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Objet d’étude : le théâtre, texte et représentation

Lecture cursive : Eschyle : Agamemnon (458 av J.C.) manuel, pages 154-155

Note d’analyse : le rôle du Chœur

L’extrait se présente sous la forme d’un dialogue polyphonique, à dimension délibérative, où


s’opposent deux attitudes, deux positions face à l’action en cours (cf. champs lexicaux dominants :
« attendre et délibérer » d’une part, « agir » de l’autre) : certains choreutes se réfugient dans l’expectative,
la prudence, d’autres en appellent à la révolte, à l’insurrection. Cette structure, qui donne la parole à
chacun des choreutes et met l’accent sur leurs dissensions internes, est très originale - et unique dans le
corpus des tragédies conservées (d’ordinaire, seul le Coryphée prend la parole et s’exprime unanimement,
au nom de tous les membres du Chœur.)

Elle nous informe sur l’identité et le rôle du Chœur dans la tragédie grecque antique. Les personnages qui
le constituent sont en général de simples « citoyens » (ici, dans l’Agamemnon d’Eschyle, les didascalies
les désignent comme des « vieillards affaiblis »). Ils ne participent jamais directement à l’action
dramatique (la vieillesse des choreutes est ici symbolique de leur impuissance à intervenir dans le cours
des évènements, à en modifier le déroulement), mais ils la commentent et expriment les sentiments
qu’elle éveille en eux.

Le Chœur, sur scène, est donc d’abord l’incarnation des citoyens eux-mêmes ; il est l’image de la Cité.
Ainsi, face aux enjeux du régicide en cours (cf. vers 14 : « ce n’est là qu’un début, l’annonce de la
tyrannie qu’ils préparent à la Cité »), le Chœur se divise et reflète les désaccords, les divergences qui
fracturent généralement l’opinion publique lors d’évènements politiques graves (par exemple, lors d’un
coup d’Etat). Dans ce passage, le Coryphée fait en fin de compte pencher la balance du côté de
l’attentisme (cf. ligne 29).
D’une façon générale, les tragédies grecques (cf. également l’Antigone de Sophocle) « mettent en scène »
la vie politique de la Cité, interrogent son fonctionnement, les rapports des individus avec l’Etat.

Le Chœur est par ailleurs le miroir du public qui assiste au spectacle : il exprime, il traduit, il « met en
mots » toutes les émotions que les spectateurs sont susceptibles d’éprouver, toutes les réactions
possibles face à l’évènement : la crainte, l’indignation, la colère, la pitié… C’est une sorte de « chambre
d’écho » émotionnelle, qui verbalise le ressenti du public ou bien qui « guide » ces émotions. Cf. registre
lyrique (= expression de sentiments personnels), marqué par l’emploi dominant des marques de 1ère
personne, et forte modalisation des propos (ponctuation expressive / emploi d’un lexique dépréciatif).

Il contribue ainsi au fonctionnement cathartique de la tragédie. (cf. fiche définition de la « catharsis »).

Le Chœur dans la
mise en scène de
Peter Stein (1994)

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