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Antipaludéens de synthèse
en dermatologie
M.-T. Leccia

Les antipaludéens de synthèse, représentés par le sulfate de chloroquine (Nivaquine® ) et le sulfate


d’hydroxychloroquine (Plaquenil® ), ont une efficacité bien démontrée depuis de nombreuses années
dans le traitement des différentes formes de lupus érythémateux systémique, discoïde et subaigu. Ils
sont également efficaces pour la prévention des lucites idiopathiques et prescrits dans de nombreuses
autres affections dermatologiques inflammatoires telles que la porphyrie cutanée tardive, la sarcoïdose
ou encore les panniculites avec des résultats variables. Leurs mécanismes d’action sont multiples et
encore mal connus, en rapport avec leurs actions immunosuppressive, anti-inflammatoire et sur l’ADN.
Leur importante accumulation tissulaire, en particulier oculaire, explique la vigilance requise vis-à-vis des
effets secondaires qui restent cependant rares en dermatologie.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Antipaludéens de synthèse ; Lupus érythémateux ; Lucites idiopathiques ;


Porphyrie cutanée tardive ; Sarcoïdose ; Œil

Plan  Introduction [1, 2]

■ Introduction 1 Les antipaludéens (ou antimalariques) utilisés en dermatologie


■ Pharmacologie 2 sont des dérivés de synthèse ou d’hémisynthèse de la quinine.
Structure 2 La quinine est le principal alcaloïde, extrait de l’écorce d’un
Pharmacocinétique 2 arbuste sud-américain, le quinquina (du genre cinchona). Les ver-

tus thérapeutiques du quinquina sont connues depuis longtemps
Effets biologiques des antipaludéens de synthèse
puisqu’elles sont mentionnées pour la première fois dans un
et mécanismes d’action en dermatologie 2
ouvrage religieux publié en 1639. Le terme cinchona est proba-
Actions anti-inflammatoires et immunomodulatrices 2
blement dérivé du nom de la comtesse Anna del Chinchon, qui
Action photoprotectrice 3
est à l’origine de l’introduction du quinquina en Europe ; après
Liaison à l’acide désoxyribonucléique 3
une guérison miraculeuse, elle fit parvenir en Espagne une pleine
Autres actions des antipaludéens de synthèse 3
cargaison de la drogue prodigieuse.
■ Indications des antipaludéens de synthèse 3 Les principes actifs du quinquina ne seront isolés qu’après
Lupus érythémateux 3 un siècle et demi d’utilisation, sous forme de poudre, d’extrait
Lucites idiopathiques 3 ou d’infusion. En 1820, Pelletier et Caventou identifièrent une
Porphyrie cutanée tardive 4 vingtaine d’alcaloïdes différents, les plus importants étant la
Sarcoïdose 4 quinine et le cinchonine, ainsi que leurs isomères : la quini-
Autres indications dermatologiques 4 dine et la cinchonidine. Mais ce n’est qu’au cours du XXe siècle
■ Effets secondaires 4 que les antipaludéens de synthèse (APS) proprement dits seront
Effets secondaires cutanés 4 mis au point, parallèlement à la première guerre mondiale,
Effets secondaires oculaires 4 fruits de recherches allemandes pour pallier la pénurie de qui-
Effets secondaires neurologiques et musculaires 5 nine engendrée par le conflit. Ainsi, ont été mis au point
Effets secondaires cardiovasculaires 5 des amino-8 quinoléines, puis de la mépacrine et plus tardi-
Effets secondaires digestifs 6 vement des amino-4 quinoléines. D’abord utilisées pour lutter
Effets secondaires hématologiques 6 contre le paludisme, ces molécules ont ensuite montré une
Toxicité embryonnaire et fœtale 6 efficacité thérapeutique dans des affections variées, en particu-
■ Contre-indications et surveillance 6 lier dans le lupus érythémateux, suite aux travaux de Page en
1951.
■ Conclusion 6

EMC - Dermatologie 1
Volume 8 > n◦ 1 > février 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0319(12)58032-5
98-910-A-10  Antipaludéens de synthèse en dermatologie

 Pharmacologie [1–4] L’élimination est lente, essentiellement rénale. La chloroquine


est excrétée dans les urines à 75 % sous forme inchangée et à 25 %
Structure sous forme d’un métabolite. L’hydroxychloroquine se distingue
par un métabolisme hépatique préalable à l’élimination rénale.
La famille des antipaludéens regroupe la quinine et ses La demi-vie de ces molécules est variable et dose-dépendante. Le
analogues de synthèse (APS) ; ils ont en commun un noyau qui- stockage tissulaire important explique la présence de taux détec-
noléine. tables d’APS dans les organes, le sérum ou les urines jusqu’à un an
Les APS comprennent : après l’arrêt du médicament. La chloroquine est ainsi retrouvée
• les amino-8 quinoléines (primaquine, non disponible en dans la peau plus de 6 mois après l’arrêt du traitement alors que
France) ; la molécule n’est pas détectable dans le plasma.
• la quinacrine (ou mépacrine) qui a été retirée du marché
en France du fait d’un spectre antipaludéen incomplet et de
l’importance de ses effets secondaires. Cette molécule est cepen-
dant à nouveau prescrite dans plusieurs pays notamment pour
le traitement du lupus érythémateux [5, 6] ;
“ Point fort
• les amino-4 quinoléines, les plus utilisés étant :
◦ la chloroquine, synthétisée à partir de la quinacrine et • Les taux de chloroquine et hydroxychloroquine sont
commercialisée en France sous forme de sulfate (CH) : très élevés dans certains tissus comme la peau et l’œil ; il
Nivaquine® qui a une autorisation de mise sur le marché n’existe par contre pas d’accumulation dans le tissu grais-
(AMM) en dermatologie pour le traitement du lupus érythé- seux.
mateux discoïde ou subaigu, du lupus systémique et pour la • L’intérêt du contrôle du taux sanguin d’hydroxychloro-
prévention des lucites, quine a récemment été mis en évidence.
◦ l’hydroxychloroquine, dérivée de la chloroquine par bétahy-
droxylation et commercialisée sous forme de sulfate (HCH) :
Plaquenil® qui a l’AMM pour les mêmes indications que la
Nivaquine® ,
◦ l’amodiaquine, disponible sous forme de chlorhydrate :
Flavoquine® qui n’a pas d’AMM en dermatologie.  Effets biologiques
des antipaludéens de synthèse
et mécanismes d’action
“ Point fort en dermatologie [2, 4, 7]

Chloroquine, hydroxychloroquine et quinacrine sont les En dehors du paludisme, les mécanismes d’action des APS res-
trois APS utilisés pour le traitement des différentes formes tent encore mal connus aujourd’hui mais seraient liés à des actions
de lupus mais aussi d’autres dermatoses inflammatoires. variées et synergiques notamment anti-inflammatoires, immuno-
modulatrices et antiprolifératives.

Pharmacocinétique [2, 7] Actions anti-inflammatoires


et immunomodulatrices
Les caractéristiques des antimalariques sont comparables pour
la plupart des molécules de la famille. Hydrosolubles, leur absorp- L’effet anti-inflammatoire des APS serait principalement lié
tion digestive est rapide et excellente mais peut tout de même à leur grande affinité pour les lysosomes entraînant une
être perturbée par une malnutrition sévère. Un pic sérique est inhibition des enzymes protéolytiques responsables d’effets
obtenu en 8 à 12 heures. Dans le sang, 55 % du médicament est lié immunologiques et non immunologiques. Ils modifient ainsi
aux protéines plasmatiques. Les APS s’accumulent considérable- le chimiotactisme, la phagocytose et la présentation anti-
ment dans certains tissus : les taux de chloroquine déposés dans génique des cellules dendritiques, des macrophages et des
le foie, la rate, les reins ou les poumons sont 200 à 2000 fois monocytes et l’activation lymphocytaire, notamment des lym-
supérieurs aux taux plasmatiques. Mais ce sont dans la peau et phocytes CD4+ autoréactifs, qui en découle. Chloroquine et
dans les tissus mélanisés (choroïde, iris, cornée, rétine) que les hydroxychloroquine exercent une action inhibitrice sur la phos-
plus fortes concentrations sont retrouvées. Cette affinité pour pholipase A2 et sur la synthèse des prostaglandines impliquées
la mélanine explique des concentrations épidermiques cinq fois dans l’inflammation. Les APS inhibent également la production
supérieures à celles du derme et des concentrations dans la cho- de cytokines telles que le tumor necrosis factor alpha (TNF-␣),
roïde plusieurs milliers de fois supérieures aux taux circulants. l’interleukine 6 (IL6), l’interleukine 1 (IL1) et l’interféron gamma
Par ailleurs, les taux enregistrés au niveau du tissu adipeux, de (IFN-␥) produits notamment par les monocytes et les macro-
l’os et des tendons sont inférieurs aux taux plasmatiques. Du phages. Il a été montré qu’il existe une diminution des taux
fait de cette faible distribution graisseuse, il est donc préférable sériques de TNF-␣, IL6 et IL18 chez les patients atteints de lupus
d’adapter les posologies en fonction du poids corporel idéal et systémique traités par chloroquine [10] . Plus récemment, il a été
non pas absolu, comme préconisé dans les dernières recomman- montré que les APS inhibent l’activation des récepteurs toll-like
dations de surveillance oculaire des sociétés d’ophtalmologie [7, 8] . receptors (TLR) 9 mais aussi 7, 8 et 3, impliqués dans la réponse
Récemment, C. Francès et al. ont démontré dans une étude immunitaire innée aux antigènes microbiens notamment. Le
prospective multicentrique l’importance du dosage sanguin de TLR9 est également impliqué dans l’autoentretien de l’activation
l’hydroxychloroquine du fait d’un métabolisme très variable d’un des lymphocytes B en réponse aux autoantigènes associés à l’acide
patient à l’autre et d’un manque d’observance du traitement désoxyribonucléique (ADN) dans le lupus systémique et d’autres
chez près de 10 % des patients. Il existe une relation statistique affections dysimmunitaires [11] . Les APS entraînent une inhibi-
entre taux sanguin d’hydroxychloroquine, prévention des pous- tion de la formation des cellules typiques du lupus érythémateux
sées de lupus systémique et efficacité sur les lupus cutanés [9] . À disséminé (cellules LE), des anticorps antinucléaires, du facteur
posologie quotidienne constante, les taux sériques augmentent rhumatoïde et une dissociation des complexes immuns circulants.
très rapidement la première semaine puis plus lentement pour Ils interfèrent dans la réaction antigène–anticorps, dépendante
s’équilibrer avec l’élimination et atteindre un taux constant après du complément. De plus, l’effet des APS sur les maladies auto-
4 à 6 semaines de traitement. Les APS passent la barrière placen- immunes pourrait être lié au rétablissement de l’apoptose de
taire et sont excrétés en faible quantité dans le lait maternel. certains lymphocytes T impliquant la voie Fas.

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systémique l’est moins. L’efficacité des APS a été démontrée dans

“ Point fort deux études contrôlées randomisées [13, 14] et dans plusieurs séries
et/ou cas publiés [6] .

Les mécanismes d’action des APS sont multiples et Lupus érythémateux chronique et subaigu [5, 15]
complexes et impliquent des activités anti-inflammatoires, Les APS constituent le traitement de référence du lupus
immunomomodulatrices et antiprolifératives. cutané chronique avec une bonne réponse chez 50 à 90 % des
patients traités en première intention. En quelques semaines
(4 à 8 semaines) on observe une amélioration clinique cutanée,
significative en moins de trois mois. En revanche, à l’arrêt du trai-
tement, on assiste à un taux élevé de rechute, estimé à 46 % à
Action photoprotectrice six mois. Dans le lupus érythémateux chronique, les APS sont
indiqués dans les formes modérées, à partir du moment où la
Les APS absorbent les ultraviolets (UV) mais ce rôle « écran »
photoprotection et les dermocorticoïdes sont insuffisants pour
ne suffit pas à expliquer leur action photoprotectrice. En effet,
contrôler la maladie, ou en première intention dans les formes
la chloroquine diminue l’érythème actinique induit par les UVB
sévères et/ou associant des manifestations extracutanées notam-
alors que son spectre d’absorption présente deux pics dans les
ment articulaires. Ils représentent le traitement systémique de
UVA (l’un à 328 nm et l’autre à 342 nm) donc situés en dehors du
première intention également dans le lupus subaigu et peuvent
spectre UVB responsable de l’érythème actinique. Il a cependant
constituer un véritable test thérapeutique à valeur diagnos-
été démontré in vitro que l’irradiation de la chloroquine pouvait
tique. Les schémas thérapeutiques comportent un traitement
modifier sa structure, déplaçant son spectre d’absorption vers les
d’attaque suivi d’un traitement d’entretien, adaptés à l’évolution
UVB. L’effet photoprotecteur des APS fait probablement intervenir
clinique.
préférentiellement les mécanismes anti-inflammatoires et immu-
Les récidives peuvent être traitées efficacement suivant les
nosuppresseurs discutés ci-dessus ainsi que les interactions avec
mêmes schémas avec la chloroquine ou l’hydroxychloroquine.
l’ADN.
Certains auteurs préconisent l’adjonction de quinacrine non dis-
ponible en France [6] . Le rôle du tabagisme dans la réponse au
Liaison à l’acide désoxyribonucléique traitement par APS est aujourd’hui débattu, le tabac lui-même
pouvant être un facteur aggravant de la maladie [16, 17] .
La chloroquine se fixe rapidement à l’ADN bicaténaire, en Par ailleurs, des cas de lupus érythémateux profond (panniculite
s’intercalant entre deux bases ; elle stabilise ainsi la molécule, lupique) ont aussi été traités avec succès par les APS [18] .
inhibant sa dépolarisation enzymatique et les phénomènes
de réplication de l’ADN et de transcription de l’acide ribo-
nucléique (ARN). Il en résulte une inhibition de la synthèse
Lupus érythémateux systémique
des protéines à l’origine des effets antiprolifératifs et sans Les APS sont aujourd’hui recommandés au long cours, dès le
doute à la base de l’activité antimicrobienne des APS. Par diagnostic de lupus systémique, et prolongeraient la survie de
ailleurs, la stabilisation de la molécule d’ADN empêcherait ces patients [7, 19] . Les doses journalières utilisées sont habituelle-
l’exposition et la formation d’anticorps anti-ADN. In vitro, la ment de 250 mg de chloroquine ou 400 mg d’hydroxychloroquine
chloroquine préviendrait la formation de dimères de thymine (ou 100 mg de quinacrine) mais doivent être ajustées au poids
après irradiation UV mais cette propriété reste incertaine in corporel idéal du fait de l’absence de stockage graisseux [7, 8] .
vivo. Il est rapporté que l’hydroxychloroquine serait mieux tolérée
mais moins efficace que la chloroquine sans qu’aucune étude
comparative correcte, à doses équivalentes, ne l’ait démontré.
Autres actions des antipaludéens de synthèse Les APS ont une efficacité essentiellement sur les manifes-
Les APS inhibent l’agrégation plaquettaire. L’hydroxychloro- tations cutanéomuqueuses, avec cependant une amélioration
quine s’est d’ailleurs révélée efficace dans la prévention des de certaines manifestations extracutanées du lupus systémique
thromboses veineuses profondes. Ils s’opposent également à (signes articulaires, signes généraux, polysérites, diminution
l’agrégation des érythrocytes (effet sludge) observée dans cer- de fréquence des poussées) et jouent alors un rôle d’épargne
de la corticothérapie générale. Leur interruption brutale peut
taines circonstances pathologiques. À côté de leur action anti-
déclencher des poussées d’aggravation. Certains auteurs leur attri-
paludéenne, les APS ont des effets antimicrobiens notamment
buent un possible effet antithrombotique et protecteur contre
antiviraux démontrés. Les APS ont des actions hypoglycémiantes
l’athérome [20] .
et hypolipémiantes. Ils augmentent l’excrétion des porphyrines
En pédiatrie, les APS peuvent également être prescrits dans les
et réduisent l’hydroxylation de la vitamine D.
différentes formes de lupus [21] .

 Indications des antipaludéens Lucites idiopathiques


de synthèse [1–5, 7, 12]
Les APS ont démontré dans des petits essais contrôlés qu’ils
pouvaient réduire la sévérité des poussées de lucite poly-
® ®
En France, seuls la Nivaquine et le Plaquenil ont une AMM morphe (60 à 80 % de réponses favorables) [22] . Pour la plupart
pour le traitement du lupus érythémateux chronique ou subaigu, des auteurs, les APS ne constituent cependant qu’un traite-
du lupus systémique et pour la prévention des lucites. Cependant, ment en cas d’échec des caroténoïdes, des photoprotecteurs
ces molécules sont prescrites dans de nombreuses autres affections externes et de la photothérapie (UVB ou PUVAthérapie) [2, 7] .
dermatologiques. Dans les lucites estivales bénignes, une amélioration signifi-
cative des manifestations cliniques (délais d’apparition plus
Lupus érythémateux longs, moindre extension, diminution de l’intensité des signes
fonctionnels et de la durée de l’éruption) a pu être constatée
La première utilisation des APS dans cette indication remonte à sans toutefois que l’on observe de changement dans la fré-
1894 avec l’emploi empirique de la quinine par Payre dans le lupus quence des éruptions. Ils sont en général débutés 7 à 15 jours
discoïde. Ce n’est qu’en 1951 que cette thérapeutique prend son avant l’exposition solaire et poursuivis durant l’exposition.
essor grâce à Page qui recommande leur prescription dans cette Par ailleurs, l’intérêt des APS est incertain dans de nombreuses
affection (quinacrine). Dès lors, les antipaludéens vont être lar- éruptions photo-induites comme le prurigo actinique, l’urticaire
gement utilisés dans cette indication, avec des résultats d’autant solaire, l’hydroa vacciniforme et les photosensibilisations
plus favorables que l’atteinte cutanée est marquée et que l’atteinte rémanentes.

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Porphyrie cutanée tardive [23]


Les APS sont indiqués soit en alternative des saignées (qui
restent globalement plus efficaces), soit le plus souvent en complé-
“ Point fort
ment des saignées. Ils agissent par formation de complexes
Les principales indications dermatologiques des APS sont
hydrosolubles avec les porphyrines hépatiques, permettant un
accroissement de leur excrétion urinaire. Le plus souvent, des le lupus chronique, subaigu et systémique et les lucites
doses de 100 à 300 mg par semaine pendant 3 à 18 mois sont idiopathiques pour lesquels ils ont l’AMM. Ils sont par
préconisées car les APS peuvent déclencher des crises aiguës mar- ailleurs prescrits dans de nombreuses autres dermatoses
quées par une hémolyse massive et une hépatite cytolytique. En inflammatoires avec une efficacité variable. Il s’agit princi-
pédiatrie, une étude a montré l’efficacité d’un traitement combiné palement de la sarcoïdose, de la porphyrie cutanée tardive,
par APS chez deux enfants atteints d’une porphyrie cutanée tar- de la dermatomyosite.
dive [24] .

Sarcoïdose
au mauve noirâtre, indolentes, sous forme de macules souvent
L’efficacité des APS dans cette indication a été découverte de confondues avec des ecchymoses. Elles apparaissent au niveau
manière fortuite en 1953. Ils entraînent une diminution pro- des régions prétibiales, du lit unguéal, du visage et de la muqueuse
gressive des lésions cutanées et muqueuses après 1 à 2 mois de buccale. Parfois, il s’agit d’une pigmentation plus diffuse de toutes
traitement pour aboutir à un blanchiment en six mois avec cepen- les zones photoexposées. Enfin, des structures plus profondes
dant une fréquente hyperpigmentation résiduelle et une efficacité peuvent être atteintes puisqu’il a été décrit des pseudo-ochronoses
purement suspensive apparaissant très inégale [25] . Il existerait éga- des cartilages du nez, des oreilles, de la trachée et même des tissus
lement une efficacité des APS sur les manifestations extracutanées articulaires. Les biopsies cutanées de ces zones pigmentées objec-
et systémiques de la sarcoïdose (atteinte neurologique, hypercal- tivent une augmentation non seulement de la mélanine mais aussi
cémie, adénopathies médiastinales) [26] . de l’hémosidérine dans l’épiderme, la couche basale et le derme.
Ces troubles dyschromiques sont réversibles à l’arrêt du traitement
(plusieurs mois). Un autre type de pigmentation a été décrit avec
Autres indications dermatologiques la quinacrine et de façon moins spécifique avec la flavoquine. Sur-
Plusieurs publications rapportent un effet bénéfique des APS venant pour de faibles doses, il s’agit d’une coloration jaune citron
sur l’érythème réticulé avec mucinose, sur la mucinose folliculaire généralisée à l’ensemble du tégument simulant un ictère, pouvant
et sur l’infiltration lymphocytaire bénigne de Jessner-Kanof [27, 28] . toucher les conjonctives, les sécrétions lacrymales, sudorales et
Des auteurs ont rapporté des réponses intéressantes pour le traite- nasales. Elle est de nature inconnue et disparaît en quelques mois
ment des granulomes annulaires chez l’adulte et l’enfant [29, 30] . Les après l’arrêt du traitement. Les APS peuvent parfois engendrer des
APS donnent des résultats souvent satisfaisants dans le traitement phénomènes d’hypopigmentation pilaire surtout chez les pho-
des manifestations cutanées de dermatomyosite (érythème facial, totypes clairs. Les cheveux, d’abord à leur racine puis sur toute
rash héliotrope périorbitaire, télangiectasies péri-unguéales, pho- leur longueur, ainsi que les cils, les sourcils, la barbe, les poils
tosensibilité), y compris chez l’enfant [21, 31] . En outre, l’adjonction axillaires ou pubiens blondissent, grisonnent ou blanchissent.
des APS dans cette indication permet une diminution pro- Cet effet est surtout observé avec la chloroquine, qui aurait une
gressive des doses de corticoïdes nécessaires pour contrôler action toxique sur les mélanocytes, et est régressif à l’arrêt du
l’atteinte musculaire. L’adjonction de quinacrine peut augmen- traitement [38, 39] .
ter la réponse thérapeutique chez les patients qui ne répondent Quelques cas d’alopécie et de dermite exfoliative ont été rappor-
pas à la chloroquine ou à l’hydroxychloroquine [32] . Les APS ne tés avec l’hydroxychloroquine. De rares cas de prurit généralisé
semblent avoir qu’une efficacité biologique dans le syndrome de ou palmoplantaire (3 à 5 % des patients) ont également été rap-
Gougerot-Sjögren [33] . Ils sont souvent utilisés en première ligne portés [40] . Cet effet secondaire est surtout décrit chez les Noirs
dans la pseudopelade de Brocq sans toutefois que leur efficacité ait africains et, à notre connaissance, n’a pas été notifié chez les sujets
été démontrée dans cette indication [34] ; dans une étude réalisée Noirs américains. Cette particularité semble provenir de la liaison
chez une enfant après 18 mois de traitement, il n’existait aucune de la chloroquine à la mélanine et suggère une origine génétique.
progression de l’alopécie, le traitement a alors été suspendu [21] . Les toxidermies sont des complications précoces, peu fré-
Chez l’adulte, comme chez l’enfant, les APS peuvent éviter le quentes, qui peuvent survenir avec l’hydroxychloroquine ou la
recours à la corticothérapie générale dans le pemphigus cicatri- chloroquine mais ont surtout été observées avec la quinacrine. Il
ciel [35] . On peut y associer de la disulone, ce qui permet un effet peut s’agir d’urticaire, de rash maculopapuleux ou morbilliforme,
plus rapide tout en utilisant des doses plus faibles pour chaque d’érythème pigmenté fixe, de photosensibilisation [41] , d’érythème
molécule. Les APS peuvent être efficaces dans les panniculites polymorphe ou encore d’érythème annulaire centrifuge. Il ne
lipoatrophiques de l’enfant [36] et de l’adulte [37] . semble pas exister de risque croisé entre les différents APS.
L’efficacité des APS a également été rapportée de façon anec- Enfin, les APS peuvent entraîner l’exacerbation d’un psoriasis
dotique au cours du purpura hyperglobulinémique, surtout s’il et le déclenchement d’une érythrodermie. Ils peuvent également
est associé à un syndrome de Gougerot ou à un lupus, au cours révéler un psoriasis encore latent. Ces risques imposent donc de
d’affections diverses telles que le lichen scléreux, le lichen plan peser soigneusement les indications des APS chez les patients
muqueux, le granulome annulaire, la stomatite chronique ulcé- ayant un psoriasis et d’être particulièrement vigilant dans le dépis-
reuse, les macrochéilites, la réaction du greffon contre l’hôte, tage des effets secondaires.
la panniculite de Weber-Christian, la sclérodermie, les crypto-
coccoses et les leishmanioses cutanées, l’épidermolyse bulleuse Effets secondaires oculaires [1, 42, 43]
héréditaire, l’érythème noueux, la fasciite avec éosinophiles, etc.
Ces indications restent incertaines et souvent controversées. Ils constituent le principal risque d’utilisation des APS, mais
sont de plus en plus rares grâce aux posologies actuellement uti-
lisées.
 Effets secondaires [1, 4, 7] La rétinopathie est la complication la plus redoutée puisqu’elle
peut mener à la cécité mais sa fréquence de survenue est heu-
Effets secondaires cutanés reusement relativement faible. Elle est liée à l’importante fixation
oculaire des APS entraînant la destruction des cônes et des bâton-
Ils sont principalement représentés par les dyschromies surve- nets. Elle touche principalement la macula, support de la vision
nant lors des traitements prolongés (10 à 30 % des patients). Il nette et de la vision des couleurs. Cette dystrophie maculaire évo-
s’agit le plus souvent de pigmentations allant du gris bleuâtre lue en trois stades :

4 EMC - Dermatologie
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• le stade préclinique : il est réversible (0,45 à 4 % des patients)


et décelé uniquement par certains examens paracliniques. À ce
stade, l’acuité visuelle est normale ; “ Point fort
• le stade de maculopathie confirmée : il est le plus souvent irré-
versible et stable, pouvant même s’aggraver malgré l’arrêt du • La rétinopathie aux APS est rare mais irréversible. Elle
traitement. Des signes subjectifs peuvent apparaître : photo- peut être prévenue si les doses sont correctement adaptées
phobie, difficultés à la lecture, éclairs ou stries lumineuses,
au poids du patient et si la surveillance ophtalmologique
scotomes, baisse de l’acuité visuelle. Le fond d’œil objec-
tive une pigmentation granuleuse en anneau périmaculaire, est faite en fonction des facteurs de risque.
le champ visuel confirme l’existence d’un scotome annulaire,
• Les doses journalières recommandées adaptées au poids
et la vision des couleurs est très perturbée de même que corporel idéal sont de 4 mg/kg pour la chloroquine et de
l’électrorétinogramme ; 6,5 mg/kg pour l’hydroxychloroquine. Une vigilance par-
• le stade des séquelles : avec aspect de pseudorétinite pigmen- ticulière sera apportée pour les patients de moins de 63 kg
taire au fond d’œil, achromatopsie, champs visuel de type et/ou présentant des facteurs de risque (notamment si
tubulaire, effondrement de l’acuité visuelle puis cécité. insuffisance rénale ou hépatique).
On considère que le risque de rétinopathie est faible lorsque les • Un contrôle ophtalmologique est préconisé avant le
doses quotidiennes utilisées, calculées en fonction du poids corpo- début du traitement ou dans les tous premiers mois. La
rel idéal, sont inférieures ou égales à 4 mg/kg/j pour la chloroquine
surveillance ophtalmologique sera ensuite adaptée selon
et à 6,5 mg/kg/j pour l’hydroxychloroquine. Le poids corporel
idéal est calculé selon la formule (taille en cm – 100) – 10 % pour les facteurs de risque.
l’homme et (taille en cm – 100) – 15 % pour la femme. Si le poids
réel est inférieur au poids idéal, la dose doit être adaptée au poids
réel. À ces doses, le risque de perte permanente de l’acuité visuelle Effets secondaires neurologiques
est également considéré comme faible pendant les dix premières et musculaires
années de traitement. Les données récentes montrent que le risque
de toxicité augmente à partir de 5 à 7 ans de traitement continu Les signes neuropsychiatriques sont rares et d’intensité variable.
et/ou d’une dose cumulative de 1000 g d’hydroxychloroquine [8] . Ils surviennent habituellement de façon précoce (premières
Il faut être vigilant lorsqu’il existe des facteurs de risque tels que semaines de traitement). Ils ont été décrits avec l’hydroxychloro-
l’existence d’une atteinte oculaire préalable, d’une insuffisance quine, la chloroquine et la quinacrine. Des manifestations psy-
hépatique ou rénale, ou encore chez les personnes de plus de chiques mineures sont observées en début de traitement et
65 ans. souvent régressives spontanément ou après réduction de dose.
Les APS peuvent entraîner des troubles de l’accommodation qui Vertiges, céphalées, bourdonnements d’oreilles, hypoacousie,
sont dus à un dysfonctionnement du corps ciliaire et se mani- insomnie, difficulté à se concentrer, irritabilité, anxiété consti-
festent par un flou visuel et une diplopie. Aigus et transitoires, ils tuent le syndrome neurosensoriel des APS. Ils peuvent conduire
surviennent à l’initiation du traitement et sont réversibles à l’arrêt à un changement d’antipaludéen. La psychose toxique, qui a
ou à la diminution du traitement. été décrite avec la quinacrine mais aussi avec de fortes doses de
L’atteinte cornéenne est due aux dépôts progressifs d’un maté- chloroquine, est une complication rare. Elle se révèle par des
riel constitué par l’APS lui-même dans la partie superficielle de troubles du comportement, des tableaux dépressifs, confusion-
l’épithélium cornéen. Le plus souvent asymptomatique (détectée nels ou délirants (accès maniaque, hallucinations, schizophrénie).
par la lampe à fente), celle-ci peut parfois occasionner la survenue L’amélioration est rapide après quelques jours ou semaines d’arrêt
d’un brouillard visuel transitoire ou, plus rarement, la perception du traitement, mais peut parfois nécessiter l’utilisation de neu-
de halos colorés autour des lumières. Ces dépôts surviennent après roleptiques. Les crises comitiales généralisées sont également des
des traitements prolongés, surtout à fortes doses, et sont réver- complications très rares des APS.
sibles à l’arrêt du traitement ou lors de la diminution des doses. Les neuromyopathies aux APS sont très rares et compliquent
Leur fréquence est en baisse depuis l’utilisation de posologies plus le plus souvent des traitements prolongés, même à faibles doses.
faibles. Les dépôts cristalliniens sont tardifs et bénins. Elles sont réversibles en quelques semaines ou mois après l’arrêt
En pratique, le risque de rétinopathie implique une surveillance du traitement, si le diagnostic est précoce. Des crampes ont
ophtalmologique systématique dont les modalités restent encore été décrites chez 3 % des patients. La neurotoxicité et la neuro-
discutées mais qui ont fait l’objet d’une révision récente par myopathie sont caractérisées par l’apparition lente et insidieuse
l’Académie américaine d’ophtalmologie [8] . Un bilan ophtalmolo- d’une faiblesse musculaire, commençant par les muscles proxi-
gique préthérapeutique est conseillé de façon à ne pas imputer maux des membres inférieurs, avec hyporéflexie ostéotendineuse.
à tort la survenue d’une maculopathie aux APS. Ce bilan sert L’atteinte peut s’étendre aux membres supérieurs et aux muscles
de référence pour la surveillance ultérieure. Cette consultation d’innervation bulbaire, s’accompagnant parfois d’une fatigabi-
comprenait jusqu’à ces dernières années un questionnaire sur les lité de type myasthénique. Il s’y associe une polynévrite ou une
troubles subjectifs visuels, une évaluation de l’acuité visuelle, un multinévrite sensitivomotrice des membres inférieurs. Les anoma-
fond d’œil, un examen de la vision des couleurs, un examen lies électromyographiques confirment l’atteinte mixte neurogène
à la lampe à fente, et éventuellement un électrorétinogramme. et myogène et peuvent être accompagnées au niveau biolo-
Aujourd’hui, de nouveaux examens plus performants peuvent gique d’une augmentation des enzymes musculaires. La biopsie
être pratiqués : électrorétinogramme multifocal, tomographie de musculaire permet de confirmer le diagnostic en montrant une
cohérence optique, examen en autofluorescence [8] . Un contrôle myopathie vacuolaire, avec en microscopie électronique, la pré-
ophtalmologique annuel, réalisé par le même praticien si pos- sence d’inclusions denses, de corps myéloïdes, et surtout de corps
sible, est recommandé à partir de cinq ans de traitement. Un curvilignes au sein du cytoplasme des myocytes. Il est parfois dif-
suivi plus précoce doit être en revanche réalisé s’il existe des fac- ficile, en cas de maladie systémique associée (dermatomyosite,
teurs de risque. D’une manière générale, la survenue de signes lupus), de faire la part des choses, surtout si une corticothérapie
de rétinopathie au cours d’un traitement par APS impose son générale est associée au traitement par APS. Un syndrome spas-
arrêt. Cependant, il faut tenir compte de la spécificité non abso- tique des membres inférieurs, des syndromes extrapyramidaux
lue des tests de dépistage et se référer à l’avis d’un ophtalmologiste chez les enfants ont également été rapportés avec la chloroquine.
expérimenté qui seul peut peser les risques d’une poursuite du trai-
tement sous étroite surveillance. La poursuite, la reprise, ou l’arrêt
du médicament dépendent de l’importance de l’anomalie, de Effets secondaires cardiovasculaires
son évolutivité et de l’avis de l’ophtalmologiste. Certains recom-
mandent le port de lunettes de soleil durant le traitement, en Rarement et tardivement, la chloroquine et
raison d’un rôle potentiellement aggravant de la lumière sur la l’hydroxychloroquine peuvent provoquer des troubles
rétinopathie. cardiaques. Il s’agit en général de modifications de

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l’électrocardiogramme (ECG) (ondes T altérées et allonge- Les contre-indications relatives sont représentées par le pso-
ment de l’espace QT), mais des troubles graves sont possibles en riasis, la myasthénie, la sclérose en plaques, l’insuffisance rénale
cas d’intoxication chronique ou de surdosage : bloc auriculoven- ou hépatique, la porphyrie cutanée tardive et les thésaurismoses,
triculaire, défaillance cardiaque voire arrêt cardiaque, collapsus maladies lysosomiales congénitales, ces affections pouvant être
cardiovasculaire. Exceptionnellement, des cardiomyopathies ont aggravées par l’utilisation des APS. Enfin, par rapport aux indi-
été décrites après administration de doses cumulées très élevées de cations dermatologiques, les formes galéniques sont inadaptées
chloroquine chez des sujets atteints d’une maladie systémique. pour les enfants de moins de six ans. Il est par ailleurs indispen-
L’histologie montre la vacuolisation et les corps d’inclusion sable de tenir les médicaments hors de la portée des enfants en
précédemment décrits. Ces troubles peuvent avoir une évo- raison du risque vital lié à l’intoxication aiguë. Il convient par
lution spontanément fatale et nécessitent parfois un transfert ailleurs d’être attentif aux autres prises médicamenteuses car il
en réanimation. En pratique, il est recommandé d’effectuer un peut exister des interactions des APS avec différentes molécules [7] .
électrocardiogramme annuel chez les patients traités par APS. Il n’existe pas de consensus en France concernant la surveillance
du traitement par les APS. Seules des recommandations ont été
proposées. En plus de la surveillance ophtalmologique précé-
Effets secondaires digestifs demment discutée, le bilan préthérapeutique doit comprendre
Nausées, vomissements, diarrhées, stomatite et ulcérations buc- un examen clinique complet, un bilan biologique comprenant
cales sont rapportés avec la chloroquine et l’hydroxychloroquine, numération formule sanguine et plaquettes, bilan hépatique,
surtout en début de traitement. Ces effets sont bénins et en règle fonction rénale et électrocardiogramme. Ces examens seront
générale régressifs avec une simple diminution des posologies ensuite réalisés à un rythme qui dépend du terrain, de l’âge du
quotidiennes. Des modifications de la motricité intestinale sont patient et des doses journalières utilisées.
responsables des diarrhées. Des douleurs abdominales et une ano-
rexie peuvent être associées. Des élévations des transaminases
sériques et d’exceptionnelles hépatites aiguës ont été rapportées
(en particulier chez les patients porteurs de porphyrie cutanée “ Point fort
tardive).
Les APS doivent être conservés hors de portée des enfants,
Effets secondaires hématologiques leur ingestion pouvant être fatale du fait de leur toxicité
cardiaque.
Majorés pour des posologies élevées, ils peuvent apparaître
dès les premiers mois de traitement avec la chloroquine et
l’hydroxychloroquine. La leucopénie est précoce (trois premiers
mois), surtout liée à la chloroquine, le plus souvent modérée et
réversible à l’arrêt du traitement. Elle nécessite une surveillance
 Conclusion
hématologique accrue mais pas l’arrêt systématique du médica- Malgré des effets biologiques et thérapeutiques très étendus,
ment. L’agranulocytose est rare, observée avec tous les APS ; elle les APS sont utilisés de façon empirique dans la plupart des
peut être grave, voire fatale. Elle est cependant moins fréquente affections dermatologiques. Le lupus et les lucites idiopathiques
et moins grave avec la chloroquine et l’hydroxychloroquine à sont en effet les seules dermatoses pour lesquelles les APS ont
l’inverse des APS plus anciens comme l’amodiaquine et la qui- prouvé leur efficacité au travers d’essais randomisés aboutis-
nacrine. Des cas d’anémie arégénérative ont été exclusivement sant à l’obtention d’une AMM. Les antipaludéens de synthèse
décrits après prise prolongée de quinacrine. Des anémies hémoly- de référence en dermatologie sont l’hydroxychloroquine et la
tiques peuvent être observées chez les patients ayant un déficit chloroquine qui, aux posologies habituelles, sont d’efficacité
en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD). L’utilisation équivalente. Plusieurs enquêtes ont cependant montré que le
des APS peut induire l’apparition d’un ictère hémolytique aigu choix des dermatologues se portait en première intention dans
toxique, surtout observé avec les amino-8-quinoléines et la qui- environ 90 % des cas sur l’hydroxychloroquine, réputée moins
nacrine. Une thrombopénie est décrite chez 3 % des patients sous toxique que la chloroquine. En effet, les effets secondaires
chloroquine. La pancytopénie est exceptionnelle, par insuffisance potentiellement induits par les APS sont nombreux, les plus
médullaire globale. redoutés étant les complications oculaires. Cependant, les doses
utilisées, notamment dans les indications dermatologiques, et
Toxicité embryonnaire et fœtale l’instauration d’une surveillance adaptée ont considérablement
réduit l’incidence de ces complications, qui sont très rares, et
Les APS passent la barrière placentaire et s’accumulent dans les permis une meilleure maîtrise de leur emploi.
tissus fœtaux. Des cas isolés d’ototoxicité (surdité congénitale) et
d’oculotoxicité ont été rapportés avec la chloroquine. En outre,
il y a eu naissance d’enfants normaux de mères ayant pris ce  Références
médicament lors de leur grossesse.
La grossesse n’est pas une contre-indication absolue des APS [44] . [1] Ribrioux A. Antipaludéens de synthèse et peau. Ann Dermatol Venereol
En cas de lupus érythémateux, étant donnés les risques de pous- 1990;117:975–90.
sées systémiques, il est préférable de poursuivre le traitement s’il [2] Sunil K, Dutz JP. New concepts in antimalarial use and mode of action
a été débuté avant la grossesse. L’introduction des APS en cours in dermatology. Dermatol Ther 2007;20:160–74.
de grossesse est justifiée si l’indication en est impérative. La prise [3] Koranda FC. Antimalarials. J Am Acad Dermatol 1981;4:650–5.
d’APS ne contre-indique pas l’allaitement, le passage dans le lait [4] Tanenbaum L, Tuffanelli DL. Antimalarial agents. Chloroquine,
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l’existence d’une hypersensibilité à la molécule ou à l’un de ses Academy of Ophthalmology. Revised recommendations on screening
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M.-T. Leccia, Professeur des Universités, praticien hospitalier (MTLeccia@chu-grenoble.fr).


Clinique de dermatologie et photobiologie, Pôle pluridisciplinaire de médecine, CHU Albert-Michallon, boulevard de la chantourne, BP 217, 38043 Grenoble
cedex 9, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Leccia MT. Antipaludéens de synthèse en dermatologie. EMC - Dermatologie 2013;8(1):1-7 [Article
98-910-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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