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De la fraude en question à la question de la fraude.

Un
complément de revue de littérature
Nicolas Dufour, Emmanuel Laffort

To cite this version:


Nicolas Dufour, Emmanuel Laffort. De la fraude en question à la question de la fraude. Un complément
de revue de littérature. La Revue du Financier, 2016, 219, pp.52-70. �hal-03335921�

HAL Id: hal-03335921


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De la fraude en question à la question de la fraude
Un complément de revue de littérature

Nicolas Dufour
Docteur en gestion, professeur affilié, Paris School of Business,
Risk Manager, secteur assurance

Emmanuel Laffort
Docteur en sciences de gestion
Chercheur associé au Centre de Recherche et d’Études en Gestion
Université de Pau et des Pays de l’Adour
Tel : +33 685 439 660
mèl : emmanuel.laffort@univ-pau.fr

Résumé

Dans cet article, nous souhaitons compléter le dossier Fraude et Gestion paru dans le
numéro 231 de la Revue Française de Gestion en 2013. Nous pensons en effet que la
fraude est un sujet restant peu étudié et que les contre-feux mis en place ne présentent
pas d’évolutions de nature. Ces deux points sont d’importance ; la fraude se renouvelle
puisqu’il s’agit de contourner les contrôles existants, il est donc nécessaire de
réactualiser les revues sur le sujet. Cela semble d’autant plus nécessaire que les moyens
de la combattre ayant peu évolué, il n’y a pas de raison de penser qu’elle va diminuer.
Enfin, il ressort de ce dossier que les avis divergent concernant la caractérisation et la
prévention de la fraude, nous pensons en effet qu’il y a deux grands types de fraudes qui
doivent être considérés différemment en termes de traitement et de manière de penser ce
risque opérationnel : les fraudes internes et les fraudes externes.
Mots-clés : Fraude, Fraude interne, Fraude externe, Modèle RAS, Appropriation croisée

Abstract

In this paper we want to supplement a special issue regarding fraud and management
(Fraude et Gestion) appeared in Revue Française de Gestion, n°231. Despite this special
issue, we think that fraud is still not enough studied and that workarounds are not
dramatically changing. Both points are of importance: fraud is constantly renewing as it
tents to bypass existing controls, thus, there is no god reason for fraud to diminish. The
reading of the special issue also shows that opinions differ about the best way to
characterize and prevent fraud. We assume two kinds of frauds, external frauds and
internal ones, each category having its own prevention process.
Keywords: Fraud, Internal fraud, External fraud, RAS model, Cross Appropriation

1
1. Introduction

Le Maux, Smaïli, et Ben Amar (2013) proposent de considérer trois facettes dans l’acte
frauduleux : l’acte de fraude, l’acte de dissimulation l’acte de récupération. À partir de
ces facettes, les auteurs se concentrent sur les comportements d’acteurs particuliers que
sont les administrateurs, les dirigeants, les actionnaires et les auditeurs. Le constat est à
la fois étonnant et attendu : il est impossible de conclure… Les recherches ne montrent
pas de consensus concernant l’impact de la qualité de la gouvernance sur la fraude, pas
plus que le mode de rémunération ou que la structure de l’actionnariat. Seuls, selon les
études recensées, la compétence et l’engagement des auditeurs permettraient de lutter
efficacement contre la fraude. Cette absence de consensus nous a conduit à nous
demander si la fraude ne recouvrait pas des activités de nature différente et il nous a
semblé intéressant de distinguer la fraude interne, celle qui voit un individu frauder au
sein de son organisation (cas d’un rogue trader1 par exemple) de la fraude externe, qui
met en jeu un individu « isolé » et un système comme, par exemple, les cas de fraude à
l’assurance ou encore le cas de fraude par collusion entre un acteur interne et des acteurs
externes à une organisation donnée.
Cette revue permet également de montrer que les moyens de lutter et détecter la fraude
sont essentiellement quantitatifs et cite de très nombreux travaux faisant état de modèles
statistiques mobilisant des variables comptables ou financières. Il est bien fait état de
variables non comptables, mais c’est également pour les traiter quantitativement. C’est
précisément en cela que nous souhaitons actualiser cette revue : les moyens de combattre
la fraude sont essentiellement quantitatifs et c’est pourquoi nous ne retrouvons que ceux-
là dans cette revue. Il nous semble cependant que la fraude est avant tout une question
d’individu et qu’il est donc nécessaire d’adresser le problème par des solutions plus
humaines. Ceci est d’ailleurs un point vu par les organismes dont toute ou partie de
l’activité consiste à lutter contre la fraude (Comité National des Commissaires aux
Comptes, International Federation of Accountants, European Banking Authority, Comité
de Bâle, G-20, Agence de lutte contre la fraude aux assurances, observatoire des moyens
de paiements…)
Le présent article de recherche consiste donc à étudier les aspects qualitatifs associés à la
fraude. Nous nous posons la question de savoir comment appréhender au travers d’une
grille de lecture théorique, la fraude sous certains de ses aspects qualitatifs.
Les schémas de fraude évoluent, la fraude dépasse de loin le simple enjeu de fraude aux
établissements financiers (fraudes aux moyens de paiement, rogue trading, fraude à
l’assurance), comme en attestent les cas médiatiques récents (fraude à la gouvernance au
sein de Michelin, mise hors ligne des consoles de jeux de Sony et de Microsoft, fraude
des opticiens à la complémentaire santé2 révélée par les associations de consommateurs,
hameçonnage, fraude au Président, etc.). Les contrôles qualitatifs étant réalisés par des
individus, ils tiennent toujours compte du contexte dans lequel ils sont réalisés ce qui
leur permet d’être plus efficaces dans un tel contexte de forte évolution de la fraude.
Le présent article se structure en trois temps : après avoir recueilli un état de l’art des
travaux, académiques ou de place, relatifs à la fraude, nous présentons une grille de
lecture éloignée des critères quantitatifs habituels assortie de propositions d’études
qualitatives pouvant permettre de renforcer la compréhension des mécanismes de fraude

1
Trader indélicat, malhonnête
2
http://www.quechoisir.org/sante-bien-etre/systeme-de-sante/professionnel-de-sante/communique-enquete-
clients-mysteres-chez-les-opticiens-les-liaisons-dangereuses-entre-opticiens-et-complementaires-sante-
imposent-un-changement-de-monture-pour-la-reforme-du-secteur

2
en entreprise. Cette recherche n’a donc pas l’ambition de fournir une liste finie
d’éléments quantifiables pour déterminer le risque de fraude comme le propose Ouaniche
(2015, p. 1536s) mais plutôt de donner des pistes de réflexion et de lecture aux
gestionnaires de risque.

2. État de l’art, revue des travaux relatifs à la fraude dans les organisations

2.1. La fraude en question, une acception.

Si pour les normalisateurs comptables la notion d’erreur ou de fraude n’est pas précise,
les normes d’audit font une distinction claire entre ces deux notions (Smaili, Labelle, et
Stolowy, 2009). C’est en particulier le cas avec la norme ISA 240 (I.F.A.C., 2009)
relative à la responsabilité de l‘auditeur dans le cadre de l’audit financier établi par la
fédération internationale des experts comptables (IFAC 3). Cette norme, par ailleurs très
complète, se concentre sur la fraude aux états financiers (I.F.A.C., 2009, par. 1). Elle
distingue l’erreur dans les états financiers de la fraude par son caractère intentionnel et
définit la fraude comme l'emploi d’une manœuvre trompeuse dans le but d'obtenir un
avantage indu ou illégal (I.F.A.C., 2009, par. 11). C’est d’ailleurs un caractère que l’on
retrouve dans les différentes normes traitant de ce sujet tant aux États-Unis, qu’au
Canada (CICIA, chap. 5135) et en France (CNCC, NEP-2404) (cités par, Smaili, Labelle,
et Stolowy, 2009). Il semble d’ailleurs que cette acception de fraude soit celle qui
retienne principalement l’attention des praticiens. Ainsi, Ouaniche (2015) se concentre-t-
il également sur la fraude comptable et les normes afférentes.
Le COSO5, une organisation indépendante issue de cinq organisations du secteur privé,
dont le but est de développer des cadres est de proposer des recommandations concernant
la gestion du risque des entreprises et du contrôle interne devant permettre de dissuader
la fraude (COSO, 2013, p. 237) propose 17 principes pour parvenir à gérer ce risque dont
un est dédié à la fraude (le huitième). Ce cadre propose une acception plus large de la
fraude, le huitième principe considérant différents types de fraudes, les facteurs
aggravants, les attitudes comportementales… (COSO, 2013, p. 151s). Il y est en
particulier écrit que les processus doivent prendre en compte les schémas et scénarios de
fraude déjà rencontrés dans le secteur de l’entreprise concernée (COSO, 2013, p. 153).
C’est la raison pour laquelle, plutôt que de nous enfermer dans un cadre rigide, peu
adapté aux contrôles qualitatifs (évolutifs), nous préférons adopter une acception élargie
de la notion de « fraude » en nous appuyant en particulier sur les conclusions du Comité
de Bâle (B.C.B.S., 2010b). Ce comité fait le constat que la fraude ne doit pas se
concentrer sur les actions prohibées par le régulateur ou l’entreprise, mais est également
une affaire de gouvernance (B.C.B.S., 2010a). En résumé, nous considérons comme des
opérations frauduleuses les opérations volontaires :

• interdites par la règle explicite, qu’elle soit locale (propre à l’organisation) ou globale
(propre à l’industrie). Il s’agit typiquement des fraudes effectuées par Kerviel, Picano-
Nacci, Adoboli, des fraudes aux cartes bancaires, aux assurances… ;
• qui seraient interdites si toutes les parties prenantes avaient une juste connaissance des

3
https://www.ifac.org
4
https://www.cncc.fr. Cette norme d’ailleurs « correspond à l'adaptation de la norme ISA 240 »
5
Committee of Sponsoring Organizations of the Tradeway Commissions

3
risques des opérations, comme c’est le cas pour Hubler (Lewis, 2010). Ce point est en
accord avec l’idée d’Akerlof et Shiller (2013, p. 54) pour lesquels « […] même s'il est
difficile de parler d'acte illégal stricto sensu, il nous semble tout de même que dans
certains cas ces agissements étaient parfaitement immoraux. ».

2.2. La compréhension globale des enjeux associés à la fraude

L’un des travaux fondateurs en matière d’étude de la fraude est le triangle de la fraude
proposé par Cressey (1973). Cressey, criminologue, proposa un modèle qui, malgré les
années, reste très contemporain. L’hypothèse qu’il a émise est que la propension à
frauder est d’autant plus importante que les trois facteurs du triangle sont fortement
présents. Ces facteurs sont : l’opportunité, la motivation/pression et la rationalisation.

Figure 1. Triangle de la fraude selon Cressey, 1973

Premièrement, selon Cressey, la motivation ou la pression constitue un élément moteur


de la fraude. La pression caractérise généralement les fraudeurs internes à l’entreprise de
par son caractère négatif et urgent, là où le fraudeur externe répond à une motivation plus
primaire telle qu’une simple volonté d’enrichissement. La pression est généralement
décrite par l’auteur comme des problèmes financiers personnels perçus comme
impossibles à résoudre de manière légale et que l’individu ne souhaite pas partager avec
son entourage. Ceux-ci peuvent être dus à de réels besoins comme la nécessité de payer
des factures ou de rembourser des dettes. L’individu peut également percevoir une
pression financière non réelle comme ce peut être le cas pour des personnes acheteuses
compulsives. Mais comme abordé précédemment, la logique d’enrichissement personnel
n’est pas toujours la source de motivation d’un fraudeur. Une pression non financière
telle que la volonté de cacher de mauvaises performances afin de conserver un statut ou
une image peut être à l’origine d’un acte frauduleux. L’addiction aux jeux ou aux
drogues peut également pousser quelqu’un à l’acte.
Le second pilier du modèle de Cressey est l’opportunité. Il se réfère à l'exploitation d'une
faille dans le processus de contrôle interne et définit la méthode grâce à laquelle la fraude
peut être commise. L’individu doit identifier des moyens d’utiliser ou de détourner un
dispositif afin de commettre l’acte répressible et de répondre à son besoin. Cela passe par
la perception d’une faille dans le système de contrôle. Cependant, il est aussi crucial pour
le fraudeur qu’il ait un sentiment d’impunité, qu’il pense pouvoir rester impuni. C’est
d’ailleurs ce sentiment de supériorité qui caractérise généralement le profil du fraudeur.
Ainsi l’opportunité représente le seul levier dont l’entreprise dispose, grâce auquel elle
peut minimiser son risque de fraude.

4
Enfin, la rationalisation suppose que l’individu commet son acte frauduleux tout en
restant dans sa zone de confort moral. Même si des personnes malhonnêtes n’ont pas de
difficulté à rationaliser leurs actes, une grande majorité des fraudeurs détectés agissent
pour la première fois et ne se considèrent pas comme des criminels. Ils se considèrent au
contraire ordinaires, honnêtes et piégés dans un enchevêtrement de mauvaises
circonstances. Par conséquent, le fraudeur justifie son délit afin de le rendre acceptable et
justifiable à ses yeux. Communément, la rationalisation comprend, en interne, le fait de
compenser un trop bas salaire ou une injustice dans la distribution de bonus. D’autres
individus fraudeurs au sein de leur entreprise ou non, penseront que l’entité victime
« mérite » de se faire voler pour cause de mauvaise conduite envers des employées, des
clients ou tout simplement, car elle affiche des prix trop élevés, des marges trop
importantes, etc. Sandel (2014) raconte ainsi comment des fraudeurs au métro parisien
ont mis en place une caisse d’assurance (baptisée « mutuelle des fraudeurs »)
indemnisant ceux qui parmi eux se font prendre.
Certaines études sectorielles tendent à objectiver ce constat, nous citerons les plus
récentes : études de l’observatoire sur la sécurité des moyens de paiement (pour la fraude
monétique, la fraude aux banques en lignes ou la falsification de chèques), étude de
l’ALFA6, étude de l’AMRAE7sur la cyberfraude). Nous citerons également l’enquête de
PwC (2014) abordant des données consolidées de fraude sur plusieurs dizaines de pays :
D'où proviennent les cas de fraude en entreprise en France ?
- 55% des fraudes reportées sont externes à l’entreprise ;
- 39% sont le fait de fraudeurs internes.
Quel est le profil du fraudeur interne en France ?
- 75% des fraudeurs sont des hommes ;
- 29% ont le baccalauréat ou un niveau scolaire inférieur à celui-ci ;
- 43% sont des employés ou cadres moyens ;
- 43% ont entre 41 et 50 ans ;
- 50% ont une ancienneté de 10 ans ou plus.

2.3. Des études sectorielles sur la fraude

La fraude dans les entreprises et les organisations est un sujet d’attention croissant, bien
que principalement circonscrit sur des études relatives à la fraude dans le secteur
financier dans les recherches récentes sur le sujet. Comme le montrent les thèses
récemment abouties en France, les recherches sur la fraude traitent notamment du cas des
opérateurs de marché (Laffort, 2013) ou encore de la manière de concevoir la fraude dans
les dispositifs de maîtrise des risques opérationnels (Bon-Michel, 2010; Dufour, 2015).
Les apports de ces travaux sont de montrer que la fraude est un sujet pour lesquels les
opérateurs, dirigeants, Risk Managers sont insuffisamment préparés, et ce notamment en
termes d’attitude, de réponse à adapter voire même de prise de conscience de l’ampleur
de ce que représente la fraude détectée (sans même parler de la fraude réelle,
difficilement mesurable et identifiable dans sa globalité). La limite de telles recherches
est cependant qu’elles restent centrées sur le cas du secteur financier, bien qu’ayant le
mérite de proposer des éléments d’étude sectorielle.

6 Agence de Lutte contre la Fraude à l’Assurance


7
Agence pour le Management des Risques et des Assurances de l’Entreprise

5
2.4. Des études académiques disparates pour un champ de recherche restant à
investiguer

La fraude reste un sujet d’investigation en sciences de gestion, les travaux de référence


sur le sujet peuvent sembler nombreux, mais on déplore cependant l’absence d’une vraie
cohérence sur ce sujet permettant de construire une ligne directrice dans l’étude des
fraudes.
En sciences économiques, les travaux de Galbraith (1993; 2008 [1989]) permettent
notamment d’avoir une compréhension du rôle de la fraude dans le fonctionnement d’une
économie. En revenant sur le concept d’économie informelle, l’auteur insiste sur le fait
que la propension des agents économiques à frauder de même que le poids de la fraude
dans la richesse nationale est bien souvent sous-estimé et laissé en dehors de tout analyse
dans la comptabilité nationale. De tels constats sont corroborés notamment par Akerlof et
Shiller (2013) notamment pour dénoncer le caractère parfois incitateur des institutions
publiques sur les schémas de fraude.
En sciences psychosociales, certains auteurs insistent sur le fait que la fraude implique
une compréhension poussée des motivations de l’individu dans leurs aspects individuels
et collectifs. La force de la fraude dépend également du poids des relations sociales dans
les déterminations des acteurs. Pour Granovetter (1985), s’il est nécessaire d’avoir des
relations sociales développées pour éviter la fraude, ce n’est en tout cas pas une
condition suffisante. La force de la fraude dépend donc la structure des relations sociales
et pas uniquement des aspects de confiance et de pari que fera le fraudeur en situation
d’opportunisme (Jacquinot, 2013), d’où l’importance de pouvoir éveiller les consciences
des acteurs des organisations soumises à la fraude.
D’autres recherches ont mis en avant la force du mythe comme une possibilité de
tactique de fraude (Eliade, 1963; Godechot, 2005). Les recherches plus récentes ont
permis ensuite d’insister sur les approches comportementales de la fraude {Jolls, 1998;
Jolls, 2007; Havard et Poirot, 2010}. Ces approches 8 proposent en particulier de
s'intéresser à la façon dont on peut diminuer les effets des biais de comportement (rationalité,
volonté, égoïsme) non pas en s'attaquant à la tendance naturelle qu'ont les individus à y être
soumis, mais en proposant des structures légales qui permettent de débiaiser leurs actions.
En sciences de gestion, en comptabilité-contrôle-audit plus spécifiquement, on note
certaines recherches abordant la fraude : elle est envisagée comme essentiellement un
dysfonctionnement quantitatif affectant l’entreprise, une source de destruction de valeur
(Dyck, Morse, et Zingales, 2013 2013; Le Maux, Smaïli, et Ben Amar, 2013 2013).
D’autres travaux insistent également sur l’importance de considérer la fraude et son coût
caché pour l’organisation, permettant ainsi des mesures de récupération des sommes
fraudées, libérant ainsi des leviers de performances cachées (Darsa et Dufour, 2014) ou
encore, insistent sur le rôle et l’éthique de l’auditeur dans la détection du risque de fraude
(Noël et Frémeaux, 2015).
Sur le plan de la théorie des organisations, certaines recherches soulignent que la fraude
dépend d’un nombre important de facteurs de contingence, rendant très complexe la
réalisation de plans d’action réellement appropriés (Carassus et Cormier, 2003).
Pesqueux (2009) et Grimand (2012) insistent sur les aspects de transgression comme
facteur de compréhension de la fraude, la propension et la facilité à transgresser sont des
facteurs explicatifs probants.
Pour d’autres, la fraude s’analyse en lien avec l’estime de soi (Brown, 1997; Mucchielli,

8
Behavioral Approach to Law and Economics ou Behavioral Law and Economics

6
2009) ou au travers des différents aspects non visibles qu’elle recouvre, montrant ainsi la
difficulté de mettre en place de vraies actions de maîtrise (Brown, 1997; Ouimet, 2012),
surtout s’agissant de contrôle des comportements (Weick, 2001; 2009)
En finance enfin, outre le Comité de Bâle (B.C.B.S., 2003) ayant permis de contribuer à
la compréhension du risque opérationnel de fraude, des études récentes ont permis
d’insister sur les cas médiatiques, souvent des scandales financiers associés à des cas de
fraude. Dans les nombreuses “affaires” d’ampleur ayant affecté des établissements
financiers, figurait bien souvent un acte frauduleux comme cause racine ou comme
facteur aggravant. La fraude est la conséquence de biais d’ancrage des opérateurs de
marché et d’une absence de régulation des marchés (Bodur, 2012; Charreaux, 2005;
Lewis, 2010).

2.5. Les domaines de la fraude à étudier

Sur le plan de l’analyse sectorielle, nous pouvons considérer comme particulièrement


intéressante l’étude de la fraude par secteur d’activité : dans le secteur financier plus
particulièrement en banque d’affaires, on note que l’étude et la compréhension des
mécanismes de fraudes de fréquence (monétique, banque en ligne, prestations santé,
assurance de biens) est un sujet majeur tant pour la maîtrise du coût du risque que la
réponse gestionnaire, juridique, organisationnelle des cas de fraude, qu’il s’agisse de
fraude d’opportunisme (non habitué, fraudeur isolé), ou de fraude professionnelle
(réseaux organisés, mafias, etc., fraudes par collusion).
Dans d’autres secteurs d’activité, la fraude est également un sujet de préoccupation
(secteur public, secteur du BTP, secteur de la protection sociale, secteur des services à la
personne, etc.), sans prétendre à l’exhaustivité, sur ces différents secteurs, on note que la
fraude reste un sujet d’investigation.
Sur le plan de l’analyse thématique, la fraude reste également un sujet
d’approfondissement sur de nombreux aspects : études de contrôles internes adaptés, du
coût des fraudes par le contrôle de gestion et la comptabilité, rôle des équipes de gestion
des risques (Risk Management) dans les plans d’action/réaction/prévention et traitement
des fraudes, rôle des comités d’audit et de risques sur la fraude, place de la fraude dans
les environnements prudentiels dits Solvabilité II et Bâle III, outils et description de
processus de traitement de la fraude, etc.
Enfin, les approches de la fraude sont également intéressantes à étudier : les entreprises
de faible taille sont-elles nécessairement plus exposées ? Peut-on réellement circonscrire
la fraude face à l’évolution des schémas de fraude ? Un processus de traitement des
fraudes doit-il être confidentiel entre certains acteurs (cellule dédiée à la fraude) ou
largement diffusé dans l’organisation (hormis les accès aux schémas de fraude) pour
favoriser la vigilance ? Comment consolider des référentiels de fraude ?…
Si l’ampleur des questionnements soulevés ici peut surprendre autant que laisser
démunis, il est particulièrement intéressant d’envisager des grilles de lecture permettant
une compréhension du sujet de la fraude, sans prétendre encore à l’exhaustivité, sur ce
qui est en soi un véritable programme de recherche.

3. Une grille de lecture alternative pour penser la fraude en sciences de gestion

Comme nous l’avons dit, il nous semble que les motivations pour la fraude et les moyens
de la combattre sont différents selon que l’on se trouve face à une situation de fraude

7
externe ou de fraude interne. C’est pourquoi nous proposons une grille de lecture à deux
entrées.

3.1. Grille de lecture dans les cas de fraude interne

Pour tenter de mieux comprendre la fraude, il nous a semblé utile de partir de l’individu
et de son rapport à son activité. Cette motivation s’explique tant par le fait que l’individu
est négligé dans les contrôles des risques que parce que s’en est une composante
importante. Ce que confirme Ouimet (2012) pour lequel la contingence est une des deux
familles causales de la fraude ainsi que Dagorn, Biot-Paquerot, et Didierjean (2013, p.
88) pour lesquels « Le comportement frauduleux serait ainsi induit par les conventions et
les pressions sociétales, sous contrainte culturelle ». Dyck, Morse, et Zingales (2010, p.
2216 2010) rapportent que 82% des fraudeurs ont subi des pressions de la part de leur
employeur. C’est également très explicite dans les recommandations du (COSO, 2013, p.
119s.) pour lequel des pressions trop importantes peuvent engager les individus dans la
fraude afin de tout tenter pour y répondre. Le COSO nous indique que ces pressions
expriment communément des objectifs de court terme non réalistes, des conflits entre
parties prenantes et une inadéquation entre les revenus liés aux résultats financiers (court
terme) et les bénéfices de long terme attendus par les parties prenantes. Ces trois points
semblent très pertinents et ont été relevés (parmi d’autres) par Tuckett (2011) dans son
étude sur la finance émotionnelle : ils font partie des points qui conduisent le gérant de
portefeuille dans un état clivé l’amenant à « faire de la fraude sans le savoir ».
Nous partirons donc de la notion d’appropriation, rapport personnel à l’objet qu’entretient
un individu, la façon dont il l’intègre à son quotidien et dont cette intégration impacte à son
tour les structures qui l’entourent (de Certeau, 1990; Jouët, 2000; Sutcliffe, Weick, et
Obstfeld, 2009 [2005]). Les individus s’approprient leurs environnements, c’est un processus
très intime, mettant en jeu identité personnelle et identité sociale, dans lequel l’individu se
forge son identité (Hussenot, 2006; Jouët, 2000; Proulx, 2005). C’est même, selon Jouët
(2000, p. 502), « l’acte de se constituer un “soi” ».
L’entreprise a tout intérêt à ce que les individus s’approprient leur environnement de travail
afin de l’intérioriser (l’utiliser sans y penser, sans effort) et de le faire évoluer afin de
l’adapter à leurs besoins (de Vaujany, 2006; Orlikowski, 1992; Weick, 2001 [1993]-b). Cette
adaptation peut se faire dès lors que les individus ont une connaissance profonde de l’objet,
qu’ils se le sont approprié. Ainsi, les acteurs de l’entreprise créent des capacités distinctives,
des ressources propres difficilement imitables, car elles sont issues de la rencontre de diverses
attitudes éminemment personnelles. Enfin, ainsi que le relève Giraud et al. (2009), « cette
question d’appropriation, bien que centrale, n’a fait à ce jour l’objet que de peu d’analyses »
cette notion d’appropriation nécessite un effort de définition. Nous nous plaçons dans la
perspective telle que définie par Vaujany (2008) qui tente d’appliquer la notion de
conversations internes développée par Archer (2012) afin de parvenir à une explication
encore plus fine de ce qu’est l’appropriation. Pour Archer, ces conversations internes — cette
réflexivité personnelle, le fait que nous parlions de nous-mêmes à nous-mêmes — médiatisent
les effets qu’ont sur nous les formes sociales objectives. Il faut tenir compte de cette
subjectivité, car elle est non seulement réelle, mais également irréductible et possède un
pouvoir de causalité (Archer, 2003). Vaujany définit la réflexivité personnelle dans des
termes très proches en insistant sur son importance dans les relations interindividuelles :
« […] ce retour continu qu’effectue un individu sur ses actes et à partir de ses actes, processus
qui est au cœur de sa gestion des interactions sociales » (de Vaujany, 2005, p. 11).
Vaujany part du modèle des conversations internes d’Archer pour proposer un modèle

8
synthétisant les différentes approches réflexivistes. Il propose ainsi de situer l’appropriation
au confluent de « trois perspectives interdépendantes socio-politique, psycho-cognitive et
rationnelle. » (de Vaujany, 2006).
Dans la perspective rationnelle, le point de vue que l’on cherche à capter est celui d’acteurs
ayant une vision normative de leur environnement. Mais cette vision n’est pas uniquement à
placer dans une perspective « en toute rationalité », elle dépend des processus personnels
soumis au poids des représentations sociales (Dechamp et al., 2006, p. 188).
Ces trois perspectives se recouvrent d’ailleurs sur certains points : la perspective rationnelle
ne peut pas se comprendre sans un éclairage à la fois psycho-cognitif et socio-politique (il
n’existe pas de « toute rationalité » et les acteurs sont toujours « situés »), la perspective
socio-politique ne peut pas s’exonérer d’un éclairage psycho-cognitif et réciproquement :
comment pouvoir comprendre les interactions sociales si on n’investit pas un minimum les
schèmes cognitifs et inversement, comment pouvoir imaginer que ces schèmes sont
indépendants de l’incrustation sociale ? Les environnements étant à la fois origines et
résultantes de l’action, Vaujany dit d’ailleurs que « pour appréhender la contrainte ainsi que
l’habilitation à l’œuvre dans l’appropriation, les aspects cognitifs et sociologiques seront
souvent entremêlés. » (de Vaujany, 2006, p. 115)
Dans la perspective socio-politique, on va chercher à comprendre la façon dont les acteurs
s’inscrivent au sein de l’organisation et comment ils imaginent instrumentaliser leur
environnement afin de conforter ou d’améliorer cette inscription. Les acteurs sont tous
concernés et il s’agit de tenter de comprendre les dynamiques individuelles (inscrites dans un
contexte social), les dynamiques sociales et d’anticiper l’incidence de l’appropriation de leur
environnement sur ces dynamiques. Il s’agit notamment de tenter de comprendre les jeux de
pouvoir et les stratégies permettant de contrôler les zones d’incertitudes (Crozier et Friedberg,
1992; Friedberg, 1997) ainsi que les interactions entre actions et structures-cultures (Archer,
2003).
Enfin, dans la perspective psycho-cognitive, on cherche à comprendre comment les acteurs
construisent leurs réalités et de quelles façons leur environnement vient modifier les schèmes
cognitifs. Il s’agit aussi bien d’être attentif aux objets symboliques et en particulier les mythes
(Eliade, 1963; Godechot, 2005), qu’aux investissements personnels affectifs comme le sont
les objets phantastiques chez Tuckett (2011) ou aux biais cognitifs (Jolls, 2007; Kahneman,
2002) et de la façon dont tout ceci affecte les rationalités personnelles.
Appropriation et enactment sont des notions très proches. C’est un point sur lequel se
rejoignent différents auteurs. On peut par exemple citer Hussenot (2006, p. 161) :
« L’appropriation de la technologie par les acteurs est alors un processus d’“enactment” au
sens de Weick » et Giraud et al. (2009, p. 281) : « À ce sujet [d’appropriation] (Weick, 1979)
parle d’enactment, Clot (1997) de catachrèse et Orlikowski (1992) d’appropriation ». Il nous
semble que l’enactment correspond assez bien à la praxis « appropriation » définie par
Vaujany.
Pour Weick, peut-être le plus important dans cette perspective de l’enactment est que cela
peut servir de base à une idéologie de prévention et de gestion des crises. Par idéologie, il
entend un « ensemble relativement cohérent de croyances qui relient les individus entre eux et
qui expliquent leur monde en termes de relations de cause à effet » (Weick, 2001 [1998], p.
234). L’enactment est une des propriétés de la création de sens (sensemaking, Weick, 2001
[1999]) et cette création de sens occupe une place tout à fait centrale dans la pensée de Weick.
Ces deux concepts sont articulés de la façon suivante : l’enactment conduit l’individu à agir,
ce qui lui permet de réfléchir à ce qu’il vient de faire, ce qui l’amène à contribuer à donner un
sens à son environnement et à se forger son identité. Ce fonctionnement est résumé dans un
aphorisme auquel Weick fait régulièrement appel, une « recette » qu’il applique et aménage à

9
travers plusieurs articles : « Comment puis-je savoir qui je suis avant d’avoir vu ce que j’ai
fait ». C’est en particulier parce que les individus peuvent donner du sens à des situations
qu’ils peuvent être vigilants et prévenir les problèmes. A contrario, la perte de sens peut
arriver lorsque se produit un événement inconcevable. Le récepteur peut se retrouver pétrifié
et incapable de comprendre ce qui se passe.
Weick propose cependant plusieurs moyens d’action. D’abord d’accepter l’ignorance comme
un compagnon inévitable de l’action, ce qui permet de continuer à agir et ne paralyse pas
l’action. Le second moyen est d’agir afin de modifier le domaine et l’étendue de l’ignorance.
Weick conclut sur ce sujet en nous disant que cette attitude de sagesse est un moyen qu’a
l’individu de faire face à sa faillibilité et de rester souple face aux événements. Il préconise
d’introduire le doute chez les individus surconfiants. Or, les fraudeurs sont précisément
surconfiants en développant ce sentiment d’impunité, comme nous l’avons vu en début
d’article avec le triangle de Cressey.
Pour limiter les cas de fraude, Kets de Vries (1995) propose de recréer le rôle du Fou, à
l’instar du Fou du Roi. Le rôle de ce Fou serait d’oser dire tout haut, en toute impunité et en
toute bonne foi ce qu’il pense des actions et des comportements des individus en situation de
pouvoir. Il s’agit bien d’un moyen d’introduire le doute.
Selon Weick (2001 [1993]-a), dans les organisations plus attachées à l’absence de fraude qu’à
la performance (comme cela peut être le cas pour une centrale nucléaire ou chez un
constructeur aéronautique), il est essentiel de développer un esprit de groupe, que cet esprit
est logé dans les interrelations, qu’il est manifeste quand les individus construisent des
champs partagés et qu’il est d’autant plus efficace que ces interrelations sont attentives
(Weick, 2001 [1993]-a, p. 267). Or pour que ces interrelations soient attentives, il faut que les
individus développent des interactions respectueuses (Weick, 2009, p. 207). Comme il s’agit
de promouvoir un esprit de groupe, il n’y a pas de place pour les comportements héroïques
individuels. Une telle organisation est essentiellement sociale et les compétences
interpersonnelles ne sont pas un luxe dans ces systèmes, ils sont une nécessité (Weick, 2001
[1993]-a, p. 278). Mobiliser les trois regards de l’appropriation permet de replacer l’individu
face à lui-même et face aux autres et encourage les organisations vigilantes en donnant un
sens le plus complet aux choses, ceci, comme nous l’avons vu, permettant de réduire le risque
de fraude selon Weick.
Le cas des autres organisations est paradoxal : comment peut-on être plus attentif à la
performance qu’à la fraude ? Lorsque c’est le cas, cela veut-il dire que la transgression génère
de la performance et que les entreprises encouragent cette transgression ? Cela semble
difficile à croire, mais il semble que ce soit bien le cas dans certains secteurs. En particulier
en finance de marché où « il vaut mieux demander pardon que demander la permission »
(Dillian, 2011; Laffort, 2013). Mais en ce cas, il s’agit d’un problème institutionnel et il faut
alors rénover les institutions pour combattre la fraude. C’est d’ailleurs ce que préconise
Tuckett (2011, p. 204) à la fin de son ouvrage sur la finance émotionnelle. Il écrit que la
manière dont la finance est faite doit évoluer structurellement, qu’il faut en particulier
réformer l’enseignement de l’économie afin, non d’expliquer comment les marchés devraient
fonctionner (dans une stricte vision techniciste et rationnelle), mais comment ils fonctionnent
réellement…
En résumé, pour comprendre les cas de fraude interne, il est nécessaire de mobiliser les trois
regards de l’appropriation. Cette démarche se poursuit ensuite vers une réduction du risque de
fraude, après avoir mobilisé ces regards, il convient de mettre en place des actions qui visent à
créer des interactions respectueuses et des interrelations attentives. Une telle démarche est
proposée et instrumentalisée dans des recherches récentes (Laffort, 2013).

10
3.2. Grille de lecture dans les cas de fraude externe

Au-delà de ces éléments, nous pouvons également souligner l’apport de certains concepts
émergents, qui sans constituer une théorie en soi, s’apparentent à des grilles de lecture,
inspirée, des travaux de Simons (1995) sur le contrôle interactif et se décrivant en un
triptyque de responsabilité, d’autonomie et de sanction évoqué par Darsa et Fourmond (2011).
Ces trois notions étant complémentaires, elles permettent de contribuer à comprendre les
éléments qualitatifs de nature comportementale relatifs à la fraude :
• Toute action dépend du degré d’autonomie des individus : qu’il s’agisse de fraude
interne ou externe à l’organisation, le degré d’autonomie d’un acteur peut
déterminer sa propension à frauder : les cas de rogue trading l’illustrent bien, les
fraudeurs connus lors des affaires médiatiques (Barings, Société Générale, Caisse
d’Epargne, Goldman Sachs, JP Morgan, etc.) bénéficiaient d’une autonomie forte.
• La propension d’un acteur à frauder dépend de son niveau de responsabilité : si
l’on reprend le cas des rogue traders, dans les différents cas cités auparavant, ils
disposaient d’un niveau de responsabilité limité et surveillé en théorie.
Malheureusement, pour des raisons dont l’explication ne relève pas du sujet de cet
article, il circule une idée courante dans ces environnements, reprise par Dillian
(2011) et particulièrement bien illustrée par ces cas limites : (« il vaut mieux
demander pardon que demander la permission »). Cet aphorisme est aisé à
comprendre : il n’est pas question de demander la permission de réaliser des
opérations interdites (la permission sera refusée, ces opérations étant précisément
interdites…), mais en cas de pertes, il suffit de faire amende honorable. La
responsabilité de l’opérateur s’étend donc considérablement jusqu’aux limites
qu’il veut bien se fixer…
• Le poids de la sanction est un facteur essentiel déterminant le passage ou non à
l’acte de fraude : Si la sanction est faible, peu dissuasive, la propension d’un
acteur à frauder voire à récidiver est d’autant plus marquée. Cela semble très clair
dans le cas du trading ainsi que l’ont montré Havard et Poirot (2010) et comme
l’indique également l’aphorisme, décidément destructeur de Dillian (2011) qui est
un une autorisation tacite à réaliser des opérations interdites et porte en tant que
telle une absence de sanction. On peut noter au passage que la question du gain est
implicite et que tout le monde (trader et organisation) s’en réjouira sans autre
forme de procès.
Comme on le voit, le modèle ‘RAS’ peut donner l’impression d’être suffisamment explicatif.
Dans le cas d’un desk de trading9, on peut penser qu’agir sur ces variables permettra de
réduire le risque de fraude. C’est loin d’être évident au vu de toutes les variables de toutes
natures qui sont susceptibles de rentrer en jeu (on pourra lire Laffort, 2013 pour une revue
précise).
De manière complémentaire, on note que pour Fleckinger, Lafay, et Monnier (2013), il existe
de nombreuses limites à la théorie de la sanction. Chez Jacquinot (2013), le modèle de
renforcement de la surveillance et de la sanction a atteint ses limites même si Djama (2013)
conclut à une certaine efficacité du modèle surveillance/sanction de l’AMF. Par ailleurs, le
fraudeur dans l’organisation est une personne laissée seule, ce qui est différent du degré
d’autonomie. Elle souffre par ce qu’elle manque de repères. Elle a de l’autonomie, n’est pas
surveillée et ne voit pas comment résister à la pression. Mettre en place une compréhension

9
Autrement dit, des regroupements homogènes de traders : le desk monétaire, le desk options,… dans lesquels
on retrouve respectivement des traders sur les titres du marché monétaire ou sur les options…

11
des approches de fraude, à l’aide des trois dimensions de l’appropriation, des interactions et
des interrelations attentives permettra de réduire le risque de fraude interne. Une autre voie de
compréhension de la fraude peut être fondée sur l’étude des éléments de doute.
Reprenons l’approche ‘RAS’ et appliquons-là à un cas de fraude externe (fraude sur un
distributeur automatique de billets) :
• La propension d’un acteur à frauder dépend de son niveau de responsabilité. Le client
titulaire d’un compte courant auprès d’une banque de détail s’aperçoit que suite à une
erreur informatique un distributeur automatique de billets lui délivre les espèces sans
toutefois les débiter au-delà d’un montant de 50 euros. Tous les montants retirés en
dessous de 50 euros ne sont pas prélevés. Le client a la possibilité d’en informer sa
banque, de faire comme s’il ne savait rien ou d’en profiter en ne retirant que des
sommes inférieures à 50 euros. Dans ce cas, le client se dit qu’il s’agit d’un
dysfonctionnement de sa banque et qu’il ne peut en être tenu responsable.
• Toute action dépend du degré d’autonomie des individus. Face à ce choix, le client
agissant en toute liberté décide de retirer uniquement des sommes inférieures à 50
euros, pensant que cela ne se verra pas et espérant ainsi s’enrichir sans être débité du
fait de ce dysfonctionnement. Le client fraudeur procède ainsi des retraits unitaires de
30 euros, pour un montant total de 300 euros.
• Le poids de la sanction est un facteur essentiel déterminant le passage ou non à l’acte
de fraude. Pensant être dans l’impunité, sur une somme de faible importance, le
fraudeur n’attire pas l’attention sur les sommes retirées indument. Lors de contrôles
automatiques et d’opérations de régularisation, l’écart de 300 euros est remonté
automatiquement aux opérateurs traitant les flux informatiques sur DAB10. Ainsi, un
contrôle opérationnel permet ensuite de voir l’origine de l’erreur, et d’identifier le
client fraudeur, les opérations étant tracées. Le fraudeur est ainsi démasqué et une
demande de restitution des sommes lui est faite ainsi que la possibilité pour la banque
d’intenter une action contentieuse contre ce dernier. Le poids a priori peu visible de la
sanction renforce ainsi le caractère de fraude pour un client agissant de manière
autonome et en toute responsabilité.

Cette approche ‘RAS’ (Responsabilité – Autonomie – Sanction) semble intéressante pour


caractériser la propension d’un acteur à frauder. Certains auteurs tendent à abonder dans
ce sens sans aller jusqu’à qualifier ces trois notions : dès 1995, White mettait en exergue
l’importance de penser les dispositifs de Risk Management au travers des éléments
intentionnels guidant l’action. D’autres travaux dans la lignée des recherches sur le
contrôle interactif tendent à compléter cette nécessité (de La Villarmois et Stéphan,
2005; Renaud, 2013). Enfin, certaines recherches dédiées au sujet du risque opérationnel
auquel s’apparente la fraude confirment le besoin d’élucider les tenants des intentions
frauduleuses, au-delà des concepts existants tels que le triangle de la fraude (Apgar,
2006; Arena, Arnaboldi, et Azzone, 2010; Foot, 2002; Torre-Enciso et Barros, 2013).

En conclusion de cette partie, nous avons fait l’hypothèse que le modèle de


compréhension fondé sur l’appropriation et le développement d’interrelations
respectueuses et attentives est adapté aux fraudes internes et que le modèle RAS est
adapté aux fraudes externes et d’ailleurs Jacquinot et Fleckinger se sont attachés à la
fraude en entreprise. On note que dans la fraude à l’assurance par exemple ou dans la

10
Distributeur Automatique de Billets

12
fraude aux cartes bancaires ou encore aux virements, il s’agit de schémas complètement
différents. Dans la fraude interne telle que celle d’un rogue trader, les motivations
peuvent sembler complexes ainsi que le montre la littérature sur le sujet. Les fraudes de
fréquence, des cartes bancaires, des assurances de biens ou des assurances santé,
comprennent des motivations simples, proches de celles proposées par le cadre
juridique : profiter d’avantages pécuniaires de manières indues, et ce en exploitant des
failles constatées réelles ou supposées. Nous résumons ceci dans le tableau suivant.

Tableau 1 : Grille de lecture en fonction du type de fraude


Type de fraude Grille de lecture Prévention
Mettre en place les moyens de développement
Interne Appropriation
d’interrelations respectueuses et attentives
Diminuer l’autonomie et/ou encadrer la
Externe RAS
responsabilité et/ou renforcer les sanctions

4. Quelles méthodologies retenir pour étudier la fraude sous condition de rigueur


académique ?

Au-delà de ces éléments sur le plan de la littérature académique ainsi que des grilles de
lecture pouvant être proposées, nous insistons dans le présent paragraphe sur les
méthodologies à développer dans le cadre d’une étude scientifique de la fraude en
sciences de gestion. Détailler ces méthodologies suppose de tenir compte des difficultés
intrinsèques à l’étude de la fraude dans les organisations.

4.1. Les difficultés à surmonter en recherche en gestion

L’une des premières difficultés dans l’étude de la fraude consiste à cerner les différents
cas de fraude pouvant survenir, ce qui suppose la construction d’une véritable culture du
risque ainsi que la consolidation des schémas de fraude pouvant affecter l’organisation.
Vient ensuite la difficulté consistant à pouvoir catégoriser les fraudes : fréquence, coût
moyen, capacité à y apporter des réponses, délai moyen de traitement…
À cet effet, l’accès aux données est une difficulté fréquemment avancée en matière de
détection de la fraude et de quantification. Pouvoir disposer de données fiables semble
être l’une des gageures de tout dispositif de contrôle des risques efficace et effectif. On
notera encore qu’une étude quantitative de la fraude pose un problème supplémentaire
relatif à la réticence de toute organisation à livrer des données sensibles ou pouvant
déboucher sur des conclusions sensibles à des individus extérieurs à l’entreprise
(chercheurs ou consultants). Il est en effet compliqué de dévoiler, même à un chercheur,
des schémas de fraude ayant affecté une entreprise et montrer ainsi ses vulnérabilités ?
Au-delà de l’impact en termes d’image, cela pose la question de la maîtrise des menaces
et des vulnérabilités affectant l’entreprise. On retrouve également comme limite la faible
volonté politique au sein des organisations de s’impliquer sur de tels sujets, a fortiori au
travers d’acteurs extérieurs, rendant ainsi complexe, voire inopportune, l’étude par ce
biais des mécanismes de fraude (Dufour et Laffort, 2014).
Ces travaux soulignent notamment l’importance d’étudier le fonctionnement même des
organisations, leurs vulnérabilités, le comportement des acteurs qui la composent, de
leurs clients, de leurs prestataires mais aussi tout simplement de leur exposition aux cas

13
de fraudes d’opportunisme et de fraudes en réseau et bandes organisées.
La fraude est avant tout contextuelle, elle suppose une compréhension des vulnérabilités
et incitations à frauder dans chaque contexte, ainsi qu’une connaissance des profils types
de fraudeurs par activité, par région, par secteur, selon les catégories
socioprofessionnelles des fraudeurs également ou encore selon l’importance des moyens
mis en œuvre pour dissuader les éventuels fraudeurs.
En ce sens, construire une connaissance scientifique est en soi une difficulté, vu la
multitude des cas de fraudes possibles par type d’activité et de secteurs concernés. Un
autre facteur de complexité est que les fraudeurs s’adaptent en permanence pour contrer
des dispositifs de contrôle et de maîtrise, rendant rapidement caduque toute recherche sur
la fraude. En ces sens, l’objectif de contingence générique et le dépassement des biais
d’ancrage restent une difficulté en matière d’étude gestionnaire de la fraude. Il existe
donc tant des démarches de nature qualitatives nécessaires pour construire une base
exploratoire (schémas de fraude et référentiels de fraude), celle-ci étant à combiner aux
approches quantitatives (repérage des cas difficiles à déceler sur une étude de dossier sur
les fraudes de fréquence de faible montant ainsi que des cas hors loi normale sur des
montants excessifs). Combiner des approches de type enquête qualitative et des
méthodologies fondées sur des outils de datamining est donc complémentaire pour mieux
cerner cet objet complexe. Cette revue exploratoire nous amène alors à insister sur la
nécessité d’envisage les méthodologies qualimétriques dans l’étude de la fraude (Savall,
Zardet, et Boje, 2004).
L’étude scientifique de la fraude suppose enfin une réelle compréhension technique du
chercheur face à son objet de recherche afin de permettre de recueillir des données de
qualité suffisante pour l’étude de ce qui est plus souvent un fait socio-organisationnel
qu’un simple « incident avéré ».

4.2. Les méthodologies à privilégier

En conséquence, tenir compte de telles difficultés pour la réalisation de recherches


opérationnelles et fondamentales sur la fraude dans les organisations peut supposer le
recours à des méthodologies enracinées dans la pratique et facilitant la constitution d’un
savoir socialement organisé répondant à des besoins empiriques de maîtrise du risque,
mais aussi de constitution d’une réflexion approfondie sur les déterminants de la fraude
comme transgression en présence de vulnérabilités de l’organisation.
À cet effet, les méthodologies de type recherche-action semblent particulièrement
adaptées pour étudier la fraude dans la durée, dans le cadre d’études longitudinales
privilégiant la recherche à des fins d’action (Lindsay, 2012; Van Maanen, 1979). Telle
que mise en exergue par certains auteurs (Coghlan et Brannick, 2005), la recherche-
action se fonde sur un triptyque allant de l’ethnographie à la triangulation puis à
l’analyse qualimétrique des faits.
L’étude de cas en recherche-action a comme fondement des observations des pratiques
professionnelles comme mode de collecte des données, ce sur la base d’une implication
du chercheur au sein de l’entreprise étudiée (Jönsson et Lukka, 2005). Nous nous
inscrivons dans le prolongement de certaines recherches attestant qu’en matière de
gestion et de contrôle, il existe plusieurs modes de création de connaissances :
l’observation et la contribution directe par l’action en tant que participation à l’action
collective.
La recherche-action est envisagée par Argyris, Putnam, et Smith (1985) comme l’un des

14
meilleurs moyens d’observer un processus de changement et d’y contribuer. Il s’agit de
l’une des méthodologies de recherche transformative au même titre que la recherche-
intervention (Jönsson et Lukka, 2005; Kaplan, 1998). La recherche-action est une
méthodologie de transformation intentionnelle de l’organisation et de ses composantes.
Elle a pour objectif de préparer un groupe d’acteurs au changement, lequel peut être
initié par ledit groupe et pouvant inclure le chercheur lui-même. Elle comprend deux
axes que sont la formalisation du changement et sa contextualisation dans un cadre
organisationnel donné.
Comme le résument certains auteurs, la recherche-action a pour objectif de préparer un
groupe au changement par des processus participatifs et démocratiques qui aideront les
acteurs à se libérer de l’emprise des structures. Il leur reviendra de transformer
l’organisation selon leurs visions et objectifs, potentiellement en dehors de l’action du
chercheur (Cappelletti, 2010, p. 7; David, 1999; Dockrell et Messer, 1999; Reason et
Bradbury, 2001). Une telle approche apparait comme particulièrement justifiée au regard
de notre objet d’étude :
• ces axes d’étude comprennent nécessairement une dimension de changement et
une visée transformative, au travers de la compréhension et de la résolution des
cas d’exposition aux fraudes,
• la résolution des cas de fraudes et le traitement des causes racines est
fondamentalement transverse, participatif et supposant le recours à l’action
collective (dans un cadre restant cependant relativement confidentiel aux acteurs
clés concernés par le processus de traitement des fraudes).
• les approches ethnographiques semblent incontournables pour comprendre les
motivations et failles d’une organisation par rapport à des volontés de frauder.
Également, pourvoir trianguler des schémas de fraudes par recours aux entretiens,
à l’observation participante ainsi qu’à des études de documents voire de bases de
données semble incontournable. Enfin, le recours à l’approche qualimétrique
constitue une étape essentielle pour objectiver la démarche de collecte des pertes
associées aux fraudes et ainsi prendre l’ampleur des fraudes a minima avérées.
Enfin, Kemmis et McTaggart (2005, p. 559s) distinguent différentes postures en
recherche-action :
• la recherche-action participative (participative research), axée vers la
transformation sociale sur un ou des projets et sur une communauté donnée,
• la recherche-action critique (critical action research), orientée vers l’analyse
sociale et l’étude des pratiques, du langage et des organisations en vue
d’améliorer la réalité,
• la recherche-action en groupe (de type classroom action research), à visée
d’enseignement et d’amélioration des méthodes d’enseignement et
d’apprentissage (apprendre les uns des autres en travaillant en groupe),
• la recherche-action de type consultation scientifique (action science), dans
laquelle les enjeux académiques et les problèmes pratiques sont complètement
imbriqués.

L’étude de la fraude dans les organisations suppose d’alterner recherche-action en groupe


à titre exploratoire (comprendre les mécanismes et vulnérabilités pouvant engendrer des
fraudes) et recherche-action critique, visant à améliorer l’existant (renforcer les moyens
de maîtrise des risques, les éléments de dissuasion et de prévention). Le travail présenté
ici est un travail de recherche-action critique issu des recherches-actions en groupe
décrites dans (Dufour et Laffort, 2014).

15
5. Conclusion

Notre communication n’a pas comme objet de retranscrire l’ensemble des enjeux
associés à la fraude, cette revue de littérature montre à la fois l’ampleur du sujet et la
nécessité de clarifier et poursuivre ce qui est en fin de compte un réel programme de
recherche. Nous constatons néanmoins que l’étude de la fraude en gestion nécessite
autant d’affiner les cadres théoriques mobilisés que de proposer des approches pouvant
compléter les réflexions menées jusqu’ici. La fraude, notamment dans le secteur
financier, est souvent traitée de manière réactive et la maîtrise du coût des fraudes, de sa
prévention, des mesures de récupération associées est un réel axe de progression. Si cette
revue de littérature fournit des éléments consolidés relatifs à la fraude ainsi que des
éléments d’analyse théoriques et méthodologiques, nous actons que son caractère
exploratoire implique des cas d’étude poussée en vue de cerner la complexité du sujet.
Nous constatons enfin que le nombre de travaux académiques sur les manières de réduire
les fraudes reste relativement limité et que cela suppose des approfondissements,
notamment sur les apports respectifs des fonctions de gestionnaires des risques (Risk
Managers), de contrôle interne, de conformité, de gouvernance… a fortiori dans des
cadres réglementaires en consolidation tels que Solvabilité II notamment. C’est
également une conclusion de place et les initiatives se multiplient depuis quelques
années. C’est ainsi que s’est créée l’ACFE, Association of Certified Fraud Examiners qui
existe dans plusieurs pays et qui propose des formations dédiées à la recherche de la
fraude11. Avec ces initiatives, se développe le métier de consultant forensic, auditeur
multi-spécialiste dont une des activités essentielles est de débusquer les problèmes liés à
la fraude (Brody, Melendy, et Perri, 2012; Davis, Farrell, et Ogilby, 2013).

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11 On pourra voir en France : http://www.acfe-france.fr

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