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Fiches/Cours

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Droit administratif des biens

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Cours de DROIT ADMINISTRATIF DES BIENS

Le cours de droit administratif des biens est au cours de droit administratif général
ce que le droit civil des biens est au droit privé. Il en constitue une part essentielle, que
structurent quelques principes forts qui ont largement contribué à la construction de
l’État depuis le début du XIXe siècle, à l’unification du territoire national, à sa défense
et à son aménagement, nécessaires à la cohésion sociale.
Les autres !ches de cours :

Fiches et cours de droit administratif des biens


Le droit de propriété des personnes publiques
Bien public : Insaisissabilité et interdiction de cession à vil prix
Le contentieux de l’appartenance au domaine public ou privé
Les critères de distinction entre domaine public et privé
Les dépendances du domaine public
Qu’est-ce que la consistance du domaine public ?
L’intégration des biens au domaine public
La sortie d’un bien du domaine public
Le domaine public : inaliénabilité, imprescriptibilité, entretien
Les occupations illégales du domaine public
Les contraventions de grande voirie
L’utilisation du domaine public
Le domaine privé : consistance, contentieux, gestion
L’expropriation pour cause d’utilité publique
L’enquête préalable dans la procédure d’expropriation
L’acte déclaratif d’utilité publique
L’arrêté de cessibilité
La phase judiciaire de l’expropriation
La notion de travaux publics
L’ouvrage public : dé!nition, critères, intangibilité
Les dommages de travaux publics
Droit administratif des biens

Certes, ces principes varient selon que l’on s’intéresse au droit de la propriété
publique (le droit des domaines privé et public de l’administration, au droit de
l’expropriation pour cause d’utilité publique ou encore à celui des travaux publics. Mais
dans tous ces domaines, on retrouve la conciliation entre les exigences de intérêt
général et la protection des droits des personnes privées.Voici le plan du cours de
droit administratif des biens :

LEÇON 1 : LA PROPRIÉTÉ PUBLIQUE


· Section 1 : l’existence d’un droit de propriété des personnes publiques sur leur bien.
1) Le rejet de l’idée d’un droit de propriété des personnes publiques.
2) La consécration du droit de propriété des personnes publiques.
a) l’évolution de la doctrine
· b) La reconnaissance par la Jurisprudence
· c) La consécration législative : l’ordonnance du 21 avril 2006 et le code général de la propriété publique
(CGPPP)
Section 2 : Les caractères spécifiques du droit de propriété de l’Etat.
1) L’insaisissabilité des biens publics.
2. L’interdiction de cession à ville prix
Section 3 : Le contentieux de l’appartenance d’un bien à une PPu
1. La propriété publique critère obligatoire d’appartenance au domaine ou au domaine privé.
2. La compétence juridictionnelle sur la question de propriété publique ou privé d’un bien

LEÇON 2 : LA DISTINCTION DOMAINE PUBLIC/DOMAINE PRIVÉ


Section 1 : la compétence pour déterminer l’appartenance d’un bien au domaine public ou privé.
A) la place de la loi et de la jurisprudence : critère légaux ou Jurisprudentiels ?
· 1. La qualification directe par la loi
· 2. La définition générale par la loi
B) La compétence exclusive du Juge administratif pour ≠cier le domaine public et le domaine privé
Section 2 : Les critères de distinctions entre domaine privé et domaine public
§1/ l’évolution des critères de distinction dans la jurisprudence
1. La conception initiale du domaine public : les biens affectés à l’usage de tous
2. l ‘inclusion ultérieur des biens affectés aux SP
3. La nécessité d’un critère réducteur : l’aménagement spécial
§2/ Les critères de distinction retenue par le CGPP : continuité et évolution.
§3/ Les cas particuliers de qualification des dépendances du domaine Public ou Privé : La conception globale du
domaine public
A) le cas des accessoires d’une dépendance principale du domaine public
B) la domanialité publique par anticipation ou virtuelle.
Section 3 : La mise en œuvre des critères : la consistance du domaine public.
§1/ La consistance des biens du domaine Pu composé des biens affectés à l’usage direct du public.
A) le domaine public maritime
B) le domaine public aérien et hertzien.
C) le domaine public fluvial
D) le domaine public terrestre
E) les édifices du culte
§2/ La consistance des biens du domaine public composé des biens affectés à un SP
A) les dépendances artificielles du domaine public naturel
B) Le domaine public militaire
C) le domaine ferroviaire
D) le domaine public mobilier
LEÇON 3 : LES ACTES D’INCORPORATION ET DE SORTIE DU DOMAINE PUBLIC.
Section 1 : L’intégration au domaine public
A) la porté de décisions de classement
· 1. La suffisance de l’affectation réelle du bien et l’inutilité de l’acte de classement
· 2. L’indifférence de l’acte de classement en l’absence d’affectation.
B) La compétence d’affectatio
· 1. La compétence du propriétaire pour décider de l’affectation
· 2. Les changements d’affectation
· a) Le principe de continuité de la domanialité public en cas de changement d’affectation
· b) Le changement d’affectation amiable
· c) Les changements d’affectation forcées : le cas des mutation domaniales.
Section 2 : La sortie des biens du domaine public.
1. La nécessité d’un acte de déclassement constatant la désaffectation
2. Le rapport entre l’acte de déclassement et l’absence de désaffectation.
· a) L’inutilité de l’acte de déclassement en l’absence de désaffectation.
· b) La question du déclassement anticipé
LEÇON 4 : LA PROTECTION DU DOMAINE PUBLIC
Section 1 : La protection de la consistance du domaine public
§1/L’infaillibilité du domaine public
A) définition et valeur juridique du principe.
B) La portée du principe d’inaliénabilité
· a) L’interdiction des aliénations affectant les biens du domaine Public
· b) La précarité de l’occupant du domaine public
· c) L’interdiction de constituer des droits réels sur le domaine public
§2/ l’imprescriptibilité du domaine public.
§3/ L’obligation d’entretien du domaine public
Section 2 : La protection de l’intégrité du domaine public
· §1/ La protection contre les dégradations : les contravention de grande voirie (CGV)
· A) la notion de contravention de grande voirie
· 1. Contravention de police et contravention de voirie.
· 2. Les contraventions de voirie routière et les CGV
B) Le régime des poursuites
· 1. Le PV et sa notification
· 2. L’obligation d’engager les poursuites
· 3. l’imputabilité
· 4. Les sanctions en matière de contravention de grande voirie
· §2/ La protection des occupations contre les occupations illégale du domaine public :
la poursuite des occupations sans titre du domaine public
· 1. L’exécution d’office par l’administration
2. Le Juge Administratif juge de l’expulsion du domaine public.
3. Les cas résiduels de compétence du JJ pour l’expulsion du dom pub
LEÇON 5 : L’UTILISATION DU DOMAINE PUBLIC
Section 1: l’utilisation collective du domaine public, par le public
Section 2: L’utilisation privative du dom pub par le public
§1/les simples occupations privative du domaine pub
1.La forme de l’autorisation d’occupation du domaine public
2.L’octroi de l’autorisation
· a) Le pouvoir discrétionnaire de l’administration dans l’octroi de l’autorisation
· b) la question de la mise en concurrence de l’autorisation d’occuper le domaine public.
3. Le paiement d’une redevance
4. La situation précaire de l’occupant privatif.
§2/ Les autorisations d’occuper le domaine public constitutive de droit réelle
1. Les droits réels sur le domaine public des collectivités territoriales
2. les droits réels sur le domaine public de l’Etat
LEÇON 6 : LE DOMAINE PRIVÉ
Section 1 : la consistance du domaine privé.
Section 2 : Les règles de gestion du domaine privé.
A. Les règles communes à toutes propriété publique.
B. Les règles de gestion propre au domaine privé
Section 3 : Le contentieux relatif au domaine privé.
LEÇON 7 : L’EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITÉ PUBLIQUE : LA PHASE ADMINISTRATIVE.
Section 1 : Les fondements textuels du droit de l’expropriation
Section 2 : Les titulaires du pouvoir d’exproprié.
1. La faculté de mise en œuvre de la procédure d’expropriation
2. Le rôle exclusif de l’Etat dans la conduite de la procédure d’expropriation
Section 3 : Les étapes de la phase administrative
§1/ L’enquête préalable.
1. La constitution du dossier d’enquête public.
2. le déroulement de l’enquête public
· a) les deux formes d’enquête publique
· b) le cas particulier des grands projets nationaux d’infrastructure : la commission du débat public
(CNDP)
§2 / L’acte déclaratif d’utilité appelé la déclaration d’utilité publique (DUP)
1. L’autorité compétente pour établir la déclaration d’utilité publique?
2. L’effet de la déclaration d’utilité publique
3. Le contentieux de la déclaration d’utilité publique
4. L’effet de l’annulation de la déclaration d’utilité publique
§3 / L’arreté de cessibilité
LEÇON 8 : L’EXPROPROIATION POUR CAUSE D’UTLITÉ PUBLIQUE : LA PHASE JUDICIAIRE.
Section 1 : Le juge de l’expropriation
Section 2 : L’ordonance d’expropriation
Section 3 : L’indemnité
Section 4 : les cas particuliers
A) La réquisiation d’emprise totale
B) la rétrocession du bien
LECON 9 : LES NOTIONS DE TRAVAUX PUBLICS ET OUVRAGE PUBLICS.
Section 1 : La notion de travail public
1. un travail immobilier
2. La finalité et le destinataire du travail public.
· a) un travail d’utilité générale éexécuté pour el compte d’une personne publique.
· b) un travail réalisé pour le compte d’une PPV dans l’accomplissement de SP.
Section 2 : La notion d’ouvrage public
§1/ La définition de l’ouvrage public
A) L’absence de lien entre ouvrage public, travaux public et domaine public.
B) Les critères de l’ouvrage Public.
· 1. intangibilité de l’ouvrage public et expropriatin indirecte.
· 2. L’affaiblissement progressif du principe
LEÇON 10 : LES DOMMAGES DE TRAVAUX PUBLICS.
Section 1 : Les dommages permanent de travaux publics.
Section 2 : LEs dommages accidentels de travaux publics.
§1/ Le régime de responsabilité
A) La responsabilité à l’égard des participants.
B) La responsabilité à l’égard des usages.
C) la responsabilité à l’égard des tiers
§2/ La mise en jeu de la responsabilité
1. Les causes exonératoires de responsabilité
2. La compétence juridictionnelle.

Leçon n°1 : la propriété publique


On va étudier le rapport qui unit les biens des personnes publiques à celles-ci.
Les personnes morales de droit public sont l’Etat, les collectivités territoriales, les
établissements publics, les personnes publiques sui generis, comme les groupements
d’intérêt public (GIP) et la Banque de France.
Ces personnes publiques sont-elles propriétaires de leurs biens ? Pendant
longtemps, on a considéré que les personnes publiques n’en étaient pas propriétaires,
mais qu’elles n’avaient qu’une obligation de garde et d’entretien.

En admettant un tel droit de propriété, cela signifie-t-il qu’il est exactement le même
que celui qu’a une personne privée sur un de ses biens ? Si l’Etat (au sens large) a les
mêmes prérogatives que les propriétaires privés, cela a un enjeu considérable,
puisque beaucoup de biens publics sont affectés à un service public.

Conseils bibliographiques :

Annonce diffusée
De Laubadère, En!n par
au Gabon
Domanialité publique, propriété administrative et affectation, RDP
gmcmarket.store
1950,Options
p.5 relatives aux annonces
Delvolve, Droit de propriété et droit public, Mélanges Braibant 1996, p.149
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Envoyer un commentaire Pourquoi cette annonce ?
Bioy, La propriété éminente de l’Etat, RFDA 2006, p.963
Philippe Yolka, Personnalité publique et patrimoine, Litec, Colloque de l’AFDA,
novembre 2007

Première section : l’existence d’un droit de propriété des


personnes publiques sur leurs biens

Droit privé

Ce bien appartient à une

personne morale de droit privé

= patrimoine

Juge judiciaire

Biens

(meubles ou

immeubles) Droit
public

Domaine public

Ce bien appartient à une


Juge administratif

personne morale de droit public

= domaine Droit
privé

Domaine privé

Juge
judiciaire

Le domaine n’est pas unique car différents régimes s’appliquent aux différents
biens des personnes morales de droit public.

Ne pas confondre le domaine privé et la propriété privée : celle-ci est la propriété


d’une personne morale de droit privé, alors que le domaine privé est avant tout le
domaine d’une personne morale de droit public.

1. Le rejet de l’idée d’un droit de propriété des personnes


publiques

Ce n’est que depuis le début du XX ème siècle que l’on admet que les
personnes publiques soient propriétaires de leurs biens.

Sous l’Ancien régime, la distinction domaine public-domaine privé n’existait


pas. On distinguait en revanche les biens privés du monarque, qui avait un réel droit
de propriété sur ses biens privés, du domaine de la couronne, qui était toute une
série de biens publics (biens naturels, immeubles bâtis). On considérait que ce
domaine était insusceptible de propriété privée, c’est-à-dire que ces biens étaient
attachés à la fonction souveraine mais n’appartenaient pas au souverain lui-même. Ni
le citoyen lambda ni le roi ne pouvait être propriétaire de ces biens publics.

Ceci a très vite été formalisé sous le principe d’inaliénabilité du domaine de la


couronne. Il est considéré comme une loi fondamentale du royaume, à côté d’une
seule autre, celle relative aux règles de succession au trône. La loi fondamentale du
royaume s’impose non seulement aux citoyens, mais aussi au souverain, elle est
tellement importante que celui-ci ne peut pas la contrer.

L’inaliénabilité des biens de la couronne a été imposée pour empêcher la dilapidation


des biens de la couronne.

Par la suite, elle a été consacrée par l’édit de Moulins de 1566, selon lequel
«les biens du domaine de la couronne sont indisponibles». En conséquence, qu’est-ce
qui unit le souverain à ces biens du domaine de la couronne ? Son obligation de garde
et d’entretien.

À la Révolution, l’état du droit n’a pas changé sur ce principe. Les


Révolutionnaires craignaient que l’Etat, quel qu’il soit, puisse dilapider les biens
publics, de sorte qu’ils n’ont fait que reformuler ce principe, et l’on parlera du domaine
de la Nation, consacré par la loi du 1er décembre 1790.

Les Révolutionnaires vont être les premiers à adopter un Code domanial : ils ont voulu
y marquer le fait que les biens publics doivent être gérés par des règles intangibles
fixées dans un code.

Au XIX ème siècle, la seule idée que l’on conçoit est qu’il y a des biens publics
qui ne peuvent faire l’objet d’une appropriation quelle qu’elle soit.

C’est Victor Proudhon qui, en 1834, va publier l’ouvrage Traité du domaine de l’Etat. Il
est le premier à proposer une distinction au sein du domaine des biens publics. Il
souligne que l’inaliénabilité dont il était question concernait une unité de biens publics,
mais il va affirmer qu’il faut distinguer le domaine public et le domaine privé. Cette
distinction est fondée sur l’idée selon laquelle le domaine public correspond à
l’ensemble des biens publics qui sont affectés à l’usage de tous, et selon laquelle le
domaine privé correspond à l’ensemble des biens publics qui ne sont pas affectés à
l’usage direct du public.

Selon lui, l’Etat a bien un droit de propriété sur son domaine privé ; en revanche, il est
vrai qu’il n’a pas de droit de propriété sur le domaine public.

La doctrine sera très divergente à propos de la distinction domaine public-


domaine privé et ne parviendra pas à se mettre d’accord sur des critères de distinction
entre ces deux domaines. En revanche, Victor Proudhon a fait l’unanimité sur un point
: l’ensemble de la doctrine s’accordera sur l’idée selon laquelle l’Etat est propriétaire
de son domaine privé mais pas de son domaine public.

Pourquoi affirmait-il que l’Etat n’était pas propriétaire du domaine public ?

Le premier argument est le Code civil lui-même. Il y avait à l’époque quatre


dispositions qui en traitaient, les articles 538 à 541 du Code civil. Selon eux, le
domaine public correspond aux biens insusceptibles de propriété privée. Ils
affirmeront que le Code civil veut dire que personne ne peut être propriétaire du
domaine public, donc l’Etat est compris dans le terme «personne».
Le second argument est que l’Etat ne détient ni l’usus (c’est le peuple qui use du
domaine public), ni l’abusus (la loi de 1790 rend inaliénable le domaine public), ni
le fructus.

Ces arguments vont vite perdre de leur ampleur.

1. La consécration du droit de propriété des personnes


publiques

1. A) L’évolution de la doctrine

Maurice Hauriou, dans son Précis de droit administratif publié en 1933, ne


nuance pas : selon lui, l’Etat est tout autant propriétaire de son domaine public qu’il
l’est de son domaine privé. Cinq arguments sont à prendre compte :

selon lui, il est faux de dire que l’Etat n’a ni l’usus, ni l’abusus, ni le fructus sur le
domaine public ;

■ en effet, l’Etat affecte des bâtiments aux activités de service


public, il en a donc l’usus, il décide de l’affectation de ces biens ;

■ l’Etat a le droit d’autoriser l’occupation de telle ou telle partie du


domaine public (bars et restaurants de plage) contre redevance, il a
donc le fructus ;
■ il affirme enfin que c’est parce que l’Etat a l’abusus sur le domaine
public qu’il a fallu adopter une loi d’inaliénabilité en 1790 ;

selon lui, un bien n’est pas figé dans le domaine public ou dans le domaine privé,
sinon, cela voudrait dire qu’un bien pourrait d’un jour à l’autre changer le fait que
l’Etat soit propriétaire ou non ;
quand l’Etat autorise une personne privée à occuper une partie du domaine public,
on va considérer que la personne privée qui reçoit cette autorisation se voit
conférer certains droits réels ; en conséquence, si la personne publique transfère
des droits réels à une personne privée, c’est bien qu’elle les détenait elle-même,
or, le droit réel par excellence est le droit de propriété ;
il va constater que dans la jurisprudence administrative, il y a de nombreux cas où
le Conseil d’Etat fait application au domaine public de règles du Code civil
relatives à la propriété (par exemple, le Conseil d’Etat a toujours fait application
au domaine public de la théorie de l’accession inscrite à l’article 552 du Code
civil, comme on peut le voir dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 7 mai 1931
Compagnie nouvelle des chalets de commodité) ;
il va dire que la doctrine n’envisage que le droit de propriété présent dans le Code
civil et applicable aux personnes privées ; il va dire que ce n’est pas parce que le
Code civil prévoit un régime de la propriété qu’il n’en existe qu’un seul, il y en a
peut-être deux ; l’Etat peut donc être propriétaire, certes de façon différente que
les personnes privées sont propriétaires de leur patrimoine, de son domaine
public.

Peu à peu, la doctrine soutiendra la thèse contraire à celle de Victor Proudhon


et admettra que l’Etat soit propriétaire de son domaine public.

1. B) La reconnaissance de la jurisprudence

1. Le Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat n’a jamais fait de difficultés pour reconnaître un droit de


propriété aux personnes publiques, mais paradoxalement, il n’a jamais rendu d’arrêt
de principe en la matière. On trouve de nombreux arrêts très anciens où il admet, au
détour d’une phase, le droit de propriété des personnes publiques sur le domaine
public.

Dans l’arrêt du 16 juillet 1909 Ville de Paris, le Conseil d’Etat avait utilisé
l’expression «l’Etat est propriétaire de son domaine public», mais l’arrêt ne portait pas
sur cette question.

2. Le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel, quant-à lui, a solennellement consacré le droit de


propriété des personnes publiques dans une décision des 25-26 juin 1986 Lois de
privatisation. En ne précisant pas de quel domaine les personnes publiques sont
propriétaires, le Conseil constitutionnel souligne qu’il n’est pas nécessaire d’opposer
ces deux domaines, et que les personnes publiques sont propriétaires de tous leurs
biens.

L’article 17 de la DDHC protège la propriété privée, et dans la décision de


1986, le Conseil constitutionnel s’est appuyé dessus : ainsi, il retient que l’article 17 de
la DDHC de 1789 «ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers,
mais aussi, à un titre égal, la propriété de l’Etat et des autres personnes publiques».

Le fondement du droit de propriété des personnes publiques est le même que celui
des personnes privées : l’article 17 de la DDHC est le fondement juridique de la
propriété en règle générale.

Par la suite, le Conseil constitutionnel a été à de très nombreuses reprises


saisi à ce propos. Ainsi, l’entreprise France Telecom a été privatisée par une loi du 18
juillet 1996 qui avait été déférée devant le Conseil constitutionnel. Les opposants à la
privatisation se targuaient d’une atteinte à l’article 17 de la DDHC, d’une atteinte à la
propriété de l’Etat.

Récemment, il y a eu un transfert de biens de la RATP au STIF, et la violation de


l’article 17 a encore été invoquée.

1. C) La consécration législative : l’ordonnance du 21 avril


2006 et le CGPPP

Avant 2006, il y avait un code appelé Code du domaine de l’Etat, qui n’était
pas fonctionnel dans la mesure où il existe d’autres personnes publiques que l’Etat.
Ainsi, en matière du domaine des collectivités territoriales, il fallait aller consulter le
Code général des collectivités territoriales. Les règles relatives au domaine étaient
éclatées entre plusieurs codes qui parfois étaient contradictoires.

Le souhait d’un code unifié a mis une quinzaine d’années à se réaliser. Ce


Code général de la propriété des personnes publiques n’a pas été nommé ainsi au
hasard, on a tenu à marquer en 2006 le droit de propriété des personnes
publiques et la fin du débat.

Par ailleurs, la structure du Code se divise en trois titres : l’acquisition des biens, la
gestion des biens et la cession des biens.

L’ordonnance a été ratifiée par la loi du 12 mai 2009 de simplification du droit.


Le Code a donc valeur législative.

Deuxième section : les caractères spécifiques du droit de


propriété de l’Etat

La réponse est nuancée : trois arguments permettent de dire dans un premier


temps que la propriété des personnes publiques n’est pas très différente de la
propriété des personnes privées :

un même fondement juridique ;


en cas de conflit de propriété entre personnes publique et privée, le juge judiciaire
reste compétent, car il est le juge de la propriété ;
le passage des biens du domaine public au domaine privé change certes le droit
applicable mais ne change pas la nature fondamentale du droit de propriété.

Le fait d’appartenir à une personne publique va soumettre ce bien à deux


règles particulières, qui s’appliquent du seul fait qu’il appartient à une personne
publique :

le principe d’insaisissabilité,
le principe d’interdiction de cession à vil prix.

Ces deux principes s’appliquent à tous les biens publics, qu’ils appartiennent
au domaine privé ou au domaine public.

1. L’insaisissabilité des biens publics

Conseils bibliographiques

Philippe Yolka, L’insaisissabilité des biens publics, JCPA 2007, n°2307


Yves Gaudemet, L’insaisissabilité des biens publics, RJEP 2007, p.285

C’est un principe extrêmement ancien, même s’il n’y avait aucun texte qui le
consacrait. C’est le Code général de la propriété des personnes publiques qui, le
premier, a consacré textuellement ce principe, il est venu combler un silence dans son
article L.2311-1, et consacre le fait que tous les biens publics sont insaisissables.

La jurisprudence était déjà venue consacrer ce principe, en particulier avec


l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 21 décembre 1987
BRGM c./ Société Lloyd Continental. Dans cet arrêt, le juge va viser le principe
d’insaisissabilité des biens des personnes publiques et ce en tant que principe
général du droit. Avant cette décision, jamais aucun juge n’avait affirmé cela.

La Cour de cassation énonce que «s’agissant des biens appartenant à des personnes
publiques, même exerçant une activité industrielle et commerciale, le principe de
l’insaisissabilité de ces biens ne permet pas de recourir aux voies d’exécution de droit
privé». Cela signifie que les biens d’une personne publique ne peuvent pas faire l’objet
de voies d’exécution forcée à leur encontre, et notamment d’une saisie immobilière
ordonnée par le juge judiciaire. La raison de ce principe relève d’une question de
protection des biens publics.
Le Conseil d’Etat lui-même n’a jamais eu l’occasion de consacrer aussi explicitement
ce principe. On trouve à peine une décision du Tribunal des conflits rappelant la
décision de la Cour de cassation du 19 mars 2007 Madame Madi.

Ce principe comporte-t-il certaines limites ? Oui, il fait l’objet d’un appel à un


assouplissement par une partie de la doctrine (telle MM. Yolka et Gaudemet).

Les personnes publiques ont des biens, comme des terrains, et celles-ci peuvent
vouloir y édifier un ouvrage public. La solution la plus simple serait de commander un
marché public, mais les personnes publiques n’ont pas toujours les moyens de
financer ces ouvrages publics. Que faire ?

Il existe des systèmes contractuels, dont un qui permet à la personne publique de faire
appel à une personne privée, mais elle ne déboursera pas d’argent, c’est la personne
privée qui financera les travaux (l’avantage qu’elle y aura sera d’en être locataire
pendant vingt-vingt cinq ans). La personne publique ne devra payer que la location, et
à l’échéance du bail, elle en deviendra propriétaire.

L’entreprise privée, pour financer ce projet, va aller voir la banque. Mais celle-ci va
exiger des garanties, même si elle trouve l’ouvrage rentable, et pourrait vouloir faire
une hypothèque. La personne privée ne peut donner aucune garantie à la banque en
raison de l’insaisissabilité des biens publics : en effet, cela empêche des investisseurs
privés d’obtenir des financements afin de réaliser des constructions sur des
dépendances publiques.

Personne en doctrine n’a jamais plaidé pour une suppression de


l’insaisissabilité, mais certains voudraient permettre un assouplissement du principe
pour les établissements publics industriels et commerciaux et pour les entreprises
publiques qui ont, eux plus que les autres personnes publiques, besoin de valoriser
leurs dépendances.

1. L’interdiction de cession à vil prix

Les personnes publiques n’ont pas le droit de céder leurs biens en dessous de
leur valeur réelle. De toute façon, on ne peut pas vendre le domaine public.

En réalité, ce principe trouve son fondement dans le principe plus large de


l’interdiction des libéralités par les personnes publiques (l’interdiction pour les
personnes publiques de disposer à titre gratuit) : c’est l’arrêt de principe rendu par le
Conseil d’Etat le 17 mars 1893 Chemins de fer de l’Est. Il y a aussi l’arrêt rendu par la
même juridiction le 6 décembre 2002 Syndicat des établissements du second degré
de L’Hay-Les-Roses.

Le Conseil constitutionnel a consacré ce principe de façon très solennelle et


exigeante dans la décision des 25-26 juin 1986 Lois de privatisation en énonçant que
«la Constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de
patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé
pour des prix inférieurs à leur valeur».

Quel intérêt pourrait avoir un gestionnaire public à céder un bien public en


dessous de sa valeur réelle ? Imaginons l’hypothèse d’une commune qui a divers
terrains dont elle ne se sert pas ; une entreprise privée cherche à s’implanter dans la
région, et il lui faut un terrain ; dans cette hypothèse, la commune peut avoir intérêt à
vendre son terrain pour relancer l’économie locale, pour relancer l’emploi. C’est ce
que l’on appelle l’aide immobilière des collectivités territoriales aux entreprises.
Mais comment concilier le principe d’interdiction de cession à vil prix et ce mécanisme
?

Le Conseil d’Etat a eu une interprétation beaucoup plus souple pour concilier les deux
principes. C’est l’arrêt de section du Conseil d’Etat du 3 novembre 1997 Commune de
Fougerolles qui retient que «la cession par une commune d’un terrain à une entreprise
pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant ce
principe d’interdiction de cession à vil prix lorsque la cession est justifiée par des
motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes».

Le Conseil d’Etat a ici une interprétation très constructive : le principe est bel et bien
l’interdiction de cession à vil prix, mais il y a une exception à ce principe, lorsque sont
réunies les deux conditions que sont le motif d’intérêt général et des contreparties
suffisantes.

Conseils bibliographiques :

CE 3 novembre 1997 Commune de Fougerolles, conclusions à la RFDA 1998, p.12


CE 25 septembre 2009 Commune de Courtenay, AJDA 2009, p.2179
CE 7 juin 2006 Asselin, RJEP 2006, p.355
CE 25 novembre 2009 Commune de Mer, AJDA 2010, p.51
Lorsque le juge est saisi d’un tel contentieux, il va devoir regarder s’il y a un
motif d’intérêt général (formulation très extensive, mais le plus souvent, ce sera la
création d‘emplois) et une contrepartie suffisante (nombre d’emplois créés suffisant).

Les juridictions administratives ont considéré dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 25


septembre 2009 Commune de Courtenay qu’était illégale la vente d’un bien à
une entreprise privée pour une valeur inférieure à 30% de la valeur estimée par le
service des domaines et pour laquelle n’existait aucune contrepartie économique
et sociale.
Ils avaient retenu la même conclusion dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 7 juin 2006
Asselin dans l’hypothèse où l’entreprise privée ne respectait pas ses
engagements. Dans ce cas, elle va engager sa responsabilité contractuelle et
sera condamnée à verser des dommages et intérêts à la personne publique.
Théoriquement, la sanction normale devrait être, au delà de la responsabilité
contractuelle, la résolution de la vente (le terrain en question devrait réintégrer
le domaine public).

Quand l’arrêt Commune de Fougerolles a été rendu, la majorité de la doctrine


avait considéré que l’exception ne pouvait concerner que les aides immobilières, et
que l’interdiction de cession à vil prix jouait impérativement dans tous les autres cas.
Mais la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales est intervenue, et elle
est précisément venue encadrer le régime des aides immobilières aux entreprises.

La doctrine considérait que l’arrêt Commune de Fougerolles n’avait plus vraiment


d’intérêt puisque la loi était intervenue, et qu’il était en somme tombé en désuétude.
Toutefois, il est en train d’avoir une seconde vie grâce au Conseil d’Etat dans un
domaine très différent. Dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 novembre 2009
Commune de Mer, il est question de l’aide immobilière aux associations, et plus
précisément de terrains et bâtiments vendus à une association à des prix très
inférieurs à leur valeur réelle, et ce parce qu’il s’agissait de l’association franco-turque
dont la mission était de favoriser l’intégration des personnes immigrées.

Se pose la question de savoir si, pour tout ce qui concerne les cessions à vil prix de
biens publics dans le cadre des aides immobilières, c’est la loi de 2004 qui s’applique,
et pour les cessions à vil prix dans un autre cadre, c’est la jurisprudence, ou si les
deux s’appliquent de façon concurrentielle : c’est la loi ou la jurisprudence qui
apporteront cette réponse dans le futur.

Il y a bien ici un motif d’intérêt général ; y a-t-il ici une contrepartie économique pour la
personne publique ? Non, il n’y a aucune contrepartie, mais malgré tout, le Conseil
d’Etat a validé cette cession à vil prix. Il invoque la contrepartie que constitue le fait
que l’association bénéficiaire pourra mieux exercer sa mission en disposant des
locaux ; ceci n’est pas contestable, mais le problème, c’est qu’il n’y a pas de
contrepartie pour la personne publique. Il est très bien pour les personnes publiques
d’aider les associations, mais plutôt en leur versant des subventions qu’en bradant un
bien public.

Ce boulevard qui a été ouvert pourrait entraîner de nombreuses dérives, de


nombreuses cessions à vil prix pour diverses associations, et donc conduire à la
dilapidation du domaine public.

Troisième section : le contentieux de l’appartenance d’un


bien à une personne publique

Pour faire partie du domaine public, il faut appartenir à une personne publique.
Il faut donc savoir quelles sont les personnes publiques qui peuvent avoir un domaine,
et qu’advient-il du patrimoine lorsqu’une personne publique devient privée.

1. La propriété publique, critère obligatoire d’appartenance


au domaine public ou privé

1. A) Quelles sont les personnes publiques concernées ?

L’ensemble des personnes morales de droit public peuvent avoir un domaine,


public ou privé : l’Etat, les collectivités territoriales (régions, départements,
communes), les EPA et les EPIC (arrêt du Conseil d’Etat du 21 mars 1984 Mansuy :
jusqu’aux années 80, on considérait que les établissements publics n’avaient pas de
patrimoine), les personnes publiques sui generis (la Banque de France, les GIP, les
AAI ayant la personnalité morale, telle l’AMF).

1. B) Seules les personnes publiques sont propriétaires du


domaine public
Dès lors qu’un bien est la propriété d’une personne privée, il ne peut en aucun
cas appartenir au domaine d’une personne publique, et à fortiori au domaine public.

Certains contentieux assez épars ont vu des propriétaires de biens refuser de les
entretenir en invoquant le fait qu’ils appartenaient au domaine public du fait de leur
affectation. C’est le cas de :

l‘arrêt de section du Conseil d’Etat du 8 mai 1970 Société Nobel-Bozel : un mur


implanté sur un terrain privé en bordure d’une voie publique ne peut pas faire
partie du domaine public du fait qu’il appartient à une personne privée ;
l‘arrêt du Tribunal des conflits du 16 mai 1994 Allar : une voie privée ouverte à la
circulation n’appartient pas au domaine public puisqu’elle n’est pas la propriété
d’une personne publique ;
l‘avis du Conseil d’Etat rendu en assemblé générale du 10 juin 2004 : le siège de
l’agence France-Presse ne peut pas appartenir au domaine public puisque cet
organisme est une personne morale de droit privé.

Conseils bibliographiques

Note du Conseil d’Etat à propos de l’arrêt du 10 juin 2004 et du statut juridique du


siège de l’Agence France-Presse, Seules les personnes publiques peuvent être
propriétaires d’un domaine public, RFDA 2004
Marion Ubaud-Bergeron, Les contradictions du régime du financement privé des
ouvrages publics sur le domaine public de l’Etat, AJDA 2003, p.1361

C’est cette même condition qui explique qu’en principe, la personne publique
ne peut pas avoir recours au crédit-bail pour financer un ouvrage sur le domaine
public puisque pendant la durée du contrat de crédit-bail, l’ouvrage est incorporé au
patrimoine de l’organisme, de la société de crédit : c’est l’avis du Conseil d’Etat du 30
mars 1989.

La jurisprudence considère qu’un bien d’une personne publique ne peut pas


être détenu en co-propriété avec d’autres personnes privées en raison de
l’incompatibilité qu’il y a entre les règles de la co-propriété et les règles de la
domanialité publique.

Le premier arrêt qui a été rendu est un arrêt de section du Conseil d’Etat du 11 février
1994 Compagnie d’assurance La Préservatrice foncière : le Conseil d’Etat constate
qu’un bien d’une personne publique est détenu en co-propriété et il se demande si,
postérieurement à l’acquisition de ce bien en co-propriété, ce bien va être affecté à un
service public, et s’il fait donc partie du domaine public. Le Conseil d’Etat constate
l’incompatibilité entre co-propriété et domanialité publique, et par conséquent, le bien
ne fait pas partie du domaine public.

Dans un arrêt plus récent du 25 février 2009, la première chambre civile de la Cour de
cassation était saisie d’un litige identique, sauf qu’elle va poser le même principe que
le Conseil d’Etat, à savoir incompatibilité entre co-propriété et domanialité publique,
mais elle n’en tire pas du tout la même solution : en raison de l’incompatibilité, elle
énonce que les règles de la domanialité priment et que la co-propriété est illégale.

Ces deux solutions peuvent paraître opposées à première vue, mais elles vont en
réalité exactement dans le même sens. Si le Conseil d’Etat avait fait primer la co-
propriété sur la domanialité car elle était antérieure à la domanialité publique, la Cour
de cassation quant-à elle était dans une situation où l’appartenance au domaine public
était antérieure à la co-propriété, et c’est donc pour cela qu’elle a fait primer la
domanialité publique. Les deux juridictions s’attachent à la chronologie.

1. C) Ce qu’il advient du patrimoine lorsqu’une personne


publique devient privée

La transformation d’une personne publique en personne morale de droit privé


va entraîner nécessairement le déclassement de son domaine public. Il est
extrêmement fréquent que des EPIC soient transformés en sociétés commerciales :
France Télécom en 1996, EDF en 2004, Aéroport de Paris en 2005, la Poste en
2010.

Le juge administratif tâtonne sur le sujet et rend des solutions qui sont plus des
solutions dictées par des nécessités de faits et de la pratique plutôt que par un
raisonnement juridique rigoureux. Très récemment, en avril 2010, s’est posée la
question de savoir si les ouvrages d’EDF étaient des ouvrages publics.

Juridiquement, si le juge appliquait à la lettre les principes séculaires juridiques qui


ont toujours été appliqués, il devrait répondre par la négative, et dire qu’ils ne le
sont plus.
De façon pragmatique, il va se demander si l’on peut admettre aujourd’hui, en
France, que ces ouvrages, majeurs, puissent être considérés comme autre chose
que des ouvrages publics. Il répondra par la négative, ils sont nécessairement
publics.

Le Conseil d’Etat a considéré dans un avis de juin 1996 précédant la loi du 16


juillet 1996 privatisant France Télécom que les biens appartenant à France Télécom
ne pouvaient plus faire partie du domaine public dès lors que France Télécom était
transformée en société privée.

Le législateur décide de faire basculer les biens publics les plus importants de
l’établissement dans le domaine public de l’Etat.

Le Conseil constitutionnel, dans un arrêt du 19 avril 2005 à propos d’Aéroport


de Paris, privatisé par la loi du 20 avril 2005, a retenu une solution identique.

Le Tribunal des conflits, dans une décision du 12 avril 2010 Société ERDF,
devait trancher la question de savoir si les ouvrages d’EDF étaient bien des ouvrages
publics. Il a retenu l’affirmative.

Les mêmes questions pourront se poser à propos des biens de GDF, de la Poste (qui
est devenue une société commerciale en janvier 2010).

Au regard de ces différents cas d’espèce, il apparaît que la juridiction n’a pas
d’avis tranché, et qu’elle statue au cas par cas.

1. La compétence juridictionnelle sur la question de


propriété publique ou privée d’un bien

Il n’y a ici aucune ambiguité jurisprudentielle : lorsqu’il y a un litige entre une


personne publique et une personne privée sur un titre de propriété, le seul juge
compétent est le juge judiciaire : c’est l’arrêt de section du Conseil d’Etat du 16
novembre 1960 Commune du Bugue.

Si le juge administratif est saisi d’un litige pour lequel se pose préalablement une
question de propriété, il doit en principe surseoir à statuer et poser une question
préjudicielle au juge judiciaire : voir par exemple l’arrêt du Tribunal des conflits du 18
décembre 1995 Préfet de la Meuse.

Il y a néanmoins deux exceptions à la compétence de principe du juge judiciaire :

c’est l’hypothèse où le litige sur la propriété ne soulève aucune difficulté sérieuse ;


dans ce cas, le juge administratif a le droit de ne pas poser une question
préjudicielle au juge judiciaire, et il peut régler lui-même le litige de propriété (un
litige sans difficulté est celui où l’un des protagonistes n’a pas de titre de
propriété) ; voir l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 14 octobre
2008 Commune du Puy en Velay ;
si la personne privée se prévaut de la propriété publique du bien (si elle prétend
que le bien public en cause appartient à une personne publique), la doctrine
considère en général que le juge administratif peut trancher la question (c’est le
cas par exemple d’un muret en bordure d’un terrain privé et d’une voie publique
qui s’effondre et blesse des passants ; si l’on retient que le muret est sur la voie
publique, c’est la personne publique qui est propriétaire et donc responsable ; à
l’inverse, si l’on retient que le muret est sur le terrain privé, c’est la personne
privée qui est propriétaire et donc responsable).

Leçon n°2 : la distinction domaine public-domaine privé

Est-ce que tous les biens publics dont sont propriétaires les personnes
publiques forment une masse homogène ou faut-il faire en leur sein une division ?
Non, ils ne forment pas une masse homogène, et il faut distinguer deux catégories : le
domaine privé et le domaine public.

Maintenant, comment distinguer le domaine public du domaine privé ? En


fixant des critères.

Remarque

Cette distinction est-elle fondamentale ? La réponse est nuancée, la distinction


est à la fois relative et fondamentale.
Elle est relative car au sein des biens publics, et au sein même du domaine public,
tous les biens ne sont pas soumis au même régime juridique ni au même juge : il
y a différentes strates, et chacune se caractérise par un niveau de protection plus
ou moins élevée. Ainsi, les rivages et les parkings appartiennent au domaine
public, mais les rivages sont soumis à un régime bien plus protecteur que celui
auquel sont soumis les parkings. C’est l’échelle de domanialité, qui a été
conceptualisée par Jean-Marie Auby.
Elle reste fondamentale car en droit positif et en jurisprudence, le juge se fonde
sur cette distinction pour établir d’abord le droit applicable, mais également la
compétence du juge.

Conseils bibliographiques

Jean-Marie Auby, Contribution à l’étude du domaine privé, Etudes et documents du


Conseil d’Etat de 1958, p.56
Fabrice Melleray, L’échelle de domanialité, Mélanges Moderne, Dalloz 2004, p.287

La loi, la jurisprudence et la doctrine ont mis longtemps à s’entendre pour


déterminer les critères distinctifs du domaine public et du domaine privé.

Première section : la compétence pour déterminer


l’appartenance d’un bien au domaine public ou privé

L’appartenance d’un bien au domaine public ou au domaine privé est objective


en cela que la qualification donnée par la personne publique ou les parties est
totalement indifférente.

Ce n’est pas la personne publique gestionnaire du domaine qui peut dire si tel
ou tel bien appartient à son domaine public ou privé ; lorsqu’elle le fait, elle peut avoir
raison, mais le juge n’y accorde aucune valeur juridique.

Ainsi, une personne publique peut affirmer que telle dépendance relève de son
domaine privé, mais cette qualification n’a aucune valeur et pourra être renversée par
le juge.
1.La place de la loi et de la jurisprudence : critères légaux ou
jurisprudentiels ?

Conseils bibliographiques

Lavialle, Remarques sur la définition législative du domaine public, RFDA 2008,


p.491

1. A) La qualification directe par la loi

L’appartenance d’un bien au domaine public ou au domaine privé peut résulter


directement de la loi. Dans ce cas, la loi va incorporer expressément au domaine
public ou au domaine privé une catégorie précise de biens ; l’individu n’a aucun effort
de qualification à faire, et cela concerne seulement certains biens :

les autoroutes et routes nationales font partie du domaine public de l’Etat selon le
Code de la voirie routière ;
les chemins ruraux font partie du domaine privé des communes ;
les immeubles de l’Etat à usage de bureaux font partie du domaine privé de l’Etat
selon une ordonnance du 19 août 2004.

1. B) La définition générale par la loi

Indépendamment des cas de qualification directe, la loi, en général, se limite à


donner une définition générale du domaine public ou privé. Dans ce cas là, la loi va
dire par exemple que le domaine public est composé des biens affectés à un service
public. L’individu va devoir déterminer au cas par cas qu’est-ce qu’un bien affecté au
service public.

Quelle est donc aujourd’hui la définition que donne la loi du domaine public ?
Cette définition n’était pas fixée jusqu’en 2006, et a donc fait l’objet d’une longue
évolution. Jusqu’alors, elle ne faisait que varier, et ne coïncidait pas avec celle du juge
administratif.

L’évolution de la définition du domaine public donnée par la loi

La première étape date du Code civil de 1804 qui avait défini le domaine public
comme étant les biens insusceptibles de propriété privée.
Le juge ne s’est pas servi de cette définition car elle n’était pas opérante, elle ne
correspondait pas à la réalité. C’était une définition légale inutile qui n’a pas été
abrogée pendant plus de deux cent ans.
La seconde étape réside dans le Code du domaine de l’Etat dans sa rédaction
résultant du décret du 14 mars 1962 qui avait défini le domaine public ainsi : «le
domaine national s’entend de tous les biens et droits qui appartiennent à l’Etat.
Ceux des biens visés à l’article précédent qui ne sont pas susceptibles d’une
propriété privée en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée
sont considérés comme des dépendances du domaine public national, les autres
biens constituent le domaine privé». Le pouvoir réglementaire se borne à définir
le domaine public mais pas le domaine privé.
Cette définition n’a pas été plus opérante que la première car ce Code, ayant
maintenu cette idée des biens du domaine public comme ceux ne pouvant faire
l’objet d’une propriété privée, n’a jamais été utilisé par le juge.
La troisième étape réside dans le Code général de la propriété des personnes
publiques de 2006, et la définition du législateur est parfaitement conforme à celle
utilisée par le juge. Selon l’article L.2111-1 du Code général de la propriété des
personnes publiques, «sous réserve de dispositions législatives spéciales, le
domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L1 est constitué
des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit
affectés à un service public, pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un
aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public».
Cette définition est opérante et utilisée par le juge car le Code général de la
propriété des personnes publiques n’a fait que reprendre mot pour mot la
définition donnée depuis cinquante ans par la jurisprudence : le domaine public
est donc une construction prétorienne.
1. La compétence exclusive du juge administratif pour
distinguer le domaine public du domaine privé

Une fois la définition posée, il appartiendra au juge de qualifier au cas par cas
les dépendances litigieuses. Le juge administratif est le seul juge compétent pour faire
cette distinction.

Si dans un litige sur la propriété privée soumis au juge judiciaire se pose une question
de qualification d’une dépendance en bordure de la propriété privée, le juge judiciaire
aurait l’obligation de surseoir à statuer et de saisir le juge administratif. C’est l’arrêt de
section du Conseil d’Etat du 16 novembre 1960 Commune du Bugue, et l’arrêt du
Tribunal des conflits du 24 septembre 2001 Société BE diffusion c./ RATP.

Conseils bibliographiques :

Philippe Yolka, note sur l’arrêt du 24 septembre 2001 du tribunal des conflits, RJEP
2002, p.217

Deuxième section : les critères de distinction entre domaine


public et domaine privé

Conseils bibliographiques :

Melleray, La recherche d’un critère réducteur de la domanialité, AJDA 2004, p.490


Melleray, Définition et critères du domaine public, RFDA 2006, p.907 (très bonne
synthèse)
Hubrecht, Faut-il définir le domaine public et comment ?, AJDA 2005, p.598 (assez
technique)
Yolka, RJEP 2006, p.411 (bonne base de cours)
Lavialle, Que reste-t-il de la jurisprudence Société Le Béton ?, RFDA 2010, p.533

1. L’évolution des critères de distinction dans la


jurisprudence administrative

Le juge administratif, jusqu’en 2006, n’a jamais utilisé la définition du


législateur. Il a donc toujours fait comme si la loi ou le pouvoir réglementaire n’avait
pas donné de définition, et a toujours forgé sa propre définition.

1. A) La conception initiale du domaine public : les biens


affectés à l’usage de tous

Où est-ce que le juge est-il allé chercher l’inspiration pour définir le domaine
public ? Il s’est beaucoup inspiré de la doctrine. Victor Proudhon avait écrit un ouvrage
en 1834, il était le premier à proposer une distinction entre le domaine public et le
domaine privé, en disant que le domaine public correspondait à l’ensemble des biens
affectés à l’usage de tous. Cela a été la première définition retenue par le juge
administratif.

Le premier arrêt qui fait une référence explicite aux écrits de Proudhon est bien
postérieur : c’est un arrêt du 28 juin 1935 dit Marecar, selon lequel le cimetière est
affecté à l’usage du public, et doit dès lors être compris parmi les dépendances du
domaine public.

Il y a également l’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 22 avril 1960 Berthier où le


juge va considérer que les promenades publiques font partie du domaine public parce
qu’elles sont affectées à l’usage de tous.

Un troisième arrêt retient le même raisonnement : c’est l’arrêt du 30 mai 1975 Dame
Gozzoli, selon lequel une plage fait partie du domaine public parce qu’elle est affectée
à l’usage de tous.

Il ne faut pas entendre par “usage de tous” usage collectif, mais plutôt
ensemble des biens qui peuvent faire l’objet d’un usage direct, sans autorisation, par
les particuliers.
Ce premier critère est-il encore opérant aujourd’hui ? Oui, le juge continue de
s’y référer pour certains biens :

arrêt du Conseil d’Etat du 21 mars 1984 EPAD où le juge va dire que la place
centrale du quartier de la Défense à Paris est bien une dépendance du domaine
public parce qu’elle est affectée à l’usage de tous ;
arrêt du Tribunal des conflits du 22 septembre 2003 Commune de Juiville où le
bien en question est considéré comme faisant partie du domaine public parce que
la commune le laisse à l’usage direct des riverains ;
arrêt du Conseil d’Etat du 25 mai 2007 Société Zebra Auto où un circuit routier
exploité par une commune est considéré comme faisant partie du domaine public
parce qu’il est ouvert au public.

Conseils bibliographiques

note sur l’arrêt du 22 septembre 2003, AJDA 2004, p.930

1. B) L’inclusion ultérieure des biens affectés au service


public

Le juge a été très vite obligé d’instaurer un deuxième critère d’identification du


domaine public. L’enjeu pour le juge est de déterminer le régime applicable et
notamment la protection du bien concerné.

L’inconvénient du premier critère est qu’il est trop restrictif, il conduisait à écarter du
domaine public des biens qui n’étaient peut-être pas utilisés par tous mais qui revêtait
pourtant une grande utilité publique.

Ex : universités, hôpitaux, voies ferroviaires.

C’est la doctrine qui va critiquer en premier ce critère, en particulier Léon


Duguit. Il a été le premier à critiquer le caractère trop restrictif du premier critère et à
proposer un critère alternatif. Selon lui, le domaine public, c’est effectivement les biens
à l’usage de tous, mais également les biens affectés à un service public.
Le Conseil d’Etat a opéré réception de ce deuxième critère dans les années 60 :

arrêt du 19 octobre 1956 Société Le Béton : la question qui se posait était de


savoir si les terrains inclus dans la dépendance d’un port maritime faisaient partie
ou pas du domaine public ; le juge a retenu l’affirmative car d’après lui, ils étaient
nécessaires au fonctionnement du service public portuaire ;
arrêt de section du 5 février 1965 Société Lyonnaise des Transports : le litige
portait sur un garage ouvert aux usagers à proximité d’une gare ; le juge retient
qu’il fait partie du domaine public car il est le complément nécessaire du service
public ferroviaire.

À partir de cette période, en jurisprudence, le juge a recours à deux critères


alternatifs pour déterminer si l’objet fait partie du domaine public : parce qu’il est
ouvert à l’usage de tous ou parce qu’il est affecté à l’exploitation d’un service public, à
condition qu’il appartienne à une personne publique.

Est-ce toujours évident de distinguer le contenu des deux critères en pratique


? En effet, un bien peut être à l’usage de tous et être affecté à un service public.

Ex : à propos d’une promenade publique, l’arrêt du Conseil d’Etat du 22 avril


1960 Berthier a retenu qu’elle faisait partie du domaine public parce qu’elle était
ouverte à l’usage de tous, mais l’arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 11 mai 1959
Dauphin qui portait également sur une promenade publique avait retenu qu’elle faisait
partie du domaine public car elle était affectée au service public culturel.

L’arrêt du Conseil d’Etat du 22 avril 1977 Michaud concernait des halles


municipales, le juge a retenu qu’elles faisaient partie du domaine public car elles
étaient affectées au service public de l’organisation de l’alimentation.

Ce critère fait-il l’objet d’une utilisation actuelle ? Oui, et c’est même surtout ce
critère qui est utilisé par le juge plus que le premier.

Ex : pour un gîte rural exploité par une commune ; le Conseil d’Etat va dire
qu’il fait partie du domaine public car il est affecté au service public du développement
économique dans son arrêt du 25 janvier 2006 Commune de la Souche.

Pour les locaux de l’Etat mis à la disposition de la cinémathèque française ; le


Conseil d’Etat va dire qu’ils font partie du domaine public car ils sont affectés au
service public culturel dans son avis du 18 mai 2004.
Pour les remontées mécaniques sur les pistes de ski et une base de loisirs
exploitées par une commune ; le Conseil d’Etat va dire qu’ils font partie du domaine
public car ils sont affectés au service public touristique dans ses arrêts des 19 avril
2005 et 16 mars 2010.

Conseils bibliographiques

note sur l’arrêt du 25 janvier 2006, AJDA 2006, p.231


note sur l’arrêt du 16 mars 2010, Contrat d’occupation du domaine public – base
de loisirs affectée au service public touristique et de loisirs, François Llorens,
Contrats et marchés publics, 2010, commentaire 227

1. C) La nécessité d’un critère réducteur : l’aménagement


spécial

Le deuxième critère présente l’inconvénient d’être trop extensif, puisqu’il est


possible d’affirmer que tous les biens des personnes publiques présentent un lien plus
ou moins direct avec un service public.

Ce deuxième critère, si on l’applique à la lettre, tend à faire basculer dans le domaine


public tous les biens publics.

Pour cette raison, le juge a adjoint un troisième critère cumulatif : pour faire
partie du domaine public, le bien doit en outre avoir fait l’objet d’un aménagement
spécial en vue de le rendre conforme à sa destination.

Il ne suffit pas que le bien appartienne à une personne publique et qu’il soit affecté à
un service public pour faire partie du domaine public ; il faut que la personne publique
ait réalisé des aménagements spécifiques de nature à favoriser l’exploitation du
service public.

À l’origine, ce critère ne devait être adjoint qu’aux biens affectés au service


public (on n’avait besoin d’un critère réducteur que pour le seul critère n°2).

Mais très vite, le juge l’a également appliqué aux biens affectés à l’usage de tous. Ce
n’est donc pas rigoureux car la catégorie des biens affectés à l’usage de tous n’est
pas extensive.

Exemples où le juge a appliqué ce critère réducteur pour des biens affectés au service
public :

arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 11 mai 1959 Dauphin, l’aménagement


spécial réside dans le fait que la commune ait fait poser à l’entrée de cette
promenade deux bornes avec une chaîne pour empêcher l’accès aux voitures ;
arrêt du Conseil d’Etat du 13 décembre 2006 SARL Le Dôme du Marais, le bien
litigieux était les locaux du Crédit municipal de Paris ; c’est le service public d’aide
sociale ; le juge se contente de dire qu’ils ont été spécialement aménagés à cet
effet (sans dire lequel).

Exemples où le juge a appliqué ce critère réducteur à des biens utilisés directement


par le public :

arrêt du Conseil d’Etat du 22 avril 1960 Berthier ;


arrêt du Conseil d’Etat du 14 juin 1972 Eidel à propos du bois de Vincennes ;
arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon du 24 octobre 1995 Commune de
Saint Ours à propos des réseaux publics de distribution d’eau potable.

Ce critère est très discutable et critiqué car le juge l’avait institué dans le but
d’éviter une extension indéfinie du domaine public, en raison notamment de
l’affectation au service public. Or, en pratique, le juge a eu une conception de
l’aménagement spécial extrêmement large et extensive elle-aussi. En conséquence,
ce critère a-t-il réellement joué un rôle réducteur de la domanialité ? Pas du tout, car le
juge en a une conception extrêmement extensive.

Ainsi, l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 mai 1975 Dame Gozzoli concernait une plage
que le juge avait considéré comme affectée à l’usage de tous ; le juge va y voir un
aménagement spécial dans le fait qu’elle faisait l’objet d’un entretien régulier.

1. Les critères de distinction retenus par le Code général de


la propriété des personnes publiques : continuité et
évolution

Le Code général de la propriété des personnes publiques va reprendre


pratiquement à l’identique la définition jurisprudentielle du domaine public, et
notamment, au sens du Code, le domaine public est un bien qui répond à l’un des
deux critères, à savoir être affecté à l’usage de tous ou être affecté à un service public.

Le Code général de la propriété des personnes publiques va maintenir la


nécessité d’un critère réducteur en le reformulant. Il y a bien un critère réducteur qui
ne joue que pour les biens affectés à un service public ; le Code ne parle pas
d’aménagement spécial, mais vise l’existence d’un aménagement indispensable.

Les rédacteurs du Code général de la propriété des personnes publiques ont


largement insisté sur le fait qu’il fallait tenter de restreindre le domaine public. Ils ont
explicitement dit dans le rapport introductif que s’ils mettaient ces termes à la place de
ceux utilisés par le juge, c’était pour inciter le juge à se montrer plus restrictif sur la
qualification du domaine public.

Le juge a-t-il opéré réception de ce changement ? Oui, totalement.

Le Code maintient les deux critères établis par la jurisprudence mais


apporte plus de cohérence au critère réducteur, puisque d’une part, il n’est appliqué
désormais qu’aux biens affectés au service public, et surtout, la vocation de celui-ci
est véritablement d’être un critère réducteur, ce qu’il n’était pas jusqu’à présent.

Dans l’arrêt de section du Conseil d’Etat du 28 décembre 2009 Brasserie du


Théâtre, la question était de savoir si le critère de l’aménagement indispensable était
un critère qui avait un effet rétroactif : le juge doit-il appliquer ce critère à des litiges
nés antérieurement au Code général de la propriété des personnes publiques de 2006
? La réponse du juge est négative, ce critère n’a pas d’effet rétroactif.

Conseils bibliographiques

conclusions de M. Olleon sur l’arrêt du 28 décembre 2009, BJCP 2010, n°69,


p.125
note sur l’arrêt du 28 décembre 2009, Olivier Févrot, Définition du domaine public
et dualisme juridictionnel, AJDA 2010, p.841

III. Les cas particuliers de qualification des dépendances du


domaine public ou privé : la conception globale du
domaine public

Il y a certains cas où le juge va faire l’économie des critères du domaine public


et raisonner globalement pour apprécier si un bien appartient ou pas au domaine
public : c’est ce qu’on appelle les accessoires du domaine public.

1.A) Le cas des accessoires d’une dépendance principale


du domaine public

Dans certains cas, le juge va considérer qu’un bien appartient au


domaine public, non pas parce qu’il en remplit les critères, mais parce
que ce bien est un accessoire d’une dépendance du domaine public.

Le juge a toujours distingué deux catégories d’accessoires :

certains biens sont des accessoires parce qu’ils sont indissociables


physiquement du domaine public ; c’est l’accessoire physique ;
d’autres sont des accessoires parce qu’ils sont indispensables au bon
fonctionnement du domaine public ; c’est l’accessoire utile.

Certains sont parfois indissociables et indispensables :

c’est le cas par exemple d’un mur de soutènement d’une voie


publique, selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 novembre 1960
Commune du Bugue ;
c’est le cas également des colonnes d’affichage publicitaire installées
sur la voie publique, selon l’arrêt du Conseil d’Etat du 20 avril 1956
Ville de Nice ;
c’est le cas aussi du rez-de-chaussée non-affecté d’un immeuble
appartenant lui-même au domaine public, selon l’arrêt du Conseil
d’Etat du 25 janvier 1985 Ville de Grasse.

Cette théorie de l’accessoire a été consacrée par le Code


général de la propriété des personnes publiques à l’article L.2111-2 qui
vise comme faisant partie du domaine public les accessoires
indissociables du domaine public.

Propriété privée

qualification directe par la loi

affecté à

l’usage de

tous

Domaine public

Biens => JJ
application des critères du domaine public

(JP
et légaux) et CGPPP
affecté à un

service public +

aménagement

accessoire indissociable indispensable

Propriété publique => Juge administratif

Domaine privé

La théorie de l’accessoire est d’origine prétorienne et signifie


que certains biens font partie du domaine public parce qu’on les
considère comme étant des accessoires du domaine public, même si, de
façon autonome, ils ne répondent pas aux critères du domaine public.

Exemples d’application récente :

à propos des radars automatiques installés sur les routes qui sont,
d’après le juge, des équipement intégrés aux infrastructures
routières et donc des accessoires du domaine public, selon l’arrêt du
Conseil d’Etat du 31 octobre 2007 Ministre de l’Intérieur ;
à propos d’un talus nécessaire au soutien d’un bien public, qui est
donc un accessoire du domaine public, selon l’arrêt du Conseil
d’Etat du 5 mai 2010 Palud.

La théorie de l’accessoire conduit à une conception globale du


domaine public car elle tend à inclure dans le domaine public des biens
qui, individuellement, ne répondent pas aux critères du domaine public.
Par conséquent, c’est une théorie qui tend à étendre le domaine
public, or, la tendance jurisprudentielle et législative actuelle est
davantage à une restriction du domaine public.

Il faut souligner qu’un type de biens pose problème : il s’agit des


immeubles, tels que les locaux des immeubles affectés à un service
public et les réserves naturelles, qui méritent de s’y attarder.

Dans l’arrêt Ville de Grasse du 25 janvier 1985, le rez-de-chaussée


d’un immeuble avait été considéré comme faisant partie du domaine
public car il faisait partie d’un immeuble qui en faisait lui-même
partie. Mais aujourd’hui, cette solution n’est plus retenue car la
personne publique exploitant les immeubles se voit limitée : elle ne
peut aliéner ces biens qui font partie du domaine public par le biais
de la théorie de l’accessoire.
On soumet de façon excessive certains étages de ces immeubles à
une protection démesuréeau regard de leur non-affectation. Il
faudrait appliquer une division des volumes. La première fois que le
Conseil d’Etat a accepté de ne pas appliquer la théorie de
l’accessoire à des immeubles en volumes, ce fut dans l’arrêt du 24
janvier 1990 Boulier où il avait considéré qu’un étage d’un immeuble
affecté au service public de l’éducation, faisant donc lui-même partie
du domaine public, occupé par des appartements de fonction, ne
faisait pas partie du domaine public. C’était un arrêt isolé que le
Conseil d’Etat a confirmé récemment. Dans l’arrêt du 11 décembre
2008 Perraud, concernant des locaux du Crédit municipal de Paris,
affectés à un service public, mais plus précisément à propos
d’appartements loués à des particuliers au sein même de ces
locaux, le juge a refusé d’appliquer la théorie de l’accessoire et a dit
que ces appartements ne faisaient pas partie du domaine public car
ils ne répondaient pas individuellement aux critères du domaine
public et n’en constituaient pas non plus un accessoire.
Dans le même sens, l’arrêt de section du 28 décembre 2009
Brasserie du théâtre : le théâtre fait bien partie du domaine public en
raison de son affectation au service public culturel, mais le juge n’a
pas appliqué la théorie de l’accessoire aux locaux de la brasserie car
elle bénéficiait d’une entrée dissociée de celle du théâtre, car le
contrat la liant à la commune ne lui imposait aucune sujétion, et car
elle ne participait pas au service public. Cet arrêt, rendu en section
et postérieurement au Code général de la propriété des personnes
publiques, et le raisonnement très détaillé du juge, marque une
volonté du Conseil d’Etat de manifester le fait qu’il entend désormais
s’inscrire dans la tendance tracée par le code de réduction du
domaine public.
Dans les réserves naturelles, faut-il considérer que toutes les
parcelles appartiennent au domaine public ou doit-on différencier
certaines parcelles ? Les parcelles occupées par le manadier ne font
pas partie du domaine public selon un arrêt du Conseil d’Etat du 8
juin 2005 Syndicat pour la protection de la Camargue.

La théorie de l’accessoire est toujours utilisée pour les meubles,


mais le juge est plus réservé pour les immeubles.

Conseils bibliographiques

note sur l’arrêt du 11 décembre 2008, Olivier Févrot, Logements


d’habitation, consistance du domaine public et application restrictive
de la théorie de l’accessoire, AJDA 2009, p.828

1. B) La domanialité publique par anticipation ou


virtuelle

La jurisprudence a accepté pendant un temps cette idée de


domanialité publique virtuelle, qui consiste à considérer qu’un bien qui
fera l’objet d’une affectation future puisse être incorporé par anticipation
au domaine public. Ce fut le cas dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 6 mai
1985 Eurolat c./ Crédit foncier de France, ainsi que dans l’avis du
Conseil d’Etat du 31 janvier 1995. Lorsque le juge était saisi de cette
question, le critère déterminant qu’il retenait pour accepter l’application
de cette théorie était celui du caractère certain des aménagements
futurs : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 29 novembre 2004 ASF.

Aujourd’hui, cette théorie n’a plus lieu d’être car le Code général
de la propriété des personnes publiques a entendu y mettre un terme : le
code ne vise nullement les biens qui recevront dans le futur une
affectation au service public, mais les seuls biens qui ont une affectation
réelle et actuelle.

Les rédacteurs du code ont voulu mettre un terme à la domanialité


publique virtuelle de façon certaine, afin de cantonner, de restreindre le
domaine public.

Troisième section : la mise en oeuvre des critères : la


consistance du domaine public
1. La consistance du domaine public composé des
biens affectés à l’usage direct du public

Conseils bibliographiques

Yolka, Le domaine public naturel, AJDA 2009, p.2325

1. A) Le domaine public maritime

Il est actuellement défini à l’article L.2111-4 du Code général de


la propriété des personnes publiques, mais cette définition reprend à
l’identique celle qui avait été donnée par la jurisprudence antérieurement
au code.

Sont inclus le sol et le sous-sol compris entre la limite de la mer


territoriale, étendue de mer décomptée à partir du rivage (douze miles
marins) et les rivages de la mer, qui sont constitués par «tout ce que la
mer couvre et découvre, jusqu’où les plus hautes mers peuvent
s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques
exceptionnelles».

Le problème, c’est que les terrains qui sont peu à peu envahis par la mer
tombent dans le domaine public de façon naturelle et objective : la
personne propriétaire des parcelles en bord de mer est donc expropriée
de fait.

Ce domaine maritime fait l’objet d’une protection très forte.

Sont inclus également dans le domaine public maritime le sol et


sous-sol des étangs salés, les lais et relais de la mer (dépôts laissés
par la mer de façon naturelle et définitivement hors d’eau, comme les
lagunes), les concessions d’endigage.

1. B) Le domaine public aérien et hertzien


Le domaine public aérien, c’est l’ensemble des voies
empruntées par les aéronefs, et le domaine public hertzien vise les
fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République.

1. C) Le domaine public fluvial

Il est constitué par les cours d’eau et les lacs qui appartiennent à
l’Etat et aux collectivités territoriales.

Il y a eu toute une jurisprudence antérieure au Code général de la


propriété des personnes publiques où l’on distinguait en fonction de la
flottabilité des fleuves (possibilité pour les bateaux de les parcourir),
mais le législateur n’a pas tenu compte de ce critère.

1. D) Le domaine public terrestre

Il est composé principalement de trois éléments :

le principal et premier est la voirie publique, de laquelle font partie


toutes les voies publiques ouvertes à la circulation, à savoir les
autoroutes et routes nationales, départementales et communales,
mais aussi les accessoires de la voirie, à savoir appareils de
signalisation, colonnes de publicité, réverbères et ponts.
En revanche, ne font pas partie de la voirie routière les chemins
ruraux, qui font partie du domaine privé des communes, et les voies
privées ouvertes au public.
Le second correspond aux halles et marchés.
Le troisième correspond aux cimetières.

1. E) Les édifices du culte

Conseils bibliographiques

Lavialle, Les édifices affectés aux cultes, RFDA 2006, p.949

Avant 1905, la question ne se posait pas car avant la loi de


séparation de l’Église et de l’Etat, il y avait en France un service public
du culte, et l’on considérait que toutes les églises étaient bien du
domaine public car elles étaient affectées au service public du culte.

Après la loi, le service public du culte a été supprimé, et s’est


posée la question de savoir si les églises faisaient toujours partie du
domaine public, si elles avaient basculé dans le domaine privé de l’Etat
ou si elles n’en faisaient plus du tout partie.

Lorsque l’édifice en question a été construit postérieurement à 1905,


on considère qu’il est la propriété privée de l’Église.
Pour les édifices construits antérieurement à 1905, la logique aurait
voulu qu’ils basculent dans le domaine privé, mais ce n’est pas la
solution qui a été retenue et l’on considère toujours qu’ils font partie
du domaine public parce que le Conseil d’Etat considère que leur
affectation est prévue et protégée par la loi dans son arrêt du 19
novembre 1949 Carlier (les cathédrales font partie du domaine
public de l’Etat, et les églises du domaine public communal).
Dans l’arrêt du 19 octobre 1990 Association Saint Pie V, il s’agissait
d’une église construite antérieurement à 1905, mais la commune
avait cédé l’église à une association cultuelle ; le Conseil d’Etat a
retenu que l’église n’étant pas la propriété d’une personne publique,
elle ne pouvait faire partie du domaine public.

1. La consistance du domaine public composé des


biens affectés à un service public
2. A) Les dépendances artificielles du domaine public naturel

Il s’agit des ports maritimes et fluviaux, les aéroports et


l’ensemble des installations de navigation aérienne.

1. B) Le domaine public milliaire

Il comprend toutes les dépendances affectées au service public


de la défense nationale, à l’exception des casernes qui font partie du
domaine privé.

1. C) Le domaine public ferroviaire

Il comprend les voies ferrées et les gares.

1. D) Le domaine public mobilier

Conseils bibliographiques

Yolka, Les meubles de l’Administration, AJDA 2007, p.964

Pendant longtemps, l’existence d’un domaine public mobilier a


été refusée. La doctrine a toujours considéré que les meubles ne
pouvaient en faire partie car ils n’étaient pas affectés à un service public.

L’arrêt de principe qui a introduit une brèche dans ce


raisonnement est un arrêt de la Cour de cassation du 2 avril 1963 : c’est
la première fois qu’un juge a considéré qu’un bien meuble faisait partie
du domaine public.

Il ne s’agissait pas de n’importe quel meuble, mais d’un tableau acquis


par la Réunion des musées de France, établissement public chargé de
la gestion du patrimoine culturel de tous les musées français.

Le juge a retenu cette solution à propos de ce bien car «sa conservation


participe et est l’objet même du service public assumé par les musées
français».

Aujourd’hui, le Code général de la propriété des personnes


publiques a consacré l’existence du domaine public mobilier, le débat est
donc clos ; il est visé à l’article L.2112-1 du code, qui le définit comme
les biens présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de
l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique (comme les
documents d’archives, les collections des musées …).
Leçon n°3 : les actes d’incorporation et de sortie du
domaine public

Conseils bibliographiques

Rapp, Entrée et sortie des biens (la propriété «choisie»), RFDA 2006,
p.916

Première section : l’intégration au domaine public

Il faut distinguer trois activités qui touchent à cette question.

Il y a tout d’abord l’acquisition du bien, qui est l’acte juridique par


lequel la personne publique devient propriétaire d’un bien.
S’agissant du domaine public naturel, celle-ci résulte d’un fait naturel
; s’agissant du domaine public artificiel, celle-ci pourra se faire par
achat, cession ou expropriation.
Vient ensuite l’incorporation du bien au domaine public, qui est
l’acte juridique prenant acte de l’appartenance du bien au domaine
public. Généralement, il s’agira d’un acte de classement.
Enfin, l’affectation proprement dite, qui est la réalisation matérielle
de la condition nécessaire de l’appartenance du bien au domaine
public.

Dans certains cas, les trois hypothèses se confondent : c’est


notamment le cas pour le domaine public naturel.
1 seule condition :
l’affectation matérielle

Entrée dans le

domaine public inutile

Acte de classement

Biens appartenant si
adopté : superflu

au domaine public

ou privé
désaffectation matérielle

Sortie du 2 conditions

domaine public cumulatives

acte
de déclassement

1. La portée des décisions de classement

La domanialité publique est une donnée objective ; par


conséquent, l’affectation à l’utilité publique d’un bien suffit à le faire
rentrer dans le domaine public, et celle-ci s’impose à l’administration. La
volonté de l’administration et les actes qu’elle prend sont sans incidence
sur ce point.
1. A) La suffisance de l’affectation réelle du bien et
l’inutilité de l’acte de classement

Le principe est que l’affectation réelle du bien à l’utilité publique


suffit à l’incorporer au domaine public, même si aucune acte de
classement formel n’est intervenu. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 25
mai 2005 Société des cinémas Huez : il s’agissait d’un immeuble affecté
à un service public, avec aménagement spécial, et le juge va dire que
même si aucun acte de classement n’était intervenu, l’immeuble faisait
bien partie du domaine public.

Il n’y a qu’une exception à ce cas : si la loi le prévoit autrement,


puisqu’il peut arriver que la loi exige un acte de classement en plus de
l’affectation réelle du bien.

Si la personne publique prend quand même un acte de


classement, celui-ci est totalement superflu puisqu’il ne fait que prendre
acte de l’affectation. Réciproquement, son refus de prendre un acte de
classement est totalement légal puisqu’elle n’y est pas obligée.

Le Code général de la propriété des personnes publiques a consacré


cette suffisance de l’affectation matérielle à l’article L.2111-3 qui dispose
que «s’il n’en est pas disposé autrement par la loi, tout acte de
classement ou d’incorporation au domaine public n’a d’autre effet que de
constater l’appartenance de ce bien au domaine public».

1. B) L’indifférence de l’acte de classement en


l’absence d’affectation
Imaginons un bien qui ne fait pas l’objet d’affectation, qui ne fait
pas partie du domaine public, et malgré cela, la personne publique prend
un acte de classement en vue de le placer dans le domaine public. Cet
acte de classement n’a aucune valeur juridique, et n’a pas pour effet
de faire rentrer le bien dans le domaine public.

L’arrêt de section du Conseil d’Etat du 20 juin 1958 Dame Prache est


l’arrêt de principe en la matière, mais il y aussi l’arrêt du 29 novembre
2004 Société ASF. La domanialité publique ne se décrète pas.

Conseils bibliographiques

Note sur l’arrêt Société ASF, Revue de Droit administratif, janvier


2005
Ubaud Bergeron, L’appartenance d’un bien au domaine public ne se
présume pas, AJDA 2005, p.1182

1. La compétence d’affectation

1. A) La compétence du propriétaire pour décider de


l’affectation

Le principe est que seule la personne publique propriétaire du


bien peut décider de l’affectation de celui-ci : c’est l’arrêt du Conseil
d’Etat du 30 octobre 1987 Commune de Levallois-Perret.
Il peut arriver par exception que la loi désaisisse le propriétaire
de cette compétence. C’est le cas par exemple des églises, qui
continuent à appartenir aux personnes publiques.

Par ailleurs, il se peut également, toujours en vertu de la loi, qu’il n’y ait
pas coïncidence entre propriétaire et affectataire.

Ex : s’agissant du réseau des voies ferrées en France,


l’établissement public RFF est propriétaire du réseau ferroviaire mais la
SNCF est responsable du service et donc de l’affectation.

S’agissant des biens de l’Etat, l’affectation est décidée soit par


décret soit par arrêté ministériel ; s’agissant des collectivités territoriales,
l’affectation est décidée par une délibération de l’assemblée délibérante.

Il ne faut pas confondre cet acte d’affectation avec l’acte de classement


dans le domaine public, mais il se peut parfois que le même acte fasse
les deux.

1. B) Les changements d’affectation

1. Le principe de continuité de la domanialité publique en cas de


changement d’affectation

Imaginons un bien faisant partie du domaine public car affecté à


l’usage du public, mais dont la personne publique propriétaire voudrait
en changer l’affectation. Il n’est pas question ici de désaffectation à
l’utilité publique, mais de simple changement d’affectation.

Ex : un hôtel de ville qui remplace une école dans un immeuble.

Cette désaffectation fait-elle tomber la domanialité publique


durant la période de transition ? Dans cette hypothèse, il n’y a pas
rupture de la domanialité publique, même si le bien est privé
temporairement de son affectation. Problème : il n’y a pas de
domanialité publique virtuelle car dans ce cas, la situation initiale du bien
est celle selon laquelle le bien n’a jamais été affecté. C’est l’arrêt du
Conseil d’Etat du 1er février 1995 Préfet de la Meuse.

2. Les changements d’affectation amiable

Le changement d’affectation amiable peut résulter d’un transfert


de gestion : ainsi, l’Etat peut décider du changement d’affectation d’une
dépendance de son domaine public assortie d’un transfert de gestion à
une autre collectivité.

Cette possibilité est consacrée par l’article L.2123-3 du Code général de


la propriété des personnes publiques qui dispose que «les personnes
publiques propriétaires peuvent opérer entre elles un transfert de gestion
des immeubles dépendants de leur domaine public pour permettre à la
personne publique bénéficiaire de gérer ces immeubles en fonction de
leur affectation».

Le changement d’affectation amiable peut résulter d’un transfert


de propriété : en principe, l’inaliénabilité interdit le transfert des biens du
domaine public entre personnes publiques.

Le Code général de la propriété des personnes publiques a apporté un


assouplissement à cette règle et désormais, l’article L.3112 admet la
possibilité de transfert de propriété entre personnes publiques, avec ou
sans changement d’affectation.

Il se peut également que la loi organise un transfert de propriété entre


personnes publiques, comme par exemple la loi du 8 décembre 2009
qui organise un transfert de biens entre le Syndicat des transports d’Ile-
de-France et la RATP.

Conseils bibliographiques

Note sur l’arrêt du Conseil constitutionnel du 3 décembre 2009, RFDA


2010, p.62

3. Les changements d’affectation forcée : le cas des mutations


domaniales

La loi peut autoriser l’Etat à procéder unilatéralement à un


transfert de propriété entre différentes personnes publiques.

La théorie des mutations domaniales prévoit que l’Etat peut


décider, indépendamment d’une loi, d’un changement d’affectation d’une
dépendance du domaine public d’une autre collectivité sans transfert de
propriété.

Cette théorie a été consacrée par l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 juillet


1909 Ville de Paris. Elle a été extrêmement critiquée par la doctrine car
en consacrant ce pouvoir de mutation domaniale de l’Etat, le Conseil
d’Etat remet purement et simplement en question le droit de propriété de
la collectivité.

Cette théorie n’est pas obsolète puisque le Conseil d’Etat l’a


réaffirmé récemment dans l’arrêt du 23 juin 2004 Commune de Proville.

Contre toute attente, le Code général de la propriété des personnes


publiques a consacré cette théorie à l’article L.2123-4 qui dispose que
«lorsqu’un motif d’intérêt général justifie de modifier l’affectation des
dépendances du domaine public appartenant à une collectivité
territoriale, un groupement de collectivités ou un établissement public,
l’Etat peut, pour la durée correspondant à la nouvelle affectation,
procéder à cette modification en l’absence d’accord de cette personne
publique».

Cette disposition peut choquer car elle porte atteinte au droit de


propriété des personnes publiques, et plus précisément des collectivités
territoriales ; mais inversement, s’il y a réellement un motif d’intérêt
général national, il semble normal que l’Etat puisse intervenir et
dépasser ce refus de la collectivité. Xavier Bioy parle de la «propriété
éminente de l’Etat».

Conseils bibliographiques

conclusions sur arrêt du 23 juin 2004, RJEP 2005, p.75

Deuxième section : la sortie des biens du domaine


public
1. La nécessité d’un acte de déclassement constatant
la désaffectation

Le bien doit être réellement désaffecté et doit, de surcroit, faire


l’objet d’un acte de déclassement. On peut citer l’arrêt de section du
Conseil d’Etat du 17 mars 1957 Sieur Ranchon, il s’agissait de locaux
qui avaient cessé d’être affectés au service public mais qui, «en
l’absence d’une mesure expresse de déclassement, continuaient à
constituer une dépendance du domaine public communal».

Cette solution a été consacrée par un avis du Conseil d’Etat du 31


janvier 1995 ; le Conseil constitutionnel lui-même adopte un
raisonnement identique dans la décision du 18 septembre 1986 Liberté
de communication ; le Code général de la propriété des personnes
publiques a lui aussi consacré cette solution à l’article L.2141-1.

Il y a aussi l’arrêt du 18 mars 1963 Cellier, il s’agissait d’une gare


qui avait été désaffectée mais qui n’avait jamais fait l’objet d’un acte de
déclassement, et qui donc faisait toujours partie du domaine public.

1. Le rapport entre l’acte de déclassement et


l’absence de désaffectation

1. A) L’inutilité de l’acte de déclassement en l’absence de


désaffectation

S’il n’y a pas de désaffectation matérielle, l’acte de déclassement


est sans valeur. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 22 avril 1977 Michaud
qui concernait les halles municipales de la ville de Lyon : une
délibération du Conseil municipal classait ces halles dans le domaine
privé. Ces halles sont affectées au service public et font l’objet d’un
aménagement spécial ; par conséquent, elles font partie du domaine
public «nonobstant la délibération du Conseil municipal».

Il y a l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles du 23 mars


2006 Commune de Chesnay, qui constate l’illégalité du déclassement
d’un immeuble affecté à la Police municipale dans la mesure où
l’affectation n’avait pas cessé.

Conseils bibliographiques

note sur l’arrêt Commune de Chesnay, AJDA 2006, p.1404

1. B) La question du déclassement anticipé

Il s’agit ici de l’hypothèse qui est l’exacte opposée de la


domanialité publique virtuelle : se pose la question de savoir si l’on peut
anticiper cette désaffectation future en déclassant le bien par
anticipation, à propos d’un bien du domaine public qui sera
ultérieurement désaffecté.

Jusqu’au Code général de la propriété des personnes publiques, cela


n’était pas possible : l’article L.2141-2 a consacré cette possibilité
seulement pour les immeubles de l’Etat et l’anticipation ne peut pas être
d’un délai supérieur à trois ans.

En cas de vente de l’immeuble, l’acte de vente stipule que celle-ci sera


résolue de plein droit si la désaffectation n’est pas intervenue dans ce
délai.
Leçon n°4 : la protection du domaine public

Première section : la protection de la consistance du


domaine public

1. L’inaliénabilité du domaine public

1. A) Définition et valeur juridique du principe

Ce principe d’inaliénabilité est un principe hérité de l’Ancien


régime et qui est inscrit aujourd’hui à l’article L.1311-1 du Code général
de la propriété des personnes publiques. L’inaliénabilité signifie qu’un
bien est indisponible et qu’il ne peut donc faire l’objet d’aucun transfert
de propriété.

C’est un principe propre au domaine public et qui, par définition, ne


s’applique pas au domaine privé.

Quel est le but du principe d’inaliénabilité ? Ce n’est pas,


contrairement à ce que l’on pourrait penser, d’éviter la dilapidation des
biens publics parce que si c’était le cas, il s’appliquerait aussi au
domaine privé, mais l’affectation du domaine.

Quelle est la valeur juridique du principe d’inaliénabilité ? On a vu


que la propriété publique était constitutionnellement protégée, mais elle
ne préjuge en rien la valeur juridique de l’inaliénabilité. De fait, la valeur
juridique de ce principe est très incertaine. Elle fait l’objet d’un débat
doctrinal depuis une quinzaine d’années :

certains auteurs pensent que ce principe n’a pas valeur


constitutionnelle, et s’appuient sur deux éléments concomitants :

■ sur le fait qu’aucune disposition de la Constitution ni aucune


décision du Conseil constitutionnel ne l’indique,

■ sur le fait qu’il y a des décisions du Conseil constitutionnel où


celui-ci va répondre à un argument d’un requérant soulevant ce principe
en retenant la formule «principe qui, selon eux, a valeur
constitutionnelle» (le “selon eux” souligne cette absence de valeur
constitutionnelle) ;

d’autres auteurs considèrent que ce principe a bien indirectement


valeur constitutionnelle ; le domaine public est toujours et
nécessairement le siège de l’exercice de libertés publiques ou de
services publics, or, l’affectation au service public ou à une liberté
publique est constitutionnellement protégée ; par conséquent,
l’inaliénabilité du domaine public est elle aussi indirectement
constitutionnellement protégée.
La jurisprudence en fait état à travers la formule de principe retenue
par le Conseil constitutionnel dans plusieurs décisions, notamment
celles des 21 juillet 1994 et 26 juin 2003, qui a plusieurs fois affirmé
que «le législateur ne doit pas priver de garantie légale les
exigences constitutionnelles qui résultent de l’existence et de la
continuité des services publics auxquels le domaine public est
affecté, ainsi que des droits et libertés à l’usage desquelles il est
affecté».

La valeur du principe n’est donc pas tranchée en droit positif.


B) La portée du principe d’inaliénabilité
1.

1.L’interdiction des aliénations affectant les biens du domaine


public

Cette interdiction va se traduire de façon pérenne en


jurisprudence. Elle a deux conséquences :

un bien du domaine public ne peut pas faire l’objet d’une vente ; par
exemple, la délibération d’un Conseil municipal qui autoriserait la
vente d’un bien du domaine public serait annulée pour illégalité par
le juge administratif de l’excès de pouvoir. Tout contrat de vente d’un
bien du domaine public est réputé nul et de nul effet.
L’arrêt de principe est un arrêt de la première chambre civile de la
Cour de cassation du 3 mai 1988 Consorts Renault c./ EDF confirmé
par une décision du Conseil d’Etat du 1er mars 1989 Bero qui
énoncent la consécration de la nullité du contrat de vente d’un bien
du domaine public.
Ceci dit, si un tel contrat de vente avait été conclu entre une personne
publique ignorant que le bien était affecté à son domaine public et
des personnes privées, cela n’empêcherait pas d’engager la
responsabilité de la personne publique ;
ce principe s’oppose à la conclusion de baux à construction ou de
baux commerciaux sur le domaine public, alors que ces mêmes
baux sont parfaitement légaux sur le domaine privé ; un bail de ce
type porterait atteinte à l’inaliénabilité du domaine public.

2.La précarité de l’occupant du domaine public


Elle est aujourd’hui inscrite au Code général de la propriété des
personnes publiques, notamment aux articles L.2122-2 et L.2122-3, qui
précisent respectivement que l’occupation du domaine public est
temporaire, et que l’autorisation d’occupation est précaire et révocable.

Le juge considère qu’une autorisation d’occuper le domaine public n’est


pas créatrice de droits à l’égard de son bénéficiaire : c’est l’arrêt du
Conseil d’Etat du 24 novembre 1993 SA Atlantique ; il faut en tirer deux
conséquences :

d’une part, l’administration a le droit de décider du retrait de


l’autorisation à tout moment selon l’arrêt d’assemblée du 26 février
1965 Société du Vélodrome du Parc des Princes ;
d’autre part, le titulaire de l’autorisation n’a aucun droit au
renouvellement de son titre lorsque celui-ci arrive à expiration ; c’est
l’arrêt Cellier.

3.L’interdiction de constituer des droits réels sur le domaine


public

Un droit réel est un droit qu’une personne détient sur un bien ; le


principal droit réel est évidemment le droit de propriété.

L’inaliénabilité constitue en principe un obstacle au droit réel,


c’est-à-dire que l’occupant privatif du domaine public ne peut pas se voir
reconnaître de droits réels sur la dépendance du domaine public.

L’arrêt qui a consacré de façon la plus explicite cette interdiction est


l’arrêt du Conseil d’Etat du 6 mai 1985 Association Eurolat c./ Crédit
Foncier de France : le juge administratif va considérer qu’une convention
octroyant des droits réels à une personne privée occupant le domaine
public est incompatible avec les principes de la domanialité publique.

Pour cette raison, il a toujours été admis que le bail emphytéotique était
strictement interdit sur le domaine public pour une raison bien simple :
par nature, il est attributif de droits réels. En réalité, il faut être plus
nuancé :

le titulaire d’une autorisation d’occuper le domaine public n’a pas de


droits réels sur la dépendance du domaine public, mais évidemment,
cela n’exclut pas les droits réels qu’il peut avoir sur les édifications
qu’il aura construit pour ses propres besoins ;
par ailleurs, il y a une erreur à postuler incompatibilité du droit réel et
du domaine public parce qu’encore une fois, ce que protège
l’inaliénabilité, c’est l’affectation et non le droit de propriété. Par
conséquent, il ne devrait pas y avoir d’obstacle à admettre des droits
réels sur le domaine public si ces derniers ne portent pas atteinte à
l’affectation du domaine.

Pour cette raison, le législateur, depuis une vingtaine d’années,


autorise la constitution de droits réels sous certaines conditions.

1. L’imprescriptibilité du domaine public

L’imprescriptibilité du domaine public signifie que celui-ci ne


peut pas être acquis par prescription, c’est-à-dire par possession
prolongée. Là encore, ce principe ne concerne que le seul domaine
public, et non pas le domaine privé.
C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 22 juillet 1994 Carreau et la
récente décision de la CEDH du 29 mars 2010 Brosset Triboulet : dans
cette dernière, il s’agissait de personnes ayant occupé le domaine public
pendant une très longue durée (près de cinquante ans), d’abord sans
titre, mais il était établi que cette occupation était tolérée par
l’administration, puis elle avait régularisé cette situation par une
autorisation d’occupation.

De nombreuses années plus tard, l’administration a voulu expulser ces


personnes du domaine public ; elles ont invoqué devant la CEDH une
atteinte à leur droit de propriété. La Cour a retenu qu’il n’y avait pas
atteinte au droit de propriété puisque ces personnes ne faisaient
qu’occuper le domaine public sans avoir jamais disposé de titre de
propriété : elle admet donc que le domaine public est imprescriptible.

Le particulier ne peut pas exercer d’action possessoire sur le


domaine public, celle-ci étant une action tendant à faire respecter le droit
de propriété sur un bien de quelqu’un : c’est l’arrêt du Tribunal des
conflits du 24 février 1992 Couach.

III. L’obligation d’entretien du domaine public

Théoriquement, le propriétaire lambda d’un bien privé n’a pas


d’obligation d’entretenir l’un de ses biens tant qu’il ne cause pas de
préjudice aux tiers : ce n’est pas le cas pour les personnes publiques,
qui ont elles l’obligation d’entretien et de conservation du domaine
public.

S’il y a négligence dans l’entretien du domaine public, et que cette


négligence cause un dommage à autrui, la responsabilité de
l’administration pourra être recherchée, c’est ce qu’on appelle la
responsabilité pour dommages de travaux publics. L’Etat peut obliger
l’administration décentralisée à l’entretien nécessaire, et notamment
grâce à l’inscription d’office de la dépense sur le budget de la collectivité.
Dans ce cas, comme il s’agira d’une dépense obligatoire, la collectivité
ne pourra pas se retrancher derrière l’insolvabilité pour éviter cette
dépense.

Deuxième section : la protection de l’intégrité du


domaine public

La personne publique doit protéger le domaine public contre les


dégradations que pourrait lui faire subir un usager ou un tiers,
volontairement ou non. Par ailleurs, elle doit également le protéger
contre l’occupation illégale.

1. La protection contre les dégradations : les


contraventions de grande voirie (CGV)

1. A) La notion

La contravention de grande voirie est une sanction qui vise à


réprimer les atteintes à l’intégrité du domaine public. Ce mode de
sanction est extrêmement ancien (traces dans l’Ancien régime), et
aujourd’hui, le régime est codifié à l’article L.2132 du Code général de la
propriété des personnes publiques.
Ces sanctions ont un caractère répressif et, pour cette raison,
elles ne peuvent être appliquées que si elles sont prévues par un texte
spécial qui pourra être une loi ou un décret en fonction du montant de
l’amende.

Le contentieux de ces sanctions relève exclusivement du juge


administratif.

1. Les contraventions de police et les contraventions


de grande voirie

PA générale -> but : protection de l’ordre public

(Premier Ministre, Préfet, Maire) si


méconnaissance : contravention de

Police = mesures de
PA police (CP)

administrative

appartient

à l’administration = police du domaine public

PA spéciales -> but : protection du domaine public si


méconnaissance : CGV
Le Conseil constitutionnel lui-même a rappelé que ces deux
types de sanctions ne pouvaient être assimilées dans sa décision du 23
septembre 1987 : «les contraventions de grande voirie qui tendent à
réprimer tout fait matériel pouvant compromettre la conservation d’une
dépendance du domaine public ne sont pas, compte-tenu de leur objet
et des règles de compétences qui leurs sont applicables, des
contraventions de police».

Ces deux types de sanctions peuvent être parfois difficiles à distinguer


pour deux raisons :

d’une part, elles peuvent être exercées par la même autorité ; ainsi,
le Préfet a à la fois un pouvoir de police administrative générale et
un pouvoir de police spéciale de protection du domaine public ;
d’autre part, un même fait peut être constitutif des deux
contraventions :

Ex : dégradation d’un ouvrage de la SNCF ; extraction illégale de


sable en haute-mer : dans ce domaine, le principe non bis in idem ne
s’applique pas, et il pourra y avoir cumul de sanctions (contraventions de
police et de grande voirie).

Le principe de personnalité des peines du droit pénal s’oppose à


ce que les héritiers d’un contrevenant puisse se voir étendre les
conséquences d’une contravention de police. Là aussi, ce principe ne
s’applique pas aux contraventions de grande voirie, ce qui signifie
qu’une personne qui dégraderait le domaine public, qui serait
condamnée par contravention de grande voirie et qui décèderait avant
d’avoir pu subir sa sanction verrait celle-ci peser sur la tête de ses
héritiers.
2. Les contraventions de voirie routière et les
contraventions de grande voirie

Les contraventions de grande voirie sont applicables sur


l’ensemble du domaine public à l’exclusion de la voirie routière. La voirie
routière relève du champ des contraventions de voirie, qui sont elles de
la compétence exclusive du juge judiciaire. Cela résulte du décret-loi du
28 décembre 1926 qui a unifié sous la seule compétence du juge
judiciaire toutes les infractions à la voirie routière, qu’il s’agisse
d’infractions à la circulation ou de dégradations de la voirie.

1. B) Le régime des poursuites

1. Le procès verbal et sa notification

Le procès verbal de contravention de grande voirie sera établi


soit par un officier de police judiciaire soit par un agent assermenté. Sur
la base de ce procès verbal, le Préfet va engager des poursuites au nom
de l’Etat ; le Préfet a une compétence générale en la matière, quel que
soit le propriétaire de la dépendance du domaine public concernée, sauf
s’agissant des établissements publics, il s’agira généralement non pas
du Préfet mais du directeur de l’établissement (Réseau ferré de France,
Voies navigables de France).

Dans les dix jours qui suivent le procès verbal, le Préfet doit le notifier à
la personne concernée avec citation à comparaître devant le tribunal
administratif compétent. Ce délai n’est pas souvent respecté, mais le
juge ne censure pas la méconnaissance de celui-ci.
Le tribunal administratif va être compétent pour apprécier le bien
fondé de la contravention de grande voirie, il va apprécier s’il y a eu
effectivement dégradation, et il va vérifier s’il existe un texte qui prévoit
la sanction d’une telle contravention de grande voirie.

Par ailleurs, en cas de litige sur la qualification de la dépendance


concernée, le tribunal pourra se prononcer sur cette qualification. Les
contraventions de grande voirie ne sont pas possibles pour le domaine
privé, il est donc très fréquent que les requérants invoquent la
qualification de la dépendance en dépendance du domaine privé.

Dans l’hypothèse où la contravention de grande voirie a été


adressée non pas en raison d’une dégradation mais d’une occupation
illégale du domaine, le tribunal sera compétent pour apprécier l’illégalité
de l’occupation du domaine (absence de titre, titre retiré ou non
renouvelé).

En revanche, le contrevenant ne peut en aucun cas invoquer une


atteinte à l’article 1er du premier protocole additionnel de la CESDH
(droit au respect de ses biens) puisqu’à partir du moment où l’on est
dans une situation d’occupation illégale du domaine public, quand bien
même celle-ci s’est effectuée sur un délai très prolongé, celle-ci ne fait
naître aucun droit à notre profit, plus exactement, elle ne fait naître
aucun droit réel sur la dépendance et par conséquent, l’inaliénabilité du
domaine justifie la contravention de grande voirie. C’est l’arrêt du
Conseil d’Etat du 6 mars 2002 Triboulet et la confirmation par l’affaire de
la CEDH du 29 mars 2010 Brosset Triboulet

Conseils bibliographiques

Canedo-Paris, Irréductible principe d’inaliénabilité du domaine


public…, note sur l’arrêt de la CEDH du 29 mars 2010, AJDA 2010,
p.1311
Hostiou, Propriété privée, domanialité publique et protection du littoral
: le droit administratif des biens à l’épreuve de la jurisprudence de la
CEDH, note sur l’arrêt de la CEDH du 29 mars 2010, RFDA 2006
p.543.

2. L’obligation d’engager les poursuites

En droit pénal, le Ministère public dispose d’un pouvoir


d’appréciation qui lui permet de juger de l’opportunité des poursuites. En
matière de contravention de grande voirie, le Préfet n’a pas un tel
pouvoir, ce qui signifie à contrario que le Préfet a une obligation de
poursuite, il est en situation de compétence liée.

Il y a quand même une réserve : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 23


février 1979 Association les Amis du Chemin de Ronde, la réserve étant
que le Préfet pourra ne pas être obligé de poursuivre s’il y a un motif
d’intérêt général ou une nécessité d’ordre public qui le justifie. Deux
exemples :

arrêt du Conseil d’Etat du 6 février 1981 Communauté de défense du


site du Fouesnant : il s’agissait d’une entreprise implantée sur le
domaine public qui a vu son autorisation d’occuper le domaine public
non renouvelée ; par conséquent, elle est dans une situation
d’occupation illégale ; elle devrait théoriquement faire l’objet d’une
contravention de grande voirie ; l’entreprise a demandé un délai pour
délocaliser ses installations, le Préfet a donc refusé d’engager les
poursuites, ce qui était justifié par un motif d’intérêt général ;
arrêt du Conseil d’Etat 30 septembre 2005 Cacheux : lors du
naufrage de l’Erika, il y aurait dû avoir contravention de grande voirie
car il y avait atteinte à l’intégrité du domaine public, et l’absence de
pouvoir d’appréciation du Préfet aurait dû le forcer à adresser une
contravention de grande voirie à la société Total.
Le juge administratif s’est fondé sur le fait que la société s’était
engagée à remettre le domaine public en état et à indemniser
l’ensemble des victimes ; le Préfet a considéré qu’il n’était pas
nécessaire de poursuivre afin de gagner du temps : en effet,
l’établissement d’une contravention de grande voirie implique une
procédure longue, et la société s’étant engagé à indemniser, il a
préféré ne pas poursuivre afin de faire gagner du temps aux
victimes.
Il y a cela dit une faille au raisonnement : effectivement, c’est bel et
bien un motif d’intérêt général, mais à aucun moment le Conseil
d’Etat n’a vérifié que l’indemnisation proposée serait équivalente à
celle qu’auraient obtenue les victimes au moyen de la contravention
de grande voirie.

Dans l’hypothèse où le Préfet est bien dans une situation


d’engager les poursuites et ne le fait pas, quels vont être les recours
ouverts aux administrés ? Il existe trois recours possibles :

le refus du Préfet d’engager les poursuites pourra être annulé par le


juge de l’excès de pouvoir dans un délai de deux mois ;
si ce refus est constitutif d’une faute lourde, il sera annulé mais de
surcroit, il pourra engager la responsabilité pour faute de
l’administration ; c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 15 juin 1987
Société Navale des chargeurs Delmas Vieljieux ;
si le refus du Préfet trouve son fondement dans un but d’ordre public
(s’il a pour but d’éviter un trouble à l’ordre public), la responsabilité
de l’Etat sera engagée en l’absence de toute faute car il s’agit ici
d’une pure application de la jurisprudence Couitéas du 30
novembre 1923 (le Conseil d’Etat avait considéré que le refus du
Préfet de prêter le concours des forces de police pour aider un
particulier nanti d’une décision de justice était légal au vu de l’intérêt
public, mais dans la mesure où celui-ci causait un préjudice au
particulier, la responsabilité de l’Etat était engagée sans faute).
3. L’imputabilité

L’imputabilité, en matière de contravention de grande voirie, a un


caractère objectif, c’est-à-dire que l’élément intentionnel n’est jamais
pris en compte par le juge, qui va se borner à rechercher la personne
objectivement responsable.

Concrètement, si un ouvrier d’une entreprise commet une dégradation


du domaine public en manoeuvrant un engin, c’est la responsabilité de
l’entreprise propriétaire de l’engin qui va être recherchée. C’est l’arrêt du
Conseil d’Etat du 22 mars 1961 Ville de Charleville.

Cette idée est très compréhensible : ce qu’on vise à protéger


dans la contravention de grande voirie, c’est le domaine public. Mais il y
avait quand même une hypothèse dans laquelle cela posait des
difficultés considérables : celle où le dommage était causé par le
véhicule d’une personne privée alors que ce dernier venait d’être volé.
La contravention de grande voirie était adressée au propriétaire du
véhicule, et jusqu’en 2000, quand bien même l’on pouvait prouver ce vol,
la contravention de grande voirie était imputée au propriétaire.

Il y a eu un revirement normal avec l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 juillet


2000 Chevalier : lorsque le véhicule qui cause le dommage a été volé,
l’administration ne peut pas imputer la contravention de grande voirie au
propriétaire du véhicule.

Dans la mesure où cette imputabilité a un caractère purement


objectif, les causes exonératoires de responsabilité sont extrêmement
rares, et notamment, le fait du tiers ne sera pas une cause exonératoire.
Concrètement, il y a deux hypothèses exonératoires de responsabilité :

le cas de force majeure, qui n’est admis qu’avec parcimonie (élément


extérieur, imprévisible et irrésistible) ;

■ elle a été admise dans le cas d’une tempête violente


provoquant la chute d’un toit de hangar sur les caténaires de la SNCF
dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 1er février
2005 Guerin,

■ mais ne l’avait pas été pour une panne immobilisant un convoi


routier sur un passage à niveaux de la SNCF (la panne n’était pas
extérieure) dans l’arrêt du Conseil d’Etat du 5 août 1955 Carthelax ;

le fait de l’administration assimilable à un cas de force majeure :

■ contravention de grande voirie pour dégradation commise en


raison d’indications erronées sur un panneau de signalisation ; arrêt du
Conseil d’Etat du 9 octobre 1981 Nerguissan ;

■ contravention de grande voirie pour dégradation commise en


raison des mauvais renseignements donnés par les autorités d’un port
au capitaine d’un navire ; arrêt du Conseil d’Etat du 27 novembre 1985
Secrétaire d’Etat aux transports ;

■ contravention de grande voirie pour dégradation commise par


une entreprise en raison de plans inexacts transmis par les PPT ; arrêt
du Conseil d’Etat du 22 avril 1983 Entreprise Caronie.

Appelons un chat un chat, c’est une faute : c’est ce qu’a récemment fait
la Cour administrative d’appel de Lyon dans un arrêt du 26 novembre
2009 Crouzet où le juge parle bien de faute assimilable à un cas de
force majeure.
4. Les sanctions en matière de contraventions de
grande voirie

Elles ne peuvent être adoptées et prononcées que par le juge,


et en aucun cas par l’administration elle-même. La loi du 8 février 1995
avait accordé au juge administratif un pouvoir d’injonction, c’est-à-dire le
pouvoir d’adresser un ordre à l’administration ou aux justiciables. En
matière de contraventions de grande voirie, le juge a toujours eu un tel
pouvoir d’injonction.

La contravention de grande voirie se décompose en trois éléments


systématiques :

les frais d’acquittement du procès verbal ;


le paiement d’une amende, étant précisé que le montant de l’amende
est fixé par le texte qui prévoit la contravention ; elle est prescrite
dans un délai d’un an, et elle peut faire l’objet d’une amnistie ;
la condamnation à réparer le préjudice causé au domaine ; la
réparation peut prendre deux formes :

■ le juge va condamner le contrevenant à remettre le domaine en


état lui-même, ce qui est plutôt rare ;

■ le juge va demander à l’administration une évaluation du coût


de la réparation et va condamner le contrevenant à payer ces frais de
réparation.

Ce troisième volet de la condamnation est imprescriptible, et il n’y a pas


d’amnistie possible ni de transaction possible.
1. La protection contre les occupations illégales du
domaine public : la poursuite des occupations
sans titre du domaine public

L’occupant sans titre du domaine public est celui qui n’a pas
de titre l’autorisant à occuper le domaine public ou celui dont le titre est
arrivé à expiration.

Lorsqu’il y a une occupation sans titre du domaine public,


l’administration est dans la même situation que le propriétaire privé qui
voit quelqu’un occuper sa propriété privée et qui souhaiterait voir
expulser la personne.

La différence réside dans le fait que le propriétaire privé n’est pas dans
l’obligation de faire expulser ces occupants ; l’administration n’a pas ce
pouvoir d’appréciation, elle a l’obligation de faire expulser l’occupant
sans titre du domaine public dès lors qu’elle s’en aperçoit. Elle ne peut
jamais tolérer l’occupation sans titre du domaine public.

N’y a-t-il pas des hypothèses où elle va néanmoins le faire ? Si, c’est
fréquent dans la pratique car personne n’a connaissance de l’occupation
sans titre, notamment le Préfet.

Exécution

d’office de

l’administration

Expulsion d’un
occupant sans

titre du DP Action répressive : CGV

Recours devant

le
juge Juge du fond (TA)

Recours en expulsion

Juge de l’urgence

= référé conservatoire

1. A) L’exécution d’office par l’administration

L’exécution d’office c’est l’action qui permet à l’administration


d’agir directement sans saisir le juge. C’est l’arrêt du Tribunal des conflits
du 2 décembre 1902 Société immobilière Saint Juste : cette décision
retient que, par principe, l’exécution d’office par l’administration est
illégale sauf dans deux hypothèses :

dans le cas où une loi l’autorise ;


en cas d’urgence manifeste et s’il n’existe aucune sanction légale ;
c’est l’hypothèse où l’administration va pouvoir agir d’office, elle y est
obligée car elle ne peut pas saisir le juge parce qu’il n’existe pas de
voies de recours devant le juge dans l’état actuel du droit.
Aujourd’hui, il n’y a pratiquement plus de situations où l’administration
ne dispose pas de voies de recours. S’agissant de l’expulsion des
occupants sans titre, l’administration ne pourra jamais invoquer
l’absence de voies de droit puisqu’il existe une procédure d’urgence,
le référé conservatoire, qui lui permet d’obtenir satisfaction.

Par conséquent, par principe, si l’administration a recours à


l’exécution d’office, cette action sera en principe illégale car les
conditions ne seront pas réunies ; c’est l’arrêt du Tribunal des conflits du
24 février 1992 Couach.

Par ailleurs, cela constituera une faute de la part de la personne


publique qui engagera sa responsabilité devant le juge administratif,
c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 avril 1961 Klein.

On peut même se demander si cette exécution d’office ne peut


pas être constitutive d’une voie de fait, c’est-à-dire d’une action de
l’administration qui porte atteinte à une liberté fondamentale, et qui est
surtout une action insusceptible de se rapporter au pouvoir de
l’administration ; dans ce cas, l’administration verra sa responsabilité
engagée devant le juge judiciaire et non plus devant le juge administratif.

Généralement, ça ne sera pas constitutif d’une voie de fait, car même s’il
y a une atteinte à une liberté fondamentale, ce n’est pas insusceptible
d’être rattaché au pouvoir de l’administration.

Il y a quand même de rares cas où la qualification de voie de fait


pourra être retenue : c’est l’arrêt du Tribunal des conflits du 4 juillet
1991 Association des jeunes et de la culture Boris Vian, l’administration
avait agi d’office, et elle ne s’était pas contentée d’expulser les
occupants sans titre mais avait détruit une partie de leurs biens.

En revanche, dans l’hypothèse où l’administration détruit un bien, et plus


exactement un immeuble irrégulièrement implanté sur le domaine public,
l’occupant sans titre ne pourra pas obtenir indemnisation de la part de la
personne publique. C’est l’arrêt de la Cour administrative d’appel de
Marseille du 21 février 2005 Compagnie AXA France où un Préfet avait
donné l’ordre à des gendarmes de procéder à la destruction d‘une
paillote implantée sur une plage en Corse. Le propriétaire de la paillote
avait demandé indemnisation auprès du juge administratif pour la
destruction de son bien, et une telle réparation n’a pas été admise
puisque l’implantation d’un tel immeuble était illégale.

1. B) Le juge administratif, juge de l’expulsion du


domaine public

Puisque l’exécution d’office est en principe interdite,


l’administration devra donc saisir le juge pour faire expulser l’occupant
sans titre. Il n’y a qu’un seul juge compétent en la matière, c’est le juge
administratif, le juge naturel de l’expulsion du domaine public.

L’administration a trois recours possibles qui s’offrent à elles :

elle peut demander que l’occupant soit poursuivi pour contravention


de grande voirie ; dans ce cas, la contravention ne vient pas
sanctionner une dégradation du domaine mais une occupation sans
titre ; il n’y aura donc pas forcément frais de réparation de remise en
état du domaine ; cette voie de droit n’est pas souvent utilisée par
l’administration ;
elle peut saisir le juge administratif d’un recours en expulsion du
domaine public ; l’inconvénient de cette procédure normale est le
délai ;
elle peut saisir le juge de l’urgence d’un référé conservatoire, prévu
à l’article L.521-3 du Code de justice administrative ; c’est un recours
qui permet au juge de prononcer toute mesure utile en cas
d’urgence et en l’absence de contestation sérieuse ; en principe, ce
recours est utilisé par l’administré contre l’administration ; là, on est
dans une hypothèse très particulière car c’est l’administration qui
exerce ce recours contre un administré ; la condition d’urgence sera
généralement toujours remplie, parce que le juge va considérer que
puisqu’il y a occupation illégale du domaine public, il y a urgence à
expulser cet occupant ; c’est la voie royale.
Ce référé ne peut aboutir s’il existe une contestation sérieuse ; la
question qui s’est posée était de savoir, si l’occupant contestait
l’absence de validité de son titre, s’il s’agissait d’un obstacle sérieux
au succès du référé conservatoire. Le Conseil d’Etat a considéré
que oui dans l’arrêt de section du 16 mai 2003 SARL Icomatex.
Autrement dit, si le requérant soulève avec des moyens sérieux le
fait qu’il est nanti d’un titre l’autorisant à occuper le domaine, ce
moyen sera de nature à empêcher le juge de prononcer l’expulsion.
Le requérant va saisir le juge administratif pour contester le fait qu’il
n’a pas de titre à occuper le domaine public et, dans un même
temps, la personne publique saisit le juge de l’urgence pour faire
expulser l’occupant. Si les arguments du requérant devant le juge
administratif apparaissent fondés et sérieux, le juge de l’urgence
n’aura pas le droit de prononcer l’expulsion tant que le juge du fond
ne se sera pas prononcé sur la validité du titre (jugement du tribunal
administratif de Grenoble du 22 décembre 2003 pour l’expulsion
d’occupants d’arbres centenaires dans un parc de la ville destinés à
l’abattage ; arrêt du Conseil d’Etat du 3 février 2010 Commune de
Cannes pour l’expulsion de plaisanciers qui avaient amarré leur
bateau dans le port de Cannes sans autorisation).

Conseils bibliographiques

Yolka, L’occupation du parc Mistral devant le juge administratif des


référés, note sur l’arrêt du Tribunal administratif de Grenoble du 22
décembre 2003, AJDA
Caille, Nouvelles précisions sur l’urgence à expulser l’occupant sans
titre d’un port de plaisance, note sur l’arrêt du Conseil d’Etat du 3
février 2010, AJDA 2010, p.1591

Remarque : dans la lignée de l’arrêt SARL Icomatex, dans l’arrêt du 22


octobre 2010 Pustwou, le Conseil d’Etat se prononçait sur un référé
conservatoire ; l’occupant invoquait le fait qu’il n’était pas un occupant
sans titre, mais la juridiction retient que vu l’urgence et la nécessité
impérieuse de le faire quitter les lieux, il n’y avait pas de contestation
sérieuse à l’expulsion.

1. C) Les cas résiduels de compétence du juge


judiciaire pour l’expulsion du domaine public

Le juge judiciaire va être compétent pour l’expulsion des


occupants sans titre du domaine public dans deux cas résiduels :

dans l’hypothèse de la voie de fait, mais c’est un cas de compétence


marginale ;
pour toute expulsion du domaine public portant sur la voirie routière ;
c’est l’arrêt du tribunal des conflits du 17 octobre 1988 Commune
de Sainte-Geneviève.
Illustrations :

■ l’ordonnance du tribunal de grande instance de Paris du 11


janvier 2002 où le titre d’un forain était arrivé à expiration alors qu’il
occupait la place de la Concorde à Paris ;

■ l’arrêt du Tribunal des conflits du 24 septembre 2001 Société


BE Diffusion qui concernait l’occupation d’églises par les SDF ; l’église
fait partie du domaine public, il est donc logique que ce contentieux
relève de la compétence du juge administratif.

Leçon n°5 : l’utilisation du domaine public


Le domaine public peut être utilisé soit par l’administration elle-même,
soit par les usagers.

Quand c’est l’administration qui utilise le domaine public, c’est quand


elle y affecte un service public, soit pour que celui-ci soit utilisé
directement par les usagers, soit pour y faire des bureaux pour y
placer son personnel.
Il peut aussi être utilisé par les usagers, et dans ce cas, il faut
distinguer l’utilisation collective de l’utilisation privative.

Première section : l’utilisation collective du domaine


public par le public

L’utilisation collective du domaine public correspond à une


utilisation anonyme et par l’ensemble de tous du domaine public. Elle est
gouvernée par deux principes très importants :

le principe de la liberté d’utilisation, qui signifie que l’utilisation


collective n’a pas besoin d’une autorisation préalable ;
le principe de gratuité.

Cela étant, ces deux principes peuvent légalement faire l’objet


d’un aménagement. Peut-on totalement affirmer que la voirie publique
fait l’objet d’une utilisation collective ? Est-elle totalement libre
d’autorisation ? Non, car il peut y avoir une règlementation du
stationnement. Est-elle totalement gratuite ? Non, car elle peut faire
l’objet de droits de stationnement.
Deuxième section : l’utilisation privative du domaine
public par le public

L’utilisation privative correspond à l’utilisation du domaine


public par un usager identifié. Il n’y a pas de liberté d’usage privatif du
domaine public, ce qui signifie qu’à contrario, pour toute utilisation
privative, il faut une autorisation préalable ; par ailleurs, il y a le principe
de non-gratuité privative, ce qui signifie que pour toute utilisation
privative, il faut payer une redevance.

1. Les simples occupations privatives du domaine


public

1. A) La forme de l’autorisation d’occupation du


domaine public

L’article L.2122 du Code général de la propriété des personnes


publiques rappelle l’obligation d‘avoir un titre pour toute utilisation
privative du domaine, et notamment, il ne peut pas y avoir d’autorisation
tacite à occuper le domaine public. Ce titre peut prendre deux formes :

soit celle d’une autorisation unilatérale à occuper le domaine public


; généralement, elle peut prendre deux formes :

■ soit celle d’une permission de voirie lorsque l’occupation se


fait avec emprise au sol (ex : un poste de distribution d’essence) ; elle ne
peut être délivrée que par la personne publique propriétaire du domaine
;

■ soit celle d’un permis de stationnement qui est délivré


lorsque l’occupation ne suppose pas une emprise au sol (ex : terrasse
d’un café) ; il peut être délivré par l’autorité de Police ;

soit celle d’un contrat, et dans ce cas, on parle soit de concession


de voirie, soit de convention domaniale. Ce contrat est
nécessairement un contrat administratif.

Qu’il s’agisse d’une autorisation unilatérale ou contractuelle, seul le juge


administratif est compétent selon l’article L.2331-1 du Code général de
la propriété des personnes publiques.

Les autorisations d’occuper le domaine public ont un caractère


strictement personnel et, de ce fait, elles ne peuvent en principe être
cédées. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 31 juillet 2009 Société de
loisirs Jonathan.

1. B) L’octroi de l’autorisation

1.Le pouvoir discrétionnaire de l’administration dans


l’octroi de l’autorisation

L’administration a une totale liberté d’appréciation pour décider


ou refuser l’octroi d’une autorisation d’occuper le domaine public.
Autrement dit, la personne privée n’a aucun droit à l’obtention d’une
autorisation d’occuper le domaine public : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat
du 5 novembre 1937 Société industrielle des schistes et dérivés.

Néanmoins, l’administration devra quand même motiver son refus


d’accorder un titre : c’est l’arrêt de la Cour administrative d’appel de
Bordeaux du 27 octobre 2009 France Telecom.

2. La question de la mise en concurrence des


autorisations d’occuper le domaine public

Il y a certains contrats passés par des personnes publiques


qu’elles ne peuvent librement attribuer et pour lesquels elles doivent
organiser une publicité préalable et une mise en concurrence pour
pouvoir choisir leur cocontractant. C’est le cas notamment des marchés
publics et des délégations de service public.

L’objectif de ce type de procédures est de protéger les deniers publics,


mais aussi de préserver la concurrence entre les entreprises.

Pour attribuer un contrat d’occupation du domaine public, la


personne publique doit-elle organiser une mise en concurrence
préalable, ou au contraire, peut-elle attribuer le contrat librement à la
personne de son choix ? Le Code général de la propriété des personnes
publiques n’impose aucunement une telle procédure.

Au niveau communautaire, la directive du 31 mars 2004 qui fixe les


règles applicables en matière de publicité et de mise en concurrence ne
vise pas les contrats d’occupation du domaine public.

Une telle obligation n’existe donc pas selon ces deux sources textuelles.
Des juges sont allés au delà des textes :

le Conseil de la concurrence (maintenant Autorité de la concurrence)


a pris une telle position dans un avis du 21 octobre 2004 par rapport
à la distribution de journaux gratuits dans les rues ; étant sur la
voirie, l’entreprise doit avoir une autorisation d’utilisation du domaine
public ; la commune peut-elle choisir librement l’entreprise de presse
qui bénéficiera de cette autorisation ? Le Conseil de la concurrence
a considéré qu’il fallait respecter le principe communautaire de
transparence, lequel impose une publicité préalable avant
l’attribution du contrat ;
le Conseil d’Etat, pour l’instant, s’en tient au fait que le Code général
de la propriété des personnes publiques n’impose pas une telle
obligation, mais deux tribunaux administratifs ont franchi le pas et
imposé une publicité préalable et une mise en concurrence avant
l’attribution de ces contrats :

■ le tribunal administratif de Nîmes, dans un jugement du 24


janvier 2008 Société des trains Eisenreich, a été le premier à retenir une
solution positive en la matière à propos de l’exploitation de trains
touristiques ;

■ le tribunal administratif de Versailles a retenu une telle


procédure pour un bail emphytéotique administratif dans un jugement du
5 janvier 2010 Guyart.

Aujourd’hui, les collectivités ont pris conscience de ce droit et respectent


d’elles-mêmes une telle procédure avant d’attribuer leurs contrats. Le
Code général de la propriété des personnes publiques ne va-t-il pas
finalement être modifié en ce sens ? C’est très probable.

Conseils bibliographiques

Dreyfus, La soumission des conventions d’occupation du domaine


public aux règles du traité de Rome, note sur l’arrêt du TA de Nîmes
du 24 janvier 2008 , AJDA 2008, p.2172
Sorin, Règles de concurrence appliquées aux baux emphytéotiques
administratifs, note sur l’arrêt du TA de Versailles du 5 janvier 2010,
AJDA 2010, p. 1196

1. C) Le paiement d’une redevance

L’occupant privatif doit obligatoirement payer une redevance


pour occupation du domaine public. Il n’y a que trois dérogations
prévues par le Code général de la propriété des personnes publiques lui-
même :

dans l’hypothèse où l’utilisation est la condition forcée d’exécution de


travaux ou d’un ouvrage ;
si l’utilisation contribue directement à assurer la conservation du
domaine public lui-même ;
pour les associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction
d’un intérêt général (stands Croix rouge sur le domaine public).

Comment évalue-t-on le montant de la redevance ? Elle doit tenir


compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de
l’autorisation. Elle va évidemment compter la valeur locative du bien,
mais également le chiffre d’affaires et les bénéfices escomptés.

L’Etat est un propriétaire comme un autre : le propriétaire privé doit tenir


compte de la valeur locative du marché, mais aussi de certaines
spécificités qui permettent au locataire d’en tirer certains avantages ; il
va donc faire de même car il a une obligation de bonne exploitation et
de valorisation de ses biens. Il ne serait pas normal que l’Etat se
contente de la seule valeur locative du marché alors qu’il pourrait en
obtenir bien plus. Cette sous-location serait une forme de cession à vil-
prix.

1. D) La situation précaire de l’occupant privatif

L’occupant privatif n’a aucun droit au renouvellement de son titre


; ce titre peut lui être retiré à tout moment pour tout motif d’intérêt
général.

En revanche, une résiliation ou un retrait motivé uniquement par un


motif budgétaire est illégal selon un arrêt de la Cour administrative
d’appel de Paris du 2 avril 2009 Véolia Eau.

1. Les autorisations d’occuper le domaine public


constitutives de droits réels

Conseils bibliographiques

Gaudemet, Les droits réels sur le domaine public, AJDA 2006, p.1094

Le risque est que les investisseurs privés ne puissent pas venir


sur le domaine public car ils n’ont aucune garantie à présenter aux
banques. C’est pour cette raison qu’il est apparu nécessaire d’instituer
des titres d’occupation du domaine public qui soient constitutifs de
droits réels pour l’occupant : l’occupant disposera d’un droit réel
pendant la durée de son contrat sur la dépendance et sur les ouvrages
construits, ce qui lui permettra de pouvoir constituer des garanties sur
ces biens (c’est l’hypothèse type du prêt hypothécaire).

Le législateur a agi de façon désordonnée en créant, au gré des


besoins, des dispositifs attributifs de droits réels. Le système actuel n’est
pas du tout satisfaisant car trop de titres constitutifs de droits réels ont
été créés, pour lesquels les lois souvent se contredisent, qui aboutissent
à une non-utilisation de ces techniques par les collectivités.

1. A) Les droits réels sur le domaine public des


collectivités territoriales

Il y a deux types de mécanismes :

la loi du 5 janvier 1988 permet aux collectivités de conclure un bail


emphytéotique administratif sur leur domaine public ; cela porte
sur toutes les dépendances du domaine public, sauf la voirie ; la
durée de ce bail doit être comprise entre dix-huit et quatre-vingt-
dix-neuf ans ; il ne peut être accordé que si la société assure une
mission de service public ou une activité d’intérêt général en rapport
avec les compétences de la collectivité ;
l’ordonnance du 21 avril 2006 instituant le Code général de la
propriété des personnes publiques permet aux collectivités de
prévoir une autorisation d’occuper le domaine public constitutive de
droits réels ; elle ne peut être accordée que pour l’exercice d’une
mission de service public ou d’intérêt général ; en revanche, cela
concerne tout le domaine public artificiel, y compris la voirie, mais
pas le domaine public naturel ; le législateur a ici calqué le
dispositif existant pour l’Etat.
Les collectivités ont donc le choix entre deux mécanismes très
proches mais pour lesquels le champ territorial n’a rien à voir.

1. B) Les droits réels sur le domaine public de l’Etat

Il y a trois mécanismes :

la loi du 25 juillet 1994 permet à l’Etat d’accorder des autorisations


constitutives de droits réels sur son domaine public ; tout le domaine
public artificiel, y compris la voirie, est concerné, mais pas le
domaine public naturel ; il n’y a aucune limitation de durée ; il n’y a
aucune condition liée à l’activité de l’occupant.
Cette différence sur la question de l’activité exploitée par l’occupant
s’explique par une méfiance de l’Etat envers les collectivités car le
législateur a eu peur que celles-ci laissent massivement s’implanter
des entreprises privées sur le domaine public, alors que pour l’Etat,
on n’a pas fait les mêmes réserves ;
la loi du 17 février 2009 qui permet à l’Etat d’instituer un bail
emphytéotique administratif pour réaliser des opérations de
logement social ;
la loi du 25 juillet 2010 qui permet à l’Etat d’instituer un bail
emphytéotique administratif pour le domaine public des chambres
consulaires, c’est-à-dire des chambres de commerce et d’industrie ;
elle créé une nouvelle disposition et une nouvelle partie dans le code
sur la valorisation du domaine.

À l’évidence, les collectivités et l’Etat ont besoin de ces titres ;


mais aujourd’hui, il serait nécessaire de simplifier tous ces titres pour en
faire une seule et unique formule.

Leçon n°6 : le domaine privé

Première section : la consistance du domaine privé

Les codes ne donnent pas de définition positive du domaine


privé mais y rangent tous les biens d’une personne publique qui ne
relèvent pas de son domaine public. C’est une définition en creux.

Par conséquent, rentrent dans le domaine privé deux catégories de


biens :

les biens qui ne sont pas affectés à l’utilité publique ou qui sont
affectés à un service public mais qui n’ont pas fait l’objet d’un
aménagement indispensable ;
les biens que le législateur a expressément incorporé au domaine
privé :

■ les chemins ruraux,

■ les immeubles à usage de bureaux,

■ les réserves foncières,

■ font partie du domaine privé de par la jurisprudence les forêts,


c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 novembre 1975 ONF ;

■ certains biens font partie du domaine privé parce qu’ils sont


soumis à un régime incompatible avec le domaine public, c’est l’arrêt
d’assemblée du Conseil d’Etat du 23 octobre 1998 EDF.

Deuxième section : les règles de gestion du domaine


privé

Il est soumis à des règles propres à toutes les propriétés


publiques et à des règles propres au domaine privé.

1. Les règles de gestion communes à toute propriété


publique

Le domaine privé, en tant que propriété publique, est soumis à


l’insaisissabilité des biens et à l’interdiction de cession à vil-prix.

1. Les règles de gestion propres au domaine privé

Conseils bibliographiques

Tilli, Les ventes des immeubles relevant du domaine privé de l’Etat,


AJDA 2010, p.714
Toutes les règles propres au domaine public et qui découlent
notamment de l’inaliénabilité ne s’appliquent pas au domaine privé. Les
dépendances du domaine privé peuvent faire l’objet d’une vente, selon
un arrêt du Conseil d’Etat du 24 mai 2000 Comité départemental de
tourisme de la Mayenne, de location, de cession, d’expropriation, ou être
grevées de servitudes : elles sont donc aliénables.

Pour certains aspects, le domaine privé sera soumis aux règles


communes de la propriété issues du Code civil : la délimitation du
domaine privé obéit au régime du bornage prévu par l’article 646 du
Code civil.

Le domaine privé n’est pas entièrement soumis au Code civil et


certaines règles qui lui sont propres sont issues du Code général de la
propriété des personnes publiques : la vente d’un bien du domaine privé
obéit à plusieurs conditions posées par ce code ; ainsi, l’évaluation du
bien se fera par le service du domaine.

S’agissant du domaine privé de l’Etat, il existe un établissement


public spécifique chargé de la gestion de ce domaine : France domaine.

Le régime des contraventions de grande voirie ne s’applique pas sur le


domaine privé.

Troisième section : le contentieux relatif au domaine


privé

Le principe est que le contentieux de la gestion du domaine privé


appartient au juge judiciaire : c’est l’arrêt du Tribunal des conflits du 24
octobre 1994 Duperray.

Il y a en réalité de nombreuses exceptions où le juge


administratif sera compétent pour le domaine privé :

c’est le cas lorsque le litige survient à propos d’un acte détachable


de la gestion du domaine privé ; par exemple :

■ la délibération autorisant la vente d’un terrain du domaine privé


est considérée comme un acte détachable relevant de la compétence du
juge administratif selon un arrêt du Conseil d’Etat du 11 octobre 1995
Demange ;

■ la délibération qui autorise la conclusion d’un bail


emphytéotique est également un acte détachable qui relève de la
compétence du juge administratif selon un arrêt du Conseil d’Etat du 6
avril 1998 Communauté urbaine de Lyon ;

c’est le cas si le contrat portant occupation du domaine privé contient


des clauses exorbitantes de droit commun ; c’est l’arrêt du
Conseil d’Etat du 17 décembre 1954 Grosy, et un jugement du
Tribunal des conflits du 15 novembre 1999 Commune de Bourisp
(contrat conclu entre deux personnes publiques sur la vente d’une
parcelle du domaine privé ; vérification de la présence de clauses
exorbitantes de droit commun pour retenir la compétence du juge
administratif).

Traditionnellement, la tendance était pour le juge administratif


d’admettre assez largement sa compétence en matière de domaine
privé. On peut penser que la tendance va s’inverser puisque dans l’arrêt
de section du 28 décembre 2009 Brasserie du Théâtre, à propos du
refus de renouveler une convention d’occupation du domaine privé, le
Conseil d’Etat n’a pas retenu sa compétence (alors qu’il aurait très
bien pu le faire) et a préféré renvoyer la question au Tribunal des
conflits.

Contrat administratif par


qualification légale (contrat de

marchés publics, contrat


d’occupation du domaine public)

Contrat conclu avec

une personne privée

Mission de service public

Critères jurisprudentiels

Contrats
Clause exorbitante de DC

des PP

Présomption d’administrativité du
contrat

Contrat conclu avec

une autre PP
Exception si le contrat fait naître
des rapports de droit privé

Leçon n°7 : l’expropriation pour cause d’utilité


publique : la phase administrative

Les personnes publiques ont à leur disposition plusieurs moyens


pour acquérir des biens, notamment les moyens normaux d’acquisition
des biens, tels qu’acheter à l’amiable un bien à une personne privée.

Le privilège des personnes publiques réside dans le fait d’avoir


un pouvoir de contrainte sur les particuliers qui leur permet de bénéficier
d’une cession forcée de biens : parmi ces techniques, la principale est
l’expropriation pour cause d’utilité publique.

L’expropriation est une opération administrative par laquelle


l’administration oblige un particulier à lui céder la propriété d’un bien
immeuble dans un but d’utilité publique et moyennant une indemnisation
préalable.

Ne pas confondre :

expropriation et réquisition : dans les deux cas, c’est un moyen de


cession forcée d’un bien d’une personne publique sur une personne
privée ; en matière d’expropriation, le transfert de propriété vers la
personne publique est définitif, alors qu’en matière de réquisition, il
s’agit seulement d’un usage temporaire, provisoire du bien ;
expropriation et droit de préemption : ce dernier est simplement un
droit de la personne publique de se porter acquéreur par priorité d’un
bien vendu ; le bien est ici librement vendu.

Première section : les fondements textuels du droit


de l’expropriation

C’est une technique très ancienne : on a toujours constaté, dès


l’Ancien régime, que les souverains avaient ce droit de déposséder les
particuliers de leur propriété ; on parlait de droit de retrait, censé être
compensé par une indemnité.

En revanche, sous l’Ancien régime, ce droit de retrait n’était encadré par


aucun texte, notamment à propos des conditions de ce droit : cela était
laissé à l’entière appréciation du souverain.

Elle a été réglementée pour la première fois à partir de la


Révolution, notamment par une disposition très précise, l’article 17 de la
DDHC qui dispose que «la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul
ne peut en être privé si ce n’est lorsque la nécessité publique légalement
constatée l’exige évidemment et sous la condition d’une juste et
préalable indemnité».

Cette disposition est fondamentale car c’est la première fois qu’étaient


posées en France les deux conditions à l’expropriation :

un motif d’intérêt public ;


une indemnisation préalable du propriétaire.

Ce cumul des deux conditions a été repris à l’article 545 du Code


civil.

En droit administratif, le premier texte a avoir repris


l’expropriation est l’ordonnance du 8 mars 1810. Il y a aussi
l’ordonnance du 23 octobre 1958, et le Code de l’expropriation, édicté
pour la première fois par le décret du 28 mars 1977.

Depuis 2004, le Gouvernement a été habilité par le législateur pour


procéder à l’adoption d’un nouveau Code de l’expropriation, lequel n’a
pas encore été adopté et depuis, l’habilitation a expiré : ce projet reste
en suspens, on ne sait pas pour l’heure si le projet est définitivement
abandonné ou si l’habilitation va être prorogée.

Le droit de l’expropriation est également profondément affecté


par le droit de la CESDH, notamment parce que l’article 1er du premier
protocole additionnel dispose du droit au respect de ses biens ; cette
disposition ne s’oppose pas par principe à l’expropriation pour cause
d’utilité publique, simplement, il y a de nombreuses procédures en
France qui ont été censurés par la CEDH sur ce fondement.

Conseils bibliographiques

Haustiou, Le droit de l’expropriation au regard du droit au procès


équitable, AJDA 2003, p. 2123
Haustiou, , AJDA 2007, p.180

Deuxième section : les titulaires du pouvoir


d’exproprier
1. La faculté de mise en oeuvre de la procédure
d’expropriation

La personne compétente pour initier une telle procédure est


l’expropriant. La qualité d’expropriant est un attribut de la puissance
publique : toute personne publique a nécessairement la qualité
d’expropriant, à savoir l’Etat, les collectivités territoriales, les
établissements publics et les personnes publiques sui generis.

En principe, le bénéficiaire de l’expropriation est l’expropriant,


mais il est tout à fait possible qu’une personne publique expropriante
mène cette procédure non pas pour son bénéfice mais pour le bénéfice
d’une personne privée, à la condition que cette dernière poursuive un
but d’intérêt général. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 20 décembre
1935 Etablissement Vézia.

Une personne privée peut-elle avoir la qualité d’expropriant ?


C’est possible à la condition que cette qualité lui soit donnée par la loi :
c’est le cas typique des concessionnaires d’aménagement urbain. Il est
soumis aux mêmes règles que la personne publique et fera l’objet d’un
contrôle.

1. Le rôle exclusif de l’Etat dans la conduite de la


procédure d’expropriation
Il faut différencier l’expropriant, celui qui initie la procédure, et
celui qui mène la procédure d’expropriation. L’Etat a un monopole dans
la conduite de la procédure d’expropriation ; cela signifie qu’en tant
qu’expropriant, on peut trouver des personnes publiques et des
personnes privées, mais une fois initiée, seul l’Etat peut conduire
l’opération.

Cela s’explique par le fait que l’expropriation est un procédé exorbitant


de droit commun qui porte l’atteinte la plus grave qui soit à la propriété
privée. L’acteur principal est d’ailleurs le Préfet, qui agit au nom de l’Etat,
et c’est également pour cette raison que, lorsqu’un particulier veut
obtenir réparation du préjudice causé par une procédure d’expropriation,
c’est la responsabilité de l’Etat qui sera engagée, et non pas celle de
l’expropriant.

Troisième section : les étapes de la phase


administrative

1. L’enquête préalable

L’enquête préalable a pour but de réunir les informations


relatives au projet d’expropriation et de recueillir l’opinion du public en
vue de déterminer si le projet est réellement d’utilité publique.

1. A) La constitution du dossier d’enquête publique


Il doit être constitué par l’expropriant avant qu’elle ne débute. Le
contenu de ce dossier est précisément fixé à l’article R.11-3 du Code de
l’expropriation.

Il doit d’abord comporter une notice explicative qui doit expliquer


l’objet de l’expropriation (le projet que veut réaliser la personne
publique) et justifier le projet retenu ; le juge considère que
l’administration n’est pas tenue de protéger les contre-projets
présentés par des personnes extérieures à l’administration, c’est
l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 juin 1983 Commune de Montfort.
L’administration doit procéder à une appréciation sommaire des
dépenses afin que les habitants puissent évaluer le coût global de
l’opération ; le juge va censurer les appréciations manifestement
sous-estimées, c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 décembre 1998
Association pour la conservation du site de Bollene, ainsi que l’arrêt
de la Cour administrative d’appel de Lyon du 11 décembre 2007
Masse.
L’administration doit également intégrer au dossier un plan des
travaux et un plan de situation del’ouvrage, ainsi que les
caractéristiques principales des ouvrages principaux.
Le dossier doit comporter une étude d’impact ; c’est un document
qui a été institué par une loi du 10 juillet 1976 ; ce n’est pas un
document propre aux expropriations, mais qui doit précéder tous les
projets susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement, et il a été
rendu obligatoire pour tout dossier d’enquête publique.
L’étude d’impact a été récemment modifiée par la loi Grenelle II du 12
juillet 2010, laquelle modifie le régime des études d’impact ; en
réalité, cette loi n’a pas fondamentalement modifié le régime de
l’étude d’impact en matière d’expropriation (l’objet de la loi étant
d’étendre le champ des projets concernés par cette obligation
d’étude d’impact). Désormais, le contenu des études d’impact est
fixé à l’article L.122-1 et suivants du Code de l’environnement. Elle
doit comporter :

■ une analyse de l’état initial du site,

■ une analyse des effets du projet sur l’environnement (faune,


flore, eau, air, climat),

■ une analyse des méthodes de prévention utilisées pour évaluer


les effets du projet,

■ les mesures envisagées pour supprimer ou réduire les


conséquences dommageables du projet sur l’environnement et la santé.

La loi du 12 juillet 2010 a néanmoins apporté deux nouveautés :

■ désormais, l’autorité expropriante devra transmettre l’étude


d’impact pour avis à l’autorité administrative compétente en matière
d’environnement, c’est-à-dire le Ministre, dont il faudra tenir compte au
moment de l’adoption de l’acte déclaratif d’utilité publique ;

■ dans le contenu de l’étude d’impact, l’administration est


désormais obligée d’exposer «une esquisse des principales solutions de
substitution qui ont été examinées et une indication des principales
raisons de son choix eu égard aux effets sur l’environnement ou la santé
humaine» ; concrètement, cela va obliger la personne publique à
présenter les contre-projets. L’inconvénient pour l’administration est la
perte de temps et l’accroissement des délais généré. Le problème est
que ne vont être étudiés ici que les contre-projets fondés sur des
atteintes environnementales au projet de l’administration, et pas sur
d’autres atteintes. Le juge censurera évidemment tout dossier d’enquête
public présenté sans étude d’impact ; il admettra néanmoins de légères
insuffisances dans l’étude à la condition qu’elles ne revêtent pas un
caractère substantiel ; c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 juillet 2004
Comité de réflexion anti-nucléaire.

Le dossier d’enquête publique doit comporter un résumé non


technique du projet ; cette pièce est extrêmement importante pour
l’information du public. L’effet de la loi du 12 juillet 2010 sera
d’accentuer le contrôle du juge à son propos.
Conseils bibliographiques

Lahorgue, La réforme de l’étude d’impact, AJDA, 2010 p.1807

1. B) Le déroulement de l’enquête publique

Conseils bibliographiques

Jégouzo, La réforme des enquêtes publiques et la mise en oeuvre du


principe de participation, AJDA 2010, p.1812

Le dossier d’enquête publique constitué par l’expropriant est


ensuite transmis au Préfet et celui-ci dispose d’un pouvoir
discrétionnaire pour décider d’ouvrir ou non une enquête publique ; s’il
le fait, il doit prendre un arrêté d’ouverture d’enquête publique. Celui-ci
doit être publié suffisamment tôt pour permettre aux administrés de
s’informer utilement.

Pourtant, le juge a considéré que la publication tardive (en l’espèce,


moins de huit jours avant le début de l’enquête) de l’arrêté d’ouverture
n’était pas illégale : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 mai 2008
Commune de Cambon.

Cette enquête publique est obligatoire avec une seule


exception : les projets qui tiennent à la défense nationale.
Le public n’intervient qu’après la publication de l’arrêté, il en est
informé de manière trop tardive : il est bien trop tard pour qu’il propose
des contre-projets, des solutions alternatives.

Le droit français est en décalage avec la Convention d’AARHUS,


signée en matière d’environnement, et le droit communautaire, et plus
particulièrement une directive de 1985 qui impose aux Etats membres
plusieurs obligations en matière de participation du public aux
projets affectant l’environnement. Celle-ci insiste sur un point : il faut
faire des enquêtes publiques, mais elles n’ont de sens et ne sont utiles
que si elles interviennent suffisamment tôt dans l’élaboration du projet.
Il faudrait qu’il y ait déjà une première enquête publique avant même le
dossier d’enquête publique. Le Conseil d’Etat, dans un rapport rendu en
2006, avait relevé l’incompatibilité du droit français avec la directive
communautaire de 1985.

La loi du 12 juillet 2010 a là aussi modifié le droit des enquêtes


publiques ; là encore, s’agissant du domaine étudié, l’impact de la loi est
assez relatif car l’effet de cette loi est d’étendre le champ d’application
des enquêtes publiques, lesquelles avaient toujours lieu en matière
d’expropriation depuis 1976. Le changement de dénomination et la
renumérotation ne rendent pas les jurisprudences antérieures obsolètes.

1. Les deux formes d’enquête publique

Il existe deux formes d’enquête publique en matière d’expropriation :

la première figure à l’article L.11-1 du Code de l’expropriation, elle


correspond à ce que l’on appelait avant 2010 l’enquête de droit
commun ; elle est menée pour tous les projets d’expropriation qui
n’ont pas d’effet sur l’environnement ou la santé ; elle est d’une
durée minimale de quinze jours ;
la seconde figure à l’article L.123-1 du Code de l’environnement, elle
correspond à ce que l’on appelait avant 2010 l’enquête publique
démocratisée, qui avait été instituée en 1983 ; elle est requise pour
tous les projets d’expropriation qui ont un impact sur l’environnement
; elle est d’une durée minimale de trente jours.

Depuis la loi du 12 juillet 2010, la personne publique a le droit de


faire une enquête Code de l’environnement (c’est-à-dire la deuxième)
pour des projets où n’était requise qu’une enquête Code de
l’expropriation («qui peut le plus, peut le moins»). Auparavant, c’était
interdit par le juge.

L’enquête publique est menée soit par un commissaire enquêteur


soit par une commission d’enquête en fonction de l’importance du projet.
Ce sont des experts dont la liste est fixée et établie par le Président du
tribunal administratif territorialement compétent qui désignera, pour
chaque enquête publique, le ou les commissaires(s) enquêteur(s)
compétent(s). Le Président du tribunal administratif n’est pas libre de
désigner qui il veut, mais ce n’est pas l’administration qui choisit.

Ces experts sont des professionnels de la construction, de l’urbanisme,


de l’environnement ; ce sont souvent des personnes ayant une certaine
expérience. Ces commissaires doivent présenter des garanties
d’indépendance et d’impartialité vis-à-vis de l’administration et du
projet lui-même. Ils ne doivent pas faire partie de l’administration
expropriante et ne doivent pas participer ou avoir participé au contrôle
de cette administration (magistrat de la Chambre régionale des
comptes). Ils ne doivent pas avoir d’intérêt ou de préjudice à
l’expropriation poursuivie. Ils sont rémunérés.
Une fois le commissaire enquêteur désigné, le public peut
prendre connaissance du dossier d’enquête publique et formuler toutes
observations, lesquelles seront consignées dans un registre tenu par le
commissaire. Il peut, s’il le souhaite, écouter en audition certaines des
personnes ayant formulé des observations et organiser une ou plusieurs
réunions publiques pour que le public puisse débattre du projet avec
l’administration.

Une fois le délai d’enquête clos (quinze ou trente jours


minimum), le registre sera clôturé par le commissaire qui devra rédiger
un rapport assorti de conclusions motivées dans lesquelles il émet un
avis favorable ou défavorable à l’expropriation. Le commissaire n’a pas
l’obligation de répondre à chacune des observations formulées dans le
registre par le public.

2. Le cas particulier des grands projets nationaux


d’infrastructures : la Commission nationale du
débat public (CNDP)

La Commission nationale du débat public a été instituée par la loi


Barnier du 2 février 1995. Elle est compétente uniquement pour les
grands projets d’envergure nationale. Elle doit instaurer une discussion
le plus en amont des grands projets.

Elle n’a aucun pouvoir de décision et son influence reste donc assez
limitée, mais depuis sa création, elle a examiné une trentaine de projets
et dans quelques cas, son intervention a abouti :

soit à l’abandon de projets apparus inopportuns après discussion


publique,
soit à des modifications du projet pour tenir compte des propositions
des associations.

La loi Grenelle II va dans le sens de l’accroissement du rôle de cette


commission.

1. L’acte déclaratif d’utilité publique

La déclaration d’utilité publique est un acte juridique qui


constate, après enquête publique, l’intérêt général d’un projet et qui
conditionne donc sa poursuite matérielle.

C’est l’acte le plus important dans la procédure d’expropriation.

1. A) L’autorité compétente pour établir la déclaration


d’utilité publique

Conseils bibliographiques

RFDA 2004, p.243

Avant la loi de 2010, si le commissaire enquêteur avait émis un


avis défavorable, la déclaration d’utilité publique ne pouvait être adoptée
qu’après décret en Conseil d’Etat. Même quand il s’agissait d’un petit
projet, il fallait un avis favorable du commissaire. Pour des raisons de
gain de temps, cette garantie pour les administrés a été supprimée.
Selon l’importance du projet, la déclaration d’utilité publique est
prise par arrêté ministériel du Premier Ministre ou du Ministre, ou par
arrêté préfectoral du Préfet territorialement compétent.

L’avis du commissaire enquêteur est quand même utile car le Ministre ou


le Préfet suivront presque toujours son avis.

Depuis la loi de 2010, celui qui prend la déclaration d’utilité publique doit
tenir compte de l’avis du Ministre de l’environnement donné sur l’étude
d’impact du projet pour les projets ayant une incidence sur
l’environnement.

Il y a encore plusieurs cas où la déclaration d’utilité publique ne


peut être adoptée qu’après décret en Conseil d’Etat : ces projets sont
fixés par l’article R.11-2 du Code de l’expropriation.

Ex : pour la création d’autoroutes, d’aérodromes de catégorie A,


de centrales nucléaires et électriques, pour la création ou le
prolongement de lignes du réseau ferré national.

À partir du moment où le projet est rendu, que l’avis de la


commission d’enquête soit positif ou négatif, la déclaration d’utilité
publique devra être adoptée en Conseil d’Etat. Si tel est le cas, la
déclaration d’utilité publique peut faire l’objet d’un recours pour excès de
pouvoir devant le Conseil d’Etat. C’est problématique car le même acte
juridique va être déféré deux fois devant le Conseil d’Etat, d’abord pour
rendre un avis en Conseil d’Etat devant les sections administratives, puis
par le biais d’un recours pour excès de pouvoir devant les sections
contentieuses.

La dualité fonctionnelle (conseiller du Gouvernement et juge


administratif) du Conseil d’Etat pose problème au niveau de l’impartialité
car le Conseil d’Etat va devoir se prononcer deux fois sur le même acte
de déclaration d’utilité publique.

Se pose la question de savoir si cela est contraire au droit à un procès


équitable de l’article 16 de la DDHC. Si le Conseil d’Etat admet la
déclaration d’utilité publique par décret en Conseil d’Etat, les justiciables
pensent qu’il ne voudra pas annuler l’acte quand il sera saisi d’un
recours pour excès de pouvoir à son propos.

Cette question de cumul de fonctions du Conseil d’Etat avait déjà


été posée de nombreuses fois devant le Conseil d’Etat et devant la
CEDH sur le fondement de l’article 6§1 de la CESDH qui garantit le droit
à un procès équitable. La juridiction avait considéré que ce cumul de
fonctions pouvait être problématique et suite à ces arrêts, un décret du 6
mars 2008 est intervenu pour réformer le Conseil d’Etat : il fait en sorte
qu’un conseiller d’Etat qui a connu le projet en formation administrative
ne puisse ensuite en connaître en formation contentieuse, selon la règle
du déport.

Cette question de cumul de fonctions du Conseil d’Etat pour le cas des


déclarations d’utilité publique en matière d’expropriation est ressortie
dans le cadre de la QPC : les justiciables ne soulèvent plus l’article 6§1
de la CESDH mais l’article 16 de la DDHC. Dans l’arrêt de section du 16
avril 2010 Alcaly, le Conseil d’Etat a été saisi d’une QPC dans laquelle
les requérants invoquaient l’inconstitutionnalité, au regard de l’article 16
de la DDHC, des dispositions législatives du Code de l’expropriation et
du Code de justice administrative, qui permettent au Conseil d’Etat d’être
tour-à-tour auteur du décret en Conseil d’Etat et juge de ce même
décret.

Pour le Conseil d’Etat, il n’y a pas inconstitutionnalité de la loi car la


dualité fonctionnelle du Conseil d’Etat trouve son fondement dans la
Constitution, et depuis le décret de 2008, ce ne sont plus les mêmes
juges au sein du Conseil d’Etat qui connaissent tour-à-tour du même
texte sous ces deux différents aspects.
Le Conseil constitutionnel avait déjà tranché en ce sens, ce qui
signifie que le Conseil d’Etat n’avait pas à renvoyer cette QPC au
juge constitutionnel puisque la question n’était pas nouvelle.

1. B) L’effet de la déclaration d’utilité publique

C’est l’acte juridique qui rend possible la poursuite de l’opération


d’expropriation :

si elle n’est pas adoptée, le projet s’arrête là ;


en revanche, si elle est adoptée, elle ne rend pas obligatoire la
poursuite du projet, l’administration expropriante peut décider de
renoncer au projet.

Si l’administration, une fois la déclaration d’utilité publique


adoptée, reste inerte, ne fait rien, cela pose problème. En effet, les
propriétaires privés savent que leurs terrains sont dans le périmètre
d’une déclaration d’utilité publique, qu’ils peuvent être expropriés ; cela
dit, il faut attendre que l’administration exproprie et verse l’indemnité
d’expropriation pour pouvoir acheteur un autre terrain : ils ont donc tout
intérêt à ce que cela se passe vite, alors que l’administration mettait dix
à quinze ans pour faire aboutir une expropriation. Il faut donc trouver un
juste milieu entre les intérêts en cause.

La déclaration d’utilité publique doit fixer un délai de réalisation


de l’expropriation, et plus précisément, ce délai ne doit pas dépasser
cinq ans, et même dix ans pour certains projets d’urbanisme (pour les
réserves foncières).

Si ce délai est dépassé, la déclaration d’utilité publique est en principe


caduque, mais l’administration a la possibilité de proroger sans
aucune formalité l’acte une fois et pour cinq ans, à la condition qu’il n’y
ait pas de changement de circonstances de droit ou de fait. Il faut juste
que ce soit la même autorité que celle qui a prise la déclaration d’utilité
publique qui proroge le délai. S’il y a eu changement de circonstances
de droit ou de fait (modification de la règlementation en matière
d’expropriation, si le projet n’est plus nécessaire), l’administration ne
peut pas proroger la déclaration d’utilité publique et si elle veut en
adopter une nouvelle, elle devra reprendre la procédure depuis le début.

Le délai de validité de la déclaration d’utilité publique est


suspendu pendant le temps du recours contentieux formé à son
encontre selon un arrêt du Conseil d’Etat du 14 octobre 2009. L’action
contentieuse, si elle est formée par l’exproprié, est donc à double
tranchant.

Conseils bibliographiques

RFDA 2009, p. 1289

1. C) Le contentieux de la déclaration d’utilité


publique

La déclaration d’utilité publique peut faire l’objet d’un recours


pour excès de pouvoir devant le juge de l’excès de pouvoir.
Si c’est une déclaration d’utilité publique prise par arrêté préfectoral,
elle relève de la compétence du tribunal administratif
territorialement compétent.
Si c’est une déclaration d’utilité publique prise par décret en Conseil
d’Etat, elle relève de la compétence du Conseil d’Etat.

L’objet du contrôle exercé par le juge saisi pour une contestation


de déclaration d’utilité publique concerne le vice de forme, le vice de
procédure, l’inexactitude matérielle des faits, l’erreur de droit et le
détournement de pouvoir.

La qualification juridique des faits en matière de déclaration


d’utilité publique consiste en la déclaration de l’utilité publique du projet.
C’est sur ce point que l’intensité du contrôle du juge peut varier, selon la
compétence dont l’administration dispose pour prendre la déclaration
d’utilité publique :

si l’administration a une compétence liée, la moindre erreur sera


censurée, c’est le contrôle normal ;
si elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire (le plus souvent,
l’administration à une marge d’appréciation), le juge contrôlera la
qualification des faits en cas de grosse erreur, d’erreur manifeste
d’appréciation, c’est le contrôle restreint.
En matière de déclaration d’utilité publique, l’administration a un
pouvoir discrétionnaire car elle dispose d’une marge d’appréciation
pour apprécier ce qui est d’utilité publique et ce qui ne l’est pas.
Parfois, le juge passe à un contrôle approfondi, à un contrôle de
proportionnalité, à un contrôle maximum. Ce contrôle porte sur un
pouvoir discrétionnaire, mais en raison des droits et libertés
individuelles en jeu, le juge va au delà du contrôle restreint et exerce
un contrôle de proportionnalité.

Ex : c’est le cas en matière de police étrangère, pour les


mesures de police administrative, pour le contrôle des installations
classées pour la protection de l’environnement, pour le contrôle de
l’utilité publique en matière d’expropriation.

Le juge vérifie tous les moyens de légalité interne et externe


comme pour tous les autres types d’actes. Néanmoins, pour
l’appréciation de l’utilité publique de la déclaration d’utilité publique, le
juge a opéré un basculement complet de sa jurisprudence.

Avant 1971, quand le juge contrôlait l’utilité publique d’un projet, il


procédait à un contrôle abstrait de cette utilité, c’est-à-dire qu’il se
contentait de vérifier si, en soi, le projet était d’utilité publique, mais il ne
vérifiait jamais si le projet était en l’espèce justifié. Le juge considérait
qu’il ne lui appartenait pas de vérifier l’opportunité des projets qui lui
étaient soumis.

Ex : une commune veut réaliser un ensemble scolaire et doit


exproprier pour cela ; une déclaration d’utilité publique est adoptée et
déférée au juge administratif qui doit apprécier l’utilité publique du projet
; le juge se demande si la réalisation d’un ensemble scolaire est en soi
d’utilité publique (par opposition à l’intérêt privé) ; dans l’affirmative, il
valide.

Le problème, c’est que si la commune était déjà en sur-effectif en


matière d’ensembles scolaires, le juge validait tout de même : le juge ne
sanctionnait donc presque jamais les déclarations d’utilité publique pour
manque d’utilité publique.

Dans l’arrêt d’assemblé du 28 mai 1971 Ville Nouvelle Est, le


Conseil d’Etat retient qu’une opération ne peut légalement être déclarée
d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût
financier et les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas
excessifs eu égard de l’intérêt qu’elle présente.
À partir de 1971, il passe d’un contrôle abstrait à un contrôle concret
de l’utilité, de l’opportunité du projet. Ce revirement de jurisprudence a
véritablement été révolutionnaire en droit administratif car certains ont pu
y voir une acceptation, à défaut d’une volonté, de contrôler l’opportunité
du projet, alors qu’il est normalement juge de la légalité. L’opportunité
du projet devient donc un élément de la légalité.

À partir de cet arrêt, le juge fait une balance des intérêts, un bilan coût-
avantage des intérêts en cause. Il réalise un contrôle concret des
projets qui lui sont soumis. Pour apprécier l’utilité publique du projet, il
oppose les avantages du projet et ses inconvénients.

Le bilan de cette jurisprudence est assez nuancé :

avant 1971, on reprochait au juge administratif le peu d’annulation


de déclarations d’utilité publique fondée sur l’absence d’utilité
publique du projet ;
après 1971, en dépit de cette jurisprudence révolutionnaire, il n’y a
que très peu d’annulation encore fondée sur l’absence d’utilité
publique.

Quand on regarde les arrêts rendus par le Conseil d’Etat, il y a


une grande différence à faire selon qu’il est juge de projets locaux ou
juge de projets d’envergure nationale :

pour les quelques cas où il y a annulation de déclarations d’utilité


publique fondée sur l’absence d’utilité publique, il s’agit de projets
locaux,
tandis que, lorsqu’il s’agit de projets d’envergure nationale, le Conseil
d’Etat est systématiquement réticent à annuler la déclaration
d’utilité publique pour défaut d’utilité publique.

De 1971 à 2010, il n’y a eu que deux projets d’envergure nationale


annulés par le Conseil d’Etat pour défaut d’utilité publique :

arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat du 28 mars 1997 Association


contre le projet d’autoroute trans-chablaisienne ; le Conseil d’Etat
avait annulé une déclaration d’utilité publique qui portait sur la
réalisation d’un tronçon d’autoroute (une extension) en pratiquant le
bilan coût-avantage du projet ; l’avantage était réduit et le coût
phénoménal, le juge a donc déclaré que le bilan était négatif ;
arrêt du Conseil d’Etat du 10 juillet 2006 Association inter-
départementale pour la protection du lac de Sainte-Croix ; le Conseil
d’Etat avait annulé un projet de ligne haute-tension dans les gorges
du Verdon, l’inconvénient étant d’ordre environnemental : le Conseil
d’Etat a considéré qu’il y avait de trop graves atteintes portées à une
zone d’intérêt exceptionnel (comparer à contrario avec l’arrêt du 27
mars 2009 Association La vie ne tient qu’à un fil où il s’agissait là
encore d’un projet de ligne haute-tension, mais cette fois-ci, le
Conseil d’Etat a retenu l’utilité publique et n’a pas annulé la
déclaration d’utilité publique).

Au delà du contentieux proprement dit, cet arrêt a apporté un


effet préventif vis-à-vis de l’administration : il faut admettre qu’avant cet
arrêt, l’administration était dans une situation de quasi-impunité vis-à-
vis de ses administrés. Elle savait que le contrôle du juge n’était pas très
poussé ; cette décision a astreint l’administration à une discipline qu’elle
n’avait pas jusque là.

Les juridictions administratives sont soumises à une obligation


de délai raisonnable de jugement en application des articles 6 et 13 de
la CESDH, et celle-ci s’applique naturellement au contentieux de la
déclaration d’utilité publique, de sorte que, lorsqu’un requérant se plaint
valablement de la longueur du délai de jugement d’une déclaration
d’utilité publique, la responsabilité de l’Etat sera engagée et le requérant
pourra être indemnisé. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 14 avril 2010 M.
Durand.

1.D) L’effet de l’annulation de la déclaration d’utilité


publique

Le fait que la déclaration d’utilité publique soit annulée rend


impossible la poursuite de la procédure d’expropriation : l’administration
doit arrêter immédiatement le déroulement de la procédure.

En revanche, la question qui se pose est de savoir quel est l’effet


de l’annulation de la déclaration d’utilité publique sur les actes ultérieurs
de la procédure d’expropriation, et notamment sur l’ordonnance
d’expropriation du juge judiciaire.

ici
ou ici

←—Annulation de la DUP
—→

REP contre ——————————————→

la déclaration d’utilité publique délai du REP

enquête adoption arrêté de ordonnance d’expropriation


publique de la DUP cessibilité du juge judiciaire

—————|———————|——————|—————————————

PHASE ADMINISTRATIVE PHASE JUDICIAIRE

L’ordonnance d’expropriation est l’acte juridique du juge


judiciaire qui opère le transfert de propriété entre le propriétaire
particulier et l’administration.

Que faire si le juge judiciaire a déjà rendu son ordonnance


d’expropriation au moment où la déclaration d’utilité publique a été
annulée ?

Soit l’ordonnance d’expropriation du juge judiciaire est encore


susceptible de recours au moment où la déclaration d’utilité publique
est annulée : dans ce cas, il n’y a aucun problème, le requérant va
donc faire un recours contre l’ordonnance d’expropriation devant la
Cour de cassation en invoquant le défaut de base légale de cette
dernière, et la Cour fera droit à la demande et annulera l’ordonnance
d’expropriation. C’est extrêmement rare parce que le délai de
recours contre une ordonnance d’expropriation est extrêmement
court, quinze jours seulement.
Soit l’ordonnance d’expropriation du juge judiciaire n’est plus
susceptible de recours au moment où la déclaration d’utilité publique
est annulée : dans ce cas, elle est définitive, il y a donc un problème.

Jusqu’en 2005, le juge considérait que le transfert de propriété


ne pouvait plus être remis en question. Le juge judiciaire compensait
cette illégalité en imposant à l’administration une indemnisation aux
requérants. C’était contraire à l’article 1er du premier protocole
additionnel de la CESDH. Le législateur et le pouvoir règlementaire sont
donc intervenus :

l’article 4 de la loi du 2 février 1995 modifie le Code de l’expropriation


et précise désormais qu’en cas d’annulation d’une déclaration
d’utilité publique par le juge administratif, tout exproprié peut faire
constater par le juge de l’expropriation que l’ordonnance portant
transfert de propriété est dépourvue de base légale. Puisque le
transfert de propriété a été opéré, il est tout à fait probable que
l’administration ait pris possession du bien, qu’elle ait entrepris des
travaux, et ce en dépit de son défaut de base légale ;
le pouvoir règlementaire est intervenu pour essayer de tirer les
conséquences pratiques de cette loi de 1995 : c’est le décret du 13
mai 2005 codifié aux articles R.12-5 et suivants du Code de
l’expropriation. Une fois que l’administré a fait constater par le juge
judiciaire ce défaut de base légale, quelles sont les conséquences
pratiques ?

■ Si la restitution pure et simple du bien est possible, celle-ci doit


obligatoirement être effectuée.

■ Dans le cas où elle n’est pas possible, le décret essaye


d’envisager toutes les options :

✓ la destruction des travaux entrepris aux frais de


l’administration et la remise en état du bien ;

✓ la restitution partielle du bien ;

✓ l’indemnisation du requérant, qui va couvrir la valeur du


bien dont il est dépossédé, ainsi que des dommages et
intérêts en réponse au préjudice subi.

Très souvent, cette procédure d’indemnisation se fait dans un délai


extrêmement long en raison de l’intervention des deux ordres de
juridiction. La contestation est d’abord portée devant le juge
administratif : si le requérant obtient satisfaction, il devra saisir le juge
judiciaire pour que celui-ci constate que l’ordonnance est illégale, puis
évalue l’indemnité : ces deux actions contentieuses engagées l’une
après l’autre sont susceptibles d’appel et de cassation.

C’est ce qu’illustre un arrêt de la CEDH en date du 21 février 1997


Guillemin c./France où la requérante en question avait suivi la procédure
et obtenu une indemnisation, mais cela a duré quatorze ans ! La CEDH
considère donc qu’elle a droit à une autre indemnité en raison de la
violation du délai raisonnable de jugement.

III. L’arrêté de cessibilité

Une fois que la déclaration d’utilité publique a été adoptée, et


indépendamment des recours dont elle a pu faire l’objet, l’autorité
administrative va devoir organiser une enquête parcellaire, le but étant
de déterminer précisément les biens à exproprier, et plus exactement de
délimiter l’étendue exacte de la parcelle à exproprier (superficie), et
aussi, dans certains cas, de rechercher les propriétaires voire les
titulaires de droits réels sur la propriété.

Cette enquête se déroule de façon contradictoire entre chacun des


propriétaires et l’administration.

Une fois l’enquête parcellaire réalisée, le Préfet va adopter un


arrêté de cessibilité : c’est simplement l’acte administratif qui identifie
et délimite les immeubles à exproprier, il n’opère absolument pas un
transfert de propriété.

Cet arrêté ne peut en aucun cas viser comme cessibles des biens qui ne
sont pas expressément visés par la déclaration d’utilité publique.

Cet arrêté de cessibilité, contrairement à la déclaration d’utilité


publique, doit être notifié individuellement à l’administré, date qui fait
courir le délai contentieux. Si l’administration omettait de notifier
individuellement à l’un des administrés l’arrêté de cessibilité, celui-ci
pourrait le contester sans aucune restriction de délai.

L’administré dispose d’un délai de deux mois pour former un


recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté de cessibilité, et c’est là
que la jurisprudence du Conseil d’Etat est très favorable à l’administré
car, lorsque celui-ci va former son recours contre l’arrêté, il a le droit
d’invoquer l’exception d’illégalité de la déclaration d’utilité publique.

Cette exception d’illégalité repose sur le fait que la base légale sur le
fondement de laquelle a été pris l’acte contesté va permettre à
l’administré de soulever son illégalité devant le juge. Si le juge donne
raison à l’administré, il ne peut quand même pas annuler la déclaration
d’utilité publique puisque le recours était formé contre l’arrêté de
cessibilité, lequel se basait sur la déclaration d’utilité publique jugée
illégale par l’administré ; le juge va écarter au cas d’espèce l’application
de la déclaration d’utilité publique pour en tirer la conséquence que
l’arrêté de cessibilité est dépourvu de base légale et donc, annuler cet
arrêté.

La déclaration d’utilité publique peut donc être discutée par un recours


pour excès de pouvoir, recours directement formé contre elle, dans les
deux mois qui suivent son adoption, soit bien plus longtemps après,
lors du recours pour excès de pouvoir exercé contre l’arrêté de
cessibilité.
Le recours pour excès de pouvoir avec exception d’illégalité
contre la déclaration d’utilité publique a été consacré dans un arrêt du
Conseil d’Etat du 29 juin 1951 Lavandier.

Une question a été posée devant la Cour administrative d’appel de


Bordeaux : l’absence de notification individuelle de la déclaration d’utilité
publique à l’administré ne viole-t-elle pas le droit à un recours effectif
protégé aux articles 6 et 13 de la CESDH ? Elle a considéré dans un
arrêt du 17 décembre 2008 Péré-Laperne qu’il n’y avait pas violation de
la CESDH car de toute façon, l’administré pourra soulever l’exception
d’illégalité de la déclaration d’utilité publique lorsqu’il attaquera l’arrêté
de cessibilité.

Conseils bibliographiques

note sur l’arrêt du 17 décembre 2008 AJDA 2009, p.255

Leçon n°8 : l’expropriation pour cause d’utilité


publique : la phase judiciaire

C’est nécessairement l’autorité judiciaire qui prend le relai une


fois les trois phases administratives réalisées car il est le gardien naturel
et exclusif de la propriété privée ; par conséquent, il n’y a que lui qui
puisse opérer le transfert de propriété et allouer l’indemnité. Cette
compétence exclusive a été rappelée par le Conseil constitutionnel dans
sa décision du 25 juillet 1989.

Première section : le juge de l’expropriation


En la matière, c’est l’ordonnance du 23 octobre 1958 qui a
complètement modifié l’ordre de juridiction sur ce point : elle créé un
juge spécial compétent en matière d’expropriation pour l’ensemble des
décisions postérieures à la phase administrative. Ce juge spécialisé
existe dans chaque département, il s’agit plus exactement :

d’un juge unique en première instance désigné parmi les magistrats


du TGI ;
au sein des Cours d’appel, il s’agit d’une chambre spécialisée, c’est la
chambre de l’expropriation ;
au sein de la Cour de cassation, c’est seulement la troisième
chambre civile qui est compétente en la matière.

À ses côtés, la loi du 26 juillet 1962 a institué un Commissaire


du Gouvernement : c’est le directeur départemental du domaine, c’est
une autorité administrative. Son rôle est d’éclairer le juge de
l’expropriation sur les questions d’évaluation des biens ; il est supposé
être totalement indépendant.

Le problème, c’est qu’il est également représentant de l’Etat, partie au


litige, de sorte qu’il intervient aux côtés du représentant de l’expropriant.
La question s’est donc posée de savoir si la présence de ce
Commissaire du Gouvernement aux côtés du juge de l’expropriation était
contraire ou non au droit à un procès équitable protégé par l’article 6§1
de la CESDH.

Le Conseil d’Etat et la Cour de cassation avaient été saisis l’un et l’autre


de cette question, et les deux avaient considéré qu’il n’y avait pas
violation de l’article 6§1 parce que les parties peuvent répondre aux
conclusions du Commissaire du Gouvernement. La CEDH n’a pas eu
cette interprétation dans un arrêt du 24 avril 2003 Yvon c./ France, où
elle considère que la présence du Commissaire du Gouvernement créé
un déséquilibre au détriment de l’exproprié.
La Cour de cassation a immédiatement tiré les conséquences de cet
arrêt dans les procédures dans lesquelles elle a considéré que
l’intervention du Commissaire du Gouvernement avait été faite de telle
sorte qu’elle violait l’article 6§1 ; par la suite, le décret du 13 mai 2005
est intervenu pour renforcer le principe du contradictoire et,
notamment, le Commissaire du Gouvernement a maintenant l’obligation
de notifier ses conclusions au moins huit jours avant l’audience, et il est
obligé de motiver le rejet des chefs d’indemnisation.

Cela n’est pas satisfaisant au regard de l’arrêt car celui-ci est venu dire
que par principe, le fait qu’il y ait ce Commissaire du Gouvernement aux
côtés du juge de l’expropriation était une violation de l’article 6§1 de la
CESDH. Il y a donc toujours incompatibilité avec l’article 6§1 de la
CESDH.

Conseils bibliographiques

Hostiou, L’arrêt Yvon c./France : ni lu, ni compris, AJDA 2004, p.1441

Deuxième section : l’ordonnance d’expropriation


Le juge de l’expropriation va devoir adopter l’ordonnance d’expropriation dont l’effet
est de provoquer le transfert de propriété.

Le Préfet va saisir le juge de l’expropriation une fois l’arrêté de cessibilité


adopté, ce qui ouvre deux possibilités :

un accord amiable intervient entre les parties ; dans ce cas là, le juge de
l’expropriation n’aura pas à intervenir ;
dans le cas contraire, le juge de l’expropriation a un délai de huit jours pour
adopter l’ordonnance d’expropriation ; le juge judiciaire va devoir simplement
vérifier que l’ensemble des étapes de la phase administrative ont été réalisées,
mais il ne peut en aucun cas apprécier leur régularité ou leur opportunité.
Dans le cas où un recours a été introduit devant le juge administratif contre la
déclaration d’utilité publique au moment où le juge judiciaire est saisi, ce dernier
devra surseoir à statuer.

L’effet de l’ordonnance d’expropriation est de provoquer le transfert de


propriété à l’expropriant, et il débute au jour de l’ordonnance et non pas de sa
notification. Ce transfert de propriété est un transfert juridique qui n’est pas assimilable
à un envoi en possession (à une prise de possession) au profit de la personne
publique. L’administration n’est pas matériellement en possession du bien car elle n’a
pas encore versé l’indemnité.

Cette ordonnance peut faire l’objet d’un recours en cassation dans un délai de quinze
jours.

Troisième section : l’indemnité

C’est également le juge judiciaire qui est compétent pour évaluer l’indemnité à
laquelle a droit l’administré. Cette compétence se limite à l’indemnité liée au transfert
de propriété ; en revanche, si le requérant soulevait également un préjudice lié au
déroulement même de la procédure d’expropriation, ce contentieux de la
responsabilité relève du juge administratif.

Il peut se faire assister par un notaire pour procéder à une juste évaluation de
l’indemnité.

Généralement, l’expropriant va faire connaître à l’exproprié le montant de son


offre ; si les parties ne tombent pas d’accord, l’une d’entre elles saisit le juge de
l’expropriation, et celui-ci dispose d’un délai de huit jours pour fixer le montant de
l’indemnité.

Ce jugement est susceptible d’appel et de cassation.

Le Code de l’expropriation précise que le montant de l’indemnité doit couvrir


l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriant ; la date
d’évaluation du bien est celle de la date du jugement.

Le Conseil d’Etat a récemment jugé que le Préfet était compétent pour mandater
d’office le paiement de l’indemnité due par la personne publique à l’exproprié : c’est
l’arrêt du 5 juillet 2010 Angerville.

Quatrième section : les cas particuliers

1. La réquisition d’emprise totale

Elle va intervenir dans une hypothèse particulière : l’exproprié n’est pas


totalement exproprié de son bien, il n’est frappé que d’une expropriation partielle.

Imaginons le cas où l’exproprié considère que la partie restante du bien devient


inutilisable du fait de l’expropriation partielle : il va exiger de l’administration qu’elle
l’exproprie totalement, c’est la réquisition d’emprise totale.

Cette demande doit intervenir dans un délai de quinze jours suivant la notification
faite par l’expropriant du montant de l’indemnité proposée, et ce sous le contrôle du
juge judiciaire.

Le Code de l’expropriation précise que cette demande peut intervenir dans trois cas :

en cas d’expropriation partielle d’un immeuble bâti si la partie restante devient


inutilisable dans des conditions normales ;
en cas d’expropriation partielle d’un terrain nu si la partie restante est inférieure au
quart de la superficie totale initiale ;
en cas d’expropriation partielle d’une exploitation agricole si elle compromet
gravement l’utilité économique de celle-ci.

1. La rétrocession du bien

La rétrocession du bien est une demande qui va être faite par l’exproprié au
juge judiciaire lorsque l’affectation prévue par la déclaration d’utilité publique n’a pas
été réalisée dans le délai de cinq ans.
Il dispose d’un délai de trente ans pour faire cette demande auprès du juge judiciaire.
Celui-ci est-il compétent pour interpréter la déclaration d’utilité publique ? Le Tribunal
des conflits, dans sa décision du 23 février 2004 Auribeau-sur-Siagnes, retient que le
juge judiciaire a une compétence exclusive sur la demande de rétrocession, à
l’exception des questions préjudicielles portant sur l’interprétation ou la validité des
décisions administratives relatives à l’affectation du bien.

Si le juge judiciaire est saisi d’une demande, mais que pour apprécier si le bien
exproprié a bien fait l’objet de l’affectation prévue, une question portant sur
l’interprétation de la déclaration d’utilité publique se pose, le juge judiciaire devra
surseoir à statuer et renvoyer la question préjudicielle au juge administratif.

C’est normal au regard du principe de dualité juridictionnelle, mais très discutable


au regard du principe constitutionnel de la protection de la propriété privée.

Le prix de la rétrocession va comprendre à la fois la restitution du montant de


l’indemnité d’expropriation, mais cela comprend également la plus-value liée à la
valeur du bien au moment de la demande de rétrocession.

Le premier obstacle à la demande de rétrocession est l‘hypothèse où la


personne publique va proroger la déclaration d’utilité publique ou en adopter une
nouvelle.

Le second obstacle à la demande de rétrocession est l’hypothèse des


réserves foncières : le juge a toujours considéré que la déclaration d’utilité publique
avait été adoptée en vue de constituer une réserve foncière ; c’est l’arrêt de la
troisième chambre civile de la Cour de cassation du 30 septembre 1998 Consorts
Motais de Narbonne.

La CEDH n’adopte pas du tout le même raisonnement : selon elle, le fait que
l’affectation prévue dans la déclaration d’utilité publique n’ait pas été réalisée pendant
un délai long, même si c’est pour une réserve foncière, est constitutif d’une violation
du droit au respect de ses biens ; c’est l’arrêt du 2 juillet 2002 Consorts Motais de
Narbonne.

La CEDH considère que c’est à propos de l’impossibilité de réaliser une plus-


value qu’il y a violation du droit au respect de ses biens, pas parce que le propriétaire
a été exproprié, mais parce qu’il a un manque important sur la plus-value liée à
l’indemnisation pour expropriation.
La Cour de cassation a réceptionné cette jurisprudence dans deux décisions de la
troisième chambre civile des 19 novembre 2008 Payet et 28 janvier 2009 Laurent :
en cas de demande de rétrocession d’un bien exproprié pour une réserve foncière, si
le délai de réalisation de l’opération est exagérément long, le propriétaire pourra
obtenir soit une indemnité réparant le préjudice lié au manque sur la plus-value, soit
la rétrocession de son bien.

Leçon n°9 : les notions de travaux publics et d’ouvrages


publics

C’est un des pans du droit administratif les plus anciens. Le droit administratif
s’est construit par strates, par domaines successifs : le premier pan a avoir été
élaboré est celui des travaux publics.

Dès l’Ancien régime, les rois et l’Etat se sont lancés dans de grandes opérations de
construction et de travaux publics, lesquelles généraient des litiges avec les
entrepreneurs, avec les usagers, etc …. Aujourd’hui, on s‘aperçoit que la plupart des
grandes règles du droit administratif ont leur origine dans ce pan du droit administratif.

La qualification de travail public ou d’ouvrage public est décisive car seuls les
travaux publics et ouvrages publics sont soumis aux règles du droit public et à la
compétence du juge administratif ; inversement, les travaux privés entrepris par les
personnes publiques sont soumis aux règles du droit privé et relèvent du juge
judiciaire.

Première section : la notion de travail public

Pour définir la notion de travail public, le critère organique est un élément


important mais insuffisant puisque les personnes publiques peuvent entreprendre
indifféremment des travaux publics ou des travaux privés, et inversement, des
personnes privées peuvent parfaitement réaliser une opération de travail public.

1. Un travail immobilier
La notion de travail public vise nécessairement la réalisation d’un travail
immobilier. Il peut s’agir d’un travail de construction, de démolition, mais également
une opération de moindre ampleur, telle qu’une opération d’entretien ou de
réhabilitation.

La notion de travail immobilier renvoie, par opposition au travail mobilier, à


l’existence d’une emprise sur le sol.

Ex : dans des litiges où il est question de la nature juridique de gradins ou


tribunes démontables installés par une personne publique sur une place de la
commune ou dans un stade, si un accident survient, qui est responsable ? Pour cela, il
faut savoir s’il y a ou non travail public. Le fait que ces gradins ou tribunes soient
démontables, même s’ils sont de grande ampleur, fait qu’ils constituent des travaux
mobiliers et non pas immobiliers puisqu’il n’y a pas d’emprise au sol.

L’arrêt du 11 mai 1959 Dauphin faisait état de la pose d’une chaîne à l’entrée
d’une allée, laquelle constituait un travail immobilier car il y avait emprise au sol de la
chaîne par les deux poteaux.

Il y a souvent également une confusion qui est faite entre travail public et
domaine public, mais un travail public n’a pas nécessairement lieu sur le domaine
public, et inversement, tout travail réalisé sur le domaine public n’est pas
nécessairement un travail public.

Ex : des travaux publics peuvent être entrepris sur le domaine privé d’une
personne publique : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 8 avril 1949 Contamine à propos
de travaux entrepris dans une forêt.

Des travaux publics peuvent être menés sur des propriétés privées,
notamment s’ils poursuivent un but d’utilité publique.

Tout travail effectué sur le domaine public n’est pas toujours un travail public,
et il peut donc y avoir des travaux privés sur le domaine public (travaux réalisés par un
permissionnaire de voirie sur le domaine public : ils poursuivent un intérêt privé, et il
ne s’agit donc pas de travaux publics : c’est l’arrêt du Tribunal des conflits du 25
janvier 1982 Quintard).

1. La finalité et les destinataires du travail public


Le juge administratif a toujours été compétent à l’égard des travaux publics
mais n’en a donné la définition qu’ultérieurement, de façon complémentaire, selon les
réalités qu’elle reflète.

1. A) Un travail d’utilité générale exécuté pour le compte


d’une personne publique

Dans l’arrêt du 10 juin 1921 Commune de Monségur, le Conseil d’Etat a


retenu qu’un travail public était un travail exécuté pour le compte d’une personne
publique dans un but d’intérêt général.

La question, dans cet arrêt, était de définir la compétence juridictionnelle. La


compétence du juge administratif reposait sur l’absence de travaux publics pour
conforter l’implantation de l’objet litigieux : effectivement, ces travaux qui n’avaient pas
été réalisés auraient dû l’être, et ce dans un but d’intérêt général, la sécurisation d’un
bâtiment public, pour le compte d’une personne publique.

Cette définition correspond à l’hypothèse la plus évidente des travaux publics.


Quand le juge retient qu’il s’agit d’un travail fait pour le compte d’une personne
publique, il faut en réalité distinguer deux hypothèses :

la personne publique elle-même a fait les travaux ;


les travaux sont faits par une personne privée pour le compte d’une personne
publique destinataire de l’ouvrage.

Ex : dans un marché de travaux publics, la personne publique va demander à


une entreprise privée de réaliser des travaux ; cette définition vaut pour les
concessions de travaux publics, où une personne privée concessionnaire va réaliser
des travaux sur un ouvrage qu’elle gère pendant la durée de la concession, mais dont
l’Etat sera propriétaire à l’expiration du contrat.

Concrètement, ce qu’admet comme hypothèses cet arrêt, ce sont toutes les


hypothèses où la personne publique fait elle-même les travaux ou récupère
immédiatement les ouvrages sur lesquels ont été faits des travaux par une personne
privée.

Quid quand il s’agit d’un bail emphytéotique administratif avec travaux : ce n’est
pas la personne publique qui va gérer les travaux réalisés par la personne privée,
laquelle est détentrice du bail emphytéotique administratif. Ainsi, lorsque
l’appropriation du bien par la personne publique est incertaine ou trop lointaine, la
qualification de travaux publics est exclue.

C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 février 1994 SOFAP Marignan : il s’agissait d’un
bail emphytéotique détenu par la ville qui avait demandé à une entreprise d’opérer des
travaux publics au sein de la Mairie. Le Conseil d’Etat a retenu que la ville n’allait pas
assurer la maîtrise de l’ouvrage public pendant la durée des travaux, qu’elle ne
deviendrait propriétaire de l’ouvrage qu’à l’expiration d’un bail de longue durée, que
par conséquent, on ne pouvait pas considérer que les travaux étaient faits pour le
compte d’une personne publique, et enfin, qu’il ne s’agissait donc pas de travaux
publics. Voir dans le même sens l’arrêt du Tribunal des conflits du 14 décembre 2009
Société HLM de Paris c./ Société Dumez.

Conseils bibliographiques

note sur l’arrêt du TC, AJDA 2010, p.973

L’expression «but d’utilité générale» ne doit pas ici se confondre avec la notion
de service public : la notion d’utilité générale est plus large que celle de service public
: il y a dissociation entre travaux publics et service public. L’arrêt Commune de
Monségur en est une illustration car il retient qu’il y a eu des travaux publics,
impliquant la compétence du juge administratif ; ces mêmes travaux avaient un but
d’utilité générale mais ne renvoyaient à aucun service public.

C’est également le cas de l’arrêt du Tribunal des conflits du 5 juillet 1999 Commune
de Stetten : des travaux avaient été entrepris sur un arbre classé comme monument
naturel, en vue de sa conservation et pour le compte de la personne publique, mais en
l’absence de tout service public.

Exemples de travaux qui ne sont pas des travaux publics parce qu’ils ne
poursuivent pas un but d’utilité générale :

l’entretien de bâtiments publics dans le seul intérêt financier de la personne


publique ne poursuit pas un but d’utilité générale et n’est pas donc pas un travail
public ; c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 janvier 1954 Casino de Saint-Malo ;
des travaux entrepris par une commune sur des propriétés privées dans le seul
intérêt des propriétaires ne sont pas des travaux publics : c’est l’arrêt de la Cour
administrative d’appel de Versailles de 2006 Julliard.

Conseils bibliographiques

JCP A 2007

1.B) Un travail réalisé pour le compte d’une personne privée


dans l’accomplissement d’une mission de service public

La définition précédente a pendant très longtemps été largement suffisante, et


ce jusque dans les années cinquante. À ce moment là, dans un contexte très
particulier, s’est posée la question de savoir si certains travaux, faits au profit de
personnes privées, pouvaient être des travaux publics.

Après la seconde guerre mondiale, l’un des principaux enjeux de l’Etat durant cette
période était la reconstruction. Pour cela, avaient été créées diverses formes
juridiques, et notamment des établissements publics, chargées d’assurer ces
opérations de reconstruction. Il a été considéré que ces travaux de reconstruction
étaient des travaux publics.

Ces établissements publics étaient bel et bien des personnes publiques, mais les
travaux qu’ils entreprenaient n’étaient pas faits pour le compte d’une personne
publique mais pour les futurs propriétaires. Par qui avaient-ils été institués ? Par le
législateur, qui leur avait assigné une mission de service public, celle de la
reconstruction.

Les critères de la jurisprudence Commune de Monségur ne pouvaient être


employés car les travaux étaient faits pour des personnes privées.

Le juge a donc bâti une seconde définition dans la décision du Tribunal des conflits du
28 mars 1955 Effimieff : est également un travail public un travail fait par une
personne publique au profit d’une personne privée dans le cadre d’une mission de
service public. Cela suppose pour le juge d’identifier l’existence d’une mission de
service public, en appliquant les critères classiques d’identification d’une activité de
service public. Ces critères ont été définis dans l’arrêt Narcy de 1963 :

une activité d’intérêt général,


réalisée soit directement par une personne publique, soit par une personne privée
sous le contrôle d’une personne publique,
et qui amène à mettre en oeuvre des prérogatives de puissance publique.

La définition établie pourrait-elle jouer pour les mêmes travaux mais dans
l’hypothèse où ils seraient faits par une personne privée pour une autre personne
privée dans le cadre d’une mission de service public ? Non, c’est l’arrêt du Conseil
d’Etat du 18 mai 1960 Grenet à propos des opérations de reconstruction d’après
guerre menées par des sociétés privées.

Deuxième section : la notion d’ouvrage public

L’enjeu de la qualification d’ouvrage public est le même que celui des travaux
publics : seuls les ouvrages publics sont soumis au régime du droit public et relèvent
de la compétence du juge administratif. Cela dit, tous les ouvrages appartenant à une
personne publique ne sont pas des ouvrages publics.

Conseils bibliographiques

Melleray, AJDA 2005, p.1376


Conclusions et notes sur le bilan de la notion d’ouvrage public, RFDA 2010, p.551
et p.572

1. La définition de l’ouvrage public

1. A) L’absence de lien entre ouvrage public, travaux publics


et domaine public

1. L’absence de lien systématique entre ouvrage public et travaux publics

Il est vrai que la grande majorité des travaux publics aboutissent à la


construction d’ouvrages publics, mais il se peut que des travaux publics aboutissent à
la réalisation d’ouvrages privés : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 mars 1955
Effimieff, à propos de la construction de maisons d’habitation par la personne
publique.

Inversement, un ouvrage public peut résulter de travaux privés quand


l’ouvrage a été réalisé antérieurement à son affectation à l’utilité publique.

2. L’absence de lien systématique entre ouvrage public et domaine public

Un ouvrage public peut être implanté sur le domaine privé d’une personne
publique (dans les forêts par exemple).

La question d’un tel lien a pu se poser si un ouvrage public pouvait être


implanté sur une propriété privée, notamment pour les ouvrages appartenant à des
établissements publics industriels et commerciaux transformés en sociétés anonymes
(EDF, la Banque Postale, France Telecom). Ils sont devenus des personnes privées
qui n’ont ni domaine privé ni domaine public.

Dans l’avis du 11 juillet 2001, le Conseil d’Etat a écarté la qualification d’ouvrages


publics pour les ouvrages de France Telecom car il s’agit d’une société anonyme.
La loi du 20 avril 2005 a maintenu la qualification d’ouvrages publics pour les
ouvrages d’Aéroport de Paris (alors que cet EPIC s’est transformé en société
anonyme).
Dans un arrêt du 12 avril 2010 ERDF, le Tribunal des conflits a considéré que les
ouvrages d’EDF étaient toujours des ouvrages publics, bien qu’ils soient la
propriété d’une personne privée, en l’occurrence une société anonyme.
1. B) Les critères de l’ouvrage public

L’ouvrage public, comme le travail public, a nécessairement une nature


immobilière : c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 12 octobre 1973 Commune de Saint-
Brevin Les Pins, à propos d’un plongeoir flottant installé sur une plage et qui ne peut
avoir la qualité d’ouvrage public puisqu’il est meuble.

L’ouvrage public est nécessairement le résultat d’un travail réalisé par


l’homme. Les biens laissés à l’état naturel ne sont pas des ouvrages publics : c’est
l’arrêt du Conseil d’Etat du 14 janvier 2005 Soltes, à propos d’une falaise qui n’avait
fait l’objet d’aucun aménagement.

L’ouvrage public est, comme le travail public, affecté à une utilité publique
générale : le juge recherche si l’ouvrage est affecté ou non à une utilité publique.

1. Le principe d’intangibilité de l’ouvrage public

Conseils bibliographiques

RDP 2003, p.1633

1. A) Intangibilité de l’ouvrage public et expropriation


indirecte

Une personne publique veut édifier un ouvrage public (comme un


transformateur EDF) : si par ignorance, la personne publique implante l’ouvrage sur
une propriété privée sans l’accord du propriétaire, elle ne doit pas détruire l’ouvrage
litigieux en application du principe de l’intangibilité de l’ouvrage public : un
ouvrage public irrégulièrement édifié ne peut en aucun cas être détruit selon l’arrêt du
Conseil d’Etat du 7 juillet 1853 Robin de la Grimaudière. C’est l’adage «l’ouvrage
public mal planté ne se détruit pas».

Il existe trois justifications à l’intangibilité de l’ouvrage public :

comme l’ouvrage public est affecté à l’utilité publique, cette utilité prime sur la
propriété privée ;
dans un souci de protection des finances publiques, il serait trop coûteux de
détruire un ouvrage public pour le reconstruire ailleurs ;
le juge administratif ne voulait pas sortir de son rôle de juge et se substituer à
l’administration en lui adressant des injonctions de détruire.

Il y a une expropriation indirecte car le propriétaire privé est privé d’une


partie de sa propriété sans que la personne publique ne soit passée par la procédure
légale d’expropriation.

Ce principe est très critiquable car une erreur de l’administration lui bénéficie, la
personne publique ne doit réparer que le préjudice qu’elle cause par une
indemnisation.

De ce principe découlait deux conséquences :

toute demande portée devant le juge administratif tendant à la démolition ou au


déplacement d’un ouvrage public était irrecevable ; c’est l’arrêt du Tribunal des
conflits du 6 février 1956 Consorts Sauvy ;
le juge judiciaire se déclarait incompétent pour ordonner la démolition de l’ouvrage
public litigieux en dépit de l’existence d’une voie de fait ; c’est l’arrêt de la
première chambre civile de la Cour de cassation du 17 février 1993 Ville de
Pantin.

La seule issue pour le propriétaire privé était de demander une indemnité pour
dépossession définitive de son bien.
1. B) L’affaiblissement progressif du principe

Le Conseil d’Etat a opéré une première évolution de sa jurisprudence par


l’arrêt du 19 avril 1991 Epoux Denard : il a accepté pour la première fois d’effectuer
un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur le refus d’un Maire de démolir
un ouvrage irrégulièrement implanté.

Ensuite, la Cour de cassation a censuré la théorie de l’expropriation indirecte dans son


arrêt de l’Assemblée plénière du 6 janvier 1994 Baudon de Mony : elle a affirmé qu’un
transfert de propriété non demandé par le propriétaire ne pouvait intervenir qu’à la
suite d’une procédure régulière d’expropriation.

En conséquence, le juge doit ordonner la démolition d’un ouvrage public


irrégulièrement implanté : il faut donc admettre la tangibilité de l’ouvrage public.

Le Tribunal des conflits a ensuite infléchi sa jurisprudence en considérant que


dans l’hypothèse d’une demande dirigée contre un ouvrage public irrégulièrement
édifié, le juge judiciaire devait être le juge compétent s’il y avait voie de fait selon un
arrêt du 6 mai 2002 Binet. Cet arrêt renverse l’arrêt de la Cour de cassation Ville de
Pantin qui retenait l’incompétence totale du juge judiciaire.

Enfin, la concrétisation de la tangibilité de l’ouvrage public s’est faite par un


arrêt du Conseil d’Etat du 29 janvier 2003 Syndicat départemental de l’électricité et du
gaz des Alpes maritimes : quand le juge administratif est saisi d’une demande de
démolition d’un ouvrage public, il doit dans un premier temps regarder si une
régularisation est possible. Si elle ne l’est pas, le juge doit se livrer à un bilan coût-
avantage pour apprécier les inconvénients liés à la présence de l’ouvrage et ceux liés
à sa démolition.

Au regard de ce bilan, le juge doit apprécier s’il est nécessaire ou pas d’ordonner la
démolition de l’ouvrage. Le juge se reconnait donc compétent pour statuer sur la
démolition.

Le Conseil d’Etat a appliqué cette jurisprudence en ordonnant la destruction d’une


ligne électrique aérienne dans l’arrêt du 9 juin 2004 Commune de Peille.
Un juge a ordonné le déplacement d’une canalisation empiétant sur une propriété
privée dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes du 29
septembre 2009 Commune de Sonzay.
Inversement, le bilan coût-avantage n’aboutit pas toujours à la démolition de
l’ouvrage : dans l’arrêt du 13 février 2009 Commune de Saint-Malo, le Conseil
d’Etat a refusé d’ordonner la démolition d’un ouvrage au regard des avantages
pour l’économie locale et la sécurité des personnes que présentait cet ouvrage.
Des dommages et intérêts sont en de tels cas alloués au propriétaire privé.
La Cour de cassation admet elle aussi de recevoir des actions en démolition
d’ouvrages publics lorsqu’il y a eu voie de fait : c’est l’arrêt du 30 avril 2003
Commune de Verdun.

Cette solution n’est pas compatible avec le droit européen : quand le juge
refuse d’ordonner la démolition de l’ouvrage, il y a toujours expropriation indirecte. La
CEDH, dans un des plusieurs arrêts du 13 octobre 2005, a condamné l’Italie pour
expropriation indirecte en retenant que celle-ci était contraire au droit au respect de
ses biens : «l’expropriation indirecte permet à l’administration de tirer bénéfice de son
comportement illégal».

Ainsi, si le juge n’ordonne pas la démolition, il y a toujours incompatibilité avec la


CESDH malgré les évolutions de la jurisprudence française du Conseil d’Etat et de la
Cour de cassation.

Leçon n°10 : les dommages de travaux publics

Les dommages de travaux publics sont les dommages subis au cours de


l’exécution ou de la non-exécution du travail public et ceux causés par la présence et
le fonctionnement d’un ouvrage public.

Il faut distinguer deux types de dommages de travaux publics :

les dommages permanents,


les dommages accidentels.

Première section : les dommages permanents de travaux


publics
Les dommages permanents de travaux publics sont des dommages qui
résultent soit de façon indéfinie et permanente, soit au moins de façon durable, du
fonctionnement d’un ouvrage public ou de l’exécution d’un travail public.

La question est de savoir, pour toutes les hypothèses de dommages de


travaux publics, quel type de responsabilité va être mis en jeu.

Rappel sur les types de responsabilité administrative rupture


d’égalité entre les
charges publiques

Fondement

Responsabilité sans faute risque que


fait courir l’admi-

-nistration à
un administré

Responsabilité Préjudice

de la anormal et spécial

puissance publique

(en principe : devant le


JA) faute simple

Existence d’une faute

Responsabilité pour
faute faute lourde

Existence d’un lien entre

le dommage et le
préjudice

Par principe, en cas de dommage permanent de travaux publics, le régime de


responsabilité sera un régime de responsabilité sans faute. Le problème est que la
difficulté pour la victime sera de démontrer l’existence d’un préjudice anormal et
spécial.
Le préjudice anormal signifie que le préjudice subi excède les inconvénients
normaux que subissent tous les administrés.
Le préjudice spécial signifie que l’administré est seul à supporter ce préjudice par
rapport à l’ensemble des administrés.

Ex : la simple modification d’un trajet ne créé pas de préjudice spécial à


l’encontre des usagers automobilistes ; les dégâts causés à des toitures par les chutes
de feuilles d’arbres d’une place publique ne constituent pas un préjudice anormal.

À l’inverse, le juge acceptera d’indemniser les troubles de jouissance apportés


à la propriété, notamment en cas d’atteinte au droit d’accès, à la condition qu’il y ait
véritablement privation d’accès ou gêne importante. C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du
18 juillet 1928 Commune de Corbières.

Pareillement, le juge acceptera en principe d’indemniser les troubles de


voisinage générés par un ouvrage public, notamment en raison des bruits, odeurs ou
humidité générés par l’ouvrage, à la condition que la gêne soit réellement importante.
C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 2 juin 1967 Veuve Damerval. En principe, l’obtention
d’une indemnisation est conditionnée par la propriété antérieure à l’implantation de
l’ouvrage : c’est la théorie de la pré-occupation.

À propos de la question particulière du préjudice commercial, c’est-à-dire de


l’hypothèse où la personne qui se plaint n’est pas qu’un habitant riverain de l’ouvrage
public mais un commerçant qui peut voir sa clientèle diminuer à cause d’un ouvrage
ou de travaux publics, la jurisprudence du Conseil d’Etat est assez nuancée.

Le Conseil d’Etat n’admettra pas l’indemnisation en raison d’un simple


changement d’itinéraire, que celui-ci soit définitif ou temporaire, et qui entraînerait
une simple baisse de la clientèle : c’est l’arrêt du 26 mai 1965 Tebaldini.
En revanche, si les travaux privent directement l’accès au magasin, dans ce cas,
il y aura indemnisation pour dommages de travaux publics : c’est l’arrêt du 8
février 1967Rivaux.
Le Conseil d’Etat va plus rarement admettre l’indemnisation d’un commerçant
pour les troubles générés de façon permanente par un ouvrage : c’est l’arrêt du
31 janvier 1968 SEM pour l’aménagement de la Bretagne où le Conseil d’Etat a
accepté d’indemniser un restaurateur en raison de l’implantation d’une zone
industrielle sur un plan d’eau sur lequel donnait directement son restaurant ; voir
aussi l’arrêt du 16 juin 2008 SA Le Gourmandin.

Deuxième section : les dommages accidentels de travaux


publics

Les dommages accidentels de travaux publics résultent d’un fait unique et


ponctuel lié à l’exécution d’un travail public.

C’est sur ce point qu’il faut distinguer en fonction de la victime : il y a trois régimes
différents.

1. Le régime de responsabilité

1. A) La responsabilité à l’égard des participants

Le dommage accidentel de travaux publics est causé à une personne qui


participe à la réalisation de ces travaux publics.

Là encore, il faut distinguer :

le principe est que la responsabilité à l’égard des participants est un régime de


responsabilité pour faute, c’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 21 juin 1991
Brusson ; il s’agissait d’un ouvrier sur un chantier de travaux publics qui a été
gravement blessé car son camion avait heurté une ligne haute-tension ; il
s’agissait bien d’un participant, et par conséquent, c’est la responsabilité pour
faute de l’Etat qui avait été engagée ;
en revanche, si le participant à la qualité de collaborateur bénévole, il s’agira dans
ce cas d’un régime de responsabilité sans faute ; il faut rattacher cette
hypothèse à celle des collaborateurs occasionnels au service public pour
lesquels existent un régime de responsabilité sans faute (petite commune qui fait
appel à l’aide de certains de ses habitants pour l’aider à réaliser certaines
infrastructures ou certains travaux). C’est l’arrêt du Conseil d’Etat du 26 juin 1968
CPSS du Calvados : un habitant qui avait aidé à l’installation d’un poteau sur la
voie publique destiné à l’éclairage public s’était gravement blessé ; le Conseil
d’Etat avait retenu qu’une indemnisation était due en dépit de toute faute de la
part de l’administration.
1. B) La responsabilité à l’égard des usagers

Si la victime est un usager, c’est une responsabilité pour faute qui sera
engagée, mais elle est de nature particulière : elle sera engagée pour «défaut
d’entretien normal de l’ouvrage». Cela signifie que la faute que va rechercher le juge
est ce défaut d’entretien normal de l’ouvrage. Pour ce domaine là seulement, il
s’agit d’une faute présumée, cela signifie que dès lors que la victime est un usager,
elle n’aura qu’à invoquer le défaut d’entretien normal de l’ouvrage, et c’est à
l’administration qu’il reviendra de renverser l’allégation, en prouvant qu’elle n’a
commis aucune faute dans l’entretien de l’ouvrage.

L’hypothèse la plus récurrente est tous les accidents liés à la voirie publique (arbres,
crevasses, chaussées déformées, mauvaise signalisation des travaux sur la route).

Il y a une exception s’agissant des usagers des ouvrages publics : lorsque


l’ouvrage est exceptionnellement dangereux, l’usager sera placé sous le régime
d’une responsabilité sans faute. C’est le cas notamment des routes qui présentent
un grand degré de dangerosité en raison à la fois des risques d’éboulements qu’elles
présentent, et de leur absence de protection sur les ravins à flanc desquels elles sont
implantées.

En pratique, il y a très peu de routes en France susceptibles de recevoir une telle


qualification : il y a tout de même la décision d’assemblée du 6 juillet 1973 Dalleau à
propos d’une route à la Réunion. Il faut rapprocher cette hypothèse de la théorie des
choses dangereuses.

1. C) La responsabilité à l’égard des tiers

Dans ce cas, la responsabilité engagée sera sans faute.

Il se peut qu’une même victime puisse avoir à la fois la qualité de tiers et


d’usager à l’ouvrage. C’est l’arrêt du 22 octobre 1971 Ville de Fréjus. C’était à propos
de la rupture du barrage de Malpasset : la ville demandait diverses réparations des
préjudices subis. La question était de savoir si la ville était usager ou tiers de
l’ouvrage. De façon inattendue, le Conseil d’Etat a retenu les deux qualificatifs (le
second étant beaucoup plus favorable à l’indemnisation), et va juger que pour les
dommages subis par toutes les canalisations de la ville, la ville devait être considérée
comme usager de l’ouvrage, mais pour tous les autres dégâts causés aux autres
installations, elle devait être regardée comme tiers à l’ouvrage.

1. La mise en jeu de la responsabilité

1. A) Les causes exonératoires de responsabilité

La force majeure : pour cela, il faut que l’événement présente un caractère


extérieur, imprévisible et irrésistible.
La faute de la victime : le juge retiendra toute négligence ou imprudence commise
par la victime pour exonérer partiellement ou totalement l’administration.

Le fait du tiers n’est pas une cause d’exonération de la responsabilité


administrative.

1. B) La compétence juridictionnelle

Tout litige lié à des travaux publics relève nécessairement de la compétence


du juge administratif.

Initialement, c’est la loi du 28 Pluviôse an VIII qui lui donnait cette compétence ;
mais cette loi a été abrogée par l’ordonnance du 21 avril 2006 instituant le Code
général de la propriété des personnes publiques : aucune disposition équivalente
ne lui a alors été substituée ;
cet oubli a été comblé par l’ordonnance du 15 juillet 2009 qui a rappelé cette
compétence du juge administratif.

Le juge judiciaire sera néanmoins et par exception compétent pour les


dommages causés aux usagers des SPIC et en cas de voie de fait.

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Procédure pénale

Administratif :

Droit administratif
Droit administratif des biens
Collectivités Territoriales
Contentieux administratif
Grands arrêts du droit administratif
Institutions administratives

Constitution :

Droit Constitutionnel
Contentieux Constitutionnel
Institutions constitutionnelles
Libertés publiques

Économie / Compta :

Comptabilité
Cours d’économie

Droits étrangers :

Droit comparé
Droit américain
Droit anglais
Droit belge
Droit camerounais
Droit canadien
Droit sénégalais
Droit suisse
Droit Tunisien
Droit marocain
Droit ivoirien

Obligations :
Droit des obligations
Droit des contrats
Responsabilité délictuelle
Contrats spéciaux

Immatériel :

Propriété industrielle
Propriété Intellectuelle
Droit de la communication
Droit d’auteur
Droit informatique

Social :

Droit du travail
Droit social / santé

Fiscalité :

Droit fiscal
International :

Droit international privé


Droit international public
Relations internationales
Droit européen
Institutions européennes et internationales

Rural, urbanisme, etc... :

Droit de l’écologie
Rural et environnement
Urbanisme et Construction,

Histoire :

Histoire des Institutions Publiques


Histoire des relations internationales
Histoire du droit
Histoire du droit privé
Histoire du droit public

Socio/ Politique :

Science politique
Sociologie,
Vie politique
Philosophie du droit – Pensée juridique

Patrimonial :

Assurance
Droit bancaire
Droit immobilier

Judiciaire :

Droit judiciaire / droit processuel

Fiches et cours de droit administratif des biens


Le droit de propriété des personnes publiques
Bien public : Insaisissabilité et interdiction de cession à vil prix
Le contentieux de l’appartenance au domaine public ou privé
Les critères de distinction entre domaine public et privé

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