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Partie II.

Fertilisation

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Introduction

Tout le monde est d'accord sur la façon dont l'agriculture évolue en fonction des tendances
démographiques et économiques. La population mondiale atteindra probablement quelque
8 milliards d'individus aux environs de 2030, et deux personnes sur trois vivront alors en
milieu urbain. La croissance des revenus s'accompagnera d'un accroissement de la demande
alimentaire tel que la production vivrière devra augmenter d'environ 60 % dans les trois
prochaines décennies.

La quasi-totalité de cette augmentation devra provenir des pays en développement grâce à


une intensification de l'agriculture, c'est-à-dire à un rendement accru par unité de temps et
de superficie. L'urbanisation réduisant la main d'oeuvre rurale, l'agriculture devra également
adopter de nouvelles formes de mécanisation et se tourner vers une utilisation intensive des
terres, avec tout ce qui s'y attache. Ces scénarios indiquent une meilleure efficacité
d'utilisation de toutes les ressources naturelles, notamment de l'eau, et font ressortir la
nécessité d'un recours accru, bien que dans une mesure non proportionnelle, aux engrais.

Accroissement des rendements. Il y a un demi-siècle, les agriculteurs n'appliquaient à leurs


terres que 17 millions de tonnes d'engrais minéraux. Ils en consomment aujourd'hui 8 fois
plus. En Europe du Nord, l'apport d'engrais est passé d'environ 45 kg/ha à 250 kg/ha depuis
1950. L'augmentation de la consommation d'engrais a certainement été inférieure à celle de
la productivité, ce qui confirme la tendance générale à une fertilisation plus efficace.

La fertilisation apporte aujourd'hui 43 % des nutriments absorbés chaque année par la


production agricole mondiale, et cette contribution pourrait atteindre 84 % dans les années
à venir. Contrairement à ce que croit une partie de l'opinion publique, les sources
d'éléments nutritifs non minéraux ne risquent pas de remettre en question les engrais

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minéraux dans l'avenir: certes, les disponibilités de fumier augmenteront à la mesure de
l'accroissement de la production animale et l'urbanisation s'accompagnera d'une production
accrue de déchets, et notamment d'eaux usées, mais leur efficacité est bien moindre et
aujourd'hui encore l'utilisation des déchets pour les cultures a un coût plutôt élevé.

L'agriculture biologique, qui exclut le recours aux intrants synthétiques, ne semble pas être
une alternative viable. La FAO a calculé d'une façon très approximative quelle serait
l'incidence de l'agriculture biologique à l'échelon mondial si la demande de produits
biologiques devait augmenter d'une manière importante. Le résultat est assez surprenant:
pour compenser l'absence d'engrais minéraux, une grande partie des terres devraient alors
être mises sous rotation avec légumineuses ou sous production animale. Bien que
l'agriculture biologique occupe un créneau commercial, ses limites - et les dangers liés à
l'épuisement des nutriments - méritent toutefois une étude approfondie.

Efficacité d'utilisation des engrais. Assurer une utilisation plus efficace des engrais est
l'enjeu de l'avenir. Une possibilité est de faire appel aux biotechnologies pour améliorer
l'efficacité de la fertilisation et l'absorption des nutriments par les plantes. Les stress
abiotiques ou la fixation biologique de l'azote ne font actuellement l'objet d'aucune véritable
recherche en biotechnologie. Malgré les perspectives qui peuvent exister dans ce domaine, il
convient toutefois de faire très attention à ne pas promettre trop et trop vite. Quoi qu'il en
soit, il reste encore beaucoup à obtenir de la sélection végétale traditionnelle. Ainsi, par
exemple, d'importants travaux ont été effectués sur les caractéristiques de "tenue en vert"
de certaines cultures comme le sorgho - plus longtemps la plante reste en vert, plus
l'absorption de nutriments est grande dans le temps.

Un autre domaine de recherche prometteur est celui de la pédologie. Bien que cela reste un
secteur à part, nous savons que la matière organique du sol et la pédologie jouent un rôle
important dans la gestion des éléments nutritifs, et que l'amendement du sol améliore
considérablement l'efficacité des engrais. En Afrique, où la récupération des nutriments est
très lente, des travaux plus systématiques sur la matière organique du sol et sur la qualité du
sol en termes physiques, biologiques et chimiques, sont nécessaires. Étant donné que la
fixation biologique de l'azote produit des résultats variables, les scientifiques doivent
l'associer à l'application d'engrais plus traditionnels et en étudier l'efficacité. Les résultats

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montreraient sans doute que la fixation biologique de l'azote n'est pas une solution
miraculeuse en soi, mais qu'elle donne de bons résultats dans certaines conditions.

La gestion intégrée des systèmes de production a fait ses preuves et ouvre la voie à une
meilleure efficacité d'utilisation des engrais. Des résultats remarquables ont été obtenus
dans l'application rationalisée des pesticides, en sensibilisant les agriculteurs à la lutte
intégrée contre les ravageurs au moyen de stages pratiques durant lesquels ils ont appris à
observer leurs cultures de près et à les protéger contre les ravageurs et les agents
pathogènes. Ces activités sont de plus en plus souvent liées à une gestion intégrée des
substances nutritives - les agriculteurs apprennent à observer l'impact réel de l'apport de
nutriments, au lieu d'utiliser par exemple des quantités croissantes d'urée tout simplement
parce qu'il s'agit de l'engrais le plus économique. Les cultivateurs doivent également
comprendre les effets d'un excès d'azote sur certains pathogènes et d'autres facteurs de
stress pour les cultures. Cela pourrait les convaincre de la nécessité d'acheter des engrais
non azotés et de procéder à une fertilisation bien plus équilibrée.

Partenariats privés/publics. Les bénéfices à tirer d'une utilisation efficace des engrais,
même d'un point de vue purement économique, pourraient être considérables. Ils
dépendent toutefois d'une série de facteurs qui déterminent l'utilisation des engrais et leur
application par les agriculteurs. Nous avons besoin de partenariats privés/publics, de
systèmes de distribution et de contrôle de qualité bien plus performants et de la gamme des
outils commerciaux qui leur sont associés. L'industrie des engrais doit faire davantage
preuve de créativité en veillant à ce que les agriculteurs tirent réellement le meilleur profit
des techniques de culture et de fertilisation en usage. Cela nécessite une recherche
systématique de moyens permettant de réduire la demande de main d'oeuvre agricole, ce
qui est particulièrement important face à la contraction des disponibilités. Par exemple, les
nouveaux engrais enrobés de polymère pourraient offrir un taux de récupération bien plus
élevé. L'industrie devrait aussi considérer l'ensemble du cycle de l'utilisation et de la
récupération des éléments nutritifs, car il ne faut pas oublier que l'industrie automobile a
entendu le même plaidoyer il y a une vingtaine d'années et qu'elle a fait depuis des progrès
considérables.

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Il reste de nombreuses incompréhensions et une grande confusion concernant les
nutriments du sol et en particulier les engrais minéraux. Le grand public a besoin
d'informations scientifiques, objectives, de la part de tous ceux qui interviennent dans la
gestion des éléments nutritifs. En d'autres termes, nous devons dire aux gens ce que nous
savons. Nous savons que des gains de productivité sont nécessaires et possibles. Nous
savons que davantage d'engrais sont nécessaires. Nous savons que les engrais peuvent être
utilisés d'une manière plus productive et efficace, si nous le faisons de la façon voulue et
dans le contexte approprié.

Chapitre 1. Les amendements


"Un amendement est un produit minéral ou organique apporté aux terres cultivées dans le
but d'améliorer les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Son utilisation
favorise l'action des engrais".

Plusieurs types d'amendements sont utilisés en fonction des divers types de sol.
Les amendements peuvent être :
. organiques (animaux ou végétaux),
. minéraux,
. mixtes.

1.1. Amendements organiques (chapitre prochain)


1.2. Amendements minéraux : Généralement naturels, parfois sous-produits de l'industrie.
1.3. Amendements mixtes : Ce sont des composites des deux catégories précédentes,

Une terre est caractérisée par :

- Sa texture,
- Sa structure,
- Son humidité disponible,

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- Son complexe absorbant (proportion dans le sol et son état de saturation), qu'il faudrait
adapter en fonction des cultures envisagées pour en obtenir un bon rendement avec un
apport d'engrais et un façonnage (labour, arrosage...) réduit au minimum.
En dehors des amendements organiques pourvoyeurs d'humus qui améliorent ces
caractéristiques, on a recours à des substances minérales naturelles ou artificielles :
- pour la texture : sables d'origine variée, poreux si possible, argiles de préférence
montmorillonitiques;
- pour la structure : en plus des minéraux précédents, calcaires crus ou cuits - gypse - sels
calcaires (CaCl2...) pour avoir un pH entre 6 et 7,5 ;
- pour l'humidité : matériaux poreux - argiles ;
- pour le complexe absorbant : tous les matériaux à CEC élevée pour en augmenter la
proportion et ceux riches en Ca++ et Mg++ susceptibles de le saturer.

Les besoins en amendements sont fonction :


- du type de culture qui y trouve souvent des éléments nutritifs dont Ca++ et Mg++ et de ce
fait désaturent le complexe avec déstructuration simultané du sol ;
- du climat avec :
- apport partiel par les pluies, qui précipitent les particules de l'atmosphère (fumées, érosion
éolienne...),
- lessivage par percolation (pluies, arrosages...) des carbonates,
- dégradation sous l'effet de la température et de l'humidité en particulier des
montmorillonites et silicates.
Ils ne concernent souvent que les calcaires et dolomies qui sont à la fois engrais et
amendements sans parfois tenir compte des apports Ca - Mg contenus dans les engrais
commercialisés (phosphates, nitrates).

Les amendements minéraux

Beaucoup de substances minérales sont utiles à la croissance et au rendement des cultures,


certaines à des doses si faibles que le sol en renferme, généralement assez pour satisfaire
celles-ci.
Les amendements minéraux sont :
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. naturels ou
. artificiels, résultant de l'activité industrielle (phosphogypse, scories, cendres volantes...), on
pourrait dire qu'ils ne sont que pseudo-artificiels puisqu'ils sont des sous-produits du
traitement de minéraux naturels.
Leur classement peut être aussi basé sur l'influence qu'ils ont sur les caractéristiques
physiques ou chimiques des sols. Toutefois, ceux qui ont une influence chimique modifient
l'état physique du fait de l'action de leurs ions sur le complexe absorbant. Les amendements
à rôle exclusivement physique ne sont pas transformés chimiquement dans le sol.

I. Amendements physiques
Ils améliorent essentiellement la texture, la porosité et l'humidité des sols. Sables, argiles,
matériaux poreux, sont les plus courants.
1.1. Sables.

1.2. Argiles,
1.3. Matériaux poreux : Pouzzolanes - tufs - schistes expansés - vermiculites

II. Amendements chimiques


Leur action porte surtout sur la qualité du complexe absorbant dont ils augmentent la
capacité d'échange de cations, ce qui favorise l'assimilation des substances nutritives.
On distingue :
- les amendements calciques et magnésiens naturels ou artificiels (calcaires crus ou cuits,
gypse et phosphogypse, sulfates de magnésium, chlorure de calcium...)»
- les amendements argileux (bentonite, illite),
- les amendements siliceux (pouzzolanes, tufs, colloïdes...).

II.1. Amendements calciques et magnésiens


Ce sont les plus connus et parmi eux, surtout les carbonates crus ou cuits
. calcaires massifs ou pulvérulents exploités en carrière,
. dolomies,
. giobertite - MgCO3,
. sables calcaires marins,

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. gypse et anhydrite - phosphogypse,
. chlorure de calcium,
. phosphates naturels moulus et engrais phosphatés contenant du sulfate
de calcium.

II.1.1. Calcaires et dolomies.


Les sols renferment souvent des quantités relativement importantes de
Ca et Mg sous forme de silicates. On considère comme satisfaisantes des teneurs
en MgO échangeable variant de 0,08% à 0,2 % et en CaO de 2 % en sol sableux, à 10 % en
sol argileux lourd. Les prélèvements par les récoltes varient de 15 à 40 kg MgO/ha et 80 à
100 kg CaO/ha.
Dans les terres le rapport Ca/Mg doit être > 1 pour éviter la toxicité Mg qui nuit alors à une
bonne nutrition Ca et K,
Les carbonates de calcium sont les amendements les plus connus et les plus utilisés.
En plus de leur rôle d'aliment (engrais), c'est surtout comme améliorant des propriétés
physiques, chimiques et biologiques du sol qu'ils sont utilisés
Ce sont en effet :
. des régulateurs du pH,
. des stabilisateurs de la structure (et des qualités physiques) du sol dont ils saturent le
complexe absorbant.
Les terres argileuses, silico-argileuses, tourbeuses et sablonneuses
ont besoin d'apport constant de chaux ; une bonne terre sablonneuse tire en Ca
échangeable l'équivalent de 3 % CaO, une terre lourde riche en argiles, c'est à-dire à
complexe absorbant abondant, doit en contenir 3 fois plus (pour déplacer les H+ plus
nombreux que dans un sol sableux).
Le manque de chaux (donc des besoins non satisfaits) se traduit par une mauvaise
humification

Le chaulage
Chauler signifie apporter un amendement minéral basique, calcique et/ou magnésien.
Les amendements basiques sont des produits de différentes origines capables d’augmenter
le pH d’un sol et d’en améliorer la structure. Ces produits contiennent généralement du

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calcium (Ca) et/ou du magnésium (Mg) en plus des bases (O2-, OH-, CO3 2- suivant le produit
utilisé) qui vont neutraliser l’acidité du sol et influencer le pH. Le calcium et/ou le
magnésium sont destinés à l’amélioration de l’alimentation des plantes en ces éléments.
L’efficacité d’un amendement sur le pH n’est donc pas due à sa teneur en calcium ou en
magnésium mais bien à sa teneur en base! Le calcium et les bases contribuent tous les deux
à l’amélioration de la structure du complexe argilo-humique. Cet effet permet de faciliter
l’aération et le ressuyage du sol ainsi que d’intensifier le développement de la vie
microbienne.
• Le remplacement des ions H+ par des cations Ca++ :

Lorsque l’on introduit de la chaux dans un sol, ses molécules se dissocient :

Ca(OH)2 Ca++ + 2 OH-

La concentration d’ions Ca++ augmente dans la solution du sol et cette concentration se


communique au complexe, par exemple un complexe argilo-humique abondamment garni
d’ions H+ : un cation Ca++ prend la place de deux ions H+, qui se combinent aux anions OH-
apportés par la chaux pour former de l’eau :

ComplexeH+ + Ca++ + 2 OH- Complexe Ca++ + 2 H2O

Quel pH visé ?
Vu la diversité des réponses du sol au chaulage, il n’est pas possible de définir un pH
optimum pour toutes les prairies (Fabre et al., 2006). Cependant, il faut remarquer que
l’assimilabilité des éléments fertilisants du sol par les plantes est la meilleure dans la
fourchette de pH eau située entre 6,2 et 6,6.

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Figure 1. Disponibilité des éléments minéraux en fonction du pH (D'après Pettinger dans
Soltner, 1979)

Les types de chaulage

Il existe deux grands types de chaulage : le chaulage d’entretien et le chaulage de


redressement. Le premier consiste à apporter régulièrement (tous les 3 à 4 ans) un
amendement basique destiné à maintenir le pH et à restituer au sol les quantités de calcium
et de magnésium utilisées au cours du temps. On évalue les quantités à apporter en fonction
des exportations des cultures, du lessivage et de l’action acidifiante des engrais minéraux. En
moyenne, il est conseillé d’apporter environ 350 unités de CaO chaque année.
Le chaulage de redressement consiste en l’apport important d’amendements basiques sur
plusieurs années de manière à redresser le pH du sol. Cependant, un apport trop important
de chaux modifie trop vite les caractéristiques du sol. Il est préférable de répartir le
redressement de pH sur plusieurs années. Il ne faut pas relever le pH de plus d’une unité à la
fois sous peine de bloquer certains éléments.

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