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En Afrique, si la passerelle est très étroite entre l’économie


informelle et l’économie populaire, elle reste grande avec
l’économie dite formelle
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Par

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Amadou Sy

Ces dernières années, les crises économiques des pays africains, particulièrement dans la zone
subsaharienne, se sont perpétuées dans un contexte de développement galopant de la sémantique
économie informelle. De même, le développement économique de ces pays, ne peut être significatif en
oblitérant le concept d’économie populaire. Ainsi, « l’amplification de l’économie informelle constitue
aujourd’hui l’un des sujets importants des politiques de développement» (Moldonado et a1., 1999). De
surcroît, dans le processus de développement des pays africains, il est souvent nébuleux de distinguer
précisément l’économie informelle de l’économie populaire, en raison de la diversité des sous-secteurs
d’activités, la dimension sociale, mais également de la structure dont les activités économiques sont
organisées. Mais, sans pour autant se contenter d’une approche doctrinaire de la réalité de l’économie

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informelle, certains chercheurs, tel que Marc Penouil, prônent que « les activités informelles sont avant
tout une forme spécifique de la dynamique sociale dans les sociétés en développement. Elles sont une
réponse de la société aux besoins nouveaux, aux mutations structurelles, aux contraintes sociales
résultant de l’influence du développement transféré sur toutes les catégories sociales » (Penouil, 1978
:74). Cette réflexion de Marc Penouil martèle tout simplement que les activités informelles ne sont
aucunement une sorte de phénomène passager, ni marginal ni destiné à disparaître dans le temps.
L’amplitude et la nébulosité de ces activités dans la vie économique et sociale des pays en
développement, sont en réalité prouvées.

L’économie informelle s’inscrit dans une dynamique de développement et nous sommes affriolés de
considérer la prolifération de ce secteur comme une conséquence de l’économie dite formelle. En effet,
les pays africains se sont retrouvés dans ce secteur, non seulement tous ceux qui étaient exclus du
partage de la rente, mais aussi, ceux dont la diminution significative des revenus ne permettait plus
d’avoir un véritable pouvoir d’achat, à cause des programmes d’ajustement structurel, sans prendre en
compte les occultés de la société qui se sont trouvés délaissés dans ce secteur. Par exemple, les jeunes
diplômés que l’Etat ne pouvait plus recruter, les porteurs de projets ou les entrepreneurs qui ne
bénéficiaient plus d’appui de l’Etat. Ce qui est certain, s’il n’est pas démontré et effectif que l’économie
informelle est un foetus du futur tissu industriel de l’Afrique, il n’en demeure pas moins vrai qu’on peut
justement reconnaitre que doivent exister dans ce paradigme des initiatives capables de se développer,
du fait qu’elles ont été forcées de se proliférer à la marge de l’économie dite formelle.

Une passerelle très étroite entre l’économie informelle et l’économie populaire

En Afrique, on parle plutôt d’économie informelle, d’économie populaire et de pratiques populaires. « On


entend par économie populaire l’ensemble des activités économiques et des pratiques sociales
développées par les groupes populaires en vue de garantir, par l’utilisation de leur propre force de travail
et des ressources disponibles, la satisfaction des besoins de base, matériels autant qu’immatériels. »
(Sarria Icaza et al., 2006).

Aussi, Yao Asogba ne fait pas trop de différence entre l’économie informelle et l’économie populaire car il
avance que « Pour bien définir l’économie informelle et la situer dans l’histoire économique de toutes les
sociétés humaines, il est nécessaire d’apporter certaines précisions ou de faire certains rappels. Grosso
modo, par sa nature, l’économie informelle est appelée ailleurs économie sociale, économie solidaire,
économie populaire, économie réelle, etc. De nos jours, une interprétation se fait entre ces termes, selon
qu’il s’agit des pays du Nord ou de ceux du Sud. » (Assogba, 2004 :135-136). Cela dit, nous pouvons,
définir autrement avec une réflexion plausible, l’économie informelle comme étant l’ensemble des
activités de subsistance, des transactions économiques concomitantes, non enregistrées au niveau des

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institutions de l’Etat, à vocation beaucoup plus social ou populaire et qui ont pour objet d’assurer le
minimum vital quotidien avec des mécanismes de redistribution justement sociale.

Cette notion d’économie populaire a pris de l’ampleur dans les années 1980. Elle tient sa réputation aux
activités développées par les acteurs qui sont occultés du travail formel et par les travailleurs qui, en
raison de bas revenus, essayent d’arrondir la fin du mois avec le travail indépendant. Nous pouvons
décomposer l’économie populaire en deux volets : l’économie familiale et l’économie conviviale.
En faisant un saut dans l’histoire, l’économie familiale était considérée comme la partie la plus
significative de l’économie et concernait la quintessence des activités de production. Son empiétement
relatif est en lien avec le développement de l’économie de marché et au développement de l’économie
populaire (services sociaux…). De nombreux travaux ont été réalisés dans le cadre de l’économie
familiale. Les plus significatifs sont : la transformation des achats alimentaire en biens de consommation
(repas) ; les activités de services telles que le ménage et les travaux de couture, le jardinage, le bricolage
et les petites réparations ; les activités de service à la personne comme la garde des enfants, la garde
des malades et des personnes âgées, le transport des personnes ; mais aussi des activités plus
commerciales ou de services telles que l’aide à l’exploitation familiale agricole ou artisanale (récolte de
production agricoles, petite comptabilité, accueil et renseignements des clients…). La production de cette
économie familiale peut être autoconsommée ou vendu sur le marché, généralement informel, aussi bien
dans les pays du Sud que dans les pays du Nord.
Le deuxième volet historique de l’économie populaire est l’économie conviviale. Elle ressemble
beaucoup à l’économie familiale, mais orientée vers les autres. Il s’agit d’une sorte d’aide sans
contrepartie et à but non lucratif qui assure une partie de la vie sociale et économique. Elle est ainsi
composée pour l’essentiel par des activités de solidarité, d’animation sociale et de loisir en dehors de la
famille et n’entraine aucunement une rémunération dans le contexte de l’économie formelle. Cette notion
d’économie peut s’appuyer sur des organisations associatives plus ou moins structurées (association de
quartier, mouvements religieux, syndicales ou politiques, communautaires ou ethnique…). Les principaux
actions menées dans le contexte de l’économie conviviale sont : les services fournis aux voisins ou à des
personnes âgées ou réduites (réseaux de solidarité, systèmes d’échange local) ; la production des objets
artisanaux et d’aliments vendus lors de cérémonies et d’aide à leur structure ; la participation gratuite à
l’organisation et au bon fonctionnement d’activités traditionnelles, sociales ou communautaires et
politique.

…Elle reste grande avec l’économie dite formelle

L’économie populaire peut, si elle est en croissance soutenue, se transformer en une entreprise du
secteur privé informel ; mais elle peut aussi devenir une entreprise de l’économie formelle, puisque, en
quelque sorte, elle contribue à une stratégie d’organisation collective en s’inscrivant dans le
développement de systèmes d’échange local et dans une plus grande coopération au niveau du travail.
L’économie populaire est donc aujourd’hui de plus en plus disséquée dans son lien avec cette famille de
dynamiques socio-économiques et l’on commence à évoquer la notion d’économie populaire informelle
ou formelle. La passerelle reste grande avec l’économie formelle car il faut que ces structures dites
informelles ou populaires se fassent enregistrer par les services de l’Etat. Cela signifie qu’elles doivent
également prévoir de payer des impôts et taxes en fonction du développement de leurs activités. Hors, la
majorité concerne des activités de subsistance qui ont des problèmes criardes de financement et se
développent progressivement ou pas dans le temps.

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Si le paradigme d’économie informelle est toujours en actualité, celui d’économie populaire peut nous
permettre de revoir les analyses liées au travail informel dans une nouvelle dynamique. En l’occurrence
dans les actions collectives, il peut être le socle d’une économie populaire solidaire qui engrange
l’économique dans le social et illumine le chemin vers une « autre économie » : « associer pour
entreprendre autrement » (Demoustier, 2001). Même s’il s’avère juste que des actions d’économie
populaire sont souvent prises comme une alternative individuelle ou de clan pour des motivations
mercantiles ; cette alternative n’est pas majoritaire, elle reste marginale et non significative dans la
sphère de l’économie populaire.

Généralement, ces actions sont la seule alternative de survie pour des millions de familles, qu’elles
soient la source unique ou complémentaire du revenu familial. C’est pourquoi les interrogations sur le
sens et les stratégies dans le domaine de la reconnaissance institutionnelle de ces actions doivent veiller
à ne pas aider, volontairement ou involontairement, à reproduire la pauvreté galopante. Par extension, il
faut veiller également à ce qu’elles ne soient pas assujettie à une reproduction édulcorée du système
global de production des inégalités sociales, et donc, des conditions de travail et de vie vécues par les
porteurs de ces activités d’économie populaire. Néanmoins, il ne faut surtout pas agir comme si, se sortir
de la pauvreté était de la seule responsabilité des couches populaires ou comme si, cette sortie
dépendait exclusivement de leurs efforts et de leur capacité à entreprendre. Ce serait accepter l’idée d’un
Etat défaillant. Ce serait donc déresponsabilisé l’Etat et les principaux acteurs et processus du système
dominant qui justement, conduit à des situations de pauvreté dans lesquelles ces activités d’économie
populaire amorcent et se développent.

Amadou SY
Economiste / Contrôleur Financier

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