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Antiseptiques en dermatologie
L. Machet, L. Martin, L. Vaillant
Les antiseptiques sont des antimicrobiens d’action rapide mais brève et non spécifique. Leur spectre
d’action et leurs effets indésirables varient selon les différentes familles. Les deux molécules les plus adap-
tées à l’antisepsie de la peau saine sont la chlorhexidine et la povidone iodée. L’efficacité des antiseptiques
pour l’antisepsie de la peau lésée est mal documentée et probablement limitée aux dermatoses bulleuses
ou aux brûlures étendues.
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Plan (Tableau 1). L’activité sur les prions est négligeable pour la grande
majorité des antiseptiques [2–4] . Le délai et la rémanence de l’action
■ Qu’est-ce qu’un antiseptique ? 1 après l’application de l’antiseptique sont variables d’un antisep-
tique à un autre (Tableau 2). L’antisepsie doit être distinguée de
■ Principales familles, molécules et spécialités antiseptiques 2 l’asepsie, de la désinfection et de la stérilisation [2] . L’asepsie est
Acides 2 l’ensemble des mesures physicochimiques destinées à prévenir
Alcools 2 l’apport exogène de micro-organismes. La désinfection est la des-
Aldéhydes 3 truction des micro-organismes sur les surfaces inertes (matériel
Ammoniums quaternaires 3 et locaux à usage médical). La disparition des micro-organismes
Chlorhexidine 3 après stérilisation est par définition maintenue dans le temps.
Hexamidine 3 Les antibiotiques peuvent aussi être utilisés localement, mais ils
Hexétidine 3 ont une action plus ciblée, moins directement agressive pour la
Iode et dérivés iodés 4 paroi cellulaire, par exemple en inhibant certaines enzymes bac-
Laurylsulfate de sodium 4 tériennes [1, 2] .
Métaux 4 Les antiseptiques peuvent être responsables d’une disparition
Oxydants chlorés 4 des agents infectieux sur lesquels ils sont actifs (activité dite bacté-
Oxydants non chlorés non iodés 4 ricide, virucide, etc.) ou d’une simple inhibition de leur croissance
Dérivés phénoliques 5 (activité dite bactériostatique, virustatique, etc.). L’activité des
Triclocarban 5 antiseptiques a été standardisée par l’Agence française de norma-
■ Indications et choix des antiseptiques en dermatologie 5 lisation (Afnor) pour les différents types de micro-organismes [5] .
Antisepsie de la peau saine 6 Un antiseptique est ainsi dit bactéricide s’il réduit in vitro la
Antisepsie de la peau lésée 6 quantité initiale de cinq souches données de bactéries d’un fac-
■ Résistance acquise aux antiseptiques 6 teur 105 après un temps de contact de 5 minutes. L’activité des
antiseptiques est réduite lors de la présence de matières orga-
niques (sang, sérum, pus). La connaissance de cette limite est
essentielle pour appréhender l’activité des antiseptiques in vivo.
Qu’est-ce qu’un antiseptique ? Les antiseptiques peuvent être l’objet d’une résistance naturelle
ou acquise de la part de certains micro-organismes [3] . Certaines
Les antiseptiques sont des produits antimicrobiens d’usage bactéries sont à la fois résistantes à des antibiotiques et à des
externe (peau et muqueuses) d’action assez rapide mais transitoire antiseptiques [6] . Les antiseptiques sont souvent présents comme
et non spécifique exerçant généralement une toxicité directe sur conservateurs dans des topiques ou cosmétiques (dentifrices,
la paroi des micro-organismes, mais aussi celle des cellules comme déodorants, etc.). Ils peuvent être responsables d’effets secon-
les kératinocytes, d’où leur causticité sur les plaies aiguës ou chro- daires et sont désormais qualifiés d’« excipients à effet notoire ».
niques. Ils appartiennent à la famille des biocides qui comprend, La péremption d’un antiseptique après ouverture du flacon sur-
outre les antiseptiques, des conservateurs et les désinfectants. Ils vient assez rapidement, les conditionnements unidoses sont de ce
sont, à l’instar des antibiotiques, très probablement trop souvent fait d’utilisation plus pratique. Enfin, certains colorants ont une
utilisés dans des indications discutables [1] . Le spectre d’activité action antiseptique nulle (l’éosine par exemple) sauf s’ils sont uti-
est propre à chaque famille d’antiseptiques et peut inclure les lisés en solution alcoolique, et c’est alors l’alcool qui exerce son
bactéries, les champignons, les spores, les virus et les parasites action.
EMC - Dermatologie 1
Volume 7 > n◦ 3 > août 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0319(12)48430-8
98-902-A-10 Antiseptiques en dermatologie
Tableau 1.
Spectre d’action des antiseptiques.
Cocci à Gram positif Bacilles à Gram positif Bacilles à Gram négatif Champignons Spores Virus Prions
Acides ± ± + ± 0 0 0
Alcools ++ ++ ++ ++ 0 ++ 0
Ammoniums quaternaires + 0 + + 0 ± 0
Chlorhexidine ++ ++ ++ ++ 0 ± 0
Colorants + 0 0 ± 0 0 0
Hexamidine + + 0 ± 0 ± 0
Dérivés iodés ++ ++ ++ ++ ++ ++ 0
Dérivés mercuriels + ± + + 0 0 0
Dérivés argentiques ± ± + ± 0 ± 0
Oxydants chlorés ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
Peroxyde d’hydrogène + + ± + 0 ± +?
KMnO4 ++ ++ ++ 0 0 0 0
Phénoliques ++ ++ ++ ++ 0 0 0
Triclocarban + + 0 ± 0 0 0
++ : disparition des micro-organismes ; + : inhibition de la croissance des micro-organismes ; ± : activité variable selon les espèces ; 0 : absence d’activité ; KMnO4 : perman-
ganate de potassium.
Tableau 2. répétées sur peau lésée, est à connaître [7, 8] . Un eczéma de contact
Délai d’action et rémanence des principaux antiseptiques en dermato- est rare. L’acide borique est présent dans un antiseptique buc-
logie. cal (Glyco-Thymoline 55® ), dans l’Homéoplasmine® pommade
Délai d’action Rémanence (excipients à effet notoire) et dans des solutions de lavage oph-
talmologiques (Dacryoserum® , Dacudose® ).
Alcools < 1 minute < 5 minutes
Chlorhexidine < 5 minutes 1 heure
Hexamidine > 5 minutes > 1 heure Alcools
Dérivés iodés < 5 minutes > 1 heure
Les alcools sont des molécules organiques comprenant le radical
Dérivés mercuriels < 5 minutes < 1 heure hydroxyle -OH. Ils peuvent être utilisés comme solvants d’autres
antiseptiques avec lesquels ils sont synergiques, et comme conser-
Oxydants chlorés < 1 minute < 5 minutes
vateurs. Les molécules utilisées en dermatologie sont l’alcool
Peroxyde d’hydrogène < 5 minutes < 5 minutes éthylique (éthanol) et l’alcool benzylique. Tous deux sont des exci-
pients à effet notoire. L’activité antiseptique des alcools repose
sur la dénaturation des protéines et la dissolution des membranes
Principales familles, molécules lipidiques des micro-organismes en présence d’eau. Les alcools
sont très rapidement bactéricides, fongicides et virucides. Leur
et spécialités antiseptiques spectre comprend également les mycobactéries. En revanche, les
spores sont insensibles à l’alcool et sont de possibles contaminants
Acides des solutions antiseptiques alcooliques. L’activité sur les prions
semble nulle. La rémanence des alcools est courte.
Les acides sont caractérisés par la présence de la fonction
carboxylique -COOH. Le plus utilisé pour l’antisepsie en dermato-
logie est l’acide borique. Les acides acétique, benzoïque, lactique Alcool éthylique
et tartrique entrent dans la composition de topiques et prépara-
tions en qualité de conservateurs, mais sont également associés La concentration optimale de l’alcool éthylique pour l’activité
dans quelques spécialités antiseptiques (Dermacide® , Lactacyd® ). antiseptique est de 70 %. Une concentration inférieure à 30 %
Leur spectre d’activité comprend les bactéries à Gram négatif et, est inactive. L’alcool éthylique utilisé avant une prise de sang
dans une moindre mesure, les bactéries à Gram positif et les ou une injection est un antiseptique cutané excellent et rapide
champignons. Les acides sont bactériostatiques et fongistatiques. (< 1 minute). La principale limite à son utilisation est le des-
L’utilisation d’un antiseptique acide est toutefois favorable au sèchement cutané qu’il entraîne par dissolution des lipides
développement de Candida albicans. Les mycobactéries, les spores épidermiques. L’application d’alcool sur les muqueuses ou à proxi-
et la majorité des virus résistent aux acides. L’activité antiseptique mité des yeux ainsi que sur une peau lésée n’est pas recommandée
des acides est donc globalement faible. Leurs effets secondaires du fait de sa causticité. L’utilisation chez le prématuré et le jeune
sont essentiellement locaux. Compte tenu des concentrations uti- nourrisson est déconseillée. À cet âge, l’alcool a en effet été
lisées (de 0,5 % à 5 %), la causticité est rare. Un rinçage soigneux rendu responsable d’intoxications éthyliques et de nécroses cuta-
diminue encore ce risque. nées parfois hémorragiques [9, 10] . L’alcool éthylique modifié pour
l’usage médical contient 0,2 % de camphre et est coloré en jaune
Acide borique et borate de sodium (borax) par la tartrazine. L’activité antimicrobienne des dérivés iodés et
de la chlorhexidine est augmentée en solution alcoolique.
Ils sont principalement utilisés en dermatologie dans l’« eau
boriquée » (solution aqueuse d’acide borique à 3 %) pour diminuer
la colonisation des plaies chroniques par Pseudomonas aeruginosa.
La démonstration de leur intérêt clinique n’est pas faite. La toxi-
Alcool benzylique
cité générale (possiblement mortelle), rénale, neurologique et/ou C’est un alcool aromatique. Il est présent dans la Biseptine® , et
digestive de l’acide borique et de ses dérivés, après applications comme conservateur dans de nombreux topiques.
2 EMC - Dermatologie
Antiseptiques en dermatologie 98-902-A-10
Aldéhydes irréversibles ont été publiés chez des porteurs d’une perforation
tympanique. Une coloration brune des dents et de la langue,
Formaldéhyde et glutaraldéhyde ont été utilisés par le passé réversible, a parfois été observée. Une toxicité générale existe
pour l’antisepsie de la peau. Leur spectre est large, leur activité après ingestion, avec nécrose des muqueuses digestives, hépatite
est rapide et prolongée. Mais ils sont responsables de dermite irri- et hémolyse. La chlorhexidine peut être associée aux alcools et
tative et d’eczéma fréquents et ne servent donc plus aujourd’hui aux ammoniums quaternaires. L’utilisation de la chlorhexidine
que pour la désinfection. acqueuse est possible chez le nouveau-né [19] et chez la femme
enceinte.
Son large spectre d’action et sa bonne tolérance ont fait de la
Ammoniums quaternaires chlorhexidine l’un des antiseptiques majeurs en dermatologie. La
Les ammoniums quaternaires sont caractérisés par leur bipo- concentration nécessaire pour une antisepsie cutanée satisfaisante
larité et leur caractère tensioactif (agent moussant). Les plus est de 0,5 %. La chlorhexidine est en outre très utilisée en stoma-
utilisés comme antiseptiques en dermatologie sont le chlorure tologie, sous forme de solution pour bains de bouche ou de pâte
de benzalkonium (excipient à effet notoire), le chlorure de miris- gingivale, pour ralentir la formation de la plaque dentaire. Les
talkonium et le cétrimide (mélange de bromure de cétrimonium spécialités comprenant la chlorhexidine sont très nombreuses. La
et de dodécyl-triméthyl-ammonium). Ils sont commercialisés chlorhexidine doit être conservée à température ambiante et à
sous formes de solutions aqueuses ou alcooliques ou de crèmes l’abri de la lumière. La contamination fréquente des flacons de
à la concentration de 0,5 % environ. Leur activité antimicro- chlorhexidine aqueuse doit faire préférer les solutions hydroal-
bienne repose sur l’existence d’un pôle cationique qui favorise cooliques ou les conditionnements unidoses quand la présence
l’adsorption à la surface négative des micro-organismes. Cette d’alcool est mal tolérée (muqueuses, plaies).
adsorption est responsable de lésions membranaires irréversibles. Une méta-analyse récente comparant chlorhexidine et povi-
Les ammoniums quaternaires sont plus actifs sur les bactéries done iodée dans la prévention de l’infection des sites opératoires
à Gram positif que sur celles à Gram négatif. Ils sont bactério- lors d’une chirurgie dite souillée (par la flore digestive notam-
statiques et fongistatiques. L’activité sur les mycobactéries, les ment) grâce à l’antisepsie préopératoire est en faveur de la
spores et la majorité des virus est pratiquement nulle, mais le virus chlorhexidine (5,7 versus 7,9 %, odds ratio [OR] : 0,68, intervalle
de l’immunodéficience humaine (VIH) est sensible. Leur spectre de confiance 0,50-0,94) [20] . La chirurgie dermatologique est dite
est donc étroit, ce d’autant que des résistances acquises ont été propre, le risque infectieux postopératoire est plus faible de l’ordre
décrites pour certains bacilles à Gram négatif et pour des souches de 2 % à 3 %, l’utilité de l’application d’un antiseptique n’est pas
de staphylocoque résistant à la méticilline. Les Pseudomonas sont démontrée, mais son application fait partie des procédures habi-
des contaminants assez fréquents. Les ammoniums quaternaires tuelles. Une autre méta-analyse a étudié l’efficacité de la douche
sont détergents et peuvent entraîner des nécroses épithéliales et du bain avec de la chlorhexidine versus placebo ou absten-
après application à forte concentration sur les muqueuses ou sur la tion, et n’a pas montré de réduction du risque d’infection du site
peau. Ils sont occasionnellement responsables d’hypersensibilité opératoire [21] .
de type I, avec risque de choc anaphylactique lors d’une anes-
thésie générale utilisant un curarisant ayant également une
structure de type ammonium quaternaire [11] . Les ammoniums
Hexamidine
quaternaires sont synergiques avec la chlorhexidine et les alcools, L’hexamidine est une diamidine aromatique utilisée pour
mais incompatibles avec les savons anioniques et de nom- l’antisepsie en solution hydroalcoolique ou aqueuse (moins stable
breux autres antiseptiques. Leur action est diminuée par les que la précédente) à la concentration de 0,1 % ou 0,15 %. Les
matières organiques, ce qui limite encore leur intérêt. Les spécia- mécanismes de son activité antimicrobienne incluent vraisembla-
lités commercialisées sont toutefois nombreuses et appartiennent blement la réduction de la synthèse protéique et du métabolisme
aux gammes Biseptine® , Cétavlon® , Dermaspray® antiseptique, oxydatif et l’altération des membranes cellulaires microbiennes.
Dermobacter® , Erytéal® , Mercryl® , Septisept® et Sterlane® . En Le spectre de l’hexamidine est étroit et comprend principa-
stomatologie, Alodont® et Pansoral® sont proposés, sans démons- lement les bactéries à Gram positif pour lesquelles elle est
tration de leur utilité, pour le traitement des aphtes. bactériostatique. Des résistances acquises ont été décrites chez le
staphylocoque. Spores et mycobactéries sont naturellement résis-
tantes ; les virus ne sont pas tous sensibles. Si sa rémanence est
Chlorhexidine bonne, son délai d’action est supérieur à 5 minutes, ce qui rend
plus difficile son utilisation en pratique pour l’antisepsie de la
La chlorhexidine est un biguanide utilisé comme antiseptique
peau saine. Il était encore largement utilisé dans cette indication
sous forme de sels (gluconate ou digluconate) en solution aqueuse
(37 % avant la chlorhexidine, 28 %), dans une enquête réali-
(par exemple, Septivon® , Diaseptil® , Plurexid® , ou hydroalco-
sée en France en 2003 auprès de plus de 700 dermatologues [22] .
olique (par exemple Hibitane® ) à la concentration de 0,05 %
Cette molécule est bien connue des dermatologues pour être
pour la désinfection des plaies jusqu’à 4 % pour l’antisepsie
parfois responsable d’un eczéma de contact particulier clini-
préopératoire du site d’intervention chirurgicale [12] . L’activité
quement par son intensité et sa rapide diffusion au-delà des
antimicrobienne de la chlorhexidine repose principalement sur
zones d’application [23] . L’utilisation sur les muqueuses n’est pas
son caractère cationique qui altère les membranes microbiennes.
recommandée. L’hexamidine est commercialisée sous les noms
La chlorhexidine est rapidement active sur la majorité des bacté-
d’Hexaseptine® , Hexomédine® et, en association, dans le Cytéal® .
ries et le plus souvent bactéricide avec une rémanence notable.
L’Hexomédine® solution alcoolique est bactéricide.
L’activité est toutefois médiocre sur certains bacilles à Gram néga-
tif tels que Pseudomonas aeruginosa. La chlorhexidine n’est pas
active sur tous les virus, mais elle est virucide pour le VIH. Elle Hexétidine
est mycobactériostatique et faiblement sporostatique. Des résis-
tances acquises ont été décrites pour certaines souches de bacilles à L’hexétidine est une hexahydropyrimidine utilisée à la concen-
Gram négatif et de staphylocoques. L’activité de la chlorhexidine tration de 0,1 % à 0,2 %. Elle est bactéricide pour plusieurs espèces
est diminuée en présence de matières organiques. Sa tolérance aérobies ou anaérobies de la flore buccodentaire, sa cible privi-
cutanée est le plus souvent bonne, mais plusieurs observations légiée. L’hexétidine est peu active sur les levures. Sa tolérance
d’urticaire, voire de choc anaphylactique, après utilisation sur une muqueuse et cutanée est bonne. Un eczéma de contact est
muqueuse ou sur une peau lésée ont été rapportées [13–15] . Un cas très rare [24] . L’hexétidine peut altérer temporairement le goût
de choc après application de chlorhexidine sur peau saine a été et l’odorat. L’hexétidine est incompatible avec les antiseptiques
récemment décrit [16] . Un eczéma de contact n’est pas rare [17, 18] . oxydants. Les spécialités commercialisées sont utilisées en stoma-
L’emploi de la chlorhexidine à proximité de la conjonctive n’est tologie sous la forme de bains de bouche (Givalex® , Hextril® ) ou
pas recommandé, ainsi que dans le conduit auditif externe si de gel gingival. L’intérêt de l’hexétidine pour l’hygiène de la cavité
l’intégrité du tympan n’est pas connue. Des cas de surdités buccale et pour le traitement des aphtes n’a jamais été démontré.
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98-902-A-10 Antiseptiques en dermatologie
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Antiseptiques en dermatologie 98-902-A-10
Tableau 3.
Formes commerciales les plus usitées et principales situations pratiques dans lesquels les antiseptiques peuvent être utilisés.
Noms commerciaux Utilisation possible
Chlorhexidine acqueuse Septivon® , Diaseptil® , Plurexid® Infections cutanées ou muqueuses superficielles
Chlorhexidine alcoolique Hibitane® Champ opératoire
Dérivés iodés Bétadine® Infections cutanées ou muqueuses superficielles
®
Hexamidine Hexomédine Infections cutanées superficielles
® ®
Oxydants chlorés Dakin Cooper , Amukine Infections cutanées superficielles
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98-902-A-10 Antiseptiques en dermatologie
Antisepsie de la peau saine En ce qui concerne les plaies aiguës, l’intérêt des antisep-
tiques pour accélérer la cicatrisation est douteux. Un savonnage
En l’absence d’études convaincantes tenant compte des spéci- soigneux et répété, l’ablation systématique d’éventuels corps
ficités de la chirurgie dermatologique (chirurgie « superficielle » étrangers sont probablement suffisants. En l’absence d’infection
et brève, rareté des complications infectieuses locales et plus ou de surinfection patente, le traitement repose ensuite sur les
encore générales), les procédures sont déduites des études publiées pansements du type hydrocolloïde.
sur l’antisepsie chirurgicale et sur l’antisepsie avant ponction
veineuse. Une simplification de ces procédures est possible Antisepsie des infections et surinfections cutanées
(consensus professionnel) [36] .
Ce grand cadre comprend les infections cutanées primitives
L’antisepsie des mains de l’opérateur n’est pas nécessaire,
superficielles (impétigo, folliculites, furoncles) et la surinfection
un savonnage de 1 minute avec un savon doux liquide bien
de dermatoses préexistantes (impétiginisation). Les dermohypo-
rincé suffit. L’utilisation d’un gel hydroalcoolique est au moins
dermites bactériennes relèvent d’une antibiothérapie générale. La
aussi efficace et mieux toléré [37] . L’antisepsie de la peau du
place des antiseptiques est ici très difficile à définir car les infec-
champ opératoire par la chlorhexidine alcoolique à 0,5 % ou
tions cutanées superficielles guérissent souvent spontanément,
la povidone iodée est généralement considérée comme utile.
et le traitement de la dermatose sous-jacente suffit habituelle-
Pour une action optimale, l’antiseptique doit être appliqué sur
ment à guérir l’impétiginisation. Dans une étude sur la dermatite
une peau aussi propre que possible. Une détersion mécanique
atopique impétiginisée, les dermocorticoïdes ont été aussi effi-
et un savonnage antiseptique peuvent donc être nécessaires.
caces que l’association dermocorticoïdes et antibiothérapie, et
Deux applications du même antiseptique (également identique
supérieurs aux antibiotiques seuls [43] . Les études comparant chlo-
à celui utilisé pour le savonnage) sont faites en respectant un
rhexidine ou povidone iodée et savonnage seul manquent.
temps de séchage de 2 ou 3 minutes entre les deux applications.
L’acné, qui n’est pas une maladie infectieuse, n’est bien sûr pas
Une méta-analyse Cochrane de 2004 montrait un taux faible de
une indication à l’antisepsie.
complications, et l’absence d’étude convaincante pour la supério-
rité d’un antiseptique sur un autre [38] . Mieux encore, dans une
étude de 1 810 patients opérés en chirurgie plastique, et sélection-
Antisepsie des plaies chroniques (ulcères
nés comme à faible risque, les patients ont été randomisés entre et escarres)
lavage à l’eau et au savon du site opératoire et deux applications L’intérêt des antiseptiques dans la prévention du retard de
successives d’un antiseptique (chlorhexidine ou povidone iodée) cicatrisation est nul : la majorité des antiseptiques sont en effet
5 minutes avant l’incision. Il n’y a eu aucune infection dans les cytotoxiques et ralentissent la croissance des kératinocytes et
deux groupes [39] . des fibroblastes [44, 45] . En outre, vouloir « stériliser » une plaie
chronique est illusoire [46] . Compte tenu du risque important de
sensibilisation de contact aux antiseptiques chez les patients por-
Antisepsie de la peau lésée teurs de plaies chroniques, l’emploi des antiseptiques doit être
Antisepsie des plaies aiguës évité [47, 48] . Dans ce groupe de population, la sensibilisation aux
antiseptiques (cetrimide, povidone iodée, chlorhexidine) va de
Le lavage abondant à l’eau potable du robinet, par l’action 10 % à 20 %. La sensibilisation à la sulfadiazine argentique est plus
mécanique de drainage est à privilégier. Il n’est pas certain que faible (3 %).
l’application d’un antiseptique après cette étape de lavage ait une
utilité quelconque [40] .
Résistance acquise
Antisepsie des dermatoses bulleuses étendues
Cette situation concerne les dermatoses bulleuses héréditaires,
aux antiseptiques
les dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde bulleuse,
Elle est connue depuis longtemps, pour les antiseptiques les plus
pemphigus) et les toxidermies sévères (nécrolyse épidermique
anciens. La chlorhexidine est plus récente mais largement utilisée
toxique, pustulose exanthématique aiguë généralisée). Aucune
à l’heure actuelle, et le nombre de publications relatant des résis-
étude spécifique n’étant disponible, l’intérêt des antiseptiques
tances a logiquement augmenté. Ainsi, 35 % des staphylocoques
dans ces dermatoses a été extrapolé à partir des résultats obtenus
résistant à la méticilline (SARM) sont résistants à la chlorhexidine
chez les brûlés.
contre 8 % au Japon, le mécanisme de cette résistance étant lié
En pratique, pour les bulloses étendues, on peut proposer un
aux gènes qacA/B [49] . Plus ennuyeux, dans certains cas il s’agit de
bain quotidien avec de l’eau additionnée de chlorhexidine. Idéa-
l’acquisition d’une résistance croisée avec des antibiotiques.
lement, le bain doit être suivi d’un rinçage à la douchette qui
permet d’éliminer l’antiseptique, et donc de diminuer sa causti-
cité, mais également de faire disparaître les débris cutanés qui sont
de redoutables gîtes de pullulation microbienne.
Références
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Machet L, Martin L, Vaillant L. Antiseptiques en dermatologie. EMC - Dermatologie 2012;7(3):1-7 [Article
98-902-A-10].
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