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LOSONCZY-LASAGESSEET-1986
LOSONCZY-LASAGESSEET-1986
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LA SAGESSE ET LE NOMBRIL
Anne-Marie LOSONCZY
259 Civilisations
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implique aussi dans cette relation les épouses
respectives - engendre entre eux des rapports
privilégiés de respect, d'assistance réciproque et en
cas de besoin, une intensification des échanges de
biens et de services en termes de don et de contre-don.
Si ce "baptême" représente selon l'opinion embera une
protection magique supplémentaire pour l'enfant, le
rapport rituel qu'il instaure concerne bien plus les
deux couples d'adultes que celui des parrains et le
petit Embera.
260 Civilisations
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Entre le chamane et le Créateur : les "vieilles mères"
261 Civilisations
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central de sa maison - la f tambo1 embera primordiale,
maison ronde sur pilotis. Mais auparavant, il "détacha"
les esprits malveillants (fjaif) de l'air et de la
forêt, jusque là contrôlés par lui : aussi la maladie
et la mort firent-elles ainsi leur apparition dans le
monde embera et les morts enterrés commencèrent à "des-
cendre" pour peupler désormais le Monde dfEn Bas, en
contiguità avec les f jai biaf.
262 Civilisations
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Aussi le foetus apparaît-il comme la manifestation
du retour incessant du primordial, en mime temps qu'un
être neuf et inconnu; à la fois en-deçà et au-delà du
monde humain du présent. C'est donc à partir de ce
statut doublement "étranger11 qu'il devra progressive-
ment parvenir à la condition humaine socialisée.
* #
263 Civilisations
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progressivement cet être préhumain pour qu'il puisse
parvenir à la capacité pleine de communication et
d'échange dans le monde des hommes qui l'accueillera,
capacité dont le manque pour les Embera est synonyme de
folie. Par ailleurs, l'exigeance de lumière pour la
bonne croissance de l'enfant semble renvoyer encore à
la métaphore végétale : à celle du mûrissement des
plantes, êtres vivants reliant les trois étages de
l'univers Embera, tout comme l'humain mortel apparaît
dans les mythes le produit conjoint de ceux-ci.
264 Civilisations
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Aussi est-ce par rapport à cet état de symbiose
totale et à cette relation à l'origine qu'interviennent
les "vieilles mères" de la famille étendue. Une fois la
parturiente installée dans l'isolement de la petite
cabane, elles masseront et presseront son ventre pour
que l'accouchement puisse satisfaire aux critères em be-
ra de sa réussite : la future mère, accroupie ou à
genoux doit accoucher rapidement, sans crier, ni gémir
et en participant elle-même aux massages destinés à
accélérer le travail. Ces gestes et leur trajet sur le
corps de la parturiente sont fondamentalement identi-
ques à ceux qu'emploie le chamane pour "faire remonter"
ou pour "faire descendre" le 'jai' (entité surnaturel-
le malfaisant )ou le projéctil magique létale logés dans
le corps de son malade, lors des cérémonies thérapeuti-
ques. Ce paraléllisme semble suggérer qu'il s'agit là
d'un traitement chamanique du corps de la parturiente,
comme si le groupe des "vieilles mères" et même l'ac-
couchée assumaient là un comportement chamanique face à
la conjonction qu'est la grossesse entre un corps de
femme et un être venu d'ailleurs - l'enfant. Si pour
assurer la guérison le chamane doit opérer une
disjonction entre le corps humain et l'agent du mal,
ici de toute évidence, l'enjeu est également une
disjonction qui doit s'effectuer pour casser une double
symbiose. C'est pourquoi, une fois le nouveau-né appa-
ru, ces gestes seront suivis d'autres qui constituent
ce que nous pourrions appeler le travail sur la sépa-
ration. Seule la plus âgée des "vieilles mères" - la
femme ménopausée - est habilitée à couper le cordon
ombilical avec une machette chauffée à blanc sur le feu
de cuisine ou avec ses propres dents; elle devra pren-
dre soin de le faire à une distance de deux doigts du
nombril s'il s'agit d'un garçon et de trois doigts si
le bébé est une fille. Le non-respect de cette règle
aurait pour conséquence de générer des personnalités
ambiguës et mal-sexuées; des hommes timides, mauvais
chasseurs, stériles ou qui auront des enfants morts-
265 Civilisations
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nés, où des femmes autoritaires, soit stériles,
soit trop fertiles, -menaces en symétrie inverse de
l'équilibre du monde culturel embera.
266 Civilisations
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de l'enfant, qui signait sa différence d'avec les hu-
mains du commun, ainsi que son appartenance à ce
monde primordial de l'origine. L'enterrement du placen-
ta permet donc d'en détacher définitivement l'enfant,
de manière à ce que son origine ne laisse pas la moin-
dre trace dans le territoire culturel qu'est l'espace
d'habitation. En même temps cet acte constitue aussi un
prolongement du comportement chamanique des "vieilles
mères", par cette intrusion dans ce lieu d'ouverture
vers le Monde d'En Bas, totalement prohibée aux non-
chamanes, en dehors de ce contexte rituel.
267 Civilisations
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des caractéristiques, dont la transmission au nouveau-
né par ce contact rituel métonymique crée la base de
son identité individuelle, par laquelle il se distin-
guera d'autres garçons ou filles embera. Ce choix peut
aussi influencer dans une certaine mesure celui que
feront plus tard les hommes de l'unité résidentielle :
l'attribution d'un nom d'animal au garçon et d'un nom
de plante à la fille, nom qui fera passer au niveau du
langage ce lien constitutif avec le monde animal ou
végétal que leur corps a reçu préalablement de la main
de la "vieille femme".
268 Civilisations
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constitue une manière féminine de transformer la nature
en culture, le non-humain en humain; de même que le
premier lien tendu vers la nature, celui-ci, son intro-
duction dans l'ordre culturel sera encore tissé pour le
nouveau-né par l'univers féminin. Mais le groupe des
"vieilles mères" en représente justement les limites,
condensées dans la figure de l'ainée à laquelle la
ménopause a permis d'accéder à un statut-charnière
entre le féminin et le masculin. C'est donc un univers-
limite entre les sexes, (bien qu'enraciné dans le fémi-
nin) qui l'accueillera au monde, jusqu'au moment plus
tardif de l'attribution du nom par le groupe masculin
qui l'installera dans son identité sexuelle univoque.
269 Civilisations
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ce sont plus foudroyants pour l'être humain que ceux
des entités attachées aux espaces de la forêt. Le
chamane mobilise souvent les premiers, soit pour "fer-
mer" le passage sur la rivière, le rendre dangereux,
soit pour lflfouvrir!l, en accélérer le courant, en vue
de retourner une agression, issue des agissements d'un
confrère. Par ailleurs, l'eau elle-même apparaît pour
les Embera comme une substance des plus ambivalentes.
Véhicule privilégié de maléfices létaux, elle est aussi
une substance revitalisante d'une grande puissance;
ceux qui sont dans un état comateux y sont longuement
immergés par le chamane pour retrouver instantanément
leur conscience. Par ailleurs le fond de la rivière,
lui, constitue également une voie d'accès au Monde
d 'En-Bas, un autre espace-limite entre ce dernier et le
monde culturel du territoire.
270 Civilisations
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tion d'avec son origine, celle de la mère la détache
également des traces de ses liens, ceux qu'elle entre-
tenait avec le Monde d 'En-Bas d'une part, et les liens
symbiotiques qui l'attachaient à son foetus d'autre
part. Mère et enfant se baigneront donc séparément. Par
contre, tout se passe comme si le bain des hommes avait
une visée opposée : par le biais de cette eau partagée,
ils sont rattachés à l'enfant, parvenu à la séparation
d'avec l'univers foetal mis en contact (encore distant)
avec cet être qui vient d'arriver au monde social. Le
courant de la rivière sépare et relie ainsi à la fois
les points d'espace où le nouveau-né, sa génitrice et
son géniteur adviennent, par la vertu transformatrice
de l'eau, à leur nouvelle condition.
271 Civilisations
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cassé sa double symbiose avec elle et avec le monde
pré-humain de son origine : le voilà devenu individu
social.
272 Civilisations
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ses propres créatures (toutes masculines), les parfaire
par le premier 'ombligado', puis leur transmettre son
savoir. Aucun mythe embera connu ne rend compte du
passage de ce savoir rituel de lflf ombligado" à partir
de la masculinité guerrière du mythe à l'univers rituel
des femmes qui en est aujourd'hui le seul détenteur. En
somme, ces "vieilles mères", héritières du Créateur,
font plus que lui : elles "achèvent" les enfants (des
deux sexes) des autres et c'est là justement leur rôle
fondamental: en coupant le lien symbiotique autarci-
que et anti-social entre la mère et l'enfant, leur
médiation permet d'implanter à sa place un lien à la
nature, puis au lignage et à son territoire, liens qui
ouvrent le petit homme à la règle humaine de l'échange
et de l'interdépendance. En passant dans l'univers des
femmes, accomplies à travers des maternités réussies,
ce pouvoir humanisateur du pré-humain d'origine mythi-
que masculine et qui y fonctionne en circuit fermé, se
déploie toujours ici comme tiers sur les enfants des
autres. Ce rôle médiateur entre l'univers des morts et
des esprits (d'où viennent les enfants), d'une part et
celui de la nature et de la maisonnée, d'autre part
apparaît ainsi comme donneur de liens qui remplacent
celui, unique et duel du cordon ombilical.
273 Civilisations
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du Créateur. Tout se passe comme si le travail de
l'accouchement, de même que le surgissement du cordon
et du placenta faisaient apparaître, dans l'espace
domestiqué de la maisonnée et de l'unité résidentielle,
l'univers sauvage, pré-humain et puissant du Monde
d 'En-Bas et comme si la seule façon de couper cette
conjonction dangereuse et de tuer en quelque sorte dans
le nouveau-né l'étrangeté de cette origine primordiale,
était d'empiéter sur le pouvoir chamanique, seul capa-
ble de maîtriser et de repousser l'invasion de cet
univers sans en être affecté. Après ce travail de
coupure et de renvoi radical qui est de l'ordre de la
prise (couper, enlever), caractéristique de l'activité
chamanique, l'implantation, le don de liens qui substi-
tuent symboliquement la symbiose a-humaine avec 1' Ail-
leurs semble commander l'opposition radicale au chama-
nique, (lié au Monde d'En-Bas), par le déploiement de
gestes rituels, associés, eux, a Caragabi, le Créateur
et à son monde, celui du Haut.
274 Civilisations
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individu; au-delà de sa capacité de séparer (qu'elle
partage avec le groupe), elle peut également unir,
établir et donner les liens, étant elle-même un être-
charnière entre une féminité déjà accomplie et l'uni-
vers des hommes.
275 Civilisations
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dans la mesure où elle ne perd plus de sang - de même
que ses règles sont supposées la rendre "froide11.
L'état de grossesse l'approche donc du corps masculin,
considéré comme "chaud" et "fermé" (sans écoulement
périodique de substances corporelles). Mais, pour
éviter un "échauf fernen t" excessif et pathologique, la
femme enceinte ne doit consommer que des aliments de la
catégorie "froide" ou "tiède". Pendant le dernier mois
de sa grossesse, elle a soin de prendre chaque jour une
infusion de plantes "tièdes", destinée à "ouvrir" son
corps et le préparer au "refroidissement" consécutif à
l'accouchement et à l'allaitement; ainsi que des purges
d'huile de palmier censés laver la "saleté" de l'enfant
à naître. Ces breuvages sont préparés par ses soeurs
aînées, ses tantes, ou même par sa mère, qui veillent
également à ce qu'elle ne dorme pas trop et qu'elle
réalise normalement toutes ses activités jusqu'au
dernier moment, car dans le cas contraire l'enfant
pousserait trop dans son ventre et risquerait de donner
des complications lors de l'accouchement, de même
qu'une fois né, il deviendrait paresseux.
276 Civilisations
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masculinisées, se désintéressant de la maison,
violentes et stériles, ou dont les enfants mourront
jeunes.
277 Civilisations
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(excluant les égarements) avec l'intérieur de la forêt
qui devient ainsi un prolongement du village pour le
futur chasseur. C'est pourquoi l'on préfère le plus
souvent enterrer les délivres sous la maison, lorsque
le nouveau-né est une fille, et sous un arbre lorsqu'il
s'agit d'un garçon. De toute manière, leur enterrement
revêt également une extrême importance, en raison d'un
autre danger qui guette l'enfant par l'intermédiaire
des délivres. En effet, les sorciers, toujours en quête
de "familiers", risqueraient de s'en emparer et acqué-
rir dès lors un pouvoir absolu sur l'âme de l'enfant,
en anéantissant les effets du futur baptême. Cependant,
si la mère a, dans sa famille étendue, un guérisseur ou
une guérisseuse, elle peut - par le biais de l'accou-
cheuse - lui donner un bout du cordon ombilical du
bébé; réduit en poudre par un guérisseur "accompagné de
Dieu", il a des propriétés curatives puissantes contre
toutes sortes de maladies infantiles.
278 Civilisations
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différence irréductible entre hommes et animaux, appa-
rition de la mort et de la procréation, de mime que
celle des outils) a été lf éloignement de Dieu par
rapport aux premiers hommes, c'est-à-dire le détache-
ment de ces derniers de l'univers de la création origi-
nelle, il ne s'agit pas ici d'expulser les délivres -
signes de l'altérité de l'enfant, marque de son rapport
proche avec son origine divine - mais au contraire
d'incorporer leur puissance positive dans le territoire
culturalisé du village, ou en cas de naissance mascu-
line, étendre ce territoire par ce biais symbolique
vers la sauvagerie de la forêt. Au lieu de couper
radicalement le contact entre l'enfant et l'univers de
son origine en renvoyant les délivres vers un monde
pré-culturel comme chez les Embera, le traitement noir
des matières symbiotiques semble viser au contraire à
garder les traces de l'origine sur-humaine de l'enfant
dans l'espace culturel, mais en les soustrayant radica-
lement à la manipulation individuelle dont le danger
s'incarne dans le couple mère-sorcier; deux figures au-
delà de la règle culturelle de l'échange, par le pou-
voir qu'ils ont d'enfermer un être humain dans une
relation close, duelle, sans médiation d'un tiers : de
le posséder.
279 Civilisations
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la "sage-femme" ou encore avec une plante sauvage de
nature thermique ambigue, la 'yerba del carpintero1
(l'herbe du pic) qui est censée transmettre une capaci-
té spéciale d'ordre masculin permettant de s'en sortir
sans dommage de situations conflictuelles.
280 Civilisations
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l'araignée, rapide et fertile, comme le lapin, aventu-
rier et partout chez lui comme les oiseaux; que la
fille soit soigneuse avec ses enfants comme la poule,
fertile et bienveillante comme les plantes curatives"
etc. Dans d'autres cas, le discours, impératif est
plutôt métonymique : "Que la poudre d'or dans son
nombril attire vers lui l'or du fond des rivières;
qu'il ait la "chance minière", que la sueur de la
guérisseuse transfère en lui son "entendement", lui
facilitant ainsi l'apprentissage du savoir guérisseur".
Il faut remarquer que l'acquisition de caractéristiques
précises, délimitées et quotidiennes paraît se situer
plutôt du côté de la série métaphorique, alors que les
capacités-forces plus diffuses, plus obscures, concer-
nant des domaines de nature ambigue qui ne sont que
partiellement controlables par l'humain (la "chance
minière" et la condition de guérisseur qui supposent
toutes deux un rapport privilégié avec des univers non-
humains) se placeraient plutôt dans la série à prédomi-
nance métonymique.
281 Civilisations
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derrière chaque maison, près du domaine féminin de la
cuisine) que dans ces espaces de voyage et de transit
que sont les berges solitaires près du village aux
limites de la forêt qui correspondent aussi aux espaces
de la mine aurifère féminine.
282 Civilisations
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des rivières, s'ils portent ses substances en eux. En
même temps, la vertu transférée les rend également
moins vulnérables face a l'ensemble du règne animal ou
végétal ("plus familiers" comme le disent les Noirs),
en les dotant aussi d'une "force" spécifique, face aux
aléas de la vie sociale.
283 Civilisations
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Par contre, la "vieille mère" embera et la sage-
femme noire vont, toutes deux, remplir le vide d'un
nombril en y implantant par la médiation d'une substan-
ce un lien au règne naturel qui incarne culturellement
le destin et le génie de chaque sexe; par un procédé
rituel symétriquement inverse, par rapport au traite-
ment des délivres, elles y introduisent, elles y
attachent quelque chose - une partie détachée du corps
animal ou végétal. Seulement, chez les Noirs, le seul
lieu corporel ainsi investi est le nombril - il s'agit
là vraiment d'une substitution symbolique de lien. En
revanche, le rituel implique le corps tout entier chez
l'enfant embera, alors que le nombril n'y existe qu'au
niveau du langage (connotant le rituel). Tout se passe
comme si, faute d'un territoire communautaire stable,
le nouveau-né embera devait s'enraciner davantage dans
la nature, espace intermédiaire entre le monde humain
et l'univers surnaturel.
284 Civilisations
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Toutes deux sont issues et représentantes de
l'espace social qui accueille le nouveau-né, mais ni
l'une, ni l'autre ne semblent être présentes à l'accou-
chement pour "aider" la jeune mère, ou calmer son
angoisse. Aucune de ces deux sociétés ne considère en
effet qu'une parturiente doive être "aidée" à réaliser
la mise au monde, signe distinctif de son sexe, pouvoir
inné des femmes "normales", pouvoir sur lequel l'exté-
rieur social ne consent à intervenir qu'en cas de
complications graves qui en constituent la défaillance.
Ce ne semble pas être là, la fonction de ces femmes-
mères qui assistent à l'accouchement .Ces "sages-femmes"
ont un tout autre rôle, d'un enjeu culturel bien plus
important et ambigu : il s'agit d'accueillir cet étran-
ger, messager d'un ailleurs ambivalent pour le monde
humain, et d'atténuer pour celui-ci le danger et la
question posée par sa venue en le dépouillant de ce
caractère d'étranger, pour en faire un être humain,
individu sexué, capable d'échange, membre de sa commu-
nauté ethnique. Elles apparaissent donc au carrefour
des rapports d'une société avec son "ailleurs", son
origine mythique d'avant l'avènement de l'humain :
relais fondamentaux sur le chemin symbolique de l'huma-
nisation.
285 Civilisations
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NOTES
286 Civilisations
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SUMMARY
287 Civilisations
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