois, si une faute personnelle de l’asso-
sont
cié est caractérisée, sa responsabilité est susceptible d’être engagée. Tels
les principes dégagés par la Cour de cassation dans deux arrêts de principe.
a) L'arrêt de la chambre commerciale du 1°" février 1994
(CP E 1994, Il, 363, n° 7, obs. A. VianDIER et J.-J. CAUSSAN;
Rev. sociétés 1995, p. 281, note Y. CHARTIER)
demande de
Le gérant est révoqué lors d'une assemblée générale réunie à la
remettre sur-le- champ les clés
son frère, associé majoritaire ; il est sommé de
note P. DIDIER.
(10) Cass. com., 4 mai 1993 : Rev. sociétés 1993, p. 800,
Caen, 19 mai 2005 : Dr. sociétés oct. 2005, n° 181, obs. J. MOnNET.
(11) CA
435
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
v
2° La révocation par décision”
de justice
1016. — Tout associé, même s’il ne possède qu'une part, peut présenter
devant le tribunal de commerce une demande en révocation du gérant
pour
« cause légitime » (C. com., art. L. 223-25, al. 2) ; il ne semble
pas qu'il faille
faire de différence entre « cause légitime » et « juste motif » (V. infra,
n° 1030).
La cause légitime procède notamment de l'intérêt social (12).
Il s’agit là d’une soupape de sécurité qui permet de contrecarrer
l’inamovi-
bilité de fait du gérant majoritaire ou du gérant égalitaire. C’est
une disposi-
tion originale que l’on rencontre uniquement dans les SARL,
les commandites
par actions et les sociétés civiles (C. civ., art. 1851).
436
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
C. —- La rémunération
1017. — Les textes sont muets sur la rémunération du gérant; si les fonc-
tions sont normalement rémunérées, rien n'interdit qu’elles soient gratuites,
ce qui ne va d’ailleurs pas sans problème (V. supra, n° 560). Le montant de la
rémunération peut être fixé par les statuts ; c’est une solution à déconseiller,
car toute actualisation impliquera leur modification. Généralement, la déci-
sion est confiée à l'assemblée des associés.
Le gérant associé peut-il alors participer au vote ? La question est contro-
versée. Tout dépend de savoir si la détermination de la rémunération consti-
tue ou non une convention réglementée au sens de l'article L. 223-19 (V. infra,
n® 1056 et s.) ; en effet, dans l’affirmative, la loi prévoit expressément que
l'intéressé ne peut pas participer au vote, la solution étant justifiée par l'exis-
tence d’un conflit d'intérêts. Eu égard à la solution admise pour les dirigeants
de SA (V. supra, n° 549), la fixation de la rémunération n'aurait pas un carac-
tère conventionnel, ce qui la ferait échapper aux formalités de l'ar-
ticle L. 223-19 (V. infra, n° 1057). C’est la solution que semblé consacrer la
jurisprudence (13). Pour autant, il semble préférable que le gérant ne prenne
pas part au vote : le conflit d'intérêts est en effet manifeste.
1018. — Dans quelle mesure est-il possible de faire appel au juge pour criti-
quer les conditions de la rémunération du gérant ? Si les statuts prévoient,
comme cela est fréquent, que la rémunération du gérant résulte d'une décision
des associés, les juges ne s’estiment pas compétents pour substituer leur
appréciation à celle des associés, soit que ces derniers aient décidé de ne pas
attribuer de rémunération au gérant (14), soit qu'ils aient fixé une rémunéra-
tion que le gérant juge insuffisante (15) ; toutefois, dans ce dernier cas, il faut
réserver l'hypothèse d'un éventuel abus de majorité (16) (V. supra, n° 562).
À l'inverse, les minoritaires peuvent invoquer l’abus de majorité s'ils estiment
que la rémunération allouée au gérant est manifestement excessive (17)
(V. supra, n° 561).
437
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
438
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
439
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
sentant légal de la SARL en même temps qu'il exerce les prérogatives de tout
chef d'entreprise. Notons cependant une différence en matière de caution,
d’aval ou de garantie ; alors que leur octroi par le directeur général d’une SA
est soumis à l'autorisation préalable du conseil d'administration (V. supra,
n° 575), pareille formalité n’est pas imposée en matière de SARL; le gérant
engage donc la société quand il octroie seul une garantie ; les créanciers pru-
dents imposent néanmoins souvent que la garantie soit confirmée par l’assem-
blée des associés.
1025. —- Dans les rapports entre associés, les pouvoirs du gérant sont déter-
minés par les statuts ; dans le silence de ceux-ci, le gérant peut faire tout acte
de gestion dans l'intérêt de la société (C. com. art. L. 223-18, al. 4, renvoyant
à l’article L. 221-4). Il doit encore respecter les prérogatives des autres organes,
spécialement celles de l'assemblée des associés ; il ne lui appartient pas par
exemple d'approuver les comptes sociaux ou de modifier les statuts.
La loi autorise toutefois le gérant à prendre certaines décisions relevant
normalement de la compétence des associés (C. com. art. L. 223-18, al. 8,9 et
10) :
— le gérant peut déplacer lui-même le siège social dans le même départe-
ment ou dans un département limitrophe, sous réserve d’une ratification par
les associés dans les conditions prévues pour l'adoption des décisions extraor-
dinaires (V. supra, n° 1040);
— il peut dans les mêmes conditions mettre les statuts en harmonie avec
les dispositions impératives de la loi et des règlements ;
— lorsque les parts sociales ont fait l’objet d’un contrat de bail (V. supra,
n° 1054), il peut inscrire dans les statuts la mention du bail et le nom du
locataire à côté de l'associé concerné, sous réserve d’une ratification par les
associés dans les conditions prévues pour l'adoption des décisions ordinaires
(V. supra, n° 1039) ; il peut, dans les mêmes conditions, supprimer cette men-
tion en cas de non-renouvellement où de résiliation du bail.
(22) Cette Organisation des pouvoirs des cogérants doit résulter des
statuts (C. com, art. L. 223-18,
al. 6); la résolution doit donc être adoptée par l'assemblée générale extraordina
ire et non par l'assemblée
générale ordinaire : CA Versailles, 31 oct. 2002 : Bull. Joly 2003, p. 184,
note A. ConsTannN, confirmé par
Cass. com., 28 nov. 2006 : R/DA avr. 2007, n° 371.
(23) Cass. com., 3 déc. 2002 : BRDA 3-2003, p. 5 : le contrat de crédit-bail !
souscrit par un cogéranten
violation d'une clause des statuts exigeant l'accord des deux gérants
est valable ; toutefois, le cogérant
signataire engage sa responsabilité civile à l'égard de la société.
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
domine (V. supra, n° 1027) ; à la vue de ce qui précède, la solution contraire semble difficile-
ment soutenable ; _.
— quant au statut du conjoint : le conjoint du gérant majoritaire peut bénéficier, comme
le conjoint du chef d'entreprise, du statut de conjoint collaborateur (€. com., art. L. 121-4
etR. 121-1ets.).
3. Contracter avec une SARL :
quelles sont les précautions à prendre ?
1029. — Un GIE acquiert par voie de crédit-bail un radiotéléphone de voiture et un téléco-
pieur auprès de la société Radiotel Limousin, reprise ultérieurement par la société Sagem. Il a
été convenu dans un acte séparé de garantie qu'en cas de défaillance du crédit-preneur le
fournisseur reprendra le matériel et désintéressera le crédit-bailleur. Le GIE ayant cessé de
remplir ses obligations, le crédit-bailleur somme le fournisseur de remplir son engagement.
Celui-ci rétorque que l'acte de garantie n’a pas été signé par le gérant de la SARL Radiotel
Limousin et n'est donc pas opposable à la société Sagem. La cour d'appel passe outre à cette
obligation, mais sa décision est cassée (Cass. com., 26 nov. 1996 : Bull. Joly 1997, p. 215,
note P. Le CANNU) :
« Attendu … alors que l'acte revêtu d’une signature différente de celle de son gérant
était inopposable à la société Sagem, sauf délégation de pouvoir au profit du signataire, dont
la preuve n'était pas, en l'espèce, rapportée, la cour d'appel a violé le texte susvisé (C. com.,
art. L. 223-18) ». Ainsi, le tiers qui contracte avec une SARL doit vérifier qu'il a pour interlocu-
teur soit le représentant légal de la société (V. supra, n° 274), autrement dit le gérant, soit
une personne titulaire d'une délégation du pouvoir d'engager celle-ci (V. supra, n° 279).
On pourrait certes songer à invoquer la théorie du mandat apparent, mais elle ne joue
pas à l'encontre des énonciations du registre du commerce en ce qui concerne le nom et la
signature des dirigeants de la société (Cass. com., 4 mai 1993 : Rev. sociétés 1993, p. 567,
note B. SAINTOURENS). Le tiers cocontractant peut encore invoquer l'existence d’une délégation
de signature, mais c'est à lui d‘en apporter la preuve.
Moralité, pour être sûr de son droit, le cocontractant doit joindre au contrat signé avec
une société les pièces suivantes :
— si l'acte est signé par un représentant légal de la société, un extrait K bis (V. Supra,
n° 197);
— si l'acte est signé par un autre que le représentant légal, une procuration, valant déléga-
tion du pouvoir d'engager la société.
La société n'est pas davantage engagée lorsque son représentant légal conclut l'acte en
son seul nom, sans indiquer avoir agi en qualité de représentant de la société. C'est ce qui à
été jugé dans le cas d’un acte passé en son nom par le gérant associé unique d'une EURL,
alors qu'il ne résultait ni de l'acte ni d'aucune autre pièce qu'il était intervenu en qualité de
représentant de l'EURL (Cass. com., 22 févr. 2005 : Bull. Joly 2005, 8 197, p. 877)
442
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
politique sociale. Si le dirigeant a commis des fautes de gestion, il est naturel qu'il puisse être
« remercié » sans contrepartie ; tel est le risque du métier de dirigeant; encore faut-il que la
faute soit avérée et qu'il ne s'agisse pas d'une peccadille.
Le juste motif, en l'absence de faute, est plus délicat à saisir d'autant qu'il relève de
l'appréciation souveraine des juges du fond. Une divergence de vue avec les associés majori-
taires, la nécessité d’une réorganisation de l’entreprise (CA Versailles, 11 févr. 1988 : /CP
1988, II, 15292, note À. Vianoier et J.-J. CaussAIN) ou encore la mésentente entre deux gérants
de nature à compromettre l'intérêt social (Cass. com., 4 mai 1999 : JCP E 1999, p. 1237,
n° 2, obs. À. Vianpier et J.-J. CAUSSAIN), peuvent constituer de justes motifs de révocation. || a
de même été jugé (CA Paris, 5 avr. 1999 : JCP E 1999, p. 1237, n° 8, obs. A. Vianoier et
J.-J. Caussan ; Bull. Joly 1999, p. 686, note P. Le CanNu) que constituaient de justes motifs de
révocation d'un membre du directoire d'une SA, le fait qu'il n'ait pas atteint les objectifs
prévus et le fait qu'il n'ait pu éviter la naissance d'un grave litige avec l'administration des
douanes, ce qui avait mis en jeu la réputation et les finances de la société; si le dirigeant à
néanmoins obtenu des dommages-intérêts c'est parce qu'il n'avait pas été rnis en mesure
de présenter préalablement ses observations (sur la nécessité de respecter le principe du
contradictoire, V. infra, n°% 335 et 538 ets).
Voilà qui garantit l'indispensable adaptabilité de la société aux circonstances nouvelles et
l'impérieuse harmonie entre les différents organes sociaux. Mais n'est-ce pas imperceptible-
ment retrouver le chemin de la révocabilité ad nutum et « précariser », contre le vœu de la
loi, la position des dirigeants en cause ? Il faut s'en remettre à la sagesse des tribunaux pour
. concilier les deux impératifs contradictoires : éviter que le coût d’une éventuelle révocation
| ne fige les situations acquises et assurer le dédommagement des dirigeants victimes d'une
| révocation injustifiée.
Selon la Cour de cassation, les statuts d’une société civile peuvent valablement contenir
une clause prévoyant que la révocation du gérant, même décidée sans juste motif, ne donnera
pas lieu à dommages-intérêts (Cass. 3° civ., 6 janv. 1999 : Buff. Joly 1999, p. 498, note
A. Courer ;JCP E 1999, p. 669, n° 10, obs. A. Vianner et J.-J. Caussin). Cette solution est
sans doute transposable à d'autres formes de sociétés (SNC, SAS, SARL...) les textes visant
la révocation des gérants de ces sociétés étant rédigés en des termes identiques à ceux de
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l'article 1851 du Code civil concernant la société civile.
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Sous-section 3
1031. — Dans l’ensemble, les droits des associés sont comparables à ceux
des actionnaires d’une SA, qu'il s'agisse des droits politiques des droits finan-
ciers ou, sous d'importantes réserves, des droits patrimoniaux ; on procédera
donc par larges renvois, sauf à relever les particularités propres à la SARL.
A. - Le droit à l'information
1032. —- Le droit à l'information est identique à celui qui est reconnu aux
actionnaires (V. supra, n° 662 et 5.) : f
— information permanen te : tout associé peut, à toute époque de l'année,
prendre connaissance au siège social des comptes annuels, des rapports sou-
pour les trois
mis aux assemblées, des procès-verbaux d'assemblées, le tout
d’un expert (C. com. art. L. 223-26,
derniers exercices ; il peut se faire assister
al. 4 et R. 223-15);
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
B. - Le droit de vote
1033. — On signalera de façon liminaire que chaque associé dispose d’un
nombre de voix égal à celui des parts sociales qu’il possède ; ce principe
d'égalité est d'ordre public (C. com. art. L. 223-28) ; il n’est donc pas possible
de créer des parts sociales à droits de vote multiples ou des parts sociales
sans droit de vote (V. infra, n° 1061). Pour le reste, il convient d'examiner les
modalités d'exercice du droit de vote et les modalités de calcul des majorités.
1° Les modalités d'exercice du droit de vote
1034. —- Comme dans les SA, le droit de vote s'exerce par principe dans les
assemblées où sont convoqués les associés. Mais ce n’est pas le seul mode
possible; les statuts peuvent en effet prévoir que les décisions, ou certaines
d’entre elles, pourront être prises par consultation écrite des associés ou pour-
ront résulter du consentement de tous les associés exprimé dans un acte
(C. com, art. L. 223-27). Encore faut-il que ces modes alternatifs soient prévus
dans les statuts.
444
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
Signalons que, par exception, la tenue d’une assemblée est obligatoire dans
les deux hypothèses suivantes :
, HER d s'agit d'approuver les comptes annuels (C. com. art. L. 223-26,
al. 1* ;
(28) L'époux doit justifier d'un mandat régulier,lequel ne peut résulter de la gestion concurrente des
parts sociales communes : CA Lyon, 19 févr. 2004 : Dr. sociétés
juill. 2004, n° 130, obs. J. Monner.
(29) Toute clause contraire est réputée non écrite (C.
com., art. L. 223-28) ; la décision prise par un
associé FA à son coassocié est donc nulle (Cass. com., 19 févr. 1991 : Bull. Joly
P. LE CANNU). 1992, p. 413, note
Le
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
1040. — Pour les décisions extraordinaires, autrement dit pour les décisions
emportant modification des statuts, il faut distinguer selon que la SARL a été
constituée avant ou après la publication de la loi du 2 août 2005 en faveur
des petites et moyennes entreprises puisque, désormais, deux corps de règles
coexistent (C. com. art. L. 223-30).
Lorsque la société a été constituée avant le 3 août 2005, la majorité exigée
est, aujourd’hui comme hier, celle des trois quarts des parts sociales ; tant que
ce seuil n’est pas atteint, la décision n’est pas prise ; un associé ou un groupe
d’associés possédant 25 % des parts plus une peut ainsi bloquer le projet, sauf
aux autres associés à invoquer l’abus de minorité (V. supra, n° 382 et s.) ; toute
clause statutaire qui imposerait une majorité plus élevée serait réputée non
écrite (V. supra, n° 168). Toutefois, les associés peuvent décider à l'unanimité
que les décisions extraordinaires seront désormais prises conformément aux
règles nouvelles de majorité, moins exigeantes.
Lorsque la société est constituée après le 3 août 2005, des règles de quorum
doivent être respectées, ce qui est nouveau : l'assemblée ne délibère valablement
que si les associés présents ou représentés possèdent au moins, sur première
convocation, le quart des parts et, sur seconde convocation, le cinquième de cel-
les-ci ; faute que ce quorum soit atteint, la deuxième assemblée peut être prorogée
à une date postérieure, de deux mois au plus à celle à laquelle elle avait été convo-
quée. Dans les deux cas, comme dans la SA (V. supra, n° 684), les modifications
statutaires sont adoptées à la majorité des 2/3 des parts des associés présents ou
représentés. Les statuts peuvent prévoir des quorums ou une majorité plus
élevés, sans pouvoir, dans ce dernier cas, exiger l'unanimité.
1041. — Par exception, certaines décisions obéissent à des règles spéciales.
L'unanimité est requise, par exemple lorsque la SARL décide le transfert
du siège social à l'étranger (V. supra, n° 221), change de nationalité (C. com.
art. L. 223-30, al. 1‘) ou se transforme en SAS, en SNC ou en société civile
(V. infra, n°® 1072 et s.).
Également, la majorité ne peut en aucun cas obliger un associé à augmenter
son engagement social (V. supra, n° 334) (C. com, art. L. 223-30, al. 5).
La décision d'augmenter le capital par incorporation des bénéfices ou des
réserves, qui ne modifie pas le montant des capitaux propres, est prise, non
à la majorité qualifiée, mais à la majorité des parts sociales (C. com., art. 13
223-30, al. 6) (V. infra, n° 1066).
La décision de transformation en SA d’une SARL dont le montant des capi-
taux propres excède 750 000 € peut être prise par les associés représentant la
majorité des parts sociales (C. com., art. L. 223-43; al. 2) (V''supra, n° 1071).
Enfin, en matière d'agrément, les parts sociales ne peuvent être cédées à
des tiers qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au
moins la moitié des parts sociales, sauf si les statuts ont prévu une majorité
plus forte (V. infra, n° 1047).
1042. — Jeu de calcul de majorités dans une SARL.
Une SARL au capital de 7 500 € divisé en 500 parts sociales, comprend cinq
associés ; la répartition des parts sociales est la suivante :
Aristide (gérant) 250 parts (soit 50 % du capital)
jhraie MIE rene A Tr RE ARR En 100 parts (soit 20 % du capital)
Joy2 RM AMENER ADRESSE RES RER ERREURS 75 parts (soit 15 % du capital)
Jacques 50 parts (soit 10 % du capital)
Jérôme ss... 25 parts (soit 5 % du capital)
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
ger puisse entrer dans la société sans l'accord d'une majorité qualifiée
(V. supra, n° 1041). L'’agrément est obligatoire lorsque le cessionnaire est un
tiers ; il est facultatif si le cessionnaire est un coassocié ou un membre de la
famille du cédant. Signalons que le cédant n’est pas interdit de vote, ce qui
souvent simplifie les choses. Par ailleurs, il faut prendre garde au fait que
l'agrément ne vaut pas cession à lui seul (33).
1° L'agrément obligatoire
1047. - Lorsque le cessionnaire pressenti est un tiers, tant le principe de
l'agrément que ses modalités sont d’ordre public.
L’associé qui désire céder ses parts à un tiers doit notifier son projet, par
acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée, à la société et à chacun des
associés afin d'obtenir leur agrément (C. com., art. L. 223-14, al. 1® et
R. 223-11) (34). Dans les huit jours de cette notification, le gérant doit convo-
quer l’assembler pour statuer sur le projet de cession ou, si les statuts le per-
mettent, consulter les associés par écrit ; la décision de la société est ensuite
notifiée au cédant (C. com. art. R. 223-12).
Sauf si les statuts ont prévu une majorité plus forte, l'agrément du cession-
naire suppose le respect d’une double majorité, à savoir la majorité des asso-
ciés représentant au moins la moitié des parts sociales (C. com. art. L. 223-14,
al. 1”). Le consentement est réputé acquis si la société n’a pas fait connaître
sa décision dans les trois mois de la notification.
1048. — En cas de refus d'agrément, l'associé peut obtenir le rachat de ses
titres, soit auprès des associés ou d’un tiers (C. com. art. L. 223-14, al. 3), soit
auprès de la société (C. com., art. L. 223-14, al. 4). La loi pose toutefois une
limite importante : le rachat n’est dû que si le cédant détient ses parts depuis
au moins deux ans, ce délai n'étant pas exigé si les titres ont été recueillis par
succession, liquidation de communauté ou donation au profit d’un conjoint,
ascendant ou descendant (C. com., art. L. 223-14, al. 6).
Les associés sont tenus d'acquérir ou de faire acquérir les parts du cédant
dans les trois mois du refus. En cas de désaccord sur le prix, celui-ci est fixé
par un tiers dans les conditions de l’article 1843-4 du Code civil (V. supra,
n° 752), les frais étant à la charge de la société. À la demande du gérant, le
délai de trois mois peut être prolongé par décision de justice, sans toutefois
pouvoir excéder six mois.
Dans le même délai et dans les mêmes cohditions de fixation du prix, la
société peut encore, avec le consentement du eédant, racheter elle-même les
droits sociaux et réduire le capital social à due concurrence ; un délai de paie-
ment qui ne saurait excéder deux ans peut, sur justification, être accordé par
décision de justice à la société (C. com. art. L. 223-14, al. 4).
Si le cédant décide de renoncer à la cession suite au refus d'agrément du
cessionnaire, il lui est possible de se rétracter (C. com. art. L. 223-14, al. 3) (35).
450
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
Mais la Cour de cassation a jugé que la vente était parfaite dès lors qu'il y a
eu accord sur le principe de la cession. Autrement dit, les parties en présence
ne peuvent se rétracter sous le prétexte que le prix fixé par le tiers évaluateur
ne leur convient pas. Tout droit de repentir leur est, à ce stade, refusé (36).
Cette jurisprudence classique est-elle remise en cause par la nouvelle rédac-
tion du texte issue de l’ordonnance du 25 mars 2004 ? L’admettre reviendrait
à considérer que le législateur a institué un nouveau cas de repentir. Or, c'est
justement la référence au droit de repentir qui doit conduire à exclure cette
interprétation. En effet, un droit de repentir ne se conçoit, et toutes les hypo-
thèses légales en témoignent, qu’assorti d’un délai, lequel fait ici défaut :
repentir n’est pas réméré.
Si, à l'expiration du délai imparti, aucun rachat des parts n’est intervenu,
l'associé peut réaliser la cession initialement prévue (C. com., art. L. 223-14,
al. 5) (37).
2° L'agrément facultatif
1049. — Les parts sont en principe librement cessibles entre associés puis-
qu'il n’en résulte aucune violation du caractère fermé de la société ; l'équilibre
du pouvoir peut en revanche s’en trouver altéré du fait du bouleversement
des majorités ; aussi bien les statuts peuvent-ils imposer dans ce cas l'agré-
ment du projet avec, le cas échéant, une majorité plus réduite ou des délais
plus courts (C. com, art. L. 223-16).
1050. — Les parts sont en principe librement cessibles ou transmissibles au
sein de la famille du cédant, que ce soit entre vifs (liquidation d'une commu-
nauté de biens entre époux, cession au conjoint, cession entre ascendants et
descendants) ou à cause de mort (transmission aux héritiers, transmission
testamentaire) (C. com., art. L. 223-13, al. 1*). Cependant, afin de préserver
l'intimité sociale et d'éviter l’accès à la qualité d’associé d’un indésirable, car
incompétent, prodigue ou oisif.…., les statuts peuvent stipuler que le conjoint,
l'héritier, l’ascendant ou le descendant ne deviendra associé qu'après avoir
été agréé (C. com. art. L. 223-13, al. 2). L'agrément est donné dans les condi-
tions prévues à l’article L. 223-14 (V. supra, n° 1047) ; à peine de nullité de la
clause, délai et majorité ne peuvent pas être plus sévères qu'en cas de cession
à des tiers. En cas de refus d'agrément, les parts doivent être rachetées dans
les conditions prévues à l’article L. 223-14 (V. supra, n° 1048). À défaut de
rachat des parts par les associés ou par la société dans le délai imparti, l'agré-
ment est réputé acquis.
1051. — Alors que la loi autorisait dans la société en nom collectif (V. infra,
n° 1154) et dans la société civile (V. infra, n° 1196) la possibilité, en cas de
décès d’un associé, de prévoir dans les statuts la continuation de la société
avec une personne désignée, rien n'était prévu dans la SARL alors même
que l’intuitus personae y est particulièrement marqué. Désormais, dissipant
l'incertitude antérieure, les statuts peuvent prévoir une clause de continuation
de la société avec les seuls associés survivants, avec un ou plusieurs des héri-
et J.-J. CaussaIn : les associés
(36) Cass. com., 13 oct. 1992 : JCP E 1993, |, 218, n° 13, obs. A. Vianoir
; la Cour à jugé
s'étaient portés candidats à la cession en demandant la fixation du prix par voie d'expertise
ainsi à l'estimation d'experts désignés conforméme nt aux articles 45 de la loi du
« qu'en s'en remettant
de la décision des
24 juillet 1966 et 1843-4 du Code civil, tant le cédant que les cessionnaires faisaient
était parfaite et que les
experts leur loi, de sorte que l'accord sur la chose et le prix étant réalisé, la vente
droit de repentir dans les
parties ne pouvaient plus retirer leurs offres ». — Ph. Mere, Refus d'agrément et
SARL : RIDA 1993, p. 3.
(37) Cass. com., 4 juill. 2006 : Bull. Joly 2007, 8 9, p. 89, note H. LE NABASQUE.
451
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
tiers, avec le conjoint survivant ou encore toute autre personne désignée dans
les statuts ou, si ceux-ci l’autorisent, par disposition testamentaire (C. com.
art. L. 223-13, mod. Ord. 25 mars 2004).
Lorsque la société continue avec les seuls associés survivants, lorsqu'aucun
des héritiers n’est agréé ou lorsque le bénéficiaire de la clause de continuation
n’est pas un héritier, les attributaires sont redevables à la succession de la
valeur des parts sociales qui leur sont attribuées. Il faut toutefois réserver le
cas où l'attribution intervenue au bénéfice d’un tiers a la nature d’une libérali-
té ; la valeur des parts sociales doit alors s’imputer sur la quotité disponible
et, en cas d’excès, la libéralité est soumise à une réduction en valeur.
Lorsque la société continue avec un ou plusieurs des héritiers ou lorsqu'est
agréé un héritier ou certains d’entre eux, l'ouverture de la succession emporte
attribution immédiate à leur profit des parts sociales. Autrement dit, les attri-
butaires sont exclus de l’indivision successorale à hauteur des droits qu'ils
recueillent sans attendre le partage définitif. Si la valeur des parts sociales au
jour du décès excède leurs droits successoraux, la différence doit être rappor-
tée à la succession. Les attributaires sont alors redevables d’une soulte, cette
dette monétaire produisant intérêt jusqu'à son paiement.
Dans tous les cas, la valeur des parts sociales est déterminée au jour du
décès par un tiers évaluateur dans les conditions prévues à l’article 1843-4 du
Code civil (V. infra, n° 752).
452
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
453
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
— sont libres les conventions portant sur des opérations courantes et conclues
à des conditions normales (C. com. art. L. 223-20) ; à la différence des règles
existant en matière de SA, aucune procédure d'information n'est prévue
(V. supra, n° 592) ;
— toutes les autres opérations sont réglementées, c'est-à-dire soumises à
l'approbation de l'assemblée générale (C. com., art. L. 223-19) (V. supra,
n° 593) ; la procédure s'applique également aux conventions passées avec une
société dont un associé indéfiniment responsable ou un dirigeant est simulta-
nément gérant ou associé de la SARL.
1057. - La procédure de contrôle des conventions réglementées est plus
simple que celle qui a cours dans les SA puisqu'elle ne comporte pas d’autori-
sation préalable. Ce principe comporte une exception lorsqu'il n'existe pas de
commissaire aux comptes et que la convention est passée par un gérant non
associé ; dans ce cas, la convention doit être préalablement approuvée par
les associés (C. com., art. L. 223-19, al. 2). Pour le reste, la procédure est la
suivante :
— le gérant avise le commissaire aux comptes, s’il en existe un, de la conven-
tion dans le délai d’un mois à compter de sa conclusion (C. com,
art. R. 223-16) afin que ce dernier rédige un rapport spécial (C. com,
art. R. 223-17) ; à défaut de commissaire aux comptes, le rapport spécial est
établi par le gérant... même si c’est lui qui est en cause ;
— le rapport spécial est soumis à l'approbation de l'assemblée statuant aux
conditions ordinaires de majorité, l'intéressé ne prenant pas part au vote ; il
s’agit donc d’un contrôle 4 posteriori ; si la convention n’a pas été soumise à
l'approbation des associés ou si elle n’a pas été approuvée, elle produit néan-
moins effet, l'associé ou le gérant contractant devant le cas échéant réparer le
préjudice subi par la société (39).
La Cour de cassation a admis que la convention passée entre la SARL et
un associé majoritaire pouvait être annulée pour abus de majorité (V. infra,
n° 1058).
1058. - L’annulation d’une convention réglementée sur le fondement de
uns de majorité (arrêt Contact sécurité cl Delattre-Levivier du 21 janvier
1997).
454
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
Son action est rejetée au motif que, par application de l’article L. 223-23, l’action
en responsabilité se prescrit par trois ans à compter de la conclusion de la
convention ; le point de départ du délai résulte donc de la date de conclusion
de Ja convention et non, comme le soutenait le gérant, de la date du refus de
ratification par les associés.
d Beaucoup plus audacieuse est la réponse apportée par la Cour de cassation
à l’autre demande du gérant. Pour échapper à la prescription de l’action en
responsabilité, le gérant invoque la nullité des conventions litigieuses pour abus
de majorité. La Cour de cassation admet que soit prononcée la nullité des
conventions conclues par le gérant de la SARL et l'associé majoritaire au motif
que les agissements de l’ancien gérant, constitutifs d'abus de majorité, ont porté
atteinte à l'intérêt social.
———————
455
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
7/2003, n° 728). La cession de parts en blanc peut en effet être analysée comme une pro-
messe unilatérale de vente sans indication du bénéficiaire, la vente étant formée le jour où
le porteur de la promesse, ou un tiers qu'il désigne, lève l'option. L ne s'agit pas d'une
promesse à personne indéterminée mais d'une promesse dont le bénéficiaire est déterminable
par celui qui la reçoit.
Encore faut-il que l'acte précise le nombre et la nature des titres cédés, sans oublier
d'indiquer un prix déterminé ou du moins déterminable (V. supra, n° 714). Une décision de
la cour d'appel de Versailles du 26 février 1988 (Bull. Joly 1988, p. 355, note P. Le CANNU;
JCP E 1988, 15292, n° 8, obs. A. Vianoier et J.-J. CAUSSAIN) a ainsi annulé, faute d'indication
de prix, une cession en blanc qualifiée de promesse de vente : « Considérant que si une
cession en blanc peut s'analyser comme une promesse de cession et être pourvue comme
telle d'efficacité juridique, encore faut-il qu'au moment où le cédant a signé l'acte, y ait figuré
le prix de cession ou, à tout le moins, une méthode de calcul permettant de le déterminer. »
Il existe un risque plus grave encore, parce que relevant de la correctionnelle, lorsque le
porteur des actes de cessions en blanc en profite pour dépouiller des cédants trop crédules ;
là manipulation est alors constitutive du délit d'abus de blanc-seing (Cass. crim., 11 juill.
1988 : Rev. sociétés 1989, p. 70, note B. BouLoc). Cette infraction n'a pas été reprise par le
nouveau Code pénal ; elle est remplacée, selon les circonstances, soit par l'abus de confiance
(C. pén,, art. 314-1), soit par le faux (C. pén., art. 441-1). Voilà de quoi rassurer ceux qui
estiment avoir été grugés à la suite de cessions signées en blanc.
b) La démission en blanc
Le dirigeant en titre n'est parfois qu'un jouet entre les mains d'un maître qui lui a fait
signer au départ une démission en blanc;le blanc dans ce cas ne porte que sur la date : c'est
ainsi que le principal associé d’une SARL, souhaitant bénéficier du statut de simple salarié de
la société, fera désigner comme gérant de droit une « potiche » laquelle signera à l'avance
sa lettre de démission. Le même phénomène se retrouve parfois dans les groupes de sociétés,
le président en titre étant « invité » à signer une lettre de démission en blanc lors de son
entrée en fonctions. Mais si la « potiche » se rebiffe et apporte la preuve de la supercherie
(ce n'est pas toujours facile), les tribunaux lui accorderont le cas échéant les indemnités dues
au dirigeant révoqué (Cass. com., 5 janv. 1973 : JCP 1973, Il, 17404, note J. Rousseau. —
V. supra, n° 566).
456
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
évoquée dans les autres types de sociétés. Doit-on conclure du silence de la loi que l'octroi
d'avantages particuliers est interdit dans là SARL ? Aucunement ;c'est le principe inverse qui
doit prédominer : tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. Encore faut-il distinguer entre les
droits politiques et les droits financiers.
Le principe d'égalité politique est d'ordre public ; la loi proclame en effet que dans les
. SARL chaque associé dispose d'un nombre de voix égal à celui des parts sociales qu'il possède,
toute clause contraire étant réputée non écrite (C. com., art. L. 223-28). Pas question donc
de sn à l'image de ce qu'autorise la SAS (V. supra, n° 902), des parts à droits de vote
multiples.
En revanche, s'agissant des droits financiers, rien n'interdit de prévoir dans les statuts ou
lors d'une assemblée ultérieure (à la majorité qualifiée) la création de parts privilégiées don-
nant droit à un dividende gonflé, préciputaire, cumulatif... En effet, le principe de proportion-
nalité énoncé à l'article 1844-1 du Code civil n'est pas d'ordre public, la limite à ne pas
franchir étant constituée par les clauses léonines (V. supra, n° 138). - Aduëe, J.-M. DE BERMOND
DE Vauix, Les parts sociales privilégiées : JCP E 1993, |, 294.
A
4. Promesse de porte-fort
et droit des sociétés
1062. — Aux termes de l'artice 1120 du Code civil, la promesse de porte-fort est un
contrat selon lequel le porte-fort promet au bénéficiaire, non son propre fait, mais le fait
d’un tiers : si le tiers refuse de tenir l'engagement promis en ne ratifiant pas l'acte, le porte-
fort engage sa responsabilité contractuelle à l'égard du bénéficiaire. La promesse de porte-
fort est fréquemment utilisée en droit des sociétés, spécialement en cas de cession de titres
sociaux.
La promesse est parfois stipulée en faveur du cessionnaire, le porte-fort s'engageant à
obtenir d'un associé qu'il cède ses parts où actions. Ainsi, l'éditeur Robert Laffont s'était
engagé à céder et faire céder avant une certaine date la totalité des actions de la société
dont il était P-DG et détenait 70 % du capital. Les actionnaires minoritaires ayant finalement
refusé de céder leurs titres, Robert Laffont a été condamné à indemniser le bénéficiaire de la
promesse. La promesse de porte-fort crée en effet à la charge du porte-fort une obligation
de résultat : la non-obtention du résultat promis suffit à engager la responsabilité contrac-
tuelle du porte-fort sans qu'il puisse s'exonérer par la preuve de l'absence de faute (CA Paris,
19 juin 1998 : Bull. Joly 1998, p. 1152, note A. Court).
Il arrive aussi que la promesse de porte-fort soit souscrite au profit du cédant, le cession-
naire S'engageant par exemple à ce qu'il soit maintenu à un poste de dirigeant ou qu'il soit
embauché comme salarié. Ainsi, après avoir démissionné de ses fonctions d'administrateur, OROI
PR
457
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
458
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
autonomie est écartée dans les sociétés à risque illimité s'agissant du passif, elle joue en
revanche pleinement du point de vue de l'actif non seulement dans l'intérêt des associés mais
également pour assurer la protection des créanciers sociaux. Au demeurant, il faut bien voir
que c'est l'usage du crédit de la société dans un intérêt personnel qui est sanctionné au titre
de l'abus du crédit social lorsque l'acte litigieux est le fait d'un dirigeant d'une société par
actions ou d'une SARL (V. supra, n° 615). Outre la sanction pénale, l'abus du crédit social
peut encore être sanctionné sur le terrain fiscal au titre de l'acte anormal de gestion (V. supra,
n° 377) et, en matière de procédures collectives, par l'extension de procédure fondée sur la
bx
| confusion des patrimoines (V. infra, n° 1474 et s.).
NT NT
Sous-section 4
1064. — Dans les petites SARL, la présence d’un commissaire aux comptes
est facultative, ce qui est un élément de souplesse dans le fonctionnement
social (C. com. art. L. 223-35) : un commissaire aux comptes peut être nommé
par les associés dans les conditions prévues pour l'adoption des décisions
ordinaires (V. supra, n° 1039). La nomination d’un commissaire aux comptes
n'est imposée que si certains seuils sont franchis (C. com, art. R. 2215 et
R. 223-27) (V. supra, n° 799) ou lorsque des associés représentant le dixième
du capital en sollicitent la désignation auprès du tribunal de commerce.
Sous-section 5
1065. — Ici encore, on renverra pour l'essentiel à ce qui a été dit à propos
de la SA, en distinguant les variations du capital, la transformation, la dissolu-
tion et la fusion de la société (V. supra, n° 815 et s.).
A. - L'augmentation de capital
sta-
1066. - La décision d'augmenter le capital emporte modification des
tuts et relève pour cette raison de la compéte nce de l'assemb lée générale
décisions
extraordinaire : la décision est prise selon les règles applicables aux
extraordinaires (V. supra, n° 1040). Cependant, comme dans la SA (V: supra,
être déci-
n° 832), l'incorporation des réserves ou des bénéfices au capital peut le
Bien que le texte ne
dée à la majorité simple (C. com., art. L. 223-30, al. 6).
x associés
prévoie pas, il est dans l'esprit de la SARL que l'entrée de nouveau
soit soumise à agrément.
n’est possible
1067. - L'augmentation de capital par apport en numéraire
intégr alemen t libéré (C. com, art. L. 223-7 et L. 223-32).
que si le capital a été t exi-
immédi atemen
La libération intégrale des nouvelles parts souscrites est
459
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
8 2. —- La transformation
A. — La transformation en société anonyme
1070. — La transformatioh d’une SARL en SA est une opération fréquente.
Il va de soi que les statuts de la SARL doivent être mis en harmonie avec la
législation propre aux SA ; ainsi le capital social doit être d'au moins 37 000
€
et le nombre des associés au moins égal à sept. La décision de transformation
est prise par les associés à la majorité requise pour la modification des
statuts
(V. supra, n° 1040). Toutefois, pour les grandes SARL, c’est-à-dire
celles dont
le montant des capitaux propres excède 750 000 £, la décision peut
être prise
par les associés représentant la majorité des parts sociales
(C. com.
art. L. 223-43, al. 2). Une distorsion existe donc entre les petites et
les grandes
SARL, fondée sur le souci de faciliter la transformation
de ces dernières.
1071. — Semblable mue exige le respect d’une procédure assez
lourde. La
décision de transformation doit être précédée, à peine de nullité,
d’un rapport
Sur la situation de la société rédigé par un commissaire aux
comptes inscrit
(C. com. art. L. 223-43, al. 3).
(40) Cass. com., 18 avr. 2000 : Bull. Joly 2000, p. 920,
note J.-J. DAIGRE.
460
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
B. — La transformation en SAS
1072. — L'assouplissement du régime de la SAS (V. supra, n° 888) s’est tra-
duit par une floraison de transformations de SARL en SAS. La décision doit
être prise à l’unanimité des associés (C. com., art. L. 227-3) (V. supra, n° 890).
Puisque l’article L. 223-43, alinéa 3, vaut pour toutes les hypothèses de
transformation de SARL, la décision doit être précédée, à peine de nullité, du
rapport d’un commissaire aux comptes sur la situation de la société (V. supra,
n° 1071).
Si la SARL n’a pas de commissaire aux comptes, un commissaire à la trans-
formation doit être désigné afin d'apprécier la valeur des biens composant
l'actif social et les avantages particuliers (V. supra, n° 1071) ; il peut être chargé
de rédiger le rapport sur la situation de la société (C. com., art. L. 224-3).
8 3. — La dissolution et la fusion
461
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Sous-section 6
L'ÉMISSION D'OBLIGATIONS
Section 2
L'EURL
Sous-section 1
462
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
8 1. — Présentation de l'EURL
463
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
464
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
Sous-section 2
LA CONSTITUTION DE L'EURL
465
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
(V. supra, n° 214), autrement dit par l'associé unique. La décision de reprise
doit être consignée dans le registre des délibérations, cette exigence formelle
pouvant se révéler redoutable pour le créancier (V. supra, n° 212).
1087. —- L’associé unique, personne physique, du fait qu’il n’a pas la qualité
de commerçant peut être une personne incapable, un mineur par exemple;
dans ce cas, la gestion sera confiée à un tiers ; ce peut être une solution d’'at-
tente lorsqu'un mineur hérite d’une entreprise exploitée sous forme d'EURL
ou d’une entreprise individuelle qu'il suffit de transformer en EURL pour les
besoins de la cause. |
L’associé unique réalise un apport, en nature ou en numéraire, de manière
à doter la société d’un capital social (V. supra, n° 1003 et s.).. qui peut être
de un euro. L'apport en nature appelle l'intervention d’un commissaire aux
apports désigné par l'associé unique (C. com., art. L. 223-9, al. 3), avec les
mêmes exceptions que celles rencontrées à propos de la SARL (V. supra,
n° 1005).
Sous-section 3
LE FONCTIONNEMENT DE L'EURL
8 1. —- La gérance
1089. — Le gérant d'EURL est soumis aux mêmes règles que le gérant de
SARL (V. supra, n° 1009 et s.), spécialement en ce qui concerne sa responsabi-
lité (V. supra, n° 1022). À l'égard des tiers, sa responsabilité civile ne peut être
engagée qu'en cas de faute détachable des fonctions, ce qui peut aboutir à des
résultats discutables (V. supra, n° 291).
466
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
1091. — Bien qu'il soit seul maître à bord, l'associé gérant ne peut faire
n'importe quoi et il doit respecter la séparation qui doit exister entre les
affaires de la société et celles de son ménage : l'EURL ne permet pas de faire
l’économie du principe de l’autonomie du patrimoine social (V. supra, n° 255).
Si, en dehors de ses appointements mensuels régulièrement « votés », il
puise dans la caisse sociale, ne serait-ce que temporairement, cela s'appelle
un découvert, formellement interdit par la loi (C. com, art. L. 223-21). Mais
quel est le sens d’une telle nullité, faute de demandeur utile ? Ne commet-il
pas au surplus un délit pénal d'abus de biens sociaux (V. infra, n° 1099) ? Au
vrai, c'est surtout en cas de procédure collective ouverte contre la société que
la sanction sera prononcée. Pour avoir disposé des biens de la personne
morale comme des siens propres (V. supra, n° 308), l'associé unique peut voir
mis à sa charge tout ou partie des dettes sociales (C. com., art. L. 652-1) (46) ;
il sera privé de la limitation de responsabilité à un moment où elle serait
bienvenue ; de plus, il encourra la faillite personnelle en cas de naufrage de
la société (V. supra, n° 313). Lorsque les affaires tournent mal, l'associé unique
a tout à craindre s’il n’a pas scrupuleusement respecté les frontières posées
par l'EURL.
8 2. — L'assemblée
467
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
RATS sneer
468
LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE
d'EURL, quand bien même il ne serait pas gérant ou n'exercerait aucune activité profession-
nelle dans la société. Les caisses réclamaient en conséquence à tous les associés d'EURL le
|
|
;
paiement des cotisations sociales correspondantes. Saisie du problème, la Cour de cassation
a estimé que la seule qualité d'associé d'une EURE ne suffit pas à déclencher l’affiliation
|
||
obligatoire au régime des travailleurs non salariés : l'associé non gérant et l'associé qui
n’exerce aucune fonction effective dans l'EURL ne sont pas soumis au régime des travailleurs
. indépendants ; l'affiliation obligatoire est réservée aux seuls associés gérants ou exerçant une
fonction dans l'EURL (Cass. soc., 3 avr. 1997 : Bull. Joly 1997, p. 890, obs. J.-J. DAicre). C'est
consacrer une nouvelle fois, et à juste titre, la distinction des associés selon qu'ils exercent
;
ou non une activité professionnelle dans le groupement (V. infra, n° 1108 et s.).
c) Le gérant non associé
Le gérant non associé bénéficie du régime de protection sociale des salariés. Attention, |
pour déterminer si le gérant est ou non associé, il faut tenir compte de l’article L. 311-3-11°
du Code de la sécurité sociale selon lequel ies parts appartenant en toute propriété ou en
|
|
usufruit au conjoint et aux enfants mineurs non émancipés d'un gérant sont considérées
comme possédées par ce dernier. Ainsi, dans une espèce où le mari était gérant non associé |
||
tandis que son épouse était associée unique, les juges ont pris en compte les parts détenues
par l'épouse pour appliquer au mari le régime social des gérants associés majoritaires, autre-
ment dit le régime des non-salariés, non agricoles (Cass. soc., 22 nov. 2001 : RJS 2002,
n° 358 : JCPE 2002, 1841, n° 11, obs. G. Vackrr).
|
|
2. Les mésaventures fiscales du professeur de dessin
agissant sous l'enseigne d'une EURL
1098. — Un artiste donnait des cours de dessin à des élèves. I! exerçait ce faisant une
activité libérale soumise à la TVA. La loi prévoit cependant que sont exonérées les leçons |
particulières données par des personnes physiques (CGI, art. 261-4-4° b). Le professeur de
dessin avait cru bien faire en agissant sous l'égide d’une EURL. Mal lui en prit car l'exonération
de TVA lui fut refusée parce que revendiquée par une personne morale (TA Paris, 21 oct.
|
1999 : R/F 2000, p. 931). La TVA est en principe indifférente aux habillages juridiques
(V. supra, n° 236), mais, comme on le sait, il n'est pas de principe sans exception. |
3. EURL et abus de bien sociaux
|}
1099. — La chambre criminelle a jugé que les délits pénaux prévus en matière de SARL
|
valaient pour l'EURL; le gérant d'une EURL peut donc être condamné pour abus de biens
sociaux (Cass. crim., 14 juin 1993 : Bull. Joly 1993, p. 1139, note B. SAINTOURENS). L'associé |
||
agissant ut singuli et la société peuvent exercer l'action civile (V. supra, n° 632). Le gérant,
s’il est l'associé unique, s'en gardera bien ;comme l'action est refusée aux créanciers, aux
salariés et aux syndicats, seul le ministère public peut engager les poursuites pénales.
Voici une autre affaire dans laquelle un gérant fut condamné du chef d'abus de biens
sociaux pour cause de jalousie.
M. X exploite dans le Sud-Ouest un hôtel qu'il a logé juridiquement dans une EURL dont
il est le gérant et l'unique associé. Il ne supporte pas que son épouse l'ait quitté. Il la harcèle
de coups de téléphone. Tiraillé par la curiosité, il la fait suivre par un détective privé qu'il
|
rémunère sur le chéquier de l'EURL. L'épouse, excédée, le traduit devant le juge correctionnel. |
La cour d'appel de Pau le condamne en août 2001 à dix-huit mois d'emprisonnement
sursis et mise à l'épreuve, ainsi qu'à 15 000 F d'amende, sans compter les dommages-int
avec
érêts |
|
rejette
au titre du préjudice moral. M. X se pourvoit en cassation, mais la Chambre criminelle
du 20 février 2002 (Rev. sociétés 2002, p. 546, note B. BouLoc).
sa demande par décision
d'abus de biens
Voici en quels termes elle confirme la décision d'appel s'agissant du grief |
sociaux :
« Attendu que, pour condamner du chef d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué énonce |
dont il ne supportait
que le prévenu a engagé un détective privé pour surveiller son épouse, |
bancaire ouvert au
pas d'être séparé, et qu'il a réglé la prestation au moyen d'un compte ;
limitée ;— Attendu
nom de l'hôtel Montpensier, entreprise unipersonnelle à responsabilité
qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.
»
un être juridiquement |
Quand on crée une société, füt-ce une EURL, on met au monde
la personnal ité et c'est un délit pénal que de dépouiller sa |
_ autonome dont on doit respecter
société. Ce risque n'existe pas dans l’entreprise individuelle
: confondre la caisse de l'entre-
un signe de bonne gestion, |
prise individuelle et celle de l'entrepreneur n'est sans doute pas
| mais au moins ce n’est pas un délit pénal passible de peines d'amend e et d'emprisonnement. |
7277
si PT
ES
469
LES SOCIÉTÉS À RISQUE LIMITÉ
Sous-section 4
LA DISSOLUTION DE L'EURL
470
Titre 2
LES SOCIÉTÉS
À RISQUE ILLIMITÉ
1101. — Les sociétés à risque illimité ont un air de ressemblance qui tient
entre autre à la responsabilité indéfinie qu'encourent leurs membres. Les
sociétés à risque illimité sont des sociétés à haut risque dans la mesure où
l’on ne peut à l’avance, comme le ferait un joueur prudent et méfiant, fixer
un maximum de mise à ne pas dépasser ; si les affaires tournent mal, on peut
y laisser jusqu’à sa dernière chemise.
Mais par-delà cet air de famille. et ce parfum d'aventure, chaque société a
son caractère propre, ce qui est un signe de richesse juridique, chacun pouvant
choisir entre différents modèles. Il importe de faire le départ entre les deux
branches de la famille :
— la première, la plus aboutie, regroupe les sociétés immatriculées, les-
quelles sont dotées de la personnalité morale ;
— la seconde est celle de sociétés non immatriculées, auxquelles il manque
cet attribut essentiel qu'est la personnalité morale.
471
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Chapitre 1
LE DROIT COMMUN
. DES SOCIÉTÉS
À RISQUE ILLIMITÉ
1102. — En dépit de leur diversité, les sociétés à risque illimité présentent
des traits particuliers rendant possible la détermination d’un droit commun
qui emprunte au droit des sociétés, au droit fiscal, au droit social et au droit
pénal.
Section 1
473
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
question, qui est assortie de nombreux enjeux pratiques (V. infra, n° 1141 et
1184).
es à la dette présente deux caractères. Elle est d’une part indéfi-
nie, ce qui signifie que l'associé peut se trouver engagé au-delà du montant
de son apport. Elle est d'autre part subsidiaire : le créancier doit d’abord
s'adresser à la société et ne peut se retourner contre l'associé qu’en cas d’in-
succès de sa première démarche. Ces principes communs étant posés, les
contours de l'obligation à la dette varient selon que la société est affectée ou
non de solidarité.
Sous-section 1
Sous-section 2
474
LE DROIT COMMUN DES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
lité, l'obligation des associés repose sur d’autres principes, tels que la révéla-
tion dans les sociétés en participation (V. infra, n° 1223), la preuve ou
l'apparence dans les sociétés créées de fait (V. infra, n° 1236).
Section 2
1106. — On sait que les dirigeants de sociétés par actions et ceux des SARL
sont sous haute surveillance pénale ; la moindre malhonnéteté ou indélica-
tesse risque de les mener en correctionnelle pour abus de biens sociaux
(V. supra, n® 612 et s.). Ce n’est pas que les dirigeants des sociétés à risque
illimité puissent se livrer impunément à des actes de friponnerie. Ils pourront
être poursuivis pénalement selon le droit commun, pour abus de confiance
notamment. L'incrimination, prévue à l’article 314-1 du Code pénal, est très
large : « L'abus de confiance est le fait pour une personne de détourner, au
préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont
été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter où
d’en faire un usage déterminé. » Le dirigeant d’une société de personnes a la
confiance de ses coassociés et il doit gérer les actifs sociaux au mieux de leurs
intérêts. Ne le qualifie-t-on pas de mandataire social (V. supra, n° 272) ? Il est
coupable d'abus de confiance s’il détourne ces actifs à son profit. L'abus de
confiance est puni de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 € d'amende.
Les tentations sont-elles moins grandes? Les dénonciations sont-elles
moins naturelles ? Il semble que dans les sociétés de personnes on préfère
laver son linge sale en famille plutôt que l’étaler devant le juge pénal. Les
exemples sont plutôt rares et ne font pas la une des recueils de jurisprudence,
encore que plusieurs arrêts récents témoignent sans doute d’une évolution.
1107. — En voici un exemple concernant une société civile immobilière.
Selon un schéma classique, deux personnes créent une SCI et une SARE, la
première coiffant la propriété d’un hôtel-restaurant, la seconde en assurant
l'exploitation (sur ce montage, V. supra, n° 169). C'est le même associé qui a
la qualité de gérant de chacune des deux sociétés. Il avait la main leste et
avait puisé d'importantes sommes tant dans la caisse de la SCI que dans celle
de la SARL. Sur plainte de son coassocié, il a été condamné à la fois pour
abus de confiance (pillage de la SCI) et pour abus de biens sociaux (pillage
de la SARL). Il a tenté de se défendre en invoquant la jurisprudence Rozenblum
sur les groupes (V. infra, n° 1457), mais sans succès (1).
Il est encore possible de signaler une affaire, concernant cette fois une SNC,
dans laquelle le gérant fut condamné du chef d'abus de confiance pour avoir
fait prendre en charge par celle-ci des dépenses étrangères à son objet. La
Cour a jugé à cette occasion que l'associé pouvait se constituer partie civile
pour demander la réparation du préjudice individuel causé par l'infrac-
(1) Cass. crim., 4 sept. 1996 : Bull. Joly 1997, p. 107, note N. RONTCHEVSKY.
475
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
tion (2). Cette solution est logique puisque, du fait de la responsabilité indéfi-
nie qui pèse sur l'associé, l'atteinte portée au patrimoine social lui cause un
préjudice personnel et direct, ce qui n’est pas le cas lorsque la responsabilité
de l'associé est limitée (V. en matière d’abus de biens sociaux, supra, n° 632).
Section 3
(2) Cass. crim., 10 avr. 2002 : Bull. Joly 2002, p. 974, note E.
Deueuze :JCP E 2002, 1639, n° 6, obs.
J.J. Caussan, FI. Depoissy et G. Wicker.
(3) M. Cozan, Les grands principes de la fiscalité des entreprises, doc. 19
: Un « sac d'embrouilles » : les
sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu. — Fl. Desoissy
: RTD com. 2000, p. 205 ets.
476
LE DROIT COMMUN DES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
Section 4
(4) CE, 25 oct. 2004 : RJF 2005, n° 46 : l'unique gérant statutaire de deux SNC doit être regardé comme
ont été
exerçant son activité professionnelle dans ces sociétés, alors même que des prestations de gestion
confiées par mandat à une autre société.
SÉNERS;
(5) CE, 9 juill. 2003 : R/F 2003, n° 1255, chron. L. Ouéon : Dr. fisc. 2004, comm. 188, concl.
Bull. Joly 2004, p. 107, note ParoT.
477
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
(V. supra, n° 1109). Les bénéfices revenant aux associés « passifs » (le financier
dans notre cas) sont imposés dans la catégorie fiscale des bénéfices industriels
et commerciaux, tout comme ceux attribués aux « actifs ». Les organismes
sociaux et la jurisprudence en déduisaient que les revenus, qualifiés de profes-
sionnels au regard du droit fiscal, gardaient la même nature au regard de la
Sécurité sociale et devaient supporter les cotisations sociales. La même solu-
tion était retenue à l'encontre des associés des sociétés civiles de construction-
vente sous le prétexte que leurs revenus étaient imposés dans la catégorie des
bénéfices industriels et commerciaux (CGI, art. 239 ter).
Dans un arrêt de principe, la Chambre sociale de la Cour de cassation a
jugé que les associés passifs d’une société civile de construction-vente
n'avaient pas à être assujettis à un régime quelconque de Sécurité sociale (6).
Pour les mêmes raisons, il a été jugé que l'associé non gérant d’une EURL qui
n'exerce aucune fonction professionnelle dans la société n’a pas à cotiser, du
seul fait de sa qualité d’associé, au régime de sécurité sociale des travailleurs
non salariés (V. supra, n° 1097).
Cependant, dans le cas de la SNC, la Chambre sociale (7) comme la seconde
Chambre civile (8) estiment que «le fonctionnement d’une SNC implique
nécessairement de la part des associés une activité professionnelle consistant
dans le contrôle et la surveillance de la société ». Il s'ensuit que l'associé d’une
SNC relève nécessairement, en cette seule qualité, du régime d’assurance-
maladie des travailleurs non salariés, alors même qu'aucune implication dans
le fonctionnement de l’entreprise ne serait caractérisée. Ainsi, au regard du
droit de la sécurité sociale, le simple exercice des prérogatives d'associé suffit,
du moins dans le cas de la SNC, à caractériser l'exercice d’une activité profes-
sionnelle au sein de celle-ci, ce qui ne paraît pas conforme aux solutions déve-
loppées en matière fiscale (V. supra, n° 1110).
;
|
1. Une société à risque illimité peut-elle garantir
les engagements de ses dirigeants ou de ses associés ?
É 1114. — Il est interdit à une SA de cautionner les engagements de ses
dirigeants (V. supra,
| n° 589); elle peut en revanche accorder sa garantie à un actionnaire,
sous réserve d'une
| autorisationpréalable du conseil d‘ädministration (V. supra, n° 575). Dans la SAS,
| à la société d'accorder sa caution à l’un de ses dirigeants (V.:supra, il est interdit
n° 900). Dans la SARL les
règles sont plus sévères puisque l'interdiction vise à la fois les
dirigeants et les associés per-
| sonnes physiques (V. supra, n® 1056 et s. — Pour le cautionnement
de la dette personnelle
| d'un associé personne morale, V. supra, n° 1063).
Il n'existe en revanche aucun texte Spécial qui interdise ou limite
| dans les sociétés de personnes. Faut-il en déduire que l'octroi de telles garanties
ces dernières peuvent utiliser librement
—__——————_——————
478
LE DROIT COMMUN DES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
leur crédit pour garantir les engagements personnels souscrits par leurs associés ou diri-
geants ? La réponse est évidemment négative puisque les limites naturelles de l'objet social
et de l'intérêt social ont vocation à s'appliquer (H. Hovasse, Les cautionnements donnés par
les sociétés et l’objet social : Dr. et patrimoine 2001, p. 76), encore que la jurisprudence
peine en la matière à trouver un point d'équilibre. Du dernier état de la jurisprudence, il
ressort que le cautionnement par la société d'une dette personnelle d'un associé où d'un
dirigeant est valable s'il a été consenti à l'unanimité ou s’il existe une communauté d'intérêts
entre la société caution et la personne cautionnée, l’une et l’autre de ces jurisprudences
pouvant soulever des objections.
a) Le cautionnement consenti à l'unanimité des associés
Dans une décision du 18 mars 2003 (Cass. com., 18 mars 2003 : Bull. Joly 2003, p. 643,
note J.-F. Bargièr ;JCP E 2004, 29, n° 6, obs. J.-J. Caussan, Fi. Deoissy et G. Wicker), la
Chambre commerciale est venue étendre à la SNC une solution déjà retenue, selon une
formule voisine, en matière de société civile immobilière (Cass. com., 28 mars 2000 : JCP E
2001, p. 1393, note S. FERRES).
EN
NT
En l'espèce, une SNC s'était portée caution de prêts bancaires accordés à deux de ses
RCERCRES
associés. Suite à la mise en redressement judiciaire de la société, la banque déclara trois
créances au titre des cautionnements ainsi consentis. Pour rejeter ces créances, les juges du
fond retinrent que la dette garantie ne correspondait pas à une dette sociale mais à une
dette personnelle des associés et que cette garantie, bien qu'ayant été concédée par la société
avec l'accord unanime de tous les associés, ne constituait pas un acte entrant dans l’objet
social susceptible à ce titre d’avoir engagé la société dans ses rapports avec les tiers. L'arrêt
fut cassé au visa de l'article L. 221-6 al. 12° dans les termes suivants : « en statuant ainsi,
alors que l'arrêt constate que les cautionnements en cause avaient été donnés avec l'accord
unanime de tous les associés lors d’une assemblée générale extraordinaire et dès lors qu'il
n'était pas allégué que ces garanties étaient contraires à l'intérêt social, la cour d'appel n’a
pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».
Le plus simple est sans doute de partir du visa de l'article L. 221-6, al. 1° du Code de
commerce. En application de ce texte, les associés peuvent, par une décision unanime,
accomplir un acte « qui excède les pouvoirs reconnus au gérant ». Or ces actes sont ceux qui
sont interdits au gérant en vertu d'une clause statutaire limitative de ses pouvoirs — ce qui
place l'article L. 221-6 en prolongement de l'article L. 221-5 al, 3 - et non pas ceux qui sont
étrangers à l'objet social. En effet, la limite des pouvoirs du gérant fondée sur l'objet social
n'est pas une limite à son activité mais une limite à la capacité de la société conformément
au principe de spécialité statutaire. Reste alors que les associés peuvent, là encore par une
décision unanime, modifier les contours de l’objet social et, par Voie de conséquence, la
capacité de jouissance de la société.
Mais la question rebondit alors sur le point suivant : les associés sont-ils absolument libres
de modifier l’objet pour y inclure le cautionnement de dettes personnelles à certains associés ?
Si l’on réduisait la société à n'être que la chose des associés, l’affirmative pourrait prévaloir.
En réalité, la situation est plus complexe. En premier lieu, il convient de ne pas oublier que
l'actif social constitue le gage exclusif des créanciers sociaux. Or ceux-ci, dont la créance
procède de l'activité sociale, ne devraient pas pouvoir, sauf à perdre le bénéfice de leur droit
de préférence, être concurrencés sur ces mêmes biens par des créanciers ne présentant aucun
rapport avec cette activité, ce qui est typiquement le cas en cas de cautionnement de dettes
personnelles aux associés. En second lieu, comme en témoigne la prépondérance de l'objet
réel sur l'objet statutaire, la détermination de l'objet social ne peut procéder de la volonté
arbitraire des associés mais se trouve soumise à une contrainte objective, à savoir l’activité
réellement développée par la société. Dès lors, quelle que puisse être la volonté des associés,
l'objet social, et partant la capacité de la société, doivent nécessairement s'apprécier en consi-
dération de l'activité qu'elle se propose réellement d'exercer, auxquels s'ajoutent les actes
qui en constituent l'accessoire. Or, en l'espèce, il est pour le moins douteux que le cautionne-
ment de dettes personnelles ait pu constituer l'accessoire de l'activité de la société (V. en ce
sens, pour le nantissement consenti par les deux associés d'une SNC, Cass. com. 26 janv.
1993 : Rev. sociétés 1993, p. 396, note J.-F. Bargiéri. — V. aussi, jugeant que la garantie, par SA
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une SNC, d’une dette personnelle d'un associé ne constitue pas un acte entrant dans l'objet
social : Cass. com., 25 janv. 2005 : Dr. sociétés avr. 2005, n° 71, obs. J. Monner).
Aussi bien est-ce peut-être l'absence de lien d'accessoire à principal qui permettrait, pour
autant qu'il soit invoqué par les parties, de considérer que l'acte contesté est contraire à
sens
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l'intérêt social. En effet, on voit mal comment un acte sans aucun rapport avec l’activité que
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479
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
les associés ont choisi d'exercer au moyen de la société pourrait présenter un intérêt pour
cette dernière. Le cautionnement de dettes personnelles profite à l'associé indépendamment
de sa qualité d'associé même si c'est grâce à cette qualité qu'il a pu en obtenir le bénéfice
par la société : il est donc étranger à l'intérêt social. Une solution de cet ordre a été retenue
dans une espèce où une SNC, qui avait pour objet l'acquisition de terrains, leur lotissement
et leur revente, s'était portée caution et avait consenti une hypothèque en garantie des
engagements personnels souscrits par l’un de ses associés, en l'occurrence une SA, étant
observé que la gérante de la SNC était également P.-DG de la SA. La Cour de cassation a
estimé que les dettes ainsi garanties correspondaient à des dettes personnelles de l'associé,
d'où il résultait que les garanties litigieuses ne constituaient pas un acte entrant dans l'objet
social; elle a en conséquence cassé l'arrêt d'appel ayant rejeté la nullité des actes de caution-
nement et d'affectation hypothécaire (Cass. com., 14 juin 2000 : Bull. Joly 2000, p. 1054,
note A. CouRET).
b) La communauté d'intérêts existant entre la société caution et la personne cautionnée
L'appréciation du lien d'accessoire à principal soulève des difficultés lorsque la garantie
accordée par une société l'est au bénéfice d’une autre ayant les mêmes associés, ce qui est
le cas en présence du couple société d'exploitation-société civile immobilière (V. supra,
n° 169). Dans cette hypothèse, la jurisprudence se contente parfois d'un lien indirect avec
l'objet social. C'est ce qui a été jugé en cas de cautionnement accordé par une SCI, proprié-
taire d'un immeuble, à la société d'exploitation locataire. La Cour de cassation a estimé que
« le cautionnement se rattache indirectement à l’objet social de la SCI en raison de la commu-
nauté d'intérêts unissant cette société à la société débitrice principale » (Cass. 1" civ., 15 mars
1988 : Rev. sociétés 1988, p. 415, note Y. Guyon. — Cass. 3° civ., 1e" déc. 1993 : Dr. sociétés
1994, n° 138, obs. H. Le NaBasQue. — Cass. 1° civ., 12 févr. 2000 : Rev. sociétés 2000, p. 301,
note Y. Guyon). Cette solution apparaît très contestable dans la mesure où, en l'absence de
démonstration d'un profit susceptible d’être effectivement retiré par la société caution, la
seule communauté d'intérêt unissant les deux sociétés tenait à l'identité de leurs associés.
Pour le reste, elle méconnaît gravement l'autonomie de chacune des sociétés, laquelle, quelle
que soit l'identité de leurs associés, est fondée sur le caractère distinct de leur intérêt respectif.
Or ce sont de telles méconnaissances que l'on sanctionne ordinairement soit par des actions
en extension fondées sur la confusion de patrimoines (V. infra, n° 1474), soit par des redresse-
ments fiscaux au titre de l'acte anormal de gestion (V. supra, n° 377) (par exemple, CAA
Marseille, 24 janv. 2002 : Dr. fisc. 2003, n° 12, comm. 232).
En définitive, il ne devrait être question de communauté d'intérêts justifiant un cautionne-
ment que dans l'hypothèse où, en raison des relations d'affaires ou structurelles (société
mère-filiale) existant entre elles, il est de l'intérêt de la société caution d'assurer par
son
engagement la pérennité de la société cautionnée, le fait que les deux sociétés aient
des
associés communs étant en revanche indifférent (Cass. com., 3 déc. 2003 : Bull Joly 2004,
p. 358, note J.-F. BarBiéri : bail à construction conclu entre les deux sociétés).
On peut douter qu'un tel intérêt était caractérisé dans l'espèce suivante. Une SCI,
consti-
tuée entre deux concubins, s'est portée caution des dettes personnelles de l’un
des associés.
Actionnée en paiement par le créancier, la SCI invoquait la nullité du cautionnement
au motif
qu'il était contraire à l'intérêt social. La Chambre commeñtciale a approuvé les juges
du fond
d'avoir écarté la nullité au motif que « si le cautionnement donné par une
société n'entre
pas directement dans son objet, ce cautionnement est néanmoins valable
lorsqu'il existe une
communauté d'intérêts entre la société garante et la personne cautionnée
» ; en l'espèce, la
Cour a estimé qu'une communauté d'intérêts entre la SCI caution et l'associé
cautionné était
caractérisée du fait que ce dernier et sa concubine étaient les seuls porteurs
de parts de la
SCI et que l'immeuble social constituait leur domicile (Cass. Com., 8 nov.
2005 : Bull. Joly
2005, 8 70, p. 339, note J.-F. BARBIER).
480
LE DROIT COMMUN DES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
administrateurs ou l’une des personnes exerçant un rôle de mandataire social » (C. com.
art. L. 612-5, KR. 612-6 et R. 612-7). Le législateur a ainsi tenté de remédier aux dérives
constatées dans la gestion de certaines associations caritatives.
a) Domaine
Sont concernées par ce dispositif les personnes morales de droit privé non commerçantes
— ce qui exclut les SNC, les sociétés en commandite simple, les sociétés sans personnalité
morale ou les GIE — qui exercent une activité économique. Aussi deux groupements se trou-
vent-ils principalement visés :
— les associations ayant une activité économique (V. supra, n% 78 et s.), le texte leur
ajoutant celles visées à l'article L. 612-4, à savoir les associations ayant reçu annuellement de
l'État, d'un établissement public où d'une collectivité publique une ou plusieurs subventions
d'un montant fixé par décret;
— les sociétés civiles exerçant une activité économique.
La poursuite d'une activité économique constitue, selon la Cour de cassation, le critère de
l'entreprise (Cass. 1'° civ., 12 mars 2002 : D. 2002, p. 1199; Bull. Joly 2002, p. 1033, note
B. SAINTOURENS : information annuelle de la caution lorsque le concours financier est accordé
à une entreprise). L'entreprise peut être définie comme un ensemble cohérent de moyens
humains et matériels regroupés en vue de l'exercice d'une activité régulière participant à la
production ou à la circulation des richesses. Constitue ainsi une activité économique toute
activité de production, transformation, distribution de biens meubles où immeubles ainsi
que toutes prestations de services en matière industrielle, commerciale, artisanale, agricole
(Rép. Min. Sergheraert : JOAN 17-3-1986, p. 1105).
La condition relative à l'exercice d'une activité économique est à l'évidence remplie lorsque
la société civile exerce une activité professionnelle, par exemple un GAEC (V. supra, n° 1207),
une société civile professionnelle (V. supra, n° 1250) où une société civile de construction-
vente (V. supra, n° 1208). On peut en revanche douter de la qualification d'entreprise dans
le cas d'une pure société immobilière de gestion qui se contente de gérer son patrimoine
immobilier (V. Bull. CNCE, juin 2002, p. 282) ou d'une société civile de portefeuille qui se
contente de gérer son portefeuille de titres. La Cour de cassation vient toutefois de juger que
le fait, pour une banque, de consentir un crédit à une SCI en vue de l'acquisition de biens
immobiliers destinés à la location caractérise l'octroi d'un concours financier à une entreprise
(Cass. 1'€ civ., 15 mars 2005 : D. 2005, p. 1080, obs. E. CHEVRIER).
Outre les conventions conclues directement où par personne interposée entre la personne
morale et le mandataire social, sont soumises à la procédure de contrôle celles passées entre
la personne moraie et une société dans laquelle le dirigeant est associé indéfiniment respon-
sable, est actionnaire détenant plus de 10 % des droits de vote ou exerce une fonction de
direction. Ne sont en revanche pas concernées les conventions courantes conclues à des
conditions normales qui, en raison de leur objet de leurs implications financières, ne sont
significatives pour aucune des parties.
b) Procédure
Le représentant légal ou, s'il en existe un, le commissaire aux comptes, présente à l'organe
délibérant un rapport sur la convention. L'organe délibérant statue sur ce rapport. La loi n'a
pas interdit à l'intéressé de prendre part au vote (comp. en matière de SA ou de SARL, infra,
n° 597 et 1057). Si le groupement ne possède pas d'organe délibérant, le rapport est joint
aux documents communiqués aux adhérents. À défaut d'être approuvée, la convention pro-
duit ses effets mais les conséquences préjudiciables peuvent être mises à la charge de l'inté-
ressé.
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Chapitre 2
Section 1
483
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
Sous-section 1
(1) Cass. com. 13 janv. 1996 : Bull. Joly 1996, p. 498, note J.-J. Daicre (mésentente
entre deux pharma-
ciens exerçant leur activité au sein d'une SNO) ; V. supra, n° 450.
(2) Les pharmaciens sont des commerçants qui peuvent s'associer dans
le cadre de SNC où de SARL; la
voie des autres sociétés leur est en revanche refusée (C. santé publ.,
art. L. 5125-17). Curieusement, les
pharmaciens peuvent aussi choisir d'exercer leur activité dans une
société d'exercice libéral (C. santé publ.
art. R. 5090-1 et s.), alors même que cette forme sociale est en principe
réservée aux professions libérales
(V. infra, n° 1261).
(3) La vente des tabacs relève d’un monopole fiscal. L'administration l'exerce par l'intermédiaire de débi-
tants dont elle exige qu'ils soient indéfiniment responsables (CGI,
art. 283, Ann. Il). En clair, le débitant ,
doit être un exploitant individuel ou une SNC, mais non une SARL. Cette
réglementation rigide est certes
surannée, mais l'administration n'est pas décidée à l'assouplir (Rép.
Calvet : JOAN 2 déc. 1996, p. 6297:
Bull. Joly 1997, p. 43).
484
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
(V. supra, n° 357). Ceux qui ne tiennent pas à faire étalage de leur fortune y
seront sensibles (V. infra, n° 1123).
1121. - Mais ce sont surtout ses attraits fiscaux qui expliquent son succès.
Du fait de sa transparence fiscale, la SNC échappe à l'impôt sur les sociétés ;
ce sont les associés qui paient l'impôt à raison de la quote-part de bénéfices
qui leur revient. À l'inverse, lorsque les résultats sont négatifs, chaque associé
reporte dans sa déclaration de revenus sa quote-part des déficits de la société
(V. supra, n° 66). Pendant longtemps, le déficit catégoriel ainsi dégagé pouvait
être imputé sur le revenu global. La SNC est pour cette raison devenue un
merveilleux instrument de défiscalisation, c’est-à-dire une façon comme une
autre de payer moins d'impôt. C'est ainsi que les particuliers surimposés se
trouvaient associés, parfois par EURL interposée, de SNC dont la seule vertu
étaient de dégager de précieux déficits (4). Toutefois, depuis que le législateur
a interdit l’imputation des BIC sur le revenu global lorsque l'associé n’exerce
pas sa profession dans la société (V. supra, n° 66 et 1109), ces SNC de défiscali-
sation ont perdu une grande partie de leur attrait.
Rs Re
Pourquoi Bernard Tapie s'est-il entiché de la SNC ?
4123. - Sur le plan juridique, la SNC est la plus périlleuse des sociétés qui soit. Les conseils
de Bernard Tapie avaient certainement dû évoquer une telle éventualité. Mais que vaut le
|
spectre de la ruine quand on est au faîte de la gloire ?
Bernard Tapie a donc créé, en 1979, non pas une mais deux SNC dont il était avec son
épouse l'unique associé. Elles jouaient le rôle de superholdings coiffant la galaxie de sociétés
composant son empire. La première, Groupe Bernard Tapie (GBT), contrôlait son empire
la Finan-
industriel (Wonder, Donnay international, Adidas, Testut, Vie Claire...). La seconde,
Bernard Tapie (FIBT), contrôlait son empire privé (notamment son hôtel
cière immobilière
intérêts
particulier et son yacht, Le Phocéa). Cette séparation des intérêts industriels et des
imaginer
privés était de bon aloi. Mais pourquoi avoir retenu la forrne de la SNC ? On peut
à la
que Bernard Tapie n'a pas été insensible au fait que cette structure permet d'organiser
comptable, le dévergondag e financier et l'optimisatio n fiscale (J.-P. BERTREL, /ngé-
fois l'opacité
nierie juridique : le montage Tapie : Dr. et patrimoine, avr. 1998, p. 24).
485
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
a) L'opacité comptable
La SNC présente cette vertu remarquable de sauvegarder le secret de sa fortune ou de
ses infortunes puisque ses comptes n'ont pas à être déposés au greffe du tribunal de
commerce (V. supra, n° 1120).
b) Le dévergondage financier
Bien que criblé de dettes, Bernard Tapie menait un train de vie somptueux. La FIBT lui
servait de « vache à lait », le « laït » étant généreusement fourni par les banques et notam-
ment la SDBO, l’une des filiales du Crédit Lyonnais. Il pouvait à loisir « puiser » dans la caisse
de la FIBT sans craindre les foudres de l’abus de biens sociaux (V. supra, n° 1106). Les circuits
étaient parfois tortueux. On apprend ainsi (Le Monde, 7-8 avr. 1996) que la SA Alain-Colas
Tahiti, propriétaire du Phocéa, a obtenu le 30 juin 1992 un prêt de 80 millions consenti par
la SDBO. L'essentiel de la somme a été reversé le jour même à la FIBT, ce qui a notamment
permis à Bernard Tapie de réinjecter 9 millions dans les caisses de l'Olympique de Marseille
dont il était le président et, pour le reste, de régler quelques menues dépenses.
c) L'optimisation fiscale
La SNC de par sa transparence à longtemps fait le bonheur des amateurs d'optimisation
fiscale, notamment quand il s'agit de tirer parti des déficits :on met dans le même sac
bénéfices et déficits ;si ces derniers l'emportent, le revenu imposable est négatif et il n'y a
pas d'impôt à payer (V. supra, n° 1121). Bernard Tapie en a usé et abusé. Il ne payait pas
d'impôt sur le revenu ; du coup, étant fiscalement indigent, il échappait à la taxe d'habitation
sur son hôtel particulier de la rue des Saints-Pères, d'une superficie de 1 500 m2. Le Phocéa
était de son côté largement défiscalisé, car il était déclaré comme navire de commerce. Un
malheur ne venant jamais seul, le fisc s'est réveillé quand la justice lui a demandé des comp-
tes. || a refait les calculs et lui a notifié un redressement de plus de 12 millions (Le Monde,
23 mars 1995). indépendamment des plaintes pour abus de biens sociaux, Bernard Tapie
s’est retrouvé en correctionnelle pour délit de fraude fiscale (Cass. crim., 2 juill. 1998 : D.
es
ARR
D
NN
AN 1999, p. 434, note G. Tixier et Th. LAMULLE).
Le
Sous-section 2
486
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
— mari et femme peuvent faire partie d’une même SNC (V. supra, n° 343) ;
— les associés peuvent être français ou étrangers (V. supra, n° 111) ;
— les associés ont tous la qualité de commerçant (C. com. art. L. 221-1) (7) ;
par suite ils doivent impérativement avoir la capacité d'exercer une activité
commerciale (8), ce qui exclut les mineurs, les majeurs sous tutelle (V. supra,
n° 1129) ainsi que les majeurs sous curatelle.
B. —- L'objet social
1126. — En principe, la SNC peut exercer n'importe quelle activité, qu'elle
soit commerciale ou civile. Il existe tout de même quelques interdits légaux :
les assurances et les professions libérales réglementées; les médecins et les
avocats par exemple ne sauraient exercer leur art au sein-d’une SNC puisqu'il
leur est interdit d'acquérir, directement ou indirectement, la qualité de
commerçant.
En pratique, il est essentiel de délimiter avec précision l'objet social de
façon à réduire les risques encourus par les associés ; les gérants engagent en
effet la société (et par conséquent les associés personnellement) par tous les
actes entrant dans l’objet social (C. com., art. L. 221-5). Les statuts ne sont
donc jamais trop précis à cet égard (V. supra, n° 117).
C. — Le capital social
1127. — La loi ne fixe aucune règle contraignante en la matière : pas de
capital minimum, pas de délai pour la libération du capital souscrit, pas d’in-
terdiction pour les apports en industrie. À la limite, une SNC pourrait être
créée au capital d’un euro, si le financement est assuré par ailleurs. Dans ce
type de société, le capital a moins pour fonction d'assurer le gage des créan-
ciers (la responsabilité personnelle des associés est à cet égard la meilleure
des garanties) que de mesurer le pouvoir des associés (V. supra, n° 240 et s.).
1128. - Les SNC ne sont pas des machineries lourdes comme les sociétés
de capitaux. Ce qu'impose la loi est réduit au minimum ; ces sociétés sont
relè-
largement « dérégulées » pour reprendre un néologisme à la mode. Elles
du sceau de
vent plus de la liberté contractuelle que d’une législation frappée
l’ordre public.
de faire
Aux associés de faire appel aux ressources de leur imagination et
à eux de se forger un cadre à l'exacte mesure de leurs
œuvre de créativité ;
alliant souples se et efficacit é. C'est cette malléabi lité qui explique
besoins,
leurs filiales
que les SNC soient souvent choisies par les groupes pour coiffer
communes (V. supra, n° 1122).
L'expé-
Encore faut-il avoir de l'imagination et oser se servir de sa liberté.
que trop souvent , au lieu de modèle imposé par la loi, on
rience démontre ter
a tôt fait de réinven
recopie le modèle proposé par le formulaire. lequel
le formalisme légal. La liberté n’est pas toujours une solution de facilité. Ainsi,
il ne sert à rien de prévoir, à l’image des sociétés de capitaux, deux types
d’assemblées générales : les ordinaires et les extraordinaires. Ce n’est pas une
raison pour rejeter systématiquement toute contrainte formelle et s’en
remettre à l'improvisation du moment.
conférant à leurs membres la qualité de commerçant leur est par exception fermée en raison
de l'incapacité commerciale dont ils sont classiquement frappés (V. supra, n° 110). Aussi, un
mineur où un majeur sous tutelle ne peuvent, ni avoir la qualité de commandité, ni être
associé d'une SNC, alors que l'accès à la société civile leur est ouvert. Plus spécialement,
qu'advient-il en cas de mise sous tutelle d'un associé de SNC ? || faut distinguer selon que la
société fait ou non l'objet d'une procédure collective.
a) Mise sous tutelle d'un associé de SNC non soumise à une procédure collective
La réponse est donnée par l'article L. 221-16 du Code de commerce (V. infra, n° 1156) :
lorsqu'une mesure d'incapacité est devenue définitive à l'égard de l’un des associés d’une
|| SNC, la société est dissoute, à moins que sa continuation ne soit prévue par les statuts ou
décidée à l'unanimité des autres associés : en cas de continuation, l'associé incapable se voit
rembourser la valeur de ses droits sociaux. À quelle date l'incapable est-il privé de sa qualité
| d'associé ?
On pourrait penser lier la perte de la qualité d'associé au sort de la SNC. L'intéressé
perdrait sa qualité d’associé à la date où le jugement d'ouverture de tutelle devient définitif
si la continuation a été prévue dans les statuts et à la date de la décision des associés écartant
là dissolution dans le cas contraire. À la réflexion, cette proposition n'est pas convaincante
pour au moins deux raisons. D'abord, il paraît peu opportun de faire dépendre le sort de
| l'incapable de facteurs extérieurs, telles l'existence d’une clause statutaire ou une délibération
| sociale. Surtout, l'article L. 221-16, al. 2 attache à juste titre la perte de la qualité d'associé
| à la survenance de l'incapacité (comparer avec la solution retenue à propos de l'article 1860
du Code civil, infra, n° 1206). En effet, du fait du jugement d'ouverture de la tutelle, l'inca-
| pable perd toute vocation commerciale et ne remplit plus les conditions exigées pour
associé de la SNC. Il perd donc automatiquement, dès que le jugement est devenu définitif,
être
|| autrement dit dès que les voies de recours sont épuisées, sa qualité d'associé et
que soit le sort de la SNC. . S
ceci, quel
En tout état de cause, la perte de la qualité d'associé n'est opposable aux tiers, spéciale-
| ment aux créanciers, qu'à compter de la publication du jugement d'ouverture
de la tutelle
(C. com. art. R. 123-46).
b) Mise sous tutelle d’un associé de SNC soumise à une procédure collective
.
Jusqu'à la loi du 26 juillet 2006 de sauvegarde des entreprises (V. supra,
n° 1118), la
question se posait de savoir si la procédure collective ouverte contre
la société pouvait ou
non être ouverte contre l'associé mis sous tutelle. La Cour de cassation
a répondu par l'affir-
mative dans les circonstances suivantes. Peu après la cessation des
paiements d'une SNC,
l'un des associés a été mis sous tutelle et a fait l'objet, parallèlem
ent à celle ouverte contre
la société, d'une procédure de liquidation judiciaire. Le gérant de
tutelle a fait appel du
Jugement en invoquant la perte de qualité de commerçant de l'associé.
Son argumentation
a été entendue par la cour d'appel : ayant perdu la qualité de commerça
nt du fait de sa mise
sous tutelle, les dispositions de l'article 178 de la loi du 25 janvier 1985
(C. com. art. L.624-1
ancien) ne lui étaient pas applicables, de sorte qu'une procédure
collective ne pouvait être
|
ouverte contre lui. La décision a été cassée pour violation de
la loi au motif que, si la mise
sous tutelle de l'associé en nom le prive juridiquement
de la capacité d'être commerçant, la
poursuite de son activité commerciale, nonobstant la mesure
d'incapacité prononcée à son
|
488
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
égard, le laisse justiciable des dispositions de l'article L. 178 (Cass. com., 8 déc. 1998 :
Bull. Joly 1999, p. 386, note P. Le Cannu. — V. aussi Cass. com., 28 nov. 2000 : Dr. sociétés
2001, n° 23, obs. Y. CHapur). Cette solution peut soulever deux objections.
D'abord, elle fait abstraction de l'article L. 221-16 du Code du commerce. Si la cessation
des paiements était intervenue avant la publication du jugement d'ouverture de la tutelle,
une procédure collective pouvait être ouverte contre l'intéressé dans la mesure où, dès avant
sa mise sous tutelle, l'ouverture de la procédure collective était fondée ; le débiteur était alors
représenté par son tuteur. Si la cessation des paiements intervenait en revanche après la
publication du jugement de tutelle, la perte de la qualité d'associé de l'incapable étant oppo-
sable aux tiers, il était impossible de lui appliquer l'article L. 624-1. Pour autant, il restait tenu
du passif existant au jour où il a perdu sa qualité d'associé (V. infra, n° 1146). -
Faut-il aller plus loin et déduire de la motivation adoptée par la Cour de cassation que le
majeur protégé pouvait faire l'objet d'une procédure collective en tant que commerçant de
fait ? Une telle solution est difficilement compatible avec la logique de-protection — et non
de sanction — qui sous-tend le droit des incapacités.
2. Est-il possible dans une SNC de cumuler les qualités d'associé
et de salarié ?
1130. — Est-il permis à l'associé d'une SNC d'être le salarié de celle-ci, quand le cumul
de la qualité de membre du groupement et d'un contrat de travail est autorisé à l'associé
d'une société à risque limité ?
À cette question, une décision de la cour d'appel de Paris a répondu par l'affirmative (CA
Paris, 4 nov. 2003 : BRDA 3/2004, n° 3; Dr. sociétés 2004, n° 217, obs. J. Monnet ; JCP E
2004, 1510, n° 5, obs. J.-J. Caussan, FI. DeBoissv et G. Wicker). Contre l'opinion la plus commu-
nément partagée, les juges parisiens ont admis que la qualité de salarié — reconnue par une
décision de justice définitive rendue en matière prud'homale par la même cour — n'interdisait
pas que soit reconnue à la même personne la qualité d’associé en nom. En l'espèce, le salarié
d'une SNC avait acquis deux parts de la société puis avait été désigné, le même jour, comme
co-gérant par une assemblée générale. La liquidation judiciaire de la SNC ayant été pronon-
cée, une procédure collective a-été ouverte contre l'associé (C. com. art. L. 624-1 anc.).
L'associé s'est alors prévalu de sa qualité de salarié pour faire annuler la cession des parts qui
avait déterminé l'acquisition de sa qualité d'associé en nom. C'est cette prétention que rejette
de la
ici la cour d'appel de Paris au motif que « la reconnaissance par une décision définitive
qualité de salariée (de l'appelant) ne rend ni caduque ni nulle l'acquisition de parts sociales,
aucun texte relatif aux sociétés en nom collectif n'interdisant le cumul des qualités d'associé
et de salarié d'une SNC ».
de
Cette dernière solution mérite l'approbation dans la mesure où, en l'espèce, l’activité
raison de
salarié ne se confondait pas avec celle d'associé. À bien y réfléchir, il n'y a aucune
ces deux
refuser à l'associé la qualité de salarié si l’activité développée au titre de chacune de
est tout à fait distincte. En effet, le problème n'est pas tant celui du cumul des
qualités
pour une même
qualités d'associé et de salarié que celui du cumul de ces deux qualités
n'est pas exercée
activité. Ainsi, la possibilité de cumuler est évidente lorsque l'activité salariée
lorsque
dans le cadre de la société dont l'intéressé est l'associé. Elle doit également s'imposer
distincte
l’activité salariée, tout en étant exercée dans la société, est néanmoins absolument
de l’activité développée en qualité d'associé.
de la qualité
Cette analyse conduit à relativiser les arguments invoqués contre le cumul
de salarié et de celle d’associé d’une société à risque illimité.
RER
sur une jurispru-
En premier lieu, l'interdiction d'un tel cumul est généralement fondée
de la chambre sociale de la Cour de cassation statuant en matière de sécurité sociale
dence
1961 : Bull. civ., Il, n° 43. — Cass. soc., 5 avr. 1974 : Bull. civ., V,
(Cass. 2° div, 18 janv. d'associé
sociale a effectivem ent estimé que la qualité
n° 220). À deux reprises, la chambre
prononcée dans des espèces
en nom était incompatible avec celle de salarié, mais elle s'est
En effet, à chaque fois,
qui conduisent à réduire très fortement la portée de ces décisions.
revendiqu ée consistait en l'exploitat ion d'une clientèle professionnelle, soit
l'activité salariée
soit commercia le — représenta tion commercia le -, attachée
civile — portefeuille d'assurance -,
la société, et à travers elle à
à la personne de l'associé ; or cette clientèle appartenait à
Autrement dit, dans les deux
l'associé, et son exploitation constituait l'objet de la société.
n'avait été conçue que comme le moyen, pour les coassociés, d'exercer en
cas, la société
lors, l'activité développé e par la société s'identifiant à l'activité
commun leur profession. Dès
aurait pu dans le même temps
professionnelle de l'associé, on voit mal comment cette activité
que le professionnel libéral
être exercée en qualité de salarié. Ainsi qui pourrait imaginer
RER
DR
RER
489
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
| exerçant en qualité d'associé d'une société civile professionnelle puisse se prétendre salarié
au titre de cette activité ? -
En second lieu, il est parfois affirmé que l'associé d'une société en nom collectif ne peut
conclure un contrat de travail avec la société au motif que la qualité de salarié est incompa-
tible avec celle de commerçant (Rép. Belcourt : JO Sénat 28 août 1990, p. 1840, n° 8730).
| Cet argument vaut ce que vaut la jurisprudence précédente. Il est tout à fait exact si l’activité
développée en qualité d'associé est celle-là même pour laquelle est invoquée la qualité de
salarié. Ainsi en est-il si l’activité de l'associé consiste en des prestations personnelles, distincte
de la simple gestion d'un fonds de commerce — autrement dit d’un bien commercial —, et
que cette activité se confond avec l'activité commerciale de la société ; par exemple, le cumul
des qualités se conçoit mal si l’activité professionnelle de l'associé, comme celle de la société,
est le courtage. Aussi bien le cumul des qualités d'associé et de salarié peut-il être envisagé
chaque fois que l'objet de la société ne se limite pas à la seule exploitation de la force de
| travail de l'associé, mais consiste en l'exploitation de biens.
En définitive, la possibilité ou l'interdiction de cumuler la qualité d'associé et celle de
| salarié ne dépend pas de la distinction des sociétés à risque limité et des sociétés à risque
| illimité mais de l'objet social. Le cumul de qualités doit être exclu lorsque la société a pour
l'objet l'exploitation de la force de travail de ses membres, autrement dit l'exploitation de
leur activité professionnelle. Ainsi en est-il des sociétés civiles professionnelles qui « ont pour
objet l'exercice en commun de la profession de leurs membres » (L. 29 nov. 1966, art 1, al. 2)
(V. infra, n° 1250), ou encore des GAËC qui « ont pour objet de permettre la réalisation d'un
travail en commun » (C. rur., art. L. 323-3, al. 1°) (V. infra, n° 1207). En revanche, le cumul
de qualités doit être admis dans tous les autres cas, sous réserve que la prestation de travail
ne se confonde pas avec l'exercice des prérogatives d’associé et qu'il existe un véritable lien
de subordination, lequel devrait être exclu chaque fois que l'associé est majoritaire.
Loi
Sous-section 3
8 1. — Le statut du gérant
A. - La désignation
1132. — Ce sont les associés qui désignent le ou les gérants soit
à l’unani-
mité, soit à la majorité prévue dans les statuts. Il n'existe guère
de règles
impératives en la matière et les statuts organisent la gestion
selon le bon vou-
loir des associés ; toutes les variantes sont possibles :
— On peut désigner un ou plusieurs gérants ;si les statuts n’ont
rien prévu,
tous les associés ont la qualité de gérant (C. com., art. L.
221-3, al. 1*);
— le gérant peut être un associé ou un tiers : quand dans
un groupe on crée
une SNC, c’est en général un cadre (non associé) soit
de la mère, soit de la
filiale, qui est désigné comme gérant (V. infra, n° 1495)
;
— le gérant peut être statutaire (son nom figure dans
les statuts) ou non
statutaire (son nom n’y figure pas) /
490
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
- le gérant peut être une personne physique ou une personne morale ; dans
ce dernier cas, les dirigeants de la personne morale gérante sont soumis aux
mêmes obligations et encourent les mêmes responsabilités civiles et pénales
que s'ils étaient gérants en leur nom propre, sans préjudice de la responsabi-
lité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent (C. com. art. L. 221-3, al2)9
— le gérant peut être français ou étranger ;
— dans le silence des textes, rien n’interdit à un gérant non associé d’être
titulaire d’un contrat de travail sous réserve que les fonctions salariées soient
effectives et qu'il soit dans un état de subordination à l'égard de la société
(V. supra, n° 1019 et s.) ; en revanche, le cumul est discuté lorsque le gérant
est associé au motif que les statuts de commerçant et de salarié seraient
incompatibles, ce qui semble discutable (V. supra, n° 1130).
Comme pour toute société, la désignation et ultérieurement la cessation
de fonction du gérant doivent faire l’objet d’une publication au registre du
commerce et des sociétés via le centre des formalités des entreprises (V. supra,
n® 190 et s.).
B. —- La révocation
491
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
492
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
|
La décision de révocation du gérant emportant dissolution de la société |
et la décision de continuer la société doivent-elles être concomitantes ? |
1138. — On sait que l'articleL. 221-12 du Code de commerce lie la dissolution de la |
|
société à la révocation du gérant lorsque tous les associés sont gérants ou lorsque le ou les
de
gérants associés sont désignés dans les statuts. Le texte prévoit également, en l'absence
clause statutaire de continuation, que les autres associés peuvent décider de cette continua-
tion à l'unanimité et que le gérant révoqué est alors en droit de se retirer de la société
la
(V. supra, n° 1133). Le fait que la décision de continuation de la société soit consécutive à
décision de révocation de gérant implique-t-il que les deux décisions doivent nécessairement
de |
être prises de façon concomitante au cours de la même assemblée ? C'est ce qu'a décidé
|
facon peu satisfaisante la Cour de cassation (Cass. com., 26 nov. 2003 : Dr. sociétés, 2-2004, l
AU cours
Î obs. J. Monner ; JCP E 2004, 601, n° 11, obs. J.-J. Caussan, F1. Degoissy et G. WickEr).
par !
d'une assemblée, le gérant associé statutaire d'une SNC a été révoqué de ses fonctions
réunis. |
une délibération des deux autres associés gérants. Ces derniers se sont à nouveau
de la société. Les
35 minutes plus tard pour décider entre eux, à l'unanimité, la continuation |
puis la Cour de cassation, ont estimé que la décision de continuation était
juges du fond,
la société avait été dissoute au moment de la décision de révocation. :
privée d'effet et que
continuer la société
Spécialement, relevant que les deux associés « avaient pris la décision de
(|) associé gérant a
lors d'une réunion qui s'est tenue après l'assemblée au cours de laquelle !
« compte tenu
été révoqué », la Cour de cassation approuve la cour d'appel d'avoir décidé, |
adoptée, que la société avait été dissoute à l'issue de l'assemblée des asso-
de la résolution
ciés ».
ion et le retrait —
L'article L. 221-12 envisage trois décisions — la révocation, la continuat |
Pour autant, le fait
qui découlent nécessairement et chronologiquement les unes des autres. |
soient concomitantes. Au
qu'elles soient consécutives n'imposent en aucune façon qu'elles
e de concomit ance ne peut être que relative en ce sens qu'elle ne peut
demeurant, l'exigenc |
décisions, ce qui est matériell ement impossible : elle corres-
s'entendre de la simultanéité des
nnent au cours d'une même
pond seulement à l'exigence que toutes les décisions intervie
apparaît extrêmement for-
assemblée. Or, ainsi entendue, cette exigence de concomitance
part, elle ne peut suffire à occulter l'existen ce d’un laps de temps, ou plus
melle. D'une
entre la décision de révocatio n, censée provoque r la dissolution, et
exactement d'un hiatus, ni l'esprit du texte
obstacle. D'autre part, ni la lettre
la décision de continuation, qui y fait
tion soient prises au cours de
n'imposent que la décision de révocation et celle de continua |
été posée à propos de la décision
la même assemblée. Une telle exigence n'a d'ailleurs jamais
493
LES SOCIÉTÉS À RISQUE !LLIMITÉ
Sous-section 4
494
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
495
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
part dans la dette selon la clé de répartition prévue dans les statuts (20). Dans
le silence des statuts, la contribution à la dette se détermine en proportion de
la part de chacun dans le capital social (C. civ., art. 1844-1, al. 1°).
1143. — S'agissant du passif fiscal propre à la société (TVA, taxe profession-
nelle, taxes sur les salaires...) la solidarité des associés joue à l'égard du
fisc (21). Elle ne joue pas en revanche pour les impôts dus par chaque associé à
raison de sa quote-part dans les bénéfices sociaux puisqu’une telle imposition
constitue une dette personnelle et non une dette sociale. Les coassociés ne
pourront donc pas être inquiétés si l’un des leurs ne paie pas l'impôt sur le
revenu dû à raison de sa quote-part de bénéfices dans la SNC.
1144. — Les parts sociales ne peuvent être représentées par des titres négo-
ciables qui circuleraient à la manière des actions ou des obligations (C. com.
art. L. 221-13); les droits de chacun résultent simplement des stipulations
contenues dans les statuts comme pour les SARL (V. supra, n° 1045). La ces-
sion des parts sociales doit être constatée par écrit (C. com., art. L. 221-14) ; il
s'agit d’une exigence de preuve et non d’une exigence de forme imposée à
peine de nullité (V. supra, n° 1060). S'il s’agit de biens communs, la cession
des parts sociales suppose, à peine de nullité, le consentement des deux époux
(C. civ., art. 1424).
496
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
compte tenu du passif social ; il sera prudent pour lui de se faire consentir
une clause de garantie de passif qui obligera le cédant à le couvrir de toute
apparition imprévue de passif, notamment celui qui pourrait découler d’une
vérification fiscale (V. supra, n° 738 et s.).
A. - Le droit à l'information
1148. — C’est la moindre des choses pour le souverain d'un État (puisque,
dit- on, les associés sont le peuple souverain) que d’être tenu au courant de
ce qui s’y passe. Les associés, organe souverain de la société, ont donc le droit
d'être informés. Dans les petites sociétés familiales, il n’y a pas en principe
de problème de communication, encore qu'il faille compter avec les querelles
de famille. Il n’est donc pas superflu d'évoquer dans les statuts ces modalités
d'information. La loi prévoit plusieurs prérogatives minimales, à partir des-
quelles il est possible de broder à sa guise :
_ Jes associés non gérants ont le droit de consulter sur place, deux fois par
an, tous les documents sociaux ; ils peuvent poser au gérant des questions
écrites, deux fois par an également (C. com. art. L. 221-8 et R. 221-8) ;
— les associés peuvent obtenir, dans les quinze jours qui précèdent l’assem-
blée annuelle, les comptes sociaux, le rapport de gestion, le rapport du
résolu-
commissaire aux comptes s’il existe (V. infra, n° 1153) et le texte des
asso-
tions ; pendant ce même délai, l'inventaire est tenu à la disposition des
ciés au siège social ; si ce droit de communi cation n’est pas scrupule usement
221-7) ; à
respecté, l'assemblée peut être annulée (C. com. art. L. 221-7 et R.
peut solliciter en référé une mesure
défaut d'obtenir ces documents, l'associé
sous astreinte ou la nominati on d’un mandatai re chargé
d’injonction judiciaire
de procéder à la communi cation (C. com., art. 15259"1):
B. —- Le droit de vote
d'une assemblée
1149. — Les décisions sont prises suite à un vote au sein
on que cette modalité
ou suite à la consultation écrite des associés, à conditi
soit pas deman-
soit prévue par les statuts et que la tenue d’une assemblée ne
497
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
dée par l’un des associés (C. com., art. L. 221-6). En tout état de cause, les
associés doivent se réunir au moins une fois l’an pour approuver les comptes
sociaux (C. com., art. L. 221-7). Ils peuvent évidemment se réunir plus sou-
vent, notamment s’il faut prendre une décision de politique générale : révo-
quer le gérant, modifier les statuts, statuer sur le départ d’un associé.
La loi est muette sur le cérémonial à respecter. Il est bon néanmoins, pour
éviter les chicanes, que les statuts prévoient certains détails pratiques concer-
nant notamment la représentation. La forme de convocation doit être prévue
dans les statuts ; il est prudent d’user de la lettre recommandée avec accusé
de réception afin de se ménager une preuve de la convocation. À la fin de :
chaque réunion, il doit être dressé un procès-verbal des décisions prises, avec
signature de tous les associés présents (C. com., art. R. 221-2). Les procès-
verbaux doivent être couchés sur un registre spécial, coté et paraphé (C. com.
art. R. 221-3). C’est la mémoire de la société, ce qui explique le formalisme
qui l'entoure.
Deux points importants doivent être signalés :
— chaque associé dispose d’une seule voix (un homme égal une voix) à
moins que les statuts ne prévoient le contraire (une voix par part sociale par
exemple) ;
— sauf stipulation contraire des statuts, les décisions sont prises à l’unanimi-
té ; c'est une règle contraignante, parfois paralysante ; c’est donc dans les sta-
tuts qu’il convient de moduler les majorités requises ; il convient cependant
de rappeler que la règle de l'unanimité est d'ordre public en ce qui concerne la
révocation du gérant associé statutaire (V. supra, n° 1133) et en ce qui concerne
l'agrément requis en cas de cession des parts sociales (V. supra, n° 1145).
498
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
=
Cession des parts d'une SNC : céder sans publier n'est pas céder
1152. - Tant que les formalités conditionnant l'opposabilité de la cession n'ont pas été
TEE
RON
solidai-
accomplies, le cédant garde à l'égard des tiers la qualité de commerçant :il reste tenu
(V. supra,
rement et indéfiniment du passif social, même né postérieurement à son départ
que possible à la
n° 1146). Le cédant a en conséquence intérêt à procéder aussi rapidement
sans se tromper sur le formalisme à respecter. interprétant l'ar-
publicité de la cession
la cession des
ticle L. 221-14 du Code de commerce à la lettre, les tribunaux estiment que
à assurer
parts ne peut pas être opposée aux créanciers tant que les formalités destinées
ent accomplies
l'opposabilité de la cession à la société et aux tiers n'ont pas été cumulativem
(V. supra, n° 1147).
la publicité au
Ainsi, le cédant reste tenu du passif social né après la cession tant que
t à la recette
registre du commerce et des sociétés n'a pas été effectuée, et non simplemen
même que les
des impôts (CA Versailles, 16 déc. 1999 : R/DA 2000, n° 280), et ceci, alors
ns de l'article 1690 du Code civil auraient été respectées. On ajoutera que le cédant
prescriptio
connaissance personnelle de
ne peut pas se dégager en soutenant que le créancier a eu une
1998 : Rev. sociétés 1998, p. 556, note Ph. Dinter). Pareille-
la cession (Cass. com., 27 janv.
commerce et des sociétés, le
ment, tant que la cession n'a pas été publiée au registre du
Code de commerce, aujour-
cédant pouvait, sur le fondement de l'ancien article L. 624-1 du
être mis personnel lement en redressem ent ou en liquidation judiciaires si la
d'hui abrogé,
(Cass. com., 10 déc. 1996 : JCP G 1997, II, 22886, note E. SAVATIR ;
société déposait le bilan
— CA Paris, 1% déc. 2000 : Bull. Joly
JCP E 1997, |, 676, n° 8, obs. À Vianoier et J.-J. CaussAN. respect d'une
au RCS suppose le
200, p. 451, note J.-M. BAHANS). Précisons que la publicité
formalité (C. com., art. L. 123-9 et R. 123-54) : dépôt de l'acte de cession en annexe
double vue d'avertir les
ve au RCS (en
(en vue d'avertir les tiers de la cession) et inscription modificati
tiers du retrait de l'associé).
une fois que la cession à été
Le cédant aurait toutefois tort de penser qu'il est quitte
effet, même si cette formalité a été
publiée au registre du commerce et des sociétés. En
créanciers tant que l'une des forma-
effectuée, la cession de parts demeure inopposable aux
1690 n'a pas été accompli e : significa tion à la société par huissier,
lités visées à l'article
ou encore dépôt d'un original au siège social. Ainsi un
acceptation dans un acte authentique
et la publicité de celle-ci au registre
cédant a découvert, trois ans après la cession des titres
pas opposable aux créanciers sociaux
du commerce et des sociétés, que la cession n'était
portée à la connaiss ance de la société dans les conditions prévues par
faute d’avoir été ne
E
a
NN
NN
T0
499
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
l’article 1690, ce qui a valu à l'ancien associé d'être mis en liquidation judiciaire sur le fonde-
ment de l'ancien article L. 624-1 du Code de commerce, aujourd'hui abrogé (Cass. com.
9 juin 1998 : Bull. Joly 1998, p. 1088, note P. LE Cannu). La solution, bien que conforme au
texte de l'article L. 221-14, est assurément sévère. Relevons qu’à propos d'une cession de
parts de société civile, une lecture moins rigoriste des textes a été retenue par la Troisième
chambre civile (V. infra, n° 1195).
Reste au malheureux cédant un ultime recours : se retourner contre son conseil juridique
en invoquant la négligence de ce dernier. Par exemple, dans une affaire où un conseil avait
omis d'effectuer les publicités relatives à la cession de parts sociales, le cédant, mis en redres-
sement judiciaire, a engagé une action en responsabilité contre son conseil, lequel a été
condamné à réparer l'entier préjudice subi par son client (Cass. civ., 25 mars 1991 : Liaisons
juridiques et fiscales, 19 avr. 1992). Dans une autre espèce, un expert-comptable avait refusé
de procéder aux formalités de publicité de la cession pour faire pression sur le cédant qui ne
lui réglait pas le montant de ses honoraires. Mal lui en a pris car il fut condamné à supporter
le passif mis à là charge de son client à la suite du redressement judiciaire de la SNC
| (Cass. 1° civ., 25 juin 1996 : Bull. Joly 1996, p. 1030, note P. LE CanNU). |
ES nt ne ane
on mt
Sous-section 5
Sous-section 6
500
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
Section 2
501
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
Sous-section 1
502
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
ment unanime des associés mais les statuts peuvent déroger à l'exigence d’un
agrément (C. com. art. L. 222-8). Comme dans la SNC, le gérant commandité
est révocable sur juste motif (25). Également, le décès du commandité met fin
à la société sauf décision contraire des statuts (C. com., art. L. 222-10). Le
décès du commanditaire n'empêche pas la société de continuer, les statuts
pouvant prévoir l'agrément des héritiers du défunt dans les mêmes conditions
qu'en cas de décès d’un associé en nom (V. supra, n° 1155).
1160. — Les reproches que l’on peut adresser à la commandite simple sont
faciles à deviner :
- la dualité d’associés est un facteur de complexité ;
— Ja position de commandité n’est pas plus enviable que celle d'associé en
nom : responsabilité illimitée et solidaire, statut fiscal et social peu enviable ;
_ la coexistence d’une double fiscalité (l'impôt sur le revenu pour les
commandités et l'impôt sur les sociétés pour les commanditaires) n’arrange
rien à l'affaire.
Une réflexion approfondie conduit pourtant à regretter le discrédit dont
souffre la société en commandite (26). Tout le monde reconnaît la dualité
d'âme des associés ; certains ont une âme d’entrepreneur (hommes d'action
et de risque) ; les autres ont une âme de « commanditaire » (ils ne souhaitent
engager qu’une partie de leur fortune). Seule la société en commandite, qu'elle
soit simple ou par actions, traduit exactement cette dualité d'aspiration.
Sous-section 2
8 1. —- Le portrait du commandité
503
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
capital des commanditaires est requise. Mieux, la survie de la société est sou-
vent liée à la personne des commandités. On a vu que le décès d’un comman-
dité entraîne en principe la dissolution de la société (V. supra, n° 1159). La
société est de même dissoute en cas de redressement judiciaire, de liquidation
judiciaire, d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou d’incapa-
cité frappant un commandité (C. com. art. L. 222-11). La société pourra échap-
per à la dissolution s'il existe plusieurs commandités et si la continuation de
la société a été prévue dans les statuts ou décidée à l'unanimité des associés.
8 2. - Le portrait du commanditaire
Section 3
LA SOCIÉTÉ CIVILE
1163. — On n’attache pas toujours aux sociétés civiles l'importance
qu’elles
méritent. Leur nombre est pourtant considérable puisqu'il s’agi
de
t la forme
sociale la plus utilisée : les sociétés civiles représentaient, au 30
décembre 2006
504
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
41,68 % des sociétés (V. supra, n° 12), les sociétés civiles immobilières de ges-
tion constituant près de la moitié de ce total (V. infra, n° 1166).
Les sociétés civiles présentent un caractère résiduel en ce sens que sont
civiles les sociétés qui ne sont commerciales ni en raison de leur forme ni en
raison de leur objet (V. supra, n° 231 et s.). Une société civile ne saurait exercer
une activité commerciale (V. supra, n° 234); elle ne saurait davantage être
associée d’une SNC puisqu'elle acquerrait aussitôt la qualité de commerçant.
De même, elle ne saurait avoir la qualité de commandité dans une société en
commandite.
Le régime des sociétés civiles a été modernisé par la loi du 4 janvier 1978
qui l’a rapproché de celui des sociétés commerciales ; il est défini aux
articles 1845 à 1870 du Code civil. À côté de la société civile de droit commun
réglementée dans le Code civil, il existe une multitude de sociétés spéciales
régies par des lois particulières, notamment dans le secteur libéral (V. infra,
n° 1248 et s.), le secteur agricole (V. infra, n° 1207) et le secteur immobilier
(V. infra, n° 1208).
Ses traits saillants sont ceux de toute société de personnes : intuitus personae,
responsabilité illimitée des associés et légèreté de structure.
Sous-section 1
1164. - On peut exercer dans le cadre d’une société civile une profession
de nature agricole ou de nature libérale. On signalera que les membres des
professions libérales et les agriculteurs ont également à leur disposition des
sociétés civiles, taillées sur mesure, qui sont moins légères et moins souples
que la société civile de droit commun (V. infra, n° 1207 et 1248 et s.).
505
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
sont à la mode, trop peut-être (27). Entre autres risques, il convient de prendre
garde à celui de fraude paulienne (V. supra, n° 182). x
On les utilise fréquemment dans le cadre familial comme support juridique
des propriétés immobilières (sur la question de savoir si une telle société
poursuit une activité économique, V. supra, n° 1115). Il n’est pas rare, pour
des raisons fiscales, que seule la nue-propriété de l’immeuble soit apportée à
la société (V. infra, n° 1169). Au besoin, on crée autant de sociétés que de types
d'immeubles ; on ne met pas dans le même « sac », c’est-à-dire dans la même
société, des immeubles aussi hétérogènes qu'une gentilhommière, un
domaine agricole, un immeuble de rapport ou de « rapports » (garçonnière:
ou nid d’amour...). On devine l’aisance de la gestion ultérieure. Au fond, la
mise en société vaut dématérialisation de l'immeuble désormais représenté
par des parts sociales ; et l’on va jouer avec ces parts, en les battant et en les
redistribuant, comme d’autres jouent aux cartes.
Le monde des affaires en fait autant. Quand on construit une usine, un
hôtel, une clinique, un supermarché, c’est généralement à une société civile
immobilière qu'est confiée la propriété des murs. Cela facilite les finance-
ments (ce ne sont pas nécessairement les mêmes investisseurs qui financent
la pierre et l'exploitation) ; les prix de revient sont clarifiés ; les transactions
ultérieures sont simplifiées (on n’est pas tenu de céder en même temps et
aux mêmes personnes les immeubles et l’entreprise). Quand c’est une même
personne (ou un même groupe) qui finance le tout, la dissociation des
immeubles et des actifs d'exploitation dans deux sociétés distinctes permet de
limiter les risques qu'elle encourt lorsque la société d'exploitation dépose le
bilan : le couple société civile immobilière-société d'exploitation n’a rien d’un
couple infernal (V. supra, n° 169).
506
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
sur beaucoup d'autres, ceux-ci ont donc tout intérêt à prévoir dans les statuts les règles de
fonctionnement de la société civile. En effet, sauf existence de règles particulières — par
exemple l'article L. 612-1 du Code de commerce applicable aux sociétés civiles d'une certaine
|
|
taille ayant une activité économique — et sauf exigence d'ordre fiscal — par exemple en cas |
d'option pour l'impôt sur les sociétés -, les sociétés civiles immobilières, faute d'avoir la
|
qualité de commerçant, ne sont pas soumises aux lourds impératifs de la comptabilité
|
|
commerciale (C. com. art. L. 123-12 et s.). Outre la possibilité pour tout associé d'obtenir,
|
au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux (C. civ.,
art. 1855), la seule obligation est édictée par l'article 1856 du Code civil selon lequel le gérant
doit, au moins une fois dans l'année, rendre compte de sa gestion aux associés dans un
rapport écrit indiquant les bénéfices réalisés ou prévisibles ainsi que les pertes encourues où
prévues (V. infra, n° 1202). Également, l'article 41 du décret du 3 juillet 1978 prévoit que, |
lorsque l'ordre du jour porte sur la reddition des comptes du gérant, le rapport du gérant |
doit être adressé aux associés (J.-P. Garçon, La comptabilité des sociétés civiles immobilières
de gestion : JCP N 1996, p. 1707).
Mais les associés seraient bien imprudents qui se contenteraient de ces vagues prescrip- |
tions légales. L'enjeu attaché à la tenue des comptes est en effet important. La comptabilité
RS |
est d'abord un indispensable outil d'information à l'intention des associés mais également
des tiers, à commencer par l'administration fiscale. Il est donc essentiel que puissent être
|
retracés avec précision le montant des avances en comptes courants, le montant des
emprunts, les mouvements de fonds entre la société et les associés, les acquisitions réalisées,
les revenus encaissés… Ensuite, le choix de telle ou telle règle comptable, par exemple la
décision d’amortir ou non les immeubles, est déterminante quant au calcul du résultat comp- |
table, et partant du résuitat distribuable. Ajoutons encore que l'absence de tenue des comp-
tes sociaux est un indice fréquemment retenu par les juges pour conclure à la fictivité de la
|
i
société. C'est dire s'il est important que les associés fixent dans les statuts la façon dont les |
comptes doivent être établis par le gérant et qu'ils vérifient régulièrement la bonne tenue de
ceux-ci. ||
C'est ce que les associés avait pris la précaution de faire dans l'affaire suivante
(Cass. 3° civ., 24 sept. 2003 : JCPE 2004, 29, n° 8, obs. J.-J. CAUSSAIN, FI. Desoissy et G. WACKER).
Les statuts de deux sociétés civiles immobilières stipulaient qu'il serait établi chaque année
un inventaire contenant l'indication de l'actif et du passif de la société, un compte de profits |
et de pertes ainsi qu'un bilan. Or le gérant n'ayant tenu aucune comptabilité depuis l'origine
et s'étant limité à établir les déclarations fiscales, l’un des associés a demandé en justice
sa |
|
révocation pour cause légitime en se fondant sur l'article 1851, al. 2, du Code civil. La Cour
de cassation a estimé sans surprise que le non-respect des prescriptions statutaires relatives
du
à la tenue des comptes constituait une cause légitime autorisant la révocation en justice
qui
gérant sans indemnité (V. infra, n°1179). Également, la violation des statuts est une faute
pourrait autoriser, en cas de préjudice, la mise en œuvre de la responsabilité civile du
gérant
|
(V. infra, n°1182).
Toutefois, quand bien même les statuts seraient muets, les associés ne sont pas dépourvus
|
de tout moyen pour avoir accès, voire reconstituer Si besoin est, les comptes de la
société. |
En témoigne ainsi un arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 février 2003 (CA
Paris, 12 févr. |
afin d'examiner les
Se
REC 2003 : /CP N 2003, 1525, note J.-P. Garçon). Mandaté par un associé
constaté que
documents de gestion d’une société civile immobilière, un expert financier avait
l'évolution
les renseignements fournis « ne permettaient pas de connaître, suivre et apprécier
de ses deux participatio ns dans les SCI ». L'associé a alors sollicité en référé la désignation |
d'un administrateur ad hoc chargé de vérifier l'existence des comptes tout
en réclamant, en |
tant que de besoin, que ceux-ci soient établis par expert. La cour d'appel
de Paris a fait droit |
||
art. 145) (V. supra,
à la demande en prononçant une mesure d'instruction in futurum (NCPC,
n° 407).
2. Apporter la nue-propriété d'un immeuble à une SCI
|
puis donner les parts :
est-ce un cas d'abus de droit ?
||
leur patrimoine immobi-
1169. — Des personnes soucieuses de transmettre à titre gratuit
donation des immeubles
lier tout en s'assurant la jouissance des biens peuvent consentir une
ation successorale est toutefois
avec réserve d'usufruit. Cette technique classique d'anticip
en pratique pour des raisons fiscales. Afin d'évaluer la valeur de la nue-
souvent écartée
propriété pour le calcul des droits de donation, il convient en effet d'utiliser le barème fiscal
fait logiquement dépendre
applicable en matière de droits de mutation à titre gratuit. Celui-ci
er est âgé, plus la valeur de
la valeur de l’usufruit de l'âge de l'usufruitier : plus l'usufruiti
|
507
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
l'usufruit décroît. Or ce barème, parce qu'il n'avait pas été modifié depuis le début du
xx siècle afin de tenir compte de l'allongement de l'espérance de vie, a longtemps conduit
à une surévaluation de la valeur de la nue-propriété par rapport à sa valeur économique
réelle. Aussi, lorsque la technique d'anticipation successorale repose sur un démembrement
de propriété, la pratique a-t-elle multiplié les montages en vue d'écarter son application. La
loi de finances pour 2004 à heureusement actualisé le barème (CGI, art. 669). Ceci devrait
pour l'avenir ruiner une partie de l'intérêt fiscal de ces montages, ce qui n’est pas un mal.
Toujours est-il que l’un des plus fréquents consiste pour les parents à apporter la nue-
propriété d'un immeuble à une SCI pour consentir ensuite une donation-partage des titres
aux enfants. L'économie fiscale est manifeste puisque les droits de donation sont calculés sur
la valeur des parts sociales, laquelle dépend du montant de l'actif net de la société. La société
ayant à son actif la seule nue-propriété de l'immeuble, la valeur des parts est déterminée en
fonction de la valeur économique de celle-ci. Ainsi, le recours à la technique sociétaire à la
place d'une donation directe de la nue-propriété de l'immeuble permet d'éviter l'application
du barème fiscal. Au décès des usufruitiers, la pleine propriété des parts est reconstituée sur
la tête de la SCI sans supplément de droits (CGI, art. 1133).
Le montage, dont la promotion a été largement assurée en doctrine, a connu un vif
succès. La réaction de l'administration fiscale ne s'est pas fait attendre et nombreux ont été
les redressements opérés sur le fondement de l'abus de droit (V. supra, n° 183 et s.), soit
que l'administration invoque la fictivité de la SCI, soit qu’elle se prévale du but exclusivement
fiscal de l'opération. Dans un arrêt exemplaire, la cour d'appel de Paris a écarté le grief d'abus
de droit au motif que l'opération présentait « un intérêt patrimonial au sens de la conserva-
tion du bien dans le patrimoine familial, comme cela était d’ailleurs expressément prévu dans
les statuts de la SCI ». En effet « la société deviendra propriétaire de l'immeuble au décès des
usufruitiers, ce qui place le bien dans un cadre juridique précis et organisé et évite les inconvé-
nients résultant des aléas de l’indivision » (CA Paris, 7 mars 2002 : Dr. fisc. 2002, n° 38,
comm. 713; RTD com. 1/2003, p. 186, obs. FI. Desorssy). Cette analyse a été confirmée par
la Cour de cassation : en l'espèce l'opération avait permis aux parents, gérants de la société
et titulaire d'une minorité de blocage, de transmettre à leurs enfants une partie de leurs biens
dont ils conservaient les revenus, la transmission des parts permettant un partage équitable
entre les descendants tout en évitant les difficultés inhérentes à un partage de biens de
nature différente (Cass. com., 3 oct. 2006 : Dr. fisc. 2007, 302, note P. FerNoUX). Autrement
dit, pour réaliser l'opération projetée, à savoir transmettre de façon anticipée et à titre gratuit
un immeuble tout en se ménageant un droit d'usage et de jouissance, les contribuables
disposent de deux techniques juridiques : la donation directe de la nue-propriété où l'apport
à une SCI de la ñue-propriété de l'immeuble suivi d'une donation des titres. Ces deux tech-
niques n'aboutissent pas à une même situation juridique puisque, dans le second cas,
à
l'extinction de l'usufruit, le bien est détenu par la SCI, ce qui évite toute indivision entre
les
donataires. Entre ces deux techniques, les contribuables sont en droit de choisir celle qui
est
fiscalement la plus avantageuse. Reste que l'appréciation se fait au cas par cas.
Ainsi, dans
le cas d'une donation à un enfant unique n'ayant pas encore d'enfant, le risque
d'indivision
est pour le moins hypothétique, et l'on doit approuver la Cour de cassation
d’avoir estimé
que la preuve d'une préoccupation autre que fiscale n'avait pas en l'espèce
été rapportée
(Cass. com., 16 nov. 2004 : JCP E 2005, 278, note H. Hovasse). Par ailleurs,
le risque lié à la
fictivité de la société ne doit pas être sous-estimé : parmi toutes les SCI
aujourd’hui créées
dans un seul souci d'optimisation fiscale, combien en est-il qui, dans la durée,
fonctionnent
réellement et respectent les règles du jeu sociétaire et comptable ?
3. Les déboires fiscaux de l'associé minoritaire d'une
SCI
1170. — La SCI est à la mode : pourtant, ce n'est pas toujours le paradis
juridique et fiscal
dont rêvent certains comme le montre l'histoire édifiante que voici.
M. Grivot s'associe avec
M. Denis dans le cadre d'une SCI, le premier souscrivant le quart
du capital et le second les
trois-quarts. M. Denis, en sa double qualité de majoritaire et
de gérant, est le véritable maître
de l'affaire et il en abuse. |! consent, moyennant un loyer anormale
ment bas, un bail au profit
de la SARL Résidence du Château de Bellefontaine dans laquelle
il doit avoir quelque intérêt.
M. Girod contre-attaque en saisissant les tribunaux judiciaire
s. La cour d'appel de Paris,
dans une décision du 9 mars 1989, reconnaît M. Denis coupable
de faute de gestioet n
d'abus de majorité; elle le condamne à verser à la SCI
une indemnité d'un montant de
1 300 000 F. Usant de ses prérogatives de gérant et cherchan
t sans doute à contrarier les
espérances de son coassocié, M. Denis place cette somme en
SICAV.
ms
508
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
3
- 1
Un malheur ne venant jamais seul, la SCI est l'objet d’une vérification fiscale. L'administra-
tion rehausse le résultat imposable de la SCI du montant de l'indemnité de 1 300 000 F et
notifie à M. Girod un redressement portant sur le quart de cette somme. Celui-ci saisit cette
fois les tribunaux de l'ordre administratif mais sans succès (CE, 21 févr. 2003 : RJF 5/2003, !
n° 575). Les deux arguments qu'il a avancés n'ont pas été retenus, à savoir le caractère |
indemnitaire de la somme versée à la SCI et l'absence de disponibilité du revenu. |
M. Girod estime d'abord que la somme allouée à la SCI sur la base d’une faute de gestion |
et d'un abus de majorité a pour objet la réparation d'un préjudice et n'a donc pas la nature |
d'un revenu imposable. Il lui fut répondu que le juge de l'impôt n'est pas lié par les qualifica- |
tions du juge judiciaire ; les sommes en cause ayant pour objet de compenser une insuffisance |
de loyers ont la nature de revenus fonciers imposables. = |
Le deuxième argument avait encore moins de chance de prospérer ;dans une société de |
personnes semi-transparente, le revenu est imposable dès qu'il est réalisé quelle que soit son
affectation : mise en réserve ou distribution (V. supra, n° 65). Et voilà comment un associé |
victime d'un abus de majorité est en fin de compte récompensé par un supplément d'impôt |
à payer. |
à
Sous-section 2
1171. - Comme pour les SNC, on insistera sur l'importance des statuts
(V. supra, n° 1128). Les règles impératives figurant dans le Code civil sont en
effet peu nombreuses, ce qui laisse une large place à l'initiative des associés.
On distinguera entre les conditions de fond et les conditions de forme.
509
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
sociétés civiles constituées avant 1978, bien que non immatriculées, ont pu
conserver leur personnalité morale (L. 4 janv. 1978, art. 4). Cette disposition a
été abrogée par la Loi NRE du 15 mai 2001 : les sociétés civiles qui n'ont pas
procédé à leur immatriculation au 1% novembre 2002 ont perdu leur personna-
lité morale à cette date, ce qui suscite de redoutables difficultés juridiques et
fiscales (V. infra, n° 1175).
2. Conséquences de la non-immatriculation
au 1° novembre 2002 des sociétés civiles anciennes
1175. — Estimant que la dispense d'immatriculation des sociétés civiles
favorisait le blan-
Chiment d'argent, le législateur décida, dans la loi NRE du 15 mai
2001, d'abroger le régime
dérogatoire concédé par la loi de 1978 aux sociétés civiles pour
les soumettre à la règle
Commune subordonnant la jouissance de la personnalité morale
à la formalité de l'immatricu-
lation (V. supra, n° 1173). Aussi, à compter du 1% novembre
2002, les sociétés civiles
anciennes dont il n'a pas été procédé à l'immatriculation ont perdu
le bénéfice de leur person-
nalité morale (FI. Degoissy et G. Wicker, Conséquences juridiques
et fiscales du défaut d’imma-
triculation des sociétés civiles anciennes au 1° novembre 2002
: JCP E 2002, 1465. — Sociétés
civiles non immatriculées au 1° novembre 2002 : Analyse juridique
et fiscale de la perte de
la personnalité morale et d'une immatriculation subséquente
: JCP E 2004, 383). :
Ar
510
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
Plutôt qu'en une dissolution, cette réduction doit s'analyser en une transformation de ces
sociétés en sociétés en participation à objet civil, la personnalité morale n'étant pas un élé-
ment du contrat de société (Rép. min. justice n° 1074 à M Lévy : JOAN Q, 21 oct. 2002,
p. 3759). Dans les rapports avec les tiers, cette transformation a pour conséquence d'entrai-
ner la substitution d'une indivision au patrimoine social. Il convient, en effet, de préciser que
les biens indivis ne sont indivis que dans les rapports des associés avec les tiers (V. infra,
n° 1219). À l'égard des associés, ils demeurent soumis à l'affectation réalisée par le contrat
de société : en d'autres termes, ils demeurent des biens sociaux. Par conséquent, lors de la
perte de personnalité morale consécutive au défaut d'immatriculation de la société civile, le
mode d'appropriation des biens à l'égard des associés n'a pas été modifié. Juridiquement
comme fiscalement, pour ce qui concerne les associés, il n'y a pas eu transfert de la propriété
des biens d'une société à une indivision. D'un point de vue fiscal, il serait logique d'en déduire
qu'aucune plus-value n'est imposable de ce chef. Pour le reste, la transformation, qui n'em-
porte pas création d'un être moral nouveau, ne produit des conséquences fiscales que si elle
est l’occasion, soit d’un changement d'activité réelle ou d'objet social, soit d'un changement
de régime fiscal (V. supra, n° 432). Elle sera plus ou moins indolore selon que les associés
choisiront ou non de se révéler à l'administration fiscale. En effet, si les noms et adresses des
associés ne sont pas révélés à l'administration fiscale, la société en participation est soumise
de plein droit à l'impôt sur les sociétés (V. infra, n° 1226 et s.).
Lorsque la date butoir du 1° novembre 2002 n'a pas été respectée, reste-t-il possible de
procéder à l‘immatriculation de l'ancienne saciété civile devenue une société en participa-
tion 2 Deux hypothèses sont en fait à distinguer. De façon certaine, depuis le 1° novembre
2002, il est exclu que puisse jouer le régime allégé de régularisation posé par la loi NRE pour
l'immatriculation des sociétés civiles anciennes. Désormais, les sociétés civiles non immatricu-
lées étant devenues des sociétés en participation, leur immatriculation ne correspond plus à
une opération de régularisation mais à une transformation de la société. Cela signifie par
conséquent que le gérant, ayant perdu sa qualité de représentant légal d'une société civile
dotée de la personnalité morale, se trouve aujourd'hui dépourvu de tout pouvoir propre pour
procéder à cette immatriculation. C'est ce qu'a exactement jugé la cour d'appel de Paris en
confirmant l'ordonnance ayant rejeté une demande d'immatriculation présentée, le
7 novembre 2002, au nom de la SCI, par le gérant agissant ès qualité (CA Paris, 3° ch. C,
13 mai 2003 : Bull. Joly 2003, p. 1067, note J.-P. GARÇON).
Reste donc seule désormais la possibilité pour les anciennes sociétés civiles devenues des
sociétés en participation de procéder à leur immatriculation selon les règles de droit commun.
(Circ. 26 déc.
La Chancellerie comme le ministère de l'Économie et des Finances l'ont admis
2003,
2002, BO min. Justice, n° 88. - Rép. min. justice n° 9579 à M. Pau : JOAN Q, 3 mars
— V. égale-
p. 1644. — Instr. 29 juill. 2003 : BO/4 H-4-03. — Instr. 6 juin 2005 ; BOI 10 D-2-05.
juridictions du
ment, Avis du CCRCS n° 03-29, Bull. RCS 21-22/2003, p. 49), ainsi que des
et G. WICKER,
fond (CA Dijon, 18 mars 2003 : JCP E 2003, 1203, obs. J.-J. CAUSSAIN, Fl. Desoissy
de la société
n° 7). Cette immatriculation correspond alors, à rebours, à une transformation
premier temps,
en participation en une société civile. Elle suppose par conséquent, dans un
une mise à
une décision unanime des associés et, en pratique, le plus souvent également
d'unanimité résulte de l'article 1836, al. 2 qui subordonne à
jour des statuts. L'exigence
ce qui est à l'évi-
l'accord unanime des associés toute augmentation de leurs engagements,
les engager à l'égard
dence le cas de l'immatriculation qui attribue au gérant le pouvoir de
tiers. Dans un second temps, là demande d'immatricul ation doit être présentée au nom
des
éventuellem ent par le gérant, et comprendre notamment un procès-
de tous les associés,
qu'a visé la cour
verbal constatant leur accord unanime. C'est semble-t-il cette exigence
du greffe l'im-
d'appel de Paris en relevant qu'il n'était justifié d'aucune demande sollicitant D. 2003,
matriculation en cause comme société en participation (CA Paris, 7 oct. 2003:
G. WiCKER).
p. 2639 ; JCP E 2004, 29, n° 7, obs. J.-J. CAUSSAIN, FI. Desorssy et
morale, il n'en résulte,
De la même facon qu'au moment de la perte de la personnalité
patrimoine social puisque les
entre les associés, aucun transfert d'un patrimoine indivis à un logique-
plus-value ne devrait donc
biens étaient et sont demeurés des biens sociaux. AUCUNE
ment être imposée à cette occasion du fait d’un prétendu transfert de propriété.
511
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
Sous-section 3
512
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
8 1. — Le statut du gérant
A. - La désignation
1178. — Voici l'essentiel de la réglementation (C. civ., art. 1846) :
- le gérant peut être un associé ou un tiers ; à la limite, tous les associés
peuvent être désignés comme gérants ;
— ce peut être une personne physique ou une personne morale ; dans cette
dernière hypothèse, les dirigeants de la personne morale gérante encourent la
même responsabilité civile et pénale que s’ils étaient gérants à titre personnel
(C. civ., art. 1847);
— ce peut être un Français ou un étranger ;
— le gérant non associé peut être titulaire d’un contrat de travail (V. supra,
n° 1432);
— Je gérant peut être désigné dans les statuts ou par une décision ultérieure
des associés ; la désignation par acte ultérieur a lieu à la majorité des associés,
sauf si les statuts prévoient une autre règle (l’unanimité par exemple).
1179. — Sauf clause contraire dans les statuts ou dans la décision de nomi-
nation, les gérants sont réputés nommés pour la durée de la société (@xeiv
art. 1846, al. 4).
Les règles entourant la révocation du gérant sont posées par l'article 1851
du Code civil :
— le gérant est révocable à la majorité des associés, sauf clause contraire ; il
est également révocable en justice pour cause légitime, à la demande de tout
associé (pour un exemple, V. supra, n° 1168) ;
_ il a droit à des dommages-intérêts s’il est révoqué sans juste motif mais
cette règle est supplétive de volonté en sorte qu'une clause statutaire peut
valablement écarter toute indemnisation alors même que la révocation n'est
pas fondée sur un motif légitime (29) ; le gérant peut aussi obtenir des dom-
la
mages et intérêts en invoquant les circonstances abusives ou injurieuses de
du contradic toire
révocation ou en invoquant le non-respect du principe
(V. supra, n° 538 et s.) ;
sauf
_ Ja révocation du gérant n’entraîne pas la dissolution de la société,
clause contraire des statuts.
513
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
n° 1114), d’où l'importance de bien délimiter ce dernier (V. infra, n° 1181) ; les
clauses statutaires limitant ses pouvoirs sont inopposables aux tiers, quand
bien même ceux-ci seraient de mauvaise foi (C. civ., art. 1849) (V. supra,
n°276)
— s’il existe plusieurs gérants, chacun engage la société de la même façon ;
l'opposition formée par un gérant est sans effet à l'égard des tiers, sauf s’il
est établi qu'ils en ont eu connaissance; les clauses statutaires répartissant
leurs pouvoirs sont inopposables aux tiers (V. supra, n° 1026).
1181. - Le gérant peut-il vendre l'immeuble constituant l'unique actif
d’une SCI ?
514
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
Sous-section 4
515
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
516
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
L'article 1858 du Code civil exige des créanciers sociaux qu'ils poursuivent
préalablement et vainement la société civile avant de se retourner contre les
associés. Le contentieux est abondant et tout est d’affaire d'espèce. Il convient
de distinguer selon que la société civile fait ou non l’objet d'une procédure
collective.
a) La société civile ne fait pas l'objet d'une procédure collective
Faute que les exigences probatoires posées par le texte aient été respectées,
n'ont pas été analysés comme une vaine poursuite :
- l'envoi de simples commandements de payer, car il ne s'agit pas de
mesures d'exécution; leur défaut de suite n'autorise donc pas le créancier à
s'adresser aux associés (Cass. 3° civ., 23 avr. 1992 : Rev. sociétés 1992, p. 763,
note B. SAINTOURENS) ;
— pour la même raison, une mise en demeure restée infructueuse
(Cass. 3° civ., 3 juill. 1996 : Bull. Joly 1996, p. 1043, note E. DEREU) ;
Je simple fait pour le créancier d’avoir vainement tenté de retrouver la
société (Cass. 3° civ., 8 oct. 1997 : Bull. Joly 1997, p. 1076, note C. PRIETO) ;
- inscription sur les biens de la société d’une hypothèque de second rang
et la production d’une correspondance faisant apparaître l'inscription d'une
hypothèque de premier rang sur les mêmes biens, ces seuls motifs étant
impropres à établir que les poursuites diligentées préalablement contre la
société étaient, du fait de l'insuffisance du patrimoine social, privées de toute
efficacité (Cass. com., 20 nov. 2001 : D. affaires 2001, p. 3624) ;
_ insuffisance du prix d’adjudication à l'issue d'une procédure de saisie
immobilière, quand il n’a pas été démontré que toute autre poursuite aurait été
privée d'efficacité du fait de l'insuffisance du patrimoine social (Cass. 5° civ.,
6 juill. 2005 : Bull. Joly 2006, 8 18, p. 110, note J.-P. GARÇON).
b) La société civile fait l’objet d'une procédure collective
Parce que les associés sont tenus personnellement du passif social à
eux,
l'égard du créancier social, seul ce dernier peut agir en paiement contre
à l'exclusio n du représenta nt des créanciers ou du liquidateu r, sous réserve
qu'il ait déclaré sa créance et qu'il ait vainement et préalablement poursuivi
la société (Cass. com., 24 janv. 2006 : Rev. sociétés 2006, p. 410, note J.-F. BAR-
BIÈRI).
des
T'ouverture de la procédure collective ne suffit pas à établir la vanité
s du créancier permette nt d'établir
poursuites. Toutefois, lorsque les diligence
d'attendre la
l'insuffisance du patrimoine social, ce dernier n’est pas tenu
com., 6 déc. 2005 : Dr. sociétés mars
clôture de la procédure collective (Cass.
2002, p. 271,
2006, n° 38, obs. J.-P. Legros. - CA Paris, 9 nov. 2001 : Bull. Joly
aux fins de saisie resté infructueux, procès-
note E. DEREU : commandement
es hypo-
verbal de carence, état hypothécaire faisant mention de nombreus re
le créancier peut alors poursuiv
thèques…). S'il rapporte une telle preuve,
sans avoir à subir les lenteurs de la procédur e collective
les associés et
n° 10, obs. A. VIANDIER
(Cass. com., 18 janv. 1994 : JCP E 1994, IL, 363,
J.-J. CAUSSAN) .
re, la déclara-
En revanche, lorsque la société est mise en liquidation judiciai la vaine
au passif de la procéd ure collecti ve suffit à établir
tion de la créance A. LIENHAR D).
: D. 2007, p. 1414, obs.
poursuite (Cass. ch. mixte, 18 mai 2007
517
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
518
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
de nullité (V. supra, n° 1060). Pour qu'elle produise ses pleins effets, encore
faut-il qu’elle soit opposable à tous, ce qui implique le respect des formalités
suivantes (C. civ., art. 1865) :
— l’opposabilité à la société implique que la cession soit officiellement notifiée
à la société soit par transfert sur les registres de la société, si les statuts le
stipulent, soit par l’une des formes visées à l’article 1690 du Code civil : signi-
fication par huissier ou acceptation par acte authentique (36) ; notons que, à
la différence de la règle prévue pour les cessions de parts de SNC ou de SARL
(V. supra, n° 1147), la signification ne peut pas être remplacée par le dépôt
d’un original de l'acte de cession au siège social ;
— l'opposabilité aux tiers résulte, comme dans la SNC (V. supra, n° 1152), à la
fois de l’accomplissement des formalités destinées à rendre la cession oppo-
sable à la société et de la publicité faite au registre du commerce et des
sociétés (V. supra, n° 1195) ; cette publicité est accomplie par dépôt en annexe
de deux copies authentiques de l'acte de cession, s’il est notarié, ou de deux
originaux s’il est sous seing privé (D. 3 juill. 1978, art. 52) (37) ;
— l'opposabilité au fisc passe par l'enregistrement de l'acte, ce qui s'accom-
pagne du paiement du droit de 5 % à la charge du cessionnaire (V. supra,
n° 44 et s.).
Le cédant reste tenu du passif social existant au jour de son départ
(V. supra, n° 1146), mais non de celui qui apparaîtrait ultérieurement (Gr av.
art. 1857).
1195. - Où l’on voit la Cour de cassation refuser au cessionnaire tout effet
d’aubaine.
L'opposabilité d’une cession de parts aux tiers suppose qu’aient été accom-
plies, d’une part, les formalités destinées à rendre la cession opposable à la
société et, d'autre part, les formalités de publicité au registre du commerce et
des sociétés (V. supra, n° 1194). A défaut, le cédant, parce qu'il ne peut pas
opposer la cession de parts aux créanciers sociaux, reste obligé aux dettes
sociales (V. en matière de SNC, supra, n° 1152). Faut-il en déduire que le ces-
sionnaire peut se mettre à l'abri de toute poursuite des créanciers sociaux en
arguant du défaut d’accomplissement des formalités légales de publicité ? C'est
ce qu'a opportunément refusé la Cour de cassation dans l'espèce suivante
LucAS).
(Cass. 3° civ., 25 avr. 2007 : Dr. sociétés, juin 2007, n° 111, obs. E.-X.
L’associé d’une SCI prétendait échapper à une action en paiement intentée par
un créancier social au motif que l'acquisition de ses parts, intervenue plusieurs
années auparavant, n'avait pas été signifiée à la société et que l'acte de cession
n'avait pas été déposé au RCS. La Cour de cassation a refusé de faire droit à
cette argumentation en relevant que les statuts avaient été mis à jour pour
indiquer la qualité d’associé du cessionnaire, qu'ils avaient fait l’objet d'un
dépôt au greffe du tribunal de grande instance et que l'extrait K bis mentionnait
société.
le nom du nouvel associé, lequel avait ensuite été nommé gérant de la
for-
Le formalisme a un sens, ce qui condamne toute interprétation purement
de publicité : le cessionnaire ne pouvait en l'espèce nier sa
melle des règles
qualité d’associé et l'obligation aux dettes sociales qui en résultait.
519
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
520
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
Le droit des sociétés fait volontiers référence à la notion de juste motif. Ainsi,
lorsque le renvoi des dirigeants qui ne sont pas révocables ad nutum est décidé
sans juste motif, il peut donner lieu à des dommages-intérêts (V. supra, n° 1030).
Les associés peuvent de même provoquer la dissolution judiciaire de la société
pour juste motif (V. supra, n° 450). Enfin, le retrait de l'associé d’une société
civile peut être autorisé pour juste motif par une décision de justice.
Le juste motif peut s'évincer de facteurs objectifs (prise en compte de l'intérêt
social comme en matière de révocation) ou d’une analyse subjective (prise en
compte de la situation personnelle de l'intéressé). En matière de retrait, c'est la
conception subjective, liée à la situation personnelle de l'associé, qui l'a emporté
(Cass. civ., 27 févr. 1985 : Rev. sociétés 1985, p. 620, note M. JEANTIN). Dans cette
affaire, une société civile exploitant un domaine agricole comprenait comme
associés un frère et ses deux sœurs ; l’une d'elles vivait dans l’indigence; la
société ne lui rapportait que 1 000 F de dividendes, alors que les parts sociales
en sa possession avaient été évaluées par expert à plus d’un million de francs ;
elle ne survivait que grâce aux subsides que lui versaient son frère et sa sœur.
Cherchant à récupérer la valeur en capital de ses droits, elle demandait la disso-
lution de la société. Sa requête fut rejetée parce que la mésentente entre les
associés ne mettait pas en péril l'existence de la société (V. supra, n° 450 et s.).
La demande de retrait fut en revanche acceptée en raison de son état d’indi-
gence. Selon la Cour de cassation, « l’article 1869 du Code civil n'interdit pas
au juge de retenir comme justes motifs permettant d'autoriser le retrait d’un
associé des éléments touchant à la situation personnelle de celui-ci ».
Il a de même été jugé que l’état de santé de l’adhérent d'un GAEC (V. infra,
n° 1207) justifiait son retrait (CA Limoges, 12 sept. 1994 : Dr. sociétés 1995, n° 56,
obs. D. VipaL). La même solution a été admise à l'égard des associés âgés d'une
société civile gérant des aménagements sportifs (CA Paris, 10 mai TOO IC PE
1995, I, 505, n° 1, obs. A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN).
La mésentente est parfois retenue comme juste motif de retrait : divorce de
deux époux associés dans la même société (CA Paris, 22 sept. 1995 : RJDA 1995,
n° 1383), dénonciation d’un des associés, avocat, au bâtonnier alors que la
plainte n’a pas eu de suite (CA Versailles, 31 janv. 2001 : Petites affiches 2001,
n° 193, p. 18, note D. GIBIRILA).
Mais, en tout état de cause, la simple convenance personnelle ne saurait
sociétés août/
constituer un juste motif de retrait (Cass. com., 8 mars 2005 : Dr.
sept. 2005, n° 154, obs. F.-X. Lucas).
521
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
A. - Le droit à l'information
1202. — L'information des associés est assurée de la façon suivante :
— au moins une fois l’an, droit d'obtenir communication des livres et des
documents sociaux et droit de poser des questions écrites au gérant ; les sta-
tuts peuvent prévoir que ces droits peuvent être exercés selon un rythme plus
fréquent (C. civ., art. 1855);
— droit de prendre connaissance du rapport de gestion que le gérant doit
établir par écrit à la clôture de chaque exercice (C. civ., art. 1856) (40); ce
rapport doit rendre compte de l’activité de la société au cours de l’année ou
de l'exercice écoulé et indiquer les bénéfices réalisés ou prévisibles ainsi que
les pertes encourues ou prévues (sur les obligations comptables du gérant de
SCI, V. supra, n° 1168).
B. —- Le droit de vote
1203. — Les règles applicables sont, à quelques réserves près, comparables
à celles qui ont été exposées à propos des SNC (V. supra, n° 1149) :
— par principe, chaque associé ne dispose que d’une seule voix, mais les
statuts peuvent attribuer une voix à chaque part sociale ;
— les décisions sont adoptées à l’unanimité, sauf si les statuts prévoient
d’autres règles de majorité (C. civ., art. 1852) ; les statuts peuvent également
prévoir des règles de quorum (41) :
— les décisions se prennent soit dans le cadre d’une assemblée générale,
soit
selon la procédure de la consultation écrite si les statuts le prévoient (C. civ.,
art. 1853 ; D. 3 juill. 1978, art. 42), soit encore dans un acte signé
par tous les
associés (C. civ., art. 1854; D. 3 juill. 1978, art. 46) ; l'adoption d’une
telle
décision suppose que le consentement des associés soit exprimé dans
un acte
(V. infra, n° 1259).
522
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
1205. — Il suffit de renvoyer à ce qui a été dit à propos des SNC, tant pour
les aspects juridiques (V. supra, n° 1150), que pour les aspects fiscaux à cette
réserve près que les bénéfices sont, en fonction de l'activité de la société,
imposés entre les mains des associés dans la catégorie des revenus fonciers,
des revenus de capitaux mobiliers, des bénéfices agricoles ou des bénéfices
non commerciaux (V. supra, n° 1151).
Sous-section 5
523
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
NN
"1
524
LES SOCIÉTÉS IMMATRICULÉES
qui constitue une société civile de droit commun (V. supra, n° 1166), s'ajoutent cinq sociétés
civiles à statut particulier qui présentent la caractéristique fiscale d'échapper à l'impôt sur les
sociétés.
a) Les sociétés civiles de construction-vente
Les sociétés civiles de construction-vente sont l'instrument favori des promoteurs qui lan-
cent un nouveau programme immobilier ; ils créent généralement une société par pro-
gramme. Elles sont civiles par la vertu de l'article L. 110-1 du Code de commerce qui prévoit
de facon expresse que ne constitue pas un acte de commerce l'achat d'un immeuble lorsque
l'acquéreur (sous-entendu le promoteur) a agi « en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments
et de les vendre en bloc où par locaux » (CCH, art. L. 211-1 à L. 211-4; CGI, art. 239 ter).
Lorsque tous les appartements sont vendus, il ne reste qu'à dissoudre la société, puisqu'elle
a entièrement réalisé l'objet pour lequel elle avait été constituée (V. supra, n° 443). Sur le
plan fiscal, elles sont qualifiées de semi-transparentes (V. supra, n° 72).
b) Les sociétés civiles d'attribution
Il s'agit de sociétés de copropriété dans lesquelles l'acquisition de droits sociaux donne
droit à la jouissance d'un appartement ou d'un lot quelconque. L'associé est donc coproprié-
taire par société interposée (CCH, art. L. 212-1 à L. 212-13; CGI, art. 1655 ter). Sur le plan
fiscal, ces sociétés sont censées n'avoir pas la personnalité morale et les associés sont traités
sue de simples copropriétaires ; d'où l'image de pleine transparence fiscale (V. supra,
he /2).
c) Les sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé
On les appelle parfois, en usant d'une marque déposée, les sociétés de multipropriété où
encore de pluripropriété (L. n° 86-18, 6 janv. 1986). Elles confèrent à leurs associés la jouis-
sance d’un lot donné (studio, appartement), pendant une période déterminée (1*au 15 janv.
15 août au 15 sept.). Les multipropriétaires sont propriétaires de parts sociales et non d'une
fraction d'immeuble : ainsi ils ne peuvent pas recourir à l'hypothèque et ils cèdent — parfois
avec difficulté —- une part sociale et non un immeuble. Pour éviter ce dernier inconvénient,
certains groupes spécialisés organisent des échanges. Comme les sociétés civiles d'attribution,
elles bénéficient sur le plan fiscal de la pleine transparence fiscale (V. supra, n° 72).
d) Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI)
Ce sont des monstres juridiques dont l'objet est identique à celui des sociétés immobilières
qui
de gestion (V. supra, n° 1166) et dont les revenus sont constitués par des loyers, mais
opèrent à la manière des sociétés par actions faisant appel à l'épargne publique (C. monét.
.
fin. art. L. 214-50 et s.). Leurs parts sont émises dans le public;on parle de pierre-papier
fausses sociétés civiles et de fausses sociétés de personnes ; elles fonction-
Ces SCPI sont de
nent comme de vraies SA et sont notamment soumises à une surveillance étroite de la part
de l'AMF du fait de l'appel public à l'épargne; la présence d'un commissaire aux comptes
se
est également obligatoire (V. supra, n° 799) (CGI, art. 239 septies). Elles devront à l'avenir
transformer en OPCI.
e) Les organismes de placement collectif immobilier (OPCI)
fonction-
I s'agit de sociétés d'investissement prenant la forme de sociétés de capitaux,
sur le modèle des SiCAV (société d'investiss ement à capital variable), à cette différence
nant
portefeuille d'im-
près qu'elles gèrent non un portefeuille de valeurs mobilières mais un
à la surveillance
meubles. Ces sociétés opèrent à la manière des SCPI et sont donc soumises
être soumises à
de l'AMF. Sur le plan fiscal, elles sont dites translucides; elles devraient
distribuent sont
l'impôt sur les sociétés, mais elles en sont exonérées : les bénéfices qu'elles
le régime des revenus fonciers comme les SCPI, mais selon celui des
imposés, non selon
fiscale des sociétés de
dividendes : c'est ce qui fait la différence entre la semi-transparence
(V. supra, n° 72).
personnes et la translucidité fiscale des sociétés d'investissement
mt np pironhtétéstn) tt hi ab RS
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525
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Chapitre 3
LES SOCIÉTÉS
NON IMMATRICULÉES
1209. — Ce sont de drôles de sociétés, fuyantes, informes..., des sociétés à
qui il manque un attribut essentiel ; on n'ose pas dire des sociétés émasculées,
car certaines ne manquent pas de virilité. Seulement, elles ne sont pas imma-
en
triculées. Il existe deux catégories de sociétés non immatriculées, la société
participation et la société créée de fait. Au 1° janvier 2004, l'INSEE répertoriait
82 611 sociétés non immatriculées en cumulant les indivisions, les sociétés
créées de fait et les sociétés en participation, soit 3,40 % du total des sociétés
(V. supra, n° 12). Ont seuls été prises en compte dans ces statistiques les grou-
beau-
pements déclarés à l'INSEE. Autant dire que ces sociétés sont en réalité
coup plus nombreuses.
cause ;
La société en participation est une société créée en connaissance de
des partenai res en présenc e qui, après avoir
elle résulte d'un choix délibéré
contre, déciden t de leur volonté express e de se réunir au
pesé le pour et le
créée de fait ;
sein d’une société non immatriculée. Rien de tel dans la société
deux) œuvrent
quelques personnes (le plus souvent elles ne sont que
intentio n et sans se soucier autreme nt de la
ensemble sans formaliser leur nce
ue de leur collabor ation ; elles n’ont pas conscie
qualification juridiq ement
ent, général
d'avoir créé une société ad hoc. Ce n’est qu'ultérieurem
res ne se sont
parce qu’il y a crise ou litige, que l’on recherchera si les partenai
. Le plus souvent, « la société créée de fait
pas comportés comme des associés
correspond au degré zéro de la conscie nce sociétai re » (1).
(elle n’est invo-
On le voit, la société créée de fait est tournée vers le passé
la société en partici pation est tour-
quée que pour liquider le passé), alors que
pation se meut en généra l dans un cadre
née vers l'avenir. La société en partici
souven t consig né par écrit ; la société créée de fait
défini à l'avance, le plus
baigne dans l’informel (2).
de fait procèdent de
La société en participation et la société créée
de l’autre . Leur distin ction présente toutefois
démarches fort différentes l’une
527
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
peu d'importance dans la mesure où la loi les soumet aux mêmes règles, tant
juridiques que fiscales (V. infra, n° 1233).
Section 1
LA SOCIÉTÉ EN PARTICIPATION
Sous-section 1
528
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
8 2. - L'utilisation pratique
A. - La coopération interentreprises
exemples les
1214. — C’est vraisemblablement là que se rencontrent les
Pour leurs actions
plus fréquents d'utilisation de la société en participation. : filiales
que l'embar ras du choix
communes les entreprises n’ont d’ailleurs
p. 38.
(4) Cass. com., 7 janv. 1994 : Rev. sociétés 1995,
peut être mise en redressement ou liquidation judi-
(5) Une société créée de fait, non immatriculée, ne
re collectiv e ne pouvant être ouverte qu'à l'encontre de chaque associé régulièrement
ciaire, une procédu com., 23 nov. 2004 : Dr.
assigné : Cass. com, 11 févr. 2004 : JCP E 2005, 623, note D. GiBlRILA. — Cass. -
Hauoun, Les sociétés non immatriculées face au redresse
Sociétés, févr. 2005, n° 29, obs. J.-P. LEGROS. - J.-CI.
ment et à la liquidation judiciaires : ICP E 1989, |, 15416.
e
note F.-X. Lucas. — Se rend en conséquence coupabl
(6) Cass. 1° civ., 14 janv. 2003 : JCP E 2003, 763, 20 mai
conservant pour lui le gros lot (Cass. crim.,
d'un abus de confiance celui qui trompe les autres en
B. BouLoc).
1985 : RTD com. 1986, p. 292, obs. J. Hémarp et
529
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
communes, SAS, GIE, accords contractuels les plus divers (V. infra, n° 1442
et s.) (7).
La société en participation est largement utilisée dans les domaines sui-
vants : réalisation de gros travaux de construction, fournitures d'usines « clés
en main», coproduction cinématographique ou autre (8), coédition d’un
roman (9), répartition des charges entre sociétés d’un même groupe, pacte
d'actionnaires (10)... C'est également l’une des formes possibles de collabora-
tion entre professionnels libéraux (V. infra, n° 1261). Le recours à la société en
participation est enfin fréquent en cas de coopération internationale (pour
l'exemple d’Eurotunnel, V. infra, n° 1448). :
530
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
1217. — Dans les opérations hautement spéculatives, il n'est pas rare que
l’on rencontre l'association d’un entrepreneur qui apporte son industrie, c'est-
à-dire son talent, et un commanditaire qui apporte sa finance. On retrouve
ainsi la distinction entre les associés « actifs », qui apportent leur travail, et
les associés « passifs », qui apportent leur argent (V. supra, n° 133). Parfois on
préfère une formule moins voyante. On apprend ainsi que dans le monde du
« show-business » (ou du « sport business ») le lancement d'une vedette est
souvent financé par des personnes qui préfèrent garder l'anonymat ; elles ver-
sent des capitaux à l’impresario, lequel est gérant de la participation. les
profits (si profits il y a) sont ensuite partagés selon une clé de répartition
convenue à l’avance. Mais ce mode de financement d’une opération à risque
ne serait-il pas simplement un prêt rémunéré par une participation aux béné-
fices ? Les deux situations ont des points communs :
_ dans les deux cas, chacun apporte quelque chose, sa finance pour l'un,
son « industrie » pour l’autre ;
_ dans les deux cas, il y a partage des gains, mais aussi des pertes; si
l'affaire tourne au désastre, le commanditaire non seulement n'aura perçu
aucun revenu, mais en outre aura perdu son capital.
C’est finalement l’affectio societatis qui permet de départager les deux quali-
fications de société et de prêt. S'il y a collaboration réelle, si le commanditaire
le
intervient dans la marche de l’affaire, cette participation à la gestion est
le
révélateur de l'existence de la société du même nom (12). Si, à l'inverse,
reste en
financier n’a aucun droit de regard sur la marche de l’entreprise, s’il
pas dans la
dehors en qualité de spectateur (même attentif), s’il ne s’immisce
gestion, mais se contente d'attendre la reddition des comptes, il a une âme de
prêteur, mais non d’associé.
Sous-section 2
LA CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ
EN PARTICIPATION
um puisque la
1218. - Les conditions de forme sont réduites au minim même
ion d’un écrit,
société en participation n'est pas immatriculée. La rédact
tre des société s verbales), est tout de
si elle n’est pas indispensable (on rencon
de précau tion. La liberté est la règle et les
même une mesure élémentaire
n° 2, obs. F.-G. TRÉBULLE : requalification d'un contrat
(12) Cass. com., 24 sept. 2003 : Dr. sociétés 2004,
ation au motif que le prêteur a effectué des apports de fonds à une société,
de prêt en société en particip
de frais, traité directem ent l'achat de marchandises, disposé d'une carte
réglé des factures, fait l'avance
et utilisé des cartes avec l'en-tête de la société sous la dénomination
bancaire à son nom délivrée à la société
de sales manager.
531
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
associés aménagent leur société comme ils l’entendent sous réserve de ne pas
déroger aux dispositions impératives du droit des sociétés (C. civ., art. 1871,
al. 2).
1219. — S'agissant des conditions de fond, la société en participation doit
comporter au moins deux associés ; il peut s'agir de personnes physiques ou
de personnes morales.
La société en participation peut avoir un objet civil ou commercial.
Comme dans toute société, les associés doivent faire un apport. La pratique
révèle que les apports en industrie sont fréquents dans les sociétés en partici-
pation. Pour le reste — apports en numéraire et apports en nature — il faut
distinguer la situation des biens à l'égard des tiers et entre les associés (C. civ.,
art. 1872). En effet si la société en participation est dépourvue de tout patri-
moine susceptible d'être opposé aux tiers en raison de son absence de person-
nalité morale, il n’en est pas moins nécessaire d'organiser le statut patrimonial
des biens qui lui sont apportés ou qui proviennent de son activité (V. supra,
n°21212).
Le patrimoine de la société n'ayant d'existence que dans les rapports entre
associés, la propriété des biens à l'égard des tiers peut être organisée selon
trois modalités :
— chaque associé reste propriétaire des biens qu’il met à la disposition de
la société ;
— la propriété des biens peut être rattachée à la personne d’un associé, le
plus souvent le gérant ;
— les associés peuvent convenir de mettre en indivision certains biens : par
ailleurs, la loi répute indivis deux types de biens, ceux qui se trouvaient indi-
vis avant d’être mis à la disposition de la société et ceux acquis par emploi
ou remploi de fonds indivis pendant la durée de la société ; dans les rapports
avec les tiers, ces biens sont soumis aux règles de gestion de l’indivision,
légale ou conventionnelle (C. civ., art. 1872-1, al. 4); ainsi la technique de
l'indivision permet de constituer un substitut de patrimoine opposable aux
tiers (V. infra, n° 1220).
Dans les rapports entre associés, la propriété des biens sociaux comme les
pouvoirs sur ceux-ci doivent être réglés à partir de l’idée qu'ils composent le
patrimoine de la société, quoique ce patrimoine n'ait pas d'existence pour les
tiers. Même si cette propriété sociale n’est pas opposable aux tiers, l'apport
à
la société en participation est, dans les rapports entre associés, translatif
de
propriété (13). ,
Les participants doivent avoir vocation aux bénéfices et
aux pertes. La
répartition qui n’est pas nécessairement égalitaire, sous réserve de
la prohibi-
tion des clauses léonines (V. supra, n° 138), est effectuée confor
mément aux
clauses des statuts. À défaut, conformément au droit commun
, elle est propor-
tionnelle au montant des apports de chacun.
532
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
Sous-section 3
LE FONCTIONNEMENT DE LA SOCIÉTÉ
EN PARTICIPATION
533
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
Il faut ajouter que, comme tous les associés, les participants bénéficient
d’un droit à information et peuvent participer aux affaires sociales. La société
en participation étant une société fermée, l'accord unanime des autres associés
est en principe nécessaire avant toute cession de parts sociales mais, là encore,
des aménagements statutaires sont possibles.
534
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
Sous-section 4
535
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
Sous-section 5
Les sociétés en participation sont discrètes par nature. C'est souvent à l’occa-
sion d’un contentieux, qu'il soit juridique ou fiscal, que leur existence
apparaît
au grand jour. C'est ainsi qu’en parcourant les gazettes spécialisées
on apprend
les déboires fiscaux survenus à Annie Girardot.
Annie Girardot constitue en 1982 avec la Société nouvelle du Casino
de Paris
et deux autres personnes physiques une société en participation
dénommée
« Revue et corrigée » qui a pour objet la production d’un spectacl
e de même
nom. Hélas ! le spectacle est un fiasco et les pertes ne sont pas symboliq
ues. La
comédienne impute sa quote-part du déficit sur ses autres revenus
imposables
comme cela se pratique dans les sociétés de personnes relevant
de l'impôt sur
le revenu (V. supra, n° 66). L'administration, à la suite d’un contrôle,
rejette
cette imputation et lui notifie un sévère supplément d'impôt sur
le revenu. Au
contentieux, les juges d'appel confirment la validité du redress
ement opéré
536
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
(CAA Paris 17 avr. 2001 : Dr. fisc. 2002, n° 8, comm. 141, note E. DESMORIEUX ;
RJF 10/2001, n° 1258).
S'agissant des sociétés en participation, l’article 206-4 du CGI précise que
l'impôt sur les sociétés s'applique aux associés « dont les noms et adresses n'ont
pas été indiqués à l'administration ». Or, en l'espèce, l'existence de la société
en participation n’a pas été portée à la connaissance de l'administration. La
société relève donc d'office de l'IS, ce qui interdit la remontée des pertes sur
les revenus personnels des associés (V. supra, n° 71).
Il n'y a pas que les artistes à se tromper dans le mode d'emploi ; de grands
groupes se font également épingler. Ainsi, la société Gervais Danone avait créé
avec certains de ses distributeurs une société en participation dont les résultats
se révélèrent déficitaires. L'imputation des pertes sur les bénéfices des associés
fut rejetée pour cause de clandestinité (CE 21 avr. 2000 : Bull. Joly 2000, p. 745,
note E. DesmorŒux ; RTD com. 2000, p. 1036, obs. F1. Dregorssy. — V. aussi, CE,
29 janv. 2003 : Bull. Joly 2003, p. 697, note E. DESMORIEUX).
Un gérant avisé se doit donc d'indiquer à l'administration l'existence de la
société en participation de même que les noms et adresses de chacun des asso-
ciés. Il a le choix entre les deux procédés suivants :
— soit soumettre l’acte de société à la formalité de l'enregistrement ; on rap-
pellera qu'elle est effectuée gratuitement ;
— soit notifier à l'administration les noms et adresses des associés avant l'ex-
piration du délai de déclaration des résultats du premier exercice.
1. La convention de croupier
1229. — || s'agit d'une clause curieuse, entourée de mystère, par laquelle un associé s'en-
tend avec un tiers afin de partager avec lui les bénéfices et les pertes résultant de sa qualité
d'associé ; étymologiquement, le cavalier fait bloc avec un tiers qu'il hisse sur la croupe de
son cheval. La clause, parfois appelée la croupe, est en principe secrète : elle ne produit
aucun effet, ni vis-à-vis de la société, ni vis-à-vis des tiers. Pour la « galerie », l'associé officiel
continue de parader ;dans le secret, on règle les comptes selon les termes de la convention.
La convention de croupier présente surtout un intérêt dans les SNC (V. supra, n° 1145) mais
on la rencontre également dans d'autres sociétés (pour un exemple concernant deux sociétés
Mar-
anonymes d'expertise comptable, CA Paris, 23 mai 1989 : /CP E 1990, 21575, note M.
TEAU-PETIT).
Une convention qui organiserait un partage des droits politiques (droits de vote) serait
D. RAN-
entachée de nullité (T. com., Paris, 12 mars 1979 : Rev. sociétés 1980, p. 283, note
est en
poux). La licéité de la clause opérant transfert de tout ou partie des droits pécuniaires
revanche admise en vertu du principe de la liberté contractuelle. Même si sa nature juridique
une société
reste controversée, la convention de croupier est généralement analysée comme
et, Sur
en participation (CA Paris, 4 avr. 1997 : Bull. Joly 1997, p. 670, note J.-J. DAIGRE
En tout
pourvoi, Cass. com., 15 déc. 1998 : Rev. sociétés 1999, p. 350, note D. Ranvoux).
de simulation
état de cause, la licéité de principe de la clause est susceptible de céder en cas
ne doit pas en
ou de fraude. Certes, l'associé qui cède tout ou partie de ses droits financiers
Pour autant,
principe être regardé comme un prête-nom agissant pour le compte du croupier.
en titre est en réalité un homme de paille à la solde du croupier, la convention de
si l'associé
à l'interposition de
croupier se verra appliquer, en cas de fraude, les sanctions attachées
n° 167). Également,
personne, à savoir l'inopposabilité ou la nullité de la convention (V. supra,
Par exemple, une
la convention de croupier ne doit pas revêtir un caractère frauduleux.
frauduleusement
convention de croupier ne pourrait être un substitut destiné à contourner
le refus d'agrément d'un cessionnaire .
dépend du point de
. Quelles sont les incidences de cette clause sur le terrain fiscal ? Tout
fiscaux. Si la
savoir si la convention à été ou non portée à la connaissance des services
Le
PO
537
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
convention est restée occulte, elle ne saurait être utilement opposée au fisc, par exemple
pour combattre une accusation d'acte anormal de gestion (CE, 20 mai 1985 : R/F 1985, n° 7,
p. 522 et 548). En revanche, l'administration fiscale accepte de tenir compte de la convention
de croupier lorsque la société en participation ainsi créée lui a été révélée. Ainsi, un parlemen-
taire exposait que deux actionnaires avaient conclu avec une tierce personne une telle conven-
tion aux termes de laquelle ils s'obligeaient à verser au croupier une partie des bénéfices
distribués par la SA ; il s'interrogeait sur le sort de l'avoir fiscal attaché aux dividendes mis en
paiement ; le ministre lui a répondu que la convention de croupier dûment enregistrée et
dénoncée à l'administration s'analysait comme une société en participation ; en conséquence
de quoi, chacun des participants devait être imposé à raison de la quote-part de dividendes
qui lui était allouée en bénéficiant de l'avoir fiscal correspondant JOAN, 24 nov. 1986,
p. 4367). Outre l'enregistrement de la convention de croupier, il est possible de porter la
société en participation à la connaissance de l'administration en indiquant à celle-ci les noms
et adresses des participants (CGI, art. 8 et 206-4).
538
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
révélatrice de l'existence d’une société. Autrement dit, l'exploitation dynamique des biens
traduirait l'existence d'un affectio societatis propre à caractériser l'existence d'une société là
où la gestion prudente et statique des biens révélerait une âme de copropriétaires. Entre
autres critiques, l’objection la plus forte qui peut être opposée à cette analyse est de reposer
sur une analyse singulièrement incomplète et réductrice de l'indivision. Dès lors que la loi
admet le maintien de l'indivision, la collaboration des indivisaires et le partage des bénéfices
provenant des biens indivis, il faut admettre que l'indivision puisse reposer sur la seule inten-
tion lucrative de ses membres, même s'il en résulte une concurrence avec la société.
Le Conseil d'État se fonde pour sa part sur les éléments objectifs du contrat de société.
L'exploitation d'une entreprise indivise doit être requalifiée en société lorsqu'elle réunit les
trois éléments suivants : « des apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes,
là participation de celles-ci à la direction et au contrôle de l'affaire ainsi qu'aux bénéfices
et aux pertes » (par exemple, CE, 13 mars 1998, préc.). Il convient donc de vérifier si
ces trois éléments sont réunis. Cette jurisprudence aboutissant à une requalification systéma-
tique de l'indivision en société créée de fait lorsque sont démontrés des apports, une partici-
pation à la direction et au contrôle de l'affaire ainsi qu'une participation aux bénéfices et aux
pertes, apparaît critiquable. Parce qu'ils participent tous de la nature ou du régime de l'indivi-
sion, aucun de ces éléments ne saurait justifier la requalification de celle-ci en société.
La distinction de l'indivision et de la société est donc classiquement conçue en terme
d'opposition : les deux qualifications seraient alternatives en ce sens que seule l’une d'elles
serait susceptible de s'appliquer à une situation juridique donnée. Par conséquent, les deux
notions étant données a priori pour être exclusives l’une de l'autre, et donc dépourvues de
tout domaine commun, tout choix de qualification se trouve exclu, ce qui se traduit par
l'adoption d’un critère de distinction qui s'impose à tous, et spécialement aux membres du
groupement. Ceux-ci, à la différence de la liberté de choix qui leur est reconnue entre les
diverses formes de sociétés, se voient refuser toute option entre les qualifications d'indivision
où de société. En réalité, loin de s‘exclure, les qualifications de société et d’indivision sont
concurrentes dans la mesure où il existe, pour ce qui concerne l'exploitation collective de
biens indivis, un domaine commun aux deux institutions qui autorise les parties à exercer un
choix entre les deux qualifications, étant précisé que la qualification de société créée de fait
est en principe subsidiaire (V. infra, n° 1235). Ce choix, qui peut être opéré selon des considé-
rations fiscales, doit être opposable tant à l'administration fiscale qu'au juge (V. M. Cozian,
L'imposition des bénéfices et des plus-values dans le cadre de l'entreprise indivise : BF Francis
Lefebvre 4-2007, p. 263, spéc. n° 18).
3. Le « syndicat d’étalon » : convention d'indivision
ou société en participation ?
réduit
1231. — Après une brillante carrière sur les champs de course, le cheval n'est pas
renommée le
du jour au lendemain à une retraite inactive et encore moins infructueuse. Sa
de tels sommets
destine à une seconde carrière de « reproducteur ». Le prix des saillies atteint
de
— par exemple 35 000 € pour une saillie de Dalakhani, fils du célèbre Darshaan, propriété
l’Aga Kahn — que les éleveurs, au moment de ce que l’on appelle la « syndica-
son Altesse
dudit étalon ;
tion » de l'étalon, se réunissent au sein d’un « syndicat » pour fäire l'acquisition
de saillies qu'un
ils sont généralement une quarantaine, ce qui correspond à la quarantaine
membre du
étalon au mieux de sa forme est capable de fournir en une année. Chaque
a droit à une saillie qu'il utilise pour couvrir ses propres pouliches ou qu'il met en
syndicat
vente s'il n'en a pas l’usage personnel.
du monde des
Le syndicat est dirigé par un gérant qui est une personnalité reconnue
Si l’étalon s'avère
courses: il lui est accordé honoris causa, une ou deux saillies gratuites.
tire au sort ceux
incapable de remplir son « contrat » des quarante saillies annuelles, on
seront sacrifiés. S'il est au contraire particuliè rement valeureux, les saillies
des membres qui
membres.
supplémentaires sont mises en vente et le prix en est réparti entre les
de qualification.
Le syndicat d'étalon pose au juriste (et au fiscaliste) un épineux problème
d'ouvriers ou d'em-
Le terme ne doit pas faire illusion ; on est loin du syndicat professionnel
un syndicat de placement
ployeurs; il évoque plutôt un syndicat de copropriété ou encore
supra, n° 1216). Après cette éliminatio n, l'hésitation est possible
constitué entre banquiers (V.
Selon la jurisprudence, il
entre la convention d'indivision et la société en participation.
de rechercher quelle a été la
convient, pour déterminer la nature juridique de la convention,
intention des parties au vu de l’ensembl e des clauses des statuts. Le partage entre
commune
est donc opéré à partir de l'analyse de la volonté des parties (pour une
_ les deux qualifications 1997 (Bull. Joly
1230). Dans un arrêt du 18 novembre
critique de cette approche, V. supra, n°
539
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
1998, p. 145 ; RTD com. 1998, p. 710, obs. FI. Desoissv), la Cour de cassation a retenu la
qualification de société en participation après s'être attachée à la recherche de la commune
intention des parties ; rejetant la qualification d'indivision, les juges ont estimé que la cession
des parts du syndicat s'apparentait en l'espèce à une cession de titres sociaux soumise au
droit de 4,80 % [aujourd'hui 5 %] là où la cession de droits indivis aurait supporté un simple
droit fixe de 500 francs [aujourd'hui 125 €. - Add, J.-J. Daicre, L'étalon au prétoire ou des
saillies comme critère de la société en participation : Bull. Joly 1998, p. 99. — H. ABerkANE,
L'étalon, la société en participation et la convention d’indivision : Mél. A. Breton et F. Derrida,
Dalloz, 1991, p. 11ets. .
NT SAN
540
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
Section 2
Sous-section 1
1234. — La preuve de l'existence d’une société créée de fait peut être appor-
tée par tous moyens (C. civ., art. 1871 et 1873). Pour le reste, il faut distinguer
selon que cette preuve est rapportée par un associé ou par un tiers.
1235. — Celui qui se prétend membre d’une société créée de fait (le plus
souvent pour profiter de sa liquidation) doit rapporter la preuve de l'existence
la
de la société. Il lui faut établir que les différents éléments constitutifs de
participa tion aux gains et aux
société sont réunis : apports, affectio societatis,
pertes.
de
S'agissant des apports, on notera la fréquence des apports en industrie
et leur force de
la part des associés qui ne peuvent offrir que leur temps
nes notamme nt) ; ce n'est certes
travail (l'apport des épouses et des concubi
541
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
pas du capital au sens juridique, mais c’est une valeur qui a son poids et qui
est créatrice de richesse. MR at :
L'affectio societatis s'induit d’une participation effective à la direction et à la
marche de l'affaire; certes, il n'y a pas eu de déclaration en bonne et due
forme (pas de « Je t'aime » ni de « Nous nous marions ») ; plus prosaïquement,
c'est un partage quotidien, sur le tas, des soucis de l'œuvre commune.
La participation aux gains est éclatante lorsque la société de fait procure
l'essentiel, voire la totalité des ressources des partenaires. La participation
aux pertes est moins voyante, mais tout de même présente ; en période de
vaches maigres, il faut «se serrer la ceinture ». Mais ici encore, cela se voit
plus que ça ne se compte ; la comptabilité de la société est très souvent à
l’image de la comptabilité du ménage ; elle se réduit à une caisse commune ;
et quand on tient des comptes plus élaborés, c'est généralement pour satisfaire
aux exigences du fisc et non à celles du droit des sociétés.
Si les parties ont clairement défini dans un contrat le cadre de leurs rela-
tions, elles ne sauraient s’en évader en appelant à la théorie de la société
créée de fait;celle-ci n’est qu'un instrument subsidiaire, qui n’a d'utilité et
d'efficacité que si les relations entre les parties ne ressortissent pas à un
ensemble contractuel parfaitement défini et réel, voire d’une véritable société
de droit ; ce caractère de subsidiarité est un gage de sécurité juridique (24).
1236. — Il n’est pas rare qu’un tiers, par exemple un créancier, cherche à
prouver l'existence d’une société créée de fait. Au lieu de bénéficier d’une
action contre le seul débiteur initial, le créancier pourra, grâce à la qualifica-
tion de société créée de fait, poursuivre, du moins lorsque certaines conditions
sont remplies, chacun des associés (V. infra, n° 1244). Encore faut-il prouver
l'existence de la société créée de fait. Pareille exigence risquait d’être insur-
montable à l'égard des tiers ; aussi bien la Cour de cassation les autorise-t-
elle à invoquer la simple apparence d’une société créée de fait. L'assouplisse-
ment est conséquent puisque « l'apparence d’une société créée de fait s'appré-
cie globalement, indépendamment de l'existence apparente de chacun de ses
éléments » (25). La personne qui crée à l'égard d’un tiers l'apparence d’une
société dont elle serait l’un des associés est tenue de l'obligation envers
ce
tiers (26).
S'agissant de l'administration fiscale, la Cour de cassation a jugé qu'elle ne
pouvait invoquer l'apparence d’une société créée de fait (27). Cette dernière
doit donc rapporter la preuve de l’ensemble des éléments constitutifs
de la
société; il existe en la matière un contentieux foisonnant. Le
Conseil d’État
est moins sévère : il autorise parfois le fisc à invoquer l'apparence
d’une
société créée de fait (28).
542
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
Sous-section 2
543
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
revanche considéré que la preuve d’une société créée de fait n'était pas rapportée,
celle-ci ne pouvant
résulter de la seule cohabitation, même prolongée, entre les concubins et de leur
participation aux dépenses
de la vie commune, Cass. com., 9 oct. 2001 : Bull. Joly 2002, p. 275, obs. P.
ScHouer. — Dans le même sens,
CA Paris, 12 sept. 2002 : D. 2003, somm. p. 1940, obs. J.-J. LemouLAND :
la seule cohabitation prolongée de
concubins ne peut suffire à faire apparaître entre eux une société.
(33) Cass. com., 23 juin 2004, 3 arrêts : Bull. Joly 2005, 8 49, p.
295, note J. VALLANSAN ; JCP E 2004,
1510, n° 9, obs. J.-J. Caussan, FI. Degoissy et G. Wicker : l'existence d'une
société créée de faits entre concu-
bins suppose de rapporter la preuve de chacun des éléments du
contrat de société, et notamment de
l'intention de collaborer sur un pied d'égalité à la réalisation d'un projet
commun, cette dernière ne pouvant
être déduite de la seule participation financière à l'acquisition d'un logement commun.
12 mai 2004 : D. 2004, p. 1672
- Cass. 1° div.
;: JE 2004, 1510, n° 8, obs. J.-J. CaussAIN, FI. DeBoissy
et G. Wicker :
s'agissant d'une société entre concubins, doit être démontrée l'intention
de s'associer, distincte de la mise
en commun d'intérêts inhérente à la vie maritale.
(34) B. MauBru, Les sociétés créées de fait entre époux : Mél.
J. Derruppé, Litec, 1991/p 275;
(35) CA Paris, 6 avr. 1999 : Bull. Joly 1999, p. 1168, obs. B. Sanrourens. En l'espèce, la preuve n'a
été jugée rapportée, l’aide financière apportée par l'épouse commune pas
en bien à l'entreprise de son mari ne
reflétant nullement l'existence d'un affectio societatis.
LES SOCIÉTÉS NON IMMATRICULÉES
Sous-section 3
545
LES SOCIÉTÉS À RISQUE ILLIMITÉ
société en participation. Pour pouvoir agir contre une autre personne que son
débiteur, le créancier doit donc prouver, outre l'existence de la société créée
de fait, que l'associé a agi en qualité d’associé au vu et au su des tiers ou qu'il
s'est immiscé dans l'opération à propos de laquelle la dette est née (V. supra,
n° 1223). Lorsque la preuve de l'existence d’une société créée de fait est rap-
portée, cette dernière preuve, en pratique, ne pose guère de difficulté (40).
Finalement les associés sont tenus solidairement si la société a un objet
commercial et conjointement si son objet est civil.
1245. — Les causes de dissolution sont celles de la SNC si la société créée
de fait est commerciale et celles de la société civile si elle est civile (C. civ.,
art. 1871-1 et 1873). L'article 1872-2 du Code civil est également applicable à
la société créée de fait et celle-ci peut être dissoute par acte unilatéral, par
exemple en cas de perte de confiance à l'égard d’un coassocié (41).
Dans leurs relations internes, les associés doivent apporter la preuve de la
réunion des éléments constitutifs de la société de façon à permettre la réparti-
tion du boni de liquidation. Chacun commence par reprendre la valeur initiale
de ses apports, sauf les apports en industrie qui ne sont ni repris ni rem-
boursés (42), puis la plus-value dont a bénéficié le bien apporté (par exemple
le fonds de commerce) doit être partagée. En pratique, le partage se fait sou-
vent par parts égales en raison de la difficulté qu’il y a à prouver le montant
respectif des participations. Les dépenses faites par chacune des parties
entrent dans le compte de liquidation.
546
Titre 3
AUTRES SOCIÉTÉS
ET GROUPEMENTS
1246. — Il existe de nombreux types de sociétés et groupements soumis à
un statut particulier, qui ne sont règlementés ni dans le Code civil ni dans le
Code de commerce (V. supra, n° 15). Il ne saurait être question ici de tous les
envisager et l’on se contentera d’en présenter certains, à commencer par les
sociétés propres au secteur libéral, les GIE et les GIE sans oublier la nouvelle
venue, la société européenne.
547
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Section 1
1248. — L'activité libérale étant par nature civile, elle a classiquement voca-
tion à être exercée dans le cadre d’une société civile. Outre la possibilité de
constituer une société en participation (V. supra, n° 1214), les professionnels
libéraux qui souhaitent s'associer au sein d'une société immatriculée peuvent
retenir la société civile de droit commun (V. supra, n°° 1163 et s.). S'ils exercent
une profession réglementée, la loi met à leur disposition deux types de
sociétés civiles particulières : la société civile professionnelle et la société civile
de moyens. Signalons que la société civile relève de l'impôt sur le revenu là
où la société d'exercice libéral est soumise à l'impôt sur les sociétés ; en pra-
tique, le critère fiscal et social est déterminant quant au choix de la forme
sociale (V. infra, n° 1282 et 1283).
549
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
Sous-section 1
1249. — Les sociétés civiles professionnelles sont des sociétés taillées sur
mesure pour l'exercice en commun de professions libérales réglementées.
Peuvent notamment s'associer entre eux dans ce cadre des médecins, des avo-
cats, des notaires, des experts-comptables, des commissaires aux comptes.
Elles sont régies par une loi du 29 novembre 1966, complétée par des
décrets en Conseil d’État, adoptés profession par profession, auxquels il
convient de se référer. Pour le reste, elles sont soumises aux règles de droit
commun de la société civile (C. civ., art. 1345 et s.), dans leurs dispositions
qui ne sont pas contraires à celles de la présente loi (L. 29 nov. 1966, art. 30).
A. - Le gérant
1252. — Sauf stipulation contraire des statuts, tous les associés sont gérants.
Les gérants sont responsables de leurs actes dans les conditions du
droit
(1)NCass.. IS civ., 16 juill. 1998 : Bull. Joly 1998, p. 1078. — Adde J.-J.
Daicre, Société civile profession-
nelle : l'associé en industrie est un associé en capital en puissance : Bull. Joly
1998, p. 1131.
550
LES SOCIÉTÉS PROPRES AU SECTEUR LIBÉRAL
commun (L. 29 nov. 1966, art. 12) (V. supra, n°® 280 et s.). Afin d'assurer l’indé-
pendance professionnelle de chacun des membres, la loi prévoit que les pou-
voirs du gérant ne peuvent en aucun cas avoir pour effet de créer une
subordination des associés à la société pour l’accomplissement de leurs actes
professionnels (L. 29 nov. 1966, art. 11) ; en clair, les associés non gérants ne
peuvent avoir le statut de salarié.
B. — Les associés
1253. — En l'absence de disposition réglementaire ou, à défaut, de clause
statutaire, le principe est celui de l'égalité quant à la répartition des droits de
vote : quel que soit le montant de sa participation, chaque associé dispose
d’une voix (L. 29 nov. 1966, art. 13).
1254. — Les rémunérations de toute nature versées en contrepartie de l’acti-
vité professionnelle des associés sont perçues par la société, ceux-ci étant
rémunérés par le biais de distributions de dividendes. En l'absence de disposi-
tion réglementaire ou de clause statutaire, chaque associé a droit à la même
part dans les bénéfices (L. 29 nov. 1966, art. 14). Il n'est pas rare en pratique
que des clauses statutaires modulent la part de chacun en fonction de la parti-
cipation au capital social ou de l’activité déployée au sein de la société
(V. infra, n° 1259).
Sur le plan fiscal, la société relève de l'impôt sur le revenu (CGI, art. 8 ter)
(V. supra, n° 64 et s.) et les associés sont imposés selon le régime des bénéfices
non commerciaux. Puisque l'associé exerce sa profession dans la société, ses
parts sociales constituent un actif professionnel, ce qui emporte différents
avantages fiscaux (V. supra, n° 1109). En particulier, les intérêts d'emprunt
souscrit pour l'acquisition des parts constituent des charges déductibles
(V. infra, n° 1283).
1255. —- Chaque associé répond indéfiniment et solidairement des dettes
sociales à l'égard des tiers (L. 29 nov. 1966, art. 15) ; cette solidarité est remar-
quable pour une société de caractère civil. La poursuite de l'associé suppose,
comme dans la société civile de droit commun, que le créancier ait vainement
poursuivi la société (V. supra, n° 1188). Le solvens, autrement dit celui qui a
payé, dispose d’un recours tant contre la société que contre ses coassociés
(V. supra, n° 1105).
Par ailleurs, comme tout professionnel libéral, chaque associé répond sur
l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu'il accomplit, la
société étant solidairement responsable avec lui (L. 29 nov. 1966, art. 16) (2).
Aucune hiérarchie n’est instituée entre les défendeurs : l’action en responsabi-
lité peut indifféremment être dirigée contre la société, contre l'associé, ou
encore contre les deux (3).
1256. — Afin de garantir l’intuitus personae qui règne nécessairement dans
la SCP compte tenu de son objet professionnel, la loi réglemente le droit de
retrait de l'associé (L. 29 nov. 1966, art. 18) (4), ainsi que les modalités de
cession ou de transmission des parts (L. 29 nov. 1966, art. 19 et s.).
551
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
Il a été jugé dans le cas d’une société civile professionnelle de notaires que
l'interdiction de donner en nantissement les parts et de les vendre aux
enchères publiques n'emporte pas leur insaisissabilité, laquelle ne pourrait
résulter que d’une disposition législative (5).
Sous-section 2
1257. — Par opposition à la société civile professionnelle, qui est une société
d'exercice, la société civile de moyens est au service de ses membres, mais
elle n’exerce pas elle-même la profession (L. 29 nov. 1966, art. 36) ; ce n’est
qu'une société auxiliaire, à la manière du GIE (V. infra, n° 1294). Elle permet
des économies de moyens pour des professionnels qui exercent leur activité
soit de façon indépendante, soit dans un cabinet de groupe. La société peut
fournir les services suivants : locaux, matériels, secrétariat, services comp-
tables ou informatiques. La société peut être dissoute en cas de mésentente
entre ses membres (V. supra, n° 450 et s.) (6).
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552
LES SOCIÉTÉS PROPRES AU SECTEUR LIBÉRAL
Section 2
553
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
Sous-section 1
LA CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ
D'EXERCICE LIBÉRAL
8 1. —- Les conditions de fond
À. — L'objet de la société d'exercice libéral
1263. — Les SEL ont pour objet l'exercice en commun de la profession. Elles
ne peuvent accomplir les actes d’une profession déterminée que par l’intermé-
diaire de leurs membres ayant qualité pour exercer cette profession. En prin-
cipe, la SEL est constituée autour d’une seule activité et son objet est
uniprofessionnel. Toutefois, la loi réserve la possibilité (non utilisée à ce jour)
d'autoriser par décrets en Conseil d’État la création de sociétés pluriprofes-
sionnelles.
Etant commerciale par la forme, la société d'exercice libéral est tenue
de
présenter une comptabilité conforme aux normès du plan comptable
général
(C. com., art. L. 123-12 et s.). %
Mais la SEL, quand bien même elle est commerciale par la forme,
exerce
une activité de nature civile, Plusieurs conséquences en découlent
:
— la loi attribue compétence aux seuls tribunaux civils pour les
actions dans
lesquelles l’une des parties est une SEL et ce, même si elle adopte
une forme
commerciale (C. com., art. L. 721-5, al. 1) (10) ;
— une SELAFA ne peut pas être inscrite sur les listes élector
chambre
ales d'une
de commerce et d'industrie en raison de la nature civile de son
activité (11) ;
554
LES SOCIÉTÉS PROPRES AU SECTEUR LIBÉRAL
— une SEL ne peut pas bénéficier du statut des baux commerciaux en raison
de la nature civile de son activité (C. conx., art. L. 145-1) (V. supra, n° 233) ;
— une SEL ne peut pas être associée d’une SNC (12).
Les associés peuvent convenir dans les statuts de soumettre à arbitrage les
Es survenant entre eux pour raison de la société (13) (COY, art. L. 411-6,
al: 2)
B. —- Le capital
1264. — Dans le silence de la loi, c’est le droit commun des sociétés
commerciales qui s'applique : 37 000 € pour la SELAFA, la SELCA et la
SELAS ; absence de minimum légal pour la SELARL (V. supra, n° 1003)
1265. —- Dans le cas de la SELAFA, de la SELCA et de Ia SELAS, le recours
à l'appel public à l'épargne est exclu et les actions doivent revêtir la forme
nominative (L. 31 déc. 1990, art. 8, al. 1°).
Il est possible dans ces mêmes sociétés de créer des actions à droit de vote
double mais des règles strictes sont posées : seuls les associés exerçant au sein
de la société peuvent en détenir ; les actions doivent être attribuées à tous les
associés exerçant au sein de la société, sauf à poser une condition de durée
de détention des titres qui ne peut excéder deux ans (L. 31 déc. 1990, art. 8,
al. 2 et 3). Si les actions à droit de vote double sont transférées à un
bénéficiaire qui n’est pas en exercice au sein de la société, le droit de vote
double est perdu (L. 31 déc. 1990, art. 8, al. 4)
Il est enfin possible de créer des actions à dividende prioritaire sans droit
de vote mais les associés exerçant au sein de la société ne peuvent pas en
détenir. Cette catégorie de titres étant en voie d'extinction (V. supra, n° 942
et s.), ces actions doivent désormais se couler dans le moule des actions de
préférence (V. supra, n° 932 et s.). Plus généralement, pour éviter que les
règles spécifiques aux SEL ne soient détournées, les droits particuliers
attachés aux actions de préférence émises dans ces sociétés ne peuvent faire
obstacle ni à l’application des règles de répartition du capital ou des droits
de vote (V. infra, n° 1268 et s.), ni à celles posées par l'article 12 de la loi quant
à l'exercice de fonctions dirigeantes (V. infra, n° 1272) (L. 31 déc. 1990, art. 9).
1266. — Les parts ou actions peuvent faire l’objet d’un contrat de location
(V. supra, n° 747 et s), mais à la condition que le locataire soit un professionnel
salarié ou un collaborateur libéral exerçant au sein de la société (L. 31 déc.
1990, art. 8 al. 5). On retrouve ici le souci de préserver tant le caractère profes-
sionnel de la société que l’intuitus personae qui doit régner en son sein.
C. - Les associés
1° Le nombre d'associés
555
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
D. — La dénomination sociale
1270. —- La société a le choix de sa dénomination; elle peut être de pure
fantaisie, mais doit toujours être précédée ou suivie de la mention
du type
de société (à responsabilité limitée, anonyme en commandite par actions
Où par actions simplifiée) ou de ses initiales (SELARL, SELAFA, SELCA,
SELAS), ainsi que du montant du capital social (L. 31 déc. 1990,
art. 2).
Elle peut aussi joindre le nom d’un ou plusieurs associés exerçant
ou
ayant exercé au sein de la société. Dans ce dernier cas, elle doit
préciser
«anciennement » et ne peut maintenir le nom lorsque tous
les associés
collaborateurs ayant exercé avec l’ancien associé ont quitté la société.
Enfin,
la SEL peut mentionner, avant ou après sa dénomination sociale,
son appar-
tenance à un réseau professionnel.
556
LES SOCIÉTÉS PROPRES AU SECTEUR LIBÉRAL
Sous-section 2
LE FONCTIONNEMENT DE LA SOCIÉTÉ
D'EXERCICE LIBÉRAL
1272. — Tous les dirigeants de SEL doivent être des professionnels exer-
çant au sein de la société. Cette règle vaut pour les gérants de SELARL,
pour les présidents du conseil d'administration ou du conseil de surveil-
lance, membres du directoire et directeurs généraux et directeurs généraux
délégués de SELAFA, pour tous les associés commandités des SELCA et
pour les présidents et dirigeants de SELAS. En outre, dans les sociétés
anonymes, cette obligation concerne les deux tiers au moins des membres
du conseil d'administration ou du conseil de surveillance (L. 31 déc. 1990,
arEnT2 ai 1e)
1273. — La loi écarte dans la SELAFA l'application des articles L. 225-22
et L. 225-85 du Code de commerce ; tous les administrateurs ou membres
du conseil de surveillance peuvent donc cumuler leur mandat avec un
contrat de travail (L. 31 déc. 1990, art. 12, al. 2). Il est précisé en outre
que, pour l'approbation des conventions entre la société et les dirigeants
portant sur les conditions d'exercice de leur profession, seuls se prononcent
les dirigeants professionnels exerçant au sein de la société (L. 31 déc. 1990,
art12;af 3):
8 2. — Les associés
A. — La responsabilité
1274. - La loi du 31 décembre 1990 instaure un régime original de respon-
pro-
sabilité combinant une responsabilité sociale limitée et une responsabilité
responsa bilité des associés est limitée au montant de
fessionnelle étendue. La
(c’est une différen ce avec la SCP, V. supra, n° 1255) mais ils sont
leurs apports
onnels
indéfiniment responsables sur leurs biens propres des actes professi
qu'ils accomplissent personnellement (L. 31 déc. 1990, art. 16). Dans la SELCA,
des
les associés commandités sont indéfiniment et solidairement responsables
dettes sociales.
557
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
Quant à la société, elle est à la fois responsable de ses propres actes, mais
aussi et solidairement avec eux des actes professionnels de ses associés
(L:81déc:1990 art. 16).
C. — L'exclusion de l'associé
1276. — Afin de respecter les exigences liées au caractère professionnel de
la SEL, la loi a accordé une large place à l'intuitus personae. Elle autorise ainsi
l'insertion d’une clause d'exclusion dans les statuts sous réserve qu’un décret
d'application précisant les garanties morales, procédurales et patrimoniales
accordées à l'associé le permette (L. 31 déc. 1990, art. 21). Conformément au
droit commun, l'associé exclu a droit au remboursement de ses droits sociaux
(V. supra, n° 329) ; en cas de contestation, la valeur de ceux-ci est déterminée
par un expert (C. civ., art. 1843-4) (14).
D. — L'agrément
1277. — L'agrément des nouveaux associés obéit à des règles rigoureuses
afin d'assurer le respect de l’intuitus personae (L. 31 déc. 1990, art. 10).
1278. — Dans une SELARL la majorité requise est obligatoirement des trois
quarts des porteurs de parts exerçant la profession au sein de la société et non
pas, comme en droit commun, de la majorité des associés représentant la
moitié des parts sociales.
1279. - Dans une SELAFA, les statuts doivent adopter l’une des deux
règles suivantes :
— Soit la majorité des deux tiers des actionnaires exerçant leur profession
dans la société ;
— Soit la majorité des deux tiers des membres du conseil d'administration
ou du conseil de surveillance exerçant dans la société.
1280. — Dans les sociétés en commandite, l'agrément des
commanditaires
est obtenu à la majorité des deux tiers des seuls commandités. Mais
l’acquisi-
tion de la qualité de commandité nécessite l’unanimité des comman
dités si
elle intervient lors de la signature des statuts, plus la majorité
des deux tiers
des commanditaires si elle intervient en cours de vie sociale.
558
LES SOCIÉTÉS PROPRES AU SECTEUR LIBÉRAL
1281. — Dans la SELAS, l'agrément est donné par les associés exerçant leur
profession dans la société à la majorité des deux tiers.
559
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
société relevant de l'impôt sur le revenu sont imposables chez les associés proportionnelle
ment à leur participation dans le capital social, quand bien même ils n’auraient pas fait l'objet
d'une répartition effective. Autrement dit, les bénéfices mis en réserve sont taxés de la même
façon que les bénéfices distribués. En revanche, lorsque la société relève de l'impôt sur les
sociétés, les bénéfices mis en réserve ne sont pas soumis à l'impôt, ce qui améliore la capacité
d'autofinancement de la société. Les sommes non distribuées, c'est-à-dire mises en réserve,
serviront pour une part à financer le développement du cabinet et le surplus sera investi en
placements fructueux ; la société, sorte de tirelire, se muera en machine à thésauriser
Si le recours à la SEL présente unintérêt réel sur le terrain fiscal, du moins lorsque la société
dégage des bénéfices importants, cet avantage s'accompagne de certaines contraintes. La
SEL doit chaque année déposer au greffe du tribunal de commerce ses comptes sociaux
(bilan, compte de résultat et annexe. - V. supra, n° 357). Elle doit par ailleurs tenir une double
comptabilité, l’une, de trésorerie, pour le fisc, l’autre, d'engagement, pour les tiers; étant
commerciales par la forme, la SELARL et la SELAS sont en effet tenues de présenter une
comptabilité conforme aux normes du plan comptable général (C. com., art. L. 123-12 ets):
elles peuvent cependant s'en tenir à une comptabilité unique si elles optent, en ce qui
concerne l'imposition de leurs bénéfices, pour la comptabilité d'engagement, ce qu'autorise
la loi fiscale (Rép. Philibert : JOAN 15 avr. 1996, p. 2078).
b) Les regrets
Comment alors expliquer la relative défaveur dont jouit en pratique la SEL ? La raison est
simple : un professionnel qui souhaite devenir associé d'une SEL est souvent obligé d'emprun-
ter des sommes importantes pour financer l'acquisition des titres. Or toute déductibilité des
intérêts d'emprunt lui est refusée tandis que les charges financières pourraient être prises en
compte si l'acquisition avait porté sur les parts d'une société relevant de l'impôt sur le revenu,
telle la société civile professionnelle. Une telle différence de traitement peut sembler surpre-
nante. Elle puise sa source dans une jurisprudence contestable du Conseil d'État (CE, 20 juill.
1971 : Dupont 1971, p. 355; Dr. fisc. 1972, n° 50, comm. 1821). Ce dernier opère en effet
une distinction entre les charges exposées pour l'acquisition d'un patrimoine privé qui ne
sont pas, sauf disposition expresse de la loi, déductibles des revenus tirés de ce patrimoine,
à la différence des frais grevant l'acquisition de biens professionnels pour lesquels un principe
général de déductibilité est admis. Or, selon le Conseil d'État, les titres d'une société soumise
à l'impôt sur les sociétés relèvent du patrimoine privé du contribuable : ils ne constituent pas
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NN
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ann
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un actif professionnel, quand bien même l'associé exerce sa profession dans la société, et
leur acquisition est analysée comme une simple opération de placement privé. Appliquant
cette jurisprudence à la SEL, l'administration considère que les droits sociaux sont des élé-
ments du patrimoine privé, ce qui empêche la déduction des intérêts d'emprunt (V. Rép. à
M. Valleix : JOAN 22 mai 2000, p. 3119 : Rev. sociétés 2000, p. 626). Nul doute que cette
interdiction de déduire les intérêts d'emprunt décourage les praticiens de choisir la forme de
la SEL. Le recours à la société civile professionnelle est à cet égard bien préférable puisque,
selon l’article 151 nonies du CGI, les droits sociaux sont considérés comme des éléments
d'actif affectés à l'exercice de la profession lorsque le contribuable exerce son activité dans
NN
le cadre d'une société relevant de l'impôt sur le revenu. Les intérêts d'emprunt sont donc
déductibles en cas d'acquisition des parts d'une société civile professionnelle et non en cas
d'acquisition des titres d'une SEL, ce qui, selon les commentateurs, signe l'arrêt de mort des
SEL. — Adde, M. Cozan, Les grands principes de la fiscalité des entreprises, doc.
15 : La
jurisprudence des cliniques (réflexions critiques sur la déductibilité des emprunts profession-
nels). — FI. Desoissy : RTD com. 2000, p. 209.
La loi Dutreil pour l'initiative économique du 1°" août 2003 a corrigé
partiellement ce
défaut en créant une réduction d'impôt qui ne constitue qu'un pis-aller (V. supra,
n° 52 ets.),
sans oublier les espoirs suscités par la jurisprudence récente du Conseil
d'État, espoirs
| confirmés par l'administration (V. supra, n° 51,
560
LES SOCIÉTÉS PROPRES AU SECTEUR LIBÉRAL
Section 3
LES SOCIÉTÉS
DE PARTICIPATIONS
FINANCIÈRES
DE PROFESSIONS LIBÉRALES
561
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
562
LES SOCIÉTÉS PROPRES AU SECTEUR LIBÉRAL
(V. infra, n° 1413). L'emprunt contracté par la société holding est remboursé grâce aux distri-
butions de dividendes. Fiscalement, les dividendes distribués à la société holding sont exo-
nérés tandis que les intérêts d'emprunt sont déductibles du résultat fiscal. On constate alors
que, là où le résultat comptable peut être équilibré, le résultat fiscal de la holding est structu-
rellement déficitaire puisque la société enregistre des charges déductibles sans percevoir de
produits imposables, si ce n'est une quote-part de 5 % des dividendes distribués. Impossible
on l'a vu d'opter pour l'intégration fiscale. Difficile pour la société holding de prétendre
facturer des prestations à la SEL, au moins lorsqu'il s'est agi de reprendre une seule SEL. Mais
l'essentiel n'est pas là : l'avantage principal tient à l'exonération des dividendes affectés au
remboursement de l'emprunt. On prendra l'exemple d'un avocat qui crée une SPFPL, laquelle
rachète, grâce à un emprunt, 5 % du capital de la SEL au sein de laquelle il exerce son
activité. Pour rembourser 100 de capital, il suffit que la holding perçoive un dividende de
100. Si cette structure n'avait pas été créée, le dividende de 100 perçu par l'associé personne
physique aurait été amputé d'un prélèvement fiscal (V. supra, n° 59) ; autrement dit, pour N
rembourser 100 de capital, il aurait fallu que la SEL lui distribue un dividende de 100, majoré
du montant du prélèvement fiscal. |
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Chapitre 2
LE GROUPEMENT D'INTÉRÊT
ÉCONOMIQUE
ET LE GROUPEMENT EUROPÉEN
D'INTÉRÊT ÉCONOMIQUE
1289. — À côté des sociétés à risque limité et des sociétés à risque illimité,
il existe des groupements de personnes qui opèrent également dans la sphère
économique en tant qu'ils participent à la production ou à la circulation des
richesses mais dont les caractéristiques propres sont si nettement affirmées
qu’elles interdisent de les rattacher à ces deux catégories fondamentales. De
plus, l’ensemble des groupements de personnes à but économique déborde la
catégorie des sociétés, entendues au sens strict puisqu'on y trouve, outre les
associations (V. supra, n° 76 et s.) et les coopératives (V. supra, n° 33), les
groupements d'intérêt économique dont la nature de société est très discutée.
Le GIE est une invention française due à une ordonnance du 23 septembre
1967. Il s'agissait à l’époque d'offrir aux entreprises françaises un nouvel ins-
trument de coopération qui leur permette d'affronter leurs concurrents euro-
péens au moment où les frontières du Marché commun allaient s'ouvrir. Cette
institution nouvelle répondait aux attentes du moment et connut aussitôt un
franc succès.
Le modèle français a inspiré, à l'échelon communautaire, l'institution du
groupement européen d'intérêt économique (GEIE), destiné à développer la
coopération interentreprises au sein du Marché commun. En application du
règlement du 25 juillet 1985 du Conseil des Communautés européennes, cha-
es
cun des États membres devait prendre les mesures d'application nécessair
avant le 1° juillet 1989. Le législateur français a fait preuve d’une rare ponc-
tualité, puisque la loi du 13 juin 1989 a transcrit dans notre droit les disposi-
le
tions relatives au GEIE ; le législateur français en a profité pour rajeunir
du GIE ; c'est ainsi que le modèle français, après avoir inspiré
régime français
les experts de Bruxelles, a subi à son tour l'influence du règlement commu-
nautaire.
L'ordonnance du 23 septembre 1967 et la loi du 13 juin 1989 ont été codi-
fiées aux articles L. 251-1 et suivants du Code de commerce.
565
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
Section 1
8 1. —- La nature du GIE
566
LE GIE ET LE GEIE
té ; il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même. Son activité doit se
rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un carac-
tère auxiliaire par rapport à celle-ci. » L'objet du GIE est moins de faire des
bénéfices que d’en faire faire à ses membres. On aura noté que le but du
groupement n’est pas de réaliser des bénéfices « pour lui-même ». Certains en
concluent que si le groupement réalise des bénéfices, il est tenu de les répartir
entre ses membres, ce qui exclurait la possibilité de les mettre en réserve ; la
solution contraire paraît plus raisonnable car il peut être de l'intérêt du GIE
de pratiquer des réserves pour assurer son autofinancement (2).
8 2. — La vocation du GIE
567
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
Sous-section 2
LA CONSTITUTION DU GIE
(6) Une société commerciale, un courtier maritime à la retraite et une femme aux activités
mal définies
avaient imaginé de créer un GIE pour l'exploitation d'un libre-service : il leur a été signifié qu'ils
s'étaient
trompés de genre et que pour exercer à plusieurs une activité commerciale nouvelle il n'est
d'autre formule
que la société (T. com. Paris, 23 févr. 1970 : JCP 1970, Il, 16355, note Y. GUYON)
(7) Cass. com., 22 janv. 1980 : RTD com. 1982, p. 252, obs. M. PéAMoN.
(8) Les fondateurs sont seulement dispensés de l'insertion de l'avis de constitution
dans un journal d'an-
nonces légales (V. supra, n° 191).
(9) Ce n'est pas parce qu'il est secret que le règlement intérieur peut prévoir n'importe
quoi : il ne saurait
notamment être question de contourner par le biais d'un GIE la réglementation
sur les ententes. C'est ainsi
que le GIE Carte bancaire, lequel regroupe tous les établissements émetteurs
de cartes de paiement, a été
accusé d'entente illicite par le Conseil de la concurrence sur plainte du Conseil
national du commerce : il a
été sommé de mettre fin à certaines pratiques, notamment en matière
de tarification (D. 11 oct. 1988 :
JCP E 1998, |, 17834. — Déc. 3 mai 1989 : JCPE 1989, |, 18547).
— A de même été condamné pour entente
illicite
le GIE « Géosavoie », regroupant les géomètres-experts de Savoie, dont
l'objet était de répartir les
appels d'offre au moment de la préparation des Jeux olympiques,
CA Paris, 1" ch. concurrence, 17 sept.
1992 : Bull. Joly 1992, p. 1219, note D. Aux.
;
(10) Cass. com., 3 mai 1995 : RJDA 1995, p. 789.
568
LE GIE ET LE GEIE
Sous-section 3
L'ORGANISATION DU GIE
(11) Cass. com., 28 juin 2005 : Bull. Joly 2006, 8 17, p. 108, note J.-J. DAIGRE : lors même que les statuts
d'un GIE gérant un centre commercial prévoyaient l'adhésion obligatoire pour toute activité commerciale
nouvelle ou existante exercée dans le centre, la qualité de membre ne peut être acquise du seul fait de
l'exercice d'une activité commerciale dans le centre mais suppose que soit constatée l'existence d'un élément
manifestant la volonté d'adhérer au GIE.
(12) Cass. 2° civ., 15 janv. 2004 : Bull. Joly 2004, 8 138, p. 711, note F.-X. Lucas : le titre délivré à
l'encontre du GIE n'emporte pas le droit de saisir entre les mains d'un tiers les créances dont le membre
est titulaire à défaut de titre exécutoire pris contre lui.
569
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
570
LE GIE ET LE GEIE
par tout acte entrant dans l’objet de celui-ci ; toute limitation statutaire de ses
pouvoirs est inopposable aux tiers (V. supra, n° 275).
Pour le reste, c’est à l'acte constitutif, ou à une assemblée ultérieure, qu'il
revient de fixer le statut et le cadre de conduite de l’administrateur.
L'administrateur est révocable ad nutum (15). En cas de révocation interve-
nue dans des conditions vexatoires ou décidée sans que le dirigeant ait pu
présenter des observations, des dommages et intérêts peuvent être alloués à
l'intéressé (16).
571
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
Sous-section 4
LA TRANSFORMATION
8 1. - La transformation en GIE
8 2. — La transformation du GIE
22222227
ie
Dix exemples de GIE
1311. — Les GIE se rencontrent dans tous les secteurs de la vie économique, rassemblan
t
de petites entreprises ou des multinationales, des entreprises privées où publiques,
des entre-
prises françaises ou étrangères. En voici dans le désordre (c'est-à-dire
par ordre alphabé-
tique) dix exemples glanés au hasard de la lecture des quotidiens :
1. GIE constitué des principales radios françaises ;ce GIE a déposé
une requête, rejetée
par le Conseil d'État, en vue de contester la vente des droitsde retransmi
ssion radiophonique |
des matchs du championnat par la Ligue nationale de football (Le
Monde, 20 mars 2002}: |
572
LE GIE ET LE GEIE
2. Cap Sogeti-Sesa : GIE constitué entre deux groupes électroniques (dont une filiale
d'Alcatel) pour assurer le déploiement et la commercialisation de l'annuaire électronique en
France et à l'étranger ; -
3. Carte bancaire : GIE créé en 1984 rassemblant près de 200 institutions financières et
établissements de crédit implantés en France et gérant un système interbancaire unique de
paiement et de retrait par carte ;
4. Conseil national des barreaux, Conférence des bâtonniers, Barreau de Paris : GIE créé
pour parler d'une seule voix auprès des pouvoirs publics, par exemple grâce à une attachée
de presse commune ;
5. French Mapping Group (FMG) : GIE créé en 1975 entre l'IGN (Institut géographique
national) et une société privée de géomètres pour la gestion d’un centre géographique en
Jordanie (caractéristique : association d'une entreprise publique et d'une entreprise privée
pour la conquête de marchés extérieurs) ;
6. GIEEV : GIE créé en 1982 par neuf éditeurs de vidéoprogrammes pouf lutter contre les
actions de piratage sur le marché des cassettes ;
7. Île-de-France Loisirs : GIE créé en 1986 entre cinq groupes du bâtiment et des travaux
publics en vue de la participation à la réalisation du parc de loisirs Euro-Disneyland ;
8. PMU : GIE créé en 1983, composé des sociétés de course, lesquelles sont en réalité des
associations (V. supra, n° 32, note 19, p. 33); il présente un caractère civil (Paris, 21 févr.
1990 : JCP E 1990, II, 15 784, n° 15, note À. VianDier et J.-J. CAUSSAIN) ;
9. Qualité-Marennes-Oléron : GIE créé en juin 1986 afin d'assurer un service consomma-
teur et garantir une qualité constante des huîtres de Marennes-Oléron ;
. 10. Socotel : GIE créé en 1968 par transformation d'une société préexistante réunissant
l'État et cinq constructeurs de centraux téléphoniques. Objectif : perfectionner les systèmes de
|
communication mis en œuvre dans les centres de commutation destinés aux administrations
publiques (caractéristique : participation majoritaire de l'État avec 51 % du capital et 10 %
| || |
pour chacune des sociétés).
EEO
RE
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NN
NU
Section 2
1312. - Le GEIE n’a pas soulevé les mêmes dissensions que celles ayant
entouré la création de la société européenne (V. infra, n* 1316 et s.) si bien
que son adoption a été acceptée sans difficulté particulière. Les entreprises de
l’Union européenne qui veulent coopérer ensemble à une œuvre commune
ont donc à leur disposition un instrument de rapprochement largement har-
monisé sur le plan communautaire. Ce groupement est régi par le règlement
communautaire du 25 juillet 1985 et par les articles L. 252-1 et suivants du
Code de commerce. Le GEIE fonctionne pratiquement sur le même modèle
que le GIE français (V. supra, n° 1289) ; les développements consacrés au GIE
valent donc pour l'essentiel à l'égard du GEIE.
1313. — Rappelons rapidement les caractéristiques communes aux deux
institutions (19) :
_ Je GEIE doit comporter deux membres au moins ; il est largement ouvert
aux personnes physiques, sociétés et autres entités juridiques (y compris les
établissements d'enseignement supérieur) ;
— son objet social présente un caractère auxiliaire par rapport à celui de ses
membres ; il n’est pas de réaliser des bénéfices pour lui-même ;
573
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
574
Chapitre 3
LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE
1316. —- On rêvait depuis longtemps d’une vraie société européenne sou-
mise à une législation spécifique à la mesure du grand marché unique. Il
s'agissait de mettre à la disposition des entreprises un modèle de société trans-
nationale détaché des réglementations nationales et adapté aux besoins d’un
marché intérieur intégré. Si le groupement européen d'intérêt économique,
effectif depuis 1989, a ouvert la voie (V. supra, n° 1312 et s.), les projets succes-
sifs initiés par Bruxelles d’une société anonyme européenne (SAËE) ont
achoppé pendant plus de trente ans sur la délicate question de la participation
des salariés à la gestion de l'entreprise.
1317. — Lors du sommet de Nice du 8 décembre 2000, les quinze chefs
d'État et de gouvernement sont parvenus à un accord politique sur le statut
de la société européenne. Un règlement relatif au statut de la société euro-
péenne — societas europaea, SE en abrégé — a été adopté le 8 octobre 2001,
complété par une directive du même jour concernant l'implication des travail-
leurs. Ces textes ont été transposés en droit interne par la loi Breton du 26 juit-
let 2005, complétée par un décret d'application du 14 avril 2006 (Cricom.,
art. L. 229-1 et S. et R. 229-1 et s.) (1). Pour le reste, la société européenne est
soumise aux dispositions non contraires, tant législatives que règlementaires,
applicables aux sociétés anonymes (C. com. art. L. 229-1, al. 3). En particulier,
les infraction incriminées dans la SA lui sont applicables (C. com,
art. L. 244-5).
1318. - La nouveauté réside essentiellement dans le volet social puisque
la création d’une société européenne implique une négociation entre les diri-
à la
geants et les salariés sur les modalités de la participation de ces derniers
de l’entrepr ise. Les modalité s de l'implica tion des travaille urs au sein
gestion
du
de la société européenne sont régies par les articles L. 439-25 à L. 439-50
Code du travail.
sur les
1319. - En revanche, le règlement du 8 octobre 2001 est muet
de surcroît à la règle
aspects fiscaux. S'agissant d’un sujet qui fâche, soumis
d'arrive r à leurs fins, ont préféré
de l'unanimité, les négociateurs, pressés
e, avril 2004,
ne entre son passé et son avenir, dossier paru dans Dr. et patrimoin
(1) La société européen
: Dr. sociétés, déc. 2005, p. 7 et janv. 2006,
p. 49. - A. CarHiar, La société européenne en droit français français : JCP E 2005,
ne en droit
p. 5. — M. Menuco et F. FAGES, L'introduction de la société européen
service des groupes de sociétés : D. 2007, p. 30.
p. 1571 ; La société européenne : un nouvel instrument au
575
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
pratiquer la politique de l’autruche (2). Si rien n’est fait, il est à craindre que
les localisations de sociétés européennes ne soient dictées autant par des
opportunités fiscales que par des impératifs stratégiques.
Section 1
576
LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE
(C. com., art. L. 225-245-1, al. 2 et 3). La transformation est décidée dans les
conditions requises pour modifier les statuts (V. supra, n° 683 et 684), et sou-
mise le cas échéant à la ratification des assemblées spéciales d'actionnaires
(EC. com. art. L. 225-245-1, al. 4).
Section 2
1325. - Une attention particulière doit être portée à la rédaction des sta-
tuts, qui doivent préciser les principales caractéristiques de la société :
— la forme est celle de société anonyme européenne ; elle peut faire publi-
quement appel à l'épargne ;
— la dénomination sociale doit être précédée ou suivie du sigle «SE » ;
— le capital social, divisé en actions, doit être exprimé en euros et d'un mon-
tant au moins égal à 120 000 €.
— le siège social de la SE immatriculée en France, autrement dit le siège
statutaire, doit être situé au même endroit que l'administration centrale
(C. com. art. L. 229-1, in fine) ; toute société régulièrement immatriculée au
RCS peut transférer son siège dans un autre État membre (C. com. art. L.
229-2 et L. 229-4) ; avantage appréciable, contrairement aux solutions de droit
commun (V. supra, n° 228), ce transfert du siège social hors de France n’en-
traîne pas dissolution et disparition de la personnalité juridique de la société.
1326. — Pour le reste, les associés peuvent dans les statuts, sous réserve
des règles d'ordre public applicables à la SE, organiser comme ils l’entendent
le fonctionnement de la société et la transmission des titres.
Spécialement, lorsque la SE ne fait pas appel public à l'épargne, la loi pré-
voit la possibilité d'inclure dans les statuts les clauses suivantes :
— clause d'inaliénabilité des titres, pour une durée qui ne peut excéder dix
ans (C. com. art. L. 229-11) ;
_ clause d'exclusion d’un actionnaire (C. com., art. L. 229-12) ;
— clause prévoyant l'information de la société en cas de modification du contrôle
d'une société actionnaire, la société pouvant décider, dans les conditions fixées
par les statuts, de suspendre les droits non pécuniaires de cet actionnaire et
de l’exclure (C. com. art. L. 229-13).
Ces différentes clauses ne peuvent être adoptées ou modifiées qu'à l'unani-
mité des actionnaires (C. com. art. L. 229-15). Si les statuts ne prévoient pas
les modalités d'évaluation du prix de cession des titres en cas de mise en
œuvre de l’une de ces clauses, ce prix est fixé par accord des parties ou par
un tiers évaluateur visé à l’article 1843-4 du Code civil (V. supra, n° 752)
(C. com. art. L. 229-14).
1327. —- La SE est dotée de la personnalité juridique à compter de son
immatriculation en France au registre du commerce et des sociétés (C. com.
art. L. 229-1).
1328. — Les fondateurs ont le choix entre un système moniste d'administra-
choix
tion ou un système dualiste avec directoire et conseil de surveillance. Le
doit être opéré dans les statuts (C. com. art. L. 229-7).
577
AUTRES SOCIÉTÉS ET GROUPEMENTS
1329. — Il faut enfin signaler que la société européenne peut constituer une
société européenne dont elle est seule actionnaire (C. com., art. L. 229-6) ; la
SE peut donc être unipersonnelle ; elle est alors soumise, outre les dispositions
applicables à la société européenne, aux règles de l'EURL.
578
Troisième partie
RESTRUCTURATION
ET GROUPES
DE SOCIÉTÉS
1330. — Le spectateur de la vie financière a parfois l'impression d'assister à
une partie de Monopoly : fusions, apports partiels d'actifs, prises de contrôle,
créations de filiales communes, accords de coopération... se succèdent à un
rythme soutenu. Ces opérations, qui déplacent les frontières des sociétés ou
des ensembles de sociétés, manifestent de la manière la plus apparente le
caractère instrumental du droit des sociétés, outil au service des décisions
stratégiques ou tactiques des chefs d'entreprise. C'est à chaque fois un impé-
ratif économique ou de gestion — conquête de parts de marché, acquisition
d’une marque, d’un savoir-faire, simplification de la gestion, abandon d’un
secteur en difficulté, souci d'économie fiscale — qui justifie l'opération de res-
tructuration.
1331. - Le lieu privilégié des restructurations est le groupe de sociétés ; le
groupe naît de restructurations et se développe par elles. En cela, il est bien
le résultat des restructurations. D'où la double démarche qui opposera les
procédés de restructuration à leur résultat : les groupes de sociétés.
579
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LES PROCÉDÉS
DE RESTRUCTURATION
1332. — Plusieurs voies conduisent au groupe de sociétés. Les unes, clas-
siques, mettent en œuvre les techniques sociétaires — fusion et prise de partici-
pation — d’autres font appel aux techniques contractuelles, principalement
l’accord d’entreprise.
Ces procédés sont utilisés concurremment et la vie des groupes est ponc-
tuée par des fusions, des prises de participation et des contrats ; ce sont autant
d'instruments de la restructuration des sociétés. Leur emploi dépend de l'ob-
jectif poursuivi par les dirigeants sociaux, qui choisissent en fonction des cir-
constances le procédé leur paraissant le plus apte - en termes de coût, de
rapidité, de faisabilité juridique et fiscale. — à satisfaire cet objectif. Le régime
juridique applicable est bien sûr un critère essentiel de choix.
Aussi, quand deux sociétés décident de se regrouper (c'est le constat écono-
mique), peuvent-elles utiliser des techniques juridiques aussi dissemblables
que la fusion (la société absorbée disparaît de la scène juridique), la prise de
participation (il y a seulement changement d'actionnaires de la société contrô-
lée), voire la location-gérance (les deux sociétés subsistent, mais l’une assure
la gestion de l’autre).
581
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Chapitre 1
LA FUSION
1333. — La fusion est l'opération par laquelle une société en annexe une
autre, l’annexante et l’annexée ne faisant plus qu'une seule et même société ;
juridiquement, l’article L. 236-1 du Code de commerce décrit la fusion comme
la transmission universelle de patrimoine d’une société à une autre (V. les
aspects fiscaux, infra, n° 1379 et s.). L'opération évoque tout à la fois le
mariage et la conquête guerrière, images au demeurant non contradictoires.
Techniquement, la fusion provoque une augmentation de capital — chez
l’annexante — et une dissolution — chez l’annexée ; les associés de cette der-
nière deviennent donc associés de la première. Telle est la trame, elle autorise
de nombreux dessins (1).
Sous-section 1
583
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
moins fragile, moins vulnérable à une offre publique d'achat (OPA) car plus
chère à conquérir (2) ; elle gagne en indépendance et permet une libre circula-
tion des flux financiers entre les entités; elle diminue la part des frais non
productifs et améliore sa rentabilité. Le choix est souvent raisonné ;ilne l'est
pas toujours, l'annexion satisfaisant alors simplement la boulimie de certains
brasseurs d’affaires, fusionnant ou défusionnant à tout va, et constituant ainsi
des conglomérats sans unité ;
— la fusion-concentration : c'est le moyen de s'assurer la fidélité des clients
ou des fournisseurs, la docilité des concurrents ;
— la fusion-compression : c'est le souci, au sein d’un groupe déjà constitué,
de modifier l'agencement des filiales et des sous-filiales, de passer par exem-
ple d’une architecture pyramidale à une architecture en peigne.
A. - Les catégories
1335. — La typologie des juristes est fondée sur la forme de la fusion. À cet
égard, on distingue (3) :
— la fusion-absorption : l'absorbée disparaît et l’absorbante s’enrichit de sa
valeur ; il y a transmission universelle du patrimoine de la première à la
seconde (V. infra, n° 1371) ;
— la fusion par création d'une société nouvelle : deux sociétés s'unissent pour
en faire naître une troisième ; les initiatrices disparaissent et de leur décès naît
une troisième société.
De ces deux espèces, la fusion-absorption est de loin la plus courante parce
que la plus facile à réaliser ; elle évite les lourdeurs liées à la constitution
d’une société nouvelle ; aussi sera-t-elle seule étudiée ci-dessous.
1337. — La société qui vend à une autre son fonds de commerce et ses
immeubles n’est pas réputée fusionner avec celle-ci ; en effet, elle ne disparaît
pas du seul fait de la cession. L’entité juridique demeure, même si l’activité
change par la force des choses, la cédante se muant par exemple en société
de portefeuille (sur l'offre de retrait, V. supra, n° 981). Le régime fiscal est
pénalisant : imposition de la société venderesse à raison des plus-values
qu'elle réalise, exigibilité des droits d'enregistrement au nom de la
société
cessionnaire ; la fiscalité des fusions et des opérations assimilées (scission
et
apport partiel d'actifs) est autrement favorable (V. infra, n° 1379 et s.).
584
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
2° Fusion et scission
Sous-section 2
1340. — La fusion est un mariage, d’où des fiançailles qui précèdent l'union
et des incidences sur le sort de chacun, voire des tiers.
8 1. — Les préalables
585
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
2° Le protocole
1342. — Si les partis se révèlent bons, un échelon supérieur est gravi ; les
négociations commencent et on évoque la possibilité d’une fusion, la parité
d'échange, les incidences sociales, le sort des dirigeants, la date de l'opération.
Lorsque les pourparlers sont suffisamment avancés, des lettres d'intention
sont parfois échangées, un protocole d'accord peut être rédigé. Ce protocole
constate seulement l'accord des sociétés concernées sur le principe et le sens
de la fusion (qui sera l’absorbée, qui sera l’absorbante ; sur les fusions à l’en-
vers, V. infra, n° 1387) et sur certaines des modalités de celles-ci, ainsi que
leur détermination d'aller plus avant et de passer à l'étape suivante, savoir
celle du projet de fusion. Le protocole ne vaut pas projet de fusion et un
retour en arrière est encore possible : cependant, le partenaire qui changerait
brutalement et légèrement (sans motifs) d'avis, verrait sa responsabilité civile
(délictuelle) engagée au profit de la société éconduite. La solution évoque celle
qui a cours en matière de rupture de pourparlers ou de rupture de fiançailles ;
les fiancés ne sont pas tenus de se marier, mais celui qui, léger ou intempestif,
met fin à la marche nuptiale doit réparer le préjudice causé (4) (V. supra,
n° 187). Dans certains cas, le protocole prévoit le versement d’une indemnité
par celui des futurs époux qui reprendrait sa liberté (en jargon : break up fee).
3° Le mariage à l'essai
1343. — Cette double étape de la séduction et du protocole est tantôt abré-
gée, tantôt allongée. Elle est abrégée lorsque la fusion concerne les sociétés
d'un même groupe ; c’est alors littéralement le coup de force et on arrive très
vite au projet de fusion. Elle est allongée lorsque l’absorbante souhaite en
savoir encore plus sur l’absorbée et soumettre à l'expérience l'alliance proje-
tée. Dans ce cas, d’autres préliminaires apparaissent, tels que des accords de
coopération en matière de production, de recherche ou de commercialisation
(V. infra, n° 1442 et s.).
Eventuellement, une mise en location-gérance du fonds de commerce de la
future absorbée au profit de l’absorbante désignée intervient (V. infra,
n° 1443) (5). Cela permet à celle-ci, qui gère alors l’entreprise de la première,
de mieux en percevoir les défauts et les qualités ; ce n’est ni plus ni moins
qu'un mariage à l'essai pendant lequel le locataire-gérant - l’absorbante de
demain — a la pleine responsabilité de la conduite du fonds de commerce du
bailleur — l’absorbée de demain — à laquelle elle verse une redevance, repré-
sentant un loyer ; le locataire-gérant gère librement, il exploite le fonds
« à ses
risques et périls » (C. com. art. L. 144-1 relatif à la location-gérance). À l'issue
du contrat, les parties renoncent à leur désir de rapprochement ou décident
au contraire d'aller plus avant ;on passe alors au projet de fusion. Le stade
de la location-gérance permet de préparer et de préfigurer l'harmonisation
des conditions salariales des employés des deux sociétés. Il permet de
même
de régler les multiples difficultés que soulève la mise en œuvre d’une
clause
de rétroactivité (V. infra, n° 1389). En général, c'est la future absorbante
qui
prend les rênes avec la position de locataire-gérant ; c’est ainsi que
Air France
586
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
B. — Le projet de fusion
1344. — C’est sur ce projet que les actionnaires des sociétés concernées se
prononcent ; sans lui, aucune décision ne peut être prise. L'obligation de dres-
ser un projet de fusion est expressément posée par l’article L. 236-6 du Code
de commerce. Le projet de fusion est établi par le conseil d'administration, le
directoire ou les gérants des sociétés concernées.
2° La parité d'échange
l'une d'entre
(6) Lorsque les sociétés clôturent leurs comptes à des dates très éloignées, il y a lieu, pour
permettre une
elles d'arrêter un bilan en cours d'exercice ou de dresser une situation intermédiaire afin de
comparaison équitable.
587
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
588
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
1. Énoncé du problème
La société anonyme Héliopolis exploite un centre de naturisme à Biarritz ; son
capital est de 2 500 000 €, représenté par 2 500 actions d’une valeur nominale
de 1 000 £, réparties ainsi entre ses sept actionnaires :
Clotilde RDA
PL PEN HO A TE 2 A ES pe AT D ELA A PNG CP NT OMR 1 256 actions
COTES PR Re TR anni etir rade na 0 LUe SL 900 actions
CÉMENCOR RER RE Re en e Cuese bc ed 340 actions
CRTCHER RS et EN 1 action
(CET SR ner NE IN PO 1 action
CAGE: sement Re À Re LEE an 1 action
CARE reve hrs teens den M ARLES NS Dante AUS eos 1 action
La valeur réelle de Héliopolis est de 5 000 000 €.
La société anonyme Célestis exploite un centre de loisirs à Menton ; son capi-
tal est de 1 500 000 €, représenté par 1 500 actions d’une valeur nominale de
1 000 €, réparties ainsi entre ses sept actionnaires :
Gaston nee ee Fes pale n dutlea arr men en fur het ete ere 300 actions
Gustave Fes n'en dia à rue Te EE Een 300 actions
tuiles Ho nee Tr tre net et nr TARN ARÉ 300 actions
Gildas aber. uen. Liens. cn Le ee een 200 actions
Gérer tee ee M D er ec PP 135 actions
CÉNROlE EE UE La AC MO Per RAT RARE SAR EN 135 actions
CONTAN RE SRE EE RR DN A ere Rens 130 actions
La société Célestis qui vaut environ 4 500 000 € connaît, après des débuts
prospères, des difficultés depuis deux ans ; elle tarde à trouver un deuxième
souffle. En revanche, la société Héliopolis est en pleine progression ; elle cherche
à créer un nouveau centre de naturisme, de préférence sur la Côte d'Azur.
À cette fin, elle se rapproche de Célestis et, après neuf mois de pourparlers, la
fusion est décidée, Héliopolis absorbant Célestis.
Calculer parité d'échange, augmentation de capital et prime de fusion.
2. Solution du problème
a) La parité d'échange
— la valeur réelle des actions Héliopolis est de 2 000 €
- la valeur réelle des actions Célestis est de 3 000 €
— jes deux actions sont dans un rapport de 1,5
soit 2 actions Célestis pour 3 actions Héliopolis.
D'où les attributions suivantes :
_ Gaston, Gustave et Guillaume recevront chacun 450 actions Héliopolis
(300 x 1,5) ;
- Gildas recevra 300 actions Héliopolis (200 x 1,5)
= Gontran recevra 195 actions Héliopolis (130 x 1,5).
Pour Geneviève et Guénolé, une difficulté apparaît en raison du nombre
impair de leurs actions ; si on applique la parité, on obtient pour chacune 202,5
actions ; or il n’est pas envisageable d'attribuer des demi-actions ; aussi
devront-elles s'entendre, l’une pour acheter, l’autre pour vendre une action afin
d'obtenir un nombre pair ; on suppose que Guénolé, la plus têtue, achète une
action à Geneviève, d’où les attributions suivantes :
_ Guénolé recevra 204 actions Héliopolis (136 X 1,5) ;
_ Geneviève recevra 201 actions Heliopolis (134 X 1,5).
b) L'augmentation de capital
Au total ce sont 2 250 actions Héliopolis qui seront créées
(450 + 450 + 450 + 300 + 195 + 204 + 201). Or on sait que la valeur nominale
589
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
des actions Héliopolis est de 1 000 €, ce qui donne une augmentation de capital
de 2 250 000 € (2 250 x 1 000 €). Ainsi, le capital de Héliopolis sera désormais
de 4 750 000 € (2 500 000 + 2 250 000).
c) La prime de fusion
Chaque action Héliopolis vaut réellement 2 000 €, or les actions émises le
sont à la valeur nominale 1 000 €. Si on s’en tenait là Héliopolis s'enrichirait de
4 500 000 €, mais ses écritures constateraient seulement un enrichissement de
2 250 000 €, montant de l'augmentation de capital. D'où la prime de fusion,
qui peut être obtenue par deux voies :
— soit en multipliant la différence entre valeur nominale et valeur réelle de
l’action Héliopolis (1 000 €) par le nombre d’actions créées (2 250), la prime de
fusion est donc de 2 250 000 € ;
— soit par différence entre la valeur réelle de la société absorbée (Célestis) et
le montant de l’augmentation de capital de Héliopolis, et la prime de fusion est
encore de 2 250 000 €
3. Conclusions
La traduction comptable de la fusion sera la suivante chez Héliopolis (aucune
traduction comptable chez Célestis puisqu'elle disparaît) :
=
Avant Après
Passif Passif
590
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
b) L'information interne
1356. — Plusieurs informations sont rendues nécessaires par le projet de
fusion ; voici les principales :
— information des commissaires aux comptes ;
— information des actionnaires ;
- information du comité d'entreprise (C. trav., art. L. 432-1) ; en effet, il y
a là modification de l’organisation économique et juridique des entreprises en
cause (8).
c) L'information externe
1357. — Le projet de fusion donne lieu à plusieurs formalités de publicité,
notamment le dépôt au greffe et la publication d’un avis dans un journal
d'annonces légales. Elles sont prolongées par l'information de l’'administra-
tion : demande éventuelle d'autorisation au ministre de l'Economie au titre
de la réglementation des investissements étrangers (C. monét. fin., art. L. 151-3
et R 153-1 et s.), notification au ministre de l'Économie si la concentration
réalisée par la fusion atteint les seuils posés par la réglementation des concen-
trations (V. infra, n° 1437).
à la fusion 3 CA Paris,
(7) Pour une tentative de mise en œuvre de la responsabilité d'un commissaire
critiquait la parité d'échange
19 févr. 1999 : Bull. Joly 1999, p. 674, note L. GROSCLAUDE (un actionnaire
motif que le rapport d'échange
retenue pour une fusion entre une filiale et sa société mère ; ilest débouté au
n'était pas défavorable aux actionnaires).
de non-respect de la procédure
(8) Pour un exemple d'ajournement du processus de fusion pour cause
consultation du comité européen d'entreprise , CA Paris, 21 nov. 2006 : JCP E 2006, 2840, note T. BONNEAU
de
(projet de fusion Suez-Gaz de France).
591
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
8 2. — La décision
A. - Les résolutions
1° Les assemblées
1359. — La fusion est décidée « par chacune des sociétés intéressées, dans .
les conditions requises pour la modification des statuts» (C. com,
art. L. 236-2, al. 2). La règle est logique ; pour l’une, l’absorbée, la fusion
emporte dissolution, pour l’autre, l’absorbante, c'est à une augmentation de
capital que l’on assiste ; or dissolution et augmentation de capital sont des
décisions de nature extraordinaire. Aussi bien la résolution, pour être adoptée,
exige-t-elle la réunion d’une majorité qualifiée : deux tiers dans les SA, trois
quarts en principe dans les SARL (V. supra, n° 1040). L'unanimité est néces-
saire lorsque la société absorbante est une SAS car l'acquisition de la qualité
d’associé d’une SAS suppose le consentement individuel de chacun des asso-
ciés (V. supra, n° 890).
1360. - Le schéma se complique lorsque la société absorbée a émis des
obligations. De fait, l'assemblée des obligataires est alors appelée à délibérer
sur la proposition de fusion (C. com, art. L. 228-65, 3°), sauf faculté pour les
dirigeants de ne pas consulter les obligataires et de leur offrir le rembourse-
ment immédiat de leurs titres sur simple demande de leur part (C. com.
art. L. 236-13). En cas de consultation, si l'assemblée des obligataires refuse la
proposition de fusion, les dirigeants peuvent passer outre (C. com.
art. L. 228-73), ce qui ouvre le droit pour l’assemblée des obligataires de faire
opposition à la fusion. Du côté de l’absorbante, la situation est plus simple
dans la mesure où le projet de fusion n’a pas à leur être soumis (C. com.
art. L. 236-15) ; leur seule défense est l’opposition; ce qui suppose que l’assem-
blée des obligataires donne mandat en ce sens au représentant de la masse
(V. infra, n° 1375).
2° Le calendrier
1361. —- La fusion n’est pas une opération aisée ; la multiplicité des organes
à consulter, les délais requis pour cette consultation commandent l'adoption
d’un calendrier précis. Voici l'extrait d’un calendrier de fusion de deux SA ne
faisant pas publiquement appel à l'épargne, dans lequel J représente la date
de tenue des assemblées extraordinaires appelées à approuver la fusion :
— J-50 : réunion des conseils d'administration aux fins d'autoriser les prési-
dents à signer le projet de fusion et de convoquer l'assemblée générale
extra-
ordinaire ;
— J-49 : signature du projet de fusion ;
— J-48 : communication du projet au commissaire à la fusion :
— J-47 : dépôt du projet au greffe du tribunal de commerce ; demand
e de
publication du projet dans un journal d'annonces légales ;
— J-40 à 35 : envoi d’un préavis d’assemblée aux actionnaires
l'ayant
demandé ;
— J530 : mise à disposition des actionnaires et des membres du comité
d’en-
treprise des documents relatifs à la fusion :;
592
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
B. — Les publicités
1364. - Les deux sociétés en cause étaient immatriculées au registre du
commerce et des sociétés, aussi bien doivent-elles procéder à des inscriptions
l'écart un minoritaire).
(9) Cass. com., 11 oct. 1967 : Bull. civ. Il, n° 319 (fusion clandestine pour mettre à
CaAUSsAIN (le minoritaire
— CA Versailles, 1 oct. 1986 : JCP E 1987, 16342, n° 21, obs. A. Vianoier et J.-J.
une parité de 5
se plaignait qu'une parité de 4 pour 1 ait été retenue alors que les experts préconisaient
que toute évaluation se
pour 1 ; la cour répond que l'écart était trop faible pour signer l'abus et ajoute
colore de subjectivisme).
partiel d'actif mais la
(10) Cass. com., 22 févr. 2005 : R/DA 6/05, n° 708; l'arrêt concerne un apport
de la recherche
solution paraît valoir pour une fusion ; dans cette affaire l'Agence nationale de valorisation
l’activité concernée et les
(ANVAR) avait accordé un prêt sans intérêt à une société À : celle-ci transféra
; l'ANVAR, qui n'avait pas été
brevets correspondant à une autre société (B) par voie d'apport partiel d'actif
de remboursem ent à la société À ; celle-ci argua du fait que la nullité de
prévenue adressa une demande
n'avait aucun droit au
l'apport partiel d'actif n'ayant pas été prononcée (ni d'ailleurs demandée), l'ANVAR
ce raisonnement et pose
remboursement : la Cour de cassation censure la cour d'appel qui avait adopté
partiel d’actif » (Rappr.
clairement que «la fraude rendait inopposable à l'ANVAR l'acte de cession (sic)
p. 15).
Paror, Restructurations de sociétés et abus de droit : Rev. sociétés 2001,
593
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
594
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
2° La clause de rétroactivité
595
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
pas donner lieu à agrément (14), la solution étant commandée par la nature
de transmission universelle de la fusion.
La même notion explique que les actionnaires de la sociétés absorbante
puissent se constituer partie civile pour des délits commis au sein de la société
absorbée (15) (V. supra, n° 632).
596
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
597
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
s'exécute pas ; cette obligation de règlement n'est pas affectée par la fusion.
En revanche, l'obligation de couverture, qui s'applique aux dettes qui ne sont
pas encore nées, s'éteint avec la fusion (22).
On réservera le cas de fraude, ainsi d’une fusion orchestrée pour rendre
caduc à l'avenir l'engagement de caution (23).
b) Second cas : la société créancière est absorbée
1374. —- Dans cette hypothèse, un engagement de caution a été donné au
profit d’une société créancière, laquelle est absorbée par une société tierce.
Pendant longtemps, la jurisprudence a appliqué la distinction qui vient d’être
évoquée ; que la société soit créancière ou débitrice, la solution était identique.
Mais un arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2005 a opté pour une
solution différente en retenant la transmission de plein droit à la société absor-
bante du bénéfice de la caution (24).
4° L'application aux créanciers obligataires
1375. —- Le mécanisme de protection est plus compliqué, car les solutions
varient en fonction de la nature des obligations et du rôle — absorbée ou absor-
bante — de la société ayant émis les obligations.
On retiendra que les obligataires de la société absorbée connaissent du pro-
jet de fusion, à moins que la société émettrice ne leur offre le remboursement
des titres sur simple demande de leur part (V. supra, n° 956) (C. com,
art. L. 236-13). Si la voie de la consultation est préférée à celle du rembourse-
ment, le risque existe d’un refus du projet de fusion par l’assemblée des obli-
gataires ; si tel est le cas, la société peut passer outre, mais le représentant des
obligataires, mandaté par l'assemblée des obligataires, a alors la possibilité de
faire opposition au projet ; le conflit est tranché par le tribunal de commerce
qui, appréciant le danger que représente la fusion pour les obligataires, rejette
l'opposition ou exige la constitution de garanties ou encore impose le rem-
boursement des obligations (C. com. art. L. 228-72).
Les obligataires de la société absorbante ne sont pas consultés, mais leur
assemblée générale peut donner mandat aux représentants de la masse de
former opposition à la fusion, opposition qui obéit au régime qui vient d’être
décrit (C. com. art. L. 236-15).
5° L'application aux bailleurs
1376. — Pour le bailleur de la société absorbante, rien ne change ; l’absor-
bante ne disparaît pas, c’est le même locataire qui occupe les locaux. Quant
au bailleur de la société absorbée, il ne peut que constater la transmission du
(22) Cass. com., 17 juill. 2001 : RJDA 2002, n° 47; la société absorbée
bénéficiait d'une caution pour
le prêt qu'elle avait accordé à un tiers : la caution demeure tenue à l'égard
de la société absorbante dès lors
que la créance était contractuellement née avant la fusion, la circonstanc
e que le prêt n'était pas exigible à
la date de la fusion était indifférente. - Cass. com., 8 nov. 2005,
n° 1403 FS-PBRI : BRDA 22/05, n° 1,
2° esp. ; Bull. Joly 2006, 8 72, p. 345, note P. Le CAnNU : l'engagement
d'une caution à l'égard d’un bailleur
subsiste malgré l'absorption de la société locataire dès lors que
le contrat de bail a été signé avant la fusion :
ainsi la caution devra garantir non seulement les loyers échus, mais
aussi les loyers à échoir puisqu'ils trouvent
(23) Cass. com., 10 oct. 1995 : Bull. Joly 1995, p. 1058, note M.-L. Cooueter
: «les transformations
successives ont été réalisées pour des raisons de pure convenanc
e personnelle par C. en vue de s'exonérer
de son obligation, sans pour autant vouloir dénoncer son cautionn
ement ».
(24) Cass. com., 8 nov. 2005 n° 1402 FS-PBRI : BRDA 22/05, n° 1, re esp. ; Bull. Joly
p. 344, note PSE CANAU ; fusion-absorption d'une société propriétai 2006, 8 71,
re d'un immeuble donné en location,
un cautionnement garantissant les loyers.
598
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
(25) Cass. com., 1*juin 1993 : Bull. Joly 1993, p. 892, note J.-J. DAIGRE. La solution ne concerne toutefois
que les fusions entre SA (CA Paris, 14 sept. 2001 : R/DA 2002, n° 46).
(26) Sur la question, C. Prero, La société contractante, PU Aix, 1994, n° 685 et 695 et s. — Jaspar et
Meras, Les limites à la transmission universelle du patrimoine, les contrats intuitu personae : Bull. Joly 1998,
p. 447. — A. Vianorer, Les contrats conclus intuitu personae face à la fusion des sociétés : Mél. C. Mouly,
(l'auteur
Litec, 1998, t. Il, p. 193. — M. DuerTRer, L'intuitus personae dans les fusions : Rev. soc. 2006, p. 721
critique l'absence de transmission des contrats conclus en considération de la personne).
(27) Cass. 3 civ., 23 avr. 1976 : Rev. sociétés 1977, p. 69, note Y. GUYON.
(28) CA Paris, 2 nov. 1982 : BRDA, 02/1983, p. 12.
(29) Cass. com., 29 oct. 2002 : BRDA 22/2002, p. 4.
(30) Cass. com., 30 mai 2000 : JCP G 2000, Il, 10 401, note A. VIANDIER.
(31) Cass. com., 13 déc. 2005 : Bull. Joly 2006, 8 124, p. 591, note X. Vamparys ; Dr. sociétés, févr.
2006, n° 23, obs. J. MonnET.
599
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
Sous-section 3
1380. — Dans le régime de droit commun, chaque étape donne lieu à une
imposition distincte. La dissolution de la société absorbée entraîne l’imposi-
tion du résultat de liquidation, notamment celle des plus-values latentes
(V. supra, n°471 et s.). La société absorbante doit payer les droits d'apport à
raison de l'augmentation de son capital, ce qui se traduit par la perception
d'un droit fixe de 375 ou 500 € selon le montant du capital social (V. Supra,
n° 815). Quant aux associés de la société absorbée, ils sont imposables à raison
de la plus-value latente dégagée par l’échange de titres. Si l’on appliquait le
droit commun, le coût fiscal serait tel qu’il interdirait la plupart du temps la
faisabilité des fusions. Le régime de faveur est heureusement plus attrayant.
600
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
Sous-section 4
(32) J. Bec, La difficile harmonisation du droit des fusions transfrontalières, Mél. Ch. Gavalda, Dalloz,
2001, .p: 19:s.
(33) J.-J. Caussan, Fusions transfrontalières : JCP E 1999, p. 897.
601
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
602
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
France s'assure que ces conditions sont réunies par la technique de l'agrément
préalable. De cette façon, le régime fiscal de faveur, fondé sur le caractère
intercalaire de l'opération, ne sera accordé aux fusions internationales,
qu'elles soient intra- ou extracommunautaires, que si les conditions suivantes
sont respectées :
— intérêt économique : la fusion doit être motivée par une logique écono-
mique (l'amélioration des structures) et non un souci d'évasion fiscale ;
Le absence de délocalisation matérielle : si c’est une filiale française qui est absor-
bée par sa société mère étrangère, les actifs doivent demeurer sur le territoire
français, ce qui implique que la filiale absorbée se transforme en établissement
stable, c’est-à-dire en succursale ;
— absence de délocalisation fiscale ; lorsque la société absorbée est une société
de droit français, elle bénéficie, de même que ses associés, d’un sursis d’impo-
sition des plus-values ; le fisc français veille à ce que ce report ne se trans-
forme pas en exemption au fil des temps; les engagements qui pèsent
normalement sur la société absorbante seront donc pris par l'établissement
stable (par exemple, obligation de calculer les plus-values ultérieures non à
partir des valeurs d'apport mais à partir des valeurs fiscales d’origine).
603
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
plus grosse qu'elle : pour les juristes, il n'y a rien d'incongru à faire avaler une baleine par
une sardine. Cependant, les praticiens, sensibles à l'aspect économique des choses, parlent
parfois de fusion à l'envers lorsque la société absorbée est moins importante que la société
absorbante ou lorsqu'une filiale absorbe sa société mère (ainsi de la Compagnie nationale Air
France se laissant absorber par sa filiale UTA en 1993).
Le sens de la fusion est souvent commandé par l'impossibilité de transmettre un bien,
même par fusion, d'une société à une autre. Soit par exemple une société titulaire d'un
agrément administratif ou partie à un contrat stipulé intransmissible, son absorption par une
tierce société fera tornber l'agrément et le contrat, d'où la nécessité d'inverser le sens de la
fusion et de faire de la tierce société la société absorbée. Au bout du compte, le résultat est
le même, à savoir la constitution d'une entreprise unique.
Autre cas : celui dans lequel certains des associés de la société absorbée disposent d’un
droit de veto en cas d'absorption ; telle était la situation de UTA dont le statut de société
anonyme à participation ouvrière rendait impossible l'absorption par une société n'ayant pas
ce statut sans l'accord des salariés réunis au sein d’une société coopérative ouvrière. Butant
sur cet obstacle, Air France prit d'abord en location-gérance le fonds de commerce de UTA,
puis neuf mois après, se fit absorber par UTA, avant qu'une modification législative permit
à l'ensemble de sortir de ce statut incommode. La pirouette fut achevée quand UTA, l‘absor-
bante, prit le nom de l'absorbée : c'est ainsi que la flotte française malgré la disparition de
la société Air France, continue de voler sous les couleurs d'Air France.
Le même scénario a été repris quand Spie Batignolles, riche de ses pertes immobilières, a
absorbé son opulente mère, Schneider. Le sens de la fusion répondait à de pressantes consi-
dérations juridiques, car Spie Batignolles était titulaire de contrats intransmissibles. Comme
dans le cas d'Air France, l'absorbante a repris le nom de l‘absorbée et c'est ainsi que Schneider
revit après son enterrement juridique. .
À propos de cette affaire, la grande presse a révélé qu'outre les considérations juridiques,
le sens de la fusion permettrait à Spie Batignolles de valoriser ses déficits fiscaux, lui permet-
tant ainsi de réaliser une économie fiscale de 600 millions (Le Monde, 16 mars 1995). En effet,
si la loi (CGI, art. 209) interdit, sauf agrément, d'’imputer sur les bénéfices de l'absorbante les
déficits accumulés par l'äbsorbée, elle est muette sur l'opération inverse d‘imputation des
déficits de l'absorbante sur les bénéfices de l’absorbée. D'où l'intérêt d’une fusion à l'envers,
le canard boiteux absorbant la société prospère. L'opération ne risque-t-elle pas toutefois
d'être remise en cause sur le fondement de l'abus de droit pour fraude à la loi fiscale
(V. supra, n° 185) ? Le Conseil d'État a répondu par la négative dans un arrêt Auriège du
21 mars 1986 du moins lorsque la fusion répond à une logique économique (RJF 1986,
p. 267, concl. C. Fouquer).
604
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
et s.). Mais le bénéfice de cette rétroactivité ne pourrait être revendiqué par un tiers, en
l'espèce la caution.
1 n'y a pas en effet un report en arrière de la réalisation définitive de la fusion, qui reste
en principe fixée à la date de la dernière des assemblées générales. Il ne saurait d’ailleurs y
avoir un tel report en arrière, sauf à mettre en péril les actes accomplis et les décisions prises
pendant la période dite intercalaire ;de fait, dire que la fusion rétroagit au sens — le seul
acceptable — juridique du terme, reviendrait par exemple à anéantir les actes de procédure
la
effectués par la société absorbée depuis la date choisie pour faire remonter les effets de
fusion (CA Versailles 14 janv. 1999 : R/DA 1999, n° 414). Loin d'être une rétroactivité, qui
affecterait les droits acquis et serait opposable aux tiers, le report de la date d'effet de la
; c'est
- fusion autorisé par l'article L. 236-4 précité ne touche pas à la substance des droits
une simple convention comptable.
Telle est donc la « rétroactivité » de la date d'effet d'une fusion : un abus de langage
désignant un simple procédé comptable et non la tentative, vaine, de refaire l'histoire des
deux sociétés impliquées ; nul ne peut faire que ce qui a été accompli par la société absorbée
jour de la
ne l'ait été que par elle et que la société absorbée ait pleinement vécu jusqu'au
même si
… éalisation définitive : la dissolution rétrospective n'existe pas dans le champ du droit,
plus habile à jouer avec le temps, accepte d'en faire un mode de raisonnement.
_ le comptable,
b) La portée fiscale de la clause de rétroactivité
qui n'emporte
S'il est entendu que la clause de rétroactivité est une commodité comptable
au fisc puisque la
pas d'effet juridique à l'égard des tiers, il faut faire une place à part
nn
mn
non
8
nas
en
605
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
rétroactivité produit des effets fiscaux non négligeables (V. l'importante instruction fiscale du
3 août 2000 : Dr. fisc. 2000, n° 37, 12 504). _
Selon un arrêt de principe du Conseil d'État du 12 juillet 1974 (Dr. fisc. 1974, comm.
1525, concl. D. ManoekerN), en matière d'imposition des bénéfices, la portée fiscale de la
rétroactivité est limitée dans le temps en ce qu'elle ne saurait remettre en cause les résultats
du dernier exercice clos. Sous cette réserve, la société absorbante est en droit de rattacher à
ses propres résultats ceux réalisés par la société absorbée pendant la période intercalaire,
qu'ils soient bénéficiaires ou déficitaires. .
La rétroactivité n'a cependant pas une portée absolue. Si elle a sa place dans le cadre de
l'impôt sur les sociétés dont le calcul repose sur des données comptables, elle n'a pas d'inci-
dence sur le fait générateur des autres impositions. Ainsi, c'est la société absorbée qui reste
| redevable de la taxe professionnelle due à raison de la; situation
” au 1% janvier même si la
| fusion remonte à cette date par le jeu de la clause de rétroactivité.
pi sise hate tres ss hat ssh
Section 2
Sous-section 1
LA DÉFINITION ET LA FONCTION
DE L'APPORT PARTIEL D'ACTIF
8 1. — La définition
1390. — L'apport partiel d’actif est un apport en nature qui porte sur une
branche autonome d'activité et qui est réalisé par une société dite apporteuse
à une société dite bénéficiaire. Apport en nature, l'apport partiel d’actif pro-
voque une augmentation de capital de la société bénéficiaire. C’est un apport
en nature particulier car il ne porte pas sur un bien isolé, mais sur une branche
autonome d'activité, c’est-à-dire une division, un département, un ensemble
homogène constitutif d’une « sous-entreprise ». Le concept de branche auto-
nome n'est d’ailleurs pas propre au droit dessociétés ; ainsi le retrouve-t-on
en droit de la faillite, la cession partielle de l’entreprise en redressement judi-
ciaire n'étant possible que pour « un ensemble d'éléments d'exploitation qui
forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d'activité »
(C. com. art. L. 642-1). Le même concept se retrouve en droit fiscal (V. infra,
n° 1397). Tel est le cas, par exemple, pour l'apport de la branche assurance-
vie par une société générale d'assurances, pour l'apport du département
entretien par une société fabriquant des appareils ménagers, pour l'apport de
la branche négoce par une société produisant et distribuant des matériaux.
1591. — À la différence de la scission, l’apport partiel d’actif n'emporte pas
dissolution de la société apporteuse : celle-ci subsiste, seul son patrimo
ine
est affecté, la branche apportée étant remplacée par les actions de
la société
bénéficiaire. Ce n’est pas davantage une fusion, du fait de la survie
de la
société apporteuse ; de plus, à la différence de la fusion, l'opération
est neutre
pour les actionnaires de la société apporteuse : ils ne deviennent
pas action-
naires de la société bénéficiaire car ce n’est pas eux, mais la société
dont ils
606
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
8 2. — Les fonctions
Sous-section 2
8 1. — Le principe de l'option
607
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
608
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
dérogation, le traité d'apport peut écarter cette solidarité, mais les créanciers
disposent alors d’un droit d'opposition (C. com. art. L. 236-21).
Sous-section 3
1397. — Tout autant qu'aux aspects juridiques, les groupes sont sensibles au
coût fiscal des restructurations auxquelles ils se livrent. À cet égard, le régime de
faveur applicable aux apports partiels d’actif est calqué sur celui des fusions
(V. supra, n® 1379 et s.). Il est subordonné à un certain nombre de conditions. Il
faut d’abord qu’il porte sur une branche complète d'activité que la directive fis-
cale communautaire du 23 juillet 1990 définit comme « l’ensemble des éléments
d’actif et de passif d’une division d’une société qui constituent, du point de vue
de l’organisation, une exploitation autonome, c’est-à-dire un ensemble capable
de fonctionner par ses moyens propres ». En termes différents, la définition des
fiscalistes concorde avec celle des juristes (V. supra, n° 1390). Le régime de sursis
d'imposition des plus-values réalisées par la société apporteuse implique en
outre que celle-ci s'engage à conserver les titres qu’elle reçoit en échange pendant
au moins trois ans ; cette condition ne s'applique pas en revanche pour le régime
de faveur applicable en matière d'enregistrement (droit fixe de 375 € ou 500 €
selon le montant du capital social, V. supra, n° 815).
1398. — Tous ces régimes sont indépendants les uns des autres ; la société
peut sur le plan fiscal se placer sous le régime de faveur des fusions sans être
tenue d'exercer le même choix sur le plan juridique, et réciproquement. Si
l'on se limite aux aspects fiscaux, la société peut revendiquer en matière d’en-
registrement l'application du droit fixe de 375 € ou 500 € selon le montant du
capital social (V. supra, n° 815) tout en ne sollicitant pas le bénéfice du sursis
d'imposition des plus-values, ce qui la dispense de l'engagement de conserva-
tion des titres pendant trois ans. Cette indépendance des diverses options
donne toute sa souplesse à la technique des apports partiels d'actif.
609
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
610
LA FUSION, L'APPORT PARTIEL D'ACTIF ET LA SCISSION
Section 3
LA SCISSION
Sous-section 1
611
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
Sous-section 2
LES TIERS
612
Chapitre 2
Section Î
: soit
1406. — La prise de participation concertée peut prendre deux voies
actionn aires domina nts (c'est la cession de
celle de l'achat des actions des
dite), soit celle de l'augme ntation à capital, celle-ci étant
contrôle proprement
réservée aux nouveaux arrivants.
613
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
Sous-section 1
(1) Ch. Hannou, Les conventions portant transfert du contrôle et la transparence des sociétés : D.
p. 67. — P. Mousseron, L'obligation de renseignement dans les cessions 1994,
de contrôle : JCP E.1994, |, 362.
J. PAILLUSSEA
U, La cession de contrôle et la situation financière de la société cédée
D. PLanrawp, Le critère de la cession de contrôle (essai de synthèse jurisprudentielle) : JCP G 1992 3578. =
: RTD com. 1999, p. 819.
614
LES PRISES DE PARTICIPATION
menée par des dirigeants assoupis ; l'exemple type est celui d’une PME pros-
père mais dont les potentialités sont mal exploitées ;
-— la holding de reprise : il s'agit de la société créée par les repreneurs pour
les besoins de la cause ; peu importe son statut juridique (société civile, société
de capitaux) ; l'essentiel est qu’elle relève de l'impôt sur les sociétés ; c’est en
effet un élément important de la stratégie fiscale qui sera mise en place ; dans
la typologie des sociétés, la holding de reprise a la nature d’une société de
Ro conçue comme technique de gestion du patrimoine (V. supra,
n ;
— les repreneurs : les repreneurs peuvent être des sociétés cherchant à se
développer par voie externe grâce à une politique de rachat des concurrents ;
dans d’autres hypothèses, il s’agit de personnes physiques désirant se consti-
tuer un patrimoine professionnel grâce à des emprunts massifs; les repre-
neurs souhaitent réaliser soit un investissement à long terme (c’est un maillon
de leur stratégie de développement), soit un placement à court terme (ils
escomptent une solide et rapide plus-value au moment de la rétrocession de
l’entreprise) ; l'acquisition est alors plutôt le fait de fonds d'investissement
qui acquièrent, restructurent et revendent 3 à 5 ans après (V. infra, n° 1414).
de « leveraged recapitalization » :
(2) V.F. CoHen et L. TaR, Les problématiques juridiques des opérations
Rev. trim. dr. fin. 2/2006, p. 75 ets.
615
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
Sous-section 2
De
616
LES PRISES DE PARTICIPATION
emprunts est de 4 %, il est facile de calculer que la rentabilité nette (le bénéfice) est de 6 %
(on raisonnera pour l'instant hors fiscalité). Le nouveau dicton des financiers est vérifié : « Qui
s'endette s'enrichit. » || en va de même des holdings de reprise : les repreneurs s'enrichissent
.ds . dès que le TRI (taux de retour sur investissement) est supérieur au taux du loyer
e l'argent.
©) L'effet de levier fiscal
. Tous les calculs sont faux s'ils n’intègrent pas la variable fiscale. Si notre investisseur immo-
bilier ne tient pas compte de son taux global d'imposition, il s'apercevra en fin d'année que
les loyers ne suffisent pas toujours à rembourser ses charges financières. Il faut donc que
l'effet de levier financier soit en phase avec l'effet de levier fiscal. C'est chose faite dans le
cas des holdings de reprise dès lors qu'elles relèvent de l'impôt sur les sociétés. Deux situations
sont à distinguer :
— le rachat porte sur moins de 95 % du capital de la société cible : dans ce cas le régime
fiscal des sociétés mères et filiales permet d'exonérer au niveau de la société holding les
dividendes que lui verse la société cible (V. infra, n° 1484);
— le rachat porte sur 95 % au moins du capital de la société cible : dès que ce niveau de
participation est atteint, holding et cible opteront pour le régime de l'intégration fiscale ; aux
yeux du fisc, elles seront traitées comme un contribuable unique, ce qui permettra d'imputer
les charges financières de la holding sur les bénéfices de la cible; il en résultera une diminu-
tion de l'impôt sur les sociétés à payer, donc une augmentation des dividendes à distribuer
et par conséquent une plus grande capacité de remboursement des emprunts contractés
(V. infra, n° 1487). En clair, la holding de reprise est un véritable paradis fiscal chez soi qui
vaut, le soleil en moins, celui de maints pays exotiques. cean
A
s
terme. Les actifs non stratégiques sont cédés, des méthodes de gestion draconiennes sont
mises en place, les frais de personnel, voire de recherche et de développement, sont réduits
à l'extrême. En clair, il faut dégager le maximum de liquidités pour rembourser les emprunts
le plus rapidement possible et revendre le tout avec profit.
En effet, le destin de la cible, une fois les emprunts remboursés, est d'être revendue, au
bout de quatre ou cinq ans par exemple, avec une forte plus-value. La revente est faite parfois
au profit d'un autre fonds d'investissement : on parle alors de LBO secondaire. La plus-
value réalisée est partagée entre les investisseurs qui ont confié leurs liquidités au fonds
la
d'investissement, les dirigeants qui ont œuvré au succès de l'opération, sans compter
commission du fonds lui-même.
3. Le nouveau jeu à la mode : comment s'enrichir en changeant
d'actionnaires
ement
4415. - Il y avait le Monopoly, jeu familial des dimanches pluvieux, où l'enrichiss
quatre gares en recevant
immobilier virtuel s'accompagnait du plaisir de tourner en rond entre
à la station Départ une prime rondelette. Il y a beaucoup mieux depuis
régulièrement
d'actionnaires
quelques années : l'enrichissement des dirigeants dont les entreprises changent
fonds d'investis-
à l’occasion d'une prise de contrôle par des sociétés de capital-risque ou des
On parle pudiqueme nt de « manageme nt package » mais le gain peut être phéno-
sement.
de profit).
ménal, dans le rapport de 10 pour 1 (un euro engagé pour 10 euros
urs financiers qui
L'intéressement des dirigeants est utile spécialement pour des investisse
est donc normal que l'on
ne connaissent pas le métier exercé par la société rachetée. I!
617
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
|
| cherche à s'attacher leur aide et à obtenir d'eux l'engagement de demeurer en place pendant
| une certaine durée, celle de l'investissement (trois ans en moyenne).
| Cet intéressement prend plusieurs formes. D'un côté, les dirigeants sont invités à participer
| à la holding de reprise et donc en mesure de profiter des plus-values que les investisseurs
| espèrent réaliser; ainsi les dirigeants investissent leur propre argent, généralement en s'en-
dettant. D'un autre côté, ils se voient offrir la possibilité d'augmenter leur participation dans la
holding de reprise, à des conditions financières très favorables, en fonction des performances
| réalisées : l'augmentation se fait généralement par FIDPNAEEÈRS de bons de souscription
d'action.
L'intéressement varie selon la position du dirigeant; le dirigeant indispensable ne sera pas
| traité de la même manière que le cadre supérieur appartenant à un comité de direction }
générale de cinquante personnes.
| L'opération peut être renouvelée à chaque cession : les dirigeants remettant en jeu leur
| mise et obtenant de nouveaux avantages lors de la cession par des investisseurs initiaux à
! d'autres investisseurs financiers, l'entreprise dirigée devenant alors un simple objet d’ échange
| et d'enrichissement.
| De tels arrangements ne sont pas critiquables dès lors que les dirigeants n’abusent pas de
la situation au détriment des actionnaires anciens et de | entreprise. On ne saurait par exemple
accepter que les dirigeants favorisent une vente à bas prix— en cachant les réelles espérances
de profit ou en enlaidissant la situation de la société— de manière à augmenter leurs chances
de plus-values. Leur situation de conflit d'intérêts exige donc l'intervention d'experts indépen-
dants qui donneront aux actionnaires un avis sur la véritable valeur de la société .. ce qui
suppose que les dirigeants jouent le jeu et leur livrent toutes les informations utiles. On ne
saurait davantage permettre que les dirigeants mettent à sac l’entreprise, bradent les actifs,
n'entretiennent pas l'équipement, etc. de manière à augmenter le résultat à court terme, le
|temps de toucher le jackpot et de filer aux Bermudes. Dans les deux cas, la responsabilité civile
pour faute de gestion et la responsabilité pénale pour abus de pouvoirs peuvent permettre de
sanctionner les aberrations de comportement.
| Un motif d'espérer, pour les croyants du moins: la presse à annoncé l'entrée — modeste
| — sur le marché du capital-risque des moines bénédictins de Saint-Wandrille (Figaro Entre-
prises, 13 avr. 2004), peut-être diffuseront-ils avec eux ce sens du don et de la responsabilité
| sociale, le goût pour les perspectives à long terme, tellement ignorés dans ce type d‘opéra-
| tions financières.
- tenter eeette tt ht st a nt tt as ass to ts one hé sa
Section 2
618
LES PRISES DE PARTICIPATION
Sous-section 1
LE DÉCLENCHEMENT DE L'OFFRE
Sous-section 2
LE DÉROULEMENT DE L'OFFRE
8 1. —- La phase secrète
619
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
groupe Pinault a dû s'expliquer sur son éventuel projet d'offre sur Suez à la
suite de divers articles de presse faisant état d’une possible offre.
8 2. —- La phase publique
Exemple :
« Aventis considère que :
— le calendrier opportuniste de l'offre non sollicitée de Sanofi-Synthélabo est
défavorable aux actionnaires d’Aventis ;
— les termes de l'offre sous-évaluent manifestement Aventis ;
— les actions Sanofi-Synthélabo constituent une monnaie d'échange risquée
qui pourrait être significativement affectée par plusieurs facteurs ;
— il existe de réels doutes sur la capacité de l'entité combinée à générer une
croissance aussi forte, durable et profitable que celle d’Aventis ;
— le rapprochement proposé ne présente qu’un intérêt limité pour Aventis,
tant en termes de taille critique sur le marché, de présence géographique (en
particulier aux Etats-Unis), de Recherche et Développement, et de renforcement
de son portefeuille de produits et au regard des risques substantiels associés à
cette opération ;
— l'offre entraînera des conséquences sociales majeures au détriment des col-
laborateurs d'Aventis, particulièrement en France et en Allemagne. » (Extrait de
la note en réponse d’Aventis, objet d’une offre dè la part de Sanofi-Synthélabo,
février 2004).
620
LES PRISES DE PARTICIPATION
art. 232-7). Toutes les transactions doivent être faites sur le marché boursier
(C. monét. fin. art. L. 421-13) (4).
À la fin de l'opération, les résultats sont dépouillés et publiés.
Sous-section 3
LES DÉFENSES
1422. - Les dirigeants des sociétés dont le capital n’est pas contrôlé par un
actionnaire puissant cherchent à se prémunir contre d'éventuels « raiders ».
La panoplie des moyens de défense préventive comprend notamment (5) :
recours, dans les limites permises, à l’autocontrôle (V. infra, n° 1465
et s-);
_ Ja recherche d’une alliance avec des actionnaires ou/et des amis fidèles
(banquiers, autres sociétés), de façon à constituer un « noyau dur » ;
_ l'institution d’un droit de vote double (V. supra, n° 672) ;
- le plafonnement des droits de vote (V. supra, n° 671) ;
- l'émission d'actions de préférence, avec ou sans droit de vote (V. supra,
n° 932 et s.) ;
_ la transformation en commandite par actions (V. supra, n° 886 et s.).
1423. — La loi de transposition de la directive européenne (loi du 31 mars
2006) a profondément transformé la réglementation des défenses en cours
d'offre, en affirmant un principe dit de passivité à l'encontre des dirigeants de
la société visée par l'offre.
Le principe est posé en ces termes par l’article L. 233-32-I, du Code de
commerce :
« Pendant la période d'offre publique visant une société dont des actions
d’admi-
sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil
nistratio n, le conseil de surveilla nce, à l'excepti on de leur pouvoir de nomina-
le directeur général ou l'un des directeurs généraux
tion, le directoire,
de l'as-
délégués de la société visée doivent obtenir l'approbation préalable
prendre toute mesure dont la mise en œuvre est sus-
semblée générale pour
offres. »
ceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d’autres
accordées
De la même manière, pendant la période d'offre, les délégations
e, par exempl e en matière d'augm enta-
antérieurement par l'assemblée général faire
suspen dues si leur mise en œuvre est suscept ible de
tion de capital, sont
échouer l'offre.
de l'assemblée
La règle de passivité, qui aboutit à affirmer la souveraineté
t par exempl e aux dirigea nts de céder un
générale en cours d'offre, interdi à procéder
à ce titre convoi té par l'offra nt — à un tiers, ou
actif stratégique — et de la
la physio nomie
à une acquisition à ce point importante qu’elle affecte
société visée par l'offre publique d'acquisition (6).
e en cours d'offre
Parallèlement (V. supra, n° 947), l'assemblée peut émettr
nature à provo quer la diluti on de la participation de
des bons de défense de
l’offrant (C. com. art. L 233-32-Il).
621
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
Section 3
LA RÉGLEMENTATION
Sous-section 1
LES INFORMATIONS
622
LES PRISES DE PARTICIPATION
2° La déclaration d'intentions
concert avec
«Monsieur RG, Monsieur CG et Monsieur FD déclarent agir de
n et Madame DR et envisage nt de
la société Paul Ricard, la société Le Garlaba [Per-
achats, sans intentio n d'acquér ir le contrôle de la société
poursuivre leurs
nod Ricard].
Ricard, ne sou-
Monsieur RG étant déjà administrateur de la société Pernod
rs autres personn es comme
haite pas demander la nomination d'une ou plusieu
administrateur de la société Pernod Ricard.
er leur nomination
Monsieur CG et Monsieur FD ne souhaitent pas demand
person nes comme adminis trateur de la
ou celle d’une ou plusieurs autres
société Pernod Ricard. »
2006.)
(Extrait de l'avis AMF n° 206C0324 du 17 février
623
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
informer la société (C. com., art. 233-7, III) (7). Toute violation de cette obliga-
tion d’information peut emporter privation des droits de vote correspondants
pour toute assemblée qui se tiendrait jusqu’à l'expiration d’un délai de deux
ans suivant la date de la régularisation de la notification (C. com.
art. L. 233-14) (8).
Sous-section 2
624
LES PRISES DE PARTICIPATION
Sous-section 3
LES CONTRÔLES
1436. — Dans la vue de protéger les entreprises françaises contre les prises
de contrôle d'entreprises étrangères — objectif présenté comme relevant du
patriotisme économique — l’article L. 151-8, I du Code monétaire et financier
soumet à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie les investis-
sements étrangers dans des entreprises ou activités participant, même à titre
occasionnel, à l’exercice de l'autorité publique ou relevant de l’ordre public,
de la sécurité publique, de la défense nationale. Ces activités ont été définies
plus précisément par un décret du 30 décembre 2005 (C. monét. fin, art. R.
153-1 et s.).
À se limiter aux investissements émanant de personnes non ressortissantes
d'un État membre de la Communauté européenne (C. monét. fin, art. R.
sui-
153-2), la liste des activités concernées couvre par exemple les secteurs
vants : jeux d'argent, sécurité privée, recherche , développ ement ou produc-
ou
tion de moyens destinés à faire face à l’utilisation d'agents pathogènes
(bioterro risme), matériels d'interce ption des correspo ndances et de
toxiques
ques,
détection des conversations à distance, sécurité des systèmes informati
de munitions, de
cryptologie, la recherche, production ou commerce d'armes,
poudres, de substances explosiv es…
8 2. - La réglementation de la concurrence
une cer-
1437. — Toute opération de concentration dès lors qu'elle atteint
concurr ence. Le projet de
taine taille impose l'intervention du Conseil de la
625
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
prise de contrôle doit être, le cas échéant, notifié à cette instance, laquelle
s
Sous-section 4
—————————
1. Le portage d'actions
1439. — Le droit des sociétés a ses « mères porteuses », portant temporairement un
paquet d'actions où de parts sociales pour le compte d'une autre société. Le portage d'actions
(ou de parts sociales) est en effet la convention par laquelle une société (une banque par …
exemple) prend une participation dans une société pour le compte de clients, lesquels demeu-
rent dans les coulisses, la société concernée pouvant ignorer l'existence du portage et la
qualité de son bénéficiaire. Formellement, l'accord prend la forme d'une promesse d'achat
consentie par les clients au bénéfice de la banque et d'une promesse de vente consentie
par
celle-ci ; le sort des dividendes perçus pendant la durée du portage et le sens dans: lequel la
626
LES PRISES DE PARTICIPATION
banque doit voter aux assemblées sont réglés dans la convention. Les raisons du montage
peuvent être trouvées dans un souci de discrétion ou dans la nécessité de trouver une solution
de transition en attendant de mettre au point un « plan de sauvetage » ou, après la cession
d'un bloc important d'actions et dans l'attente d'un reclassement dans des mains amies, voire
dans la nécessité de garantir la banque qui finance la prise de participation, cette dernière
demeurant titulaire des titres tant qu'elle n'a pas été remboursée. Juridiquement le portage
est un contrat sui generis — ni vente, ni prêt, ni société, ni dépôt — dans lequel l'élément
caractéristique est la prestation de services fournie par la banque aux clients; il y a là une
convention complexe irréductible à une simple vente (CA Paris, 9 juin 1983 : D. 1984,
inf. rap., 81. — TGI Lille, 28 oct. 1986 : RD bancaire 1987, Il, p. 55, obs. M. JEANTIN et À. VIAN-
Die :Rev. sociétés 1987, p. 600, note CI. Wrrz. — D. Scamir, Les opérations de portage de
titres de sociétés : Les opérations fiduciaires, LGDIJ, 1985, p. 29 et s. —F.-X. LuCA‘, Les trans-
ferts temporaires de valeurs mobilières, thèse, LGDJ 1997, spéc. n° 491 et s. — P. SOUmARI, Le
portage d'actions, LGDJ, 1996. — L.-F. NarraLski, F.-D. PorrRINAL et J.-CI. Paror, Les conventions
de portage : Dr. sociétés — actes prat., 1997, n° 33. — Treue, Les conventions de portage :
Rev. sociétés 1997, p. 721). Cependant, il est parfois difficile de dessiner la frontière entre le
prêt et le portage. Ainsi, des particuliers avaient acheté des parts d'une société étrangère à
l'initiative d'un conseil financier, parts immédiatement rachetées par ladite société, pour un
prix supérieur, payable à terme. S'agissait-il d'un portage éphémère ou d'un prêt par les
acquéreurs à la société étrangère ? Dans le premier cas, l'opération échappait aux règles de
l'usure, dans le second, elle y était soumise. La Cour de Riom opta pour le portage, la Cour
les
de cassation censura en considérant qu'il y avait prêt puisque les acquéreurs des parts
com.
revendaient immédiatement, et ne devenaient donc pas propriétaires (Cass.
23 janv.2007, n° 78, BRDA 4/07, p. 6, n° 12; Dr. sociétés mai 2007, n° 99, obs. Th. BONNEAU).
le grief
Le rachat se fait à un prix convenu, qui est indépendant des aléas sociaux, de là
de clause léonine qui a été parfois articulé à l'encontre dés conventions de portage (V. supra,
est
n° 145): en effet, le porteur étant assuré de revendre les actions au prix convenu, il
des risques de pertes ; la Cour de cassation écarte le grief au motif que la rétroces-
affranchi
n aux béné-
sion des actions d'un prix librement débattu est sans incidence sur la participatio
donc pas
fices et la contribution aux pertes dans les rapports entre associés et qu'elle n'est
contraire à la prohibition de l'article 1844-1 du Code civil (V. supra, n° 145).
du
Le portage, dès lors qu'il implique un engagement d'achat de la part du bénéficiaire
porteur, exigera le cas échéant une mention dans les documents comp-
portage à l'égard du
CA Paris, COB,
tables (pour un exemple de sanction pour non-respect de cette exigence,
Conventions de
5 avr. 1994 : BRDA 9/1994, p. 4: BCF 1994, p. 33. - Adde, J.-L. Meous,
portage et informations comptable et financière : Rev. sociétés 1993, p. 509).
le bénéficiaire du
Le portage peut être parfois le signe d'une action de concert entre
ViANDIER, Sécurité et transparen ce du marché financier : JCP Ë
portage et le porteur (V. A.
1989, 15612, n° 101).
2. Les défenses anti-OPA aux USA
sont touchés par la
1440. — Le souci de défense existe aux USA où les marchés boursiers
aux appellations exo-
fièvre des OPA. Les juristes locaux ont mis au point plusieurs parades
tiques. Voici un rapide lexique :
(shark où requin) ;
_ shark repellents : tout moyen de défense destiné à écarter un raider
l'entrepri se attaquée, qui organise sa défense et au besoin
white knight : le sauveur de
procède à une OPA concurrente ;
l'attaquant, à l'image du
_ défense Pacman : l'attaqué lance à son tour une OPA contre
de défense a été utilisé, sans succès, par Elf à l'encontr e de Total Fina en
jeu vidéo ; ce mode
1998 ; couronne
les bijoux de la
— crown jewels option : l'attaqué vend à un tiers pendant l'offre
l'herbe sous les pieds de l'agres-
convoités par l'offrant (tels des actifs stratégiques), coupant
seur et rendant son offre sans intérêt pour ce dernier ;
lement du conseil d'admi-
— staggered boards : les statuts organisent le rythme du renouvel
membres par an, de manière à retarder la prise de
nistration, par exemple un tiers des
ans pour disposer d'une majorité au
contrôle (du conseil) par un tiers, qui doit attendre deux
sein du conseil ;
ns, notamment de rappro-
supermajority vote : les statuts stipulent que certaines opératio
la société (ayant une particip ation d'une certaine impor-
chement avec un actionnaire de
prévoient parfois que seuls les
tance), exigent une majorité qualifiée du conseil. Les statuts
puissance de l'actionnaire considéré)
administrateurs anciens (nommés avant la montée en
627
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
peuvent participer à ce vote ; les règles de majorité qualifiée peuvent également être intro-
duites à l'échelon de l'assemblée générale des actionnaires;
— dual class capitalization : certaines sociétés ont prévu que l'exercice des droits de vote
attachés aux actions détenues par un actionnaire ayant franchi un seuil déterminé est condi-
tionné par un vote des autres actionnaires ; une variété consiste à prévoir un droit de vote
dégressif en fonction de l'importance de la participation détenue («sca/ed voting provi-
sions ») ;
- . plans : les rights plans — que l’on peut traduire imparfaitement par droit de
souscrire à un prix préférentiel — sont plus connus sous le nom de « poison pills » ; plus de
2 300 sociétés américaines disposent d'un mécanisme de défense de ce type ; le rights plan
comporte l'attribution de droits de souscription à tous les actionnaires de la société; ces
droits ont une durée de 5 à 10 ans et peuvent être exercés à des conditions prohibitives (par
exemple deux fois le cours de bourse), ce qui veut dire qu'en temps normal les droits ne sont
pas exercés; si un actionnaire franchit, pendant la durée de vie du plan, un seuil déterminé
(par exemple 20 % du capital), ses propres droits, s'il en détenait, sont annulés; les droits
des autres actionnaires deviennent exerçables à des conditions de prix différentes de celles
prévues initialement et très avantageuses ; l'attaquant, s'il souhaite éviter le risque d'une
dilution considérable, n'a plus qu'une issue, à savoir négocier avec le conseil d'administration
le désamorçage des plans.
3. Le banquier infidèle
1441. — L'homme ou la femme infidèle encombre la littérature, y compris juridique. Mais
la fidélité ne se limite pas à la relation de couple, elle concerne également d'autres rapports,
par exemple financiers, comme l’atteste la dernière contribution de M. Bernard Tapie à l‘évo-
lution du droit des affaires (CA Paris, 3° ch, B, 30 sept. 2005 : JCP E, 2005, 1617, note
À. Vianoier) (V. aussi supra, n° 1123).
L'arrière-plan de l'affaire est connu, pour avoir été souvent décrit dans la grande presse,
aussi peut-on se contenter de rappeler quelques dates et quelques valeurs. En juillet 1990 et
janvier 1991, M. Bernard Tapie acquiert, par l'intermédiaire d'une société BTF, grâce à un
financement procuré par la SDBO, filiale du Crédit Lyonnais, 78 % du capital de la société
Anibas pour le prix de 1 386 000 000 de francs. Quelques mois après, le 13 août 1991,
M. Tape cède 20 % de Adidas à la société Portland. En juillet 1992, il consent une promesse
de vente du solde à cette dernière, pour un prix valorisant Adidas à 2 922 000 000 de francs.
En octobre 1992, Portland renonce à acquérir malgré une offre de réduction du prix. Sa
participation de 20 % est alors rachetée par BTF à un prix valorisant l'ensemble à
2 780 000 000 de francs. Fin du premier chapitre.
Deuxième chapitre : le 12 décembre 1992, M. Tapie et la SDBO signent un mémorandum,
accompagné peu de temps après de divers contrats. Aux termes de ces arrangements, le
premier confie à la seconde le soin de céder la participation de 78 % dans Anias, laquelle
est alors valorisée 2 673 000 000.
Troisième chapitre : le 12 février 1993, les 78 % sont cédés à diverses sociétés, dont
certaines bénéficient d'un prêt du Crédit Lyonnais et dont l'une — Clinvest- est filiale de
cette banque. Dans le même temps, une promesse de vente est accordée par les nouveaux
actionnaires de Adidas à M. Lôuis-Dreyfus : la promesse est valable jusqu'au 31 décembre
1994, soit près de deux ans, et le prix stipulé est de. 4:650 000 000 milliards de francs, à
comparer aux 2 673 000 000 de francs, valorisation adoptée lors de l'accord de décembre
1992 avec le groupe Tapie.
Dernier chapitre : alors que courant 1994, les relations bancaires sont rompues entre le
Crédit Lyonnais et le groupe Tape, dont les entités le composant sont mises en redressement
judiciaire, le 22 décembre, M. Louis-Dreyfus, financé par le Crédit Lyonnais, lève l'option
d'achat et acquiert Adidas. :
. Dans le contentieux qui suivit, les mandataires liquidateurs de monsieur et madame Tapie
ainsi que des sociétés de leur groupe, obtinrent une première victoire devant le
tribunal de
commerce de Paris qui condamna la société CDR-Créances, venant aux droits de la
SDBO, au
versement d'une provision de 600 millions de francs au motif que la SDBO avait commis
une
faute dans ses relations avec le groupe Tapr.
La cour d'appel de Paris à confirmé partiellement cette première victoire en condamnan
t
le Crédit Lyonnais et la société CDR-Créances à payer 135 millions d'euros aux mandataire
s
liquidateurs du groupe Tapie.
La Cour remarque que les banques étaient les mandataires de M. Bernard
Tapie et relève
notamment un manquement à l'obligation d'information du mandataire :
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628
LES PRISES DE PARTICIPATION
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Chapitre 3
Section 1
LA PRATIQUE INTERNE
Sous-section 1
LA DESCRIPTION
8 1. — Le contrat de location-gérance
une société
1443. — Le contrat de location-gérance est le contrat par lequel
ce à ses risques et
confie à une autre le soin de gérer son fonds de commer
ir des loyers pendan t la durée
périls. La société gérée se contente de percevo société
de gestion de l’entrep rise relevan t de la
du contrat, toutes les décisions fonds de
gérée s’interd it de s'immis cer dans la gestion du
gérante. La société
d’où l'appellation
commerce, la société gérante est libre d'opérer à sa guise,
de « gérance libre ». ter
C'est notamment le
Pareil contrat peut servir d’instrument de domination.
partic ipation, voire à
cas lorsque la location-gérance prélude à une prise de
les fiançai lles qui précèdent
une fusion entre les deux sociétés. Ce sont alors on-gérance
n° 1343). La figur e
de la locati
le mariage des entreprises (V. supra, s en difficu lté.
l’occa sion de la reprise d'entr eprise
se rencontre encore à la
est celui défini par
Le régime juridique du contrat de location-gérance même que celui qui
C'est le
loi du 20 mars 1956 (C. com. art. L. 144-1 et s.).
631
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
Sous-section 2
LA RÉGLEMENTATION
(1) Pour un fournisseur exclusif, Rouen, 23 mai 1978 : JCP 1979, 2, 19235. — Contra, pour un concédant
automobile, CA Toulouse, 30 juin 1997 : R/DA 1997, p. 925 : « la direction de fait suppose l'exercice en
toute liberté, d'une façon continue et régulière, d'une activité positive de direction et de gestion, cette
qualité devant être examinée en fonction de la spécificité de la relation contractuelle entre les intéressés »
(Pourvoi rejeté par Cass. com., 26 oct. 1999 : R/DA 1999, n° 1213). — Contra pour un franchiseur (distribu-
tion de vêtements) qui avait cependant imposé à son franchisé, en retard dans le règlement de ses factures
de lui abandonner pendant quatre mois 70 % de sa recette journalière (Cass. com., n° 859 F-D 27 mai
2003 : R/DA 10/03, n° 960, 3° espèce).
632
LES ACCORDS D'ENTREPRISE
Section 2
LA PRATIQUE INTERNATIONALE
Sous-section 1
LE CAS UNILEVER
NV
1447. - Le groupe Unilever est composé de deux ensembles, Unilever
croisées, entre
et Unilever Plc, sans liens structurels, tels que participations
sont
eux. Les sociétés mères des deux branches - l'anglaise et la néerlandaise —
que leurs entités opératio nnelles.
indépendantes l’une de l’autre, de même
DESS, Paris V, 1994.
(2) M. Feu, Le jumelage en droit des sociétés : le cas Eurotunnel, Mémoire
633
LES PROCÉDÉS DE RESTRUCTURATION
Sous-section 2
LE CAS EUROTUNNEL
Sous-section 3
LE CAS RENAULT-NISSAN
1449. — Les sociétés Renault et Nissan ont conclu une alliance industrielle
en 1999, prévoyant notamment l'entrée de la première au capital de la seconde
à hauteur de 36,8 % du capital et la mise sur pied d’un organisme de concerta-
tion, le Global Alliance Committee (GAC). Le 30 octobre 2001, les deux fabricants
ont annoncé le renforcement de cette alliance, sur les bases suivantes :
— augmentation à 44,4 % de la participation de Renault dans Nissan et prise
de participation d’une filiale de Nissan dans Renault ;
634
LES ACCORDS D'ENTREPRISE
635
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hour
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mue eme Ré
4 At ERA ve oc
1 Éapiader
Titre 2
LES GROUPES
DE SOCIÉTÉS
1450. - Il y a groupe de sociétés — groupe sociétaire — lorsqu'une société
en contrôle une autre ; il y a encore groupe de sociétés — groupe personnel —
lorsqu'une personne physique contrôle plusieurs sociétés (1). La loi énonce
différentes définitions du contrôle (V. infra, n° 1490). Voici celle qui est retenue
en matière de consolidation comptable (C. com., art. L. 233-16) :
_ détention directe ou indirecte de la majorité des droits de vote ;
— désignation de la majorité des membres des organes d'administration,
pendant deux exercices successifs ;
_ faculté d'exercer une influence dominante sur le destin de la société
dominée.
1451. - Domination ; c’est le mot-clé en matière de groupe. Une société (ou
une personne) dominante d'un côté, une société dominée de l’autre, telle est
la figure de base du groupe de sociétés (2). Elle éclaire nombre de difficultés
suscitées par le groupe, ainsi de la protection des actionnaires minoritaires
la
des sociétés dominées, de l'incidence de la ruine des sociétés dominées sur
dominante.
Curieusement, le législateur n’a pas repris le terme de domination, le trou-
vant peut-être trop martial ; il a préféré voir dans le groupe une famille, d’ail-
des
leurs exclusivement féminine, avec des filles — les sociétés filiales — et
mères, encore qualifiées de sociétés mères ou de sociétés holdings ; ce noyau
de base s’élargit parfois aux grands-mères, aux sœurs, aux petites-filles, pour
dans
rendre compte de la richesse de certaines architectures, qui vont, comme
le cas de Vivendi, jusqu’à comprendre près de 2 000 filiales.
De fait, l'assemblage des groupes offre de nombreuses variétés. Ainsi a-
t-on pu distinguer (3) les groupes à participation radiale, des groupes pyrami-
daux, eux-mêmes différents des groupes à participations circulaires.
et la loi du 24 juillet 1966 :
(1) M. Parent, Les groupes de sociétés, Litec, 1993. — Les groupes
sociétés après les réformes de l’année
Rev. sociétés 1996, p. 465. — J.-Ph. Dom, Les dimensions du groupe de
sociétés et d'entreprises en droit
2001 : Rev. soc. 2002, p. 1 et s. — J. Paiuusseau, La notion de groupe de
des activités économiqu es : D. 2003, p. 1243 ets.
d'un échange
être une entente faute
(2) On en déduit qu'un « accord entre filiale et société mère ne peut
nat. conc. 26 mars 1991 : BOCC 12 avr. 1991, p. 109).
de volontés » (Cons.
actions, Sirey, 1962, n° 276 ets.
(3) CI. CHamPauo, Le pouvoir de concentration de la société par
637
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
1452. — Une autre division traverse les groupes à savoir l'opposition des
groupes financiers qui rassemblent des participations dans diverses sociétés
ayant une activité distincte (ex. : Eurazeo) et des groupes industriels, plus
homogènes, puisqu'ils rassemblent le plus souvent des entreprises œuvrant
dans le même secteur (ex. : Air Liquide, Alcatel, Danone).
1453. - Paradoxalement, le Code de commerce ne traite pas en tant que tel
le groupe de sociétés. Il contient seulement des dispositions éparses, les unes
comptables, les autres relatives aux participations croisées, d’autres encore
réglementant l’autocontrôle, mais de synthèse aucune. Cela fait dire à certains,
à tort, que le droit français méconnaît le groupe de sociétés. En vérité, il ne
l'ignore pas puisqu'il lui consacre plusieurs règles ; nous dirions plutôt qu'il
ne contient aucune construction cohérente du groupe. Pire, d’autres disci-
plines, telles que le droit fiscal, le droit comptable ou le droit du travail, s’inté-
ressent aussi au groupe, développant une approche spécifique, sans grande
ressemblance avec celle du droit commercial. Et la jurisprudence s'en est
mêlée, spécialement en matière pénale, défendant sa propre idée du groupe
de sociétés. Le groupe est donc une réalité juridique à géométrie variable.
1454. - L'ensemble donne du droit des groupes l’image brouillonne d’un
jardin à l'anglaise, bien éloigné de l'esprit français. D'où la difficulté d’ordon-
ner cette grenaille de règles et de décisions ; nous tenterons d’y parvenir en
distinguant le financement, le personnel, les structures, la comptabilité, les
responsabilités et la fiscalité.
8 1. — Le financement
(4) €. Mouiy, Contrats bancaires et groupes de sociétés, in Groupes de sociétés, contrats et responsabi-
lités, LGDJ 1994, p. 15 et s. | is
(5) Cass. com., 2 avr. 1996 : RJDA 1996, p. 756 (un groupe de sociétés étant dépourvu de la personnalité
morale et de la capacité de contracter, la validité d'une convention d'ouverture de compte courant au nom
du groupe ne peut pas être admise). L
(6) P. Bouraier, Groupe de sociétés : centralisation des opérations de trésorerie : JCP E 2001,1658.
638
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
« pas obstacle à ce qu’une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse procé-
der à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directe-
ment ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises
liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres » (7).
Au regard du droit des sociétés, l'interdiction faite aux dirigeants de
contracter, sous quelque forme que ce soit, un emprunt auprès de la société
est levée lorsque le dirigeant est une personne morale. Par suite, même si la
société holding exerce une fonction dirigeante dans une société de son groupe,
cette dernière peut lui consentir un prêt.
De plus, une convention de trésorerie qui constitue une opération courante
conclue à des conditions normales échappe à la procédure des conventions
réglementées (V. supra, n° 592) (8).
B. —- Le droit pénal
1456. — Dans les groupes de sociétés, il faut craindre le vampirisme, c'est-
à-dire les transfusions de substance d’une société à une autre : bradages d’ac-
tifs pour sauver la société mère ou une société sœur, frais de loyer ou de siège
abusifs… Ces pratiques sont connues, elles ont fait la réputation judiciaire de
certains hommes d’affaires.
L’angle d'attaque habituel est celui de l'abus de biens sociaux visé par les
articles L. 241-3 (SARL) et L. 242-6 (sociétés par actions) du Code de commerce
(V. supra, n* 612 et s.). En effet, ces opérations portent atteinte au patrimoine
de la société qui en est victime, elles violent son intérêt social au profit de
sociétés dans lesquelles ses dirigeants ont des intérêts directs ou indirects.
Cependant, les juges tendent à considérer que l'atteinte à l'intérêt social d'une
société membre d’un groupe peut être légitimée par l'intérêt du groupe tout
entier (9). Le groupe transmue en quelque sorte le mal en bien (V. aussi pour
la nomination d’un expert de gestion, infra, n° 1491).
1457. — L'affaire Rozenblum.
639
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
8 2. —- Le personnel
A. — La jurisprudence
1° L'identification de l'employeur
1459. — Dans les groupes de sociétés, il est parfois difficile d'identifier le
véritable employeur du salarié. Le bulletin de paye désigne une société don-
née, par exemple une filiale, mais en fait les ordres viennent directement de
la société mère. Dans une telle hypothèse, qui doit être qualifié d’employeur ?
La question est loin d’être académique ; en effet de sa réponse dépend la
désignation de la société qui devra verser, le cas échéant, les indemnités de
licenciement.
Les tribunaux s’attachent à déterminer qui exerçait en fait le pouvoir de
direction. S'il est démontré que la société mère exerçait un tel pouvoir à l’en-
contre des salariés, cette société aïnsi que la société filiale, employeur appa-
rent, seront toutes deux qualifiées d'employeur du salarié, ce dernier pouvant,
à son choix, poursuivre l’une et l’autre en paiement des indemnités de licen-
ciement qui lui sont dues. Cela vaut notamment pour les salariés embauchés
par une société mère en vue d’être détachés auprès d’une filiale pour y occu-
per des fonctions de direction (V. infra, n° 1495).
2° La détermination des effectifs
(10) Ch. Hiuc-Pouveviene et G. Louvet, La notion de groupe à l'épreuve du droit social : JCP E 2005, 1393.
640
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
B. — La loi
1° Le comité de groupe
1461. — L'existence d’un groupe de sociétés oblige à constituer un comité
de groupe . Pour le droit du travail, il y a groupe dès l'instant où une société
en contrôle une autre (C. trav., art. L. 439-1). Il y a encore groupe de sociétés
lorsque, du fait de l'existence d'administrateurs communs, de l'établissement
de comptes consolidés, du niveau de la participation financière, les relations
entre deux sociétés présentent un caractère de permanence et d'importance
établissant l'existence d’une influence dominante (C. trav., art. L. 439-1).
Le comité de groupe est composé de représentants du personnel, il est
présidé par le chef de l’entreprise dominante. Il se réunit au moins une fois
par an sur convocation de son président (C. trav., art. L. 439-4). Les pouvoirs
du comité de groupe sont des pouvoirs d'information. En effet, aux termes
de l’article L. 439-2 du Code du travail, le comité de groupe reçoit des infor-
mations sur l’activité, la situation financière, l’évolution et les prévisions
d'emploi dans le groupe et dans chacune des entreprises qui le compose ainsi
que les actions éventuelles de prévention envisagées compte tenu de ces pré-
visions. Il reçoit communication, lorsqu'ils existent, des comptes et du bilan
consolidés ainsi que du rapport du commissaire aux comptes correspondant.
Il est informé en cas d'annonce d’une offre publique d'acquisition portant sur
l’entreprise dominante (OPA).
2° Le détachement à l'étranger
1462. - L'article L. 122-14-8 du Code du travail comporte une règle origi-
nale en matière de détachement à l'étranger d’un salarié. Il est dit : « lorsqu'un
salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition
d’une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié
par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer
au
un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses présentes fonctions
sein de la société mère ». La mesure est intéressa nte puisqu'el le aboutit à faire
d’une
supporter par la société mère les conséquences du licenciement ; c’est
celle-ci au sein des sociétés
certaine manière reconnaître le pouvoir exercé par
eur
filiales. Cela rejoint la jurisprudence sur l'identification de l'employ
bénéficie r de cette règle, il faut toutefois que le salarié
(V. supra, n° 1459). Pour
ent.
ait exercé des fonctions au sein de la société mère avant son détachem
rétation de ces disposit ions,
On notera que les tribunaux ont, pour l'interp
de sociétés. Ils ne s’attach ent pas unique-
une analyse particulière du groupe
641
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
8 3. — Les structures
B. —- La réglementation de l’autocontrôle
1465. — Il y a autocontrôle lorsqu'une société détient directement ou indi-
rectement ses propres actions. Exemple : une société À contrôle une société
B, qui contrôle une société C, laquelle contrôle la société A.
642
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
C. — La société unipersonnelle
1467. - Ne sera pas ici reprise l'analyse du régime juridique de la société
unipersonnelle, qui est, soit une EURL (V. supra, n°1078 et s.), soit une SAS
à actionnaire unique ou SASU (V. supra, n° 909). On notera seulement que les
personnes morales, donc les sociétés, peuvent constituer des SARL comme
des SAS unipersonnelles. C’est là un avantage considérable pour les groupes
de sociétés. Auparavant, les groupes étaient souvent obligés de constituer des
SARL ou des sociétés anonymes fictives dont la totalité du capital appartenait
aux sociétés mères, celles-ci utilisant des salariés du groupe ou des manda-
taires sociaux à titre de prête-noms, pour compléter le nombre des associés ou
des actionnaires. Avec l'EURL ou la SAS unipersonnelle, les groupes peuvent
désormais être, de manière ostensible, les seuls associés des sociétés
concernées.
8 4. — La comptabilité
1468. — Le principe de la consolidation des comptes est entré en droit fran-
çais en 1985. La règle est simple : outre l'établissement de comptes sociaux à
l'échelon de chacune des sociétés du groupe, celui-ci doit établir des comptes
traduisant la réalité économique et financière de l’ensemble. Cela équivaut à
reconnaître la personnalité comptable du groupe de sociétés, à consolider les
fractures correspondant aux personnalités juridiques distinctes des sociétés
membres du groupe.
L'obligation dépend de l'existence d’un contrôle exclusif exercé par une
e que
société sur une autre. L'article L. 233-16 du Code de commerce considèr
le contrôle exclusif résulte :
vote
_ soit de la détention directe ou indirecte de la majorité des droits de
dans une autre entrepri se ;
_ soit de la désignation pendant deux exercices successifs de la majorité
ance
des membres des organes d'administration, de direction ou de surveill
d’une autre entreprise ;
se en
_ soit du droit d'exercer une influence dominante sur une entrepri
vertu d’un contrat ou de clauses statutaires.
de
1469. - Les comptes consolidés, qui comprennent un bilan, un compte
appréhe ndent les comptes de toutes les sociétés placées
résultat et une annexe,
643
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
8 5. —- Les responsabilités
2° L'exception
644
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
du cocontractant, alors même que le contrat aurait été signé par la filiale (11) ;
il en va de même si les sociétés du groupe se présentent à leur clientèle comme
une entité unique, agissant sous le même logo, partageant le même numéro
de téléphone, etc. (12). Cependant, le recours à l'apparence n’est efficace que
si le tiers démontre qu'il a pu être légitimement trompé.
1472. — La solution vaut également dans la sphère de la responsabilité non
contractuelle ; ainsi une société mère peut être déclarée responsable des consé-
quences d’une publicité trompeuse concernant l’activité de certaines filiales,
présentées comme des départements, si les termes de la publicité accréditent
le sentiment que la publicité émane de la société mère (13).
1474. — L'AETRE de
laconfusion depatrimoine estrèsdangereuse (C.-com
C. com.
art. L. 621-2) : elle permet d'étendre la « faillite » d’une société à d’autres
personnes. Exemple : une société est mise en redressement ou en liquidation
judiciaires, il est démontré qu’elle n'était qu'une société de façade manipulée
par un tiers, lequel utilisait des prête-noms et dirigeait la société par leur
intermédiaire : ce tiers sera mis lui-même en redressement ou en liquidation
judiciaires.
Autre exemple : deux sociétés ont lemême personnel, le même siège social
les mêmes dirigeants, leur comptabilité et leur compte bancaire sont étroite-
l’autre (15).
NN » de
l’une emporte la « faillite
ment imbriqués ; la « faillite » deM
1475. — C’est là un risque majeur dans les groupes de sociétés, puisque
cela aboutit à abattre des cloisons juridiques conçues comme des cloisons
étanches. Toutefois, leseul rapport desociété mère àfiliale ou desœur à sœur
est insuffisant, il faut une réelle confusion des patrimoines, La détention de
la quasi-totalité du capital d'une socièté ne présume pas semblable confusion,
de même que l'identité de siège social (6 Il est donc des hypothèses dans
»
lesquelles une société mère ne souffre pas des conséquences de la « faillite
645
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
(17) Cass. com., 6 juin 2000 : RDA 2000, n° 868 (société filiale dépourvue d'autonomie, contrainte
par
la société mère de modifier ses comptes, de verser ses excédents de trésorerie à d'autres sociétés du
groupe,
de fermer son établissement). — Cass. com., 2 nov. 2005 : ZRDA 23/05, n° 7 (filiales dépourvues
de toute:
autonomie, le véritable pouvoir de décision appartenant à la société mère, qui imposa notamment un chan-
gement de politique commerciale et la mise en place, sans étude préalable sérieuse, d’un nouveau système
informatique particulièrement onéreux).
646
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
8 6. — La fiscalité
647
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
La société mère peut aller au-delà et consentir des subventions ou des aban-
dons de créances qui présentent pour elle l’avantage de constituer des pertes
déductibles fiscalement ; c’est un moyen de faire participer le Trésor au ren-
flouement de la filiale ; on dit parfois que la société mère ne fait que remplir
son devoir d’actionnaire (sur ce prétendu devoir, V. supra, n° 322).
Par ailleurs, un mécanisme complexe de lutte contre la sous-capitalisation
a été mis en place à compter du 1* janvier 2007. Il ne concerne que les groupes
de sociétés (CGI, art. 212 IT). Pour l'essentiel, une société est considérée comme
sous-capitalisée lorsque les avances que lui ont consenties des sociétés appar-
tenant au même groupe dépasse un plafond fixé à une fois et demie le mon-
tant de ses capitaux propres ; les intérêts rémunérant la fraction des avances
excédant ce plafond ne sont pas déductibles des résultats imposables. Les
conventions de trésorerie regroupant les sociétés d’un même groupe échap-
pent à ce dispositif de lutte contre la sous-capitalisation.
2° Les opérations non financières
1482. — La règle, expression d’une certaine morale des affaires qui doit
présider même dans les relations d’une mère avec ses filles, veut que les tran-
sactions soient passées au juste prix. Elle est sans exception si l'opération
porte sur des immobilisations ou des titres de participation ; la Compagnie
financière de Suez l’a appris à ses dépens qui avait acheté à l’une de ses filiales
à 100 % (la SEPGIP) 14 000 actions de Saint-Gobain pour un prix inférieur à
celui qu'indiquaient les cours de bourse ; la filiale fut imposée sur le manque
à gagner et la mère sur le montant de la gratification (18) ; comme dans tout
acte anormal de gestion, la sanction est double (V. supra, n° 377).
Pour les transactions courantes portant sur des biens ou des services, la
jurisprudence admet, du moins dans les relations avec les filiales françaises,
que les transactions soient faites à prix coûtant ; ainsi la société mère qui
prend en charge certains frais communs (publicité, comptabilité, recherche...)
peut refacturer aux filiales la quote-part qui leur revient sans avoir à majorer
le coût supporté d'une quelconque marge bénéficiaire.
(18) CE, 6 juin 1984 : JCP 1984, n°8 et 9, p. 466, concl. J.-F. VErNy.
648
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
dique des filiales, les dividendes peuvent circuler en franchise fiscale ; il n’en
va pas de même pour la remontée des pertes éventuelles.
1° L'exonération de la remontée des dividendes
649
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
650
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
action-
1491. — Il faut signaler enfin l'absence de protection sérieuse des
sont peu pro-
naires minoritaires. Ces derniers, sauf le cas des sociétés cotées,
ires d’une
tégés contre un changement de majoritaire. De plus, les actionna
à l'encont re des dirigean ts des filiales, même
société mère ne peuvent pas agir
651
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
B. - Les perspectives
1492. — Périodiquement, des projets sont présentés qui visent à réglemen-
ter le groupe de sociétés en tant que tel. Le modèle qui inspire le plus souvent
leurs promoteurs est le modèle allemand. En droit allemand, il y a groupe de
sociétés dès l'instant où une entreprise est subordonnée à une autre. Deux
situations sont alors concevables. Dans la première (celle de l’Organschaft), un
contrat d'affiliation est établi entre la société dominée et la société dominante ;
par ce contrat, l’entreprise dominante est autorisée à donner des directives à
la société dominée et à faire prévaloir, le cas échéant, l'intérêt du groupe sur
celui de la société dominée. Elle peut par exemple ordonner à cette dernière
de lui céder des marchandises à un prix inférieur à celui du marché ou encore
peser sur sa politique du personnel ou sur la gestion de sa trésorerie. Mais en
tout état de cause, l’entreprise dominante doit compenser le déficit de l’entre-
prise dominée ; le contrat comporte également des mesures propres à garantir
le dividende à verser aux actionnaires minoritaires de la filiale. Ainsi, en
octobre 1994, le groupe de distribution allemand Kaufhof a resserré son
emprise sur sa filiale Horten et a conclu un contrat de domination lui donnant
la totale maîtrise de la gestion ; en contrepartie, Kaufhof s’est engagé à verser
aux minoritaires (qui représentaient 42 % du capital) une indemnité annuelle
de 9 DM (environ 4,5 €) par action de 50 DM (environ 25 €).
Dans le second cas, aucun contrat d’affiliation n’est établi ; alors la société
mère ne peut pas imposer à la société filiale un acte contraire à ses intérêts.
De plus, tous les ans, les dirigeants de la société mère doivent établir un
rapport sur les opérations réalisées entre les deux sociétés placées dans un
lien de domination. +
1493. — Il existe également, à l'échelon européen, un avant-projet de neu-
vième directive visant à harmoniser la réglementation des groupes de sociétés
dans les Etats membres de l’Union. Mais les travaux achoppent sur un point
important, celui de la représentation des travailleurs, seul le droit allemand
postulant une représentation obligatoire; d’où son souhait que celle-ci
soit maintenue dans la directive. et la réticence des autres pays.
652
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
653
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
654
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
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RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
autorité, celle-ci ne correspondant pas aux règles d'organisation conçues par le droit (français)
des sociétés : ainsi une société A se trouvera placée sous l'autorité réelle de M. Y responsable
du secteur d'activité dont elle ressortit (au moins partiellement), alors que M. Y n'exerce
aucune fonction sociale — gérant, président, directeur général — au sein de la société À, et
pas davantage au sein de la société mère. nee,
De telles distorsions qui naissent de la prévalence d'une organisation en forme de centres
de profits ne sont pas illégales en soi, mais leurs conséquences doivent être précisément
appréciées au regard du droit social et du droit des sociétés, notamment : risque de confusion
de patrimoine, responsabilité contractuelle éventuelle de la société mère, responsabilité des
intéressés pris en tant que dirigeant de fait des filiales.
Cela montre combien la vision française est à certains égards totalement détachée du
réel : on vénère la personne morale, c'est-à-dire une entité sans pertinence pour l'architecture
du groupe, de quoi inciter de plus fort à une réflexion approfondie sur là réglementation des
groupes.
6. Être branché, tendance droit des sociétés
1499. — Savoir est utile, faire savoir est crucial, mais faire savoir avec des mots d'hier est
mortel pour l'intéressé, d'où ce petit lexique des termes à la mode, qui se trouvent appartenir
à une autre langue, donc à un autre monde.
— Business Angels : entrepreneurs aidant, par leurs capitaux ou leurs conseils, les créa-
teurs de start up.
— Call : promesse de vente d'actions.
— CEO (Chief Executive Officer) : directeur général ; lorsque le président de la société
n'assume pas cette fonction, on dit qu'il est : “non-executive”.
— Corporate governance : gouvernement d'entreprise ; on désignait par là initialement
les règles de bon comportement des dirigeants sociaux, mais la formule est également utilisée
pour désigner les solutions arrêtées par deux partenaires aux questions de répartition de
pouvoirs ; on dira par exemple : «la fusion a buté sur des problèmes de Corporate gover-
nance ».
— Due diligences : pratiques destinées à permettre de connaître de l'intérieur une entre-
prise dans laquelle une prise de participation est envisagée; cela implique la consultation de
documents (contrats, etc.), et l'interview de collaborateurs de l’entreprise.
— Earn out : complément de prix parfois prévu lors de la cession d'actions où de parts
sociales et dont le montant dépend des résultats futurs de la société.
— Golden Share : action dotée de prérogatives particulières; l'instrument a été inventé
par le gouvernement Thatcher lors des privatisations et importé en France : à ce titre, l’État,
titulaire de là Golden Share (traduite Action spécifique), peut s'opposer à certaines prises de
participation au sein de la société privatisée.
— LMBO (Leverage Management Buy Out) : rachat de la société, le plus souvent par ses
dirigeants (managers), qui recourent massivement à l'emprunt (V. supra, n° 1414).
— MAC clause : MAC est l'abréviation de « material adverse change » : on rencontre
cette clause notamment dans les contrats financiers, l'apparition d'un événement majeur
défavorable permettant d'exiger.le remboursement anticipé du crédit.
— Merger : fusion ; on retrouve le terme dans Merger and Acquisition, dit encore M &
A, et prononcé « éméné » ; les banques d'affaires et les cabinets d'avocats d'affaires ont
habituellement un département M & A.
— Phantom shares : actions fantômes ;on connaît les options de souscription ou d'achat
d'actions (stock-options), qui peuvent donner lieu à la vente ou l'émission d'actions, le bénéfi-
ciaire réalisant éventuellement un profit tenant à la différence entre le prix d'achat ou de
souscription ou d'achat déterminés à l'avance et la valeur de l'action : le procédé des actions
fantômes procure le même avantage mais sans livraison de l’action : on attribue virtuellement
à un dirigeant un droit à acheter x actions, s'il exerce ce droit, il reçoit en numéraire la
différence entre la valeur réelle de l'action au jour de l'exercice et la valeur au jour de l'octroi
de l'avantage.
— Poison Pill (pilule empoisonnée) : désigne toute défense anti-OPA, au sens large, de
caractère préventif.
— Put : promesse d'achat d'actions.
DD
M
A
D
. Private Equity (fonds de) : fonds d'investissement privés réunissant des investisseurs
très fortunés et prenant des participations dans des entreprises cotées où non, voire le
contrôle de celles-ci ; n'étant pas cotés, ces fonds sont à l'abri d’une offre publique...et des
656
LES GROUPES DE SOCIÉTÉS
regards indiscrets puisque leur caractère privé les dispense de toute publication sur leurs
résultats, leur patrimoine, etc.
— Squeeze Out : retrait obligatoire.
— Start Up : société naissante (ou jeune pousse si l’on a la main verte).
— Stock-Options : option de souscription ou d'achat d'action, dit parfois « Stocks ».
— Tracking stocks (trackers) : actions traçantes ; le dividende est indexé sur les résultats
d'une des activités de la société et retrace donc les performances du secteur considéré.
- Venture Capital : en traduction mot à mot, signifie « capital d'aventure » ; le terme
embrasse toutes les activités de financement d'entreprise à risque : projet de clonage de la
Tour Eiffel, lancement d'une radio pour chats et chiens, institut de formation à l'écriture
législative ; la formule se décline en « venture capitalist ». =
— Vulture funds : autrement dit « fonds vautours » ; il s'agit d'entreprises ou de fonds
d'investissement spécialisés dans la récupération de firmes à la veille ou au lendemain d'un
dépôt de bilan.
Une chose est le vocabulaire, une autre son utilisation. Voici un exemple de phrase passe-
partout à fort potentiel de séduction lors d'une soirée mondaine, à prononcer avec un zeste
d'accent anglais et deux doigts de désinvolture : « Je suis CEO d’une start-up montée avec
deux business angels, sans clause MAC. Pour des raisons de governance, je n'ai pas de
stocks mais des trackers avec un put d'un venture capitalist en cas de merger et pour incré-
menter le tout un package de phantom shares avec put et earn out. C'est comment déjà
votre prénom ? » Pour la suite des opérations, nous renvoyons à Paul Géraipy : « Baisse un
Ë
peu l'abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux. C'est dans l'ombre que les cœurs causent, et
l'on voit beaucoup mieux les yeux quand on voit un peu moins les choses ». ES
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Est-il meilleure manière de conclure un ouvrage de droit des sociétés ?
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Index des amateurs
659
DROIT DES SOCIÉTÉS
660
INDEX DES AMATEURS
661
DROIT
DES SOCIÉTÉS
662
INDEX DES AMATEURS
Adoption d'une clause de répartition inégalitaire des bénéfices d'une SCP : mode
d'emploi (1259).
Société d'exercice libéral et droit de la sécurité sociale (1282).
Regards de fiscaliste sur la société d'exercice libéral (1283).
Un bel exemple d'optimisation juridique et fiscale : créer une SPFPL pour animer un groupe
de SEL ou pour racheter les titres d'une SEL (1288).
Dix exemples de GIE (1311).
Cinq exemples de GEIE (1315).
Le secret-défense à l'épreuve de la fusion (1386).
Les fusions à l'envers : une sardine peut-elle avaler une baleine ? (1387).
Fusion et abus de pouvoirs (1388).
La véritable nature de l'effet rétroactif de la fusion (1389).
Abus de droit et apport partiel d'actif (1399).
Vingt ans de procédure à propos d’un apport partiel d'actif à une société en commandite
par actions : l'affaire Marne et Champagne (1400).
Les déiices de l'effet de levier (1413).
Fonds d'investissement, LBO et LMBO (1414).
Le nouveau jeu à la mode : comment s'enrichir en changeant d'actionnaires (1415).
Le portage d'actions (1439).
Les défenses anti-OPA aux USA (1440).
Le banquier infidèle (1441).
Le bailleur, la mère et la fille (1494).
Une société peut-elle confier à l’un de ses salariés la direction d'une filiale ? (1495).
Les lettres d'intention (1496).
Le tête-à-queue de la carrière littéraire d'Alain Prost (1497).
Personnalités morales versus centres de profits (1498).
Être branché, tendance droit des sociétés (1499).
663
DANTITACRS
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Index alphabétique
665
DROIT DES SOCIÉTÉS
- paulienne, 178, 181, 182, 416, 423, _ en numéraire, 119 et s., 189, 486,
1166 892, 1004
- ut singuli, 284, 285, 609, 632 - en propriété, 123 et s.
— ut universi, 284, 632 -en nue-propriété, 28, 130, 182,
Action de concert : 991, 1427 1169
Actionnaire : 660 et s. — en usufruit, 130, 134
— de référence, 708 — EURL, 1087
— droit à information, 662 et s. — fictif, 118, 166
— droit de vote, 667 et s. — fonds de commerce, 128
— droits financiers, 696 et s. — GIE, 1290
- droits patrimoniaux, 710 et s. — réalisation, 189
- preuve de la qualité - reprise, 470, 1245
d’'actionnaire, 679 — SA, 486 et s.
Activité économique : 21, 79, 1115 — SARL, 1003 ets.
Activité professionnelle : — SAS, 892
— administrateurs, 515 — SEL, 1264
- conséquences en matière de — SNC, 1127
sécurité sociale, 560, 658, 1111 et s. — société civile, 1172
- conséquences en droit des — société civile professionnelle, 1250
sociétés, 133 — société créée de fait, 1235
- conséquences fiscales, 56, 66, 1108 — société en participation, 1219
ets. Apport partiel d'actif : 1339, 1390 et s.
— fonctionnaires, 498 Arbitre : V. Clause compromissoire
Administrateur : Assemblée :
— de GIE, 1305 — EURL, 1093 ets.
- de société anonyme, 496 et s. — GIE, 1299
- délégué, 531
— SA, 673 ets.
— provisoire, 392 et s., 410
— SARL, 1035 et s.
— salarié, 791 et s.
— SAS, 902 et s.
Affectio societatis : 147 et s., 149, 150,
— SNC, 1149
163, 166, 1235
— société civile, 1203
Agrément :
Association :
- augmentation de capital, 1066
— actionnaire d’une SA, 856
— GIE, 1302
— SA, 718 ets.
— commissaire aux comptes, 799
— SARL, 1046 et s. — comparaison avec la société, 81
— SAS, 905 — contrôle des conventions passées
— SEL, 1277 ets. avec les dirigeants, 1115
— société civile, 1190 et s., 1196 — d'actionnaires, 994
— société en participation, 1221 — de défense des investisseurs, 994
— SNC, 1145 ets. — généralités, 76 et s.
— transmission universelle du — imbrication d'associations et de
patrimoine, 719, 1371 sociétés, 83
Ajournement (assemblée) : 677, 692 Associé (droit commun) : 316 et s. :
Alerte : 759, 810 — actifs et passifs, 133, 1108 et s.
Amortissement (du capital) : 841 - attribution de la qualité d’associé,
Apparence : 1029, 1236, 1471, 1494 334 et s.
Appel public à l'épargne : 483, 967 et s. — capacité, 110 et s., 1081
Appellation sociale : V. Dénomination — convention avec la société, 325
sociale — droit d’information, 318
Apport : 118 ets. — droit de vote, 318 et s.
— créance, 126 — droits financiers, 320
— en industrie, 131 et s., 133, 892, — droits patrimoniaux, 321
1006, 1219, 1235, 1245, 1250 — droits propres, 324
— en jouissance, 129 — intangibilité des engagements,
— en nature, 122 et s., 487, 892, 1005 334 ets.
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683
DROIT DES SOCIÉTÉS
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Sous-section 4 : L'impossible neutralité liée au double mode d'imposi
des bénéfices ::22. Ma re nn es ER
8 1. — La transparence fiscale des sociétés relevant de l'impôt
sur le revenu 22e manne ee ER EE
A. — Le mode d'imposition des bénéfices
B. — Le mode d'imputation des déficits
8 2. — L'opacité fiscale des sociétés relevant de l'impôt sur les sociétés …
A. — Le mode d'imposition des bénéfices réalisés
B. — Le mode d'imposition des bénéfices distribués
C. = Le traiternent fiscal des défis
Section 4 : L'ASSOCIATION, LA FIDUCIE : QUELLE CONCURRENCE POUR
LÉSOCIÉTEL AL Te Rene de ec eee
Sous-section 1 : L'association, une concurrente de longue date ?
8 1. — Le principe : société et association sont aux antipodes
Fune de l'autre. 220 ER EE ee
8 2. — La réalité : société et association peuvent entrer en concurrence
l'une avec ladite RE RS
A. — La concurrence au niveau de la recherche d'économies
B. — La concurrence au niveau de l'exploitation d'une entreprise
Sous-section 2 : Une nouvelle concurrente : la fiducie
6.1: — L'établissement de a MiduGies te CS Re
A = Formation dUACOntrat OPHIQUGR RSR
B. — Intervenants à l'opération fiduciaire +... #2re....#
8. 2.-— Le patrimoinefldusiaites Se D
À. — Constitution.du patrimoine fidudaIres ER Rs.
B. — Nature.du.patrimoine. fiduciaire... -vraiabhant-.2imtnt"#2.
C: — Gestion du patrimoine fiduciaire, 58e. en
D.-— Droits sur le patrimoine fiduciaire. Si. 40 RE.
& 3:1--L'extinction:de lé fiduciesssen.sr 20umeus 2 ROSE ne.
Première partie
LE DROIT COMMUN DES SOCIÉTÉS
Titre 1 : LA NAISSANCE DES SOCIÉTÉS
.
Chapitre 3: Les crises..
Section 1: LES CRISES POLITIQUES 4h
DROIT DES SOCIÉTÉS
179
Sous-section 1 : La boussole de l'intérêt social
1179
8 1. — La notion d'intérêt social use
180
8 2. — La violation de l'intérêt social
181
A. — La réaction du droit des sociétés
B. — La réaction du droit pénal ss... 181
C. = la-réaction-durdraitfiscalense. stereo 181
Deuxième partie
LE DROIT SPÉCIAL DES SOCIETES
Section. 1 > LA CONSTUIUTION:.....8 eee niéanoncntene esun ospe panees SOS ER. 228
Sous-section 1 : Les conditions de fond 229
Sous-section 2 : Les conditions de forme ss. 230
8 1. — La rédaction d'un projet de statuts 230
8 2. — La réalisation des apports 230
A. — Les apports en NUMÉFAIrE ......................................................... 230
B. — Les apports en nature 231
8 3. — La signature des statuts 233
8 4. — La désignation des dirigeants 233
8 5. — Les dernières formalités 233
234
Sous-section 3 : Les sanctions des conditions
234
8 1. — Les sanctions civiles ss
234
8 2. — Les sanctions pénales
205
Section 2 : LES DIRIGEANTS huissiers
Sous-section 1 : La structure classique : conseil d'administration,
235
président du conseil d'administration et directeur général
236
8 1. — Le conseil d'administration
236
A. — La composition du conseil
239
B. — Le fonctionnement du conseil...
241
C. = Le statut des administrateurs
689
DROIT DES SOCIÉTÉS
693
DROIT DES SOCIÉTÉS
696
TABLE DES MATIÈRES
697
DROIT DES SOCIÉTÉS
Troisième partie
RESTRUCTURATION ET GROUPES DE SOCIÉTÉS
699
DROIT DES SOCIÉTÉS
648
C. — La drculation des résultats 5.4...
AUS TER MMM Aueesseense 650
D. — La circulation:des titrés 2215 MR
— Un essai de synthèse en guise de conclusion .......... .…....….…. ………… 650
8 7.
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put. d4tete fee retER REnS. se" . 2) 650
À. — Le constat zaumme
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ereeenr ene ere 652
B. — Les perspectives !.....
659
Index des amateurs
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Cet ouvrage a été achevé d'imprimer en juillet 2007
dans les ateliers de Normandie Roto Impression s.a.s.
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N° d'impression : 071980
Dépôt légal : juillet 2007
Imprimé en France
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Droit des sociétés
Ce manuel de droit des sociétés est différent des autres. D'abord les auteurs se sont
efforcés, par un style imagé, des illustrations et des exemples chiffrés de rendre vivante une
matière réputée triste et grise.
Ensuite et surtout, tirant Les lecons du caractère polygame du droit des sociétés, ils n'ont
pas répugné aux incursions dans Les contrées voisines : Le droit fiscal bien sûr, mais aussi Le
droit comptable, Le droit pénal et Le droit du travail.
Enfin, convaincus que Le droit des sociétés est un instrument de gestion et que Le bon juriste
est aussi un bon stratège, Les auteurs ont mis l'accent sur Les choix stratégiques offerts par
le droit des sociétés : quel type de société adopter, quelle forme d'administration ?
Plan de l'ouvrage :
Introduction générale
Première partie : Le droit commun des sociétés
- La naissance des sociétés
- La vie des sociétés
Deuxième partie : Le droit spécial des sociétés
- Les sociétés à risque limité
— Les sociétés à risque illimité
- Autres sociétés et groupements
Troisième partie : Restructuration et groupes de sociétés
- Les procédés de restructuration
- Les groupes de sociétés
Les auteurs
Maurice Cozian est professeur émérite de l'université de Bourgogne
Alain Viandier est professeur émérite de l'université René Descartes (Paris V)
Florence Deboissy est professeur à l'université Montesquieu-Bordeaux IV
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PAX SAT E
ISBN : 978-2-7110-0922-0
Www.lexisnexis.fr