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Lois scélérates

Les « lois scélérates » sont une série de lois votées en France sous la Troisième
République. Elles visaient à réprimer le mouvement anarchiste, responsable de
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nombreux attentats durant les années précédentes . L'expression fut notamment
popularisée par Francis de Pressensé, Émile Pouget et Léon Blum (qui signe
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« un juriste ») dans un pamphlet publié en 1899, Les Lois Scélérates de 1893-
1894.

Sommaire
Contexte
Le contenu des lois « scélérates »
Le discours de Jaurès d'avril 1894
La position de Léon Blum
Une application impitoyable
Abrogation
Les Lois scélérates de 1893-1894,
Notes et références Francis de Pressensé, Émile Pouget
Voir aussi et Léon Blum, Éditions de La Revue
Articles connexes Blanche, 1899.
Sources et bibliographie
Radio

Contexte
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Les « lois scélérates » sont votées à la suite de nombreux attentats anarchistes sur le territoire français.

C'est à partir de 1881 que la propagande par le fait est mise en avant et favorisée au sein du mouvement anarchiste. En
Allemagne, l'empereur Guillaume Ier est victime de deux tentatives d'assassinat de la part d'anarchistes. Le chancelier Otto von
Bismarck prend prétexte de ces événements pour faire promulguer par le Reichstag des lois « anti-socialistes ». De même, en
Russie, le tsar Alexandre II est assassiné par un groupuscule anarchiste, Narodnaïa Volia (« La liberté du peuple »), le
13 mars 1881. En réaction à cela, son fils et successeur, Alexandre III, ordonne la création d'une nouvelle police de sécurité,
l'Okhrana.

Mis à part quelques faits isolés, c'est à partir de 1892 que commence la véritable période des attentats qui visent à déstabiliser le
pouvoir en attaquant directement ses détenteurs. C'est une série d'attentats à la bombe, perpétrés par Ravachol à partir du
11 mars 1892, qui déclenche la vague de terrorisme anarchiste.

Le 9 décembre 1893, Auguste Vaillant lance une bombe de la tribune à la chambre des députés, puis le 24 juin 1894 le président
de la République Sadi Carnot est assassiné à Lyon par un jeune anarchiste italien, Sante Geronimo Caserio. Ces événements
suscitent l'inquiétude de l'opinion publique et de la presse, des journaux républicains radicaux aux feuilles conservatrices, qui en
appellent à des mesures d'exception.
Le contenu des lois « scélérates »
Une série de trois lois est votée dans l'urgence afin de
lutter contre ces actions anarchistes qui visaient à
déstabiliser des pans de la société : « Je ne connaissais pas ces
gens-là, au moment du vote.
1. Le 11 décembre 1893, soit deux jours après
l'attentat d'Auguste Vaillant visant les députés, Manifestement, je consacrerai
c'est Antonin Dubost (1844-1921), Garde des tous mes efforts pour faire
sceaux dans le Gouvernement de Jean abolir ces lois »
Casimir-Perier qui soumet à la Chambre des
députés un ensemble de mesures pour — Ludovic Trarieux, Président de
sauvegarder « la cause de l’ordre et celle des
libertés publiques ». C'est une modification de la Ligue des Droits de l'Homme, À
la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui ne propos des lois scélérates qu'il
punissait que la provocation directe ; désormais
avait fait voter en 1894 (Conférence
la provocation indirecte, l'apologie, est elle 4
aussi punie et un juge peut ordonner la saisie et de 1898) .
l'arrestation préventive. Le texte de la première
des trois « lois scélérates » est adopté le
12 décembre 1893 par 413 voix contre 63.
2. La seconde loi est discutée le 15 décembre, à peine quatre jours après avoir été déposée. Elle concerne les
associations de malfaiteurs et vise particulièrement les groupes anarchistes, alors nombreux et très actifs. C'est
une loi qui vise à pouvoir inculper tout membre ou sympathisant sans faire de distinction. Elle encourage
également à la délation : « Les personnes qui se seront rendues coupables du crime, mentionné dans le présent
article seront exemptes de peine si, avant toute poursuite, elles ont révélé aux autorités constituées l’entente
établie ou fait connaître l’existence de l’association. » Elle est votée le 18 décembre 1893.
3. La troisième loi, votée le 28 juillet 1894, est sans doute la plus marquante pour les anarchistes puisqu'elle les
vise directement, en les nommant et en leur interdisant tout type de propagande. C'est à la suite de cette loi que
de nombreux journaux anarchistes comme Le Père peinard, qui avait déjà été saisi avant, sont interdits. Cette loi
permet une véritable chasse aux sorcières, des milliers de perquisitions et d'arrestations débouchent, notamment
sur le Procès des Trente.

Le discours de Jaurès d'avril 1894


À l'occasion de la découverte de fonds venant de haut lieu chez un anarchiste, de retour de Carmaux où des grèves ont eu lieu
depuis 1892, Jaurès se lance dans un discours à la Chambre, le 30 avril 1894, où il dénonce la politique répressive du
gouvernement ; la censure du Père peinard, « consacré presque tout entier à injurier les députés socialistes » ; le « deux poids
deux mesures » qu'illustre la censure imposée aux journaux et aux députés socialistes, tandis que sont tolérés les discours
également contestataires de certains catholiques (Albert de Mun, l'article « La Bombe » dans La Croix de Morlay, les articles de
La Croix ou l'article du Père Marie-Antoine publié dans L'Univers puis dans L’En-dehors et titré « Le Christ et la Dynamite ») ;
enfin, l'usage des agents provocateurs :

« C’est ainsi que vous êtes obligés de recruter dans le crime de quoi surveiller le crime, dans la misère de quoi
surveiller la misère et dans l’anarchie de quoi surveiller l’anarchie. (Interruptions au centre. — Très bien ! très
bien ! à l’extrême gauche.)

Et il arrive inévitablement que ces anarchistes de police, subventionnés par vos fonds, se transforment parfois
— comme il s’en est produit de douloureux exemples que la Chambre n’a pas pu oublier — en agents
5
provocateurs . »

Et d'évoquer un certain Tournadre, actif lors des grèves de 1892, qui avait proposé aux ouvriers de Carmaux des fonds pour
acheter de la dynamite et éventuellement de s'enfuir ensuite en Angleterre: or, selon Jaurès, alors que Tournadre avait répondu
aux ouvriers qu'il avait des « amis capitalistes à Paris », les perquisitions menés chez Tournadre à Carmaux avaient mené à la
6, 5
découverte de deux lettres, l'une du baron de Rothschild, l'autre de la duchesse d'Uzès . Malgré ce discours, la Chambre vota
dans une large majorité la confiance au gouvernement.
La position de Léon Blum
Le 1er juillet 1898, dans La Revue blanche, Léon Blum, sous la signature de « Un juriste » publie un texte intitulé Comment ont
été faites les Lois Scélérates : « Elles permettent au premier « gouvernement fort » qui surviendra de tenir pour nulle la loi de
1881 (Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse), loi incomplète, mais libérale et sensée dans son ensemble, et l’une des
rares lois républicaines de la République. Elles abrogent les garanties conférées à la presse en ce qu’elles permettent la saisie et
l’arrestation préventive ; elles violent une des règles de notre droit public en ce qu’elles défèrent des délits d’opinion à la justice
correctionnelle ; elles violent les principes du droit pénal en ce qu’elles permettent de déclarer complices et associés d’un crime
des individus qui n’y ont pas directement et matériellement participé ; elles blessent l’humanité en ce qu’elles peuvent punir des
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travaux forcés une amitié ou une confidence, et de la relégation un article de journal. »

Une application impitoyable


Des séries de listes nominatives sont dressées afin de répertorier les individus soupçonnés de sympathies libertaires, de même les
« sans domicile fixe » sont fichés et catégorisés. Même si les actions violentes ont continué quelque peu, les activistes étant
rentrés dans une logique de vengeance, la propagande par le fait a, après quelque temps, pratiquement disparu, à la suite de cette
répression violente. Cependant l'anarchisme lui-même, sous d'autres formes, a continué de se manifester dans la société française,
par exemple au travers de mouvements syndicaux.

Abrogation
La loi du 28 juillet 1894 ayant pour objet de réprimer les menées anarchistes est finalement abrogée le 23 décembre 1992 avec la
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publication au Journal officiel du nouveau Code pénal.

Notes et références
1. Mokhtar Lakehal, Dictionnaire de science politique, Éditions L'Harmattan, 2005
2. "Paul-Henri Bourrelier, Manifeste de Blum, Pouget et Pressensé contre les lois scélérates", (http://revueblanche.o
ver-blog.com/article-29652839.html)
3. Loi du 28 juillet 1894 dite scélérate tendant à réprimer les menées anarchistes (http://legifrance.gouv.fr/affichText
e.do?cidTexte=JORFTEXT000000512606)
4. Yves Peyraut, Sébastien Faure, Fondateur du Libertaire avec Louise Michel en 1895 (http://increvablesanarchiste
s.org/articles/biographies/faure_sebast.htm), Le Monde libertaire, sur increvablesanarchistes.org, 1995
5. Séance du 30 avril 1894, discours (http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/jaures/discours/propagande-anarch
iste_080330041894.asp) de Jean Jaurès, sur le site de l'Assemblée nationale.
6. (en) Harvey Goldberg, The Life of Jean Jaures, University of Wisconsin Press, 1962, (ISBN 978-0-299-02564-9),
p. 121-122
7. Léon Blum, Comment ont été faites les Lois Scélérates, La Revue blanche, 1er juillet 1898, lire en ligne (http://ww
w.jaures.eu/ressources/divers/les-lois-scelerates-de-1893-1894-1-comment-elles-ont-ete-faites-leon-blum/).
8. Loi no 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal et à la modification de
certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur, lire
en ligne (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000177662&oldAction=rechJO#L
EGIARTI000006491916).

Voir aussi

Articles connexes
Anarchist Exclusion Act - Peur rouge - Propagande par le fait
Procès des 66 - Procès des Trente
En Allemagne

Lois antisocialistes
Aux États-Unis:

Anarchisme criminel
Syndicalisme criminel

Sources et bibliographie
Émile Pouget, Francis de Pressensé, Léon Blum, Les Lois scélérates de 1893-1894, Paris, Éditions de la
Revue blanche, 1899 [lire en ligne (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k836767)] (Texte réédité par les éditions le
Flibustier (http://editionsleflibustier.free.fr/livres/lois_scelerates.php)).
Francis Démier, La France du XIXe siècle, 1814-1914, Paris, Le Seuil, 1996.
Vincent Robert, « Lois, censure et liberté », in Dominique Kalifa (dir.), La civilisation du journal, Paris, Nouveau
Monde éditions, 2011.
Vivien Bouhey (préf. Philippe Levillain), Les Anarchistes contre la République : contribution à l'histoire des
réseaux (1880-1914), Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2008, 491 p.
(ISBN 978-2-7535-0727-2, présentation en ligne (http://pur-editions.fr/detail.php?idOuv=1935)), [présentation en ligne (https://rh19.
revues.org/3959)].
Retronews, Il y a 125 ans, les lois « contre l’anarchisme », [lire en ligne (https://www.retronews.fr/cycle/il-y-125-ans-les-l
ois-contre-lanarchisme#)].

Radio
Jean Lebrun, Philippe Pelletier, Les Anarchistes : le moment terroriste, et après ?, France Inter, 26 novembre
2015, écouter en ligne (https://www.franceinter.fr/emission-la-marche-de-lhistoire-les-anarchistes-le-moment-terroriste-et-apres).

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