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Travaux de l'Institut

Géographique de Reims

Reims. Étude d'une croissance urbaine


Georges Colin

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Colin Georges. Reims. Étude d'une croissance urbaine. In: Travaux de l'Institut Géographique de Reims, n°25, 1976.
Reims. Étude d'une croissance urbaine. pp. 3-88;

doi : https://doi.org/10.3406/tigr.1976.1010

https://www.persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1976_num_25_1_1010

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INTRODUCTION

Reims est une ville relativement mal connue en dehors de la Champagne. Elle évoque dans
l'esprit de nombreux Français un certain nombre d'images stéréotypées : Reims apparaît d'abord
comme la ville des sacres, image associée au souvenir de Jeanne d'Arc et plus encore à la ca¬
thédrale, à la visite de laquelle chaque touriste de passage se sent obligé de consacrer quel¬
ques instants. Reims est ensuite la ville du champagne, dont les innombrables caves accueil¬
lent les visiteurs désireux de s'initier aux secrets de la fabrication d'un vin prestigieux
entre tous. Reims est également la ville du textile, dont la tradition est profondément ancrée
dans son histoire. Reims est enfin la ville martyre, cruel lement éprouvée par la Grande Guerre
dont les destructions n épargnèrent que la cathédrale.
'

Des images profondément enracinées en chacun de nous dès l'école primaire, mais des ima¬
ges qui ne sont pourtant que des clichés, voire des mythes. Reims, ville martyre ? Soit, mais
il ne s'agit plus que d'un souvenir, estompé par le temps et affaibli par le rapprochement en¬
tre les ennemis d'autrefois, la France et l'Allemagne. Reims, ville des sacres ? Certes, mais
quis'y intéresse en dehors des touristes et de quelques historiens ? Reims, ville du textile ?
Même plus, car cette industrie a presque totalement disparu et ne joue plus de rôle dans la vie
économique de la cité. Reims, ville du champagne ? Oui, car cette activité fournit des emplois;
non, car elle ne saurait résumer à elle seule une ville dont la gamme des activités - industriel¬
les et tertiaires - est extrêmement variée.
Pour le Rémois de vieille souche ou de fraîche date, Reims évoque autre chose qu'une ca¬
thédrale à laquelle il jette un regard distrait - on est parfois d'autant moins sensible à la
beauté qu'on la côtoie chaque jour -, autre chose qu'un vin qu'il ne boit qu'en de rares occa¬
sions, autre chose que des souvenirs balayés par le temps. Pour celui qui l'habite, Reims est
vraiment tout autre chose : l'implantation de nouvelles usines pourvoyeuses d'emplois, et par¬
fois leur fermeture. . . . ; des services et des distractions dont la gamme tend à s'élargir ; tel
ou tel quartier qui manque d'animation ; de grands équipements - par exemple l'autoroute intra-
urbaine - dont l'existence se matérialise pour le moment par de vastes chantiers... ou par des
feuilles d'impôts.
Mais pour le géographe ? Il existe plusieurs façons de faire de la géographie en général
et de la géographie urbaine en particulier.
Le géographe archaïque s'attacherait à présenter le site de Reims - "le site semble avoir
joué un rôle prépondérant. Le bassin est entouré par la Montagne de Reims et par un certain
nombre de buttes (Mont Berru , Butte de Brimont, Butte de Moronvi 11 iers ) qui sont d'excellentes
positions défensives, encore renforcées par les marais de la Vesle" (1) - et sa situation dans
la Champagne et dans la France, en n'ayant garde d'oublier les nuances de son climat. Il s'ef-

(1) Georges Chabot, Géographie régionale de la France, Paris, 1969, Masson et Cie, p. 308.
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forcerait de retracer longuement l'évolution économique de la ville, en insistant sur les per¬
manences et les continuités, tout en s 'attardant sur des aspects pittoresques - les techniques
de fabrication du champagne - ou superficiel s .
Le géographe technocrate ferait fi de la nature et de l'histoire pour s'intéresser plutôt
aux activités actuelles : la décentralisation, le développement des grandes surfaces, l'implan¬
tation de l'Université, la répartition et la qualification de la main-d'oeuvre, lui semble¬
raient des sujets dignes d'intérêt. Il s 'attarderait sur les moyens envisagés pour faire de
Reims une "ville d'accueil" : l'autoroute, les liaisons aériennes, les trains à grande vitesse,
le canal à grand gabarit. Il ne saurait oublier les plans successifs dont les sigles semblent
mystérieux au profane : plan Camelot, plan Rotival, schéma de la ZANC (zone d'appui nord-cham¬
penoise), SDAU (schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme), POS (plan d'occupation des
sol s) .
Le géographe critique se voudrait plus attentif aux besoins de la population et aux consé¬
quences des décisions prises par les responsables et les aménageurs. Il parlerait de la place
accordée à Reims dans la stratégie des grandes entreprises nationales et des firmes multinatio¬
nales, et du chômage qui résulte des "restructurations techniques". Il se pencherait sur le
manque d'animation et le sous-équipement en commerces et en services qui sont le lot de cer¬
tains quartiers. Il serait sensible aux expropriations abusives occasionnées par des opérations
discutables de rénovation, et à la contradiction entre la rigueur apparente des textes officiel s
et les dérogations ou le laisser-faire qui sont trop souvent la règle.
Cet ouvrage - le lecteur l'aura sans doute déjà compris - ne se veut pas dans le courant
de la géographie archaïque. Attentif aux transformations et aux réalisations souvent spectacu¬
laires qui ont marqué l'évolution de Reims depuis un quart de siècle, il cherche également à
mettre en valeur les lacunes existantes et les moyens d'y remédier.
5

CHAPITRE 1

REIMS AU RYTHME OU TEXTÎLE

ville
tive
gne,
se détachent
A assume
depuis
avaient
la finlefait
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une
detemps
l'Ancien
fonction
de la
déjà
parmi
ville
Régime,
politique,
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celles
un centre
Reims
oûqu'assure
mais
l'élevage
compte
du entravail
outre
environ
des
la et
ville.
elle
moutons,
du20a commerce
000 etfonctions
Par
des habitants
l'archevêché
surtout
de la laine.
et et
commerciale
les quelques
foires
les sacres,
deet
fonctions
Champa¬
produc¬
la

La société et le paysage urbains traduisent alors la primauté de ces fonctions : cathé¬


drale, églises et paroisses, abbayes et couvents - même si le nombre des religieux a décli¬
né - témoignent de l'influence des ecclésiastiques qui jouent un rôle politique et administra¬
tif non négligeable. Toutefois, ville de Ligue, Reims n'a pas obtenu la capitale de la généra¬
lité de Champagne, fixée à Châlons, et, ville religieuse, elle devient suspecte aux Républi¬
cains qui ne la choisissent pas comme chef-lieu du département. Même à l'intérieur de la cité,
la montée du pouvoir laïc - symbolisé par le Conseil de Ville où dominent les négociants en
laine - bat en brèche le pouvoir religieux.
La société rémoise, déjà profondément marquée par les activités textiles, est fort con¬
trastée. Les négociants, tels J.N. Ponsardin, J.B. Sirot, tiennent le haut du pavé. Ils ont
réussi la première concentration commerciale des affaires et font travailler plusieurs centai¬
nes d'ouvriers, tant dans les manufactures de la ville que dans leur domicile campagnard. Les
"maîtres" drapiers, sergiers, étaminiers, constituent une sorte de classe moyenne. Ils sont
1 300 en 1790 et possèdent 3 000 métiers pour s'attacher les services des compagnons et des
apprentis .
L'espace urbain, longé par la Vesle à l'Ouest et fermé par les fossés et le mur d'encein¬
te, n'est pas entièrement bâti.
La population est installée autour de St-Remi et dans le vieux noyau urbain, entre la por¬
te Mars et St-Pierre les Dames, à la croisée des voies de Laon à Châlons et de Paris aux Ar¬
dennes .
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Le Portraict de la Ville Cité et Université de Reims. (Edme Moreau, dessinateur et graveur)

Un siècle plus tard, la ville - étendue en tâche d'huile — s'est profondément transfor¬
mée : les murs sont rasés, les fossés sont comblés et la population atteint 100 000 habitants.
LA PREMIERE CROISSANCE: INDUSTRIALISATION ET MONTEE DE LA BOURGEOISIE

ESSOR INDUSTRIEL ET CROISSANCE DEMOGRAPHIQUE


La croissance démographique, lente jusqu'au milieu du XIXe siècle — on ne recense encore
que 45 000 Rémois en 1851 - s'accélère ensuite et la population atteint 81 000 habitants en
1876. Quoique ralentie, l'augmentation se poursuit jusqu'à la veille de la première guerre et
la ville compte 115 000 habitants en 1911.
La population rémoise
1801 1851 1876 1901 1911
20 45 81 108 115
Milliers d'habitants.
Cette croissance démographique coïncide avec l'essor de l'industrie textile. Les capitaux,
accumulés par le négoce et les manufactures nées au XVIIe siècle, sont investis dans l'indus¬
trie proprement dite, qui commence avec la filature mécanique. Ponsardin, Derode, Cornette,
Jobert Lucas, créent les premiers établissements industriels et, de 1810 à 1846, la production
de fil passe de 750 à 3000 tonnes. Le premier tissage mécanique est ouvert en 1839 par Crou-
telle au pont Fléchambault. Incendié en 1848, il est bientôt reconstruit et accompagné par
les tissages de Collet, Lelarges Walbaum, Poullot. La valeur des tissus rémois - 18 millions
en 1820 - passe à 60 millions en 1850, et à 153 millions en 1878. La peigneuse mécanique est
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introduite à Reims en 1851 par Holden, un Anglais qui industrialise le peignage, comme Houpin
l'avait fait pour la teinture et pour l'apprêt durant les années 1830.
Les 1300 maîtres encore présents en 1790, ont laissé la place à 238 établissements en
1846 et à 110 en 1878, année considérée comme l'apogée du textile rémois. On recense alors 89
fabriques (peignages, filatures et tissages) et 21 établissements se rattachant aux tissus
(teinture, apprêt, matériel et accessoires). La concentration industrielle, née de capitaux
anglais et sedanais — mais beaucoup plus encore d'initiatives locales - n'est donc pas négli¬
geable. Quatorze entreprises associent la filature et le tissage, quelques autres poussent
plus loin l'intégration verticale. Dès 1866, Wi 1 leminot-Huart pratique dans les même locaux
le triage, le peignage, la filature et le tissage avec 19 000 broches et 500 métiers mus par
deux machines à vapeur de 150 et 175 CV. Lelarge file, tisse, teint et apprête dans ses quatre
établissements de Bazancourt, de Boul t-sur-Suippe et de Reims (rue de Courlancy et rue St-Mar-
ceaux) .
Toutefois, les usines rémoises ne regroupent pas l'ensemble des activités du textile. D'
une part, les vallées de la Suippe, de la Retourne et de l'Aisne ont des établissements liés
à la Fabrique rémoise ; d'autre part, les ouvriers campagnards et les ouvriers urbains en cham¬
bre n'ont pas totalement disparus,
L'industrie textile domine la ville : en 1880, 20 000 personnes — un habitant sur quatre —
travaillent dans des usines qui abritent 240 000 broches, 9 400 métiers et 700 peigneuses mé¬
caniques, sans compter l'équipement manuel encore en service. A cette masse de salariés s'ajou¬
tent tous ceux des activités annexes qui relèvent du commerce ou de l'industrie : deux fabri¬
ques de matériel, une usine d'accessoire, une usine d'extraction d'huile par dégraissage des
laines, quatre producteurs de savon, etc... L'organisation commerciale va du marché des laines
à la Société des Déchets (rue du Jard), en passant par le syndicat des producteurs de laine
qui met en rapport les marchands et les industriels, sous le contrôle du Bureau de Conditionnement
et de mesure.
LA MONTEE VE LA BOURGEOISIE
Sans qu'il soit possible de dégager des relations simples de cause à effet, il est évident
que l'essor industriel et la croissance urbaine se trouvent à la convergence de mutations tech¬
niques et socio économiques dont les multiples interactions marquent la ville et ses rapports
avec la campagne.
Le-i tQ.ckni.qaQj,
La concentration des moyens de production et de la main d'oeuvre demande des transports
efficaces, nécessaires à leur approvisionnement et à l'expédition des produits. Sous la Monar¬
chie de juillet, la loi de 1836 organise l'entretien des routes. Sous le Second Empire, un Ca¬
nal relie l'Aisne à la Marne et la voie ferrée atteint Reims. La ligne Paris-Strasbourg négli¬
ge la ville au profit de la vallée de la Marne, mais la ligne Epernay-Reims est ouverte en 1854.
Ultérieurement sont mises en service les liaisons avec Laon, Charleville, Châlons et Paris par
les vallées de la Vesle et de 1 'Ourq (1894). Toutes ces lignes forment un réseau, étoffé par
les voies étroites du chemin de fer de la banlieue de Reims (CBR). Progressivement les villes
deviennent des carrefours et Reims n'échappe pas à la règle : elle peut désormais recevoir les
laines que sollicitent les industriels.
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Dans le même temps, tout au long du XIXe siècle, la force hydraulique et les machines à
vapeur, dont les cheminées ponctuent le paysage urbain, actionnent des équipements toujours
plus perfectionnés, aux performances plus brillantes mais également de prix plus élevé.
Lej> siapposité 4 ocio-économique.*
Les mutations techniques précipitent la disparition des artisans travaillant chez eux
avec les outils dont ils étaient propriétaires. Elles favorisent la concentration ouvrière
dans les villes, autour des moyens de production. Artisans, compagnons et apprentis sont pro¬
létarisés.
Après la suppression des corporations , la loi Le Chapelier (1791) - sous prétexte de ga¬
rantir la liberté du travail - a isolé les ouvriers et paralysé leur action. L'exposé des mo¬
tifs de cette loi dit que c'est aux conventions libres, d'individu à individu, à fixer la
journée pour chaque ouvrier et c'est ensuite à l'ouvrier à maintenir la convention qu'il a
faite avec celui qui l'emploie. L'article 2 précise que les citoyens de même état ou profes¬
sion, les ouvriers ou compagnons d'un art quelconque, ne pourront lorsqu'ils se trouveront en¬
semble, se nommer président ou secrétaire ou syndic, tenir des registres, prendre des arrêtés,
former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs.
Cette "liberté du travail" ainsi que la législation concernant le crédit, les sociétés
anonymes, la banque (la première succursale provinciale de la Banque de France est ouverte à
Reims en 1834) donnent à la bourgeoisie les capacités financières et le pouvoir économique.
Depuis la Révolution, avec le suffrage censitaire, la candidature officielle, le décou¬
page des circonscriptions et les modes de scrutin, elle dispose également du pouvoir politique.
Il est évident que "cette bourgeoisie" n'est ni homogène ni unie, et toute l'histoire rémoise
retentit des querelles entre négociants et fabricants, entre légitimistes et orléanistes, en¬
tre bonapartistes et républicains. Mais du point de vue économique, c'est "une classe sociale"
qui nous permet d'évoquer "la" bourgeoisie.
Détentrice des pouvoirs politiques et économiques, elle domine la ville, grâce à ses dé¬
putés et à ses représentants au Conseil Municipal, à la Chambre et au Tribunal de Commerce, à
la Garde Nationale, etc...
Les ouvriers travaillent à la fabrique depuis l'âge de 7 ans jusqu'à 65 ou 70 ans et plus
souvent jusqu'à l'incapacité de travail. L'inspecteur, chargé d'assurer le respect de la loi
de 1841 sur le travail des enfants, est obligé de démissionner en 1867 tant il relève d'infrac¬
tions. Avec l'éclairage qui est inauguré à la fabrique Clin en 1838 -et qui se généralise après
l'installation de l'usine à gaz en 1841, la journée de travail s'allonge jusqu'à 12 heures,
coupée de deux pauses pendant lesquelles les ouvriers mangent sur place. Le chômage, la hausse
des prix, les baisses de salaires, sont le lot des ouvriers qui subissent des crises passagè¬
res mais fréquentes : 1846-48, 1853-55, 1857, 1861-62, 1868-69.
En 1846, le prix du pain fait plus que doubler et atteint 0,60 francs le kilogramme, ce¬
lui des pommes de terre 35 francs l'hectolitre, alors que le salaire d'un tisseur est tombé à
1,75 francs au lieu de 4 èn 1836. En 1861-62, on compte à Reims plus de 6 000 chômeurs et les
salaires baissent de 20 à 30%. E. Taquet fait remarquer "que de 1830 à 1900 les grèves n'ont
pas pour objet une augmentation de salaires mais sont la conséquence d'une diminution des sa¬
laires de la part des patrons".
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Parfois les ouvriers tentent de s'organiser. C'est le cas pendant la seconde République
avec Bressy et l'Association rémoise. Une coopérative d'achat en commun, une boulangerie so¬
ciétaire, un atelier coopératif de tailleurs, un magasin de vente pour artisan tisseur, des
cours professionnels, sont mis sur pied. E. Lesage, en 1849, fonde une société mutuelle de
prévoyance et en 1860 une société coopérative d'alimentation. Mais l'Association Rémoise est
dissoute dès 1850 et la répression étouffe régulièrement les initiatives populaires (arres¬
tations de juin 1849 et procès de Melun). Le plus souvent, les réactions de la misère sont
violentes. Le premier drapeau noir flotte à Reims en 1831, et le tissage Croutelle est incen¬
dié en 1848. Ces réactions contre les machines peuvent surprendre aujourd' hui,mais, à l'épo¬
que, le prolétariat - désarmé face au patronat - se sent victime "des progrès techniques".
LE PAYSAGE URBAIW, REVELATEUR VE S CLIVAGES SOCIAUX
Le négoce de la laine est à l'origine du Quartier de la Fabrique entre les rues Cérès,
Ponsardin, des Murs et de l'Université. Mais l'industrie a besoin d'espace et ce quartier s'a¬
vère insuffisant pour accueillir les nouvelles activités. Les premiers établissements s'ins¬
tallent dans les bâtiments ecclésiastiques achetés comme biens nationaux pendant la Révolution
Les couvents et abbayes des Carmes, des Augustins, des Cordeliers, des Jacobins, des Capucins,
du Mont-Dieu, de St-Antoine, de St-Pierre-les-Dames, de St-Etienne, de Ste-Claire, de la Con¬
grégation et des Longuaux, sont transformés en filature, tissage ou maison de négoce.
Au cours du XIXe siècle, les usines sont construites dans la ville sur les jardins et
terrains vacants — qu'évoquent encore les noms des rues du Jard, du Ruisselet - puis hors les
murs, sur trois sites qui présentent un intérêt fonctionnel. A proximité du quartier de la Fa¬
brique entre les Boulevards Dauphinot et St-Marceau, elles sont favorisées par les facilités
d'approvisionnement et d'écoulement de leur production. La même raison explique les installa¬
tions de Clairmarais et du Port sec qui deviennent des quartiers industriels après la construc¬
tion de la voie ferrée. Les berges de la Vesle, qui fournit l'eau et la force hydraulique,
sont le troisième site d'implantation surtout à Fléchambault mais également à St-Brice.
La durée de la journée de travail, les difficultés des déplacements imposent aux ouvriers
un domicile proche du lieu de travail, Ils s'entassent dans les quartiers St-Rémi et St-Mauri-
ce. Jules Simon décrit leurs logements de la place St-Nicaise ou de la rue du Barbâtre "plus
dépouillés et plus tristes que des cachots". Les chambres d'hôtels garnis pour les moins dé¬
pourvus, les couloirs, les caves, les soupentes pour les plus pauvres, n'ont rien d'exception¬
nel s .
La croissance démographique fait déborder la ville et, autour des usines ou hors les murs,
naissent spontanément des faubourgs ouvriers, celui de Cernay d'abord, puis celui de Flécham¬
bault où les usines évincent les maraîchers, en attendant ceux de Clairmarais et de Laon-Zola
après l'installation de la voie ferrée sous le Second Empire. La commission d'assainissement,
créée en 1850, reconnaissait qu'interdire les logements insalubres équivaudrait à priver de
gîtes beaucoup d'ouvriers. C'est dire la médiocrité de cet habitat : de petites maisons basses,
sans eau, longtemps sans égoûts, se serrent en courées ou autour de rues étroites dont la via¬
bilité reste à la charge des riverains (décret de 1861).
Les grands travaux, qui emploient les ouvriers dans les périodes de crise et de chômage,
n'améliorent pas sensiblement leurs conditions de vie.
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Devant la poussée urbaine, les murs sont rasés et les fossés comblés à partir de 1840.
Les travaux débutent avec le creusement du canal de l'Aisne à la Marne et se poursuivent avec
l'arrivée de la voie ferrée et la construction de la gare, qui sont l'occasion d'aménager les
Promenades et le square Colbert. L'enceinte du XIIIe siècle fait place à la couronne des ac¬
tuels Boulevards Lundy, de la Paix, H. Vasnier, Driancourt, Dieu Lumière, H. Henrot, P. Dou-
mer, Leclerc, Foch, L. Roederer et Joffre.
L'extension de la ville accentue les problèmes de l'eau et ceux de la voirie. Dès 1835,
les canalisations de Sillery arrivant à la Porte Dieu Lumière, ne répondent plus aux besoins.
Les porteurs d'eau vendent 3 sols le seau d'eau puisé dans la Vesle. 56 bornes fontaines font
face à la demande jusqu'à la fin du Second Empire. A cette date, la découverte de la nappe en
amont de la ville et la construction d'un réservoir au Moulin de la Housse permettent la mise
en place d'un réseau d'adduction avec concession chez les particuliers qui peuvent s'offrir
ce "luxe".
Les eaux usées se déversent directement dans la Vesle, d'abord par des cloaques à ciel
ouvert jusque 1852, puis par des égoûts, qui vont rejoindre les champs d'épandage à l'aval de
la ville après 1890.
Dans les faubourgs, la voirie consiste essentiellement dans l'ouverture de grands axes
transversaux qui sont l'amorce des rocades autour du noyau central. Les boulevards St-Marceau,
Ruinart, Jacquart, Lemoine, puis Pomme ry et Dauphinot, drainent les quartiers Cérès et de Cer-
nay. La Chaussée Bocquaine et la rue de Courlancy relient le faubourg St-Anne et celui de Pa¬
ris au débouché de la porte de Vesle. Les boulevards Charles Arnould, Danton et Robespierre,
ceinturent les quartiers Clairmarais et Laon et seront reliés par le pont Huet, à la rue du
Docteur Lemoine en 1900. L'essentiel des travaux réalise le Plan Legendre (1756) qui prévoyait
l'ouverture et l'embellissement de la ville par le dégagement des grandes voies de pénétration
urbaine, la création d'une place Royale reliée à l'Hôtel de Ville... Les travaux ont commencé
dès 1757 et l'Hôtel des Fermes - l'actuelle sous préfecture — est achevé en 1761. La résistan¬
ce des propriétaires , le coût des opérations feront durer les travaux pendant tout le XIXe siè¬
cle. Mais l'ouverture de nouvelles rues - Thiers St-Augustin, M. Stuart, St-Pierre les Dames —
la réalisation de la Place Royale (achevée en 1911) et divers équipements - Palais de justice,
Théâtre, Marché couvert (Place du Forum) — donnent naissance à un véritable centre ville et
accentuent les différences. Autour du boulevard Lundy, de la rue Thiers, et sur le front des
Promenades, la bourgeoisie construit ses hôtels, encadrés de jardins.
L'espace urbain traduit bien les contrastes sociaux. A l'époque des crinolines, des bals
et des réceptions bourgeoises ou officielles, les Promenades sont le lieu des sorties élégan¬
tes ; la bourgeoisie se retrouve dans le centre, mieux équipé et plus animé par la vie commer¬
çante et culturelle. Le peuple de St-Rémi ou des faubourgs se promène sur les derniers tron¬
çons des remparts ; il a ses fêtes, son carnaval, ses bistrots où il tente d'oublier sa misè¬
re .
11

UN LONG MARASME ECONOMIQUE

L'évolutior, de la population urbaine pourrait nous faire croire que la guerre de 1914 cons¬
titue un tournant dans l'histoire rémoise. En effet, la croissance démographique continue jus¬
qu'à la veille du conflit. On compte 115 000 Rémois en 1911 et la ville ne retrouvera cette po¬
pulation qu'en 1950. On imagine aisément que quatre années de guerre et les destructions qu'el¬
les ont provoquées ont cassé la croissance et que, jusqu'au milieu du XXe siècle, la ville - en¬
core secouée par la crise des années 1930 et la seconde guerre - n'aurait fait que panser ses
blessures et se reconstrui re .
Mais l'évolution démographique ne reflète pas fidèlement la situation économique. Dans la
période d'essor industriel, la ville reçoit un flux migratoire de jeunes adultes qui entretien¬
nent, par la naissance de leurs enfants, l'augmentation de la population dans la période ulté¬
rieure quand s'amorce déjà le marasme économique. C'est la situation de Reims dès 1880.

Habitants
— REIMS - ville
,

__agglomération rémoise 183 600

153 000

Années
1801 1851 1876 1901 06 11 21 26 31 36 1946 54 62 68 1975
La population rémoise
LE VECL1N VU TEXTILE MASQUE PAR LES TRADITIONS VU NEGOCE (1880-1914).
Entre 1880 et 1892, les expéditions du textile rémois diminuent de 41% et la reprise qui
s'amorce alors dans d'autres secteurs et d'autres régions n'est pas sensible. A la veille de
1914, tous les éléments confirment un net repli. Pour le pays rémois, l'équipement, entre 1878-
80 et 1910-14, est tombé de 240 000 à 220 000 broches, de 9 400 à 7 000 métiers, de 700 à 240
peigneuses. Dans la ville elle-même, il n'y a plus que 31 entreprises au lieu de 110, utilisant
215 peigneuses, 127 000 broches et 5 600 métiers. Le nombre des salariés est tombé de 20 000 à
12 000, soit approximativement celui de 1845, sans que l'augmentation de la productivité compen¬
se entièrement la perte de main d'oeuvre. La valeur des étoffes est descendue de 153 à 130 mil¬
lions de francs.
L'industrie lainière se heurte à de multiples concurrences : celle du coton que la guerre
de Sécession avai t atténuée ; eel 1 e des pays en cours d'industrialisation - Russie, Ital ie, USA —
qui se ferment aux importations ; celle d'autres villes françaises et particul ièrement Roubaix,
favorisée par les meilleurs prix de son approvi sionnement en laine et en charbon ainsi que par
des structures plus efficaces.
Les structures de l'industrie rémoise sont en effet fragiles. Produisant des filés et des
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tissus, elle reste une industrie de base à faible valeur ajoutée, d'autant plus que le désé¬
quilibre permanent entre filature et tissage impose une forte proportion de vente en fils. Les
entreprises familiales» jalouses de leur "indépendance" sont de taille moyenne et Lelarge qui
emploie 1200 salariés dans ses quatre usines est une exception. Les initiatives qui ont assuré
le succès de la flanelle et du mérinos ne se renouvellent pas. La crise, en faisant disparaî¬
tre les entreprises les plus fragiles, détermine une concentration qui n'est pas une solution
efficace, parce que la majorité des industriels espèrent résister par une politique des bas
prix plutôt que par des innovations.
Peut-on parler de sclérose patronale ou bien la bourgeoisie rémoise renoue-t-el le avec
ses traditions négociantes ? La question se pose quand on assiste» au même moment, au déclin
du textile mais en revanche à l'essor du champagne et du succursalisme dont on sait les multi¬
ples liens familiaux et la même origine des capitaux.
Il semble possible, après une tentative industrielle de courte durée, qu'une partie de la
bourgeoisie rémoise investisse à nouveau dans le négoce où elle a prouvé son savoir-faire et
l'efficacité de son réseau commercial.
Le champagne.
Au XVIII 0 siècle, les Ruinart,Heidsieck, Clicquot, Ponsardin, assoient la réputation du
champagne. Dès l'origine» Heidsieck et Clicquot associent le commerce des laines et celui du
vin. Les deux activités, avec les mêmes représentants à l'étranger, s'épaulent mutuellement et
concourent à l'accumulation du capital qui a permis les investissements industriels. Ces pre¬
miers négociants ont installé leurs caves, dans les crayères de la butte St-Nicaise qui expli¬
quent leur présence intra-muros. Par la suite» tributaires des caves et du besoin d'espace, les
négociants s'implantent à la périphérie de la ville sous la Monarchie de juillet et le Second
Empire. Ils se fixent donc hors les murs, dans le prolongement de la butte St-Nicaise, à l'est
du Boulevard Lundy entre les rues de Mars et Coquebert, à l'ouest de la rue de Courlancy.
Les Maisons Walbaum, Pommery et Greno, symbolisent les liens qui se perpétuent entre le
textile et le champagne. Or, au moment où le textile est en difficulté, le champagne connait
au contraire un remarquable essor avec un doublement des expéditions dans le dernier quart du
XIXe siècle.
Expéditions de vins de champagne par les négociants
Période Expéditions (moyenne France Etranger
annuelle en milliers Milliers % Milliers %
de bouteilles) . de bout. de bout.
1845-48 6 978 2 286 33 4 692 67
1867-70 15 874 3 339 21 12 515 79
1908-1 1 36 861 13 784 37 23 077 63
Le 6uccuA6alÂ*6me
En cette fin du 19e siècle, les maisons d'alimentation à succursales multiples sont le
deuxième relais de l'industrie textile. Les Etablissements Economiques ont repris en 1853 une
initiative de Lesage, fondateur de la première coopérative ouvrière d'achats en commun. Les
autres maisons sont fondées plus tardivement : les Docks Rémois Familistère datent de 1887,
Mignot fonde les Comptoirs Français 10 ans plus tard et, en 1900, sont ouvertes les premières
succursales Goulet-Turpin, Très dépendantes des transports pour leur approvisionnement et la
13

redistribution des produits, ces sociétés bâtissent leurs entrepôts à proximité de la voie fer¬
rée dans le quartier Clairmarais et au Port-Sec en direction de Bétheny.
Dans ce secteur encore, l'imbrication des capitaux rémois est remarquable. Mignot s'inté¬
ressait au champagne et Goulet fut une maison de champagne avant d'être maison à succursales
multiples.
Lqj> actÀ.v<i£(L6 annuxzé
A partir de 1880, champagne et succursalisme jouent un rôle moteur et entraînent des acti¬
vités annexes. Les verreries, dont la principale est celle de la famille Charbonneaux, emploient
1200 personnes en 1908. Les fabriques de plaques, de muselets, de papier d'ëtain, de bouchons,
en occupent un millier. Les caisseries Toillet, Piat, Wal ferd-Truchon , font travailler 500 per¬
sonnes tandis que Prot crée en 1904 la première fabrique de papier et carton d'emballage. Les
imprimeries Debar, Bary, Bienaimé, produisent des étiquettes. Outre ces activités d'emballage
et de conditionnement, les biscuiteries Fossier, Rogeron, Tarpin, Petitjean, Sigault, profitent
du réseau des succursales qui favorise également les débuts de la confection industrielle.
A partir de 1880, l'industrie textile n'est plus l'élément dynamique et structurant des
activités rémoises. Les fabriques d'huile et de savon à partir du dégraissage des laines ont
fait place à Guyot qui produit de l'eau de Javel . La métallurgie ne travaille plus pour le tex¬
tile et Roche, Scholler, Bauche, Maglin, doivent trouver d'autres clients. L'industrie automo¬
bile fait son apparition au début du XXe siècle. La S.C.A.R. emploie 150 ouvriers à Witry pour
produire un véhicule par jour et Panhard en a 3501, produisant des pièces détachées, dans son
usine de la rue E. Renan.
Les semaines de l'aviation, patronées par le marquis de Polignac en 1910-11, ne sont pas
suffisantes pour lancer l'industrie aéronautique que des raisons stratégiques ont fixée à Tou¬
louse.
Il semble donc que la crise du textile, entre 1880 et 1914, s'explique partiellement par
un désinvestissement industriel au profit d'autres secteurs plus rentables, le champagne et
les magasins d'alimentation. Après un court essai industriel, les capitaux rémois renouent a-
vec les traditions du négoce.
L'échec industriel, outre les multiples raisons déjà évoquées, tient également au rôle
stratégique imparti à la ville. Les fonctions militaires de la Champagne Crayeuse - marquée
sous le Second Empire par la création du Camp de Châlons - s'accentuent après 1870 et la perte
de Metz. Reims s'affirme alors comme ville de garnison avec les casernes Jeanne d'Arc, Louvois,
Colbert, le parc d'artillerie, le terrain de manoeuvre et la couronne des forts, dont celui de
la Pompelle est le plus célèbre. Ce rôle militaire de Reims n'a rien d'attractif pour des ca¬
pitaux industriels, toujours investis à long terme, et qui n'ont aucun goût du risque ; il
freine les investissements extérieurs qui ne pallient pas les carences rémoises. Toutefois, le
champagne, les maisons à succursales multiples et leurs activités annexes, prolongent la crois¬
sance rémoise jusqu'à la veille de la première guerre mondiale.
LES CONFLITS SOCIAUX ET LA NAISSANCE VU RADICALISME
A la fin du XIXe siècle, la crise du textile se traduit non seulement par des réductions
d'effectifs mais également par des baisses de salaires, consécutives à la volonté de compéti¬
tivité. Le tisseur rémois gagne entre 2,50 francs et 3 francs par jour en 1900 au lieu de 3,50
14

francs en 1880. Les conditions de travail restent pénibles et les journées trop longues. La
loi de 1892 protège les enfants qui ne sont pas admis à l'usine avant 12 ans, mais les jeunes
adolescents travaillent 60 heures par semaine, les femmes 66, et les hommes 72 en 6 journées
de 12 heures. Les ouvriers réagissent contre la faiblesse des salaires et la durée des journées
de travail par des grèves souvent dures. En 1880, elle est quasi générale avec 15 000 grévistes
pendant 33 jours ; en 1893, elle dure 13 jours. La grève n'est pas, comme semble le croire une
partie du patronat rémois, une manoeuvre roubaisienne pour abattre le textile rémois. L'ampleur
des mouvements ne résulte pas non plus d'une solide organisation ouvrière. Certes, la première
chambre syndicale fonctionne clandestinement en 1878 et Reims accueille en 1881 le Congrès na¬
tionale des ouvriers socialistes, mais la classe ouvrière reste politiquement et syndi cal ement
divisée, si bien que les 11 syndicats qui existent en 1900, ne comptent guère plus d'un millier
j'adhérents. L'atmosphère de crise, l'insécurité de l'emploi, la mobilité de la population , sont
autant de facteurs défavorables à l'organisation des ouvriers. En cette "Belle Epoque", la grè¬
ve est une réaction quasi -spontanée de la misère ouvrière. Les prise de conscience de cette mi¬
sère détermine des changements dans le comportement patronal. Sans doute, Reims connait alors
des "patrons de choc", totalement fermés aux problèmes sociaux mais - sous l'influence de L.
Harmel et de l'archevêque Langénieux - la charité fait place au paternalisme et au catholicis¬
me social, illustré par des initiatives patronales comme le Foyer Rémois créé en 1912 par G.
Charbonneaux pour assurer le logement des ouvriers.
Finalement, Reims devient un foyer du mutual isme et du radicalisme qui fait figure de
"juste milieu". La bourgeoisie d'affaires délaisse les responsabilités locales ou s'en trouve
évincée et elle est remplacée par des médecins et des membres des professions libérales, tels
E. Courmeaux, Ch. Arnould, H. Henrot ou J.B. Langlet.
UNE GUERRE OUI N'EFFACE PAS LE PASSE
Le front, proche de la ville pendant la durée de la guerre, la violence des combats et
des bombardements, détruisent Reims. Sur 14 000 maisons, 8 600 sont totalement détruites ; sur

Le centre de Reims après les bombardements de 1914-1918 (source inconnue repris du


DES Genti B. )
!
15

200 établissements publics, 89 sont rasés de même que 46 usines sur 170. Les autres bâtiments
sont très endommagés et il ne reste qu'une vingtaine de maisons intactes.
Nous ne saurions traduire ici toutes les misères et tous les malheurs d'une population
frappées par les séparations, les deuils et les destructions matérielles. De tels chocs expli¬
quent que la guerre soit ressentie comme une rupture de la vie rémoise.
Mais la vie reprend plus vite que les Rémois n'avaient osé l'espérer. Dès 1921, la ville
a déjà retrouvé 76 000 habitants et bon nombre de ses caractères malgré les amputations défi¬
nitives du patrimoine artistique et culturel.

L&6 me.me.-6 activité <Lt le.6 même-6 ph.obJLo.m2-6 économiques


Le conflit accentue la fragilité du textile. Le négoce des laines disparait totalement,
certains négociants préférant quitter la ville comme Wenz qui s'installe à Paris, tandis que
d'autres se reconverti ssent dans la confection ou le tissage comme Warnier-David en 1931. Le
potentiel de production est diminué par l'abandon de nombreuses usines non reconstruites, tel¬
les le peignage I. Holden, rue des Moissons ; les filatures et tissage Pérardel et François,
dans le faubourg Cérës ; Clément, rue de Bétheny ; Feuillez, rue St-Thierry. Vingt-cinq ferme¬
tures ont été recensées après la guerre ; elles continuent ensuite, de 1928 à 1933, quand Rou-
thier-Varlet à St-Brice, puis Briancourt-Vasnier, impasse de la Blanchisserie, et la Société
des Déchets, rue du Jard, ferment leurs portes.
L'équilibre, entre les diverses phases du travail des laines, n'en est pas pour autant
amélioré. Une enquête réalisée en 1934 montre que les filateurs rémois achètent à l'extérieur
les trois-quarts de leur laine peignée, tandis que les Peignages de Reims en expédient vers le
Nord et le Cambrésis. Les filatures vendent à l'extérieur les deux tiers de leurs fils peignés
et un tiers du cardé alors même que les tissages rémois achetaient hors de Reims 4% de leurs
fil s .
Toutefois les structures de l'industrie textile évoluent. Les patrons, moins jaloux de
leurs prérogatives , se retrouvent dans divers groupements et s'accordent pour défendre leur
production par la création d'un label "Flanelle syndic". Des entreprises se regroupent pour
fonder la Société des Peignages de Reims, qui reprend la place de J. Holden, boulevard Dauphi-
not, tandis que les filatures et tissages de Reims (FTR) associent Collet, Benoist et Bouchez
à Reims, Oudin à Bétheni vi 1 1 e. Les productions se diversifient et s'orientent vers une plus
grande élaboration des produits. La société industrielle de la Schappe (soieries) fait place
a un tissage de jute qui deviendra fabrique de linoléum, Sarlino, en 1924. Les Longuaux tra¬
vaillent le coton de même que Paindavoine. La confection industrielle est la forme de recon¬
version choisie par d'anciens négociants comme Collomb, Jallade, Hiltgen, Mennesson, la bonne¬
terie fait son apparition en 1925 quand est créée la Société Rémoise de Bonneterie, suivie par
Mélina en 1935.
Ces adaptations expliquent peut-être la résistance du textile à la crise des années 1930
et elles prolongent sans doute sa survie, mais le déclin est inexorable. En 1943, le textile
n'emploie plus que 6 000 salariés et ce nombre va encore décliner avec les fermetures des an¬
nées 1950. La lente agonie du textile se prolonge tandis que les maisons à succursales et le
champagne sont frappés par la stagnation.
16

le Port Sec

les entrepôts du quartier Clairmarais


17

Grâce à la protection des caves et parce qu'il est un des éléments des fêtes qui saluent
le retour de la paix, le champagne retrouve rapidement après la guerre un volume appréciable
d'expéditions. En 1919-1920 23 millions de bouteilles sont expédiées, soi t les deux tiers du
volume d'avant-guerre. Mais le vignoble doit se reconstituer après les dégâts cumulés de l'in¬
vasion phylloxérique et des combats. Il doit également s'organiser pour pallier les faiblesses
révélées par la révolte des vignerons en 1911. Enfin la consommation française, malgré quelques
progrès, ne compense pas la perte ou la réduction des marchés étrangers comme ceux de l'URSS
qui a d'autres préoccupations que la Russie, des USA qui choisissent la prohibition, de la
Grande-Bretagne qui se protège par des tarifs douaniers. Entre les deux guerres règne une très
grande instabilité des ventes et le niveau de la "Belle Epoque" ne se retrouve qu'après 1936,
et après le second conflit mondial, en 1954.
La stagnation démographique française et la faible progression du niveau de vie ne sont
pas favorables à une forte augmentation de la consommation intérieure. Cette inertie contribue
à la langueur des maisons à succursales. L'installation du siège des Comptoirs Français à Pan¬
tin est le seul changement notable dans ce secteur. Le succursalisme rémois se rétablit malgré
tout assez rapidement» et assoit sa zone d'influence sur le Nord-Est, depuis l'Oise jusqu'à la
Meurthe-et-Moselle. Mais il se heurte rapidement à des concurrents comme les Coopérateurs de
Lorraine et SANAL à l'est, les Economiques Troyens, la Ruche Moderne et les Docks de l'Union
du sud.
La diversification des activités déjà commencée avant la Grande Guerre, se poursuit lente¬
ment. Mais la naissance de l'Union professionnelle du bois (actuelle cartonnerie Dropsy), l'ins¬
tallation des Ateliers rémois de construction électrique par Marelli en 1928 à Witry, puis l'ar¬
rivée des Forges et Ateliers de Combeplaine venus de Ri ve-de-Gier, une fabrique de toiles mé¬
talliques (STIMAR devenu Tissmétal), STEMI (actuellement Remafer) produisant et réparant des
Wagons, l'occupation des locaux de la Société des Déchets par la biscuiterie Paquot en 1938,
ne sont pas suffisants pour assurer le plein emploi.
La même, morphologie uAba-tne,
La comparaison des plans de la ville avant et après 1914, montre bien que Reims retrouve
sa morphologie et que les destructions d'immeubles n'ont pas fait table rase.
Sur l'un et l'autre plan, on distingue le vieux noyau urbain, dont les enceintes se sont
succédées jusqu'au VIIIe siècle sur l'emplacement des rues Andrieux, Rogier, Ponsardin, des
Murs, de Courtrai , Chanzy, Talleyrand, Tire Lire et Foch, jusqu'à la porte de Mars, la seule
qui soit conservée. Nous retrouvons également le tracé de la grande enceinte du XIIIe siècle,
rasée de 1840 à 1885 pour faire place à la couronne des boulevards.
De la ville, partent les mêmes artères, les mêmes routes qui sont devenues les rues com¬
merçantes de Cernay et Jean Jaurès, de Laon et de Neuchâtel , de Paris et Clovis-Chézel .
Entre ces rues, le système des rocades successives et toujours inachevées révèle encore
les phases de la croissance rémoise et l'extension de la ville en tâche d'huile. Les industries
prennent la ville en écharpe au long de la Vesle, du canal et de la voie ferrée, entre les ver¬
reries mécaniques champenoises et la verrerie Charbonneaux, et vers l'est depuis la gare de
marchandise jusqu'à la route de Cernay ou STEMI a ses ateliers. Les faubourgs ouvriers retrou¬
vent leur place aux côtés de ces pôles d'activités.
18

Plan du centre de Reims avant 1914

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Plan du centre de Reims anrès 1914

Source : tcpcomphie de par Ho ande


II
19

Pourtant, toutes les conditions semblaient réunies pour permettre la restructuration de la


ville après une destruction quasi totale. La loi du 14 mars 1919 stipulait que toute ville de
plus de 10 000 habitants devait avoir un projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension.
Dix-sept mois plus tard, la ville est dotée du plan G. Ford, déclaré d'utilité publique en août
1920. Ce plan articule la ville autour d'un centre bien équipé et largement ouvert à la circu¬
lation. De grandes artères plantées d'arbres doivent assurer la liaison entre le centre et les
quartiers périphériques. Ceux-ci associent les "quartiers" industriels et résidentiels, tout
de même séparés par des espaces verts pour limiter les nuisances tout en assurant une relative
proximité des lieux de travail et d'habitat. Leur disposition rayonnante est susceptible de
réserver les capacités d'extensions ultérieures.
En fait, les changements notables portent sur le centre ville. De nouvelles voies sont ou¬
vertes : rues J.J. Rousseau, Voltaire, Condorcet et cours Langlet ; d'autres sont élargies com¬
me la rue Libergier. Bien dégagée, la Cathédrale est mise en valeur malgré 1 'architecture dis¬
cutable des constructions autour du parvis. La place du Forum est dégagée par l'installation
du marché sur le Boulingrin. Sur le modèle anglais, le Foyer Rémois construit la cité-jardin
Charles Arnould et celle du Chemin-Vert, l'OPHLM réalise Maison Blanche et les cheminots au¬
ront leur cité du même type. L'irrégularité des rues doit rompre la monotonie de ces cités,
où les mêmes maisons, avec deux logements mitoyens, sont placées au centre du jardin. Ces ci¬
tés ouvrières de 1 entre-deux-guerre, considérées alors comme "progressi stes" , souffrent rapi¬
'

dement de l'absence de confort et du sous-équipement commercial.


Plusieurs problèmes soulignés par G. Ford, ne sont pas résolus. Les liaisons entre le cen¬
tre etaméliorées,
ment les faubourgs
la déficience
périphériques
en espaces
au-delà verts
du canal
- 5 met? par
de lahabitant
voie ferrée
— n'est
ne pas
sont atténuée,
pas sensible-
les
rocades prévues ne sont pas réalisées.
Ce premier essai de planification urbain trouve déjà ses limites dans une administration
trop peu organisée et aux effectifs trop réduits pour mettre sur pied et faire respecter les
contraintes à la construction. Il se heurte aux inerties des propriétaires fonciers et des
i nfrastructures en place : canal , routes , voies ferrées, égouts, etc... Il est annulé par la
rapidité des retours à Reims et de la reconstruction. En août 1920, lorsque le plan est décla¬
ré d'utilité publique, la ville a déjà retrouvé les deux tiers de sa population. Mais la prin¬
cipale lacune est l'absence de plan de financement faisant la part de l'Etat, de la collectivi¬
té locale et des parti cul iers. On comprend alors les difficultés de la reconstruction rémoise
dont la critique serait facile avec cinquante ans de recul.
Forestier, en 1925 , met le nouveau plan en conformité avec ce qui a été fait, tout en réser¬
vant l'avenir. Par sa rapidité, la reconstruction n'a pas permis de restructurer la ville. Sou¬
vent menée par des entreprises extérieures, elle n'a pas été le stimulant durable capable de
pallier l'absence de dynamisme des activités traditionnelles.
La brièveté de 1' entre-deux-guerres , la crise des années 1930, la stagnation démographique
d'un peuple qui a perdu ses forces dans les combats et reste privé d'une véritable législation
familiale, expliquent la léthargie rémoise qui n'est pas exceptionnelle. Ces conditions géné¬
rales sont encore aggravées par la situation rémoise.
Dans une région durement touchée par la guerre et déjà largement vidée par l'exode anté¬
rieur, Reims ne peut espérer un afflux de population chsmnpnniço. Les candidats à l'émigration
20

L'idéal de l'entre-deux guerres,


les cités-jardins rarement confortables
et souvent sous équipées du point de
vue des commerces et services
21

sont attirés par les régions proches, le Nord, la Lorraine et Paris, nettement plus dynamiques.
Tandis que ces régions voisines sont entrées dans le capitalisme national, Reims illustre encore
la France bourgeoise et négociante, méfiante à l'égard des grandes entreprises.
Les méfaits de la criseauxUSA et en Allemagne confortent la bourgeoisie rémoise sur ses po¬
sitions. Les désinvesti ssements locaux, la constitution de grandes propriétés foncières dans
la Champagne crayeuse, s'expliquent, tout comme la faiblesse des initiatives extérieures, par
la position de Reims et son rôle militaire tant que "l'ennemi héréditaire" est allemand.
Dans cette première moitié du XXe siècle, Reims et la société rémoise changent peu. Le
Congrès de Tours divise à nouveau la classe ouvrière après les espoirs du début du siècle. Il
faut le sursaut de 1936 pour voir la CGT grouper 15 000 syndicalistes.
Reims reste alors une ville radicale, avec à sa tête Paul Marchandeau, soutenu par L'Eolai-
reur de l'Est.
LA DEUXIEME CROISSANCE

A la fin de la Seconde Guerre, les responsables rémois sont unanimes dans leur volonté de
sortir de la crise. Le CEARR — Comité d'étude et d'aménagement de la région de Reims, créé en
1943 — se penche sur les problèmes du textile. En 1944, il démontre l'intérêt de réaliser ra¬
pidement un port avec embranchements ferroviaires et voies routières.
La Chambre de commerce s'intéresse aux mêmes problèmes : Port Colbert, aéroport, gare rou¬
tière, entrepôts, retiennent son attention dans l'immédiat après-guerre. Aidée par la Munici¬
palité, elle reprend le projet de port, déjà étudié en 1903, dont les travaux ont commencé en
1923 et qui sera réalisé en 1949-50. La ville, associée à la réalisation du port, acquiert à
proximité de celui-ci 67 hectares qui sont l'amorce de la zone industrielle ouest.
Dès 1947, un Comité paritaire du logement, le C0PL0RR, est créé. Il va partager le 1% pa¬
tronal et la construction de logements à Reims avec le Foyer Rémois et un organisme également
nouveau, l'Effort Rémois. Tous les responsables rémois sont donc persuadés que le réveil est
indispensable. Il faut sortir de la crise et les syndicalistes attendent avec impatience les
créations d'emplois. Mais, si la volonté d'expansion est unanime, en revanche son rythme, ses
modalités, ses aspects, révèlent l'opposition entre deux stratégies.
LA STRATEGIE LOCALE : UN DYNAMISME INTERNE, POUR UNE CROISSANCE M0VEREE
Tels sont les objectifs de certains notables patronaux et municipaux. L'étude du CEARR de
1943 avait encore fondé quelque espoir dans la rénovation du textile. Les traditions locales,
l'organisation patronale, le réseau commercial rémois et la proximité de Paris auraient pu fai¬
re de Reims le centre de production et de diffusion des tissus "mode". J. Detré y croyait-il
vraiment ? Le patronat n'a pas perdu tout espoir puisque les établissements Berquet, FTR, Lai-
né, Lelarge, Poullot, Warnier-David et Walbaum créent une caisse de modernisation et mettent
sur pied le plan d'action syndicale de septembre 1954.
En effet, une partie du patronat et notamment de la bourgeoisie du textile, redoute l'ar¬
rivée massive d' entrepri ses extérieures changeant les méthodes de travail et offrant des sa¬
laires plus élevés que les siens. Elle met sur pied des plans d'embauche pour éviter la sur¬
enchère des salaires. Elle craint un bouleversement de l'économie régionale où le textile est
encore important voire prépondérant dans la Vallée de la Suippe. Elle s'inquiète des change¬
ments dans les structures sociales fondées sur des relations familiales et sur un certain pa-
22

ternalisme. Pour elle, les moyens du développement doivent rester essentiellement rémois et elle
proteste dans V Union (décembre 1952) : "Pensez à ceux qui existent, ne favorisez pas inconsi-
dérablement les implantations nouvelles sans vous préoccuper du marasme des entreprises locales
frisant la catastrophe"... C'est bien le sursaut d'une bourgeoisie locale, qui se sent évincée
par le capitalisme d'envergure nationale et multinationale.
Le Plan Camelot, élaboré dans cette période traduit bien les préoccupations de ce groupe.
Au lieu de s'étaler sur 2200 hectares avec la faible densité de 55 habitants par hectares, le
périmètre urbain serait réduit à 1670 hectares, limité par une ceinture verte qui couperait la
ville des communes. Une occupation plus dense de l'espace urbain renforcerait les contacts sus¬
ceptibles de créer une communauté rémoise dont le maire, R. Bride, déplore l'absence. Dans ce
même souci de communauté urbaine, les contrastes des quartiers doivent être atténués par l'é¬
quipement scolaire, sanitaire et social des quartiers populaires et déshérités. A l'intérieur
du périmètre urbain, 700 parcelles vacantes représentant quelques 110 hectares en bordure de
la voirie existante, permettront la construction immédiate de 2500 logements sur Maison Blan¬
che, Wilson, Barthou, Desbureaux, Jacquart, cette réserve foncière donnant le temps d'étudier
la restauration des quartiers vétustés.
L'axe industriel qui va de Cormontreuil à St-Brice-Courcel les avec une branche vers Béthe-
ny, pourra s'étendre au-delà du port Colbert au nord, à proximité de la voie ferrée à l'est,
et éventuellement vers le sud entre la RN 44 et le Canal. L'accueil de nouvelles entreprises
et les transferts d'ateliers disséminés dans l'espace rémois sont jugés souhaitables, ces trans¬
ferts favorisant la restructuration urbaine. La congestion d'une ville densifiée sera évitée
par la construction d'une rocade détournant le transit hors de l'agglomération.
Le recensement de 1954 nous montre bien une croissance rémoise et modérée. La ville a ga¬
gné 8000 habitants depuis 1946, et les communes périphériques 900. Ces dernières, qui groupent
encore moins de 7000 habitants, laissent Reims presque sans banlieues.
Un gain moyen de 1000 habitants par an peut-être considéré comme une croissance lente, ex¬
clusivement fondée sur la reprise de la natalité. Entre les deux recensements, le solde migra¬
toire est resté déficitaire, la ville ayant perdu 1843 personnes par excédent des départs.
Mais l'année 1954 se situe dans les années charnières, entre les deux stratégies de la
croissance. Dans cet après-guerre, le vieux bloc radical, ébranlé par le conflit et privé de
la presse locale, s'effrite rapidement, tout comme éclate la bourgeoisie rémoise où se dessine
une aile expansionniste.
LA STRATEGIE NATIONALE ET INTERNATIONALE : REIMS, VILLE V ACCUEIL
Au moment même où certains Rémois se soucient de donner à la ville une impulsion interne
et tentent de freiner la croissance, d'autres jugent cette stratégie trop timide.
Dans l'espace français, ils perçoivent Reims comme un carrefour privilégié à 150 km et à
moins de deux heures de Paris, à proximité du Nord et de la Lorraine. Dans l'optique du Marché
Commun, ils voient Reims — entre le Bassin de Londres et l'axe rhénan - au centre de la "Ci¬
ble Europe" qui offre 65 000 000 de clients dans un rayon de 350 km. La ville longtemps brimée
par la proximité de Paris et par sa position stratégique est prête désormais à devenir une ter¬
re d'accueil. Maintenant que l'ennemi n'est plus sur le Rhin, elle peut répondre au discours
sur l'aménagement du territoire et sur la décentralisation, après la constatation du déséqui-
23

libre entre Paris et le "désert français". Réponse d'autant plus rapide que le plein emploi n'
est pas assuré et qu'il faut prévoir l'arrivée des classes nombreuses nées après la guerre.
Exception faite de quelques entreprises comme la PUM ou la société nouvelle des avions Max
Holste, qui créent des emplois, les entreprises rémoises manquent de dynamisme. Le champagne,
malgré la progression des ventes, est faiblement créateur d'emplois et le déclin du textile s1
accélère à partir de 1954. Il est difficile de connaître exactement la main d'oeuvre disponible
et la gravité du problème. En mai 1954, 366 chômeurs sont secourus dans la Marne ; comme on ad¬
met à l'époque qu'un chômeur sur cinq est secouru, cela ferait 1830 chômeurs, nombre assez pro¬
che des 1815 demandes d'emplois enregistrées à cette date. Mais au même moment, le recensement
de 1954 révèle 2820 personnes privées de travail dans le département. Pour la seule ville de
Reims, on comptait alors 300 chômeurs secourus et 1500 demandes d'emplois.
De nouvelles entreprises peuvent donc disposer d'une main d'oeuvre disponible, leur arri¬
vée permettra d'assurer le plein emploi. Conord vient dès 1951, mais c'est à partir de 1954 que
ces installations se multiplient. Multifile les laminoirs de Thionville, Eau et Feu, Claude,
arrivent cette année là, A. Martin l'année suivante, Chausson, Thomson, les Compteurs de Mont-
rouge en 1956, Ducancel et Hébert en 1957, année où Timwear prend la place de la Société rémoi¬
se de bonneterie. Le mouvement se ralentit dans dans les années suivantes. A. Martin crée la
SAPRIME en 1959, Parchimy s'installe en 1953.
Non seulement Reims dispose d'une main d'oeuvre industrielle, mais elle offre aussi des
locaux vacants libérés par le textile ce qui facilite l'installation et améliore la rentabili¬
té. Conord occupe la feutrerie Voos, rue Vernoui 1 let' ; Multifil remplace Mortier Gaignot, rue
Clovis ; Masson, rue Lesage reçoit Eau et Feu ; rue Gosset, les Compteurs de Montrouge s'ins¬
tallent chez Paindavoine ; Lelarge, boulevard St-Marceaux, héberge Thomson ; la Société des
peignages de Reims devient la SAPRIME ; Poullot, rue M.C. Fourioux, accueille Parchimy. Chaus¬
son est la première entreprise à s'installer en zone industrielle.
Tous les renseignements concordent pour faire du milieu des années 1950 le tournant de la
politique rémoise. Le rythme de la construction s'accélère. Avant 1954, il s'était construit
à Reims moins de 1500 logements ; 503 sont mis en chantier en 1954 et plus de 1000 en 1955 et
en 1956. Lorsque la municipalité et le plan Camelot freinent la construction en ville, les or¬
ganismes constructeurs trouvent à Tinqueux la place nécessaire à un programme de 800 logements.
L'affrontement entre le Foyer Rémois et le maire à propos du futur quartier de l'Europe est ré¬
vélateur des tensions internes et détermine la démission du maire, R. Bride. La bourgeoisie ré¬
moise, soucieuse d'une croissance modérée, est évincée. Les tenants de l'expansion ouverte sur
l'extérieur vont porter J. Taittinger à l'Hôtel de Ville et le plan Rotival va remplacer le
plan Camelot.
En 1956, des contacts étaient déjà établis entre le CEARR et l'urbaniste Rotival ; dès 1958
sur intervention de J. Taittinger, Sudreau, ministre de la construction, choisissait Reims com¬
me champ d'application de la méthode de "planification scientifique" présentée par Rotival.
Après une analyse de base, cet urbaniste posait son diagnostic et proposait cinq "clefs"
au choix du Conseil Municipal :
A - Maintien du Plan Camelot
B - Abandon de tout plan
C - Reims, ville universitaire
D - Reims, ville d'échanges
E - Reims, ville industrielle, plate -forme du Marché Commun.
24

La première clef est déjà cassée car le Foyer Rémois sur le quartier "Europe" et l'Effort
Rémois sur les "Chati 1 Ions" ont déjà des projets très avancés qui débordent le périmètre urbain
fixé par Camelot. La première clef n'est là, tout comme la deuxième, que pour apaiser certains
scrupules. En effet, la loi du 15 juin 1943 faisait de Reims et de 26 communes voisines un grou¬
pement d'urbanisme qui devait avoir un plan d'aménagement. Quant aux autres clefs, leur combi¬
naison est déjà en cours de réalisation. Depuis des siècles, le textile et la Fabrique ont fait
de Reims une ville d'échange ; le champagne, le succursalisme ont renforcé cette tradition né¬
gociante. La mise en place de l'Université est commencée depuis l'ouverture de l 'école des scien¬
ces en 1956, qui est l'embryon de la future Faculté des Sciences. Reims enfin est une ville in¬
dustrielle depuis plus d'un siècle, depuis que les négociants ont choisi la voie de la Fabrica¬
tion, et l'industrie textile a déjà trouvé de si nombreux relais qu'on peut considérer la re¬
conversion industrielle achevée. Logiquement donc, le Conseil Municipal demande, en mars 1961,
la combinaison des trois clefs : Reims ville universitaire, ville d'échanges et ville indus¬
trielle.
A partir de cette "décision", le planificateur poursuit ses études et propose 3 plans de
concept.
1. Développement des fonctions traditionnelles
2. Développement industriel et commercial lié au Marché Commun, avec création d'une uni¬
versité européenne, pour atteindre 200 000 habitants en 1980
3. Développement plus limité de l'industrie et de l'université.
Comme il se doit, le deuxième concept trouve l'approbation qui permet à Rotival l'étude du
plan directeur d'urbanisme, accepté par le Conseil Municipal en 1964.
La conception de la ville, essentiellement fonctionnelle est caractérisée par quatre grands
choix :
. la rénovation du centre parce que celui-ci caractérise et anime une ville.
. l'extension de la ville par la création de grands ensembles, Orgeval au Nord, Europe à
l'Est, Chatillons et Croix-Rouge au Sud.
. l'aménagement de zones industrielles dans l'axe du canal au Nord-Ouest et au Sud-Est de
la vil le.
. un distributeur urbain, qui doit améliorer les relations dans l'agglomération.
4 Jusqu'en 1974, l'argument de base de Rotival n'est pas contesté et la croissance de Reims,
ville d'accueil, se réalise malgré les lacunes et les grincements. Les ZUP sortent de terre,
le distributeur urbain greffé sur l'autoroute A 4 sera inauguré en 1976, les zones industriel¬
les existent, la poussée démographique s'est accélérée,
Avant 1954, le gain moyen annuel était de 1000 habitants ; il dépasse 2000 entre 1954 et
1962 et approche 4000 après 1962. A ce rythme, on peut rêver... En 20 ans, les communes péri¬
phériques voient presque tripler leur population. Tinqueux d'abord, La Neuvillette ensuite,
puis Cormontreui 1 , Bétheny et St-Brice-Courcelle, prennent des caractères de banlieue, tandis
que La Neuvillette accepte la fusion avec la ville. Le solde migratoire était négatif avant
1954, mais ensuite l'excédent des arrivées sur les départs laisse un solde positif de 7500 ha¬
bitants entre 1854 et 1962, et de 14 700 personnes entre 1962 et 1968. Reims est devenue la
ville attractive où le solde migratoire représente 41% puis 61 t de la croissance démographi¬
que entre ces recensements.
25

Après plus d'un demi-siècle de langueur et de crise, la croissance est indubitable, mais il
convient d'en analyser les processus et les résultats.

PLAN ROTIVAL 1963


26

CHAPITRE 2

REIMS, CENTRE RÉGiONAL ET CARREFOUR EUROPÉEN

UNE POLITIQUE D'ACCUEIL

Les premières réussites de l'expansion rémoise, au milieu des années 1950, reposent sur
trois éléments : la présence de main d'oeuvre disponible, l'existence de locaux vacants, la
proximité de Paris. Même en tenant compte du carrefour potentiel, il est évident que ces élé¬
ments n'étaient pas susceptibles de nourrir une croissance durable. Pour entretenir 1, 'expan¬
sion dans le cadre d'une économie libérale, les responsables rémois ont choisi d'améliorer le
pouvoir d'attraction de la ville et ont fondé leur politique d'accueil sur quatre éléments
complémentaires : le logement, les équipements, la formation, la défense d'une image de marque.
LE LOGEMENT, ELEMENT VU WNAM1SME URBAIN
Après la première guerre, Reims est rapidement relevée de ses ruines mais bientôt le ry¬
thme de la construction faiblit. La loi Loucheur (1928) n'est pas un stimulant efficace et on
ne bâtit presque plus après 1931. Cette carence explique l'ampleur des besoins qui augmentent
jusqu'en 1954.
fe-6 be.Ao-ln-6 csiiantA
A cette date, le recensement de la population et une enquête de l'INSEE permettent de fai¬
re le point. Sur 37 500 logements, 35 600 disposent de l'électricité, 32 500 ont l'eau couran¬
te. Mais seulement 15 400 ont des WC dans l'appartement, moins de 6 000 ont soit un lavabo, u-
ne douche ou une baignoire ; 4 600 seulement sont équipés du chauffage central.
2240 ménages de 3 personnes et plus vivent dans 1 pièce.
2823 " 4 "2 pièces.
1072 " 6 " "3 pièces.
376 m 7 i » 4 pièces.
Malgré les besoins que révèle cette enquête, elle conclut seulement à la nécessité de 3700
logements en première urgence et autant en deuxième urgence, c'est-à-dire pour 1965. La modes¬
tie de ces évaluations peut surprendre, mais nous sommes à l'époque où les responsables rémois
sont partagés, les expansionnistes n'étant pas encore majoritaires.
Dans ce domaine, le CEARR et le Foyer Rémois - avec P. Voisin — vont jouer un rôle déter¬
minant en insistant sur l'urgence et l'importance des besoins. En effet, malgré la reconstruc¬
tion récente, de nombreux logements sont vétustés et dépourvus de confort. Les besoins doivent
prendre en compte la fréquence du surpeuplement qui frappe 18% des logements, la reprise de la
natalité et le patrimoine à reconstituer. En outre, de bonnes conditions de logement retien¬
dront et attireront la main d'oeuvre ; la présence de main d'oeuvre étant un élément favorable
à l'installation de nouvelles entreprises, la politique du logement doit s'inscrire comme un
facteur d'expansion.
27

fe-6 opésiationé u-ie-ô au choix de-i ZUP


Jusqu'en 1954, le rythme de la construction est lent et il ne s'agit que de petites opé¬
rations diffuses dans la ville. A partir de 1954, les programmes prennent de l'envergure :
l'OPHLM lance ses constructions des rues de Louvois et Paul -Vai 1 1 ant-Couturier qui atteindront
790 et 153 logements, le Foyer Rémois a deux programmes de 193 et 327 logements Boulevard
Henri-Vasnier et rue de Cernay, tandis que l'Effort Rémois entreprend 282 logements rue Jac-
quart. Ces deux maîtres d'oeuvre vont réaliser Wilson qui avec 1500 logements, est le premier
grand ensemble rémois. Les réticences municipales et le plan Camelot, qui limite le périmètre
urbain, freinent la construction, mais déjà le quartier de l'Europe est en gestation au Foyer
Rémois et l'Effort Rémois prépare "les Chatillons". En 1958-59, les expansionnistes triomphent
et Reims joue désormais la carte de la croissance.
Le rythme de la. construction à Reims
Période Nombre de. logements construits annuel
Moyennele
1948-54 1 367 195
1955-57 2 304 768
1958-64 7 309 1 057
1965-69 13 211 2 642
Le plan Rotival est là pour légaliser les nouvelles options dans le cadre de ce que, sans
doute, on appelle la planification scientifique. Les ZUP d'Orgeval (2400 logements), de l'Euro¬
pe (2000 logements), des Chatillons (3000 logements) et de Croix Rouge (15 000 logements dans
les 3 îlots universitai re, administratif et du Val de Murigny, sans oublier la "rénovation" du
quartier Saint-Rémi, permettent d'envisager le rythme de 3000 logements par an.
V<n> maZtAe.-6 d' omvna pu-iô6ant6 muLs contzAtêà
Le dynamisme de la construction tient sans doute à la conjonction de multiples facteurs.
Reims dispose d'espaces peu accidentés et facilement aménageables malgré les surprises que ré¬
serve un sous-sol tourmenté par l'histoire. La propriété foncière ne connaît pas le morcelle¬
ment qui favorise souvent les banlieues pavillonnaires. Les contraintes comme le respect des
perspectives sur la cathédrale et la basilique St-Rémi sont rares et rarement respectées. Seu¬
le la zone de bruit et de balisage de l'aéroport de Courcy constitue un handicap majeur qui
bloque le développement de la ville et des communes voisines au Nord. Un aéroport de cette im¬
portance stratégique a-t-il sa place à proximité d'une ville ? La municipalité rémoise ne se
pose pas cette question.
Si nous passons sous silence la législation qui n'est pas spécifique à Reims, il semble
bien que la puissance des sociétés d' H.L.M. soit un facteur décisif de la politique du logement.
L'OPHLM, créé en 1921, a bénéficié de l'élan de solidarité nationale après 1918, qui lui
a permis d'acquérir les 30 hectares de "Maison Blanche". Depuis cette date, la situation du
secteur public s'est dégradée et, faute de moyens, l'OPHLM ne dispose que d'une vingtaine d'
hectares dont trois seulement à Reims. Créé par l'industriel verrier G. Charbonneaux en 1912,
le Foyer Rémois est une société anonyme d'H.L.M., sans but lucratif, qui s'apparente aux ini¬
tiatives sociales du patronat rémois. Quant à l'Effort rémois, il est né en 1947 de la créa¬
tion du Comité paritaire du 1ogement de la région de Reims ou C.O.P.L.O.R.R. Ces deux sociétés
se partagent la taxe de 0,9% sur les salaires "le 1% patronal". Le C.O.P.L.O.R.R, en perçoit
28

les deux tiers, le Foyer Rémois un quart, le douzième restant étant partagé entre la Chambre de
Commerce, la Société Civile Immobilière, la Société d'H.L.M. Champagne Ardenne et 1 'O.P. H.L.M.
Les deux grands maîtres d'oeuvre, Effort et Foyer rémois, ont créé la SOFOC - Société fon¬
cière champenoise - avec la Chambre de commerce et la SAFER ; cette société leur a permis l'a¬
chat de terres sans poser de graves problèmes aux agricul teurs . Jusqu'à une date récente, la
reinstallation des agriculteurs évincés par la croissance urbaine pouvait se faire facilement
dans la Champagne crayeuse qui offrait de vastes savarts et pinèdes aux défricheurs. Grâce à
leurs réserves foncières (121 ha pour l'Effort, 226 ha pour le Foyer en 1970) et à leur puis¬
sance financière, ces deux sociétés ont pu concevoir et promouvoir, chacune de leur côté, les
deux quartiers de l'Europe et des Châtillons.
En fait, les trois sociétés de H.L.M. se partagent l'essentiel ,de la construction rémoise
dans les grands ensembles.
L'O.P.H.L.M. manque de moyens et souffre de la faiblesse de ses attributions. Celles-ci
n'ont dépassé 350 logements par an qu'en 1955 et en 1967, lors de l'attribution d'un program¬
me de 2000 logements sur Croix-Rouge Université. Pourtant, le nombre des demandes de logements
a 1 'O.P. H.L.M. a longtemps oscillé autour de 4000 et se situe encore à 2000 en 1975. C'est le
triste lot réservé au secteur public et qui n'est pas propre au seul logement.
Jusqu'en 1975, le partage fut plus équitable entre le Fcyer et l'Effort, mais la position
de ce dernier semble se détériorer. D'ailleurs les deux sociétés ne mènent pas exactement la
même politique. Tandis que le Foyer rémois et sa filiale la Société civile immobilière se can¬
tonnent dans le financement et la construction, l'Effort rémois et les filiales du C0PL0RR se
préoccupent plus de gestion et d'animation de quartier. C'est le fruit d'un comité paritaire
où se côtoient patrons et syndicalistes.
Quoique le besoin ne s'en fasse pas impérativement sentir à Reims, puisque les sociétés
de H.L.M. avaient prouvé leur capacité à promouvoir totalement les grands ensembles, un autre
acteur est apparu sur la scène rémoise en 1960. Née à l'initiative de la municipalité, la So¬
ciété d'équipement de la Marne avait pour vocation l'aménagement des ZUP. Cette société d'éco¬
nomie mixte dans laquelle la S.C.E.T. (Société centrale pour l'équipement du territoire, fi¬
liale technique de la Caisse des Dépôts et Consignation) tient un rôle prépondérant , est in¬
tervenu à Orgeval puis à Croix-Rouge, Après les grands travaux et V.R.D. , elle attribue les
terrains aux différents bâtisseurs. Elle a étendu son champ d'activité à la Haute-Marne, deve¬
nant alors Société d'équipement des deux Marnes (S.E.D.M.A.) et à d'autres domaines que les
ZUP. La rénovation — en fait la destruction et la reconstruction - du quartier St-Rémi et la
construction du pont Hincmar lui furent confié. Par l'intermédiaire de la S.C.I.C. — une autre
filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations -, elle commercialise des parcelles, des cel¬
lules commerciales, des pavillons. En fait la S.E.D.M.A. est un écran commode entre les par¬
ticuliers, les sociétés de construction et la Municipalité, et elle constitue également le
moyen de faire payer l'aménagement et les V.R.D, aux futurs occupants des ZUP.
29

À--3f ifiËsiii

La ZUP Laori-Neufchâtel (extrait du DES Gentil B.)


Le tfvLompkz. du Social
De 1962 à 1968, les autorisations de programme supérieures à 10 logements représentent
20 103 logements à Reims. Sur ce nombre assez grand pour avoir une signification et permettre
des comparaisons avec d'autres villes, 17 063 sont en immeubles collectifs, soit 84,9% ; 73,9%
c'est-à-dire 14 857, sont destinées à la location et 54%, soit 10 848, sont des H.L.M.
Les caractères du logement dans les villes de la Couronne
Caractères Reims Amiens Caen Le Havre Le Mans Orléans Rouen Tours Troyes
Collectifs 84,9 83,9 85,9 85,2 76,7 81,5 j00 86,0 85,7
H.L.M. 54,0 52,8 35,0 58,2 44, 1 31,0 47,6 38,7 42,4
Locations 73,9 67,0 51 ,5 57,0 44,9 46,0 69,0 53,3 59,0
non aidés 6,1 7,9 13,9 14, 1 20,2 18,3 6,5 19,8 2,8
Entre les deux guerres, imitant le modèle anglais, Reims ville "basse" avait construit
des ci tés-jardins . Après la guerre, comme toutes les autres villes, elle opte pour les immeu¬
bles collectifs dans les grands ensembles, plus favorables à la fabrication en série sinon à
1 industrial i sation.
'

Reims se distingue surtout par la forte proportion de logements "aidés", H.L.M. ou non,
et par le taux des logements loués. Ces caractères tiennent sans doute au dynamisme des maîtres
d'oeuvre locaux, mais ils tiennent également à la modestie des revenus, Reims restant une ville
d'ouvriers, d'employés et de cadres moyens. Le taux de logement locatif est en outre le résul¬
tat de la mobilité d'une population récemment rémoise, qui hésite à s'ancrer par l'accession à
la propriété dans une agglomération où elle se considère en transit.
Mais ces caractères ne sont pas identiques sur l'ensemble de la ville.
30

Les nouveaux quartiers


populaires : les Z.U.P.
photo Georges Colin

Orgeval
plus populaire
plus modeste

Les Châtillons
une tentative de quartier

111mÊÊÊÊÈÊËÊÊKÉ

1. . . photo . Georges Colin
Europe, mieux équilibrée

Croi x-Rouqe
encore en chantier
vers 1 entassement
'
31

La construction à Reims de 1962 à 1970


Lieu de Construction Nombre de logements _ H.L.M._ _Locatifs
Nombre % Nombre %
Diffus en tissu
urbain 9 598 2 787 29 6 220 65
St-Rémi 2 500 545 23,5 1 395 60
ZUP 13 87 2 12 000 86 12 225_ 87
Ce tableau montre clairement la ségrégation spatiale fondée sur les règles administrati¬
ves et les différences de revenus. Les ZUP périphériques , qui comptent 87% de logements loca¬
tifs et 86 % de H.L.M.» sont les nouveaux quartiers populaires de Reims. Là, les maîtres d'ou¬
vrages restent les sociétés locales qui ont construits 86% des logements.
Attribution de programme
ZUP Nombre de 0 P H L M Effort Foyer Total des
logements 3 sociétés
Orgeval 2 391 438 852 764 2 054
Europe 1 973 1 893 1 893
Châtillons 3 113 2 807 2 807
Croix Rouge Université 2 582 1 929 161 91 2 181
Croix Rouge administratif 3 813 1 077 2 010 3 087
Total 13 872 2 367 4 897 4 758 12 022
La reconstruction du quartier ouvrier de St-Rémi est expressive de la volonté de ségréga¬
tion sociale et d'élimination des ouvriers d'un centre dont on veut affirmer les caractères.
Seul le Foyer Rémois a obtenu 545 logements, les autres étant laissés à la promotion privée.
Les promoteurs ont souvent réalisé des immeubles de "standing" dont l'occupation par la vente
ou la location s'avère difficile à cause des prix trop élevés pour les revenus rémois.
Nous retrouvons ces caractères dans la ville proprement dite. D'abord présentes grâce à
leurs réserves foncières* les sociétés locales s'effacent progressivement devant les promoteurs
privés. Le tissu urbain devient le terrain de CEI, SEFAC-PROMOBA, PROTECO, SECINOR, COGETEC,
SETI, SINVIM, SOFA, sociétés dirigées Messieurs Allonsiers, Arrondelle, Sirault, Cuisinier...
Malgré la persistance de problèmes sociaux, on peut considérer que la construction à
Reims a permis de faire face aux plus criants besoins. Même dans les ZUP, la majorité des ha¬
bitants, d'après tous les sondages d'opinions, semblent satisfaits de leur logement, ce qui té¬
moigne au moins de la vétusté, de 1' inconfort des logements antérieurs.
La volonté d'anticipation sur la croissance a porté ses fruits dans la période d'expan¬
sion et a permis d'accueillir les nouveaux Rémois. Employant plus de 8 000 salariés, le bâti¬
ment est devenu la deuxième branche d'activité après la métallurgie.
La politique du logement a donc bien contribué à la croissance rémoise, mais le logement
n'est qu'un aspect très limitatif de la vie urbaine et cette politique du logement a-t-elle
réussi à faire une ville ?
LES EQUIPEMENTS
Pour inciter les créateurs d'emplois à-choisir Reims pour leurs futures installations, le
deuxième volet de la politique d'accueil est la réalisation d'équipements.
Le.A aÂJizt, d' ac.tÂ.vÂ.të.6
La première initiative concernant une zone industrielle fut l'achat par la Municipalité
32

Les nouvelles zones


i ndustrielles

La ZISE, de 1 espace

1
encore disponible,
surtout pour le ter¬
tiaire. . . .
isi

photo Georges Colin

La zone industrielle
nord ouest à 1 assaut
'

des jardins ouvriers


J photo Otude Dumcnii
33

de 67 hectares au nord du port Colbert. Dès 1960, la totalité de la surface utile était occu¬
pée ou sans option. A partir de cette date, le plus souvent, c'est la Chambre de Commerce et
d'Industrie de Reims (CCIR) qui est maître d'ouvrage.
En 1961, elle prend en charge la réalisation de la zone industrielle sud-est ( Z ISE ) dont
l'origine est un achat de 50 hectares par General Motors. En 1963, elle entreprend d'aménager
115 hectares supplémentaires au nord du port Colbert, la zone industrielle ouest (ZIW). Ces
deux grandes ZI couvrent chacune plus de 200 hectares et des extensions demeurent possibles.
Celle du SE à cause de la présence de la nappe d'eau qui alimente partiellement Reims est in¬
terdite aux industries polluantes ou grosses consommatrices d'eau, mais toutes deux bénéficient
des mêmes équipements. Elles sont desservies par la route, la voie ferrée et le canal. L'ali¬
mentation en eau potable est assurée et la nappe sous jacente fournit l'eau industrielle. Un
réseau de type séparatif évacue les eaux usées. Les branchements telex et téléphone automati¬
que se font sans problèmes particuliers.
Reims dispose, d'autre part, de zones artisanales plus petites sur Tinqueux et Cormontreuil
à l'ouest, à proximité de Witry et de Bétheny à l'est, et un projet municipal de zone artisa¬
nale se dessine à La Neuvillette.
Le terrain municipal des Essillards, une ancienne aire de sports de 50 hectares a été
consacré à l'accueil des activités tertiaires, choix qui a été justifie par la proximité de
la Faculté des Sciences, de l'IUT et de la ZISE, ainsi que par les facilités d'accès au centre.
Sur cette zone d'activité tertiaire, la Maison des Agriculteurs et l'Hôtel Mercure se trouvent
encore très isolés. Les surfaces de bureau du centre ville et les terrains prévus également
sur Croix Rouge administratif sont autant de concurrents pour les Essillards.
En vingt ans, Reims a équipé plus de 500 hectares pour l'accueil des activités tertiaires
et industrielles. La présence d'une usine-relais pouvant être louée jusqu'à la construction
des bâtiments définitifs, l'existence de la Société Champex, sont le but d'aplanir les diffi¬
cultés de financement des entreprises témoignent également de la volonté d'accueil et de l'am¬
pleur des espoirs rémois.
La valofuucction du coaazoua
Théoriquement, sur une carte à petite échelle, Reims jouit d'une situation enviable entre
les grands foyers d'activités français et européens, mais ce carrefour potentiel souffre de
nombreuses déficiences.
Reims est à l'écart des grands flux de transit qui traversent la région. Entre le Nord
et la Lorraine, la voie ferrée Valenciennes-Thionville, première ligne électrifiée en France,
supporte un fort tonnage qui a permis le maintien de la métallurgie ardennaise. La liaison Pa¬
ris-Est se fait par le canal de la Marne au Rhin et la voie ferrée Pari s-Strasbourg qui emprun¬
tent la vallée de la Marne, ou par la RN 4 qui traverse le "désert champenois" entre Sézanne
et Vitry le François.
Le canal de l'Aisne à la Marne, ouvert aux péniches de 280 tonnes seulement, subit de
nombreuses interruptions de trafic à cause de sa vétusté et des difficultés de son approvi¬
sionnement en eau. Il arrive à saturation avec un trafic annuel de 2 000 000 de tonnes dont
700 000 pour Reims. La réalisation du port Colbert, l'extension des quais depuis 1950, ne sont
pas suffisants pour faire de Reims un grand port intérieur. Reims n'est situé que sur l'axe
34

Dunkeraue MLLANDE RUHR


Gand
[Bruxelles
Cologne

,
Lille Liège Vv

Francfort
Amiens
Charleville
uxembqurg Mannheim

'eims Metz

Paris 'tpernay .Châlons,


fancy
Strasbourg

iChaumont,

'Bale

Dijon

EU

Lyon 25 50 75 km

La situation de Reims et de la région Champagne-Ardenne


1. Plus de 100 habitants au km2.- 2. Voie ferrée importante.- 3. Autoroute.
35

Calais-Dijon, aussi mal équipé que la majorité des transversales françaises puisque tous nos
réseaux convergent vers Paris. Les lenteurs de la circulation ferroviaire ont reporté l'essen¬
tiel du trafic sur la RN 44, une des voies les plus encombrées par les poids lourds.
Située à l'écart des grands flux nationaux du Nord-Est, Reims est également mal placée
dans la région-programme et le carrefour rémois reste essentiellement routier.
Entre la Manche et la Lorraine, Reims pouvait devenir un carrefour, dans la mesure où les
ports — et particul ièrement Le Havre — veulent conquérir un arrière-pays au-delà de Paris, et
si les Lorrains ne désirent pas être tributaires du seul tracé Marseille-Rotterdam. Mais les
travaux du Comité d'aménagement, de modernisation et d'équipement du Nord-Est, n'ont pas dé¬
bouché sur une nouvelle stratégie.
Parce que les intérêts de l'Aisne, des Ardennes et de la Marne sont communs jusqu'à Berry-
au-Bac, le vieux projet de liaison Seine-Est vient buter là comme un cul-de-sac. Au delà, il
faut choisir ses alliés et définir un tracé vers les Ardennes et la Lorraine du Nord ou vers
la Marne et la Lorraine du Sud. Les atermoiements de Reims laissent le projet dormir dans les
tiroirs tandis que s'organise la liaison européenne Rotterdam-Marseille. Reims et Le Havre se
croient-ils capables de réaliser plus tard une capture de trafic ?
Le projet de voie ferrée Paris-Est, pour trains à très grande vitesse (TTGV), est encore
moins avancé. Seule la liaison ferroviaire Paris-Reims est correcte avec 9 dessertes journaliè¬
res.
Finalement l'essentiel des efforts porte sur le réseau routier. Les routes sont élargies
à 3 et 4 voies et sont progressi vemerlt mises hors gel. Mais surtout, l'autoroute A4 sera inau¬
gurée en 1976. Dans la traversée de la ville, l'autoroute tiendra lieu du distributeur urbain
prévu par Rotival. L'autoroute A 26, déviera le transit hors de l'agglomération et fera de Reims
un carrefour autoroutier dans un avenir plus ou moins lointain. Malgré les péages, malgré le
prix croissant des transports routiers, ce carrefour sera-t-il une stimulation efficace pour
l'économie rémoise ? Les notables rémois semblent y croire et depuis 10 ans déjà, vendent ce
carrefour qui au mieux sera réalisé dans une dizaine d'années.
La politique des transports, au lieu d'aboutir à une réorganisation des flux, n'a fait
que renforcer les liens entre Paris et Reims, sans remédier aux faiblesses de ce carrefour à
peine régional. N'est-ce pas en contradiction avec les discours sur la décentralisation ?
Ces carences des transports terrestres n'empêchent pas les milieux économiques rémois de
se préoccuper des transports aériens. La présence du terrain militaire de Courcy a permis la
création d'Air Champagne-Ardenne qui a deux liaisons quotidiennes Reims-Lyon et, depuis 1974,
une liaison quotidienne Reims-Londres, Reims-Francfort étant à l'étude. La présence de Reims-
Aviation, producteur d'avion CESSNA à Prunay, a justifié la création d'un petit aéroport où
les civils rêvent de s'installer avec l'aide des collectivités locales. Mais depuis qu'Air
Champagne-Ardenne est devenu filiale d'Air Alpes, elle-même filiale d'Air-Inter, la société
a perdu de sa signification régionale et l'appui des collectivités locales n'est plus assuré.
La présence de la base militaire, bénéficiant d'un équipement complet qui en fait un aéroport
de dégagement pour les installations parisiennes, justifie difficilement des investissements
à Prunay.
36

LA FORMATION
Entre Paris, Dijon et Nancy, la France du Nord-Est était un désert universitaire. Dépen¬
dant de l'Académie de Paris, Reims n'avait gardé de son ancienne université créée en 1548 qu

'
une Ecole de médecine.
Le désir de renaissance uni versitaire apparaît clairement dans les procès verbaux du
CEARR. Lors des 66 réunions qu'il tient entre 1955 et 1958, cette question est abordée 62 fois
ce qui permet d'analyser les multiples objectifs poursuivis.
L'Université affirmera la vocation de Reims comme centre régional puisque la ville sera
en mesure d'assurer un service pour lequel les étudiants champenois devaient nécessairement
quitter la région.
L'enseignement supérieur, moyen de promotion individuelle, stimulera également l'expan¬
sion. En effet, la présence de personnel hautement qualifié est susceptible d'attirer de nou¬
veaux créateurs d'emplois ayant besoin d'un bon encadrement ou de relations avec l'enseigne¬
ment supérieur et la recherche.
L'université est donc considérée à juste titre comme un élément de la politique d'attrac¬
tion et son implantation dans le quartier Saint-Remi devrait contribuer à l'animation d'une
ville qui somnole encore comme une sous-préfecture. A cette époque, on rêve même d'une univer¬
sité européenne.
Une Ecole de Sciences, sous la tutelle de la Faculté de Paris, est ouverte en 1956 et,
progressi vement, les établissements rémois se multiplient puis s'émancipent des facultés mères
de Paris, Lille et Nancy.
L'Académie de Reims est créée en 1962 et la ville accueille alors le rectorat qui perd le
contrôle de l'Aisne lorsque ce département est rattaché à l'Académie d'Amiens.
La ville dispose actuellement d'une université quasi-complète avec l'Institut Universi¬
taire de Technologie, l'Ecole dentaire qui va devenir U.E.R. comme celles de Sciences, de
Droit, de Lettres, de Pharmacie et Médecine.
Une école supérieure de commerce, un centre régional d'éducation physique et sportive,
un conservatoire de musique, une école régionale des Beaux Arts, complètent cette organisation
dont il serait fastidieux de signaler tous les autres aspects comme, par exemple, les cours du
C.N.A.M. et du P.R.O.D.E.M. (Centre de productivité de la Marne).
Certes, les ambitions d'université européenne ont été largement déçues. La municipalité
a préféré disperser les U.E.R. à la périphérie de la ville plutôt que de les installer à St-
Rémi . I.U.T. et Sciences sont au Moulin de la Housse, Lettres et Droit, sont à Croix-Rouge U-
niversité, Pharmacie Dentaire et Médecine sont à proximité du Centre hospitalier régional.
Pour de multiples raisons , les étudiants ont été jugés indésirables en ville mais on n'a pas
réalisé un véritable campus au moment où ils étaient pourtant à la mode.
Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner des faibles relations entre la ville et
l'université, la méfiance étant restée de rigueur. Quant aux liens entre l'enseignement supé¬
rieur et les entreprises, ils restent à l'état embryonnaire : seules les entreprises Boehrin-
ger et I.C.I. Pharma semblent décidées à développer leurs contacts avec 1 'U.E.R. de Pharmacie.
UNE IMAGE VE MARQUE
Reims c'est tantôt la ville martyre, tantôt la Cathédrale des sacres ou bien la ville du
Champagne. Mais pour être attractive, une ville doit sortir de ces clichés qui n'attirent pas
37

plus que le nougat à Montélimar ou Jeanne d'Arc à Vaucouleurs. Les responsables locaux essaient
d'imposer une image de marque qui tourne autour de deux thèmes : Reims, centre régional, est é-
galement une ville où il fait bon vivre.
Un cmtAU siêg-conal
Dans la hiérarchie de nos villes administratives qui va du chef-lieu de canton à la capi¬
tale, Reims a toujours souffert de son rang de sous-préfecture. Le rayonnement de la ville par
le textile, le succursalisme, le champagne, la presse, etc..., déborde largement les limites
de 1 arrondissement mais la préfecture est à Châlons.
'

La création de la région-programme fut pour Reims l'occasion d'étoffer ses fonctions "ré¬
gionales". Elle a saisi non pas des services administratifs proprement dit, mais un certain
nombre de services régionaux à caractère social et économique dont la présence n'est pas dé¬
pourvue d'intérêt pour la population et pour un éventuel investisseur. Dans le domaine agrico¬
le, la Mutualité, 1 'A.D.A.S. E.A. , la S.A.F.E.R., sont à Reims ; dans le domaine social, la
C.A.F., la Caisse primaire d'assurance-maladie de la Marne, 1 'U.R.S.S.A.F. , l'A.S.S.E.D. I .C. ;
dans le domaine judiciaire, la Cour d'Appel ; bon nombre de directions régionales dont celles
de 1 I.N.S.E.E. , d' E. D.F.-G.D.F. , de la S.N.C.F., des Douanes ; le bureau régional de frêt, la
'

délégation régionale des Charbonnages de France, la station régionale de Radio-Télévision, le


Centre régional d'information des impôts. La présence de ces services est un ëlémentdela stra¬
tégie rémoise dont une des pièces maitresses est l'Université.
Régional est à Reims 1' "adjectif" qui s'impose. Le mythe de la ville "au service de la
région" est soigneusement entretenu, car il permet d'obtenir les subventions du Conseil géné¬
ral et du Conseil régional et il atténue la suspicion des campagnes et des villes voisines à
l'égard des volontés hégémoniques de Reims. Le stade d'athlétisme est régional , tout comme la
Maison des sports, et lorsque la municipalité envisage l'achat d'un foyer pour les travailleurs
immigrés, il s'agit d'une maison régionale des travailleurs migrants. Peu importe les ambigui-
tés de l'adjectif qui s'applique souvent au pays rémois, parfois à la Marne, rarement à la ré¬
gion Champagne-Ardenne. Mais les responsables rémois, qui voient leur ville comme une plate¬
forme de l'Europe, n'ont pas ce souci de l'échelle à laquelle ils travaillent. L'idée de carre¬
four européen, qui germe en même temps que l'université, ressurgit de temps à autre . Elle
s'appuie sur la situation de Reims, sur quelques liaisons aériennes, effectives ou prévues,
sur la présence d 'entreprises européennes qui ont réalisé des investissements dans la ville
et qui pourraient en déterminer d'autres à suivre leur exemple. Mais quelle ville, au nord d'
une ligne Le Havre Lyon, ne dispose pas en France des mêmes arguments ?
Que la ville soit dans une région faiblement peuplée, qu'elle se trouve à l'écart des
grands flux nationaux et européens, ne ternit pas l'optimisme des responsables rémois ni leur
volonté d'expansion.
Une vÀJLlu où "Il & ait bon v-cute."
Reims semble associer le dynamisme et la qualité de vie. Le dynamisme, on le constate tous
les jours sur les chantiers des Z.U.P., de l'autoroute, des zones industrielles : Reims est une
vi lie qui bouge. . .
La qualité de la vie est illustrée par les équipements, comme la piscine-patinoire, les
magasins à grande surface, l'université, les écoles... S'il n'y a que deux mètres carrés d'es¬
paces verts par habitant, les Rémois disposeront bientôt du Parc Régional de la Montagne de
38

Reims ; la culture trouve son symbole dans la Maison de la Culture et le Théâtre populaire ani-
mé par Robert Hossein, même si celui-ci monte un de ses spectacles [Le Cuirassé Potemkine) . . .
au Palais des Sports de Paris, ce aui est une autre forme de la décentralisation !

CQHi&ISIII«"¥OyS MINIS? CONNAlSSiZ-VOUSRflMS?


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REIMS. UNg REIMS, UNE
ET DEAUTRE FAÇON DE VIVRE
ET AUTRE FAÇON DE VIVRE
X TRAVAILLER. TRAVAILLER.

Publicités parues dans l'Expansion en avril et mai 1975


LES FAIBLESSES DE L'INDUSTRIE
UNE RECONVERSION APPAREMMENT REUSSIE
Après les privations du temps de guerre, une forte demande relance la production du texti¬
le rémois qui reste une branche forte de l'industrie locale, mais, dès 1950, la récession s'ac¬
célère. En 1951, les établissements Lelarge, Paindavoine et Voos ferment leurs portes ; l'an¬
née suivante c'est le tour de Mortier, Gaignot et Detré ; en 1953, ce sont les filatures du Mont
Dieu et de Carignan, suivies en 1954 par Masson puis F.T.R., Floquet et Walbaum en 1955. Les
Peignages de Reims et Poullot résistent jusque 1959, les Longuaux jusque 1963.
Ces fermetures, accompagnées de licenciements, expliquent le solde migratoire négatif et
les 1500 demandes d'emploi non satisfaites à Reims au début des années 1950. A partir de cette
date, la politique d'accueil semble porter ses fruits et jusqu'en 1957, au même titre que les
autres villes de la couronne, Reims profite de la "décentralisation" parisienne favorisée par
la présence des locaux vacants et de main-d'oeuvre disponible. On note ensuite l'arrivée de
Parchimy en 1963, mais ce mouvement se ralentit. Les créations d'emplois sont alors assurées
par des entreprises étrangères : Boehringer, la Compagnie européenne des thermostats, General
Foods, I.C.I. Pharma, Jungheinrich, Electrolux, peut-être Sony. Pendant deux décennies, c'est
l'euphorie de la croissance ; les zones industrielles s'étendent et sont rapidement occupées
tandis que le plein emploi est assuré. La recouversion est apparemment réussie, puisque Reims
n'a plus de secteur dominant.
39

UN AGREGAT V' ENTREPRISES


Pris dans son sens le plus large, le textile n'emploie que 2500 salariés et 10% de la main-
d'oeuvre industrielle. De la grande époque du textile ne survivent que le tissage Warnier-David
et les deux teintureries Laval et Machuel-Néouze. La bonneterie Tinwear, avec ses 700 salariés,
est le plus grand établissement de la branche, tandis qu'une dizaine d'ateliers employant au to¬
tal 1100 personnes font de la confection. Quinze maisons de champagne, qui sont toutes des en¬
treprises moyennes, emploient 3400 salariés.
Ces deux piliers traditionnels de l'industrie rémoise ne fournissent du travail qu'à moins
d'un quart de la main d'oeuvre industrielle. Ces deux branches impulsaient depuis longtemps des
activités annexes, mais celles-ci ont dû trouver d'autres clients et se reconvertir. Ainsi, 2800
verriers travaillent dans les Verreries mécaniques champenoises et B.S.N., mais seule l'ancien¬
ne verrerie Charbonneaux (B.S.N.) produit des bouteilles, dont une fraction est destinée au
Champagne. Les cartonneries Bowater, Dropsy, la Société rémoise de papeterie, Perez et Meyers,
ont bien d'autres clients que le champagne, de même que les imprimeries Debar, Bourquin et les
Nouvelles Imprimeries Champenoises, la principale entreprise de presse - quant au nombre des
salariés - étant le journal L'Union.

Branches industrielles Nombre> d'établissements


50 salariés Nombre
salariés
de %
Métallurgie mécanique 23 9 ÎOO 36,4
Champagne 15 3 400 12,6
Verrerie 2 2 800 11,2
Textile, confection,
bonneterie 12 2 500 10,0
Chimie, revêtement de
sol 10 2 150 8,6
Electricité 6 1 650 6,6
Presse Edition 4 1 300 5,2
Papier Carton 5 750 4,6
Industries alimentaires 5 750 3,0
Bouchons, bois, ameu-
ment 3 250 1,0
Total 85 25 050 100
Reims n'a donc plus de secteur dominant, comme c'est le cas à Troyes avec la bonneterie
ou à Caen avec la métallurgie. La diversification des activités, déjà commencée avant 1914 et
poursuivie entre les deux guerres, s'est encore accélérée.
La métallurgie, avec 9100 salariés, prend la première place par le nombre des emplois et
ses productions sont d'une extrême variété. La première transformation des métaux est le fait
de la P.U.M., des Forges et Ateliers de Combeplaine et de Tissmétal ; Forgel et A. Martin fa¬
briquent des appareils frigorifiques et ménagers. La production de matériel roulant va des piè¬
ces pour cycles (Laminaires de Thionville-Rigida) aux avions (Reims-Aviation), en passant par
le matériel ferroviaire (Remafer) et les pièces de véhicules routiers (Citroën, Chausson). Il
conviendrait encore d'ajouter la ferronnerie, les constructions métalliques, l'outillage et la
mécanique, les machines diverses, les compteurs Schl umberger . . .
La production de matériel électrique fait travailler 1700 personnes dans une demi douzai¬
ne d'établissements : Marelli, la Société des applications électro-mécaniques (Jeumont-Schnei-
der). Les Cables de Lyon (D.G.E.), Claude (I.T.T.) , la Compagnie européenne des thermostats
(Robertshaw) , les antennes T.O.N.N.A.
40

La chimie, qui occupe 2100 salariés, offre une gamme de productions aussi variées que cel¬
les des autres branches. Henkel produit des détergents, Ducancel et Hébert des engrais, Parchi-
my des cosmétiques. Des produits vétérinaires et Dharmaceutiques sortent de Prolivalt, Boehrin-
ger, I.C.I. Pharma. Matières plastiques et caoutchouc sont travaillés chez Vickers, Eau et Feu,
Resinoplast, auxquels peuvent s'ajouter les revêtements de sol Sarlino,
Le volume et la variété des productions agricoles n'ont pas suffi au développement des in¬
dustries alimentaires. En dehors du Champagne et malgré l'installation de General Foods, elles
ne font travailler que 750 personnes.
Après le marasme lié au déclin de l'industrie textile, tout se passe comme si les respon¬
sables rémois avaient craint la mono-activité considérée comme fragile face à une crise éven¬
tuelle. Pour la même raison et pour éviter semble-t-il une concurrence trop vive au niveau de
l'emploi et des salaires, ils ont redouté le poids d'un grand établissement comme Renault au
Havre ou au Mans, Michelin à Tours, voire Moulinex à Alençon.
Nombre de salariés Nombre d 1 Nombre de
par établissements établissements salarié s
> ÎOOO 3 7 250
500 à 1000 11 7 800
200 à 500 21 7 100
100 à 200 16 2 400
50 à 100 34 2 500
Total 85 25 050
Les Verreries mécaniques et la P.U.M., nées d'initiatives locales, sont, avec Chausson,
les trois usines supérieures à 1000 salariés mais inférieures à 2000, quoique plusieurs firmes
aient sérieusement envisagées d'implanter des usines plus importantes. Ce fut le cas de Ci troën ,
qui avait repris les ateliers de la rue Ernest Renan après l'absorption de Panhard et qui dé¬
sirait créer 5000 emplois à Reims. De même, les laboratoires Hoechst avaient acheté 14 hecta¬
res en Z.I.W., General Motors avait acquis 50 hectares au sud de la ville - cette acquisition
fut à l'origine de la Z.I.S.E. -, tandis que Burda et Amaury envisageaient l'installation d'u¬
ne imprimerie sur 6 hectares. Ces échecs, parmi d'autres, révèlent le souci d'accueiller des
établissements moyens et de diversifier les activités pour se prémunir contre la crise.
Cette prudence parait bien dérisoire en septembre 1975, quand on recense 4000 demandes
d'emploi non satisfaites à Reims. D'ailleurs, la taille de l'établissement intégré dans une
firme a changé de signification.
UNE VEPENVANCE CROISSANTE
Les entreprises nées d'initiatives locales sont de plus en plus investies par des capi¬
taux extérieurs, La bourgeoisie rémoise est évincée par le capitalisme national et multinatio¬
nal .
La verrerie Charbonneaux est passée à B.S.N., la bonneterie rémoise appartient au groupe
Lévy (Timwear-Gi 1 1 ier) , Lu-Brun et Picard-Anga ont remplacé les biscuiteries locales, Curtaud
a pris le contrôle de Laval et D.M.C. celui de Warnier David et Machuel Néouze. La S.A.E.M.
fait partie de Jeumont-Schneider comme Besserot de Besserat dépend de C.D.C.
La pénétration des capitaux étrangers a commencé dès 1928 à la Sarlino, commandé aujourd'¬
hui de Zurich par l'Union Continentale du linoléum. Elle a continué avec Claude devenu Claude,
Paz, Visseaux puis I.T.T., avec Reims Aviation où C.E.S.S.N.A. détient 49% des capitaux, avec
41

Prot racheté par Bowater, avec Dropsy et la Société rémoise de papeterie appartenant pour 98%
à Cotelle, Fouché, Lesieur puis Henkel , avec Debar contrôlé par Mordon Pack Inc., avec Mumm
investi par Seagram.
A cette arrivée de capitaux extérieurs, il faut ajouter les nouvelles installations in¬
dustrielles, déjà signalées, pour se rendre compte de la faiblesse des initiatives rémoises.
Les sociétés multinationales contrôlent totalement 15 établissements employant 5 100 salariés
sans compter les participations dans Reims-Aviation, Mumm, ou la P.U.M. Les sociétés françai¬
ses Chausson, Citroën, S. G. F., C.G.E., B.S.N., Schl umberger, Lêvy-Timwear , Lu-Brun, D.M.C.,
etc., emploient 8600 salariés dans 23 établissements, sans compter les participations dans les
Verreries mécaniques, les champagnes Krug Lanson Heidsieck... Au delà de 300 salariés, excep¬
tion faite du journal L'Union et de quelques rares maisons de champagne, il ne reste rien de
strictement rémois.
La présence de capitaux extérieurs ne signifie pas que les décisions concernant l'établis¬
sement sont toujours imposées de Paris, de Turin, de Zurich ou de Londres, mais c'est le cas
le plus fréquent. Seulement trois sociétés - les Forges et Ateliers de Combeplaine, Parchimy
et Boehringer- ont établi leur siège social à Reims. Parfois, la direction rémoise jouit d'une
certaine autonomie : c'est le cas d'A. Martin ou de Reims-Aviation. Mais le plus souvent, Reims
n'accueille que des ateliers de fabrication totalement dépendant d'une politique de firme dé¬
terminée hors de la ville et sans souci des problèmes locaux. La dégradation de Sarlino est
particulièrement expressive de ces problèmes. Cette entreprise rémoise a d'abord vu le départ
de son siège social, puis l'abandon de la recherche, et maintenant la fabrication elle-même
est menacée : Sarlino risque bientôt de ne plus être qu'un entrepôt de l'Union continentale de
1 inoléum.
La présence de nombreux ateliers petits et moyens, la diversité des branches et des pro¬
ductions, la présence des grands noms de l'industrie mondiale, ne sont pas — comme se plaisent
à le répéter certains responsables rémois - les garants du dynamisme et du plein emploi. La
diversification, c'est aussi la multiplication des risqués et cela d'autant plus que les éta¬
blissement rémois sont petits comparativement à l'échelle des firmes nationales et multinatio¬
nales. L'exemple de Boussac abandonnant ses ateliers normands éclaire bien le danger déjà vécu
à Reims avec Thomson, Singer ou la S.A.F.R.. Thomson employait 120 personnes dans son atelier
rémois : pour cette société de 33 000 salariés, cela ne représentait que quatre millièmes de
la main d'oeuvre, dont le licenciement n'a posé aucun problème à la firme lorsqu'elle a déci¬
dé d'abandonner Reims. Les usines de Marelli, des Laminoirs de Thionville, de Sarlino, se
trouvent aujourd'hui dans une situation assez voisine et la menace reste constante.
Le poids des investissements, la qualification professionnelle pour des productions à
haute valeur ajoutée, pourraient être des éléments de fixation sur place et de stabilité mais
ce sont des cas exceptionnels à Reims. La reprise fréquente d'anciens locaux industriels et
la faible technicité ont souvent limité les investissements ; ni la chimie, ni l'électricité,
pourtant considérées comme des secteurs de pointe, n'ont valorisé la qualification profession¬
nelle.
UNE FAIBLE QUALIFICATION PROFESSIONNELLE
Une étude réalisée par E. Nicolas-Butruille, a partir du fichier de 57 établissements,
atteste de la faible qualification des emplois offerts,
42

% d'ouvriers OS + OQ Ouvriers qualifiés Ouvriers spécialisés


Reims France Diff . Reims F rance R .F . Re ims France R . F .
R,.F.
Chimie, revêtement de
sol 72,6 57, 1 + 15,5 21,9 26,7 - 4,8 50,7 30,4 +20,3
Electricité 80,5 63,2 + 17,3 15,6 24,8 - 9,2 64,9 38,4 + 26,5

1 ] ;
Industrie mécanique 80,4 69,2 + 11,2 30,8 35,4 - 4,6 49,5 33,7 + 15,8
Première transformation
des matériaux 73,3 71 ,8 + 1 ,4 37,6 35,0 + 2,5 37 ,7 36,8 - 1,1
Constructions métal. 73, 1 71 ,0 + 2, 1 19,8 28,9 - 9,0 53,9 42, 1 + 11,7
Verreries 83,6 73,9 + 9,7 25,0 41,2 16,1 58,5 32,7 +25,8
Papier - Carton 81,2 75,9 + 5,2 28,0 27,6 + 0,3 53,2 48,2 + 4,9
Presse - édition 65,5 61 ,0 + 4,5 53,3 41,6 + 11,6 12,1 19,3 " 7,1
Textile - Confection 88,3 81,7 + 6,6 51,1 64,7 13,5 37,2 17,0 + 20,2

'
Dans toutes les branches industrielles, la proportion des personnels productifs est supé¬
rieure à la moyenne nationale. Ces taux traduisent clairement l'absence des sièges sociaux, la
faiblesse de l'encadrement technique et la médiocrité de la recherche dans des établissements
voués à la production, voire au conditionnement.
La part respective des ouvriers qualifiés et des ouvriers spécialisés "Ceux qui sont af¬
fectés à une tâche déterminée, parcellaire et répétitive, liée au processus mécanique de pro¬
duction et qui ne demande qu'un temps d'adaptation court et permettant d'acquérir l'automatis¬
me nécessaire au rythme normal (sic) de production" témoigne sans ambiguité de la faible quali
fication des emplois offerts. Dans toutes les branches, exception faite de la première trans¬
formation des métaux et de la presse, où l'édition du journal L'Union requiert une plus grande
qualification, Reims a toujours moins d'ouvriers qualifiés et plus d'ouvriers spécialisés que
la moyenne des industries françaises.
Présenter la chimie ou l'électricité comme des secteurs de pointe, c'est ignorer que ces
branches emploient à Reims 50% et 64% d'O.S. contre 30% et 38% en moyenne nationale ; c'est ou
blier que l'emballage, l'embouteillage., la manutention, restent les principaux travaux chez
Henkel ou Parchimy. Mais n'est-ce-pas le propre des industries de main-d'oeuvre que d'évoluer
vers une déqualification constante par la parcellisation des tâches ?
Le cas trop isolé de Reims-Aviation, qui emploie un tiers des 0.P 3 de la Marne, l'évolu¬
tion trop récente de Boehringer, ne changent pas profondément la situation : Reims, ancienne
ville du textile, reste une ville d'O.S. dont la stabilité est mal assurée.
Dans ces conditions, les discours sur la formation professionnelle et la promotion socia¬
le ne coïncident pas avec la réalité. Les conclusions d'une enquête menée par des étudiants de
l'Institut d'étude politique de Paris, sous la direction de M. Micheau, confirment les obser¬
vations d'E. Butruille :
"La politique des entreprises, malgré son apparente diversité, a des effets précis, cumulés et
globaux.
1. Le marché de main d'oeuvre est fermé, avec les conséquences que l'on connait : diffi¬
culté de développement des établissements, maintien d'un niveau moyen des qualifications, im¬
possibilité pour les établissements usant de technologies nouvelles de trouver un personnel
qualifié.
2. Il y a rupture dans l'échelle des qualifications.
43

En conséquence, dans la situation présente, il est pratiquement impossible de concevoir


à l'échelle des entreprises de 100 à 1500 salariés une réelle politique de formation puisqu'il
n'y a pas de promotion progressive dans une échelle de postes de travail".
Q.UANV LE BATI MEUT (/A...
Pour réaliser les travaux d'équipement urbain, les bâtiments industriels et commerciaux
et 3000 logements par an, le bâtiment est devenu le deuxième "employeur" après la métallurgie.
En 1954, il représentait 3800 emplois, ses effectifs atteignent 7800 en 1968 et dépassent 8000
depuis cette date. Quoique le logement soit devenu une production de masse, il est difficile
de considérer que le bâtiment est industrialisé. La production, même pour les Z.U.P., se fait
encore en petite série de 2000 à 3000 exemplaires et les éléments préfabriqués ne sont pas suf-
fisamments normalisés pour être produits en grandes séries industrielles. La diversité dans la
taille des chantiers et dans la nature des travaux - ainsi que les travaux d'entretien - expli¬
quent le maintien de l'artisanat et la survie de petites entreprises.
Les entreprises du Bâtiment et des T. P. à Reims
Nombre de salariés O 1-5 6 -10 1 1 - 49 < 50
Nombre d'entreprises 210 295 52 71 33
Les plus grandes entreprises sont celles de gros oeuvres : maçonnerie, ciment, travaux pu¬
blics, qui dépassent souvent 200 salariés, parmi lesquels les travailleurs immigrés sont majo¬
ritaires. Les entreprises générales ont des caiactères voisins des précédentes, tandis que cel¬
le de la peinture, de l'électricité ou des constructions métalliques dépassent rarement 200 sa¬
lariés, en général plus qualifiés, et parmi lesquels la proportion de travailleurs immigrés est
faible. La qualification de la main-d'oeuvre caractérise également les entreprises de menuise¬
rie, de plomberie, de chauffage et de serrurerie, qui ne dépassent pas 100 salariés à Reims.
L'étude de ces entreprises s'avère délicate, du fait de leur mobilité et des fluctuations
de la main d'oeuvre. Certaines entreprises ne viennent à Reims que pour un seul chantier, d'au¬
tres y travaillent plus régul ièrement sans toutefois s'y installer : c'est le cas de Sainrapt
et Brice, S.A.E. , Marcozzi , Drogey, Thourand, I.B.A.T., Nord France ou Laporte.
Quelques entreprises ont une agence dans la ville - ce fut le cas de Quillery-Goumy qui
a réalisé la plus grande partie du quartier de l'Europe ; c'est encore celui de C0TRABA. (Cons¬
tructions - travaux - bâtiments) et d'U.T.E. (Union de travaux d'entreprises), qui ont leur
siège social à Paris. Pour se répartir les chantiers et pour coordonner les travaux, il exis¬
te des ententes, groupements plus ou moins stables et puissants : la S.T.E.C., Société techni¬
que d'études et de construction est l'émanation d'un groupe d'entreprises rémoises;le G.E..M.A.A
- Groupement d'entreprises de la Marne de l'Aisne et des Ardennes - est une association régie
par la loi de 1901, qui rassemble une trentaine d'entrepreneurs effectuant tous les travaux
depuis le gros oeuvre jusqu'à l'aménagement des espaces verts ; à l'intérieur de cette asso¬
ciation verticale, des groupements horizontaux se constituent comme B.G.L.M. (Berdeaux - Gayet -
Lancelot - Migeot pour les travaux de couverture, plomberie et sanitaire), M.R.F. (Moutte -
Ruffier - Fantoli pour le gros oeuvre), A.D.L.F. (Agnesina - Darsonval - Lefèvre et Fantoliqui
font les charpentes et la menuiserie), J.S.T. (Jaloux - Simon - Tassel, entreprises de peintu¬
re, vitrerie, revêtement de sol, décoration).
Face à cette concentration et pour accéder à des chantiers d'une certaine envergure, des
artisans ont organisé le C.A.D.E.T., Centre artisanal d'études et de techniques et l'A. R.C.O.B. A.
44

Les entreprises rémoises ont un rayon d'action qui dépasse rarement 50 km ; toutefois, celles
qui équipent les magasins Radar travaillent dans tout le nord-est de la France. Roques, pour
l'équipement électrique des bâtiments administratifs, S.E.G.E.I., pour l'installation des cloi¬
sons mobiles et B.G.L.M vont jusqu'à 200 km de Reims. D.E.M.A.Y. reste un cas exceptionnel :
fondée en 1921 par un précurseur dans le domaine du ciment armé, cette "maison" construit dans
toute la France des silos, des chateaux d'eau, des ponts ; elle emploie plus de 500 personnes
dont quelques dizaines seulement à Reims. C'est une des rares entreprises rémoises ayant un
pouvoir de commandement à l'extérieur.
De 1954 à 1974, le bâtiment a plus que doublé ses effectifs, alors que le nombre des sa¬
lariés de l'industrie n'a progressé que de 28%. Le dynamisme du bâtiment, qui résulte de la
volonté anticipatri ce et de la politique d'accueil, marque la faiblesse de la croissance in¬
dustrielle, mais elle ne doit pas faire illusion. Cette branche d'activité réagit si rapide¬
ment à la détérioration de la conjoncture que l'épanouissement d'une ville ne peut pas se fon¬
der sur la fièvre des bâtisseurs qui retombe encore plus vite qu'elle n'est montée.

LE MIRAGE DU TERTIAIRE ET DE LA POLARISATION REGIONALE

Constatant, dès 1958, les limites de la décentralisation industrielle et la lenteur des


créations d'emplois, Reims affirme ses ambitions tertiaires. Le centre ville par tradition, le
quartier Croix-Rouge administratif pour créer des emplois dans ce vaste ensemble d'habitat et
l'aire d'activités multiples des Essillards, sont les trois quartiers où peut s'affirmer la
vocation tertiaire de la ville qui s'oriente dans deux directions : d'une part l'accueil du
tertiaire national décentralisé, d'autre part celui des services régionaux.
PARIS ET LES VECWEURS ECONOMIQUES NE JOUENT VAS LE JEU
Le bilan de la décentralisation tertiaire est encore plus maigre que celui des industries
car deux établissements seulement ont été implantés à Reims : les Assurances Générales de Fran¬
ce et le Crédit Commercial de France y ont installé quelques services de gestions de titres et
d'économat, qui donneront 1200 emplois peu qualifiés en fin d'opération. Comme nous l'avons re¬
marqué pour l'industrie, Paris ne se sépare que lentement des activités subalternes, fiais l'ab¬
sence de stratégie cohérente et suivie est plus grave que cette déception.
Ville du Bassin Parisien, Reims a longtemps souffert de la proximité de la capi taie. Offrant
la gamme la plus complète des services et des emplois toujours mieux rémunérés que ceux de la
Province, Paris possède un pouvoir d'attraction qui ne s'est jamais démenti. Au milieu du XXe
siècle, la prise de conscience traduite par A. Gravier dans Paris et le désert français fait
espérer un changement, grâce à la décentralisation, qui est à l'honneur depuis 1950. Reims,
comme les autres villes de la couronne, voit s'installer quelques ateliers de production, puis
les deux établissements tertiaires, A. G. F. et C.C.F.. Mais l'Ouest, vers la façade maritime,
est plus attractif que l'intérieur et Paris garde les activités les plus nobles. Puis, sous
prétexte que la décentralisation s'effectue dans un rayon de 200 km autour de lacanitaleet
considérant que Reims dispose des atouts suffisants pour sa propre croissance, la ville est
privée des aides financières et fiscales qui devaient favoriser les implantations industriel¬
les et tertiaires.
45

Après le semi-échec de cette décentral isation et la constatation que la concentration pa¬


risienne se poursuit, les aménageurs considèrent que seules les grandes agglomérations sont en
mesure de contrebal ancer l'attraction parisienne. La politique des métropoles d'équilibre dont
Lille et Nancy-Metz sont les exemples les plus proches est mise sur pied. Pour bénéficier de
cette nouvelle stratégie des points forts, Reims lance l'idée de la Zone d'appui Nord-Champe-
noise (Z.A.N.C.), qui est l'équivalent des O.R.E.A.M., O.R.E.A.V. et zone d'appui d'autres ré¬
gions. Les responsables locaux présentent Reims à la tête d'un réseau urbain, susceptible de
devenir un pôle d'attraction capable de faire écran entre la Province et Paris.
A peine les études sont-elles commencées que déjà les aménageurs prévoient les villes nou¬
velles. Pour eux, la décentralisation n'a pas donné les résultats escomptés, les métropoles
d'équilibre sont incapables d'accéder à l'autonomie et d'être les contrepoids de l'aggloméra¬
tion parisienne. Il faut donc organiser le développement de la capitale, grâce aux villes nou¬
velles : Evry Petit Bourg, Marne La Vallée, Cergy-Pontoi se , Saint-Quentin-en-Yvelines .
Ces aternoiements - décentralisation, métropoles d'équilibre, villes nouvelles —tradui¬
sent bien l'absence de choix. L'agglomération parisienne est-elle un handicap pour le désert
français ou bien cette concentration est-elle la chance de la France ?
Pour les investisseurs, qui disposent du pouvoir économique, le doute n'est pas permis.
Dès qu'ils atteignent une certaine envergure, ils ne veulent pas manquer leur chance, éprou¬
vent le besoin de Paris et y transfèrent leurs sièges sociaux. Les Docks Rémois ne sont pas plus
à Reims que le Crédit Lyonnais n'est à Lyon. D'origine locale, les Docks Rémois Familistère
ont eu l'initiative de la concentration au sein de Nord-Est Alimentation d'abord puis de la
Société Radar ensuite. Radar S.A. rassemble les Docks de Blois, les Economiques de Normandie,
les Docks de l'Ouest, la Société française des supermarchés, la Société des supermarchés C.I.P.
la Société commerciale Seine et Moselle, Nord-Est Alimentation et la Société des magasins Ra¬
dar. Cette concentration qui prend l'allure d'une société de holding délaisse Reims. Au siège
de la rue Talleyrand, il ne reste que la centrale de gestion administrative, une cinquantaine
de personnes dont l'avenir proche risque fort d'être parisien. Le siège social, le groupe fi¬
nancier, les centrales d'achat alimentaire (C.A.M.A.S.) et non alimentaire (C. P.A.C . A. D. ) sont
installés à Paris. Comment Reims, incapable de garder ce qu'elle avait chez elle, serait-elle
en mesure d'attirer ceux qui n'y sont pas ?
Ces péripéties démontrent les carences de l'aménagement du territoire et les faiblesses
de la planification incitative.
D'une part, le Bassin Parisien est une zone d'étude et d'aménagement du territoire (Z.E. A. T)
mais il n'a pas de stratégie globale. Toutes les décisions sont prises à Paris et en fonction
de la capitale ; c'est ensuite aux régions ou aux villes à s'adapter aux choix parisien. D'au¬
tre part, Ministères, Banques, Assurances, Industries, veulent avoir à Paris leurs activités
nobles : sièges sociaux, direction, recherche... Quand, sur place ils éprouvent des difficul¬
tés d'expansion, ils consentent à exiler en province les services annexes, les activités ba¬
nales dont l'installation à proximité des directions n'est pas imperative.
En l'absence d'un projet global d'aménagement de l'espace et comme chaque ville affirme
ses capacités d'accueil, elles en sont réduites aux surenchères de la plus vive concurrence
pour des résultats aléatoires.
46

A ce jeu de la concurrence, affirmer sa prééminence régionale r'est affaiblir la compéti¬


tivité des voisins.
TROVES ET CHALONS ME VEULENT PAS JOUER LES VRAGUIGNAN
Le premier projet de régions-programme prévoyait que celles-ci naîtraient à l'initiative
des collectivités locales mais, en 1960, le choix s'est porté sur un regroupement imposé aux
départements : Ardennes, Aube, Marne et Haute-Marne formèrent la région Champagne-Ardenne qui
constitue, dans le Bassin Parisien, une longue écharpe nord-sud de 350 km.
Le centralisme, qui a organisé la convergence des grands axes vers Paris, et la position
de la région, font qu'elle est traversée par de grandes radiales, mais Reims n'est pas sur ces
grands flux et se trouve excentrée. Située à quelques kilomètres de l'Aisne et de la région pi¬
carde, elle est à 200 km et à 4 heures des confins haut-marnai s . Les forces centrifuges, sensi¬
bles sur les franges de la région, ne sont donc pas étonnantes. Les bordures orientales des Ar¬
dennes et de la Marne regardent vers Nancy, la Haute-Marne se sent lorraine ou bourguignonne
autant que champenoise. L'Aube reste troyenne. Troyes, qui groupe la majorité de la population
auboise, est le pôle incontesté de son département. La ville, centre d'une bonneterie fortement
structurée, a ses journaux, ses commerces de gros, ses services, son embryon d'enseignement su¬
périeur... Elle n'attend rien de Reims dont elle est fort éloignée. Pour ce qui est absent sur
place, les Aubois et les Troyens ont pris l'habitude de se servir à Paris. A l'intérieur même
du département, Reims se trouve dépourvue d'un certain nombre de leviers qui se trouvent à Cha¬
lons. Préfecture du département et de la région, Châlons garde l'essentiel de l'administration.
Dans le domaine économique, la supériorité de Reims ne s'est pas affirmée. La ville avait éten¬
du son influence commerciale grâce à l'installation plus précoce des supermarchés : Radar, La
Montaçne (Comptoir français) et G.E.M. (grands-express-marchés Goulet Turpin). L'installation
de Carrefour à Châlons, l'absorption des Comptoirs français par Mielle et leur intégration sous
la marque Corso, ont annulé cette capture de clientèle. Si Reims a des agences bancaires, Châ¬
lons dispose également d'une agence de la Banque de France, et deux caisses régionales de Cré¬
dit agricole — celle de Champagne à Châlons et celle de la Marne, de l'Aisne et des Ardennes à
Reims - se partagent le département et se disputent la Côte des Blancs. La coexistence pa¬
cifique est assurée dans la mesure où Reims n'empiète pas sur les prérogatives administratives
de Châlons qui veut rester préfecture et capitale régionale. L'accueil de directions régionales
ou de la Cour d'Appel montre la persistance des arrières-pensées qui obligent à un subtil jeu
d'équilibre. La création des deux gares routières sur l'autoroute A4, à la Veuve et Cormontreuil,
en est l'exemple le plus récent. En fait, les villes champenoises entretiennent toujours des
relations directes et privilégiées avec Paris, d'où les directions d entrepri ses communiquent
'

leurs ordres à leurs établissements provinciaux, tout corme les ministères commandent les pré¬
fectures. Entre la capitale et la Région, Reims ne joue pas le rôle de relais tenu par Lille ou
Nancy. Le centralisme politique et administratif se conjugue avec la concentration capitaliste
pour faire de Paris la capitale de la Champagne. Ce n'est certainement pas l'autoroute A4, re¬
liant Reims à Paris qui atténuera cette situation de dépendance. Alors que la priorité devait
être la structuration régionale, cette autoroute accentue les caractères de banlieue parisienne.
Comment dans ces conditions Reims peut-elle polariser une région ?
LES AMBIGUÏTES VE LA REGION REMOISE
Jusqu'à une date récente, les industries textiles et le succursalisme symbolisaient le
rayonnement de la ville.
47

Avec des entreprises bourgeoises et familiales, il était facile de déceler le pouvoir de


commandement et de cerner les contours régionaux. Ville de Fabrique, Reims commandait à une ré¬
gion textile : ainsi Lelarge dirigeait ses usines de Reims, Boul t-sur-Suippe et Bazancourt.
Aujourd'hui le textile a presque disparu de la vallée de la Suippe où il ne reste que 1 'entre¬
prise Harmel à Warmeriville. Quelques industriels - Fichet-Bauche à Bazancourt, Doucet à Pont-
faverger, Silvallac à Béthenivil le, le Bronze industriel à Suippes - ont repris les locaux va¬
cants et employé une partie de la main d'oeuvre licenciée. Mais les décisions concernant ces
entreprises — comme Fichet-Bauche - émanent-elles de la direction locale à Bazancourt, arri¬
vent-elles du siège social de Vel izy-Villacoublay ou de quelque banque gestionnaire des capi¬
taux ? Quelle que soit la réponse Reims a perdu ce commandement et bien d'autres puisque, dans
ce foyer du succursalisme, il ne reste que la maison Goulet-Turpin, et nous avons vu le degré
de dépendance industrielle où est tombé la ville elle-même.
Les aspects de la polarisation actuelle relèvent surtout des services et ceux-ci nous per¬
mettent de déceler deux zones d'influence. Une aire de forte attraction correspond à l'offre
d'emploi, aux services commerciaux et à la fréquentation scolaire du second cycle de l'ensei¬
gnement secondaire. Cette zone de forte influence est limitée par celle des autres villes, Cha¬
lons, Epernay, Laon, voire Rethel , qui ont leur propre bassin de main-d'oeuvre et leur clientè¬
le. La faible attraction aux dépens de ces villes, le cloisonnement des marchés de l'emploi,
soulignent la cristallisation des positions. La main-d'oeuvre n'est pas attirée à Reims par des
emplois nettement plus qualifiés et mieux rémunérés.
A un deuxième niveau, la presse, les spécialistes médicaux, l'enseignement supérieur, des¬
sinent une zone d'influence s' étendant à trois départements.
L'Union quotidien rémois, joint d'un quasi monopole dans le département de la Marne et
sa diffusion est également forte dans l'Aisne et les Ardennes. La presse rémoise ne rencontre
la concurrence de La Voix au Nord et de L'Ardennais (L' Est-Républicain) que dans le nord de ces
départements.
Le recrutement des étudiants des Facultés rémoises révèle la même attraction prépondérante
sur la Marne, l'Aisne et les Ardennes, que la position de Reims à proximité de ces deux der¬
niers départements suffit à expliquer. Malheureusement, les régions-programme ne tiennent pas
compte des véritables polarisations. Le département de l'Aisne fait partie de la région picar¬
de et de l'Académie d'Amiens.
La zone d'appui nord-champenoise (Z.A.N.C.) fut saisie comme l'occasion de remédier aux
entraves administratives. Les perspectives de développement permettaient de présenter Reims à
la tête d'un réseau urbain. Cette étude, vantait la complémentarité des villes, le parti poly-
centrique d'aménagement, le désir d'organiser un bassin unique de l'emploi, ce que les Alle¬
mands appellent une "région de villes".
Régulièrement, la presse, les assemblées départementales et régionales, évoquent le rat¬
tachement de l'Aisne à la Champagne, mais il ne se fait pas. L'Aisne est un département trop
vaste, trop allongé et écartelé pour avoir un seul objectif. Chateau-Thierry et le sud vivent
déjà dans l'orbite parisienne, Saint-Quentin est intéressée par le nord, le sud-est — Laon et
Soisson — se sentent plus proches de Reims.
Mais, de toute façon, les objectifs de la Z.A.N.C. sont trop éloignés de la réalité, pour
pouvoir être atteints. Alors que les régions de villes allemandes ont des densités de popula~
48

Les migrations quotidiennes en 1968


en blanc : le bassin d'emploi de Reims. Charte vil le
en noir : les bassins
voisines d'emploi des vil

Nombre de migrants quotidiens


4999

C ha Ions nrrm
[=□

LAON
La clientèle des hyper
marchés
Nombre d'entrées aux
parkings / nombre de mé
nage 1.parPlus
ne. canton
de 75%.-
d'origi2.
50-75.- 3. 25-50.- 4
°* \ moins de 25%. (source :
Livre blanc de Reims

REIMS

O O

'• v*« m

*'4i*JÊLk—
EPERNA'

VI TRY

source : ZANC 1971


49

800 /•/
Charleville

Laon

.Reims-
CT
Chalons-

TRbYE<
Zone ou la vente de la presse quoti
dienne régionale est majoritaire
(source : Vendre, n°497 , mars-avr.69)

PROVENANCE
Rentrée 1966
DES- 1967
ETUDIANTS
source R. Brunet, Bull. ARERS

Nombre d" e-ifrée


Popufoh'C
[77] de à 5%o
I

m de I31 à 3050%o
/oo
plus de 50%o
Centre Ho\pt,ohe>
0 Regional
Centre Hosp-fa/i.
| Hopitaf
25 km 0 Hopifof rurol

Recrutement de l'hôpital de Reirn


en 1969
source : G. Nicolle, DES.
50

tion supérieures à 300 voire à 500 habi tants/km , la densité de la Z.A.N.C. n'approche que 80.
Les relations entre les villes sont souvent médiocres et essentiellement routières ce qui est
un handicap aux migrations pendulaires. Enfin, les villes "moyennes" se méfient à juste titre
des volontés hégémoniques manifestées à Reims. Une lettre du maire de Reims au secrétariat de
la Z.A.N.C. (21 mai 1973) ne laisse aucun doute à ce sujet :
"A l'origine, la Z.A.N.C. avait été créée suivant cette conception : Zone d'appui centrée sur
Reims. Pour différentes raisons l'expression "centrée sur Reims" n'avait pas figuré dans le
texte officiel de l'Aménagement du Territoire. Mais il avait été bien convenu que l'esprit res¬
tait le même et que dans tous les documents on devait y trouver la traduction. Or je m'aperçois
que les options proposées tendent non seulement à un démantèlement du Centre Régional mais à
une véritable bi polari sation , ce qui n'avait jamais été évoqué dans aucune de nos discussions
préparatoi res .
J'insiste vivement pour qu'on revienne â la notion de "zone centrée sur Reims" et que l'on
préconise son élargissement à une grande partie du territoire de l'Aisne et des Ardennes...".
La zone d'appui est allée rejoindre d'autres grands desseins dans le fond des tiroirs, car cha¬
que ville déploie sa propre stratégie et Reims reste le "Centre" d'on ne sait quelle région.
UN TERTIAIRE SOUVENT BANAL
L'augmentation des effectifs du secteur tertiaire est un fait général dans les villes
françaises depuis le milieu du XXe siècle et Reims n'échappe pas à la règle.
A l'augmentation de la population, répond une augmentation parallèle des services. Le cen¬
tre hospitalier — qui est le premier employeur rémois — ou les services municipaux pourraient
illustrer notre propos, aussi bien que l'éducation. Dans ce domaine, la fréquence du travail
féminin et la vigueur de la demande ont déterminé 1 'ouverture. . . de crèches et d'écoles mater¬
nelles : l'enseignement pré-élémentaire et la prolongation de la scolarité suffisent à expli¬
quer l'augmentation du personnel enseignant qui répond tardivement aux besoins nés du rajeunis¬
sement de la population et des mutations pédagogiques.
Pour les parti cul iers , de nouveaux services apparaissent, comme ceux du tourisme et des
loisirs, la vente et l'entretien du matériel ménager ou des véhicules, les services bancaires
dont les guichets se multiplient. Pas plus que les laveries ils ne sont les preuves d'une crois¬
sance, mais ils suivent l'apparition de nouveaux besoins et l'élargissement de la clientèle qui
intègre de plus en plus la population rurale. En effet, dans les villages inférieurs à 200 ha¬
bitants, il ne reste souvent aucun commerçant et leur nombre diminue dans les autres communes.
Le cafetier-épicier-dépositaire d'une boulangerie et buraliste est le lot fréquent des villa¬
ges de 200 à 500 habitants. De plus en plus, c'est à la "grande ville" qu'on vient consulter
le médecin spécialiste ou se faire hospitaliser, c'est en ville qu'on envoie les enfants pour¬
suivre leurs études et qu'on vient même pour les achats ordinaires dans les supermarchés . Reims,
comme toutes les villes, renforce sa zone d'influence directe mais il s'agit là d'une fausse
croissance réalisée au dépend du milieu rural et des petites bourgades dont la situation se dé¬
grade. Les maisons à succursales multiples se sont concertées pour une réduction du nombre de
leurs points de vente lors de 1 'ouverture de leurs supermarchés : La Montagne, Gem et Radar-
Wilson. L'installation de Carrefour a été différée mais la firme de Guevel est apparue. D'au¬
tres grandes surfaces — Nouvelles Galeries, Conforama, Global, Minor, Expo-Hall, spécialisées
dans la vente des meubles, d'appareils ménagers et d'équipements domestiques divers — se sont
ouvertes à la périphérie de la ville.
IS
52

Cet assaut du capitalisme commercial, aux dépens des commerces de proximité dans les vil¬
lages et les quartiers n'est pas nécessairement un signe de progrès. Le gonflement du secteur
tertiaire résulte fréquemment d'une concentration financière qui se traduit par une concentra¬
tion sur l'espace urbain.
Dans l'évolution récente du tertiaire rémois, trois éléments semblent positifs : l'Univer¬
sité, les directions régionales, l'installation des A. G. F. (Assurances Générales de France) et
du C.C.F. (Crédit Commercial Français).
L'enseignement supérieur, assurant un service dont la région était dépourvue, constitue un
incontestable facteur de développement et de progrès. L'installation des directions régionales
est déjà plus discutable. Ces directions permettent d'affirmer la préémi nence de Reims sur les
autres villes mais cette capture d'influence n'est pas nécessairement bénéfique pour le fonc¬
tionnement des services et la satisfaction de la population champenoise. Il serait malsain que,
pour entretenir sa croissance, Reims accapare des fonctions dont la présence peut se justifier
ailleurs. Quant aux A. G. F. et au C.C.F. , ils ont créé des emplois, mais - comme pour le secteur
secondaire - il s'agit de tertiaire banal, sans grande qualification, ce qui n'améliore pas la
structure des emplois à Reims.
UNE CROISSANCE QUANTITATIVE
A la fin de la seconde guerre, les Rémois étaient à peine plus nombreux qu'au début du
siècle ; trente ans plus tard, l'agglomération approche 200 000 habitants. En trois décennies,
le gain de 80 000 habitants est égal à celui du XIXe siècle : c'est dire la rapidité de la
croissance. Reims s'inscrit dans le mouvement d'urbanisation qui transforme la -France depuis
le mil ieu du XXe siècle.
Population de l 'agglomération rémoise
1 946 1954 1962 1 968 1975
Reims 110,7 118,9 134,3 153,0 177,6
Banlieue 5,9 6,8 9,7 14,9 18,7(1;
Agglomération 116,6 125,7 144,0 167,9 196,3
(1) La Neuvillette a fusionné avec Reims en 1970.
La législation sociale et familiale, les mariages et les naissances différées pendant la
guerre, contribuent à la reprise de la natalité, seule responsable de la croissance jusque 1954.
Après cette date, la volonté d'expansion et la politique d'accueil portent leurs fruits, au
point que l'immigration prend une place majeure dans la poussée démographique.
Les mouvements de population dans l 'agglomération rémoise
Période
censitaire
inter- migratoire
Solde naturel
Solde Bilan Population
totale
1946 116,6
1946-54 - 1,8 + 10,9 + 9,1 125,7
1954-62 + 7,5 + 10,8 + 18,3 144,0
1962-68 + 14,7 + 9,1 +23,8 167,8
1968-75 +28,5 196,3
Cette immigration est le résultat de mouvements complexes dont on peut dresser le bilan
pour voir l'origine des flux migratoires.
Au niveau local, Reims est un point d'aboutissement de l'exode rural .
53

Evolution démographique des communes rurales de la Marne 1 962-68


Villages Villages de Villages de
200 hab . 200 à 500 hab . 500 à 2000 hab
Nombre de villages 326 1 94 82
Population 1962 42 007 59 105 65 649
Population 1 968 39 544 58 688 68 817
Solde naturel + 1 390 + 2 246 + 2 828
Solde migratoire - 3 853 - 2 663 + 340
De 1955 à 1970, le nombre des exploitations agricoles est passé dans la Marne de 18 274
à 16 480, c'est-à-dire une perte proche de 10% en quinze ans. L'exode agricole, la fermeture
des écoles, la disparition des commerçants détériorent les conditions de vie dans les petites
communes sous-équipées ; celles qui sont inférieures à 500 habitants connaissent un rapide dé¬
clin lorsqu'elles ne sont pas à proximité d'un centre urbain.
En France, les migrations interrégionales montrent un solde négatif de la Champagne à l'é¬
gard des régions dynamiques comme l'agglomération parisienne, les Régions Rhône-Alpes et Pro¬
vence-Côte d'Azur. Au contraire, le Nord, la Lorraine - en proie aux difficultés de la recon¬
version professionnelle - envoient plus de migrants vers la Champagne qu'elles n'attirent les
Champenoi s .
En ce qui concerne les mouvements internationaux, Reims a reçu des rapatriés d'Afrique du
Nord, après l'indépendance de l'Algérie, puis elle est devenue une ville d'immigration étran¬
gère. Les travailleurs immigrés étaient 2 600 dans l'agglomération en 1962 et 12 000 environ
10 ans plus tard, dont 4 100 Portugais, 1 300 Espagnols, 4 500 Africains francophones.
A la lumière de ces constatations, on est en droit de se demander si Reims est devenue
une ville attractive ou une ville refuge ? Tout se passe comme si la croissance rémoise résul¬
tait des difficultés d'autres régions ou secteurs économiques.
Reims accueille des ruraux souffrant de la disparité des revenus et des conditions de
vie ; des personnes privées d'emploi par la reconversion industrielle du Nord et de la Lorrai¬
ne, des rapatriés d'Afrique du Nord, des victimes du sous-développement africain ou ibérique.
On pourrait faire valoir que Paris a également ses travailleurs immigrés, que les Etats-
Unis eux-mêmes ont leurs migrants pauvres, Porto-Ricains ou Mexicains. Mais, en même temps, les
Etats-Unis profitent du "drainage des cerveaux", de l'arrivée de cadres, de médecins, de cher¬
cheurs, etc. Ce n'est pas le cas de Reims qui perd son pouvoir de commandement et des emplois
qualifiés au profit de la capitale et dont l'Université n'a qu'une minorité de professeurs ré¬
sidants .
Le sens des migrations confirme les faiblesses d'une industrie peu qualifiée et dépendan¬
te, ainsi que le gonflement du tertiaire banal.
Depuis un quart de siècle, Reims est entraînée dans le processus de croissance urbaine
qui caractérise la France de cette période qui a fait le choix d'une société libérale, capita¬
liste et industrielle en rupture avec les traditions bourgeoises et rurales du XIXe siècle.
Contrairement à la première croissance, née d'initiatives et d'investissements locaux, la se¬
conde croissance — plus ou moins favorisée par les anciens dirigeants, relais du capitalisme -
intègre la ville dans un ensemble national et multinational au sein duquel sa dépendance aug¬
mente. Ses capacités de choix sont très atténuées parce que les pouvoirs économiques lui échap¬
pent et parce que le centralisme politico-administratif reste intact.
54

L'accueil de nouvelles activités et l'élargissement des fonctions ont réduit le caractère


industriel de la ville ; un groupe intermédiaire d'employés, de cadres moyens, de fonctionnai¬
res, commence à s'étoffer. Mais avec le bâtiment et le tertiaire banal qui ont relayé l'indus¬
trie, Reims reste une ville prolétaire dont 46% de la population est ouvrière. Comme dans tou¬
tes les villes, le triomphe du capitalisme réduit l'importance numérique du patronat alors que
gonflent les effectifs salariés . Sur 30 700 chefs de ménage, 3 883 étaient patrons de l'indus¬
trie et du commerce en 1954. En 1968, malgré le gonflement de quelques secteurs comme l'auto¬
mobile ou la gestion de biens, ils ne sont plus que 3 548 sur 39 248, c'est-à-dire une perte
absolue de 345, un déclin de 12,7% à 9% des chefs de ménage. On peut se demander quel sera ce
pourcentage au sortir de la crise actuelle qui accélère la concentration.
Ces mutations économiques et sociales, sensibles dans les rapports entre la ville et la
région, le sont également dans l'organisation de la ville elle-même et dans celle de l'agglo¬
mération.
55

CHAPITRE 3

UN URBANISME FONCTIONNEL:

UNE VILLE OU UN PUZZLE?

LA SPECIALISATION DES ESPACES URBAINS

UNE COMPOSANTE CONCENTRIQUE , MALGRE LE CLOISONNEMENT VE L'ESPACE


Lors de la première croissance, pendant le XIXe siècle, le vieux noyau urbain affirme ses
caractères de centre, tandis que naissent des faubourgs industriels et ouvriers. Cette exten¬
sion en tache d'huile, dans un bassin peu accidenté, aurait pu se marquer comme dans de nom¬
breuses villes par des auréoles de croissances successives fondées sur la trilogie de quartiers
populaires et d'espaces industriels installés autour du centre. La dispersion des établissements
travaillant le textile atténue ce schéma concentrique, également perturbé par les coupures de
la Vesle, du canal et des voies ferrées. Pendant 1 'entre-deux-guerres , la reconstruction puis
la création des cités jardins continuent le schéma concentrique, mais la permanence des cou¬
pures urbaines est soulignée par l'étude de topographie sociale menée en 1949 par le Laboratoi¬
re d'Enquête et d'analyse urbaine sous la direction de Gaston Barlet. Aux yeux de cet enquêteur,
la population rémoise se répartit en 21 quartiers et 3 secteurs. Un tiers des quartiers souf¬
fre de sous-équi pement et deux secteurs sont très isolés : celui de l'ouest — séparé par la
Vesle et le canal — et celui du nord, au delà de la voie ferrée, sont mal reliés au troisième
secteur qui constitue la ville proprement dite.
Nous lisons les mêmes constatations sous la plume de R. Bride qui écrit dans le numéro
spécial de Forces Nouvelles d'avril 1953 : "Ce sont des quartiers mal structurés, mal organi¬
sés, ne possédant pas de centre de vie. La plupart des équipements leur font défaut. Les habi¬
tants ne peuvent donc pas s'organiser en petite communauté et, comme ils sont pour la plupart
rejetës à la périphérie, ils ne peuvent pas non plus participer à la vie rémoise. La communau¬
té rémoise n'existe pas : il y a rupture sociale".
L'organisation de l'espace urbain devient alors la première préoccupation de l'équipe mu¬
nicipale. Elle prévoit l'installation de "communs de quartiers", c'est-à-dire l'équipement so¬
cial culturel et sanitaire constituant les noyaux indispensables à la vie de quartier. Les amé¬
liorations de voiries unissant ces quartiers entre eux et avec le centre doivent resserrer les
liens de la communauté rémoise qui sera renforcée par la densification du tissu urbain, la créa¬
tion d'espaces verts périphériques et le détournement du trafic de transit s 'avérant nécessai¬
re pour remédier aux inconvénients de la densification.
Mais en 1959, les Rémois élisent Jean Taittinger, plus soucieux de croissance urbaine que
d'organisation de l'espace. Les grandes masses périphériques que sont les zones industrielles
et les Z.U.P., continuent l'extension en tache d'huile qui atteint les communes périphériques,
56

tandis que la ville reste cloisonnée. Le secteur centre-est - la ville proprement dite - com¬
prend le centre ville et les extensions des diverses croissances St-Remi , Faubourg Cérès et
Port-Sec au XIXe siècle, puis la cité jardin du Chemin Vert et la récente couronne qui va du
Moulin de la Housse à la Z.U.P. Europe.
Dans le secteur sud-ouest, les vieux faubourgs Ste-Anne et Courlancy, puis la Cité jardin
de Maison Blanche, sont submergés par la naissance de Wilson, des Châtillons, et de la Croix-
Rouge, qui relient Tinqueux, Bezannes et Cormontreui 1 . La construction de quelque 25 000 lo¬
gements en fait le grand secteur de la croissance rémoise que les voies rapides et les ponts
relient au centre pour éviter l'isolement qui caractérise le secteur nord. Celui-ci, comme le
précédent, juxtapose les auréoles de croissance : après les faubourgs Clairmarais, Laon-Zola,
il faut traverser le croissant des maisons individuelles et des cités-jardins pour arriver à
la Z.U.P. Orgeval , qui sont - pour leurs époques respectives - des exemples typiques des loge¬
ments et des quartiers ouvriers. Ce secteur, bloqué entre le canal, la voie ferrée et la base
aérienne, qui arrête son extension au nord, souffre d'un isolement expliquant le particularis¬
me de ce "quatrième" Canton, peu intégré à une ville qui le néglige. Le bidonville, les cités
H. Gand ou Maroc sont sans doute l'illustration la plus expressive de ces coupures urbaines
qui ont permis l'isolement, voire l'oubli d'un véritable ghetto.
Malgré ce cloisonnement de l'espace rémois, la ville est conçue comme un ensemble fonc¬
tionnel dans lequel des espaces de plus en plus spécialisés s'articulent autour du centre.
LA SPECIALISATION F0NCTJ0NMELLE VES ESPACES
Le.4 p5Z&> d' acXÂviXzi
Les espaces industriels, situés â proximité des moyens transports, forment deux "échar
pes" qui contribuent à la division de la ville. Depuis le pont de Laon et la gare de marchandi
ses jusqu'àla Route de Cernay, s'étend un premier ensemble, créé au XIXe siècle, où cohabitent
les champagnes Krug, Mumm, Irroy-Taittinger,Heidsieck , les maisons d'alimentation et le texti¬
le — remplacé par Sarlino, Schl umberger, A. Martin, Remafer. Mais c'est la vallée de la Vesle
- grâce au canal, à la route et à la voie ferrée - qui constitue le grand axe industriel ré¬
mois, interrompu au droit du centre-ville, depuis que les berges du canal, ont été progressi¬
vement désertées par les ateliers et les entrepôts. Vers le nord, entre la rue de St-Brice et
le canal, depuis la voie ferrée jusqu'au port Colbert, s'étend le faubourg industriel de Clair
marais, les verreries mécaniques champenoises faisant la transition avec la zone industrielle
ouest, sur laquelle Chausson s'est installé le premier suivi par la P.U.M., S.A.E.M., Perez,
les Nouvelles Cartonneries, Ducancel et Hébert, Boehringer» La Providence Agricole. Vers le
sud, Machuel et Néouze, Claude I.T.T., B.S.N., sont les rares établissements survivants du
XIX siècle. La verrerie, qui cotoie le quartier du champagne de la Butte St-Nicaise, s'est
étendue sur la zone industrielle sud-est, où Demay, Debar, ICI Pharma, General Foods, Resino-
plast, Jungheinrich, la coopérative agricole de l'arrondissement de Reims, sont les principaux
établissements. Elle se prolonge vers le sud avec C.O.T.R.A.B.A. , puis Brimont et Reims-Avia-
tion, déjà installés comme des précurseurs sur le site de Prunay.
Le contraste est net entre les anciens faubourgs et les nouvelles zones industrielles qui
les prolongent. Là, c'est l'entassement de Clairmarais, la grisaille où s'imbriquent l'habitat
les entrepôts, les usines ; ici, au contraire, les bâtiments de couleurs vives, à l'architec¬
ture plus recherchée, sont encadrés d'espaces verts plus ou moins bien entretenus. Les entre-
57

L'utilisation du sol rémois

1. Centre ville.-2. Vieux faubourgs.- 3. Vieux quartiers en mutation.- 4. Couronne


des maisons individuelles.- 5. Cités jardins.- 6. ZUP.- 7. Espaces pavillonnaires. -
8. Grands espaces de services publics.- 9. Enseignement supérieur.- 10. Les maraî¬
chers survivants.- 11. Espaces verts publics.-12. Espaces verts privés.- 13. Mai¬
sons de champagne.- 14. Les vieilles zones industrielles.- 15. Les nouvelles zones
industrielles.- 16. Autoroute.- 17. Voies ferrées.- 18. Hypermarchés.
58

prises ont si largement prévu les réserves foncières nécessaires à de futures extensions que
le nombre d'emplois oscil le autour de 25 à l'hectare. L'étirement d'un long ruban industriel
- qui s'allonge sur 13 km, depuis Reims-Aviation au sud, jusqu'à Boehringer au nord -, la fai¬
ble densité des emplois, la variété des activités et des horaires contribuent à la déficience
des services communs pour le transport et la restauration des salariés, services pourtant
rendus nécessaires par la séparation des lieux d'habitat et d'activité.
Progressivement, se dessinent dans la ville des îlots spécialisés dans une fonction. Le
centre doit devenir le lieu d'élection du tertiaire de haut niveau, tandis que Croix-Rouge et
surtout les Essillards pourront accueillir le tertiaire moins soucieux des équipements cen¬
traux. Autour de l'Hôpital de Maison-Blanche — devenu C.H.R. (Centre hospitalier régional) -
se sont installées les U.E.R. de la santé et le nouvel hôDital de la Croix-Verte : Reims dis¬
pose là d'un ensemble sanitaire de 3 000 lits qui est de loin le premier employeur de la vil¬
le. Existe-t-il dans le domaine de la santé des économies d'échelle propres à justifier ce
gigantisme ? Ou bien, a-t-on été plus sensible au prestige de la taille qu'aux difficultés de
gestion d'une unité trop vaste et trop excentrée au sud de la ville, pour rester à l'échelle
des malades et au service de la population ?
Habitat oA ggatlon bOdiaJLi.
Le tissu urbain résidentiel présente des contrastes aussi marqués que ceux des espaces
industriels, mais les limites en sont plus floues et les nuances plus subtiles.
Le centre ancien, solide, parfois cossu, se caractérise par le faible taux de population
ouvrière.
Catégories socio -professionnelles à Reims en 1968
Agglomération Centre-Ville
Ouvriers 46,0 26,1
Employés 19,5 22,0
Cadres moyens 11,6 16,0
Cadres supérieurs
et prof . libérales 5,8 11,3
La périphérie du centre, pris au sens large, révèle deux types d'ilôts. Les uns - comme
celui de Moissons - prolongent le centre cossu. Les maisons bourgeoises, agrémentées d'un jardin
ou d'un parc, prennent parfois l'allure de maisons de maîtres dans le style du XIXe siècle. On
retrouve ces caractères dans certaines rues du quartier Hincmar, beaucoup plus hétérogène et
aujourd'hui menacé.
Les autres quartiers, comme le Barbatre, Laon-Zola, Ste-Anne, rappellent un peu ce qu'é¬
tait St-Rémi avant sa destruction. Ces faubourgs ouvriers, rapidement reconstruits après 1918
avec des moyens de fortune, sont ceux où la construction se révèle souvent médiocre, le con¬
fort absent, le surpeuplement fréquent. L'installation de travailleurs immigrés symbolise la
dégradation de ces quartiers qui révèle l'absence d'une politique efficace de rénovation.
L'abandon de certains services comme les écoles, les menaces d'expropriation, favorisent même
la prolétarisation de ces ilôts avant qu'ils ne deviennent le terrain priviligié des promoteurs
immobi 1 iers .
Au delà des anciens faubourgs s'étend la couronne des maisons individuelles sur deux ni¬
veaux, avec courette et jardinet, qui caractérisai t Reims entre les deux guerres. Les cités-
jardins s'intègrent à cet ensemble dont elles se distinguent par les constructions non jointi-
59

La couronne des maisons individuelles...


La rue du Progrès

traversée nar les axes commerciaux :


la rue de Cernay à l'angle de la rue
Croix Saint Marc
60

Des vieux quartiers : Clairmarais

avec des rénovations ponctuelles :


la résidence du Grand siècle boule
vard Saint-Marceaux

S'H
ômnd

ho to Régine Vanduick
61

ves et 1' irrégularité des rues. Dépourvu d'équipement de quartier et de confort, cet habitat
n'a pas les mérites qu'on a voulu lui prêter avant la dernière guerre. Les actuels propriétai¬
res - ouvriers qualifiés, employés, commerçants, cadres moyens - ont dû investir pour moderni¬
ser leurs habitations. Les terrains vacants, ainsi que les transferts d'activités, ont permis
la réalisation de quelques opérations immobilières d'envergure très variable. Ces immeubles
récents, comme le Grand Siècle, densifient cette couronne, sans en changer profondément les
caractères, car il n'a pas été remédié à la pénurie des équipements et des services puisque
le choix s'est porté sur la réalisation des Z.U.P. Celles-ci, rejetées à la périphérie, illus¬
trent l'urbanisme opérationnel qui caractérise la ville depuis quinze ans. Ces Z.U.P. sont des
ensembles d'habitat homogène. La fréquente monotonie de la construction, la similitude des lo¬
gements, dont un fort pourcentage sont des H.L.M., sont les aspects les plus sensibles de cet¬
te homogénéité qui ressort également des structures de la population. Les Z.U.P. sont les nou¬
veaux quartiers ouvriers, comme le furent les faubourgs du XIXe siècle et les cités-jardins de
1 'entre-deux-guerres. A Wilson, 68% des chefs de ménages, à ûrgeval 56% sont ouvriers ; sur
6 732 familles locataires du Foyer Rémois, M. Jeanroy relevait en 1972, 3 693 familles d'ou¬
vriers et manoeuvres, 1 400 d'employés et seulement 213 cadres. La structure professionnelle
des Z.U.P., avec trois-quarts d'ouvriers et d'employés reflète bien la ségrégation sociale. La
structure par âge est tout aussi déséquilibrée. En 1968, alors que l'agglomération comptait
25% d'enfants de moins de 15 ans, ces jeunes représentaient 43,6% des "Zupiens", parce que les
premiers occupants des Z.U.P. sont les jeunes couples de 20 à 35 ans.. Le fort pourcentage de
jeunes explique le faible taux de personnes actives, mais cette faiblesse tient également au
nombre des mères retenues au foyer par 1 éloignement des lieux de travail et le sous-équipe¬
'

ment des Z.U.P.. Dans les premières années d'Orgeval, alors que les jeunes enfants sont très
nombreux, alors qu'une mère sur trois attend un enfant, il n'y a pas de crèche et les classes
maternelles surchargées laissent les enfants à leur mère jusque 3, voire 4 ans. L'absence de
centre commercial oblige les femmes à de longs déplacements jusqu'aux rues de Laon ou de Neu-
chatel , même pour les achats quotidiens. Comme le montre B. Gentil, les travaux domestiques,
la garde des enfants, les "courses" et l'éloignement des lieux de travail, sont des entraves
au travail féminin. Dans le meilleur des cas, les équipements collectifs sont construits avec
retard. Les écoles maternelles se terminent, les crèches apparaissent quand déjà les jeunes
ont conquis la rue comme terrain de jeu. Les adolescents n'auront pas pris l'habitude d'une
vie urbaine, ni d'une organisation de leurs loisirs quand seront construits les Foyers ou les
M.J.C. qui leur sont destinés. Le plus souvent, par absence de prévision ou par manque de pla¬
ce, de nombreuses lacunes subsistent dans les équipements et les services. Le fonctionnement
de ce qui existe est handicapé par la modicité des crédits qui ne sont pas à la hauteur des
besoins et des retards accumulés. A des degrés différents, les mêmes problèmes se posent dans
toutes les Z.U.P. Ils sont amplifies lorsque des logements trop homogènes comme à Wilson accen¬
tuent la ségrégation sociale et lorsque n'existe aucune coordination entre l'action des divers
intervenants comme à Orgeval et à Croix-Rouge. Les problèmes sont atténués par la diversité
des constructions, lorsqu'une société d'H.L.M. a eu la totale maitrise d'ouvrage et qu'elle a
eu le souci d'organiser un quartier, comme les Châtillons. Mais cette préoccupation - faire
vivre des quartiers - n'est pas partagée par la municipalité.
UN CENTRE PLUTOT QUE VES QUART! ERS
Considérant le centre comme le coeur de la cité, la municipalité rémoise depuis quinze
ans a négligé l'organisation des quartiers, qui préoccupait ses prédécesseurs. A première vue
62

la construction d'équipements collectifs - crèches, écoles, centres sociaux, foyers de jeunes,


piscines - atteste la volonté des bâtisseurs et ne range pas Reims parmi les villes sous-équi-
pées. Mais les constructions ne sont qu'un asoect du problème. La localisation des services et
leur gestion (structure, personnel, crédits de fonctionnement) sont d'autres aspects aussi im¬
portants pour la vie et l'organisation des quartiers. La comparaison des études de G. Bardet et
de J. Perchet nous montre la faiblesse des progrès réalisés dans ce domaine.
Les anciens faubourgs - Ste-Anne, Cernay, Laon-Zola - avaient un pôle d'attraction qui
structurait leur quartier. L'exemple Laon-Zola est assez expressif de ce phénomène. L'église,
la diversité des commerces de l'avenue de Laon et de Neuchâtel , y compris les bars et le ciné¬
ma, puis quelques équioements dont l'école, la poste, une salle de réunion, assuraient l'essen¬
tiel des services pour les habitants qui se retrouvaient dans les clubs et les activités orga¬
nisées par l'Union Fraternelle du Quatrième Canton. Ce pôle étendait son influence entre la
voie ferrée et les rues P.V. Couturier, Danton, Robespierre et Paulin-Paris.
La vétusté de la salle de réunion, d'ailleurs utilisée comme gymnase, l'absence d'entre¬
tien de l'école qui vient d'être rasée, l'insuffisance des équipements pour répondre aux be¬
soins actuels, désorganisent ce quartier. L'union fraternelle du Quatrième Canton, qui symbo¬
lisait la vie et l'unité du quartier, a perdu ses locaux, dispersé ses activités et perdu de
son rayonnement. Laon-Zola, autour de St-Thomas, garde quelques fonctions dont celles du com¬
merce, mais la création d'une bibliothèque qui répond à des besoins individuels n'a pas freiné
la dégradation de la vie urbaine et de l'organisation sociale.
La couronne des maisons individuelles et des cités jardins, exception faite d'une polarisa¬
tion auprès du Chemin-Vert, souffre d'un sous-équipement encore plus flagrant. L'étirement com¬
mercial au long des rues de Laon, Neuchâtel, Jean-Jaurès ou Cernay n'est pas propre à une orga¬
nisation de quartier. Ces commerces ainsi que les écoles sont les rares services de proximité
dont peuvent bénéficier les habitants ; ils sont aussi déshérités que les Zupiens d'Orgeval ou
de Croix-Rouge. En effet Europe et les Châtillons ont été conçus comme des quartiers. Malgré le
retard des équipements, malgré les lacunes et les faiblesses inhérentes à ces grands ensembles,
ils acquièrent une personnalité et s'organisent en une communauté de quartiers. Ce n'est pas le
cas d'Orgeval, trop étiré en longueur, trop tardivement et partiellement équipé pour ne pas ê-
tre tiraillé entre de multiples attractions extérieures.
Mais c'est Croix-Rouge qui illustre le mieux les préventions de la municipalité contre les
quartiers. La création d'un ensemble de quelques 12 000 logements pouvait être conçu avec un
maximum d'équipements et de services pour une relative autonomie. Au contraire, les élus locaux
ont choisi sur concours un projet qui divise Croix-Rouge en trois sous-ensemble - Universitaire,
Administratif et Val de Murigny, lui même subdivisé après que la circulaire Gui chard eut réduit
la taille des Z.U.P. Sur chacun de ces secteurs, viabilisé par la S . E . 0 . M . A . , un programme de
logements a été attribué aux organismes constructeurs, mais la coordination fut insuffisante
pour organiser des quartiers. Croix-Rouge Université devait être animé par les étudiants des
U.E.R. de Lettres, de Droit et de l'E.S.C. (Ecole Supérieure de Commerce), mais ils ne vien¬
nent qu'en transit pour leurs cours et n'apportent rien à Croix-Rouge qui n'a d'ailleurs rien
à leur offrir. Les installations universitaires sont comme un kyste dans l'accumulation des
logements : elles aèrent cet ensemble mais ne s'y intègrent pas. Les espaces réservés aux im¬
plantations tertiaires abaissent également la densité d'occupation sur Croix-Rouge Administra-
63

tif, mais seul le Crédit Commercial de France y est installé. Pour plus de 6 000 logements ac¬
tuellement construits, on ne compte guère qu'un millier d'emplois, offerts par l'enseignement
(650) et le C.C.F., dont 20% seulement sont occupés par des résidents de la Z.U.P.. L'absence
d'emplois, le sous-équipement - même commercial - réduisent Croix-Rouge au rôle de cité-dortoir
dans un chantier qui dure si longtemps que la protestation est le principal ciment d'une popu¬
lation lésée.
C'est le résultat du choix fait par la municipalité qui a refusé l'organisation des quar¬
tiers et préféré la polarisation autour du centre.
Bétheny

Ilhlllillla SaboteN
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iSUHii: U»v
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aammi.

Les quartiers structurés


1. Quartiers organisés autour d'un pôle d'attraction.- 2. Quartiers écartelés en¬
tre
secondaire
plusieurs
d'attraction,
pôles.-3. Centre
extraitville.-4.
du DES Perchet
Pôle principal
M.E. d'attraction.- 5. Pôle

LE CENTRE, REVELATEUR VES TENSIONS INTERNES


La coc.ua dz la cité..
L'ancienne ville intra muros est parfois considérée comme le centre, mais celui-ci est
plus restreint. Il s'étend de part et d'autre des rues de Vesle, Carnot et Cérès, entre la
ceinture des Boulevards et la rue Libergier.
Sur cet espace, les fonctions "centrales" ne se superposent pas jusqu'à atteindre un phé¬
nomène de city, mais au contraire elles se juxtaposent. Le centre commercial - le plus connu
et le plus fréquenté - se localise entre la rue de Vesle et celle du Cadran-St-Pierre, depuis
la rue Jeanne d'Arc jusqu'à la place du Forum. A côté des grands magasins — Galeries Rémoises,
St-Jacques, Monoprix, Magasins Modernes et Radar-Talleyrand - on trouve les commerces caracté¬
ristiques du centre, habillement, chaussures, audiovisuel, bijouterie, cinémas, hôtels et res¬
taurants, mais aussi les commerces quotidiens pour les besoins de la population résidant au
centre.
64
65

Les activités dans le centre de la ville


1. Zone des bureaux.- 2. Zone des commerces.- 3. Centre culturel.- 4. Hypercentre commercial.
5. Centre de loisir.

Autour de la Cathédrale, le Palais du Tau, le musée St-Denis, l'Ecole des Beaux-Arts,


le Conservatoire de Musique, le Théâtre, la Bibliothèque Carnégie, dessinent le centre cultu¬
rel. Tandis que le plus vieux noyau urbain, où se situent l'Hôtel de Ville et celui des Finan¬
ces, le Palais de justice 1 I .N. S. E. E. , la Sous-Préfecture, joue le rôle de centre administra¬
'

tif.
Ces fonctions centrales font de cet espace apparemment privilégié un pôle d'activité im¬
portant, où se localisent 17 000 emplois surtout tertiaires, mais où résident également 18 000
Rémois. Dans la conception de l'urbanisme, qui attribue aux espaces une spécialisation sociale
et fonctionnelle, le centre doit être le coeur de la cité, l'élément d'appartenance à une com¬
munauté ; par ses équipements, il doit assurer les services de haut niveau nécessaire à l'ag¬
glomération et a la région. Cette "vocation" est favorisée par la convergence de la voirie ur¬
baine ; elle est également symbolisée par le réseau des transports urbains (T.U.R.). Aucune
ligne des T.U.R. ne relie directement Z.U.P. et 2.1. , car elles passent toutes par le centre,
qui est l'élément fondamental de l'urbanisme rémois.
La C&nùie. a&phuxÂA
Pendant vingt ans, la "clientèle" potentielle du centre a augmenté rapidement. La ville
étend sa zone d'influence directe par dépérissement du milieu rural, l'agglomération gagne
80 000 habitants et la faible organisation des quartiers accroît leur dépendance à l'égard du
centre.
Mais l'automobile, moyen de transport privilégié, a contribué aussi bien à l'étalement
de la ville - dans la Z.U.P. Croix-Rouge, il a été réservé 1,5 place de parking par logement -
qu'à l'asphyxie du centre.
66

Bétheny

Ch'ampigny lCernay-
és Reims

meoiXNce dc passage

.- jkié''
Bezannes SÇprmontreuil

Les transports urbains à Reims (les chiffres correspondent au temps d'attente entre 2 passages)
extrait de Reims 1985-201 0, étude -pveliminaive des transports collectifs.

De 1954 à 1967, le nombre des passagers des T.U.R. était passé de 8,3 à 16 millions, mais
il est tombé à 13,7 en 1974 malgré l'augmentation de la population et le prolongement des li¬
gnes jusqu'aux communes de banlieue. La congestion du centre, carrefour privilégie était d'au¬
tant plus prévisible, qu'il cumule en même temps des fonctions de résidence et de services.
Pour éviter cette congestion, le Plan Camelot prévoyait l'aménagement des rocades inter¬
nes et le détournement de la route N 44. Au contraire, fidèle à la doctrine de Rotival, c'est
la convergence qui a été renforcée par la voie du Rouillât, les avenues P. Marchandeau et C.
de Gaulle, puis l'autoroute urbaine. Favorable à cette convergence, Rotival avait prévu l'ex¬
tension et l'aménagement du centre, en commençant par la rénovation du quartier St-Rémi puis
en poursuivant les travaux vers le centre actuel. Une enquête du Bureau d'études et de réali¬
sations urbaines (B.E.R.U.), menée en 1959, décrit St-Rémi comme un quartier ouvrier et vétus¬
té. A cette date, ce quartier abrite 3 519 personnes dont 1 534 personnes actives, parmi les¬
quelles sont recensées 915 ouvriers (60%), 286 employés (19%), 157 artisans et boutiquiers
(10%). Sur 22 hectares s'imbriquent 430 immeubles dont 345 ont été construits avant 1914. Les
trois-quarts des 1 285 logements n'ont qu'un mauvais ensoleillement, une médiocre aération et
souffrent des difficultés d'adduction et d'évacuation des eaux.
La vétusté du quartier justifiait bien une opération de rénovation qui pouvait être la
chance d'élargir le centre par la construction de bureaux et l'installation d'une partie de
l'Université (Droit et Lettres). En fait, il n'y a pas eu rénovation, mais destruction et re¬
construction du quartier.
Aujourd'hui 2 500 logements, dont seulement 545 H.L.M., sont construits ou en cours d'a¬
chèvement. Mais les U.E.R. de Lettres et Droit sont à la Croix-Rouge et ni les bureaux, ni les
67

Gem sur la route de Paris

La Montagne sur la route de Louvois


Conforama sur la route de Vervins
68

administrations (rectorat, impôts), ni les commerces, n'intègrent St-Rëmi dans le centre. Le


bilan de l'opération est finalement assez maigre. Elle a remplacé un quartier ouvrier par des
résidences pour cadres, trop peu nombreux d'ailleurs pour occuper les logements offerts à des
prix trop élevés. Les revendications des nouveaux habitants, qui sollicitent des équipements
de quartiers (centre social, M.J.C.), témoignent bien qu'ils n'ont pas le sentiment d'apparte¬
nir au centre.
Malgré les problèmes sociaux et humains posés par l'éviction d'anciens locataires et pe¬
tits commerçants, malgré la coût de l'opération qui laisse un déficit de 60 millions de N.F.,
dont 50% à la charge de la collectivité locale, le principal objectif n'est pas atteint. Cet
échec de l'élargissement du centre a contraint la municipalité à utiliser tout l'arsenal des
dissuasions - zone bleue, parcmètres, rocades péri-centrales - qui sont en contradictions avec
la volonté de promouvoir le centre comme le coeur de la cité et qui ne résolvent pas les pro-
bl èmes.
Les difficultés de circulation, et olus encore de stationnement, expliquent alors l'écla¬
tement des fonctions centrales.
Autour du stade A. Delaune, la Piscine Patinoire, la Maison de la Culture, le Centre St-
Exupéry, le centre international de séjour, constituent un espace sportir et culturel au delà
de la Vesle.
Croix-Rouge Administratif et la zone d'activité multiples des Essillards préparent l'écla¬
tement des fonctions tertiaires. La noste a émigré vers le Boulingrin et le Centre des Impôts
à St-Rémi. Jusqu'à une date récente, le centre-ville assurait les fonctions d'accueil, déjà mo¬
difiées en prévision du passage autoroutier. Novotel et Mercure sont aux entrées de la ville,
Frantel s'installe en position stratégique à proximité des distributeurs urbain et du centre,
tandis que l'Hôtel du Lion d'Or a disparu. Le capitalisme hôtelier ne fait que suivre la voie
ouverte par le capitalisme commercial depuis que les magasins à grandes surfaces se sont ins¬
tallées à la périphérie de la ville. Toute la ville, conçue par Rotival, reposait sur la spé¬
cialisation des espaces polarisés par le centre. Des entorses au Plan Rotival, des distorsions
temporelles entre la croissance urbaine plus rapide que l'aménagement du centre, ont déterminé
l'asphyxie de celui-ci et la dispersion des fonctions centrales.
Reims, ville moyenne par le nombre de ses habitants mais très étalée en surface, cloison¬
née par les coupures routières, ferroviaires , fluviale et industrielles, ressemble à un puzzle,
Chaque élément du puzzle assure une fonction déterminée, l'habitat, la production, les loisirs,
les services, voire la santé. La spécialisation des espaces projette au sol la division de no¬
tre temps entre la profession, la famille et le repos, la récréation ou la maladie. Cette con¬
ception de la ville impose de multiples déplacements aux habitants - migrations pendulaires en¬
tre l'habitat et le travail ou moins régulières vers les différents services - qui font éclater
la ville.
L'absence de communauté urbaine, que déploraient un certain nombre de responsables il y
a vingt ans, est encore plus flagrante aujourd'hui que la ville est écarte! ée.
LA REPETITION DES MEMES CHOIX

Les mutations des vingt dernières années ont surtout affecté la ville, l'expansion n'ayant
touché que récemment les communes voisines transformées en banlieue. Avec le Livre Blanc et le
69

schéma d'aménagement de la Z.A.N.C. commencent la préparation dè l'horizon 2 000', qui prend


forme avec le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (S.D.A.U.). Deux documents - le
projet de S.D.A.U. et Reims 1985-2010 - nous renseignent sur les objectifs de la future crois¬
sance et les partis d'aménagement choisis par les responsables rémois et plus particulièrement
le maire, président du district, président de la Commission locale d'aménagement- et d'urbanis¬
me, président de l'agence d'urbanisme.
Considérant que Reims bénéficie d'une oosition "stratégique", les responsables rémois
veulent profiter de cette situation oour accélérer la croissance et changer d'échelle. Sur
l'aire du schéma, qui couvre 137 communes, vivent actuellement 250 000 Champenois dont les
quatre cinquièmes résident dans l'agglomération. A moyen terme (1985), ils pourraient être
410 000 et 600 000 dans un quart de siècle, l'agglomération atteignant alors 380 000 habi¬
tants.
LES MEMES ESPOIRS
Pour faire passer 1 'agglomération rémoise de 200 000 à 380 000 habitants et les campa-'
gnes de 50 000 à 220 000, les moyens restent ceux déjà préconisés par le Plan Rotival :
- pratiquer une active politique d'accueil, de. manière à contribuer efficacement à la
décongestion de 1 'agglomération parisienne.
- conforter la position de Reims comme pôle régional. Cette idée est. constamment repri¬
se dans le projet de S.D.A.U. (pp. 19-21 : "assurer la promotion de Reims' centre rég.io-
nal" ; "la politique d'accueil à mener dans la Z.A.N.C. repose d'abord et naturellement
sur le développement de ses villes maîtresses et en particulier Reims au centre du sys¬
tème"). Mais puisque persiste la concurrence entre les villes, il faut avant tout :
- assurer la compétitivité des structures d'accueil aux activités. Ce qui signifie, en
clatr, que des investissements doivent être réalisés dans le but d'attirer les créa--
teurs d'emplois, ceux-ci restant maître de leur décision. Cette compétitivité rémoise
est espérée par :
. les grands travaux qui comportent trois volets : transport et circulation, adduc¬
tion et épuration des eaux, électricité.
. l'aménagement des sites d'activité et d'habitat, puisqu'une augmentation de 350 000
habitants suppose la création de 100 000 logements et 140 000 emplois.
Les espoirs de création d'emplois se fondent essentiellement sur le tertiaire.
Evolution envisagée des secteurs secondaires et tertiaires
SEC O N D A IRE T E R T I A I R E
1973 2010 Evolution 1973 20.10 Evolution
Agglomération 40 OOO 30 500 - 9 500 43 OOO 89 OOO 46 OOO
Communes "rurales" 1 1 OOO 57 500 46 500 7 OOO 55 OOO 48 OOO
SDAU 51 OOO 88 OOO 37 OOO 50 OOO 144 OOO 94 OOO
Ce tableau ne reflète bien entendu que des "désirs", mais ils sont révélateurs des orien¬
tations choisies.
Alors que les secteurs secondaire et tertiaire sont actuellement à égalité avec quel¬
que 50 000 emplois, le tertiaire en un quart de siècle pourrait en gagner 94 000 par desserre¬
ment de la capitale. Page 40 du S.D.A.U., on lit : "L'attention croissante portée au phénomène
de desserrement tertiaire de Paris dont on sait maintenant qu'il commande davantage que le des
70

serrement industriel la réussite de la politique de freinage de Paris". Le secondaire gagne¬


rait seulement 37 000 emplois mais plus qualifiés que ceux qu'il offre maintenant : "L'agglo¬
mération rémoise est aujourd'hui guidée par d'autres considérations : meilleurs emplois, adap¬
tation de ceux-ci au niveau de qualification effectif de la main d'oeuvre, élargissement du
bassin de l'emploi grâce à une plus grande mobilité, implantation dans la région non seulement
d'unités de fabrication mais d'unités multifonctionnelles disposant d'une réelle autonomie de
gestion, diversification industrielle par développement accéléré des secteurs technologique¬
ment avancés comme la chimie et l'électronique, ouverture encore plus large aux filiales des
groupes multinationaux. Ces divers objectifs sont autant d'ambitions nouvelles que la ville
peut nourrir du fait de sa position maintenant stratégique dans l'aménagement du territoire".
LA SPECIALISATION VES ESPACES POLARISES SUR LE CENTRE
Le parti d'aménagement s'est porté sur un schéma éclaté : la croissance démographique,
doit se répartir entre l'agglomération et les communes rurales, étant précisé - page 36 du
S.D.A.U. — qu'il faut d'abord remplir les sites de l'agglomération centrale et ensuite envi¬
sager l'utilisation préférentiel le des autres sites favorables.
Une a.Qçnlom(Lficition à vocation tzsvbccUAz
Les objectifs laissent prévoir une nouvelle répartition de la population.

Population
Sj Population
active totale

glomerat

La population du SDAU

Le sud-est de l'agglomération - Val de Murigny - voit, pendant le moyen terme, la pour¬


suite des opérations en cours qui en font le grand secteur de la croissance rémoise. Ensuite
le relais est pris par le nord-est, mais un remodelage du tissu ancien est également prévu
dans le centre et dans les vieux faubourgs - Laon, Jean Jaurès, Cernay, Avenue de Paris —
71

... n'est-ce pas un handicap pour le


nouveau centre culturel et sportif ?
72

"Capables de se prêter à des formes souples de restructuration ou de réhabilitation". Cet¬


te variété des sites" doit conforter globalement l'attractivité de Reims à l'égard des inves¬
tisseurs, promotion immobilière privée et secteur peu aidé par l'Etat" (p. 31).
Dans l'agglomération, les effectifs du secteur secondaire doivent passer de 40 000 à
30 500. Dans cette optique, les zones artisanales et industrielles déjà aménagées ou en cours
de réalisation seront suffisantes pour faciliter les transferts hors du tissu résidentiel puis¬
que l'industrie perdrait 24% de ses emplois. Les effectifs du tertiaire, en revanche, passe¬
raient de 43 000 à 88 000 ; c'est dire les progrès que doit réaliser le tertiaire sur les si¬
tes des Essillards, de Croix-Rouge Administratif et au Centre ville. Après l'échec de l'ex¬
tension du centre vers le quartier St-Rémi, le maire ne change pas de stratégie. Il va tenter
l'élargissement du centre vers le quartier Hincmar : "Dans notre esprit, déclare-t-il au jour¬
nal l'Union en 1971, il n'est pas question de faire une nouvelle opération de rénovation urbai¬
ne : nous cherchons des solutions tout à la fois aux problèmes de circulation, du rattachement
de la périphérie au centre. Nous voudrions qu'il y ait un autofinancement de l'opération qui
pourrait être traitée ilôt par ilôt".
En 1973, il commande à l'Agence d'Urbanisme une étude en fonction des objectifs suivants :
- développement, dans le centre ville, des services de haut niveau pour les particuliers et les
entreprises.
- création d'un environnement économique attractif, car l'accueil des promoteurs est lié à l'é¬
lévation du niveau des équipements de toute nature.
- amélioration des communications.
- développement des fonctions résidentielles par augmentation de la quantité et de la qualité
des logements.
73

La rénovation du centre

Photo Georges Colin

Une tentative d'extension du centre


f Saint Remi

Photo Georges Colin


En attendant la rénovation Hincmar
rue Boulard

des surfaces de bureaux (Quartz 10 000} ft >tu Geortm Colin


La reconstructi on en cours :
Jn hôtel à l'arrivée des clients
(Frantel )

Photo Georges Colin


74

Les idées fondamentales restent les mêmes que quinze ans plus tôt : rendre le centre at¬
tractif pour les services de haut niveau qui feront de Reims la capitale régionale. Le centre
reste le coeur de l'agglomération et de la région : "C'est sur le secteur central que s'arti¬
culera, par conséquent, le système circulatoire de la région rémoise". De même que la voirie
urbaine et le réseau des T.U.R. polarise l'agglomération sur le centre, de même les autorou¬
tes A4 et A26 étendront l'influence de celui-ci sur toute la région. C'est dans cet objectif
que se comprend la volonté de faire passer l'autoroute au coeur de la cité. Le centre élargi
sera également densifié par un gain de 11 000 résidents, les fonctions commerciales y seront
affinées et les services - bureaux, administrations - seront renforcés.

Tendances de l'utilisation du sol dans le centre de la ville


1. Voie piétonnière. - 2. Rocade dite courte.- 3. Boucle de protection.- 4. Radiale et péné¬
trante.-Fonction
te.-8. 5. Distributeur
culturelle
urbain.-
dominante.-
6. Voie9. ferrée
Fonction
et de
gare.-
bureaux
7. Fonction
dominante.-
commerciale
10. Fonction
importan¬
d1
équipements publics dominante.- 11. Fonction résidentielle dominante.- 12. Fonction résiden¬
tielle à densifier.- 13. Fonction de loisir et de détente (source : SDAU de la région urbai¬
ne de Reims 3 sept. 1974).
La stratégie concernant le centre reste identique, seules les modalités changent. Au lieu
d'une opération globale, comme à St-Rémi , elle sera conduite ilôt par ilôt.
Les perspectives fixées visent donc au renforcement de la polarisation autour du centre,
de la spécialisation des esnaces et de la ségrégation sociale, clairement exprimée dans 1 'amé¬
lioration qualitative et quantitative des logements du centre mais aussi des vieux faubourgs.
Le* campagmé induitfUdllzs
Le nombre des emplois secondaires dans le milieu rural doit passer de 11 000 à 57 500. Les
sites préférentiel s de la croissance se situent sur l'axe nord-ouest - sud-est, valorisé par
les éventuelles infrastructures de transports, canal à grand gabarit et autoroute A26.
Deux grandes zones industrielles - l'une à Prunay - Val de Vesle et Cormicy et l'autre
plus restreinte à Loivre - font envisager 1 000 hectares de Z. I. sur cet axe et donc 500 ha
pour le reste du S.D.A.U.A proximité de ces zones, les programmes de logements pourraient at¬
teindre 6 000 à 7 000 logements à Prunay et de 7 000 à 15 000 sur Cormicy.
75

LES SITES PRÉFÉRENTIELS D'IMPLANTATION D'ACTIVITÉS NOUVELLES

Secteur
ORMICYde

Sect
LO VReue t-Stclc* BRIMONT
THIERRY Secteur de la
BASSE SUIPPE
I

Secteur de GUEUX
Sectem JONCHERY-MUlEON
FISMES(h1 Secteur de la
HAUTt SUIPPE
REIMS
Secteur
HAUTE deVESIE
la

eS.vo««i
N.C.Fm. portante
aérodrome
.v: - canal typ«Fr»ycin«t
i

DIVERSIFIER les STRUCTURES D'ACCUEIL ET HHER PARTI DES NOUVELLES INF RAST RUCTURE S DE COMMUNiCA T/ON
76

Une croissance plus modérée est réservée aux vallées de la Vesle aval et de la Suippe.
Les bourgades - telles Pontfaverger, Betheniville, Bazancourt, Muizon, Jonchery et Fismes -
pourront être dotées de Z.I. et recevoir des lotissements de 800 à 1 200 logements.
Les autres secteurs de l'espace rural ne connaîtront que des programmes plus diffus, de
l'ordre de 50 logements ou seront même, comme la Montagne de Reims, des espaces verts proté¬
gés. Le préambule de la Charte du Parc Régional est assez expressif : "Les S.D.A.U. de Reims
et d'Epernay ont d'ores et déjà défini le rôle de la Montagne de Reims comme étant celui d'une
zone verte. Elle seule assurera à cet ensemble un équilibre naturel et aux hommes un équilibre
physique et intellectuel".
Quel esprit subversif ose évoquer aussi l'enfer des villes et leur seul antidote, le Parc
Régional ? C'est sans doute la meilleure illustration "des vocations spécifiques" assignée
aux différents espaces : une agglomération tertiaire, des campagnes industrielles et des espa¬
ces verts pour la récréation.
Bien entendu, l'installation de tertiaire à la campagne n'est pas exclue ; elle pourra se
faire lorsque les sites urbains arriveront à saturation et il ne pourra s'agir que de tertiai¬
re banal, celui de haut niveau restant fixé dans le centre.

VERS UNE ACCÉLÉRATION DE LA CROISSANCE


OU VERS DE NOUVEAUX CHOIX?

LE MYTHE VE LA PLANIFICATION
Reims peut se glorifier dans le passé récent d'être une des premières villes françaises
dotée d'un plan d'urbanisme. Dès le mois d'août 1920, le plan G. Ford décrété d'utilité publi¬
que répondait aux prescriptions de la loi du 14 mars 1919. Exception faite des aménagements du
centre, la rapidité de la reconstruction interdisait le respect du plan. Moins de trente ans
plus tard, l'existence de quartiers sous-équipés , aux logements vétustés et inconfortables,
prouvait la vanité d'un plan qui ne se dote pas des moyens de son application.
Le vi.de. juiidiquz
La loi du 15 juin 1943 faisait de Reims et de 26 communes proches un groupement d'urba¬
nisme qui devait avoir un plan d'aménagement. Les études menées par Camelot, architecte et ur¬
baniste, aboutissent à un plan qui reçoit l'approbation ministérielle en août 1960. Le jour
même de cette approbation, il est mis en révision puisque le plan Rotival est déjà à l'étude.
Depuis 1958 en effet, le ministre de la construction Sudreau a chargé Rotival d'appliquer à
Reims sa méthode scientifique de planification. Le plan Rotival, publié en 1965, est soumis à
l'enquête publique, puis approuvé en juillet 1971. Immédiatement, il est mis en révision puis¬
que le code d'urbanisme a changé. La loi d'orientation foncière du 30 décembre 1967, le décret
de mai 1969 sur les S.D.A.U. et ceux d'octobre 1970 concernant les P. O.S., justifient de nou¬
velles études. Conduites par l'Agence d'Urbanisme de Reims, celles-ci se traduisent dans le
Livre Blanc (1971), le Schéma de la zone d'appui Nord-champenoise (1973), le Schéma Directeur
d'Aménagement et d'Urbanisme (1975). Ce S.D.A.U. n'étant pas opposable aux tiers et en l'absen¬
ce de plan d'occupation des sols, tout se passe comme si Reims, toujours en période de révision
ou d'étude, était encore dépourvu de documents d'urbanisme.
77

Etude Plan Rotival Approbation


Etude SDAU et PÛS
Etude Plan Camelot Approbation Approbation
SDAU
I
1943 1958 1960 1967 1971 1975
Ce vide juridique, quoique atténué par le plan d'urbanisme de détail ainsi que par le
plan de modernisation et d'équipement, permet toutes les anti cinations . Le périmètre urbain
souligné par Camelot est débordé dès 1958 ; les Z.U.P. Orgeval , Europe, Châtillons, sont an¬
térieures au plan Rotival qui les légalise. En revanche, de nombreux projets, pourtant prévus,
ne sont pas réalisés : Palais des Congrès, Marché gare, Forum, Université à St-Rémi , Grande
Rocade, Pont de Landouzy, abattoirs, sont autant de projets avortés tandis que d'autres sur¬
gissent on ne sait d'où et sont rondement menés (Pont Hincmar, autoroute urbaine, Cour d'Ap¬
pel . . . ) .
Dans un urbanisme de dérogations, le plan est ressenti comme une contrainte pour les fai¬
bles et un alibi pour les autres.
L'abîmez d' mgagmmt, d'échéance. Qjt du Znancmmt.
La crédibilité d'un plan d'aménagement suppose une programmation chronologique et spatia¬
le, fixant les étapes de sa réalisation, les échéances et le financement. Mais ni l'Etat, ni
les collectivités locales, ni bien entendu les investisseurs privés ne prennent un engagement
sur un tel programme.
L'étude de la situation rémoise, 1 'éloignement des matières premières et des grands mar¬
chés, la faible densité de la population champenoise, démontrent que la croissance rémoise re¬
pose sur la valorisation du carrefour. Or l'Etat, pourtant responsable de l'essentiel des ré¬
seaux routier, ferroviaire et navigable, ne s'est fixé aucune échéance. L'autoroute A26 sera-
t-elle réalisée au cours du VIIe Plan, la liaison Seine-Est à grand gabarit aura-t-elle des
crédits avant 1990, le projet de train à grande vitesse sortira-t-il prochainement des cartons?
Reims n'a aucune certitude quant à ces réalisations.
Comme les investisseurs privés restent maître de leur décision, ce sont les collectivités
locales — commune, département, région — qui doivent mener leur politique d'accueil et suppor¬
ter de lourds investissements.
Comptes administratifs de Reims
1 971 1972 1973 1974
Dépenses d'équipement
(Recettes 21+23 - Dép . 21+23) 31,58 35,52 43,73 47,80
Subventions. 16 11,42 8,48 10,48 7,49
Endettement en capital au
1er janvier 158,50 174,62 211,46 247,07
Remboursement de la dette et
des intérêts 16+67 21,0 25,70 28,47 33,87
Centimes et taxes 77 28,20 34,92 42,98 53,85
78

Comptes administratifs du District de Reims


1971 1972 1973 1974
Dépenses d'équipement 3,74 24,25 24,57 29,07
Subventions 2, 18 2,16 4,16 5,45
Endettement en capital au
1er janvier 51 ,52 61 ,89 107,60 136,47
Remboursement intérêt et
capital 2,94 6,55 9,98 13,07
Centimes et taxes 7,90 9,73 13,03 16,50
Entre 1971 et 1974, les dépenses d'équipement de Reims et du district sont passées de
35,32 à 76,67 millions NF alors que les subventions stagnaient à 13,66 et 12,94 millions NF.
Tenant compte du paiement de la T.V.A., il se vérifie, pour Reims, que les collectivités loca¬
les subventionnent l'Etat. Pour ces mêmes années, il n'est pas étonnant de voir l'endettement
progresser de 210,02 à 383,54 millions NF et la pression fiscale de 36,10 à 70,35 millions NF.
Cette aggravation de la situation financière éclaire l'inadaptation des procédures et des
moyens de l'aménagement urbain.
Le cercle vicieux de la concurrence : l'absence de véritable planification spatiale, chro¬
nologique et financière met chaque ville en position concurrentielle à l'égard de ses voisines.
Le souci de la compétitivité entraine chaque ville dans un processus difficilement soutenable
à moyen terme puisque la politique d'accueil impose des équipements, c'est-à-dire un effort fis
cal "pour conforter globalement son attractivité à l'égard des investisseurs privés" (S.D.A.U.,
page 31). Le risque est grand de voir les municipalités s'engager dans de coûteuses surenchères
pour des résultats aléatoires.
Le soutien financier du département ou de l'établissement public régional n'est obtenu qu

'
après de difficiles arbitrages préfectoraux. Ainsi, le financement complémentaire de l'autorou¬
te urbaine à Reims a été obtenu grâce au vote bloqué d'un dossier concernant également les tra¬
verses d'agglomération, les itinéraires en rase campagne et les ouvrages d'art.
Une difficile -politique d'agglomération : la méfiance entre villes trouve sa résonance jus
qu'à l'intérieur de l'agglomération. Les communes de banlieues, pourvues de Z.I. et dotées de
patente (taxe professionnelle) se montrent soucieuses de défendre leur équilibre budgétaire et
une pression fiscale modérée. Quant aux autres moins bien pourvues, elles craignent une crois¬
sance démographique trop raoide, qui augmenterait les dépenses d'équipement obligatoires plus
rapidement que les ressources.
L'augmentation de la fiscalité locale, l'archaïsme et l'injustice d'impôts de répartition
dont le calcul est fondé sur les valeurs locatives, restent les obstacles majeurs à l'organisa¬
tion de l'espace urbain et à une vision globale de l'agglomération. Une réforme de la fiscalité
locale s'avère indispensable pour envisager une nlanification globale de l'agglomération.
Charge fiscale par habitants en 1974
Bethény 90,47 F
Cormontreuil 86,69 F
St-Brice-Courcelles 108,18 F
Tinqueux 160,24 F
Reims 212,51 F
La charge fiscale par habitant est passée à Reims de 162,29 F en 1973 à 212,51 F en 1974.
Les contribuables accepteront-ils de telles augmentations pour améliorer 1 'attractivité de la
79

ville à l'égard des investisseurs privés et pour une croissance qui ne les intéresse pas.
Un nombKQ. d'act&uAé t)iè-& LunÀXo.
Dans l'immédiat après-guerre, les problèmes d'aménagement et d'expansion étaient largement
débattus, non seulement au Conseil Municipal mais dans divers organismes qui participaient à la
réflexion et à l'action.
Le C.E.R.A.C. , le C.E.L.A.M. mais surtout le C.E.A.R.R., étaient des organismes d'études
et de réflexion où se retrouvaient le patronat, les organismes constructeurs, voire la C.G.T.
par 1 intermédiaire du C.O.P.L.O.R.R. Le C.E.A.R.R. avait conquis un pouvoir d'expert reconnu
1

par la municipalité et l'administration. Il pouvait mener indi rectement une politique opéra¬
tionnelle en liaison avec la Chambre de Commerce, maître d'oeuvre des Z.I., et avec les socié¬
tés de H.L.M., promoteurs des Z.U.P. Europe et Châtillons.
Progressi vement, la municipalité a monopolisé toutes les initiatives et tous les pouvoirs.
Le pouvoir d'expert est confisqué par l'Agence d'urbanisme qui n'est pas un établissement pu¬
blic administratif prévu par la loi d'orientation foncière, mais une association régie par la
loi de 1901 présidée par le maire de Reims, qui a l'essentiel des pouvoirs (cf. article 14 et
15 des statuts : "Le Directeur de l'Agence est nommé par le président du Conseil d'Administra¬
tion ; il est mis fin à ses fonctions dans les mêmes conditions que celles prévue par sa nomi¬
nation. Dans le cadre des pouvoirs qui lui sont délégués par le président... le directeur est
chargé de la proposition des contrats et recrute le personnel").
La S.E.D.M.A., mise en place à partir de 1960, permet le contrôle des organismes construc¬
teurs par une certaine maîtrise foncière.
Lorsqu'elle n'est pas suivie par la Chambre de Commerce, dans sa politique d'expansion,
la Municipalité reprend à son compte la maîtrise d'ouvrage des zones d'activités comme celles
des Essillards et de La Neuvillette.
Pendant longtemps, le patronat rémois a négligé les affaires municipales, faisant une
distinction entre le domaine économique qu'il se réservait et le domaine politique - laissée
à la municipalité - et auquel il ne participait qu'indirectement.
Avec Jean Taittinger, le pouvoir politique domine la vie de la cité en associant le pou¬
voir d'expert et la direction de la politique d'accueil par le logement et les aires d'activi-.
tés. Cette primauté du pouvoir politique se comprendrait peut-être avec un Conseil Municipal
représentatif , mais le scrutin de liste majoritaire a donné un Conseil Municipal dominé par
son maire.
G. Guttierez, dans son mémoire de Droit Public, distingue quatre groupes au Conseil Muni¬
cipal : "La bourgeoisie d'affaires - dont le Maire - politiquement dominante ; la bourgeoisie
paternaliste aujourd'hui reléguée à un second plan ; une frange d'élus convaincus de leur mis¬
sion mais qui n'ont pas le pouvoir ; un groupe passif qui constitue la majorité".
Il en conclut que la présence d'un leader paraît indispensable car le conseil est trop hé¬
térogène pour fonctionner efficacement. Cette analyse est confirmée par l'absence de débats au
Conseil, ainsi qu'en témoigne le journal L'Union du 12 février 1975, rapportant le vote du bud¬
get primitif 1975. La présentation budgétaire par le Maire évoquait des équipements importants;
elle replaçait Reims dans le district, dans le S.D.A.U., dans le département, dans la France
même, pour justifier l'effort fiscal indispensable à la poursuite de la politique d'accueil.
80

Mais le journaliste écrit : "Le débat budgétaire a été relativement court puisqu'il n'a duré
qu'une vingtaine de minutes ; cinq conseillers y ont pris part évoquant tous les points de dé¬
tail".
La bourgeoisie d'affaires mène la ville comme une entreprise avec le même secret des af¬
faires et le même sens de la publicité. Si on en juge par les réactions de la population rémoi
se, à propos de la Cour d'Appel, de la rénovation du quartier Hincmar ou du S.D.A.U., cette mé
thode de planification semble discutable et elle est discutée.
LA CROISSANCE EN QUESTION
Présenté quelques années plus tôt dans l'euphorie de la croissance, le Schéma Directeur
d'Aménagement et d'Urbanisme aurait peut-être trouvé une approbation franche et massive, mais
il est sorti au moment où la crise accélère la prise de conscience et remet la croissance en
question, ce qui explique certains rejets et les approbations souvent réservées.
L'Euphosv ce de ta cAoiA&ancz
Au milieu des années 1950, la croissance n'est pas discutée. Devant la crise du textile,
les détenteurs du pouvoir économique - représentants de l'industrie et des sociétés de H.L.M.
qui se retrouvent au sein du C.E.A.R.R. — sont d'accord pour relancer l'économie rémoise sur
une autre voie. L'accord n'est pas unanime sur le rythme et les modalités de la croissance
mais elle est considérée comme une indiscutable nécessité.
Les classes modestes perçoivent l'essor de la ville comme le seul remède aux problèmes de
l'emploi et du logement dont nous avons vu l'acuité à cette époque où persistait le chômage et
le surpeuplement de logements inconfortables. La ville au "service de la région" est une idée
couramment admise dans le monde rural qui accepte et même désire la poussée urbaine. Les con¬
ceptions du C.N.J.A. (Centre National des Jeunes Agriculteurs), exposées par Michel Debatisse,
reprises par Michel Debré ou Edgard Pisani, font alors la quasi unanimité chez les agricul¬
teurs.
Beaucoup considèrent qu'ils sont trop nombreux sur les exploitations trop petites. L'exo¬
de agricole permettra aux agriculteurs restant à la terre d'étendre leurs exploitations, de
se moderniser, d'être compétitif et d'atteindre la parité. La croissance urbaine est donc né¬
cessaire pour accueillir l'excédent de population agricole et malgré la perte de surface agri¬
cole, l'extension de la ville ne pose pas de graves problèmes. 20 000 hectares de terres à vi¬
gne ayant droit à l'appellation contrôlée champagne sont à remettre en culture et, dans la
Champagne crayeuse, quelque 100 000 hectares de savarts et de médiocres pinèdes s'offrent aux
défricheurs. Croissance urbaine et agricole peuvent aller de pair. La réussite de la S.0.F.0.C
traduit la convergence d'intérêt des responsables agricoles et urbains que M. Hennion secré¬
taire de la F.D.S.E.A. et secrétaire du C.E.A.R.R. symbolise clairement.
Pendant une quinzaine d'années, la réussite semble parfaite. Les défrichements, la recon¬
quête de la S.A.U. dont les trois quarts sont consacrés aux productions à prix garantis — cé¬
réales, betteraves sucrières — assurent l'aisance et parfois la richesse. L'organisation pro¬
fessionnelle débouchant sur une économie contractuelle joue un rôle identique dans le vignoble
touché par un dynamisme jusqu'alors insoupçonné. Le volume des expéditions, la rapidité des
plantations, la hausse du prix du raisin, apportent une richesse inespérée. L'agriculture eon-
nait une période de prospérité qui détermine son adhésion à l'idée de croissance.
81

Evolution du vignoble
1956 1960 1965 1970 1973 1974 1975
Expéditions (en millions de bout). 42,3 64,0 86,5 102,2 124,7 105,4 122,2
Limite
Prix
(sans maximum
prime
de rendement
d'engagement)
du kg de(enraisin.
kg/hec). 7500
144 7500 12000
3,05 3,35 12000
4,52 13000
7,72 11000
7,82 7500
5,65

Les salariés des classes moyennes et modestes sont relativement satisfaits. L 'amél ioration
des conditions de logements, le plein emploi, l'équipement urbain apportent des satisfactions
trop longtemps ignorées à Reims pour ne pas être ressenties comme autant de miracles. Dans la
période de prospérité, les travailleurs s'attardent moins sur les inégalités de répartition ou
d'accès aux équipements dont ils sont rarement bénéficiaires. Il ne fait aucun doute que Jean
Taittinger, Jean Falala et les tenants de la croissance, ont trouvé à Reims un large soutien
populaire qui ne tient pas seulement au charisme gaullien et aux divisions de la gauche.

Elections
Suffrages exprimés Voix exprimées %
Présidentielles 19-12-1965 Reims 61 026 De Gaulle
Présidentielles 19-12-1965 Reims 61 026 32 933 53,96
Taittinger
Législatives 23- 6-1968 1ère cir¬ 50 438 29 381 58,28
conscription Marne
Liste Taitt.
Municipales 7-5-1971 Reims 51 427 30 699 59,69
Taittinger
Législative 4-3-1973 1ère cir¬
conscription Marne 58 100 25 720 44,37
candidats favorables
à la majorité.
Cantonales 23-9 -1973 31 968 15 641 48,92
Présidentielles 19-4 -1974 (Reims) 71 576 33 657 47,02

La cJxÂjd k. moX La cAoiAéance. m quz&tion


Des salariés sans illusions
300 chômeurs secourus, quelque 1 500 demandes d'emplois en 1954, ont fait désirer la crois¬
sance susceptible d'assurer le plein emploi. Après vingt ans d'expansion, 4 000 demandes d'em¬
plois à la fin de 1975 font présumer environ 6 000 chômeurs.
La crise est le révélateur des incapacités du capitalisme et des faiblesses structurelles
des activités rémoises.
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La diversité des activités, l'agrégat des établissements - malgré la présence des grands
noms de l'industrie -, ne sont pas des garanties suffisantes pour assurer le plein emploi, pour
prémunir les Rémois contre les licenciements, le chômage partiel ou total.
L'insécurité de l'emploi est vivement ressentie dans les petites et moyennes entreprises
comme Maillot-Bourbon. La confection - une branche déjà sensible aux données conjoncturelles —
est menacée la première, mais le bâtiment et les ateliers de sous-traitance non abrités, sont
également inquiets.
Des grandes firmes, parmi lesquelles S.A.R.L. I.N.O. , Marelli, Timwear, les Laminoirs de
Thionville (Rigida), envisagent l'abandon ou la réduction de leurs productions rémoises. Le
rachat d'Arthur Martin par Electrolux fait planer sur les salariés les dangers d'une restruc¬
turation, dont ils connaissent les risques après les réductions d'effectifs aux Comptoirs Fran¬
çais absorbés par le groupe Cora.
Sans une refonte du droit du travail, sans une réforme de l 'entreprise, la croissance n'est
plus considérée comme une panacée par les salariés.
Un monde rural plus méfiant
Dès qu'on s'éloigne de la périphérie urbaine, le dépérissement des campagnes, le déclin
démographique, le sous-équipement scolaire, sanitaire, administratif, social et commercial, ren¬
dent la population rurale plus méfiante à l'égard de la ville.
L'exode agricole, considéré comme un mal nécessaire, a accéléré le processus de capitali¬
sation dont certains agriculteurs ressentent les méfaits. L'instabilité du fermage, l'absence
d'un droit de culture, obligent à des achats fonciers de plus en plus lourds et l'équipement
doit être constamment adapté à l'exploitation. Le poids des capitaux foncier et d'exploitation,
la distorsion entre les prix des produits agricoles et ceux des produits industriels nécessai¬
res aux exploitants diminuent les revenus agricoles et augmentent la surface de viabilité. La
ville dévoreuse d'espace devient suspecte. "Pendant la prochaine décennie, les superficies sous¬
traites à leur mode actuel d'utilisation devraient rester inférieures à 250 hectares par an,
pour atteindre 320 hectares vers 1985. A la fin de la période étudiée, les besoins en sols à
réserver à 1 'urbanisation devraient s'élever au moins à 700 hectares par an" (Livre Blanc, pa¬
ge 141). La croissance urbaine envisagee par le S.D.A.U. prévoit que la surface urbanisée pas¬
sera de 3 800 à 13 300 voire 19 900 hectares. Cette perte minimum de 10 000 hectares de S.A.U. in¬
quiète les agriculteurs parce qu'il n'y a plus de terres à défricher et parce que l'expropria¬
tion accélère la hausse du prix des terres. L'expropriation, quelle que soit l'indemnité versée
au propriétaire et au fermier, n'est plus tolérée par les agriculteurs qui considèrent la terre
comme un outil et non comme un objet de spéculation.
Une bourgeoisie plus réservée
Comparativement aux agriculteurs, la bourgeoisie commerçante et industrielle est trop hé¬
térogène pour avoir un seul comportement face à la croissance. L'ancienne bourgeoisie indus¬
trielle a perdu son indépendance et son pouvoir de commandement. Devenus directeurs ou cadres
des nouveaux ateliers, ces anciens patrons ne considèrent pas toujours quelques opérations im¬
mobilières comme une compensation au déclin de leur influence. Parmi les commerçants, ceux qui
ont les capacités techniques et financières s'adaptent aux mutations du marché, se reconvertis¬
sent dans les branches dynamiques, s'installent à la périphérie de la ville, profitent du gon-
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flement de la clientèle. Par contre, le commerce traditionnel et familial - rarement armé pour
résister aux assauts du capitalisme commercial — manifeste les plus vives réticences face à la
croissance urbaine qui accélère les mutations économiques.
Un constat plu6 îiÂoJLLb>t<L
La création d'emplois est le fondement de la croissance démographique et, dans les trente
prochaines années, l'offre de 37 000 emplois secondaires plus 94 000 emplois tertiaires, est
envisagée dans l'aire du S.D.A.U. Mais le Vie Plan, qui prévoyait la création de 300 000 em¬
plois industriels en France, laisse un bilan nul ; il n'y a pas eu création nette de postes de
travail et Reims ne fait pas exception. Pour le Vile Plan, F. Essign, Délégué à l'aménagement
du territoire, ne laisse espérer que 20 à 30 000 créations en France, c'est-à-dire 100 à 200
pour Reims dans les normes actuelles.
Le gonflement du tertiaire, qui occupe déjà 47% des personnes actives en France contre
40% en Allemagne fédérale, ne laisse pas esnêrer de nombreuses créations dans ce secteur. Dans
les conditions actuelles, il serait vain de se bercer d'illusions : ni les capacités d'inves¬
tissement, ni les pouvoirs de décisions locaux, ne permettront d'améliorer sensiblement la si¬
tuation rémoise. Les espoirs de croissance sont d'ailleurs en contradiction avec l'évolution
démographique.
De 1962 à 1968, la croissance démographique fut de 2,6% par an ; elle est tombée à 2,2%
entre 1968 et 1975, mais le S.D.A.U., envisage une croissance annuelle de 4%. Sans extrapoler
les données actuelles sur une longue période, il est fort probable que la natalité (14%0) et
la mortalité (10,6%o) ne donneront à l'avenir qu'une faible augmentation de la population
française. Or, toutes les villes françaises dotées d'un S.D.A.U. misent sur une croissance tel¬
le que la France compterait plus de 250 millions d'habitants à la fin du siècle ! (52,7 mil¬
lions en 1975). A cette contradiction s'ajoute celle de l'aménagement du territoire qui pré¬
voit, en même temps, une urbanisation accélérée, attestée par les S.D.A.U., et une revitalisa¬
tion du monde rural par l'aide à l'industrialisation et autres "contrats de pays" (Ste-Mene-
hould, Vouziers, Nogent-en-Bassigny . . . ) .
Ou bien on admet que la population française augmentera peu et que celle-ci doit trouver
son épanouissement sur place, sans déracinement, souvent difficile d'un point de vue individuel
et dommageable du point de vue socio-économique : dans ce cas, il faut admettre également un
fort ralentissement de la croissance urbaine.
Ou bien on doute des capacités de l'aménagement du territoire en économie libérale, mais
on doit reconnaître que les campagnes n'ont plus à fournir un gros contingent d'émigrants et
que les flux migratoires ont toute chance de s'établir vers l'agglomération parisienne (villes
nouvelles), vers la façade atlantique ou l'axe rhodanien-rhénan - bénéficiaires de gros inves¬
tissements qui négligent la région Champagne Ardenne. Dans l'un ou l'autre cas, la poursuite
d'une politique d'accueil à tout prix, se révélera vite insupportable pour les contribuables
locaux et se soldera par un échec si les objectifs en sont trop ambitieux.
La jeunesse de la population rémoise, malgré la chute de la natalité, laisse prévoir 1,3%
d'accroissement naturel, auquel il convient d'ajouter un léger flux migratoire. La conjonction
des deux phénomène permet d'envisager une croissance démographique oscillant autour de 2% par
an .
84

La comparaison des classes d'âge quittant la vie active et de celles arrivant sur le mar¬
ché de l'emploi entraine logiquement, la création de quelque 1 500 emplois par an. C'est sur
ces bases et en prévoyant la revitalisation des bourgades rurales qu'il faudra aménager l'es¬
pace rémois.
L'hypothèse, au début du XXIe siècle, de 380 000 Rémois et de 600 000 habitants sur l'ai¬
re du S.D.A.U. n'est pas crédible et il serait absurde de réaliser les investissements - 2.1.
de la Neuvillette, de Prunay... - en espérant atteindre ces objectifs fort aléatoires et peu
souhaitables.
La comparaison des agglomérations françaises supérieures à 200 000 habitants témoigne que
cette importance démographique n'est pas un seuil, dont le franchissement serait propre à chan¬
ger les structures urbaines. Malgré un poids démographique plus important, ni les équipements,
ni les services, ni le pouvoir local, ni les capacités économiques et financières, ne se trou¬
vent sensiblement améliorées, même à Toulouse, voire à Lyon.
Les problèmes des neuf communautés urbaines, exposés au premier ministre Jacques Chirac
par leurs présidents, soulignent bien que, en France, le centralisme politique et administratif,
la concentration des pouvoirs économiques, sont - avec les inadaptations de la fiscalité loca¬
le - les handicaps majeurs à l'essor de véritables métropoles régionales. Comment, dans ces
conditions, justifier une croissance qui ne constitue pas un progrès ? Le freinage des inves¬
tissements d'accueil, le ralentissement de la croissance, au contraire, peut constituer un ré¬
pit, mis à profit pour structurer la communauté rémoise et améliorer la qualité de la vie. Plu¬
tôt que de prolonger une croissance, dont nous avons vu les limites, il faut mettre fin à la
rupture sociale qui s'est accentuée au cours des quinze dernières années.

CONCLUSION
Les deux phases de la croissance rémoise - sous le Second Empire et pendant le troisième
quart du vingtième siècle (1950-1975) - prouvent qu'il n'y a pas de "miracle" local, car elles
coïncident avec celles de l'urbanisation française.
Le Second Empire correspond à la montée de la bourgeoisie. Elle investit ses capitaux dans
l'industrie et le négoce, qui intègrent toute la population dans l'économie marchande. A cette
époque, le centralisme, administratif et politique n'est pas encore l'étouffoir de la vie ré¬
gionale parce que ses domaines d'intervention sont limités ; la bourgeoisie locale dispose d'
une capacité d'investissement et de commandement économiques non négligeables : les flux mi¬
gratoires, encore mesurés, n'ont pas effacé les sentiments d'appartenance à une communauté ré¬
gionale. Les villes dessinent un réseau urbain et structurent l'espace régional.
Mais dans la seconde moitié du XX siècle, au moment où les géographes étudient les ré¬
seaux de ville et la structuration de l'esoace, le phénomène de polarisation subit une détério¬
ration rapide, sous l'effet de la concentration capitaliste, et du centralisme politico-admi-
nistrif, qui sont intimement associés.
D'une part, le capitalisme d'envergure nationale et internationale domine Reims ; les dé¬
cisions économiques sont prises à l'extérieur, en fonction d'une politique de firme et d'une
rentabilité du capital, peu soucieux des problèmes sociaux de la région. Les interventions
politique et administrative dans le domaine économique se plient à ce qu'on veut considérer
85

comme les impératifs de la "rentabilité" et favorisent la concentration sur quelques espaces :


villes, vallées, façades maritimes apparemment privilégiés.
Les initiatives locales, lorsqu'elles existent, sont freinées par le centralisme parisien
et par les incapacités financières, héritées d'une fiscalité archaïque et injuste. Dans le mê¬
me temps, le brassage de la population et les flux migratoires intenses ont altéré le sentiment
d'appartenance à une communauté ne survivant que grâce à quelques mythes, "les sacres", "le
foot bal 1 " . . .
Tenue en tutelle par Paris et privée de ressources propres, la ville n'est plus le lieu
d'un pouvoir économique important, parce que les décisions du capitalisme bancaire lui échap¬
pent. Les initiatives municipales sont également restreintes ; lorsqu'elles existent, ces ini¬
tiatives visent à conforter 1 'attractivité de la ville, c'est-à-dire à défendre la rentabili¬
té des éventuels investissements. Les investissements publics, se mettent au services des in¬
vestisseurs privés, comme palliatif à la réduction tendancielle du taux de profit.
La ville devient un puzzle frappé par la ségrégation fonctionnelle et sociale. Cette rup¬
ture urbaine - la disparition du sentiment d'appartenance à une communauté régionale ou urbai¬
ne — s'accompagne d'un renforcement dans la prise de conscience d'une appartenance sociale. On
est salarié, OS, fonctionnaire, ou commerçant avant d'être Rémois.
Dans ces conditions, le géographe ne peut pas mener une étude de l'espace vue de l'exté¬
rieur. C'est au contraire l'étude des raonorts sociaux et économique qui lui permettent de dé¬
celer l'organisation de l'espace urbain et régional.
86

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