Vous êtes sur la page 1sur 4

BER: Béralde

ARG: Argan

Acte III scène 3


Intro:
Célèbre dramaturge et écrivain français, Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière,
fut aussi comédien, chef de troupe et metteur en scène. Sous le règne de Louis XIV, il écrivit et mit
en scène des œuvres demeurées célèbre dans l’histoire du théâtre, comme Don Juan ou Le Bourgeois
gentilhomme. Dernière pièce de Molière, Le Malade Imaginaire, écrite en 1673, est une comédie-
ballet mettant en scène un bourgeois hypocondriaque, Argan, qui veut à tout prix que sa fille,
Angélique épouse un médecin. Mais celle-ci est amoureuse d’un certain Cléante. Plusieurs
personnages tentent d’aider la jeune fille en essayant de raisonner son père. Après TOIN, c’est au
tour de BER, dans l’acte III scène 3 d’essayer de convaincre son frère de renoncer à son projet. La
conversation les conduits à parler de la médecine, sujet sur lequel tous les deux ont des opinions
opposées.
LECTURE
Annonce du Plan :
-1er mouvement : leçon de tolérance de BER (L.1 à 5)
-2nd mouvement : une discussion aimée entre les frères (L.6 à 15)
-3ème mouvement : folie d’ARG (L.16 à 20)
Projet de lecture
Nous verrons en quoi cet extrait, au-delà d’une simple dispute entre deux frères, constitue une mise
en abyme qui nous parle du théâtre.
1er mouvement : leçon de tolérance de BER (L.1 à 5)
1) Un personnage mesuré
-BER est un personnage mesuré et raisonnable qui sait aussi s’affirmer
-> Tournure emphatique « Moi…je »
- « Mon frère » rappel les liens du sang ARG/BER
-> volonté de conciliation
-négation totale « ne…point »
-> refuser l’intolérance
- « combattre » objet de la négation relève du champ lexical de la guerre
->BER ne souhaite pas faire la guerre à la médecine mais montrer que certains médecins
manipulent les malades
-BER est ouvert d’esprit car il respect les croyances de tout le monde « tout ce qui lui plaît », il ne
veut pas faire de discours polémique
-pronom indéfini « chacun » + présent de vérité générale
-> renforcer la sagesse de son propos
-> A travers BER c’est Molière qui s’exprime qui veut lutter à tout prix contre la pensée unique
2) Une critique de l’extrémisme
-BER critique les médecins d’imposer leurs croyances en utilisant la violence
-Cette critique peut aussi être pour les dévots, grands ennemis de Molière
->Ils ont le même mode de fonctionnement : imposer une penser unique que refuse Molière.
-c’est alors un débat sur la croyance : « croire »
- « ne … que » BER ne cherche pas à imposer sa croyance
->Son objectif est de raisonner son frère en lui faisant prendre conscience de sa folie
-BER ne veut pas convertir son frère par la force : « un peu », conditionnel passé (« j’aurais
souhaité »)
->BER est qlq de modeste
-il est conscient que raisonner son frère est inutile -> conditionnel passé
-il ne condamne pas son frère -> « erreur » au lieu de « faute »
3) BER un avocat de Molière
-BER devient l’avocat de Molière
-les personnages discutent des pièces de Molière -> c’est une mise en abyme
-Cette mise en abyme fait rire, et permet au dramaturge de se justifier
-BER dit que les pièces de Molière permettent de prendre conscience de ses erreurs par le rire
(« tirer de l’erreur » // « divertir »)
-> « castigas mores ridendo » corriger les mœurs par le rire
Les comédies sont donc, pour Molière un remède moral, une médecine de l’âme.
-le nom du dramaturge est cité -> créer un effet de surprise qui va faire rire les spectateurs
-> mise en abyme qui rompt l’illusion théâtrale
2nd mouvement : Une discussion animée entre frère (L.6 à 15)
1) Condamnation de Molière par ARG
-ARG n’écoute pas son frère + il condamne Molière et ses comédies -> déterminant possessif
« votre », il se désolidarise de son frère et de Molière
- « c’est un … que … » tournure emphatique afin de souligner son accusation
-Oxymore « bon impertinent » x2 -> ironie sarcastique d’ARG à l’encontre de Molière.
-Oxymore est développé par l’antiphrase « bien plaisant, renforcée par l’adverbe « bien »
-L’expression « honnêtes gens » est comique car elle désigne les médecins alors que tout le monde
sait que les médecins sont des imposteurs dans les comédies de Molière sauf ARG qui est crédule
-> ARG défend les imposteurs qui se moquent de lui et accuse son créateur : accentue le rire
(comique de mots)
2) leçon d’humilité
-BER répond, tournure emphatique + négation -> Molière n’attaque pas des personnes (les
médecins) mais, ceux qui jouent à être médecins et ceux qui les crois
-Pour Molière la médecine =/= science mais = croyance car elle prétend savoir ce qui reste un
mystère dans le corps humain.
3) Gradation
- sagesse de BER ne calme pas son frère mais elle le met en colère, la scène se construit sur une
gradation
-tournure emphatique « c’est … », « voilà… » + oxymores antiphrastiques (« bon nigaud », « bon
impertinent ») + énumération (« se moquer », « s’attaquer », « s’aller ») -> augmentation de la
colère d’ARG
-Colère d’ARG est comique
-> elle prend la défense des gens que les spectateurs savent imposteurs ARG les appelles «
des personnes vénérables » ou encore « ces Messieurs-là » (M !)
->il fait des médecins des personnes sacrées -> la crédulité d’ARG fait sourire
- « se moquer des consultations, des ordonnances » -> fait penser aux scènes que l’on vient de voir
(acte 1 scène 1 pour les ordonnances ou acte 2 scène 6 pour les consultations) où les médecins sont
vus comme des charlatans et les apothicaires comme des voleurs
- la réponse de BER est sensée : si on peut mettre en scène des rois et des princes pourquoi pas des
médecins ?
- question rhétorique qu’ARG ne peut répondre puisqu’elle est fondée sur du bon sens
3ème mouvement : la folie d’ARG
1) La colère
-Face au dernier argument ARG redouble de colère, sa critique commence par un juron tronqué ce
qui montre sa hargne et fait sourire.
-le spectateur perçoit d’emblée ARG comme un personnage dominé par l’Hybris (la démesure)
-répétition de « crève » + exclamation montrent la folie et la cruauté d’ARG qui s’oublie en parlant
un langage très familier.
->ARG est animé par la vengeance et il se dresse comme un dieu vengeur pour châtier
« l’impertinence » des gens qui ne croient pas à la médecine
2) Mise en abyme
la scène atteint son acmé (point culminant) dans une mise en abyme vertigineuse
-ARG multiplier les rôles
-> il passe de malade imaginaire à médecin (« si j’étais que des médecins »), juge
(« ordonnerai »), bourreau (« crève !»).
-> Comique car la fonction de bourreau et de médecin se mélangent
-ARG devient aussi metteur en scène en imaginant une scène où Molière irait mourir sous le pouvoir
d’ARG + il s’adresse directement à lui « cela t’apprendra… »
-folie d’ARG apparait aussi grâce à l’utilisation du conditionnel (« je me vengerai », « aurais »,
« ordonnerais », « dirais ») qui lui permet d’imaginer une scène dans laquelle il se venge contre
Molière. -> ARG veut les pires châtiments pour son créateur, comique de situation
3) une scène comique
-Disproportion entre le châtiment promis par ARG et le résultat qui n’a rien d’effrayant -> puni des
saignées et des lavements -> comique car Molière se moque justement de ces méthodes. + le
spectateur s’amuse de ce qu’ARG imagine dans sa folie : Molière qui supplierait pour un lavement
(« il aurai beau faire et beau dire ! »)
-Molière jouait le rôle d’ARG : le voir s‘invectiver lui-même devait beaucoup faire rire son public
-Le personnage d’ARG apparaît donc comme aveuglé par sa folie et sa foi ridicule en la médecine
->Moyen très malin et imparable de se moquer ainsi de ses détracteurs : en le maudissant, ils
deviennent ainsi aussi ridicules qu’ARG
Conclusion :
Nous avons montré que ce dialogue entre l’hypocondriaque Argan et le raisonneur Béralde permet à
Molière de mettre en scène un débat sur la médecine. La sacralisation de la médecine par Argan est
ridicule, mais le raisonneur Béralde reste un personnage peu nuancé. Le lecteur/spectateur ne
pouvant considérer aucune de ces deux opinions comme véritablement crédibles, il lui reste à définir
la sienne. On observe ici comme la comédie de mœurs amuse tout en ouvrant le débat, cherche à
plaire et à instruire conformément à l’idéal classique du XVIIème siècle.

Vous aimerez peut-être aussi