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Antiseptiques
L. Machet, E. Fourtillan, L. Vaillant
Les antiseptiques sont des antimicrobiens d’action rapide, mais brève et non spécifique. Leur spectre
d’action et leurs effets indésirables varient selon les différentes familles. Les deux molécules les plus
adaptées à l’antisepsie de la peau saine et des muqueuses, avant une intervention invasive (chirurgie,
ponction), sont la chlorhexidine et la povidone iodée. L’efficacité des antiseptiques pour l’antisepsie de la
peau lésée (plaies, infections cutanées ou muqueuses) est mal documentée, bien que leur utilisation soit
très fréquente en pratique dans les infections superficielles de la peau.
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Tableau 1.
Spectre d’action des antiseptiques.
Cocci à Gram positif Bacilles à Gram positif Gram négatif Champignons Spores Virus Prions
Alcools ++ ++ ++ ++ O ++ O
Ammoniums quaternaires + O + + O ± O
Chlorhexidine ++ ++ ++ ++ O ± O
Hexamidine + + O ± O ± O
Dérivés iodés ++ ++ ++ ++ ++ ++ O
Dérivés mercuriels + ± + + O O O
Dérivés argentiques ± ± + ± O ± O
Oxydants chlorés ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
Peroxyde d’hydrogène + + ± + O ± +a
KMnO4 ++ ++ ++ O O O O
Triclocarban + + O ± O O O
++ : disparition des micro-organismes ; + : inhibition de la croissance des micro-organismes ; ± : activité variable selon les espèces ; O : absence d’activité.
a
Efficace si associé au cuivre.
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Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2021. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
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buccodentaire, sa cible privilégiée. L’hexétidine est peu active sur Peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée H2 O2 )
les levures. Sa tolérance muqueuse et cutanée est bonne mais elle
peut altérer temporairement le goût et l’odorat. Les spécialités Son activité antiseptique repose sur une dénaturation des pro-
commercialisées sont utilisées en stomatologie sous la forme de téines microbiennes. Elle est brève et limitée à certaines bactéries à
bains de bouche (Givalex® , Hextril® ), ou de gel gingival. L’intérêt Gram positif (bactériostatique) et à certains virus (VIH), et est inhi-
de l’hexétidine pour l’hygiène de la cavité buccale et pour le trai- bée par le contact avec les matières organiques qui entraînent une
tement des aphtes n’a jamais été démontré. effervescence. Celle-ci peut être utile pour le nettoyage mécanique
d’une plaie ou l’hémostase. L’eau oxygénée peut être irritante pour
la peau ; son utilisation est proscrite à proximité des conjonc-
Iode et dérivés iodés tives, et est incompatible avec les pansements hydrocellulaires.
Elle est commercialisée en solution à 3 % (Eau oxygénée Gilbert® ,
L’iode est un excellent antiseptique bactéricide utilisé en solu- Dosoxygénée® ). Elle doit être conservée à l’abri de la chaleur et
tion alcoolique à 2 ou 2,5 %. Son spectre d’activité est très de la lumière, et ne doit pas être associée aux autres antiseptiques
large : bactéries à Gram positif et à Gram négatif, mycobacté- oxydants.
ries, champignons, spores et virus. L’activité antiseptique est
assez brève et diminuée en présence de matières organiques. Les
limites à l’utilisation de l’iode sont liées à sa mauvaise tolérance Permanganate de potassium (KMnO4 )
cutanée et muqueuse (dermite caustique) dès que les applica-
tions sont répétées. L’utilisation de l’iode et de ses dérivés est Il est très rapidement antibactérien mais sans activité sur
contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitante, et chez les autres micro-organismes. Il est inactivé par les matières
le prématuré, le nouveau-né et le jeune nourrisson, en raison organiques, et sa rémanence est faible. Il est très caustique
du risque d’hypothyroïdie chez l’enfant [9] . L’iode et ses dérivés (attention aux ingestions accidentelles) et doit donc être
sont incompatibles avec les mercuriels (risque de nécrose cuta- dilué au moins au 1/10 000. La solution finale est alors rose
née ou muqueuse), et avec le peroxyde d’hydrogène. La povidone pâle, mais peut durablement tacher l’émail d’une baignoire,
iodée est utilisée en solution de 1 à 10 %. Elle est moins irri- etc.
tante que l’alcool iodé. Elle est commercialisée dans les gammes
Bétadine® et Poliodine® . Il est utile de rappeler qu’il n’existe pas Triclocarban
d’« allergie croisée » entre hypersensibilité immédiate après injec-
tion de produit de contraste iodé pour un examen radiologique, Le triclocarban est un carbanilide, utilisé à la concentration de
et un eczéma après application cutanée de povidone iodée. Dans 1 à 2 %. Il est actif sur les bactéries à Gram positif, pour lesquelles
ce dernier cas, le responsable de l’eczéma est habituellement la il est bactériostatique de façon prolongée. Le triclocarban ne doit
povidone [10] . pas être utilisé chez le nourrisson. Les deux spécialités contenant
du triclocarban sont Cutisan® , et Solubacter® . En outre, le triclo-
carban est présent dans certains pains de toilette dermatologiques
Mercure et dérivés mercuriels (Nobacter® ).
La merbromine (ou mercurochrome) a une activité antiseptique
faible, et, de plus, diminuée après contact avec des matières orga-
niques. Le mercure et ses dérivés sont rapidement caustiques, Critères de choix
et ne doivent pas être associés à la chlorhexidine, aux ammo-
niums quaternaires, aux dérivés iodés et chlorés. Les risques
des antiseptiques
d’hypersensibilité, et de survenue d’effets systémiques (rénaux,
Les antiseptiques sont très utilisés [3] . Le prescripteur doit
neurologiques), après utilisations répétées, existent. Les mer-
connaître les effets indésirables locaux (causticité, eczéma de
curiels ne doivent pas être utilisés chez le nourrisson. Il ne
contact) ou plus rarement généraux (toxicité viscérale, anaphy-
persiste qu’une spécialité à usage cutané : solution aqueuse de
laxie) des molécules qu’il utilise, ainsi que les incompatibilités
Mercurescéine® Gifrer 2 %. Il n’y a plus d’organomercuriel dans
éventuelles des associations d’antiseptiques. D’une manière géné-
Mercryl® solution moussante.
rale, il est préférable de ne pas associer entre elles, simultanément
ou successivement, différentes spécialités antiseptiques. Pour
tous les antiseptiques, le risque d’effet indésirable local ou
Argent et dérivés argentiques systémique augmente en cas d’applications répétées, sur de
Ils sont bactériostatiques avec une activité plus importante larges surfaces, sous occlusion, sur une peau lésée, sur une
sur les bactéries à Gram négatif que sur celles à Gram positif. muqueuse, ainsi que sur la peau du prématuré ou du jeune
L’association à la sulfadiazine (Flammazine® ) les rend bactéricides. nourrisson. La possible contamination des antiseptiques par
Ils ne doivent pas être associés aux oxydants (chlorés et eau oxygé- des micro-organismes doit être également connue. La princi-
née). Leur tolérance cutanée est bonne, mais les patients doivent pale limite des présentations « à usage unique » est leur prix
être informés de la possible survenue d’un noircissement de la élevé.
peau après exposition à la lumière. Le nitrate d’argent en solution Le choix d’un antiseptique repose sur l’efficacité et la bonne
aqueuse de 0,5 à 2 % a une activité antiseptique faible mais, en tolérance de la molécule. L’efficacité est appréciée a priori par un
revanche, colore et tache les salles de bains. L’argent est utilisé spectre adapté à l’utilisation (large pour une antisepsie préopéra-
pour son action antibactérienne dans des pansements (Aquacel® toire, étroit ciblant les cocci à Gram positifs dans les infections
argent). cutanées superficielles), par un délai d’action bref (moins de
trois minutes), par une action suffisamment rémanente (plu-
sieurs dizaines de minutes), par une activité pas ou peu diminuée
Oxydants chlorés par la présence de matières organiques, et éventuellement par
une présentation adaptée à l’usage (Tableau 2). La rémanence
La principale molécule active de cette classe est l’acide hypo- des antiseptiques dont on dispose est toujours trop courte, par-
chloreux, métabolite commun aux antiseptiques chlorés. L’action ticulièrement en peau lésée, et la recolonisation microbienne
antiseptique augmente avec la concentration du produit chloré. est inéluctable quelques dizaines de minutes après l’application
La tolérance cutanée est bonne aux concentrations usuelles. d’un antiseptique. La bonne tolérance associe une causticité
L’utilisation des oxydants chlorés est limitée en médecine, par modeste ou absente, un risque d’eczéma faible et des effets sys-
leur forte inactivation par les matières organiques, et par leur témiques rares ou sans gravité. L’antiseptique idéal n’existe pas
faible rémanence. L’hypochlorite de sodium (Dakin Cooper® , et, en pratique, les qualités requises ne sont réunies que pour un
Amukine® ) n’est pas compatible avec les pansements hydrocel- petit nombre d’antiseptiques : chlorhexidine et povidone iodée
lulaires, alginates ou hydrofibres, ainsi que l’argent. pour l’essentiel, qui sont les principaux antiseptiques à bien
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Références
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sés par voie locale (cutanée ou muqueuse) pour réduire éditions ESKA; 1995, 1640 p.
temporairement la densité bactérienne à la surface avant [3] Fourtillan E. Traitements des infections cutanées bactériennes super-
un geste invasif (ponction, chirurgie), ou pour réduire la ficielles. Enquête auprès des médecins généralistes du Cher au cours
transmission bactérienne (mains des soignants). Leur délai de l’année 2010. [thèse de médecine], Université François-Rabelais de
d’action est de une à quelques minutes, leur durée d’action Tours, 2012. 126p.
de une à quelques heures. [4] McDonnell G, Russell AD. Antiseptics and disinfectants: activity,
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chez les soignants. [7] Plantin P, Guillois B, Sizun J, Guillet G. Placards hémorragiques éten-
• La peau saine est colonisée normalement par une flore dus, conséquence de l’antisepsie alcoolisée chez le grand prématuré.
Presse Med 1990;19:432.
microbienne commensale. La densité de cette flore est
[8] Weston A, Assem ES. Possible link between anaphylactoid reactions
faible dans les zones sèches, et beaucoup plus élevée dans to anesthetics and chemicals in cosmetics and biocides. Agents Actions
les zones plus humides (plis et muqueuses). 1994;41:S138–9.
• Si la barrière cutanée est lésée (abrasion, plaie aiguë ou [9] Smerdely P, Lim A, Boyages SC, Waite K, Wu D, Roberts V, et al.
chronique, dermatose), la densité microbienne augmente Topical iodine-containing antiseptics and neonatal hypothyroidism in
car le milieu de culture est plus favorable, responsable d’un very-low-birthweight infants. Lancet 1989;2:661–4.
aspect exsudatif, plus ou moins croûteux, impétiginisé, des [10] Ancona A, Suarez de la Torre R, Macotela E. Allergic contact
dermatitis from povidone iodine. Contact Dermatitis 1985;13:
lésions. 66–8.
• La présence de ces exsudats réduit fortement l’efficacité [11] Caumes E, Le Maitre E, Garnier JM, Bricaire F, Crickx B. Tolérance
des antiseptiques in vivo. clinique des antiseptiques cutanés chez 3403 malades en pratique de
• La colonisation microbienne ne nécessite pas habituel- ville. Ann Dermatol Venereol 2006;133:755–60.
lement d’antiseptiques, sauf en cas de lésions étendues [12] Edwards PS, Lipp A, Holmes A. Preoperative skin antiseptics for
(grand brûlé, dermatose bulleuse). La restauration de preventing surgical wound infections after clean surgery. Cochrane
Database Syst Rev 2004;(3):CD003949.
l’intégrité de la barrière cutanée, par le traitement de la
[13] Pietsch H. Hand antiseptics: rubs versus scrubs, alcoholic solu-
dermatose, suffit à régler le problème. tions versus alcoholic gels. J Hosp Infect 2001;48(Suppl. A):
• En cas de densité microbienne plus importante, des S33–6.
signes inflammatoires locaux, une adénopathie régionale, [14] Kalantar-Hormozi AJ, Davami B. No need for preoperative antiseptics
une fièvre, peuvent survenir : c’est la surinfection, qui in elective outpatient plastic surgical operations: a prospective study.
nécessite un traitement antimicrobien systémique. Plast Reconstr Surg 2005;116:529–31.
• Les infections localisées superficielles de la peau (follicu- [15] Smith RG. A critical discussion of the use of antiseptics in acute
traumatic wounds. J Am Podiatr Med Assoc 2005;95:148–53.
lites, furoncles, impétigos) sont bénignes, et guérissent la [16] Stalder JF, Fleury M, Sourisse M, Rostin M, Pheline F, Litoux P.
plupart du temps spontanément. Local steroid therapy and bacterial skin flora in atopic dermatitis. Br J
• Le niveau de preuve de l’efficacité des antiseptiques Dermatol 1994;131:536–40.
dans ces infections banales est très faible. L’utilisation des [17] Bath-Hextall FJ, Birnie AJ, Ravenscroft JC, Williams HC. Inter-
antiseptiques est très certainement excessive dans ces indi- ventions to reduce Staphylococcus aureus in the management of
cations. atopic eczema: an updated Cochrane review. Br J Dermatol 2010;163:
• Les résistances acquises aux antiseptiques (comme aux 12–26.
[18] Machet L, Couhé C, Perrinaud A, Hoarau C, Lorette G, Vaillant L. High
antibiotiques) constituent un problème majeur de santé prevalence of sensitisation still persists in leg ulcer patients: a retrospec-
publique. tive series of 106 patients tested between 2001-2002 and metaanalysis
1975-2003. Br J Dermatol 2004;150:929–35.
[19] Sheng WH, Wang JT, Lauderdale TL, Weng CM, Chen D, Chang SC. [21] Fisher AA. Contact urticaria from chlorhexidine. Cutis 1989;43:17–8.
Epidemiology and susceptibilities of methicillin-resistant Staphylo- [22] Okano M, Nomura M, Hata S. Anaphylactic symptoms due to chlo-
coccus aureus in Taiwan: emphasis on chlorhexidine susceptibility. rhexidine gluconate. Arch Dermatol 1989;125:50–2.
Diagn Microbiol Infect Dis 2009;63:309–13. [23] Autegarden JE, Pecquet C, Huet S, Bayrou O, Leynadier F. Anaphylac-
[20] Waran KD, Munsick RA. Anaphylaxis from povidone-iodine. Lancet tic shock after application of chlorhexidine to unbroken skin. Contact
1995;345:1506. Dermatitis 1999;40:215.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Machet L, Fourtillan E, Vaillant L. Antiseptiques. EMC - Traité de Médecine Akos 2016;11(3):1-6 [Article
2-0785].
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