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Cours : Gouvernance

et audit interne

Gouvernance des organisations, définitions et évolution

La crise financière qui a frappé les économies du monde entier, appelle une
attention particulière sur la gouvernance de certaines entreprises, leur gestion
des risques et leur contrôle interne. A cet effet, de progrès notables ont été
accomplis dans ces domaines. Les ambitions de la gouvernance ont pris de
l’ampleur. Les approches et les techniques de contrôle interne ont progressé. Le
spectre couvert par le management des risques s’est essentiellement élargi et
l’audit interne s’est affirmé comme un acteur de la gouvernance d’entreprise sur
la base d’un professionnalisme reconnu.

Le concept de « Gouvernance d’entreprise » s’inscrit depuis quelques années


comme une nouvelle réalité de la gestion. Le terme gouvernance apparaît en
1937 dans un article de Ronald Coase intitulé « The nature of the firm». Dans
les années 1970, d’autres économistes ont commencé à définir la gouvernance
comme étant la mise en œuvre de dispositifs visant à mener des coordinations
internes en vue de réduire les coûts de transaction que génère le marché.
Toutefois, ce n’est qu’en 1997 que le terme « bonne gouvernance d’entreprise »
prend racine alors que la Banque mondiale reconnaît que le marché ne peut
assurer une allocation optimale des ressources et réguler les effets pervers de la
mondialisation des marchés alors que sévit une crise dans le Sud-Est asiatique.
L’arrivée de l’épithète « bonne » est bien sûr connotée d’une référence
normative dont le caractère idéologique deviendra manifeste. Mais, le thème «
gouvernance d’entreprise » a pris récemment toute sa pertinence, tant dans les
préoccupations des hommes et des femmes politiques que des chercheurs issus
de différents champs disciplinaires (droit, économie, gestion, science politique,
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etc.). Il peut être illustré par la négative à l’aide de contre-exemples : Enron,
Worldcom, Vivendi Universal, Parmalat, etc. Ces scandales dans la gouvernance
d’entreprise en Occident ont contribué à placer la gouvernance au cœur de la
gestion des organisations. Ils ont accéléré le rythme des initiatives nationales et
internationales, entre autres celles de l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) ou la Banque Mondiale, visant à renforcer
les règles de la gouvernance d’entreprise et de son application et ont conduit à
un ensemble de mesures législatives et réglementaires visant à réorienter le
cadre opérationnel de la gouvernance. Mais, qu’est-ce que la gouvernance
d’entreprise ? Charreaux (1997) la définit ainsi : « …le gouvernement des
entreprises recouvre l’ensemble des mécanismes organisationnels qui ont pour
effet de délimiter les pouvoirs et d’influencer les décisions des dirigeants,
autrement dit, qui « gouvernent » leur conduite et définissent leur espace
discrétionnaire ». La gouvernance d’entreprise s’inscrit donc dans une
perspective de régulation du comportement des dirigeants en lien avec
l’efficience, de définition des « règles du jeu managérial », pour employer
l’acception formulée par Charreaux (2003).

Evolution de la gouvernance aux Etats Unis et en Grande Bretagne

Aux Etats-Unis, la pratique de la Corporate Gouvernance a subi des mutations


tout au long du 20ème siècle. Après l’activisme de la banque industrie dans les
années 20 et 30, après le capitalisme de l’actionnaire individuel dans les années
40, après les raids et les LBO funds des années 60 à 80, la Corporate
Gouvernance va s’institutionnaliser dans les années 90 sous l’égide des
investisseurs institutionnels, premiers détenteurs de valeurs mobilières
Américaines. Cette émergence du capitalisme institutionnel actif qui a
profondément modifié la Corporate Gouvernance aux Etats-Unis est le produit
d’une législation encadrant les droits et les devoirs des principaux acteurs de
l’économie Américaine6 . Plus récemment, durant les années 2002, des

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scandales financiers aux Etats-Unis (Enron et Worldcom) ont secoué le
capitalisme et ont même poussé le gouvernement Américain à ignorer les règles
du marché en intervenant dans les affaires en vue d'éviter un marasme
économique. Ce qui a conduit à la mise en place de la loi SOX.

L’évolution de la Coporate Gouvernance en Grande-Bretagne a été plus récente


et plus rapide qu’aux Etats-Unis. Ce pays avait fait l’objet d’une certaine
défiance des investisseurs institutionnels lors de faillites célèbres de plusieurs
groupes industriels et financiers (Polly Peck, BCCI, Guinness, Maxwell...) qui
ont défrayé la chronique outre-Manche durant les années 1980. Ceci a orienté le
débat vers la recherche d'un équilibre des pouvoirs entre dirigeants,
administrateurs et actionnaires. Pour retrouver leur confiance, le « Cadbury
Committe » vit le jour en 1991, dirigé par Sir Adrian Cadbury, ancien Chairman
du groupe Cadbury Schweppes. Le poids et la crédibilité de ce comité ont été
considérables et le résultat des travaux très attendu dans la City. Son objectif fut
de restaurer la confiance du marché, d’améliorer le fonctionnement des Conseils
d’Administration, d’établir des règles de conduite des Commissaires aux
Comptes et de promouvoir la transparence des comptes des entreprises.

Il n’existe pas de définition unique et acceptée par tous de la gouvernance


d’entreprise. La plus communément admise est celle avancée par le Cadbury
Report de 1992 qui définit la Gouvernance comme suit : « Le Gouvernement
d’entreprise est le système par lequel les entreprises sont dirigées et contrôlées.
La structure de Gouvernance organise la distribution des droits et des
responsabilités entre les différents participants à l’entreprise, tels que le Conseil,
les dirigeants, les actionnaires et les autres parties prenantes. Elle définit les
règles et procédures de prise de décision dans les affaires. En faisant ainsi, elle
met en place les mécanismes à travers lesquels les objectifs de l’entreprise sont
établis, ainsi que les moyens d’atteindre ces objectifs et de contrôler leur
réalisation ». Sanjai Bhagat, Brian J.Bolton et Roberta Romano considèrent que

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la préoccupation clé des lois Américaines et des systèmes de Corporate
Gouvernance porte sur les problèmes d’agence qui apparaissent dès lors qu’il
existe une séparation entre la propriété et le contrôle. Quand les actionnaires et
les dirigeants ne sont pas les mêmes, ces derniers pourraient agir dans leurs
intérêts au détriment de ceux des actionnaires. Les dirigeants pourraient par
exemple ne pas mettre en œuvre toutes les diligences exigées par leur mandat du
fait que la création de valeur qui en résulte est partagée avec les actionnaires. La
panoplie des mécanismes par lesquels, les managers sont motivés et / ou
contraints à agir dans l’intérêt des actionnaires, constitue ainsi la Corporate
Gouvernance de la firme. Les lois cherchent à appuyer et faciliter l’adoption de
ces mécanismes par la mise à disposition d’un cadre organisationnel.

La définition donnée par Shleifer et Vishny (1997) est la suivante : « La


gouvernance des entreprises se préoccupe de la façon dont les apporteurs de
capitaux, permettant de financer les sociétés, garantissent la rentabilité de leur
investissement ». Une telle définition attribue implicitement un premier objectif
au gouvernement d’entreprise : la maximisation de la richesse des
actionnaires63 . D’autres définitions contrastent avec cette conception. Selon G.
Charreaux 1998 « le gouvernement des entreprises recouvre l’ensemble des
mécanismes organisationnels qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et
d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui « gouvernent leur
espace discrétionnaire ». Il rajoute que « la gouvernance d’entreprise se
préoccupe de la régulation des dirigeants, c'est-à-dire des systèmes qui encadrent
et définissent leur latitude décisionnelle. Il ne faut pas confondre « gouvernance
» et management de l’entreprise. La gouvernance est parfois qualifiée de «
management du management »

En effet, l’amalgame se fait souvent entre la gouvernance d’entreprise et les


règles de gestion qui relèvent du management ce qui explique l’utilisation
abusive de ce concept. Jensen (2001) a notamment pris position contre la

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perspective partenariale – la Stakeholder Theory – de la gouvernance, dans la
version particulière proposée par certains courants du management stratégique,
consistant à préconiser une prise en compte simultanée, à travers un compromis,
des intérêts de l’ensemble des parties-prenantes de la firme (clients, salariés,
actionnaires, créanciers…). Son argumentation, assez sommaire, pour rejeter
cette perspective, consiste à prétendre qu’il n’est pas possible pour les dirigeants
de poursuivre plusieurs objectifs simultanément ce qu’ils seraient conduits à
faire faute de disposer de règles, permettant d’arbitrer entre les différents intérêts
contradictoires. Il reconnaît cependant que la perspective partenariale peut
contribuer à enrichir l’objectif de maximisation de la valeur de marché de la
firme, ce qui le conduit à proposer une version « éclairée » (« enlightened ») de
la maximisation de la valeur de marché et de la théorie partenariale.

Par ailleurs, le Code Marocain de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise,


publié en Mars 2008 définit la gouvernance d’entreprise comme suit : « La
gouvernance d’entreprise regroupe l’ensemble des relations entre les dirigeants
de l’entreprise et son organe de gouvernance avec les actionnaires d’une part et
les autres parties prenantes d’autre part ; et ce dans l’objectif de création de
valeur pour l’entreprise ». La gouvernance d’Entreprise s’intéresse donc à la
manière dont les entreprises sont dirigées et contrôlées et s’assure de la capacité
des organes de gestion à la fois à poursuivre des objectifs conformes aux intérêts
des actionnaires et des autres parties prenantes et à mettre en œuvre des
systèmes de contrôle efficaces pour gérer les conflits d’intérêts potentiels et les
risques éventuels et prévenir les abus de pouvoir de nature à faire prévaloir des
intérêts particuliers sur « l’intérêts social » 65 . Dans une acception large, la
gouvernance d'entreprise représente l'organisation du contrôle et de la gestion de
l'entreprise. Elle recouvre alors :

- La définition du cadre juridique de l'entreprise et notamment l'organisation, le


fonctionnement, les droits et responsabilités des Assemblées Générales

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d'Actionnaires, des organes sociaux de la direction de l'entreprise (Conseil
d’Administration ou Conseil de Surveillance) ;

- Les règles de nomination des dirigeants et des administrateurs ;

- Les règles de gestion de leurs éventuels conflits d'intérêts ;

- L'organisation des contrôles sur la gestion et le fonctionnement de l'entreprise :


contrôles internes, contrôles réglementaires, commissaires aux comptes ;

- Mais également les droits et responsabilités des autres stakeholders (employés,


créanciers, clients, fournisseurs) ;

- Voire la communication financière de l'entreprise et le rôle et la responsabilité


des analystes externes : analystes financiers, agences de notation et des conseils
financiers et juridiques. De façon plus étroite, le terme gouvernance d'entreprise
est utilisé pour désigner l'articulation qui existe entre les actionnaires et les
dirigeants de la société. Dans cette optique, les développements sur la
gouvernance d'entreprise tournent principalement autour du rôle et du
fonctionnement du Conseil d’Administration ou de Surveillance.

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