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3.

Des inégalités porteuses de tensions sociales


• Si les victimes de la crise sont nombreuses, certains individus restent épargnés, voire avantagés
par la situation. Les détenteurs d’obligations, les propriétaires fonciers ou immobiliers et plus
largement tous ceux qui conservent leur emploi, bénéficient d’une augmentation de leur pouvoir
d’achat au fur et à mesure de la baisse des prix. Le sentiment d’injustice se répand, pouvant
déboucher sur des mouvements de violence sporadique, comme le massacre de Deaborn. Dans
cette banlieue de Détroit, en 1932, quatre des manifestants venus présenter les revendications des
chômeurs au maire meurent sous les balles de la police municipale qui craint une émeute. Les
émeutes de fermiers ruinés par la chute des prix agricoles, d’ouvriers en chômage technique se
multiplient. Mais la crise favorise aussi la prise de conscience d’une nécessaire solidarité :
l’entraide, les dons aux associations caritatives contrastent avec l’individualisme dominant des
années 1920.
• Le désastre social remet en cause le fondement même de la démocratie occidentale, le
libéralisme. Celui-ci apparaît comme une idéologie dépassée, inefficace pour affronter la crise et
incapable de répondre aux attentes des citoyens.
• Le parti nazi en Allemagne, les formations de type fasciste en Europe centrale, le populisme en
Amérique latine et aux États-Unis, l’antiparlementarisme en France séduisent des populations
diverses marquées par le mécontentement social.
B. La tentation du « chacun pour soi »
• Les difficultés économiques et les réflexes protectionnistes provoquent également une crise
monétaire durable. Chaque pays mène une politique individualiste qui consiste à déprécier ou à
dévaluer sa monnaie pour essayer de rendre ses exportations plus compétitives.
• La dévaluation de la livre sterling en 1931, avec la fin de sa convertibilité en or (fin du Gold
Exchange Standard), entraîne la création d'un bloc monétaire appelé bloc sterling, qui regroupe
tous les États dont les monnaies, par choix, se définissent désormais par rapport à la devise
britannique : il s'agit de tout le Commonwealth (sauf le Canada), des pays scandinaves, du Portugal,
de l'Égypte, de l'Iran, de l'Argentine, de la Bolivie et du Brésil. Cette décision est très favorable
au commerce britannique, mais elle affaiblit les autres pays qui sont confrontés à la concurrence
des pays dévaluateurs. Les dévaluations sont utilisées par le Japon ou l'Allemagne dès 1931, aux
États-Unis à partir de 1933 et en France en 1936.
• C'est dans ce contexte, en 1933, qu'est organisée une conférence internationale à l'initiative de
la SDN : la conférence de Londres (66 pays). C'est la dernière tentative pour essayer de trouver
une réponse commune face à la crise mondiale. Les experts s'accordent tous sur les mêmes
solutions à mettre en oeuvre : trêve monétaire pour éviter des dévaluations en cascade, trêve
douanière pour stopper les surenchères protectionnistes, une offre abondante de crédit pour favoriser
un redressement des prix. La plupart des pays y sont favorables, surtout ceux, nombreux, qui ont
déjà dévalué, mais les États-Unis y sont très hostiles car le président Roosevelt récemment élu,
qui vient de lancer son New Deal, veut à son tour détacher le dollar de sa parité-or et le
déprécier voire le dévaluer pour relancer le commerce américain. Il ne veut donc rien signer qui
le contraigne en ce domaine. La conférence est ainsi un échec, et en janvier 1934 le dollar est dévalué
de 41 %. Un bloc dollar se forme alors en 1934, qui regroupe la plupart des pays du continent
américain qui alignent leur monnaie sur le dollar.
• A l'initiative de la France, un bloc or se constitue à partir de 1934. Il regroupe six pays : outre la
France, l'Italie, la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique et la Pologne. Ces États continuent de rattacher
leurs monnaies respectives à l'étalon-or, ce qui représente un comportement minoritaire dans le
monde. Le « bloc or » est donc éphémère, car ces pays ont été contraints à leur tour de dévaluer,
ainsi la France qui le fait quatre fois entre 1936 et 1939.
C. Certains pays choisissent l’autarcie économique
• Certains pays vont encore plus loin que le protectionnisme, en faisant le choix d'une autarcie.
Forme extrême du protectionnisme, c'est un régime économique d'autosuffisance par lequel un pays
s'efforce de vivre sur lui-même en s'isolant du reste du monde. Ce choix a été fait par des régimes
autoritaires et militaristes, qui cherchaient ainsi de cette manière à se préparer à une guerre future,
et qui y ont été aussi contraints par la faiblesse de leurs réserves monétaires (or et devises). C'est
notamment le cas de l'Allemagne nazie et du Japon, secondairement de l'Italie.

III. Face à la crise : des solutions contrastées


Quelles réponses sont apportées à la crise économique et sociale de 1929 ?
A. Le New-Deal, une réponse à la crise aux États-Unis
1. Une nouvelle politique économique : le New Deal et la naissance de l’État-providence
• Aux États-Unis, en 1933, Roosevelt instaure la politique du New-Deal (« nouvelle donne ») afin
de répondre à la crise. Il est convaincu qu'une intervention plus importante de l'État est
nécessaire, ce qui rapproche le New Deal des thèses keynésiennes, même si, contrairement à une
idée reçue, Roosevelt s'est peu inspiré de Keynes. Le New Deal est un programme
pragmatique qui repose sur une intervention nouvelle et plus poussée de l'État dans l'économie,
vue comme la seule solution pour lutter contre la crise.
• Le New Deal a été appliqué en deux phases.
q Le premier New Deal est appliqué entre 1933 et 1935 : quinze lois sont votées dans les 100
premiers jours de la présidence pour engager les réformes d'urgence. Elles concernent trois axes
essentiels, d'abord :
- la lutte contre la crise financière et boursière : Banking Act (mars 1933) qui réouvre les banques
les plus saines, Glass Steagall Act (juin 1933) qui sépare définitivement les banques d'affaires et les
banques de dépôt, dévaluation du dollar en 1934.
- Il s'agit également de soutenir l'agriculture et l'industrie, en luttant contre la surproduction
et la baisse des prix. Deux grandes lois sont votées, d'abord le Agricultural Adjustment
Act (AAA) en mai 1933 : l'État indemnise les agriculteurs qui acceptent de réduire leur surface
cultivée ou leur production, ce qui concerne surtout le blé, le coton, le maïs et le tabac. Les
durées de remboursement des dettes des agriculteurs sont aussi allongées, avec une partie prise
en charge par l'État. Puis le National Industrial Recovery Act (NIRA) en juin 1933 qui vise à
créer les conditions d’une concurrence loyale entre les entreprises
- Un troisième axe, enfin, concerne la lutte contre le chômage. Il comprend des mesures
d'aides directes et la création des allocations-chômage en 1933, mais aussi une politique de
grands travaux pilotée par des agences fédérales régionales. La plus importante est créée en
mai 1933 : la Tennessee Valley Authority, (TVA). Elle dirige dans sept États la construction
de 21 barrages le long du fleuve Tennessee, en finançant les infrastructures, le reboisement et
la production d'électricité ; les barrages servent aussi à l'irrigation pour aider les agriculteurs.
Une nouvelle agence est fondée en 1935, la Public Works Administration (PWA), elle finance
de grands travaux d'infrastructures, par exemple un million de km de routes, 285 aérodromes,
des barrages ou encore des écoles.
q Le second New Deal est appliqué entre 1935 et 1938. Il est davantage orienté vers des mesures
sociales. Roosevelt pose ainsi les fondements de l’État-providence avec la création d’un système
d’assurance-chômage et de retraites par l’adoption et la mise en application du Social Security Act
le 14 août 1935. L’État providence : État qui garantit une protection sociale (indemnités de
chômage, retraites, sécurité sociale).
B. Le Front populaire : une réponse sociale à la crise
1. L'arrivée au pouvoir du Front populaire en 1936
• Le Front populaire est le nom donné à une coalition politique des trois principaux partis
de la gauche : la SFIO (socialistes) dirigée par Léon Blum, le parti communiste dirigé par
Maurice Thorez et le parti radical dirigé par Édouard Herriot. Cette alliance inédite a commencé
à se former en 1934, alors que les tensions politiques sont très fortes, attisées par la crise économique
et sociale, et que l'extrême-droite d'inspiration fasciste tente de déstabiliser la République. Les
événements du 6 février 1934 (manifestation des ligues d'extrême-droite à Paris, dont certaines
essaient de s'emparer du pouvoir) ont beaucoup marqué les esprits.
• Le Front populaire remporte largement les élections législatives d'avril-mai 1936. Léon Blum
forme son gouvernement le 31 mai, composé de socialistes et de radicaux (les communistes
préfèrent ne pas y participer tout en soutenant le gouvernement), dans un contexte social
particulièrement agité. L'arrivée au pouvoir du Front populaire est en effet précédée et suivie d'un
mouvement massif de grèves et d'occupations d'usines, par plus de deux millions d'ouvriers (maijuin
1936). Ces grèves sont largement spontanées, « sur le tas », et traduisent un immense espoir au
sein du monde ouvrier en l'arrivée au pouvoir de la gauche. Elles se poursuivent plusieurs semaines
après, l'objectif étant d'exercer une pression sur le gouvernement pour qu'il applique
effectivement ce qui avait été promis durant la campagne électorale. Ce qui marque les esprits
à l'époque, c'est que les grèves et les occupations d'usines se font dans une ambiance joyeuse et
festive, ce qui traduit à la fois l'espérance d'être enfin entendus et la satisfaction d'avoir obtenu une
reconnaissance politique. Par ailleurs, pour la première fois ce type de mouvement social n'est
pas réprimé. Le gouvernement du Front populaire dure jusqu'en juin 1937.

B. Le Front populaire : une réponse sociale à la crise


1. L'arrivée au pouvoir du Front populaire en 1936
• Le Front populaire est le nom donné à une coalition politique des trois principaux partis
de la gauche : la SFIO (socialistes) dirigée par Léon Blum, le parti communiste dirigé par
Maurice Thorez et le parti radical dirigé par Édouard Herriot. Cette alliance inédite a commencé
à se former en 1934, alors que les tensions politiques sont très fortes, attisées par la crise économique
et sociale, et que l'extrême-droite d'inspiration fasciste tente de déstabiliser la République. Les
événements du 6 février 1934 (manifestation des ligues d'extrême-droite à Paris, dont certaines
essaient de s'emparer du pouvoir) ont beaucoup marqué les esprits.
• Le Front populaire remporte largement les élections législatives d'avril-mai 1936. Léon Blum
forme son gouvernement le 31 mai, composé de socialistes et de radicaux (les communistes
préfèrent ne pas y participer tout en soutenant le gouvernement), dans un contexte social
particulièrement agité. L'arrivée au pouvoir du Front populaire est en effet précédée et suivie d'un
mouvement massif de grèves et d'occupations d'usines, par plus de deux millions d'ouvriers (maijuin
1936). Ces grèves sont largement spontanées, « sur le tas », et traduisent un immense espoir au
sein du monde ouvrier en l'arrivée au pouvoir de la gauche. Elles se poursuivent plusieurs semaines
après, l'objectif étant d'exercer une pression sur le gouvernement pour qu'il applique
effectivement ce qui avait été promis durant la campagne électorale. Ce qui marque les esprits
à l'époque, c'est que les grèves et les occupations d'usines se font dans une ambiance joyeuse et
festive, ce qui traduit à la fois l'espérance d'être enfin entendus et la satisfaction d'avoir obtenu une
reconnaissance politique. Par ailleurs, pour la première fois ce type de mouvement social n'est
pas réprimé. Le gouvernement du Front populaire dure jusqu'en juin 1937.
2. Une politique économique et sociale ambitieuse
• Le Front populaire met immédiatement en oeuvre son programme social et économique.
L'objectif de Blum est une relance économique par une politique sociale plus généreuse permettant
d'augmenter les revenus et par une politique de grands travaux, donc par une intervention plus forte
de l'État ; une de ses sources d'inspiration est le New Deal. Blum commence par pousser les
patrons à négocier avec les syndicats ouvriers, seul moyen de remettre la France au travail et de
stopper la grève générale. C'est ainsi que le 5 juin 1936 syndicats et patronat signent les accords de
Matignon, qui prévoient d'importantes hausses de salaires (de 7 à 15 % selon les catégories de
travailleurs), la mise en place de conventions collectives dans les entreprises (accords conclus
entre les employeurs et les syndicats pour fixer les conditions de travail) et la création des délégués
du personnel. Ces accords sont complétés par deux lois importantes, également en juin 1936,
devenues emblématiques du Front populaire : la loi qui instaure deux semaines de congés payés
annuels et celle qui diminue la durée hebdomadaire du temps de travail pour la fixer à 40
heures (l'objectif est de lutter contre le chômage en incitant les entreprises à embaucher). Le
mouvement des grèves connaît alors un reflux progressif. D'autres mesures complètent cette
politique économique : réforme de la Banque de France qui passe sous le contrôle de l'État (elle était
privée), nationalisation des industries de guerre, début d'une politique de réarmement, création de
l'« Office du blé» qui permet de relever les prix de cette matière première indispensable. La SNCF
voit le jour au crépuscule du Front populaire.
• Le Front populaire mène également une politique culturelle et de loisirs à destination du
monde ouvrier. L'été 1936 est ainsi resté mythique dans l'imaginaire ouvrier car c'est celui des
premières vacances pour des millions d'ouvriers, à la mer et à la campagne, même si, contrairement
à la légende, de nombreux ouvriers ne partent pas.

3. Un bilan très mitigé


• Le bilan économique du Front populaire apparaît cependant très mitigé. La mauvaise volonté
du patronat, très hostile à la gauche, ne lui a certes pas facilité la tâche. Après le printemps et l'été
1936 où le patronat a fait le « dos rond » par peur d'une révolution communiste, il tente ensuite de
reconquérir le terrain perdu face aux ouvriers et applique peu ou mal les réformes. D'autant que ces
réformes ont considérablement accru le coût du travail.
• Le Front populaire a cependant enregistré quelques résultats positifs : la reprise a bien eu lieu
puisque la production industrielle augmente de 16 % entre 1936 et 1937 tandis que le chômage
diminue de 18 % entre 1935 et 1938. Mais ces performances ne sont pas exceptionnelles :
l'Allemagne et la Grande-Bretagne font mieux à cette date ... Et le Front populaire continue à être
confronté à de sérieuses difficultés économiques, à commencer par les problèmes financiers. Les
difficultés économiques et financières conduisent ensuite Blum à annoncer en février 1937 une
« pause » dans les réformes, puis provoquent sa démission en juin 1937. L'expérience du Front
populaire prend fin. Dans les années qui suivent, le centre de gravité politique se déplace vers la
droite. En 1938, le nouveau chef du gouvernement, Daladier, affirme qu'il faut « remettre la France
au travail » et remet en cause la loi sur le temps de travail.
• Si le Front populaire a été une expérience éphémère, qui n'a pas réussi à se maintenir et qui s'est
achevée par un relatif échec, cette période représente néanmoins des acquis sociaux majeurs et un
changement d'attitude déterminant de la République vis-à-vis du monde ouvrier : la question
ouvrière n'est plus considérée comme taboue et marginale, elle est désormais pleinement
intégrée à la République. Le Front populaire devient par ailleurs une référence absolue dans la
mémoire collective de la gauche et des milieux syndicaux, qui s'en réclament régulièrement
durant les décennies suivantes et même encore de nos jours.
Points de passage N°3 : Juin 1936 : les accords de Matignon
C. Montée des politiques d’indépendance économique dans les régimes autoritaires.
• En Allemagne, le patronat cherche à répondre à la crise en réclamant un gouvernement dirigé par
un « homme fort ». Des hommes d’affaires, comme Thyssen, soutiennent le Parti national-socialiste
ouvrier allemand (NSDAP), qui obtient 33 % des voix aux élections législatives de 1932, et son
chef, Hitler, qui devient chancelier le 30 janvier 1933. Une politique protectionniste et d’autarcie
est alors mise en place.
• Dans d’autres régions du monde, comme en Amérique latine, les réponses à la crise, bien que
diverses, passent souvent par un renforcement du rôle de l’État en matière économique et sociale,
mené par des leaders populistes. Face à la dégradation des termes de l’échange, certains pays, pour
sortir de la crise et diminuer leur dépendance vis-à-vis de l’extérieur, développent une politique
d’industrialisation par substitution aux importations. Il s’agit de produire localement des biens
traditionnellement importés des pays développés. Ce processus est rendu possible grâce à l’épargne
interne générée par le secteur exportateur de matières premières : ainsi, les pays deviennent
autonomes pour répondre à la demande intérieure sans dépendre de l’extérieur.
Conclusion
Le krach boursier d'octobre 1929, qui se transforme en une longue dépression économique
assombrissant l'ensemble des années 30, se traduit d'abord par l'effondrement de la production, de
l'investissement, des prix et des revenus ainsi que du commerce international, mais aussi par la
multiplication
des faillites et la montée vertigineuse du chômage. Si l'interprétation de la catastrophe est infiniment
plus
malaisée que son analyse, il ne fait aucun doute que le krach de Wall Street tient une place essentielle
dans
le processus de déclenchement de la crise, révélant les faiblesses de la gestion américaine, ruinant
tout le
système de crédit et laissant les dirigeants sans réaction efficace. Des États-Unis, la crise se transmet
au reste
du monde à partir de 1931, par le relais des échanges commerciaux et financiers.
L'échec de la concertation internationale à Londres en 1933 et l'incapacité des responsables à
provoquer une « reflation » équilibrée se conjuguent pour faire durer le marasme dans un monde de
plus en
plus cloisonné et livré à l'affrontement des nationalismes.

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