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Université Yaoundé 2

Faculté des Sciences Juridiques et


Politiques
Année académique 2022-2023

L.3. Droit public


Cours de Droit foncier et domanial
de Monsieur
le Professeur Pierre Etienne KENFACK
Agrégé de droit privé

Introduction
Le droit objectif, constitué des règles de droit, qui désigne l’ensemble des règles qui organisent
la vie en société a des objets variés. Il peut porter sur les personnes, les choses ou les rapports
entre les personnes et les choses. Il existe un droit déterminant les prérogatives que les
personnes peuvent avoir sur les choses appelé droit des biens. S’il fixe la théorie générale des
prérogatives sur les choses, il ne permet pas d’aborder tous les aspects d’une chose

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particulièrement complexe qu’est la terre et ses ressources. Il a paru utile de créer à cet effet
un droit spécial ou particulier appelé droit foncier et domanial.

Le mot foncier n’est pas juridique. C’est un mot de la langue qui désigne ce qui se rapporte à
la terre et à ses ressources.

Le droit foncier et domanial regroupe l’ensemble des règles qui dans un espace donné,
organisent les rapports entre les personnes physiques ou morales, privées ou publiques et les
fonds de terres, les bâtiments et ressources se trouvant sur les fonds de terres.

Au mot foncier est généralement accolé l’adjectif domanial qui signifie ce qui relève du
domaine, ce qui relève de l’Etat. Ce lien rappelle que la terre est une composante du territoire
d’un Etat et qu’elle est placée sous la gouvernance des autorités publiques.

Le droit foncier et domanial englobe le droit foncier positif constitué des règles posées par
les autorités publiques que l’on appelle le régime foncier et domanial et des règles non prises
en compte par le droit positif et qui ont vocation à s’appliquer. Le droit foncier et domanial
englobe le droit foncier et domanial positif et les travaux qui critiquent le droit foncier positif
avec des suggestions de corrections. Il en est ainsi des règles qui se pratiquent réellement et
des recommandations internes ou internationales non encore intégrés dans le droit positif
(par exemple la Convention 169 de l’OIT sur les droits des peuples indigènes et tribaux).

Le droit foncier et domanial est une discipline territorialiste en ce qu’il est dominé par l’idée
de souveraineté des Etats de sorte que c’est chaque Etat qui définit les règles de droit foncier
applicables sur son territoire. La matière n’ayant pas fait l’objet d’une harmonisation ou d’une
communautarisation, ne sera étudiée que dans le contexte du Cameroun. Elle a connu dans
cet espace juridique une évolution qu’il faut retracer (I) avant de rechercher ses sources (II) et
annoncer le plan du cours.

I. L’évolution du droit foncier et domanial au Cameroun


Le droit foncier et domanial n’est pas une discipline nouvelle pour les africains en général et
pour les camerounais en particulier. Sur le plan historique, on peut situer trois périodes dans
la formation de la matière : la période précoloniale, la période coloniale et la période
postcoloniale.

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La période précoloniale se singularise par la diversité de régimes juridiques applicables aux
terres . L’Etat camerounais n’étant pas encore constitué, il y avait autant de droits (régimes)
fonciers que de territoires contrôlés par chaque village, tribu ou clan. Mais ces droits fonciers
avaient des points communs.
Le premier est le rapport des personnes à la terre. La terre, étant considérée comme sacrée
n’avait pas vocation à être objet de propriété. Elle est était destinée à servir de lieu de
spiritualité, de cadre de vie et de source d’alimentation. Les rapports des personnes à la terre
étaient plus collectifs qu’individuels. La terre était considérée comme une chose commune à
l’usage de tous et de personne.
Le second point commun est le type de prérogative que le droit des tribus et des villages
reconnaissaient sur les terres. La propriété étant inutile, la prérogative la plus aboutie sur une
portion de terre ne pouvait être que la jouissance.
Cette vision angélique, en rapport directe avec les croyances africaines a été
fondamentalement ébranlée dès la constitution de l’Etat du Cameroun avec la colonisation.
La question foncière est apparue tellement importante qu’elle a été abordée dans les
premiers textes plaçant le Cameroun sous dépendance des puissances étrangères. Ainsi, à
l’article 3 du Traité Germano-Douala 1884, il est écrit : « les terres des villes et villages de
Cameroon Towns demeureraient la propriété privée des autochtones ». C’était mettre en
exergue l’importance que la question foncière allait avoir dans le processus colonial, mais
aussi introduire un changement de perspective dans l’appréhension de la terre. Elle était
désormais susceptible d’appropriation privée, de droits individuels. En insistant pour qu’une
telle disposition soit introduite dans le traité, les rois Douala souhaitaient garder un contrôle
sur les terres, du fait de leur importance dans le maintien de leur autorité et de la cohésion
sociale. Simplement, le respect de cette disposition n’a duré que le temps de sa signature car,
une fois l’accord entériné, et surtout, le territoire délimité grâce au principe posé par le Traité
de Berlin de 1885 les allemands a en entrepris l’élaboration d’un droit foncier applicable à
l’ensemble de l’Etat camerounais nouvellement constitué et destiné à remplacer les droits
traditionnels en vigueur. Calqué sur le droit de l’empire allemand, ce droit se démarquait
fondamentalement des droits traditionnels en ce qu’il proposait un système bâti autour des
droits individuels et faisait de la terre, objet sacré pour les africains, un bien susceptible de
transaction et surtout susceptible d’un droit de propriété garantit par l’Etat.

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La résistance des populations, ont conduit à admettre la cohabitation de ce droit avec les
droits traditionnels africains sur la base d’une distinction entre les terres régies par le droit
colonial et les terres coutumières. Mais se posait la question de la délimitation de ces
différentes catégories de terres. La réponse va être clairement donnée en 1896. Recherchant
des terres pour installer les colons et doter la couronne allemande de terres agricoles sans
frais, un Décret impérial Allemand du 15 juin 1896 va diviser les terres camerounaises en trois
catégories de terres : les terres coutumières, les terres privées et les terres de la couronne.
Les terres coutumières sont celles sur lesquelles les particuliers, les chefs ou les communautés
ont des droits réels reconnus. Les terres privées sont celles sur lesquelles les personnes ou
communautés ont acquis des droits de propriété en respectant la procédure prévue par
l’empire allemand. Quant aux terres de la couronne ou étatiques, ce sont celles que l’Etat a
acquis soit par contrat avec les anciens propriétaires, soit par la procédure d’expropriation
des terres immatriculées au Grundbuch ou des terres coutumières, et surtout les terres
vacantes et sans maître, c’est-à-dire les terres sur lesquelles les populations et communautés
ne peuvent prouver des droits de propriété ou d’occupation (concrètement ce sont les forêts,
les terres de jachères etc. Par cette notion de terre vacantes et sans maître l’Etat Allemand
s’est constitué un patrimoine foncier important et sans contrepartie en faisant perdre, par la
seule vertu d’un texte aux populations rurales et aux peuples autochtones leurs terres
acquises par les guerres et les luttes.
Ce régime foncier permettant aux colons d’accéder aux terres sans contre- partie a été modifié
par une loi du 17 juin 1959 portant organisation domaniale et foncière, dans la partie
francophone du Cameroun, laquelle a renforcée les droits des communautés et populations
locales sur leurs terres ancestrales en supprimant la notion de terres vacantes et sans maître
et en créant la notion de propriété coutumière des terres.
Dans la partie anglophone, la « Land Native Right Ordinance » en vigueur au Nigeria et dont
l’application était étendue au Cameroun sous administration britannique ne faisait des
populations locales et autochtones que de simples usufruitières des terres qu’elles exploitent.

Ce régime a été repris avec quelques modifications à l’indépendance.


Lorsque le Cameroun accède à l’indépendance, le schéma du droit foncier ne change pas
spécialement. Simplement cohabitent sur le même Etat deux régimes fonciers : un applicable

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dans la partie francophone admettant la propriété coutumière et légale des communautés et
des personnes privées et un autre applicable dans la partie anglophone, ne reconnaissant aux
populations locales qu’un droit de jouissance sur les terres.

La réunification du pays en 1972 a donné l’occasion aux autorités d’élaborer un droit foncier
tenant compte des enjeux du moment dont les priorités sont l’unité nationale, la stabilité
politique et le développement économique. Pour réaliser ces objectifs, les dirigeants du pays
instituent, en 1974, par une série d’ordonnances, un droit foncier maintenant en les adaptant
les acquis de la colonisation et supprimant les éléments du droit foncier colonial pouvant
contrarier leurs ambitions. Ce droit foncier en vigueur aujourd’hui a des sources.

II. Les sources du droit foncier et domanial camerounais

L’expression source du droit recouvre deux réalités complémentaires. Par source on entend les
fondements, ce qui justifie la naissance, ou l’inspiration, les forces créatrices ou les sources
substantielles du droit. Leur étude relève de la théorie et de la philosophie du droit.
Par source, on entend aussi les lieux d’inscription des règles de droit, des modes de formation
des normes juridique c’est-à-dire des procédés et des actes par lesquels ces normes accèdent à
l’existence juridique, s’insèrent dans le droit positif et acquièrent la validité. On les appelle
encore sources d’élaboration du droit. C’est elles que nous allons étudier. Le droit foncier a des
sources internationales et des sources internes.

Les sources internationales sont constituées des conventions internationales ratifiées par le
Cameroun.
Dans la catégorie on retrouve :
- La Déclaration universelle des droits de l’homme (New York, 10 décembre 1948), qui
proclame le droit de propriété.
- Le pacte international relatifs aux droits économiques sociaux et culturels qui rappelle
le droit de propriété ;
- La Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples (Nairobi, juin 1981) qui
rappelle le même droit ;

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- La Conventions sur l’élimination de toute les formes de discriminations à l’égard des
femmes ;
- La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones du 13
septembre 2007 ;
- La Convention 169 de l’OIT qui invite les Etats à sécuriser des terres pour les peuples
autochtones.
Ces instruments ont une valeur contraignante pas du fait de leur origine, mais du fait de leur
réception par le droit interne. Il est important de signaler que les principes contenus dans la
plupart de ces instruments ont fait l’objet d’une réception par les sources internes.

Sur le plan interne, on aurait pu distinguer les sources formelles des sources informelles. Mais
l’option du Cameroun de supprimer la coutume de la liste des sources du foncier ne laisse de
la place qu’aux sources formelles. En cette matière, l’analyse de l’abondante jurisprudence
révèle qu’elle se contente de mettre en œuvre les solutions législatives et règlementaires,
faisant des textes les seules véritables sources positives du droit foncier camerounais.
Certaines des solutions foncières sont dans les lois forestières et minière, mais l’essentiel se
trouve dans :
- La Constitution,
- Le code civil qui fait office de droit commun,
- L’Ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier
- Ordonnance 74-2 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial
- Loi n° 76/25 du 14 décembre 1976 portant organisation cadastrale
- Loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière
- Loi n° 85-09 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et
aux modalités d’indemnisation ;
- Loi n°94-01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche,
- Décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier,
modifié et complété par le décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 ;
- Décret n° 76-166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national ;
- Décret n° 76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de
l’Etat, modifié par le décret n°95/146 du 4 août 1995

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- Décret n° 87/1872 du 16 décembre 1987 portant application de la loi n°85/9 du 4 juillet
1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique utilité publique, atteintes
à la propriété
L’exploitation de ces sources met en perspective le contenu du droit foncier camerounais que
l’on peut organiser autour d’un titre préliminaire et de trois parties. Le titre préliminaire est
consacré à l’objet du droit foncier (Titre préliminaire). La première partie est consacrée à
l’acquisition et à la preuve des prérogatives sur les terres (première partie). La deuxième à la
protection des prérogatives sur les terres (deuxième sur les terres) et la troisième à la perte
des prérogatives sur les terres (troisième partie).

Titre préliminaire : L’objet du droit foncier


Par objet du droit foncier, il faut, à partir de la définition du mot objet, entendre l’objet
d’étude, c’est-à-dire la matière (Chapitre 1) et l’objectif (chapitre 2).

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Chapitre 1 : La matière du droit foncier
Dans la langue courante, le foncier désigne le fond de terre et les matières qui s’y rattachent.
Sur la base de cette définition, la matière normale du droit foncier c’est la terre et les
ressources qui s’y rattachent. Mais le traitement en une seule discipline de ces différentes
matières serait difficile du fait de la variété des spécificités de chaque entité. C’est pourquoi
la suggestion communément admise est de traiter de manière séparée les questions de terre
et les questions de ressources. Ainsi s’est élaboré un droit de la terre aux côté du droit
pétrolier, du droit minier, du droit forestier et faunique. Le droit foncier c’est donc
essentiellement le droit de la terre.

C’est d’ailleurs la gestion de la terre qui a tout de suite préoccupé les puissances coloniales en
Afrique. Elles ont posé les règles d’occupation, d’utilisation et de gestion des terres, non pas
à partir de l’observation de la réalité sociale, mais en important un système appliqué en
Australie appelé système Torrens du nom d’un administrateur des colonies qui a défini les
modalités d’occupation des terres australiennes considérées comme libres de toute
occupation. Ce système est fondé sur la domanialité. Le système de domanialité est celui dans
lequel toutes les terres du territoire d’un Etat sont placées sous la puissance du gouvernement
qui en définit les modalités d’appropriation, de jouissance et d’utilisation.

En effet, recherchant les terres pour leurs ressortissants et pour leurs investisseurs à moindre
coût, les puissances coloniales ont remplacé le système foncier réel des Etats africains, basé
sur l’occupation, par le système de la domanialité appliqué dans les colonies de peuplement,
notamment l’Australie. Dans cet Etat par un texte appelé Torrens act, le gouvernement décidé
de placer toutes les sous son contrôle et de ne concéder des droits des droits sur la terre que
selon les modalités qu’il a lui-même fixées.

Ce système a deux variantes : le système de la domanialité forte dans lequel toutes les terres
sont la propriété de l’Etat qui peut concéder des droits de jouissance ou de propriété limités
aux populations. C’est le système proclamé par les textes de RDC et de RCA en Afrique
centrale.

Le système de domanialité faible ou souple dans lequel l’Etat est simple gardien de toutes les
terres et ne peut devenir propriétaire d’une portion de terre qu’en remplissant les conditions

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exigées pour tous les demandeurs. Dans ce système les terres du territoire sont classées en
catégories ayant chacune un régime spécifique. Les grandes catégories comprennent les
terres du domaine public, les terres du domaine privé et les terres du domaine rural ou du
domaine national.

C’est ce deuxième système que les puissances coloniales ont introduit au Cameroun et qui a
été repris par le législateur depuis l’indépendance.

Il est consacré par les ordonnances 74/1 et 74/2 du 6 juillet 1974. Ces ordonnances classent
le territoire camerounais en trois blocs de terres et précisent les modalités de leur
identification et constitution : les terres du domaine privé, les terres du domaine public et les
terres du domaine national.

Les terres du domaine privé sont les portions de terres du territoire national sur lesquelles les
personnes physiques ou morales, publiques ou privées ont acquis des titres de propriété
reconnus et protégés par les lois de la République. Les modalités de constitution et
d’indentification de ces terres se confondent avec l’accès et la preuve de la propriété des
terres étudiés en première partie de ce cours. Ce qui nous conduit à ne considérer ici que le
domaine public (Section 1) et le domaine national (Section 2).

Section 1 : Les terres du domaine public


Le domaine public est constitué des biens susceptibles de servir à tous et ne pouvant faire
l’objet d’une appropriation privée. D’après l’article 2 de l’ordonnance 74/02 du 6 juillet 1974
portant régime domanial, le domaine public est constitué de « tous les biens meubles et
immeubles qui par leur nature ou par destination, sont affectés soit à l’usage direct du public,
soit aux services publics ». Les terres du domaine public sont celles qui ne peuvent jamais faire
l’objet d’une appropriation soit du fait de leurs caractéristiques, soit du fait de leur
destination.

L’ordonnance 74-02 précise la composition (§1) et les caractères (§2) des terres du domaine
public.

§1 : Composition des terres du domaine public

L’article 2 alinéa 3 de l’ordonnance 74-02 classe les terres du domaine public en deux blocs :
les terres du domaine public naturel et les terres du domaine public artificiel.

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A. Les terres du domaine public naturel
Elles sont constituées des portions de terres du territoire national qui du fait de leurs
caractéristiques ou de leur lieu de situation sont insusceptibles de droits privatifs, et peuvent
faire l’objet d’un usage par tous. Dans la catégorie on retrouve, conformément aux
dispositions de l’article 3 de l’ordonnance 74-2 fixant le régime domanial, les terres du
domaine public maritime, les terres du domaine public fluvial et les terres du domaine public
terrestre.

Les terres du domaine public maritime sont constituées par :

- Les rivages de la mer jusqu’à la limite des plus hautes marées ainsi qu’une zone de
cinquante mètres mesurée à partir de cette limite ;
- Les rives des embouchures des cours d’eau subissant l’influence de la mer jusqu’à la
limite des plus hautes marées, ainsi qu’une zone de vingt mètres à partir de cette
limite ;
- le sol et le sous-sol de la mer territoriale.
Les terres du domaine public fluvial sont constituées :

- des lits des cours d’eau navigables ou flottables dans les limites déterminées par les
plus hautes eaux, ainsi qu’une zone de vingt-cinq mètres à partir de cette limite ;
- des lits des cours d’eau non navigables ni flottables dans les limites déterminées par la
hauteur des eaux coulant à plein bord ;
- Des lits des lacs, des étangs naturels et des lagunes dans les limites déterminées par la
hauteur des plus hautes eaux.
Les terres du domaine public terrestre sont constituées par les marécages, à l’exception des
plantations aménagées.
A côté des terres du domaine public naturel, l’ordonnance 74/2 indique les terres du domaine
public artificiel.

B. Les terres du domaine public artificiel


Ce sont des terres susceptibles d’être appropriées, mais que l’autorité publique décide de
ranger dans la catégorie domaine public dans l’intérêt général. Il s’agit des terres que l’Etat
par décision, par acte juridique, affecte à l’usage du public ou des services publics.

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D’après l’article 4 de l’ordonnance 74-2, les terres du domaine public artificiel sont
constituées:

- Des autoroutes et une emprise de cent (100) mètres de part et d’autre de l’axe de la
chaussée. Cette emprise est réduite à dix (10) mètres en ville à partir du bord extérieur
du trottoir ;
- Des routes nationales et régionales et une emprise de (40) mètres de part et d’autre
de l’axe de la chaussée. Cette emprise est réduite à dix (10) mètres à partir du bord
extérieur du trottoir dans les agglomérations et à cinq (5) mètres en ville ;
- Des routes départementales et une emprise de vingt-cinq (25) mètres à partir du bord
extérieur du trottoir dans les agglomérations et en ville ;
- Des pistes carrossables d’intérêt local et une emprise de dix (10) mètres de part et
d’autre de la chaussée. Cette emprise est réduite à cinq (5) mètres dans les
agglomérations et en ville ;
- Les pistes non carrossables ;
- Les chemins de fer et une emprise de trente-cinq mètres de chaque côté à partir de
l’axe de la voie ;
- Les ports commerciaux, maritimes ou fluviaux, leurs dépendances et une emprise fixée
compte tenu des études spécifiques pour chaque port ;
- Les ports militaires maritimes ou fluviaux, leurs dépendances et une emprise compte
tenu des études spécifiques pour chaque port ;
- Tous les ouvrages de défense terrestre, aérienne et maritime de la nation ;
- Les lignes téléphoniques, télégraphiques, leurs dépendances et une emprise de deux
cents mètres autour des centres de télécommunication ;
- Les alluvions déposées en aval ou en amont d’ouvrages construits dans un but d’utilité
générale ;
- Les monuments et édifices publics créés et entretenus par l’Etat ou les personnes
morales de droit public notamment les halles, les marchés, les cimetières, les musées ;
- La concession des chefferies traditionnelles et les biens y afférents et plus
spécialement dans les régions où la concession des chefferies est considérée comme
un bien indivis de la communauté dont le chef n’a que la jouissance ;

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La question est de savoir si cette énumération est extensive ou exhaustive (limitative). La
rigueur du régime des terres du domaine public invite à considérer que l’énumération est
limitative, d’autant plus que ces terres se singularisent par leurs caractères.

§2. Les caractères des terres du domaine public


Les caractères des terres du domaine public sont précisés par l’article 2 alinéa 2 de
l’ordonnance 74/2 fixant le régime domanial. D’après ce texte, comme tous les biens du
domaine public, les terres du domaine public sont inaliénables, imprescriptibles et
insaisissables… Elles sont insusceptibles d’appropriation privée.

- Les terres du domaine public sont inaliénables


L’inaliénabilité d’un bien désigne son inaptitude au transfert à autrui, à titre onéreux ou à titre
gratuit. Les terres du domaine public sont inaliénables en ce sens qu’elles ne peuvent être ni
vendues, ni données. Elles ne peuvent faire l’objet de transaction entrainant un transfert à
des personnes privées ou publiques. Les autorités chargées de leur administration ne peuvent
ni les vendre, ni les donner. La conséquence normale de l’inaliénabilité est que toute
transaction entrainant un transfert à titre onéreux ou gratuit d’une portion des terres du
domaine public est sans nulle et de nul effet. Ce caractère préserve les terres du domaine
public, les terres du domaine public des actes certains administrateurs.

- Les terres du domaine public sont insaisissables


L’insaisissabilité est un mécanisme de protection des biens consistant à les soustraire des voies
d’exécution. Les biens du domaine public n’étant la propriété de l’Etat ne sont pas rangés dans
son patrimoine et ne peuvent pas servir au paiement de ses dettes. Ils ne sont donc pas
compris dans le gage des créanciers de l’Etat. Ils ne peuvent donc pas être rendus
indisponibles par leur mise sous-main de la justice en vue de leur vente pour payer les dettes
de l’Etat. Cette insaisissabilité se conçoit d’autant plus que les biens du domaine public, même
lorsqu’ils affectés par les services publics, appartiennent toujours dans leur principe à tous et
à personne en particulier.

- Les terres du domaine public sont imprescriptibles


La prescription désigne l’action de l’écoulement du temps sur l’acquisition ou l’extinction des
droits ou des choses. Un droit ou un bien est imprescriptible lorsque l’écoulement du temps

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n’a aucun effet sa situation juridique. Les terres du domaine public sont imprescriptibles en
ce sens qu’elles ne peuvent pas changer de statut par l’action de l’écoulement du temps. Un
particulier ne peut pas devenir propriétaire d’une portion de ces terres par possession de
longue durée. De même la non utilisation prolongée de celles-ci ne leur fait pas perdre leur
statut.

- les terres du domaine public sont insusceptibles d’appropriation privée.

En ce que sens qu’un droit de propriété ne peut pas y reconnu en faveur d’une personne. Dans
le système juridique camerounais, un titre foncier délivré sur une terre du domaine public est
nul et de nul effet.

L’autre catégorie de terre consacrée par le droit foncier camerounais est constituée du
domaine national.

Section 2 : Les terres du domaine national


Le domaine national est constitué des terres qui ne rentrent pas dans le domaine privé de
l’Etat ou des personnes privées, ni dans le domaine public. Il s’agit d’une véritable réserve de
terres susceptibles d’alimenter le domaine public ou le domaine privé de l’Etat ou des
particuliers.

Consacré par l’Ordonnance 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier, le domaine national
remplace la vieille notion de « terres vacantes et sans maître » utilisée avant l’indépendance
et l’ancien concept de « patrimoine collectif national » utilisée par le décret-loi du 9 janvier
1963. Après l’avoir créée, l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974, précise sa composition.

L’ordonnance 74/1 classe les terres du domaine national en dépendances à partir de


l’importance de l’activité sur les terres. D’après l’article 15, le domaine national est classé en
dépendances de première et deuxième catégorie.

Les dépendances de première catégorie comprennent les terrains d’habitation, les terres de
culture, de plantation, de pâturage et de parcours dont l’occupation se traduit par une
emprise évidente de l’homme et une mise en valeur probante. La mise en valeur étant une
action visible, c’est-à-dire destructrice du couvert végétal, sont exclues de cette catégorie les

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terres occupées par les populations autochtones qui réalisent une mise en valeur
conservatrice de l’environnement. Sur cette catégorie les populations peuvent obtenir des
titres fonciers si elles remplissent fixées par les textes.

Les dépendances de seconde catégorie sont constituées de terres libres de toute occupation.
Dans cette catégorie on range les forêts, les savanes , le désert et toutes les terres sur
lesquelles l’emprise de l’homme n’est pas visible. Sur les dépendances de deuxième catégorie,
les populations n’ont qu’un droit de chasse et de cueillette. Ce qui est une négation des droits
fonciers des peuples autochtones des zones forestières.

Elles ne peuvent y obtenir que des droits accordés par l’Etat, gestionnaire du domaine national
sur la base des contrats de concession, de bail ou par affectation. Cette solution radicale est
désastreuse pour la sauvegarde des droits fonciers des populations autochtones des forêts
qui ne peuvent prétendre qu’aux terres forestières vierges. Solution contraire à la convention
169 de l’OIT qui recommande la reconnaissance des droits fonciers des peuples autochtones
sur ces différentes terres.

Outre la matière, l’objet du droit foncier est également constitué de l’objectif.

Chapitre 2 : L’objectif du droit foncier

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Droit spécial, dérogatoire au droit des biens, le droit foncier a pour objectif la détermination
des prérogatives des personnes sur les terres du territoire.

Les prérogatives sont les intérêts que le droit objectifs reconnaît et protège ou sauvegarde au
profit des sujets de droit sur les biens. Dans la catégorie on retrouve les pouvoirs et les droits
subjectifs etc.

Le droit foncier de chaque pays indique les différentes prérogatives qui sont reconnues aux
sujets de droit sur les terres du territoire national. Sur celles du territoire camerounais, le droit
foncier reconnaît deux grands blocs de prérogatives : le pouvoir (section 1) et les droits
subjectifs (section 2).

Section 1 : Le pouvoir sur les terres du territoire national

Le pouvoir est une prérogative qui permet à son titulaire d’agir dans un intérêt au moins
partiellement distinct du sien. Il permet à son titulaire d’agir comme représentant des divers
intérêts. Il est accordé à un sujet de droit par les lois, les règlements et les conventions. Sur
les terres du territoire camerounais, le droit foncier reconnait à l’Etat et ses représentants des
pouvoirs qu’ils exercent pour le compte du peuple camerounais.

Plusieurs textes fonciers camerounais confèrent à l’Etat et à ses représentants le pouvoir sur
les terres du territoire.

Le premier est l’article 1er alinéa 2 de l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime
foncier qui dispose : « l’Etat est gardien de toutes les terres, il peut à ce titre, intervenir en vue
d’en assurer un usage rationnel ou pour tenir compte des impératifs de la défense ou des
options économiques de la nation ». En droit le gardien d’une chose en est le surveillant, il en
assure le contrôle et la direction, parfois pour le compte d’autrui qui peut être le propriétaire.
En conférant à l’Etat la qualité de gardien, le texte révèle qu’il n’est pas propriétaire de toutes
les terres du territoire, qu’il n’a sur celles-ci qu’un simple pourvoir, qu’il agit comme
représentant. C’est une manifestation du système de domanialité souple.

Le deuxième texte qui confère à l’Etat le pouvoir de gardien, est l’article 16 de la même
ordonnance qui dispose : « le domaine national est administré par l’Etat en vue d’en assurer

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une utilisation et une mise en valeur rationnelles. A cet effet, sont créées les commissions
consultatives présidées par les autorités administratives et comprenant obligatoirement les
représentants des autorités traditionnelles ». En droit l’administrateur n’est pas un
propriétaire, il agit pour le compte des administrés. Il a un pouvoir qui lui permet de conférer
des droits subjectifs sur les terres. A ce titre, il délivre des titres fonciers, accorde des
concessions, protège les possessions sur le domaine national.

Le troisième texte qui confère à l’Etat le pouvoir de gestion ou d’administration des terres du
Cameroun, est l’article 8 alinéa, 1er de l’ordonnance 74-2 du 6 juillet 1974 fixant le régime
domanial qui dispose que « les dépendances du domaine public naturel ou artificiel sont
gérées par l’Etat. Toutefois, en raison de leur utilisation, cette gestion peut être assurée sous
le contrôle de l’Etat par d’autres personnes morales de droit public ou par des
concessionnaires de service public ». Sur la base de ce texte, l’Etat gérant des terres du
domaine public peut y conduire diverses opérations soit directement, soit par l’intermédiaire
des tiers exploitants. C’est sur la base de ce texte que l’Etat accorde des autorisations
temporaires d’occuper le domaine public.

Le quatrième texte qui confère à l’Etat un pouvoir sur les terres du territoire est l’article 5 de
l’ordonnance 74/2 fixant le régime domanial qui dispose que les dépendances du domaine
public naturel ou artificiel reconnues sans utilité compte tenu de leur affectation initiale,
peuvent être déclassées et intégrées par décret au domaine privé de l’Etat ou des autres
personnes morales de droit public. En cas de doute ou de contestation sur les limites du
domaine public ou de l’étendue des servitudes établies en vertu de l’article 6 ci-dessous il est
statué par arrêté du ministre responsable des domaines, avec possibilité de recours devant la
juridiction compétente ;

Ce texte permet à l’autorité administrative de déclasser et incorporer dans le domaine privé


de l’Etat ou dans celui d’une personne morale de droit public une dépendance du domaine
public naturel ou artificiel. Le domaine ainsi déclassé devient aliénable et saisissable.

A côté du pouvoir, les textes camerounais accordent aux personnes des droits subjectifs sur
les terres du territoire.

Section 2 : Les droits subjectifs sur les terres du territoire

16
Le droit foncier camerounais reconnait aux personnes physiques ou morales, publiques ou
privées des droits subjectifs de droit (§1) et des droits subjectifs de fait (§2) sur les terres du
territoire.

§1. Les droits subjectifs de droit sur les terres du territoire national

Les droits subjectifs de droit, sont constitués des prérogatives reconnues à ceux qui
remplissent les conditions fixées par le droit objectif (les lois et règlements et jurisprudence).
Les textes fonciers camerounais reconnaissent aussi bien à l’Etat qu’aux personnes privées
différents droits subjectifs sur les terres, en fonction des catégories de terres.

Sur les terres du domaine privé de l’Etat ou des particuliers, les textes reconnaissent aux sujets
la propriété qui est la prérogative permettant aux sujets de droit, de faire de leur chose ce
qu’ils veulent ou de ne rien en faire. Positivement, le propriétaire d’une terre peut ainsi, en
user, en jouir, en disposer tant qu’il n’en fait pas une utilisation prohibée par les lois et les
règlements. Négativement, le propriétaire peut ne rien faire de sa terre.

Le droit de propriété sur les terres est reconnu et protégé aussi bien par la Constitution que
par l’article 1er de l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier qui dispose :
« l’Etat garantit à toutes les personnes physiques ou morales possédant des terrains en
propriété, le droit d’en jouir et d’en disposer librement ». L’accès à cette prérogative suppose
le respect d’un ensemble de formalités posées par le décret 76-165 du 27 avril 1976 fixant les
conditions d’obtention du titre foncier, modifié et complété par le Décret n°2005-481 du 16
décembre 2005 qui aboutissent à la délivrance à la personne d’un titre foncier.

Sur les terres du Cameroun les personnes privées ou publiques ont également la jouissance et
l’usage lorsqu’elle en remplissent les conditions.

Sur les terres du domaine public et du domaine national, le droit foncier camerounais ne
reconnait aux personnes que l’usage et la jouissance. L’usage et la jouissance sont des
prérogatives permettant aux personnes de tirer d’une chose des utilités et des revenus sans
pouvoir en disposer.

Le droit de jouissance sur les terres au Cameroun est reconnu aux personnes par différents
textes aussi bien sur le domaine public que sur le domaine national.

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Sur le domaine public, l’article 7 de l’ordonnance 74-2 du 6 juillet 1974 fixant le régime
domanial dispose : « les propriétaires et les occupants de bonne foi qui tiennent sur les
dépendances du domaine public telles que définies aux articles 3 et 4 ci-dessus des droits
antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ordonnance ne peuvent être dépossédés que si l’intérêt
général l’exige et moyennant une indemnisation calculée comme en matière d’expropriation.
Il en est de même pour l’exercice des servitudes prévues à l’article précédent, de la démolition
des constructions ou de l’enlèvement des clôture ou plantations établies par lesdits
propriétaires ou occupants ». Ce texte rappelle que les caractères du domaine public ne
remettent pas en cause le pouvoir de l’Etat d’administrer et de gérer les terres de ce domaine,
mais le limite pour préserver la spécificité de ces terres. Venant à la suite d’un classement des
terres par la loi sans concertations avec les populations qui ont conquis et sécurisés leurs
espaces avant l’activité législative, il réalise un compromis qui concilie le respect de la
spécificité du domaine public avec la sauvegarde des droits acquis. Pour parvenir à ce résultat
le législateur déclasse les droits antérieurs sur les terres et en accorde de nouveau compatible
avec la spécificité du domaine public. Il transforme les droits de propriété antérieurs en droit
de jouissance et maintien les droits de jouissance antérieur. Ainsi, les propriétaires tout en
perdant le droit de disposer de leurs terres conservent sur le domaine public un droit d’usage
et de jouissance qui ne peut être perdu que si l’intérêt général l’exige et moyennant
indemnisation. De même, les occupants gardent leur droit de jouissance dans les mêmes
conditions s’ils sont de bonne foi. Il permet aux personnes qui avaient des droits fonciers sur
les terres avant qu’elles ne soient ranger dans la catégorie domaine public de ne pas perdre
leurs droits acquis sans contrepartie. Cette une manifestation de la recherche de la justice
législative qui devient de plus en plus rare dans les législations actuelles.

Le texte qui reconnait une jouissance de droit aux personnes sur les terres du domaine
national est l’article 17 de l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier qui
dispose : « les dépendances du domaine national sont attribuées par voie de concession, bail
ou affectation dans des conditions déterminées par décret. Toutefois, les collectivités
coutumières, leurs membres ou toute personne de nationalité camerounaise qui, à la date
d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, occupent ou exploitent paisiblement des
dépendances de première catégorie prévue à l’article 15, continueront à les occuper ou à les
exploiter. Ils pourront sur leur demande y obtenir des titres de propriété… ». C’est sur la base

18
de ce texte que l’Etat exerçant son pouvoir de gestion des terres accorde aux autres entités
des concessions, des baux et des affectations.

§2 : Les droits subjectifs de fait sur les terres du territoire : la possession

Les droits subjectifs de fait sont des prérogatives qui ne découlent pas du respect des
conditions légales. Ils résultent d’une situation de fait qui ne correspond pas obligatoirement
à la réalité légale. Ils la conséquence de la consécration de la possession en droit camerounais.

Sur les terres du territoire, les personnes et communautés peuvent avoir la possession que le
droit positif consacre et protège dans l’intérêt de la paix sociale. La possession est reconnue
et protégée sur toutes les catégories de terres du territoire. Elle peut porter sur les terres du
domaine public, du domaine national ou du domaine privé de l’Etat ou des particuliers. Le
possesseur est toute qui occupe une terre sans titre et se considère comme propriétaire. Il est
distinct du détenteur qui occupe en vertu d’une autorisation donnée par celui qui a des droits
sur la terre.

Pour que la possession existe, il faut des éléments constitutifs et des qualités.
Traditionnellement la doctrine distingue deux éléments constitutifs de la possession : un
élément matériel : le corpus et un élément psychologique : l’animus.

Le corpus c’est le pouvoir de fait qu’exerce le possesseur sur la chose. Il suppose la maîtrise
de la chose et se traduit par l’exercice le fait de construire sur un terrain, de le cultiver, d’y
planter des arbres etc. Le corpus est constitué des actes d’usage, de jouissance, de
transformation, d’aménagement sur la chose (qui constituent les prérogatives du droit de
propriété, cela correspond donc bien à l’exercice apparent de la propriété). Il peut s’agir
également d’actes juridiques : conclusion d’un bail, paiement des impôts… Mais à eux seuls,
les actes juridiques sont insuffisants à constituer le corpus car leur notoriété est relative et
insuffisante. Les actes matériels ne pourront caractériser une situation de possession que s’ils
sont accompagnés d’un élément intentionnel : l’animus domini.

L’animus domini se traduit par l’intention de se comporter comme un véritable propriétaire,


l’intention délibérée de s’affirmer en maître, d’avoir une mentalité de propriétaire. Il y a dans
l’animus une revendication du titre de propriétaire. On peut avoir cette volonté

19
d’appropriation, soit parce qu’on est véritablement propriétaire, soit parce qu’on croit de
bonne foi l’être soit, enfin, parce qu’on a décidé de le devenir sachant qu’on ne l’est pas : c’est
le cas du possesseur de mauvaise foi, de l’usurpateur, sa mauvaise foi ne l’empêchera pas
d’être possesseur. (Il faut distinguer l’animus qui est un élément constitutif de la possession
et la bonne foi qui en est une qualité).

L’animus est difficile à prouver, car il est toujours très délicat de prouver les intentions d’une
personne. Le plus souvent, une intention est prouvée par ses manifestations extérieures.
Cette solution est inapplicable à l’animus. En effet, les manifestations extérieures constituent
le corpus. Elles constituent un élément devant compléter l’animus et ne pouvant donc servir
à le prouver. Pour régler cette difficulté de preuve, le législateur a posé une règle : « on est
toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a
commencé à posséder pour un autre ». Il s’agit d’une double présomption : on est présumé
posséder animo domini, c’est-à-dire en tant que propriétaire et si cette présomption a
commencé, elle est présumée se poursuivre pendant toute la possession.

En plus de des éléments constitutifs, la possession, suppose des qualités. Elle doit être
publique, paisible, non équivoque, continue et de bonne foi.

Sous d’autres cieux, la possession en matière immobilière rend propriétaire au bout d’un
certain délai, on parle d’usucapion. Au Cameroun, l’usucapion n’est pas admise. Pour devenir
propriétaire d’un immeuble, il faut obtenir un titre foncier. La possession ne rend propriétaire
dans ce pays qu’en matière mobilière.

La possession est une prérogative reconnue et protégée par le droit camerounais qui
sanctionne les atteintes à la possession.

Les prérogatives que les personnes peuvent avoir sur les terres au Cameroun étant précisées, la
question suivante est celle de savoir comment accéder à ces prérogatives. Quelles sont les modalités
de leur acquition et de leur preuve, de leur protection et de leur perte (3ème partie)

Première partie : Acquisition et preuve des prérogatives sur les


terres
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Comment les personnes physiques et morales, publiques ou privées acquièrent-elles des
prérogatives sur les terres au Cameroun ? La réponse, à cette réponse question en matière
foncière entraine des conséquences sur le plan de la preuve des prérogatives concernées.

Elle est facile pour l’acquisition des prérogatives de fait. En effet pour accéder à la possession,
il faut occuper, avec une intention de propriétaire. L’occupation étant un fait juridique, sa
preuve peut être rapportée par tous les moyens.

La réponse à la question de l’acquisition des prérogatives de droit sur les terres est moins
évidente, puisque c’est le droit objectif qui accorde des prérogatives de droit sur les terres.

Le pouvoir sur les terres est accordé à l’Etat par la constitution, les ordonnances de 1974 et
divers autres textes. Leur octroi par ces textes est suffisant pour en administrer la preuve.

Par contre les modalités d’acquisition et de preuve des droits subjectifs varient selon qu’il
s’agit d’acquérir la jouissance de droit (Chapitre 1) ou la propriété (chapitre 2).

Chapitre 1 : L’acquisition et la preuve de la jouissance de droit sur


les terres au Cameroun

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La jouissance de droit est celle reconnue aux personnes remplissant les conditions fixées par
les lois et règlements. Il est possible de regrouper les modalités d’acquisition de cette
prérogative en deux blocs : l’acquisition originaire et l’acquisition dérivée.

Section 1 : L’acquisition originaire de la jouissance de droit sur les terres

L’acquisition d’un droit est dite originaire lorsque le titulaire du droit ne le tient pas d’un
précédant auteur. Lorsqu’il n’y a pas appauvrissement d’un patrimoine au profit de l’autre.

L’acquisition originaire de la jouissance de droit des terres au Cameroun concerne les terres
du domaine national ou du domaine public.

Le régime de cet l’accès est fixé par l’article 17 de l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le
régime foncier qui dispose : « les dépendances du domaine national sont attribuées par voie
de concession, bail ou affectation. Toute fois les collectivités coutumières, leurs membres ou
toute autre personne de nationalité camerounaise qui, à la date d’entrée en vigueur de la
présente ordonnance, occupent ou exploitent paisiblement des dépendances de la première
catégorie prévue à l’article 15 continueront à les occuper ou à les exploiter ».

Ce texte met en perspective deux modalités d’acquisition originaire à la jouissance légale des
terres : la prise d’acte de l’occupation ou de l’exploitation paisible avant 1974 et la concession.

Pour acquérir la jouissance légale par prise d’acte de l’occupation ou de l’exploitation paisible
des terres avant 1974, il faut être une collectivité coutumière, un membre d’une telle
collectivité ou toute personne de nationalité camerounaise et avoir occupé ou exploité la terre
concernée avant 1974. C’est un régime d’acquisition qui ne soulève pas de difficultés
majeures.

Par contre le régime de la concession mérite de plus amples développement. Le régime


juridique des concessions foncières au Cameroun est précisé par le décret n°76/166 du 27
avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national.

D’après ce texte, la concession est la technique juridique par laquelle l’Etat accorde aux
personnes physiques ou morales l’accès à la jouissance légale des terres du domaine national
qui à la date du 5 août 1974 étaient non occupées ou non exploitées. En l’état actuel du droit

22
camerounais, c’est la seule la procédure par laquelle les personnes physiques ou morales
privées peuvent accéder aux terres du domaine national si elles ne sont pas en mesure de
prouver qu’elles l’ont mise en valeur avant le 5 août 1974. C’est la seule procédure d’accès
légal aux terres du domaine national utilisable par les personnes physiques camerounaises
nées après 1974 dès lors qu’il leur est impossible de les avoir mise en valeur avant leur
naissance.

L’obtention d’une concession est le résultat d’un cheminement qui commence par des
opérations préalables (§1), suivi du respect d’un processus strict (§ 2). L’obtention d’une
concession faire naitre des droits et des obligations (§3).

§1. Les opérations préalables à l’acquisition de terres par voie de concession

Pour que s’entame un processus d’attribution des terres au Cameroun par voie de concession,
il faut procéder à l’identification des terres à attribuer d’abord (A). La suite aurait dû être la
vérification de la disponibilité des terres. Mais le législateur camerounais partant de ce que la
terre est supposée libre de toute occupation ne se préoccupe de cette opération qu’au
moment du déroulement de la procédure. Finalement les autres opérations préalables sont :
l’élaboration d’un projet de développement et l’étude de son impact environnemental et
social (B).

A. L’identification des terres


L’identification désigne l’action d’identifier, de découvrir l’identité. Appliquée aux terres, c’est
la démarche qui consiste à repérer et à localiser sur le territoire national la portion de terre
sollicitée en concession. C’est une démarche préalable indispensable imposée par l’article 5
du décret n°76/166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national , qui
dispose que toute demande de concession foncière doit être accompagnée d’un croquis du
terrain en quatre exemplaires. Le croquis doit être fait par le demandeur lui-même. Ce qui
assez surprenant et démontre que l’Etat n’a pas défini les espaces susceptibles d’être mis en
concession. Lorsqu’il s’agit d’un investisseur il a le loisir de choisir le lieu de son implantation,
alors que l’Etat aurait dû orienter le processus de développement en procédant à un zonage
préalable des terres.

Quels sont les principes juridiques qui gouvernent cette opération préalable à l’attribution ?

23
L’analyse du dispositif juridique camerounais relatif aux concessions, révèle que les règles
juridiques relatifs à l’identification des terres sont en cours d’élaboration et donc actuellement
inexistantes.

Une fois la terre identifiée et matérialisée par le croquis, le demandeur doit élaborer un projet
de développement et faire son étude d’impact environnemental et social.

B. L’élaboration d’un projet de développement et de son étude d’impact


environnementale et sociale

Les concessions foncières sont attribuée au Cameroun en vue de la mise en œuvre d’un projet
d’un projet de développement de développement clairement identifié.

Relativement au projet de développement, le législateur camerounais ne donne aucune


définition de la notion. Mais en combinant les définitions du mot projet, qui signifie chose que
l’on se propose de faire et du mot développement qui signifie action de développer,
d’augmenter progressivement, il est permis de dire qu’un projet de développement est un
projet qui augmente progressivement le potentiel d’une région ou d’un pays, soit en le
désenclavant, soit en lui procurant des revenus, ou des moyens de sortir du sous-
développement. Il peut s’agir d’un projet qui crée des emplois, des infrastructures, qui procure
des revenus comme le projet d’installation d’une usine ou de création d’une plantation, ou
qui améliore le paysage. L’élaboration d’un projet de développement est un impératif pour
tout demandeur d’une attribution de terre quelle que soit sa taille pour deux raisons : La
première est que c’est une pièce du dossier, une condition de recevabilité de la demande. La
seconde est qu’elle fonde la mise à la disposition des personnes par l’Etat d’une portion du
domaine national dont il n’est que le gardien.

Relativement à l’étude d’impact environnemental et social la lecture des textes fonciers


généraux camerounais qui datent de 1974 ne fait apparaître nulle part l’exigence d’une étude
d’impact environnemental et social d’un projet comme condition de recevabilité ou d’examen
de la demande. Ce qui se comprend car la prise en compte par le droit des questions
environnementales est arrivée plus tardivement. C’est dans les textes environnementaux
qu’on retrouve cette exigence laquelle s’applique à tous les projets et par conséquent les

24
projets relatifs à l’attribution des terres. On retrouve cette exigence dans la loi n° 96/12 du 5
août 1996 portant loi cadre relative à la gestion de l’environnement qui après avoir défini ce
qu’il faut entendre par étude d’impact environnemental en fait une exigence fondamentale
pour tout projet de développement susceptible d’affecter l’environnement. C’est l’évaluation
du degré d’atteinte du projet à l’environnement et la mise en perspective des mesures pour y
remédier ou en atténuer les effets.

En possession du croquis du terrain, du projet de développement et de son étude d’impact


environnementale et sociale, le demandeur peut introduire dossier auprès de
l’administration.

§2 : Le processus de demande de concession des terres identifiées


Il se décline en deux phases principales : l’introduction de la demande (A) et son traitement
(B).

A. L’introduction de la demande
L’introduction de la demande est régie par les articles 4 et suivants du décret 76/166 du 27
avril 1976 qui indique qui peut introduire la demande, avec quelles pièces et auprès de quelle
autorité.

D’après ces textes, la demande peut être introduite par toute personne physique ou morale
quelle que soit sa nationalité auprès du chef de service départemental du Ministère chargé
des domaines et des affaires foncières du lieu de situation de la parcelle du domaine national
sollicitée.

La demande est remplie sur un formulaire spécial disponible au service départemental des
domaines, en trois exemplaires dont l’orignal est timbré au tarif en vigueur. Elle doit être
accompagnée des pièces suivantes :

- Le croquis du terrain en 4 exemplaires ;


- La copie certifiée conforme de la carte d’identité, ou du permis de séjour pour les
étrangers ;
- Un document officiel authentique attestant de son existence légale lorsqu’il s’agit
d’une personne morale, accompagné de la procuration authentique délivrée par les
organes statutaires compétents de la société;

25
- Le programme de mise en valeur du projet de développement présenté, faisant
ressortir les étapes de sa réalisation et les ressources à mobiliser,
- Le devis estimatif et quantitatif du projet signé par un expert.
- Bien que la législation foncière ne le précise, il faut joindre au dossier, conformément
à l’article 17 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 portant Loi-cadre relative à la gestion de
l’environnement, une étude d’impact environnemental et social du projet.
Lorsque le dossier est complet, le délégué départemental qui l’a reçu, délivre au demandeur
un récépissé de dépôt et dès cet instant commence la phase de traitement de la demande.

B. Le traitement de la demande
Dès délivrance du récépissé de dépôt du dossier, le chef de service départemental des
domaines du lieu de situation de la parcelle sollicitée, adresse des correspondances à tous les
services publics locaux intéressés par le projet pour recueillir leurs avis. Lorsque tous les avis
sont favorables, il transmet le dossier pour examen à la Commission consultative créée par
l’ordonnance 74-1 et organisée par l’article 12 du décret 76-166 portant modalités de gestion
du domaine national.

Nommée par le Préfet et siégeant au niveau de l’arrondissement, la commission consultative


comprend :

- Le sous-préfet, Président
- Un représentant du service des domaines, secrétaire,
- Un représentant du service du cadastre,
- Un représentant du service de l’urbanisme, si le projet est urbain,
- Un représentant du Ministre dont la compétence a un rapport avec le projet et
notamment du Ministre de l’environnement.
- Le chef du village et deux notables du village, ou de la collectivité où se trouve le terrain
D’après l’article 13 du décret, la commission consultative se réunit au moins une fois par
trimestre et sur convocation de son président.

Pour examiner un dossier de concession, elle doit être convoquée par son président. La
convocation et l’ordre du jour doivent parvenir aux membres dix jours au moins avant la date
de la réunion. L’ordre du jour est également affiché sur les panneaux des bureaux de la

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préfecture, de la sous-préfecture du lieu de situation du terrain. Il indique la localisation du
terrain, sa superficie approximative ainsi que le projet envisagé.

Pour émettre un avis éclairé, la commission est tenue de faire une descente sur les lieux aux
frais du demandeur de la parcelle du domaine national. Pour qu’elle descente, le demandeur
de la parcelle doit :

- Payer des droits provisoires fixés sur un état délivré par le chef de service
départemental du cadastre en exécution de la loi des finances,
- Respecter les modalités de déplacement de la commission apprêtées en liaison avec
le sous-préfet, président de la commission consultative,
- Payer des droits fixés conformément aux barèmes figurant à l’article 14 de la loi n°
90/001 du 29 juin 1990 fixant la redevance de base des concessions du domaine
national et dans l’arrêté n° MINDCAF du 2012 fixant le coût de fonctionnement de la
commission consultative de gestion du domaine national,
- Acheter les bornes que la commission consultative implantera lors de la descente.
Lorsqu’elle descend, la commission consultative vérifie la faisabilité du projet sur la parcelle,
et établit en six exemplaires un procès-verbal, signé de tous ses membres et consignant son
avis.

Un dossier technique et un dossier administratif du travail de la commission consultative sont


confectionnés. Sur la base de ces documents, le chef de service du cadastre du lieu de situation
du terrain :

- Établi un état de cession définitif du cadastre précisant la redevance foncière à payer,


- Fixe les frais des travaux cadastraux de terrain par référence au barème fixé par arrêté
du Ministre des domaines compte tenu des spécificités du terrain.
Un cahier de charges qui fixe les différents engagements que le demandeur prend vis-à-vis de
l’Etat dans le cadre de la mise en œuvre du projet sur la parcelle sollicitée est établi. Il précise
aussi les obligations du demandeur vis-à-vis des communautés riveraines de la parcelle. Les
engagements vis-à-vis des communautés sont négociés directement avec leurs représentants.

Dès que tous les frais sont payés, le chef de service départemental des domaines transfère au
Ministre chargé des domaines et des affaires foncières le dossier composé :

- Du procès-verbal en six exemplaires


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- Du dossier administratif du travail de la commission
- Du dossier technique du travail de la commission
- Et du cahier de charges en six exemplaires signé par le demandeur de la parcelle et le
préfet,
- Et d’une lettre de transmission au Ministre chargé des domaines.
Le Ministre cote le dossier à la direction des domaines où le service de concession procède à
la vérification des pièces du dossier et prépare les actes administratifs accordant la
concession, spécialement l’arrêté d’octroi de la concession provisoire pour les attributions de
moins de 50 hectares de terres et le décret de concession provisoire qui sera signé par le
Président de la République pour les attributions de plus de 50 hectares.

La concession de moins de 50 hectares est attribuée par arrêté du ministre chargé des
domaines. Celle de plus 50 hectares par décret du Président de la République. Un bordereau
signé du Ministre des domaines notifie le demandeur.

Informé, le débiteur décharge l’acte lui attribuant la concession moyennant paiement de la


redevance foncière et des autres taxes fixés par l’arrêté ou le décret.

L’acte d’attribution est publié dans les registres des concessions à la conservation foncière. Il
sert de preuve supplémentaire du droit de jouissance sur la terre et rend la concession
opposable aux tiers. Il concession fait naitre des droits et des obligations.

§3 : Les droits et obligations nés des concessions provisoires


Conformément à l’article 7 alinéa 2 du Décret 76-166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de
gestion du domaine national, les droits et obligations du concessionnaire et de l’Etat sont fixés
par un cahier de charge établi lors de la descente de la commission consultative.

L’analyse des différents cahiers de charge révèle que l’Etat a l’obligation de mettre le terrain
à la disposition du concessionnaire et de lui garantir une jouissance paisible. En contrepartie
il attend le respect par le concessionnaire de ses obligations contenues dans le cahier de
charge.

Par contre les droits et obligations du concessionnaire sont tellement abondant qu’il faut les
présenter .

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L’analyse des différents cahiers de charges fait apparaître une série d’obligation à la charge
du concessionnaire. Il doit notamment :

- Payer une redevance qui est fixé par l’acte de concession. Le montant de ce loyer n’a
pas de base juridique claire. Certaines entreprises payent un loyer annuel 6457 francs
CFA par hectare par an (cas de la SOSUCAM. Alors que d’autres peuvent payer
beaucoup moins. Par exemple avant que la concession de la SGSOC ne soit révisée, elle
prévoyait un loyer annuel de 250 francs CFA par hectare non exploité et de 500 francs
CFA par hectare exploité.
- Et respecter les prescriptions du cahier de charge le contenu n’est pas règlementé, il
doit être négocié avec ls riverains du terrain. Ce qui totalement dangereux pour les
droits des communautés.
A côté de ces quelques obligations, il a beaucoup de droits.

Le concessionnaire provisoire a des droits sur la terre et sur les ressources se trouvant dans
l’espace concédé.

Sur la parcelle concédée, le concessionnaire a un véritable droit réel de jouissance pendant la


durée de la concession qui ne doit pas dépasser cinq ans. En dehors des hypothèses où le
cahier de charge prévoit la possibilité pour les riverains d’accéder à la concession pour des
activités non nuisibles à la jouissance de la concession, le concessionnaire a le droit d’interdire
l’accès à sa concession à toute personne, y compris les riverains.

Il a le droit selon qu’il est de nationalité camerounaise ou étrangère d’obtenir la


transformation de sa de concession provisoire en concession définitive lui permettant de
devenir propriétaire ou en bail emphytéotique. Les concessionnaires de nationalité étrangères
ne peuvent obtenir que des baux sur la parcelle, à la fin de la concession provisoire.

Les ressources sont les choses utiles qui se trouvent sur le terrain concédé. Certaines sont
dans le sous-sols, notamment les minerais et les autres sur le sol.

Le régime des droits du concessionnaire sur les ressources du sous-sol est réglé par la loi
minière qui dispose que toutes les mines appartiennent à l’Etat. Il en résulte que sur celles-
ci, le concessionnaire n’a aucun droit. Il n’a pas non plus de droit sur le bois à valeur
commerciale dont le régime est réglé par la loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des
forêts, de la faune et de la pêche et le Décret n° 95/531/PM du 23 août 1995 fixant les
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modalités d’application du régime des forêts et les règles du droit commun contenues dans le
Code civil.

D’après l’article 73 de la loi, « en cas de réalisation d’un projet de développement susceptible


de causer la destruction d’une partie du domaine forestier national ou en cas de désastre
naturel aux conséquences semblables, l’administration chargée des forêts procède à une
coupe des bois concernés suivants des modalités fixées par décret ». Allant dans le même
sens, le décret n° 95/531 du 23 août 1995 ajoute en son alinéa 1 : « dans le cadre d’un projet
de développement susceptible d’entrainer des perturbations dans une forêt ou la destruction
de celle-ci, une étude d’impact préalable sur l’environnement est réalisée par le demandeur
suivant les normes fixées par l’Administration chargée de l’environnement, en vue de
déterminer les dispositions particulières à prendre pour assurer la conservation, le
développement ou la récupération des ressources naturelles ». L’alinéa 2 conclut en posant
que « conformément à l’article 73 de la loi, la récupération des produits forestiers du domaine
forestier national se fait soit en régie, soit par une vente aux enchères publiques, sur la base
des résultats d’inventaire.

En dehors de ces exclusions, le concessionnaire peut exploiter toutes les autres ressources se
trouvant sur l’espace qui lui est concédé, sans restrictions. Il ne peut être limité dans
l’exploitation que par la concurrence avec les populations riveraines si le cahier de charge leur
donne le droit de pénétrer dans l’espace concédé pour prélever des ressources précises.

La concession provisoire ainsi accordée peut prendre fin.

L’accès originaire à la jouissance légale des terres du domaine public se fait par la voie de
l’autorisation d’occuper délivrée par les communes et les autres personnes morales
publiques.

A côté de l’accès originaire à la jouissance légale des terres, le droit foncier camerounais
prévoit également un accès dérivé.

Section 2 : L’accès dérivé à la jouissance des terres

L’accès à un droit est dit dérivé lorsqu’il est le résultat d’un acte de transmission par un
précédent auteur. L’accès dérivé à la jouissance légale des terres au Cameroun résulte soit de
l’affectation (§1), soit des baux (§2).

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§1 : L’affectation

Dans le langage courant, l’affectation c’est la destination d’une chose à un usage déterminé.
D’après l’article 2 du décret 76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine
privé de l’Etat, l’affectation est un acte juridique par lequel l’Etat met à la disposition d’un
service public une dépendance de son domaine privé.

Ce texte organise le régime de l’affectation en précisant ses conditions (A) sa procédure (B)
ses effets (C).

A. Les conditions de l’affectation

Elles ont trait au bien affecté et à son bénéficiaire.

Relativement au bien, d’après l’article 1 du décret, les biens du domaine privé immobilier de
l’Etat tels que définis aux articles 10 et 11 de l’ordonnance 74-2 du 6 juillet 1974 peuvent être
affecté. Ce qui exclut du champ de l’affectation, ceux du domaine national ou du domaine
public. Ce choix législatif est confirmé par l’article 2 qui définit l’affectation comme un acte de
mise à disposition d’une dépendance du domaine privé de l’Etat. Cela signifie que l’affectation
porte sur les terres sur lesquelles l’Etat a des titres de propriété. Ce choix est une curiosité dès
lors les biens du domaine privé ne relevant plus du droit public auraient pu être gérés selon
les techniques de droit privé, dans un environnement où l’Etat reste gardien et gérant des
terres du domaine national et du domaine public. Le recours à la technique d’affectation se
comprend mieux pour les terres de ce domaine, mais le législateur a fait un autre choix. Sans
doute ce choix est-il justifié par l’abondance des terres constituant le domaine privé de l’Etat.
Mais lorsque celles-ci seront utilisées, l’abandon de l’affectation des terres du domaine privé
de l’Etat au profit de celles du domaine national ou du domaine public risque de devenir le
choix le plus adéquat.

En ce qui concerne le destinataire, d’après l’article 2 du texte, l’affectation est un acte de mise
des terres à la disposition d’un public. La notion de public étant ouverte, le destinataire de
l’affectation des terres aurait pu être n’importe quel regroupement de personne ou une
personne morale agissant dans l’intérêt d’un public. Un tel choix pouvant se justifier par le fait
que l’affectation n’est pas un mode de transmission du bien, mais une modalité d’accès à la
jouissance du bien, avec possibilité de retour au patrimoine de celui qui met à disposition.

31
Mais cette ouverture a été immédiatement fermée par l’article 3 qui considère que le public
bénéficiaire de l’affectation est un service public. Cette restriction est inexplicable, mais bien
confirmée par la procédure d’affectation.

B. La procédure d’affectation

Elle est décrite par l’article 3 du décret 76-167 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion
du domaine privé de l’Etat. D’après ce texte, tout service public désireux de bénéficier de
l’affectation d’un terrain domanial en fait la demande au Préfet du département où se trouve
le terrain sollicité. La demande doit comporter tous les éléments permettant d’apprécier le
programme à réaliser.

Dès réception de la demande, le Préfet convoque une commission comprenant outre le


représentant qualifié du ministère intéressé, les responsables départementaux des services
des domaines, du cadastre, de l’urbanisme, des routes et de la santé.

La commission choisit le terrain approprié. Le responsable du cadastre établit un plan,


contresigné par les membres de la commission et indiquant les tenants et les aboutissant du
terrain, ainsi que sa situation géographique. Les observations éventuelles formulées par les
membres de la commission font l’objet d’un procès-verbal distinct.

Le dossier ainsi constitué est transmis au ministre chargé des domaines qui prépare qui le
décret d’affectation et le transmet avec ses observations au Président de la République.

S’il accède à la demande, le Président de la République accorde l’affectation par décret et


cette affectation produit des effets

C. Les effets de l’affectation


L’affectation a pour effet de faire sortir temporairement le terrain du domaine privé de l’Etat
pour une mise à disposition au service public intéressé. Ce texte indique la nature juridique
des droits sur la terre affectée. Il ne s’agit nullement d’un droit de propriété, mais de
jouissance. La conséquence est que le service public intéressé ne peut pas se faire délivrer un
titre foncier sur le terrain, mais il doit simplement inscrire une charge sur le titre foncier de
l’Etat. Il ne peut non plus transférer à titre gratuit ou onéreux le terrain à un tiers ou à un autre
service public. C’est ce qui résulte de l’article 4 du décret 76-167 qui dispose que « dès
notification du décret d’affectation, le service intéressé prend possession du terrain s’il est

32
libre d’occupation. En cas de déguerpissement des occupants, les frais y afférents sont à sa
charge. En cas de non utilisation du terrain dans les trois années qui suivent l’affectation, sa
désaffectation peut être prononcée par décret du Président de la République sur rapport du
ministre chargé des domaines ».

Le droit de jouissance dérivé des terres peut aussi résulter des baux

§2 : Les baux

Pluriel de bail, les baux sont des contrats par lesquels une ou plusieurs personnes donnent à
une ou plusieurs autres une chose en jouissance pendant un certain temps, moyennant
paiement d’une somme d’argent appelé loyer. C’est par les baux que les personnes physiques
ou morales accèdent de manière dérivée à la jouissance de certaines catégories de terres au
Cameroun. Les baux permettent un accès dérivé à la jouissance des terres du domaine
national (A) ou du domaine privé (B).

A. Les baux sur les terres du domaine national


Ils sont concédés aux étrangers à leur demande à la fin de la concession provisoire. C’est ce
qui résulte de l’article 10 du décret 76-166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du
domaine national qui dispose qu’« il ne peut être proposé que des baux emphytéotiques pour
les étrangers ayant mis en valeur une dépendance du domaine national ».

Pour obtenir un tel bail, l’étranger dont la concession provisoire est arrivée à expiration doit
adresser au Préfet du lieu de situation du terrain un dossier comportant les pièces suivantes :

- Une demande en quatre exemplaires sur papier libre dont l’original est timbré au tarif
en vigueur et par laquelle le concessionnaire sollicite du Préfet le constat de la
réalisation de son projet conformément aux prescriptions du cahier des charges ;
- L’arrêté ou le décret ayant attribué la concession provisoire revêtu des mentions de
son enregistrement ;
- La quittance de paiement de la redevance foncière relative à la concession provisoire
- Une procuration délivrée par les organes compétents s’il s’agit d’une société ;
- Une fiche de présentation du projet réalisé ;
- Le permis de bâtir délivré par l’autorité municipale compétente si le projet comportait
une construction située en zone urbaine ;

33
Le Préfet convoque la commission consultative et fixe la date de descente. A la descente, la
commission constate et évalue les mises en valeur dans un procès-verbal signé de tous ses
membres. Le procès-verbal fait ressortir le montant des investissements réalisés et contient
toutes les informations et objections reçues lors de la descente et les propositions de la
commission consultative.

A l’issue des travaux de la commission, si le terrain a été mis en valeur conformément aux
conditions imposées par l’acte de concession et ses avenants éventuels, le Préfet fait une
proposition de transformation de la concession provisoire en bail emphytéotique de tout ou
partie du terrain selon l’étendue de la mise en valeur et transmet tout le dossier au Ministre
chargé des domaines, lequel peut accorder le bail emphytéotique à l’étranger.

B. Les baux sur les terres du domaine privé

Sur les terres du domaine privé des particuliers ou de l’Etat, le droit camerounais permet aux
personnes publiques ou privés d’obtenir un droit de jouissance par des baux.

Les baux sur les terres du domaine privé des particuliers sont régis par le droit civil ou le droit
commercial.

Par conte contre c’est le droit foncier qui organise le régime des baux du domaine privé de
l’Etat. L’accès en jouissance aux terres du domaine privé de l’Etat par voie de bail est régi par
le décret 76-167 du 27avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l’Etat.
D’après l’article 16 de ce texte, les dépendances du domaine privé de l’Etat non affectées ou
désaffectées peuvent être attribuées en jouissance aux personnes physiques ou morales qui
en font la demande.

D’après l’article 18, toute personne désirant prendre à bail une dépendance du domaine privé
de l’Etat, doit adresser au ministre chargé des domaines sous le couvert du Préfet du
département où l’immeuble est situé, un dossier comprenant :

- Une demande timbrée,


- Une copie certifiée conforme de la carte d’identité ;
- Un exemplaire des statuts lorsqu’il s’agit d’une société ;
- Une procuration si le preneur est mandataire ;
- Quatre exemplaires du plan du terrain ;

34
- Un planning des travaux de mise en valeur ainsi que les moyens financiers à mettre en
œuvre.
Sur la base de ce dossier, le ministre chargé des domaines donne au Préfet l’autorisation de
conclure avec le demandeur un bail ordinaire dont la durée ne peut excéder dix-huit ans ou
un bail emphytéotique dont la durée peut être comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-
neuf ans.

Outre la jouissance, l’accès aux terres du Cameroun peut se faire par la propriété.

Chapitre 2 : Acquisition et preuve de la propriété des terres au


Cameroun : L’obtention d’un titre foncier

35
La propriété est la prérogative qui permet à son titulaire de faire de sa chose ce qu’il veut. Il
peut s’en servir, en tirer toutes les utilités possibles, en disposer ou ne rien en faire. C’est la
prérogative la plus complète, la plus aboutie qu’une personne peut avoir sur une chose

Acquérir la propriété d’une chose c’est en devenir propriétaire. Prouver sa propriété sur une
chose c’est établir qu’on en est propriétaire. Depuis 1974, le régime de l’acquisition d’un droit
de propriété sur la terre s’est détaché du droit commun, parceque que l’instrument d’accès
à la propriété qui est le titre foncier est également le moyen de preuve. Acquérir et prouver
la propriété sur une terre c’est obtenir un titre foncier sur celle-ci. Pour comprendre ce
mécanisme original, il faut cerner la notion la notion de titre foncier (Section 1) et préciser les
voies d’accès à cet instrument (Section 2).

Section 1 : Notion de titre foncier

Contrairement à la croyance populaire, l’expression titre foncier ne désigne pas un document


remis à un propriétaire, mais plutôt une technique de sécurisation des droits fonciers
consistant en l’inscription dans un registre public matérialisant et indiquant son bénéficiaire
un droit de propriété sur une portion de terre. D’après l’article 1er du décret n°76/165 du 27
avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, modifié et complété par le décret
n°2005/481 du 16 décembre 2005, le titre foncier est « l’enregistrement d’un droit de
propriété foncière dans un registre spécial appelé livre foncier ». Cette définition du titre
foncier est confirmée par le fait qu’à l’issue de l’inscription d’un droit de propriété dans le
livre foncier, le document de preuve remis au propriétaire n’est pas appelé « titre foncier »,
mais plutôt copie du titre, duplicatum. C’est ce qui ressort de l’article 38 alinéa 2 du décret
76-165, qui dispose que : « le propriétaire , à l’exclusion de toute autre personne, a droit à un
duplicatum du titre foncier et du plan y annexé ».

Au bénéfice de ces informations, il devient possible de s’intéresser à la description d’un titre


foncier.

La lecture des textes fonciers camerounais révèle que, depuis le décret du 21 juillet 1932
instituant au Cameroun le régime foncier de l’immatriculation, le titre foncier d’un immeuble
est constitué d’une série de pages du registre foncier indiquant conformément à l’article 35
du décret 76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier :

36
- la description de l’immeuble avec indication de sa consistance, de sa contenance, de
sa situation, de ses limites, de ses tenants et aboutissants ;
- l’indication de l’identité et de l’état civil du propriétaire ;
- l’indication des droits réels existants sur l’immeuble et les charges qui le grèvent ;
- un numéro d’ordre et un nom particulier ;
- le plan de l’immeuble dûment signé par un géomètre assermenté et visé par le chef du
service départemental du cadastre du lieu de situation de l’immeuble.
Cette inscription dans le registre foncier est à la fois l’acte de création et le moyen de preuve
du droit de propriété sur l’immeuble. Reste la question de savoir quelles sont les voies d’accès
au, titre c’est-à-dire à la propriété des terres.

Section 2 : Les voies d’accès au titre foncier ou à la propriété des terres

Le droit foncier camerounais prévoit deux voies d’accès au titre foncier ou à la propriété des
terres : la voie originaire (sous-section 1) et la voie dérivée (sous-section 2).

Sous-section 1 : La voie originaire d’accès au titre foncier ou à la propriété des


terres

La voie originaire d’accès à la propriété est celle qui permet à une personne juridique de
devenir propriétaire d’une chose n’appartenant à personne. En matière foncière la voie
originaire permet d’accéder aux terres sur lesquelles il n’y a pas de titre foncier. L’accès à la
propriété des terres au Cameroun par la voie originaire est organisé par les ordonnances 74-
1 et 74-2 du 6 juillet 1974, leurs textes d’application, et par la loi forestière. Ces textes opèrent
une distinction entre l’accès originaire de l’Etat (§ 1) et l’accès originaire des personnes privées
(§ 2).

§ 1 : L’accès originaire de l’Etat au titre foncier ou à la propriété des terres

37
L’Etat ne recoure pas à la procédure d’immatriculation directe pour devenir propriétaire des
terres du domaine national au Cameroun. Il utilise deux techniques: le classement (A) et
l’incorporation (B).

A. Le classement

Dans les textes fonciers camerounais, Le classement est une technique de droit public qui
permet à l’Etat de devenir propriétaire d’une portion du domaine national de sa propre
initiative. L’issue de la procédure qui est purement administrative est la délivrance d’un titre
foncier au nom de l’Etat sur la portion de terre du domaine national classée.

La particularité du classement des terres en droit camerounais, est que la procédure n’est pas
organisée par les textes fonciers, mais par la loi forestière, notamment la loi n° 94-1 du 20
janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche.

D’après l’article 25 de ce texte, les forêts domaniales relèvent du domaine privé de l’Etat. Elles
sont classées par un acte règlementaire qui fixe leurs limites géographiques et leurs objectifs
qui sont notamment : de production, de récréation, de protection ou à but multiple englobant
la production, la protection de l’environnement et la conservation de la diversité du
patrimoine. Cet acte règlementaire ouvre droit à l’établissement d’un titre foncier au nom de
l’Etat.

Sont considérés comme forêts domaniales :

1. Les aires protégées pour la faune telles que :


- Les parcs nationaux,
- Les réserves de faune,
- Les zones d’intérêt cynégétiques
- Les games- ranches appartenant à l’Etat,
- Les jardins zoologiques appartenant à l’Etat ;
- Les sanctuaires de faune
- Les zones tampons.
2. Les réserves forestières telles que :
- Les réserves écologiques intégrales,
- Les forêts de production,
- Les forêts de protection,
38
- Les forêts de récréation,
- Les forêts d’enseignement et de recherche,
- Les sanctuaires de flore,
- Les jardins botaniques,
- Les périmètres de reboisement
Critique.

Il ressort de ces textes que l’Etat peut devenir propriétaire des terres par la création des aires
protégées, des réserves écologiques, et plus globalement par la création des forêts
domaniales. C’est un accès à la propriété des terres par le détour de la ressource forestière ou
faunique. Cette technique d’accès à la propriété des terres est critiquable, car, elle permet à
l’Etat d’utiliser le détour de la ressource pour accéder aux terres sans respecter les contraintes
de la législation foncière.

B. L’incorporation
L’incorporation est le rattachement d’une chose à une autre. En matière foncière c’est le
rattachement d’une portion de terre à une catégorie différente de celle à laquelle elle était
rattachée. Prévue par l’article 18 de l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 modifiée par
l’ordonnance 77-1 du 10 janvier 1977 et son décret d’application, elle permet de faire rentrer
dans le domaine privé de l’Etat, des portions de terre du domaine national.

D’après ce texte : « en vue de la réalisation des opérations d’intérêt public, économique et


social, l’Etat peut classer au domaine public ou incorporer dans son domaine privé ou celui
des autres personnes morales de droit public, des portions du domaine national ».

L’incorporation respecte une procédure (1) et produit des effets (2).

1. La procédure d’incorporation

Elle est décrite par les articles 19 et suivants du décret n° 76/166 du 27 avril 1976 fixant les
modalités de gestion du domaine national.

La demande d’incorporation d’une portion du domaine national au domaine privé de l’Etat


doit être adressée au Ministre des domaines par les services publics, les collectivités
territoriales locales ainsi que les organismes publics autonomes qui souhaitent réaliser des
projets d’intérêt général. Elle doit comporter les indications suivantes :

39
- Le projet à réaliser,
- Sa localisation
- La superficie des terres sollicitées;
- La date approximative de démarrage des travaux,
- La justification de l’existence de crédits pour le paiement des impenses que pourraient
éventuellement supporter le terrain.
Lorsque le projet est jugé pertinent, le Ministre chargé des domaines prend un arrêté
déclarant d’utilité publique les travaux projetés et le notifie pour enquête au Préfet du lieu de
situation de l’immeuble. D’après l’article 21 du décret, l’enquête est menée dans les formes
prévues par la loi n° 85-09 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité
publique.

Lorsque cette procédure est régulièrement suivie, un décret prononce l’incorporation du


terrain au domaine privé de l’Etat, de la collectivité locale ou de l’organisme public qui en a
fait la demande. Cette incorporation produit des effets.

2. Les effets de l’incorporation

Le décret est publié au livre foncier avec pour conséquence la délivrance du titre foncier.
L’incorporation du terrain au domaine privé de l’Etat, de la collectivité ou de l’organisme
public a pour conséquence l’accroissement de l’assiette du domaine privé de l’Etat ou de
l’organisme public demandeur. Mais cet accroissement se fait au détriment des droits des
tiers occupant du terrain qui, du fait de la procédure perdent leurs terres et leurs réalisations
sur le terrain.

L’importance des pertes dépend de la nature des droits qui leurs sont reconnus. La législation
foncière camerounaise ne reconnaissant la qualité de propriétaire qu’aux seuls détenteurs de
titres fonciers, les occupants du domaine national qui perdent leurs droits du fait de
l’incorporation ne sont pas considérés comme des expropriés, mais comme des déguerpis en
ce sens qu’ils ne sont pas censés avoir perdu des terres, mais les mises en œuvre, les cultures
et constructions réalisées. Sur cette base, ils n’ont droit qu’à des indemnités de
déguerpissements qui correspondent à la valeur des cultures et constructions que supportait
le terrain au moment de l’enquête. Cette indemnisation doit être payée avant le

40
déguerpissement, mais, compte tenu de l’urgence du projet, l’Etat peut disposer du terrain
avant le paiement de l’indemnité.

La qualification de déguerpis utilisée par les textes camerounais est source de beaucoup de
frustration dès lors qu’elle entraine une spoliation de leurs terres des occupants pouvant
prétendre à la propriété sur la base de l’occupation ou de la possession de longue durée,
spécialement lorsqu’il s’agit des terres coutumières et des terres des peuples autochtones.

Elle est en rupture avec les règles posées par plusieurs conventions internationales ratifiées
par le Cameroun, notamment : le PIDESC, le document de politique foncière de l’UA (cadres
et lignes), la qui reconnaît la propriété même non enregistrée. Mais en attendant une réforme
qui pourrait changer la consistance de leurs droits, le droit applicable au Cameroun se
contente de la qualification de déguerpis.

Le débat se pose en des termes différents lorsque l’Etat utilise la procédure d’expropriation
pour constituer son domaine privé.

Ces deux procédures sont inutilisables par les personnes privées.

§2 : L’accès originaire des personnes privées au titre foncier ou à la propriété


des terres

Les textes fonciers camerounais prévoient deux modalités d’accès des personnes privées à la
propriété des terres par la voie originaire : la transformation d’une concession provisoire en
concession définitive ou immatriculation indirecte (A) et la transformation de la jouissance
légale en propriété ou immatriculation directe (B).

A. La transformation d’une concession provisoire en concession définitive

La possibilité de devenir propriétaire par transformation d’une concession provisoire en


concession définitive est ouverte par l’article 9 du décret 76-166 portant modalités de gestion
du domaine national. D’après ce texte, à l’expiration de la durée de la concession provisoire
ou avant cette expiration si le projet de mise en valeur est réalisé en totalité, la Commission
consultative procède à un constat de mise en valeur des lieux et dresse un procès-verbal
faisant ressortir le montant des investissements réalisés. Le procès-verbal de ce constat est

41
adressé au Préfet du département du lieu de situation de l’immeuble , qui peut proposer selon
les cas :

- La prorogation de la durée de la concession,


- L’attribution définitive,
- L’octroi d’un bail emphytéotique.
D’après l’article 10, l’attribution définitive peut être proposée pour les concessionnaires de
nationalité camerounaise qui ont mis en valeur le terrain conformément aux prescriptions du
cahier des charges. La concession définitive est attribuée par arrêté du Ministre des domaines
et des affaires foncières pour les terrains de moins de 50 hectares et par Décret du Président
de la République pour les concessions de plus de 50 hectares.

Le camerounais bénéficiaire d’un arrêté ou d’un décret de concession définitive a le droit de


le faire enregistrer dans le registre foncier de la localité de situation de l’immeuble. Cet
enregistrement équivaut à la délivrance du titre foncier et transforme sa concession définitive
en propriété. Cette résulte de la mise en œuvre de deux de deux importants textes :

L’article 2 de l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier qui dans
l’énumération qui cite « les concessions domaniales définitives » dans les terres faisant l’objet
du droit de propriété.

Le décret 76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier , modifié et
complété par le décret n°2005-481 du 16 décembre 2005 qui cite dans la liste des actes
pouvant être transformés en titre foncier les arrêtés d‘attribution d’une concession définitive
et indique la procédure.

D’après l’article 3 du Décret, le détenteur d’un décret ou d’un arrêté d’attribution définitive
d’une concession domaniale qui souhaite sa transformation en titre foncier doit adresser au
conservateur foncier du lieu de situation de l’immeuble une demande timbrée contenant les
indications suivantes :

- Nom, prénoms, date et lieu de naissance, filiation, profession, domicile, situation de


famille ;
- Tout renseignement utile permettant d’identifier l’immeuble ;
- Les transferts, transactions, baux, hypothèques et autres charges grevant l’immeuble.

42
D’après l’article 4, à l’appui de sa demande doivent être joints outre le plan de bornage, le
procès-verbal de bornage de l’immeuble, tous les contrats et actes publics ou privés
constitutifs des droits réels dont l’immatriculation est requise.

D’après l’article 5, si l’immeuble n’est pas borné, le Conservateur foncier requiert le bornage
aux frais du demandeur. Le bornage est effectué en présence des voisins, par un géomètre
assermenté du cadastre.

En cas de contestation sur les limites de l’immeuble, le géomètre assermenté fait ressortir sur
le plan, la partie litigieuse. Le différend est porté selon le cas, soit devant le Ministre chargé
des domaines qui statue en dernier ressort.

Les actes faisant l’objet d’un litige ne peuvent être transformés en titres fonciers qu’après
notification au conservateur foncier compétent de la décision définitive par l’autorité ou la
juridiction qui a statué sur le fond.

La transformation d’un arrêté ou d’un Décret de concession définitive en titre foncier rend
propriétaire par la voie originaire, tout comme la transformation de la possession paisible en
propriété encore appelée immatriculation directe.

B. La transformation de la jouissance légale en propriété : l’immatriculation directe

C’est un processus d’accès à la propriété des terres prévu par l’article 17 alinéa 2 de
l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier qui dispose que, les collectivités
coutumières, leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise qui, à la
date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, occupent ou exploitent paisiblement des
dépendances de la première catégorie du domaine national continueront à les occuper ou
exploiter. Ils peuvent sur leur demande y obtenir des titres de propriété conformément aux
dispositions règlementaires. Pour obtenir une immatriculation directe d’un terrain, il faut
remplir des conditions précises (1) et respecter une procédure (2).

1. Les conditions de l’immatriculation directe

Elles ont trait aux personnes pouvant la solliciter et aux terres sur lesquelles elle peut être
sollicitée .

43
Relativement aux personnes, l’immatriculation directe ou créatrice du droit de propriété est
ouverte à des catégories de personnes limitativement énumérées qui ont la possession sur la
terre sollicitée et que cette possession est antérieure à 1974.

La liste des personnes pouvant solliciter une immatriculation créatrice du droit de propriété
est fixée par l’article 17 de l’ordonnance. Le texte ouvre cette possibilité aux collectivités
coutumières, à leurs membres et à toute personne de nationalité camerounaise. Le texte
ferme d’entrée l’immatriculation création des droits aux étrangers. C’est-à-dire aux personnes
n’ayant pas la nationalité camerounaise. Par contre il permet à toute personne physique ou
morale camerounaise ou à des collectivités coutumières de solliciter l’immatriculation de leurs
terres.

La dernière condition relative aux personnes, posée par l’article 9 du décret n°76/165 du 27
avril 1976 est la date de la possession. Pour avoir droit à une immatriculation créatrice du
droit de propriété, le possesseur doit prouver que sa possession date d’avant 1974.
L’interprétation faite par les autorités administratives gréant les questions foncières de ce
texte exclu de l’immatriculation toute les personnes nées après 1974, ce qui est surprenant
car cette interprétation exclut toute transmissibilité de la possession qui est pourtant une
prérogative de fait reconnue et protégée par les textes.

Cette circonstance exclut de la liste des personnes pouvant obtenir un titre foncier par
immatriculation directe les étrangers toutes les personnes nées quelques années avant 1974

En ce qui concerne les terres, d’après l’article 17 de l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant
le régime foncier, l’immatriculation directe ne peut être sollicitée que sur les dépendances de
première catégorie, c’est-à-dire sur les terres d’habitation, de cultures, de plantation, de
pâturages et de parcours dont l’occupation se traduit par une emprise évidente de l’homme
sur la terre. Cette exigence est réitérée de manière plus explicite encore par l’article 11 du
décret 76-165 du 27 avril 1976 modifié en 2005 qui dispose en son article 11 alinéa 3 que « les
demandes portant sur les terres libres de toute occupation ou exploitation sont irrecevables.
Elles sont instruites selon la procédure de concession ».

44
Cette circonstance exclut de l’immatriculation directe les terres de la deuxième catégorie du
domaine du domaine. C’est-à-dire les forêts et savanes vierges. Ce qui est une atteinte aux
droits des peuples autochtones qu’une réforme foncière doit corriger.

Pour avoir le titre foncier par immatriculation directe, il faut suivre une procédure.

2. La procédure de l’immatriculation directe

Elle est décrite par le décret n° 76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du
titre foncier, modifié par le décret n°2005-481 du 16 décembre 2005.

D’après ce texte, toute personne habilitée à solliciter une immatriculation directe, doit
constituer un dossier comprenant :

- Une demande en quatre exemplaires dont l’original est timbré, indiquant ses noms et
prénoms, sa filiation, son domicile, sa profession, son régime matrimonial, sa
nationalité, le nom sous lequel l’immeuble doit être immatriculé.
- la description de l’immeuble, notamment sa superficie, la nature de l’occupation ou
de l’exploitation, l’estimation de sa valeur, l’indication des charges qui le grèvent.
La demande signée, ne doit viser qu’un immeuble composé d’une seule parcelle. Si une route
ou une rivière traverse le terrain, il faut autant de demandes qu’il y a de parcelles séparées
par la route ou la rivière. (Cette exigence est curieuse du moment que le bénéficiaire d’une
concession d’une superficie de plus cinquante hectare peut devenir propriétaire par
publication de sa concession dans les livres fonciers et obtenir de ce fait un titre foncier sur le
tout sans distinction de parcelle).

Le dossier est déposé auprès du sous-Préfet du lieu de situation de l’immeuble contre


récépissé. Le sous-préfet le transmet dans les huit jours à la délégation départementale des
affaires foncières.

D’après l’article 13, dès réception du dossier, le délégué départemental des affaires foncières
fait publier dans les quinze jours, par le chef de service départemental des affaires foncières,
un extrait de la demande, par voie d’affichage dans les locaux du service, de la sous-
préfecture, de la Mairie et de la Chefferie du village concerné.

Sur proposition du chef de service départemental des affaires foncières, le sous-préfet


territorialement compétent, Président de la commission consultative, fixe par décision, la date

45
de la descente sur le terrain sur le terrain de la commission consultative pour le constat
d’occupation ou d’exploitation.

Lorsque l’immeuble intéresse plusieurs circonscriptions administratives, les Commissions


consultatives concernées siègent ensemble à l’initiative de celle qui détient le dossier.

En cas d’occupation ou d’exploitation effective, la Commission consultative fait


immédiatement procéder au bornage de l’immeuble par un géomètre assermenté du
cadastre, en présence des riverains. Les frais de bornage sont à la charge du requérant. A
peine de nullité, aucun bornage d’immatriculation ne peut être effectué par le géomètre seul.

D’après l’article 14 du décret, à l’issue du bornage, un plan et un procès-verbal sont dressés


par le géomètre. Le plan est signé du géomètre, du Président de la Commission consultative,
du chef de service départemental des affaires foncières, du chef du village concerné et des
riverains. Il y est fait mention :

- des noms et prénoms des participants ;


- des mises en valeur et de leurs auteurs ;
- de la description des limites reconnues, de la longueur des côtés. Chacun des sommets
du polygone formé par l’immeuble est désigné par un numéro d’ordre. Le plan de
bornage est rattaché aux points de triangulation ou de polygonisation.
D’après l’article 15, dans les trente jours qui suivent la réunion de la Commission consultative,
le délégué départemental des affaires foncières transmet au délégué régional des affaires
foncières, le dossier comprenant outre les pièces initiales, le procès-verbal de la Commission
consultative, cinq exemplaires du plan et le procès-verbal de bornage de l’immeuble.

Le chef du service régional des affaires foncières l’inscrit dans le registre régional de suivi des
réquisitions d’immatriculation, lui affecte un numéro, examine la régularité des pièces
produites, le vise le cas échéant, et établit un avis de clôture de bornage qu’il fait publier dans
le Bulletin des avis domaniaux et fonciers.

S’il trouve que le dossier est régulier aussi bien sur le fond que sur la forme, notamment
relativement à la législation fiscale et financière, il le vise et le transmet au conservateur
foncier pour suite de la procédure.

46
S’il trouve que le dossier n’est pas régulier sur le plan financier, il le transmet au délégué
départemental des affaires foncières pour redressement

D’après l’article 16 du décret, à partir du jour de dépôt à la sous-préfecture de la réquisition


d’immatriculation, et jusqu’à l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la publication
au bulletin des avis domaniaux et fonciers de l’avis de clôture de bornage, toute personne
intéressée peut intervenir soit par opposition, soit par demande d’inscription au droit.

L’opposition n’est ouverte qu’en cas de contestation sur l’auteur ou l’étendue de la mise en
valeur. Tandis que la demande d’inscription de droit est ouverte en cas de prétention élevée
sur l’existence d’un droit réel ou d’une charge susceptible de figurer sur le titre à établir.

Les oppositions et les demandes d’inscription de droit sont formées par requête timbrée
comportant l’indication des nom, prénoms, domicile des intervenants, les causes
d’intervention et l’énoncé des actes, titres ou pièces sur lesquelles elles sont appuyées.

La requête formée avant la séance de la commission consultative est adressée au sous-préfet


du lieu de situation de l’immeuble qui doit la soumettre à l’examen de ladite commission le
jour de la descente sur le terrain.

Les oppositions et les demandes d’inscription des droits non examinées le jour du constat
d’occupation ou formulées antérieurement sont adressées au conservateur foncier qui doit
les consigner dès réception et dans l’ordre d’arrivée, dans un registre spécial.

A compter de l’expiration du délai de réception des oppositions et demandes d’inscription,


c’est-à-dire du délai de trente jours à compter de la publication au bulletin des avis domaniaux
et fonciers de la réquisition d’immatriculation, le Conservateur foncier notifie au requérant, à
domicile élu, toutes les mentions inscrites au registre des oppositions.

Le requérant a trente jours à compter de la date de notification pour rapporter au


conservateur mainlevée formelle des oppositions ou des demandes d’inscription. A défaut de
lui déclarer y acquiescer ou soit faire connaitre son refus d’acquiescement et l’impossibilité
pour lui de lui fournir main levée.

D’après l’article 19, en l’absence d’opposition, de demande d’inscription de droits ou en cas


de production de la main levée d’opposition, le Conservateur Foncier procède à
l’immatriculation de l’immeuble sur le livre foncier en :

47
- le décrivant avec sa consistance, sa contenance, sa situation, ses limites, ses tenants
et ses aboutissants ;
- en indiquant le propriétaire ; les droits réels existants sur l’immeuble et les charges
qui le grèvent, un numéro d’ordre et un nom particulier ; le plan de l’immeuble dûment
signé par un géomètre assermenté et visé par le chef du service départemental du
cadastre du lieu de situation de l’immeuble.
Les oppositions ou demandes d’’inscription de droits non levées à l’expiration du délai prévu,
sont soumises au Gouverneur territorialement compétent pour règlement après avis de la
commission consultative.

Sur proposition du Chef du service régional des affaires foncières, le Gouverneur peut, par
arrêté selon le cas, autoriser le Conservateur foncier :

- soit à immatriculer le terrain au nom du requérant, avec inscription des droits, le cas
échéant ;
- soit à faire exclure avant immatriculation la parcelle contestée ;
- soit enfin à rejeter la demande d’immatriculation.
La décision du Gouverneur est susceptible de recours hiérarchique devant le Ministre chargé
des affaires foncières ;

La décision du Ministre des affaires foncières est susceptible de recours devant la juridiction
administrative compétente.

La voie originaire n’est ouverte que sur les terres sur lesquelles il n’y a pas de titre foncier, car,
l’accès aux terres objet de titre foncier se fait par la voie dérivée.

48
Sous-section 2 : L’accès au titre foncier ou à la propriété des terres par la voie
dérivée

La voie dérivée permet d’accéder à la propriété des terres sur lesquelles des titres fonciers
existent. Le propriétaire ayant le droit de faire de sa chose ce qu’il veut, cet accès devrait
normalement être régi uniquement par les règles du droit commun des contrats ou des
libéralités. Mais tenant compte la spécificité de la terre, le législateur a complété les règles de
droit commun par des règles complémentaires du droit foncier en opérant une distinction
entre les terres des personnes privées (§1) et celles de l’Etat (§2).

§1. L’accès par la voie dérivée à la propriété des terres des personnes privées

Cet accès est le résultat d’un acte juridique à titre onéreux ou à titre gratuit, autrement dit le
résultat d’une transaction opérant un transfert de propriété. Outre les règles de droit
commun, cet accès est régi par l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier et
le décret n°79-017 du 13 janvier 1979 relatif aux transactions immobilières privées. D’après
l’article 1er du décret, « constitue une transaction immobilière privée au sens du présent
décret, la vente, la cession gratuite ou l’échange d’un immeuble entre particuliers ».

Ces textes imposent aux vendeurs des terres, donateurs, acheteurs et bénéficiaires des
transactions sur les terres, plusieurs contraintes dont le non-respect est sanctionné de nullité.

Les deux premières sont posées par l’article 8 de l’ordonnance 74-1 du 6 juillet 1974: « les
actes constitutifs, translatifs ou extinctifs de droits réels immobiliers doivent à peine de nullité,
être établis en la forme notariée ». Ce texte rend solennel tout acte translatif de droits sur un
immeuble solennel. La présence du notaire, officier ministériel, conseil public en matière
foncière assure la protection des droits des droits des acteurs. Le caractère imprécis de ce
texte aurait pu laisser penser qu’il autorise les transactions sur les terrains sans se soucier de
leur immatriculation dès lors qu’elles sont passées par devant notaire. Mais le point est précisé
par l’alinéa 2 qui dispose que « sont également nulles de plein droit les cessions et locations
de terrains urbains ou ruraux non immatriculé au nom du vendeur ou du bailleur ».

Ces exigences légales sont en totale rupture avec la pratique foncière observée sur le
territoire et montrent le décalage entre le droit légal et le réellement pratiqué. Une réforme
foncière ne peut perdre de vue un tel décalage. Sur la base de ces deux textes, seuls les

49
terrains immatriculés peuvent être acquis par la voie dérivée et, toute achat, toute vente,
toute donation ou tout échange d’un terrain urbain ou rural qui ne se fait pas par devant
notaire est nul et de nul effet.

Les autres contraintes sont posées par le décret 79-017 du 13 janvier 1979 qui d’entrée impose
l’obligation de lotissement pour les transactions parcelle par parcelle sur les immeubles se
situant à l’intérieur du périmètre urbain à l’article 2 en ces termes : « à l’intérieur du périmètre
urbain, un immeuble ne peut faire l’objet de transactions par parcelles qu’après un
lotissement approuvé ». Il indique ensuite la procédure à suivre par les particuliers pour
transférer la propriété sur un immeuble.

D’après les articles 3 et suivants du décret, toute personne désirant aliéner son immeuble
saisit le service du cadastre territorialement compétent d’une demande de bornage de la
parcelle concernée. La demande indique, les nom et prénoms du propriétaire, le numéro du
titre foncier, la superficie de la parcelle et éventuellement le numéro du lot et le nom de
l’acquéreur. Les services du cadastre procèdent gratuitement au bornage, à l’établissement
du procès-verbal et des plans. Le vendeur et l’acquéreur saisissent conjointement le notaire
territorialement compétent (d’un dossier comprenant les pièces suivantes : le plan de
bornage, le certificat d’urbanisme, la copie du titre foncier, le certificat que l’Etat renonce au
droit de préemption si le propriétaire est de nationalité étrangère. Le plan et le procès verbal
de bornage ne sont pas nécessaire si la transaction porte sur la totalité de l’immeuble).

Le notaire doit porter à la connaissance de l’acquéreur les charges qui grèvent l’immeuble
sous peine d’engager sa propre responsabilité et mention en est fait dans l’acte. L’acte du
notaire accompagné des pièces qui lui ont été données par les parties est déposé contre
récépissé au service des domaines territorialement compétent. Il est inscrit dans un registre
spécial suivant l’ordre chronologique d’arrivée. Le service des domaines vérifie la régularité
des pièces du dossier et établi le titre foncier ou rejette le dossier au notaire. Les registres
fonciers et documents cadastraux sont mis à jour par les services compétents avant la remise
des duplicatas des titres aux propriétaires.

50
§2. L’accès de l’Etat à la propriété des terres et l’accès par la voie dérivée à la propriété des
terres du domaine privé de l’Etat

L’Etat deux voies pour accéder par voie dérivée à la propriété des terres : la voie de droit
constitué de l’achat, de l’échange de la donation et la voie exceptionnelle qu’est
l’expropriation pour cause d’utilité publique.

L’accès à la propriété des terres du domaine privé de l’Etat est régi par le décret 76-167 du 27
avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine privé de l’Etat. D’après l’article 5 de ce
texte, les terrains domaniaux non affectés ou désaffecté peuvent être aliénés par voie de
vente, de cession ou d’échange. Ce texte pose des contraintes peu lourdes par rapport aux
transactions sur les immeubles des particuliers.

D’après ce texte, afin de leur permettre de constituer leur domaine, l’Etat peut céder à titre
gratuit ou onéreux, des dépendances de son domaine privé aux personnes morales de droit
public. La demande de cession est adressée au Préfet du département où l’immeuble est situé.
Elle doit préciser le but assigné à la parcelle demandée et recueillir au préalable, s’il s’agit d’un
terrain urbain, l’avis du service compétent de l’urbanisme. La cession est prononcée par décret
ainsi que diverses obligations du cessionnaire. En aucun cas le cessionnaire ne peut changer
l’autorisation de l’Etat.

L’échange est régi par l’article 13 qui dispose qu’il peut être procédé à l’échange d’un
immeuble domanial non bâti contre des biens de même nature appartenant à des particuliers.
L’acte d’échange est approuvé par décret (art.14 al 2). Les immeubles objet de l’échange sont
préalablement évalués contradictoirement par l’administration des domaines et le particulier.
En cas de différence de valeur, une soulte est stipulée au profit ou à la charge de l’Etat. L’article
14 impose à toute personne physique ou morale coéchangiste avec l’Etat de produire un
certificat de non inscription hypothécaire ou, le cas échéant, un certificat de radiation
d’hypothèque.

Le régime de la vente est plus détaillé et fait une distinction entre la vente par adjudication et
la vente de gré-à-gré.

Le régime de la vente par adjudication est réglé par les articles 6 et suivants du décret. D’après
l’article 6, l’adjudication publique est effectuée par une commission présidée par le Préfet du
lieu de situation de l’immeuble et composée :
51
- du responsable départemental des domaines assurant le secrétariat ;
- du receveur des domaines ;
- et du responsable du cadastre.
Un avis au public fait connaitre le jour de l’adjudication, la situation, la consistance, la
superficie, la mise à prix de l’immeuble ainsi que les conditions particulières de celle-ci,
notamment le règlement d’impenses et la nature de l’investissement exigé. Cet avis est publié
au chef-lieu du département intéressé. La vente ne peut avoir lieu qu’après un délai de trente
jours courant du jour de l’affichage. Le cahier de charges et le plan de l’immeuble sont déposés
pour consultation éventuelle dans les bureaux des domaines. Ne peuvent concourir que les
personnes qui ont fait une déclaration de participation aux enchères. Cette déclaration doit
contenir :

- tous les renseignements concernant l’état civil, le régime matrimonial, la profession,


le domicile, la nationalité du participant ;
- l’acceptation des conditions particulières de la vente ;
- un exemplaire de statuts ou un certificat attestant son existence légale s’il s’agit d’une
société ;
- une procuration comportant expressément pouvoir d’acquérir si le participant est
mandataire ;
- une quittance de versement à la caisse du receveur des domaines d’un cautionnement
égal à la moitié de la mise à prix.
L’adjudication est acquise au plus haut et dernier enchérisseur. Elle est faite sans garantie.

D’après l’article 7, le procès-verbal d’adjudication est établi séance tenante en cinq


exemplaires pour chaque immeuble vendu. Il est signé de tous les membres de la commission.
Il doit reprendre les clauses particulières contenues dans l’avis d’adjudication.

L’adjudication n’est définitive qu’après homologation par arrêté du Ministre chargé des
domaines.

Le procès-verbal homologué vaut acte de vente. Sous réserve du paiement intégral du prix, il
donne droit au morcellement ou à la mutation aux frais de l’adjudicataire du titre foncier établi
au nom de l’Etat.

52
Relativement à la vente de gré-à-gré, d’après l’article 8 du décret, quiconque désire bénéficier
de la vente de gré-à-gré d’un terrain domanial doit en faire la demande écrite au Ministre
chargé des domaines sous le couvert du Préfet compétent, et produire à l’appui de son dossier
les pièces suivantes : une copie certifiée conforme de la carte d’identité, un relevé des terrains
acquis à quelques titre que ce soit de l’Etat ou des particuliers, une procuration lorsque le
demandeur est un mandataire, un exemplaire des statuts ou de l’acte constitutif ou un
certificat du greffe attestant son existence légale s’il s’agit d’une société. Lorsque la demande
est agréée, l’acte de vente de gré-à-gré est établi entre l’Etat et le bénéficiaire. Son
approbation donne droit au morcellement ou à la mutation aux frais de l’acquéreur du titre
foncier établi au nom de l’Etat.

53
Deuxième partie : La protection des prérogatives sur les terres

La protection des prérogatives sur les terres est constituée de l’ensemble des moyens destinés
à les défendre, à assurer leur intégrité, leur sécurité. Le droit foncier camerounais a construit
un régime sur la base d’une distinction entre la jouissance (Chapitre 1) et la propriété (Chapitre
2).

54
Chapitre 1. La protection de la jouissance sur les terres

Le droit de jouissance sur les terres est susceptible de menaces en provenance de l’Etat
gardien de toutes les terres, des propriétaires et des tiers . Pour assurer la protection des
titulaires du droit de jouissance, le droit camerounais fait une combinaison articulant droit
pénal, droit civil et droit foncier. Il institue une protection non juridictionnelle (Section 1) et
une protection juridictionnelle (Section 1).

Section 1 : La protection non juridictionnelle

C’est celle qui s’organise en dehors des tribunaux. Elle est construite autour de la prévention
des atteintes aux droits des titulaires des titres de jouissance (§1) et du règlement des
contestations portant sur le droit de jouissance sur les terres sans titre (§2).

§1. La prévention des atteintes aux droits des titulaires des titres de jouissance

Les titres de jouissance en matière foncière sont : l’arrêté ou le décret de concession


provisoire, le contrat de bail ou de bail emphytéotique. Le mécanisme de prévention des
atteintes aux droits contenus dans ces titres a été institué par le Décret n°2015-3580 du 11
août 2015 fixant les modalités d’enregistrement et le régime des garanties et sûretés
applicables aux concessions et aux baux domaniaux. Il est constitué par l’information du
public. On désigne ainsi l’opération juridique consistant à porter le droit reconnu à une
personne au grand public. à sa connaissance. En droit, l’information du public se fait par
publication, c’est-à-dire par accomplissement de l’une des formalités de publicité suivantes :
publication au journal officiel, affichage, insertion dans les médias, inscription sur un registre
public etc. Elle renseigne sur l’existence d’un droit ou d’un fait afin qu’il ne soit plus ignoré
par le public.

Pendant longtemps, l’information du public sur l’existence des titres de jouissance s’est faite
la publication du Décret ou de l’arrêté d’octroi de la concession. Mais cette modalité a été
jugée insuffisante parce qu’elle permettait d’éviter les chevauchements des titres des titres
sur les terres. Le décret n°2015/3580 a renforcé le processus, en instituant dans les
conservations foncières des registres spéciaux destinés à l’enregistrement des concessions ou
des baux domaniaux. Cette publicité permet de les rendre opposables aux tiers et d’informer
le grand public. (Décrire le registre des concessions)

55
§2. Le règlement des contestations des droits de jouissance sur les terres sans titre

Les titulaires des titres de jouissance ne sont pas à l’abri de la contestation de leurs droits. Un
mécanisme non juridictionnel de protection a été institué en leur faveur. Il articule règlement
des contestations élevées par les contestateurs sans titre et contestations élevées par les
demandeurs de titres légaux.

Les contestateurs sans titre n’ayant aucun titre juridique , qui contestent la présence d’un
possesseur sur une terre. La contestation peut être paisible ou violente. Lorsqu’elle est
violente, elle peut justifier une action pénale en trouble de jouissance.

Mais le titulaire du droit, au lieu de saisir le juge pénal, peut choisir la voie non répressive.

Cette voie a été instituée par l’ordonnance 74-1 fixant le régime foncier, qui a retiré la
compétence aux juridictions pour l’attribuer à la commission consultative. D’après l’article 5
alinéa 3 de cette ordonnance : « relèvent de la compétence des commissions consultatives le
règlement des litiges ci-après… toutes les revendications ou contestations d’un droit de
propriété sur les terrains non immatriculés ». Ce texte permet à tout possesseur de soumettre
le litige l’opposant à tout contestataire de son droit devant la commission consultative
présidée par le sous-préfet.

Les demandeurs de titre légaux peuvent aussi remettre en cause les droits des occupants sans
titre. Par demandeurs de titres légaux ici, il faut entendre tous ceux qui sollicitent des
concessions ou des titres fonciers sur les terres non immatriculées. Comme les contestateurs
des droits, ils mettent en péril le droit de jouissance des possesseurs et des tous ceux qui ont
un droit de jouissance sur la terre par autorisation de la loi sur le domaine national. Pour
protéger leur jouissance, l’ordonnance 74-1 fixant le régime foncier et ses textes d’application
ont prévu des mesures sur la base d’une distinction entre demande de concession et demande
d’immatriculation.

Parce qu’ils contestent les droits des occupants légitimes, le législateur a ouvert un droit
d’opposition leur permettant de contester la procédure d’immatriculation ou de concession
engagée sur la terre occupée. Ce droit d’opposition est prévu par le décret 76-165 du 27 avril
1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, modifié par le Décret n°2005-481 du
16 décembre 2005 qui institue une procédure d’opposition à la demande d’immatriculation

56
permettant aux titulaires du droit de jouissance d’obtenir leur respect. L’opposition se fait la
sous-préfecture et elle doit être réglée pour que la procédure avance.

A côté de cette protection non juridictionnelle, le droit camerounais a prévu une protection
juridictionnelle.

Section 2. La protection juridictionnelle

La protection juridictionnelle de la jouissance des terres est celle qui mobilise les juridictions.
Même si elle assure une prévention par la dissuasion, elle est construite autour du souci de
sanction des auteurs des atteintes au droit de jouissance à partir d’un régime juridique qui ne
tient aucun compte de l’origine du droit. Ce régime articule des sanctions pénales et civiles.

Au plan pénal, l’article 239 du Code pénal intitulé « trouble de jouissance » dispose : « est puni
d'un emprisonnement de quinze (15) jours à un (01) an celui qui, dans des conditions
susceptibles de troubler la paix publique, pénètre sur les terres occupées paisiblement par
autrui, même si elles lui appartiennent ». Ce texte protège tout titulaire d’un droit de
jouissance sur la terre sans se préoccuper du point de savoir s’il avait ou non le droit de se
trouver sur l’espace au moment où le perturbateur porte atteinte à son droit. Il protège le
droit de jouissance même contre le propriétaire du terrain.

Au plan civil, le titulaire d’un droit de jouissance peut obtenir du juge l’expulsion de l’auteur
de la violation de son droit ou la cessation du trouble qu’il lui cause. Il mobilisera à cet effet
les actions possessoires.

L’action possessoire est celle qui permet à son titulaire de faire cesser un trouble dont il est
victime dans sa possession, sans que l’on ait à rechercher s’il est réellement titulaire du droit
qu’il possède. Il suffit qu’il remplisse toutes les conditions de la possession. Il existe trois
actions possessoires. La complainte, la dénonciation du nouvel œuvre et la réintégrande.

57
Chapitre 2 : La protection de la propriété des terres

Le système foncier camerounais organise la protection de la propriété des terres autour de


deux axes : La limitation de la contestation du titre foncier d’une part (Section 1) et l’éviction
des occupants des terres objet de titre fonciers d’autre part (Section 2).

Section 1 : La limitation de la contestation du titre foncier

La protection de la propriété foncière au Cameroun est d’abord formelle et consiste en la


protection de l’instrument sans lequel elle n’existe pas : le titre foncier. Pour le protéger, le
législateur a posé le principe de non contestation du titre foncier (§1) assorti des limites
strictes (§2).

§1. Le principe de non contestation du titre foncier

Le principe de non contestation du titre foncier n’est pas clairement énoncé par les textes
fonciers camerounais. Il découle des caractères qui lui sont reconnus par les textes (A) et de
la substitution de l’action en dommage et intérêt pour dol en immatriculation à
l’inopposabilité comme sanction de la fraude en immatriculation (B).

Il se déduit des caractères du titre foncier (A) et de la sanction du dol en immatriculation (B)

A. Les caractères du titre foncier

Les caractères du titre foncier au Cameroun sont énoncés par l’article 1 er alinéa 2 du décret
76/165 fixant les conditions d’obtention du titre foncier modifié en 2005, qui dispose : « sous
réserve des dispositions des articles 2(alinéa3) et 24 du présent décret, le titre foncier est
inattaquable, intangible, définitif ».

Le caractère inattaquable du titre foncier signifie que l’inscription d’un droit dans un livre
foncier ne saurait faire l’objet de contestation devant une quelconque autorité ou devant un
juge. Ce caractère est l’un des piliers du système d’immatriculation. Pour que le titre foncier
puisse certifier la propriété, pour qu’il assure la clarté et la sécurité des droits sur le sol, il faut
qu’il soit doté d’une force probante évitant sa remise en cause1.

1
Sur l’intangibilité du titre foncier, lire notamment, V. GASSE, « L'immatriculation et la jurisprudence »,
R.U.F., 1953, p. 15

58
Les caractères intangible et définitif du titre foncier expriment tous deux l’idée, selon laquelle,
un titre foncier établi ne peut faire l’objet de modification ni dans la forme, ni dans le contenu.

Ces caractères tirent les conséquences de la philosophie du système d’immatriculation qui


s’appuie sur l’oubli du passé et la naissance du droit de propriété à partir de l’établissement
du titre foncier. L’immatriculation purge toutes les prétentions antérieures sur l’immeuble et
consacre le bénéficiaire du titre foncier propriétaire. Pour résumer cette philosophie un
auteur écrit : « L'immatriculation est la liquidation complète du passé juridique de l'immeuble
et l'avènement de celui-ci, à une vie nouvelle, dont l'histoire sera écrite sous la partie relative
à l'inscription. [...] Tous les titres antérieurs à l'immatriculation sont annulés pour faire place
au titre foncier qui porte en lui la preuve du droit du propriétaire. Il ne s'agit plus, après
l'immatriculation, de rechercher, ni même de savoir, comment celui-ci a pu, antérieurement,
acquérir son droit. Est-ce par voie de succession, de donation, de vente? Peu importe. Il tient
désormais, son droit de l'immatriculation. ... L'immatriculation purge les droits antérieurs qui
ne seraient pas mentionnés au titre foncier. Les droits réels, les charges foncières grevant
l'immeuble doivent se manifester pendant la période de la procédure d'immatriculation. Si
leur titulaire a négligé de les sauvegarder, à ce moment opportun, en demandant leur
inscription sur le titre foncier à venir, l'immeuble en est affranchi »2.

Qu’est ce qui a conduit le législateur camerounais à poser le principe de non contestation du


titre foncier en droit camerounais ? La lecture du décret 76-165 révèle que les caractères du
titre foncier et l’interdiction de la contestation de l’immatriculation ne sont pas arbitrairement
posés par le législateur, ils sont la conséquence du processus d’inscription des droits dans le
livre foncier, au plus simplement du processus d’établissement du titre foncier.

En effet, établir un titre foncier, c’est inscrire le titulaire et l’étendue de son droit dans le
registre foncier. Pour déclarer le titre foncier intangible, définitif et inattaquable, le législateur
a soumis son établissement à un processus de vérification opéré par le service régional des
domaines et le conservateur avec pour objectif d’éviter ou de limiter les erreurs.

2
C. AMBIALLET « Les effets de la force probante de l'inscription sur le livre foncier marocain », Paris, Domat-
Montchrestien, 1934, p. 42-43

59
Outre les caractères qui protègent le titre foncier de manière générale, le principe de non
contestation du titre foncier découle également de la substitution de « l’action en dommage
et intérêt pour dol » à l’inopposabilité comme sanction de la fraude en immatriculation.

B. La substitution de « l’action en dommage et intérêt pour dol » à l’inopposabilité comme


sanction de la fraude en immatriculation

Pour empêcher la contestation du titre foncier, le législateur camerounais a créé une curieuse
action intitulée « action en responsabilité pour dol ».

D’après l’article 2 alinéas 1 et 2 du décret 76/165 du 27 avril 1976 : « toute personne dont les
droits ont été lésés par suite d’une immatriculation, n’a pas de recours sur l’immeuble, mais
seulement, en cas de dol, une action personnelle en dommages et intérêts contre l’auteur du
dol». Ce texte exprime une volonté claire de limiter les contestations portant sur le titre
foncier.

D’après ce texte, la victime d’une immatriculation frauduleuse du terrain qu’elle a mise en


valeur, n’a aucun recours pour récupérer son immeuble des mains de l’usurpateur, il est
irrecevable à contester le titre foncier qui lui a été délivré. Il ne peut exercer qu’une action en
dommages et intérêts pour dol. Concrètement, cela signifie que si le terrain d’un occupant
ayant mis en valeur avant 1974 est immatriculé frauduleusement par un tiers, il doit prendre
acte de la perte du terrain et demander non pas l’annulation de l’acte frauduleux, mais plutôt
une réparation fondée sur le dol. Or, en droit le dol, est vice de consentement est une cause
de nullité.

En outre, il doit diriger son recours exclusivement contre l’auteur du dol, ce qui exclut toutes
les personnes qui sont intervenus dans la chaine de fraude, notamment les membres de la
commission consultative, tous les fonctionnaires intervenant dans le processus et
spécialement, le conservateur. C’est un texte totalement non juridique source de nombreux
litiges fonciers. Il est urgent de la corriger en posant comme sanction dans un tel cas, la nullité.

Pour s’assurer que le titre foncier ne va pas être facilement attaqué, le législateur camerounais
a lui-même prévu quelques au principe de non contestation du titre foncier.

60
§2. Les limites au principe de non contestation du titre foncier

Bien qu’affirmant les caractères intangible, inattaquable et définitif du titre foncier, le décret
76/165 du 27 avril 1976 modifié le 16 décembre 2005 prévoit des cas de contestation par la
voie administrative (A) et par la voie juridictionnelle (B) du titre foncier.

A. La contestation du titre foncier par la voie administrative

Le décret ouvre trois possibilités de contestation du titre foncier par la voie administrative :
la rectification (1), le retrait (2) et la nullité administrative (3).

1. La rectification du titre foncier

Lorsque des erreurs ont été commises dans le titre de propriété ou dans les inscriptions, les
parties intéressées peuvent en demander la rectification. La rectification peut être faite
d’office par le conservateur ou sur autorisation du Premier.

Le conservateur rectifie d’office et sous sa responsabilité, les irrégularités provenant de son


fait ou du fait d’un de ses prédécesseurs. Une telle rectification n’est possible que si elle ne
porte pas atteinte aux droits des tiers.

Lorsque la rectification porte atteinte aux droits des tiers, elle doit être autorisée par décret
du Premier Ministre. Le décret ordonnant la rectification précise les modalités de préservation
des droits des tiers.

Les rectifications de titres fonciers sont faites par le conservateur au moyen des mentions
sommaires faites sur les titres et les duplicatas délivrés. Ces mentions sont signées et datées
du conservateur. Le conservateur procède à la rectification en inscrivant les corrections à la
date courante et en laissant intactes les premières inscriptions. Les plans annexés au titre
foncier sont modifiés en conséquence.

2. Le retrait du titre foncier

Le retrait du titre foncier est prévu par l’article 2 alinéa 3 du décret 76/166 modifié le 16
décembre 2005 qui dispose que, le Ministre des affaires foncières peut, en cas de faute de
l’administration, résultant notamment d’une irrégularité commise au cours de la procédure
d’obtention du titre foncier et au vu des actes authentiques produits, procéder au retrait du
titre foncier irrégulièrement délivré.

61
Le retrait du titre foncier portant sur un immeuble immatriculé entraine mutation du titre au
nom du propriétaire initial. Celui du titre portant sur un immeuble non immatriculé, c’est-à-
dire d’un immeuble du domaine national entraine remise de l’immeuble au même et
semblable état où il se trouvait avant la délivrance du titre.

La demande de retrait doit être introduite dans les délais du recours contentieux à peine
d’irrecevabilité.

3. La nullité administrative d’un titre foncier ?

Elle est prévue le décret 76/166 , aux alinéas 6 et 7 de l’article 2.

D’après l’alinéa 6, un titre foncier est nul d’ordre public dans les cas suivants :

- Lorsque plusieurs titres sont délivrés sur un même terrain. Dans ce cas, ils sont tous
déclarés nuls de plein droit, et les procédures sont réexaminées pour déterminer le
légitime propriétaire. Un nouveau titre est établi au profit de celui-ci.

Hypothèse curieuse et solutions révélant la méconnaissance du sens du titre foncier qui est
l’opération d’inscription d’un terrain dans le livre foncier.

- Lorsque le titre foncier est délivré arbitrairement sans suivi d’une quelconque
procédure, ou obtenu par une procédure autre que celle prévue à cet effet ;7

Hypothèse surprenante compte tenu des mesures légales de vérification.

- Lorsque le titre foncier est établi en partie ou en totalité sur une dépendance du
domaine public ;
- Lorsque le titre est établi en partie ou en totalité sur une parcelle du domaine privé de
l’Etat ou d’un organisme public en violation de la règlementation. (hypothèse
inconcevable compte tenu de la définition du titre foncier)

D’après l’alinéa 7, la nullité est constatée par un arrêté du Ministre chargé des affaires
foncières, susceptible de recours devant la juridiction compétente.

Ces deux alinéas interpellent parce qu’ils créent une institution difficile à classer dans la
nomenclature des catégories juridiques : la nullité par voie administrative. Le débat se pose
parce que la nullité est une sanction qui ne peut être prononcée que par un juge ou tout autre

62
autorité, mais différente de l’auteur de l’acte. Dans le cas des titres fonciers, le Conservateur
inscrit les actes ou établi les titres fonciers, agissant pour le compte du Ministre des affaires
foncières à qui le Décret donne compétence pour annuler le titre. La sanction étant prononcée
par une autorité extérieure à l’auteur de l’acte, la qualification adéquate ici ne saurait être la
nullité. La technique juridique par laquelle une autorité remet en cause son propre acte n’est
pas la nullité, mais le retrait. De ce point de vue, ce que le décret qualifie de nullité apparaît
davantage comme des cas supplémentaires de retrait.

Mais peut-on admettre le retrait pour ces cas qui apparaissent comme des fautes à
sanctionner ? les vérifications que doivent faire les conservateurs agissant pour le compte du
Ministre des affaires foncières ont pour but d’éviter les cas énumérés et si on y arrive c’est
que des conservateurs n’ont pas accompli des actes de leur fonction et la solution ne serait
pas le retrait, mais la sanction de nullité. Il nous semble judicieux de faire de ces cas des cas
de nullité du titre foncier, mais soumis au juge, d’autant que la voie juridictionnelle est une
des voies de contestation des titres fonciers.

B. La contestation du titre foncier par la voie juridictionnelle

Le législateur a réduit les potentiels recours pour la contestation du titre foncier au seul cas
de dol en immatriculation. Simplement cette volonté législative est tellement peu justifiable
qu’elle n’a pu empêcher d’autres recours.

En effet, nous l’avons fait observer, les cas de nullité de titre foncier « dits d’ordre public » par
l’article 2 alinéa 6 du décret de 1976 sont , en réalité des cas de nullité à soumettre non pas
au Ministre chargé des affaires foncières, qui ne peut s’auto sanctionner, mais au juge qui doit
sanctionner les manquements de l’administration.

L’action en réparation pour dol ne peut faire obstacle à la saisine du juge pour faute de
l’administration lorsque les fonctionnaires et agents du Ministère en charge des domaines ont
commis des fautes dans le processus d’établissement du titre foncier.

Le titre foncier reste un acte et tout acte administratif est susceptible de contestation devant
le juge administratif. Le contentieux de la contestation du titre foncier devant le juge
administratif est l’un des plus abondant au Cameroun. La jurisprudence contient de nombreux
cas de saisine du juge pour des actions autres que le dol après établissement des titres fonciers

63
(Article Mpessa). Ce qui transforme les caractères du titre énoncés par le décret de 1976, en
vœux ne pouvant être exaucés.

A côté du principe de non contestation du titre foncier, le droit foncier camerounais prévoit
également l’éviction des occupants des terres objet de titre foncier comme mécanisme de
protection de la propriété des terres. Cette suppression formelle ne libère pas la terre , elle
est complétée par l’éviction des occupants sans droit des terrains objet de titre propriété.

Section 2 : L’éviction des occupants sans droit des terrains objet de titre
foncier

Pour protéger le droit de propriété sur les terres, (la propriété des terres), le droit camerounais a
également mis en place un système d’éviction des occupants des terres objet de titre foncier. Ce
système est articulé autour de la distinction entre les occupants sans juste titre et les occupants avec
juste titre .

§1. L’éviction des occupants sans juste titre : l’éviction sanction

Les occupants sans juste titre des terres sont ceux qui ne tiennent leur présence sur le terrain
sur aucun fondement juridique. C’est le grand groupe des possesseurs (A) et l’ensemble des
propriétaires empiétant sur les terres voisines (B).

A. L’éviction des possesseurs

Les possesseurs des terres sont des personnes qui occupent ou exploitent les terres sans
aucun titre de propriété ou de jouissance. Pour protéger le droit de propriété sur les terres
ou, plus simplement les prérogatives des détenteurs de titres fonciers face à de tels occupants,
la loi n°80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et
domaniale a mis en place un système original d’éviction sanction qui a pour objectif la punition
de l’occupant, considéré comme coupable de violation d’une valeur sociale protégée.

D’après l’article 2 de ce texte, « sont passibles d’une amende de 50.000 à 200.000 F et d’un
emprisonnement de 2 mois à 3 ans ou d’une de ces deux peines seulement : ceux qui se
maintiennent sur un terrain sans autorisation préalable du propriétaire ». L’article 3 ajoute :
« Dans les cas visés à l’article 2 alinéa (a) ci-dessus, la juridiction compétente ordonne le

64
déguerpissement immédiat à ses propres frais. En outre la mise en valeur réalisée sur ledit
terrain sous forme de plantations, de constructions ou d’ouvrages de quelque nature que ce
soit est acquise de plein droit au propriétaire, sans aucune indemnité pour l’occupant. Si le
propriétaire du fonds exige la suppression des constructions plantations ou ouvrages, celle-ci
est exécutée aux frais de l’occupant et sans aucune indemnité pour ce dernier, qui peut en
outre être condamné à des dommages et intérêts pour le préjudice éventuellement subi par
le propriétaire du fond ».

L’originalité de ce texte est la volonté du législateur de construire un régime de protection de


la propriété foncière détaché du droit commun des biens. Tout en conservant la substance de
l’article 555 du Code civil qui sanctionne l’occupant de mauvaise foi, par la suppression, à ses
frais, des constructions, ouvrages et plantations qu’il réalise sur le terrain d’autrui, il le modifie
sur le point qui permet au propriétaire de conserver les constructions et en fait une sanction
accessoire des sanctions pénales.

L’autre catégorie d’occupant sans titre, mais non envisagé par la loi de 1980 est constituée
des propriétaires qui empiètent sur les terres voisines. Leur éviction est également un
mécanisme de protection de la propriété foncière.

B. L’éviction des propriétaires qui empiètent sur les terrains voisins

Les propriétaires qui empiètent sur les terrains voisins, sont des titulaires de titres fonciers,
qui de manière consciente ou non, édifient sur leurs terrains des constructions qui débordent
sur les terrains des voisins sans leur consentement. Ils sont occupants sans titres sur les
portions de terres sur lesquelles débordent leurs constructions et ouvrages.

La question est de savoir quel sort réserver à de tels occupants.

Devant le silence de la loi de 1980, le recours le plus immédiat est celui de l’article 555 du
Code civil qui requiert la démolition des constructions faites de mauvaise foi et le maintien
des constructions de bonne foi contre indemnisation de l’occupant. Simplement, appliquer les
règles sur l’accession ne serait satisfaisant ni pour le propriétaire sur le fond duquel
l’empiètement a lieu qui recevrait une petite tranche d’immeuble, ou un simple mur, ni pour
le constructeur qui perdrait une tranche de son immeuble.

65
La jurisprudence depuis l’époque pré-indépendance qui a été reprise par les juges
camerounais après l’indépendance. Se fondant sur l’article 545 du Code civil d’après lequel
« nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n’est pour cause d’utilité publique »,
la Cour Suprême par plusieurs arrêt a décidé que tout empiètement du voisin dans ses
constructions quelque minime qu’il soit, donne au propriétaire du sol, le droit d’en exiger la
démolition (Cass. Civ. 18 juillet 1841, S. 1841, I. 835 ; Cass civ. 12 nov. 1912, S. 1913, I. 198,
GP. 1912, II. 579). Cette solution est le guide de la jurisprudence camerounaise, bien que
vivement critiquée par la doctrine pour son caractère anti-économique3

La solution en droit positif camerounais est que, l’empiètement est une atteinte au droit de
propriété qu’il faut sanctionner. La partie qui empiète doit être détruite sauf accord des
parties.

Si la loi de 1980 et la jurisprudence règlent le sort des occupants sans juste titre, c’est le Code
civil qui organise le processus d’éviction des occupants avec juste titre.

§2. L’éviction des occupants avec juste titre : éviction compensée

L’occupant avec juste titre est celui qui occupe en vertu d’un titre translatif de propriété dont
il ignore les vices. Dans le contexte juridique camerounais, c’est notamment celui qui détient
un acte notarié d’acquisition de terrain auprès d’un propriétaire, qui a revendu à un autre qui
l’a devancé dans l’établissement du titre, c’est ensuite l’occupant qui avait un titre foncier par
la suite annulé.

Un tel occupant est-il soumis au régime de l’éviction de la loi 80-22 du 4 juillet 1980 portant
répression des atteintes à la propriété foncière ? Comme il a été précédemment observé,
certains l’ont pensé en soutenant que la loi de 1980 avait supprimé toute distinction entre
occupant de bonne foi ou avec juste titre et occupant de mauvaise foi ou sans titre. Mais, à
l’observation réelle, la loi de 1980 s’est contentée d’aggraver le sort des occupants de
mauvaise foi ou sans titre, sans toucher à celui des occupants avec juste titre qui restent régis
par le Code civil.

3
P.G. Pougoué, « Empiètement matériel sur le terrain d’autrui (à propos de quelques décisions
jurisprudentielles », R.C.D n° 13 et 14, 1977, pp. 25 et s.

66
D’après les articles 553 et suivants du Code civil, bien qu’étant de bonne, foi, la protection du
droit de propriété impose l’éviction d’un tel occupant. Mais, étant de bonne foi, l’auteur
évincé a droit à une indemnisation conformément à l’article 555 alinéa 3 du Code civil. D’après
ce texte « si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui
n’aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire ne
pourra demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions ; mais, il aura
le choix, ou de rembourser la valeur des matériaux et du prix de la main d’œuvre, ou de
rembourser une somme égale à celle dont le fond a augmenté de valeur ». C’est une solution
juste pour celui qui aura investi sur un terrain de bonne foi, c’est-à-dire avec juste titre. Mais
elle n’est pas juste pour le propriétaire qui devra, pour retrouver son terrain procéder à des
dépenses qui ne devraient pas se concevoir.

Malgré la protection dont elles bénéficient, les prérogatives sur les terres peuvent être perdues.

67
Troisième partie : La perte des prérogatives sur les terres
Malgré leur importance, les droits de propriété et de jouissance sur les terres au Cameroun des
personnes peuvent être perdus. La perte peut résulter de la mise en œuvre de la loi, être volontaire
ou forcée.

La perte volontaire est le résultat d’un acte délibéré du titulaire du droit qui l’abandonne, ou le
transfert à une autre personne. Le régime juridique de ce type de perte relève soit du droit commun
des biens ou des contrats qui organisent les transactions sur les terres .

Par contre, le régime de la perte forcée relève du droit foncier. Il distingue la perte de la propriété ou
expropriation (chapitre 1) et la perte de l’usage et de la jouissance ou de déguerpissement (Chapitre
2)

68
Chapitre 1 : La perte de la propriété des terres : l’expropriation

L’expropriation est l’opération juridique consistant à faire perdre à un propriétaire son droit. En
matière foncière c’est l’opération qui fait perdre au titulaire d’un titre foncier ses prérogatives sur la
terre.

Le régime juridique de la perte de la propriété des terres au Cameroun est fixé par la loi n°85-09 du 4
juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation et
par le décret n°87/1872 du 16 décembre 1987 portant application de la loi n°85/09 du 4 juillet 1985.

D’après l’article 1er alinéa 1 de la loi, « pour la réalisation des objectifs d’intérêt général, l’Etat peut
recourir à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique ». L’alinéa 2 ajoute :
« l’expropriation pour cause d’utilité publique affecte uniquement la propriété privée telle qu’elle est
reconnue par les lois et règlements ». D’après l’article 4 « le décret d’expropriation entraine le transfert
de propriété et permet de muter les titres existants au nom de l’Etat ou de toute autre personne de
droit public bénéficiaire de cette mesure ».

Ces textes posent clairement une règle assortie des contraintes. La règle c’est la possibilité pour les
titulaires des droits de propriété sur les terres, plus précisément les personnes dont les droits sont
matérialisés par les titres fonciers de les perdre. Mais cette règle ne s’applique qu’à des conditions
strictes.

La première est que seul l’Etat, une collectivité publique locale, un établissement public , un
concessionnaire de services public ou une société d’Etat peut faire perdre à une personne son droit de
propriété sur une terre.

La deuxième est que, l’expropriation doit être justifiée par l’utilité publique. Cela signifie que l’Etat ne
peut pas exproprier pour accroitre son domaine privé ou pour se constituer des réserves foncières par
exemple.

La troisième est que l’Etat doit indemniser le propriétaire de la perte de son terrain.

Le régime de l’expropriation, outre ces conditions s’articule autour de la procédure (section 1) et des
effets (Section 2) de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

69
Section 1 : La procédure de l’expropriation pour cause d’utilité publique

Elle est décrite par le décret 87/1872 du 16 décembre 1987. Cette procédure peut être engagée
directement ou être précédée d’une phase préalable obligatoire de négociation avec les propriétaires.

La phase de négociation est obligatoire pour les collectivités publiques locales, les établissements
publics, les concessionnaires de service public et les sociétés d’Etat qui souhaitent réaliser des travaux
d’intérêt général. Ces institutions doivent au préalable négocier avec les propriétaires et les ayants
droits, conformément au droit commun des transactions immobilières. Si les négociations aboutissent,
les personnes morales concernées doivent se conformer aux règles de droit commun d’acquisition des
terrains. En cas de désaccord, les résultats des négociations sont soumis à l’arbitrage du Ministre
chargé des domaines. En cas d’arbitrage infructueux, les personnes morales concernées ont alors le
droit de recourir à la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Le préalable de négociation n’est pas imposé aux services publics, c’est-à-dire aux entités publiques
qui n’ont pas l’autonomie financière. Ces entités ont le droit de recourir directement à la procédure
d’expropriation pour cause d’utilité publique qui comporte deux phases : la phase d’obtention de la
déclaration d’utilité publique (§1) et la phase d’enquête et de décision (§2).

§1. La phase d’obtention de la déclaration d’utilité publique

D’après les articles 2 et suivants du décret, tout service public ou établissements publics qui désire
entreprendre une opération d’utilité publique, doit saisir le Ministre chargé des domaines d’un dossier
préliminaire en deux exemplaires comprenant :

- Une demande assortie d’une note explicative indiquant l’objet de l’opération,


- Une fiche dégageant les caractéristiques principales des équipements à réaliser
précisant notamment, la superficie approximative du terrain, l’appréciation sommaire
du coût du projet y compris les frais d’indemnisation, la date approximative de
démarrage des travaux, la disponibilité des crédits d’indemnisation avec indication de
l’imputation budgétaire ou de tous autres moyens d’indemnisation.

Dès réception du dossier, le Ministre chargé des domaines apprécie le bien fondé du projet et de ses
justificatifs. Lorsqu’il juge le projet d’utilité publique, le Ministre prend un arrêté déclarant d’utilité
publique les travaux projetés et définissant le niveau de compétence de la commission chargée de
l’enquête d’expropriation dite commission de constat et d’évaluation. Il en existe une au niveau

70
départemental, une au niveau régional ou une au niveau national. La commission est chargée au
niveau départemental, au niveau régional ou au niveau national :

- De choisir et de faire borner les terrains concernés aux frais du bénéficiaire ;


- De constater et d’évaluer les biens mis en cause ;
- D’identifier leurs titulaires et propriétaires ;
- De faire porter les panneaux indiquant le périmètre de l’opération aux frais du
bénéficiaire.

L’arrêté de déclaration d’utilité publique est suspensif de toute transaction, de toute mise en valeur et
de toute délivrance de permis de construire sur le terrain. Mais il ne fait pas obstacle à la poursuite
des procédures d’immatriculation du domaine national de première catégorie au profit de leurs
occupants ou exploitants.

D’après l’article 13 du décret, l’arrêté de déclaration d’utilité publique a une durée de validité de deux
ans à compter de la date de sa notification au service ou organisme bénéficiaire. Il devient caduc à
l’expiration de ce délai s’il n’est pas suivi d’expropriation effective. Toutefois, sa validité peut être
prorogée une seule fois par arrêté du Ministre des domaines pour une durée n’excédant pas un an.

L’arrêté de déclaration d’utilité publique déclenche la phase d’enquête et de décision.

§2. La phase d’enquête et de décision

Cette phase est décrite par les articles 9 et suivants du décret n°87/1872 du 16 décembre 1987.

D’après ces textes, dès réception de l’arrêté déclarant les travaux d’utilité publique, le Président de la
commission de constat et d’évaluation le notifie au(x) Préfet(s) et magistrat (s) municipal(aux) de la
localité concernée.

Une fois saisi, le Préfet en assure la publicité par voie d’affichage à la Préfecture, au service
départemental des domaines, à la Mairie, à la sous-préfecture, et à la chefferie du lieu de situation du
terrain ainsi que par tous les moyens jugés nécessaires en raison de l’importance de l’opération.

En vue de leur participation à toutes les phases de l’enquête, les populations concernées sont
informées au moins trente jours à l’avance du jour et de l’heure de l’enquête par convocation adressée
aux Chefs et notables et par affichage à la préfecture, au service des domaines, à la Mairie et à la sous-
préfecture.

71
L’enquête est menée dans toutes ses phases en présence des propriétaires du fonds et des biens qu’il
supporte ainsi que les notables du lieu et des populations par l’ensemble de la commission. Toutefois,
la commission peut, après avoir au préalable arrêté elle-même la liste exhaustive des propriétaires des
biens à détruire , constituer une sous commission technique de trois membres au moins, à l’effet
d’expertiser une catégorie de biens. Le travail de la sous-commission est exécuté sous la responsabilité
et le contrôle de la commission entière qui contresigne les documents.

A la fin de l’enquête, la commission de constat et d’évaluation produit :

- Un procès-verbal d’enquête relatant tous les incidents éventuels ou observations des


personnes évincées, signé de tous ses membres présents ;
- Un procès-verbal de bornage et le plan parcellaire du terrain retenu établis par le
géomètre membre de la commission ;
- Un état d’expertise des cultures signé de tous les membres de la commission ;
- Un état d’expertise des constructions et de toute autre mise en valeur signé de tous
les membres de la commission.

Pour la préparation du décret d’expropriation, le Président de la commission de constat et d’évaluation


transmet au Ministre chargé des domaines dès la fin des travaux d’enquête le dossier comprenant :

- L’arrêté désignant nommément les membres de la commission ;


- Les procès-verbaux et les états d’expertise.

Sur la base de ces documents le Ministre des domaines prépare le Décret d’expropriation qu’il
transmet avec tout le dossier à l’autorité qui prend le Décret. Dès sa publication, le décret
d’expropriation produit des effets.

Section 2 : Les effets de l’expropriation

Les effets de l’expropriation sont précisés par la loi n°85-09 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation
pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation et le décret 87/1872 du 16 décembre
1987.

D’après ces textes, le décret d’expropriation produit trois effets.

Le premier est qu’il réalise une opération d’expropriation suivie d’un transfert de propriété, c’est-à-
dire qu’il fait perdre la propriété au titulaire du titre foncier et la transfère à l’Etat. Le titre foncier est
muté au nom de l’Etat ou de la personne morale bénéficiaire de l’expropriation.

72
Le deuxième effet est le Décret d’expropriation donne au bénéficiaire le droit d’occuper les lieux. Un
préavis de six mois à compter de la date de publication du décret est donné aux victimes pour libérer
les lieux. Ce délai est de trois mois en cas d’urgence.

Le troisième effet, suite logique Enfin, suite logique du deuxième, est que le décret d’expropriation
ouvre, au profit du propriétaire exproprié, un droit à indemnisation. L’indemnité est en nature ou
pécuniaire. Elle est fixée par le décret d’expropriation » et est à la charge de la personne morale
bénéficiaire.

L’indemnité porte sur le dommage matériel direct, immédiat et certain, causé par l’éviction. Elle couvre
le terrain nu, les cultures, les constructions, toutes autres mises en valeurs, quelle qu’en soit la nature,
dûment constatée par la commission de constat et d’évaluation.

La valeur des constructions et autres mises en valeur est déterminée par la commission de constat et
d’évaluation. Il n’est dû aucune indemnité pour destruction des constructions vétustes ou menaçant
ruine ou de celles réalisées en infraction aux règles d’urbanisme ou aux dispositions législatives ou
règlementaires fixant le régime foncier (art. 10 de la loi).

L’indemnité est pécuniaire ; toutefois, en ce qui concerne les terrains, la personne morale bénéficiaire
de l’expropriation peut substituer une compensation de même nature et de même valeur à l’indemnité
pécuniaire. En cas de compensation en nature, le terrain attribué doit, autant que possible être situé
dans la même commune que le terrain frappé d’expropriation. Si la valeur du terrain alloué en
compensation est supérieure à celle du terrain frappé d’expropriation, la soulte est payée par le
bénéficiaire de l’indemnité. Si elle est inférieure, le bénéficiaire de l’expropriation alloue une
indemnité correspondant à la soulte.

73
Chapitre 2. La perte de la jouissance des terres : le déguerpissement

Dans la législation foncière camerounaise, le déguerpissement est l’opération par laquelle


l’Etat fait perdre aux titulaires des droits d’usage et de jouissance leurs prérogatives sur les
terres qu’elles occupent. Le déguerpissement se distingue de l’expropriation qui est
l’opération par laquelle, pour cause d’utilité publique et moyennant une juste indemnité, un
propriétaire est invité à évacuer sa terre.

Le droit camerounais distingue deux types de déguerpissements : le déguerpissement perte


d’une prérogative protégée sur le domaine national (Section 1) et le déguerpissement
sanction (section 2).

Section 1 : Le déguerpissement perte d’une prérogative protégée sur le


domaine national

D’après 17 de l’ordonnance 74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier, les collectivités coutumières,
leurs membres ou toute autre personne de nationalité camerounaise ont le droit de continuer à
occuper le domaine national. Le droit camerounais reconnait et protège également la possession sur
les terres. Ce droit de jouissances peuvent être retiré par l’Etat en vue de la réalisation des projets de
développement. Pour faire faires et possesseurs ces terres , le législateur a institué une procédure
(§1) et indiqué les effets qui, à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, occupent ou
exploitent paisiblement des dépendances de première catégorie … continueront à les occuper ou à les
exploiter. … Dans le respect de la règlementation en vigueur, un droit de chasse et de cueillette leur
est également reconnu sur les dépendances de deuxième catégorie… tant que l’Etat n’aura pas donné
à ces terres une affectation précise ». Ce texte accorde aux occupants du domaine national placée sous
la garde de l’Etat un droit de jouissance légalement protégé. La perte de ces prérogative à la suite de
l’opération de déguerpissement qui obéit à une procédure (§1) et produit des effets (§2).

74
§1. La procédure de déguerpissement perte d’une prérogative protégée sur le domaine
national

Le déguerpissement perte d’une prérogative protégée sur le domaine national est la


conséquence soit de l’octroi d’une concession provisoire, soit de la mise à disposition d’une
portion de terres de ce domaine à l’Etat ou un établissement public pour la réalisation d’un
projet d’intérêt général.

La procédure applicable à la première modalité n’appelle pas de développement spécifiques


puisque c’est celle de concession. (c’est tout le régime)

Par contre une procédure particulière décrite par les articles 19 et suivants du décret n°76/166
du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national est prévue pour le
déguerpissement des occupants du domaine national pour la réalisation des projets d’intérêt
général. D’après ce texte, les services publics, les collectivités locales et les organismes publics
autonomes qui sollicitent des dépendances du domaine national pour des projets d’intérêt
général doivent adresser leurs demandes au Ministre chargé des domaines. Ces demandes
doivent comporter des indications sur :

- Le projet à réaliser ;
- La localisation de ce projet ;
- La superficie demandée ainsi que la localisation du terrain ;
- La date approximative du démarrage des travaux ;
- La justification de l’existence de crédits pour le paiement des impenses que
pourrait éventuellement supporter le terrain.

Le Ministre des domaines prend un arrêté déclarant d’utilité publique les travaux à réaliser et
le notifie pour enquête au Préfet du lieu de situation de l’immeuble. L’enquête est menée
dans les mêmes formes qu’en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.

A l’issue de l’enquête le dossier est transmis au Ministre des domaines qui prépare le Décret
de déguerpissement. Ce décret produit des effets. (L’incorporation est prononcée par décret
qui indique le montant des impenses à la charge de l’organisme bénéficiaire. A partir de la
publication du décret d’incorporation, les titulaires des droits d’usage et de jouissance sur les

75
terres concernées les perdent au même titre que ceux qui subissent les décrets et arrêtés de
concessions provisoires.

§2. Effets du déguerpissement perte d’une prérogative protégée sur le domaine national

Le déguerpissement perte d’une prérogative protégée sur le domaine national, qu’il découle
de l’octroi d’une concession provisoire ou de la publication d’un décret d’incorporation a pour
principal effet de faire perdre aux personnes leurs droits d’usage et de jouissance sur les terres
qu’elles occupaient.

Mais cette perte est compensée. Les modalités de compensation des pertes subies par les
occupants des terres. Les modalités de compensation de cette perte varient selon qu’elle
résulte d’un arrêté ou d’un décret de concession provisoire ou d’un décret d’incorporation.

Les modalités de compensation des pertes subies par les détenteurs des droits sur les terrains
concédés sont précisées par les articles 7 et 17 du décret. D’après l’article 7 aliéna 2 « un
cahier de charge indique les droits et obligations du concessionnaire et de l’Etat ». Les
éléments de contenu de ce cahier découlent de l’intervention de la Commission consultative
dans le processus d’octroi de la concession telle que prévue par l’article 14 du décret. D’après
ce texte, lors de la descente, la commission consultative « fait le choix des terrains
indispensables aux collectivités villageoises ; reçoit toutes observations et toutes informations
en rapport avec la gestion du domaine national et fait des recommandations au Ministre
chargé des domaines ». Sur la base de ce texte, le cahier des charges doit impérativement
contenir l’indication des terrains indispensables aux collectivités villageoises dont certains
peuvent même se trouver à l’intérieur de la concession. Il peut également contenir des
modalités d’accès à des ressources indispensables à la survie des communautés.

D’après 17, « les revenus tirés de l’attribution des parcelles du domaine national soit à titre
concession, soit à titre de bail, sont réparties à raison de 40% à l’Etat, 40% à la commune du
lieu de situation du terrain et 20% à la collectivité villageoise ». Dans cette répartition, rien
n’est prévue pour les exploitants individuels des terres concédées, ce qui semble logique dès
lors que ces terres sont supposées libres de toute occupation et que les seules pertes subies
sont collectives en termes de droit de chasse et de cueillette compensée par la part des
revenus reversée à la communauté. Mais ce qui pose problème c’est l’exclusion de la
communauté de la négociation du montant des loyers des concessions, laquelle se faisant

76
entre l’Etat et le concessionnaire ne tient pas toujours compte des intérêts des communautés
et, par conséquent, peut stipuler un loyer sur lequel les 20% qui leur reviennent apparaissent
comme une somme dérisoire.

Les modalités de compensation des pertes subies à la suite d’un arrêté d’incorporation ou de
la perte de la jouissance des terres pour la réalisation des projets de développement sont
précisées par l’article 23 du décret de 1976 et le décret n°2003/418/PM du 25 février 2003
fixant les tarifs des indemnités à allouer au propriétaire victime de destructions pour cause
d’utilité publique de cultures et d’arbres cultivés. D’après le premier de ces décrets les
indemnités de déguerpissement dues à la suite de l’incorporation doivent correspondre à la
valeur des constructions ou des cultures que supportaient le terrain au moment de l’enquête.
Le second fixe les tarifs des indemnités en fonction du type de culture. Les modalités
d’indemnisation sont précisées par le décret n° 2003/418/PM du 25 février 2003 fixant les
tarifs des indemnités à allouer au propriétaire victime de destructions pour cause d’utilité
publique de cultures et d’arbres cultivés.

Dans tous les cas les indemnités sont prévus, alors qu’elles n’existent pas pour le
déguerpissement sanction.

Section 2 : Le déguerpissement sanction

Le déguerpissement sanction est la punition qui frappe toute personne qui exploite ou se
maintien sur un terrain sans autorisation préalable du propriétaire, ou qui en violation de la
législation en vigueur exploite ou se maintient sur une parcelle du domaine privé de l’Etat ou
sur une dépendance du domaine public. Comme tout déguerpissement, il obéit à une
procédure (§1) et produit des effets (§2).

§1. Procédure du déguerpissement sanction

La procédure du déguerpissement sanction est fonction des catégories des terres.

Pour déguerpir les occupants sans titre, ou sans autorisation des terres les terres objets de
titre fonciers, la procédure est essentiellement juridictionnelle pour les personnes privées. Les
personnes privées n’ayant pas de prérogatives de puissance publiques sont tenues de saisir
un juge pour qu’il ordonne le déguerpissement. Ils ont le choix entre la juridiction pénale et la
juridiction civile. D’après l’article 3 de la loi n°80-22 du 14 juillet 1980 portant répression des

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atteintes à la propriété foncière et domaniale, le juge pénal qui prononce des peines contre
les coupables ordonnent le déguerpissement immédiat des occupants à leurs frais. La
procédure est essentiellement juridictionnelle. Le propriétaire saisit le juge pénal ou civil qui
prononce la sanction.

Pour les terres objet de titre foncier de l’Etat ou de toute autre personne morale de droit
public, ou les terres du domaine public, la procédure est administrative.

Le Préfet adresse une mise en demeure de libérer aux occupants. Trente jours après la mise
en demeure non suivi d’effet, il ordonne la démolition des réalisations, en faisant recours, au
besoin, à la force publique. D’après l’article 6 de la loi de 1980, lorsque l’occupation illégitime
concerne une dépendance du domaine privé de toute autre personne morale de droit public,
le Préfet procède, sur requête du représentant qualifié de ladite personne morale, à la
démolition des réalisations effectuées sur le terrain en cause, au besoin avec le concours de
la force publique. Cette procédure n’est pas applicable au déguerpissement par perte d’une
prérogative reconnue et protégée.

§2. Les effets du déguerpissement sanction

Le déguerpissement sanction est celui qui est prononcé par le juge contre les personnes qui,
sans autorisation ou en violation de la législation en vigueur, qui exploitent ou se maintiennent
sur un terrain sans autorisation préalable du propriétaire, ou les personnes qui, en violation
de la législation en vigueur exploitent ou se maintiennent sur une parcelle du domaine privé
de l’Etat ou sur une dépendance du domaine public ou du domaine national. Ses effets sont
précisés par les articles 3 et suivants de la loi n° 80-22 du 14 juillet 1980 portant répression
des atteintes à la propriété foncière et domaniale.

D’après ces textes, celui contre qui un déguerpissement sanction est prononcé n’a non
seulement droit à aucune indemnité, mais en plus il subit de nombreuses pertes. D’après
l’article 3 le déguerpissement est prononcé par le juge aux frais de l’occupant sans titre qui
perd au profit du propriétaire toutes les mises en valeur réalisées sur le terrain sous forme de
plantation, construction, ou d’ouvrages de quelque nature que ce soit.

Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations ou ouvrages,


celle-ci est exécutée aux frais de l’occupant et sans aucune indemnité pour ce dernier, qui

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peut en outre être condamné à des dommages et intérêts pour le préjudice éventuellement
subi par le propriétaire du fonds.

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