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Cours de Toxicologie Toxicologie industrielle

Introduction à la toxicologie industrielle


Gestion du risque chimique

I- Définition
II- But
III- Schéma général du processus d’intoxication en milieu industriel
IV- Principes de dépistage et de surveillance de l’exposition
V- Principes de prévention

Fait par : Dr. S. BOUKHERBACHE


AU  : 2020-2021
I- Définition
La toxicologie industrielle est le domaine de la toxicologie qui s’intéresse aux corps chimiques utilisés dans
l’industrie.
L’exposition à ces corps chimiques dans l’industrie (risque chimique) peut donner lieu à des
intoxications chroniques appelées les maladies professionnelles.

La notion de risque différente de la notion de toxicité.


 La toxicité : est la capacité propre d’une substance à produire un effet toxique sur
l’organisme.
 Le risque : est la probabilité d’apparition de cet effet toxique selon les conditions d’emploi
de cette substance.

II- But
Cette discipline a pour but :
La Connaissance des méthodes de surveillance de l’exposition à des substances chimiques en milieu de travail;
La détermination des approches de prévention des lésions professionnelles causées par des substances
chimiques ;
Cela ne peut se réaliser que par une étude :
 De l'exposition des salariés aux produits
 Du métabolisme, des interactions et du mode d’action des corps chimiques
 Des modalités de la contamination interne par les toxiques
 Des symptômes et des signes d'intoxication
 Des moyens de dépistage, de traitement des intoxications.
 De l’identification et de l’analyse des substances chimiques

III- Schéma général du processus d'intoxication en milieu industriel


Pour être intoxiqué, il faut avoir été obligatoirement contaminé, et pour être contaminé, il faut
obligatoirement avoir été exposé. Par contre, on peut très bien être contaminé sans pour autant
passer au stade de l'intoxication. On peut être exposé sans forcément être contaminé (si on a
une bonne protection).

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III-1- Exposition
Il s'agit de la pollution du milieu extérieur par un toxique mettant en contact celui-ci avec un
organisme vivant.
 Les toxiques peuvent revêtir plusieurs formes physiques :
 Gaz et vapeurs (CO, solvants)
 Liquides (en aérosols) (solvants, alcools)
 Solides (poussières en suspension, fibres…) (métaux, amiante)
 Les voies et les modalités d'absorption seront différentes selon le type physique.
 L'environnement physique est également important :
 Extérieur, à l'air libre
 Local fermé, confinement plus ou moins important, aération ou ventilation plus ou moins
efficace…

III-2- Contamination
La contamination englobe plusieurs phases successives ou contemporaines, à l'intérieur de
l'organisme.
II-2-1- La Pénétration dans l'organisme :

Absorption :
L'absorption est le passage du toxique du milieu extérieur vers l'intérieur de l'organisme. Les
voies d'absorption en milieux industriel sont :
 La voie pulmonaire (la plus fréquente). Les toxiques gazeux pénètrent jusqu'aux alvéoles et
passent dans le sang au travers de la paroi alvéolaire, en suivant le même trajet que l'oxygène et le
gaz carbonique, mais aussi les fines particules (liquides ou solides) en fonction de leurs
concentrations, diamètres et densités…
 La voie cutanée : c'est surtout la voie d'absorption de produits solubles dans les graisses
(solvants)
 La voie digestive : elle intéresse surtout les liquides et certains solides, soit par ingestion directe
(ingestion par mégarde ou par tentative de suicide), soit par ingestion secondaire (toxiques
initialement passés par voie pulmonaire et rejetés par les glaires, secondairement réingérées,
toxiques éliminés par la salive secondairement réingérée).

Distribution
Une fois passée la barrière de l'organisme, le toxique se retrouve dans le sang circulant et donc
"distribué" dans tout l'organisme. C'est ainsi qu'il va pouvoir se concentrer dans certains
organes dits "organes-cibles". On connaît ainsi le pouvoir neurotoxique, néphrotoxique (rein)
ou hépatotoxique (foie) de certaines substances…

Stockage
Certains toxiques se concentrent préférentiellement dans des organes et y séjournent quelquefois
très longtemps : les solvants se concentrent dans les tissus adipeux, les métaux se concentrent
dans le tissu osseux (toxiques cumulatifs).

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III-2-2- La transformation du toxique dans l'organisme :
Le foie et le rein sont les principaux organes au sein desquels se transforment les toxiques, grâce à
des enzymes, en des produits généralement moins dangereux, qui seront éliminés
secondairement. Il peut arriver que ce soit le métabolite qui soit toxique.

III- 2-3- L'élimination du toxique de l'organisme :


Une petite partie des toxiques peut être éliminée dans leur forme chimique initiale soit par voie
pulmonaire, soit dans les urines.
Mais généralement, le toxique est éliminé par voie urinaire sous la forme de son (ses) métabolite(s).
Enfin quelques voies d'élimination secondaires existent: salive, sueur, phanères, lait maternel)

III-3- Intoxication (aigue ou chronique)


L'intoxication est l'apparition de signes biologiques ou cliniques pathologiques provoqués par le
toxique. L'intoxication est donc un dysfonctionnement d'une fonction pouvant aller jusqu'au
trouble pathologique, à la maladie aiguë ou chronique: c'est la conséquence pathogène de la
contamination.

Quelques exemples d’intoxications professionnelles :


 Intoxications aiguës : Elles surviennent après l'absorption importante en un temps court. Les signes
cliniques sont nets, souvent alarmants, quelquefois mortels.
Exp : Intoxications aiguës par monoxyde de carbone (CO), par solvants …

 Intoxications chroniques : ce sont des intoxications insidieuses, au long cours. Il s'agit généralement d'une
atteinte chronique d'une fonction ou d'un organe, réversible à l'arrêt de l'intoxication ou continuant à
évoluer pour son propre compte. On peut ainsi avoir :
o Des atteintes neurologiques centrales (encéphalopathies), ou périphériques (polynévrites) avec le
plomb, ou avec certains solvants (hexane)
o Des atteintes des reins : avec les métaux lourds (plomb, mercure, cadmium).
o Des atteintes hépatiques : avec certains solvants (tétrachloréthylène)
o Des atteintes pulmonaires (fibroses) : amiante, fer…

NB : Le problème le plus important des intoxications chroniques est celui de la cancérogénicité des
produits chimiques.
Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) a établi une liste de produits selon leur
risque cancérogène pour l'Homme, avec 4 groupes :
Groupe 1 : cancérogènes certains pour l'homme
Par exemple: benzène (leucémies), amiante (mésothéliomes), béryllium, cadmium, chrome (cancers
du poumon), chlorure de vinyle (cancer du foie),…
Groupe 2 : Sous-groupe 2A : cancérogènes probables
Sous-groupe 2B : cancérogènes possibles
Groupe 3 : Absence d'indications
Groupe 4 : Non cancérogènes pour l'homme

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IV- Principes de dépistage et de surveillance de l’exposition
Le but de la toxicologie industrielle est de prévenir le développement de lésions toxiques grâce à une
surveillance attentive et grâce à une connaissance des relations quantitatives entre l’intensité de
l’exposition aux substances chimiques et le risque d’altération de la santé. En effet la connaissance de ce
relations « dose-effets et dose-réponse » permet de définir des niveaux tolérables d’exposition et les
mesures de prévention nécessaires pour les respecter.

Exposition Maladies
ambiante

Métabolisme Mécanisme d’action des xénobiotiques


Exposition Troubles
des Personnelle fonctionnels
xénobiotiques

Quantité absorbée
(dose interne)

Dose au niveau Effets biologiques


de la cible critiques

Relation
Intensité d’exposition Risque d’altération
de la santé

Niveaux acceptables d’exposition

Evaluation de la relation
« exposition – risque » Mesures de prévention
et ses applications

Evaluation de l’efficacité de la prévention

Surveillance de Surveillance Surveillance de


l’environnement biologique de l’état de santé
l’exposition

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IV-1- Au niveau de l'exposition : Métrologie
C’est l’ensemble des méthodes d’identification et ou de dosage du toxique dans l’atmosphère de
travail, dans l’optique d’une comparaison avec des valeurs de référence, les valeurs limites
d’exposition. C’est le meilleur moyen de quantifier l’exposition et donc d’évaluer le risque toxique.
Deux types de mesures métrologiques sont possibles ; métrologie d’ambiance et/ou individuelle.
Elles ne peuvent être engagées qu’après une évaluation initiale en trois points.
Identification des expositions potentielles : inventaire de la nature et des quantités des substances
manipulées.
Détermination des paramètres de l’exposition : procédés de production, techniques de travail,
accidents prévisibles de surexposition, configuration des lieux, dispositifs d’évacuation et de
ventilation…
Définition de groupes homogènes d’exposition : permettant de cibler l’étude sur les sous
populations les plus fortement exposées.

IV-1-1- Métrologie d’ambiance : elle vise essentiellement au recueil de l’exposition


moyenne à l’aide de prélèvement en un point fixe du lieu de travail. Elle permet d’une part une
comparaison aux valeurs limites d’exposition et d’autre part de vérifier l’efficacité des mesures
préventives adoptées.
Le dosage du toxique dans l'air se fait généralement à l'aide d'appareils (pompes Draëger) qui
fonctionnent sur le même principe que l'alcootest : on fait passer un certain volume d'air dans un
tube réactif qui réagit en changeant de couleur si la substance recherchée est présente.

«  Notion de VME et VLE  »


La VME : la valeur limite moyenne d’exposition est la concentration moyenne maximale
admissible, pondérée pour 8 heurs/jour et 40 heures/semaine de travail. Elle vise à protéger les
travailleurs des effets de l’exposition chronique.
La VLE : ou la valeur limite d’exposition est la concentration moyenne maxiale pouvant etre
atteinte pendant au plus 15 minutes. Elle vise essentiellement à prévenir les effets toxiques
aigues.
La Surveillance des VLE et des VME : se fait par exemple par des appareils de dosage continu
d'une substance dans l'air: chromatographie en phase gazeuse ou des spectromètres de masses
atomiques. A l'aide de sondes à poste, ces appareils donnent en permanence la dose de produit
dans l'atmosphère et donc apprécie de manière précise la VLE et la VME.

IV-1-2- Métrologie individuelle : la meilleure évaluation de l’exposition individuelle


consiste à effectuer des prélèvements d’air dans la zone respiratoire du sujet.On peut utiliser des
systèmes individuels du type « gasbadges » qui apprécient mieux la dose inhalée par chaque
opérateur équipé.
 
IV-2- Au niveau de la contamination et de l’intoxication : Biométrologie
La surveillance biologique de l’exposition (SBE) vise
- D’une part à évaluer la dose interne par le dosage de la substance ou de ses métabolites dans les
fluides biologiques (sang et urine ou autres) (indicateurs biologiques de l’exposition),
Exp : dosage de l'acide trans muconique dans les urines pour apprécier la contamination par le benzène

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D’autre part à mettre en évidence, le plus précocement possible des modifications biochimiques
(indicateurs biologiques d’effets), résultants de la présence de la substance dans l’organisme ;
Exp : Surveillance hématologique pour le benzène, le plomb ; surveillance neurologique pour
les solvants (hexane en particulier), le plomb ; surveillance hépatique pour les solvants,
surveillance rénale pour les métaux (mercure)…

Fig. Différents biomarquers en SBE selon l’OMS

V- Principes de prévention
V-1- Prévention technique 
V-1-1- Prévention collective :
o Si le produit est très dangereux : interdiction d'utilisation du produit (amiante par exemple)
o Si le produit est très dangereux, mais indispensable à certaines fabrications : travail en circuit fermé
(benzène, chlorure de vinyle)
o Si le produit est dangereux : limitation du dosage dans des mélanges (benzène : moins de 0,1%)
o Toujours chercher à remplacer un produit par un autre moins dangereux, à efficacité égale.
o Bien ventiler l'atelier
o Aspirer les émanations à la source
o Traiter les déchets selon les réglementations en vigueur (Normes ISO 14000 pour l'environnement)
o Obligation à l'employeur de détenir les fiches de données de sécurité de chaque produit employé dans
l'entreprise. 
V-1-2- Prévention individuelle :
o Porter des protections individuelles adéquates : combinaisons, masques, gants, bottes…
o Interdiction de fumer, boire et manger sur les lieux de travail
o Importance de l'hygiène corporelle : douches après travail, se laver les mains avant de manger et de
fumer.
 
V-2- Prévention médicale
Les mesures de prévention médicale sont prises par le médecin du travail chaque fois qu’il le
juge nécessaire pour protéger la santé des travailleurs :
vérification de l’aptitude au poste de travail au moment de la visite médicale d’embauche ;
demande de changement de poste ou proposition d’adaptation de poste pour raison
médicale ;
suivi de l’état de santé des travailleurs, notamment des travailleurs effectuant des travaux
nécessitant une surveillance médicale spéciale

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ANNEXE  :

Organismes
 ACGIH : American Conference of Gouvernemental Industriel Hygienistes.
 ANSI : American National Standard Institute
 DFG : Deutsch forschenn gemeinschaft
 OSHA : Occupational Safety & Health Administration
 NIOSH : National Institute for Occupational Safety & Health

Valeurs de références
 BEI : Biological Exposure Indice (proposé par ACGIH depuis 1946)
 BAT : équivalent du BEI en Allemagne (proposé par DFG depuis 1971)
Les BEI et BAT sont des équivalents biologiques des valeurs limites atmosphériques.
 TLV/ TWA: Threshold Limit Values (concentrations admissible moyenne) / Time
Weighted Average.
 TLV/STEL: Threshold Limit Values/ Short Term Exposition Limit (ACGIH 1976)
Les TLV/TWA et TLV/STEL: equivalents de VME et VLE respectivement.
 TLV/ C (Ceiling) plafond (ACGIH)
 MAC : Maximum Allovable Concentration (proposé par ANSI)
 TLV/C & MAC sont proposés pour certaines substances, les gaz très irritants et les
substances dont l’action toxique est rapide. Ce sont des valeurs plafonds qui ne peuvent
jamais être dépassés.

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