Vous êtes sur la page 1sur 19

Working P aper IMRI

2008/02

IMRI, Université Paris Dauphine, 75775 PARIS CEDEX 16 / Tel : 33.(0)1.44.05.42.92 - Fax : 33(0)1.44.05.48.49
site internet : http://www.dauphine.fr/imri
LES FACTEURS EXPLICATIFS DE LA

SOUS PERFORMANCE DES IPO A LONG

TERME :

UNE SYNTHESE THEORIQUE1

Sonia BEN SLIMANE

IMRI
Université Paris-Dauphine
Place du maréchal de Lattre de Tassigny
75775 Paris CEDEX 16
sonia.benslimane@dauphine.fr

1
Cet article fait partie d’un projet sur lequel nous travaillons pour le compte de la CDC, sur les problèmes de
sous performance des IPO’s à long terme. Ainsi, nous tenons à la remercier la CDC pour sa contribution
financière dans l’élaboration du projet.

1
Résumé

Le développement croissant des IPO’s répond à une logique économique complexe liée aux

caractéristiques des entreprises candidates, à la nature des projets et à la spécificité du

contexte informationnel caractérisant ces opérations. Un phénomène est souvent observé,

celui de la sous performance à moyen et long termes sur le marché boursier. Le présent article

tente à travers une synthèse des travaux traitant des IPO’s d’expliquer les causes de la sous

performance observée en insistant sur le rôle des compétences et de l'expérience de l’analyste

dans l’explication de ce phénomène.

Mots clés:

Initial public offering (IPO), sous performance, asymétrie d'information, évaluation.

2
Introduction

Une littérature abondante s’est développée autour du phénomène de la performance des

« initial public offerings » (IPO’s). Un problème est souvent souligné, celui des rendements

des émissions qui sont anormalement élevés à court terme et anormalement faibles à moyen et

long termes. Les explications sont pour la plupart fondées sur la théorie d’agence dans le sens

où elle permet de comprendre les relations entre les parties prenantes et les enjeux qui les

sous-tendent. La présence d’une divergence d’intérêts et la recherche de rentabilité rapide

pourraient déboucher sur des comportements « opportunistes » ayant un effet sur l’évaluation

de l’entreprise au moment de son introduction et par conséquent sur le niveau des rendements

à long terme (EDWIN, GROSMAN et GRUBER J, 1986; HART et HOLSTROM, 1987). Les

travaux de LOUGHRAN et RITTER (1995, 2004) sur le marché financier américain

confirment cette hypothèse. Ces auteurs montrent que les entreprises sont surévaluées à cause

des paris de rentabilité excessive des investisseurs. Des travaux similaires effectués sur les

marchés européens confirment la baisse anormale des rendements des émissions à long terme.

C’est dans ce cadre que se place notre recherche, qui a pour objectif, au travers d’une

synthèse de la littérature d’expliquer les raisons de la sous performance systématique des

IPO’s, quelques années après l’introduction. Nous focaliserons l’analyse sur le rôle de

l’analyste dans l’explication de ce phénomène. Nous verrons ainsi comment les

recommandations avancées par les analystes contribuent à expliquer la baisse anormale des

valeurs des titres observée sur le marché deux ans en moyenne après l'introduction. Pour y

parvenir, nous expliquerons l’influence du contexte spécifique des IPO’s sur la qualité des

évaluations émises par l’analyste. En effet, l’incertitude et le risque influent sur la nature et la

qualité de l’information détenue par chaque acteur. Par conséquent les prévisions de

rentabilité ne se feront pas indépendamment des informations diffusées. L'évaluation ne

traduira pas forcément la valeur fondamentale du titre, et ce en raison de la qualité des

3
informations détenues par l'analyste. Dans un deuxième temps, nous mettrons l'accent sur

l'inefficacité des évaluations émises par l’analyste. En effet, le risque d'erreur nul n'existe pas,

en revanche, les évaluations sont systématiquement biaisées et l’écart d’erreur entre le résultat

réel et les prévisions est observé en moyenne dès la fin de la première année. Cette

inefficacité est d'autant plus évidente que l'écart entre le prix estimé et le prix observé est

important. Dans un troisième temps, nous verrons les raisons des erreurs systématiques

d’évaluation. À ce sujet, plusieurs travaux empiriques l'expliquent par des raisons

fonctionnelles, liées notamment au fait que l’analyste ne puisse pas aller à l’encontre des

intérêts de la banque à laquelle il appartient. Nous synthétiserons les travaux qui appuient ce

raisonnement. Dans le prolongement de l’analyse nous présentons une autre voie

d’explication, dont l’originalité consiste à expliquer les erreurs d’évaluation par les

compétences de l’analyste (LIM 2001, TEOH et WONG 2002). Cette voie bien qu’elle ne soit

pas encore beaucoup développée expliquerait mieux à notre sens la variation du niveau

d’erreur.

1. Sous performance à long terme : Problème d’évaluation

Les opérations d’IPO’s concernent des petites et moyennes entreprises, souvent qualifiées

d’innovantes. L’innovation n’est pas exclusivement technologique, même si bon nombre

d’entreprises recensées sur le nouveau marché appartiennent à des secteurs technologiques.

L’innovation peut être associée à une innovation de produit ou de service, de processus ou de

commercialisation (sociétés de vente en ligne). Ces entreprises présentent non seulement des

potentialités de croissances relativement élevées, mais aussi des particularités

« irrationnelles » (BERNASCONI M, MONSTET M, 2000) pour lesquelles les notions de

prévision, d’incertitude et de risque prennent toute leur importance. L’incertitude renvoie à la

rentabilité qui n’est pas définie ni fixée d’avance. Elle varie selon les caractéristiques initiales

4
-financières et techniques- des entreprises candidates et selon leur contexte d’évolution. Plus

l’asymétrie d’informations est élevée, plus l’incertitude sur la rentabilité est élevée et plus le

risque encouru par les investisseurs est important. Pour le porteur des fonds, la décision de

financement correspond à une décision d’investissement qui s’inscrit dans une logique de

maximisation des flux positifs générés par l’investissement (LOUGHARAN, RITTER, 1995).

Cela veut dire qu’au fur et à mesure que le risque augmente, la rentabilité escomptée par les

investisseurs doit être telle qu’ils jugeront suffisant de prendre un tel risque. Ce qui

expliquerait le taux de rendement « élevé » exigé par l’investisseur. Pour l’entreprise

candidate désireuse d’un financement important, la rentabilité n’est pas une donnée ex-ante

mais un enjeu déterminant d’autant plus que les investisseurs ne veulent pas prendre le risque

dans un environnement incertain. L’évaluation s’avère dans ce contexte, déterminante

puisqu’elle permet de réduire le risque et l’incertitude et constitue l’élément fondamental et

stratégique pour l’entreprise candidate à une IPO. Cependant, la sous performance est

observée quelques années après l’introduction (GOMPERS et LERNER, 2003). Dans ce sens,

RITTER (1991) observe une sous performance à long terme de 29,13% sur 36 mois sur le

marché américain. Sur le marché européen, différents travaux traitant des IPO’s notamment

sur le marché français (LELEUX, 1993, CHAHINE, 2004 et BOUTRON, 2005), confirment

cette tendance.

Plusieurs voies de recherche tentent d’expliquer le phénomène de sous performance des IPO’s

à long terme, en se basant sur le contexte informationnel de l’évaluation du titre. À ce sujet,

la notion de « valeur réelle» du titre (LARDIC S, MIGNON V, 2006) s'avère importante dans

le sens où elle permet d'un côté, de connaître la base de calcul de la valeur du titre, c’est-à-

dire sa valeur réelle et d'un autre côté, de comprendre l’influence du contexte informationnel

sur l’éloignement du prix observé sur le marché de sa valeur fondamentale. En effet, dans un

contexte d’efficience informationnelle, le prix observé sur le marché est censé refléter au

5
mieux la valeur fondamentale du titre. Les investisseurs anticipent par conséquent les

dividendes sur la base des informations dont ils disposent. Or les résultats des études menées

sur les différents marchés financiers montrent que les prix observés ne reflètent pas la valeur

réelle des titres. L’exemple le plus concret est celui de la bulle Internet pour laquelle les

valeurs (les cours d’actions) des entreprises ne reflétaient pas la valeur fondamentale des

titres. Ainsi, la sous-performance à long terme pourrait être liée à une insuffisance

informationnelle.

De ce fait nous présenterons dans ce qui suit, à partir d’une synthèse de la littérature, les

situations qui traduisent au mieux le contexte d’asymétrie d’information. Cette présentation

nous paraît indispensable pour comprendre l’influence de la perception des enjeux de la

transaction par chacun des acteurs sur les anticipations et ainsi sur l’évolution du prix des

titres.

1-1- Les différents types d’asymétrie informationnelle

L’asymétrie d’information est liée aux informations détenues par chacun des acteurs

intervenant dans l’IPO. L’objet de cette asymétrie est généralement lié à la situation

antérieure de l’entreprise et à la situation du marché. Quant aux enjeux que représentent ces

opérations, bien qu'ils diffèrent selon la situation de la société candidate, ils renvoient toujours

à une dimension financière qui se traduit par le fait qu’aucun des acteurs n’assumera sa part

dans l’investissement que si le taux de rendement ne correspond pas au minimum requis pour

le risque encouru. Ainsi, le contrat ne sera conclu que lorsque le bénéfice escompté par

l’investisseur et l’entrepreneur est égal ou supérieur à toute autre alternative du projet

(BEBCZUK, RICARDO, 2003). Face à la divergence des intérêts des parties prenantes,

l’évaluation s’opère dans un contexte d’incertitude et d’asymétrie d’informations où chaque

acteur essaie de tirer un maximum de bénéfice de l’opération. Plusieurs cas de figure illustrent

6
des situations d’asymétrie d’information, mais nous retenons pour l'analyse les deux situations

d’asymétrie d’information les plus développées dans la littérature :

- Le premier cas de figure illustre bien les conséquences de l’aversion au risque. Il s’agit

d'abord de l’adverse selection selon laquelle, face à deux projets, présentant des valeurs

prévisionnelles identiques, l’investisseur préfère celui qui présente le minimum de risque et

l’emprunteur celui le plus risqué. On retrouve ensuite le monitoring costs lié généralement

aux actions cachées par l’entrepreneur qui tire avantage des informations dont il dispose, il y

aura une possibilité qu'il dissimule certains risques liés au projet en exploitant l’ignorance de

l’investisseur ;

- Le deuxième cas d’asymétrie d’information est posé lorsque les investisseurs sont

mieux informés que les dirigeants en ce qui concerne le marché et la demande. Ces derniers

ne disposent pas d’informations efficaces quant au prix moyen des actions sur le marché et

son évolution. Ils ne connaissent pas non plus le niveau de demande de leurs titres. De leur

côté, les investisseurs institutionnels disposent de plus d’informations et représentent des

clients importants (LOUGHRAN et RITTER, 2002). Ils n’investissement que lorsque le prix

proposé est inférieur à leur propre évaluation.

Connaissant la prédominance des enjeux financiers dans les opérations d’IPO, la présentation

des différentes situations d'asymétries informationnelles permet de réaliser l'ampleur de ces

enjeux et nous permet d'expliquer dans ce qui suit l’influence du contexte informationnel sur

l’attribution de la valeur du titre ainsi que son évolution.

1-2- Évaluation du titre dans un contexte d’asymétrie d’information

Plusieurs études traitant des problèmes des IPO’s montrent que les titres ayant connu une sous

performance à long terme, ont été évalués initialement à des prix très différents de leurs prix

7
réels. PURNAMANDAM et SWAMINATHAN (2002) étudient l’évolution de la

performance d’un échantillon très large d’IPO (2000 entreprises) sur la période 1980 à 1997.

Ils observent une sous performance des titres à long terme. Ils constatent à cet effet que

lorsque la valeur du titre correspond au prix de l’offre, cette valeur est en moyenne 50% au-

dessus du prix moyen des titres sur le marché. Cette constatation illustre bien l'influence du

contexte informationnel sur l'évolution de la valeur du titre sur le marché. De plus elle

permettrait d'établir un lien entre la sous performance et la surévaluation du prix du titre. En

effet, si la valeur du titre observée sur le marché est significativement supérieure à la vraie

valeur du titre on pourrait penser au phénomène de spéculation illustré par la bulle internet où

les prix observés ne traduisaient pas la vraie valeur des titres et qui ont eu pour conséquence

une sous performance des titres. Au-delà des phénomènes de spéculation, la sur évaluation

conduit à s'intéresser au processus d'évaluation. Celle-ci est opérée par un intermédiaire

mandaté par l’entreprise candidate dans le cadre de la préparation du dossier d’introduction.

Sa démarche est essentiellement prospective et prévisionnelle et repose sur des principes de la

finance classique, notamment d’irréversibilité, d’incertitude et de durée. Cela suppose

l’utilisation de méthodes ni constantes ni absolues. À ce sujet, COPELAND, KOLLER et

MURRIN (2000) soulignent la difficulté de mesurer la rentabilité pour le cas des PME

innovantes dans le sens où le calcul de la rentabilité se base sur la notion d’actualisation selon

laquelle le taux d’actualisation augmente au fur et à mesure que le risque est élevé, ce qui a

pour conséquence de baisser la valeur de la VAN2. Ceci veut dire que les projets les plus

risqués peuvent être pénalisés en raison d'une certaine aversion au risque. Par ailleurs, le

financement est conditionné par des garanties « prévisionnelles et non réelles » avancées par

les analystes qui doivent inclure la possibilité de présence d’une asymétrie d’information.

Leur intervention permet d’un côté de discipliner le comportement des dirigeants notamment

2
VAN: valeur actuelle nette. C'est un critère qui permet de mesurer la rentabilité d'un investissement en fonction
du taux d'actualisation.

8
en termes de manipulation des résultats comptables et de l’autre côté de rassurer les

investisseurs potentiels sur leur choix d’investissements. Ainsi, leur présence dans la chaîne

de financement permettrait en théorie, de réduire l’incertitude relative à la situation antérieure

de l’entreprise candidate et de résoudre les tensions informationnelles. Cependant plusieurs

travaux soulignent que les analystes ont souvent tendance à surévaluer ces entreprises au

moment de leur introduction (KRIGMAN et al., 1999; HOUGE et al., 2001). Plus

précisément, les analystes proposent généralement un prix qui dépend du prix moyen sur le

marché (CORNELLI et GOLDREICH, 2001), ce qui veut dire que la valeur du titre serait de

plus en plus éloignée de sa valeur fondamentale. Les prix proposés seront par conséquent

supérieurs au prix moyen du marché ce qui augmente le risque de sous performance. Ce

comportement illustre bien les effets de la présence d'une asymétrie informationnelle. En

effet, les analystes disposent généralement des informations relatives aux entreprises

candidates, au marché et aux investisseurs. Ces informations leur sont utiles pour déterminer

la valeur des titres et prévoir les gains futurs. Le fait même que ces informations soient

restreintes aux analystes, augmente les risques de surévaluation ou sous-évaluation. Ainsi, la

valeur du titre au moment de l’introduction ne reflète pas systématiquement sa vraie valeur

fondamentale. Cet écart tend à s’accentuer en présence d’une asymétrie informationnelle, qui

caractérise le plus le contexte d’évolution de ce type d’entreprises. Ce qui nous permet de

valider l’hypothèse qui stipule que quelle que soit l’origine de la situation d’asymétrie,

l’information diffusée relativement aux potentialités de gains futurs, influera sur la vraie

valeur du titre et ainsi sur sa performance à long terme.

9
2. La qualité de l’évaluation serait-elle à l’origine de la sous
performance ?

La relation entre l’évaluation au moment de l’introduction et la performance à long terme a

fait l’objet de plusieurs études sur les marchés des IPO’s, qui portent notamment sur la qualité

des prévisions émises par les analystes. Ces études montrent des erreurs systématiques dans

les prévisions qui s'avèrent dans la plupart des cas assez éloignées des résultats réels. Nous

verrons dans ce qui suit les facteurs qui influeraient sur les prévisions, ainsi que les enjeux des

prévisions pour l'analyste surtout que ces prévisions sont souvent supérieures aux résultats

observés.

2-1- La réalité des évaluations : Des erreurs de prévision

Les prévisions des analystes sont censées aider les investisseurs désireux d'une rentabilité

élevée, à faire un arbitrage face à plusieurs possibilités de financement. Cet arbitrage tient

souvent compte du risque encouru et des potentialités de rendements affichées par les

analystes. À ce sujet, plusieurs études montrent que les évaluations sont systématiquement

biaisées (STHELE, EHRARDT, PRZYBOROWSKY, 2000; LOUGHRAN et RITTER, 2002;

CHAHINE, 2001, 2004). Dans ces sens, PURNAMANDAM et SWAMINATHAN (2002),

qui se basent sur la mesure de la valeur intrinsèque d’entreprises comparables (prix/EBITDA)

constatent que les entreprises sont systématiquement évaluées à un niveau supérieur au prix

réel. Les travaux de BOUTRON (2005) qui étudie un échantillon d'IPO's sur la période

(1983-1987), confirment l’hypothèse de surestimation des gains futurs. Une des explications

de la sur évaluation est liée au marché (CORNELLI et GOLDREICH, 2001). En effet, les

analystes proposent généralement un prix qui dépend du prix moyen sur le marché et ajustent

leur prix à la hausse par rapport au prix estimé au départ. Néanmoins, cette méthode ne sert

pas les entreprises à long terme puisque le risque de sous performance augmente. Cette

10
tendance à la surestimation s'illustre durant les "périodes de spéculation" (RITTER, WELCH

2002 et BOUTRON 2005), durant lesquelles les analystes motivent les investisseurs à investir

dans un souci de rentabilité en profitant de l'effervescence qui anime les transactions sur le

marché, sans se soucier des conséquences de l'éloignement du prix observé de celui traduisant

la vraie valeur de l'entreprise et par suite de l’avenir de l’entreprise. À cet effet, l'erreur nulle

d'évaluation et de détermination des gains futurs n'existe pas et ce en raison de la nature même

de la démarche essentiellement prospective et prévisionnelle. Par ailleurs, le degré

d’incertitude élevé caractérisant les opérations des IPO's et auquel sont confrontés les

analystes accentuerait la probabilité des erreurs. À ce sujet, CHAHINE montre en calculant le

(ES)3 pour deux échantillons dont la variable discriminante est l'IPO, que les analystes ont des

problèmes d’évaluation lorsqu’il s’agit des entreprises candidates à des IPO’s. Nous pouvons

ainsi comprendre les limites d'efficacité des critères financiers classiques en tant qu'outils

dans le calcul des prévisions En revanche, lorsque l'écart d'erreur est important, dans le sens

d'une surestimation par exemple, il serait nécessaire d'expliquer sur les raisons du

suroptimisme de l'analyste et ses motivations et ce au détriment de l'avenir de l'entreprise qui

le mandate.

2-2- Une tendance pour le suroptimisme ?

Le suroptimisme correspond au fait que l'analyste prévoit un potentiel de croissance trop

élevé compte tenu de la situation de l'entreprise candidate et du marché. Cette situation est

validée dans les travaux de RAJAN et SERVAES (1997) qui expliquent que lorsque les

analystes décrivent un potentiel de croissance moyen, les IPO affichent de meilleures

performances sur le long terme que lorsqu’ils prédisent un potentiel de croissance trop élevé.

Sur le marché financier français, l'hypothèse de sur-optimisme est défendue dans plusieurs

3
Earning Surprise: critère de mesure du niveau d’erreur de prévision

11
études empiriques notamment celle de CHAHINE (2004) portant sur un échantillon de 168

entreprises dont la variable discriminante est l’IPO. Il constate l'existence d'un biais dans les

prévisions avancées par les analystes puisque celles-ci dépassent clairement les gains réels des

IPO’s. Ce résultat est d'autant plus intéressant lorsqu'il remarque que l’écart d’erreur est

anormalement important la première année. Sur le marché américain, les résultats des travaux

de MICHAELY et WOMACK (1999) vont dans ce même sens. Ces auteurs étudient un

échantillon de 391 IPO's sur la période 1990- 1991. Ils constatent que les valeurs réelles des

entreprises sont souvent faibles lorsque les prévisions sont établies par l’analyste souscripteur.

Nous pouvons confirmer cette tendance à la surestimation des gains. En revanche, il serait

nécessaire d'essayer d'expliquer les raisons de ce comportement, étant donné que l'analyste

s'engage par les fonctions de certification qui lui sont attribuées à évaluer les entreprises

candidates et à prévoir des gains. Certains auteurs défendent à ce sujet l'hypothèse selon

laquelle les recommandations de l'analyste souscripteur sont subjectives puisqu'il prend des

décisions biaisées en faveur des IPO auxquelles sa banque d’investissement souscrit

(MICHAELY et WOMACK 1999). D'autres auteurs défendent l'hypothèse de la présence

d'anomalies ayant des origines comportementales des analystes (ABARBANELL 1991 et

RAJAN et SERVAES 1997). Ainsi, la partie suivante se propose d'expliquer les raisons de

suroptimisme de l'analyste et de savoir s'il résulte d’un conflit relatif à l’analyste dans sa

fonction ou il s'agirait d’un problème lié aux compétences.

3. Conflits fonctionnels ou problèmes de compétences ?

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer les raisons du biais dans les prévisions des

analystes. Plusieurs auteurs (DUGAR et NATHAN, 1995, MICHAELY et WOMACK, 1999,

BAUMAN et MILLER, 1997) défendent l’hypothèse de subjectivité de l'analyste pour des

raisons fonctionnelles. À ce sujet, MICHAELY et WOMACK (1999) expliquent que lorsque

12
les analystes travaillent pour des banques d’investissements associées à des sociétés qui

veulent s’introduire en bourse, ils ne peuvent pas avancer de prévisions de performance et de

gains objectives des sociétés candidates, ce qui augmente le niveau des erreurs. Une autre

explication place les compétences de l’analyste au cœur du débat. Nous procéderons par

l'analyse de la première voie d'explication, souvent soulignée dans les travaux traitant de la

sous performance des IPO's et liée notamment aux conflits fonctionnels. Ensuite, nous

présenterons une autre voie d'explication, bien qu'elle ne soit pas très développée, celle

relative à l'aptitude de l'analyste à émettre des prévisions efficaces quant aux potentialités de

gains futurs de l'entreprise candidate.

3-1- Les conflits fonctionnels et divergences d’intérêts

Les analystes financiers travaillent souvent pour des sociétés de courtage pour lesquelles les

opérations d'IPO présentent des enjeux financiers importants. Les prévisions des analystes

sont ainsi influencées par les objectifs de la société en termes d'évolution des parts de marchés

(DUNBAR 2000). La situation apparaît complexe pour la banque d’investissement qui doit

d’un côté attirer de nouveaux investisseurs en sous évaluant les entreprises candidates à une

IPO (SHILLER, 1990) et d’un autre côté, la banque ne prend pas la charge d’émettre des

recommandations négatives concernant l’un de ses clients. De ce fait, la qualité des

recommandations influe sur la réputation externe du cabinet qui souscrit l’IPO ou la banque

d’investissement à laquelle appartient le cabinet, puisqu'en sous évaluant trop les titres, la

banque perd de futurs émetteurs tandis que si elle ne sous-évalue pas assez, elle perd de

potentiels investisseurs. Dans ce contexte, les prévisions effectuées par l'analyste s'avèrent

optimistes (HAMAO, PACKER et RITTER, 2000). À ce sujet, la comparaison effectuée par

MICHAELY et WOMACK (1999) entre les prévisions établies par des analystes appartenant

à une banque d’investissement par rapport à celles qui sont établies par des analystes

13
n’appartenant pas la société qui souscrit confirme l'influence des relations d'agence sur la

subjectivité de l’analyste. Les analystes portent donc deux casquettes. D’un côté, ils servent

leurs clients, et de l’autre coté, ils aident les sociétés auxquelles ils appartiennent à augmenter

le volume des actions qu’elles souscrivent. Cette situation pourrait conduire l’analyste à

chercher les meilleurs profils et à effectuer une évaluation positive qui lui assure une

meilleure rémunération et une meilleure réputation.

Une autre voie d'explication que nous présentons dans le paragraphe suivant remet en cause

l'aptitude de l'analyste à prévoir efficacement les potentialités de gain des entreprises

candidates. Cette voie vient compléter celle que nous venons de développer. Elle apparaît

intéressante dans le sens où elle s'inscrit dans une optique de responsabilisation de l'analyste

face aux enjeux ainsi qu'aux risques des évaluations.

3-2- Vers une remise en cause des compétences de l’analyste

Au-delà des conflits d’intérêts qui influenceraient les prévisions émises par l’analyste, il serait

intéressant de s’interroger sur le rôle de l’analyste de par ses compétences et son expérience

dans une optique d'efficacité des prévisions. Cette capacité dépend non seulement de ses

aptitudes à utiliser les outils métriques et de son expérience mais aussi de sa capacité à

interpréter les résultats, et à inclure dans son raisonnement, une éventuelle asymétrie

d’information. Cette hypothèse bien qu'elle ne soit pas encore très développée, est soulignée

dans plusieurs travaux notamment ceux de LIM (2001) qui met l'accent sur le lien entre

information incertaine et expérience de l’analyste. Les travaux de TEOH et WONG (2002)

vont aussi dans ce sens. Ces auteurs remettent en cause la capacité des analystes à inclure la

possibilité d’une asymétrie d’information et soulignent que si les analystes prenaient en

considération l’implication de l’information contenue dans les comptes dans une optique de

gain futur, la sous performance serait quelque peu évitée. Le biais d’erreur nul n’existe pas, et

14
ce en raison de la spécificité du contexte des IPO's. Cependant, les analystes ont tendance à

surestimer les gains et leurs estimations sont moins fiables sur un horizon de long terme

(CHAHINE, 2004). En revanche, un analyste expérimenté et connu pour la qualité de ses

prévisions réduirait les erreurs de prévision et aiderait mieux les investisseurs dans leurs

décisions. Dans ce sens, DINH et GAJEWSKY (2005) qui expérimentent 10 marchés sur

lesquels les prévisions des analystes sont biaisées et divergentes, montrent que les

imperfections contenues dans les prévisions entraînent des déviations des prix des titres par

rapport à leur valeur fondamentale. Par ailleurs, l’absence d’une attente raisonnable de la part

des investisseurs contribue au manque d'efficacité de l'analyste (LOUGHRAN et RITTER,

1995). Les prévisions biaisées des analystes affectent par conséquent les comportements et les

anticipations des investisseurs (TEOH et WONG, 2002). À ce propos, les enquêtes effectuées

par KRIGMAN, SHAW et WOMACK (1999) auprès de chefs d'entreprises et de directeurs

financiers faisant des IPO’s, indiquent que 75% de leurs décisions se basent sur la réputation

de l’analyste souscripteur.

Ainsi, nous estimons que le contexte des IPO’s permet de tester la capacité de l’analyste à

inclure la présence d’une asymétrie d’information dans l’opération et donc à ne pas trop

s’écarter des futurs gains réels. Certes, l'écart nul n’existe pas puisque la démarche

d’évaluation demeure prospective et prévisionnelle. En revanche, la réduction des écarts

d’évaluation repose sur l’expérience et les compétences propres de l’analyste, qui déterminent

au final sa réputation.

Conclusion

L’explication des raisons de la persistance du phénomène de sous performance à long terme

dans le contexte des IPO’s est aussi complexe que celui des intérêts des acteurs impliqués.

Cette complexité se reflète à travers les comportements des analystes qui affichent un

15
optimisme exagéré quant aux prévisions de gain des entreprises candidates. Ces erreurs

d’évaluations conduisent à réfléchir au statut de l’analyste dans le sens d’une séparation des

fonctions afin de réduire le biais dans l’évaluation. Il serait aussi important de mettre en place

un système de notation des analystes par rapport à leurs résultats pour une meilleure efficacité

dans leurs fonctions. Il est aussi question d’établir des règles claires,

une meilleure définition de l’évaluation métrique, surtout pour les entreprises n’ayant pas

d’antériorité et pour lesquelles les prévisions sont très imprécises. Enfin, si les entrepreneurs

cherchent à modifier positivement la perception des investisseurs sur la distribution des flux

de liquidités futurs en vue d’obtenir un prix plus élevé, le coût de la sous évaluation n’est pas

supprimé, il est simplement transféré dans le temps. Par ailleurs, la présence d’intermédiaires

compétents qui apportent une garantie au marché permet de réduire l’asymétrie d’information

et l’incertitude des investisseurs.

BIBLIOGRAPHIE

ABARBANELL J S, 1991:" Do analyst’s earnings forecasts incorporate information in prior


stock price changes?", Journal of accounting and economics, N° 14.

BAUMAN W and MILLER R, 1997: "Investors expectations and the performance of value
stock versus growth stocks", Journal of portfolio management, N° 23.

BERNASCONI M et MONSTET M, 2000: " Les start-up high tech ", Paris DUNOD.

BOUTRON E, 2005 : " Création de la valeur et sous performance à long terme des IPO sur le
second marché ", Revue française de gestion, N° 156.

BEBCZUK, RICARDO N, 2003: "Asymmetric information in financial market "

CHAHINE S, 2001:"La sous évaluation à l’introduction en bourse: quelle source d’asymétrie


d’information?", Banques et marchés, N°52, P46-53.

CHAHINE S, 2004: " Long run abnormal return after IPO and optimistic analyst’s forecast »,
International review of financial analysis ", Vol 13.

16
COPELAND T, KOLLER T et MURRIN J, 2000 : " Valuation : measuring and managing the
value of companies ", 3eme edition.

CORNELLI F and GOLDREICH D, 2001: "Book building and strategic allocation", Journal
of finance, N°56.

DINH H T et GAJEWSKI J F, 2005 : " Une étude expérimentale des prévisions et des
analystes et de l’efficience informationnelle des marchés", Revue française de gestion, N°157.

DUGAR A, NATHAN S, 1995: "The affect of investment banking relationships on financial


analyst’s earning forecasts and investment recommendations ", Contemporary accounting
research, N°12.

DUNBAR 2000: " Factors affecting investment bank initial public offering market share ",
Journal of financial economics, N° 55.

GOMPERS A P et LERNER J, 2003: " The really long run performance of initial public
offerings: the Prenasdaq evidence ", The journal of finance, Vol 58, N°4, P1355-1392.

EDWIN E, GROSMAN S, GRUBER J and, 1986: "Discrete expectational data and portfolio
performance", Journal of Finance, N°3.

HAMAO, Y, PACKER F and RITTER J, 2000: "Institutional affiliation and the role of
venture capital: evidence from initial public offering in Japan", Pacific basin Finance Journal,
vol 8.

HART O et HOLSTROM B, 1987:" THE theory of contract: The advances in economic


theory": 5th world congress, new York:, Cambridge University Press.

HOUGE T, LOUGHRAN T, SUCHANEK G et YAN X, 2001: "Divergence of opinion


uncertainly and the quality of initial public offerings", Financial management, N°30.

KRIGMAN L, SHAW H W, WOMACK L K, 1999: " The persistence of IPO mispricing and
the predictive Power of flipping ", The journal of finance, Vol 54, N° 3, P 1015-1044.

LARDIC S et MIGNON V, 2006: "l’efficience informationnelle des marches financiers", Ed


la Découverte.

LELEUX BF, 1993:"Post IPO performance: A French appraisal", Finance, Vol 14, N°2, P79-
106.

LIM T, 2001: "Rationality and analyst’s forecast bias ", The journal of finance, Vol 56, N°1 ;
P 369-385.

17
LOUGHRAN T et RITTER J, 1995:"The new puzzle", Journal of Finance, Vol 50, N°1, P23-
51.

LOUGHRAN T et RITTER J R, 2002: "Why don’t issuers get upset about leaving money on
the table in IPO’s?", Review of financial studies, Vol 15.

LOUGHRAN T ET RITTER J, 2004: "Why has IPO under pricing changed overtime",
Financial management, Vol 33, P5-37.

MICHAELY R et WOMACK K L, 1999: « conflict of interest and the credibility of


underwriter analyst recommendations, The review of financial Studies, Vol 12, N° 4, P 653-
686.

PURNAMANDAM A et SWAMINATHAN B, 2002: “Are IPOs underpriced?”, Social


science research network.

RAJAN R and SERVAES H, 1997: "Analyst following of initial public offering", Journal of
Finance, N°52.

RITTER J R, 1991: « the long run performance of initial Public offering, The journal of
finance, Vol 46, N°1, P3-27.

RITTER J et WELCH I, 2002: “A review of IPO activity, pricing and allocations”, The
journal of Finance.

SHILLER R J, 1990:”Speculative prices and popular models”, The journal of perspective, Vol
4, N°2, P55-P65.

STHELE R, EHRARDT O et PRZYBOROWSKY R, 2000: “Long run performance of


German initial offering and seasoned equity issues”, European financial management, N°6.

TEOH H S et WONG J T, 2002: « Why new issues and high accrual firms under perform: the
role of analyst’s credulity », The review of financial studies, Vol 15, N° 3, 869-900.

18

Vous aimerez peut-être aussi