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Pour la sortie d’un bien du domaine public artificiel, la procédure utilisée est celle
du déclassement en droit domanial sénégalais (Article 19 du CDE) et celle de la
désaffectation et du déclassement en France (Article L.2141-1 du CGPPP).
Le déclassement désigne un acte, administratif le plus souvent et législatif parfois,
par l’effet duquel un bien appartenant au domaine public pouvait en être
volontairement soustrait pour devenir ou redevenir un bien ordinaire susceptible
d’aliénation. La désaffectation quant à elle désigne la non utilisation du bien par
le public ou le service public.
Au Sénégal, l’article 19 du CDE dispose : « Sous réserve des dispositions du
troisième alinéa du présent article, les dépendances du domaine public peuvent
être déclassées […] ». Il ressort de cette disposition que c’est le déclassement qui
opère la fin de l’appartenance d’un bien au domaine public. Autrement dit, la
sortie d’un bien du domaine public artificiel ne peut être que la conséquence d’un
acte formel de déclassement. Ce dernier constitue un acte qui fait sortir un bien
du domaine public pour le verser soit dans le domaine privé de la personne
publique propriétaire, soit dans le domaine national. Ainsi, le déclassement fait
quitter le bien d’un régime de protection très rigoureux vers un régime de
protection de droit commun.
La lecture de l’article 19 du CDE ne laisse pas apparaître que l’acte de
déclassement doit être précédé d’une désaffectation de fait. Le législateur
sénégalais se limite à la seule édiction d’un acte juridique de déclassement (un
décret du président de la République) pour faire cesser l’appartenance d’un bien
au domaine public de l’État. Ainsi, une simple désaffectation ne suffit pas à
enlever à un immeuble son caractère de domanialité publique. De même, il n’est
pas besoin d’une désaffectation pour que soit pris un acte formel de
déclassement. En conséquence, un bien peut toujours être utilisé par le public ou
le service public et faire l’objet d’un déclassement.
En droit domanial français, l’article L.2141-1 du CGPPP consacre : « un bien d’une
personne publique mentionnée à l’article L.1, qui n’est plus affecté à un service
public ou à l’usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter
de l’intervention de l’acte administratif constatant son déclassement ». On en
déduit que la sortie du domaine public en France passe en principe par une
procédure en deux phases : la désaffectation et le déclassement. On exige ici la
double condition de désaffectation et de déclassement de la dépendance
domaniale. Autrement dit, la non utilisation du bien par le public ou le service
public, c'est-à-dire la désaffectation ne suffit pas à enlever à cette dépendance
son caractère de domanialité publique, il faut impérativement l’intervention d’un
acte formel de déclassement. Le juge administratif français l’a rappelé dans son
arrêt SCP Mercadier et Krantz du 7 mai 2012 en décidant qu’un bien désaffecté,
mais qui n’a pas fait l’objet d’un déclassement demeurait une dépendance du
domaine public. De même, la seule édiction d’un acte de déclassement non
précédé d’une désaffectation de fait ne permet pas d’enlever à un immeuble son
caractère de domanialité publique. Le juge considère dans ce cadre que l’acte de
déclassement est illégal du fait que le bien en cause était toujours affecté à
l’utilité publique (CE, 1er février 1995, Préfet de la Meuse ). Il en résulte donc
qu’en droit français, la désaffectation de fait à elle seule ne suffit pas, et le
déclassement à lui seul ne suffit pas non plus ; il faut impérativement la présence
des deux.
Il faut préciser que cette double condition de la désaffectation et du
déclassement connaît des assouplissements en droit français. Il y a en premier
lieu ce que l’on appelle le « déclassement législatif » qui renvoie à l’intervention
directe du législateur pour prononcer le déclassement, alors même que la
désaffectation n’a pas encore été décidée. C’est une technique utilisée en France
afin de permettre une plus grande souplesse dans la gestion du domaine public.
Ainsi, le législateur peut procéder au déclassement de biens appartenant au
domaine public sans que ces derniers soient désaffectés. C’est le cas par exemple
pour les biens de la Poste, de France Télécom, ou de Aéroports de Paris. Le
déclassement législatif est aussi utilisé en ce qui concerne les biens mobiliers
appartenant au domaine public. Il en ainsi par exemple des nombreuses lois
adoptées ces dernières années en France pour restituer les biens culturels spoliés
notamment aux pays africains lors de la colonisation. Les lois en question ont pour
effet de sortir ces biens du domaine public afin de pouvoir légalement les
restituer. Il y a en deuxième lieu ce que l’on appelle le « déclassement par
anticipation » prévu à l’article L. 2141-2 du CGPPP qui consacre la possibilité de
déclassement d'un immeuble appartenant au domaine public artificiel alors
même que les nécessités du service public ou de l'usage direct du public justifient
que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l'acte de
déclassement.
B/ LA SORTIE D’UN BIEN DU DOMAINE PUBLIC NATUREL
Un bien sort du domaine public naturel de la même façon qu’il y est entré, c'est-
à-dire indépendamment de la volonté de la personne publique propriétaire. En
effet, c’est la disparition des phénomènes naturels qui avaient justifié son
incorporation au domaine public qui engendre sa sortie de ce domaine. Par
exemple, si un cours d’eau quitte définitivement son lit, il n’appartient plus au
domaine public.
Toutefois, il peut arriver que des biens du domaine public naturel ne répondant
plus aux exigences de la domanialité publique et demeurent des dépendances du
domaine public. Il en est ainsi par exemple des rivages qui cessent d’être
submergés par la marée et des terrains artificiellement soustraits à l’action des
flots. On peut noter également que les cours d’eau qui cessent d’être navigables
ou flottables continuent d’appartenir au domaine public s’ils sont maintenus sur
la liste des dépendances fluviales du domaine public.
A côté de la disparition des phénomènes naturels, il peut arriver que la sortie d’un
bien du domaine public naturel se fasse par un acte formel de déclassement
comme pour la sortie des biens du domaine public artificiel. C’est le cas au
Sénégal avec l’article 19 du CDE. Ce dernier retient que peuvent être déclassées
la zone de 100 m de large en bordure des rivages de la mer, la zone de 25 m de
large en bordure des cours d’eau navigables ou flottables et la zone de 10 m de
large en bordure des rives des cours d’eau non navigables ni flottables. Ainsi, ces
biens perdent leur appartenance au domaine public non pas parce qu’ils ne
peuvent plus, d’après leur nature, en faire partie, mais du seul fait d’un acte de
déclassement. Ce qui constitue une remise en cause du principe selon lequel
seule la cessation d'un phénomène naturel peut entraîner celle de l’appartenance
d’un au domaine public naturel.