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1-Antonin ARTAUD :
Le théâtre de la cruauté c’est en quelque sorte ce que ARTAUD appelle la
« création totale », p. 143. La cruauté n’implique pas des meurtres ou des tortures sur
scène ; elle est un langage : « Cris, plaintes, apparitions, surprises, coups de
théâtre de toutes sortes, beauté magique des costumes pris à certains modèles
rituels, resplendissement de la lumière, beauté incantatoire des voix, charme de
l’harmonie, notes rares de la musique, couleurs des objets, rythme physique des
mouvements… apparitions concrètes d’objets neufs et surprenants, masques,
masques, mannequins de plusieurs mètres, changements brusques de lumière,
action physique de la lumière qui éveille le chaud et le froid. » C’est ce qu’il
appelle aussi un théâtre « métaphysique » par opposition au théâtre psychologique.
C’est un théâtre d’idées pas de sentiments qui touchent à des préoccupations
métaphysiques : Création, Chaos, Devenir… Le but est de réveiller « nerfs et cœur ».
Le langage « physique » : «…le sens d’un nouveau langage physique à base de
signes et non plus de mots. » p. 83 : « une sorte de langage unique à mi-chemin entre
le geste et la pensée ».
Le metteur en scène et l’acteur sont un seul « Créateur unique », p. 144.
La salle et la scène doivent être un seul espace.
2- Bertolt BRECHT :
Dans Écrits sur le théâtre, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2000,
BRECHT oppose le « théâtre épique » au « théâtre dramatique » dit aussi
« aristotélicien ». Pour le dramaturge allemand, compte tenu des bouleversements que
le monde a connu après la Première Guerre mondiale, il était inconcevable de
continuer à faire un théâtre où l’individu se bat contre des puissances extérieures.
L’individu est désormais pris dans de grandes machinations collectives, d’où la
nécessité d’un théâtre qu’il appelle « épique ». La notion-clé dans ce nouveau théâtre
est la « distanciation ». Cette dernière bat en brèche un des fondements du théâtre
aristotélicien, à savoir l’identification entre l’acteur et le spectateur. Il voulait sortir ce
dernier de sa passivité, le détacher du spectacle, lui permettre d’avoir un regard
critique. Pour cela, le dramaturge peut recourir à des artifices ou des stimulateurs pour
briser le charme exercé généralement par l’action dramatique et maintenir le spectateur
en éveil : des bouts de films, reportage, documents, « songs », slogans… L’acteur lui-
même est appelé à prendre distance du personnage qu’il interprète ; il doit pouvoir le
regarder de temps à autre. Il appelle cette nouvelle façon de faire : « douches froides
pour les âmes sensibles ».
Quelques traits définissant la différence entre le théâtre dramatique et le théâtre
épique :
Forme dramatique / Forme épique
La scène "incarne" un événement / Elle narre
Implique le spectateur dans une action / Fait de lui un observateur
Épuise son activité intellectuelle / Éveille son activité intellectuelle
Lui est occasion de sentiments / L’oblige à des décisions
L'homme est immuable / L’homme transforme et se transforme
5- Le théâtre de l’absurde :
Albert CAMUS évoque « une sensibilité absurde ». L’absurde n’est pas dans le
monde ; il est dans la confrontation entre l’homme et le monde : « Le monde en lui
n’est pas raisonnable, c’est tout ce qu’on peut dire. Mais ce qui est absurde, c’est la
confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l’appel résonne au
plus profond de l’homme. » Le Mythe de Sisyphe, Éditions Gallimard, Coll. Idées
NRF, 1942, p. 37.
Face à l’extrême (guerres, injustices, haines, menace de destruction totale,
racismes…), l’homme peine à trouver une explication et surtout à changer le cours des
choses. CAMUS encore une fois : « […] cet univers indicible où règnent la
contradiction, l’antinomie, l’angoisse ou l’impuissance. » Ibid., p. 39.
Le théâtre de l’absurde est le plus populaire parmi les mouvements d’avant-garde.
Héritiers spirituels d'Alfred JARRY, des dadaïstes et des surréalistes, influencés par
les théories existentialistes d’Albert CAMUS (Caligula – l’obsession de l’impossible –
et de Jean PAUL-SARTRE), les dramaturges de l’absurde voient, selon d’Eugène
IONESCO, « l’homme comme perdu dans le monde, toutes ses actions devenant
insensées, absurdes, inutiles»).
Rendu célèbre par Eugène Ionesco (La Cantatrice
chauve, 1951 ; Rhinocéros, 1959), Arthur ADAMOV (L’Invasion, 1950 ; Le
Professeur Taranne, 1953) et Samuel BECKETT (En attendant Godot, 1952), le
théâtre de l’absurde tend à éliminer tout déterminisme logique. Il conteste le pouvoir
de communication du langage ; réduit les personnages à des archétypes égarés dans un
monde anonyme et incompréhensible. Ce mouvement connaît son apogée dans les
années 1950, mais prolonge son influence jusque dans les années 1970.