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COURS DE DROIT

FONCIER URBAIN

Aline Aka Lamarche, Maître de conférences agrégée

Chargée de cours à l’UFR SJAG

Université Alassane Ouattara Bouaké (Côte d’Ivoire)

2ème partie : Droit foncier urbain

Chapitre1 : De la spécificité du droit foncier urbain

Section 1 : Une frontière poreuse entre le droit foncier urbain et le droit foncier
rural

Paragraphe 1/ une définition confuse du domaine foncier urbain


Paragraphe 2/ La purge ou l’expropriation pour cause d’utilité publique

Section 2 : Des instruments de gestion communs au foncier

Paragraphe 1/ Le livre foncier

Paragraphe 2/ Le cadastre

Chapitre 2/ Des conditions d’accès à la propriété en droit foncier urbain

Section 1/ Le lotissement préalable

Paragraphe 1/ Les données générales sur le lotissement


Paragraphe 2/ Les différentes sortes de lotissement

Section 2/ L’arrêté de concession définitive (ACD) et le transfert de propriété

Paragraphe 1/ L’arrêté de concession définitive (ACD)


Paragraphe 2/ Le transfert de propriété

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Chapitre1 : De la spécificité du droit foncier urbain

Jusqu’en 1998, aucune différence n’est faite entre le droit foncier rural et le droit
foncier urbain. C’est la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 relative au Domaine
Foncier Rural, modifiée par la loi 2004-412 du 14 août 2004, par la loi n° 2013-655
du 13 septembre 2013 et par la loi n° 2019-868 du 14 octobre 2019, qui vient
marquer la différence entre la zone rurale et la zone urbaine en créant un Domaine
foncier Rural.

Le 14 aout 2020, une loi N° 2020-624 portant Code de l’Urbanisme et du Domaine


Foncier Urbain (CUDFU) vient créer, à son tour, un domaine foncier urbain. Elle en
donne des critères évasifs qui créent une frontière poreuse entre Domaine foncier
rural et zone urbaine (Section I), tout en maintenant des instruments communs de
gestion (section 2).

Section 1 : Les critères évasifs du domaine foncier urbain

Dans la pratique, il semble bien difficile de savoir où finit l’urbain et où commence le


rural ! Dans la théorie, en revanche, des critères permettent d’identifier le domaine
foncier urbain (Paragraphe 1), et des moyens sont prévus pour en assurer la
constitution (Paragraphe 2).

Paragraphe 1/ Les critère d’identification du domaine foncier urbain

Selon l’article 3 du CUDFU, le domaine foncier urbain est l’ensemble des terres du domaine privé ou
public de l’État couvert par les documents d’urbanisme.

Ces documents d’urbanisme sont de plusieurs ordre et consistent en des outils de planification urbaine.
On distingue les documents d’urbanisme opérationnels, prévisionnels et règlementaires :

- Les Documents d’urbanisme opérationnel sont les plans de lotissement, de morcellement,


de restructuration, de rénovation, de remembrement et d’une manière générale, le détail des
opérations d’urbanisme.
- Les Documents d’urbanisme prévisionnel ou plans d’urbanisme consistent en des outils de
planification urbaine, notamment le schéma directeur d’urbanisme, le plan d’urbanisme
directeur, le schéma de structure et le Plan d’urbanisme de détail.
- Enfin, on a les Documents d’urbanisme réglementaire composés de l’ensemble des règles et
institutions établies pour discipliner la croissance urbaine et le développement urbain. Ce sont
notamment, le certificat d’urbanisme, le règlement général ou particulier d’urbanisme, les

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règles générales d’occupation du sol, le permis de construire, l’accord préalable d’urbanisme,
le certificat de conformité.

Il faut donc bien comprendre qu’à la différence du domaine foncier rural qui excluait
le domaine public, ainsi que bon nombre de catégories, le domaine foncier urbain,
lui, implique à la fois le domaine privé foncier des personnes publiques et des
personnes privées, ainsi que le domaine public foncier (article 179). Pour résumer,
dès lors qu’un espace se trouve à l’intérieur d’un périmètre sur lequel est établi un
document d’urbanisme (dans toute la diversité des documents que recouvre cette
appellation), cet espace fait partie du domaine foncier urbain (article 3).

Ainsi, en cas de concurrence entre le domaine foncier urbain et le domaine foncier


rural, le premier (l’urbain) l’emporte puisque le second (rural) est par définition
résiduel, et exclut de son domaine tout espace relevant de l’urbain. En effet, quand
bien même un espace est régi par la coutume locale, dès lors qu’il est loti ou qu’un
plan directeur le couvre, il perd automatiquement son positionnement dans le
domaine foncier rural pour intégrer le domaine foncier urbain.

Il en est d’ailleurs de même pour les parcelles du domaine foncier rural qui sont
immatriculées ou certifiées. Si dans le premier cas, c’est-à-dire celui des terres
immatriculées, le changement de domaine n’implique pas de différence fondamentale,
puisque le même livre foncier régit le foncier rural et le foncier urbain, en revanche pour les
terres certifiées, un problème majeur se présente : le devenir du Certificat Foncier (CF).

Il faut rappeler, en effet, que le CF a vocation à se transformer en titre de propriété par le


biais de l’immatriculation au livre foncier, dans le cadre d’une procédure qui implique l’AFOR.
Or, cette dernière n’est compétente que pour le domaine foncier rural. Pourra-t-elle intervenir
pour les parcelles certifiées situées dans le domaine foncier urbain ? Par ailleurs, à supposer
que le CF puisse être directement introduit dans une demande d’ACD, comme c’est le cas
officieusement pour les attestations villageoises, qu’en sera-t-il des différences de mesures
de calcul, sachant que la délimitation de la parcelle dans le CF est fondée sur une unité
métrique alors que l’immatriculation utilise le centimètre ? La procédure de l’ACD s’adaptera-
t-elle pour prévoir une immatriculation directe au nom du titulaire ? Comment serait-ce alors
possible puisque l’article 167 du CUDFU considère que sont propriété de l’État, toutes les
« terres ne faisant pas l’objet d’un titre de propriété définitif et celles sur lesquelles sont reconnus des
droits coutumiers même si lesdits droits n’ont pas encore fait I’objet de purge », ce qui implique, bien
évidemment les terres certifiées.

L’importance de ce plan, qui prend en compte l’intérêt général, permet d’utiliser des
prérogatives de puissance publique pour le faire valoir. Il en est ainsi pour les
procédures d’expropriation ou de purge, que l’État utilise, selon qu’il veut récupérer
une propriété foncière ou une détention foncière coutumière.

Paragraphe 2/ Les moyens de constitution du domaine foncier urbain


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Le CUDFU envisage la constitution du domaine foncier urbain de l’État et celui
des collectivités publiques. Il prévoit à la fois des moyens d’acquisition relevant du
droit privé (A), tout en se dotant se dotant de prérogatives d’acquisition de puissance
publique (B).

A/ Les moyens de constitution relevant du droit commun


Ces moyens sont, d’une part, l’acquisition, et d’autre part, la reprise de droits.

1) L’acquisition de droit commun


Cette acquisition se réalise notamment par l’achat, le don et le leg, dans des
conditions qui ont déjà été traitées dans le cours de droit foncier rural.

2) La reprise de droit (la purge des droits coutumiers)

Dans le contexte du domaine foncier urbain, cette reprise de droits consiste


notamment dans la purge des droits coutumiers. La propriété des terres appartient
en effet déjà à l’État (article 3 précité) qui reconnait, toutefois, un droit d’usage aux
détenteurs coutumiers. Selon l’article 272 du code, ces droits sont personnels à ceux
qui les détiennent et ne sont pas cessibles. L’Etat se réserve le droit de les en priver
moyennant le versement d’une juste indemnité conformément à la règlementation en
vigueur (art. 274). La purge des droits coutumiers est exercée par l’État représenté
par le ministre chargé de l’Urbanisme, par les collectivités territoriales et par tout
autre organisme créé à cet effet.

En attendant l’intervention probable d’un nouveau décret, la procédure actuelle est


régie par le décret n° 2013-224 du 22 mars 2013 portant règlementation de la purge
des droits coutumiers sur le sol pour intérêt général, tel que modifié par le décret
n°2014-25 du 22 janvier 2014.

La purge, qui ne peut s’exercer que pour l’intérêt général, concerne les droits
coutumiers sur les sols dans les centres urbains et leurs zones d'aménagement
différé portant sur l'usage de ces sols.

Ne sont pas soumises à la purge des droits coutumiers sur le sol, les parcelles du
domaine public, notamment :

- les rivages de la mer jusqu'à la limite des plus hautes marées ainsi qu'une
zone de 100 mètres mesurée à partir de cette limite;
- la zone de 25 mètres de large à partir de la limite déterminée par la hauteur
des plus hautes eaux des lagunes, fleuves et lacs avant le débordement.

Il est important de savoir que les droits coutumiers sur les sols dans les centres
urbains et les zones d'aménagement différé́ portent sur l'usage de ces sols. Ils sont
personnels à ceux qui les exercent et ne peuvent être cédés à quelque titre que ce

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soit. Par conséquent, nul ne peut se porter cessionnaire desdits droits sur l'ensemble
du territoire national.

La purge des droits coutumiers sur les sols ne peut être exercée que par l'État qui
agit pour son propre compte ou pour celui des communes et ne peut s'opérer que
par voie, administrative.
La purge des droits coutumiers sur les sols donne lieu, pour les détenteurs de ces
droits, à une indemnisation correspondant à la destruction des cultures et impenses
existant sur le sol concerné au moment de la purge. Les indemnités sont
déterminées à partir de barèmes fixés par les services du ministère chargé de
l'Agriculture, ou d'estimations d'après des prix courants et connus, pratiqués dans la
région considérée (des décrets fixent ces barèmes).
Une compensation est prévue aussi, qui correspond à la perte de la source du
revenu agricole qui peut être tiré de l'exploitation du sol. Elle est assurée par
l'attribution, à titre gratuit, de lots de terrains équipés ou non. Le nombre et la
superficie de ces lots, dits « de compensation » sont déterminés en fonction de leur
niveau d'équipement futur.
C’est une commission administrative, constituée spécialement pour l'opération, qui
est chargée d'identifier les terres concernées et leurs détenteurs, et de déterminer
les indemnités et compensations.
Elle comprend des représentants des ministres chargés de l'Urbanisme, des
Finances, de l'Intérieur, de l'Agriculture, les maires des communes, ou leurs
représentants, et les représentants désignés par la collectivité concernée. Elle est
présidée, à Abidjan par le représentant du ministre chargé des Finances, et en
Région par le préfet ou son représentant. Son Secrétariat est assuré par le
représentant du ministre chargé de l'Urbanisme. Pour une opération déterminée, les
membres de la Commission sont désignés par un arrêté conjoint du ministre chargé
des Finances et du ministre chargé de l'Urbanisme.
La Commission :
- Procède, après enquête contradictoire, à l'identification des terres comprises
dans le périmètre de l'opération projetée qui sont soumises au droit coutumier, et
au recensement des détenteurs de ces droits ;
- Détermine des indemnités et des compensations qui sont proposées aux
détenteurs des droits coutumiers, conformément aux dispositions de l'article 4 ci-
dessus ;
- Dresse enfin un état comprenant la liste des terres devant faire l'objet d'une
purge, des détenteurs des droits coutumiers sur ces terres, des indemnités et
compensations correspondantes, qui sont ratifiées par un arrêté conjoint du
ministre chargé des Finances et du ministre chargé de l'Urbanisme après avis de
la Commission.

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Au terme de la purge des droits coutumiers, l’État reprend l’entièreté de ses droits,
notamment les droits d’usages qu’il accordait aux détenteurs coutumiers sur les
parcelles. La reprise totale des droits est constatée par l’immatriculation de la
parcelle au nom de l'État ou d’une collectivité territoriale.

Outre ces moyens de droit commun, l’État peut recourir à ses prérogatives de
puissance publique.

B/ Les prérogatives de puissance publique de constitution de biens fonciers

Ces prérogatives sont le droit de préemption et l’expropriation pour cause d’utilité


publique.

1) Le droit de préemption

Le droit de préemption peut être défini comme la faculté reconnue à une personne
physique ou morale d’avoir la priorité sur un bien que son propriétaire a mis en vente
ou donné.
Les différents droits de préemption reconnus par le législateur sont exercés en vue
de la réalisation, dans l’intérêt général, d’actions et opérations d’aménagement.

En zone d’aménagement différé, (ZAD) « l’acte créant la zone désigne le titulaire du


droit, de préemption ». Ce peut être une collectivité publique ou un établissement
public y ayant vocation ou le concessionnaire d’une opération d’aménagement.

Le titulaire du droit de préemption urbain ou en zone d’aménagement différé peut,


déléguer son droit à une personne publique, c’est-à-dire l’État, une collectivité locale,
ou encore un établissement public y ayant vocation ou au concessionnaire d’une
opération d’aménagement.

Par ailleurs, le droit de préemption permet à une collectivité publique d’acquérir en


priorité un bien immobilier mis en vente ou faisant l’objet d’une donation (à
l’exception de celles réalisées entre personnes d’une même famille) par une
personne privée (particulier) ou morale (entreprise). La collectivité publique se
substitue alors à l’acquéreur initial.

Pour finir, il faut signifier que, dans le domaine foncier urbain, le droit
de préemption peut porter sur les terrains de toute nature, mais aussi sur des
maisons individuelles, des immeubles en copropriété, des appartements. Les parts et
actions de société peuvent également être soumises au droit de préemption comme
les parts de sociétés civiles (sous certaines conditions), de sociétés d’attribution et
de sociétés coopératives de construction.

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2) L’expropriation pour cause d’utilité publique

L'expropriation pour cause d’utilité publique est prévue par la loi N° 2020-624 du 14
aout 2024 instituant Code de l’Urbanisme et du Domaine Foncier Urbain (CUDFU).

L’expropriation est définie comme un transfert forcé de la propriété de tout ou partie


d'un bien immobilier au nom de l'utilité publique. C'est une procédure coercitive qui
permet de contraindre une personne à céder son bien en contrepartie d'une
indemnité.

L’expropriation pour cause d’utilité publique résulte d’une part de l'acte qui autorise
les opérations projetées telles que : construction de routes, chemins de fer ou ports,
travaux urbains, travaux militaires, aménagement et conservation de forêts,
restauration de chemins en montagne, protection de sites ou de monuments
historiques, aménagement de forces hydrauliques et distribution d'énergie,
installation de services publics, création ou entretien du domaine public, travaux
d'assainissement, d'irrigation et de dessèchement, etc. Et d’autre part, de l'acte qui
déclare expressément l'utilité publique desdites opérations.

La procédure de purge ou d'expropriation comporte une phase administrative et une


phase judiciaire.

• La phase administrative de la procédure d'expropriation


L'arrêté de cessibilité ou, dans le cas prévu, l'acte déclaratif d'utilité est précédé
d'une enquête de commodo et incommodo. L'arrêté de cessibilité est publié au
Journal Officiel et dans les journaux d'annonces légales de la situation des lieux s'il
en existe.
Il est notifié sans délai, par l'autorité administrative aux propriétaires intéressées,
occupants et usagers notoires. Dans un délai de deux mois, à dater des publications
et notifications prévues à l'article précédent, les propriétaires intéressés sont tenus
de faire connaître les fermiers, les locataires ou détenteurs de droits réels sur leur
immeuble, faute de quoi ils restent seuls chargés envers ces derniers des indemnités
que ceux-ci pourraient réclamer.
Tous autres intéressés sont tenus de se faire connaître dans le même délai, faute de
quoi ils sont déchus de tous droits.

Le procès-verbal d'accord est dressé par un des membres de la commission et signé


par chacun. Si même après l'échec de la tentative de cession amiable prévue par les
paragraphes précédents, l'expropriant peut se mettre d'accord sur le montant de
l'indemnité avec les intéressés, la convention est constatée par le président de la
commission et produit les mêmes effets qu'elle aurait entraînés si l'accord était
intervenu au cours de la première comparution et elle dessaisit le tribunal.

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• La phase judiciaire
Les tribunaux ne peuvent prononcer l'expropriation qu'autant qu’utilité publique en a
été déclarée. Le tribunal de première instance dans la circonscription duquel se
trouvent les immeubles objets de la procédure d'expropriation est seul compétent
pour prononcer l'expropriation des immeubles et pour fixer en même temps le
montant de l'indemnité. Cette dernière est établie en tenant compte dans chaque cas
:

- De la valeur de l'immeuble avant la date de l’expropriation, étant entendue


que ladite valeur ne peut dépasser celle qu'avait ledit immeuble au jour de la
déclaration d'utilité publique. Toutefois, les constructions, plantations et
améliorations qui ont été autorisées sont prises en considération dans
l'évaluation de la valeur de l'immeuble;

- De la plus-value ou de la moins-value qui résulte pour la partie de l'immeuble


non expropriée, de l'exécution de l'ouvrage projeté. L'indemnité d'expropriation
ne doit comprendre que le dommage actuel et certain directement causé par
l'expropriation ; elle ne peut s'étendre à un dommage incertain, éventuel ou
indirect.

Une expertise devra être ordonnée, si elle est demandée par une des parties.
Elle devra être faite par trois experts, à moins que les parties soient d'accord sur le
choix d'un expert unique.
Le tribunal accorde s'il y a lieu et dans les mêmes formes, des indemnités distinctes
aux intéressés. Dans le cas d'usufruit ou d'un droit analogue admis par la coutume
locale, une seule indemnité est fixée par le tribunal, eu égard à la valeur totale de
l’immeuble le propriétaire et l'usufruitier exercent leurs droits sur le montant de
l'indemnité.

Le propriétaire d'un bâtiment frappé en partie d'expropriation peut en exiger


l'acquisition totale, par une déclaration formelle adressée au président du tribunal
avant le prononcé du jugement fixant l'indemnité. Il en est de même du propriétaire
d'un terrain qui, par suite du morcellement, se trouve réduit au quart de la
contenance totale, si ledit propriétaire ne possède aucun terrain immédiatement
contigu et si la parcelle ainsi réduite est inférieure à 10 ares.

Ÿ Le paiement des indemnités


Dès la rédaction du procès-verbal de cession amiable ou dès le jugement
d’expropriation, l'indemnité fixée est offerte à l'intéressé.

Si ce dernier refuse de la recevoir ou s'il y a des oppositions l'Administration est


tenue de consigner l'indemnité au Trésor.
Au cas où le propriétaire présumé ne produirait pas de titre, ou si le titre produit ne
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paraît pas régulier, l'Administration serait également tenue de consigner l'indemnité.
Dans ce cas, un avis inséré au Journal officiel et affiché au lieu de la situation de
l'immeuble exproprié fait connaître ce dernier, le montant de l'indemnité et le nom du
propriétaire présumé ; si, dans le délai de six mois à dater de la publication au
Journal Officiel, aucune opposition n'est parvenue, l'indemnité est versée entre les
mains du propriétaire présumé.
Si l'indemnité n'est pas acquittée ou consignée dans les six mois de l'acte de
cession amiable ou du jugement du tribunal, les intérêts de 5% par an courent de
plein droit au profit du propriétaire de l'expiration de ce délai.
Dès le payement de l'indemnité ou dès sa consignation, l'Administration peut entrer
en possession de l'immeuble exproprié. Les actes en résolution, revendication et
toutes autres actions réelles ne peuvent arrêter l'expropriation ou en empêcher les
effets. Les droits des réclamants sont transportés sur l'indemnité et l'immeuble en
demeure affranchi.

Si les immeubles acquis pour des travaux d'utilité publique ne reçoivent pas cette
destination ou si les immeubles expropriés pour cause de plus-value ne sont utilisés
conformément à l'acte déclaratif d'utilité publique, les anciens propriétaires ou leurs
ayants cause peuvent en demander la remise. Le prix des immeubles rétrocédés est
alors fixé à l'amiable et, s'il n'y a pas accord, par le tribunal. La fixation par le tribunal
ne peut en aucun cas excéder la somme moyennant celle à laquelle les immeubles
ont été acquis.

Au-delà de ces procédures relevant du droit foncier urbain, certains instruments


demeurent, toutefois, communs aux domaines fonciers urbain et rural.

Section 2 : Des instruments de gestion communs au foncier

Il s’agit d’une part, du livre foncier et du cadastre et d’autre part des plans
d’urbanisme.

Paragraphe 1/ Le livre foncier et le Cadastre

A/ Le Livre foncier

Introduite en Côte d’Ivoire dès 1900, la procédure d’immatriculation est une


« procédure administrative d’enregistrement par laquelle l’autorité compétente
reconnaît l’existence d’un droit de propriété sur un immeuble géométriquement et
spatialement identifié. »1. Au terme de cette immatriculation au livre foncier, précise

1
CIPARISSE G., Thésaurus multilingue du foncier, FAO, Rome, 1999, p.124

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le décret colonial du 26 juillet 1932 applicable à l’AOF, l’immatriculation de
l’immeuble annule tout régime antérieur.

Citant Le Roy E., Le thésaurus du foncier explique que ce régime caractérise les
pays de conquête, afin d’y sécuriser les droits des nouveaux arrivants. Ainsi, dès le
début du 20ème siècle, les administrations des colonies françaises, ont considéré
l’immatriculation au livre foncier comme le moyen le mieux adapté à une politique de
sécurisation foncière et d’accroissement de la productivité agricole.

Le livre foncier n’est pas à proprement dit un livre comme son nom l’indique, mais
plutôt une institution civile détenant des registres mentionnant les droits réels des
propriétaires d'un immeuble ainsi que les servitudes et les charges grevant ces
droits.

Directement emprunté au droit français, le livre foncier est composé d’un certain
nombre de feuillet dont chacun est constitué d'un titre et de trois sections. L'identité
du propriétaire du bien immobilier est indiquée par le titre, tandis que les sections
précisent pour la première l'indication cadastrale du bien immobilier, pour la seconde,
les différentes charges qui grèvent le bien en question et enfin pour la troisième, les
hypothèques et privilèges éventuels qui grèvent l'immeuble. L'inscription d'un droit
au livre foncier bénéficiant de la présomption d'exactitude, elle accorde des droits
définitifs à son titulaire, opposables au tiers.

Les droits pouvant être publiés au livre foncier sont majoritairement les droits réels
immobiliers, mais aussi certains droits personnels ainsi que des restrictions au droit
de disposer.

Concernant les droits réels immobiliers, c’est-à-dire les droits s’exerçant sur les
immeubles. On peut citer le droit de propriété, ou encore la gestion d’une
copropriété. On peut citer aussi les servitudes sont celles prévues par le code civil
qui résultent du fait de l'Homme et qui sont établies par un titre ou par une
prescription. On peut citer par ailleurs l'usufruit lorsqu'il n'est pas issu d'un texte de
loi mais d'une convention, ainsi que le droit d'usage ou encore les sûretés réelles
qui sont des garanties offrant à un créancier un droit sur un bien, meuble ou
immeuble, et qui lui permet d'obtenir paiement de sa créance, sur le produit de la
vente de ce bien, en cas de défaillance du débiteur.
En ce qui concerne les droits personnels, il s’agit pour l’essentiel des baux
emphytéotiques, des baux à construction ou encore des quittances de loyer de plus
de trois ans.
Quant aux restrictions au Droit de disposer, elles se déclinent en restrictions
légales, restrictions conventionnelles ou testamentaires, restrictions judiciaires. La
première catégorie des restrictions légales implique notamment le droit à résolution
d'un contrat synallagmatique ainsi que l'action révocatoire d'une donation. Les

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restrictions conventionnelles ou testamentaires sont celles qui résultent de la volonté
de l’émetteur, à l’exemple des promesses de ventes. Les restrictions judiciaires,
quant à elles, sont celles qui émanent d’une décision judiciaire.
L’inscription au livre foncier obéit à des règles strictes et seuls les droits susceptibles
d’être publiés doivent l’être. De cela dépend la fiabilité des registres fonciers et de
l’institution toute entière.

B/ Le cadastre

Le mot cadastre tire son origine du latin capitastrum, et du grec katastikhon c’est-à-
dire, respectivement : registre de capitation et liste d'enregistrements.

La notion désigne à la fois le document dressant l’état de la propriété foncière d’un


territoire, ainsi que l’institution chargée de tenir et de contenir ces
documents territoriaux, y compris les travaux de terrain ayant abouti à la constitution
de ces documents ou systèmes d’information cadastraux.

Le cadastre comprend deux types de documents qui concernent pour le premier :


information littérale (c’est-à-dire les fichiers) et pour le second : une information
cartographique (c’est-à-dire les plans cadastraux).

En Côte d’Ivoire, le cadastre est organisé par le décret n° 2011-222 du 07


Septembre 2011 portant organisation du ministère de l’Économie et des Finances.
Ce décret définit les missions et attributions du cadastre ainsi que son organisation.

Concernant ses missions, le cadastre doit réaliser :

- Une mission technique : réalisation, production, gestion et maintenance de


l’infrastructure et de la cartographie cadastrale ;

- Une mission foncière et juridique : assistance au Conservateur de la Propriété


foncière et des Hypothèques dans la procédure de création des titres fonciers ;

- Une mission fiscale : détermination de l’impôt sur le patrimoine foncier et de l’impôt


sur le revenu foncier à partir des déclarations souscrites par les contribuables ;

- Et enfin une mission documentaire : collecte et mise à disposition de données aux


utilisateurs (Etat, secteur privé, particuliers, etc.).

Concernant ses attributions, le cadastre est principalement chargé :

- De la réalisation, la conservation et la protection de l’infrastructure cadastrale


et des plans cadastraux

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- Du service de renseignement permanent pour les personnes publiques et
privées ainsi que de la liaison avec les services des autres ministères
effectuant des travaux topographiques

- De la vérification des dossiers techniques d'immatriculation, de morcellement


et de fusion transmis par le Conservateur de la Propriété foncière et des
Hypothèques

- L’établissement de l'assiette de l’impôt foncier

Pour ce qui est de son organisation, le cadastre se décline en services centraux et


services déconcentrés.

Concernant les services centraux, on compte trois sous-directions :

- la Sous-Direction de l’Assiette et du Contrôle de l’Impôt foncier composée de 3


services :

- Le Service de la Coordination des Opérations d’Assiette, le


Service d’Appui au Recouvrement de l’Impôt Foncier et le
Service des Réformes et du Contentieux.

- la Sous-Direction de la Production et des Travaux fonciers composée de 4 services


:

- Le Service de la Coordination des Activités de Production, le


Service de la Coordination des Activités foncières, le Service du
Foncier rural ainsi que le Service des Études et des Statistiques
cadastrales.

- la Sous-Direction de l’Évaluation immobilière et de l’Information cadastrale


composée de 2 services :

- Le Service de l’Évaluation immobilière ainsi que le Service de la


Documentation et de l’Information cadastrale

Concernant les services déconcentrés, on compte trente et un Services du Cadastre


technique et foncier décentralisés dans les directions régionales des impôts. Ces
services sont chargés d’exécuter l’ensemble des missions précitées du Cadastre.

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Paragraphe 2/ Les documents d’urbanisme

Logiquement, le processus d’aménagement urbain, privé ou public répond à une


organisation hiérarchique censée harmoniser l’aménagement urbain pour le rendre
conforme aux orientations et prescriptions de la politique nationale en matière
d’urbanisme et d’habitat ainsi qu’aux lois et règlements en vigueur.

Ces documents d’urbanisme, rappelons-le, sont aussi ceux qui permettent d’identifier
le domaine foncier urbain. En effet, le CUDFU, en son article 3, définit le domaine
foncier urbain comme l’ensemble des terres du domaine privé ou public de I‘État
couvert par les documents d’urbanisme.

Ces documents d’urbanisme sont donc des outils de planification urbaine qui se
présentent sous forme de documents d’urbanisme opérationnels, prévisionnels et
règlementaires.
Les documents d’urbanisme opérationnel : ce sont les plans de lotissement, de
morcellement, de restructuration, de rénovation, de remembrement et d’une manière
générale, le détail des opérations d’urbanisme ;
Les documents d’urbanisme prévisionnel ou plans d’urbanisme : il s’agit des
outils de planification urbaine, à savoir le schéma directeur d’urbanisme, le plan
d’urbanisme directeur, le schéma de structure et le Plan d’urbanisme de détail;
Les documents d’urbanisme réglementaire : constitués par l’ensemble des règles
et institutions établies pour discipliner la croissance urbaine et le développement
urbain. Ce sont notamment, le certificat d’urbanisme, le règlement général ou
particulier d’urbanisme, les règles générales d’occupation du sol, le permis de
construire, l’accord préalable d’urbanisme, le certificat de conformité

En Côte d’Ivoire, tout projet d’aménagement doit être soucieux de :

• garantir la sécurité et la salubrité publique ;


• gérer le sol de façon rationnelle ;
• réduire les consommations d’énergie ;
• économiser les ressources du sol et du sous-sol ;
• diversifier les sources d’énergie en vulgarisant les énergies alternatives ;
• préserver les milieux naturels, les espèces végétales et animales et la
biodiversité;
• protéger les milieux naturels et les paysages ;
• lutter contre l’effet de serre et le réchauffement climatique.

Pour se faire les documents d’urbanisme prévisionnels vont jouer un rôle


prépondérant justifiant de s’attarder sur leur contenu.

a) Le schéma directeur d’urbanisme

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Définition et rôle : c’est l’outil de planification urbaine, à caractère prévisionnel et
prospectif, qui trace sur une période déterminée, les perspectives de développement
et les grandes orientations d’aménagement de l’espace urbain. Il définit les grands
axes de développement et les principales structures de l’espace considéré. Le
schéma directeur d’urbanisme couvre une ou plusieurs agglomérations contigües.
Initiative et élaboration : L’initiative de l’élaboration du schéma directeur
d’urbanisme relève de la compétence de l’Etat, et est réalisée après l’autorisation du
ministre chargé de l’Urbanisme.

Le schéma directeur d’urbanisme est élaboré par un urbaniste agréé, inscrit à l’Ordre
national des urbanistes de Côte d’Ivoire ou par un bureau d’études public de
compétence reconnue en matière d’urbanisme. Toutefois, dans le cadre de
financement extérieur, le schéma directeur d ‘Urbanisme peut être élaboré par
d’autres organismes en association avec un cabinet d’urbaniste agréé et inscrit au
tableau’ de l’Ordre national des urbanistes de Côte d’Ivoire, en appui au ministre
chargé de l’Urbanisme. Le schéma directeur d’urbanisme est approuvé par décret
pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de l’Urbanisme.

Opposabilité et conformité : Le schéma directeur d’urbanisme est opposable à


l’Etat, aux collectivités territoriales et aux personnes morales de droit public qui sont
tenus de faire appliquer strictement ses prescriptions. Il est également opposable aux
particuliers ou personnes physiques ou morales de droit privé.

Les plans d’urbanisme de détail, les acquisitions foncières, les projets d’équipement
et d’aménagement visant l’occupation d’une parcelle et les opérations d’urbanisme
doivent être conformes aux prescriptions du schéma directeur d’urbanisme. Toute
occupation de parcelle ou toute opération d’urbanisme contraire aux prescriptions du
schéma directeur d’urbanisme est illégale. Le ministre chargé de l’Urbanisme peut
ordonner le déguerpissement des occupants de cette parcelle ou la démolition des
bâtis ainsi que l’annulation de tous les actes existants.

b) Le plan d’urbanisme directeur :

Définition et rôle : c’est l’outil de planification urbaine qui définit les grands axes de
développement de l’agglomération. Il est constitué d’un rapport, de documents
graphiques, d’un règlement général d’urbanisme et d’un document de
programmation. Le contenu de ces documents est déterminé par décret pris en
Conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de l’Urbanisme
Initiative et élaboration : L’initiative de l’élaboration du plan d’urbanisme directeur
relève de la compétence de l’Etat, représenté par le ministre chargé de l’Urbanisme
ou des collectivités territoriales.

14
Le plan d’urbanisme directeur est élaboré par un urbaniste agréé, inscrit à l’ordre
national des urbanistes de Côte d’Ivoire ou par un Bureau d’études public de
compétence reconnue en matière d’urbanisme. Le plan d’urbanisme directeur est
approuvé par décret pris en Conseil des ministres sur proposition du ministre chargé
de l’Urbanisme. A la suite de son approbation, le plan d’Urbanisme directeur est
décliné en plusieurs plans d’urbanisme de détail précisant les zones et l’affectation
du sol.

Opposabilité et conformité :

Le plan d’urbanisme directeur est opposable à l’Etat, aux collectivités territoriales et


aux personnes morales de droit public qui sont tenus de faire appliquer strictement
ses prescriptions. Il est également opposable aux particuliers ou personnes
physiques ou morales de droit privé. Toute construction ou occupation du sol
contraire au plan d’Urbanisme directeur est illégale.

Les règles et servitudes fixées par le plan d’urbanisme directeur ne peuvent faire
l’objet de dérogation, à l’exception des adaptations mineures nécessitées par la
configuration des parcelles ou le type d’architecture des constructions environnantes.

c) Le schéma de structure

Rôle et définition : Le schéma de structure vise à doter d’outils de planification


urbaine, une zone ou un quartier non couvert par un schéma directeur d’urbanisme
ou par un plan d’urbanisme directeur. Le schéma de structure comprend les mêmes
éléments que le plan d’urbanisme directeur. Toutefois, ces éléments sont plus précis
et plus détaillés.

Initiative et élaboration : Le schéma de structure est élaboré et approuvé par


arrêté du ministre chargé de l’Urbanisme

Opposabilité et conformité : La méthodologie d’élaboration, les effets, la révision et


la publicité du schéma de structure obéissent aux mêmes règles que celles du plan
d’urbanisme directeur.

d) Le plan d’urbanisme de détail

15
Rôle et définition : Le plan d’urbanisme de détail précise pour le secteur ou le
quartier qu’il couvre, le détail de l’organisation urbaine et les règles d’utilisation des
sols. Il comprend un rapport, un règlement particulier d’urbanisme, et des documents
graphiques.

Initiative et élaboration : L’initiative de l’élaboration du plan d’urbanisme de détail


est de la compétence de l’Etat représenté par le ministre chargé de l’Urbanisme ou
des représentants des collectivités territoriales. Le pian d’urbanisme de détail est
élaboré par un urbaniste agréé, inscrit à l’ordre national des urbanistes de Côte
d’Ivoire ou par un bureau d’études public de compétence reconnue en matière
d’urbanisme. Le projet de plan d’urbanisme de détail est approuvé par arrêté du
ministre chargé de l’Urbanisme s’il est conforme au plan d’urbanisme directeur.

Opposabilité et conformité : Le plan d’urbanisme de détail approuvé est implanté


sur le terrain par un géomètre expert agréé, inscrit au tableau de l’Ordre des
géomètres experts.

Le plan d’urbanisme de détail approuvé est opposable à l’Etat, aux collectivités


territoriales et aux personnes morales et physiques. Le plan d’urbanisme de détail
approuvé, est révisé tous les dix (10) ans. Toutefois, il peut être révisé avant cette
échéance dans les mêmes formes et conditions que celles prévues pour son
élaboration. Toute occupation du sol ou toute opération d’urbanisme contraire aux
prescriptions du plan d’urbanisme de détail est illégale.Le ministre chargé de
l’Urbanisme peut ordonner le déguerpissement des occupants ou la démolition des
bâtis et l’annulation de tous les actes existants.

En théorie donc la gestion du foncier urbain obéit aux plans d’urbanisme. Pour
autant, la gestion pratique semble se réaliser en marge des textes.

Les conditions d’accès à la propriété sont ,elles aussi ,régies par le CUDFU.

Chapitre 2/ Les conditions d’accès à la propriété en droit foncier urbain

La procédure d’appropriation d’un terrain de l’espace foncier urbain est définie par le
Code de l’Urbanisme et Domaine Foncier Urbain (CUDFU). Elle implique
nécessairement que le terrain fasse partie d’un lotissement (Section 1) et soit doté
d’un Arrêté de Concession Définitive (Section 2).

Section 1/ Le lotissement préalable


16
En Côte d’Ivoire, il existe trois sortes de lotissement. Il est bon d’en faire une
présentation générale (Paragraphe 1) avant de se pencher sur les particularités de
chacune (Paragraphe 2).

Paragraphe 1/ Données générales sur le lotissement

Avant toute chose, notons qu’il existe une exception à l’exigence du lotissement
comme condition indispensable pour l’accès à la propriété.

En effet, selon l’article 224 du CUDFU, L’arrêté de Concession définitive est délivré
sur les lots issus d’un lotissement approuvé. Toutefois, le ministre chargé de
l’Urbanisme peut délivrer un arrêté de concession définitive sur une parcelle hors
lotissement sur ‘étendue du territoire national dans le cadre d’un projet privé
important et conformément à la réglementation sur la purge des droits coutumiers.

Les conditions de délivrance de l’arrêté de concession définitive hors lotissement,


devant intervenir dans le cadre d’un prochain décret, nous ne nous étaleront pas sur
le sujet.

En revanche, nous pouvons définir le lotissement.


Le lotissement est, selon l’article 3 du CUDFU, l’opération d’urbanisme qui a pour
objet ou pour effet la division volontaire en lots d’une ou plusieurs propriétés
foncières, destinés à usage (habitation, de jardin, d’établissement industriel ou
commercial ou de tout autre équipement socio-collectif en vue de la vente.
Le lotissement se distingue du simple morcellement dans lequel il n’est pas prévu de
construire les parties détachées. En droit ivoirien, le lotissement caractérise le
périmètre urbain, par opposition au Domaine foncier rural.
Suivant les grands principes occidentaux d’urbanisation, la technique du lotissement
est utilisée comme principal moyen d’organisation de l’espace. Elle permet d’assurer
une image urbaine ordonnée et uniformise en apparence, les trames de la ville.
Le lotissement est une opération qui consiste à diviser un terrain donné en plusieurs
parcelles (appelées lots), grâce à un processus de vente ou de locations simultanées
ou successives.
Il s’opère en vue de la création d’habitations, de jardins ou d’établissements
industriels et commerciaux, et se réalise selon un plan appelé plan de lotissement qui
est en réalité un plan d’urbanisme de détail, inséré ou non à l‘intérieur d‘un plan
d‘urbanisme directeur.
En principe, lorsque le terrain est la propriété de l’État, le Conseil municipal ou le
Conseil de la Ville d’Abidjan est habilité à demander l’établissement de projets de
lotissements.
La demande est adressée par le Maire au Ministre chargé de la Construction et de
l’Urbanisme par l’intermédiaire du Ministre de l’Intérieur.

17
Il en est de même lorsque les terrains sont des terrains ruraux et qu’ils sont situés
dans les limites territoriales d’une Commune. Toutefois, la demande de projets de
lotissement des terrains relève de la compétence du Conseil municipal ou du Conseil
de la Ville selon le cas. Cette demande n’est toutefois recevable que si les
collectivités villageoises intéressées ont été consultées au préalable par les autorités
municipales ou de la Ville compétentes.

Les lotissements du domaine urbain de l'État ou des communes sont réalisés à


l'initiative ou avec l'autorisation préalable du ministre chargé de l'Urbanisme.
Le maire de la commune ou de la Ville peut, après délibération du conseil municipal,
saisir le ministre chargé de la Construction et de l'Urbanisme d'un projet de
lotissement situé dans les limites du périmètre de la commune. Les projets de
lotissement sont dressés par des urbanistes inscrits au tableau de l'Ordre national
des Urbanistes et approuvés par le ministre chargé de l'Urbanisme.

Pour toutes les formes de lotissement, les projets doivent être établis conformément
au plan d'urbanisme directeur ou détail ou à tout document d'urbanisme en tenant
lieu.

Le dossier de demande de lotissement doit comporter les pièces suivantes :


- Une note de présentation exposant l'opération, les objectifs, jet
diverses justifications.
- Un extrait du plan d'urbanisme directeur de la commune, lorsque
ce document existe, ou, dans le cas contraire, une carte
simplifiée d'occupation du sol 3
- Un plan d'état des lieux du terrain à lotir
- Un plan parcellaire assorti d'un règlement d’urbanisme fixant les
règles et servitudes relatives à l'utilisation des sols, d'un cahier
des charges et d'un dossier comprenant les éléments théoriques
d'implantation du lotissement.
- Une étude d’impact du projet sur l’environnement.

Paragraphe 2 / Les catégories de lotissement

Il existe trois sortes de lotissement :


- Le lotissement administratif
C’est un lotissement qui trouve son origine dans une décision administrative. C’est
une autorité administrative qui a initié le projet. Il peut s’agir du ministre chargé de la
construction et de l’urbanisme, du sous-préfet ou du maire d’une localité.

- Le lotissement privé

18
C’est un lotissement initié par un propriétaire privé. Celui-ci doit évidemment être
inscrit au livre foncier. Sa décision est ensuite soumise à l’administration.
- Le lotissement villageois
C’est lorsque le lotissement est initié par une communauté villageoise. Il est soumis à
l’administration pour avis et application.

Une fois le dossier de demande de lotissement constitué comme prévu dans le


paragraphe, il suit une procédure précise selon la forme du lotissement :

Ÿ Le lotissement administratif

- Le dossier de demande de lotissement, initié par le ministère de la construction et


de l’urbanisme ou par une autorité locale compétente est contrôlé par les services
compétents du Ministère.
- Un arrêté d’ouverture d’enquête de « commodo et incommodo2 » d’une durée de 30
jours (1 mois) est pris à la sous-préfecture ou à la mairie concernée par le
lotissement.
- Une commission mixte
- Un procès-verbal de la réunion de la commission mixte de lotissement est transmis
au ministère chargé de l’urbanisme qui procèdera à l’immatriculation du périmètre à
lotir et prendra un arrêté d’approbation du lotissement.

- L’espace à lotir est immatriculé au nom de l’État (il devient donc la propriété de
l’État).

- Le ministre de la construction et de l’urbanisme signe l’arrêté d’approbation du plan


de lotissement.

- Une fois approuvé, le plan de lotissement est appliqué sur le terrain sous le contrôle
du directeur régional de la Construction et de J'Urbanisme.

- le géomètre procède à l’abornement des lots

- La direction chargée de l’urbanisme ou la direction régionale contrôle l’abornement


et délivre un certificat de conformité.
- Le procès-verbal des travaux des commissions attribue un numéro de priorité́ à
chaque dossier retenu et est adressé à l’autorité compétente pour attribution :

2
C’est une opération au cours de laquelle un projet de décision administrative est soumis aux
observations du public dans le but d’assurer l’information des personnes concernées, de garantir les
droits des propriétaires et de favoriser la concertation.

19
o Le ministre chargé de la Construction et de l'Urbanisme pour l'agglomération
d'Abidjan ainsi que pour les terrains à usage industriels et commerciaux situés
dans les autres localités, avec ampliation aux préfets des localités concernées
;
o Le Préfet pour les terrains d’habitation de leurs localités respectives.

Ÿ Le lotissement villageois

- La demande de lotissement villageois, initiée par la communauté villageoise,


est adressée au ministre de la construction et de l’urbanisme (ou les préfets pour les
zones hors Abidjan).
- Il envoie sur le terrain une mission de reconnaissance chargée de faire un
rapport sur le site choisi
- La sous-direction vérifie alors, au vu du rapport de la mission, la conformité
du projet de lotissement établi sous forme de plan parcellaire.
- Un arrêté d’ouverture d’enquête de « commodo et incommodo3 » d’une
durée de 30 jours s’ouvre à la sous-préfecture ou à la mairie (pour Abidjan
notamment) concernée par le lotissement.

- Une commission mixte, dont la composition est prévue par les décrets de 1978 et
de 1995 précités, instruit le dossier.
- Un procès-verbal de la réunion de la commission mixte de lotissement est transmis
au ministère chargé de l’urbanisme qui procèdera à l’immatriculation du périmètre à
lotir et prendra un arrêté d’approbation du lotissement.

- L’espace à lotir est immatriculé au nom de l’État (il devient donc la propriété de
l’État).

- Le ministre de la construction et de l’urbanisme signe l’arrêté d’approbation du plan


de lotissement.

- Une fois approuvé, le plan de lotissement est appliqué sur le terrain sous le contrôle
du directeur régional de la Construction et de J'Urbanisme.

3
C’est une opération au cours de laquelle un projet de décision administrative est soumis aux
observations du public dans le but d’assurer l’information des personnes concernées, de garantir les
droits des propriétaires et de favoriser la concertation.

20
- le géomètre choisi (et rémunéré) par la communauté villageoise, procède à
l’abornement des lots

- La direction chargée de l’urbanisme ou la direction régionale contrôle l’abornement


et délivre un certificat de conformité.

- Le procès-verbal des travaux des commissions attribue un numéro de priorité́ à


chaque dossier retenu et est adressé, dans un délai de quinze jours (15 jours) à
l’autorité compétente pour attribution :

o Le ministre chargé de la Construction et de l'Urbanisme pour l'agglomération


d'Abidjan ainsi que pour les terrains à usage industriels et commerciaux situés
dans les autres localités, avec ampliation aux préfets des localités concernées
o Le Préfet pour les terrains d’habitation de leurs localités respectives.

- Dans les deux cas, l’autorité compétente procède à la distribution des lots sur la
base des propositions faites par les autorités villageoises en tenant compte des
droits coutumiers.

Ÿ Le lotissement privé

- Le ministre de la construction et de l’urbanisme est en charge de l’instruction


du dossier de lotissement. C’est donc à lui qu’est adressée la demande de
lotissement.
- Il envoie sur le terrain une mission de reconnaissance chargée de faire un
rapport sur le site choisi
- La sous-direction vérifie alors, au vu du rapport de la mission, la conformité du
projet de lotissement établi sous forme de plan parcellaire.

- le lotissement privé est soumis à l’autorisation préalable du ministre chargé de


l’urbanisme.
- Le lotisseur doit soumettre un projet élaboré par un urbaniste privé agréé, au
ministère chargé de l’urbanisme.
- Le géomètre procède après avis favorable, à l’abornement des terrains.
- Le ministre chargé de l’urbanisme délivre ensuite un certificat de lotissement qui
vaut approbation.
- Le propriétaire peut alors procéder à la vente des terrains bâtis ou non.

L’autorité appelée à se prononcer sur les demandes de lotissement ne peut les


agréer que si ces lotissements sont conformes au plan d’urbanisme. Une fois le
lotissement réalisé, et assuré de l’immatriculation de la parcelle concernée, il faut
encore obtenir un permis de construire avant de bâtir.

21
Section 2/ L’arrêté de concession définitive (ACD)

Une fois l’Arrêté de concession établi sur la parcelle (Paragraphe 1), le titulaire y
réaliser des actes de disposition (Paragraphe 2).

Paragraphe 1/ Établissement de l’Arrêté de concession définitive

Selon le CUDFU, la propriété foncière en zone urbaine s’établit par l’immatriculation


au registre foncier ouvert à cet effet par l’administration.

Toute occupation d'un terrain urbain doit être justifiée par la possession d'un titre de
concession définitive délivré par le ministre chargé de la Construction et de
l'Urbanisme.

La pleine propriété des terrains urbains immatriculés au nom de l'État est conférée
par un arrêté de concession définitive selon la procédure ci-après :

- Une demande d’arrêté de concession définitive composée d’un dossier


technique est déposée au service du guichet unique du Foncier et de
l'Habitat du ministère en charge de la Construction et de l’Urbanisme dans
les chefs-lieux de district ou régionaux

- La demande d'arrêté de concession définitive est instruite par la direction


du Domaine urbain située dans les chefs-lieux urbains territoriaux, qui
établit une attestation domaniale

- Lorsque le terrain n’est pas immatriculé, le dossier est transmis à la


direction de la Conservation foncière, de l’Enregistrement et du Timbre du
ministère de l’Economie et des Finances ou à ses représentations
territoriales, pour la création du titre foncier.

- Après l’immatriculation, un plan du titre foncier certifié joint au dossier initial


est transmis à la direction du Domaine urbain du ministère en charge de la
Construction et de l’Urbanisme.

- L’arrêté de concession définitive, signé du ministre chargé de la


Construction et de l’Urbanisme, est transmis à la direction du Domaine
urbain.

22
- Après le paiement du prix d’aliénation du terrain, des droits et taxes par le
demandeur, le conservateur de la Propriété foncière et des Hypothèques
compétent publie l’arrêté de concession définitive au livre foncier et établit
un état foncier.

- Le service compétent du ministère en charge de la Construction et de


l’Urbanisme inscrit l’arrêté de concession définitive dans le registre
domanial.

- Le retrait par le demandeur de l’arrêté de concession définitive, se fait au


Service du guichet unique du Foncier et de l’Habitat du ministère en
charge de la Construction et de l’Urbanisme.

- Les détenteurs de lettres d'attribution ou d'arrêtés de concession provisoire


délivrés avant l'entrée en vigueur de la présente ordonnance sont tenus de
se mettre en conformité avec les dispositions de celle-ci.

- Les demandes de lettres d’attribution ou d’arrêtés de concession provisoire


en cours au jour de l’entrée en vigueur du présent décret aboutiront à
l’établissement d’un arrêté de concession définitive.

Ainsi, la procédure longue et complexe d’acquisition de la propriété foncière en zone


urbaine a été simplifiée avec la création d’un guichet unique et d’un titre unique.

En effet, il ne s’agit plus pour l’aspirant de détenir l’un ou l’outre des nombreux titres
précités dans l’ancienne procédure et donc de faire valoir devant les tribunaux la
primauté de son titre sur un autre. Une primauté qui s’établissait selon les tribunaux,
soit sur la base de l’avancée de la procédure, soit sur l’antériorité du premier
document administratif.

Assurément, la simplicité de la nouvelle procédure est extrêmement attrayante, mais


encore faut-il qu’elle soit efficace. Et pour cela, il importe que le dossier servant à
établir l’ACD soit suffisamment probant, car même l’ACD ne peut échapper à un
contrôle juridique à postériori.

Une fois la propriété du terrain établie, le propriétaire peut alors transmettre son
terrain par succession ou le céder par vente ou par donation entre vifs.

Paragraphe 2/ Le transfert de propriété

23
A la différence du Domaine foncier rural, les conditions d’accès à la propriété dans la
zone urbaine ne sont soumises ni à des conditions de nationalité, ni à des conditions
de forme physique. Tout le monde peut accéder à la propriété en zone urbaine.

La seule restriction qui était faite dans l’article 33 de l’ordonnance de 2013 abrogée
par le CUDFU, et qui consistait à limiter à 1 hectare la superficie pouvant faire l’objet
d’un ACD signé par le préfet, a été levée.

Le droit de propriété est un droit fondamental protégé par la constitution4. Le transfert


d’un droit de propriété d’une personne à une autre est différente selon que la
personne est morte ou vivante.

Le transfert de propriété d’une personne morte à une autre vivante se fait soit par
succession, soit par décision de justice. Les détails de la procédure sont fixés par la
Loi n° 2019-573 du 26 juin relative aux successions.

Le transfert d’un droit de propriété d’une personne à une autre se fait soit par
décision de justice, soit par la vente ou par la donation. Concernant ses deux modes
de transfert, ils impliquent un acte authentique.

C’est, en effet, l’article 223 du CUDFU qui prévoit que ‘la cession des terrains ayant
fait l’objet d’un arrêté de concession définitive se fait par acte authentique ». En cas
de cession, morcèlement ou fusion, un certificat de mutation de propriété foncière est
délivré à l’acquéreur ou au bénéficiaire de tout ou une partie de la parcelle par le
conservateur de la Propriété foncière et des Hypothèques pour servir de preuve de la
publication.

En cas de perte d’un arrêté de concession définitive, d’un certificat de mutation de


propriété foncière ou d’un certificat de propriété foncière, il est délivré au propriétaire
par l’autorité compétente, un duplicata dudit acte. Le duplicata est délivré au vu
d’une ordonnance rendue par le Président du tribunal après publication d’un avis de
perte inséré dans deux numéros consécutifs du Journal officiel de la République de
Côte d’Ivoire ou d’un journal d’annonces légales.

Bien entendu, le transfert de propriété implique la présence d’un cédant et d’un


cessionnaire. Si le cessionnaire peut être l’acheteur (dans le cadre d’un contrat de
vente) ou le bénéficiaire ou récipiendaire (dans le cadre d’une donation), le cédant
est nécessairement, sauf décision contraire de la justice, le propriétaire, directement

4
Article 11 de la constitution ivoirienne de 2016 modifiée par la loi constitutionnelle de 2019 : « Le
droit de propriété́ est garanti à tous. Nul ne doit être privé de sa propriété́ si ce n'est pour cause
d'utilité́ publique et sous la condition d'une juste et préalable indemnisation. ».

24
ou à travers un mandataire. En effet, seule la propriété accorde le droit de disposition
sur la chose5.

Pour autant, dans la gestion pratique du foncier urbain, ce schéma légal est
largement modifié et adapté de sorte à satisfaire aux besoins des communautés
villageoises, notamment dans le cas précis des lotissement villageois.

En effet, si les lotissements villageois sont immatriculés au nom de l’État, ce sont les
villageois qui exercent concrètement le droit de propriété en disposant de la parcelle
selon leur entendement. Ainsi, pour ces lotissements villageois, les vendeurs ne sont
pas les services de l’État, mais les villageois eux-mêmes dans le cadre de la
procédure suivante :

o Un lotissement villageois est créé selon la procédure expliquée dans le


paragraphe ci-dessus relatif au lotissement villageois.
o Le lotissement, immatriculé au nom de l’État, est rétrocédé à la communauté
villageoise qui réattribue les lots aux membres de la communauté sur la base
des droits coutumiers.
o Un registre est remis par l’Administration aux autorités villageoise afin
d’inscrire les réattributions de lots entre les membres de la communauté.
o Une copie du registre est tenue par les services de la Conservation foncière et
des hypothèques.
o Les villageois récipiendaires des lots peuvent disposer des lots comme des
propriétaires, même si ces lots font partie d’un lotissement immatriculé au nom
de l’État.
o Chaque récipiendaire de lots peut entamer une procédure pour faire
immatriculer son ou ses lots en son nom propre.
o Chaque récipiendaire peut vendre, donner, ou transmettre son ou ses lots.
o En cas de cession, le nouvel acquéreur doit s’acquitter de plusieurs charges :
▪ A l’égard du cédant, il doit le prix d’achat négocié, en échange de la
parcelle
▪ A l’égard de la notabilité, il doit le prix de la garantie villageoise
concernant l’aptitude du cédant à vendre et la disponibilité de la terre.
▪ Il reçoit alors une Attestation villageoise
o Cette attestation permet au nouvel acquéreur de continuer la procédure au
niveau de l’administration.
o Il peut alors entamer la procédure d’ACD en déposant un dossier de demande
au guichet unique du Ministère de la construction et de l’urbanisme.
o Dans le cadre de cette procédure, l’attestation villageoise fera l’objet d’une
vérification dans le registre de l’attribution des lots du lotissement tenu en
double par l’administration. Si la vérification au registre confirme que le lot est
5
Article 544 du code civil : La propriété́ est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la
plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

25
bien celui du « cédant » et qu’il n’a pas déjà été vendu, alors la procédure
peut continuer son chemin, sinon, le dossier est rejeté.
o C’est l’établissement de l’ACD qui va sortir le lot de la propriété de l’État
(lotissement immatriculé au nom de l’État) pour l’inclure, par une nouvelle
immatriculation au nom de l’acquéreur, dans le patrimoine de celui-ci.

De cette procédure qui cumule transaction foncière entre particuliers et intégration


d’espaces villageois dans le territoire urbain, deux remarques substantielles sont à
noter.

Premièrement, la gestion coutumière est en amont de la procédure administrative


puisqu’en ce qui concerne l’intégration dans le périmètre urbain, l’opération de
lotissement est non seulement laissée à l’initiative des villageois, mais est, par
ailleurs, réalisée par le village qui fait appel à un géomètre privé et à un opérateur
économique. La purge des droits coutumiers est censée s’opérer directement avec la
délivrance de l’arrêté d’approbation du lotissement selon un membre du ministère,
quand d’autres considèrent que c’est la délivrance d’une lettre d’attribution qui purge
le terrain de tout droit coutumier. Il est vrai que l’arrêté d’approbation du lotissement
implique l’immatriculation préalable du terrain à lotir. Cependant, c’est une
immatriculation globale qui va donner lieu à de nouvelles immatriculations
individuelles, une fois les lots revendus par les ayant-droits coutumiers.

La seconde remarque concerne justement la transaction foncière entre particuliers


qui est censée se réaliser devant notaire selon le Décret n°64-164 du 16 avril 1964,
portant interdiction des actes sous seing privé en matière immobilière6, ou par acte
authentique selon l’article 223 du CUDFU. C’est ce dernier qui opère la transition des
droits de propriété du vendeur à l’acquéreur. Cela suppose donc que le vendeur qui
est aussi le propriétaire ou qui en a reçu mandat possède les documents écrits
prouvant la propriété. Or dans le cas des transactions de terrains d’origine
villageoise, non seulement elles sont réalisées dans une forme assimilable au contrat
sous-seing privé, mais le terrain est vendu sans que ne soient transmis les preuves
légales de la propriété. C’est l’État qui se chargera de délivrer l’ACD.

Il y a donc une violation évidente des règles de droit dans la pratique de la gestion
foncière en milieu urbain. Une pratique qui met en évidence la complémentarité entre
une partie des normes administratives et la régulation traditionnelle en matière de
gestion foncière. La procédure usitée a, en effet, pour point de départ la prise en
compte des droits traditionnels et aboutit à la délivrance du titre foncier.

6
Tous faits, conventions ou sentences, ayant pour objet de constituer, transmettre, déclarer, modifier
ou éteindre un droit réel immobilier, d'en changer le titulaire ou les conditions d'existence, tous baux
d'immeubles excédant trois années, toutes quittances, ou cessions d'une somme équivalant à plus
d'une année de loyers ou fermages non déchus doivent, en vue de leur inscription, être constatés par
acte authentique.».

26
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