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Bibliographie

 Droit administratif des biens, précis Dalloz de Bon, Auby, et Terneyre édition 2008.
 Droit administratif des biens, de Godfrin et Degoffe.
 Droit administratif des biens, du professeur Foulquier (pas encore sortit) édition Dalloz.

Rappels

 Le droit administratif est l’ensemble des règles juridiques applicables aux personnes morales
de droit public (Etat, collectivités territoriales, établissements publics), mais aussi aux
personnes privées chargées d’une mission d’intérêt général sous le contrôle d’une personne
publique. Ce droit s’applique aux rapports entre ces personnes, mais aussi aux rapports que
ces personnes entretiennent avec les administrés. Il s’agit d’un droit qui déroge au droit
privé car il poursuit un objectif d’intérêt général qui justifie l’application d’un droit particulier
qui déroge au droit commun.

 Le droit administratif des biens est une branche du droit administratif qui touche
particulièrement les moyens matériels dont disposent les personnes publiques. Souvent le
but de ces biens est tourné vers la satisfaction de l’intérêt général. On va leur appliquer les
règles de droit public et l’on va trouver de nombreuses prérogatives de puissance publique.
Mais il arrive que ces biens soient utilisés comme le ferait un simple particulier et l’on
retrouvera alors naturellement les règles de droit commun et la compétence des juridictions
de droit commun.

 Intérêt de la matière :
- Des sommes considérables sont en jeu car les personnes publiques disposent d’un
patrimoine important (biens publics, bâtiment publics) et ce dernier nécessite un entretient
constant, et donc fait intervenir de nombreuses entreprises. En outre, les personnes
publiques prennent de plus en plus conscience des potentialités liées à leur patrimoine, et
par conséquent elles s’organisent pour valoriser ce dernier, et pour en tirer profit.
- Les évolutions importantes ont affectées le droit administratif des biens. L’élément le plus
marquant est l’élaboration du Code générale de la propriété publique (CG3P). La partie
législative de ce code résulte d’une ordonnance du 21 avril 2006 et cette dernière est entrée
en vigueur le 1er juillet 2006. La ratification de celle-ci n’est intervenue qu’en 2009.
Cependant certaines évolutions ne touchent le droit administratif des biens
qu’indirectement. C’est le cas de la loi du 13 août 2004 (loi sur la liberté et la responsabilité
locale) qui a engendré de nombreux transferts de propriétés au profit des collectivités
territoriales. On pense également aux textes touchant le réseau ferré national. A également
été institué un conseil immobilier de l’Etat qui formule des recommandations pour améliorer
la gestion du patrimoine immobilier de l’Etat. On s’aperçoit au travers de cette institution

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que le droit administratif des biens est touché par la révision générale des collectivités
publiques. Toutes ces normes actuelles côtoient des textes très anciens (ordonnance de
Colbert du 17ème siècle qui permet de délimiter le domaine public naturel ou loi du 18
pluviôse an 8 sur les travaux publics).
- Cette matière va permettre de mettre en application les connaissances de droit administratif
général mais aussi de constater l’importance de la jurisprudence.
- Cette matière est un lieu privilégié pour les partenariats publics-privés puisque pour valoriser
le domaine public l’on admet de plus en plus que des opérateurs économiques privés
puissent l’occuper (occupation privative du domaine public).

Les biens publics = on parle de domaine public. Au-delà de cette notion de domaine, l’on s’aperçoit
que la mise en valeur de ces biens va nécessiter des travaux à caractère public qui vont eux même
engendrer des ouvrages publics.

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PARTIE I : LA PROPRIETE PUBLIQUE

Lorsque l’on parle de propriété publique, l’on s’attache à la notion de domaine qui est scindée
naturellement en domaine public et en domaine privé. Jusqu’en 2006 l’on ne pouvait s’appuyer que
sur le Code du domaine de l’Etat qui avait été adopté en 1957. L’on parlait de Code du domaine de
l’Etat car les régions n’avaient pas encore de personnalités juridiques et donc elles n’étaient pas
propriétaires de biens. Cependant les vagues successives de décentralisation ont permis aux
collectivités territoriales de détenir et de voir aujourd’hui se développer un patrimoine propre qui est
régie maintenant par le Code général de la propriété des personnes publiques.

TITRE I : La théorie générale de la propriété publique

Lorsque l’on parle de propriété publique cela suppose que les personnes publiques sont titulaires
d’un droit de propriété sur leur patrimoine c'est-à-dire sur un ensemble de biens. Le droit de
propriété, selon l’article 544 du Code Civil, est le droit de jouir et de disposer des choses de la
manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les
règlements.

Se pose alors la question de savoir si cette définition du droit de propriété peut s’appliquer aux droits
qu’ont les personnes publiques sur les biens publics ? Certains auteurs ont longtemps considéré que
la propriété ne pouvait s’entendre que comme une propriété privée, c'est-à-dire un droit régit par le
droit civil et affectant les rapport entre les personnes privées. Au départ, le droit de propriété a
surtout été imaginé pour les personnes privées et contre les personnes publiques (elles pouvaient le
faire valoir à l’encontre des personnes publiques). Il est toutefois difficile de nier l’existence d’un
patrimoine public appartenant aux personnes publiques. Donc aujourd’hui tout bien à un
propriétaire, y compris les biens vacants et sans maîtres qui appartiennent désormais à la commune
sur le territoire de laquelle ils se trouvent, sauf si la commune renonce à exercer ses droits au profit
de l’Etat (loi de 2004 sur la décentralisation).

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Chapitre 1 : La reconnaissance d’un droit de propriété au profit des
personnes publiques

Le domaine public à la particularité d’être affecté à l’intérêt général. La question de la propriété des
personnes publiques sur les biens du domaine privé n’a jamais suscité de débat. Les controverses et
débats se sont centrés sur la question d’un éventuel droit de propriété sur les biens composants le
domaine public, c'est-à-dire sur les biens affectés à l’intérêt général.

I. La question de la propriété publique :

Cette question est ancienne car elle se posait sous l’antiquité. Cette dernière a atteint son paroxysme
dans la rédaction de l’article L.2 du Code du Domaine de l’Etat de 1957 (il n’est plus en vigueur
aujourd’hui dans sa partie législative). Cet article disposait « ceux des biens qui ne sont pas
susceptibles d’une propriété privée en raison de leur nature ou de la destination qui leur est donnée
sont considéré comme des dépendances du domaine public ». Cette disposition s’appuie sur des
fondements anciens et des théories selon lesquelles certains biens n’appartiennent à personne.
Aujourd’hui ces théories ont été expressément rejetées par le Code Général de la propriété des
personnes publiques (CG3P) en 2006 qui revient sur ce postulat.

A. Les thèses négatrices du droit de propriété :

Sous l’ancien régime on parlait du domaine de la couronne, qui comprenait les biens attachés à la
fonction royale. Les auteurs de l’époque, que l’on appelait les domanistes, considéraient que dans un
but de protection certains biens qui constituaient le domaine de la couronne ne pouvaient être
propriété du souverain. Ces biens étaient essentiellement constituaient par les routes, les biens
agricoles ou les rivages de la mer. Le but était de protéger ces biens car a partir du moment où le
monarque n’avait pas de droit de propriété il ne pouvait ni les vendre, ni les céder et donc il ne
pouvait pas dilapider les biens de l’Etat. On voit alors se profiler une loi fondamentale du royaume
qui posait le principe de l’indisponibilité du domaine de la couronne.

Si le monarque n’a pas de droit de propriété sur ces biens qu’a-t-il comme type de droit sur ce
dernier ? Certains auteurs de l’époque parlent alors de droit de garde. Un des auteurs qui a le plus
œuvré en la matière est LOYSEAU qui a formulé une théorie appelée la théorie des choses publiques
que l’on trouve dans un texte de 1766 qui dispose « ce n’est pas un véritable droit de propriété dans
la main du souverain, mais plutôt un dépôt qui lui a été confié de la chose publique pour la
conserver, la protéger, la rendre plus utile à tous les sujets ».

Au XIXème siècle l’on fait un pas de plus car l’on parle de droit de garde et de surintendance, mais
toujours pour justifier la négation d’un droit de propriété. Entre temps a été adopté le Code Civil et
son article 538 dispose « les chemins, routes et rues, les fleuves, … et généralement toutes les
portions du territoires français qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée sont considérés
comme une dépendance du domaine public ». Cette théorie a été justifiée par le juriste PROUDHON
qui justifie le droit de négation par le fait que la gestion du domaine doit être exclusivement orientée
vers la satisfaction des intérêts collectifs. Par la suite les auteurs DUCROQ et BERTHELEMY ont repris
cette idée en estimant que l’Etat n’a sur ses biens aucun des attributs du droit de propriété (usus,

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fructus, abusus). Pour BERTHELEMY, en effet, l’usus est exercé par le domaine public, le fructus est
inexistant et l’abusus impossible car ces biens sont inaliénables. Ces auteurs affinent cette théorie
car pour eux sont concernés non seulement les biens énoncés à l’article 538 du Code Civil qui font
par nature partie du domaine public, mais aussi les biens qui seraient par destination insusceptibles
de propriété.

B. L’admission d’un véritable droit de propriété :

Aujourd’hui il n’y a plus de place au doute quant à l’existence d’un droit de propriété au profit des
personnes publiques. Comment le doute à pu se dissiper ?

Ce dernier s’est dissipé grâce à un certains auteurs, notamment HAURIOU et BONNARD. BONNARD
démontra que les attributs classiques du droit de propriété étaient biens présents. En ce qui
concerne l’usus, la personne publique utilise ses biens pour mettre en œuvre les services publics. En
ce qui concerne le fructus il constate que la personne publique peut retirer les fruits de ses biens en
permettant l’utilisation privative du domaine sous certaine conditions. Enfin, en ce qui concerne
l’abusus l’on peut citer une formule disant « l’inaliénabilité prouverait plutôt la propriété car
l’interdiction d’aliéné serait inutile si l’Etat n’était pas propriétaire ».

La jurisprudence, quant à elle, n’a jamais véritablement niée l’existence d’un droit de propriété sur
les biens du domaine. Sous l’ancien régime des auteurs, appelés les feudistes, défendaient l’idée
d’une forme de propriété au profit du roi. Les théories avancées par ces derniers, qui étaient
inspirées du droit romain, ont-elles mêmes inspirées la jurisprudence du Conseil des Rois. On a donc
pu voir apparaitre l’idée d’un droit de propriété dans la jurisprudence dès l’ancien régime.

Dans l’époque contemporaine un des arrêts qui va dans ce sens est un arrêt du Conseil d’Etat du 17
janvier 1923 PICCIOLI (le port d’Oran était constitué de terrains appartenant à l’Etat).

La formule de principe qui conduit à l’état actuel du droit ne vient pas de la jurisprudence
administrative. C’est le Conseil Constitutionnel dans ses décisions du 25 et 26 juin 1986 relatives aux
privatisations qui a affirmé que la protection constitutionnelle ne concerne pas seulement la
propriété privée des particuliers, mais aussi à titre égal la propriété de l’Etat et des autres personnes
publiques. L’article 538 du Code Civil est abrogé et Parallèlement la loi du 13 août 2004 a
expressément transféré aux départements la propriété de la plupart des routes nationales.

Aujourd’hui l’on admet ainsi que les personnes publiques exercent un véritable droit de propriété
sur leurs biens mais ce dernier révèle des particularités. HAURIOU parle d’ailleurs de propriété
administrative. Le but principal était de protéger les biens afin de satisfaire les intérêts communs. Le
principe d’inaliénabilité a été consacré tôt car il a été posé par l’édit de MOULIN en 1566 qui dispose
que l’inaliénabilité est une loi fondamentale du royaume. Ce principe qui est né dès le XVIème siècle a
été réaffirmé après la révolution, dans le décret des 22 novembre et 1er décembre 1790 appelé Code
domanial. Selon ce code « le domaine national et les biens qui en dépendent sont et demeurent
inaliénables dans le concours de la nation. Mais, ils peuvent êtres vendus et aliénés en vertu d’un
décret formel du corps législatif sanctionné par le roi ». Ce principe est certes opposable au
monarque ou au chef de l’Etat, mais il n’est plus opposable au législateur car à partir de ce décret les
représentants du peuple peuvent déroger à la règle. A partir de là, la doctrine estime dans sa
majorité que cette règle de l’inaliénabilité n’est plus exclusive de la propriété, elle constitue

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simplement une des spécificités de la propriété publique et toutes ces spécificités ont un seul but qui
est de préserver l’affectation du bien à l’intérêt général.

II. Les spécificités de la propriété publique :

Ces spécificités ont été dégagées par le professeur YOLKA et ce dernier en a déduit que seuls deux
principes sont propres à la propriété des personnes publiques à savoir le principe de l’incessibilité
d’un bien public pour un prix moindre de sa valeur et le principe de l’insaisissabilité des biens
publics.

A. L’incessibilité à vil prix :

Ce principe est justifié par un principe traditionnel en droit public qui est l’interdiction faite aux
personnes publiques de consentir des libéralités. La décision du Conseil Constitutionnel relatives aux
privatisations de 1986 a servi à affirmer la valeur constitutionnelle de ce principe. Ce dernier a décidé
que la constitution s’oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines
publics soient cédés à des personnes poursuivants des fins d’intérêt privé pour des prix inférieurs à
leur valeur. On peut en déduire que la cession d’un bien pour un prix inférieur à sa valeur peut être
pratiqué au bénéfice d’une personne publique ou lorsque la cession se fait au profit d’une personne
privée chargée d’une mission d’intérêt général.

Dans la pratique cette règle n’est pas toujours évidente à mettre en œuvre (exemple : un bien peut
être cédé à un prix inférieur à sa valeur à une école privée). Surtout le Conseil d’Etat a tenté
d’assouplir cette règle dans le domaine des aides aux entreprises. Il l’a fait dans un arrêt du 3
novembre 1997 COMMUNE DE FOUGEROLLE : le juge a admis qu’une commune cède une parcelle de
son domaine privé pour un franc symbolique dès lors que la cession est justifiée par des motifs
d’intérêt général et comprend des contreparties suffisantes. En l’espèce il s’agissait de l’engagement
par l’entreprise bénéficiaire de créer des emplois. Cette jurisprudence a connu des développements
au-delà de ce domaine et l’on peut citer l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 novembre 2009 COMMUNE
DE MER CONTRE MONSIEUR PEPIN ET RAOUL : en l’espèce la commune a cédé un ensemble
immobilier à deux associations qui avaient vocation à favoriser l’intégration de la population
d’origine turque. La seule condition posée par la commune était de réaliser des locaux associatifs. Le
Conseil d’Etat a considéré que cette cession à prix modique poursuivait bien un objectif d’intérêt
général. La juridiction a aussi considéré qu’il y avait bien des contreparties suffisantes qui étaient le
fait de permettre aux associations de mener à bien leur projet et de disposer d’un lieu adapté. Cette
décision a été commentée par le professeur YOLKA qui a critiqué la formule des juges qu’il considère
comme étant interprétée de manière trop élastique.

La motivation du juge dans la jurisprudence COMMUNE DE FOUGEROLE est louable mais deux
problèmes se posent :

- Qu’en est-il de la sanction à l’encontre de la personne bénéficiaire en cas de non respect de


ses engagements ? Le Conseil d’Etat à eu à se prononcer dans un arrêt du 16 juin 2006
ASSELIN : en l’espèce une chocolaterie s’était engagée par contrat à créer au moins 25
nouveaux emplois en échange de la cession d’un terrain appartenant à la commune, et la
réalisation de travaux par la commune et le département. Pour la juridiction le non respect
de ces engagements par l’entreprise est susceptible de rendre ces dépenses injustifiées. Le

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juge qui a été amené à se prononcer considère que l’engagement de la responsabilité
contractuelle de l’entreprise peut être engagé.
- La question du respect des règles relatives aux aides aux entreprises issues du droit
communautaire ? La commission européenne avait eu à se prononcer dans une décision de
2000. Elle avait estimé qu’une aide versée par une collectivité locale à une entreprise sous
forme de vente d’un terrain à prix modique était illégale car cela s’apparentait à une aide à
l’investissement, qui au regard du droit communautaire aurait du être notifié et approuvé
avant son octroi. La question à entre temps était traitée par le législateur français car la loi
d’août 2004 est venue encadrer les aides immobilières aux entreprises à travers l’article
L.1511-3 du Code général des collectivités territoriales.

B. L’insaisissabilité des biens publics :

L’insaisissabilité des biens publics signifie que les biens qui appartiennent aux personnes publiques
sont exclus du champ d’application des voix d’exécution du droit commun. Ces biens ne peuvent
donc être saisis. Il y a deux justifications à ce principe :

- On fait le constat que la puissance publique ne peut pas se retourner contre les personnes
publiques elles mêmes.
- L’autre justification à ce principe est le principe de continuité des services publics.

C’est la Cour de Cassation qui est venu trancher des débats jurisprudentiels relatifs au principe
d’insaisissabilité et la cette dernière l’a érigé en principe général du droit. Ce principe général du
droit a été dégagé par un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation du 21 décembre 1987
BUREAUX DE RECHERCHES GEOLOGIQUES ET MINIERES (BRGM). La Cour va alors décider que ce
principe d’insaisissabilité des biens publics vaut y compris à l’égard des personnes publiques
exerçant des activités industrielles et commerciales. Cela signifie que le créancier bénéficiaire d’une
décision juridictionnelle passée en force de chose jugée n’a qu’une solution, à savoir de saisir à
nouveau le juge en cas de non paiement de sa dette par la personne publique.

Aujourd’hui c’est l’article L2311-1 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques qui
dispose « les biens des personnes publiques sont insaisissables ». Ce principe connait au moins deux
critiques :

- Critique du point de vue du champ d’application de ce principe : on constate que ce principe


s’applique à toutes les personnes publiques sans exceptions, y compris aux entreprises
publiques constituée sous forme d’EPIC. Or l’on s’aperçoit que beaucoup d’établissements
publics ont été transformés en sociétés alors même que leur objet social a été maintenu
(l’activité n’a pas changé mais le statut si). Et donc, dès lors que la structure juridique devient
privée, le principe d’insaisissabilité cesse de s’appliquer. Or l’objet social n’a pas changé, et
donc l’on se rend compte que le critère organique n’est pas tout à fait adapté. En outre, le
juge a toujours refusé d’appliquer ce principe aux concessionnaires de services publics quand
bien même ces biens seraient directement affectés aux besoins du service public.
- Critique du point de vue des conséquences économiques : pour les EPIC le principe va nuire
au recours au crédit car le créancier ne pourra pas saisir les biens de son débiteur.

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Certains auteurs tels que le professeur GAUDEMET précisent alors que le fondement du principe
d’insaisissabilité est le principe de continuité des services publics. Ainsi le professeur en déduit que
les biens non indispensables à la continuité du service public devraient y échapper. Il suggère alors
qu’à la place du critère organique l’on adopte un critère finaliste lié à la fonction d’intérêt général
assurée par le bien en question.

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Chapitre 2 : Origine de la distinction entre domaine public et domaine privé

Sous l’ancien régime l’on trouve une opposition entre le domaine de la couronne et les autres
propriétés administratives. La distinction entre domaine public et domaine privé n’émerge
réellement qu’à partir du Code Civil, et notamment sous la monarchie de juillet. Pour la doctrine de
l’époque, il n’était pas satisfaisant de soumettre l’ensemble des dépendances domaniales au principe
d’inaliénabilité. Mais à l’inverse, l’affectation à l’utilité publique, à l’intérêt général de certains biens
justifiait le bénéfice d’une protection supérieure à celle appliquée à la propriété privée. Par
conséquent, les auteurs ont toujours cherché à élaborer des critères réducteurs de la domanialité
publique pour ne soumettre que certains biens à cette protection spécifique.

C’est PROUDHON qui a distingué deux régimes de domanialité au sein des propriétés publiques.
Dans son ouvrage Traité du domaine public de 1833 il écrit « c’est par la destination de ces diverses
espèces de fond que leur domaine est qualifié de domaine public, soit parce qu’ils sont asservis à
l’usage du public, soit parce que c’est à la puissance publique à protéger la jouissance que la société a
le droit d’exercer sur eux ». L’auteur développe l’idée que le domaine public sont les choses qui
appartiennent à un être moral et collectif, que l’on appelle le public. Alors que le domaine privé est
formé de biens qui appartiennent à des particuliers, en l’occurrence il s’agit de l’Etat ou de
communes qui possèdent leurs biens.

Dans la législation, la distinction a commencé à apparaitre plus tard, en l’occurrence l’on trouve la
première trace de cette distinction dans une loi de 1851 relative à la propriété en Algérie. En réalité,
tous les auteurs s’entendaient sur la nécessité de distinguer deux catégories de propriétés
publiques mais ils butaient sur la difficulté de dégager des critères de distinction pertinents. Ce sont
finalement les efforts combinés de la doctrine et de la jurisprudence qui ont permis d’élaborer
progressivement des critères permettant de délimiter le domaine public qui bénéficie d’un régime
particulier, et dont le contentieux relève du juge et du droit administratif.

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Chapitre 3 : Les sources du droit domanial

Le code du domaine de l’Etat fut adopté en 1957 et il avait un inconvénient majeur, à savoir qu’il ne
concernait que les biens appartenant à l’Etat et, à l’inverse, les dépendances des collectivités
territoriales et des établissements publics étaient exclues du champ d’application de ce code. En
2006 fut adoptée la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques qui
vise à pallier ces lacunes et l’article 1er dispose « le présent code s’applique aux biens et aux droits à
caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l’Etat, aux collectivités territoriales et à leur
groupement, ainsi qu’aux établissements publics ». Cet article laisse de côté des personnes publiques
appelées les personnes publiques innommées (les groupements d’intérêts publics ou la banque de
France par exemple). Ces personnes ne sont pas totalement oubliées, car l’article L.2 prévoit qu’elles
ne peuvent disposer d’un domaine public que si les textes qui les régissent le précisent
expressément.

Ce nouveau Code général de la propriété des personnes publiques regroupe la plupart des règles
applicables aux biens publics, mais il n’est pas pour autant exhaustif car parfois ce Code renvoi à
d’autres dispositions non codifiées tel que le Code de la Voirie Routière. Le Code Général de la
propriété des personnes publiques a un champ d’application plus large que l’ancien Code du
Domaine de l’Etat car ce dernier ne prévoyait que certaines règles applicables au domaine national,
ce qui a obligé le juge à innover dans de nombreux domaines. On s’aperçoit qu’avant 2006 de très
nombreuses règles étaient de nature prétorienne (règles de nature jurisprudentielle). Le problème
avec le droit jurisprudentiel est qu’il correspond à un foisonnement et qu’il est difficile d’accès pour
les non spécialistes. En outre, le CG3P a eu le mérite de rendre ces règles plus accessibles et il a
consacré la plupart des solutions jurisprudentielles qui avaient été dégagées jusqu’ici.

L’idée d’une codification n’est pas récente car elle peut être recherchée dans un rapport du Conseil
d’Etat de 1986 relatif à l’avenir du droit des propriétés publiques. Ce rapport mettait en avant un
constat selon lequel le droit domanial était devenu trop rigide. Il empêchait la valorisation
économique du domaine public et certains textes étaient anachroniques et inadaptés. Suite à ce
rapport un groupe de travail a été constitué en 1991 et il a remis ses conclusions en 1999. Le CG3P
est le fruit de l’ordonnance du 21 avril 2006 et elle fut prise en application de la loi de 2004
autorisant le gouvernement à simplifier le droit. La volonté du Conseil d’Etat semble avoir été en
partie entendue car le CG3P resserre le domaine public pour que sa protection n’entraine pas de
conséquences aberrantes.

Le Conseil Constitutionnel s’est prononcé en droit domanial en juin 1986 dans laquelle il a jugé que
les personnes publiques bénéficient de la protection qui s’attache au droit de propriété en vertu de
la DDHC, à l’instar des personnes privées.

Concernant plus précisément le domaine public, le Conseil Constitutionnel s’est prononcé à plusieurs
reprises. Il a notamment imposé au législateur de ne pas priver de garantie légale les exigences
constitutionnelles résultantes de l’existence et de la continuité des services publics auxquels les
biens sont affectés. C’est ce qui ressort d’une décision du 21 juillet 1994. En outre, le Conseil
Constitutionnel a affiné sa jurisprudence en ajoutant que la constitution de droit réel sur le domaine

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public ne doit pas non plus porter atteinte aux droits et libertés à l’usage desquels le domaine public
est affecté.

En ce qui concerne le principe d’inaliénabilité du domaine public, et bien le Conseil Constitutionnel a


toujours refusé de lui conférer une valeur constitutionnelle. Ceci étant la juridiction à tout de même
précisé que les biens qui constituent le domaine public ne peuvent être aliénés sans avoir été au
préalable déclassés (écartés du domaine public) d’après une décision de 1986. En ce qui concerne la
convention européenne des droits de l’homme, et bien au sein de cette dernière l’on trouve le
premier protocole additionnel à la convention et l’article 1er de ce dernier précise « toute personne a
le droit au respect de ses biens, nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité
publique ». La Cour européenne, dans une décision du 9 décembre 1994 C. CONTRE GRECE a estimé
que cette disposition vise également à protéger les biens de l’Etat.

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TITRE II : Le domaine public

Dès le XIXème siècle l’idée s’est imposée progressivement selon laquelle certains biens publics
devaient bénéficier d’un régime juridique particulièrement protecteur, compte tenu de leur
affectation à l’intérêt général. C’est cette préoccupation qui va permettre de tracer la frontière entre
droit public et droit privé au sein des propriétés publiques. Aujourd’hui, la frontière entre domaine
public et domaine privé est moins nette qu’elle ne l’a déjà été, et preuve en est notamment la
préoccupation croissante de valoriser le domaine public, et preuve en est l’existence au sein même
du domaine public de différents degrés de protection.

Léon DUGUIT parlait « d’échelle de domanialité » et ce concept apparait d’actualité et il a été repris
par une partie de la doctrine contemporaine, notamment par l’auteur Fabrice MELLERAY. Devant
cette incertitude, et bien des auteurs ont prôné la disparition de cette distinction. Cependant cette
dernière est tout de même bien ancrée. Devant ces incertitudes la question est de savoir si l’on
adopte une vision large ou étroite du domaine public ? PROUDHON considérait que les personnes
publiques n’avaient pas vraiment de droit de propriété sur le domaine public. Mais en réalité il avait
une vision très étroite du domaine public, puisque pour l’auteur seules les dépendances affectées à
l’usage de tous faisaient parties du domaine public. Cependant cette vision étroite du domaine
public n’a pas perduré car en parallèle s’est développée la notion de service public qui tient un rôle
important dans la définition même du domaine public.

Il y a eu alors un élargissement de la vision du domaine public. Cet élargissement s’est fait


progressivement et a commencé avec HAURIOU qui fut le premier à systématiser les critères du
domaine public. Pour ce dernier, fait partit du domaine public les biens affectés à l’usage direct du
public, mais aussi les biens affectés à un service public. Pour HAURIOU cela va même plus loin car
selon lui il suffit qu’un bien ait fait l’objet d’une affectation formelle à l’utilité publique (simple acte
administratif de classement du bien dans le domaine public) pour que ce bien soit affecté au
domaine public. A l’inverse de PROUDHON l’on est dans une vision extensive du domaine public, qui
a cependant un inconvénient, celui de laisser une marge d’appréciation importante à l’administration
pour décider si un bien fait partie ou non du domaine public.

Par conséquent les auteurs qui ont suivi ont tenté de dégager des critères réducteurs du domaine
public. C’est comme cela que Marcel VALINE a considéré qu’il ne fallait pas laisser aux autorités
administratives le soin de déterminer la consistance du domaine public. L’auteur a critiqué
l’hypertrophie du domaine public et il a dégagé deux critères réducteurs du domaine publics qui
viennent s’ajouter au critère de la propriété publique du bien. Selon lui « un bien fait partie du
domaine public, soit à raison de sa configuration naturelle, soit à raison d’un aménagement spécial
qui est particulièrement adapté à un service public ou à la satisfaction d’un besoin public et ne
saurait être remplacé par aucun autre dans ce rôle ». VALINE en a déduit que seuls les biens
indispensables à la satisfaction de l’utilité publique doivent bénéficier de ce régime particulier
qu’est celui de la domanialité publique. Cette réflexion de l’auteur a été dénaturé par les errants de
la jurisprudence.

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Chapitre 1 : Le cadre du domaine public

La distinction entre domaine public et domaine privé a connu un certain nombre de critique mais elle
est toujours d’actualité. Pourtant cette distinction n’est pas celle qui a été choisie pour apparaitre au
premier plan dans le Code général de la propriété des personnes publiques. Ce dernier contient trois
parties essentielles :

- L’acquisition des biens par les personnes publiques.


- La gestion des ces biens.
- La cession de ces biens.

I. Les critères de la domanialité publique :

Aujourd’hui il n’existe pas une catégorie particulière de bien qui ferait partie du domaine public par
nature. Effectivement, l’on y trouve aussi bien des biens réalisés par la main de l’homme, que des
biens naturels. La preuve en est que le législateur peut décider à tout moment de classer un bien
dans le domaine public, ou à l’inverse dans le domaine privé. Exemple : la jurisprudence a longtemps
considéré que les bureaux affectés aux services publics et aménagés à cet effet faisaient partie du
domaine public. Et bien, désormais l’article L2211-1 du CG3P décide, à l’inverse, qu’ils sont intégrés
dans le domaine privé. Exemple : la loi littorale de 1986 a décidé que la zone des 50 pas géométrique
qui fait partie du domaine maritime de l’Etat doit être intégrée dans son domaine public. Lorsque
rien n’était prévu par le législateur, et bien le juge a dégagé des critères, restrictifs à l’origine, mais
qui ont été interprétés de façon plus souple, ce qui a conduit à l’hypertrophie du domaine public.

Devant ces critiques, les rédacteurs du CG3P ont repris les critères jurisprudentiels en les actualisant.
Ces derniers restent la propriété publique du bien et l’affectation du bien à l’intérêt général, mais
cette seconde condition a été remaniée afin que le domaine public revienne dans des limites plus
raisonnables. L’article L2211-1 du Code dispose « sous réserve de disposition législative spéciale le
domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L1 est constitué des biens lui
appartenant, qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public, pourvu
qu’en ce cas il fasse l’objet d’un aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce
service ».

A. La propriété publique du bien :

Cette condition est une condition absolue qui a toujours été exigés. Pour qu’un bien fasse partie du
domaine public, il faut qu’il appartienne à une personne publique. Cependant les choses ont
évoluées en ce qui concerne le type de personne publique qui peut être propriétaire et la nature du
bien détenu.

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1. La nature du droit :

1.a. L’existence incontestable d’un droit de propriété au profit d’une personne


publique :

Il s’agit d’une première condition. Pour être intégré dans le domaine public le bien considéré doit
avant tout être la propriété d’une personne publique. Cette condition est indispensable et si cette
dernière n’est pas remplie le bien ne peut faire partie du domaine public et ce, quelque soit son
affectation. Conseil d’Etat arrêt du 8 mai 1970 SOCIETE NOBEL-BOZEL : en l’occurrence ce qui posait
question était un mur longeant une voie publique, sauf que ce dernier était implanté sur un terrain
privé et donc ne pouvait être rattaché au domaine public.

Cette condition a été réaffirmée constamment, notamment au sujet des cimetières privés. Elle s’est
notamment posée dans un arrêt du 13 mai 1964 EBERSTRATCK : un cimetière israélite posait
problème et il constituait la propriété d’une association et donc du domaine privé. Plus récemment,
la question s’est posée à propos des biens détenus par l’agence France-Presse. Cette dernière avait
des besoins de trésorerie et pour faire face à cela elle souhaitait vendre un local qui lui servait de
siège et elle voulait conclure un crédit-bail sur cet immeuble cédé. Une telle opération n’était
possible que si le bien ne faisait pas partie du domaine public. Or l’agence fut qualifiée
d’établissement public par un décret de 1947, mais la question de son statut a toujours suscité un
certain nombre de difficultés Le Conseil d’Etat a alors passé en revu les différentes caractéristiques
de l’agence France-Presse et en a conclu que l’AFP avait un statut de droit privé et donc qu’elle ne
peut détenir un domaine public (méthode du faisceau d’indices).

Cependant il arrive qu’un régime très protecteur (assez proche de la domanialité publique) soit
conféré à des biens ne faisant pas partie du domaine public. Exemple : une loi de 2005 a transformé
l’établissement public « aéroports de Paris » en société, mais cette loi a prévue en parallèle que les
biens de cette nouvelle société, nécessaires à l’accomplissement d’une mission de service publics,
sont insaisissables. Exemple : une loi du 26 juillet 1996 qui a transformé France Télécom en société
prévoit que ses biens sont déclassés et entrent dans le patrimoine de cette nouvelle société, mais qui
ne pourront être cédés sans contrôle.

1.b. Une propriété pleine et entière :

Cela signifie que la personne publique ne doit pas être détentrice d’un démembrement du droit de
propriété seulement (usus, fructus et abusus). Le bien doit être détenu de façon pleine et entière.

La question s’est posée au sujet des biens se trouvant en copropriété entre une personne publique
et une ou plusieurs personnes privées. Cette question a engendré des débats et elle a été tranchée
par le Conseil d’Etat en 1994 dans un arrêt COMPAGNIE D’ASSURANCE PRESERVATRICE FONCIERE :
en l’espèce le litige portait sur des locaux qui étaient occupés par la direction générale des impôts et
ces derniers constituaient la partie privative d’un lot dont l’Etat était propriétaire dans un immeuble,
immeuble qui comportait des parties communes et des locaux privés. Le Conseil d’Etat va juger que
les règles essentielles du régime de la copropriété sont incompatibles avec la domanialité publique.
Cette solution est valable même si les locaux en question ont été spécialement aménagés pour les
besoins du service public. La domanialité publique est exclusive de toute appropriation privée selon
un auteur.

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2. La nature de la personne propriétaire :

En vertu de l’article L2211-1 du CG3P, seuls l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements
publics peuvent disposer d’un domaine public. L’intérêt du CG3P est d’affirmer que les
établissements publics peuvent disposer d’un domaine public. C’est un élément majeur, car ça a le
mérite de trancher des débats doctrinaux et jurisprudentiels très anciens. En effet, pour les auteurs
tels que HAURIOU ou VEDEL, les biens appartenant aux établissements publics ne méritent pas la
protection attachée à la domanialité publique. A l’inverse, Marcel VALLIN considérait que rien
n’interdit aux établissements publics d’avoir un domaine public.

Le juge, lui-même, a longtemps été très hésitant. Selon une ancienne jurisprudence seules les
dépenses domaniales transférées dans le patrimoine de l’établissement public pouvaient relever de
son domaine public, à l’inverse des biens acquis ou construits par lui-même. Le juge a finit par
reconnaitre la possibilité pour les établissements publics administratifs (EPA) d’avoir un domaine
public dans un arrêt du 21 mars 1984 MANSUY : en l’espèce il était question de la dalle centrale de la
défense à Paris qui appartient à un établissement public d’aménagement de la région de la défense
(EPAD). Le Conseil d’Etat a estimé que cette dalle fait partie de son domaine public dès lors qu’elle
est affectée à l’usage direct du public et qu’elle a été spécialement aménagée à cet effet.

La domanialité publique est un régime protecteur, mais cette protection peut se révéler très
invalidante. Le professeur FATÔME, dans un article de 2003, a montré qu’un même principe peut
être à la fois un privilège, mais aussi une sujétion. Le Conseil d’Etat a posé un considérant de principe
dans un arrêt du 23 octobre 1998 EDF : « considérant qu’en principe les biens appartenant à un
établissement public qu’il soit administratif ou industriel et commercial, font partie, lorsqu’ils sont
affectés au service public dont cet établissement à la charge et son spécialement aménagé à cet
effet, de son domaine public, qu’il en est toutefois autrement lorsqu’ils font obstacle des dispositions
de la loi applicable à cet établissement ou à ces biens ». Dans cette affaire, le débat s’est noué autour
de la loi de nationalisation de l’électricité de 1946. Cette dernière comportait des contradictions, à
savoir qu’en vertu de cette loi le capital d’EDF (établissement public) est inaliénable, mais les services
de distribution peuvent gérer et aliéner les biens dont ils sont propriétaires comme des personnes
privées. Le juge fait primer cette seconde règle et décide que les biens d’EDF ne peuvent relever du
domaine public, ne peuvent se voir appliquer la domanialité publique. Cette solution est
avantageuse pour la gestion des biens d’EDF car cela permet une gestion plus souple des biens, mais
surtout la justification de cette décision est à rechercher dans la volonté qu’avait le juge d’éviter
l’annulation de nombreuses cessions de biens, cessions qui avaient été effectuées sans déclassement
préalable. On voit donc à travers cette définition que, certes les établissements publics peuvent être
propriétaire d’un domaine public, mais cela n’implique pas qu’ils le soient systématiquement.
Aujourd’hui, le débat a perdu de sa vigueur pour plusieurs raisons :

- Le CG3P consacre expressément cette possibilité donc le débat est tranché (les personnes
publiques peuvent être propriétaires d’un domaine public).
- Le législateur est intervenu pour déclasser les biens de certains établissements publics
pour que ces derniers puissent aliéner ces biens.

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3. La nature du bien détenu :

Il faut faire la distinction entre les biens mobiliers et les biens immobiliers.

Les biens immobiliers ont toujours étaient considérés comme susceptibles de faire partie du
domaine public. Cette règle est confirmée par le CG3P.

Les biens mobiliers ont fait l’objet de plus de controverse jurisprudentielle. Le juge judiciaire, dans
un premier temps, a eu l’occasion de se prononcer au sujet de tableaux détenus par un musé dans un
arrêt de la Cour de Cassation du 2 avril 1963 MONTAGNECONTRE REUNION DES MUSES DE France : il
s’agissait d’une esquisse de Seurat qui appartenait au musé du Louvres et la Cour a jugé que de tels
biens font partie du domaine public dès lors que leur conservation et préservation sont l’objet
même du service public. Cette jurisprudence a été confirmée par le législateur car la loi du 4 janvier
2004 relative aux musés de France dispose que l’ensemble des biens dont ces musés sont
propriétaires fait partie du domaine public. De son côté, la jurisprudence administrative a été plus
hésitante et semblait considérer que les biens meubles sont exclus du domaine public, sauf si le
législateur en dispose autrement (exemple Conseil d’Etat arrêt de 2004 AEROPORTS DE PARIS dans
lequel le Conseil considère que du matériel électronique ne peut faire partie du domaine public). Le
CG3P va clarifier cette question car désormais l’article L2112-1 dispose que « font partie du domaine
public mobilier de la personne publique propriétaire les biens présentant un intérêt public du point
de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique ». Les rédacteurs du
code ont donné une liste non exhaustive d’exemples. On peut citer les collections des musées, les
archives publiques, certaines collections de documents anciens et précieux des bibliothèques.

Elle rend compte de la problématique propre aux biens mobiliers qui ne méritent pas tous d’être
intégrés dans le domaine public. Le législateur aurait pu choisir de reprendre les critères qui avaient
été suggérés par DUGUIT et repris par VALINE. Pour ces auteurs font partis du domaine public, les
biens mobiliers dont la conservation est l’objet même d’un service public et ceux qui sont le moyen
indispensable de l’exécution d’un service public. Jugement du Tribunal Administratif de Paris 9 avril
2004 MADAME FRANÇOISE MERCIER : il a été considéré que des fragments de la colonne Vendôme à
Paris font partis du domaine public. Pour CHAPUS ce sont « des biens qui sortent de l’ordinaire,
difficilement remplaçables ou pas du tout ». L’avantage de faire soumettre ces biens meubles à la
domanialité publique est qu’ils échappent à la prescription acquisitive.

B. L’affectation du bien à l’intérêt général :

Outre la condition propre à la propriété publique, le bien doit être affecté à l’utilité publique. Ce
critère se décline en deux hypothèses distinctes, en deux critères alternatifs, à savoir que le bien est
soit affecté à l’usage direct du public, soit il est affecté à un service public.

Dans ce second cas, a été dégagé un critère réducteur de la domanialité publique, à savoir celui de
l’aménagement spécial. Ce critère a été dénaturé par la jurisprudence, et ce critère sensé être
réducteur n’a pas permis de limiter l’extension excessive du domaine public. Il a été altéré et il a été
combiné avec d’autres éléments, à savoir le fait que les établissements publics se sont vu
reconnaitre la possibilité de détenir un domaine public, et l’élaboration des théories
d’élargissement du domaine public. Cet élargissement a contribué à la remise à plat des critères de
la domanialité publique. Cette remise à plat a été mené au moyen du CG3P et ce dernier, en essayant

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de mettre fin à cette extension, doit contribuer à un recentrage du domaine public qui passe
notamment par le remplacement de l’aménagement spécial et par la notion d’aménagement
indispensable.

1. L’affectation directe à l’usage du public :

Historiquement il s’agit du premier critère apparu à avoir permis de qualifier le domaine public.
L’on fait remonter sa consécration à un arrêt du Conseil d’Etat du 28 juin 1935 MARECAR : en
l’espèce le litige est parti d’un cimetière, et à cette occasion le Conseil d’Etat a jugé que l’affectation
à l’usage du public suffit pour qu’un bien appartienne au domaine public. Cette jurisprudence
marque le point de départ de ce critère et pose un principe. Cependant elle montre aussi que la
distinction entre les deux catégories (usage direct du public et affectation à un service public) n’est
pas toujours tranchée car un arrêt de 1906 PERMANNE du Conseil d’Etat a inclut les cimetières dans
le domaine public en raison de leur affectation à un service public.

A l’origine, pour cette catégorie de bien affectée directement à l’usage du public, l’aménagement
spécial n’était pas nécessaire. Pourtant l’on s’aperçoit que la jurisprudence a régulièrement exigé un
aménagement spécial, au point de faire douter de la distinction entre les deux catégories
alternatives. On en trouve une illustration dans un arrêt du Conseil d’Etat du 22 avril 1960 BERTHIER :
il était question des promenades publiques, et le juge, pour les faire passer du domaine privé au
domaine public, a exigé que ces promenades aient été spécialement aménagées alors même qu’elles
sont affectées à l’usage direct du public. Cette exigence d’aménagement spécial a été confirmée
dans la jurisprudence, notamment à propose de parcs municipaux, du bois de Vincennes, et même à
propos d’une plage (arrêt du Conseil d’Etat du 30 mai 1975 DAME GOZZOLI).

Lorsqu’un même bien est affecté à l’usage direct du public, mais également à un service public, le
juge avait tendance à privilégier l’affectation à un service public de façon à adjoindre l’exigence
d’un aménagement spécial. Arrêt du Conseil d’Etat du 22 avril 1977 MICHAUD : dans cette affaire le
Conseil juge que les halles et marchés son affectés à un service public et non à l’usage direct du
public alors que cela paraissait plus évident. Quoi qu’il en soit, dans certaines hypothèses il est vrai
que la distinction entre affectation à l’usage du public ou à un service public est délicate. On peut
donner l’exemple des lieux de culte car avant 1905 les lieux de cultes étaient affectés au service
public du culte. Or depuis la loi de séparation des églises et de l’Etat du 9 septembre 1905 le service
public du culte a été supprimé. Quel est donc le statut des lieux de cultes qui appartiennent à des
personnes publiques ? Lorsque ces biens appartiennent à une personne publique ils font partie du
domaine public car ils sont affectés à l’usage du public, en l’occurrence à l’usage des fidèles et des
visiteurs.

En définitive, ce qui semble ressortir de la jurisprudence est que le juge ne privilégie l’affectation à
l’usage du public que si celui-ci est direct et que l’ensemble des usagers peut en bénéficier. Ce
critère d’affectation à l’usage direct du public est tenu en échec lorsqu’une loi spéciale prévoit que
tel ou tel bien, même affecté à l’usage du public, constitue une dépendance du domaine privé. C’est
le cas de l’article L161-1 du Code de la Voirie Routière qui prévoit que les chemins ruraux font partie
du domaine privé et cette solution a été confirmée par le CG3P.

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2. L’affectation à un service public :

Rappelons qu’un service public est une activité d’intérêt général qui est créé ou contrôlé par une
personne publique et qui est au moins partiellement soumis à un régime dérogatoire de droit public.

La doctrine a, elle, toujours fait de l’affectation à un service public un critère de la domanialité


publique. On peut rappeler les écris de Gaston JEZE qui souhaitait limiter la protection domaniale
aux seuls biens qui avaient une fonction irremplaçable dans le fonctionnement du service. Ce critère
est présent dès le début du XXème siècle dans la jurisprudence, voire même dans certains textes, mais
le juge n’a réellement dégagé un considérant de principe qu’en 1956 dans un arrêt du Conseil d’Etat
du 19 octobre SOCIETE LE BETON : en l’espèce un litige était né entre l’office nationale de la
navigation chargée d’une mission de service public industrielle et commerciale et des entreprises
privées à propos de terrains loués par ces entreprises. La question qui se posait été de savoir quel
juge était compétent ? Selon le Conseil d’Etat ces terrains qui sont situés à proximité du port font
partie du domaine public car ils contribuent au fonctionnement de l’activité portuaire. Le
commissaire du gouvernement MARCEAU LONG a considéré que l’aménagement spécial résultait de
la situation géographique de ces terrains, et du raccordement aux voies fluviales, ferrées ou
routières qui menaient au port. Cependant l’on voit que cette jurisprudence laisse entrevoir des
excès du critère dégagé car l’on peut reprendre les critères de MARCEAU LONG qui précisait que le
seul aménagement qu’a reçu le terrain résulte de son raccordement aux voies de communications et
au réseau de distribution d’énergie électrique. On voit donc déjà que l’on tue ce critère car il en est
fait une interprétation extensive. L’on entrevoir l’incapacité de ce critère à contenir le domaine
public et cette dernière est lié au caractère flou de cette notion d’aménagement spécial.

Comment se matérialise cet aménagement spécial dans la jurisprudence ? Et bien il peut tout
d’abord être le fruit du travail de l’homme. C’est ce qui ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat du 11 mai
1959 DAUPHIN : ce qui constituait l’aménagement spécial était une simple grille et deux bornes qui
permettaient d’accrocher une chaine, qui visaient à protéger une allée. Le juge a justifié que cette
grille et ces bornes suffisaient à constituer un aménagement spécial. L’aménagement spécial peut
résulter de la position géographique du bien. La première illustration est la jurisprudence LE BETON,
mais l’on peut citer l’arrêt du Conseil d’Etat de 1965 SOCIETE LYONNAISE DES TRANSPORTS : en
l’espèce le conseil a jugé que le fait qu’un garage soit situé à proximité immédiate de la gare et qu’il
offre des commodités particulières aux voyageurs suffit à caractériser l’aménagement spécial.

On voit donc que l’on peut assister à des dérives dans l’utilisation de ce critère, ce qui a conduit le
commissaire du gouvernement LABETOULLE en 1978 à tenir les propos suivant : « l’affectation à un
service public présume l’aménagement spécial, présume la domanialité publique ». Cela a conduit à
ce que VALINE appelait « l’hypertrophie du domaine public » (critère réducteur que l’on n’utilise pas
comme critère réducteur du domaine public), ce qui a conduit les rédacteurs du CG3P à élaborer un
critère de remplacement. Désormais, seul un aménagement indispensable à l’exécution des
missions de service public permet de classer un bien dans le domaine public. Tout dépend encore
de l’interprétation que va en faire la juridiction administrative. Le juge a montré son intention
d’adopter une logique restrictive et de contenir le domaine public. Il l’a fait dans un arrêt du Conseil
d’Etat du 28 décembre 2009 SOCIETE BRASSERIE DU THEATRE : cette décision permet d’affirmer le
caractère non rétroactif du CG3P. Donc, dans cette affaire, le juge n’évoque pas la notion
d’aménagement indispensable. Ce qui est intéressant est que la logique du CG3P est bien présente.

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En l’espèce le litige est né au sujet d’un contrat qualifié par les parties de convention d’occupation
domaniale (ce qui permet à un opérateur privé d’occuper une dépendance du domaine public). Cette
convention avait été conclue entre la municipalité de Rince et la société brasserie du théâtre. Le juge
n’est pas lié, à priori, par la qualification donnée par les parties à une convention et le juge décide
justement en l’espèce que cette brasserie n’est pas affectée au service public culturel, et ce même si
elle est installée dans l’enceinte du théâtre et qu’elle assure un service de restauration au moment
des représentations. Le juge tend donc à adopter une logique restrictive du domaine public.

3. L’actualité des théories d’élargissement du domaine public :

Le juge s’est évertué à élaborer des constructions jurisprudentielles qui ont conduit à un
accroissement du champ du domaine public. La plupart du temps ce sont des cas d’espèce qui ont
justifié ces théories, mais l’utilisation de ces théories a contribué à la disproportion du domaine
public.

3.a. La théorie de l’accessoire :

Jusqu’en 2006 le juge se fondait soit sur l’utilité du bien accessoire, soit sur son caractère
indissociable du bien principal, pour intégrer ce bien accessoire au domaine public :

- La première alternative est la condition d’utilité et elle signifie que le bien accessoire dont
on parle est nécessaire pour que le bien principal puisse pleinement remplir sa finalité
d’intérêt général. C’est ce que l’on appelle un critère fonctionnel. Exemple : un mur de
soutènement nécessaire à une voie publique fait partie du domaine public. Du coup, le bien
qualifié d’accessoire nécessaire est intégré au domaine public sous réserve qu’il appartienne
à une personne publique.
- La seconde alternative est que si le bien est le complément indissociable du bien intégré
dans le domaine public, il bénéficiait la encore du même régime. Ici ce qui est pris en compte
est le lien physique, c'est-à-dire le lien de proximité entre les deux biens et non le critère
fonctionnel. Généralement l’on s’aperçoit que le bien accessoire est situé en dessous ou au
dessus de la dépendance domaniale (canalisations, colonnes d’affichage).

Depuis 2006 le CG3P consacre cette théorie de l’accessoire, mais la rend plus difficile à mettre en
œuvre. Désormais le code dispose « font également partie du domaine public les biens pour les
personnes publiques qui, concourant à l’utilisation d’un bien appartenant au domaine public, en
constituent un accessoire indispensable ». On constate que les deux critères qui étaient alternatifs
auparavant sont devenus des critères cumulatifs. On peut remarquer que selon l’ancienne théorie
de l’accessoire la brasserie du théâtre de Rince aurait pu bénéficier de la domanialité publique.

Il fait noter une particularité propre aux immeubles à usage de bureaux car désormais l’on peut se
référer à l’article L2211-1 du Code puisque cette disposition précise que les bureaux appartiennent
au domaine privé à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers
appartenant au domaine public. En outre il y a une particularité propre aux ensembles complexes
(hypothèse dans laquelle la théorie de l’accessoire est inappliquée car se côtoient des volumes
superposés soumis à des régimes différents).

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3.b. La théorie de la domanialité publique globale :

Cette théorie a conduit à l’élargissement du domaine public et elle vise à inclure dans celui-ci des
éléments d’un ensemble qui ne sont pas directement affectés à l’utilité publique, dans le but
d’harmoniser le régime applicable. On peut se référer à un avis du Conseil d’Etat du 13 juin 1989 qui
précise que l’élément qui va profiter de cette théorie doit concourir, au même titre, que les autres
parties, à l’utilité générale qui a déterminée l’affectation. Exemple : c’est le cas d’un logement de
fonction situé dans une école, de locaux commerciaux situés dans une gare. Le juge administratif a
eu recourt régulièrement à cette théorie, arrêt de la Cour d’Appel administrative de Marseille de
2000 CCI DE MARSEILLE : dans cet arrêt le juge considère que dès lors qu’un aéroport est ouvert à la
circulation aérienne publique, toutes les parcelles qui se trouvent dans son enceinte appartiennent
au domaine public.

Quand un immeuble comprend plusieurs niveaux, la domanialité publique globale suppose que tous
ces niveaux répondent à une destination commune qui soit homogène. Dans le cas contraire, alors
l’appréciation est menée lot par lot et l’on appliquera la théorie des ensembles complexes. Cette
théorie de la domanialité globale va conduire à intégrer dans le domaine public les campus
universitaires ou les hôpitaux dans leur globalité.

Cette théorie ne figure pas expressément dans le CG3P, sauf que l’article d’après L2111-1 ces
dispositions sont susceptibles d’intégrer cette théorie de la domanialité publique globale. Tout porte
à croire que cette disposition sera interprétée de façon plus stricte par le juge, Cour Administrative
d’Appel de Lyon de 1993 arrêt BENSOUSAN : le juge considère qu’un logement occupé par le
gestionnaire d’un établissement scolaire est affecté au service public de l’enseignement uniquement
s’il est occupé par nécessité absolue de service.

3.c. La théorie de la domanialité publique virtuelle ou par anticipation :

Cette théorie consiste, pour le juge, à sa contenter d’un aménagement spécial futur, d’un
aménagement qui n’est pas encore réalisé. Cette construction jurisprudentielle date de 1985, d’un
arrêt du Conseil d’Etat ASSOCIATION EUROLAT CONTRE CREDIT FONCIER DE FRANCE : le juge, dans
cette affaire, a interdit à l’administration de constituer des droits réels sur une dépendance du
domaine privé destinée à accueillir des maisons de retraites publiques, et donc destinée à intégrer le
domaine public. Dans une affaire qui appliquait la jurisprudence EUROLAT le commissaire du
gouvernement BACHELIER a précisé qu’il fallait qu’il n’y ait aucun doute sur la destination de
l’immeuble.

Cette théorie a été appliqué à maintes reprises, Conseil d’Etat 1995 arrêt PREFET DE LA MEUSE : en
l’espèce le conseil général avait déclassé une ancienne école (la faire sortir du domaine public)
destinée à servir de siège à l’hôtel du département, après la réalisation de travaux. En l’espèce le
permis de construire avait été obtenu et le marché de travaux avait été signé. Le juge va alors
décider que le déclassement est illégal, même si le bien n’est plus affecté au service public de
l’enseignement, et qu’il n’est pas encore affecté au service public départemental. Le but est de
contourner des règles de la domanialité publique.

La difficulté dans ces affaires réside dans le moment qui sert de point de départ à la domanialité
publique virtuelle, et elle réside dans la frontière entre virtualité et effectivité. On ne parle pas de

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domaine public virtuel, mais d’une domanialité publique virtuelle. Cependant le juge n’a créé cette
théorie que pour appliquer certains principes protecteurs mais uniquement dans la mesure où ils
sont nécessaires. Le Conseil D’Etat a été amené à rendre un avis en 2004 à propos de locaux qui
avaient été acquis par l’tat pour installer la cinémathèque française. La juridiction a rappelé que le
bien n’entre dans le domaine public que lorsque les aménagements sont achevés. Finalement, la
frontière entre domanialité publique virtuelle et l’entrée effective du bien dans le domaine public
s’effectue par le passage d’une affectation décidé à une affectation effective. Exemple arrêt du
Conseil d’Etat 25 janvier 2006 COMMUNE LA SOUCHE : il s’agissait en l’espèce d’un immeuble acquis
par une commune et destiné à devenir un gîte rural. Alors même que l’affectation n’étai pas encore
réalisée le juge a décidé que ce bien devait être regardé comme affecté au service public de
développement économique et touristique, et ce même si l’affectation n’était pas encore réalisée.

Là encore la doctrine a réagit à cette théorie et a dénoncé les risques de développement excessif de
cette théorie et la difficulté à dater l’application du régime. Ce qu’on peut dire à la lecture de
l’article L2111-1 du CG3P est que la simple volonté de la personne publique de construire un
équipement public ne devrait plus suffire à l’application de la domanialité publique. Cependant un
rapport à ce sujet est intervenu et il précise que c’est désormais la réalisation certaine et effective
d’un aménagement qui déterminera de façon objective l’application à ce bien du régime de la
domanialité publique. Cette définition prive d’effets la théorie de la domanialité publique virtuelle.
On pet faire deux remarques sur cette théorie :

- On peut se demander ce qui se passe si la personne publique prend délibérément des


décisions risquant d’empêcher l’application de la domanialité publique à un bien destiné à
intégrer le domaine public. Dans ce cas il est toujours possible pour le juge de sanctionner la
personne publique sur le terrain du détournement de pouvoir.
- Le professeur YOLKA s’est demandé si l’abandon de cette théorie était vraiment pertinent
car certaines lois récentes prévoient des montages juridiques permettant la construction
d’équipements publics par des entreprises privées. Or au moment ou ces conventions sont
conclues, les terrains ne sont pas encore aménagés, ils ne font donc pas encore partie du
domaine public (exemple du programme Perben qui est destiné à construire de nouvelles
prisons, ce programme reposant sur un système d’autorisation d’occupation du domaine
public, au bénéfice des entreprises privées).

II. La consistance du domaine public :

Le domaine public est très diversifié, on y trouve tout un tat de bien car dès lors que les critères de
propriété et d’affectations ont satisfaits, le bien entre dans le domaine public. Pour illustrer cette
diversité on peut faire quelques précisions sur ce qu’on peut trouver dans le domaine public :

- La plupart des cimetières font partis du domaine public, sauf lorsqu’ils font partie d’une
association.
- Il en va de même pour les édifices du culte. Il s’agit principalement des biens du clergé qui,
en 1789, ont été nationalisés et sont devenus propriétés de l’Etat. Ces biens font partie du
domaine public, même s’ils sont désaffectés, tant qu’un acte de déclassement n’est
intervenu (Conseil d’Etat 17 février 1932 COMMUNE DE BARRAN : le litige portait sur des
stalles qui garnissait l’église de Barran et qui étaient à la disposition des fidèles et des
ministres du culte. Le juge a considéré qu’en l’absence de décret mettant fin à cette

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affectation, ces stalles doivent être conservées dans l’église et ne peuvent être vendues).
René CAPITANT insistait sur l’affectation à l’utilité publique et faisait passer au second plan la
condition de propriété. Il suggérait que soit mis fin à la distinction entre le domaine public et
le domaine privé. Il proposait ainsi qu’un bien public puisse être transféré à une personne
privée, pour vue que l’affectation soit maintenue.
- On trouve également dans le domaine public des usoirs lorrains. Il s’agit du fruit d’une
coutume et en vertu de cette dernière il s’agit d’une bande de terrain située le long des
routes jusqu’aux immeubles construits. Ces bandes de terrains servent aussi bien aux
riverains, qu’aux propriétaires des terrains attenants, elles servent comme chemins d’accès
et pour y déposer du fumier, du bois. Toutefois cet usage ne doit pas empêcher de circuler
ces terrains. Le Tribunal des Conflits a eu à se prononcer sur ces usoirs lorrains le 22
septembre 2003 dans une décision GRANDIDIER : le Tribunal des Conflits a considéré qu’il
s’agit d’une dépendance du domaine public communal.

Le CG3P vient en plus fixer le régime juridique de certains domaines publics spécifiques. Cela
revient partiellement sur une distinction traditionnelle entre le domaine public naturel et le domaine
public artificiel. Mais ce n’est pas la distinction qui a été choisie en premier plan par les rédacteurs du
Code, mais en réalité on retrouve souvent cette distinction au sein de certaines catégories du Code.

A. Les domaines spécifiques envisagés par le CG3P :

1. Le domaine public maritime :

Il s’agit d’une catégorie dans laquelle réapparait la distinction traditionnelle entre domaine public
maritime naturel et domaine public maritime artificiel.

1.a. Le domaine public maritime naturel :

A l’origine, ce domaine public fut défini par une loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public
maritime. Aujourd’hui, il est défini à l’article L2111-4 du CG3P. Ce domaine public maritime naturel
appartient exclusivement à l’Etat, les autres personnes publiques ne peuvent pas en être
propriétaires. Le professeur CHAMARD HEIM considère que l’Etat serait le meilleur garant de la
liberté d’aller et de venir sur le domaine public maritime naturel car il est soustrait aux pressions
locales, et parce que le domaine public maritime naturel est largement lié à la souveraineté
nationale.

Cela ne signifie pas que tous les espaces maritimes appartiennent à l’Etat. Certains appartiennent à
des communes littorales ou à des établissements publics (le conservatoire de l’espace littoral et des
rivages lacustres qui est un établissement public administratif créé en 1975 qui a vocation à acquérir
des terrains en vue de leur protection).

On trouve dans le domaine public maritime naturel plusieurs dépendances :

- Il comprend le sol et le sous sol de la mer territoriale, c'est-à-dire ce qui se trouve entre la
limite extérieure de la mer territorial et des terres du rivage de la mer. Le Code précise que le
rivage de la mer est constitué « par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’ou les plus
hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques
exceptionnelles ». Cette formule est une définition qui trouve son origine dans l’ordonnance

22
royale de Colbert sur la marine de 1681. Au départ, cette ordonnance a été prise pour ne
s’appliquer qu’aux rivages de l’atlantique et le Conseil d’Etat a été amené à préciser
l’interprétation qu’il convenait de donner à ce texte dans un arrêt du 12 octobre 1974
KREITMANN. D’après ce dernier cette ordonnance doit s’appliquer à l’ensemble du littoral
français. Ainsi le Conseil d’Etat élargie le champ d’application de l’ordonnance.
- On trouve au sein de ce domaine le sol et le sous sol des étangs salés, à conditions qu’ils
communiquent directement avec la mer.
- On trouve les lais et les relais de la mer. Les lais sont des terrains formés d’alluvions
apportés par la mer, en dehors ou le long du rivage, et qui ne sont pas recouverts par les plus
hauts flots. Il en est de même pour les relais.
- On trouve dans ce domaine la zone qui borde le littoral dans les départements d’outres
mer, dite la zone des 50 pas géométrique. Cette zone s’étend sur environ 80 mètres à
compté de la limite du rivage. Elle a été réintégrée dans le domaine public par la loi littorale
du 3 janvier 1986.
- On trouve aussi les terrains acquis par l’Etat en vue de satisfaire des besoins d’intérêt
public d’ordre balnéaire, maritime ou touristique. Il s’agit d’une catégorie nouvelle qui fut
créée par l’ordonnance de 2006 et les premiers commentateurs ont craint que cette dernière
risque d’ouvrir à nouveau la porte à une extension du domaine public.
- Enfin on trouve dans ce domaine les terrains soustraits artificiellement à l’action du flot,
sauf s’ils bénéficient d’actes de concession translatifs de propriétés. Ce sont des terrains à
l’égard desquels la personne publique concluait des concessions d’endigage, c'est-à-dire que
ces terrains étaient soustraient à l’emprise des eaux par des travaux effectués par les
concessionnaires et en échange ces derniers sortaient du domaine public. Depuis la loi de
1963, il est interdit de porter atteinte à l’Etat naturel du rivage, ce qui a rendu impossible la
conclusion de nouvelles concessions.

1.b. Le domaine public maritime artificiel :

L’article L2111-6 du CG3P fait référence à deux catégories de biens, selon qu’ils se situent à
l’intérieur d’un port maritime ou à l’extérieur. Il s’agit globalement des biens publics qui sont
destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime (ports maritimes), et des
dépendances qui concourent au fonctionnement d’ensemble des ports maritimes (écluses, phares,
grues). Ces biens doivent appartenir à une personne publique pour faire partie de ce domaine, mais
pas exclusivement à l’Etat. C’est logique, d’autant plus que la loi du 13 août 2004 (loi de
décentralisation) a transféré aux collectivités territoriale la propriété, l’aménagement, l’entretient et
la gestion des ports non autonomes.

2. Le domaine public fluvial :

Le domaine public fluvial est prévu aux articles L2111-7 et suivants du CG3P. La encore l’on retrouve
la distinction traditionnelle entre le domaine public fluvial naturel et le domaine public fluvial
artificiel.

2.a. Le domaine public fluvial naturel :

La définition des biens incluent dans le domaine public fluvial naturel n’est pas très précise, il faut se
référer à l’article L2111-8 du Code et ce dernier précise qu’en font partie les cours d’eaux et les lacs

23
domaniaux. Pour qu’une dépendance y soit intégrée il faut un acte juridique de classement. Il existe
ainsi en France une nomenclature qui recense les cours d’eaux navigables. Cette nomenclature n’est
pas exhaustive. Le Code reprend la limite posé antérieurement par la jurisprudence selon laquelle le
domaine public fluvial naturel va jusqu’au point ou « les plus hautes eaux peuvent s’étendre en
l’absence de perturbations météorologiques naturelles ».

Longtemps ce domaine a appartenu à l’Etat, mais aujourd’hui, suite à la décentralisation, ce domaine


peut relever des collectivités territoriales suite à la loi de 2004, et la loi de 2003 relative à la
prévention des risques naturels et technologiques. L’avantage pour les collectivités est qu’elles
peuvent désormais exercer elles même la police de la conservation sur ces dépendances, et elles
peuvent aussi fixer des redevances pour l’utilisation de l’eau. Mais les collectivités sont réticentes car
tout cela est très couteux du fait du mauvais état des dépendances, mais aussi parce que cette
gestion est risquée.

2.b. Le domaine public fluvial artificiel :

Ce domaine public est définit à l’article L2111-10 du CG3P et cette disposition fait apparaitre 4
catégorie de biens au sein du domaine public fluvial artificiel :

- Les canaux et plans d’eaux appartenant à l’Etat ou collectivité territoriale ou encore à un


port autonome
- Les ouvrages et installations publiques appartenant à l’Etat, aux collectivités territoriales et
aux ports autonomes, qui assurent l’alimentation en eau des canaux et des plans d’eaux, et
qui assurent la sécurité de la navigation et de l’exploitation.
- Les biens immobiliers publics qui participent au fonctionnement d’ensemble des ports
intérieurs et ces mêmes biens situés à l’intérieur des ports maritimes et qui se situent en
amont de la limite transversale de la mer. De cette disposition, l’on peut déduire que
l’ensemble des ports fluviaux relèvent du domaine public fluvial artificiel, étant précisé que
les ports intérieurs ont été décentralisés par la loi du 13 août 2004.

3. Le domaine public routier :

On se rend compte que le CG3P est assez vague quant à la définition du domaine public routier. Ce
domaine est définit à l’article L2111-14 du CG3P et il comprend l’ensemble des biens appartenant à
l’Etat, aux collectivités territoriales et aux établissements publics, et affectés aux besoins de la
circulation terrestre, à l’exception des voie ferrées. En réalité, les dépendances publiques affectées à
la circulation sont devenues tellement nombreuses que l’on a fini par dégager des catégories au
sein même de ces voies de communication :

- La voirie routière : on trouve dans cette dernière les autoroutes, les routes nationales et
départementales et les voiries urbaines. Lorsque ces voies sont affectées à l’usage direct du
public, elles font partie du domaine public routier. Il existe un décret du 5 décembre 2005
qui dresse une liste des 38000 kilomètres de routes et d’autoroutes qui composent le réseau
routier national. Font partie du domaine public routier national les autoroutes, et certaines
routes nationales qui sont restées la propriété de l’Etat. En ce qui concerne les autoroutes,
aujourd’hui, la plupart d’entres elles sont exploitées sous forme de concession par des
sociétés purement privées. Ce constat, fait que le principe de gratuité de l’utilisation des

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autoroutes est devenu une exception. En ce qui concerne les routes nationales, la loi de
2004 a transféré vers les collectivités territoriales, et notamment aux départements, plus de
20000 kilomètres de routes nationales. Parmi ces dernières, les portions ayant une vocation
locales sont transférée aux communes ou à des groupements de communes et ce transfert
entraine le transfert des dépendances et des accessoires qui sont utilisés pour l’entretient,
l’exploitation et l’aménagement de ces voies. La domanialité publique s’étend au sol, au sous
sol des routes, mais également aux trottoirs, aux égouts, aux accotements, … . Un arrêt
prévoit que les chemins ruraux font parties du domaine privés des communes, même s’ils
sont affectés à l’usage direct du public.
- Les ponts : un pont est une construction ou un ouvrage qui relie deux points séparés par une
dépression ou un obstacle. Le statut de ces ouvrages a toujours suscité des interrogations car
l’on s’est demandé s’il s’agissait d’un accessoire de la voie d’eau traversée, ou d’une voie de
communication permettant d’assurer la continuité de la voirie routière. Pour le Conseil d’Etat
les ponts sont des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées (arrêt
de 1964 CHERVET). Cela signifie que les ponts sont la propriété de la collectivité publique
qui détient les « voies portées, reliées », et donc, quelque soit la personne qui a construit ou
financée la construction du pont, son entretient incombe au propriétaire de la voie portée.

4. Le domaine public ferroviaire :

Ce dernier est définit à l’article L2111-15 du CG3P et selon cette disposition en font partie les biens
immobiliers appartenant à l’Etat, aux collectivités territoriales ou aux établissements publics, affectés
exclusivement au service de transport public guidés le long de leur parcours non compris dans le
domaine public routier (les tramways sont ainsi exclus). Cette rédaction implique deux éléments à
savoir que le bien doit être affecté au service public ferroviaire et la condition d’aménagement.

C’est Marcel VALINE qui a contribué à systématiser cette distinction entre domaine public routier et
ferroviaire en insistant sur le fait que les voies ferrées sont affectées au service public des transports,
à l’inverse le réseau routier est affecté à l’usage direct du public.

Cette exigence d’affectation exclusive aux services publics devrait avoir des conséquences
restrictives sur la jurisprudence. Avant l’adoption du Code, les juges avaient tendance à considérer
les locaux des chemineaux comme des dépendances du domaine public, en vertu de la théorie de la
domanialité publique globale. La rédaction de cet article devrait donc entrainer une réduction du
champ du domaine public ferroviaire.

Depuis la loi du 13 février 1997, le domaine public ferroviaire se divise en deux puisque les
infrastructures relèvent des réseaux ferré de France (RFF) qui est un ETIC. Les infrastructures sont
les voies ferrés, les tunnels, les ponts propres aux chemins de fer. Par contre, les biens affectés à
l’exploitation des services de transport relève du domaine public ferroviaire de l’Etat et sont gérés
par la SNCF (les gares, les entrepôts de marchandises, les bâtiments administratifs). CA d’appel de
Nantes de 2001 arrêt BRETON : dans cet arrêt le juge décide qu’un dommage causé par des lapins
vivants sur la voie ferrée est imputable à RFF et non à la SNCF.

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5. Le domaine public hertzien :

La question s’est posée de savoir si cet espace relevait de la souveraineté de l’Etat ou au contraire
qu’il s’agissait d’une res mullius. Le premier arrêt qui semble reconnaitre un domaine public hertzien
a été rendu par le ce le 6 février 1948 SOCIETE RADIO ATLANTIQUE. Aujourd’hui, son sort est réglé
car l’article L2111-17 du CG3P dispose que les fréquences radio électriques sur le territoire de la
république relèvent du domaine public de l’Etat. Le Code entérine des dispositions législatives
antérieures, notamment la loi du 30 décembre 1986 relative à la liberté de communication qui
soumet toute utilisation des ondes à une autorisation préalable et une loi du 26 juillet 1996 portant
réglementation des télécommunications et selon cette loi, l’agence nationale des fréquences a
notamment pour mission d’assurer l’utilisation du domaine public des fréquences radio électriques.

Conseil Constitutionnel décision du 28 décembre 2000 : dans cette décision le Conseil jugeait
expressément que l’espace hertzien fait partie du domaine public et peut donner lieu à la perception
d’une redevance.

Ce domaine public hertzien est assez souvent critiqué par des auteurs, mais ce concept a aujourd’hui
son importance car il permet à l’Etat de gérer la rareté des fréquences radio électriques.

6. Le domaine public aéronautique :

La consécration d’un domaine public aéronautique est ancienne car elle découle d’un arrêt du
Conseil d’Etat du 1er octobre 1958 HILD et dans ce dernier le conseil a jugé que les aérodromes et
aéroports appartenant à l’Etat font parties du domaine public aéroportuaire. La encore le CG3P ne
fait qu’entériner, que confirmer la jurisprudence à l’article L2111-16.

Ce domaine public est composé des biens immobiliers et affectés aux besoins de la circulation
aérienne publique, ainsi que leurs dépendances. Cette disposition exclue les aéroports réservés à
l’usage privé, ne sont pas non plus concernés les biens qui appartiennent aux aéroports de Paris (ce
biens ont été déclassés par le législateur). Malgré ce déclassement, certains biens nécessaires à
l’exercice des missions de service public demeurent la propriété de l’Etat. La plupart des auteurs ont
critiqués ce déclassement législatif sans désaffectation et ces derniers ont mis en avant
l’hétérogénéité du régime applicable. Enfin, la loi du 13 août 2004 transfert de l’Etat vers les
collectivités territoriales tous les aéroports civils d’intérêt local.

B. Les procédés de délimitation du domaine public :

Il est important de savoir jusqu’ou s’étend le domaine public pour connaitre les limites de
l’application du régime qui s’y rapportent. Par exemple, pour les riverains de dépendances
domaniales, le fait de connaitre la limite du domaine public leurs évitent d’être qualifiés d’occupants
sans titre du domaine public, et d’être poursuivis de ce fait. Donc, si un riverain du domaine public
demande à l’administration de procéder à la délimitation du domaine public, l’administration est en
principe tenue d’y répondre. C’est ce qui ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat du 6 février 1976 SCI
VILLA MIRAMAR.

La délimitation passe par un acte administratif unilatéral et tout accord entre l’administration et un
administré est interdit en la matière. Le problème qui se pose est que l’administration rechigne
souvent à procéder à cette délimitation car cette dernière peut se révéler complexe et couteuse. Et

26
donc il arrive parfois à l’administration de se décharger sur le juge. Si le juge est saisit d’un litige
portant sur une contravention de grande voirie, ou sur une occupation sans titre du domaine public,
il sera alors obliger d’examiner les limites du domaine public pour résoudre le contentieux.

Le juge administratif est en principe compétent pour apprécier si un bien fait partie ou non du
domaine public. Donc, à l’occasion d’un litige le juge judiciaire devra surseoir à statuer s’il est saisit
d’une question portant sur l’existence ou les limites du domaine public. Si la question ne soulève pas
de contestation sérieuse, le juge judicaire peut se prononcer.

1. La délimitation du domaine public naturel :

La délimitation des rivages de la mer s’effectue en plusieurs étapes, ces dernières sont fixées par un
décret du 29 mars 2004 et ces étapes sont énoncées à l’article L2111-5 du CG3P. La délimitation
passe ainsi par des observations, des procédés scientifiques, des enquêtes publiques, et informations
des riverains. A l’issue de ce processus, un acte administratif (arrêté préfectoral ou décret en Conseil
d’Etat en cas de conclusion défavorable du commissaire enquêteur) procède à la délimitation. Ce
décret de 2004 a simplifié le régime de délimitation des rivages, mais malgré tout, le mécanisme
reste long et couteux pour l’administration. Les lais et relais, de même que le domaine public fluvial,
sont également délimités par acte administratif. L’acte administratif unilatéral qui délimite le
domaine public naturel revêt un caractère déclaratif, recognitif, c'est-à-dire qu’à travers cet acte,
l’administration se contente de constater les limites du domaine public un moment donné.

Le Tribunal des conflits, dans une décision du 26 juin 1991 CONSORT LESCUYER, a précisé que la
délimitation n’entraine jamais par elle-même incorporation dans le domaine public naturel. Par
conséquent, un particulier qui souhaite vendre une parcelle intégrée à tort dans le domaine public
naturel pourra la faire. Il suffit qu’il apporte la preuve que la parcelle litigieuse lui appartient et
qu’elle ne fait pas partie du domaine public naturel. Cet arrêt montre que la délimitation, étant le
fruit d’un acte administratif, c’est au juge administratif de se prononcer sur sa légalité.

Le Conseil d’Etat vient de juger que la délimitation opérée par le juge, lorsqu’elle est nécessaire pour
résoudre le litige, ne porte atteinte ni à l’article 17 de la DDCH, ni à l’article 1er du premier
protocole additionnel à la CEDH car lorsque le juge procède lui-même à la délimitation, il mène une
procédure contradictoire (arrêt du 20 mai 2011 de Conseil d’Etat COMMUNE DU LAVANDOUX).

Rien n’empêche un administré de solliciter l’administration à plusieurs reprises dans le temps car
cette délimitation est par nature contingente et donc des phénomènes naturels peuvent modifier à
tous moment les limites du domaine public naturel.

Les textes qui régissent le domaine public naturel précisent que cette délimitation est toujours
effectuée sous réserve des droits des tiers. C’est un mécanisme destiné à préserver le droit de
propriété des riverains qui seraient éventuellement lésés par cette délimitation. Il faut opérer une
distinction selon que cette délimitation est régulière ou irrégulière :

- La délimitation irrégulière : arrêt Conseil d’Etat 23 mai 1861 COQUART : dans ce cas les
personnes intéressées peuvent intenter un recours en excès de pouvoir contre l’acte portant
délimitation. Si l’acte est effectivement illégal pour un motif de fond, alors le riverain peut
recouvrer son bien et éventuellement obtenir des indemnités. Pendant longtemps il était
admis que le propriétaire dépossédé pouvait également porter le débat devant le juge

27
judiciaire et obtenir une indemnisé de dépossession correspondant à la privation définitive
de son bien. Cependant cette possibilité se fondait sur la technique de l’expropriation
indirecte, technique qui consistait à reconnaitre la prise de possession de fait par
l’administration et à octroyer une indemnité au propriétaire dépossédé. Cette emprise
irrégulière se résolvait par un transfert de propriété opéré par le gardien naturel de la
propriété privée, en l’occurrence le juge judiciaire. Sous la pression de la Cour Européenne
des droits de l’homme et de l’évolution de l’Etat de droit, aujourd’hui, cette technique n’est
plus admise. Par conséquent, il n’est pas certain que le propriétaire dépossédé puisse encore
obtenir une indemnité de dépossession si la parcelle litigieuse a été intégrée irrégulièrement
dans le domaine public.
- La délimitation régulière : si la délimitation est régulière, c'est-à-dire si une parcelle à
l’origine privée intègre le domaine public suite à des phénomènes naturels, alors le
propriétaire n’a pas droit à indemnité. Il en va autrement dans une hypothèse,
essentiellement si la modification est liée à des travaux publics qui auraient entrainé
involontairement l’incorporation du bien au domaine public.

2. La délimitation du domaine public artificiel :

Il s’agit de s’intéresser à la délimitation du domaine public routier. Cette délimitation passe par une
procédure unilatérale menée par l’administration. Cependant, cette délimitation peut aller bien
plus loin que pour le domaine public naturel car l’administration peut opérer un transfert de
propriété privée vers le domaine public.

La délimitation de la voirie routière passe par la procédure d’alignement qui est définie à l’article
L112-1 du Code de la voirie routière. Il s’agit alors de « la détermination par l’autorité administrative
de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines ». Cette procédure trouve
son origine dans un édit d’Henri IV de 1607 et grâce à cette dernière l’administration fixe les limites
des voies publiques, et elle peut modifier l’emprise des voies existantes en empiétant sur des
propriétés privées. On dit alors que la délimitation est attributive. De telles privations de propriétés
sont conditionnées par la dangerosité de la route, et par la nécessité de l’élargir. Cette procédure
d’alignement s’effectue en deux étapes :

- L’administration doit d’abord adopter un plan d’alignement indiquant la limite entre les
voies publiques et les propriétés privées. On retrouve des constantes, quelque soit la voie. Il
faut ainsi procéder à une enquête publique et ce plan d’alignement doit être approuvé par
acte administratif (la nature de l’acte varie selon la voie concernée car il peut s’agir d’un
décret en conseil d’Etat, d’un arrêté préfectoral ou encore une délibération du conseil
général ou municipal). Dans tous les cas, ce plan d’alignement fait l’objet d’une publication et
cette dernière le rend opposable aux administrés.
- Suite à l’adoption de ce plan, l’administration adopte des actes individuels appelés arrêtés
d’alignement et ces derniers sont destinés à indiquer aux propriétaires riverains les limites
de la voie.

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La possibilité d’empiéter sur les propriétés riveraines n’est possible que si un plan d’alignement est
intervenu. Les effets de ce plan sont différents selon qu’il empiète sur des terrains privés bâtis ou
non bâtis :

- Les terrains bâtis : ces terrains ne seront intégrés dans la voirie routière que lorsque les
constructions seront détruites. Cette destruction peut être décidée par le propriétaire lui-
même, ou résulter de la volonté de l’administration (en cas de péril pour la sécurité par
exemple). En attendant que le terrain soit nu, le particulier reste propriétaire, mais il est
soumis à une servitude de reculement qui lui interdit de réaliser de nouvelles constructions
et d’effectuer des travaux confortatifs sur les constructions existantes. A terme, cela va
aboutir à un délabrement de ses biens qui permettra à l’administration d’ordonner leur
destruction. On se retrouve non plus face à un terrain bâtit, mais face à un terrain nu et les
parcelles pourront être intégrées automatiquement au domaine public. Il s’agit d’un
mécanisme qui présente des risques d’atteinte à la propriété privée et donc la jurisprudence
a constamment enfermé cette procédure d’alignement dans des limites restrictives. On
constate également que dès lors que la servitude de reculement entraine des conséquences
trop lourdes pour le propriétaire privé, le juge refusera de la faire jouer et obligera
l’administration à autoriser la réalisation de travaux confortatif sur les biens. Si
l’empiètement sur la propriété privée vise en réalité à créer une voie nouvelle ou à élargir
considérablement une voie existante, alors le juge oblige l’administration à procéder à une
acquisition amiable ou à une expropriation pour cause d’utilité publique. Cette
interprétation est vouée à se durcir de plus en plus compte tenue de la jurisprudence de la
CEDH. FOULQUIER, dans un article, critique cette procédure car ce plan d’alignement est
valable sans limitation de durée, il conduit à limiter très fortement le droit de propriété (usus
et abusus) et l’indemnisation est faible. Lorsqu’il existe un plan local d’urbanisme, les
parcelles touchées par les servitudes de reculement sont généralement qualifiées
d’emplacements réservés et en tant que tels ces parcelles sont inconstructibles.
- Les terrains non bâtis : ils sont automatiquement intégrés au domaine public routier dès
lors que le plan d’alignement a été régulièrement adopté et publié et si la route est
dangereuse et qu’elle nécessite d’être élargie. Les propriétaires dépossédés ont alors droit à
une indemnité.

Si le plan d’alignement opère un rétrécissement de la voie, les parcelles non comprises dans les
voiries sont transférées au domaine privé de la personne publique, ou peuvent être vendues par
priorité aux riverains.

III. La circulation des biens par rapport au domaine public:

Il s’agit de montrer comment les biens entrent dans le domaine public, et comment ils en sortent.
Mais, les dépendances domaniales peuvent faire l’objet d’un transfert entre personnes publiques
sans pour autant sortir du domaine public. Il existe plusieurs domaines publics et une multiplicité
d’affectataires. Les biens d’une personne publique peuvent passer de l’Etat à une collectivité
territoriale, ou passer d’une collectivité territoriale à une autre ou à l’Etat.

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A. L’incorporation des biens au domaine public :

En principe, même lorsque les critères de la domanialité publique sont remplis, l’entrée d’un bien
dans le domaine public est subordonnée à un acte d’incorporation. En réalité, la doctrine a
longtemps était divisée sur le point de savoir si l’acte formel d’incorporation du bien au domaine
public était indispensable pour qualifier la dépendance ou si l’existence des critères de la domanialité
publique était en soit suffisante. Aujourd’hui la question est tranchée par l’article L2111-3 du CG3P
qui dispose « s’il n’en n’est pas disposé autrement par la loi, tout acte de classement ou
d’incorporation d’un bien dans le domaine public n’a d’autre effet que de constater l’appartenance
de ce bien au domaine public ». Finalement, cet acte d’incorporation, de classement, ne serait que la
preuve de l’effectivité de l’affectation. Dans certaines hypothèses cet acte est obligatoire, mais en
dehors de ces hypothèses il a pour objectif de lever toute ambigüité sur l’appartenance ou la non
appartenance d’un bien au domaine public.

Selon le cas, l’incorporation au domaine public est concomitante à l’acquisition par la personne
publique ou postérieure.

1. Incorporation au domaine public naturel :

1.a. Le domaine public maritime :

L’incorporation résulte directement de l’article L2111-4 du CG3P, c'est-à-dire que tout bien qui
appartient à l’une des catégories visées est dès lors propriété de l’Etat et relève du domaine public
maritime sans intervention de l’administration. L’incorporation, de faite, crée l’incorporation
juridique. Cela est logique à partir du moment où l’on rappelle qu’il s’agit de phénomènes naturels
qui entrainent l’incorporation automatique au domaine public. Cette incorporation est
concomitante à l’acquisition par la personne publique.

Mais, en matière du domaine public maritime naturel ce qui est fait peut être défait, par conséquent
un terrain submergé par les eaux et qui reviendrais par la suite à son état initial cesse d’appartenir
au domaine public et revient à son ancien propriétaire.

La seule exception à l’incorporation automatique concerne la nouvelle catégorie de terrains réservée


en vue de satisfaire des besoins d’intérêt public d’ordre balnéaire, maritime ou touristique. L’Etat
provoque l’incorporation en acquérant des terrains et en décidant de leur destination.

1.b. Le domaine public fluvial :

Selon les articles L211-7 et 12 du CG3P les cours d’eaux et lacs appartenant à une personne publique
sont susceptibles de faire partie du domaine public. Dans ce cas une décision administrative est
nécessaire et cette dernière doit être motivée pour des raisons d’intérêt général. Dans cette
hypothèse l’acte formel de classement tient lieu d’affectation à l’utilité publique, le plus souvent
dans le cadre de la navigation.

2. L’incorporation au domaine public artificiel :

L’incorporation d’un bien au domaine public artificiel nécessite en principe un acte juridique de
classement. Par ce dernier, la collectivité manifeste sa volonté d’incorporer le bien au domaine

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public. En réalité il faut nuancer cela car l’utilité de l’acte de classement est surtout d’intégrer un
bien dans une catégorie particulière de dépendance domaniale (exemple de la voirie). Finalement,
dans ces hypothèses, l’acte administratif de classement se contente de constater l’appartenance du
bien au domaine public.

Cette nécessité de classement est relative car le juge se satisfait souvent d’un classement de fait qui
va être par exemple lié à l’affectation d’une voie à la circulation publique qui peut être liée à un
classement tacite de l’administration qui résulterait d’un autre acte administratif pris par la
collectivité propriétaire.

L’acte formel de classement n’est donc pas absolument nécessaire, mais il n’est pas non plus
suffisant et en cas de contentieux le juge ne déclarera l’acte de classement légal que si les critères de
la domanialité publique sont remplis.

B. La sortie des biens au domaine public :

Le déclassement constitue l’acte formel par lequel la personne publique propriétaire décide
d’exclure un bien du domaine public. On peut aussi imaginer le déclassement d’un bien afin qu’il
puisse intégrer une autre catégorie de dépendance domaniale (exemple : une cour d’école qui n’est
plus affectée au service scolaire peut être déclassée pour devenir une place publique).

Les dépendances du domaine public naturel peuvent, le cas échéant, en sortir sans acte de
déclassement, sous l’effet de phénomènes naturels. Par contre, il n’en va pas de même du domaine
public artificiel. En effet, le CG3P vient confirmer une solution jurisprudentielle classique puisque
désormais l’article L2141-1 dispose « un bien d’une personne publique qui n’est plus affecté à un
service public ou à l’usage direct du public ne fait plus partie du domaine public à compté de
l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement ». A la lecture de cette disposition,
la simple désaffectation ne suffit pas à exclure un bien du domaine public artificiel. A l’inverse, l’acte
de déclassement qui serait adopté alors que le bien continu d’être affecté à l’utilité public est
illégal.

On en déduit donc que le déclassement ne peut pas être implicite (à l’inverse du classement), c’est à
dire que le juge refuse de consacrer la sortie d’un bien du domaine public si elle ne résulte pas d’un
acte express, explicite. Arrêt Conseil d’Etat 9 mai 1958 DELORT : la délibération d’un conseil
municipal décidant l’aliénation d’un bien compris dans le domaine public ne peut être considérée
comme un déclassement implicite du bien. En outre, l’autorité administrative doit respecter le
parallélisme des formes, en d’autres termes le déclassement doit respecter les règles de
compétences et de procédures en vigueur pour le classement du bien. Le déclassement du domaine
public fluvial répond à des caractéristiques propres, qui impliquent entre autre une enquête
publique.

L’article L2141-2 a prévu une possibilité de déclassement anticipé lorsque la future désaffectation
est certaine, mais qu’elle n’est pas encore effective. Le but est d’introduire un peu plus de souplesse
qui vise à permettre l’aliénation du bien. Cette possibilité n’existe qu’au bénéfice de l’Etat et non
des collectivités territoriales.

A compté du déclassement, si ce dernier reste propriété de la personne publique, et bien il entre


dans son domaine privé.

31
C. Les changements d’affectations ou d’affectataires au sein du domaine public :

Les superpositions d’affectations : elles sont prévues à l’article L21 et 23-7 du CG3P et ces derniers
disposent « un immeuble dépendant du domaine public peut, quelque soit la personne propriétaire,
faire l’objet d’une ou plusieurs affectations supplémentaires relevant de la domanialité publique
dans la mesure ou celles-ci sont compatibles avec la dite affectation ». Exemple : un passage à niveau
va servir à la fois au service des transports ferroviaires et à la circulation routière. Dans ce cas, une
convention vient régler les modalités de gestion de l’immeuble compte tenu de cette superposition
d’affectation. Le code a le mérite de consacrer une pratique existante et vient lever les difficultés liée
à ces superpositions d’affectations.

La mise à disposition au profit des collectivités territoriales des biens destinés à servir les
compétences transférées au titre de la décentralisation : l’article de la loi du 7 janvier 1983 dispose
« le transfert d’une compétence entraine de plein droit la mise à disposition de la collectivité
bénéficiaire des biens utilisés pour l’exercice de cette compétence ». Exemple : les collèges et lycées
ont, le plus souvent, continués d’appartenir aux communes ou à l’Etat tout en étant mis à disposition
des départements et des régions en vertu de la loi du 22 juillet 1983. Cette mise à disposition est
intervenue à compté du 1er janvier 1986 et les collectivités compétentes ont du, a partir de la,
assumer toutes les obligations d’un propriétaire sans pour autant bénéficier d’un transfert de
propriété. Dans cette hypothèse de disposition il y a une dissociation entre le gestionnaire du bien et
le propriétaire du bien. La jurisprudence a décidé que l’acte de déclassement doit faire intervenir,
tant le gestionnaire, que le propriétaire de l’immeuble.

1. Les changements d’affectations volontaires :

Il est logique qu’une personne publique puisse modifier l’affectation d’une dépendance domaniale
qui lui appartient. Arrêt du Conseil d’Etat 30 octobre 1987 COMMUNE DE LEVALLOIS PERRET : il
s’agissait d’un changement d’affectation d’un immeuble qui avait été utilisé par une association, puis
affecté aux services communaux. Le juge va décider qu’aucune disposition législative ou
réglementaire n’interdit à un conseil municipal de modifier à tout moment l’affectation de
l’immeuble communal pour un motif tiré d’une bonne administration de cet immeuble ou de
nécessités d’ordre public.

Par contre, les transferts de gestion ou de propriété entre personnes publiques ont toujours été
compliqués. Le principe d’inaliénabilité s’oppose à la cession d’une dépendance domaniale alors
même qu’en parallèle la théorie de la domanialité publique virtuelle interdisait de déclasser un bien
destiné à intégrer le domaine public, quand bien même il s’agirait du domaine public d’une autre
personne publique. En outre, le recours à l’expropriation à l’encontre du domaine public est prohibé
par la jurisprudence.

Pour faciliter la circulation des biens et les transferts de gestion entre les personnes publiques, le
CG3P a imaginé des mécanismes plus souples que ceux existant antérieurement.

1.a. Les transferts de propriété portant sur des dépendances domaniales :

L’article L3112-1 du CG3P dispose « les biens des personnes publiques qui relèvent de leur domaine
public peuvent être cédés à l’amiable, sans déclassement préalable entre ces personnes publiques

32
lorsqu’ils sont destinés à l’exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et
relèveront de son domaine public ». Ce mécanisme est une nouveauté introduite par le code en 2006
et cette dernière déroge au principe d’inaliénabilité du domaine public. Ce mécanisme vise à
fluidifier la gestion du patrimoine immobilier. L’idée est d’éviter la contrainte d’un déclassement
alors même que ce bien devra être à nouveau classé dans le domaine public immédiatement après la
cession. Exemple : ce fut le cas de la cession d’un terrain par la ville de Paris au bénéfice de l’Etat afin
d’implanter la BNF. Ce nouveau mécanisme trouvera surtout des implications au niveau de
l’intercommunalité.

On peut évoquer l’article L3112-2 du CG3P qui rend possible un échange entre deux domaines
publics sans déclassement préalable. La condition posée est que cet échange doit avoir lieu en vue
de permettre l’amélioration des conditions d’exercice d’une mission de service public et l’acte est
tenu de comporter des clauses permettant de préserver l’existence et la continuité du service public.

Le Code va encore plus loin que ces deux possibilités dans son article L3112-3 en prévoyant un
échange possible entre un bien du domaine public et un bien du domaine privé d’une autre
collectivité, voire même un bien appartenant à une personne privée. Dans cette hypothèse, le bien
cédé par la collectivité doit être préalable déclassé parce qu’il n’est pas voué à intégrer le domaine
public. Exemple : une cantine scolaire est en cours de déclassement. La commune peut alors céder
l’immeuble à une personne privée en échange d’un terrain. La collectivité publique pourra utiliser ce
terrain pour mettre en œuvre ses compétences.

1.b. Les transferts de gestion des dépendances domaniales :

On voit véritablement une cette volonté, qui illustre tout de Code, de favoriser une logique
gestionnaire du domaine publique. L’objectif affiché par les auteurs du Code est « la modernisation
de la gestion patrimoniale et la valorisation économique du domaine public ». Pour arriver à
moderniser cette gestion le Code s’inspire de mécanisme existants qui sont généralisés et affinés.
Désormais deux types de transferts de gestion sont envisagés, avec changement d’affectation, et
sans changement d’affectation :

- Les transferts de gestion sans changement d’affectation : c’est l’article L2123-2 qui prévoit
que des conventions de gestions peuvent permettre à l’Etat de confier la gestion de biens de
son domaine public à des collectivités territoriales, à des établissements publics, à des
sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ou encore à des
associations ou des fondation reconnues d’utilité publique. Dans ces hypothèses le transfert
de gestion laisse subsister l’affectation initiale de la dépendance, mais c’est le gestionnaire
qui est chargé d’assurer la conservation, la protection, ou la mise en valeur du patrimoine
national. Au terme de cette convention, l’on précise que le gestionnaire ne pourra prétendre
à aucune indemnité pour les améliorations qu’il aurait apportées à l’immeuble. L’idée de ce
mécanisme est de dire que dans certaines hypothèses le gestionnaire assurerait une
gestion plus efficace que l’Etat.
- Les transferts de gestion accompagnés d’un changement d’affectation : c’est l’article L2123-
3 du Code qui est relatif à ces transferts. Les transferts de gestion sont ouverts à toutes les
personnes publiques de l’article L1 du Code. Cependant, si le champ d’application est plus
large, il y a des restrictions car un tel transfert de gestion ne peut s’effectuer qu’entre
personnes publiques. En outre, la personne propriétaire de la dépendance concernée est

33
indemnisée du préjudice qu’elle subit à raison des dépenses ou de la privation de revenus qui
peuvent résulter de ce transfert. La personne publique propriétaire va retrouver son bien de
deux façons. Si l’immeuble n’est plus utilisé conformément à l’acte de transfert, la jouissance
revient à la personne publique propriétaire. Soit la personne propriétaire souhaite modifier
l’affectation du bien, elle pourra mettre fin de manière anticipée à ce transfert de gestion,
mais le gestionnaire temporaire peut prétendre à des indemnités.

Au delà de ces deux possibilités, l’on s’aperçoit que certaines possibilités qui ne bénéficiaient qu’à
l’Etat se sont généralisées à toutes les personnes publiques propriétaire d’un domaine public.

2. Les changements d’affectations autoritaires:

On se rend compte que malgré le droit de propriété reconnu aux personnes publiques sur leurs
dépendances domaniales, le juge a toujours reconnu à l’Etat la possibilité de transférer d’office la
gestion d’une dépendance domaniale, soit à son profit, soit au profit d’une autre personne publique.
Ce procédé est qualifié de mutation domaniale et ce dernier suppose une dissociation entre la
propriété et l’affectation. La mutation domaniale se distingue des mécanismes précédant car elle
constitue un transfert forcé, la collectivité propriétaire n’est pas d’accord. En cela, la mutation
domaniale est considérée comme un substitut de l’expropriation pour cause d’utilité public. Ce
mécanisme vient pallier l’impossibilité d’exproprier le domaine public car le juge a toujours estimé
que le principe d’inaliénabilité du domaine public interdit le recours à l’expropriation contre le
domaine public.

Le point de départ de cette impossibilité de recourir à l’expropriation est placé à la fin du XIXème
siècle. Conseil d’Etat 21 novembre 1884 CONSEIL DE FABRIQUE DE L’EGLISE SAINT NICOLAS DES
CHAMPS : dans cette affaire un décret déclarant d’utilité publique la création d’une voie nouvelle
avait servi de fondement à la ville de Paris pour procéder à la destruction d’une église. Le Conseil
d’Etat Juge que l’acte d’utilité publique est illégal car le bien était affecté au service public du culte,
et que par conséquent sa désaffectation ne pouvait être prononcée que selon des procédures
spécifiques. Cet arrêt a été interprété comme interdisant d’exproprier un bien public affecté à un
service public alors même qu’en l’espèce c’est l’existence d’une procédure spécifique qui semble
avoir été l’élément déterminant. Cette interprétation a perdurée car, par la suite le juge judiciaire, le
Tribunal des Conflits, et le Conseil d’Etat ont généralisé cette solution en décidant
systématiquement que le recours à l’expropriation est prohibé à l’encontre des dépendances du
domaine public, mais l’Etat peut imposer un changement d’affectation, ce que l’on appelle les
mutations domaniales.

Le mécanisme de mutation domaniale résulte de l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 juillet 1909 VILLE DE
PARIS ET CHEMIN DE FAIRE ORLEAN : en l’espèce, certaines parcelles appartenant à la ville de Paris,
et affectées à la circulation publique avaient été expropriées au profit d’une compagnie de chemin
de fer dans le but de prolonger une voie ferrée. Le litige est parti de l’indemnisation de la ville de
Paris, et ce dernier a clairement conduit le juge administratif à décider que l’expropriation n’avait pas
pu avoir lieu car elle portait sur des dépendances du domaine public. Le juge va alors décider que
l’Etat peut affecter les biens au service du transport des personnes, tout en laissant subsister le
droit de propriété de la ville de Paris. Selon le commissaire du gouvernement cette possibilité se
justifiait par le fait que les biens domaniaux sont tous grevés d’une servitude d’intérêt général et ce
mécanisme conduisait alors à exclure l’octroi d’une indemnité de dépossession. En réalité la

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personne publique propriétaire pouvait prétendre à une indemnité liée à la nécessité de remplacer
les parcelles réaffectées.

Cette technique a été régulièrement reprise par la juge (arrêt du Conseil d’Etat du 23 juin 2004
COMMUNE DE PROVILLE). Ce mécanisme qui est né de la jurisprudence a ensuite été consacré par le
Code du domaine de l’Etat mais le problème de ce Code était que rien n’était expressément prévu
sur l’indemnisation de la collectivité propriétaire. Le CG3P confirme ce mécanisme aux article L213-4
et suivants, mais il est mieux encadré car le Code précise qu’il doit être justifié par un motif d’intérêt
général et la personne publique propriétaire peut prétendre à une indemnisation en raison des
dépenses ou de la privation de revenus qui peuvent en résulter. Ce mécanisme des mutations
domaniales a toujours été vivement critiqué mais ces critiques ont été très peu entendues :

- D’une part la doctrine souligne généralement le caractère illogique de ce mécanisme au


regard du régime de la domanialité publique. A l’origine le principe d’inaliénabilité a été
conçu pour préserver l’affectation d’un bien à l’intérêt général, mais ce principe est ici
dénaturé car il sert d’argument indirect à un changement autoritaire d’affectation.
- D’autre part, les mutations domaniales sont en opposition avec la protection
constitutionnelle due au droit de propriété, et avec le principe de libre administration des
collectivités territoriales.

Certains auteurs dénoncent le caractère anachronique de ce mécanisme. Ainsi CAPITANT constate


que le juge s’appui souvent sur un acte déclaratif d’utilité publique pour justifier l’intérêt général de
la nouvelle affectation. En parallèle le nouveau Code tend à limiter les effets néfastes du principe
d’inaliénabilité. Le professeur suggère ainsi qu’il soit mis fin à la pratique des mutations domaniales,
mais non sans contrepartie car cette suppression devrait s’accompagner de la possibilité de recourir
à l’expropriation à l’encontre du domaine public.

D’autres auteurs sont opposés à l’expropriation car cette dernière conduirait à un véritable transfert
de propriété alors même que les mutations domaniales impliquent une dissociation entre propriété
et affectation et donc dans la mutation domaniale l’on peut voir un transfert provisoire de la gestion
ou de l’affectation. Cette idée est défendue par Gilles BACHELIER (auteur du Code).

En toute hypothèse, l’on voit là la confirmation de ce que HAURIOU appelait « un droit éminent au
profit de l’Etat » et ce dernier se justifie pour CHAPUS par le rôle de l’Etat qui est un « rôle de
régulateur de l’utilisation, et donc de l’affectation au mieux des exigences de l’intérêt général des
dépendances du domaine public dans son ensemble ».

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Chapitre 2 : Le régime juridique applicable au domaine public

Lorsque l’on parle du régime juridique du domaine public il faut évoquer un des acteurs de ce
processus qui est le service des domaines, qui en 2006 est devenu France-Domaine et depuis le 1er
janvier 2007 France-Domaine constitue un service au sein du ministère des finances à la direction
générale de la comptabilité publique. Ce service a subit une réorganisation qui témoigne de la
volonté de faciliter les opérations de circulation du bien public et de moderniser la gestion des
propriétés publiques.

Le domaine public est principalement géré par le propriétaire ou l’affectataire de la dépendance,


mais France-Domaine a un droit de contrôle sur l’entretien, sur l’utilisation, et sur l’occupation
privative du domaine. On passe de plus en plus d’une logique de préservation à une logique de
valorisation, ce qui va conduire parfois à appliquer le droit de la concurrence.

I. La protection du domaine public :

L’objectif de cette protection est surtout de préserver l’affectation à l’intérêt général, bien plus que
la dépendance elle même. Les biens publics sont insaisissables. L’on trouve d’autres règles propres à
la domanialité publique qui visent à protéger soit l’existence elle-même des dépendances
domaniales, soit l’utilisation qui peut en être faite.

A. La protection de l’existence du domaine public :

La protection du domaine public se caractérise par deux principes traditionnels, à savoir le principe
d’inaliénabilité et l’imprescriptibilité du domaine public. Cette protection du domaine public a
connu elle-même une revalorisation grâce aux jurisprudences combinées du Conseil Constitutionnel
et du Conseil d’Etat :

- Décision du Conseil Constitutionnel du 26 juin 2003 : dans cette décision le juge rappel que
les pouvoirs publics doivent pouvoir préserver les exigences constitutionnelles qui
s’attachent à la protection du domaine public. La protection des dépendances affectées à
l’usage direct du public vise à préserver les droits et libertés des personnes.
- Décision du Conseil d’Etat du 21 mars 2003 SYNDICAT INTERCOMMUNAL DE LA PERIPHERIE
DE PARIS POUR L’ELECTRICITE ET LES RESEAUX (SIPPER) : dans cette affaire le Conseil d’Etat
a constaté l’illégalité d’un régime d’autorisation tacite d’occupation du domaine public. A
cette occasion le juge a précisé que la protection du domaine public est un impératif d’ordre
constitutionnel.

1. L’inaliénabilité du domaine public :

L’origine de ce principe est à rechercher dans l’édit de Moulin de 1566 qui visait à éviter la
dilapidation des propriétés du domaine public par le roi. L’inaliénabilité a alors été élevée au rang de
loi fondamentale du royaume. Par la suite, les révolutionnaire français ont autorisé le législateur à
aliéné le domaine de la nation et cette idée fut confirmée grâce à l’acte constitutionnel du 22 avril
1915 qui précise qu’aucun domaine ne peut être aliéné ou échangé, qu’en vertu d’une loi. Dans sa

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version moderne, ce principe a été façonné au cours du XIXème siècle et aujourd’hui on le retrouve à
l’article L3111-1 DU CG3P.

Ce qui justifie ce principe est exclusivement l’affectation du bien à l’utilité publique. En ce qui
concerne les biens affecté à un service public, cette justification est simple car toute possibilité
d’aliénation, tant que le bien est affecté risquerait de porter atteinte au principe de l’existence et de
la continuité des services publics. En ce qui concerne les biens affectés à l’usage direct du public, et
bien leur aliénation pourrait porter atteinte à des libertés fondamentales telles que la liberté d’aller
et de venir ou de manifester par exemple.

Le principe d’inaliénabilité revêt un champ d’application vaste car il s’applique aux dépendances
mobilières et aux dépendances immobilières. Arrêt de la CA de Paris de 2006 MADAME MERCIER : le
juge a décidé que l’imprescriptibilité et l’inaliénabilité du domaine public font obstacle à ce que la
requérante puisse utilement invoquer la possession par voie successorale pour prétendre à la
délivrance d’un certificat d’exportation. Récemment est intervenue l’adoption de la loi de 2010 pour
autoriser la restitution des têtes maories à la Nouvelle-Zélande, ces dernières étant concernées par
ce principe d’inaliénabilité.

Les effets de ce principe sont multiples. Ce principe interdit la vente ou toute autre forme
d’aliénation du bien, il interdit d’expropriation une dépendance du domaine public, ce principe exclu
la copropriété sur une dépendance du domaine public, ce principe empêche tout particulier
d’intenter une action possessoire sur le domaine public (sauf an ces de voie de fait commise par
l’administration et dans cette hypothèse c’est le juge judiciaire qui est compétent et il peut
réintégrer l’occupant dans la possession du bien en attendant la décision précisant qui en est
propriétaire), et est prohibé la conclusion d’un bail commercial sur le domaine public car le bail
commercial comporte un droit au renouvellement qui a toujours était interprété comme étant
incompatible avec le caractère précaire des occupations domaniales. Longtemps l’on a considéré
qu’il existait une interdiction de constituer des droits réels sur le domaine public, cependant cette
interdiction doit être nuancée aujourd’hui.

Quelles sont les sanctions en cas de non respect du principe de l’inaliénabilité? Toute vente d’un
bien appartenant au domaine public est nulle, l’acquéreur doit alors rendre le bien, même s’il est de
bonne fois, et l’administration doit rembourser la somme versée. L’action en nullité relève de la
compétence du juge judiciaire, sauf si l’on a un doute sur l’appartenance du bien ou non au domaine
public. Dans ce cas le juge judiciaire pose une question préjudicielle au juge administratif.

Ce principe d’inaliénabilité cesse dès que le bien a fait l’objet d’un déclassement. Arrêt du Conseil
d’Etat 1995 TETE : selon le Conseil d’Etat une parcelle spécialement aménagée par la communauté
urbaine en parc de stationnement affectée à l’usage du public et qui fait partie du domaine public ne
pouvait être cédée par cette personne publique en l’absence de toute décision de déclassement
préalable, sans méconnaitre le principe d’inaliénabilité du domaine public.

Concernant la valeur du principe d’inaliénabilité, le Conseil Constitutionnel a refusé de l’élever au


range de principe constitutionnel (décision du 21 juillet 1994 au sujet de la loi permettant la
constitution de droits réels sur le domaine public). Cela est à nuancer car si la dépendance en
question est le lieu d’activité de service public, le principe de continuité des services public est

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susceptible de jouer en lieu et place du principe d’inaliénabilité. On peut faire le même constat à
propos des dépendances affectées à l’usage direct du public.

Il faut noter que le CG3P déroge au principe d’inaliénabilité (échanges et cession de dépendances
entre personnes publiques). En outre, il y a une tendance à transformer des établissements publics
en sociétés (Aéroports de Paris en 2005). Même si les biens de ces sociétés ne sont plus soumis au
principe de l’inaliénabilité, certains biens restent soumis aux exigences du service public et
notamment certains ne peuvent être cédés sans l’autorisation de l’Etat. On voit bien, au travers de
ces illustrations, que la protection dépend plus de l’affectation que de la propriété publique du
bien.

2. L’imprescriptibilité du domaine public :

Cela signifie qu’il est impossible d’acquérir un bien du domaine public, même par une utilisation
prolongée. Cette règle a été prévue par un édit de 1667 et supprimée sous la révolution. Elle n’a
finalement été consacrée qu’au XXème siècle à l’article L52 du Code du domaine de l’Etat. Ce principe
se trouve aujourd’hui à l’article L3111-1 du CG3P, en parallèle du principe d’inaliénabilité. Pourquoi
une présentation parallèle des deux principes ? Et bien l’imprescriptibilité est la conséquence
indispensable du principe d’inaliénabilité et donc l’action en nullité est perpétuelle.

B. La protection de l’utilisation du domaine public :

La collectivité publique a une obligation d’entretien de son domaine public, et il faut organiser les
rapports de voisinages entre le domaine public et les propriétés riveraines.

1. L’obligation d’entretien du domaine public :

Le domaine public, affecté à l’utilité publique, doit être en mesure de satisfaire cet intérêt général et
pour se faire l’administration doit l’entretenir. Cette obligation pèse, en principe, sur la personne
publique propriétaire du bien et si elle ne satisfait pas à cette obligation, sa responsabilité peut être
engagée pour défaut d’entretien d’un ouvrage public par exemple.

Les dépenses d’entretien sont souvent qualifiées de dépenses obligatoires par le législateur et cela
signifie que le préfet peut contraindre une collectivité territoriale à les inscrire au budget. On
constate que le CG3P ne contient aucune disposition générale relative à cette obligation d’entretien.
Seul l’entretien du domaine public fluvial est expressément prévu par le Code.

La difficulté en ce qui concerne la charge de cette obligation d’entretien survient dans le cas de
dissociation entre la propriété et la gestion d’un bien. En principe l’entretien courant relève de
l’affectataire alors que les grosses réparations reviennent à la personne publique propriétaire. Mais
il arrive souvent que le législateur précise la personne publique chargée de l’entretien. Exemple : la
loi de 2004 précisait ainsi que l’entretien des aérodromes civils et des ports non autonomes seraient
à la charge des collectivités bénéficiaires du transfert de compétences. Cette distinction entre
propriétaire et affectataire suscite des difficultés, notamment lorsque face à l’inertie du propriétaire
c’est l’affectataire qui effectue des réparations, et qu’il tente d’en obtenir le remboursement. La
CEDH s’est prononcée dans une décision du 27 juin 2006 MAZELIE CONTRE FRANCE : cette décision
est venue mettre un terme à un contentieux de plus de 30 ans qui est parti de l’effondrement d’une
partie des murailles d’un château. Le problème était de savoir qui était propriétaire des remparts et

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donc qui devait prendre en charge les travaux de mise en sécurité. Les murs de soudainement qui
jouxtent les voies publiques font parties du domaine public s’ils appartiennent à la personne
publique, et s’ils constituent des compléments indispensables à la voirie. Le Conseil d’Etat avait jugé
ici que la construction avait été édifiée sur une parcelle privée. La CEDH a considéré à l’inverse que
les remparts sont l’accessoires du château, hors le château appartient à l’Etat et donc l’obligation
d’entretien incombait à l’Etat.

2. La protection du domaine public dans ses rapports de voisinage :

2.a. Les servitudes sur les propriétés privées voisines :

Les propriétés riveraines du domaine public peuvent être affectées des servitudes administratives
ou servitudes d’utilité publique. Ces dernières sont prévues à l’article L2131-1 du CG3P qui dispose
« ces servitudes peuvent être établies dans l’intérêt de la protection, de la conservation, ou de
l’utilisation du domaine public ». Le principe même d’une telle servitude doit être prévu par une loi
qui impose une procédure particulière.

Les termes que l’on voit apparaitre lorsque l’on traite de cette question sont les termes de fond
dominant (fond public) et de fond servant (celui qui est généralement voisin et qui supporte la
servitude). Or ici la servitude grève un fond, non pas au profit d’un autre fond, mais pour servir
l’intérêt général. La doctrine a l’habitude de considérer que ces servitudes ne sont pas de véritables
servitudes au sens stricte. La conséquence est que la disparition de l’affectation à l’intérêt général
fait disparaitre la servitude. On peut citer certaines illustrations :

- C’est le cas des servitudes de reculement susceptibles d’affecter les riverains d’une voie
publique.
- Ces mêmes riverains peuvent être affectés d’une servitude de visibilité s’ils sont riverains de
croisement, de virage, ou de passages dangereux.
- De même le Code de l’urbanisme limite la constructibilité des espaces proches du rivage.
- Les servitudes de bord de mer destinées à permettre le passage des piétons le long du
littoral.
- Les servitudes de halage qui visent à permettre le remorquage des bateaux depuis la berge.

Il s’agit également de se poser la question de l’indemnisation des servitudes administratives. Parfois


elle est prévue par les textes (servitudes de halage). Dans le cas contraire, si rien n’est prévu par un
texte, la jurisprudence est divisée (notamment le juge judiciaire et le juge administratif). Le Conseil
d’Etat admet le principe d’une indemnisation à condition qu’elle n’ait pas été écartée par le
législateur et que le préjudice résultant de la servitude présente un caractère direct, grave et spécial
(arrêt du Conseil d’Etat de 1986 COMMUNE DE GAP ROMETTE CONTRE CONSORT BERAUD).

2.b. La question des servitudes sur le domaine public lui-même :

Ces servitudes ont longtemps été prohibées pour ne pas compromettre la destination du domaine
public. Progressivement le juge a tout de même admis de telles servitudes lorsqu’elles étaient
compatibles avec l’affectation du domaine public.

Au niveau du législateur, ce dernier a parfois été amené à consacrer de telles servitudes. Exemple de
la loi de 1985 sur la communication audiovisuelle : cette loi prévoit une servitude générale destinée à

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l’installation sur les toits d’ouvrages nécessaires à la diffusion par voie hertzienne. Dans cette loi sont
visés des édifices publics comme la tour Effel. Exemple de la gare Montparnasse : pour permettre son
aménagement, une ordonnance de 1959 a permis à la SNCF de consentir des servitudes au profit
d’immeubles privés situés au dessus et au dessous du domaine ferroviaire.

Par ailleurs, les riverains de voies publiques bénéficient d’aisances de voiries, c'est-à-dire de
possibilités liées à leur qualité de riverain (par exemple un droit d’écoulement des eaux ménagères
et fluviales dont l’évacuation peut nécessiter la réalisation d’un raccordement à égout, or ce dernier
est susceptible de passer par la dépendance domaniale).

Concernant le CG3P, il innove en matière de servitudes du domaine public, en permettant désormais


les servitudes conventionnelles dans la mesure où elles sont compatibles avec l’affectation à
l’intérêt général. C’est ce qui ressort de l’article L2122-4 du CG3P. Ces servitudes conventionnelles
peuvent être concluent aussi bien avec des personnes privées que des personnes publiques. Cette
solution est originale car jusqu’ici la jurisprudence n’admettait que les servitudes préconstituées
avant que la dépendance ne soit intégrée au domaine public. Les rédacteurs du Code ont insisté sur
la nécessité de sécuriser certaines opération, notamment grâce « à l’existence d’un réseau de
servitudes réciproques, négocié et établit conventionnellement ». Cette solution vient palier aux
difficultés liées au refus de la copropriété sur le domaine public.

La question du maintient ou non de la servitude en cas de changement d’affectation, car la servitude


doit toujours être compatible avec l’affectation à l’intérêt général. Un article les servitudes sur le
domaine public a été rédigé par Anne FOUBERT, au sujet de cette question.

C. La protection pénale du domaine public :

Il s’agit de montrer que la protection du domaine public fait l’objet d’un régime de police spéciale
puisque les infractions commises sont qualifiée de contravention de voirie et elles encourent des
sanctions pénales spécifiques.

1. La police de la conservation du domaine public :

C’est une police administrative spéciale qui vise à prévenir et à réprimer les atteintes à l’intégrité ou
à l’utilisation des dépendances domaniales. Cette police ne peut être mise en œuvre que lorsqu’elle
est prévue par un texte. Le problème était qu’avant le CG3P il y avait de nombreux textes épars qui
prévoyaient cette compétence. Aujourd’hui, dans les articles L2132-1 à L2132-29 sont regroupées les
hypothèses dans lesquelles cette police peut être mise en œuvre.

La spécificité de cette police spéciale réside dans sa distinction avec la police de l’ordre public en
général. On pose comme point de départ de cette distinction l’arrêt du Conseil d’Etat de 12
novembre 1927 DE BELLESCIZE. En l’espèce, un maire avait interdit temporairement la circulation
automobile sur une voie communale au titre de ses pouvoirs de police générale. En réalité son
mobile était d’éviter les frais de réparation et d’entretien de la voie. Le juge va décider que la
confusion de finalité entre les deux régimes doit entrainer l’annulation de la mesure pour
détournement de pouvoir.

Cette distinction doit être nuancée dans les hypothèses de concourt entre la police administrative
générale et la police de conservation du domaine public. Le juge admet qu’une mesure de police

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puisse être mixte. Exemple : une mesure qui interdit la circulation de certains véhicules sur des
portions de routes ouvertes pourtant à la circulation générale vise d’abord à préserver la sécurité
publique et la liberté de circulation. Mais cette mesure peut également contribuer à éviter la
dégradation de la voie.

La difficulté vient du fait que le plus souvent se sont les mêmes autorités qui sont en charge de la
police générale et de cette police spéciale (police de conservation du domaine public). Ces autorités
sont les organes exécutifs des collectivités territoriales ou des établissements publics, ou encore les
préfets, et éventuellement les ministres. Ces autorités ont ici une compétence liée, c‘est à dire qu’en
principe elles sont tenues d’édicter les mesures exigées par la protection du domaine public. Le juge
en a tiré les conséquences dans un arrêt du Conseil d’Etat du 23 février 1979 ASSOCIATION LES AMIS
DES CHEMINS DE RONDE. Cet arrêt à été rendu à propos du stationnement sur le domaine public
maritime et le juge va décider que les autorités compétentes sont tenues « de veiller à l’utilisation
normale des rivages de la mer et d’exercer à cet effet les pouvoirs qu’elles détiennent de la
législation en vigueur, y compris pour faire cesser les occupations sans titre et enlever les obstacles
créés de manière illicite ». Le juge précise cependant que cette obligation peut trouver une limite
dans les autres intérêts généraux. Exemple : le refus de poursuivre les contrevenants peut être
justifié au nom de la paix social. Ce refus peut également être justifié par des motifs économiques et
sociaux. Exemple de l’arrêt du Conseil d’Etat de 2005 MONSIEUR CACHEUX : suite à la pollution liée
au naufrage du navire Erica, l’administration n’a poursuivie ni le propriétaire du navire, ni l’entreprise
totale. Par ailleurs, l’Etat a renoncé à poursuivre la société totale car cette société s’était engagée à
participer au nettoyage des plages et à financer ce dernier.

Cette police spéciale donne lieu à des infractions particulières (contraventions de voiries) qui se
scindent en deux catégories, prévues à l’origine par une ordonnance de 1958.

2. Les contraventions de voirie routière :

Il s’agit d’une infraction pénale liée au non respect de l’intégrité matérielle du domaine public
routier. En réalité, le CG3P se contente de renvoyer à des dispositions du Code de la voirie routière
(article L116-1 à L116-8). Dans le Code de la voirie routière l’on trouve une liste de comportements
susceptibles de constituer une contravention de voirie routière (l’empiètement sur le domaine
public, accomplir un acte portant atteinte au domaine public ou à ses dépendances, le vol de
matériaux entreposés sur le domaine public routier pour les besoins de la voirie, l’occupation sans
titre ou non conforme à la destination du domaine, l’encombrement de la voie publique par des
déchets en dehors des règles éditées en vue de leur collecte).

La mise en œuvre de la police de la conservation passe toujours par l’établissement d’un procès
verbal d’infraction, étant précisé que cette infraction peut être constatée par différents agents
publics (les agents de police municipale, les gardes champêtres, agents de travaux publics, …) Le
procès verbal est ensuite transmis au procureur de la république, et selon le type de voie il est
également transmis au préfet, au président du conseil général, ou au maire.

Ce contentieux revêt certaines caractéristiques qui lui sont propres. L’autorité administrative
gestionnaire de la loi a l’obligation de poursuivre le contrevenant, dans le but d’obtenir sa remise en
l’état. En réalité, la jurisprudence n’est pas aussi tranchée car le Conseil d’Etat n’a aucun moyen de
contraindre les tribunaux de police de condamner les atteintes au domaine public routier. Selon

41
l’ordonnance de 1958, ce contentieux relève de la compétence du juge judicaire sous réserve de
questions préjudicielles relevant du juge administratif. Une des justifications avancées pour expliquer
ce bloc de compétence accordé au juge judiciaire réside dans la loi du 31 décembre 1957 qui attribue
compétence aux juridictions judiciaires pour les dommages causés par un véhicule.

Dans les années 1990 le Tribunal des Conflits a fait bouger cette ligne de répartition en incluant
dans la compétence du juge judicaire les litiges résultant de dommages subits par le domaine public
routier, liés à des opérations de travaux publics. Le Tribunal des Conflits à récemment recentré la
compétence du juge judicaire dans une décision du 20 février 2006 COMMUNE D’ORNESSON SUR
MARNE. Dans cette affaire le Tribunal des Conflits rappelle que si les dommages subits par la voie
publique résultent des conditions défectueuses de réalisation de travaux publics, il ne peut s’agir de
contravention de voirie routière. L’action en responsabilité intentée suite à l’exécution défectueuse
de travaux publics ou d’un ouvrage public relève de la compétence du juge administratif.

En cas de contravention de voirie routière le juge judicaire doit condamner le contrevenant à


réparer la dépendance. Il s’agit d’une compétence liée qui se traduit le plus souvent par la
condamnation à prendre en charge financièrement les travaux de remise en état. En outre, la
personne est condamnée d’une peine d’amende. Le juge judiciaire peut également ordonner l’arrêt
de toutes les opérations dont la poursuite est susceptible de porter atteinte à l’intégrité de la voie
publique.

3. Les contraventions de grande voirie :

Il s’agit d’une infraction de nature pénale qui prend la forme d’une atteinte au domaine public autre
que routier. Il s’agit d’une atteinte, soit à l’intégrité, soit à l’usage, soit à la conservation de la
dépendance domaniale.

L’article L2132-2 du CG3P précise que ces contraventions doivent être instituées par la loi ou par
décret, selon le montant de l’amende encourue. Il ne peut y avoir contravention de grande voirie que
si un texte le prévoit expressément. Le CG3P prévoit notamment une telle protection à l’égard du
domaine public maritime, fluvial, aéronautique, ferroviaire, ou encore à l’égard du domaine public
appartenant au conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres.

S’il n’y a pas de texte qui prévoit la contravention, rien n’empêche l’administration d’intenter une
action en réparation du dommage, ou une action afin d’expulser les occupant du domaine public
sans titre. Les contraventions de grande voirie peuvent par exemple s’illustrer par des dépôts d’objet
ou occupations sans autorisations (pédalos sur une plage), par des dégradations, des pollutions, par
l’installation d’obstacles sur le domaine public fluvial, ou encore des atteintes au domaine public
ferroviaire. Ces contraventions peuvent également se manifester par des atteintes à des servitudes
instituées dans l’intérêt du domaine public.

La procédure consiste, pour l’officier de police judicaire, à dresser un procès verbal constatant la
matérialité des faits. L’autorité administrative à l’obligation de poursuivre les auteurs de
l’infraction, étant précisé que l’autorité administrative est le préfet, et lui seul. Le préfet a une
compétence exclusive de principe. Ne s’applique pas ici le principe traditionnel en droit pénal
d’opportunité des poursuites. La procédure est qualifiée d’action domaniale. Si l’administration
refuse d’engager les poursuites, sa responsabilité peut être engagée sur le fondement de la rupture

42
de l’égalité devant les charges publiques (arrêt du Conseil d’Etat de 1947 MINISTRE DE
L’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE CONTRE NAVARRA). L’action domaniale a la particularité d’être
imprescriptible, sauf dans une hypothèse, à savoir lorsque l’atteinte est commise par une personne
publique (les dettes publiques bénéficient d’une prescription quadriennale).

Contrairement aux contraventions de voirie routière, c’est ici le juge administratif qui est
compétent. Il se transforme ici en un juge répressif car la contravention de grande voirie a un
caractère mixte (civil et pénal), ce qui signifie qu’elle a aussi bien un volet répressif qu’un volet
réparateur civil. Le juge administratif a une compétence liée pour infliger une amende et condamner
les atteintes portées au domaine public. Arrêt de la CAA de Douai du 17 septembre 2009 SOCIETE
DELMAS : la CAA a rappelé le principe de non affectation des sommes dues à l’administration au titre
de réparation.

Malgré tout le juge judiciaire est aussi susceptible d’intervenir. Arrêt du Tribunal des Conflits du 10
mars 19971 AGRELLI : en l’espèce monsieur Agrelli avait circulé sans autorisation, en voiture, sur un
chemin de halage. Le Tribunal des Conflits a estimé que, certes la contravention de grande voirie
relève par nature de la compétence exclusive du juge administratif, mais que rien n’empêche le juge
judiciaire de prononcer des sanctions si les faits contreviennent également à des dispositions
pénales.

Qui condamner ? La recevabilité de l’action domaniale est subordonnée à l’identification des


contrevenants. Pour le juge administratif il s’agit soit de la personne à l’origine de l’infraction ou
pour le compte de laquelle l’infraction a été commise, soit il s’agit de la personne qui était sensée
avoir la garde de la chose qui a servi à commettre l’infraction. Le juge recherche un responsable
objectif, la responsabilité étant objective. Pour CHAPUS « l’intention coupable n’est pas requise ».
Cela a aboutit à des solutions rocambolesques. Exemple Conseil d’Etat 1961 VILLE DE CHARLEVILLE :
dans cette affaire la commune propriétaire d’un égout a été condamnée car des résidus industriels
avaient été versés dans une rivière via cet égout. Cette commune a été condamnée en lieu et place
de l’entreprise à l’origine des faits.

Cependant l’application d’une telle jurisprudence aux choses volées a été contestée. Contrairement
au juge judicaire, le juge administratif a longtemps considéré que le propriétaire d’une chose volée
(le plus souvent un véhicule) qui avait été négligent, devait supporter les dommages causés par le
véhicule. C’est ce qui ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat du 12 février 1965 CHOTARD-CHAWANON.
Cette jurisprudence a fait l’objet de critiques et le juge administrative a opéré un revirement de
jurisprudence dans un arrêt du Conseil d’Etat du 5 juin 2000 CHEVALLIER : « le propriétaire d’un
véhicule volé, dès lors qu’il n’a plus la garde de ce véhicule, ne peut par suite être tenu pour l’auteur
de la contravention de grande voirie causée par ce véhicule ».

D. La protection du domaine public contre les occupants sans titre :

Pour occuper le domaine public il faut généralement une autorisation. Cependant il arrive qu’une
personne occupe une dépendance du domaine public sans aucun titre valable l’y autorisant. Dans ce
genre d’hypothèse l’administration a l’obligation de mettre fin à l’occupation. Elle dispose de
plusieurs voies de droit :

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- Si l’occupation constitue une contravention de voirie : l’administration doit engager des
poursuites pénales. Le juge répressif ordonne alors l’expulsion, et le juge peut également
condamner le contrevenant à des pénalités financières.
- L’administration peut procéder à une exécution d’office sous certaines conditions : cela
résulte de la décision du Tribunal des Conflits du 2 décembre 1902 SOCIETE IMMOBILIERE DE
SAINT JUST qui pose le principe que l’exécution d’office est possible si la loi l’autorise
expressément, ou s’il y a urgence. Dans ce cas les mesures ne doivent pas aller au-delà de ce
qui est strictement nécessaire. Si ces conditions ne sont pas remplies, l’administration peut
demander au juge de procéder à l’expulsion. Dans cette hypothèse la question de l’ordre
juridictionnel compétent a suscité une controverse. Cette dernière a été traitée par le
Tribunal des Conflit dans une décision de 2001 SOCIETE BE DIFFUSION CONTRE RATP. Avant
cette décision, il était admis que l’administration pouvait saisir le juge judicaire d’une action
possessoire. Le tribunal des conflits met un terme à cette jurisprudence cari l décide que la
juridiction administrative est seule compétente en matière d’occupation sans titre du
domaine public. Le juge judiciaire n’est donc compétent que si un texte le prévoit,
notamment si l’occupation sans titre constitue également une contravention de voirie
routière.
- L’administration peut saisir le juge d’une procédure d’urgence et peut lui demander de
prononcer une astreinte à l’encontre de l’occupant : l’administration peut, dans ce cas,
demander l’octroi d’indemnité pour le préjudice causé par l’occupation. Arrêt du Conseil
d’Etat du 3 février 2010 COMMUNE DE CANNES : en l’espèce le juge a fait droit à une action
en référée intentée par la commune contre l’occupant sans titre d’un port de plaisance. Le
juge a considéré que les listes d’attentes pour l’occupation d’un pote d’amarrage dans ce
port justifiaient l’urgence à expulser.
- Outre l’indemnité pour recouvrir le dommage, l’administration doit également demander
le paiement rétroactif de la redevance d’occupation.

II. L’utilisation des biens du domaine public :

La première distinction consiste à évoquer est la distinction entre utilisation collective et


l’utilisation privative du domaine public :

- L’utilisation collective : c’est celle exercée par le public, de façon anonyme en principe
(exemple : le fait de circuler sur les routes, ou sur les rivages de la mer). Cette utilisation est
libre.
- L’utilisation privative : elle permet à un usager nommément désigné d’utiliser une portion
du domaine (exemple du kiosk a journaux ou la sépulture dans un cimetière). Dans ces
hypothèses ces utilisations doivent être autorisées par l’administration, et elles donnent
lieux à la perception de redevances.

La seconde distinction conduit à différencier l’usage normal de la dépendance, et l’usage


simplement compatible avec l’affectation de la dépendance :

- L’usage normal : c’est celui qui se confond avec la destination du domaine public (exemple :
le fait de circuler sur la voie publique ou un emplacement dans un marché). Cet usage normal
constitue généralement un droit pour l’administré.

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- L’usage simplement compatible avec l’affectation : il est admis, mais il ne doit pas mettre à
mal à la destination de la dépendance (exemple de la terrasse de café). Une telle utilisation
n’est pas un droit, mais une faculté pour l’administré.

Quelque soit le type d’utilisation en cause, la jurisprudence met toujours l’accent sur la préservation
de l’affectation, et sur le rôle de l’administration en la matière. Arrêt du Conseil d’Etat du 18
novembre 1949 CARLIER : cette affaire concernait la saisie de plaques photographiques effectuée par
un agent de police sur un particulier qui photographiait la cathédrale de Chartre. Pour le Conseil
« l’administration doit concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect de la faculté qu’à tout
usager d’utiliser les dépendances du domaine public, conformément à leur affectation ».

On peut noter une nette évolution dans les pouvoirs qu’exerce l’administration sur l’utilisation du
domaine public. On s’est rendu compte que pendant longtemps l’administration se contentait de
mettre en œuvre des pouvoirs de police sur le domaine public. Depuis le milieu du XXème siècle, et
plus encore depuis 25 ans, l’administration a cherchée à valoriser économiquement l’utilisation du
domaine public. Pour ce faire elle est amenée à prendre des mesures de gestion qui vont au-delà de
ses pouvoirs de police, et l’administration a de plus en plus une approche patrimoniale de son
domaine, y compris son domaine public.

L’objectif d’une meilleure exploitation du domaine public permet à l’administration d’intégrer des
préoccupations financière dans la recherche de l’intérêt général. Cependant, les possibilités de tirer
profit de l’utilisation du domaine sont plus nombreuses à l’égard des occupants privatifs qu’à l’égard
du public qui utilise collectivement le domaine public. Dans ce dernier cas, les règles fixées par
l’administration doivent se combiner avec les droits et libertés des usagers.

A. Les utilisations collectives :

Le professeur GAUDEMET fait une distinction entre l’utilisation conforme à l’affectation, et


l’utilisation privative. D’après lui cette distinction permettrait de mieux tracer la frontière dans
l’application des règles applicables.

Cette utilisation collectivité du domaine public se matérialise principalement par un usage direct du
public sans exclure toutefois une utilisation par l’intermédiaire d’un service public.

1. L’utilisation par le service public ou par le public :

Lorsque l’on parle d’utilisation collective l’on pense principalement à l’utilisation du domaine public
directement par le public, sans intermédiaire (domaine public fluvial, maritime ou routier).

Cependant ces utilisations collectives peuvent également passer par l’exercice d’une activité de
service public. Le plus souvent, lorsque la dépendance domaniale est affectée à une activité de
service public un acte en précise expressément l’affectation. Le service public peut alors être géré en
régie (directement par la personne publique elle-même) comme c’est le cas pour les services
administratifs qui sont utilisés directement par les personnes publiques (implantation de bâtiments
administratifs). Mais le domaine public peut aussi être le lieu d’activités de service public déléguées.
Dans cette hypothèse la personne publique exerce un droit de contrôle mais c’est l’affectataire qui
gère le service public. Dans ce cas, l’utilisation de la dépendance par le public, les administrés passe
en principe par un intermédiaire, en l’occurrence le délégataire du service public. Exemple : les

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parents d’un étudiant qui se rendent à l’université pour consulter les notes de leur enfant sont des
usagers du domaine public (pas usagers du service public). Cette distinction aura une incidence sur
le régime de responsabilité applicable car les règles seront différentes selon qu’il s’agit d’un usager
ou d’un tiers.

Le délégataire du service public qui utilise la dépendance affectée au service public qu’il gère ne doit
pas être confondu avec celui qui utilise une dépendance domaniale affectée à l’usage de tous pour
les besoins de son service public. Ce dernier dispose alors d’un titre de concession autorisant
l’occupation du domaine public. Exemple : le législateur prévoit que les services publics de
distribution de gaz peuvent occuper le domaine public routier. L’illustration classique de la
dépendance affectée à un service public concédé est celle du domaine public ferroviaire. Le
concessionnaire de chemin de fer est protégé par le législateur et détient un droit de jouissance sur
ce domaine public. Si l’administration décidait de mettre fin à l’affectation, elle devrait alors
indemniser le concessionnaire. A cet égard la loi de 1982 qui fixe les relations entre l’Etat et la SNCF
prévoit que la SNCF « exerce tout pouvoir de gestion sur les biens immobilier qui lui sont remis ou
qu’elle acquiert et elle peut notamment accorder ou refuser des autorisations d’occupation,
consentir des baux, fixer er encaisser le montant des redevances, … ».

Les biens affectés aux services délégués peuvent relever de régimes différents. Il y a trois grandes
catégories de biens selon cela :

- Les biens de retour : biens qui en fin de contrat doivent obligatoirement et gratuitement
revenir à l’autorité délégante. Ces biens sont considérés dès l’origine comme appartenant à
la personne publique délégante et ils peuvent ainsi faire partie du domaine public. Il s’agit
généralement des biens indispensables à l’activité de service public.
- Les biens de reprise : biens que l’autorité délégante pourra éventuellement retrouver à
l’issue du contrat, moyennant une indemnité. Ces biens n’entrent pas dans le domaine
public, en tout cas ils n’y rentrent pas tant que l’autorité délégante n’a pas exercée son droit
de reprise. Il s’agit des biens utiles mais remplaçables pour l’activité de service public.
- Les biens propres du délégataire : biens que le délégataire de service public a lui-même
acquis ou construits. Ils lui appartiennent définitivement et ils n’intègrent pas le domaine
public, sauf si le délégataire est lui-même une personne publique.

2. Les principes régissant l’utilisation collective du domaine public :

Les voies publiques routières sont les principales dépendances utilisées directement par le public.
Elles sont régies par des grands principes à savoir la liberté d’utilisation, l’égalité devant l’utilisation
et le principe de gratuité (à nuancer).

2.a. Le principe de liberté d’utilisation :

La liberté d’utilisation du domaine public vient concrétiser principalement l’exercice de la liberté


d’aller et de venir. Résulte de cette liberté d’utilisation le droit pour les administrés d’utiliser
librement ces dépendances. L’administration ne peut les en empêcher, sauf dans un but de police
c'est-à-dire pour empêcher les atteintes à l’ordre public.

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Les autres libertés susceptibles de s’exercer sur le domaine public (liberté de manifester, de réunion,
d’expression, …) ne sont pas conformes à l’affectation première du domaine public. Il faut ajouter
une nuance en ce qui concerne la liberté du commerce et de l’industrie car elle implique la libre
circulation des marchandises.

Les voies publiques sont les premières dépendances domaniales concernées par cette liberté
d’utilisation, mais compte tenu du développement de la circulation automobile cette liberté est
encadrée.

- L’utilisation de la voie publique doit tout d’abord être conforme à son affectation : si elle
est simplement compatible avec l’affectation cette liberté peut être réduite (les
manifestations sur la voie publique sont soumises à un régime de déclaration préalable
depuis un décret-loi de 1935). De même, un régime d’autorisation préalable peut être établit
pour l’exercice d’activités économiques sur le domaine public (les taxis par exemple). Mais
cette restriction ne se justifie pas pour toutes les professions (arrêt du Conseil d’Etat de 1951
DAUDIGNAC : en l’espèce le Conseil a jugé de l’illégalité d’un régime d’autorisation établit à
l’égard des photographes filmeurs). La règlementation ne doit pas fausser la concurrence
voire favoriser indûment un opérateur. Malgré tout la jurisprudence a déjà reconnue à
l’administration le droit de limiter l’autorisation à une seule entreprise si l’objectif est une
meilleure utilisation du domaine public. Arrêt de 1932 du Conseil d’Etat SOCIETE DES
AUTOBUS ANTIBOIS : en l’espèce le Conseil juge que le maire de Cannes a pu légalement
interdire à tous les véhicules de transport en commun de stationner sur la voie publique pour
charger ou décharger des passagers. Le but était clairement d’assurer un monopole à son
concessionnaire. Cette jurisprudence parait cependant obsolète aujourd’hui car le juge
n’admettrait plus une telle restriction extrême que dans des cas particuliers.
- Les mesures de police prises pour assurer l’ordre public sur le domaine public doivent
répondre aux conditions classiques de la légalité : le juge exige une certaine adéquation
entre l’atteinte aux libertés et l’objectif visé. La règlementation à l’égard de la circulation
automobile s’est constamment durcie (interdiction de la circulation des poids lourds dans
certaines zones ou à certaines heures). Les buts de la police administrative semblent même
avoir été élargis. Arrêt du Conseil d’Etat 1972 VILLE DE DIEPPE : le Conseil juge que l’arrêté
municipal qui réservait les voies du centre ville aux piétons le samedi a été pris « en vue
d’assurer dans les meilleures conditions de sécurité, de commodités, et d’agrément la
circulation respective des piétons et automobiliste ». Les sujétions résultant de cet arrêté
pour les riverains n’excèdent pas celles que le maire pouvait légalement leur imposer dans
l’intérêt général pour le Conseil d’Etat. Cette jurisprudence est considérée comme le point de
départ de l’admission des rues piétonnières dans les centres ville. Les interdictions générales
et absolues sont en principes prohibées (arrêt du Conseil d’Etat de 1993 ASSOCIATION CLUB
DU SOLEIL : l’interdiction faite à tous les véhicules de circuler sur un chemin rural est illégal).
- Le stationnement des véhicules à connu une évolution : le stationnement constitue un
accessoire de la liberté d’aller et de venir et non une occupation privative du domaine public.
Ce droit au stationnement a été reconnu à condition qu’il ne soit pas abusif (est abusif le
stationnement ininterrompu de la voie d’un véhicule pendant 7 jours ou 24 heures à Paris).
L’article L2213-2 du CGCT précise qu’un maire peut apporter des restrictions au droit de
stationnement dans le droit et dans l’espace, mais il ne peut interdire le stationnement de
façon générale et absolue sur sa commune.

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Il résulte du principe de liberté et d’utilisation que le droit d’accès des riverains doit être garanti,
mais il ne peut être interprété comme un véritable droit de stationnement.

Cette liberté d’utilisation connait un régime particuliers au regard des domaines maritimes et
fluviaux. Pour le domaine public maritime la liberté d’accès aux rivages et aux plages est consacrée
par la loi littorale de 1986, ce qui signifie que l’accès des piétons à la plage est libre, sauf motif lié à la
sécurité ou à l’environnement. Il résulte que les riverains bénéficient de servitudes de passage le long
du littoral. Pour le domaine public fluvial la liberté d’utilisation des voies navigables peut connaitre
des restrictions, notamment pour des motifs de sécurité en période de crue.

2.b. Le principe d’égalité dans l’utilisation du domaine public :

Arrêt du Conseil d’Etat 1956 BIBERON : le juge a consacré un principe général du droit qui est
l’égalité des usagers du domaine public. Cependant, comme le principe d’égalité, ce principe ne
s’applique qu’à des usagers se trouvant dans une situation comparable. Par conséquent des
discriminations sont légales si elles touchent des situations ou des dépendances domaniales
différentes (riverains bénéficiant d’aisances de voiries). On voit apparaitre de nouvelles
différenciations. A cet égard l’on peut citer l’arrêt PETIT PERRIN de 2000 dans lequel le juge admet
l’interdiction alternée de la circulation les jours de forte pollution atmosphérique.

La mise en œuvre de ce principe permet d’établir des discriminations tarifaires lorsqu’un péage a
été établi sur le domaine public. Arrêt du Conseil d’Etat de 1974 du Conseil d’Etat DE NOYER ET
CHORQUES : le juge admet que les habitants de l’ile de ré bénéficient d’un tarif réduit pour traverser
le pont relevant l’ile au continent. Cette jurisprudence a également été appliquée à l’égard des
résidants du centre ville puissent bénéficier de conditions avantageuses de stationnement.

2.c. Le principe de gratuité de l’utilisation du domaine public ?:

Le Conseil Constitutionnel reconnait l’importance du principe, mais a toujours refusé de lui conférer
un caractère absolu. C’est ce qui ressort de la décision du Conseil Constitutionnel de 1979 PONT A
PEAGE. Le Conseil refuse donc d’élever le principe de gratuité au range de principe fondamental
reconnu par les lois de la république.

Si l’affectation se confond avec l’exercice d’une liberté publique, le juge vérifie que les conditions
d’exercice de cette liberté sont satisfaisantes. Or cela passe par l’examen des conditions d’accès au
domaine public qui en est le support.

Cette relativité du principe de gratuité s’illustre principalement sur le domaine public routier.

Concernant les péages la loi de 1955 e expressément admis la mise en place de péages sur les
autoroutes. Cette loi précise avant tout que l’utilisation des autoroutes est en principe gratuite, mais
elle précise que la construction et l’exploitation d’une autoroute peuvent être concédées et que le
concessionnaire peut être autorisé à percevoir des péages. Cette hypothèse s’est largement
développée, sans que le juge trouve à y redire. Dans la même logique la loi de 1979 a permis
l’instauration de péages sur les ouvrages d’art de l’Etat. Le champ d’application ne cesse de s’élargir
comme en démontre la loi de 2004 qui a ouvert cette possibilité pour les ouvrages situés sur la voirie
départementale. De plus, on peut évoquer l’article 65 de la loi de 2010 portant engagement national

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pour l’environnement (grenèle 2) qui prévoit la possibilité d’instituer des péages urbains pour limiter
la circulation automobile et pour lutter contre la pollution.

Concernant les stationnements payant, le maire dans le cadre de ses pouvoirs de police générale
peut porter atteinte au principe de gratuité en instaurant des hypothèses de stationnement payant.
La jurisprudence l’admet depuis longtemps et la justifie par son effet dissuasif, tout en l’assortissant
de conditions. C’est ce qui ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat de 1969 FEDERATION NATIONALE DES
CLUBS AUTOMOBILES DE FRANCE : le juge admet le stationnement payant lorsque le stationnement
en général excède l’usage normal du domaine et en raison des exigences de la circulation. Cela ne
doit pas avoir pour effet de porter atteinte à la liberté d’accès aux immeubles riverains et à leur
desserte. Concrètement ce mécanisme passe soit par la construction de parcs de stationnement
soumise à redevance (le tarif doit couvrir le coût du service), soit cela passe par l’établissement de
stationnements payants sur la chaussée (SPA) et donc le droit de stationnement donne lieu à une
taxe perçue par la collectivité.

Une personne privée peut mettre en application des règles de stationnement payant ? Le juge a été
amené à se poser la question dans un arrêt du Conseil d’Etat de 1994 COMMUNE DE MENTON. Il
juge que les pouvoirs de police du stationnement sur la voie publique ne peuvent être confiés à une
personne privée, quand bien même il s’agirait de la société concessionnaire de la construction et de
la gestion des parkings municipaux. Par conséquent le relevé et le suivit des infractions relèvent de la
personne publique et cela se justifie par un principe classique qui interdit la délégation de
compétence d’une police administrative. A contrario l’arrêt semble admettre que le dispositif de
paiement et de contrôle peut être délégué.

Concernant le domaine public fluvial et bien les voies navigables de France (établissement public)
est en droit de percevoir une taxe sur les utilisateurs de la voie d’eau et de la même manière les
transporteurs de marchandises et de passagers sont soumis à des péages.

L’ordonnance d’avril 2006 est allée plus loin dans les atteintes au principe de gratuité puisqu’à
l’article L2125-1 du CG3P le législateur impose une redevance pour toute occupation ou utilisation
du domaine public, et donc le code ne distingue pas selon le caractère collectif ou privatif de
l’occupation. Cette disposition peut être interprétée de deux manières :

- Le professeur YOLKA considère qu’il s’agit d’une coquille dans la rédaction du Code.
- Il peut s’agir d’une volonté d’affirmer le caractère onéreux de l’utilisation du domaine public,
sauf dérogation (plages ou utilisation du domaine routier).

Certaines municipalités ont poussé la logique loin en demandant une redevance pour les caravanes
des collectes de fond ou pour les manifestations liées au téléthon. Cette nouvelle obligation du code
a même poussé des municipalités à instauré une forte redevance sur les radars fixes installés par
l’Etat le long des routes départementales.

B. Les utilisations privatives:

L’occupation privative est effectuée par une ou plusieurs personnes déterminées individuellement
par un titre accordé par l’administration. En principe cette utilisation privative correspond à une
utilisation par une personne donnée d’un bien dans son propre intérêt. En réalité directement ou
indirectement ces occupations doivent contribuer à la satisfaction de l’intérêt général, que ce soit

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par l’exercice d’une activité de service public ou en construisant des ouvrages publics, ou au moins
en versant une redevance à l’administration.

Ce titre d’occupation revêt une grande importance dans certains domaines comme les transports,
l’énergie. Parfois il peut être délicat de distinguer certaines utilisations collectives du domaine
public, des utilisations privatives (exemple les taxis utilisent collectivement le domaine public). Selon
l’article L2124-26 du CG3P « l’utilisation par les titulaires d’autorisations de fréquences
radioélectriques disponibles sur le territoire de la république constitue un mode d’occupation privatif
du domaine public de l’Etat ». Au-delà de cette difficulté, il faut aussi préciser que l’usage privatif
peut parfois correspondre à l’usage normal de la dépendance domaniale. En d’autres termes il
arrive que l’usage normal ne soit pas collectif et anonyme, mais individualisé (emplacements dans les
marchés ou concessions de sépultures dans les cimetières). En tant qu’occupations privatives ces
utilisations sont soumises à autorisation et redevances. Cependant, puisque ces utilisations réalisent
l’affectation de la dépendance, l’administration n’a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser ou de
retirer l’autorisation d’occupation.

1. Les principes directeurs de l’utilisation privative du domaine public :

1.a. L’application du droit de la concurrence à l’utilisation du domaine public ?:

On considère traditionnellement que l’administration dispose d’un large pouvoir discrétionnaire


dans le choix des occupants de son domaine public. C’est la conséquence du principe de liberté
contractuelle des personnes publiques.

Les textes régissant les régimes d’autorisations domaniales n’imposent pour l’heure aucune
condition formelle de publicité et de mise en concurrence. Il n’en va autrement que dans certains
cas expressément prévus, par exemple pour les concessions de plages. Pourtant aujourd’hui il n’est
pas certain que cette liberté perdure et on s’interroge à un double point de vue :

- Le droit communautaire de la concurrence : ce droit s’applique dès lors que l’autorisation


domaniale est susceptible d’intéresser une autre entreprise que celle d’un Etat membre, ce
qui en réalité est une condition assez facile à remplir compte tenu du principe de liberté
d’établissement. Certes rien dans la jurisprudence communautaire n’impose que les titres
d’occupation domaniale soient soumis aux mêmes règles que la commande publique. Et
pourtant la CJCE s’est prononcé dans un arrêt de 2000 TELAUSTRIA. Ces principes ne peuvent
être écartés par la personne publique, que lorsqu’elle procède à une opération « in house ».
Tirant les conséquences de cette jurisprudence le rapport du conseil d’Etat de 2002 attire
l’attention des personnes publiques de ne pas fausser la libre concurrence, ce qui n’est
possible qu’en organisant un minimum de publicité et de mise en concurrence dans l’octroi
de l’autorisation domaniale.
- Depuis l’arrêt du Conseil d’Etat de 1997 SOCIETE MILLION ET MARAIS : le juge administratif
soumet les actes règlementaires au respect de l’ordonnance de 1986 relative au droit de la
concurrence. Depuis 1997 le juge a étendu le champ au droit communautaire de la
concurrence et il a généralisé l’application de ce droit à l’ensemble des actes administratifs.
Cela a donné des solutions nuancées du juge administratif. Arrêt du Conseil d’Etat de 1999
SOCIETE EDA : était en cause la légalité de la décision d’aéroport de Paris d’autoriser ou de
refuser l’occupation de certaines dépendances domaniales par des sociétés de location de

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voiture. La question s’est posée de l’application de l’ordonnance de 1986. Le Conseil d’Etat
rappel que la personne publique doit gérer le domaine public dans l’intérêt de son
affectation et dans l’intérêt général. Cependant, lorsque ces dépendances sont le siège
d’activités de production, de distribution ou de service, la personne publique affectataire
doit prendre en compte le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ou
l’ordonnance de 1986.

Certaines personnes publiques soumettent déjà les titres d’occupation de leur domaine à une
procédure de publicité et de mise en concurrence. Cette question se pose particulièrement lorsque
la dépendance en question constitue une infrastructure ou une ressource essentielle. Il s’agit en
réalité d’une ressource qui appartient ou est gérée par un opérateur économique à titre exclusif, ou
au moins y exerçant une activité dominante. Cette ressource ne peut être aisément dupliquée dans
des conditions économiques raisonnables. Enfin, l’accès à cette ressource conditionne l’accès au
marché en aval. La question se pose particulièrement pour les aéroports ou réseaux câblé par
exemple.

La question se pose en doctrine de savoir s’il ne faudrait pas appliquer aux occupations domaniales
les obligations de publicité et de mise en concurrence applicables aux marchés publics et
délégations de service publics. Or pour l’instant, faute de texte, le Conseil d’Etat s’y refuse. C’est ce
qui ressort implicitement de l’arrêt du Conseil d’Etat de 2009 PORT AUTONOME DE MARSEILLE : en
l’espèce le port avait lancé une procédure d’appel à projet pour la mise à disposition de son domaine
public maritime. Le port avait soumis cette procédure au formalisme propre à la passation des
délégations de service public, qui est prévue par la loi SAPIN de 1993. Le juge fut saisit par un
candidat évincé par la voie du référé précontractuel (la condition est que le juge doit être saisit avant
la signature du contrat). Selon le Conseil d’Etat, si au début de la procédure il existe une incertitude
sur la nature juridique de la convention qui en résultera alors l’entité adjudicatrice doit privilégier la
procédure la plus rigoureuse. En l’espèce le juge considère que le port autonome a bien fait
d’appliquer la loi SAPIN. A contrario, cette décision indique que la passation des conventions
d’occupation domaniale n’est soumise à aucune procédure particulière en l’état actuel du droit. La
même solution ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat de 2010 VILLE DE PARIS CONTRE ASSOCIATION
PARIS JAMBOIN. Le Conseil refuse toujours d’imposer un formalisme quelconque à la personne
publique.

1.b. Les caractères précaires et onéreux de l’utilisation privative du domaine


public :

 Le caractère précaire de l’utilisation :

Ce dernier résulte de l’article L2122-2 du CG3P. L’occupation du domaine public doit être compatible
avec son affectation avant tout. Il s’en suit qu’elle est « précaire et révocable », c'est-à-dire que
l’administration a un pouvoir discrétionnaire pour refuser l’octroi de l’utilisation ou son
renouvellement, voire même pour la retirer pour n’importe quel motif d’intérêt général. Ces
solutions sont valables quand bien même un accord aurait été passé avec l’occupant. C’est ce qui
ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat de 1986 ASSOCIATION EUROLAT. L’administration ne peut donc
pas renoncer à son pouvoir de résiliation de cette autorisation.

51
Il y a une exception traditionnelle qui concerne les concessions funéraires. Une commune ne peut
reprendre une concession que si elle est abandonnée depuis plus de 30 ans. En outre, le législateur
peut déroger à ce principe. Par exemple le Code des postes et télécommunications prévoit un droit
au renouvellement de l’autorisation d’utiliser des fréquences audiovisuelles.

Ce principe est justifié par la préservation de l’affectation publique de la dépendance. Ce principe


encoure malgré tout deux critiques :

- Il s’agit d’un risque d’inconventionnalité au regard de la CEDH : la question s’est


particulièrement posée suite à un arrêt de la Cour européenne de 2004 OMERYIDIZ CONTRE
TURQUIE. En l’espèce, un glissement de terrain était intervenu à Istanbul en 1993 et il avait
enseveli des taudis implantés illégalement sur une décharges, décharges elle-même établie
sur des propriétés publiques. Pour la Cour, l’occupation illégale des terrains aux fins
d’habitations pouvait être considérée comme un bien, compte tenu de la tolérance
manifestée par l’administration. La cour va condamner la Turquie sur le fondement d’une
atteinte au droit au respect des biens. On a pu craindre que cette solution conduise à
protéger tous les occupants irréguliers du domaine public. En réalité, le risque
d’inconventionnalité du principe de précarité doit être nuancé au regard de la jurisprudence
européenne récente. Par des arrêts de 2010 DEPALLE et BROSSET-TRIBOULET la Cour
européenne a considéré que les décisions obligeant les requérants à quitter et détruire les
maisons qu’ils occupaient depuis plus de 10 ans, mais qui avaient été construites sur le
domaine public maritime, ne porte pas atteinte au droit au respect des biens. Le juge n’a fait
qu’appliquer le principe de précarité combiné avec les principes d’inaliénabilité et
d’imprescriptibilité du domaine public. Cette solution se conclue inévitablement par
l’obligation de les détruire et de quitter les lieux sans aucune indemnisation. Cette solution
est brutale car la Cour européenne a fait preuve d’une bienveillance à l’égard de l’Etat
français.
- Il y a un élargissement progressif des motifs de refus ou de retrait de l’autorisation jusqu’à
l’admission des motifs d’ordre financier : sous couvert de l’intérêt général, c’est souvent
l’intérêt financier qui est invoqué. On le voit au travers de l’arrêt du Conseil d’Etat de 1969
SOCIETE AFFICHAGE GIRAUDY puisque le Conseil d’Etat accepte qu’un conseil municipal
concède l’affichage sur des palissades établies sur la voirie à une société, en fonction de
motifs d’ordre esthétiques pou financiers.

Une dernière question a divisée l’ordre administratif ces dernières années : le caractère précaire
doit-il impliquer la limitation de la durée de l’occupation par l’acte d’autorisation lui-même ? Les
juges du fond répondaient positivement en général. Le Conseil d’Etat n’est pas d’accord quant à lui,
et il l’a exprimé dans un arrêt de 2009 ASSOCIATION SOCIETE CENTRALE D’AGRICULTURE,
D’ORTICULTURE ET D’ACLIMATATION. En l’espèce la ville de Nice avait mis un terrain à la disposition
de l’association et aucune stipulation ne fixait la durée de l’autorisation. Selon le Conseil d’Etat une
telle stipulation n’a pas un caractère substantiel. Selon le Conseil le principe d’inaliénabilité combiné
avec le principe de précarité permet de réguler la relation contractuelle. Ainsi, même en l’absence
de durée expressément mentionnée, l’autorité gestionnaire de la dépendance peut mettre fin à tout
moment à l’autorisation d’occupation, sous réserve de justifier sa décision par un motif d’intérêt
général. L’obligation de prévoir une durée est au contraire indispensable si le titre confère des droits
réels à l’occupant.

52
 Le caractère onéreux de l’utilisation :

Le fait d’autoriser une occupation gratuite reviendrait à consentir une libéralité à un administré, or
cela est prohibé. Le caractère onéreux des utilisations privatives est consacré à l’article L2125-1 du
CG3P, étant précisé que le Code prévoit des exceptions, notamment si l’occupation vise à la
réalisation de travaux pour les besoins d’un service public bénéficiant gratuitement à tous ou
lorsqu’une commune utilise le domaine public de l’Etat pour les besoins de la distribution de l’eau ou
de l’assainissement.

Le Code précise que la redevance tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire
de l’autorisation. En cela le Code confirme une jurisprudence établie. En témoigne un arrêt du
Conseil d’Etat de 2003 SIPPEREC. En l’espèce le juge annule un décret de 1997 qui fixait le montant
des redevances exigibles pour l’occupation du domaine public routier par les installations de réseaux
de télécommunication. Selon le Conseil d’Etat la redevance devait être calculée en fonction de
l’avantage procuré par cette jouissance privative. Or, en l’espèce l’administration n’apportait aucun
élément permettant de s’assurer que de tels avantages sont pris en compte par le décret.

A défaut de disposition particulière, c’est le gestionnaire de la dépendance domaniale qui fixe le


tarif d’occupation. Ce peut être également le concessionnaire, dès lors qu’il est autorisé à délivrer
des permissions d’occupation sur la dépendance dont l’exploitation lui est concédée.

L’occupation du domaine public étant soumise à redevance, une question s’est posée relativement à
la présence de radars automatiques sur les voiries. Certains départements ont tenté de demander le
paiement d’une redevance à l’Etat pour l’installation de radars sur les voies leur appartenant. Le
Conseil d’Etat a considéré dans un arrêt de 2007 MINISTRE DE L’INTERIEUR que les départements ne
peuvent exiger de l’Etat le paiement d’une redevance domaniale pour l’installation de radars
automatiques sur les voies leur appartenant. Le juge justifie cette solution par le fait que les radars
n’occupent pas la voirie routière, mais ils y sont intégrés. Finalement, la loi de finance pour 2008 a
trouvé la solution en modifiant l’article L2125-1 du CG3P en y ajoutant que toute redevance doit être
écartée lorsque l’occupation ou l’utilisation concerne l’installation par l’Etat des équipements
visant à améliorer la sécurité routière. En parallèle, le législateur a prévu la redistribution d’une
partie des recettes générées par les radars aux départements.

1.c. Le caractère personnel du titre d’occupation :

Selon la jurisprudence les titres autorisant l’occupation privative du domaine public son personnels
et ne peuvent être cédés, sauf accord de l’administration. On en trouve une illustration dans l’arrêt
du Conseil d’Etat 1944 DAME VEUVE TROMPIER GRAVIER. Il s’agissait de la titulaire du kiosk à
journaux sur le domaine public, sauf qu’elle en avait confié la gérance à un tiers et elle lui avait
extorqué de l’argent jusqu’à ce que le préfet de la Seine finisse par lui retirer l’autorisation
d’exploitation.

Les droits réels accordés à l’occupant peuvent être cédés sous certaines conditions. Cette
circulation des titres d’occupation est un des facteurs de valorisation du domaine public.

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2. Les titres permettant l’utilisation privative :

L’utilisation privative du domaine public est soumise à l’obtention d’un titre l’y autorisant. Ce
dernier peut prendre la forme d’une autorisation unilatérale ou d’un contrat. Au-delà de cela, le
législateur autorise certains titres à conférer des droits réels à l’occupant, c'est-à-dire des
démembrements du droit de propriété, pour renforcer sa protection.

Le plus souvent le titre a pour objet exclusif l’utilisation privative du bien. S’il s’agit d’un contrat l’on
parle de concession domaniale. Mais il arrive qu’une finalité d’intérêt public s’ajoute à la finalité
privée, ce qui peut conduire à concession service public (cas des concessions d’outillage public dans
les ports et dans ce cas l’entreprise utilise son matériel pour décharger ses propres navires, mais
cette entreprise doit mettre son matériel à disposition du public ou autres entreprises et dans ces
hypothèses l’occupation privative se révèle propre d’un marché public ou d’une délégation de
service public).

2.a. L’autorisation unilatérale: la permission de voirie :

 La notion de la permission de voirie :

Il s’agit d’un acte unilatéral autorisant un particulier à occuper privativement une parcelle du
domaine public, étant précisé que l’usage qu’il en fait doit toujours être compatible avec
l’affectation. La permission de voirie peut parfois s’accompagner de conditions d’intérêt général à la
charge de l’occupant, voire même de véritables obligations de service public. Dans ce cas l’on parle
d’activité de service public virtuelle.

La permission de voirie doit être distinguée du permis de stationnement qui constitue une autre
forme d’autorisation unilatérale. La permission de voirie emporte une emprise sur la dépendance (il
y aura pénétration). A l’inverse, le permis de stationnement n’emporte pas d’emprise (la terrasse de
café). On fait la distinction car la permission de voirie constitue un acte de gestion domaniale, alors
que le permis de stationnement est considéré comme un acte de police. Cette distinction aura une
conséquence sur l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation et sur les motifs de retrait.

 La délivrance de l’autorisation unilatérale :

Le permis de stationnement est délivré par l’autorité de police de la circulation (par exemple le
maire est compétent sur le territoire de sa commune, y compris pour l’occupation de la voirie
départementale ou nationale). A l’inverse, la permission de voirie est délivrée par l’autorité
gestionnaire (par exemple le préfet est compétent pour la voirie nationale car l’Etat en est
gestionnaire). Arrêt du Conseil d’Etat de 1972 ELKOUBI : le Conseil juge que la décision du préfet
refusant de renouveler le permis de stationnement destiné à l’installation d’une terrasse de café est
entaché d’incompétence.

Le permis de stationnement est accordé en fonction de préoccupations d’ordre public, ce qui signifie
que l’autorité de police tient compte de la liberté de circulation pour accorder une autorisation
d’installer une terrasse de café. A l’inverse, la permission de voirie se fonde sur des considérations
de gestion patrimoniale.

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Remarques : lorsque l’usage est simplement compatible avec l’affectation de la dépendance, le
particulier n’a aucun droit à obtenir l’autorisation. Cependant, le juge peut contrôler la légalité
externe d’un refus, ainsi que la réalité et la légalité des motifs avancés par l’administration. En outre,
l’octroi d’une permission de voirie ne peut pas être tacite (arrêt SIPEREC de 2003). Enfin, les
permissions de voirie sont accordées sous réserve des droits des tiers. Par conséquent, un tiers qui a
intérêt à agir peut toujours intenter un recours en excès de pouvoir contre l’autorisation
d’occupation.

 La fin de l’autorisation unilatérale :

La permission de voirie prend fin naturellement au terme prévu initialement. A ce moment


l’occupation privatif doit quitter la dépendance et démolir ses installations. S’il s’y refuse il est alors
considéré comme un occupant sans titre du domaine public.

Le principe de précarité implique l’absence de droits acquis au maintient de l’autorisation.


L’autorité compétente peut accorder l’autorisation peut donc également la retirer. Ce retrait peut
être assimilé à une sanction en cas de non respect par l’occupant de ses obligations, mais ce retrait
peut intervenir pour des raisons de plus en plus diverses (pour la conservation de la dépendance
occupée, pour des motifs d’ordre public ou pour des motifs esthétiques par exemple). Cependant, le
retrait qui interviendrait pour des motifs purement privés est illégal.

Le retrait d’une permission de voirie n’entraine pas l’indemnisation de l’occupant. Il en va


autrement lorsque l’autorisation est constitutive de droits réels.

2.b. L’autorisation contractuelle : la concession de voirie.

 La notion de concession de voirie :

Il s’agit d’un contrat conclu entre l’administration et un particulier, en vue de l’occupation privative
d’une dépendance domaniale. Le décret-loi de 1938 dispose que de tels contrats relèvent de la
compétence du juge administratif, et donc il s’agit de contrats administratifs par détermination de la
loi qui sont ainsi soumis au droit public.

La concession de voirie est précaire, révocable, et elle doit respecter l’intérêt domaine. En outre,
elle implique la perception d’une redevance. L’on considère que l’occupant est globalement mieux
protéger que dans le cadre d’une simple autorisation unilatérale, il aurait un droit à indemnisation si
le contrat est résilié avant son terme. Les litiges afférant relèvent du contentieux de pleine
juridiction, alors que la permission de voirie est justiciable par le juge de l’excès de pouvoir.

Il faut distinguer la concession de voirie de la concession de service public, mais il arrive souvent en
pratique que les deux aillent de paire. Soit le délégataire de service public est autorisé à occuper le
domaine public pour les besoins du service public (exemple du concessionnaire d’un parc de
stationnement). Soit, le contrat d’occupation domaniale comporte des obligations de service public
telles, qu’ils constituent également un contrat de délégation de service public.

La distinction entre les deux peut être difficile en pratique. Exemple : la concession d’exploitation
d’un café restaurant constitue en principe une simple concession d’occupation du domaine public, ce
qui ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat de 1999 VILLE DE PARIS CONTRE SOCIETE STELLA MAILLOT

55
OREE DU BOIS. Par contre, la concession d’exploitation d’un restaurant réservé aux usagers ou aux
personnels d’un service constitue une concession domaniale et de service public.

Le Conseil d’Etat semble retissent à reconnaitre l’existence d’une délégation de service public. En
témoigne l’arrêt de 201O VILLE DE PARIS CONTRE ASSOCIATION PARIS JAMBOIN. Depuis les années
1920 le stade Jamboin est géré par une association et il est géré en vertu d’une convention
d’occupation domaniale. Le contrat arrivant à échéance la société Paris Tennis a fait savoir qu’elle se
porterait candidate à la gestion du stade. Mais la ville de Paris conclue à nouveau avec l’association
sans aucune procédure de mise en concurrence. La société Paris Tennis attaque la décision du maire
de conclure cette convention. Il s’agit d’une délégation de service public et non d’une simple
convention d’occupation domaniale pour le juge. Mais contre toute attente, le Conseil d’Etat n’est
pas d’accord avec le TA et la CAA car malgré le nombre d’obligations pesant sur le cocontractant de
la ville il s’agit d’une simple convention d’occupation domaniale et s’agissant d’une simple
convention domaniale, la ville est dispensée du respect de tout formalisme.

Dans le même sens, un contrat d’occupation domaniale peut parfois cacher un marché public.
L’arrêt généralement cité est l’arrêt du Conseil d’Etat de 2005 SOCIETE JEAN CLAUDE DECAUX. En
l’espèce le Conseil décide que les contrats conclus entre les collectivités territoriales et la société
Decaux constituent des marchés publics et ils sont soumis au Code des marchés publics car l’objet
des contrat est certes d’autoriser l’occupation du domaine public, mais également de permettre la
réalisation et la fourniture de prestations de service à la commune en matière d’information
municipale, de propreté et de protection des usagers des transports publics contre les intempéries.
Le Conseil précise que le cocontractant est exonéré de redevance d’occupation qui fait office de prix
payé par la collectivité publique.

 La conclusion du contrat d’occupation :

Le contrat d’occupation est conclu par la personne publique propriétaire de la dépendance en


principe. Cependant, l’occupant lui-même peut éventuellement consentir des sous occupations.
Exemple : la société concessionnaire d’un parc de stationnement conclue elle-même des contrats
d’occupation domaniale dans le cadre de la gestion des emplacements.

En l’état actuel du droit aucun formalisme n’est imposé lors du choix du cocontractant, ni par le
droit écrit, ni par le juge. Le juge considère simplement que certains administrés ont vocation à
conclure certains titres de concessions. Le juge exerce donc un contrôle sur les motifs du refus le cas
échéant.

 La résiliation du contrat d’occupation :

Normalement le contrat prend fin au terme initialement prévu par les parties. Si l’administration
refuse le renouvellement le juge contrôle les motifs, mais il a tendance à admettre qu’un refus soit
motivé par des raisons financières. Par application des règles des contrats administratifs,
l’administration détient un pouvoir de résiliation unilatérale du contrat d’occupation non
seulement en cas de faute du cocontractant mais également pour des motifs d’intérêt général.

La question s’est posé si la résiliation de la convention pour un motif d’intérêt général doit ou non
donner lieu à indemnisation du cocontractant ? Dans le sens positif l’on peut évoquer l’arrêt du
Conseil d’Etat de 1958 DISTILLERIE MAGNIAC LAVAL qui prévoit l’indemnisation du cocontractant de

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l’administration. Dans le sens négatif, on pourrait s’appuyait sur le principe de précarité des
occupations privatives. Ces incertitudes ont été résolues par un arrêt du Conseil d’Etat de 2009
SOCIETE JONATHAN LOISIRS car le Conseil juge que dès lors que l’occupant n’a commis aucune faute,
il est en droit d’obtenir réparation du préjudice résultant de cette résiliation unilatérale dès lors
qu’aucune stipulation contractuelle n’y fait obstacle. Pour autant il ne faut pas que l’indemnisation
soit tellement élevée qu’elle porterait atteinte au droit de résiliation anticipé. Cette indemnité
couvre uniquement le préjudice direct et certain, et les dépenses non amorties du fait de la
résiliation anticipé.

2.c. Le développement de titres constitutifs de droit réels :

Les droits réels sont des droits qui permettent à une autre personne que le propriétaire de jouir et
d’user de la chose selon des modalités diverses. On a longtemps cru que le principe d’inaliénabilité
du domaine public interdisait l’attribution de droits réels à l’occupant privatif du domaine public sur
les installations qu’il réalise. En réalité la jurisprudence a toujours était plus nuancée, mais certaines
décisions ont été interprétées comme prônant une telle interdiction, sauf texte législatif le prévoient
expressément. C’est ce qui ressort de l’arrêt de 1985 ASSOCIATION EUROLAT ET CREDIT FONCIER DE
FRANCE.

Ce principe d’interdiction s’est étiolé sous l’effet de la volonté croissante de valoriser le domaine
public. Pour attirer les occupants privatifs qui versent une redevance à l’administration, il était
nécessaire de sécuriser leurs investissements en leur permettant de disposer des biens qu’ils
réalisent et de les utiliser comme support de financement. Pour obtenir des financements auprès
d’un établissement de crédit les caractères précaires et révocables de l’utilisation privative sont de
piètres arguments. Donc la possibilité de consentir des droits réels à l’occupant est désormais
consacrée, tant pour l’Etat, que pour les collectivités territoriales, à condition de ne pas contrarier
l’affectation.

 Les droits réels sur le domaine des collectivités territoriales :

Cette possibilité remonte à la loi de 1988 relative à l’amélioration de la décentralisation qui a permis
la conclusion de baux emphytéotiques sur le domaine public des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics. Ces baux emphytéotiques administratifs (BEA) confèrent par nature un droit
réel au preneur (emphytéote) qu’il peut hypothéquer. Ces BEA sont conclus pour une durée qui
peut aller de 18 à 99 ans. Le législateur a fixé des conditions relativement restrictives à l’égard des
collectivités territoriales.

Ainsi, le bail ne peut être conclu qu’en vue de l’accomplissement, pour le compte de la collectivité
territoriale, d’une mission de service public ou de la réalisation d’une opération d’intérêt général
relevant de sa compétence. Ces conditions ont été interprétées de façon souple par le juge. Par
exemple, l’on trouve dan la jurisprudence qu’un entrepreneur peut conclure un BEA sur une
dépendance domaniale d’une collectivité dès lors que son activité vise à dynamiser le tourisme.

En outre, le BEA ne peut concerner une dépendance soumise au régime des contraventions de
voirie. Le but est d’éviter que les preneurs à bail ne portent atteinte à l’utilisation collective des voies
publiques.

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Ce BEA s’inspire du droit privé car on le trouve initialement dans le Code rural, mais ce bail reste un
contrat administratif avec ses particularités. En témoigne l’arrêt du Conseil d’Etat de 1994 SOCIETE
SOFAP MARIGNAN IMMOBILIER : le Conseil d’Etat a assuré que l’administration peut y insérer une
clause permettant la résiliation unilatérale du bail.

De même, le législateur a prévu que la cession de ce contrat ne peut intervenir qu’avec l’accord de
la collectivité territoriale et le droit réel qui est conféré à l’occupant n’est susceptible d’hypothèque
que pour garantir les emprunts contractés en vue de financer la réalisation ou l’amélioration des
ouvrages situés sur le bien loué. Concrètement, ce type de montage est utilisé pour réaliser des
opérations d’intérêt local à condition que l’opération ne réponde pas à la définition du marché
public. Dans l’arrêt précédemment évoqué le bail était de 65 ans, et le preneur devait réaliser des
immeubles de bureaux dont certains devaient être loués à la ville de Lille. Le juge a considéré qu’il
s’agissait d’un BEA et non d’un marché public de travaux car la ville n’était pas maître d’ouvrage,
c'est-à-dire qu’elle n’assurait pas la direction des travaux et en vertu du contrat ne deviendrait
propriétaire du bien qu’à l’issue du bail.

Ce type de montage va permettre à la collectivité publique de payer sous forme de loyer, plutôt que
par le paiement immédiat d’un prix et elle ne récupèrera la propriété du bien qu’à l’issue du
contrat.

Depuis une loi de 2011 la conclusion du BEA local est précédée d’une mise en concurrence et de
mesures de publicité, sauf s’il s’agit d’un contrat « in house » ou si l’activité n’est pas marchande au
sens du droit communautaire.

 Les droits réels sur le domaine de l’Etat :

La loi de 1994 a institué la possibilité de droits réels sur le domaine public national. Cette loi est
désormais reprise aux articles du CG3P qui dispose « le titulaire d’une autorisation d’occupation
temporaire du domaine public de l’Etat a, sauf prescription contraire, un droit réel sur les ouvrages,
constructions, et installations de caractère immobilier qu’il réalise pour l’exercice d’une activité
autorisée par ce titre. L’occupant se voit conférer les prérogatives et obligations du propriétaire ».
Contrairement aux BEA des collectivités, ici l’octroi de droits réel est le principe et non l’exception.
En outre, l’autorisation d’autorisation temporaire (AOT) constitutive de droits réels n’est pas
conditionnée par l’accomplissement d’une mission de service public ou par une opération d’intérêt
général.

Ce droit réel pour les AOT porte sur les ouvrages réalisés, et non sur le terrain lui-même. Cette
autorisation peut être conférée pour 70 ans maximum, étant préciser qu’une possibilité de
renouvellement a été sanctionnée par le Conseil Constitutionnel.

A l’instar des BEA, ce droit réel ne peut être cédé qu’après agrément de l’administration. La
constitution d’un droit réel n’empêche pas l’administration de mettre fin à l’occupation, y compris
pour un motif d’intérêt général.

Depuis la loi du 12 mais 2009, les titulaires d’AOT constitutives de droits réels peuvent se financer
grâce au crédit bail dès lors que les ouvrages ou installations édifiés sont nécessaires à la continuité
du service public. Le CG3P a institué un mécanisme inspiré des AOT de l’Etat au profit des
collectivités territoriales. Il s’agissait d’une nécessité compte tenu de l’acte II de la décentralisation

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qui prévoit qu’échappent aux BEA la voirie, alors que l’Etat pouvait, lui, accorder des AOT
accompagnés de droit réel sur la voirie.

 Les nouvelles possibilités législatives de constituer des droits réels :

On s’aperçoit que toute une série de textes législatifs récents ont prévu la conclusion de contrats
globaux permettant à des opérateurs privés de réaliser des ouvrages destinés à s’incorporer au
domaine public. Le but de ces dispositifs législatifs était de permettre aux personnes publiques de
faire face à des besoins urgents dans certains domaines.

On peut tout d’abord évoquer deux lois de 2002 qui permettaient à l’Etat de conclure des marchés
pour la conception, la construction, l’aménagement d’établissements pénitentiaires ou d’immeubles
affectés à la police ou à la gendarmerie nationale. Ces contrats étaient susceptibles d’être conclus
jusqu’en 2007 et ces derniers ont emporté la reconnaissance de droits réels sur les installations, au
profit du cocontractant, ce qui conduit à améliorer les possibilités de financer les investissements.

Est également intervenu une ordonnance de 2004 qui a permis aux établissements publics de santé
de conclure des BEA. Concrètement, l’établissement concerné peut, par ce biais, faire construire un
équipement ou un bâtiment qui est ensuite mis à sa disposition pour l’exercice de sa mission. Le
contrat peut même prévoir que le preneur aura à sa charge la maintenance et la gestion de
l’équipement. Cette ordonnance de 2004 avait le mérite de lever des incertitudes qui pesaient sur les
BEA traditionnels car elle précise que le BEA santé doit obligatoirement accompagné d’une
convention fixant les obligations du preneur à bail et une procédure de publicité doit être organisée
en amont pour provoquer la présentation d’offres concurrentes.

Ces BEA ont été généralisés par l’ordonnance de 2004 relative aux contrats de partenariat public-
privé. Il s’agit d’un type de contrat qui consiste à confier la conception, la réalisation, le financement
d’un ouvrage, et la gestion d’activités à un partenaire de l’administration. Ce contrat de partenariat
reconnait de plein droit au cocontractant de l’administration un droit réel sur les installations qu’il
réalise en vertu du contrat. Ce droit réel lui confère les prérogatives et obligations du propriétaire
dans les conditions et les limites définies par les clauses du contrat ayant pour objet de garantir
l’intégrité et l’affectation du domaine public. Ce type de contrat va permettre au cocontractant de
recourir au crédit bail pour obtenir un préfinancement des travaux. Le problème est que ces contrats
de partenariat ont connu un attrait relatif car l s’agit de montages contractuels lourds et complexes.
Du coup, cette ordonnance de 2004 n’a pas empêché de nouveaux textes d’intervenir dans des
domaines spécifiques afin de conférer des droits réels à l’occupant privatif. C’est ainsi que la loi de
2009 étend la formule du BEA au domaine public de l’Etat pour la réalisation de logements sociaux.

La formule du BEA a vu son champ d’application étendu pour les collectivités territoriales. La loi de
1988 réservait initialement le BEA aux opérations entrant dans la compétence de la collectivité
territoriale. Désormais le BEA peut également être conclu en vue de l’affectation à une association
cultuelle d’un édifice du culte ouvert au public ou en vue de la réalisation d’enceintes sportives.
Exemple de l’arrêt du Conseil d’Etat de 2011 MADAME VAYSSIERE : le Conseil montre bien dans cet
arrêt que désormais rien n’empêche une commune à conclure un BEA avec une association cultuelle
en vue de la construction d’une mosquée, étant précisé que la fait que la redevance demandée à
l’association ait été fixée à 1 euro par an n’est pas illégale car la construction et l’entretient sont

59
entièrement financés par l’association et que le bien est incorporé en fin de contrat au patrimoine de
la collectivité publique.

Une possibilité a également été ouverte jusqu’en 2013, pour les besoins d’un service départemental
d’incendie et de secours ou pour les besoins de la justice, de la police, ou de la gendarmerie
nationale. On s’éloigne, au travers ces possibilités, des objectifs de la loi de 1988 car la compétence
qui est assouvie est plutôt celle de l’Etat. Cependant, la collectivité territoriale peut en réalité
essayer d’attirer ces services sur son propre territoire par ce biais (palais de justice par exemple).

Le législateur a même imaginé un BEA valorisation qui permet à l’Etat depuis 2010, aux collectivités
territoriales depuis 2011 de conférer des droits réels à l’occupant, indépendamment de toute
construction d’ouvrage et l’emphytéote se contente d’une mission d’entretient maintenance, de
restauration, de réparation ou de mise en valeur du bien.

60
TITRE III : Le domaine privé

Le domaine privé a avant tout une vocation financière et il s’apparente à une activité privée
classique. Ce sont, par principe, les règles de droit privé qui régissent la matière et les contentieux
relèvent de la compétence du juge judiciaire.

En réalité cette vision est trop simpliste car des activités d’intérêt général peuvent être menées sur
le domaine privé tels que les travaux publics par exemple. Par ailleurs, il arrive souvent que des biens
affectés à un service public ne remplissent pas l’ensemble des critères de la domanialité publique. Il
arrive également que des biens soient expressément écartés de la domanialité publique par le
législateur tels que les bureaux ou chemins ruraux. Même dans la gestion du domaine privé, les
préoccupations d’intérêt général ne sont jamais totalement absentes. Exemple arrêt du Conseil
d’Etat de 1995 COMMUNE DE DIGNE : en l’espèce une commune avait refusé de vendre une portion
de son domaine privé en vue de la construction d’un super marché car selon elle il y avait assez de
super marchés sur le territoire de la commune.

Le rapprochement entre le domaine public et privé est encore exacerbé sous l’effet du CG3P, raison
pour laquelle certains auteurs préfèrent parler d’échelle de la domanialité.

61
Chapitre 1 : La composition du domaine privé

Le domaine privé a toujours fait l’objet d’une définition négative et cette méthode est confirmée
par le CG3P à l’article L2211-1 qui dispose « font partie du domaine privé les biens des personnes
publiques qui ne relèvent pas du domaine public ». Cette même disposition procède par la suite à
une énumération non exhaustive de biens intégrés au domaine privé. On y trouve les réserves
foncières, les biens immobiliers à usages de bureaux, les chemins ruraux, ou encore les bois et les
forêts des personnes publiques.

I. La consistance du domaine privé :

A. Le domaine privé immobilier :

Nous avons déjà évoqué les bureaux et les immeubles affectés à un service public mais dépourvus
de l’aménagement indispensable. En font également partie les forêts appartenant à l’Etat et aux
collectivités territoriales.

Cette question des forêts domaniales est réglée par le CG3P car pendant longtemps la doctrine
s’était demandée si l’affectation des forêts à l’usage du public ou à une mission de service public
(loisir) et la présence fréquente d’aménagements ne devrait pas les faire rentrer dans le domaine
public. Depuis l’arrêt du Conseil d’Etat de 1975 ONF CONTRE ABAMONTE les juges en ont décidés
autrement. Dans cet arrêt le Conseil a jugé que la réalisation d’aménagements par l’ONF n’entraine
pas pour autant la domanialité publique. En réalité le Conseil d’Etat souhaite laisser une marge de
manœuvre à l’ONF pour gérer la forêt domaniale. Certes les forêts font parties du domaine privé,
mais même intégrée dans ce domaine la forêt domaniale est soumise à un régime contraignant et
s’applique notamment un principe d’inaliénabilité, une protection pénale, et la possibilité d’établir
des servitudes sur les propriétés voisines.

On trouve également dans le domaine privé les biens communaux qui sont des biens affectés à
l’usage direct du public appartenant aux communes et affectées à la jouissance des habitants. Ces
biens sont définis par une loi de 1793 (un bien communal est par exemple des marécages ou des
pâturages).

Enfin on trouve dans le domaine public immobilier des biens très variés tels que des portions de
voirie routière qui ne sont plus affectés à la circulation, des biens placés sous le régime de la
copropriété, des immeubles loués à des particuliers, … . A cet égard, les biens des offices d’HLM sont
qualifiés de biens du domaine privé par la jurisprudence car le but est d’éviter que les locataires
soient considérés comme des occupants privatifs du domaine public et éviter qu’ils soient dans une
situation précaire et révocable.

B. le domaine privé mobilier :

Il s’agit d’une part des meubles corporels (des navires, matériels de l’armée, meubles de
l’administration). Il s’agit d’autre part des droits incorporels (les droits de chasse et pêche dans les
forêts domaniales, les brevets d’invention détenus par des personnes publiques ou encore la

62
clientèle commerciale des EPIC). Récemment une agence du patrimoine immatériel de l’Etat a été
créée pour valoriser la gestion de ce domaine privé immatériel. La Concession du nom « Louvres » à
l’émirat d’Abou Dhabi a été conclue pour la somme de 400 000 millions d’euros.

II. L’entrée dans le domaine privé :

Les biens du domaine privé peuvent être des biens appartenant aux personnes publiques mais ne
remplissant pas la condition de l’affectation ou d’aménagement indispensable.

Ce peut être des biens qui ont été déclassés après une désaffectation.

A l’inverse, ce peut aussi être des biens récemment acquis par une personne publique par une
acquisition amiable ou par voie de prescription acquisitive.

Ce peut être également des biens sans maitre (res mullius). Depuis la loi de 2004 ces biens entrent
dans le patrimoine de la commune sur le territoire de laquelle ils se situent et la commune peut y
renoncer.

En outre, les biens du domaine privé peuvent avoir été acquis à titre onéreux par des mécanismes
exorbitants du droit commun tel que la procédure d’expropriation ou encore la préemption, ou la
nationalisation.

63
Chapitre 2 : Le régime juridique applicable au domaine privé

La part du droit administratif y est marquée. Rappelons que certaines règles telles que
l’insaisissabilité des biens du domaine public s’applique également aux biens du domaine privé.

Pour autant, la jurisprudence a toujours refusé de voir dans la gestion du domaine privé un service
public. Le Tribunal des Conflits en a tiré la conséquence dans un arrêt de 2001 LELAIDIER dans lequel
le tribunal juge que les agents chargés de gérer le domaine privé ne sont pas des agents publics.

Cela n’exclue pas non plus que le domaine privé serve de siège à l’exercice d’activités de service
public telles que des opérations de reboisement (arrêt du Conseil d’Etat de 1956 MINISTRE DE
OL’AGRICULTURE CONTRE GRIMOUARD).

I. La gestion du domaine privé :

France domaine est largement responsable du domaine privé et il intervient dans les acquisitions
d’immeubles et dans la conclusion de baux. Par contre les forêts domaniales sont gérées par l’ONF.
Le domaine privé des collectivités territoriales est géré par les assemblées et les autorités exécutives
des collectivités. L’Etat peut déléguer la gestion de son domaine privé à des établissements publics,
voire même à des organismes d’utilité publique (droit privé), par contre les collectivités territoriales
doivent le gérer elle-même.

Dans la gestion du domaine privé, la personne publique est largement assimilable à un propriétaire
privée car elle a les mêmes droits (droit de recueillir les profits, droit d’usage) et elle a les mêmes
obligations (elle peut être soumise à des servitudes administratives ou à des servitudes du code civil
telle que la mitoyenneté).

II. La cession du domaine privé :

Les aliénations des biens du domaine privé sont largement soumises aux règles du Code Civil. Le
principe de l’incessibilité à vil prix s’applique également dans le cadre du domaine privé.

Par contre les principes d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité ne s’appliquent pas au domaine


privé. Il y a cependant des exceptions à propos des forêts publiques qui ne peuvent être aliénées
sauf autorisation législative.

Depuis la loi ENL de 2006, les communes ont un droit de priorité pour acquérir des immeubles cédés
par l’Etat ou certains établissements publics. La plupart des biens de l’Etat peuvent être cédés à
l’amiable, mais dans le cadre d’une procédure de publicité et de mise en concurrence en principe.
Cette possibilité est largement mise en œuvre dans le cadre de la RGPP dans le but de dégager des
recettes publiques. De la même manière, les biens des communes, longtemps étaient vendus par
adjudication uniquement, et ces biens peuvent désormais faire l’objet de cession à l’amiable.

Il faut évoquer une hypothèse particulière dans laquelle le préfet peut procéder à la vente forcée de
biens d’une collectivité refusant d’acquitter certaines de ses dettes. Cela résulte du pouvoir de
substitution attribué au préfet si une collectivité n’a pas dégagée les ressources nécessaires au

64
paiement d’une somme d’argent à laquelle elle a été condamnée. C’est ce qui ressort de l’arrêt du
Conseil d’Etat de 2005 SOCIETE FERMIERE DE CAMPOLORO. Dans cette affaire la commune avait été
condamnée à verser des millions de francs à deux sociétés en raison de la résiliation des conventions
qui liaient ces sociétés à la commune. Le Conseil va alors décider que le préfet peut vendre les biens
de la commune défaillante pour dégager les ressources nécessaires, à conditions que ces biens ne
soient pas indispensables au bon fonctionnement des services publics.

III. Le contentieux du domaine privé :

Le domaine privé est donc largement soumis au droit privé et c’est naturellement le juge judiciaire
qui règle les litiges qui s’y rattache. Par exemple il va être compétent pour les litiges contractuels liés
à la gestion du domaine privé. Le juge judiciaire est également compétent pour les litiges de
responsabilité délictuelle (dommages causés par des immeubles domaniaux). Il est aussi compétent
pour juger des actes individuels de gestion du domaine privé (décision d’expulsion d’un occupant
sans titre du domaine privé).

Mais, la compétence de principe du juge judiciaire n’exclue pas totalement l’intervention du juge
administratif qui tend à élargir son champ de compétences en vertu de la technique de la
détachabilité. On considère traditionnellement que les actes réglementaires de gestion du domaine
privé relèvent de la compétence du juge administratif (par exemple la réglementation de la
circulation sur les chemins ruraux). Le juge décide traditionnellement que la décision de conclure un
contrat d’acquisition d’immeuble destiné à intégrer le domaine est un acte administratif. En
appliquant la même logique, si le domaine privé sert de siège à une activité de service public
administratif le contentieux propre au service public relève du juge administratif. Il en va de même
du contentieux des travaux publics effectué sur le domaine privé ou encore pour le contentieux lié à
la vente des immeubles de l’Etat qui relève de la compétence du juge administratif en vertu de la loi
du 28 pluviôse en 8.

Le Tribunal des Conflits vient de se lancer dans une approche restrictive de la détachabilité par son
arrêt de 2010 BRASSERIE DU THEATRE puisqu’il dispose « l’acte par lequel une commune
gestionnaire du domaine privé initie, conduit ou termine une relation contractuelle dont l’objet est la
valorisation ou la protection de ce domaine est, à l’égard de la personne privée destinataire, un acte
de droit privé qui relève de la compétence du juge judiciaire ». Il en va autrement si l’acte affecte le
périmètre ou la consistance du domaine privé.

65
PARTIE II : LES TRAVAUX ET LES OUVRAGES PUBLICS

Les théories sur les travaux publics sont très anciennes. La loi du 28 pluviôse an 8 en a confié le
contentieux aux conseils des préfectures (ancêtre des tribunaux administratifs) et certains principes
qui régissent la matière ont été élaborés dès l’ancien régime.

Le professeur GODEMET souligne l’équilibre qui sous tend le régime juridique des travaux publics et il
s’agit d’un droit qui associe des prérogatives exorbitantes de droit commun et en contre partie des
contrôles strictes sur les modes de passation des contrats et une responsabilité élargie.

Titre I : Les notions de travaux publics et ouvrages publics

La notion de travail public prise dans un sens large intègre aussi bien la phase de réalisation, de
construction, d’entretient, d’aménagement, que le résultat des travaux (ouvrage lui-même).

Pendant longtemps la doctrine a tenté d’assimiler ces deux notions en s’appuyant sur des
caractéristiques communes dans le régime juridique applicable (régime de la responsabilité).

Mais en réalité ces deux notions de travail public et d’ouvrage public ne correspondent pas
forcément et répondent chacune à des spécifiés qui leurs sont propres et impose une distinction.

66
Chapitre 1 : Le travail public

La notion de travail public au sens stricte n’a jamais été précisée par le législateur, elle a été dégagée
par le juge qui a imposé trois critères qui ressortent de l’arrêt du Conseil d’Etat de 1921 COMMUNE
DE MONSEGUR. En l’espèce il était question d’un dommage sensé être lié à l’entretient d’une église
et le juge va en profiter pour énoncer la définition du travail public. Il doit tout d’abord s’agir d’un
travail immobilier, réalisé dans un but d’intérêt général, et pour le compte d’une personne
publique.

D’après cette définition l’on peut dire qu’il est indifférent que le travail soit réalisé par une
personne publique ou une personne privée. On peut voir que le champ des travaux publics s’est
considérablement élargi.

I. Un travail immobilier :

En réalité, cette exigence est double, à savoir que le travail doit être matériel et porter sur un
immeuble.

Il faut d’abord un travail matériel, étant précisé qu’en réalité c’est une notion envisagée largement
car cette notion de travail peut comprendre des opérations de construction, de réparation, de
transformation et de simples opérations d’entretient (balayage). La Cour de Cassation refuse de voir
dans de simples tâches ménagères des travaux publics.

En outre, ce travail doit porter ensuite sur un immeuble. Cette condition est immuable et est
entendue strictement car elle est systématiquement refusées à toute structure démontable. A
l’inverse, les immeubles par destination ou incorporation sont susceptibles de donner lieu à un
travail public, ce qui ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat de 1978 SOCIETE MULLER.

II. Un but d’intérêt général :

L’objectif d’intérêt général va venir justifier le régime exorbitant du droit commun auquel est
soumis le travail public et cet objectif d’intérêt général est entendu largement par le juge et il
constitue une notion contingente. Le plus souvent, le travail public est effectué dans l’intérêt d’une
mission de service public, mais le but d’intérêt général ici revêt un champ d’application plus large
que le service public. Dans la jurisprudence commune de MONSEGUR les travaux litigieux avaient été
effectués sur une église. Or depuis la loi de 1905 le service des cultes n’est plus un service public.
Pour autant, les édifices construits avant 1905 demeurent généralement propriété des commues qui
les mettent à la disposition des fidèles et des ministres du culte. Cela constitue, selon le juge, un but
d’utilité générale.

Quant au lien entre travaux publics et domanialité le juge considère que les travaux effectués sur le
domaine public constituent des travaux publics, alors que ceux effectués sur le domaine privé
constituent des travaux privés. Mais il arrive que les travaux effectués sur le domaine public soient
réalisés dans un intérêt privé et ces derniers ne sont alors pas des travaux publics. A l’inverse, les
travaux effectués sur le domaine privé dans un but d’intérêt général sont susceptibles de constituer
des travaux publics.

67
III. Une exécution pour le compte d’une personne publique :

Traditionnellement pour qu’il y ait travail public, il faut que l’opération soit menée pour le compte
d’une personne publique. Progressivement la jurisprudence a élargie la définition en admettant
qu’un travail public puisse être réalisé pour le compte d’une personne privée à condition que ce soit
dans le cadre d’une mission de service public.

Traditionnellement l’exécution pour le compte d’une personne publique signifie que c’est elle qui
doit en bénéficier. La jurisprudence a toujours interprétée largement cette condition car le juge a
toujours considéré qu’il y a travail public même si la personne publique n’est pas propriétaire de
l’ouvrage. Par exemple, les travaux réalisés sur un ouvrage appartenant à un concessionnaire qui doit
revenir à la personne publique en fin de concession constituent un travail public.

L’origine de l’élargissement du champ des travaux publics se situent à l’arrêt du tribunal des conflits
de 1955 EFFIMIEFF. En l’espèce des dommages avaient été causés par un entrepreneur de
maçonnerie qui exécutait des travaux pour une association syndicale de reconstruction. Cette
association était constituée sous forme d’établissement public, mais elle agissait pour le compte de
propriétaires privés sinistrés. Le Tribunal des conflits considère que l’association exerce une mission
de service public, et en déduit que les opérations dont cette association est maître d’œuvre sont des
opérations de travaux public, même si ces opérations intéressent des immeubles appartenant à des
particuliers. Les juges ont suivit ce raisonnement par la suite, par exemple pour considérer que des
opérations de reboisement sont des opérations de travaux publics même si elles sont réalisées sur le
domaine d’un particulier (arrêt GRIMOUARD). La condition dans ces hypothèses, est que ces
derniers doivent être réalisés par une personne publique. Le Conseil d’Etat en a déduit que des
travaux exécutés par une société privée d’HLM sont insusceptibles d’être des travaux publics (arrêt
du Conseil d’Etat de 1958 REVERT). Pour certains cette jurisprudence a apportée une « définition
nouvelle et extensive de la notion de travaux publics ».

68
Chapitre 2 : L’ouvrage public

Cette distinction entre opération de travail public, et le bien qualifié d’ouvrage public est apparue
récemment. C’est l’analyse de la jurisprudence qui a permis de définir l’ouvrage public comme un
immeuble aménagé, affecté à l’intérêt général.

I. Les critères de l’ouvrage public :

Il doit tout d’abord s’agir d’un ouvrage immobilier, c'est-à-dire fixé au sol (c’est le cas d’un abri, mais
pas des couloirs aériens qui prolongent les pistes d’un aéroport). Il arrive au juge d’appliquer la
théorie de l’accessoire en qualifiant d’ouvrage public un bien meuble qui présente un lien
fonctionnel avec un ouvrage public. Par exemple, c’est le cas d’un panneau de signalisation posé sur
la voie publique, ou d’une cage de but posée sur le sol. Cependant, si l’élément mobile n’est pas
déterminant pour l’usage de l’ouvrage public lui-même, il ne sera pas considéré comme un
accessoire (le cas d’un banc dans une cours de récréation).

L’ouvrage public doit ensuite être le fruit d’un travail de l’homme, c'est-à-dire résulté d’un
aménagement minimum. Dans la jurisprudence l’on trouve un certain nombre de dépendance qui ne
sont pas considérées comme un ouvrage public (un cours d’eau non navigable, une plage non
aménagée, ou une piste de ski laissée à l’usage naturel mais un simple filet de protection placé sur la
piste lui confère le caractère d’ouvrage public).

Traditionnellement l’ouvrage doit être affecté à l’intérêt général c'est-à-dire soit à l’usage direct du
public, soit à un service public (SPA ou SPIC). A l’inverse, une galerie souterraine qui a été creusée
pendant la 1ère guerre mondiale et abandonnée ultérieurement ne constitue pas un ouvrage public.
Très récemment le Tribunal des conflits et le Conseil d’Etat ont préféré remplacer cette condition
par l’exigence d’une affectation directe à un service public. C’est ce qui ressort d’une décision du
Tribunal des Conflits de 2010 SOCIETE ERDF CONTRE MICHEL à propos d’un poste de transformation
(ouvrage affecté à la distribution de l’électricité). La même transformation ressort d’un avis du
Conseil d’Etat de 2010 BELIGAUD à propos d’un ouvrage de production d’électricité. Il ressort de tout
cela que ces ouvrages sont des ouvrages publics à condition qu’ils contribuent à
l’approvisionnement en électricité sur l’ensemble du territoire national car c’est le principal objet
du service public de l’électricité en vertu de la loi de 2004 transformant EDF en société privée.

II. Ouvrage public et notions voisines :

Le plus souvent un ouvrage public résulte d’un travail public et s’intègre dans le domaine public.
Mais, en réalité il arrive que ces différentes notions ne coïncident pas totalement. Tout d’abord, un
travail public peut ne pas conduire à la réalisation d’un ouvrage public (c’est le cas dans la
jurisprudence EFFIMIEFF). De même, un ouvrage public ne résulte pas nécessairement de travaux
publics (c’est le cas lorsqu’une personne publique acquiert un bien qui est déjà réalisé). Par ailleurs,
le domaine public n’est pas composé exclusivement d’ouvrages publics (on trouve dans le domaine
public des biens meubles ou des dépendances naturelles). De la même manière, un ouvrage public
ne fait pas forcément partie du domaine public (certains ouvrages publics sont intégrés au domaine
privé d’une personne publique comme les chemins ruraux par exemple ou les immeubles des

69
OPHLM). Certains biens appartenant à des personnes privées constituent des ouvrages publics. Cette
possibilité résulte principalement de la théorie de l’accessoire. Par exemple, selon la loi de 1996 qui a
transformée France télécom en personne morale de droit privé, et bien les ouvrages immobiliers de
droit privé incorporés à un ouvrage public telle qu’une voie publique et qui en constituent une
dépendance sont des ouvrages publics. C‘est notamment ce qui résulte de l’arrêt du Conseil d’Etat de
2001 ADELEE. En ce qui concerne les biens immobiliers d’aéroports de Paris demeurent des ouvrages
publics.

70
TITRE II : La réalisation du travail public

Traditionnellement, l’administration a la liberté de choisir le mode de réalisation des travaux


publics. Cela étant, il y a de plus en plus de tests qui imposent des règles très précises pour chaque
type de procédés. Pendant très longtemps l’administration a favorisé la régie mais aujourd’hui le
recours à un entrepreneur tiers est privilégié.

Dans ce domaine l’influence de la CJCE est très importante car les marchés de travaux sont soumis
au droit communautaire, mais également parce que quelque soit le type de contrat, la CJCE accorde
une grande importance au principe de non discrimination entre candidats à la commande publique
(arrêt de la CJCE de 2000 TELAUSTRIA).

TITRE III : Le régime juridique des travaux et ouvrages publics

Les contrats de travaux publics sont en principe des contrats administratifs qui obéissent à des
règles particulières qui sont justifiées par la mission d’intérêts généraux assurés par le travail ou
l’ouvrage qui en résulte. La loi du 28 pluviôse an 8 accorde le contentieux des travaux publics au
juge administratif.

Chapitre 1 : Le régime contentieux des travaux publics

I. Les spécificités du contentieux des travaux publics :

En cas de litige la compétence relève en premier ressort du tribunal administratif (soit le tribunal du
lieu ou le contrat a été conclu).

En principe les règles classiques du contentieux administratif s’appliquent, sauf quelques


particularités. Ainsi, en vertu de l’article R421-1 du Code de justice administrative, en matière de
travaux publics le requérant n’est pas obligés de provoqué une décision préalable de l’administration
avant de saisir le juge afin de lier le contentieux. En outre, le recours n’est enfermé dans aucune
condition de délai. Cette règle doit tout de même être nuancée car le cahier des clauses
administratives générales en matière de travaux peut toujours y déroger et en matière de
responsabilité le requérant ne peut agir indéfiniment car les créances à l’encontre de l’administration
sont soumises à la prescription quadriennale. Enfin, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant
le tribunal administratif en matière de travaux publics même s’il s’agit d’un recours de plein
contentieux.

71
Ces spécificités sont exacerbées si l’on prend en compte le caractère attractif de la notion de travaux
publics

II. Le caractère attractif de la notion de travaux publics :

La matière des travaux publics a toujours fait l’objet d’une interprétation large. En principe si le juge
constate un élément rattachable à la notion de travail public au sein d’une opération administrative il
applique le régime spécifique des travaux publics à l’opération dans sont ensemble. Par exemple,
constitue un contrat de travaux publics la transaction visant à régler un litige relatif à l’exécution de
travaux publics. Il en va de même d’un contrat d’assurance couvrant la responsabilité des
constructeurs.

Chapitre 2 : La protection due à l’ouvrage public : le principe de


l’intangibilité d’un ouvrage public

Remarque sur les sujétions susceptibles de résulter pour les particuliers de la réalisation de travaux
publics : ces dernières résultent d’une loi de 1892 selon laquelle l’administration a le droit d’utiliser
temporairement les propriétés privées en vue de réaliser des travaux publics. Dans ce cas il va y avoir
une servitude qui va peser sur les administrés et cette dernière est appelée servitude d’occupation
temporaire et d’extraction de matériaux.

I. L’expression traditionnelle du principe d’intangibilité de l’ouvrage public :

Ce principe a été illustré par HAURIOU qui précise « ouvrage public mal planté ne se détruit pas ».
Cette règle est purement prétorienne qui a été imaginée par le juge et que l’on fait remonter à un
arrêt du Conseil d’Etat de 1853 ROBIN DE LA GRIMAUDIERE. Les décisions jurisprudentielles qui
avaient recours à ce principe disposaient « il n’appartient en aucun cas au juge de prescrire aucune
mesure de nature à porter atteinte sous quelque forme que ce soit à l’intégrité ou au
fonctionnement d’un ouvrage public ». Jusqu’à une époque récente les juges ne se permettaient
jamais de prendre une décision susceptible de porter atteinte à l’intégrité ou au fonctionnement
de l’ouvrage.

Longtemps l’on a justifié ce principe d’intangibilité par celui interdisant au juge d’adresser des
injonctions à l’administration. Ce principe est partiellement tombé car depuis la loi de 1995 le juge
administratif peut enjoindre à l’administration d’exécuter une décision de justice. Malgré cette loi de
1995 le principe d’intangibilité a perduré.

Ce principe a un champ d’application large car il est aussi appliqué par le juge judiciaire alors même
que l’ouvrage a été irrégulièrement édifié sur une propriété privée et qu’aucun transfert de propriété
n’est intervenu (même en cas de voie de fait le juge judiciaire a toujours refuser d’enjoindre à
l’administration de détruire l’ouvrage public). Dans ce cas, ce principe d’intangibilité entraine le
transfert de fait de la propriété à la personne publique, pratique que l’on qualifie d’expropriation
indirecte.

72
Les justifications avancées par la doctrine sont de deux ordres car il est justifié par l’intérêt général
qui interdirait de détruire l’ouvrage et l’intérêt des finances publiques qui rend inutile la destruction
d’un ouvrage qui pourrait être reconstruit selon des procédures régulières.

II. L’altération du principe d’intangibilité :

L’altération du principe s’est jouée en trois grandes étapes.

La première étape est un arrêt du Conseil d’Etat de 1991 EPOUX DENARD ET MARTIN. Dans cette
affaire les requérants demandaient au maire de la commune de détruire une buse servant à
l’écoulement des eaux et cette dernière bordait leur propriété. Le maire refuse et donc les
requérants saisissent le juge d’un recours en excès de pouvoir contre la décision du maire. Le
contexte de l’affaire a permis aux requérants de se placer sur le terrain du recours pour excès de
pouvoir et non du contentieux. Le Conseil d’Etat va déclarer le recours recevable, sauf que le maire
disposait d’un pouvoir discrétionnaire et donc il y a eu un contrôle restreint du juge. Il a constaté
qu’il n’y avait pas d’erreur manifeste d’appréciation. Après la loi de 1995 cette solution aurait pu
aboutir à obliger le maire de détruire l’ouvrage ou réexaminer la demande des requérants.

La deuxième étape est un arrêt de la Cour de Cassation de 1994 BAUDON DE MONY CONTRE EDF. Le
litige était partit de l’édification après EDF d’un barrage sur des terrains privés. A cette occasion la
Cour de Cassation décide qu’un transfert de propriété au profit de la personne publique, à défaut
d’accord amiable ne peut intervenir qu’après une procédure régulière d’expropriation. Cet arrêt met
fin à la théorie de l’expropriation indirecte qui permettait à l’administration de s’emparer d’un
terrain privé sur lequel avait été construit irrégulièrement un ouvrage public uniquement au moyen
d’un jugement indemnisant le propriétaire dépossédé.

La troisième étape est un arrêt du Conseil d’Etat de 2003 COMMUNE DE CLANS. En l’espèce le
Conseil d’Etat a été obligé d’opérer un revirement de jurisprudence vis-à-vis du principe de
l’intangibilité. En dehors des cas de voie de fait, qui relèvent du juge judiciaire, le juge administratif
effectue une démarche en deux temps. Lorsqu’il doit prononcer une mesure d’exécution d’une
décision de justice qui entrainera la destruction d’un ouvrage public, il doit se demander si une
régularisation est possible. Si oui, il n’y a pas lieu de porter atteinte à l’ouvrage. Dans le cas contraire,
il doit confronter les inconvénients résultant de la présence de l’ouvrage sur les différents intérêts
publics et privés et les conséquences de la démolition pour l’intérêt général. Et c’est seulement si la
démolition n’entraine pas une atteinte excessive à l’intérêt général qu’il peut alors ordonner la
destruction.

Cette jurisprudence donne lieu à une interprétation très nuancée comme en résulte l’arrêt du Conseil
d’Etat de 2009 COMMUNAUTE DE COMMUNE DE ST MALO DE LA LANDE.

Récemment le Conseil d’Etat, dans un arrêt de 2011, a considéré que si l’ouvrage n’apporte qu’une
faible contribution au développement économique et qu’il porte gravement atteinte à
l’environnement, alors le juge accepte d’ordonner sa destruction.

73
Chapitre 3 : La responsabilité du fait des travaux et ouvrages publics

Ce régime de responsabilité accorde une large part à la responsabilité sans faute. L’on va retrouver
l’équilibre entre les prérogatives exorbitantes de droit commun conférées à l’administration et les
contre parties accordées aux administrés.

I. Les principes généraux applicables :

La loi du 28 pluviôse an 8 a confié ce contentieux à la juridiction administrative. Par contre, le


régime juridique de cette responsabilité a été largement élaboré par la jurisprudence. Le juge
administratif est compétent même si la victime dirige son action, non pas contre une personne
publique, mais contre l’entrepreneur, l’architecte, ou le sous-traitant par exemple.

Par contre, ce principe d’attractivité est susceptible de céder le pas devant d’autres blocs de
compétences. Par exemple, les dommages causés aux usagers des SPIC par les défauts des ouvrages
affectés à ces services entrent dans la compétence du juge judiciaire. De même, lorsque le dommage
résulte d’une voie de fait ou emprise irrégulière le juge judiciaire est seul compétent.

La faute de l’administration est susceptible d’âtre écartée si elle démontre la présence de causes
exonératoires à savoir la faute de la victime et la force majeure. Par contre, la faute commise par un
tiers n’est en principe jamais exonératoire en matière de travaux publics car la personne publique
mise en cause peut intenter une action récursoire à l’encontre du tiers ou l’appeler en garantie en
cours de procès.

II. Les différents régimes de responsabilité pour les dommages de travaux publics
ou ouvrages publics :

CHAPUS constate que l’on a la responsabilité du fait des dommages permanents et la responsabilité
du fait des dommages accidentels. En réalité la qualité de la victime (participant, usager, ou tiers) ne
joue que pour les dommages accidentels. La terminologie n’est pas tout à fait adéquate car certains
dommages dits accidentels peuvent durer indéfiniment alors que des dommages dit permanent
peuvent n’être que temporaires.

A. La responsabilité pour dommages permanents de travaux publics :

L’expression « dommage permanent » désigne en réalité des dommages qui sont le résultat durable
de la présence, de l’absence, ou du fonctionnement d’un ouvrage public. On peut les qualifier de
troubles anormaux de voisinage.

Le régime de responsabilité est applicable, quelque soit la qualité de la victime et c’est un régime de
responsabilité sans faute fondé sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques. C’est le cas
lorsque l’administration fait peser des charges particulières sur certains membres de la collectivité.

Il y a des conditions à savoir qu’il faut un dommage qui soit anormal et spécial. Il doit donc être
relativement important c'est-à-dire qu’il doit dépasser les inconvénients ordinaires de la vie en
société et ne concerner qu’un nombre de personnes limitées.

74
Ce régime de responsabilité résulte d’un arrêt du Conseil d’Etat de 1931 COMMUNE DE VIC FEENSAC.
Les applications les plus fréquentes de cette jurisprudence sont liées à des opérations de travaux
publics réalisés sur la voirie qui engendre des difficultés d’accès. Il en va de même lorsque la
réalisation d’un ouvrage public entraine la dépréciation des propriétés riveraines ou encore des
troubles de jouissance.

La jurisprudence est restrictive cependant car les modifications apportées à la circulation générale
n’ouvrent pas droit à réparation et les allongements de parcours ou difficultés d’accès des riverains à
leur propriété ne donnent lieu à indemnisation que dans des conditions strictes.

B. La responsabilité pour dommages accidentels de travaux publics :

Il s’agit ici de dommages causés dont la survenance est soudaine, inopinée, issue d’un concours de
circonstances et qui auraient pu ne pas se produire. Ici, le régime de responsabilité dépend des
bénéfices que la victime est sensée retirer de l’ouvrage.

1. Une responsabilité pour faut prouvée à l’égard du participant :

Le participant est celui qui de près ou loin prend part à l’exécution des travaux publics
(entrepreneur, ses employés, architecte ou encore l’agent administratif). La jurisprudence fait une
interprétation extensive de la notion de participant. Par exemple un transporteur qui livre des
matériaux sur un chantier est considéré comme un participant, il en va de même de la personne qui
pénètre sur un chantier pour couper une conduite d’eau lui appartenant alors même que son acte
visait à améliorer l’exécution des travaux. Cette jurisprudence est contestable car dans le cadre de ce
régime c’est à la victime d’apporter la preuve de la faute. L’extension est d’autant plus contestable
qu’elle s’applique aussi en cas d’utilisation de méthode ou d’engins dangereux alors même qu’en
principe dans ces cas on applique un régime de responsabilité sans faute.

La première justification de ce principe réside dans l’intérêt que retire le participant dans la
réalisation des travaux. En outre, en principe, en tant que participant il s’agit d’un professionnel qui
aurait du mesurer les risques qu’il prenait.

En réalité la rigueur de ce régime est atténuée par le fait que généralement le préjudice est pris en
charge sur le terrain des accidents du travail et la responsabilité du fait des travaux publics ne joue
qu’un rôle secondaire et uniquement s’il existe une faute d’un tiers par rapport à l’employeur,
notamment du maître de l’ouvrage.

2. Une responsabilité pour faute présumée à l’égard de l’usager : la responsabilité


pour défaut d’entretient normal :

L’usager bénéficie d’un régime plus favorable que le participant car il n’est pas professionnel et
donc il ne pouvait anticiper les disfonctionnements. Il s’agit là d’une responsabilité fondée sur la
défaillance, la négligence de la personne publique dans l’exécution du travail public ou dans
l’entretient de l’ouvrage. Mais, encore faut-il que la victime soit un usager.

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2.a. La notion d’usager :

La notion d’usager vise la personne qui subit un dommage à l’occasion de l’utilisation d’ouvrage
public et elle vise également le bénéficiaire de travaux publics (exemple des étudiants ou
enseignants d’un établissement universitaire).

La jurisprudence fait une interprétation large de la notion d’usager. Les difficultés sont nées des
dommages trouvant leur causes dans des ouvrages incorporaient à la voie publique (exemple d’une
canalisation dans le sol). Le passant qui circule sur la voie publique est-il tiers ou usager par rapport à
cette canalisation ? La réponse logique est que la victime est usager de voie publique et tiers par
rapport à la canalisation. Du coup le juge a considéré que dès que la victime est usager de la voie, elle
y est également de l’ouvrage public qui y est incorporé. Il en va de même si l’accident est du à un
accessoire de la voie publique tel qu’un arbre bordant la chaussée.

La situation de l’usager irrégulier a connu un revirement de jurisprudence. Longtemps, la personne


qui utilisait l’ouvrage sans y avoir été autorisé, était considérée comme un tiers. Sauf que cal venait à
lui accorder un régime de responsabilité plus favorable qu’à l’usager régulier. On a fini par assimiler
l’usager irrégulier à un usager régulier par l’arrêt du Conseil d’Etat de 1964 PIQUET. Cette
jurisprudence s’appliquer par exemple à des particuliers qui pénètrent sur un chantier sans
autorisation.

Pour distinguer l’usager du tiers, le juge mène une appréciation casuistique, au cas par cas, ce qui
ressort de l’arrêt du Conseil d’Etat de 1971 VILLE DE FREJUS relatif au barrage de Malpasset. La ville
de Fréjus va intenter un recours en responsabilité contre le département du Var et l’Etat. Selon le
Conseil la ville est usager pour les dommages causés à son réseau de distribution d’eau. A l’inverse, la
ville est tiers par rapport au barrage pour les dommages causés aux autres biens publics.

2.b. Le régime de responsabilité applicable :

Ce régime de responsabilité décharge la victime d’apporter la preuve de la faute et cela impose à


l’administration de prouver qu’elle a entretenue normalement l’ouvrage.

La jurisprudence abonde d’exemples, notamment en matière de voirie routière. Par exemple,


l’administration est responsable si des creux profonds dans la voirie ou le dérèglement de feux de
circulation ont provoqués des dommages. Si l’ouvrage est exceptionnellement dangereux, le juge
applique la responsabilité sans faut pour risque (arrêt du Conseil d’Etat DALLEAU de 1973). Le Conseil
d’Etat exerce sont contrôle sur la qualification juridique d’ouvrage exceptionnellement dangereux.
Par contre, le juge de cassation s’abstient de contrôler l’appréciation du défaut d’entretient normal
qui relève exclusivement des juges du fond.

3. Une responsabilité sans faute à l’égard du tiers :

Ce régime de responsabilité est apparu dans les années 1950 et il est sans faute car la victime ne tire
aucun bénéfice de l’ouvrage et donc elle bénéficie d’une protection plus efficace. Elle devra prouver
le lien de cause à effet entre l’ouvrage public ou le travail public, et le dommage. En outre, le
préjudice doit être anormal et spécial. La doctrine a longtemps fondé ce régime sur le risque.
Cependant, dans deux arrêts de 2006 du Conseil d’Etat MINISTRE DE L’ECOLOGIE et COMMUNE DE
BOLLENE ce dernier précise que le maître d’ouvrage est responsable même en l’absence de faut des

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dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison de leur
existence ou de leur fonctionnement.

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