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Cours de toxicologie industrielle – Notions générales de toxicologie industrielle

Introduction
La toxicologie est la science qui traite des poisons. Un poison est une substance qui
produit une action délétère sur l’organisme vivant. En fait, toute substance en qualité
suffisante peut produire des effets nocifs. On entend par « toxicité » la capacité inhérente à
une substance de produire des effets délétères sur l’organisme (altération d’un ou de plusieurs
organes ou fonction). L’intensité de cette action est généralement fonction de la dose
administrée. Il ne faut pas confondre ce terme avec le risque , qui indique la probabilité avec
laquelle un effet toxique surviendra suivant les conditions d’emploi d’une substance
déterminée. Une substance intrinsèquement très toxique n’est pas nécessairement une
substance présentant un risque pour la santé et inversement. Ainsi, comparons deux solvants :
l’un très toxique (l’introduction dans la circulation de quelques mg suffit à tuer l’animal de
laboratoire ou l’homme) mais de volatilité faible, l’autre peu toxique (il est nécessaire d’en
injecter une plus grande quantité pour produire le même effet) mais très volatile. La
probabilité que l’homme soit exposé (par inhalation) à des concentrations toxiques du
deuxième solvant est plus grande qu’avec le premier solvant, ce deuxième solvant peut
représenter dans les conditions habituelles d’usage un risque plus important pour la santé que
le premier bien que ce dernier soit intrinsèquement plus toxique. Il importe donc de considérer
non seulement la toxicité intrinsèque d’une substance (ses propriétés toxiques) mais
également ses conditions d’utilisation (la probabilité d’entrer en contact avec des
concentrations toxiques) quand on apprécie les risque sanitaires découlant de son utilisation.
En résumé, cette appréciation des risques (risk assessment en anglais) comprend la description
de la toxicité intrinsèque (propriétés inhérentes d’une substance à engendrer des effet
délétères, étude des relations doses-réponse/effets et l’estimation du risque dans les conditions
d’exposition à la substance (risk characterization en anglais).
La toxicologie industrielle est cet aspect de la toxicologie qui s’intéresse plus particulièrement
aux corps chimiques utilisés dans l’industrie. Vu le développement de la chimie industrielle,
elle représente un domaine très important de la toxicologie. Elle traite de l’identification, de
l’analyse, du mécanisme d’action, du métabolisme et des interactions des corps chimiques
industriels, du diagnostic des intoxications, du traitement et de la prévention des effets
toxiques qu’ils peuvent engendrer. Son but est essentiellement de prévenir le développement
de lésions toxiques grâce à une connaissance des relations quantitatives entre l’intensité de
l’exposition aux substances chimiques et le risque d’altération de la santé. En effet , la
connaissance de ces relations (dose-effets et dose-réponse) explicitées permet de définir des
niveaux tolérables d’exposition et les mesures de prévention nécessaires pour les respecter.

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L’étude de ces relations (intensité de l’exposition – risque d’altération de la santé) peut


s’effectuer en utilisant différents paramètres pour apprécier l’intensité de l’exposition d’une
part, et les modifications de l’état de santé induites par cette exposition d’autre part.
L’exposition peut être caractérisée soit par une description qualitative (par exemple
questionnaire) ou quantitative (dosages atmosphériques, par exemple) de l’ambiance aux
postes de travail, soit par la mesure de la concentration des polluants au voisinage des voix
respiratoires des sujets exposés (échantillonnage personnel), soit par la détermination de la
quantité de toxique absorbée, voire même de sa concentration au niveau de l’organe, cellule
ou molécule cible (surveillance biologique de l’exposition).
L’action de toxique sur l’organisme peut s’exprimer sous forme de maladie clinique, de
troubles fonctionnels, ou de modifications biologiques critiques, c’est-à-dire prédictives d’une
altération de la santé si elles persistent ou se répètent. L’évaluation du risque pour la santé
associé à l’exposition sera d’autant plus précise qu’elle découle d’études où le paramètre
d’exposition reflète la dose au niveau des molécules cibles et le paramètre d’effet toxique
reflète l’effet biologique critique. Pour pouvoir utiliser de tels paramètres d’exposition et
d’effet toxique, il est nécessaire de connaître le devenir (métabolisme) de la substance dans
l’organisme et son mécanisme d’action. L’évaluation de l’efficacité des mesures de
prévention fera appel à trois méthodes de surveillance qui sont complémentaires, bien qu’elles
ne soient pas toujours appliquées conjointement, et qui découlent également de nos
connaissances sur le métabolisme des substances chimiques et leur mécanisme d’action.
La première méthode consiste à déterminer la concentration des substances chimiques dans
l’air ambiant au voisinage des voies respiratoires des sujets exposés (surveillance ou
monitoring de l’environnement). Cette approche suppose la connaissance, pour chaque
substance analysée, de la concentration atmosphérique en de ça de laquelle un effet toxique
inacceptable ne survient généralement pas chez un sujet normal. Cette méthode de
surveillance suppose que le corps toxique (gaz, vapeur, poussière) produit ses effets sur
l’organisme par inhalation.
La seconde méthode consiste à apprécier, à l’aide d’analyses biologiques (sang, urine, air
expiré, etc..) pratiquées chez les sujets exposée, si l’intensité de leur exposition (dose interne)
n’est pas excessive (surveillance ou monitoring biologique de l’exposition).
La recherche des lésions biochimiques ou physiologiques précoces, si possible à un stade où
elles sont encore réversibles, constitue une approche de surveillance complémentaire aux
précédentes (surveillance de l’état de santé). Ce dernier programme de surveillance ne doit

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pas être confondu avec le diagnostic des maladies professionnelles, conséquences d’une
prévention inadéquate.
Enfin, pour certaines substances ou groupes de substances, il peut être possible de détecter des
facteurs de susceptibilité individuelle.
Notions générales de toxicologie industrielle
1. Formes d’intoxication
On distingue en général trois formes d’intoxication suivant la rapidité d’apparition,
la durée des symptômes, et la rapidité d’absorption de la substance toxique. Une
terminologie assez arbitraire, bien qu’utile en pratique, repose sur la durée de l’exposition au
toxique.
1.1 Intoxication aiguë
Elle résulte d’une exposition de courte durée et d’une absorption rapide du toxique :
dose généralement unique sur une période ne dépassant pas 24 heures. La mort ou la guérison
survient sans retard.
1.2 Intoxication subaiguë
Elle résulte d’expositions fréquentes ou répétées sur une période de plusieurs jours ou
semaines.
1.3 Intoxication chronique
Elle résulte d’exposition répétées pendant une longue période de temps (en général
pendant toute la durée de la vie). Des signes d’intoxication se manifestent :
- Soit parce que le poison s’accumule dans l’organisme, c’est-à-dire qu’à chaque
exposition, la quantité éliminée est inférieure à la quantité absorbée. La concentration du
toxique dans l’organisme augmente progressivement pour atteindre une concentration
susceptible d’engendrer des manifestations toxiques. C’est le cas de l’intoxications saturnine
chronique ;
- Soit parce que les effets engendrés par des expositions répétées s’additionnent sans
que le toxique ne s’accumule dans l’organisme. C’est le cas de l’intoxication chronique au
disulfure de carbone.
Il peut aussi arriver que le toxique s’accumule dans l’organisme mais qu’une action toxique
ne survienne que lorsqu’il est mobilisé des tissus dans lequels il était déposé. Ainsi , si on
expose des rats au DDT (dichlordiphénylrichloroéthane) de maniére prolongée, celui-ci
s’accumule dans les tissus adipeux en quantité croissante où apparement il ne produit aucune
altération métabolique. Si l’animal est ensuite soumis à un jeune prolongé, la mobilisation des
lipides libère dans la circulation une quantité importante de DDT qui peut exercer des effets

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toxiques sur le système nerveux central. Il en va de même avec les biphénilespolychlorés


(PCB) stockés dans le tissu adipeux. Il est possible que le plomb stocké dans le tissu osseux
soit mobilisé pendant la grossesse et la lactation et ainsi soit transféré au fœtus et au nouveau-
né. Une atteinte hépatique aiguë pourrait libérer dans la circulation le cadmium stocké dans le
fois sous forme de complexe avec la métallothionéine et ainsi favoriser la survenue de lésions
tubulaires rénales.
Il faut donc faire la distinction entre une exposition aiguë (courte durée) ou chronique
(longue durée) et des effets aigus ou chroniques. Ainsi, une seule dose de
triorthocrésylphosphate (TOCP) peut produire, chez l’homme, une lésion nerveuse
permanente. Une exposition aiguë entraîne donc un effet persistant. Dans certains cas, suite à
une exposition aiguë ou subaiguë, la lésion n’apparaîtra qu’après une période de latence.
Ainsi, après l’administration d’une dose toxique de diméthylnitrosamine chez le rat survient
une nécrose hépatique. La capacité de régénération de l’organe permet une guérisn rapide de
la lésion hépatique. Cependant, si les animaux sont maintenus en vie, on constate qu’ils
développent plus tardivement des tumeurs rénales. La concérogénicité de nitrosamines suite à
une expositin de courte durée a été confirmée chez l’homme.
2. Types d’action toxique
2.1 Locale
La substance exerce une action toxique à l’endroit de contact : peau, yeux, tractus
digestif, voies respiratoires… Il s’agit principalement de phénomènes de destruction tissulaire
(caustique), d’irritation ou de sensibilisation.
2.2 Générale ou systémique
L’action du toxique se manifeste au niveau de site éloigné de l’endroit de contact initial.
Lors de l’étude systématique de la toxité des substances chimiques, certains facteurs
favorisent l’action élective sur un organe particulier. À titre d’exemples, citons :
- Le degré de perfusion entrainant une concentration élevée de la substance dans certains
organes ;
- La composition chimique de l’organe (par exemple, sa teneur en lipides) ;
- Sa situation particulière sur la voie du transport du toxique ; les poumons seront souvent
lésés si le toxique est inhalé. Le fois constituera fréquemment l’organe-cible de toxiques
ingérés, car le toxique absorbé par le système atteint d’abord le foie avant d’être dilué dans la
circulation générale ;

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- Les caractéristiques biochimiques de l’organe atteint (organe capable d’accumuler la


substance toxique ou de métaboliser en un dérivé plus toxique, besoin métabolique particulier
de l’organe atteint).
3. Facteurs influençant la réponse de l’organe
En général, la réponse de l’organisme dépend de la qualité de substance directement
active (ou de ses métabolites toxiques) fixée aux sites d’action et de son activité intrinséque
(c’est-à-dire de la nature de l’interaction toxique – site d’action). Dans certains cas la vitesse
avec laquelle survient la fixation de la substance active aux récepteurs et la durée de son
maintien jouent aussi un rôle déterminant. La toxicité aiguë des pesticides organosphosphorés,
inhibiteurs des cholinestérases, illustre ce point. La quantité de toxique fixée aux récepteurs
est elle-même fonction de l’évolution de la concentration du toxique au voisinage immédiat
de ces sites et de son affinité pour ceux-ci.
Deux processus fondamentaux conditionnent la réponse à l’agression toxique, à savoir le
métabolisme de la substance et son mécanisme d’action. Ces processus sont eux-mêmes
soumis à de multiples facteurs exogènes ou endogènes.
Certains facteurs (appelés toxicodynamiques) influencent la réponse de l’organisme en
interférant avec la fixation du toxique sur ses sites d’action ou avec ses répercussions
(affinité des récepteurs, processus de réparation,…). D’autres facteurs (appelés
toxicocinétiques) ; facteurs endogènes ou biologiques (absorption, distribution,
biotransformation, et excrétion), facteurs exogènes ou de l’environnement, et
caractéristiques physico-chimiques de la substance, plus nombreux et souvent mieux
connus et qui influencent la concentration du toxique au voisinage des molécules-cibles et
ainsi la quantité du toxique qui s’y fixe.

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