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Géographique de Reims
Colin Georges. Reims. Étude d'une croissance urbaine. In: Travaux de l'Institut Géographique de Reims, n°25, 1976.
Reims. Étude d'une croissance urbaine. pp. 3-88;
doi : https://doi.org/10.3406/tigr.1976.1010
https://www.persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1976_num_25_1_1010
INTRODUCTION
Reims est une ville relativement mal connue en dehors de la Champagne. Elle évoque dans
l'esprit de nombreux Français un certain nombre d'images stéréotypées : Reims apparaît d'abord
comme la ville des sacres, image associée au souvenir de Jeanne d'Arc et plus encore à la ca¬
thédrale, à la visite de laquelle chaque touriste de passage se sent obligé de consacrer quel¬
ques instants. Reims est ensuite la ville du champagne, dont les innombrables caves accueil¬
lent les visiteurs désireux de s'initier aux secrets de la fabrication d'un vin prestigieux
entre tous. Reims est également la ville du textile, dont la tradition est profondément ancrée
dans son histoire. Reims est enfin la ville martyre, cruel lement éprouvée par la Grande Guerre
dont les destructions n épargnèrent que la cathédrale.
'
Des images profondément enracinées en chacun de nous dès l'école primaire, mais des ima¬
ges qui ne sont pourtant que des clichés, voire des mythes. Reims, ville martyre ? Soit, mais
il ne s'agit plus que d'un souvenir, estompé par le temps et affaibli par le rapprochement en¬
tre les ennemis d'autrefois, la France et l'Allemagne. Reims, ville des sacres ? Certes, mais
quis'y intéresse en dehors des touristes et de quelques historiens ? Reims, ville du textile ?
Même plus, car cette industrie a presque totalement disparu et ne joue plus de rôle dans la vie
économique de la cité. Reims, ville du champagne ? Oui, car cette activité fournit des emplois;
non, car elle ne saurait résumer à elle seule une ville dont la gamme des activités - industriel¬
les et tertiaires - est extrêmement variée.
Pour le Rémois de vieille souche ou de fraîche date, Reims évoque autre chose qu'une ca¬
thédrale à laquelle il jette un regard distrait - on est parfois d'autant moins sensible à la
beauté qu'on la côtoie chaque jour -, autre chose qu'un vin qu'il ne boit qu'en de rares occa¬
sions, autre chose que des souvenirs balayés par le temps. Pour celui qui l'habite, Reims est
vraiment tout autre chose : l'implantation de nouvelles usines pourvoyeuses d'emplois, et par¬
fois leur fermeture. . . . ; des services et des distractions dont la gamme tend à s'élargir ; tel
ou tel quartier qui manque d'animation ; de grands équipements - par exemple l'autoroute intra-
urbaine - dont l'existence se matérialise pour le moment par de vastes chantiers... ou par des
feuilles d'impôts.
Mais pour le géographe ? Il existe plusieurs façons de faire de la géographie en général
et de la géographie urbaine en particulier.
Le géographe archaïque s'attacherait à présenter le site de Reims - "le site semble avoir
joué un rôle prépondérant. Le bassin est entouré par la Montagne de Reims et par un certain
nombre de buttes (Mont Berru , Butte de Brimont, Butte de Moronvi 11 iers ) qui sont d'excellentes
positions défensives, encore renforcées par les marais de la Vesle" (1) - et sa situation dans
la Champagne et dans la France, en n'ayant garde d'oublier les nuances de son climat. Il s'ef-
(1) Georges Chabot, Géographie régionale de la France, Paris, 1969, Masson et Cie, p. 308.
4
forcerait de retracer longuement l'évolution économique de la ville, en insistant sur les per¬
manences et les continuités, tout en s 'attardant sur des aspects pittoresques - les techniques
de fabrication du champagne - ou superficiel s .
Le géographe technocrate ferait fi de la nature et de l'histoire pour s'intéresser plutôt
aux activités actuelles : la décentralisation, le développement des grandes surfaces, l'implan¬
tation de l'Université, la répartition et la qualification de la main-d'oeuvre, lui semble¬
raient des sujets dignes d'intérêt. Il s 'attarderait sur les moyens envisagés pour faire de
Reims une "ville d'accueil" : l'autoroute, les liaisons aériennes, les trains à grande vitesse,
le canal à grand gabarit. Il ne saurait oublier les plans successifs dont les sigles semblent
mystérieux au profane : plan Camelot, plan Rotival, schéma de la ZANC (zone d'appui nord-cham¬
penoise), SDAU (schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme), POS (plan d'occupation des
sol s) .
Le géographe critique se voudrait plus attentif aux besoins de la population et aux consé¬
quences des décisions prises par les responsables et les aménageurs. Il parlerait de la place
accordée à Reims dans la stratégie des grandes entreprises nationales et des firmes multinatio¬
nales, et du chômage qui résulte des "restructurations techniques". Il se pencherait sur le
manque d'animation et le sous-équipement en commerces et en services qui sont le lot de cer¬
tains quartiers. Il serait sensible aux expropriations abusives occasionnées par des opérations
discutables de rénovation, et à la contradiction entre la rigueur apparente des textes officiel s
et les dérogations ou le laisser-faire qui sont trop souvent la règle.
Cet ouvrage - le lecteur l'aura sans doute déjà compris - ne se veut pas dans le courant
de la géographie archaïque. Attentif aux transformations et aux réalisations souvent spectacu¬
laires qui ont marqué l'évolution de Reims depuis un quart de siècle, il cherche également à
mettre en valeur les lacunes existantes et les moyens d'y remédier.
5
CHAPITRE 1
ville
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se détachent
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depuis
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ville
Régime,
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des
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ville.
elle
moutons,
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000 etfonctions
Par
des habitants
l'archevêché
surtout
de la laine.
et et
commerciale
les quelques
foires
les sacres,
deet
fonctions
Champa¬
produc¬
la
Un siècle plus tard, la ville - étendue en tâche d'huile — s'est profondément transfor¬
mée : les murs sont rasés, les fossés sont comblés et la population atteint 100 000 habitants.
LA PREMIERE CROISSANCE: INDUSTRIALISATION ET MONTEE DE LA BOURGEOISIE
introduite à Reims en 1851 par Holden, un Anglais qui industrialise le peignage, comme Houpin
l'avait fait pour la teinture et pour l'apprêt durant les années 1830.
Les 1300 maîtres encore présents en 1790, ont laissé la place à 238 établissements en
1846 et à 110 en 1878, année considérée comme l'apogée du textile rémois. On recense alors 89
fabriques (peignages, filatures et tissages) et 21 établissements se rattachant aux tissus
(teinture, apprêt, matériel et accessoires). La concentration industrielle, née de capitaux
anglais et sedanais — mais beaucoup plus encore d'initiatives locales - n'est donc pas négli¬
geable. Quatorze entreprises associent la filature et le tissage, quelques autres poussent
plus loin l'intégration verticale. Dès 1866, Wi 1 leminot-Huart pratique dans les même locaux
le triage, le peignage, la filature et le tissage avec 19 000 broches et 500 métiers mus par
deux machines à vapeur de 150 et 175 CV. Lelarge file, tisse, teint et apprête dans ses quatre
établissements de Bazancourt, de Boul t-sur-Suippe et de Reims (rue de Courlancy et rue St-Mar-
ceaux) .
Toutefois, les usines rémoises ne regroupent pas l'ensemble des activités du textile. D'
une part, les vallées de la Suippe, de la Retourne et de l'Aisne ont des établissements liés
à la Fabrique rémoise ; d'autre part, les ouvriers campagnards et les ouvriers urbains en cham¬
bre n'ont pas totalement disparus,
L'industrie textile domine la ville : en 1880, 20 000 personnes — un habitant sur quatre —
travaillent dans des usines qui abritent 240 000 broches, 9 400 métiers et 700 peigneuses mé¬
caniques, sans compter l'équipement manuel encore en service. A cette masse de salariés s'ajou¬
tent tous ceux des activités annexes qui relèvent du commerce ou de l'industrie : deux fabri¬
ques de matériel, une usine d'accessoire, une usine d'extraction d'huile par dégraissage des
laines, quatre producteurs de savon, etc... L'organisation commerciale va du marché des laines
à la Société des Déchets (rue du Jard), en passant par le syndicat des producteurs de laine
qui met en rapport les marchands et les industriels, sous le contrôle du Bureau de Conditionnement
et de mesure.
LA MONTEE VE LA BOURGEOISIE
Sans qu'il soit possible de dégager des relations simples de cause à effet, il est évident
que l'essor industriel et la croissance urbaine se trouvent à la convergence de mutations tech¬
niques et socio économiques dont les multiples interactions marquent la ville et ses rapports
avec la campagne.
Le-i tQ.ckni.qaQj,
La concentration des moyens de production et de la main d'oeuvre demande des transports
efficaces, nécessaires à leur approvisionnement et à l'expédition des produits. Sous la Monar¬
chie de juillet, la loi de 1836 organise l'entretien des routes. Sous le Second Empire, un Ca¬
nal relie l'Aisne à la Marne et la voie ferrée atteint Reims. La ligne Paris-Strasbourg négli¬
ge la ville au profit de la vallée de la Marne, mais la ligne Epernay-Reims est ouverte en 1854.
Ultérieurement sont mises en service les liaisons avec Laon, Charleville, Châlons et Paris par
les vallées de la Vesle et de 1 'Ourq (1894). Toutes ces lignes forment un réseau, étoffé par
les voies étroites du chemin de fer de la banlieue de Reims (CBR). Progressivement les villes
deviennent des carrefours et Reims n'échappe pas à la règle : elle peut désormais recevoir les
laines que sollicitent les industriels.
8
Dans le même temps, tout au long du XIXe siècle, la force hydraulique et les machines à
vapeur, dont les cheminées ponctuent le paysage urbain, actionnent des équipements toujours
plus perfectionnés, aux performances plus brillantes mais également de prix plus élevé.
Lej> siapposité 4 ocio-économique.*
Les mutations techniques précipitent la disparition des artisans travaillant chez eux
avec les outils dont ils étaient propriétaires. Elles favorisent la concentration ouvrière
dans les villes, autour des moyens de production. Artisans, compagnons et apprentis sont pro¬
létarisés.
Après la suppression des corporations , la loi Le Chapelier (1791) - sous prétexte de ga¬
rantir la liberté du travail - a isolé les ouvriers et paralysé leur action. L'exposé des mo¬
tifs de cette loi dit que c'est aux conventions libres, d'individu à individu, à fixer la
journée pour chaque ouvrier et c'est ensuite à l'ouvrier à maintenir la convention qu'il a
faite avec celui qui l'emploie. L'article 2 précise que les citoyens de même état ou profes¬
sion, les ouvriers ou compagnons d'un art quelconque, ne pourront lorsqu'ils se trouveront en¬
semble, se nommer président ou secrétaire ou syndic, tenir des registres, prendre des arrêtés,
former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs.
Cette "liberté du travail" ainsi que la législation concernant le crédit, les sociétés
anonymes, la banque (la première succursale provinciale de la Banque de France est ouverte à
Reims en 1834) donnent à la bourgeoisie les capacités financières et le pouvoir économique.
Depuis la Révolution, avec le suffrage censitaire, la candidature officielle, le décou¬
page des circonscriptions et les modes de scrutin, elle dispose également du pouvoir politique.
Il est évident que "cette bourgeoisie" n'est ni homogène ni unie, et toute l'histoire rémoise
retentit des querelles entre négociants et fabricants, entre légitimistes et orléanistes, en¬
tre bonapartistes et républicains. Mais du point de vue économique, c'est "une classe sociale"
qui nous permet d'évoquer "la" bourgeoisie.
Détentrice des pouvoirs politiques et économiques, elle domine la ville, grâce à ses dé¬
putés et à ses représentants au Conseil Municipal, à la Chambre et au Tribunal de Commerce, à
la Garde Nationale, etc...
Les ouvriers travaillent à la fabrique depuis l'âge de 7 ans jusqu'à 65 ou 70 ans et plus
souvent jusqu'à l'incapacité de travail. L'inspecteur, chargé d'assurer le respect de la loi
de 1841 sur le travail des enfants, est obligé de démissionner en 1867 tant il relève d'infrac¬
tions. Avec l'éclairage qui est inauguré à la fabrique Clin en 1838 -et qui se généralise après
l'installation de l'usine à gaz en 1841, la journée de travail s'allonge jusqu'à 12 heures,
coupée de deux pauses pendant lesquelles les ouvriers mangent sur place. Le chômage, la hausse
des prix, les baisses de salaires, sont le lot des ouvriers qui subissent des crises passagè¬
res mais fréquentes : 1846-48, 1853-55, 1857, 1861-62, 1868-69.
En 1846, le prix du pain fait plus que doubler et atteint 0,60 francs le kilogramme, ce¬
lui des pommes de terre 35 francs l'hectolitre, alors que le salaire d'un tisseur est tombé à
1,75 francs au lieu de 4 èn 1836. En 1861-62, on compte à Reims plus de 6 000 chômeurs et les
salaires baissent de 20 à 30%. E. Taquet fait remarquer "que de 1830 à 1900 les grèves n'ont
pas pour objet une augmentation de salaires mais sont la conséquence d'une diminution des sa¬
laires de la part des patrons".
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Parfois les ouvriers tentent de s'organiser. C'est le cas pendant la seconde République
avec Bressy et l'Association rémoise. Une coopérative d'achat en commun, une boulangerie so¬
ciétaire, un atelier coopératif de tailleurs, un magasin de vente pour artisan tisseur, des
cours professionnels, sont mis sur pied. E. Lesage, en 1849, fonde une société mutuelle de
prévoyance et en 1860 une société coopérative d'alimentation. Mais l'Association Rémoise est
dissoute dès 1850 et la répression étouffe régulièrement les initiatives populaires (arres¬
tations de juin 1849 et procès de Melun). Le plus souvent, les réactions de la misère sont
violentes. Le premier drapeau noir flotte à Reims en 1831, et le tissage Croutelle est incen¬
dié en 1848. Ces réactions contre les machines peuvent surprendre aujourd' hui,mais, à l'épo¬
que, le prolétariat - désarmé face au patronat - se sent victime "des progrès techniques".
LE PAYSAGE URBAIW, REVELATEUR VE S CLIVAGES SOCIAUX
Le négoce de la laine est à l'origine du Quartier de la Fabrique entre les rues Cérès,
Ponsardin, des Murs et de l'Université. Mais l'industrie a besoin d'espace et ce quartier s'a¬
vère insuffisant pour accueillir les nouvelles activités. Les premiers établissements s'ins¬
tallent dans les bâtiments ecclésiastiques achetés comme biens nationaux pendant la Révolution
Les couvents et abbayes des Carmes, des Augustins, des Cordeliers, des Jacobins, des Capucins,
du Mont-Dieu, de St-Antoine, de St-Pierre-les-Dames, de St-Etienne, de Ste-Claire, de la Con¬
grégation et des Longuaux, sont transformés en filature, tissage ou maison de négoce.
Au cours du XIXe siècle, les usines sont construites dans la ville sur les jardins et
terrains vacants — qu'évoquent encore les noms des rues du Jard, du Ruisselet - puis hors les
murs, sur trois sites qui présentent un intérêt fonctionnel. A proximité du quartier de la Fa¬
brique entre les Boulevards Dauphinot et St-Marceau, elles sont favorisées par les facilités
d'approvisionnement et d'écoulement de leur production. La même raison explique les installa¬
tions de Clairmarais et du Port sec qui deviennent des quartiers industriels après la construc¬
tion de la voie ferrée. Les berges de la Vesle, qui fournit l'eau et la force hydraulique,
sont le troisième site d'implantation surtout à Fléchambault mais également à St-Brice.
La durée de la journée de travail, les difficultés des déplacements imposent aux ouvriers
un domicile proche du lieu de travail, Ils s'entassent dans les quartiers St-Rémi et St-Mauri-
ce. Jules Simon décrit leurs logements de la place St-Nicaise ou de la rue du Barbâtre "plus
dépouillés et plus tristes que des cachots". Les chambres d'hôtels garnis pour les moins dé¬
pourvus, les couloirs, les caves, les soupentes pour les plus pauvres, n'ont rien d'exception¬
nel s .
La croissance démographique fait déborder la ville et, autour des usines ou hors les murs,
naissent spontanément des faubourgs ouvriers, celui de Cernay d'abord, puis celui de Flécham¬
bault où les usines évincent les maraîchers, en attendant ceux de Clairmarais et de Laon-Zola
après l'installation de la voie ferrée sous le Second Empire. La commission d'assainissement,
créée en 1850, reconnaissait qu'interdire les logements insalubres équivaudrait à priver de
gîtes beaucoup d'ouvriers. C'est dire la médiocrité de cet habitat : de petites maisons basses,
sans eau, longtemps sans égoûts, se serrent en courées ou autour de rues étroites dont la via¬
bilité reste à la charge des riverains (décret de 1861).
Les grands travaux, qui emploient les ouvriers dans les périodes de crise et de chômage,
n'améliorent pas sensiblement leurs conditions de vie.
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Devant la poussée urbaine, les murs sont rasés et les fossés comblés à partir de 1840.
Les travaux débutent avec le creusement du canal de l'Aisne à la Marne et se poursuivent avec
l'arrivée de la voie ferrée et la construction de la gare, qui sont l'occasion d'aménager les
Promenades et le square Colbert. L'enceinte du XIIIe siècle fait place à la couronne des ac¬
tuels Boulevards Lundy, de la Paix, H. Vasnier, Driancourt, Dieu Lumière, H. Henrot, P. Dou-
mer, Leclerc, Foch, L. Roederer et Joffre.
L'extension de la ville accentue les problèmes de l'eau et ceux de la voirie. Dès 1835,
les canalisations de Sillery arrivant à la Porte Dieu Lumière, ne répondent plus aux besoins.
Les porteurs d'eau vendent 3 sols le seau d'eau puisé dans la Vesle. 56 bornes fontaines font
face à la demande jusqu'à la fin du Second Empire. A cette date, la découverte de la nappe en
amont de la ville et la construction d'un réservoir au Moulin de la Housse permettent la mise
en place d'un réseau d'adduction avec concession chez les particuliers qui peuvent s'offrir
ce "luxe".
Les eaux usées se déversent directement dans la Vesle, d'abord par des cloaques à ciel
ouvert jusque 1852, puis par des égoûts, qui vont rejoindre les champs d'épandage à l'aval de
la ville après 1890.
Dans les faubourgs, la voirie consiste essentiellement dans l'ouverture de grands axes
transversaux qui sont l'amorce des rocades autour du noyau central. Les boulevards St-Marceau,
Ruinart, Jacquart, Lemoine, puis Pomme ry et Dauphinot, drainent les quartiers Cérès et de Cer-
nay. La Chaussée Bocquaine et la rue de Courlancy relient le faubourg St-Anne et celui de Pa¬
ris au débouché de la porte de Vesle. Les boulevards Charles Arnould, Danton et Robespierre,
ceinturent les quartiers Clairmarais et Laon et seront reliés par le pont Huet, à la rue du
Docteur Lemoine en 1900. L'essentiel des travaux réalise le Plan Legendre (1756) qui prévoyait
l'ouverture et l'embellissement de la ville par le dégagement des grandes voies de pénétration
urbaine, la création d'une place Royale reliée à l'Hôtel de Ville... Les travaux ont commencé
dès 1757 et l'Hôtel des Fermes - l'actuelle sous préfecture — est achevé en 1761. La résistan¬
ce des propriétaires , le coût des opérations feront durer les travaux pendant tout le XIXe siè¬
cle. Mais l'ouverture de nouvelles rues - Thiers St-Augustin, M. Stuart, St-Pierre les Dames —
la réalisation de la Place Royale (achevée en 1911) et divers équipements - Palais de justice,
Théâtre, Marché couvert (Place du Forum) — donnent naissance à un véritable centre ville et
accentuent les différences. Autour du boulevard Lundy, de la rue Thiers, et sur le front des
Promenades, la bourgeoisie construit ses hôtels, encadrés de jardins.
L'espace urbain traduit bien les contrastes sociaux. A l'époque des crinolines, des bals
et des réceptions bourgeoises ou officielles, les Promenades sont le lieu des sorties élégan¬
tes ; la bourgeoisie se retrouve dans le centre, mieux équipé et plus animé par la vie commer¬
çante et culturelle. Le peuple de St-Rémi ou des faubourgs se promène sur les derniers tron¬
çons des remparts ; il a ses fêtes, son carnaval, ses bistrots où il tente d'oublier sa misè¬
re .
11
L'évolutior, de la population urbaine pourrait nous faire croire que la guerre de 1914 cons¬
titue un tournant dans l'histoire rémoise. En effet, la croissance démographique continue jus¬
qu'à la veille du conflit. On compte 115 000 Rémois en 1911 et la ville ne retrouvera cette po¬
pulation qu'en 1950. On imagine aisément que quatre années de guerre et les destructions qu'el¬
les ont provoquées ont cassé la croissance et que, jusqu'au milieu du XXe siècle, la ville - en¬
core secouée par la crise des années 1930 et la seconde guerre - n'aurait fait que panser ses
blessures et se reconstrui re .
Mais l'évolution démographique ne reflète pas fidèlement la situation économique. Dans la
période d'essor industriel, la ville reçoit un flux migratoire de jeunes adultes qui entretien¬
nent, par la naissance de leurs enfants, l'augmentation de la population dans la période ulté¬
rieure quand s'amorce déjà le marasme économique. C'est la situation de Reims dès 1880.
Habitants
— REIMS - ville
,
153 000
Années
1801 1851 1876 1901 06 11 21 26 31 36 1946 54 62 68 1975
La population rémoise
LE VECL1N VU TEXTILE MASQUE PAR LES TRADITIONS VU NEGOCE (1880-1914).
Entre 1880 et 1892, les expéditions du textile rémois diminuent de 41% et la reprise qui
s'amorce alors dans d'autres secteurs et d'autres régions n'est pas sensible. A la veille de
1914, tous les éléments confirment un net repli. Pour le pays rémois, l'équipement, entre 1878-
80 et 1910-14, est tombé de 240 000 à 220 000 broches, de 9 400 à 7 000 métiers, de 700 à 240
peigneuses. Dans la ville elle-même, il n'y a plus que 31 entreprises au lieu de 110, utilisant
215 peigneuses, 127 000 broches et 5 600 métiers. Le nombre des salariés est tombé de 20 000 à
12 000, soit approximativement celui de 1845, sans que l'augmentation de la productivité compen¬
se entièrement la perte de main d'oeuvre. La valeur des étoffes est descendue de 153 à 130 mil¬
lions de francs.
L'industrie lainière se heurte à de multiples concurrences : celle du coton que la guerre
de Sécession avai t atténuée ; eel 1 e des pays en cours d'industrialisation - Russie, Ital ie, USA —
qui se ferment aux importations ; celle d'autres villes françaises et particul ièrement Roubaix,
favorisée par les meilleurs prix de son approvi sionnement en laine et en charbon ainsi que par
des structures plus efficaces.
Les structures de l'industrie rémoise sont en effet fragiles. Produisant des filés et des
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tissus, elle reste une industrie de base à faible valeur ajoutée, d'autant plus que le désé¬
quilibre permanent entre filature et tissage impose une forte proportion de vente en fils. Les
entreprises familiales» jalouses de leur "indépendance" sont de taille moyenne et Lelarge qui
emploie 1200 salariés dans ses quatre usines est une exception. Les initiatives qui ont assuré
le succès de la flanelle et du mérinos ne se renouvellent pas. La crise, en faisant disparaî¬
tre les entreprises les plus fragiles, détermine une concentration qui n'est pas une solution
efficace, parce que la majorité des industriels espèrent résister par une politique des bas
prix plutôt que par des innovations.
Peut-on parler de sclérose patronale ou bien la bourgeoisie rémoise renoue-t-el le avec
ses traditions négociantes ? La question se pose quand on assiste» au même moment, au déclin
du textile mais en revanche à l'essor du champagne et du succursalisme dont on sait les multi¬
ples liens familiaux et la même origine des capitaux.
Il semble possible, après une tentative industrielle de courte durée, qu'une partie de la
bourgeoisie rémoise investisse à nouveau dans le négoce où elle a prouvé son savoir-faire et
l'efficacité de son réseau commercial.
Le champagne.
Au XVIII 0 siècle, les Ruinart,Heidsieck, Clicquot, Ponsardin, assoient la réputation du
champagne. Dès l'origine» Heidsieck et Clicquot associent le commerce des laines et celui du
vin. Les deux activités, avec les mêmes représentants à l'étranger, s'épaulent mutuellement et
concourent à l'accumulation du capital qui a permis les investissements industriels. Ces pre¬
miers négociants ont installé leurs caves, dans les crayères de la butte St-Nicaise qui expli¬
quent leur présence intra-muros. Par la suite» tributaires des caves et du besoin d'espace, les
négociants s'implantent à la périphérie de la ville sous la Monarchie de juillet et le Second
Empire. Ils se fixent donc hors les murs, dans le prolongement de la butte St-Nicaise, à l'est
du Boulevard Lundy entre les rues de Mars et Coquebert, à l'ouest de la rue de Courlancy.
Les Maisons Walbaum, Pommery et Greno, symbolisent les liens qui se perpétuent entre le
textile et le champagne. Or, au moment où le textile est en difficulté, le champagne connait
au contraire un remarquable essor avec un doublement des expéditions dans le dernier quart du
XIXe siècle.
Expéditions de vins de champagne par les négociants
Période Expéditions (moyenne France Etranger
annuelle en milliers Milliers % Milliers %
de bouteilles) . de bout. de bout.
1845-48 6 978 2 286 33 4 692 67
1867-70 15 874 3 339 21 12 515 79
1908-1 1 36 861 13 784 37 23 077 63
Le 6uccuA6alÂ*6me
En cette fin du 19e siècle, les maisons d'alimentation à succursales multiples sont le
deuxième relais de l'industrie textile. Les Etablissements Economiques ont repris en 1853 une
initiative de Lesage, fondateur de la première coopérative ouvrière d'achats en commun. Les
autres maisons sont fondées plus tardivement : les Docks Rémois Familistère datent de 1887,
Mignot fonde les Comptoirs Français 10 ans plus tard et, en 1900, sont ouvertes les premières
succursales Goulet-Turpin, Très dépendantes des transports pour leur approvisionnement et la
13
redistribution des produits, ces sociétés bâtissent leurs entrepôts à proximité de la voie fer¬
rée dans le quartier Clairmarais et au Port-Sec en direction de Bétheny.
Dans ce secteur encore, l'imbrication des capitaux rémois est remarquable. Mignot s'inté¬
ressait au champagne et Goulet fut une maison de champagne avant d'être maison à succursales
multiples.
Lqj> actÀ.v<i£(L6 annuxzé
A partir de 1880, champagne et succursalisme jouent un rôle moteur et entraînent des acti¬
vités annexes. Les verreries, dont la principale est celle de la famille Charbonneaux, emploient
1200 personnes en 1908. Les fabriques de plaques, de muselets, de papier d'ëtain, de bouchons,
en occupent un millier. Les caisseries Toillet, Piat, Wal ferd-Truchon , font travailler 500 per¬
sonnes tandis que Prot crée en 1904 la première fabrique de papier et carton d'emballage. Les
imprimeries Debar, Bary, Bienaimé, produisent des étiquettes. Outre ces activités d'emballage
et de conditionnement, les biscuiteries Fossier, Rogeron, Tarpin, Petitjean, Sigault, profitent
du réseau des succursales qui favorise également les débuts de la confection industrielle.
A partir de 1880, l'industrie textile n'est plus l'élément dynamique et structurant des
activités rémoises. Les fabriques d'huile et de savon à partir du dégraissage des laines ont
fait place à Guyot qui produit de l'eau de Javel . La métallurgie ne travaille plus pour le tex¬
tile et Roche, Scholler, Bauche, Maglin, doivent trouver d'autres clients. L'industrie automo¬
bile fait son apparition au début du XXe siècle. La S.C.A.R. emploie 150 ouvriers à Witry pour
produire un véhicule par jour et Panhard en a 3501, produisant des pièces détachées, dans son
usine de la rue E. Renan.
Les semaines de l'aviation, patronées par le marquis de Polignac en 1910-11, ne sont pas
suffisantes pour lancer l'industrie aéronautique que des raisons stratégiques ont fixée à Tou¬
louse.
Il semble donc que la crise du textile, entre 1880 et 1914, s'explique partiellement par
un désinvestissement industriel au profit d'autres secteurs plus rentables, le champagne et
les magasins d'alimentation. Après un court essai industriel, les capitaux rémois renouent a-
vec les traditions du négoce.
L'échec industriel, outre les multiples raisons déjà évoquées, tient également au rôle
stratégique imparti à la ville. Les fonctions militaires de la Champagne Crayeuse - marquée
sous le Second Empire par la création du Camp de Châlons - s'accentuent après 1870 et la perte
de Metz. Reims s'affirme alors comme ville de garnison avec les casernes Jeanne d'Arc, Louvois,
Colbert, le parc d'artillerie, le terrain de manoeuvre et la couronne des forts, dont celui de
la Pompelle est le plus célèbre. Ce rôle militaire de Reims n'a rien d'attractif pour des ca¬
pitaux industriels, toujours investis à long terme, et qui n'ont aucun goût du risque ; il
freine les investissements extérieurs qui ne pallient pas les carences rémoises. Toutefois, le
champagne, les maisons à succursales multiples et leurs activités annexes, prolongent la crois¬
sance rémoise jusqu'à la veille de la première guerre mondiale.
LES CONFLITS SOCIAUX ET LA NAISSANCE VU RADICALISME
A la fin du XIXe siècle, la crise du textile se traduit non seulement par des réductions
d'effectifs mais également par des baisses de salaires, consécutives à la volonté de compéti¬
tivité. Le tisseur rémois gagne entre 2,50 francs et 3 francs par jour en 1900 au lieu de 3,50
14
francs en 1880. Les conditions de travail restent pénibles et les journées trop longues. La
loi de 1892 protège les enfants qui ne sont pas admis à l'usine avant 12 ans, mais les jeunes
adolescents travaillent 60 heures par semaine, les femmes 66, et les hommes 72 en 6 journées
de 12 heures. Les ouvriers réagissent contre la faiblesse des salaires et la durée des journées
de travail par des grèves souvent dures. En 1880, elle est quasi générale avec 15 000 grévistes
pendant 33 jours ; en 1893, elle dure 13 jours. La grève n'est pas, comme semble le croire une
partie du patronat rémois, une manoeuvre roubaisienne pour abattre le textile rémois. L'ampleur
des mouvements ne résulte pas non plus d'une solide organisation ouvrière. Certes, la première
chambre syndicale fonctionne clandestinement en 1878 et Reims accueille en 1881 le Congrès na¬
tionale des ouvriers socialistes, mais la classe ouvrière reste politiquement et syndi cal ement
divisée, si bien que les 11 syndicats qui existent en 1900, ne comptent guère plus d'un millier
j'adhérents. L'atmosphère de crise, l'insécurité de l'emploi, la mobilité de la population , sont
autant de facteurs défavorables à l'organisation des ouvriers. En cette "Belle Epoque", la grè¬
ve est une réaction quasi -spontanée de la misère ouvrière. Les prise de conscience de cette mi¬
sère détermine des changements dans le comportement patronal. Sans doute, Reims connait alors
des "patrons de choc", totalement fermés aux problèmes sociaux mais - sous l'influence de L.
Harmel et de l'archevêque Langénieux - la charité fait place au paternalisme et au catholicis¬
me social, illustré par des initiatives patronales comme le Foyer Rémois créé en 1912 par G.
Charbonneaux pour assurer le logement des ouvriers.
Finalement, Reims devient un foyer du mutual isme et du radicalisme qui fait figure de
"juste milieu". La bourgeoisie d'affaires délaisse les responsabilités locales ou s'en trouve
évincée et elle est remplacée par des médecins et des membres des professions libérales, tels
E. Courmeaux, Ch. Arnould, H. Henrot ou J.B. Langlet.
UNE GUERRE OUI N'EFFACE PAS LE PASSE
Le front, proche de la ville pendant la durée de la guerre, la violence des combats et
des bombardements, détruisent Reims. Sur 14 000 maisons, 8 600 sont totalement détruites ; sur
200 établissements publics, 89 sont rasés de même que 46 usines sur 170. Les autres bâtiments
sont très endommagés et il ne reste qu'une vingtaine de maisons intactes.
Nous ne saurions traduire ici toutes les misères et tous les malheurs d'une population
frappées par les séparations, les deuils et les destructions matérielles. De tels chocs expli¬
quent que la guerre soit ressentie comme une rupture de la vie rémoise.
Mais la vie reprend plus vite que les Rémois n'avaient osé l'espérer. Dès 1921, la ville
a déjà retrouvé 76 000 habitants et bon nombre de ses caractères malgré les amputations défi¬
nitives du patrimoine artistique et culturel.
le Port Sec
Grâce à la protection des caves et parce qu'il est un des éléments des fêtes qui saluent
le retour de la paix, le champagne retrouve rapidement après la guerre un volume appréciable
d'expéditions. En 1919-1920 23 millions de bouteilles sont expédiées, soi t les deux tiers du
volume d'avant-guerre. Mais le vignoble doit se reconstituer après les dégâts cumulés de l'in¬
vasion phylloxérique et des combats. Il doit également s'organiser pour pallier les faiblesses
révélées par la révolte des vignerons en 1911. Enfin la consommation française, malgré quelques
progrès, ne compense pas la perte ou la réduction des marchés étrangers comme ceux de l'URSS
qui a d'autres préoccupations que la Russie, des USA qui choisissent la prohibition, de la
Grande-Bretagne qui se protège par des tarifs douaniers. Entre les deux guerres règne une très
grande instabilité des ventes et le niveau de la "Belle Epoque" ne se retrouve qu'après 1936,
et après le second conflit mondial, en 1954.
La stagnation démographique française et la faible progression du niveau de vie ne sont
pas favorables à une forte augmentation de la consommation intérieure. Cette inertie contribue
à la langueur des maisons à succursales. L'installation du siège des Comptoirs Français à Pan¬
tin est le seul changement notable dans ce secteur. Le succursalisme rémois se rétablit malgré
tout assez rapidement» et assoit sa zone d'influence sur le Nord-Est, depuis l'Oise jusqu'à la
Meurthe-et-Moselle. Mais il se heurte rapidement à des concurrents comme les Coopérateurs de
Lorraine et SANAL à l'est, les Economiques Troyens, la Ruche Moderne et les Docks de l'Union
du sud.
La diversification des activités déjà commencée avant la Grande Guerre, se poursuit lente¬
ment. Mais la naissance de l'Union professionnelle du bois (actuelle cartonnerie Dropsy), l'ins¬
tallation des Ateliers rémois de construction électrique par Marelli en 1928 à Witry, puis l'ar¬
rivée des Forges et Ateliers de Combeplaine venus de Ri ve-de-Gier, une fabrique de toiles mé¬
talliques (STIMAR devenu Tissmétal), STEMI (actuellement Remafer) produisant et réparant des
Wagons, l'occupation des locaux de la Société des Déchets par la biscuiterie Paquot en 1938,
ne sont pas suffisants pour assurer le plein emploi.
La même, morphologie uAba-tne,
La comparaison des plans de la ville avant et après 1914, montre bien que Reims retrouve
sa morphologie et que les destructions d'immeubles n'ont pas fait table rase.
Sur l'un et l'autre plan, on distingue le vieux noyau urbain, dont les enceintes se sont
succédées jusqu'au VIIIe siècle sur l'emplacement des rues Andrieux, Rogier, Ponsardin, des
Murs, de Courtrai , Chanzy, Talleyrand, Tire Lire et Foch, jusqu'à la porte de Mars, la seule
qui soit conservée. Nous retrouvons également le tracé de la grande enceinte du XIIIe siècle,
rasée de 1840 à 1885 pour faire place à la couronne des boulevards.
De la ville, partent les mêmes artères, les mêmes routes qui sont devenues les rues com¬
merçantes de Cernay et Jean Jaurès, de Laon et de Neuchâtel , de Paris et Clovis-Chézel .
Entre ces rues, le système des rocades successives et toujours inachevées révèle encore
les phases de la croissance rémoise et l'extension de la ville en tâche d'huile. Les industries
prennent la ville en écharpe au long de la Vesle, du canal et de la voie ferrée, entre les ver¬
reries mécaniques champenoises et la verrerie Charbonneaux, et vers l'est depuis la gare de
marchandise jusqu'à la route de Cernay ou STEMI a ses ateliers. Les faubourgs ouvriers retrou¬
vent leur place aux côtés de ces pôles d'activités.
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sont attirés par les régions proches, le Nord, la Lorraine et Paris, nettement plus dynamiques.
Tandis que ces régions voisines sont entrées dans le capitalisme national, Reims illustre encore
la France bourgeoise et négociante, méfiante à l'égard des grandes entreprises.
Les méfaits de la criseauxUSA et en Allemagne confortent la bourgeoisie rémoise sur ses po¬
sitions. Les désinvesti ssements locaux, la constitution de grandes propriétés foncières dans
la Champagne crayeuse, s'expliquent, tout comme la faiblesse des initiatives extérieures, par
la position de Reims et son rôle militaire tant que "l'ennemi héréditaire" est allemand.
Dans cette première moitié du XXe siècle, Reims et la société rémoise changent peu. Le
Congrès de Tours divise à nouveau la classe ouvrière après les espoirs du début du siècle. Il
faut le sursaut de 1936 pour voir la CGT grouper 15 000 syndicalistes.
Reims reste alors une ville radicale, avec à sa tête Paul Marchandeau, soutenu par L'Eolai-
reur de l'Est.
LA DEUXIEME CROISSANCE
A la fin de la Seconde Guerre, les responsables rémois sont unanimes dans leur volonté de
sortir de la crise. Le CEARR — Comité d'étude et d'aménagement de la région de Reims, créé en
1943 — se penche sur les problèmes du textile. En 1944, il démontre l'intérêt de réaliser ra¬
pidement un port avec embranchements ferroviaires et voies routières.
La Chambre de commerce s'intéresse aux mêmes problèmes : Port Colbert, aéroport, gare rou¬
tière, entrepôts, retiennent son attention dans l'immédiat après-guerre. Aidée par la Munici¬
palité, elle reprend le projet de port, déjà étudié en 1903, dont les travaux ont commencé en
1923 et qui sera réalisé en 1949-50. La ville, associée à la réalisation du port, acquiert à
proximité de celui-ci 67 hectares qui sont l'amorce de la zone industrielle ouest.
Dès 1947, un Comité paritaire du logement, le C0PL0RR, est créé. Il va partager le 1% pa¬
tronal et la construction de logements à Reims avec le Foyer Rémois et un organisme également
nouveau, l'Effort Rémois. Tous les responsables rémois sont donc persuadés que le réveil est
indispensable. Il faut sortir de la crise et les syndicalistes attendent avec impatience les
créations d'emplois. Mais, si la volonté d'expansion est unanime, en revanche son rythme, ses
modalités, ses aspects, révèlent l'opposition entre deux stratégies.
LA STRATEGIE LOCALE : UN DYNAMISME INTERNE, POUR UNE CROISSANCE M0VEREE
Tels sont les objectifs de certains notables patronaux et municipaux. L'étude du CEARR de
1943 avait encore fondé quelque espoir dans la rénovation du textile. Les traditions locales,
l'organisation patronale, le réseau commercial rémois et la proximité de Paris auraient pu fai¬
re de Reims le centre de production et de diffusion des tissus "mode". J. Detré y croyait-il
vraiment ? Le patronat n'a pas perdu tout espoir puisque les établissements Berquet, FTR, Lai-
né, Lelarge, Poullot, Warnier-David et Walbaum créent une caisse de modernisation et mettent
sur pied le plan d'action syndicale de septembre 1954.
En effet, une partie du patronat et notamment de la bourgeoisie du textile, redoute l'ar¬
rivée massive d' entrepri ses extérieures changeant les méthodes de travail et offrant des sa¬
laires plus élevés que les siens. Elle met sur pied des plans d'embauche pour éviter la sur¬
enchère des salaires. Elle craint un bouleversement de l'économie régionale où le textile est
encore important voire prépondérant dans la Vallée de la Suippe. Elle s'inquiète des change¬
ments dans les structures sociales fondées sur des relations familiales et sur un certain pa-
22
ternalisme. Pour elle, les moyens du développement doivent rester essentiellement rémois et elle
proteste dans V Union (décembre 1952) : "Pensez à ceux qui existent, ne favorisez pas inconsi-
dérablement les implantations nouvelles sans vous préoccuper du marasme des entreprises locales
frisant la catastrophe"... C'est bien le sursaut d'une bourgeoisie locale, qui se sent évincée
par le capitalisme d'envergure nationale et multinationale.
Le Plan Camelot, élaboré dans cette période traduit bien les préoccupations de ce groupe.
Au lieu de s'étaler sur 2200 hectares avec la faible densité de 55 habitants par hectares, le
périmètre urbain serait réduit à 1670 hectares, limité par une ceinture verte qui couperait la
ville des communes. Une occupation plus dense de l'espace urbain renforcerait les contacts sus¬
ceptibles de créer une communauté rémoise dont le maire, R. Bride, déplore l'absence. Dans ce
même souci de communauté urbaine, les contrastes des quartiers doivent être atténués par l'é¬
quipement scolaire, sanitaire et social des quartiers populaires et déshérités. A l'intérieur
du périmètre urbain, 700 parcelles vacantes représentant quelques 110 hectares en bordure de
la voirie existante, permettront la construction immédiate de 2500 logements sur Maison Blan¬
che, Wilson, Barthou, Desbureaux, Jacquart, cette réserve foncière donnant le temps d'étudier
la restauration des quartiers vétustés.
L'axe industriel qui va de Cormontreuil à St-Brice-Courcel les avec une branche vers Béthe-
ny, pourra s'étendre au-delà du port Colbert au nord, à proximité de la voie ferrée à l'est,
et éventuellement vers le sud entre la RN 44 et le Canal. L'accueil de nouvelles entreprises
et les transferts d'ateliers disséminés dans l'espace rémois sont jugés souhaitables, ces trans¬
ferts favorisant la restructuration urbaine. La congestion d'une ville densifiée sera évitée
par la construction d'une rocade détournant le transit hors de l'agglomération.
Le recensement de 1954 nous montre bien une croissance rémoise et modérée. La ville a ga¬
gné 8000 habitants depuis 1946, et les communes périphériques 900. Ces dernières, qui groupent
encore moins de 7000 habitants, laissent Reims presque sans banlieues.
Un gain moyen de 1000 habitants par an peut-être considéré comme une croissance lente, ex¬
clusivement fondée sur la reprise de la natalité. Entre les deux recensements, le solde migra¬
toire est resté déficitaire, la ville ayant perdu 1843 personnes par excédent des départs.
Mais l'année 1954 se situe dans les années charnières, entre les deux stratégies de la
croissance. Dans cet après-guerre, le vieux bloc radical, ébranlé par le conflit et privé de
la presse locale, s'effrite rapidement, tout comme éclate la bourgeoisie rémoise où se dessine
une aile expansionniste.
LA STRATEGIE NATIONALE ET INTERNATIONALE : REIMS, VILLE V ACCUEIL
Au moment même où certains Rémois se soucient de donner à la ville une impulsion interne
et tentent de freiner la croissance, d'autres jugent cette stratégie trop timide.
Dans l'espace français, ils perçoivent Reims comme un carrefour privilégié à 150 km et à
moins de deux heures de Paris, à proximité du Nord et de la Lorraine. Dans l'optique du Marché
Commun, ils voient Reims — entre le Bassin de Londres et l'axe rhénan - au centre de la "Ci¬
ble Europe" qui offre 65 000 000 de clients dans un rayon de 350 km. La ville longtemps brimée
par la proximité de Paris et par sa position stratégique est prête désormais à devenir une ter¬
re d'accueil. Maintenant que l'ennemi n'est plus sur le Rhin, elle peut répondre au discours
sur l'aménagement du territoire et sur la décentralisation, après la constatation du déséqui-
23
libre entre Paris et le "désert français". Réponse d'autant plus rapide que le plein emploi n'
est pas assuré et qu'il faut prévoir l'arrivée des classes nombreuses nées après la guerre.
Exception faite de quelques entreprises comme la PUM ou la société nouvelle des avions Max
Holste, qui créent des emplois, les entreprises rémoises manquent de dynamisme. Le champagne,
malgré la progression des ventes, est faiblement créateur d'emplois et le déclin du textile s1
accélère à partir de 1954. Il est difficile de connaître exactement la main d'oeuvre disponible
et la gravité du problème. En mai 1954, 366 chômeurs sont secourus dans la Marne ; comme on ad¬
met à l'époque qu'un chômeur sur cinq est secouru, cela ferait 1830 chômeurs, nombre assez pro¬
che des 1815 demandes d'emplois enregistrées à cette date. Mais au même moment, le recensement
de 1954 révèle 2820 personnes privées de travail dans le département. Pour la seule ville de
Reims, on comptait alors 300 chômeurs secourus et 1500 demandes d'emplois.
De nouvelles entreprises peuvent donc disposer d'une main d'oeuvre disponible, leur arri¬
vée permettra d'assurer le plein emploi. Conord vient dès 1951, mais c'est à partir de 1954 que
ces installations se multiplient. Multifile les laminoirs de Thionville, Eau et Feu, Claude,
arrivent cette année là, A. Martin l'année suivante, Chausson, Thomson, les Compteurs de Mont-
rouge en 1956, Ducancel et Hébert en 1957, année où Timwear prend la place de la Société rémoi¬
se de bonneterie. Le mouvement se ralentit dans dans les années suivantes. A. Martin crée la
SAPRIME en 1959, Parchimy s'installe en 1953.
Non seulement Reims dispose d'une main d'oeuvre industrielle, mais elle offre aussi des
locaux vacants libérés par le textile ce qui facilite l'installation et améliore la rentabili¬
té. Conord occupe la feutrerie Voos, rue Vernoui 1 let' ; Multifil remplace Mortier Gaignot, rue
Clovis ; Masson, rue Lesage reçoit Eau et Feu ; rue Gosset, les Compteurs de Montrouge s'ins¬
tallent chez Paindavoine ; Lelarge, boulevard St-Marceaux, héberge Thomson ; la Société des
peignages de Reims devient la SAPRIME ; Poullot, rue M.C. Fourioux, accueille Parchimy. Chaus¬
son est la première entreprise à s'installer en zone industrielle.
Tous les renseignements concordent pour faire du milieu des années 1950 le tournant de la
politique rémoise. Le rythme de la construction s'accélère. Avant 1954, il s'était construit
à Reims moins de 1500 logements ; 503 sont mis en chantier en 1954 et plus de 1000 en 1955 et
en 1956. Lorsque la municipalité et le plan Camelot freinent la construction en ville, les or¬
ganismes constructeurs trouvent à Tinqueux la place nécessaire à un programme de 800 logements.
L'affrontement entre le Foyer Rémois et le maire à propos du futur quartier de l'Europe est ré¬
vélateur des tensions internes et détermine la démission du maire, R. Bride. La bourgeoisie ré¬
moise, soucieuse d'une croissance modérée, est évincée. Les tenants de l'expansion ouverte sur
l'extérieur vont porter J. Taittinger à l'Hôtel de Ville et le plan Rotival va remplacer le
plan Camelot.
En 1956, des contacts étaient déjà établis entre le CEARR et l'urbaniste Rotival ; dès 1958
sur intervention de J. Taittinger, Sudreau, ministre de la construction, choisissait Reims com¬
me champ d'application de la méthode de "planification scientifique" présentée par Rotival.
Après une analyse de base, cet urbaniste posait son diagnostic et proposait cinq "clefs"
au choix du Conseil Municipal :
A - Maintien du Plan Camelot
B - Abandon de tout plan
C - Reims, ville universitaire
D - Reims, ville d'échanges
E - Reims, ville industrielle, plate -forme du Marché Commun.
24
La première clef est déjà cassée car le Foyer Rémois sur le quartier "Europe" et l'Effort
Rémois sur les "Chati 1 Ions" ont déjà des projets très avancés qui débordent le périmètre urbain
fixé par Camelot. La première clef n'est là, tout comme la deuxième, que pour apaiser certains
scrupules. En effet, la loi du 15 juin 1943 faisait de Reims et de 26 communes voisines un grou¬
pement d'urbanisme qui devait avoir un plan d'aménagement. Quant aux autres clefs, leur combi¬
naison est déjà en cours de réalisation. Depuis des siècles, le textile et la Fabrique ont fait
de Reims une ville d'échange ; le champagne, le succursalisme ont renforcé cette tradition né¬
gociante. La mise en place de l'Université est commencée depuis l'ouverture de l 'école des scien¬
ces en 1956, qui est l'embryon de la future Faculté des Sciences. Reims enfin est une ville in¬
dustrielle depuis plus d'un siècle, depuis que les négociants ont choisi la voie de la Fabrica¬
tion, et l'industrie textile a déjà trouvé de si nombreux relais qu'on peut considérer la re¬
conversion industrielle achevée. Logiquement donc, le Conseil Municipal demande, en mars 1961,
la combinaison des trois clefs : Reims ville universitaire, ville d'échanges et ville indus¬
trielle.
A partir de cette "décision", le planificateur poursuit ses études et propose 3 plans de
concept.
1. Développement des fonctions traditionnelles
2. Développement industriel et commercial lié au Marché Commun, avec création d'une uni¬
versité européenne, pour atteindre 200 000 habitants en 1980
3. Développement plus limité de l'industrie et de l'université.
Comme il se doit, le deuxième concept trouve l'approbation qui permet à Rotival l'étude du
plan directeur d'urbanisme, accepté par le Conseil Municipal en 1964.
La conception de la ville, essentiellement fonctionnelle est caractérisée par quatre grands
choix :
. la rénovation du centre parce que celui-ci caractérise et anime une ville.
. l'extension de la ville par la création de grands ensembles, Orgeval au Nord, Europe à
l'Est, Chatillons et Croix-Rouge au Sud.
. l'aménagement de zones industrielles dans l'axe du canal au Nord-Ouest et au Sud-Est de
la vil le.
. un distributeur urbain, qui doit améliorer les relations dans l'agglomération.
4 Jusqu'en 1974, l'argument de base de Rotival n'est pas contesté et la croissance de Reims,
ville d'accueil, se réalise malgré les lacunes et les grincements. Les ZUP sortent de terre,
le distributeur urbain greffé sur l'autoroute A 4 sera inauguré en 1976, les zones industriel¬
les existent, la poussée démographique s'est accélérée,
Avant 1954, le gain moyen annuel était de 1000 habitants ; il dépasse 2000 entre 1954 et
1962 et approche 4000 après 1962. A ce rythme, on peut rêver... En 20 ans, les communes péri¬
phériques voient presque tripler leur population. Tinqueux d'abord, La Neuvillette ensuite,
puis Cormontreui 1 , Bétheny et St-Brice-Courcelle, prennent des caractères de banlieue, tandis
que La Neuvillette accepte la fusion avec la ville. Le solde migratoire était négatif avant
1954, mais ensuite l'excédent des arrivées sur les départs laisse un solde positif de 7500 ha¬
bitants entre 1854 et 1962, et de 14 700 personnes entre 1962 et 1968. Reims est devenue la
ville attractive où le solde migratoire représente 41% puis 61 t de la croissance démographi¬
que entre ces recensements.
25
Après plus d'un demi-siècle de langueur et de crise, la croissance est indubitable, mais il
convient d'en analyser les processus et les résultats.
CHAPITRE 2
Les premières réussites de l'expansion rémoise, au milieu des années 1950, reposent sur
trois éléments : la présence de main d'oeuvre disponible, l'existence de locaux vacants, la
proximité de Paris. Même en tenant compte du carrefour potentiel, il est évident que ces élé¬
ments n'étaient pas susceptibles de nourrir une croissance durable. Pour entretenir 1, 'expan¬
sion dans le cadre d'une économie libérale, les responsables rémois ont choisi d'améliorer le
pouvoir d'attraction de la ville et ont fondé leur politique d'accueil sur quatre éléments
complémentaires : le logement, les équipements, la formation, la défense d'une image de marque.
LE LOGEMENT, ELEMENT VU WNAM1SME URBAIN
Après la première guerre, Reims est rapidement relevée de ses ruines mais bientôt le ry¬
thme de la construction faiblit. La loi Loucheur (1928) n'est pas un stimulant efficace et on
ne bâtit presque plus après 1931. Cette carence explique l'ampleur des besoins qui augmentent
jusqu'en 1954.
fe-6 be.Ao-ln-6 csiiantA
A cette date, le recensement de la population et une enquête de l'INSEE permettent de fai¬
re le point. Sur 37 500 logements, 35 600 disposent de l'électricité, 32 500 ont l'eau couran¬
te. Mais seulement 15 400 ont des WC dans l'appartement, moins de 6 000 ont soit un lavabo, u-
ne douche ou une baignoire ; 4 600 seulement sont équipés du chauffage central.
2240 ménages de 3 personnes et plus vivent dans 1 pièce.
2823 " 4 "2 pièces.
1072 " 6 " "3 pièces.
376 m 7 i » 4 pièces.
Malgré les besoins que révèle cette enquête, elle conclut seulement à la nécessité de 3700
logements en première urgence et autant en deuxième urgence, c'est-à-dire pour 1965. La modes¬
tie de ces évaluations peut surprendre, mais nous sommes à l'époque où les responsables rémois
sont partagés, les expansionnistes n'étant pas encore majoritaires.
Dans ce domaine, le CEARR et le Foyer Rémois - avec P. Voisin — vont jouer un rôle déter¬
minant en insistant sur l'urgence et l'importance des besoins. En effet, malgré la reconstruc¬
tion récente, de nombreux logements sont vétustés et dépourvus de confort. Les besoins doivent
prendre en compte la fréquence du surpeuplement qui frappe 18% des logements, la reprise de la
natalité et le patrimoine à reconstituer. En outre, de bonnes conditions de logement retien¬
dront et attireront la main d'oeuvre ; la présence de main d'oeuvre étant un élément favorable
à l'installation de nouvelles entreprises, la politique du logement doit s'inscrire comme un
facteur d'expansion.
27
les deux tiers, le Foyer Rémois un quart, le douzième restant étant partagé entre la Chambre de
Commerce, la Société Civile Immobilière, la Société d'H.L.M. Champagne Ardenne et 1 'O.P. H.L.M.
Les deux grands maîtres d'oeuvre, Effort et Foyer rémois, ont créé la SOFOC - Société fon¬
cière champenoise - avec la Chambre de commerce et la SAFER ; cette société leur a permis l'a¬
chat de terres sans poser de graves problèmes aux agricul teurs . Jusqu'à une date récente, la
reinstallation des agriculteurs évincés par la croissance urbaine pouvait se faire facilement
dans la Champagne crayeuse qui offrait de vastes savarts et pinèdes aux défricheurs. Grâce à
leurs réserves foncières (121 ha pour l'Effort, 226 ha pour le Foyer en 1970) et à leur puis¬
sance financière, ces deux sociétés ont pu concevoir et promouvoir, chacune de leur côté, les
deux quartiers de l'Europe et des Châtillons.
En fait, les trois sociétés de H.L.M. se partagent l'essentiel ,de la construction rémoise
dans les grands ensembles.
L'O.P.H.L.M. manque de moyens et souffre de la faiblesse de ses attributions. Celles-ci
n'ont dépassé 350 logements par an qu'en 1955 et en 1967, lors de l'attribution d'un program¬
me de 2000 logements sur Croix-Rouge Université. Pourtant, le nombre des demandes de logements
a 1 'O.P. H.L.M. a longtemps oscillé autour de 4000 et se situe encore à 2000 en 1975. C'est le
triste lot réservé au secteur public et qui n'est pas propre au seul logement.
Jusqu'en 1975, le partage fut plus équitable entre le Fcyer et l'Effort, mais la position
de ce dernier semble se détériorer. D'ailleurs les deux sociétés ne mènent pas exactement la
même politique. Tandis que le Foyer rémois et sa filiale la Société civile immobilière se can¬
tonnent dans le financement et la construction, l'Effort rémois et les filiales du C0PL0RR se
préoccupent plus de gestion et d'animation de quartier. C'est le fruit d'un comité paritaire
où se côtoient patrons et syndicalistes.
Quoique le besoin ne s'en fasse pas impérativement sentir à Reims, puisque les sociétés
de H.L.M. avaient prouvé leur capacité à promouvoir totalement les grands ensembles, un autre
acteur est apparu sur la scène rémoise en 1960. Née à l'initiative de la municipalité, la So¬
ciété d'équipement de la Marne avait pour vocation l'aménagement des ZUP. Cette société d'éco¬
nomie mixte dans laquelle la S.C.E.T. (Société centrale pour l'équipement du territoire, fi¬
liale technique de la Caisse des Dépôts et Consignation) tient un rôle prépondérant , est in¬
tervenu à Orgeval puis à Croix-Rouge, Après les grands travaux et V.R.D. , elle attribue les
terrains aux différents bâtisseurs. Elle a étendu son champ d'activité à la Haute-Marne, deve¬
nant alors Société d'équipement des deux Marnes (S.E.D.M.A.) et à d'autres domaines que les
ZUP. La rénovation — en fait la destruction et la reconstruction - du quartier St-Rémi et la
construction du pont Hincmar lui furent confié. Par l'intermédiaire de la S.C.I.C. — une autre
filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations -, elle commercialise des parcelles, des cel¬
lules commerciales, des pavillons. En fait la S.E.D.M.A. est un écran commode entre les par¬
ticuliers, les sociétés de construction et la Municipalité, et elle constitue également le
moyen de faire payer l'aménagement et les V.R.D, aux futurs occupants des ZUP.
29
À--3f ifiËsiii
Reims se distingue surtout par la forte proportion de logements "aidés", H.L.M. ou non,
et par le taux des logements loués. Ces caractères tiennent sans doute au dynamisme des maîtres
d'oeuvre locaux, mais ils tiennent également à la modestie des revenus, Reims restant une ville
d'ouvriers, d'employés et de cadres moyens. Le taux de logement locatif est en outre le résul¬
tat de la mobilité d'une population récemment rémoise, qui hésite à s'ancrer par l'accession à
la propriété dans une agglomération où elle se considère en transit.
Mais ces caractères ne sont pas identiques sur l'ensemble de la ville.
30
Orgeval
plus populaire
plus modeste
Les Châtillons
une tentative de quartier
111mÊÊÊÊÈÊËÊÊKÉ
—
1. . . photo . Georges Colin
Europe, mieux équilibrée
Croi x-Rouqe
encore en chantier
vers 1 entassement
'
31
La ZISE, de 1 espace
1
encore disponible,
surtout pour le ter¬
tiaire. . . .
isi
La zone industrielle
nord ouest à 1 assaut
'
de 67 hectares au nord du port Colbert. Dès 1960, la totalité de la surface utile était occu¬
pée ou sans option. A partir de cette date, le plus souvent, c'est la Chambre de Commerce et
d'Industrie de Reims (CCIR) qui est maître d'ouvrage.
En 1961, elle prend en charge la réalisation de la zone industrielle sud-est ( Z ISE ) dont
l'origine est un achat de 50 hectares par General Motors. En 1963, elle entreprend d'aménager
115 hectares supplémentaires au nord du port Colbert, la zone industrielle ouest (ZIW). Ces
deux grandes ZI couvrent chacune plus de 200 hectares et des extensions demeurent possibles.
Celle du SE à cause de la présence de la nappe d'eau qui alimente partiellement Reims est in¬
terdite aux industries polluantes ou grosses consommatrices d'eau, mais toutes deux bénéficient
des mêmes équipements. Elles sont desservies par la route, la voie ferrée et le canal. L'ali¬
mentation en eau potable est assurée et la nappe sous jacente fournit l'eau industrielle. Un
réseau de type séparatif évacue les eaux usées. Les branchements telex et téléphone automati¬
que se font sans problèmes particuliers.
Reims dispose, d'autre part, de zones artisanales plus petites sur Tinqueux et Cormontreuil
à l'ouest, à proximité de Witry et de Bétheny à l'est, et un projet municipal de zone artisa¬
nale se dessine à La Neuvillette.
Le terrain municipal des Essillards, une ancienne aire de sports de 50 hectares a été
consacré à l'accueil des activités tertiaires, choix qui a été justifie par la proximité de
la Faculté des Sciences, de l'IUT et de la ZISE, ainsi que par les facilités d'accès au centre.
Sur cette zone d'activité tertiaire, la Maison des Agriculteurs et l'Hôtel Mercure se trouvent
encore très isolés. Les surfaces de bureau du centre ville et les terrains prévus également
sur Croix Rouge administratif sont autant de concurrents pour les Essillards.
En vingt ans, Reims a équipé plus de 500 hectares pour l'accueil des activités tertiaires
et industrielles. La présence d'une usine-relais pouvant être louée jusqu'à la construction
des bâtiments définitifs, l'existence de la Société Champex, sont le but d'aplanir les diffi¬
cultés de financement des entreprises témoignent également de la volonté d'accueil et de l'am¬
pleur des espoirs rémois.
La valofuucction du coaazoua
Théoriquement, sur une carte à petite échelle, Reims jouit d'une situation enviable entre
les grands foyers d'activités français et européens, mais ce carrefour potentiel souffre de
nombreuses déficiences.
Reims est à l'écart des grands flux de transit qui traversent la région. Entre le Nord
et la Lorraine, la voie ferrée Valenciennes-Thionville, première ligne électrifiée en France,
supporte un fort tonnage qui a permis le maintien de la métallurgie ardennaise. La liaison Pa¬
ris-Est se fait par le canal de la Marne au Rhin et la voie ferrée Pari s-Strasbourg qui emprun¬
tent la vallée de la Marne, ou par la RN 4 qui traverse le "désert champenois" entre Sézanne
et Vitry le François.
Le canal de l'Aisne à la Marne, ouvert aux péniches de 280 tonnes seulement, subit de
nombreuses interruptions de trafic à cause de sa vétusté et des difficultés de son approvi¬
sionnement en eau. Il arrive à saturation avec un trafic annuel de 2 000 000 de tonnes dont
700 000 pour Reims. La réalisation du port Colbert, l'extension des quais depuis 1950, ne sont
pas suffisants pour faire de Reims un grand port intérieur. Reims n'est situé que sur l'axe
34
,
Lille Liège Vv
Francfort
Amiens
Charleville
uxembqurg Mannheim
'eims Metz
iChaumont,
'Bale
Dijon
EU
Lyon 25 50 75 km
Calais-Dijon, aussi mal équipé que la majorité des transversales françaises puisque tous nos
réseaux convergent vers Paris. Les lenteurs de la circulation ferroviaire ont reporté l'essen¬
tiel du trafic sur la RN 44, une des voies les plus encombrées par les poids lourds.
Située à l'écart des grands flux nationaux du Nord-Est, Reims est également mal placée
dans la région-programme et le carrefour rémois reste essentiellement routier.
Entre la Manche et la Lorraine, Reims pouvait devenir un carrefour, dans la mesure où les
ports — et particul ièrement Le Havre — veulent conquérir un arrière-pays au-delà de Paris, et
si les Lorrains ne désirent pas être tributaires du seul tracé Marseille-Rotterdam. Mais les
travaux du Comité d'aménagement, de modernisation et d'équipement du Nord-Est, n'ont pas dé¬
bouché sur une nouvelle stratégie.
Parce que les intérêts de l'Aisne, des Ardennes et de la Marne sont communs jusqu'à Berry-
au-Bac, le vieux projet de liaison Seine-Est vient buter là comme un cul-de-sac. Au delà, il
faut choisir ses alliés et définir un tracé vers les Ardennes et la Lorraine du Nord ou vers
la Marne et la Lorraine du Sud. Les atermoiements de Reims laissent le projet dormir dans les
tiroirs tandis que s'organise la liaison européenne Rotterdam-Marseille. Reims et Le Havre se
croient-ils capables de réaliser plus tard une capture de trafic ?
Le projet de voie ferrée Paris-Est, pour trains à très grande vitesse (TTGV), est encore
moins avancé. Seule la liaison ferroviaire Paris-Reims est correcte avec 9 dessertes journaliè¬
res.
Finalement l'essentiel des efforts porte sur le réseau routier. Les routes sont élargies
à 3 et 4 voies et sont progressi vemerlt mises hors gel. Mais surtout, l'autoroute A4 sera inau¬
gurée en 1976. Dans la traversée de la ville, l'autoroute tiendra lieu du distributeur urbain
prévu par Rotival. L'autoroute A 26, déviera le transit hors de l'agglomération et fera de Reims
un carrefour autoroutier dans un avenir plus ou moins lointain. Malgré les péages, malgré le
prix croissant des transports routiers, ce carrefour sera-t-il une stimulation efficace pour
l'économie rémoise ? Les notables rémois semblent y croire et depuis 10 ans déjà, vendent ce
carrefour qui au mieux sera réalisé dans une dizaine d'années.
La politique des transports, au lieu d'aboutir à une réorganisation des flux, n'a fait
que renforcer les liens entre Paris et Reims, sans remédier aux faiblesses de ce carrefour à
peine régional. N'est-ce pas en contradiction avec les discours sur la décentralisation ?
Ces carences des transports terrestres n'empêchent pas les milieux économiques rémois de
se préoccuper des transports aériens. La présence du terrain militaire de Courcy a permis la
création d'Air Champagne-Ardenne qui a deux liaisons quotidiennes Reims-Lyon et, depuis 1974,
une liaison quotidienne Reims-Londres, Reims-Francfort étant à l'étude. La présence de Reims-
Aviation, producteur d'avion CESSNA à Prunay, a justifié la création d'un petit aéroport où
les civils rêvent de s'installer avec l'aide des collectivités locales. Mais depuis qu'Air
Champagne-Ardenne est devenu filiale d'Air Alpes, elle-même filiale d'Air-Inter, la société
a perdu de sa signification régionale et l'appui des collectivités locales n'est plus assuré.
La présence de la base militaire, bénéficiant d'un équipement complet qui en fait un aéroport
de dégagement pour les installations parisiennes, justifie difficilement des investissements
à Prunay.
36
LA FORMATION
Entre Paris, Dijon et Nancy, la France du Nord-Est était un désert universitaire. Dépen¬
dant de l'Académie de Paris, Reims n'avait gardé de son ancienne université créée en 1548 qu
'
une Ecole de médecine.
Le désir de renaissance uni versitaire apparaît clairement dans les procès verbaux du
CEARR. Lors des 66 réunions qu'il tient entre 1955 et 1958, cette question est abordée 62 fois
ce qui permet d'analyser les multiples objectifs poursuivis.
L'Université affirmera la vocation de Reims comme centre régional puisque la ville sera
en mesure d'assurer un service pour lequel les étudiants champenois devaient nécessairement
quitter la région.
L'enseignement supérieur, moyen de promotion individuelle, stimulera également l'expan¬
sion. En effet, la présence de personnel hautement qualifié est susceptible d'attirer de nou¬
veaux créateurs d'emplois ayant besoin d'un bon encadrement ou de relations avec l'enseigne¬
ment supérieur et la recherche.
L'université est donc considérée à juste titre comme un élément de la politique d'attrac¬
tion et son implantation dans le quartier Saint-Remi devrait contribuer à l'animation d'une
ville qui somnole encore comme une sous-préfecture. A cette époque, on rêve même d'une univer¬
sité européenne.
Une Ecole de Sciences, sous la tutelle de la Faculté de Paris, est ouverte en 1956 et,
progressi vement, les établissements rémois se multiplient puis s'émancipent des facultés mères
de Paris, Lille et Nancy.
L'Académie de Reims est créée en 1962 et la ville accueille alors le rectorat qui perd le
contrôle de l'Aisne lorsque ce département est rattaché à l'Académie d'Amiens.
La ville dispose actuellement d'une université quasi-complète avec l'Institut Universi¬
taire de Technologie, l'Ecole dentaire qui va devenir U.E.R. comme celles de Sciences, de
Droit, de Lettres, de Pharmacie et Médecine.
Une école supérieure de commerce, un centre régional d'éducation physique et sportive,
un conservatoire de musique, une école régionale des Beaux Arts, complètent cette organisation
dont il serait fastidieux de signaler tous les autres aspects comme, par exemple, les cours du
C.N.A.M. et du P.R.O.D.E.M. (Centre de productivité de la Marne).
Certes, les ambitions d'université européenne ont été largement déçues. La municipalité
a préféré disperser les U.E.R. à la périphérie de la ville plutôt que de les installer à St-
Rémi . I.U.T. et Sciences sont au Moulin de la Housse, Lettres et Droit, sont à Croix-Rouge U-
niversité, Pharmacie Dentaire et Médecine sont à proximité du Centre hospitalier régional.
Pour de multiples raisons , les étudiants ont été jugés indésirables en ville mais on n'a pas
réalisé un véritable campus au moment où ils étaient pourtant à la mode.
Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner des faibles relations entre la ville et
l'université, la méfiance étant restée de rigueur. Quant aux liens entre l'enseignement supé¬
rieur et les entreprises, ils restent à l'état embryonnaire : seules les entreprises Boehrin-
ger et I.C.I. Pharma semblent décidées à développer leurs contacts avec 1 'U.E.R. de Pharmacie.
UNE IMAGE VE MARQUE
Reims c'est tantôt la ville martyre, tantôt la Cathédrale des sacres ou bien la ville du
Champagne. Mais pour être attractive, une ville doit sortir de ces clichés qui n'attirent pas
37
plus que le nougat à Montélimar ou Jeanne d'Arc à Vaucouleurs. Les responsables locaux essaient
d'imposer une image de marque qui tourne autour de deux thèmes : Reims, centre régional, est é-
galement une ville où il fait bon vivre.
Un cmtAU siêg-conal
Dans la hiérarchie de nos villes administratives qui va du chef-lieu de canton à la capi¬
tale, Reims a toujours souffert de son rang de sous-préfecture. Le rayonnement de la ville par
le textile, le succursalisme, le champagne, la presse, etc..., déborde largement les limites
de 1 arrondissement mais la préfecture est à Châlons.
'
La création de la région-programme fut pour Reims l'occasion d'étoffer ses fonctions "ré¬
gionales". Elle a saisi non pas des services administratifs proprement dit, mais un certain
nombre de services régionaux à caractère social et économique dont la présence n'est pas dé¬
pourvue d'intérêt pour la population et pour un éventuel investisseur. Dans le domaine agrico¬
le, la Mutualité, 1 'A.D.A.S. E.A. , la S.A.F.E.R., sont à Reims ; dans le domaine social, la
C.A.F., la Caisse primaire d'assurance-maladie de la Marne, 1 'U.R.S.S.A.F. , l'A.S.S.E.D. I .C. ;
dans le domaine judiciaire, la Cour d'Appel ; bon nombre de directions régionales dont celles
de 1 I.N.S.E.E. , d' E. D.F.-G.D.F. , de la S.N.C.F., des Douanes ; le bureau régional de frêt, la
'
Reims ; la culture trouve son symbole dans la Maison de la Culture et le Théâtre populaire ani-
mé par Robert Hossein, même si celui-ci monte un de ses spectacles [Le Cuirassé Potemkine) . . .
au Palais des Sports de Paris, ce aui est une autre forme de la décentralisation !
'
d«notre msubte s' a © ■
.
viennentetdsoù s'nosinstaipriors ier. ceciservi rre conices-fitrmecrangfëref dons "opir-k ieadsî" suroséen ds uivratiar-ss nêfUi®.
REIMS. UNg REIMS, UNE
ET DEAUTRE FAÇON DE VIVRE
ET AUTRE FAÇON DE VIVRE
X TRAVAILLER. TRAVAILLER.
La chimie, qui occupe 2100 salariés, offre une gamme de productions aussi variées que cel¬
les des autres branches. Henkel produit des détergents, Ducancel et Hébert des engrais, Parchi-
my des cosmétiques. Des produits vétérinaires et Dharmaceutiques sortent de Prolivalt, Boehrin-
ger, I.C.I. Pharma. Matières plastiques et caoutchouc sont travaillés chez Vickers, Eau et Feu,
Resinoplast, auxquels peuvent s'ajouter les revêtements de sol Sarlino,
Le volume et la variété des productions agricoles n'ont pas suffi au développement des in¬
dustries alimentaires. En dehors du Champagne et malgré l'installation de General Foods, elles
ne font travailler que 750 personnes.
Après le marasme lié au déclin de l'industrie textile, tout se passe comme si les respon¬
sables rémois avaient craint la mono-activité considérée comme fragile face à une crise éven¬
tuelle. Pour la même raison et pour éviter semble-t-il une concurrence trop vive au niveau de
l'emploi et des salaires, ils ont redouté le poids d'un grand établissement comme Renault au
Havre ou au Mans, Michelin à Tours, voire Moulinex à Alençon.
Nombre de salariés Nombre d 1 Nombre de
par établissements établissements salarié s
> ÎOOO 3 7 250
500 à 1000 11 7 800
200 à 500 21 7 100
100 à 200 16 2 400
50 à 100 34 2 500
Total 85 25 050
Les Verreries mécaniques et la P.U.M., nées d'initiatives locales, sont, avec Chausson,
les trois usines supérieures à 1000 salariés mais inférieures à 2000, quoique plusieurs firmes
aient sérieusement envisagées d'implanter des usines plus importantes. Ce fut le cas de Ci troën ,
qui avait repris les ateliers de la rue Ernest Renan après l'absorption de Panhard et qui dé¬
sirait créer 5000 emplois à Reims. De même, les laboratoires Hoechst avaient acheté 14 hecta¬
res en Z.I.W., General Motors avait acquis 50 hectares au sud de la ville - cette acquisition
fut à l'origine de la Z.I.S.E. -, tandis que Burda et Amaury envisageaient l'installation d'u¬
ne imprimerie sur 6 hectares. Ces échecs, parmi d'autres, révèlent le souci d'accueiller des
établissements moyens et de diversifier les activités pour se prémunir contre la crise.
Cette prudence parait bien dérisoire en septembre 1975, quand on recense 4000 demandes
d'emploi non satisfaites à Reims. D'ailleurs, la taille de l'établissement intégré dans une
firme a changé de signification.
UNE VEPENVANCE CROISSANTE
Les entreprises nées d'initiatives locales sont de plus en plus investies par des capi¬
taux extérieurs, La bourgeoisie rémoise est évincée par le capitalisme national et multinatio¬
nal .
La verrerie Charbonneaux est passée à B.S.N., la bonneterie rémoise appartient au groupe
Lévy (Timwear-Gi 1 1 ier) , Lu-Brun et Picard-Anga ont remplacé les biscuiteries locales, Curtaud
a pris le contrôle de Laval et D.M.C. celui de Warnier David et Machuel Néouze. La S.A.E.M.
fait partie de Jeumont-Schneider comme Besserot de Besserat dépend de C.D.C.
La pénétration des capitaux étrangers a commencé dès 1928 à la Sarlino, commandé aujourd'¬
hui de Zurich par l'Union Continentale du linoléum. Elle a continué avec Claude devenu Claude,
Paz, Visseaux puis I.T.T., avec Reims Aviation où C.E.S.S.N.A. détient 49% des capitaux, avec
41
Prot racheté par Bowater, avec Dropsy et la Société rémoise de papeterie appartenant pour 98%
à Cotelle, Fouché, Lesieur puis Henkel , avec Debar contrôlé par Mordon Pack Inc., avec Mumm
investi par Seagram.
A cette arrivée de capitaux extérieurs, il faut ajouter les nouvelles installations in¬
dustrielles, déjà signalées, pour se rendre compte de la faiblesse des initiatives rémoises.
Les sociétés multinationales contrôlent totalement 15 établissements employant 5 100 salariés
sans compter les participations dans Reims-Aviation, Mumm, ou la P.U.M. Les sociétés françai¬
ses Chausson, Citroën, S. G. F., C.G.E., B.S.N., Schl umberger, Lêvy-Timwear , Lu-Brun, D.M.C.,
etc., emploient 8600 salariés dans 23 établissements, sans compter les participations dans les
Verreries mécaniques, les champagnes Krug Lanson Heidsieck... Au delà de 300 salariés, excep¬
tion faite du journal L'Union et de quelques rares maisons de champagne, il ne reste rien de
strictement rémois.
La présence de capitaux extérieurs ne signifie pas que les décisions concernant l'établis¬
sement sont toujours imposées de Paris, de Turin, de Zurich ou de Londres, mais c'est le cas
le plus fréquent. Seulement trois sociétés - les Forges et Ateliers de Combeplaine, Parchimy
et Boehringer- ont établi leur siège social à Reims. Parfois, la direction rémoise jouit d'une
certaine autonomie : c'est le cas d'A. Martin ou de Reims-Aviation. Mais le plus souvent, Reims
n'accueille que des ateliers de fabrication totalement dépendant d'une politique de firme dé¬
terminée hors de la ville et sans souci des problèmes locaux. La dégradation de Sarlino est
particulièrement expressive de ces problèmes. Cette entreprise rémoise a d'abord vu le départ
de son siège social, puis l'abandon de la recherche, et maintenant la fabrication elle-même
est menacée : Sarlino risque bientôt de ne plus être qu'un entrepôt de l'Union continentale de
1 inoléum.
La présence de nombreux ateliers petits et moyens, la diversité des branches et des pro¬
ductions, la présence des grands noms de l'industrie mondiale, ne sont pas — comme se plaisent
à le répéter certains responsables rémois - les garants du dynamisme et du plein emploi. La
diversification, c'est aussi la multiplication des risqués et cela d'autant plus que les éta¬
blissement rémois sont petits comparativement à l'échelle des firmes nationales et multinatio¬
nales. L'exemple de Boussac abandonnant ses ateliers normands éclaire bien le danger déjà vécu
à Reims avec Thomson, Singer ou la S.A.F.R.. Thomson employait 120 personnes dans son atelier
rémois : pour cette société de 33 000 salariés, cela ne représentait que quatre millièmes de
la main d'oeuvre, dont le licenciement n'a posé aucun problème à la firme lorsqu'elle a déci¬
dé d'abandonner Reims. Les usines de Marelli, des Laminoirs de Thionville, de Sarlino, se
trouvent aujourd'hui dans une situation assez voisine et la menace reste constante.
Le poids des investissements, la qualification professionnelle pour des productions à
haute valeur ajoutée, pourraient être des éléments de fixation sur place et de stabilité mais
ce sont des cas exceptionnels à Reims. La reprise fréquente d'anciens locaux industriels et
la faible technicité ont souvent limité les investissements ; ni la chimie, ni l'électricité,
pourtant considérées comme des secteurs de pointe, n'ont valorisé la qualification profession¬
nelle.
UNE FAIBLE QUALIFICATION PROFESSIONNELLE
Une étude réalisée par E. Nicolas-Butruille, a partir du fichier de 57 établissements,
atteste de la faible qualification des emplois offerts,
42
1 ] ;
Industrie mécanique 80,4 69,2 + 11,2 30,8 35,4 - 4,6 49,5 33,7 + 15,8
Première transformation
des matériaux 73,3 71 ,8 + 1 ,4 37,6 35,0 + 2,5 37 ,7 36,8 - 1,1
Constructions métal. 73, 1 71 ,0 + 2, 1 19,8 28,9 - 9,0 53,9 42, 1 + 11,7
Verreries 83,6 73,9 + 9,7 25,0 41,2 16,1 58,5 32,7 +25,8
Papier - Carton 81,2 75,9 + 5,2 28,0 27,6 + 0,3 53,2 48,2 + 4,9
Presse - édition 65,5 61 ,0 + 4,5 53,3 41,6 + 11,6 12,1 19,3 " 7,1
Textile - Confection 88,3 81,7 + 6,6 51,1 64,7 13,5 37,2 17,0 + 20,2
'
Dans toutes les branches industrielles, la proportion des personnels productifs est supé¬
rieure à la moyenne nationale. Ces taux traduisent clairement l'absence des sièges sociaux, la
faiblesse de l'encadrement technique et la médiocrité de la recherche dans des établissements
voués à la production, voire au conditionnement.
La part respective des ouvriers qualifiés et des ouvriers spécialisés "Ceux qui sont af¬
fectés à une tâche déterminée, parcellaire et répétitive, liée au processus mécanique de pro¬
duction et qui ne demande qu'un temps d'adaptation court et permettant d'acquérir l'automatis¬
me nécessaire au rythme normal (sic) de production" témoigne sans ambiguité de la faible quali
fication des emplois offerts. Dans toutes les branches, exception faite de la première trans¬
formation des métaux et de la presse, où l'édition du journal L'Union requiert une plus grande
qualification, Reims a toujours moins d'ouvriers qualifiés et plus d'ouvriers spécialisés que
la moyenne des industries françaises.
Présenter la chimie ou l'électricité comme des secteurs de pointe, c'est ignorer que ces
branches emploient à Reims 50% et 64% d'O.S. contre 30% et 38% en moyenne nationale ; c'est ou
blier que l'emballage, l'embouteillage., la manutention, restent les principaux travaux chez
Henkel ou Parchimy. Mais n'est-ce-pas le propre des industries de main-d'oeuvre que d'évoluer
vers une déqualification constante par la parcellisation des tâches ?
Le cas trop isolé de Reims-Aviation, qui emploie un tiers des 0.P 3 de la Marne, l'évolu¬
tion trop récente de Boehringer, ne changent pas profondément la situation : Reims, ancienne
ville du textile, reste une ville d'O.S. dont la stabilité est mal assurée.
Dans ces conditions, les discours sur la formation professionnelle et la promotion socia¬
le ne coïncident pas avec la réalité. Les conclusions d'une enquête menée par des étudiants de
l'Institut d'étude politique de Paris, sous la direction de M. Micheau, confirment les obser¬
vations d'E. Butruille :
"La politique des entreprises, malgré son apparente diversité, a des effets précis, cumulés et
globaux.
1. Le marché de main d'oeuvre est fermé, avec les conséquences que l'on connait : diffi¬
culté de développement des établissements, maintien d'un niveau moyen des qualifications, im¬
possibilité pour les établissements usant de technologies nouvelles de trouver un personnel
qualifié.
2. Il y a rupture dans l'échelle des qualifications.
43
Les entreprises rémoises ont un rayon d'action qui dépasse rarement 50 km ; toutefois, celles
qui équipent les magasins Radar travaillent dans tout le nord-est de la France. Roques, pour
l'équipement électrique des bâtiments administratifs, S.E.G.E.I., pour l'installation des cloi¬
sons mobiles et B.G.L.M vont jusqu'à 200 km de Reims. D.E.M.A.Y. reste un cas exceptionnel :
fondée en 1921 par un précurseur dans le domaine du ciment armé, cette "maison" construit dans
toute la France des silos, des chateaux d'eau, des ponts ; elle emploie plus de 500 personnes
dont quelques dizaines seulement à Reims. C'est une des rares entreprises rémoises ayant un
pouvoir de commandement à l'extérieur.
De 1954 à 1974, le bâtiment a plus que doublé ses effectifs, alors que le nombre des sa¬
lariés de l'industrie n'a progressé que de 28%. Le dynamisme du bâtiment, qui résulte de la
volonté anticipatri ce et de la politique d'accueil, marque la faiblesse de la croissance in¬
dustrielle, mais elle ne doit pas faire illusion. Cette branche d'activité réagit si rapide¬
ment à la détérioration de la conjoncture que l'épanouissement d'une ville ne peut pas se fon¬
der sur la fièvre des bâtisseurs qui retombe encore plus vite qu'elle n'est montée.
leurs ordres à leurs établissements provinciaux, tout corme les ministères commandent les pré¬
fectures. Entre la capitale et la Région, Reims ne joue pas le rôle de relais tenu par Lille ou
Nancy. Le centralisme politique et administratif se conjugue avec la concentration capitaliste
pour faire de Paris la capitale de la Champagne. Ce n'est certainement pas l'autoroute A4, re¬
liant Reims à Paris qui atténuera cette situation de dépendance. Alors que la priorité devait
être la structuration régionale, cette autoroute accentue les caractères de banlieue parisienne.
Comment dans ces conditions Reims peut-elle polariser une région ?
LES AMBIGUÏTES VE LA REGION REMOISE
Jusqu'à une date récente, les industries textiles et le succursalisme symbolisaient le
rayonnement de la ville.
47
C ha Ions nrrm
[=□
LAON
La clientèle des hyper
marchés
Nombre d'entrées aux
parkings / nombre de mé
nage 1.parPlus
ne. canton
de 75%.-
d'origi2.
50-75.- 3. 25-50.- 4
°* \ moins de 25%. (source :
Livre blanc de Reims
REIMS
O O
'• v*« m
*'4i*JÊLk—
EPERNA'
VI TRY
800 /•/
Charleville
Laon
.Reims-
CT
Chalons-
TRbYE<
Zone ou la vente de la presse quoti
dienne régionale est majoritaire
(source : Vendre, n°497 , mars-avr.69)
PROVENANCE
Rentrée 1966
DES- 1967
ETUDIANTS
source R. Brunet, Bull. ARERS
m de I31 à 3050%o
/oo
plus de 50%o
Centre Ho\pt,ohe>
0 Regional
Centre Hosp-fa/i.
| Hopitaf
25 km 0 Hopifof rurol
tion supérieures à 300 voire à 500 habi tants/km , la densité de la Z.A.N.C. n'approche que 80.
Les relations entre les villes sont souvent médiocres et essentiellement routières ce qui est
un handicap aux migrations pendulaires. Enfin, les villes "moyennes" se méfient à juste titre
des volontés hégémoniques manifestées à Reims. Une lettre du maire de Reims au secrétariat de
la Z.A.N.C. (21 mai 1973) ne laisse aucun doute à ce sujet :
"A l'origine, la Z.A.N.C. avait été créée suivant cette conception : Zone d'appui centrée sur
Reims. Pour différentes raisons l'expression "centrée sur Reims" n'avait pas figuré dans le
texte officiel de l'Aménagement du Territoire. Mais il avait été bien convenu que l'esprit res¬
tait le même et que dans tous les documents on devait y trouver la traduction. Or je m'aperçois
que les options proposées tendent non seulement à un démantèlement du Centre Régional mais à
une véritable bi polari sation , ce qui n'avait jamais été évoqué dans aucune de nos discussions
préparatoi res .
J'insiste vivement pour qu'on revienne â la notion de "zone centrée sur Reims" et que l'on
préconise son élargissement à une grande partie du territoire de l'Aisne et des Ardennes...".
La zone d'appui est allée rejoindre d'autres grands desseins dans le fond des tiroirs, car cha¬
que ville déploie sa propre stratégie et Reims reste le "Centre" d'on ne sait quelle région.
UN TERTIAIRE SOUVENT BANAL
L'augmentation des effectifs du secteur tertiaire est un fait général dans les villes
françaises depuis le milieu du XXe siècle et Reims n'échappe pas à la règle.
A l'augmentation de la population, répond une augmentation parallèle des services. Le cen¬
tre hospitalier — qui est le premier employeur rémois — ou les services municipaux pourraient
illustrer notre propos, aussi bien que l'éducation. Dans ce domaine, la fréquence du travail
féminin et la vigueur de la demande ont déterminé 1 'ouverture. . . de crèches et d'écoles mater¬
nelles : l'enseignement pré-élémentaire et la prolongation de la scolarité suffisent à expli¬
quer l'augmentation du personnel enseignant qui répond tardivement aux besoins nés du rajeunis¬
sement de la population et des mutations pédagogiques.
Pour les parti cul iers , de nouveaux services apparaissent, comme ceux du tourisme et des
loisirs, la vente et l'entretien du matériel ménager ou des véhicules, les services bancaires
dont les guichets se multiplient. Pas plus que les laveries ils ne sont les preuves d'une crois¬
sance, mais ils suivent l'apparition de nouveaux besoins et l'élargissement de la clientèle qui
intègre de plus en plus la population rurale. En effet, dans les villages inférieurs à 200 ha¬
bitants, il ne reste souvent aucun commerçant et leur nombre diminue dans les autres communes.
Le cafetier-épicier-dépositaire d'une boulangerie et buraliste est le lot fréquent des villa¬
ges de 200 à 500 habitants. De plus en plus, c'est à la "grande ville" qu'on vient consulter
le médecin spécialiste ou se faire hospitaliser, c'est en ville qu'on envoie les enfants pour¬
suivre leurs études et qu'on vient même pour les achats ordinaires dans les supermarchés . Reims,
comme toutes les villes, renforce sa zone d'influence directe mais il s'agit là d'une fausse
croissance réalisée au dépend du milieu rural et des petites bourgades dont la situation se dé¬
grade. Les maisons à succursales multiples se sont concertées pour une réduction du nombre de
leurs points de vente lors de 1 'ouverture de leurs supermarchés : La Montagne, Gem et Radar-
Wilson. L'installation de Carrefour a été différée mais la firme de Guevel est apparue. D'au¬
tres grandes surfaces — Nouvelles Galeries, Conforama, Global, Minor, Expo-Hall, spécialisées
dans la vente des meubles, d'appareils ménagers et d'équipements domestiques divers — se sont
ouvertes à la périphérie de la ville.
IS
52
Cet assaut du capitalisme commercial, aux dépens des commerces de proximité dans les vil¬
lages et les quartiers n'est pas nécessairement un signe de progrès. Le gonflement du secteur
tertiaire résulte fréquemment d'une concentration financière qui se traduit par une concentra¬
tion sur l'espace urbain.
Dans l'évolution récente du tertiaire rémois, trois éléments semblent positifs : l'Univer¬
sité, les directions régionales, l'installation des A. G. F. (Assurances Générales de France) et
du C.C.F. (Crédit Commercial Français).
L'enseignement supérieur, assurant un service dont la région était dépourvue, constitue un
incontestable facteur de développement et de progrès. L'installation des directions régionales
est déjà plus discutable. Ces directions permettent d'affirmer la préémi nence de Reims sur les
autres villes mais cette capture d'influence n'est pas nécessairement bénéfique pour le fonc¬
tionnement des services et la satisfaction de la population champenoise. Il serait malsain que,
pour entretenir sa croissance, Reims accapare des fonctions dont la présence peut se justifier
ailleurs. Quant aux A. G. F. et au C.C.F. , ils ont créé des emplois, mais - comme pour le secteur
secondaire - il s'agit de tertiaire banal, sans grande qualification, ce qui n'améliore pas la
structure des emplois à Reims.
UNE CROISSANCE QUANTITATIVE
A la fin de la seconde guerre, les Rémois étaient à peine plus nombreux qu'au début du
siècle ; trente ans plus tard, l'agglomération approche 200 000 habitants. En trois décennies,
le gain de 80 000 habitants est égal à celui du XIXe siècle : c'est dire la rapidité de la
croissance. Reims s'inscrit dans le mouvement d'urbanisation qui transforme la -France depuis
le mil ieu du XXe siècle.
Population de l 'agglomération rémoise
1 946 1954 1962 1 968 1975
Reims 110,7 118,9 134,3 153,0 177,6
Banlieue 5,9 6,8 9,7 14,9 18,7(1;
Agglomération 116,6 125,7 144,0 167,9 196,3
(1) La Neuvillette a fusionné avec Reims en 1970.
La législation sociale et familiale, les mariages et les naissances différées pendant la
guerre, contribuent à la reprise de la natalité, seule responsable de la croissance jusque 1954.
Après cette date, la volonté d'expansion et la politique d'accueil portent leurs fruits, au
point que l'immigration prend une place majeure dans la poussée démographique.
Les mouvements de population dans l 'agglomération rémoise
Période
censitaire
inter- migratoire
Solde naturel
Solde Bilan Population
totale
1946 116,6
1946-54 - 1,8 + 10,9 + 9,1 125,7
1954-62 + 7,5 + 10,8 + 18,3 144,0
1962-68 + 14,7 + 9,1 +23,8 167,8
1968-75 +28,5 196,3
Cette immigration est le résultat de mouvements complexes dont on peut dresser le bilan
pour voir l'origine des flux migratoires.
Au niveau local, Reims est un point d'aboutissement de l'exode rural .
53
CHAPITRE 3
UN URBANISME FONCTIONNEL:
tandis que la ville reste cloisonnée. Le secteur centre-est - la ville proprement dite - com¬
prend le centre ville et les extensions des diverses croissances St-Remi , Faubourg Cérès et
Port-Sec au XIXe siècle, puis la cité jardin du Chemin Vert et la récente couronne qui va du
Moulin de la Housse à la Z.U.P. Europe.
Dans le secteur sud-ouest, les vieux faubourgs Ste-Anne et Courlancy, puis la Cité jardin
de Maison Blanche, sont submergés par la naissance de Wilson, des Châtillons, et de la Croix-
Rouge, qui relient Tinqueux, Bezannes et Cormontreui 1 . La construction de quelque 25 000 lo¬
gements en fait le grand secteur de la croissance rémoise que les voies rapides et les ponts
relient au centre pour éviter l'isolement qui caractérise le secteur nord. Celui-ci, comme le
précédent, juxtapose les auréoles de croissance : après les faubourgs Clairmarais, Laon-Zola,
il faut traverser le croissant des maisons individuelles et des cités-jardins pour arriver à
la Z.U.P. Orgeval , qui sont - pour leurs époques respectives - des exemples typiques des loge¬
ments et des quartiers ouvriers. Ce secteur, bloqué entre le canal, la voie ferrée et la base
aérienne, qui arrête son extension au nord, souffre d'un isolement expliquant le particularis¬
me de ce "quatrième" Canton, peu intégré à une ville qui le néglige. Le bidonville, les cités
H. Gand ou Maroc sont sans doute l'illustration la plus expressive de ces coupures urbaines
qui ont permis l'isolement, voire l'oubli d'un véritable ghetto.
Malgré ce cloisonnement de l'espace rémois, la ville est conçue comme un ensemble fonc¬
tionnel dans lequel des espaces de plus en plus spécialisés s'articulent autour du centre.
LA SPECIALISATION F0NCTJ0NMELLE VES ESPACES
Le.4 p5Z&> d' acXÂviXzi
Les espaces industriels, situés â proximité des moyens transports, forment deux "échar
pes" qui contribuent à la division de la ville. Depuis le pont de Laon et la gare de marchandi
ses jusqu'àla Route de Cernay, s'étend un premier ensemble, créé au XIXe siècle, où cohabitent
les champagnes Krug, Mumm, Irroy-Taittinger,Heidsieck , les maisons d'alimentation et le texti¬
le — remplacé par Sarlino, Schl umberger, A. Martin, Remafer. Mais c'est la vallée de la Vesle
- grâce au canal, à la route et à la voie ferrée - qui constitue le grand axe industriel ré¬
mois, interrompu au droit du centre-ville, depuis que les berges du canal, ont été progressi¬
vement désertées par les ateliers et les entrepôts. Vers le nord, entre la rue de St-Brice et
le canal, depuis la voie ferrée jusqu'au port Colbert, s'étend le faubourg industriel de Clair
marais, les verreries mécaniques champenoises faisant la transition avec la zone industrielle
ouest, sur laquelle Chausson s'est installé le premier suivi par la P.U.M., S.A.E.M., Perez,
les Nouvelles Cartonneries, Ducancel et Hébert, Boehringer» La Providence Agricole. Vers le
sud, Machuel et Néouze, Claude I.T.T., B.S.N., sont les rares établissements survivants du
XIX siècle. La verrerie, qui cotoie le quartier du champagne de la Butte St-Nicaise, s'est
étendue sur la zone industrielle sud-est, où Demay, Debar, ICI Pharma, General Foods, Resino-
plast, Jungheinrich, la coopérative agricole de l'arrondissement de Reims, sont les principaux
établissements. Elle se prolonge vers le sud avec C.O.T.R.A.B.A. , puis Brimont et Reims-Avia-
tion, déjà installés comme des précurseurs sur le site de Prunay.
Le contraste est net entre les anciens faubourgs et les nouvelles zones industrielles qui
les prolongent. Là, c'est l'entassement de Clairmarais, la grisaille où s'imbriquent l'habitat
les entrepôts, les usines ; ici, au contraire, les bâtiments de couleurs vives, à l'architec¬
ture plus recherchée, sont encadrés d'espaces verts plus ou moins bien entretenus. Les entre-
57
prises ont si largement prévu les réserves foncières nécessaires à de futures extensions que
le nombre d'emplois oscil le autour de 25 à l'hectare. L'étirement d'un long ruban industriel
- qui s'allonge sur 13 km, depuis Reims-Aviation au sud, jusqu'à Boehringer au nord -, la fai¬
ble densité des emplois, la variété des activités et des horaires contribuent à la déficience
des services communs pour le transport et la restauration des salariés, services pourtant
rendus nécessaires par la séparation des lieux d'habitat et d'activité.
Progressivement, se dessinent dans la ville des îlots spécialisés dans une fonction. Le
centre doit devenir le lieu d'élection du tertiaire de haut niveau, tandis que Croix-Rouge et
surtout les Essillards pourront accueillir le tertiaire moins soucieux des équipements cen¬
traux. Autour de l'Hôpital de Maison-Blanche — devenu C.H.R. (Centre hospitalier régional) -
se sont installées les U.E.R. de la santé et le nouvel hôDital de la Croix-Verte : Reims dis¬
pose là d'un ensemble sanitaire de 3 000 lits qui est de loin le premier employeur de la vil¬
le. Existe-t-il dans le domaine de la santé des économies d'échelle propres à justifier ce
gigantisme ? Ou bien, a-t-on été plus sensible au prestige de la taille qu'aux difficultés de
gestion d'une unité trop vaste et trop excentrée au sud de la ville, pour rester à l'échelle
des malades et au service de la population ?
Habitat oA ggatlon bOdiaJLi.
Le tissu urbain résidentiel présente des contrastes aussi marqués que ceux des espaces
industriels, mais les limites en sont plus floues et les nuances plus subtiles.
Le centre ancien, solide, parfois cossu, se caractérise par le faible taux de population
ouvrière.
Catégories socio -professionnelles à Reims en 1968
Agglomération Centre-Ville
Ouvriers 46,0 26,1
Employés 19,5 22,0
Cadres moyens 11,6 16,0
Cadres supérieurs
et prof . libérales 5,8 11,3
La périphérie du centre, pris au sens large, révèle deux types d'ilôts. Les uns - comme
celui de Moissons - prolongent le centre cossu. Les maisons bourgeoises, agrémentées d'un jardin
ou d'un parc, prennent parfois l'allure de maisons de maîtres dans le style du XIXe siècle. On
retrouve ces caractères dans certaines rues du quartier Hincmar, beaucoup plus hétérogène et
aujourd'hui menacé.
Les autres quartiers, comme le Barbatre, Laon-Zola, Ste-Anne, rappellent un peu ce qu'é¬
tait St-Rémi avant sa destruction. Ces faubourgs ouvriers, rapidement reconstruits après 1918
avec des moyens de fortune, sont ceux où la construction se révèle souvent médiocre, le con¬
fort absent, le surpeuplement fréquent. L'installation de travailleurs immigrés symbolise la
dégradation de ces quartiers qui révèle l'absence d'une politique efficace de rénovation.
L'abandon de certains services comme les écoles, les menaces d'expropriation, favorisent même
la prolétarisation de ces ilôts avant qu'ils ne deviennent le terrain priviligié des promoteurs
immobi 1 iers .
Au delà des anciens faubourgs s'étend la couronne des maisons individuelles sur deux ni¬
veaux, avec courette et jardinet, qui caractérisai t Reims entre les deux guerres. Les cités-
jardins s'intègrent à cet ensemble dont elles se distinguent par les constructions non jointi-
59
S'H
ômnd
ho to Régine Vanduick
61
ves et 1' irrégularité des rues. Dépourvu d'équipement de quartier et de confort, cet habitat
n'a pas les mérites qu'on a voulu lui prêter avant la dernière guerre. Les actuels propriétai¬
res - ouvriers qualifiés, employés, commerçants, cadres moyens - ont dû investir pour moderni¬
ser leurs habitations. Les terrains vacants, ainsi que les transferts d'activités, ont permis
la réalisation de quelques opérations immobilières d'envergure très variable. Ces immeubles
récents, comme le Grand Siècle, densifient cette couronne, sans en changer profondément les
caractères, car il n'a pas été remédié à la pénurie des équipements et des services puisque
le choix s'est porté sur la réalisation des Z.U.P. Celles-ci, rejetées à la périphérie, illus¬
trent l'urbanisme opérationnel qui caractérise la ville depuis quinze ans. Ces Z.U.P. sont des
ensembles d'habitat homogène. La fréquente monotonie de la construction, la similitude des lo¬
gements, dont un fort pourcentage sont des H.L.M., sont les aspects les plus sensibles de cet¬
te homogénéité qui ressort également des structures de la population. Les Z.U.P. sont les nou¬
veaux quartiers ouvriers, comme le furent les faubourgs du XIXe siècle et les cités-jardins de
1 'entre-deux-guerres. A Wilson, 68% des chefs de ménages, à ûrgeval 56% sont ouvriers ; sur
6 732 familles locataires du Foyer Rémois, M. Jeanroy relevait en 1972, 3 693 familles d'ou¬
vriers et manoeuvres, 1 400 d'employés et seulement 213 cadres. La structure professionnelle
des Z.U.P., avec trois-quarts d'ouvriers et d'employés reflète bien la ségrégation sociale. La
structure par âge est tout aussi déséquilibrée. En 1968, alors que l'agglomération comptait
25% d'enfants de moins de 15 ans, ces jeunes représentaient 43,6% des "Zupiens", parce que les
premiers occupants des Z.U.P. sont les jeunes couples de 20 à 35 ans.. Le fort pourcentage de
jeunes explique le faible taux de personnes actives, mais cette faiblesse tient également au
nombre des mères retenues au foyer par 1 éloignement des lieux de travail et le sous-équipe¬
'
ment des Z.U.P.. Dans les premières années d'Orgeval, alors que les jeunes enfants sont très
nombreux, alors qu'une mère sur trois attend un enfant, il n'y a pas de crèche et les classes
maternelles surchargées laissent les enfants à leur mère jusque 3, voire 4 ans. L'absence de
centre commercial oblige les femmes à de longs déplacements jusqu'aux rues de Laon ou de Neu-
chatel , même pour les achats quotidiens. Comme le montre B. Gentil, les travaux domestiques,
la garde des enfants, les "courses" et l'éloignement des lieux de travail, sont des entraves
au travail féminin. Dans le meilleur des cas, les équipements collectifs sont construits avec
retard. Les écoles maternelles se terminent, les crèches apparaissent quand déjà les jeunes
ont conquis la rue comme terrain de jeu. Les adolescents n'auront pas pris l'habitude d'une
vie urbaine, ni d'une organisation de leurs loisirs quand seront construits les Foyers ou les
M.J.C. qui leur sont destinés. Le plus souvent, par absence de prévision ou par manque de pla¬
ce, de nombreuses lacunes subsistent dans les équipements et les services. Le fonctionnement
de ce qui existe est handicapé par la modicité des crédits qui ne sont pas à la hauteur des
besoins et des retards accumulés. A des degrés différents, les mêmes problèmes se posent dans
toutes les Z.U.P. Ils sont amplifies lorsque des logements trop homogènes comme à Wilson accen¬
tuent la ségrégation sociale et lorsque n'existe aucune coordination entre l'action des divers
intervenants comme à Orgeval et à Croix-Rouge. Les problèmes sont atténués par la diversité
des constructions, lorsqu'une société d'H.L.M. a eu la totale maitrise d'ouvrage et qu'elle a
eu le souci d'organiser un quartier, comme les Châtillons. Mais cette préoccupation - faire
vivre des quartiers - n'est pas partagée par la municipalité.
UN CENTRE PLUTOT QUE VES QUART! ERS
Considérant le centre comme le coeur de la cité, la municipalité rémoise depuis quinze
ans a négligé l'organisation des quartiers, qui préoccupait ses prédécesseurs. A première vue
62
tif, mais seul le Crédit Commercial de France y est installé. Pour plus de 6 000 logements ac¬
tuellement construits, on ne compte guère qu'un millier d'emplois, offerts par l'enseignement
(650) et le C.C.F., dont 20% seulement sont occupés par des résidents de la Z.U.P.. L'absence
d'emplois, le sous-équipement - même commercial - réduisent Croix-Rouge au rôle de cité-dortoir
dans un chantier qui dure si longtemps que la protestation est le principal ciment d'une popu¬
lation lésée.
C'est le résultat du choix fait par la municipalité qui a refusé l'organisation des quar¬
tiers et préféré la polarisation autour du centre.
Bétheny
Ilhlllillla SaboteN
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iSUHii: U»v
inqueux
'mm mm
aammi.
tif.
Ces fonctions centrales font de cet espace apparemment privilégié un pôle d'activité im¬
portant, où se localisent 17 000 emplois surtout tertiaires, mais où résident également 18 000
Rémois. Dans la conception de l'urbanisme, qui attribue aux espaces une spécialisation sociale
et fonctionnelle, le centre doit être le coeur de la cité, l'élément d'appartenance à une com¬
munauté ; par ses équipements, il doit assurer les services de haut niveau nécessaire à l'ag¬
glomération et a la région. Cette "vocation" est favorisée par la convergence de la voirie ur¬
baine ; elle est également symbolisée par le réseau des transports urbains (T.U.R.). Aucune
ligne des T.U.R. ne relie directement Z.U.P. et 2.1. , car elles passent toutes par le centre,
qui est l'élément fondamental de l'urbanisme rémois.
La C&nùie. a&phuxÂA
Pendant vingt ans, la "clientèle" potentielle du centre a augmenté rapidement. La ville
étend sa zone d'influence directe par dépérissement du milieu rural, l'agglomération gagne
80 000 habitants et la faible organisation des quartiers accroît leur dépendance à l'égard du
centre.
Mais l'automobile, moyen de transport privilégié, a contribué aussi bien à l'étalement
de la ville - dans la Z.U.P. Croix-Rouge, il a été réservé 1,5 place de parking par logement -
qu'à l'asphyxie du centre.
66
Bétheny
Ch'ampigny lCernay-
és Reims
meoiXNce dc passage
.- jkié''
Bezannes SÇprmontreuil
Les transports urbains à Reims (les chiffres correspondent au temps d'attente entre 2 passages)
extrait de Reims 1985-201 0, étude -pveliminaive des transports collectifs.
De 1954 à 1967, le nombre des passagers des T.U.R. était passé de 8,3 à 16 millions, mais
il est tombé à 13,7 en 1974 malgré l'augmentation de la population et le prolongement des li¬
gnes jusqu'aux communes de banlieue. La congestion du centre, carrefour privilégie était d'au¬
tant plus prévisible, qu'il cumule en même temps des fonctions de résidence et de services.
Pour éviter cette congestion, le Plan Camelot prévoyait l'aménagement des rocades inter¬
nes et le détournement de la route N 44. Au contraire, fidèle à la doctrine de Rotival, c'est
la convergence qui a été renforcée par la voie du Rouillât, les avenues P. Marchandeau et C.
de Gaulle, puis l'autoroute urbaine. Favorable à cette convergence, Rotival avait prévu l'ex¬
tension et l'aménagement du centre, en commençant par la rénovation du quartier St-Rémi puis
en poursuivant les travaux vers le centre actuel. Une enquête du Bureau d'études et de réali¬
sations urbaines (B.E.R.U.), menée en 1959, décrit St-Rémi comme un quartier ouvrier et vétus¬
té. A cette date, ce quartier abrite 3 519 personnes dont 1 534 personnes actives, parmi les¬
quelles sont recensées 915 ouvriers (60%), 286 employés (19%), 157 artisans et boutiquiers
(10%). Sur 22 hectares s'imbriquent 430 immeubles dont 345 ont été construits avant 1914. Les
trois-quarts des 1 285 logements n'ont qu'un mauvais ensoleillement, une médiocre aération et
souffrent des difficultés d'adduction et d'évacuation des eaux.
La vétusté du quartier justifiait bien une opération de rénovation qui pouvait être la
chance d'élargir le centre par la construction de bureaux et l'installation d'une partie de
l'Université (Droit et Lettres). En fait, il n'y a pas eu rénovation, mais destruction et re¬
construction du quartier.
Aujourd'hui 2 500 logements, dont seulement 545 H.L.M., sont construits ou en cours d'a¬
chèvement. Mais les U.E.R. de Lettres et Droit sont à la Croix-Rouge et ni les bureaux, ni les
67
Les mutations des vingt dernières années ont surtout affecté la ville, l'expansion n'ayant
touché que récemment les communes voisines transformées en banlieue. Avec le Livre Blanc et le
69
Population
Sj Population
active totale
glomerat
La population du SDAU
La rénovation du centre
Les idées fondamentales restent les mêmes que quinze ans plus tôt : rendre le centre at¬
tractif pour les services de haut niveau qui feront de Reims la capitale régionale. Le centre
reste le coeur de l'agglomération et de la région : "C'est sur le secteur central que s'arti¬
culera, par conséquent, le système circulatoire de la région rémoise". De même que la voirie
urbaine et le réseau des T.U.R. polarise l'agglomération sur le centre, de même les autorou¬
tes A4 et A26 étendront l'influence de celui-ci sur toute la région. C'est dans cet objectif
que se comprend la volonté de faire passer l'autoroute au coeur de la cité. Le centre élargi
sera également densifié par un gain de 11 000 résidents, les fonctions commerciales y seront
affinées et les services - bureaux, administrations - seront renforcés.
Secteur
ORMICYde
Sect
LO VReue t-Stclc* BRIMONT
THIERRY Secteur de la
BASSE SUIPPE
I
Secteur de GUEUX
Sectem JONCHERY-MUlEON
FISMES(h1 Secteur de la
HAUTt SUIPPE
REIMS
Secteur
HAUTE deVESIE
la
eS.vo««i
N.C.Fm. portante
aérodrome
.v: - canal typ«Fr»ycin«t
i
DIVERSIFIER les STRUCTURES D'ACCUEIL ET HHER PARTI DES NOUVELLES INF RAST RUCTURE S DE COMMUNiCA T/ON
76
Une croissance plus modérée est réservée aux vallées de la Vesle aval et de la Suippe.
Les bourgades - telles Pontfaverger, Betheniville, Bazancourt, Muizon, Jonchery et Fismes -
pourront être dotées de Z.I. et recevoir des lotissements de 800 à 1 200 logements.
Les autres secteurs de l'espace rural ne connaîtront que des programmes plus diffus, de
l'ordre de 50 logements ou seront même, comme la Montagne de Reims, des espaces verts proté¬
gés. Le préambule de la Charte du Parc Régional est assez expressif : "Les S.D.A.U. de Reims
et d'Epernay ont d'ores et déjà défini le rôle de la Montagne de Reims comme étant celui d'une
zone verte. Elle seule assurera à cet ensemble un équilibre naturel et aux hommes un équilibre
physique et intellectuel".
Quel esprit subversif ose évoquer aussi l'enfer des villes et leur seul antidote, le Parc
Régional ? C'est sans doute la meilleure illustration "des vocations spécifiques" assignée
aux différents espaces : une agglomération tertiaire, des campagnes industrielles et des espa¬
ces verts pour la récréation.
Bien entendu, l'installation de tertiaire à la campagne n'est pas exclue ; elle pourra se
faire lorsque les sites urbains arriveront à saturation et il ne pourra s'agir que de tertiai¬
re banal, celui de haut niveau restant fixé dans le centre.
LE MYTHE VE LA PLANIFICATION
Reims peut se glorifier dans le passé récent d'être une des premières villes françaises
dotée d'un plan d'urbanisme. Dès le mois d'août 1920, le plan G. Ford décrété d'utilité publi¬
que répondait aux prescriptions de la loi du 14 mars 1919. Exception faite des aménagements du
centre, la rapidité de la reconstruction interdisait le respect du plan. Moins de trente ans
plus tard, l'existence de quartiers sous-équipés , aux logements vétustés et inconfortables,
prouvait la vanité d'un plan qui ne se dote pas des moyens de son application.
Le vi.de. juiidiquz
La loi du 15 juin 1943 faisait de Reims et de 26 communes proches un groupement d'urba¬
nisme qui devait avoir un plan d'aménagement. Les études menées par Camelot, architecte et ur¬
baniste, aboutissent à un plan qui reçoit l'approbation ministérielle en août 1960. Le jour
même de cette approbation, il est mis en révision puisque le plan Rotival est déjà à l'étude.
Depuis 1958 en effet, le ministre de la construction Sudreau a chargé Rotival d'appliquer à
Reims sa méthode scientifique de planification. Le plan Rotival, publié en 1965, est soumis à
l'enquête publique, puis approuvé en juillet 1971. Immédiatement, il est mis en révision puis¬
que le code d'urbanisme a changé. La loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967, le décret
de mai 1969 sur les S.D.A.U. et ceux d'octobre 1970 concernant les P. O.S., justifient de nou¬
velles études. Conduites par l'Agence d'Urbanisme de Reims, celles-ci se traduisent dans le
Livre Blanc (1971), le Schéma de la zone d'appui Nord-champenoise (1973), le Schéma Directeur
d'Aménagement et d'Urbanisme (1975). Ce S.D.A.U. n'étant pas opposable aux tiers et en l'absen¬
ce de plan d'occupation des sols, tout se passe comme si Reims, toujours en période de révision
ou d'étude, était encore dépourvu de documents d'urbanisme.
77
'
après de difficiles arbitrages préfectoraux. Ainsi, le financement complémentaire de l'autorou¬
te urbaine à Reims a été obtenu grâce au vote bloqué d'un dossier concernant également les tra¬
verses d'agglomération, les itinéraires en rase campagne et les ouvrages d'art.
Une difficile -politique d'agglomération : la méfiance entre villes trouve sa résonance jus
qu'à l'intérieur de l'agglomération. Les communes de banlieues, pourvues de Z.I. et dotées de
patente (taxe professionnelle) se montrent soucieuses de défendre leur équilibre budgétaire et
une pression fiscale modérée. Quant aux autres moins bien pourvues, elles craignent une crois¬
sance démographique trop raoide, qui augmenterait les dépenses d'équipement obligatoires plus
rapidement que les ressources.
L'augmentation de la fiscalité locale, l'archaïsme et l'injustice d'impôts de répartition
dont le calcul est fondé sur les valeurs locatives, restent les obstacles majeurs à l'organisa¬
tion de l'espace urbain et à une vision globale de l'agglomération. Une réforme de la fiscalité
locale s'avère indispensable pour envisager une nlanification globale de l'agglomération.
Charge fiscale par habitants en 1974
Bethény 90,47 F
Cormontreuil 86,69 F
St-Brice-Courcelles 108,18 F
Tinqueux 160,24 F
Reims 212,51 F
La charge fiscale par habitant est passée à Reims de 162,29 F en 1973 à 212,51 F en 1974.
Les contribuables accepteront-ils de telles augmentations pour améliorer 1 'attractivité de la
79
ville à l'égard des investisseurs privés et pour une croissance qui ne les intéresse pas.
Un nombKQ. d'act&uAé t)iè-& LunÀXo.
Dans l'immédiat après-guerre, les problèmes d'aménagement et d'expansion étaient largement
débattus, non seulement au Conseil Municipal mais dans divers organismes qui participaient à la
réflexion et à l'action.
Le C.E.R.A.C. , le C.E.L.A.M. mais surtout le C.E.A.R.R., étaient des organismes d'études
et de réflexion où se retrouvaient le patronat, les organismes constructeurs, voire la C.G.T.
par 1 intermédiaire du C.O.P.L.O.R.R. Le C.E.A.R.R. avait conquis un pouvoir d'expert reconnu
1
par la municipalité et l'administration. Il pouvait mener indi rectement une politique opéra¬
tionnelle en liaison avec la Chambre de Commerce, maître d'oeuvre des Z.I., et avec les socié¬
tés de H.L.M., promoteurs des Z.U.P. Europe et Châtillons.
Progressi vement, la municipalité a monopolisé toutes les initiatives et tous les pouvoirs.
Le pouvoir d'expert est confisqué par l'Agence d'urbanisme qui n'est pas un établissement pu¬
blic administratif prévu par la loi d'orientation foncière, mais une association régie par la
loi de 1901 présidée par le maire de Reims, qui a l'essentiel des pouvoirs (cf. article 14 et
15 des statuts : "Le Directeur de l'Agence est nommé par le président du Conseil d'Administra¬
tion ; il est mis fin à ses fonctions dans les mêmes conditions que celles prévue par sa nomi¬
nation. Dans le cadre des pouvoirs qui lui sont délégués par le président... le directeur est
chargé de la proposition des contrats et recrute le personnel").
La S.E.D.M.A., mise en place à partir de 1960, permet le contrôle des organismes construc¬
teurs par une certaine maîtrise foncière.
Lorsqu'elle n'est pas suivie par la Chambre de Commerce, dans sa politique d'expansion,
la Municipalité reprend à son compte la maîtrise d'ouvrage des zones d'activités comme celles
des Essillards et de La Neuvillette.
Pendant longtemps, le patronat rémois a négligé les affaires municipales, faisant une
distinction entre le domaine économique qu'il se réservait et le domaine politique - laissée
à la municipalité - et auquel il ne participait qu'indirectement.
Avec Jean Taittinger, le pouvoir politique domine la vie de la cité en associant le pou¬
voir d'expert et la direction de la politique d'accueil par le logement et les aires d'activi-.
tés. Cette primauté du pouvoir politique se comprendrait peut-être avec un Conseil Municipal
représentatif , mais le scrutin de liste majoritaire a donné un Conseil Municipal dominé par
son maire.
G. Guttierez, dans son mémoire de Droit Public, distingue quatre groupes au Conseil Muni¬
cipal : "La bourgeoisie d'affaires - dont le Maire - politiquement dominante ; la bourgeoisie
paternaliste aujourd'hui reléguée à un second plan ; une frange d'élus convaincus de leur mis¬
sion mais qui n'ont pas le pouvoir ; un groupe passif qui constitue la majorité".
Il en conclut que la présence d'un leader paraît indispensable car le conseil est trop hé¬
térogène pour fonctionner efficacement. Cette analyse est confirmée par l'absence de débats au
Conseil, ainsi qu'en témoigne le journal L'Union du 12 février 1975, rapportant le vote du bud¬
get primitif 1975. La présentation budgétaire par le Maire évoquait des équipements importants;
elle replaçait Reims dans le district, dans le S.D.A.U., dans le département, dans la France
même, pour justifier l'effort fiscal indispensable à la poursuite de la politique d'accueil.
80
Mais le journaliste écrit : "Le débat budgétaire a été relativement court puisqu'il n'a duré
qu'une vingtaine de minutes ; cinq conseillers y ont pris part évoquant tous les points de dé¬
tail".
La bourgeoisie d'affaires mène la ville comme une entreprise avec le même secret des af¬
faires et le même sens de la publicité. Si on en juge par les réactions de la population rémoi
se, à propos de la Cour d'Appel, de la rénovation du quartier Hincmar ou du S.D.A.U., cette mé
thode de planification semble discutable et elle est discutée.
LA CROISSANCE EN QUESTION
Présenté quelques années plus tôt dans l'euphorie de la croissance, le Schéma Directeur
d'Aménagement et d'Urbanisme aurait peut-être trouvé une approbation franche et massive, mais
il est sorti au moment où la crise accélère la prise de conscience et remet la croissance en
question, ce qui explique certains rejets et les approbations souvent réservées.
L'Euphosv ce de ta cAoiA&ancz
Au milieu des années 1950, la croissance n'est pas discutée. Devant la crise du textile,
les détenteurs du pouvoir économique - représentants de l'industrie et des sociétés de H.L.M.
qui se retrouvent au sein du C.E.A.R.R. — sont d'accord pour relancer l'économie rémoise sur
une autre voie. L'accord n'est pas unanime sur le rythme et les modalités de la croissance
mais elle est considérée comme une indiscutable nécessité.
Les classes modestes perçoivent l'essor de la ville comme le seul remède aux problèmes de
l'emploi et du logement dont nous avons vu l'acuité à cette époque où persistait le chômage et
le surpeuplement de logements inconfortables. La ville au "service de la région" est une idée
couramment admise dans le monde rural qui accepte et même désire la poussée urbaine. Les con¬
ceptions du C.N.J.A. (Centre National des Jeunes Agriculteurs), exposées par Michel Debatisse,
reprises par Michel Debré ou Edgard Pisani, font alors la quasi unanimité chez les agricul¬
teurs.
Beaucoup considèrent qu'ils sont trop nombreux sur les exploitations trop petites. L'exo¬
de agricole permettra aux agriculteurs restant à la terre d'étendre leurs exploitations, de
se moderniser, d'être compétitif et d'atteindre la parité. La croissance urbaine est donc né¬
cessaire pour accueillir l'excédent de population agricole et malgré la perte de surface agri¬
cole, l'extension de la ville ne pose pas de graves problèmes. 20 000 hectares de terres à vi¬
gne ayant droit à l'appellation contrôlée champagne sont à remettre en culture et, dans la
Champagne crayeuse, quelque 100 000 hectares de savarts et de médiocres pinèdes s'offrent aux
défricheurs. Croissance urbaine et agricole peuvent aller de pair. La réussite de la S.0.F.0.C
traduit la convergence d'intérêt des responsables agricoles et urbains que M. Hennion secré¬
taire de la F.D.S.E.A. et secrétaire du C.E.A.R.R. symbolise clairement.
Pendant une quinzaine d'années, la réussite semble parfaite. Les défrichements, la recon¬
quête de la S.A.U. dont les trois quarts sont consacrés aux productions à prix garantis — cé¬
réales, betteraves sucrières — assurent l'aisance et parfois la richesse. L'organisation pro¬
fessionnelle débouchant sur une économie contractuelle joue un rôle identique dans le vignoble
touché par un dynamisme jusqu'alors insoupçonné. Le volume des expéditions, la rapidité des
plantations, la hausse du prix du raisin, apportent une richesse inespérée. L'agriculture eon-
nait une période de prospérité qui détermine son adhésion à l'idée de croissance.
81
Evolution du vignoble
1956 1960 1965 1970 1973 1974 1975
Expéditions (en millions de bout). 42,3 64,0 86,5 102,2 124,7 105,4 122,2
Limite
Prix
(sans maximum
prime
de rendement
d'engagement)
du kg de(enraisin.
kg/hec). 7500
144 7500 12000
3,05 3,35 12000
4,52 13000
7,72 11000
7,82 7500
5,65
Les salariés des classes moyennes et modestes sont relativement satisfaits. L 'amél ioration
des conditions de logements, le plein emploi, l'équipement urbain apportent des satisfactions
trop longtemps ignorées à Reims pour ne pas être ressenties comme autant de miracles. Dans la
période de prospérité, les travailleurs s'attardent moins sur les inégalités de répartition ou
d'accès aux équipements dont ils sont rarement bénéficiaires. Il ne fait aucun doute que Jean
Taittinger, Jean Falala et les tenants de la croissance, ont trouvé à Reims un large soutien
populaire qui ne tient pas seulement au charisme gaullien et aux divisions de la gauche.
Elections
Suffrages exprimés Voix exprimées %
Présidentielles 19-12-1965 Reims 61 026 De Gaulle
Présidentielles 19-12-1965 Reims 61 026 32 933 53,96
Taittinger
Législatives 23- 6-1968 1ère cir¬ 50 438 29 381 58,28
conscription Marne
Liste Taitt.
Municipales 7-5-1971 Reims 51 427 30 699 59,69
Taittinger
Législative 4-3-1973 1ère cir¬
conscription Marne 58 100 25 720 44,37
candidats favorables
à la majorité.
Cantonales 23-9 -1973 31 968 15 641 48,92
Présidentielles 19-4 -1974 (Reims) 71 576 33 657 47,02
La diversité des activités, l'agrégat des établissements - malgré la présence des grands
noms de l'industrie -, ne sont pas des garanties suffisantes pour assurer le plein emploi, pour
prémunir les Rémois contre les licenciements, le chômage partiel ou total.
L'insécurité de l'emploi est vivement ressentie dans les petites et moyennes entreprises
comme Maillot-Bourbon. La confection - une branche déjà sensible aux données conjoncturelles —
est menacée la première, mais le bâtiment et les ateliers de sous-traitance non abrités, sont
également inquiets.
Des grandes firmes, parmi lesquelles S.A.R.L. I.N.O. , Marelli, Timwear, les Laminoirs de
Thionville (Rigida), envisagent l'abandon ou la réduction de leurs productions rémoises. Le
rachat d'Arthur Martin par Electrolux fait planer sur les salariés les dangers d'une restruc¬
turation, dont ils connaissent les risques après les réductions d'effectifs aux Comptoirs Fran¬
çais absorbés par le groupe Cora.
Sans une refonte du droit du travail, sans une réforme de l 'entreprise, la croissance n'est
plus considérée comme une panacée par les salariés.
Un monde rural plus méfiant
Dès qu'on s'éloigne de la périphérie urbaine, le dépérissement des campagnes, le déclin
démographique, le sous-équipement scolaire, sanitaire, administratif, social et commercial, ren¬
dent la population rurale plus méfiante à l'égard de la ville.
L'exode agricole, considéré comme un mal nécessaire, a accéléré le processus de capitali¬
sation dont certains agriculteurs ressentent les méfaits. L'instabilité du fermage, l'absence
d'un droit de culture, obligent à des achats fonciers de plus en plus lourds et l'équipement
doit être constamment adapté à l'exploitation. Le poids des capitaux foncier et d'exploitation,
la distorsion entre les prix des produits agricoles et ceux des produits industriels nécessai¬
res aux exploitants diminuent les revenus agricoles et augmentent la surface de viabilité. La
ville dévoreuse d'espace devient suspecte. "Pendant la prochaine décennie, les superficies sous¬
traites à leur mode actuel d'utilisation devraient rester inférieures à 250 hectares par an,
pour atteindre 320 hectares vers 1985. A la fin de la période étudiée, les besoins en sols à
réserver à 1 'urbanisation devraient s'élever au moins à 700 hectares par an" (Livre Blanc, pa¬
ge 141). La croissance urbaine envisagee par le S.D.A.U. prévoit que la surface urbanisée pas¬
sera de 3 800 à 13 300 voire 19 900 hectares. Cette perte minimum de 10 000 hectares de S.A.U. in¬
quiète les agriculteurs parce qu'il n'y a plus de terres à défricher et parce que l'expropria¬
tion accélère la hausse du prix des terres. L'expropriation, quelle que soit l'indemnité versée
au propriétaire et au fermier, n'est plus tolérée par les agriculteurs qui considèrent la terre
comme un outil et non comme un objet de spéculation.
Une bourgeoisie plus réservée
Comparativement aux agriculteurs, la bourgeoisie commerçante et industrielle est trop hé¬
térogène pour avoir un seul comportement face à la croissance. L'ancienne bourgeoisie indus¬
trielle a perdu son indépendance et son pouvoir de commandement. Devenus directeurs ou cadres
des nouveaux ateliers, ces anciens patrons ne considèrent pas toujours quelques opérations im¬
mobilières comme une compensation au déclin de leur influence. Parmi les commerçants, ceux qui
ont les capacités techniques et financières s'adaptent aux mutations du marché, se reconvertis¬
sent dans les branches dynamiques, s'installent à la périphérie de la ville, profitent du gon-
83
flement de la clientèle. Par contre, le commerce traditionnel et familial - rarement armé pour
résister aux assauts du capitalisme commercial — manifeste les plus vives réticences face à la
croissance urbaine qui accélère les mutations économiques.
Un constat plu6 îiÂoJLLb>t<L
La création d'emplois est le fondement de la croissance démographique et, dans les trente
prochaines années, l'offre de 37 000 emplois secondaires plus 94 000 emplois tertiaires, est
envisagée dans l'aire du S.D.A.U. Mais le Vie Plan, qui prévoyait la création de 300 000 em¬
plois industriels en France, laisse un bilan nul ; il n'y a pas eu création nette de postes de
travail et Reims ne fait pas exception. Pour le Vile Plan, F. Essign, Délégué à l'aménagement
du territoire, ne laisse espérer que 20 à 30 000 créations en France, c'est-à-dire 100 à 200
pour Reims dans les normes actuelles.
Le gonflement du tertiaire, qui occupe déjà 47% des personnes actives en France contre
40% en Allemagne fédérale, ne laisse pas esnêrer de nombreuses créations dans ce secteur. Dans
les conditions actuelles, il serait vain de se bercer d'illusions : ni les capacités d'inves¬
tissement, ni les pouvoirs de décisions locaux, ne permettront d'améliorer sensiblement la si¬
tuation rémoise. Les espoirs de croissance sont d'ailleurs en contradiction avec l'évolution
démographique.
De 1962 à 1968, la croissance démographique fut de 2,6% par an ; elle est tombée à 2,2%
entre 1968 et 1975, mais le S.D.A.U., envisage une croissance annuelle de 4%. Sans extrapoler
les données actuelles sur une longue période, il est fort probable que la natalité (14%0) et
la mortalité (10,6%o) ne donneront à l'avenir qu'une faible augmentation de la population
française. Or, toutes les villes françaises dotées d'un S.D.A.U. misent sur une croissance tel¬
le que la France compterait plus de 250 millions d'habitants à la fin du siècle ! (52,7 mil¬
lions en 1975). A cette contradiction s'ajoute celle de l'aménagement du territoire qui pré¬
voit, en même temps, une urbanisation accélérée, attestée par les S.D.A.U., et une revitalisa¬
tion du monde rural par l'aide à l'industrialisation et autres "contrats de pays" (Ste-Mene-
hould, Vouziers, Nogent-en-Bassigny . . . ) .
Ou bien on admet que la population française augmentera peu et que celle-ci doit trouver
son épanouissement sur place, sans déracinement, souvent difficile d'un point de vue individuel
et dommageable du point de vue socio-économique : dans ce cas, il faut admettre également un
fort ralentissement de la croissance urbaine.
Ou bien on doute des capacités de l'aménagement du territoire en économie libérale, mais
on doit reconnaître que les campagnes n'ont plus à fournir un gros contingent d'émigrants et
que les flux migratoires ont toute chance de s'établir vers l'agglomération parisienne (villes
nouvelles), vers la façade atlantique ou l'axe rhodanien-rhénan - bénéficiaires de gros inves¬
tissements qui négligent la région Champagne Ardenne. Dans l'un ou l'autre cas, la poursuite
d'une politique d'accueil à tout prix, se révélera vite insupportable pour les contribuables
locaux et se soldera par un échec si les objectifs en sont trop ambitieux.
La jeunesse de la population rémoise, malgré la chute de la natalité, laisse prévoir 1,3%
d'accroissement naturel, auquel il convient d'ajouter un léger flux migratoire. La conjonction
des deux phénomène permet d'envisager une croissance démographique oscillant autour de 2% par
an .
84
La comparaison des classes d'âge quittant la vie active et de celles arrivant sur le mar¬
ché de l'emploi entraine logiquement, la création de quelque 1 500 emplois par an. C'est sur
ces bases et en prévoyant la revitalisation des bourgades rurales qu'il faudra aménager l'es¬
pace rémois.
L'hypothèse, au début du XXIe siècle, de 380 000 Rémois et de 600 000 habitants sur l'ai¬
re du S.D.A.U. n'est pas crédible et il serait absurde de réaliser les investissements - 2.1.
de la Neuvillette, de Prunay... - en espérant atteindre ces objectifs fort aléatoires et peu
souhaitables.
La comparaison des agglomérations françaises supérieures à 200 000 habitants témoigne que
cette importance démographique n'est pas un seuil, dont le franchissement serait propre à chan¬
ger les structures urbaines. Malgré un poids démographique plus important, ni les équipements,
ni les services, ni le pouvoir local, ni les capacités économiques et financières, ne se trou¬
vent sensiblement améliorées, même à Toulouse, voire à Lyon.
Les problèmes des neuf communautés urbaines, exposés au premier ministre Jacques Chirac
par leurs présidents, soulignent bien que, en France, le centralisme politique et administratif,
la concentration des pouvoirs économiques, sont - avec les inadaptations de la fiscalité loca¬
le - les handicaps majeurs à l'essor de véritables métropoles régionales. Comment, dans ces
conditions, justifier une croissance qui ne constitue pas un progrès ? Le freinage des inves¬
tissements d'accueil, le ralentissement de la croissance, au contraire, peut constituer un ré¬
pit, mis à profit pour structurer la communauté rémoise et améliorer la qualité de la vie. Plu¬
tôt que de prolonger une croissance, dont nous avons vu les limites, il faut mettre fin à la
rupture sociale qui s'est accentuée au cours des quinze dernières années.
CONCLUSION
Les deux phases de la croissance rémoise - sous le Second Empire et pendant le troisième
quart du vingtième siècle (1950-1975) - prouvent qu'il n'y a pas de "miracle" local, car elles
coïncident avec celles de l'urbanisation française.
Le Second Empire correspond à la montée de la bourgeoisie. Elle investit ses capitaux dans
l'industrie et le négoce, qui intègrent toute la population dans l'économie marchande. A cette
époque, le centralisme, administratif et politique n'est pas encore l'étouffoir de la vie ré¬
gionale parce que ses domaines d'intervention sont limités ; la bourgeoisie locale dispose d'
une capacité d'investissement et de commandement économiques non négligeables : les flux mi¬
gratoires, encore mesurés, n'ont pas effacé les sentiments d'appartenance à une communauté ré¬
gionale. Les villes dessinent un réseau urbain et structurent l'espace régional.
Mais dans la seconde moitié du XX siècle, au moment où les géographes étudient les ré¬
seaux de ville et la structuration de l'esoace, le phénomène de polarisation subit une détério¬
ration rapide, sous l'effet de la concentration capitaliste, et du centralisme politico-admi-
nistrif, qui sont intimement associés.
D'une part, le capitalisme d'envergure nationale et internationale domine Reims ; les dé¬
cisions économiques sont prises à l'extérieur, en fonction d'une politique de firme et d'une
rentabilité du capital, peu soucieux des problèmes sociaux de la région. Les interventions
politique et administrative dans le domaine économique se plient à ce qu'on veut considérer
85
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