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DROIT FONCIER IVOIRIEN


Une introduction historique
L’espace rural sur lequel s’exerce de multiples actions comporte une diversité de ressources
naturelles (forêts, faunes, l’eau, …). Ces ressources qui ont la particularité de n’avoir pas été
créées de main d’homme, constituent des richesses inestimables autant pour les communautés
rurales que pour l’Etat.
Comment sont gérées ces ressources ?
Dans la société traditionnelle africaine, les ressources naturelles sont la propriété de la
collectivité des premiers occupants de la terre et de leurs descendants.
Elias OLOWALE disait à ce sujet que la terre appartient à une grande famille dont beaucoup
de membres sont morts, quelques-uns, vivants et le plus grand nombre est à naître. Avec
l’avènement de l’administration coloniale et aujourd’hui de l’Etat de Côte d’Ivoire, les tenures
coutumières ont été marginalisées au profit d’un ordre juridique nouveau reposant d’une part,
sur l’exploitation individuelle des ressources naturelles, d’autre part, sur les exploitations à
des fins économiques.
Cette marginalisation des tenures coutumières reste inopérante car, dans la pratique, les droits
fonciers coutumiers restent encore vivaces.

Le régime foncier rural se définit comme l’ensemble des dispositions législatives et


règlementaires applicables au fonds de terre en milieu rural. L’étude de ces dispositions va
porter d’une part, sur le domaine foncier rural (chapitre 1), d’autre part, sur l’appropriation
des terres (chapitre 2) et enfin, sur la cession des terres (chapitre 3)
Chapitre 1. Le domaine foncier rural
Section 1. Définition et composition du domaine foncier rural
Aux termes de l’article 1er de la loi de 1998, le domaine foncier rural se définit comme
l’ensemble des terres mises en valeur et quelle que soit la nature de la mise en valeur. Du
point de vue de sa composition, le domaine foncier rural apparait comme une catégorie
résiduelle par rapport au domaine public, au domaine foncier urbain et au domaine forestier
classé. Ce domaine est composé de terres ayant soit un statut permanent, soit un statut
transitoire.
§ 1. Le domaine foncier rural permanent
Le domaine foncier rural permanent est composé des terres appartenant à l’Etat et aux
collectivités publiques, des terres appartenant à des particuliers et enfin, des terres sans maître
A. Les terres appartenant à l’Etat ou aux collectivités publiques
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Les terres qui appartiennent à l’Etat sont d’abord celles acquises par l’achat antérieurement
concédée à titre définitif aux particuliers. C’est notamment le cas de vastes concessions ayant
appartenu à des particuliers sous le régime colonial.
Le domaine foncier rural de l’Etat comprend ensuite des terres qui ont été immatriculées en
son nom.
Une autre catégorie de terre appartenant à l’Etat est celle qui a été obtenu par voie
d’expropriation pour cause d’utilité publique conformément au décret du 26 novembre 1930.
Peuvent être attachées à cette catégorie de terres, les terres qui appartiennent à titre définitif à
des particuliers et qui n’ont pas été mise en valeur dans un délai de 10 ans comme l’exigeait
déjà la loi du 12 juillet 1971 relative à l’exploitation rationnelle des terrains ruraux détenus en
pleine propriété.
Pour ce qui est du domaine foncier rural des collectivités publiques, il est situé dans les
limites territoriales fixées par voie règlementaire.
B. Les terres appartenant aux particuliers
Il s’agit d’abord des terres acquises par voie de l’immatriculation. Aux terres immatriculées,
s’ajoutent les terres que les particuliers ont pu acquérir sous le régime du code civil.
C. Les terres sans maître
Sous l’empire du décret du 15 novembre 1935 portant réglementation des terres domaniales
en AOF, le concept de terres vacantes et sans maître avait permis la mainmise de
l’administration coloniale sur les terres non mises en valeur créant ainsi le mécontentement
des autochtones. Ayant recours au concept de terres sans maître, le législateur ivoirien pour
éviter toute équivoque a pris soin d’en donner la définition. Ainsi, sont d’abord considérées
comme des terres sans maître, les terres objet d’une succession ouverte mais non réclamées
depuis plus de trois ans. Tel est le cas ensuite des terres sur lesquelles les conflits persistent
après la publication de la loi du 23 décembre 1998. Tombent enfin sous le coup de cette
appellation, les terres concédées provisoirement mais non mise en valeur depuis trois ans à
compter de la publication de la loi du 23 décembre 1998.
A qui incombe la charge de la preuve de l’absence de maître ?
Cette charge, en vertu de l’article 6 de la loi du 23 décembre 1998, incombe à
l’administration. L’administration doit à cet effet délivrer un acte administratif constatant le
défaut de maître. Cette disposition qui est conforme à l’article 1315 du code civil est à
l’avantage de l’autorité foncière coutumière car, celle-ci ne dispose pas le plus souvent d’un
document écrit attestant sa prérogative foncière. Il convient de relever de ce qui précède que
les terres objets de conflits interminables et considérées comme sans maître pourront être
incorporées au domaine de l’Etat de même que les terres qui n’ont pas été mise en valeur dans
le délai imparti.
Si l’on tient compte du nombre de conflits fonciers non résolus et du manque de moyens pour
la mise en valeur des terres, l’Etat apparaît d’ores et déjà comme le grand bénéficiaire de
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l’ensemble du concept de terre sans maître tout comme ce fut le cas de l’administration
coloniale.
§ 2. Le domaine foncier rural transitoire
La nature transitoire de ce domaine résulte du fait que les terres concernées n’appartiennent
pas encore au sens juridique du terme à ceux qui en sont les occupants, il s’agit d’une part,
des terres du domaine coutumier et d’autre, part, des terres du domaine concédé par l’Etat aux
personnes physiques ou morales.
A. Le domaine coutumier
Pour le législateur ivoirien, le domaine coutumier est constitué par l’ensemble des terres sur
lesquelles s’exercent les droits fonciers conformes au mode traditionnel de gestion de la terre.
Sont également visées, les terres qui au mépris des procédures domaniales et foncières ont fait
l’objet de transaction.
B. Le domaine concédé
Quant au domaine concédé, il comprend les terres attribuées provisoirement aux personnes
physiques et morales avant la réforme foncière du 23 décembre 1998.
Section 2. La gestion du domaine foncier rural
S/Section 1. Le rôle de l’Etat dans la gestion du domaine foncier
La gestion de l’Etat du domaine foncier rural s’exerce sous trois formes :

- L’attribution des terres


- Le retrait des terres
- Le contrôle des transactions foncières

§ 1. L’attribution des terres


A. Les modes d’attribution des terres
Il faut une distinction entre deux périodes l’attribution des terres avant la réforme foncière
Avant la réforme foncière du 23 décembre 1998, les modes d’attribution des terres étaient
essentiellement : le permis d’occuper, les concessions provisoires, la concession définitive
(elle était accordée à celui qui avait bénéficié d’une concession provisoire et qui avait mis sa
terre en valeur), le bail emphytéotique,
Après la réforme du 23 décembre 1998, l’attribution se réalise à travers : le certificat foncier/
certificat administratif, l’attribution de la propriété par l’obtention du titre foncier et le bail
emphytéotique.
1. Le certificat foncier
Il ne concerne que les terres du domaine coutumier eu égard au faible pourcentage de terres
immatriculées. Ce domaine représente l’essentiel du domaine foncier rural.
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Aux termes de la loi de 98, l’obtention du certificat foncier est subordonnée au constat
d’existence paisible et continu du droit coutumier. Ce constat est établit à l’issu d’enquête
officielle réalisée conformément à la procédure définie par le décret n°99-594 du 13 octobre
1999. Cette procédure comporte plusieurs étapes qui sont :

- La demande d’enquête, cette demande est adressée au sous-préfet compétent en sa


qualité du président du comité de gestion foncière rurale
- Le déroulement de l’enquête ; l’enquête est couverte par l’affichage de la demande en
divers lieux ; service extérieur pour informer ceux qui auraient des terres à
revendiquer
- La validation de l’enquête ; l’enquête est effectuée par une équipe dirigée par le
commissaire enquêteur, elle va être validée par le comité de gestion rurale de la sous-
préfecture après une période de publicité de 3 mois.
Après validation de l’enquête, le certificat foncier est signé et publié au JORCI par le préfet
du département à compter de cette signature le titulaire du certificat dispose d’un délai de 3
ans de recourir à l’immatriculation.
Si le délai pour demander l’immatriculation est précisé, le délai accordé au détenteur
coutumier de la terre pour demander le certificat foncier ne l’est pas.
Conséquence de ce fait, les demandeurs coutumiers risquent de prendre leur temps s’ils n’ont
pas fait constater leur droit dans le délai de dix ans après publication de la loi du 23 décembre
1998 et cela, conformément à la théorie de terre sans maître.
Le Certificat Foncier a plusieurs atout, notamment : Facilite l'accès au crédit (Le Certificat
Foncier peut servir de garantie pour l'obtention de crédits auprès des institutions financières),
Sécurisation des droits fonciers (Il permet de sécuriser les droits fonciers des propriétaires en
facilitant l'identification et la reconnaissance des terres), Facilite les transactions foncières (En
simplifiant les procédures de transactions foncières, le Certificat Foncier favorise la fluidité
des échanges de terres), Réduit les litiges fonciers (En clarifiant la situation foncière, le
Certificat Foncier peut contribuer à réduire les litiges liés à la propriété des terres).
2. L’attribution de la pleine propriété
Elle a lieu pour les titulaires du certificat foncier qui ont fait immatriculer leur terrain. Elle a
lieu également pour les occupants des terres antérieurement au procédé de type provisoire.
Concernant ces concessionnaires à titre provisoire, ils ont un délai de trois ans à compter de la
loi de 98 pour consolider leur droit. Ils pourront selon les cas, recueillir soit la pleine propriété
du bien foncier soit une demande simple de location. Alors que les terres du domaine
coutumier sont immatriculées directement au nom du demandeur (titulaire du certificat
foncier), le bien foncier concédé est d’abord immatriculé au nom de l’Etat qui rétrocède
ensuite à l’ancien concessionnaire soit en pleine propriété, soit sous forme de location.
3. Le bail emphytéotique (loi de 1932)
Il a été institué à l’origine pour mettre fin à l’exploitation anarchique des terres et à la
spéculation foncière. C’est un bail accordé par le ministère de l’agriculture et des ressources
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animales pour une durée qui varie de 18 à 99 ans ; mais en pratique, la durée du bail est de 25
ans renouvelable.
Le bail emphytéotique est un droit réel cessible et susceptible d’hypothèque conformément à
l’article 31 du décret du 26 juillet 1932.
De ce point de vue et compte tenu de sa durée, le bail emphytéotique procure une sécurité
suffisante aux investisseurs et aux banquiers. Tout en instituant une obligation permanente de
mise en valeur. Le bail emphytéotique permet par la même occasion de réserver des terres
pour l’avenir. Il permet de répondre à l’augmentation démographique sans expropriation ni
réforme agraire. C’est donc un instrument de gestion rationnelle des ressources foncières.
B. Les critères d’attribution
Aux termes de l’article 1er de la loi foncière de 1998, seuls l’Etat, les collectivités publiques et
les personnes physiques ivoiriennes sont admis à en être propriétaires.
………………………
Avant la réforme foncière, la mise en valeur constituait le centre d’attribution de la pleine
propriété des terres. Le bénéficiaire d’un permis de construire ou d’une concession provisoire
ne devenait propriétaire foncier par voie de l’immatriculation qu’après constat de mise en
valeur de son terrain. Cette procédure demeure encore valable pour les titulaires de
concessions provisoires à travers la consolidation de leur droit. Depuis la réforme foncière du
23 décembre 1998, le constat de mise en valeur ne suffit plus pour obtenir la pleine propriété
du bien foncier concédé. Il faut en plus que l’ancien concessionnaire soit une personne
physique ivoirienne.
Au critère de la mise en valeur, s’ajoute le critère personnel de la nationalité.
§ 2. Le retrait des terres
L’Etat peut obliger un particulier à lui céder moyennant une juste et préalable indemnité un
terrain nécessaire à la réalisation des travaux publics. C’est la procédure d’expropriation pour
cause d’utilité publique. Cette procédure est règlementée par le décret du 26 novembre 1930
en ce qui concerne les terres faisant l’objet d’une concession et n’ayant pas été mise en valeur
dans le délai de 3 ans à compter de la publication de la loi … Elles sont considérées comme
des terres sans maître…
Enfin, le bail emphytéotique consentit dans l’exploitation peut être résilié soit en cas
d’abandon de mise en valeur pendant plus de 10 ans, soit en cas de non-paiement des
redevances par l’emphytéote pendant deux années consécutives.
§ 3. Le contrôle des transactions foncières
C’est l’immatriculation préalable des terres au nom de l’Etat qui traduit la volonté de celui-ci
de contrôler les transactions foncières. Il en est de même de l’obligation faite aux particuliers
de recourir aux services d’un notaire pour toute opération immobilière. Malgré ces
dispositions, l’on a constaté une prolifération de conventions coutumières en marge de la loi.
Pour remédier à cette situation, le décret du 16 février 1971 a été pris pour interdire les actes
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sous-seing privés en matière de transaction foncière ; ce décret sera renforcé par la loi du 20
mars 1970 laquelle loi prescrit la vérité absolue des transactions foncières effectuées hors
d’intervention d’un notaire pour dissuader les contrevenants.
Le décret du 16 février 1971 relative aux procédures domaniales et foncières a prévu une
sanction pénale de 2000 à 72000 francs d’amende et de 10 jours à 2 mois de prison… Malgré
toutes ces mesures, on a pu observer une propension des populations à recourir aux actes
sous-seing privés.
S/section 2. Les instruments et structures de gestion
§ 1. Les instruments de gestion
Les principaux instruments de gestion sont le livre foncier, le cadastre et le plan foncier rural.
A. Le livre foncier
Tenu par le service en charge de la conservation foncière du ministère de l’économie et des
finances, le livre foncier est le document sur lequel s’inscrit de façon irréversible la propriété
foncière de même que les inscriptions qui peuvent la transformer ou la limiter : vente,
donation, hypothèque, la saisie.
Chaque immeuble a fait l’objet d’une feuille ouverte dans le livre foncier, l’ensemble des
mentions consignées sur une feuille constitue le titre foncier et à chaque titre foncier
correspond un numéro et un dossier. Ce dossier comprend :

- Les pièces de la procédure d’immatriculation


- Le plan définitif de l’immeuble
- Les bordereaux analytiques successivement établis
- Enfin, les actes et pièces analysés
B. Le cadastre
Le cadastre peut être défini comme un ensemble de documents officiels donnant des
informations sur :

- La localisation des propriétés bâties et non bâties.


- Les limites et le statut des propriétés immobilières
- L’identité des propriétaires immobilières
- L’état de la mise en valeur des propriétés immobilières et leur valeur locative ou
vénale.
Il existe plusieurs types de cadastres

- Le cadastre fiscal
- Le cadastre foncier et légal
- Le cadastre polyvalent

Le cadastre présente de nombreux avantages :


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- il permet d’abord une meilleure connaissance des limites foncières, ce qui facilite le
règlement des titres fonciers ; les études de planification et de développement et l’inventaire
du domaine de l’Etat, des collectivités et des particuliers.
- le cadastre permet ensuite la sécurisation des transactions foncières en créant une
présomption de propriété laissée à l’appréciation des …
- enfin, le cadastre permet la mise en place d’une fiscalité foncière efficace. La mise en
œuvre du cadastre est réalisée par un service spécialisé dit service de cadastre créé par la loi
de finance du 7 février 1962.
Si en milieu urbain, notamment, à Abidjan, le cadastre a connu une croissance, il n’en est pas
de même en milieu rural.
En effet, en dehors des globes industriels, de quelques plantations appartenant aux hauts
cadres, le cadastre est dans l’ensemble inopérant en raison de l’instabilité des droits fonciers.
En effet, le cadastre suppose que les propriétés foncières sont établies, délimitées et
stabilisées. Ce qui n’est pas le cas en milieu rural ; une autre contrainte de cadastrage en
milieu rural a trait à son coût onéreux. A défaut de cadastre, on a recours au plan foncier rural.
C. Le plan foncier rural
Mise en œuvre depuis 1988 par l’ex direction générale des grands travaux (DGTx)
aujourd’hui BNETD, le plan foncier rural constitue à défaut du cadastre, un palliatif. C’est
une opération consistant en une vaste enquête foncière menée en zone rurale sur la base de
photo aérienne complétée par des enquêtes au sol. Il a pour objectif d’établir une cartographie
du territoire national en précisant les limites foncières à l’intérieur de chaque territoire
villageois ; et en recensant pour chaque parcelle identifiée l’ensemble des droits qu’il exerce
et les détenteurs de ces droits.
Le plan foncier rural vise à faciliter le règlement des conflits fonciers et à constituer une base
pour l’aménagement et la gestion de terroirs villageoise ; vise aussi à favoriser l’entretien du
patrimoine foncier, et faciliter l’accès au règlement foncier.
Le plan foncier rural a déjà connu une phase pilote dans certaines régions du pays (Korhogo,
Béoumi, Daloa, Abengourou et Soubré). En attendant la prise en compte et la validation des
premiers résultats, il a été décidé de l’étendre sur une échelle plus grande en mettant l’accent
sur la vocation des sols, l’aménagement de la gestion des terroirs, l’intégration
agriculture/élevage.
Aujourd’hui, le plan foncier rural est devenu concomitante au PNGTER. Ce programme vise
à rationaliser l’utilisation des ressources foncières par l’association et la responsabilisation des
communautés rurales dans la gestion de leur terroir.
§ 2. Les structures de gestion
Plusieurs ministères interviennent dans la gestion du domaine foncier rural. A ces ministères,
il y a une pluralité de structures ad ’hoc comme les comités de gestion foncière rurale.
A. Les structures étatiques
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La gestion du domaine foncier rural relève de la compétence de divers ministères et de


l’Agence foncière rurale
1. Les ministères
Ce ministère comprend une direction de la réglementation et des affaires domaniales rurales
chargée de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de gestion du domaine foncier
rural et corrélativement de la réglementation qui l’affecte.
A l’échelle locale, les opérations techniques relèvent de la compétence de chaque direction
départementale du ministère de l’agriculture et des ressources animales.
Le ministère de l’économie et des finances, est lui, chargé de la gestion patrimoniale
des biens de l’Etat ; son intervention en matière foncière revêt un double accès technique et
financier. Au plan technique, il intervient à travers le service de la conservation foncière et le
service du cadastre ; d’autre part, le service de propriété foncière est chargé de formalité
d’immatriculation au titre foncier.
Au plan financier, le ministère de l’économie et des finances perçoit les produits découlant
des ventes et locations des biens immobiliers de l’Etat ; de même, il définit l’assiette de
l’impôt foncier et assure son développement.
Le ministère chargé de l’intérieur et de la décentralisation intervient dans la gestion du
domaine foncier à travers ces représentants locaux que sont les préfets et sous-préfets.
Lesquels disposent en la matière d’une compétence propre.
Le ministère des eaux et forêts veille quant à lui, sur l’intégrité du domaine forestier
permanent de l’Etat (forêts classées, parcs nationaux, réserves, etc.) et à éviter que celui-ci ne
soit attribué à des particuliers.
L’intervention du ministère chargé de la construction et de l’urbanisation vise à vérifier si
la parcelle de terre demandée à des fins agricoles ne fait pas partie du domaine foncier urbain.
Il s’agit de cette façon de préserver contre toute atteinte les plans directeurs ou d’urbanisme et
les zones d’aménagement du terrain.
2. L’AFOR
L'AFOR a été créée par le Décret N° 2016-590 du 03 Août 2016, définissant ses attributions,
son organisation et son fonctionnement.
L'AFOR a pour mission de mettre en œuvre la loi N° 98-750 du 23 Décembre 1998 relative
au domaine foncier rural, modifiée par d'autres lois.
B. Les comités de gestion foncière rurale
1. L’organisation
Le comité de gestion foncière rural est organisé par le décret n°99-793 du 13 octobre 1999.
Créé dans chaque sous-préfecture par arrêté préfectoral, il est composé d’une part, des
représentants des ministères et services qui interviennent dans la gestion des ressources
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foncières ; d’autre part, les représentants des communautés rurales des villages et des autorités
coutumières désignées pour une période de 3 ans renouvelables.
L’ensemble de ces représentants intervient au processus décisionnel avec voix délibérative.
Une autre catégorie de membres intervient dans le fonctionnement du comité avec voix
consultative. Il s’agit des personnes concernées par l’objet de délibération du comité et de
toute personne dont la contribution est nécessaire au comité.
2. Les fins des comités de gestion
La création de comité de gestion foncière rural répond au souci de l’Etat d’associer davantage
les populations locales à la gestion de ressources foncières …
La création des comités de gestion foncière ruraux est en corrélation avec le programme
national de gestion des terroirs. L’objet du programme est d’accroître la participation et la
responsabilisation des populations rurales dans la gestion de leur terroir. Cependant une
frange importante de cette population, notamment, les femmes et les jeunes risquent d’être en
marge de la gestion des questions foncières. En effet, malgré leur poids démographique
prédominant, ces groupes sociaux ne sont pas, au regard du droit coutumier associés à la
gestion des terres.
Chapitre 2. L’appropriation de la terre
Section 1. Le fondement de la propriété : l’immatriculation foncière
En quoi consiste le système de l’immatriculation ? Quelles sont ses conditions et modalités de
mise en œuvre ? Quels sont ses effets ?
§ 1. Le système de l’immatriculation
A. L’introduction et évolution du système
Le système de l’immatriculation s’inspire principalement du torrens act intervenu en
Australie le 2 juillet 1858. Il consiste à inscrire des immeubles et toutes les opérations qui les
concerne dans un document appelé livre foncier. Il a d’abord été introduit en Côte d’Ivoire par
le décret du 20 juillet 1900, mais son accès était réservé aux seuls Européens ; ce qui en
limitait la portée pratique. Pour y remédier, il fut adopté le décret du 24 février 1906 qui
autorisait les détenteurs coutumiers à recourir à ce système. De même, alors que la procédure
était judiciaire, elle devint sauf en cas de litige administratif.
La dernière étape fut le décret du 26 juillet 1932 lequel est toujours en vigueur. Lorsque
l’immeuble a été immatriculé, il n’est plus impossible de revenir au régime antérieur c’est-à-
dire, au code civil ; car, l’immatriculation déroge aux dispositions du code civil. Il en résulte
qu’entre acquéreurs successifs d’un immeuble, est préféré, non pas le premier acquéreur, mais
le second ayant requis le 1er l’inscription de son titre au registre foncier.
Au plan technique, le système de l’immatriculation est considéré comme l’une des meilleures
matières de sécurisation de la propriété foncière.
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Au plan socioéconomique, il peut permettre de remédier aux incertitudes inhérentes aux


tenures coutumières. Incertitudes qui sont à l’origine de nombreux conflits fonciers.
Le système de l’immatriculation favorise également la sécurité juridique nécessaire aux
transactions foncières aux crédits et aux investissements. En raison de ses multiples
avantages, le système de l’immatriculation a été adopté par plusieurs pays : Tunisie,
Madagascar, Togo, Sénégal, Allemagne avec quelques variantes. Mais pourtant, depuis son
introduction en Côte d’Ivoire jusqu’à ce jour, ce système n’a pas connu de succès escompté.
Les dernières estimations disponibles datant des années 80 indiquent que seulement 4% des
terres ont été immatriculées.
Comment peut-on expliquer cette situation ?
Cette situation s’explique par plusieurs facteurs :

- Les premiers d’ordre socioculturel résident dans la non adhésion des populations à
cette procédure. Les populations rurales et en particulier, les détenteurs coutumiers se
considèrent déjà comme propriétaire de leurs terres et ne jugent pas nécessaire de
recourir à une procédure qui leur est étrangère.
- Le second, d’ordre technique et financier, a trait au caractère complexe et onéreux de
procédure d’immatriculation. C’est pour remédier à cette situation qui entrave la
sécurisation foncière que la réforme foncière du 23 décembre 1998 à alléger la
procédure d’accès à la propriété foncière.
B. Les caractéristiques du système
Par rapport aux dispositions du code civil sur la propriété, l’immatriculation apparaît comme
un mécanisme de renforcement de la sécurité foncière. Elle relève trois principales
caractéristiques :

- La publicité réalisée par l’inscription au livre foncier. Cette publicité ne vise pas
seulement à informer les tiers et à leur rendre opposable le droit de propriété. Elle
constitue surtout un instrument de création et de transfert de droit réel.
- Ensuite, le droit de propriété est acquis non seulement par la volonté des parties, mais
aussi par la formalité de l’immatriculation. Il en résulte notamment, que les actes de
cession foncière passé par devant le notaire ne constate que l’accord des parties, ils
(actes) ne peuvent à eux seuls conférer la propriété foncière.
- Enfin, contrairement au système français de la publicité foncière qui repose sur le
principe du consensualisme, la preuve de la propriété est aisée car, il suffit de recourir
à l’inscription au titre foncier.
§ 2. Les conditions et modalités de l’immatriculation
Qui doit demander l’immatriculation ?
L’immatriculation est laissée à l’initiative des personnes intéressées. Non seulement, les
personnes physiques peuvent prendre cette initiative, mais aussi, l’Etat, les collectivités
publiques.
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Quelles sont les terres qui doivent être immatriculées ? En quoi consiste la procédure
d’immatriculation ?
A. Les terres susceptibles d’immatriculation
Sont seules susceptibles d’immatriculation sur les livres fonciers, les fonds de terre bâtis ou
non bâtis.
S’agissant des fonds de terre non bâtis, après avoir indiqué que l’immatriculation est en
principe facultative. L’article 5 du décret du 28 juillet 1932 précise plus loin qu’elle est
exceptionnellement obligatoire dans le cas d’aliénation ou de cession de terres domaniales et
dans le cas où une terre coutumière doit faire pour la première fois l’objet d’un contrat écrit.
Avec la réforme foncière de 1998, l’immatriculation est devenue obligatoire dans tous les cas
pour les terres du domaine rural. Ainsi s’agissant du domaine concédé. L’article 12 de cette
loi indique que tout concessionnaire d’une terre non immatriculée doit en requérir
l’immatriculation à ses frais.
Par ailleurs, s’agissant des terrains du domaine coutumier, la loi précitée oblige le détenteur
du certificat foncier à requérir l’immatriculation dans un délai de 3 ans à compter de la date de
délivrance dudit certificat. Dans la mesure où les lois spéciales dérogent aux lois générales,
l’on peut dire que contrairement au milieu urbain, les terres rurales sont obligatoirement
assujetties à l’immatriculation.
B. La procédure d’immatriculation
Elle est réglementée par le décret du 26 juillet 1932 portant réorganisation du système de la
procédure foncière en AOF. Avec la réforme foncière de 98, des réaménagements ont été
apportés à cette procédure en vue de favoriser la sécurisation foncière. Avant de relever les
aménagements, il s’avère nécessaire d’étudier la procédure d’immatriculation telle que
réglementée par le décret du 26 juillet 1932.
1. La procédure d’immatriculation telle que réglementée par le décret du 26
juillet 1932
Cette procédure comprend plusieurs phases :
a. La réquisition d’immatriculation
Elle se présente comme la forme du dossier déposé entre les mains du conservateur de la
propriété foncière. Dans cette réquisition, le particulier ou l’Etat affirme sa propriété sur une
parcelle de terre et demande au conservateur d’immatriculer la parcelle concédée en son nom.
b. La publicité de la réquisition
Afin de savoir si des tiers n’ont pas de droit à faire valoir sur le terrain dont la propriété est
revendiquée. La demande d’immatriculation doit être portée à la connaissance du public.
Les formalités de publicité de l’avis d’immatriculation au journal officiel et affichées en
divers lieux publics de la localité concernée : la région, la commune, la préfecture, le village.
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c. Le bornage du terrain
Il consiste en une identification matérielle du terrain et à la reconnaissance de ses limites.
Cette publicité a lieu en présence de tous les intéressés et d’un géomètre assermenté du
service du cadastre.
d. L’inventaire des biens
Les tiers disposent d’un délai de trois mois à compter de l’affichage du … pour faire connaître
leur revendication. Ils peuvent se faire soit par la voie de l’opposition soit par la voie de la
demande d’immatriculation par opposition, le tiers conteste au demandeur la propriété du
terrain objet de la réquisition d’un immeuble par la demande d’inscription, le tiers ne conteste
pas la propriété du terrain du demandeur mais plutôt cherche à faire valoir un droit réel sur le
terrain (usufruit, hypothèque, gage).
En l’absence d’opposition aux demandes d’inscription dans le délai de trois mois, le
conservateur prononce l’immatriculation du terrain. Dans les cas litigieux, il doit être transmis
au tribunal, lequel prononce l’immatriculation si l’opposition n’est pas fondée.
Dans le cas contraire, l’immatriculation est arrêtée et il appartient au tiers opposant de la
requérir lui-même.
e. La formalité de l’immatriculation proprement dite.
Lorsqu’il n’existe plus d’obstacle à l’immatriculation, le dossier revient entre les mains du
conservateur qui peut alors procéder après vérification ultimes à la formalité de
l’immatriculation. L’acte qui est alors délivré au demandeur lui assure la pleine propriété et
s’appelle titre foncier.
2. Les aménagements procéduraux découlant de la réforme foncière du 23
décembre 1998
Aux termes du décret n°99-594 du 13 octobre 1999, le détenteur légal d’un certificat foncier
dispose d’un délai maximum de trois ans ( ?) pour procéder à l’immatriculation du terrain
concerné. A l’analyse des nouvelles procédures foncières introduites par la réforme de 1998,
l’on est autorisé à dire que la réforme réalise un allègement de la procédure d’accès à la
propriété foncière en milieu rural.
En quoi consiste cet aménagement ? Cet aménagement s’observe d’abord à travers l’absence
d’exigence dans la mise en valeur comme condition de demande de l’immatriculation du
domaine coutumier. Il s’observe à travers la non intervention du conservateur de la propriété
foncière au… unilatéral de la procédure pour une plus grande responsabilisation des acteurs
locaux (autorités administratives, les comités sous préfectoraux et villageois de gestion
foncière). L’allègement de la procédure s’observe également à travers l’absence de recours
aux travaux pour régler les litiges découlant de l’opposition des tiers. Enfin, l’allègement
s’observe à travers la réduction des frais de procédure.
13

Pour le titulaire d’une concession provisoire, l’allègement principal découle de la réforme


foncière allant à la non intervention des tribunaux de la main levée des oppositions faites par
les tiers.
§ 3. Les effets de l’immatriculation
L’immatriculation a trois principaux effets : la purge des droits coutumiers, le caractère d’un
titre foncier définitif et inattaquable et l’inscription des droits réels ultérieurs.
A. La purge des droits coutumiers
L’immatriculation a pour effet de purger les droits coutumiers c’est-à-dire, les faire
disparaître. Désormais, ces droits ne peuvent plus être revendiqués par les particuliers lorsque
ces droits portent sur des terres reprises aux fermiers occupants pour la réalisation de travaux
d’intérêt général. Des compensations sont dues conformément au décret du 15 novembre
1935. Ces compensations peuvent se faire en nature ou en espèce.
B. La création d’un titre définitif inattaquable
Le principe de l’intangibilité du titre foncier revêt une double signification. D’une part, toute
action tendant à la révélation d’un droit réel non révélé en cours de procédure est irrecevable.
D’autre part, les personnes dont les droits auraient été lésés par la suite d’une immatriculation
ne peuvent se pouvoir par voie d’action réelle. Autrement dit, les droits inscrits au cours de la
procédure d’immatriculation sont incontestables. Quant au droit existant au moment de
l’immatriculation mais non-inscrits, ils sont censés n’avoir jamais existé et sont
définitivement purgés. L’immatriculation ou l’intangibilité ne concerne pas seulement les
limites et la superficie de l’immeuble immatriculé. Ces limites ne peuvent faire l’objet de
modifications ultérieures (civ. 22 février 1974 RID 1976 n°1 et 2, p. 5). Le caractère définitif
et inattaquable du titre foncier a pour conséquence d’exclure toute prescription acquisitive.
La première de ces atténuations a trait à défaut d’une action réelle à la reconnaissance d’une
action personnelle en dommages et intérêts au profit de certaines personnes dont les droits
auraient été laissés par suite d’une immatriculation. La substitution d’une action personnelle à
l’action réelle vise à indemniser cette personne qui, ayant des droits à faire valoir au moment
de la procédure de l’immatriculation n’ont pu le faire par négligence ou par ignorance. Cette
action personnelle en indemnité n’est cependant ouverte que lorsque le bénéficiaire de
l’immatriculation a usé de dol ou de manœuvre frauduleuse. Sur l’existence du dol ou des
manœuvres frauduleuses, la justice considère que de simples affirmations mensongères, des
dissimulations ou des réticences peuvent être assimilés à des manœuvres frauduleuses (cass.
Civ. 6 juin1950, revue de l’Université française, p. 160 ; cast 17 septembre 1959).
La seconde atténuation est relative aux créances hypothécaires pour privilégier des charges
foncières et des servitudes.
La troisième atténuation aboutit à la rectification des mentions inscrites au titre foncier. Cette
rectification n’est possible qu’en cas d’erreur ou d’omission commise au moment de la
rédaction du titre foncier. Mais en aucun cas, la rectification ne peut aboutir à l’inscription
d’un droit non révélé ou à la contestation d’un droit exclu.
14

La dernière atténuation réside dans la nullité de toute immatriculation d’une parcelle du


domaine public au profit d’un particulier. Le domaine public étant immatriculé au nom de
l’Etat ou l’immatriculation du domaine au profit d’un particulier est nul de droit
C. L’inscription des droits réels ultérieurs
L’immatriculation permet l’inscription de droits réels ultérieurs ; ces droits qui peuvent
prendre la forme soit de cotation concernant le terrain : la vente, la donation, l’usufruit,
l’hypothèque ; soit l’action : la saisie immobilière, le partage successoral, ne sont opposable
aux tiers que s’ils ont été publiés au livre foncier. De plus, les instructions préventives
peuvent être faites au moyen de la prénotation.
La prénotation est une mention sommaire portée sur le livre foncier et prévenant les tiers
qu’une ou plusieurs institutions sont litigieuses ; elle peut être par exemple utilisée en cas de
vente par expropriation forcée. En effet, dans l’attente du titre exécutoire, le créancier peut
faire publier au livre foncier l’acte introductif d’instance tendant à obtenir le titre exécutoire.
La prénotation a pour effet de rendre les jugements à venir opposable aux tiers à compter de la
date de l’institution préventive. En l’absence de prénotation, le jugement n’a d’effet à l’égard
des tiers qu’à compter du jour où il a été inscrit au livre foncier.
Procédure rapide, la prénotation va être autorisée par ordonnance du président du tribunal.
Celui-ci va vérifier si la demande qui lui est adressée est sérieuse. Il s’agit de cette façon
d’éviter des demandes fantaisistes qui sont susceptibles de porter préjudice au possesseur
inscrit.
Enfin, les inscriptions ultérieures sont attaquables. Contrairement à l’immatriculation
proprement dite, les inscriptions ultérieures des droits peuvent faire l’objet d’une demande de
modification ou d’annulation. Cette possibilité s’explique par le fait qu’à la différence de
l’immatriculation proprement dite, l’inscription ultérieure ne comporte pas de délai pendant
lequel des personnes éventuellement levées peuvent faire valoir leur droit.
Section 2. La propriété foncière coutumière
§ 1. Les caractères de la propriété foncière coutumière
Dans la société africaine, la terre n’est pas seulement le support de la production et de la
reproduction, elle est aussi le point de rencontre du visible et de l’invisible. En réalité, ce n’est
pas la terre qui appartient à l’homme, mais c’est l’homme qui appartient à la terre.
Ce contexte socio-cosmopolite dont les valeurs sont aux antipodes de celles venues par la
civilisation occidentale confère à la propriété foncière des traits particuliers.
A. Le caractère collectif de la propriété foncière coutumière
La propriété foncière coutumière est d’essence collective. En d’autres termes, la terre
appartient à une collectivité, une entité sociale.
B. Le caractère inaliénable de la propriété foncière coutumière
15

Dans la société traditionnelle africaine, la terre est sacrée. Elle n’est pas considérée comme un
bien mais comme une déesse qui assure la protection et la survie de l’espèce. Il résulte qu’elle
est non seulement insusceptible d’appropriation privée, mais aussi, est hors de commerce.
Certains autres ont émis des réserves sur l’idée de l’inaliénabilité de la terre, préférant le
concept d’exo-intransmissibilité pour expliquer le principe de non cessibilité définitive de la
terre à des personnes étrangères au groupe.
§ 2. L’évolution de la propriété foncière coutumière
Cette évolution comporte deux phases : la phase de la minoration de la propriété foncière
coutumière et la phase de la reconnaissance de la propriété foncière coutumière.
A. La phase de la minoration de la propriété foncière coutumière
Cette minoration a eu lieu pendant la colonisation. Avec l’avènement de la colonisation, la
propriété foncière coutumière a connu des mutations plus ou moins profondes. En effet, sous
le couvert de la théorie du domaine éminent de l’Etat et ensuite de la terre vacante et sans
maître, l’Administration coloniale va, pour des motifs d’ordre économique, s’assurer une
main mise sur les terres de la colonie de Côte d’Ivoire. Dans ce contexte, les portions plus ou
moins vastes des terres domaniales seront concédées aux personnes physiques ou morales
capables de les mettre en valeur.
Face aux revendications des leaders locaux et dans le but d’amener les populations à recourir
aux procédures domaniales foncières, l’Etat colonial a à certaines périodes pris des
dispositions pour assurer le respect des droits coutumiers. Tel est le cas du décret n°55-780 du
20 mai 1955. Avec ce décret, l’Etat colonial n’était plus propriétaire que de terre acquise
conformément aux dispositions du code civil ou de la procédure d’immatriculation. Ce décret
n’a pas connu… en raison de l’accession de la RCI à l’autonomie. Après la phase de
minoration des tenures coutumières, s’en est suivie la minoration des tenures coutumières par
l’Etat de Côte d’Ivoire. Pour justifier au plan juridique cette prétention foncière, l’Etat de
Côte d’Ivoire a, au lendemain de l’indépendance, conçu la loi non promulguée du 20 mars
1963 portant code domanial. Cette loi reposait sur le principe de l’affirmation des droits de
l’Etat sur les terres non immatriculées ; c’est-à-dire, sur l’ensemble des terres coutumières ;
les terres déjà mise en valeur par les personnes physiques et morales n’étaient pas concernées
par cette appropriation. Il y a eu échec du code domanial et foncier du 120 mars 1963. Après
l’échec de cette loi, l’Etat a eu recours à diverses pratiques administratives pour asseoir et
concrétiser sa maîtrise foncière. Mais ces pratiques ont été combattues par la doctrine car,
suivant la Constitution de la RCI, la matière foncière doit être réglementée par la loi.
L’appropriation par l’Etat des terres non immatriculée d’une part, et l’imposition du primat de
la mise en valeur d’autre part, n’ont pas rencontré l’adhésion des populations autochtones.
Face à la grogne des autorités foncières coutumières et la persistance des conflits fonciers,
l’Etat va changer de fusil d’épaule en reconnaissant de jure les droit foncier coutumier à
travers la réforme foncière du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier rural.
B. La reconnaissance de la propriété foncière coutumière
1. Fondement et nature de la propriété foncière coutumière
16

Aux termes de l’article 4 alinéa 1 de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 relative au


domaine foncier rural, la propriété d’une terre du domaine foncier rural est établie à partir de
l’immatriculation de cette terre au livre foncier et en ce qui concerne les terres du domaine
coutumier par le certificat foncier.
Il résulte de ce qui précède, qu’il existe deux types de propriétés foncières : celle qui
s’acquiert par l’immatriculation et celle qui s’obtient par l’attribution du certificat foncier. Si
la première correspond à la propriété définit par l’article 544 du code civil, il en va autrement
de la seconde. En effet, cette dernière propriété n’est pas conforme à celle prévue à l’article
544 du code civil, car la loi foncière de 1998 indique que le détenteur du certificat foncier
doit requérir l’immatriculation de la terre correspondante dans un délai de trois ans à compter
de la date d’acquisition dudit certificat. Cette obligation d’immatriculation qui pèse sur le
détenteur du certificat foncier prouve que ce document ne suffit pas à conférer la propriété
foncière au sens juridique du terme.
Quelle est la nature de la propriété foncière coutumière ?
Les droits résultants du certificat foncier sont-ils de simple droits d’usage à l’image de ceux
prévus sous l’empire de l’article 2 du décret n°71-74 du 7 février 1971 relatif aux procédures
domaniale et foncière ? Cet article disposait en effet, que les droits portant sur l’usage du sol
dits droits coutumiers sont personnels à ceux qui les exercent et ne peuvent être cédés. A
l’analyse, les droits découlant du certificat foncier ne sont pas de simples droits personnels
puisque le certificat foncier peut être cédé en tout ou partie à un tiers par acte authentifié par
l’administration ; il peut aussi être transmis aux héritiers. A défaut d’être un simple droit
d’usage, le droit découlant du certificat foncier peut-il être assimilé au droit d’usufruit ?
L’usufruit, d’après l’article 578 du code civil, est le droit de jouir des choses dont un autre a la
propriété comme le propriétaire lui-même mais, en charge d’en conserver la substance.
L’usufruitier et le détenteur du certificat foncier ont en commun de pouvoir céder, louer la
chose objet de leur droit. En revanche, contrairement au droit d’usufruit qui prend fin avec la
mort de son titulaire, le droit résultant du certificat foncier peut être transmis aux héritiers. Il
résulte de ce qui précède que bien qu’ayant des points communs avec le droit d’usufruit, le
droit résultant du certificat foncier ne peut lui être assimilé ; en réalité, le droit résultant du
certificat foncier consacre la propriété foncière coutumière. Il a une nature propre : le situant
au-dessus du droit d’usufruit mais en dessous du droit de propriété.
En somme, le droit découlant du certificat foncier n’est pas n droit de propriété telle que
définit par le code civil. C’est pourquoi la cession de droit découlant du certificat foncier peut
se faire par simple autorisation administrative contrairement à la cession du droit résultant du
titre foncier lequel ne peut se faire hors l’intervention d’un notaire.
Quel est l’intérêt du certificat foncier s’il ne confère guère la propriété foncière au sens
juridique du terme ?
2. La portée et les limites de la reconnaissance de la propriété
foncière coutumière
a. La portée (atout)
17

Le certificat foncier peut conférer une plus grande fiabilité au droit coutumier. Dès lors, que
ceux-ci sont constatés et enregistrés, ils apportent la preuve de la propriété foncière
coutumière laquelle conduit après immatriculation à la propriété au sens juridique du terme.
De ce fait, le certificat foncier pourrait constituer à réduire le nombre de conflit foncier. En
outre, le certificat foncier peut être loué. Il peut même être cédé en toute ou partie à un tiers
avec l’autorisation de l’administration. Cette disposition a le mérite de permettre des
transactions foncières qui jusqu’à la loi foncière de 1998, étaient interdites aux autorités
foncières coutumières. Désormais, ces autorités pourraient avec l’obtention du certificat
foncier par exemple louer leurs terres, en ayant la certitude que celles-ci leur reviendront à
l’échéance convenue d’accord partie. Corrélativement, c’est la mise en valeur des terres qui
s’en trouvera ainsi favorisée. Le certificat a enfin l’avantage de tenir compte du caractère
collectif de la propriété foncière coutumière. Il peut en effet, être délivré à toute collectivité
ou tout groupement informel d’agents dûment identifiés.
L’obtention du certificat foncier par un groupement (village, famille) lui confère la
personnalité morale. Ce qui lui permet d’ester en justice et d’entreprendre tout acte de gestion
foncière. En cas de nécessité, les certificats fonciers collectifs peuvent être morcelés au profit
des membres ou des tiers.
b. Les limites à la reconnaissance de la propriété foncière coutumière
Le certificat foncier est un acte de l’administration qui atteste qu’une personne ou un groupe
de personne est détenteur de droits coutumier sur une parcelle rurale, individuelle ou
collective. Le certificat foncier permet à son titulaire de faire la preuve de ses droits sur la
terre. Il lui permet notamment de passer des contrats de location, d’immatriculer sa parcelle et
d’obtenir un titre foncier dans les limites des conditions fixées par la loi 2004-412 du 14 aout
2004 relative au domaine foncier rural.

Chapitre 3. LA CESSION DES TERRES DU DOMAINE RURAL


Elle peut se réaliser par suite d’une convention ou par l’effet d’une succession.
Section 1. Les conventions de cession coutumière
Ces conventions portent d’une part, sur les terres appropriées par voie d’immatriculation et
d’autre part, sur les terres faisant l’objet d’un certificat foncier.
§ 1. Les conventions portant sur les terres appropriées par voie d’immatriculation
Pour ces terres, la cession entraîne un transfert de propriété au profit du cessionnaire. Celui-ci
devient propriétaire au sens juridique du terme. La cession peut relever d’une vente ou d’une
donation. Conformément aux dispositions du code civil, la vente réalise au prix de l’acheteur,
le transfert de la propriété de la chose vendue, mais en matière foncière, l’acheteur doit en
plus faire inscrire au livre foncier l’acte par lequel il a acquis son droit. Sans … (purger)… le
vice dont l’acte est atteint, l’inscription au livre foncier consolide le droit de propriété de
l’acquéreur. Ainsi, entre acquéreur successifs du même terrain, est préféré non pas le 1 er
acquéreur, mais celui qui a inscrit le 1er son droit au livre foncier.
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Quant à la donation, elle se définit comme la convention par laquelle toute personne transmet
sa parcelle de terre à une autre personne, le donataire. Il y a deux types de donation : la
donation pure et simple et la donation acharne. La donation acharne en milieu rural est la
donation par laquelle le donateur cède une parcelle de la terre à l’exploitant moyennant
création d’une plantation à son compte.
§ 2. Les conventions de cession des terres faisant l’objet d’un certificat foncier
Avec la réforme foncière de 1998, la propriété coutumière a été reconnue. Cependant, les
conventions coutumières ne sont valables qu’à une double condition : d’abord, le cédant doit
être titulaire d’un certificat foncier, ensuite, la cession doit se faire par acte authentifié par
l’autorité administrative. Les indications qui précèdent amènent à s’interroger sur le sort des
conventions coutumières réalisées avant la réforme foncière de 1998.
Au regard des dispositions antérieures à cette réforme, ces conventions n’avaient aucune
valeur juridique et cela à un double niveau : d’abord, aux termes du décret du 16 février 1971
relatif aux procédures domaniales et foncières, les droits d’usage du sol dits droits coutumiers
ne peuvent être cédés à quelque titre que ce soit. Ensuite, avant le décret précité, et à défaut de
la promulgation du code domanial de 1963, la justice considérait que les terres non
immatriculées appartenaient à l’Etat. Il en résulte que les ventes et donations coutumières
réalisées avant la loi de 98 sont censées n’avoir jamais existées ; même la théorie des droits
acquis ne saurait ici être valablement invoquée par les acheteurs et donataires car les droits
prétendus n’ont pu prendre naissance. Pour éviter les préjudices pouvant découler de cette
situation, le décret n°99-594 du 13 octobre 1999 préconise au profit des gestionnaires une
location aux clauses et conditions de bail emphytéotique mais n’étant pas encore propriétaire
de bien foncier. Le titulaire de ce certificat foncier ne peut consentir ce bail. C’est pourquoi,
ce bail est consenti par l’Etat en sa qualité de gestionnaire du patrimoine foncier national et
cela sur la demande écrite du titulaire du Certificat foncier.
Section 2. Les successions
La coexistence entre l’ordre juridique coutumier et l’ordre juridique étatique a influé sur les
règles d’accès à la terre par voie successorale. Comme dans l’ensemble, les règles de
succession tiennent compte de la nature du bien foncier concerné. S’agit-il d’une terre
individualisée ou d’une terre appartenant à une collectivité.
§ 1. La dévolution et la transmission des terres individualisées
Aux termes de la loi n°64-379 du 7 octobre 1964 relative aux successions, les enfants du
défunt constituent le 1er ordre de succession. Leur présence exclue tous les autres parents y
compris les père et mère du défunt. Le principe ici est que le défunt ne peut transférer à ces
héritiers plus de droit qu’il n’en avait lui-même. Ainsi, lorsque la parcelle de terre a été
acquise en pleine propriété par le défunt, l’héritier ayant reçu ladite parcelle à la suite du
partage successoral se voit échoir le titre foncier ce qui lui confère la propriété foncière après
inscription de son droit au livre foncier. En revanche, l’héritier ne peut se prévaloir d’un droit
de propriété si le de cujus n’avait par exemple qu’une concession provisoire ou un certificat
foncier.
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§ 2. La dévolution et la transmission des terres collectives


La terre est dite collective lorsqu’elle appartient coutumièrement à une entité sociale (famille,
lignage, village, royaume). La prise en compte de la nature collective du bien foncier en
matière successorale est conforme non seulement à l’équité mais aussi au droit ; car, on ne
peut transférer un bien dont on n’est pas propriétaire. Mais dans la pratique, la nature
collective ou non des terres n’est pas toujours facile à déterminer en l’absence d’une preuve
écrite. C’est pourquoi, la possibilité donnée aux populations de demander des certificats
fonciers collectifs constitue une mesure avantageuse, elle devrait permettre de réduire les
conflits de successions portant sur la nature collective ou non du bien foncier.
A défaut du certificat foncier collectif ou de toute autre preuve écrite, c’est au tribunal qu’il
appartient d’obtenir des enquêtes visant à établir la nature du bien foncier objet de la
succession et à déterminer les personnes successibles. Sur cette question qui divise les
familles, la cour suprême a pu décider que les héritiers d’une personne décédée sont
déterminés d’après la loi ou la coutume en vigueur au moment du décès (CS 30 janvier 1970,
RID 1970, n°4, p. 22). Cette solution qui se justifiait pleinement avant la loi de 1964 relative
aux successions, a été retenue par la justice alors même que cette loi affirme la primauté des
enfants dans l’ordre des successions.
« . Les concessions C’est, pour certains, la meilleure voie, par une exploitation directe et
intensive des ressources naturelles des territoires, la plupart récemment conquis. De vastes
espaces du « domaine de l’Etat » sont concédés à des sociétés privées, véritables héritières des
Compagnies à charte des siècles précédents, « dans le but de coloniser et de mettre en valeur
les terres domaniales » [extraits de décrets de 1899, Bulletin officiel du Ministère des
Colonies]. Suivant l’exemple des Britanniques (la Royal Niger Company par exemple, créée
en 1886) et de « l’Etat indépendant du Congo » (propriété du roi Léopold II de Belgique), le
ministre français des Colonies Delcassé attribue, en 1893, les premières concessions au «
Congo français » (en fait : Gabon, Congo et République Centrafricaine d’aujourd’hui). Le
décret du 8 février 1895 (complété par deux autres décrets du 28 mars 1899) vient confirmer
cette option du régime des concessions pour l’Afrique équatoriale sous administration
française. En 1898, quarante sociétés concessionnaires s’y partagent 700.000 kilomètres
carrés, soit bien plus que le territoire français métropolitain ! A Madagascar, si le général
gouverneur Joseph Gallieni accorde quelques concessions à de grandes sociétés, sa préférence
va, cependant, à des entreprises de taille plus humaine. Il est « favorable à une colonisation
moyenne et petite ; toute sa tendresse allant à cette dernière, surtout à la colonisation par des
soldats libérés », se « conformant néanmoins à deux principes : ne jamais dépouiller
l’indigène des terres qu’il exploite ; ne pas créer d’immenses concessions disposant de
privilèges souverains ». En AOF, le régime des concessions ne réussit pas à s’imposer
rencontrant, en particulier, une forte opposition des milieux commerçants, dont l’essentiel du
négoce se traite avec les petits producteurs et clients africains. »

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