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Antiseptiques en dermatologie
L. Machet, L. Martin, L. Vaillant

Les antiseptiques sont des antimicrobiens d’action rapide mais brève et non spécifique. Leur spectre
d’action et leurs effets indésirables varient selon les différentes familles. Les deux molécules les plus adap-
tées à l’antisepsie de la peau saine sont la chlorhexidine et la povidone iodée. L’efficacité des antiseptiques
pour l’antisepsie de la peau lésée est mal documentée et probablement limitée aux dermatoses bulleuses
ou aux brûlures étendues.
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Mots-clés : Antiseptiques ; Chlorhexidine ; Povidone iodée ; Résistance microbienne ; Eczéma

Plan (Tableau 1). L’activité sur les prions est négligeable pour la grande
majorité des antiseptiques [2–4] . Le délai et la rémanence de l’action
■ Qu’est-ce qu’un antiseptique ? 1 après l’application de l’antiseptique sont variables d’un antisep-
tique à un autre (Tableau 2). L’antisepsie doit être distinguée de
■ Principales familles, molécules et spécialités antiseptiques 2 l’asepsie, de la désinfection et de la stérilisation [2] . L’asepsie est
Acides 2 l’ensemble des mesures physicochimiques destinées à prévenir
Alcools 2 l’apport exogène de micro-organismes. La désinfection est la des-
Aldéhydes 3 truction des micro-organismes sur les surfaces inertes (matériel
Ammoniums quaternaires 3 et locaux à usage médical). La disparition des micro-organismes
Chlorhexidine 3 après stérilisation est par définition maintenue dans le temps.
Hexamidine 3 Les antibiotiques peuvent aussi être utilisés localement, mais ils
Hexétidine 3 ont une action plus ciblée, moins directement agressive pour la
Iode et dérivés iodés 4 paroi cellulaire, par exemple en inhibant certaines enzymes bac-
Laurylsulfate de sodium 4 tériennes [1, 2] .
Métaux 4 Les antiseptiques peuvent être responsables d’une disparition
Oxydants chlorés 4 des agents infectieux sur lesquels ils sont actifs (activité dite bacté-
Oxydants non chlorés non iodés 4 ricide, virucide, etc.) ou d’une simple inhibition de leur croissance
Dérivés phénoliques 5 (activité dite bactériostatique, virustatique, etc.). L’activité des
Triclocarban 5 antiseptiques a été standardisée par l’Agence française de norma-
■ Indications et choix des antiseptiques en dermatologie 5 lisation (Afnor) pour les différents types de micro-organismes [5] .
Antisepsie de la peau saine 6 Un antiseptique est ainsi dit bactéricide s’il réduit in vitro la
Antisepsie de la peau lésée 6 quantité initiale de cinq souches données de bactéries d’un fac-
■ Résistance acquise aux antiseptiques 6 teur 105 après un temps de contact de 5 minutes. L’activité des
antiseptiques est réduite lors de la présence de matières orga-
niques (sang, sérum, pus). La connaissance de cette limite est
essentielle pour appréhender l’activité des antiseptiques in vivo.
 Qu’est-ce qu’un antiseptique ? Les antiseptiques peuvent être l’objet d’une résistance naturelle
ou acquise de la part de certains micro-organismes [3] . Certaines
Les antiseptiques sont des produits antimicrobiens d’usage bactéries sont à la fois résistantes à des antibiotiques et à des
externe (peau et muqueuses) d’action assez rapide mais transitoire antiseptiques [6] . Les antiseptiques sont souvent présents comme
et non spécifique exerçant généralement une toxicité directe sur conservateurs dans des topiques ou cosmétiques (dentifrices,
la paroi des micro-organismes, mais aussi celle des cellules comme déodorants, etc.). Ils peuvent être responsables d’effets secon-
les kératinocytes, d’où leur causticité sur les plaies aiguës ou chro- daires et sont désormais qualifiés d’« excipients à effet notoire ».
niques. Ils appartiennent à la famille des biocides qui comprend, La péremption d’un antiseptique après ouverture du flacon sur-
outre les antiseptiques, des conservateurs et les désinfectants. Ils vient assez rapidement, les conditionnements unidoses sont de ce
sont, à l’instar des antibiotiques, très probablement trop souvent fait d’utilisation plus pratique. Enfin, certains colorants ont une
utilisés dans des indications discutables [1] . Le spectre d’activité action antiseptique nulle (l’éosine par exemple) sauf s’ils sont uti-
est propre à chaque famille d’antiseptiques et peut inclure les lisés en solution alcoolique, et c’est alors l’alcool qui exerce son
bactéries, les champignons, les spores, les virus et les parasites action.

EMC - Dermatologie 1
Volume 7 > n◦ 3 > août 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0319(12)48430-8
98-902-A-10  Antiseptiques en dermatologie

Tableau 1.
Spectre d’action des antiseptiques.
Cocci à Gram positif Bacilles à Gram positif Bacilles à Gram négatif Champignons Spores Virus Prions
Acides ± ± + ± 0 0 0
Alcools ++ ++ ++ ++ 0 ++ 0
Ammoniums quaternaires + 0 + + 0 ± 0
Chlorhexidine ++ ++ ++ ++ 0 ± 0
Colorants + 0 0 ± 0 0 0
Hexamidine + + 0 ± 0 ± 0
Dérivés iodés ++ ++ ++ ++ ++ ++ 0
Dérivés mercuriels + ± + + 0 0 0
Dérivés argentiques ± ± + ± 0 ± 0
Oxydants chlorés ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
Peroxyde d’hydrogène + + ± + 0 ± +?
KMnO4 ++ ++ ++ 0 0 0 0
Phénoliques ++ ++ ++ ++ 0 0 0
Triclocarban + + 0 ± 0 0 0

++ : disparition des micro-organismes ; + : inhibition de la croissance des micro-organismes ; ± : activité variable selon les espèces ; 0 : absence d’activité ; KMnO4 : perman-
ganate de potassium.

Tableau 2. répétées sur peau lésée, est à connaître [7, 8] . Un eczéma de contact
Délai d’action et rémanence des principaux antiseptiques en dermato- est rare. L’acide borique est présent dans un antiseptique buc-
logie. cal (Glyco-Thymoline 55® ), dans l’Homéoplasmine® pommade
Délai d’action Rémanence (excipients à effet notoire) et dans des solutions de lavage oph-
talmologiques (Dacryoserum® , Dacudose® ).
Alcools < 1 minute < 5 minutes
Chlorhexidine < 5 minutes 1 heure
Hexamidine > 5 minutes > 1 heure Alcools
Dérivés iodés < 5 minutes > 1 heure
Les alcools sont des molécules organiques comprenant le radical
Dérivés mercuriels < 5 minutes < 1 heure hydroxyle -OH. Ils peuvent être utilisés comme solvants d’autres
antiseptiques avec lesquels ils sont synergiques, et comme conser-
Oxydants chlorés < 1 minute < 5 minutes
vateurs. Les molécules utilisées en dermatologie sont l’alcool
Peroxyde d’hydrogène < 5 minutes < 5 minutes éthylique (éthanol) et l’alcool benzylique. Tous deux sont des exci-
pients à effet notoire. L’activité antiseptique des alcools repose
sur la dénaturation des protéines et la dissolution des membranes
 Principales familles, molécules lipidiques des micro-organismes en présence d’eau. Les alcools
sont très rapidement bactéricides, fongicides et virucides. Leur
et spécialités antiseptiques spectre comprend également les mycobactéries. En revanche, les
spores sont insensibles à l’alcool et sont de possibles contaminants
Acides des solutions antiseptiques alcooliques. L’activité sur les prions
semble nulle. La rémanence des alcools est courte.
Les acides sont caractérisés par la présence de la fonction
carboxylique -COOH. Le plus utilisé pour l’antisepsie en dermato-
logie est l’acide borique. Les acides acétique, benzoïque, lactique Alcool éthylique
et tartrique entrent dans la composition de topiques et prépara-
tions en qualité de conservateurs, mais sont également associés La concentration optimale de l’alcool éthylique pour l’activité
dans quelques spécialités antiseptiques (Dermacide® , Lactacyd® ). antiseptique est de 70 %. Une concentration inférieure à 30 %
Leur spectre d’activité comprend les bactéries à Gram négatif et, est inactive. L’alcool éthylique utilisé avant une prise de sang
dans une moindre mesure, les bactéries à Gram positif et les ou une injection est un antiseptique cutané excellent et rapide
champignons. Les acides sont bactériostatiques et fongistatiques. (< 1 minute). La principale limite à son utilisation est le des-
L’utilisation d’un antiseptique acide est toutefois favorable au sèchement cutané qu’il entraîne par dissolution des lipides
développement de Candida albicans. Les mycobactéries, les spores épidermiques. L’application d’alcool sur les muqueuses ou à proxi-
et la majorité des virus résistent aux acides. L’activité antiseptique mité des yeux ainsi que sur une peau lésée n’est pas recommandée
des acides est donc globalement faible. Leurs effets secondaires du fait de sa causticité. L’utilisation chez le prématuré et le jeune
sont essentiellement locaux. Compte tenu des concentrations uti- nourrisson est déconseillée. À cet âge, l’alcool a en effet été
lisées (de 0,5 % à 5 %), la causticité est rare. Un rinçage soigneux rendu responsable d’intoxications éthyliques et de nécroses cuta-
diminue encore ce risque. nées parfois hémorragiques [9, 10] . L’alcool éthylique modifié pour
l’usage médical contient 0,2 % de camphre et est coloré en jaune
Acide borique et borate de sodium (borax) par la tartrazine. L’activité antimicrobienne des dérivés iodés et
de la chlorhexidine est augmentée en solution alcoolique.
Ils sont principalement utilisés en dermatologie dans l’« eau
boriquée » (solution aqueuse d’acide borique à 3 %) pour diminuer
la colonisation des plaies chroniques par Pseudomonas aeruginosa.
La démonstration de leur intérêt clinique n’est pas faite. La toxi-
Alcool benzylique
cité générale (possiblement mortelle), rénale, neurologique et/ou C’est un alcool aromatique. Il est présent dans la Biseptine® , et
digestive de l’acide borique et de ses dérivés, après applications comme conservateur dans de nombreux topiques.

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Aldéhydes irréversibles ont été publiés chez des porteurs d’une perforation
tympanique. Une coloration brune des dents et de la langue,
Formaldéhyde et glutaraldéhyde ont été utilisés par le passé réversible, a parfois été observée. Une toxicité générale existe
pour l’antisepsie de la peau. Leur spectre est large, leur activité après ingestion, avec nécrose des muqueuses digestives, hépatite
est rapide et prolongée. Mais ils sont responsables de dermite irri- et hémolyse. La chlorhexidine peut être associée aux alcools et
tative et d’eczéma fréquents et ne servent donc plus aujourd’hui aux ammoniums quaternaires. L’utilisation de la chlorhexidine
que pour la désinfection. acqueuse est possible chez le nouveau-né [19] et chez la femme
enceinte.
Son large spectre d’action et sa bonne tolérance ont fait de la
Ammoniums quaternaires chlorhexidine l’un des antiseptiques majeurs en dermatologie. La
Les ammoniums quaternaires sont caractérisés par leur bipo- concentration nécessaire pour une antisepsie cutanée satisfaisante
larité et leur caractère tensioactif (agent moussant). Les plus est de 0,5 %. La chlorhexidine est en outre très utilisée en stoma-
utilisés comme antiseptiques en dermatologie sont le chlorure tologie, sous forme de solution pour bains de bouche ou de pâte
de benzalkonium (excipient à effet notoire), le chlorure de miris- gingivale, pour ralentir la formation de la plaque dentaire. Les
talkonium et le cétrimide (mélange de bromure de cétrimonium spécialités comprenant la chlorhexidine sont très nombreuses. La
et de dodécyl-triméthyl-ammonium). Ils sont commercialisés chlorhexidine doit être conservée à température ambiante et à
sous formes de solutions aqueuses ou alcooliques ou de crèmes l’abri de la lumière. La contamination fréquente des flacons de
à la concentration de 0,5 % environ. Leur activité antimicro- chlorhexidine aqueuse doit faire préférer les solutions hydroal-
bienne repose sur l’existence d’un pôle cationique qui favorise cooliques ou les conditionnements unidoses quand la présence
l’adsorption à la surface négative des micro-organismes. Cette d’alcool est mal tolérée (muqueuses, plaies).
adsorption est responsable de lésions membranaires irréversibles. Une méta-analyse récente comparant chlorhexidine et povi-
Les ammoniums quaternaires sont plus actifs sur les bactéries done iodée dans la prévention de l’infection des sites opératoires
à Gram positif que sur celles à Gram négatif. Ils sont bactério- lors d’une chirurgie dite souillée (par la flore digestive notam-
statiques et fongistatiques. L’activité sur les mycobactéries, les ment) grâce à l’antisepsie préopératoire est en faveur de la
spores et la majorité des virus est pratiquement nulle, mais le virus chlorhexidine (5,7 versus 7,9 %, odds ratio [OR] : 0,68, intervalle
de l’immunodéficience humaine (VIH) est sensible. Leur spectre de confiance 0,50-0,94) [20] . La chirurgie dermatologique est dite
est donc étroit, ce d’autant que des résistances acquises ont été propre, le risque infectieux postopératoire est plus faible de l’ordre
décrites pour certains bacilles à Gram négatif et pour des souches de 2 % à 3 %, l’utilité de l’application d’un antiseptique n’est pas
de staphylocoque résistant à la méticilline. Les Pseudomonas sont démontrée, mais son application fait partie des procédures habi-
des contaminants assez fréquents. Les ammoniums quaternaires tuelles. Une autre méta-analyse a étudié l’efficacité de la douche
sont détergents et peuvent entraîner des nécroses épithéliales et du bain avec de la chlorhexidine versus placebo ou absten-
après application à forte concentration sur les muqueuses ou sur la tion, et n’a pas montré de réduction du risque d’infection du site
peau. Ils sont occasionnellement responsables d’hypersensibilité opératoire [21] .
de type I, avec risque de choc anaphylactique lors d’une anes-
thésie générale utilisant un curarisant ayant également une
structure de type ammonium quaternaire [11] . Les ammoniums
Hexamidine
quaternaires sont synergiques avec la chlorhexidine et les alcools, L’hexamidine est une diamidine aromatique utilisée pour
mais incompatibles avec les savons anioniques et de nom- l’antisepsie en solution hydroalcoolique ou aqueuse (moins stable
breux autres antiseptiques. Leur action est diminuée par les que la précédente) à la concentration de 0,1 % ou 0,15 %. Les
matières organiques, ce qui limite encore leur intérêt. Les spécia- mécanismes de son activité antimicrobienne incluent vraisembla-
lités commercialisées sont toutefois nombreuses et appartiennent blement la réduction de la synthèse protéique et du métabolisme
aux gammes Biseptine® , Cétavlon® , Dermaspray® antiseptique, oxydatif et l’altération des membranes cellulaires microbiennes.
Dermobacter® , Erytéal® , Mercryl® , Septisept® et Sterlane® . En Le spectre de l’hexamidine est étroit et comprend principa-
stomatologie, Alodont® et Pansoral® sont proposés, sans démons- lement les bactéries à Gram positif pour lesquelles elle est
tration de leur utilité, pour le traitement des aphtes. bactériostatique. Des résistances acquises ont été décrites chez le
staphylocoque. Spores et mycobactéries sont naturellement résis-
tantes ; les virus ne sont pas tous sensibles. Si sa rémanence est
Chlorhexidine bonne, son délai d’action est supérieur à 5 minutes, ce qui rend
plus difficile son utilisation en pratique pour l’antisepsie de la
La chlorhexidine est un biguanide utilisé comme antiseptique
peau saine. Il était encore largement utilisé dans cette indication
sous forme de sels (gluconate ou digluconate) en solution aqueuse
(37 % avant la chlorhexidine, 28 %), dans une enquête réali-
(par exemple, Septivon® , Diaseptil® , Plurexid® , ou hydroalco-
sée en France en 2003 auprès de plus de 700 dermatologues [22] .
olique (par exemple Hibitane® ) à la concentration de 0,05 %
Cette molécule est bien connue des dermatologues pour être
pour la désinfection des plaies jusqu’à 4 % pour l’antisepsie
parfois responsable d’un eczéma de contact particulier clini-
préopératoire du site d’intervention chirurgicale [12] . L’activité
quement par son intensité et sa rapide diffusion au-delà des
antimicrobienne de la chlorhexidine repose principalement sur
zones d’application [23] . L’utilisation sur les muqueuses n’est pas
son caractère cationique qui altère les membranes microbiennes.
recommandée. L’hexamidine est commercialisée sous les noms
La chlorhexidine est rapidement active sur la majorité des bacté-
d’Hexaseptine® , Hexomédine® et, en association, dans le Cytéal® .
ries et le plus souvent bactéricide avec une rémanence notable.
L’Hexomédine® solution alcoolique est bactéricide.
L’activité est toutefois médiocre sur certains bacilles à Gram néga-
tif tels que Pseudomonas aeruginosa. La chlorhexidine n’est pas
active sur tous les virus, mais elle est virucide pour le VIH. Elle Hexétidine
est mycobactériostatique et faiblement sporostatique. Des résis-
tances acquises ont été décrites pour certaines souches de bacilles à L’hexétidine est une hexahydropyrimidine utilisée à la concen-
Gram négatif et de staphylocoques. L’activité de la chlorhexidine tration de 0,1 % à 0,2 %. Elle est bactéricide pour plusieurs espèces
est diminuée en présence de matières organiques. Sa tolérance aérobies ou anaérobies de la flore buccodentaire, sa cible privi-
cutanée est le plus souvent bonne, mais plusieurs observations légiée. L’hexétidine est peu active sur les levures. Sa tolérance
d’urticaire, voire de choc anaphylactique, après utilisation sur une muqueuse et cutanée est bonne. Un eczéma de contact est
muqueuse ou sur une peau lésée ont été rapportées [13–15] . Un cas très rare [24] . L’hexétidine peut altérer temporairement le goût
de choc après application de chlorhexidine sur peau saine a été et l’odorat. L’hexétidine est incompatible avec les antiseptiques
récemment décrit [16] . Un eczéma de contact n’est pas rare [17, 18] . oxydants. Les spécialités commercialisées sont utilisées en stoma-
L’emploi de la chlorhexidine à proximité de la conjonctive n’est tologie sous la forme de bains de bouche (Givalex® , Hextril® ) ou
pas recommandé, ainsi que dans le conduit auditif externe si de gel gingival. L’intérêt de l’hexétidine pour l’hygiène de la cavité
l’intégrité du tympan n’est pas connue. Des cas de surdités buccale et pour le traitement des aphtes n’a jamais été démontré.

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Iode et dérivés iodés à usage cutané : solution aqueuse de mercurescéine Gifrer 2 %. Il


n’y a plus d’organomercuriel dans Mercryl® solution moussante.
L’iode est un oxydant très puissant actif sous forme libre
(I2 ), et un excellent antiseptique bactéricide utilisé en solution
alcoolique à 2 % ou 2,5 %. Les mécanismes de son activité anti- Dérivés argentiques
infectieuse rapide restent mal connus, impliquant des altérations Ils sont bactériostatiques avec une activité plus importante
des enzymes des chaînes respiratoires et des acides nucléiques. Son sur les bactéries à Gram négatif que sur celles à Gram positif.
spectre d’activité est très large et comprend les bactéries à Gram L’association à la sulfadiazine (Flammazine® , Sicazine® ) les rend
positif et à Gram négatif, les mycobactéries, les champignons, les bactéricides. Ils sont en outre peu actifs sur les virus et les cham-
spores et les virus. L’efficacité paraît conservée sur les bactéries pignons. Leur mode d’action repose sur une inhibition de la
multirésistantes [25] . L’activité antiseptique est assez brève et dimi- réplication de l’acide désoxyribonucléique (ADN) microbien. Les
nuée en présence de matières organiques. L’iode est inefficace sur dérivés argentiques sont incompatibles avec les oxydants. Leur
les prions. Les limites à l’utilisation de l’iode sont liées à sa mau- tolérance cutanée est bonne, mais les patients doivent être infor-
vaise tolérance cutanée et muqueuse (dermite caustique) dès que més de la possible survenue d’un noircissement de la peau après
les applications sont répétées. Les eczémas de contact sont peu fré- exposition à la lumière. L’argyrie est une complication exception-
quents ; l’hypersensibilité de type I [26] et la photosensibilité sont nelle [30] . Le nitrate d’argent en solution aqueuse de 0,5 % à 2 % a
rares. Enfin, il existe une possible toxicité générale. L’utilisation de une activité antiseptique faible, mais il colore et tache les salles de
l’iode et de ses dérivés est contre-indiquée chez la femme enceinte bains.
ou allaitant et chez le prématuré, le nouveau-né et le jeune
nourrisson en raison du risque d’hypothyroïdie chez l’enfant [27] .
Exceptionnellement, une intoxication aiguë après absorption per- Oxydants chlorés
cutanée importante peut survenir. Elle se manifeste par une
insuffisance rénale aiguë avec acidose métabolique [28] . L’iode et La principale molécule active de cette classe est l’acide hypo-
ses dérivés sont incompatibles avec les mercuriels (risque de chloreux, métabolite commun aux antiseptiques chlorés. Son
nécrose cutanée ou muqueuse) et avec le peroxyde d’hydrogène. activité antimicrobienne rapide repose sur son action sur les
Ils doivent être conservés à l’abri de la lumière et à distance d’une membranes cellulaires et sur la dénaturation des enzymes micro-
source de chaleur. biennes. Son spectre est large, incluant les virus (VIH), les spores.
Toutefois des résistances ont été décrites pour certaines souches
Alcool iodé bactériennes. L’activité antiseptique augmente avec la concentra-
tion du produit chloré. Leur tolérance cutanée est bonne aux
L’utilisation de l’iode à 1 % ou 2 % dans l’alcool éthylique est concentrations usuelles. L’utilisation des oxydants chlorés est
actuellement rare en dermatologie. limitée en dermatologie par leur forte inactivation par les matières
organiques et par leur faible rémanence. L’indication des produits
Polyvinylpyrrolidone iodée (ou povidone iodée) chlorés est donc plutôt la désinfection.
C’est le principal iodophore de la pharmacopée française. Un
iodophore est défini par le complexe de l’iode et d’un véhicule, Hypochlorite de sodium (solution de Dakin)
ici la povidone. La povidone iodée est utilisée en solution de 1 %
Il s’agit d’une eau de Javel diluée et neutralisée pour l’usage
à 10 %. Elle est moins irritante que l’alcool iodé. Elle est commer-
médical, qui n’est pas compatible avec les pansements hydro-
cialisée dans les gammes Bétadine® et Poliodine® et constitue un
cellulaires, alginates ou hydrofibres. L’hypochlorite de sodium
antiseptique majeur pour les dermatologues. Il est utile de rap-
peut être préparée à l’officine (< 0,5 % de chlore actif). Une solu-
peler qu’il n’existe pas d’« allergie croisée » entre hypersensibilité
tion de Dakin prête à l’emploi existe également (Dakin Cooper®
immédiate après injection d’iode pour un examen radiologique
stabilisé). L’hypochlorite de sodium est commercialisé sous le
et eczéma après application cutanée de povidone iodée. Dans
nom d’Amukine® en solution aqueuse à 0,06 %. Il doit être
ce dernier cas, le responsable de l’eczéma est habituellement la
conservé à l’abri de la lumière et au frais (< 5◦ ). L’hypochlorite
povidone [29] .
de sodium à 6◦ chlorométriques pendant 60 minutes à 20 ◦ C
paraît pouvoir inactiver les prions [4] . L’eczéma de contact
Laurylsulfate de sodium est rare [31, 32] .

C’est un surfactif anionique. Son activité antiseptique est faible


et son utilisation est rare en dermatologie (Dermacide® ). Il est pré- Oxydants non chlorés non iodés
sent dans de nombreux topiques comme émulsifiant et détergent.
Il est irritant. Peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée H2 O2 )
Son activité antiseptique repose sur une dénaturation des pro-
téines microbiennes. Elle est brève et limitée à certaines bactéries à
Métaux Gram positif (bactériostatique) et à certains virus (VIH), et est inhi-
Les métaux lourds sont de vieux antiseptiques. Leur utilisa- bée par le contact avec les matières organiques qui entraîne une
tion s’est singulièrement restreinte depuis quelques années (à effervescence. Celle-ci peut être utile pour le nettoyage mécanique
l’exception notable de l’argent dans les plaies fortement coloni- d’une plaie ou l’hémostase. L’eau oxygénée peut être irritante pour
sées). la peau ; son utilisation est proscrite à proximité des conjonc-
tives et est incompatible avec les pansements hydrocellulaires.
Elle est commercialisée en solution à 3 % (eau oxygénée Gilbert® ,
Dérivés mercuriels Dosoxygénée® ). Elle doit être conservée à l’abri de la chaleur et
La merbromine (ou mercurochrome), le mercurobotol et le de la lumière, et ne pas être associée aux autres antiseptiques
thiomersal sont des dérivés organiques du mercure, faiblement oxydants.
(et lentement) bactéricides et fongistatiques. Les mercuriels sont
inactifs sur les mycobactéries, les spores et les virus. Leur acti-
vité antiseptique est donc faible et, de plus, diminuée après
Permanganate de potassium (KMnO4 )
contact avec des matières organiques. Ils sont rapidement caus- Il est très rapidement antibactérien mais sans activité sur les
tiques, et ne doivent pas être associés à la chlorhexidine, aux autres micro-organismes. Il est inactivé par les matières orga-
ammoniums quaternaires, aux dérivés iodés et chlorés. Le risque niques et sa rémanence est faible. Il est très caustique (attention
d’hypersensibilité ainsi que d’effets systémiques (rénaux, neurolo- aux ingestions accidentelles !) et doit donc être dilué au moins
giques) après utilisations répétées existe. Les mercuriels ne doivent au 1/10 000. La solution finale est alors rose pâle, mais elle peut
pas être utilisés chez le nourrisson. Il ne persiste qu’une spécialité durablement tacher l’émail d’une baignoire...

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Antiseptiques en dermatologie  98-902-A-10

Tableau 3.
Formes commerciales les plus usitées et principales situations pratiques dans lesquels les antiseptiques peuvent être utilisés.
Noms commerciaux Utilisation possible
Chlorhexidine acqueuse Septivon® , Diaseptil® , Plurexid® Infections cutanées ou muqueuses superficielles
Chlorhexidine alcoolique Hibitane® Champ opératoire
Dérivés iodés Bétadine® Infections cutanées ou muqueuses superficielles
®
Hexamidine Hexomédine Infections cutanées superficielles
® ®
Oxydants chlorés Dakin Cooper , Amukine Infections cutanées superficielles

Dérivés phénoliques (toxicité viscérale, anaphylaxie) des molécules qu’il utilise,


ainsi que les incompatibilités éventuelles des associations
Les dérivés du phénol forment une grande famille d’anti- d’antiseptiques. D’une manière générale, il est préférable de ne
septiques, de conservateurs et de désinfectants. Les principales pas associer, simultanément ou successivement, différentes spé-
molécules utilisées en dermatologie sont le chlorocrésol et le tri- cialités antiseptiques. Pour tous les antiseptiques, le risque d’effet
closan. L’acide parahydroxybenzoïque et ses dérivés (les parabens) indésirable local ou systémique augmente en cas d’applications
sont des conservateurs bien connus des dermatologues. Leur mode répétées sur de larges surfaces, sous occlusion, sur une peau lésée,
d’action repose sur la dénaturation des membranes microbiennes sur une muqueuse, ainsi que sur la peau du prématuré ou du
et des altérations protéiques. Ils sont bactéricides et fongicides. jeune nourrisson. La possible contamination des antiseptiques
L’activité est faible sur les spores bactériennes et nulle sur les myco- par des micro-organismes doit être également connue [34] afin
bactéries, les virus et les prions. L’activité des phénoliques est lente de permettre de choisir le conditionnement et les modalités de
mais prolongée ; elle diminue en présence de matières organiques. conservation (température, exposition à la lumière, etc.) appro-
Les phénoliques peuvent être irritants pour la peau. Il existe un priés. La seule limite au recours systématique à des présentations
possible passage sanguin responsable d’effets systémiques neuro- « pour usage unique » est en fait leur prix élevé.
logiques. Le choix d’un antiseptique repose sur l’efficacité et la bonne
tolérance de la molécule. L’efficacité est appréciée a priori par
Chlorocrésol un spectre antimicrobien large, incluant la flore résidente et les
Il est utilisé à la concentration de 0,1 % à 0,3 %. Il est présent pathogènes cutanés habituels, par un délai d’action bref (moins
dans la gamme Cytéal® en association avec l’hexamidine et la de 3 minutes), par une action suffisamment rémanente (plusieurs
chlorhexidine et dans la crème Cicatryl® . Il faut le conserver au dizaines de minutes), par une activité pas ou peu diminuée par
frais et à l’abri de la lumière. la présence de matières organiques et, éventuellement, par une
présentation adaptée à l’usage dermatologique (Tableau 2). Il faut
Triclosan admettre que la rémanence des antiseptiques dont nous disposons
est toujours trop courte, particulièrement en peau lésée, et que la
Il est utilisé à la concentration de 1 % à 2 % dans des produits recolonisation microbienne est inéluctable quelques dizaines de
d’hygiène et est surtout bactériostatique. Son activité est faible sur minutes après l’application d’un antiseptique. La bonne tolérance
les Pseudomonas. Des eczémas de contact ont été rapportés. associe une causticité modeste ou absente, un risque d’eczéma
faible et des effets systémiques rares ou sans gravité. L’antiseptique
Triclocarban idéal n’existe pas et, en pratique dermatologique, les qualités
requises ne sont réunies que pour un petit nombre : chlorhexidine
Le triclocarban est un carbanilide utilisé à la concentration de et povidone iodée pour l’essentiel, qui sont les principaux anti-
1 % à 2 %. Il est actif sur les bactéries à Gram positif pour lesquelles septiques à bien connaître et à prescrire (Tableau 3). L’association
il est bactériostatique de façon prolongée. Son activité est faible de ces antiseptiques à l’alcool éthylique est synergique
ou nulle sur les bactéries à Gram négatif et sur les levures, et en et utile.
présence de matières organiques. Il peut être responsable d’une L’intérêt des antiseptiques en peau saine est admis par tous
dermite de contact orthoergique ou allergique et d’une photosen- avant une effraction cutanée telle qu’une ponction veineuse ou
sibilité. À température élevée (> 50 ◦ C), le triclocarban est dégradé a fortiori avant une chirurgie. Mais la démonstration de l’utilité
en chloroanilines qui peuvent entraîner une méthémoglobinémie des antiseptiques en peau lésée n’a été que rarement faite [1, 33] .
après absorption cutanée. Il est donc déconseillé d’imprégner de Les études contrôlées bien conduites comparant un antiseptique
triclocarban les vêtements destinés à bouillir ou à être repassés ou au savonnage seul ou un antiseptique au nettoyage mécanique
de diluer cette molécule dans de l’eau chaude. Le triclocarban ne (à la douchette par exemple) manquent. Les critères de jugement
doit pas être utilisé chez le nourrisson. Les deux spécialités conte- utilisés dans nombre des travaux publiés ne sont pas adaptés à la
nant du triclocarban sont Cutisan® et Solubacter® . En outre, le pratique clinique. Les seuls critères pertinents nous semblent en
triclocarban est présent dans certains pains de toilette dermatolo- effet être la survenue d’une (sur-)infection microbienne locale ou
giques (Nobacter® ). d’une infection généralisée, et non la quantification du nombre
de germes présents aux sites traités, simple reflet de l’intensité
de la colonisation microbienne. On dispose en revanche d’études
 Indications et choix plus nombreuses comparant l’efficacité microbiologique des anti-
septiques entre eux ou comparant antiseptiques et antibiotiques
des antiseptiques en dermatologie locaux. Il faut garder en mémoire que, quelle que soit la dermatose
traitée, c’est la restauration de l’intégrité cutanée qui constitue la
Les antiseptiques sont utilisés à grande échelle en dermato- meilleure défense contre les germes [35] .
logie dans deux circonstances majeures : la « préparation » de la Dans l’état actuel de nos connaissances, et compte tenu d’effets
peau saine à une effraction cutanée (biopsie ou chirurgie der- indésirables non rares, l’utilisation des antiseptiques en peau lésée
matologique) et le « traitement d’appoint des affections cutanées doit donc être « raisonnablement empirique », c’est-à-dire réser-
primitivement infectieuses ou susceptibles de se surinfecter ». vée aux dermatoses bulleuses et aux brûlures étendues où, de
Cette dernière indication, mal documentée, a soulevé une contro- façon consensuelle, les antiseptiques pourraient limiter le risque
verse ces dernières années qui a rompu avec l’empirisme qui de sepsis grave. Dans tous les autres cas, l’évaluation du rap-
prévalait jusqu’alors [33] . port bénéfice/risque doit être systématique, et le souci de ne pas
Le prescripteur doit connaître les effets indésirables locaux favoriser l’émergence de souches résistantes toujours présent à
(causticité, eczéma de contact) ou plus rarement généraux l’esprit.

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98-902-A-10  Antiseptiques en dermatologie

Antisepsie de la peau saine En ce qui concerne les plaies aiguës, l’intérêt des antisep-
tiques pour accélérer la cicatrisation est douteux. Un savonnage
En l’absence d’études convaincantes tenant compte des spéci- soigneux et répété, l’ablation systématique d’éventuels corps
ficités de la chirurgie dermatologique (chirurgie « superficielle » étrangers sont probablement suffisants. En l’absence d’infection
et brève, rareté des complications infectieuses locales et plus ou de surinfection patente, le traitement repose ensuite sur les
encore générales), les procédures sont déduites des études publiées pansements du type hydrocolloïde.
sur l’antisepsie chirurgicale et sur l’antisepsie avant ponction
veineuse. Une simplification de ces procédures est possible Antisepsie des infections et surinfections cutanées
(consensus professionnel) [36] .
Ce grand cadre comprend les infections cutanées primitives
L’antisepsie des mains de l’opérateur n’est pas nécessaire,
superficielles (impétigo, folliculites, furoncles) et la surinfection
un savonnage de 1 minute avec un savon doux liquide bien
de dermatoses préexistantes (impétiginisation). Les dermohypo-
rincé suffit. L’utilisation d’un gel hydroalcoolique est au moins
dermites bactériennes relèvent d’une antibiothérapie générale. La
aussi efficace et mieux toléré [37] . L’antisepsie de la peau du
place des antiseptiques est ici très difficile à définir car les infec-
champ opératoire par la chlorhexidine alcoolique à 0,5 % ou
tions cutanées superficielles guérissent souvent spontanément,
la povidone iodée est généralement considérée comme utile.
et le traitement de la dermatose sous-jacente suffit habituelle-
Pour une action optimale, l’antiseptique doit être appliqué sur
ment à guérir l’impétiginisation. Dans une étude sur la dermatite
une peau aussi propre que possible. Une détersion mécanique
atopique impétiginisée, les dermocorticoïdes ont été aussi effi-
et un savonnage antiseptique peuvent donc être nécessaires.
caces que l’association dermocorticoïdes et antibiothérapie, et
Deux applications du même antiseptique (également identique
supérieurs aux antibiotiques seuls [43] . Les études comparant chlo-
à celui utilisé pour le savonnage) sont faites en respectant un
rhexidine ou povidone iodée et savonnage seul manquent.
temps de séchage de 2 ou 3 minutes entre les deux applications.
L’acné, qui n’est pas une maladie infectieuse, n’est bien sûr pas
Une méta-analyse Cochrane de 2004 montrait un taux faible de
une indication à l’antisepsie.
complications, et l’absence d’étude convaincante pour la supério-
rité d’un antiseptique sur un autre [38] . Mieux encore, dans une
étude de 1 810 patients opérés en chirurgie plastique, et sélection-
Antisepsie des plaies chroniques (ulcères
nés comme à faible risque, les patients ont été randomisés entre et escarres)
lavage à l’eau et au savon du site opératoire et deux applications L’intérêt des antiseptiques dans la prévention du retard de
successives d’un antiseptique (chlorhexidine ou povidone iodée) cicatrisation est nul : la majorité des antiseptiques sont en effet
5 minutes avant l’incision. Il n’y a eu aucune infection dans les cytotoxiques et ralentissent la croissance des kératinocytes et
deux groupes [39] . des fibroblastes [44, 45] . En outre, vouloir « stériliser » une plaie
chronique est illusoire [46] . Compte tenu du risque important de
sensibilisation de contact aux antiseptiques chez les patients por-
Antisepsie de la peau lésée teurs de plaies chroniques, l’emploi des antiseptiques doit être
Antisepsie des plaies aiguës évité [47, 48] . Dans ce groupe de population, la sensibilisation aux
antiseptiques (cetrimide, povidone iodée, chlorhexidine) va de
Le lavage abondant à l’eau potable du robinet, par l’action 10 % à 20 %. La sensibilisation à la sulfadiazine argentique est plus
mécanique de drainage est à privilégier. Il n’est pas certain que faible (3 %).
l’application d’un antiseptique après cette étape de lavage ait une
utilité quelconque [40] .
 Résistance acquise
Antisepsie des dermatoses bulleuses étendues
Cette situation concerne les dermatoses bulleuses héréditaires,
aux antiseptiques
les dermatoses bulleuses auto-immunes (pemphigoïde bulleuse,
Elle est connue depuis longtemps, pour les antiseptiques les plus
pemphigus) et les toxidermies sévères (nécrolyse épidermique
anciens. La chlorhexidine est plus récente mais largement utilisée
toxique, pustulose exanthématique aiguë généralisée). Aucune
à l’heure actuelle, et le nombre de publications relatant des résis-
étude spécifique n’étant disponible, l’intérêt des antiseptiques
tances a logiquement augmenté. Ainsi, 35 % des staphylocoques
dans ces dermatoses a été extrapolé à partir des résultats obtenus
résistant à la méticilline (SARM) sont résistants à la chlorhexidine
chez les brûlés.
contre 8 % au Japon, le mécanisme de cette résistance étant lié
En pratique, pour les bulloses étendues, on peut proposer un
aux gènes qacA/B [49] . Plus ennuyeux, dans certains cas il s’agit de
bain quotidien avec de l’eau additionnée de chlorhexidine. Idéa-
l’acquisition d’une résistance croisée avec des antibiotiques.
lement, le bain doit être suivi d’un rinçage à la douchette qui
permet d’éliminer l’antiseptique, et donc de diminuer sa causti-
cité, mais également de faire disparaître les débris cutanés qui sont
de redoutables gîtes de pullulation microbienne.
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Antiseptiques en dermatologie  98-902-A-10

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L. Machet, Professeur des Universités, praticien hospitalier (machet@med.univ-tours.fr).


L. Martin, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
L. Vaillant, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de dermatologie, CHU de Tours, Université François Rabelais de Tours, 37044 Tours cedex 01, France.
Service de dermatologie, CHU d’Angers, Université du Maine, 49000 Angers, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Machet L, Martin L, Vaillant L. Antiseptiques en dermatologie. EMC - Dermatologie 2012;7(3):1-7 [Article
98-902-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


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