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Mde 240072002 Fra
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DOCUMENT PUBLIC
SYRIE
Répression de la liberté d'expression :
L'incarcération d'opposants pacifiques
DOCUMENT PUBLIC
Londres, juin 2002
SYRIE
Répression de la liberté d'expression :
L'incarcération d'opposants pacifiques
Résumé *
Le présent rapport est consacré aux préoccupations d'Amnesty International
quant à l'augmentation manifeste des arrestations arbitraires motivées par des
considérations politiques constatée en Syrie depuis la fin de 2000. Parmi les
personnes arrêtées figurent des membres du Parlement, des figures de proue
de l'opposition ainsi que des militants au sein de groupes de la société civile
et du mouvement naissant en faveur des droits humains. Ce document expose
le cas de 12 prisonniers d'opinion – c'est-à-dire des personnes détenues
simplement pour avoir exprimé leurs convictions ou exercé leurs droits
internationalement reconnus à la liberté d'expression et d'association –
actuellement incarcérés dans les prisons syriennes.
Après son élection à la présidence, Bachar el Assad a évoqué la nécessité d'une
réforme et de critiques constructives et les autorités syriennes ont tacitement
accordé une certaine marge de liberté d'expression dans le pays. Ce nouveau
climat d'ouverture, connu sous le nom de Printemps de Damas, a entraîné la
création de forums de discussions au sein desquels des questions publiques,
politiques et culturelles ont été débattues. Ces « mouvements en faveur de la
démocratie » avaient pour objectif d'œuvrer en vue d'une réforme politique et
d'une participation effective de la population au processus de prise de décision
ainsi que de promouvoir la liberté d'expression et d'association en Syrie.
Pendant les années 90, les autorités syriennes ont libéré des milliers de prisonniers
politiques à la faveur d'amnisties présidentielles ou à l'expiration de leurs
peines d'emprisonnement. Amnesty International a accueilli favorablement, en
novembre 2000, l'annonce de la remise en liberté de quelque 600 prisonniers politiques.
* La version originale en langue anglaise du document résumé ici a été publiée par Amnesty International,
Secrétariat international, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le titre
Syria. Smothering freedom of expression: the detention of peaceful critics. La version française
a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDITIONS
FRANCOPHONES D'AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI - juillet 2002.
Vous trouverez les documents en français sur LotusNotes, rubrique ÉFAI – IS documents.
Vous pouvez également consulter le site Internet des ÉFAI : www.efai.org
SYRIE. Répression de la liberté d'expression : l'incarcération d'opposants pacifiques MDE 24/007/02 - ÉFAI -
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AMNESTY INTERNATIONAL ÉFAI
Index AI : MDE 24/007/02
DOCUMENT PUBLIC
Londres, juin 2002
SYRIE
Répression de la liberté d'expression :
L'incarcération d'opposants pacifiques
SOMMAIRE
Introduction 2
Le contexte 2
Conclusion et recommandations 14
SYRIE. Répression de la liberté d'expression : l'incarcération d'opposants pacifiques MDE 24/007/02 - ÉFAI -
Introduction
L'une des principales préoccupations qu'Amnesty International expose dans le
présent rapport concerne l'augmentation manifeste des arrestations arbitraires
motivées par des considérations politiques constatée en Syrie depuis la fin
de 2000. On trouve parmi les personnes arrêtées des membres du Parlement, des
figures de proue de l'opposition ainsi que des militants de groupes de la société
civile et du mouvement naissant en faveur des droits humains. Ce document
expose le cas de 12 prisonniers d'opinion (c'est-à-dire des personnes détenues
simplement pour avoir exprimé leurs convictions ou exercé leurs droits
internationalement reconnus à la liberté d'expression et d'association)
actuellement incarcérés dans les prisons syriennes1.
Les cas exposés dans le présent rapport relèvent de trois catégories :
a) les 10 prisonniers d'opinion interpellés en août et en septembre 2001 et détenus
depuis leur arrestation dans la prison d'Adhra. Deux d'entre eux ont été
renvoyés devant une juridiction pénale et condamnés en mars et en avril 2002 ;
les autres ont été renvoyés devant la Cour suprême de sûreté de l'État ;
b) un prisonnier d'opinion arrêté en 2000 après avoir été renvoyé en Syrie contre
son gré. Il est détenu dans la prison de Saidnaya et a également été condamné
par la Cour suprême de sûreté de l'État ;
c) un prisonnier d'opinion détenu depuis 1992 dans la prison de Saidnaya et qui
purge une lourde peine d'emprisonnement prononcée par la Cour suprême
de sûreté de l'État à l'issue d'un procès inéquitable.
Amnesty International a exprimé dans des déclarations publiques son inquiétude
devant l'arrestation et le placement en détention de ces personnes, qu'elle
considère comme des prisonniers d'opinion et dont elle a réclamé la libération
immédiate et sans condition. Elle a également déploré que ces prisonniers
d'opinion, qui n'auraient pas dû être incarcérés, soient soumis à d'autres injustices,
comme des procès iniques devant la Cour de sûreté de l'État et devant des
juridictions pénales ; certains d'entre eux ont en outre été torturés et maltraités.
Le contexte
Amnesty International, qui fait campagne depuis des années pour le respect des
droits humains en Syrie, exprime régulièrement sa préoccupation à propos du
recours à la torture, de l'arrestation arbitraire et de l'incarcération prolongée de
prisonniers d'opinion, ainsi que des procès inéquitables de prisonniers politiques,
des « disparitions » et des exécutions extrajudiciaires.
L'organisation a soumis ses sujets de préoccupation aux autorités syriennes dans
des lettres confidentielles ainsi que dans des rapports et des déclarations
publiques et lors de visites en Syrie. Pendant les années 80, les autorités syriennes
1. Pour Amnesty International, le terme « prisonnier d'opinion » désigne toute personne détenue,
ou soumise à une autre forme de contrainte physique, du fait de ses convictions politiques ou religieuses
ou pour toute autre raison de conscience ou du fait de son origine ethnique, de son sexe, de sa couleur,
de sa langue, de sa nationalité ou de son origine sociale, de sa situation économique, de sa naissance
ou de toute autre situation, et qui n'a pas usé de violence ni préconisé son usage.
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2. L'article 4-a du décret-loi 51, promulgué le 22 décembre 1962 et entré en vigueur à la suite
d'une décision du Commandement révolutionnaire le 8 mars 1963, permet « l'imposition de restrictions
à la liberté des personnes concernant les réunions, la résidence, les déplacements et le passage par des lieux
précis ou à des moments précis, [ainsi que] l'arrestation à titre préventif de tout individu soupçonné de mettre
en danger la sécurité et l'ordre public, l'autorisation de mener des enquêtes sur des personnes et des lieux
et la désignation de tout individu pour effectuer l'une ou l'autre de ces tâches ».
3. La révolution mentionnée est celle du 8 mars 1963, date à laquelle le parti Baas a pris le pouvoir en Syrie.
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Habib Isa, avocat âgé de cinquante-cinq ans, et Fawwaz Tello, ingénieur, ont été
arrêtés le 12 septembre par des membres d'al Amn al Siyassi au cours de l’opération
de répression dirigée contre les militants d'opposition et les membres du
mouvement naissant en faveur des droits humains. Habib Isa aurait été interpellé à
son domicile de Damas à l'aube du 12 septembre. Il est membre fondateur de
l'Association des droits humains et l'un des avocats qui assistaient le député Riad
Seif, arrêté le 6 septembre (voir plus haut). Les deux hommes ont été maintenus au
secret et à l'isolement pendant les semaines qui ont suivi leur arrestation. Comme
les autres personnes arrêtées dans les mêmes circonstances, Habib Isa et Fawwaz
Tello ont été autorisés à rencontrer leurs familles en novembre 2001.
Amnesty International est préoccupée par les informations selon lesquelles ces
prisonniers d'opinion seraient privés de journaux, de livres et de postes de radio.
Ils ne sont autorisés à rencontrer leurs proches que pendant une demi-heure
tous les quinze jours.
Tous ces détenus, hormis les deux députés Riad Seif et Mamun al Humsi, ont été
renvoyés devant la Cour suprême de sûreté de l'État pour « tentative visant à
modifier la Constitution par des moyens illégaux », « incitation aux dissensions
raciales et aux troubles confessionnels » et diffusion de fausses nouvelles.
Ils doivent être jugés par cette juridiction ; s'ils sont reconnus coupables, ils seront
passibles de peines maximales de cinq ans d'emprisonnement.
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Huit prisonniers d'opinion – Riad al Turk, Aref Dalilah, Walid al Bunni, Labwani,
Habib Salih, Hasan Saadun, Habib Isa et Fawwaz Tello – ont été déférés à la Cour
suprême de sûreté de l'État. Riad al Turk a comparu pour la première fois devant
cette juridiction le 28 avril 2002 puis le 19 mai 2002, date à laquelle l'audience s'est
déroulée à huis clos. L'audience suivante était prévue le 27 mai. Aucune date n'a été
fixée pour les procès des autres détenus. Amnesty International déplore que les
procès qui se déroulent devant la Cour suprême de sûreté de l'État n'appliquent pas
les garanties énoncées par les normes internationales relatives à l'équité des procès
et qu'ils soient, dans bien ces cas, des plus iniques. Les décisions de la Cour
suprême de sûreté de l'État ne sont pas susceptibles d'appel.
Entre 1992 et 1994, puis en 1997, des délégués d'Amnesty International ont
observé des procès de prisonniers politiques qui se déroulaient devant la Cour
suprême de sûreté de l'État. À cette occasion, entre autres, ils ont pu s'entretenir
avec des juges et des procureurs de cette juridiction ainsi qu'avec des avocats qui
avaient plaidé devant la Cour et des anciens prisonniers d'opinion qui lui avaient
été déférés. L'organisation a également examiné des documents, notamment des
actes d'accusation et des arrêts rendus par la Cour ou concernant des affaires
examinées par celle-ci. Au vu des éléments recueillis au fil des ans, Amnesty
International est préoccupée par le fait que les procès qui se déroulent devant la
Cour suprême de sûreté de l'État violent les normes d'équité internationalement
reconnues et ne respectent ni les dispositions de la législation syrienne ni la
pratique suivie par les tribunaux syriens ordinaires. La Cour, instituée en 1968,
et qui a, dès le début, été conçue comme une institution de l'état d'urgence ayant
pour seule tâche de juger les affaires politiques et relevant de la sûreté de l'État,
semble n'être ni indépendante ni impartiale.
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précis. L'organisation n'a connaissance d'aucun cas dans lequel la Cour a pris
des mesures pour établir si les aveux ou les déclarations avaient été obtenus
à la suite d'actes de torture.
L'impossibilité d'interjeter appel des décisions rendues par la Cour suprême de
sûreté de l'État ou même de former un pourvoi en cassation, en violation des
dispositions de l'article 14-5 du PIDCP qui prévoit que « toute personne déclarée
coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure
la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi. »
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Hussain Daoud, qui était détenu depuis décembre 2000, a été condamné
le 20 mars 2002 par la Cour suprême de sûreté de l'État à deux ans
d'emprisonnement à l'issue d'un procès inéquitable. Cet homme a été accusé
conformément à l'article 267 du Code pénal et à l'article 3 du décret-loi n° 6
de 1965 d'« avoir participé à une tentative de sécession d'une partie du
territoire syrien » et de « s'être opposé aux objectifs de la révolution en prenant
part à des manifestations ». Ces accusations étaient apparemment liées à ses
activités au sein de groupes kurdes d'opposition en exil que les autorités
syriennes considèrent comme des organisations séparatistes ayant pour objectif
de diviser le pays. Dans une lettre adressée à Amnesty International le 6 février,
les autorités syriennes ont affirmé que Hussain Daoud était lié au Parti
de l'union populaire kurde, qui est interdit en Syrie.
Riad al Turk a été interrogé le 13 septembre 2001 par le procureur général près la
Cour suprême de sûreté de l'État pour « tentative visant à modifier la Constitution
par des moyens illégaux » (art. 291 du Code pénal), « incitation aux dissensions
raciales et aux troubles confessionnels » (art. 285) et « diffusion de fausses
informations » (art. 286). Renvoyé devant la Cour le 26 mars 2002, il a comparu
pour la première fois devant cette juridiction le 28 avril 2002. La deuxième
audience s'est déroulée à huis clos le 19 mai 2002 et une troisième audience était
prévue le 27 mai. Amnesty International a appris que les sept autres prisonniers
d'opinion – Aref Dalilah, Walid al Bunni, Kamal al Labwani, Habib Salih, Hasan
Saadun, Habib Isa et Fawwaz Tello – avaient également été renvoyés devant la
Cour suprême de sûreté de l'État, mais aucune date n'avait été fixée pour leurs
procès au moment de la rédaction du présent document.
Conclusion et recommandations
Dans le présent rapport, Amnesty International exprime sa préoccupation à
propos de l'arrestation arbitraire et du placement en détention de prisonniers
d'opinion qui sont systématiquement déférés, alors qu'ils n'ont commis aucune
infraction pénale prévue par la loi, devant des tribunaux appliquant une procédure
ne respectant pas les normes internationales d'équité. L'organisation appelle les
autorités syriennes à prendre sans délai des mesures en vue de mettre en œuvre
les recommandations suivantes :
A. remettre en liberté immédiatement et sans condition tous les prisonniers
d'opinion, et notamment Riad al Turk, Mamun al Humsi, Riad Seif, Aref
Dalilah, Walid al Bunni, Kamal al Labwani, Habib Salih, Hasan Saadun,
Habib Isa, Fawwaz Tello, Hussain Daoud et Abd al Aziz al Khayyir.
B. mettre les procédures suivies par la Cour suprême de sûreté de l'État et les
juridictions pénales en conformité avec les normes d'équité des procès
énoncées par le PIDCP auquel la Syrie est partie.
C. mettre en œuvre les recommandations adressées en avril 2001
au gouvernement syrien par le Comité des droits de l'homme.
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Par ailleurs, l'organisation exhorte les autorités à introduire des garanties en vue
de protéger les droits humains. Le gouvernement devrait :
A. introduire une législation prévoyant l'accès à des voies de recours légales afin de
permettre aux détenus de contester le bien-fondé de leur maintien en détention et
garantissant le droit d'interjeter appel devant une instance supérieure de la
déclaration de culpabilité et de la peine prononcée dans tous les cas,
sans exception, conformément aux dispositions de l'article 9-4 du PIDCP ;
B. veiller à ce que tous les détenus soient bien traités et qu'ils ne soient pas
torturés ou maltraités par des membres des forces de sécurité syriennes ;
C. ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants sans émettre aucune réserve et en appliquer
les dispositions ;
D. s'assurer que les personnes détenues ou emprisonnées peuvent rapidement et
régulièrement par la suite entrer en contact avec leur famille, leur avocat ou un
médecin sans restriction ;
E. appliquer les traités internationaux relatifs au traitement des prisonniers et aux
conditions carcérales, et notamment l'Ensemble de règles minima pour le
traitement des détenus et l'Ensemble de principes pour la protection de
toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention
ou d'emprisonnement ;
F. veiller à ce que la législation en vertu de laquelle les prisonniers d'opinion sont
incarcérés soit mise en conformité avec les articles 18 à 22 du PIDCP qui
garantissent le droit à la liberté d'opinion, d'expression, de réunion et
d'association et le droit d'exercer ces libertés sans restriction injustifiée.
La version originale en langue anglaise de ce document a été publiée par Amnesty International, Secrétariat
international, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le titre Syria . Smothering freedom
of expression: the detention of peaceful critics.
La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par
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