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La Lutte Contre la Fraude en Entreprise

Article · July 2016


DOI: 10.12816/0040451

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Silamakan Kante

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Finance & Finance Internationale N°5 juillet 2016

LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE EN ENTREPRISE

Par

Silamakan KANTE

Chercheur en Audit Interne et en Management Stratégique et


Opérationnel, Cadre dans l’Organisation Internationale -World Vision-
Mali.

RESUME: Le risque de fraude est présent dans toutes les entreprises et constitue un risque
majeur puisque toute entreprise peut être victime d’une fraude. Cet article a pour objet
d’étudier le phénomène de la fraude en entreprise et les différentes catégories de fraude. Cet
article permet de comprendre également les motivations des fraudeurs et de mettre en lumière
les signaux d’alerte les plus fréquents chez les fraudeurs. Nous étudierons également les coûts
financiers engendrés par la fraude, l’évaluation du risque de fraude et nous proposerons par la
suite des mesures de prévention, de détection et de traitement de la fraude.

MOTS CLES : fraude, fraudeur, prévention, détection, investigation.

SUMMARY: The risk of fraud is present in all companies and is a major risk since any
company can be a victim of fraud. This article aims to study the phenomenon of corporate
fraud and the different categories of fraud. This article also allows for understanding the
motivations of fraudsters and to highlight the most common warning signs among fraudsters.
We will also study the financial costs of fraud, assessing the risk of fraud and we by following
the prevention, detection and treatment of fraud.

KEYWORDS: Fraud, fraudster, prevention, detection, investigation.

http://revues.imist.ma/?journal=FFI
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ISSN: 2489-1290
Finance & Finance Internationale N°5 juillet 2016

Introduction :
Toutes les entreprises sont concernées par la fraude et ce, quel que soit leurs tailles ou leurs
secteurs d’activité. Aucune entreprise n’est à l’abri d’une fraude. Les grands scandales
financiers qui ont éclaté dans le monde notamment aux Etats Unis (affaires ENRON, World
Com) ont coûté des centaines de milliards de dollars aux investisseurs mais aussi ébranlé la
confiance dans les marchés financiers du monde entier. A la suite de ces scandales, le
législateur a adopté de nouvelles règles : la loi Sarbanes Oxley Act (SOX) aux Etats Unis
(2002) et la Loi sur la Sécurité Financière (LSF) en France (2003) afin de renforcer la
fiabilité de l’information financière.
Selon l’étude PwC publiée en 2014, 37% des entreprises ont déclaré avoir été victimes d’une
fraude dans le monde au cours des vingt-quatre derniers mois. En France, 55% des entreprises
ont déclaré avoir été victimes d’une fraude au cours des vingt-quatre derniers mois. L’étude
montre que la fraude a augmenté de 3 points par rapport à 2011 et de 26 points en France
depuis 2009 malgré les dispositifs de contrôle mis en place.

Toujours d’après PWC (2014), 36% des organisations canadiennes ont déclaré avoir été
victimes d’une fraude et on note une augmentation de 4 points par rapport à l’étude de 2011.

Donc le risque de fraude est très élevé dans les entreprises. Aussi, ce risque est plus élevé
dans les grandes entreprises que dans les petites et moyennes entreprises.

D’après PwC (2014), les fraudes reportées par les entreprises de plus de mille employés
s’élèvent à 44% contre 33% pour les entreprises de cent à mille employés et 21% pour les
entreprises de moins de cent employés.
Malgré que tous les secteurs d’activité soient touchés par la fraude, on note dans l’étude
publiée en 2014 par PwC que les services financiers sont touchés à hauteur de 49% ainsi que
la distribution pour 49% également.

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Section 1 : Définition

L’origine du mot fraude vient du latin fraus ou fraudis et signifie « tort fait à quelqu’un ».
La notion de fraude est très vague et englobe le vol, la corruption, l’escroquerie, les
contrefaçons, l’extorsion, la conspiration, le détournement de fonds, la malversation, la
dissimulation, la collusion, etc.
On note plusieurs définitions de la fraude mais nous allons en citer quelques-unes:

Selon l’Institute of Internal Auditors (IIA) la fraude est« tout acte illégal caractérisé par la
tromperie, la dissimulation ou la violation de la confiance sans qu'il y ait eu violence ou
menace de violence. Les fraudes sont perpétrées par des personnes et des organisations afin
d'obtenir de l'argent, des biens ou des services ou de s'assurer un avantage personnel ou
commercial1 ».
Selon la Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes (CNCC), la fraude est un
«acte volontaire commis par une ou plusieurs personnes faisant partie de la Direction ou des
employés de l’entité, ou par des tiers, ayant pour objectif de déroger à des règles ou des
procédures prescrites, à des fins illégitimes, ayant pour conséquence d’altérer les comptes ou
encore de dissimuler le non-respect des textes légaux et réglementaires »
Selon la norme internationale d’audit ISA 240 de l’IFAC relative aux obligations de l’auditeur
en matière de fraude lors d’un audit d’états financiers, la fraude est un « acte intentionnel
commis par un ou plusieurs membres de la direction, par une ou plusieurs personnes
constituant le gouvernement d’entreprise, par un ou plusieurs employés ou tiers à l’entité,
impliquant des manœuvres dolosives dans le but d’obtenir un avantage indu ou illégal.»
Le groupe de travail (IIA, ACFE) propose la définition suivante : «la fraude consiste à
tromper délibérément autrui pour obtenir un bénéfice illégitime, ou pour contourner des
obligations légales ou des règles de l’organisation. Un comportement frauduleux suppose
donc un élément factuel et intentionnel ainsi qu’un procédé de dissimulation de l’agissement
non autorisé.2 »
On distingue, selon la typologie, la fraude interne et la fraude externe.

1
Définition de la fraude issue du glossaire, Cadre de Référence International des pratiques Professionnelles de
l’audit interne, IIA/IFACI, janvier 2009.
2
Cahier de recherche IFACI, La fraude Comment mettre en place et renforcer un dispositif de lutte anti-fraude ?
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Selon l’Association of Certified Fraud Examiners (ACFE)*, la fraude interne est :


«l’utilisation de son propre emploi afin de s’enrichir personnellement tout en abusant ou en
détournant délibérément les ressources ou les actifs de l’entreprise». Donc la victime de la
fraude interne serait l’organisation.
La fraude interne peut être commise par les employés ou par le management contre
l’entreprise. Le management peut également commettre une fraude interne et se dire qu’il le
fait pour le bien de l’organisation. On peut citer le cas d’un dirigeant qui maquille les chiffres
pour atteindre les objectifs fixés et qui pense le faire pour l’intérêt de la société.
La fraude externe est celle commise par les fournisseurs, les clients, les partenaires, etc.
La fraude externe bénéficie souvent de complicité à l’interne.
D’après l’étude mondiale publiée par PwC en 2014, dans le monde 56% des fraudes sont
d’origines internes à l’entreprise et 40% d’origine externes.
L’étude canadienne de PwC (2014)3, montre qu’au Canada, 61% des fraudes sont d’origine
internes et 39% d’origine externes.
Toujours d’après PwC (2014), en France la fraude interne représente 60% et la fraude externe
représente 40%.
Les fraudes internes sont donc les plus courantes dans les organisations.
Nous nous intéresserons beaucoup aux fraudes internes dans la présente communication.
Section 2 : Les catégories de fraude les plus fréquentes:
1. Le détournement d’actif : Il consiste en un transfert illégal, de manière directe ou
indirecte, d’un bien du patrimoine de l’entreprise à celui d’un salarié, d’un tiers ou d’une autre
entreprise. Dans la plupart des cas, le détournement d’actif porte sur la trésorerie, mais il peut
également porter sur tout autre actif de l’entreprise.
2. La corruption : C’est un acte par lequel un individu exerce une influence indue (pot-de-
vin, délit d’initié ou conflit d’intérêts, par exemple), lors d’une transaction commerciale, afin
d’en tirer un avantage pour lui-même ou pour quelqu’un d’autre, en violation de ses
obligations vis-à-vis de son employeur ou des droits de quelqu’un d’autre.
3. La fraude comptable: La fraude comptable consiste à manipuler intentionnellement les
comptes de l’entreprise afin d’en donner une image plus flatteuse au destinataire. Cette action
peut ne pas procurer au fraudeur un gain financier personnel.

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Sondage PwC Global Economic Crime Survey 2014, perspectives canadiennes
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4. La cybercriminalité : La cybercriminalité est une fraude commise par l’utilisation des


nouvelles technologies de l’information et de la communication notamment Internet. On peut
citer le vol d’informations personnelles telles que les coordonnées bancaires ou le
téléchargement illégal de fichiers.
5. La fraude aux achats : Il s’agit de faire une fausse mise en concurrence des fournisseurs
en vue de respecter la procédure alors que le fournisseur est déjà connu. Il peut également
concerner le fait de favoriser un fournisseur en lui divulguant des informations confidentielles
afin qu’il obtienne le marché.
Section3 : Les facteurs de motivation et le triangle de la fraude :
1. Le triangle de la fraude de Donald Cressey :

Rationalisation Opportunité
FRAUDE

Pression/ Incitations

Le triangle de la fraude constitue un cadre conceptuel important. Inventé par le sociologue


Donald Cressey (1986), il se compose de trois éléments : la perception d’incitations/ de
pressions, la perception d’une opportunité et la justification rationnelle du comportement
frauduleux.
1.1. La perception d’incitations, de pressions: Ici, le fraudeur perçoit une incitation qui lui
pousse à commettre la fraude. Le fraudeur a un besoin, besoin qui l’amène à commettre la
fraude. Les pressions au niveau d’un employé peuvent être des besoins personnels à satisfaire,
des problèmes financiers. Le management peut être tenté à maquiller les chiffres de
l’organisation en vue d’atteindre les objectifs fixés,…
1.2. L’opportunité : Le fraudeur doit percevoir une opportunité pour commettre son acte
facilement sans se faire prendre. Cela peut être l’absence ou l’inefficacité des contrôles, la
possibilité pour le management ou le personnel de contourner les contrôles en place.

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1.3. La rationalisation : Le fraudeur a besoin d’une justification rationnelle en vue de rendre


son acte acceptable à ses yeux. Il a besoin d’excuses comme :
 j’ai pris de l’argent dans la caisse, mais ce n’était qu’un « emprunt », je le rendrai plus
tard ;
 je travaille beaucoup et je le mérite ;
 je ne fais de mal à personne ;
 Les autres le font aussi (même si ce n’est pas vrai).
D’après l’étude PwC publiée en 2014 et menée au Canada, 73% des répondants ont indiqué
que l’occasion ou la possibilité de commettre la fraude était l’élément qui avait le plus
contribué à la perpétration de celle-ci dans leur organisation4.
Bien que le triangle de la fraude constitue un outil conceptuel convaincant, il existe d’autres
facteurs de fraude tels que l’avidité et le goût de la possession matérielle ou même la volonté
de prendre sa revanche sur l’organisation ou une attitude du type « attrapez-moi si vous
pouvez.»
2. Les hommes et la fraude :
-20% de la population est appelée à frauder quel que soit les contrôles mis en places ;
-20% de la population ne fraudera jamais même si vous leur donnez l’opportunité ;
-60% de la population est susceptible de commettre une fraude s’ils ont l’opportunité.
3. Le profil type du fraudeur : Selon l’étude mondiale « Profile of a Fraudster 5» menée par
KPMG (entre août 2011 et février 2013), 61% des fraudes constatées ont été commises par
des fraudeurs internes à l’entreprise. Le portrait-robot du fraudeur est un collaborateur de
sexe masculin âgé de 36 à 55 ans dans 70% des cas et ce dernier travaille dans l’entreprise
depuis plus de six ans dans 41% des cas.
L’étude révèle également que dans 70% des cas, le malfaiteur a agi en collusion avec d’autres
intervenants.
L’étude montre également que 72% des cas de fraude ont été commis pendant une période de
un à cinq ans. Cela démontre qu’il s’écoule un temps entre la perpétration de l’acte frauduleux
et sa découverte par l’organisation victime. Mais, en réalité le profil des fraudeurs reste,
difficile à dessiner.

4
Le crime économique gagne du terrain mais vous pouvez le combattre, Sondage PwC Global Economic
CrimeSurvey2014 perspectives canadiennes.
5
L’étude « Profile of a Fraudster » menée par KPMG est fondée sur l’observation de cas réels de fraudes ayant
fait l’objet d’investigations entre août 2011 et février 2013. L’analyse porte sur 596 fraudeurs impliqués dans des
méfaits commis dans 78 pays.
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4. Les signaux d’alerte les plus fréquents: Le fraudeur dissimule les faits ce qui fait qu’il est
plus facile de détecter une erreur qu’une fraude. Mais il existe certains signaux d’alerte à
surveiller :
 Le fraudeur vit au-dessus de ses moyens ;
 Le fraudeur a des difficultés financières personnelles ;
 Le fraudeur subit des pressions excessives de la part de l’organisation ;
 Le fraudeur prend des vacances rarement ;
 Le fraudeur travaille toujours tard, parfois il travaille même pendant le week-end.
 Le fraudeur a une résistance aux audits internes ou externes
 Le fraudeur a une surperformance systématique
Section 4: Les fraudes les plus courantes dans les entreprises et les coûts financiers de la
fraude:
1. Les fraudes les plus courantes dans les entreprises :
Traditionnellement, les fraudes les plus reportées par les entreprises sont le détournement
d’actifs, la fraude comptable et la corruption. Mais, l’étude PwC publiée en 2014 montre
qu’au cours des vingt-quatre derniers mois les fraudes les plus répandues sont le
détournement d’actifs, la fraude aux achats suivie de la corruption.

Ainsi, dans l’étude PwC (2014), on note que le détournement d’actifs est la fraude la plus
répandue dans le monde (69%) suivie de la fraude aux achats (29%) et de la corruption (27%).
La cybercriminalité vient en quatrième position (24%) suivie de la fraude comptable (22%).
Toujours, d’après PwC (2014) en France, le détournement d’actifs est la première catégorie de
fraude la plus répandue (61%) suivie de la cybercriminalité (28%) et de la fraude comptable
(22%). La corruption est la sixième catégorie de fraude en France (8%). En Europe de
l’Ouest, le détournement d’actifs vient en première position (61%) suivie de la
cybercriminalité (26%) et de la fraude comptable (17%). La corruption vient également
comme en France en sixième position (12%)6.

L’étude sur la fraude publiée en 2014 par PwC montre que dans le monde, plus d’une fraude
sur deux est désormais détectée grâce à un dispositif de prévention et de contrôle mis en place
par l’entreprise. La France détecte 62% des fraudes grâce à ce type de dispositif7.

6
La fraude en entreprise progresse et se transforme,« Global Economic Crime Survey 2014».
7
La fraude en entreprise progresse et se transforme,« Global Economic Crime Survey 2014».
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2. Les coûts financiers de la fraude :


Selon l’étude PwC publiée en 2014, pour près d’une entreprise sur deux dans le monde, les
coûts financiers des fraudes subies pendant les vingt-quatre derniers mois s’élèvent à plus de
cent mille dollars. On note également que dans 20% des cas reportés ce coût financier est
supérieur à un million de dollars. En France, ce pourcentage est de 10%.
On note également que pour 2% des entreprises dans le monde, l’incidence financière dépasse
les cent millions de dollars.

Mais, la fraude n’a pas qu’un coût financier. Le fait de savoir qu’un collaborateur vous
trompe amène un sentiment de trahison. La découverte de la fraude peut dégrader également
l’environnement de travail, porter atteinte à la réputation de l’entreprise et peut baisser le
moral des employés, porter atteinte aux relations commerciales entretenues avec les
partenaires.

D’après l’étude PwC publiée en 2014, au niveau mondial la baisse du moral des employés
constitue le dommage collatéral majeur (31%). L’atteinte à la réputation de l’entreprise
représente 17% et la dégradation des relations commerciales avec les partenaires représentent
également 17%.
Section 5 : La lutte contre la fraude en entreprise :
1. L’audit interne et la lutte contre la fraude :
Selon the Institue of Internal Auditors (IIA), « l’audit interne est une activité indépendante et
objective qui donne à une organisation une assurance sur le degré de maitrise de ses activités,
lui apporte ses conseils pour les améliorer et contribue à créer de la valeur ajoutée.
L’activité d’audit interne aide cette organisation en évaluant par une approche systématique et
méthodique ses processus de management des risques, de contrôle et de gouvernement
d’entreprise tout en faisant des propositions pour améliorer leur efficacité 8».
D’après les normes professionnelles d’audit interne, les auditeurs internes doivent posséder
des connaissances suffisantes pour évaluer le risque de fraude et la façon dont ce risque est
géré par l’organisation. Toutefois, ils ne sont pas censés posséder l’expertise d’une personne
dont la responsabilité première est la détection et l’investigation des fraudes9.

8
Traduction de la définition internationale approuvée par l'IIA le 29 juin 1999.
9
Extrait des normes professionnelles pour la pratique de l’audit interne de The Institute of Internal Auditors (IIA) : Norme
IIA 1210.A2.
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Le risque de fraude étant très élevé dans les organisations, l’audit interne doit alors s’assurer
que ce risque a correctement été identifié et pris en compte par la direction générale. En effet,
le fait même de savoir qu’il existe un département d’audit interne dans l’organisation peut
permettre de dissuader les fraudeurs potentiels.
L’audit interne a un rôle important à jouer dans la lutte contre la fraude. Elle doit s’assurer
que le risque de fraude a correctement été évalué et pris en compte, que des contrôles
efficaces adaptés au risque de fraude ont été mis en place.

Le contrôle interne, champ d’action de l’audit interne est un important moyen de lutte contre
la fraude. Les organisations doivent veiller à mettre en place un système de contrôle interne
efficace. Ce système pourra permettre de lutter efficacement contre la fraude en la prévenant
et même en la détectant également. Et, lorsqu’une fraude est détectée, l’entreprise doit
améliorer son système de contrôle interne afin que la même fraude ne se reproduise pas. Selon
le Committee Of Sponsoring Organizations de la Commission Treadway (COSO), le contrôle
interne est un processus mis en œuvre par le conseil d’administration, les dirigeants et le
personnel de l’entreprise, pour fournir une assurance raisonnable quant à la réalisation des
trois objectifs suivants :

- la réalisation et l’optimisation des opérations,


- la fiabilité des opérations financières,
- la conformité aux lois et règlements.
Selon DOMINIQUE PERRIER, responsable du département litiges et investigations chez
PwC « Un bon dispositif de contrôle interne ne suffit pas pour se prémunir totalement contre
le risque de fraude10. » Si le contrôle interne permet de réduire le risque de fraude, il n’est pas
en effet suffisant car le fraudeur contourne le plus souvent le dispositif de contrôle interne.
Le degré d’intervention du service d’audit interne dans les investigations de fraude peut varier
également en fonction des entreprises.

2. Les actions de prévention et de détection de la fraude :


En prenant en compte le fait que les fraudeurs contournent les systèmes de contrôles pour
perpétrer leurs actes, le risque de ne pas prévenir ou détecter une fraude est très élevé car les

10
Extrait de Risk Management — décembre 2011, P.29.

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fraudeurs ont l’habitude de dissimuler les faits, d’effacer leurs traces. Aussi, un fraudeur a en
général une parfaite maitrise du dispositif de contrôle interne, dispositif qu’il contourne le
plus souvent. Aussi l’entreprise peut accorder une confiance aveugle à un salarié et ne pas le
contrôler, ce qui lui permet de perpétrer facilement son acte frauduleux. Egalement, l’absence
de contrôles de certains processus peut faciliter la perpétration de la fraude.

La mise en place d’un programme de lutte contre la fraude est un important moyen de lutte
contre la fraude. Ainsi, l’entreprise peut mettre en place les processus suivants :
- Le service d’audit interne en collaboration avec les autres services (notamment le
service chargé des risques) doit conduire les analyses de risques sur la fraude, les
scénarios de fraude possibles, les scénarios de contournements des contrôles mis en
place. Cela permettra à l’entreprise de connaitre son degré d’exposition à la fraude et
de prendre les mesures appropriées pour la prévenir. Les procédures de contrôle en
place peuvent être revues ou améliorées. L’entreprise doit évaluer périodiquement son
degré d’exposition au risque de la fraude. L’établissement de la cartographie des
risques de fraude peut permettre d’évaluer les risques de fraude en déterminant les
probabilités de survenance ainsi que les impacts potentiels. Une bonne gestion des
risques de fraude permet de lutter efficacement contre la fraude. Notons que d’après
l’étude publiée par PwC en 2014, 11% des fraudes ont été détectées grâce à une bonne
gestion des risques de fraude.
- Une entreprise doit sensibiliser son personnel sur le phénomène de la fraude. Le
service d’audit interne peut organiser des sessions de formation à l’intention du
personnel sur la lutte contre la fraude. Cette formation doit se faire périodiquement.
- Une entreprise doit adopter une attitude de « tolérance zéro » face à la fraude. La
fraude ne doit pas être tolérée. Elle doit être sanctionnée. La direction d’une entreprise
doit faire savoir au personnel que l’auteur d’une fraude sera puni, cela permettrait de
dissuader les autres de commettre un acte frauduleux. L’étude PwC publiée en 2014
montre que dans le monde le licenciement est la sanction la plus employée en cas de
fraude interne. Le licenciement est intervenu dans 79% des cas de fraude interne dans
le monde. En France, ce pourcentage est en hausse et s’élève à 86%11. En sanctionnant

11
La fraude en entreprise : tendances et risques émergents, 6e édition « Global Economic Crime Survey 2011 ».

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les fraudeurs, l’entreprise envoie un signal fort aux autres membres du personnel. Un
fraudeur potentiel peut être dissuadé de passer à l’acte.
- L’entreprise doit instaurer un code de conduite de lutte contre la fraude. Ce code de
conduite doit être largement communiqué et diffusé dans l’entreprise. Ce code de
conduite doit être signé par tous pour montrer qu’ils vont se conformer à celui-ci.
- La direction doit contrôler les antécédents d’un candidat à un poste. Cela permettra de
savoir si le candidat a commis des actes malhonnêtes dans le passé. La direction doit
vérifier l’honnêteté et l’intégrité des candidats à un poste et cela en fonction du niveau
et de l’importance dudit poste.
- L’entreprise doit plafonner les transactions autorisées. Les transactions dépassant un
certain montant doivent être autorisées par plusieurs personnes. Le plafonnement des
transactions peut permettre à l’entreprise d’empêcher les transactions frauduleuses.
- En plus, l’organisation doit veiller à ce que des contrôles soient menés à l’improviste.
Des fraudes peuvent être détectées durant ces contrôles.
- L’entreprise doit également favoriser la rotation du personnel dans l’entreprise afin de
mettre à jour les collusions qui peuvent exister entre les différents collaborateurs;
- L’entreprise peut également mettre en place un dispositif de dénonciation qui permet
aux membres du personnel de dénoncer l’auteur d’une fraude. Ce système appelé
« whistleblowing » est né aux Etats Unis et a été instauré par la loi Sarbanes Oxley
Act en 2002.Il s’agissait de remettre à la disposition des employés, mais aussi des
fournisseurs et des clients un système de remontée d’informations afin qu’ils puissent
signaler les comportements fautifs dont ils seraient témoins. Mais l’entreprise ne peut
pas reprocher aux salariés le fait de ne pas l’avoir informé ou même les sanctionner
pour cela. L’entreprise doit également protéger les informateurs. Selon PwC (2014),
5% des fraudes ont été détectées dans le monde grâce à un système de dénonciation.
- L’entreprise peut aussi pratiquer les entretiens de départ. Un employé qui quitte
l’entreprise peut dénoncer un collaborateur qu’il n’a pas voulu dénoncer quand ils
étaient collègues. Le fait même de savoir qu’un entretien de départ a eu lieu peut aussi
être un élément de dissuasion de la fraude dans la mesure où le fraudeur potentiel aura
à l’esprit qu’un collaborateur pourra le dénoncer (si ce dernier a connaissance des
faits).

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3. Le traitement et l’investigation de la fraude :

Un dispositif d’investigation doit être mis en place en cas d’identification de fraude ou de


soupçon de fraude. Ce dispositif permettra de traiter de manière systémique les cas de fraudes
avérés et les cas de soupçons. L’équipe chargée du traitement de la fraude doit être
indépendante du périmètre d’enquête et avoir la compétence nécessaire pour mener leurs
investigations. L’entreprise peut confier la responsabilité du traitement à un responsable
opérationnel, à l’audit, au directeur juridique, au directeur des ressources humaines, à la
direction générale,…

Mais quel que soit le responsable choisi, la direction générale doit être présente dans le
système de prévention, de détection et de traitement de la fraude.
Selon Jean Marc Lefort, associé chez KPMG, la direction joue un rôle majeur dans les actions
de prévention, de détection et d’investigation. Son implication doit être directe et
prépondérante12.

L’investigation doit permettre d’identifier le schéma de fraude ou l’absence de fraude et de


situer les responsabilités des services (s’il y a une fraude) et les coûts engendrés par la
fraude ainsi que la période concernée.

La confidentialité des personnes soupçonnées doit être maintenue durant les investigations.
Cela pourrait permettre de ne pas alerter les éventuels fraudeurs qui peuvent détruire les
preuves de leurs actes. La confidentialité peut protéger également les éventuels témoins au
cours de l’investigation ou même après l’investigation. Aussi, la confidentialité pourrait être
nécessaire dans le cas où la fraude ne serait pas avérée.

Les procédures d’enquête, le choix des membres, la communication pendant l’enquête doivent
être documentées.

Les investigations peuvent démontrer que la fraude est avérée ou l’absence de fraude.

12
http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/finance-marches/actu/0203330295719-fraude-en-entreprise-les-bonnes-
pratiques-de-detection-et-de-prevention-652889.php#Xtor%3DAD-6000.

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Dans le cas où la fraude est avérée, au regard des coûts engendrés, l’entreprise décidera de la
sanction à prendre. Cela peut se traduire par un avertissement, une action en justice, un accord
à l’amiable, un licenciement,…

L’entreprise doit analyser le scénario de cas de fraude et en tirer les enseignements


nécessaires afin que la même fraude ne se répète pas. Ainsi, l’entreprise peut améliorer le
dispositif de contrôle en place (en cas de défaillance du dispositif de contrôle) ou mettre en
place les contrôles nécessaires (dans le cas où le risque n’était pas couvert par des contrôles).

L’entreprise peut également constituer une base de données des différents scénarios de
fraudes identifiés. Cette base de données peut servir dans la détection des différents cas de
fraude. Elle peut également aider dans l’évaluation de la cartographie des risques de fraude,
l’évaluation de la pertinence des sanctions appliquées, etc.

Conclusion :

La fraude est omniprésente dans toutes les entreprises. Nous constatons que la fraude interne
est la catégorie de fraude la plus élevée dans le monde et le détournement d’actif représente
plus de la moitié des fraudes commises. Les préjudices financiers et moraux sont énormes. La
fraude coûte chaque année des millions de dollars dans le monde. La fraude a aussi un coût
moral car elle peut baisser le moral des employés qui se sentent trahis le plus souvent.
Les entreprises doivent prendre conscience qu’elles ne sont pas à l’abri d’une fraude. Ainsi,
elles doivent évaluer correctement le risque de fraude en vue de mettre en place des contrôles
efficaces pour diminuer considérablement ce risque.
Comme nous l’avons étudié, plus de la moitié des fraudes sont détectées grâce à un dispositif
de contrôle. Donc, un dispositif de contrôle interne efficace jouera un rôle clé dans la
prévention et la détection des fraudes. La direction générale et l’audit interne ont des rôles
importants à jouer pour l’amélioration et le bon maintien d’un dispositif de contrôle interne
adapté à l’entreprise.
La sensibilisation et la formation à la lutte contre la fraude sont des mesures très importantes
dans la mise en place d’un programme de lutte anti-fraude.
La direction a un rôle clé à jouer dans la mise en place de ce programme de lutte anti-fraude et
doit être présente dans les actions de prévention, de détection et d’investigation de fraude.

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Finance & Finance Internationale N°5 juillet 2016

Elle doit donner le ton et montrer que la fraude n’est pas tolérée dans l’entreprise.
Avec la mise en place des contrôles efficaces, l’entreprise pourra mieux lutter contre la
fraude. Mais, il faut retenir que cette assurance n’est que raisonnable car les fraudeurs ont
pour habitude le plus souvent de détourner les contrôles mis en place.

Bibliographie :

- PwC, (février 2014), la fraude en entreprise progresse et se transforme « Global


Economic Crime Survey 2014».
- PwC, (2014), la fraude continue à être une vraie menace pour les entreprises, Global
Economic Crime Survey 7 ème édition.
- PwC, (2014), le crime économique gagne du terrain mais vous pouvez le combattre,
sondage PwC Global Economic Crime Survey 2014, perspectives canadiennes.
- . William Brock, Ad. E. Marc-André Boutin (6 novembre 2012), La fraude : histoire,
enjeux, outils et défis.
- Cadre de Référence International des Pratiques Professionnelles de l’Audit Interne
(CRIPP, édition 2013) Institut Français de l’Audit et du Contrôle Internes de Paris.
- PwC, (2011), La fraude en entreprise : tendances et risques émergents, 6e édition de
l’étude sur la fraude en entreprise, « Global Economic Crime Survey 2011 ».
- PwC, (novembre 2011), pleins feux sur la criminalité, la perspective canadienne,
Sondage Global Economic Crime Survey 2011.
- EBC Business Consulting, Ariel Aubry, (septembre 2011), lutte contre la fraude,
enjeux et outils.
- Cahier APIA (administrateurs Professionnels Indépendants Associés) n°17,
(10/06/2011): « Le risque de fraude dans les entreprises : le rôle des administrateurs
dans sa prévention ». En collaboration avec KPMG.
- Cahier de la recherche IFACI, (décembre 2010), la fraude, comment mettre en place et
renforcer un dispositif de lutte anti-fraude.
- PwC, (Novembre 2009), Les incidences de la crise sur la fraude en entreprise, 5 ème
édition de l’étude sur la fraude en entreprise.
- Edifixio, (17/11/2009), Diner débat, Enjeux et outils de Lutte contre la fraude

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- M. Messaoud Abda, (Alger le 13 octobre 2009), la criminalité financière un


phenomène mondial, IAHEF.
- Grant Thornton , (IMA du 18 juin 2008), Détection & Prévention des Fraudes
Internes.

- ERNST&YOUNG, (Mai 2008) ,10e Etude Internationale sur la Fraude Quelle


perception les entreprises ont-elles de la corruption ? Résultats pour la France.
- Grant Thornton , (conférence du 15 avril 2008), les fraudes internes et leur détection,
de la cartographie des risques au dispositif de contrôle.
- Association of Certified Fraud Examiners et Dr Dominic Peltier-Rivest, Ph.D.,
M.Acc., CFE, UniversitéConcordia, Montréal (2007), la détection des fraudes
commises en entreprise au Canada: Une étude de ses victimes et de ses malfaiteurs.
- Romain DUPRAT – PANSARD ASSOCIES,ola fraude et la responsabilité de
l’entreprise.
- BAH Alexandre Aboul Ramane, (mars 2000), la prévention de la fraude en entreprise,
mémoire présenté et soutenu pour l’obtention du DESS d’audit international et
contrôle de gestion au Centre Africain d’Etudes Supérieures en Gestion (CESAG).

Annexe : Glossaire des abréviations

IIA: Institute of Internal Auditors (Institut International des Auditeurs Internes)

IFACI: Institut Français de l’Audit et du Contrôle Internes

ACFE: Association of Certified Fraud Examiners

PWC: PricewaterhouseCoopers

ISA: International Standard on Auditing

IFAC: International Federation of Accountants.

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