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Cahier Gargantua 1re Voie Gnrale
Cahier Gargantua 1re Voie Gnrale
Cahier Gargantua 1re Voie Gnrale
classiques
RABELAIS
Accompagnement à la lecture de l’œuvre
et entraînement aux épreuves du BAC 1 re
Parcours :
rire et savoir
voie générale
Gargantua
Catherine Saenz
Agrégée de Lettres modernes, académie de Normandie
SPÉCIAL ENSEIGNANTS
Retrouvez sur le site ressources lire-les-classiques-editions-bordas.fr :
8
9
10
Lecture guidée : chapitres XXV-L .. ............................................................................................................ 12
Lecture guidée : chapitres LI-LVIII .......................................................................................................... 13
Bilan de la lecture ....................................................................................................................................... 14
Prolongements
Lectures cursives : méthode et idées de lecture . . ................................................................................ 63
Ressources multimédia .............................................................................................................................. 64
1493 1528-
ou 1494 1520 1530 1530 1532
Rabelais est ici représenté sous les traits d’un écrivain humaniste du xvie siècle. Assis à
sa table de travail, il tient dans sa main droite une plume qui se situe quasiment au
multiples feuilles et livres jonchent la table. Tous ces objets renvoient à la lecture et à
l’écriture. On peut émettre des hypothèses sur le contenu des documents : Rabelais ayant
été à la fois moine, médecin et romancier, il se pourrait qu’il se nourrisse de ses lectures
pour préparer des cours de médecine ou des oeuvres littéraires. Ces documents de travail
sombre. Symboliquement, ils renvoient à l’idée d’un savoir lumineux et épanouissant pour
Eugène DELACROIX (1798-1863), Portrait
l’homme, Rabelais semblant lui-même, dans sa tenue et son attitude, très serein. de François Rabelais, 1833, musée Le Carroi,
Chinon.
4 Gargantua
GARGANTUA
ET LA LITTÉRATURE MÉDIÉVALE
L’influence de la littérature médiévale est manifeste dans Gargantua. Comme dans les romans de
chevalerie, le récit est organisé de façon chronologique. Son titre, La Vie très horrifique du grand
Gargantua, père de Pantagruel..., renvoie de façon parodique aux biographies réalisées au Moyen Âge,
où l’on évoquait l’illustre lignée et les hauts faits des grands seigneurs. Et Gargantua lui-même, comme
Pantagruel, est un personnage de la littérature populaire médiévale.
l’architecture devient une passion française qui inspirera d'enseignement de la Sorbonne qu'il juge passéistes.
Louis XIV.
LE COMIQUE
RABELAISIEN
Activité 1 : D
ÉCOUVRIR UNE ADAPTATION DE L’OEUVRE
DE RABELAIS AU THÉÂTRE
UN ROMAN DU CORPS
Dans Gargantua, on accouche, on mange, Rendez-vous sur le site de l’Allée des Rendez-Vous et découvrez les
on boit, on rit, on fiente, on tabasse, on photographies du spectacle intitulé « Rabelais ».
fait l’amour, etc. Dans ces évocations
farcesques du corps, Rabelais n’hésite Ce spectacle est créé à partir de l’oeuvre entière de Rabelais. Quelle
pas à parler de sexualité ou de « bas image de l’univers rabelaisien ces photographies donnent-elles ?
corporel », mais le lecteur – et Rabelais Ces photographies montrent que le metteur en scène a cherché à recréer
le précise dès le prologue – ne doit pas l’univers rabelaisien : celui-ci semble très vivant, avec de nombreux
s’en tenir à cette dimension grotesque et
souvent hilarante de l’oeuvre. Le propos personnages présents sur scène. Les comédiens portent des costumes souvent
est plus ambitieux qu’il n’y paraît au très colorés qui peuvent faire référence au carnaval. Certains costumes sont
premier abord. très modernes et laissent penser que le metteur en scène a voulu actualiser
l’oeuvre de Rabelais. De plus, les photographies de portraits peuvent donner
l’impression que des discours vont être prononcés, comme si, à travers les
personnages, le metteur en scène avait voulu transmettre aux spectateurs les
messages que Rabelais avait lui-même diffusés dans ses romans.
6 Gargantua
Activité 2 : G
ARGANTUA
VU PAR GUSTAVE DORÉ
Associez ces illustrations de Gargantua réalisées
par Gustave Doré à des citations de l’oeuvre.
Comment l’artiste rend-il compte de la démesure
rencontrée dans Gargantua ?
Un moment clé
1. Quelle règle de vie adressée au lecteur apparaît à la fin de l’avis au lecteur ? « Vivez joyeux ».
2. Quelle est la fonction majeure de l’avis au lecteur puis du prologue, selon vous ? La fonction de ces textes est
de créer un contact direct avec le lecteur et de l’inciter à poursuivre sa lecture.
3. Quel est le ton employé par le narrateur dans cette première partie ? En quoi est-ce surprenant ?
Le ton est comique et provocateur. Le lecteur ne s’attend probablement pas à être pris à partie.
4. À quel animal le lecteur est-il comparé dans le prologue ? À quoi est comparé le livre ? Le lecteur est comparé
de façon comique à un chien. Le narrateur utilise la métaphore de l’os à moelle pour désigner le livre.
5. Pour quelles raisons le narrateur évoque-t-il si longuement le livre ? À travers le prologue, le narrateur propose
un mode d’emploi : le lecteur devra le suivre pour apprécier l’œuvre à sa juste valeur. On sait, par ailleurs, l’importance
de cet objet qui sert à la diffusion des connaissances dans le contexte de la Renaissance.
6. À quelle règle le lecteur devra-t-il se soumettre pour lire l’œuvre ? Il devra, selon le narrateur, lire et apprendre à
décrypter les messages cachés.
7. Pourquoi le narrateur fait-il référence à Socrate dans le prologue ? Le philosophe grec sert de référence
sérieuse et d’exemple à la démonstration du narrateur : il était, semble-t-il, laid mais sous cette apparence repoussante
se cachait une sagesse remarquable.
8. En quoi cette première partie donne-t-elle le ton de l’œuvre ? Cette première partie est à la fois comique et
sérieuse : le narrateur prend le lecteur par surprise en le comparant à un chien et, dans le même temps, il multiplie les
références sérieuses pour prouver que son œuvre ne relève pas simplement du jeu.
Lecteur et narrateur
Donnez trois adjectifs ou noms pour caractériser le narrateur et le lecteur, tel que le perçoit le narrateur.
– le narrateur : facétieux, cultivé, moralisateur
– le lecteur : soumis, oisif, compagnon
Activité d’appropriaton
Rédigez la réponse que vous pourriez adresser au narrateur suite à la lecture de cette première partie de
l’œuvre. Efforcez-vous de conserver le même ton que celui d’Alcofribas Nasier.
« Cher Alcofribas Nasier, cher maître-chien,
Je me permets de vous écrire pour vous signaler que je compte bien sucer la moelle de votre Gargantua jusqu’au
bout… et n’en rien laisser aux autres ! L’ivresse sera-t-elle bien au rendez-vous ? Mon appétit sera-t-il satisfait ?
Me servirez-vous d’aussi bons plats que vous le prétendez ?
Prenez garde ! Cet aimable dialogue socratique ne s’arrêtera pas là ! Me voilà prêt à percer les mystères de votre livre et
à le dévorer…
Amicalement, votre dévoué chien-lecteur. »
8 Gargantua
2. Quelle est la particularité de la grossesse de Gargamelle (chapitre III) ? Comment le narrateur justifie-t-il cette
invraisemblance ? Elle dure onze mois. Selon le narrateur, cela s’explique par le fait que Gargamelle
attend un enfant extraordinaire.
Gargantua
1. Pourquoi Gargantua est-il nommé ainsi ? C’est Grandgousier qui attribue ce nom à son fils.
Celui-ci vient de la phrase « Que grand tu as ! », sous-entendu « Quel grand gosier tu as ! ». Le nom de Gargantua
renvoie donc à la démesure de son appétit, à sa goinfrerie, à son goût immodéré pour le vin.
2. Citez trois éléments qui prouvent que Gargantua est un enfant. Dès sa naissance, Gargantua n’arrête pas de
bouger, il touche à tout, il se vautre dans la fange, il se mouche dans sa soupe…
« On lui prescrivit dix et sept mille neuf cent treize vaches de Pautille et de Bréhémont pour
l’allaiter quotidiennement. » (chapitre VII)
Rire et savoir rire
« Pour son manteau, on leva dix-huit cents aunes de velours bleu. » (chapitre IX)
« Après dîner, […] ils dansèrent au son des joyeux flageolets et douces cornemuses. »
(chapitre IV)
Savoir exposer « un pot à moutarde, c’est mon cœur à qui moult tarde […] ma braguette,
son savoir c’est la justice qui se dresse, et un étron de chien, c’est un tronc de séant
où gît l’amour de ma mie. » (chapitre IX)
Activité d’appropriation
Rédigez quelques lignes d’un discours de tonalité comique qui fera l’éloge d’un bon repas entre convives.
2. Qu’est-ce qui indique que la première éducation reçue par Gargantua n’est pas moderne (chapitre XIV) ?
La première éducation est extrêmement longue et répétitive : elle repose sur des apprentissages par cœur, qui ne font
aucune place à la réflexion ni à la critique.
3. Quel regard le narrateur porte-t-il sur Thubal Holoferne puis sur Jobelin Bridé (chapitre XIV) ?
Quelle est donc l’intention de Rabelais ?
Son regard est moqueur, comme le montrent les adjectifs « sophiste » et « tousseux ». Ces précepteurs prétendent au
sérieux mais Rabelais se moque clairement d’eux pour leurs méthodes passéistes.
4. Grandgousier décide finalement de confier l’éducation de son fils à Ponocrates. Le jeune page Eudémon fait
alors l’éloge de Gargantua (chapitre XV). Comment celui-ci réagit-il ? Quel est l’effet produit ?
Gargantua est incapable de prononcer un seul mot : il pleure « comme une vache ». Cette attitude crée un décalage
comique entre le ton sérieux d’Eudémon et l’attitude puérile et ridicule de Gargantua.
10 Gargantua
Interprétation : Rabelais oppose le modèle sophiste dont Gargantua subit la mauvaise éducation à l’éducation
humaniste incarnée par Ponocrates et maître Théodore.
Rire et savoir
Comment s’articulent le rire et le savoir dans cette partie de l’œuvre ?
L’épisode du vol des cloches de Notre-Dame puis la plaidoirie ridicule prononcée par Janotus de Bragmardo relèvent
de la tonalité comique. De même, la première éducation de Gargantua, par ses non-sens et son manque de sérieux,
peut faire rire. Toutefois, l’arrivée de Ponocrates coïncide avec l’effacement – certes éphémère ! – du rire. Le savoir
occupe désormais une place centrale dans la vie de Gargantua.
Activité d’appropriation
Composez un programme éducatif à votre tour : appuyez-vous sur les deux éducations de Gargantua
et transposez-les au xxie siècle.
Gargantua fut d’abord instruit par Thubal Holoferne. Celui-ci le laissait des heures durant devant sa tablette à
emmagasiner des vidéos sans queue ni tête et apprendre par cœur des dialogues dans une langue qu’il ne comprenait
pas. Il abandonnait ensuite sa tablette pour se divertir avec son téléphone. Après avoir consulté toutes les pages de
tous les réseaux sociaux, il revenait devant son ordinateur pour jouer des heures et des heures tout en se goinfrant de
sucreries.
Devant les piètres résultats obtenus par son fils lors des examens scolaires, Grandgousier décida de confier l’éducation
de son fils à Ponocrates. Celui-ci observa longuement Gargantua puis remania tout son emploi du temps : il exigea de
son disciple que son téléphone soit éteint pendant les heures de cours. Dès sept heures du matin, Gargantua se levait,
faisait sa toilette, puis prenait un petit-déjeuner équilibré. Sa journée de travail débutait par des rappels sur les leçons
de la veille : Ponocrates s’assurait ainsi qu’il avait tout compris des notions de mathématiques, physique, grammaire,
histoire, anglais, allemand, espagnol, grec, latin. Si quelque point lui semblait encore obscur, Ponocrates prenait
le temps de le lui réexpliquer. Après avoir pris sa collation, Gargantua s’adonnait habituellement aux échecs, puis
Ponocrates le laissait découvrir par lui-même les nouvelles notions à acquérir. Il avait créé pour son élève des logiciels
très puissants, capables de déceler ses points forts et ses points faibles : des exercices adaptés et de niveau progressif
étaient ainsi proposés au jeune garçon.
Sagesse Folie
Citation illustrant « Mon intention n’est pas de provoquer « Picrochole entra dans une violente colère et,
ce thème
mais bien d’apaiser ; ni d’attaquer mais bien sans s’interroger davantage sur le pourquoi ni
de défendre ; ni de conquérir mais bien de le comment, il fit crier […] que chacun, sous
préserver mes fidèles sujets et mes textes peine de la corde, se rassemble en armes à
héréditaires. » midi, sur la grande place devant le château. »
Interprétation : Grandgousier s’oppose totalement à Picrochole ; l’un incarne la sagesse, l’autre la folie guerrière.
Cette opposition convainc le lecteur de l’absurdité des guerres de conquête.
Activité d’appropriation
Créez à votre tour un épisode comique qui viendrait interrompre le cours de la guerre picrocholine.
12 Gargantua
Activités d’appropriation
Observez cet extrait du chapitre L et sa translation en français moderne.
Quelles transformations majeures apparaissent ? Comment les expliquez-vous ?
Texte de Rabelais Translation
« Dieu soit avecques vous ! Je regrette de tout « Dieu soit avec vous ! Je regrette de tout
mon cueur que n’est icy Picrochole. Car je luy mon cœur que Picrochole ne soit pas ici car je
eusse donné à entendre que sans mon vouloir, lui aurais fait comprendre que cette guerre a
sans espoir de accroistre ny mon bien, ny mon été menée en dépit de ma volonté, sans désir
nom, estoit faicte ceste guerre. Mais, puis qu’il d’accroître mon bien ou mon renom. Mais,
est esperdu, et ne sçait on où, ny comment est puisqu’il a disparu et que l’on ne sait ni où ni
esvanouy, je veulx que son royaulme demeure comment il s’est volatilisé, je veux que son
entier à son filz. Lequel, parce qu’est par royaume revienne entier à son fils. Celui-ci,
trop bas d’eage (car il n’a encores cinq ans qui est encore en trop bas âge (il n’a que cinq
accomplyz) sera gouverné et instruict par les ans révolus), sera formé et instruit par les
anciens princes et gens sçavants anciens princes et les gens savants
du royaulme. » du royaume. »
Transformations majeures : L’orthographe est modernisée, l’ordre des mots parfois modifié, et la syntaxe
simplifiée. Certains termes peuvent être traduits mais la translation respecte évidemment le sens du texte. Elle vise à
faciliter la compréhension du texte du xvie siècle pour un lecteur du xxie siècle. Cela prouve qu’une langue est vivante
et qu’elle évolue au fil des siècles.
Rabelais n’hésite jamais à évoquer le corps et ses turpitudes dans son roman : ici, l’allusion au transit de Gargantua
prête évidemment à sourire. Elle est complétée par une évocation du vin qui occupe une place essentielle dans le
roman : celui apporte une gaieté permanente aux personnages et semble indissociable de l’art de bien vivre que
Rabelais défend avec vigueur dans son œuvre.
• Aux uns, il écrabouillait la cervelle ; aux autres, il brisait les bras et les jambes ; à d’autres encore, il démettait les vertèbres
du cou ; au reste, il disloquait les reins, tranchait le nez, pochait les yeux, fendait les mâchoires, enfonçait les dents dans la
gueule, défonçait les omoplates, abîmait les jambes, déboîtait les os des hanches, réduisait en miettes les membres. (cha-
pitre XXVII)
Le récit du massacre commis par Frère Jean est fondamentalement comique parce qu’un décalage se crée entre la
gravité de l’action et la dimension mécanique du geste. L’accumulation donne également un effet comique.
• Les pèlerins ainsi dévorés s’extirpèrent des meules de ses dents du mieux qu’ils purent, ils pensaient avoir été jetés dans
quelque basse fosse de prison. Quand Gargantua but sa grande gorgée, ils imaginèrent se noyer dans sa bouche et le tor-
rent de vin faillit les emporter dans le gouffre de son estomac. Toutefois, en sautant avec leurs bâtons comme font les pèle-
rins du Mont-Saint-Michel, ils se mirent en sûreté au bord des dents. (chapitre XXXVIII)
L’épisode des « pèlerins mangés en salade » rappelle l’univers de la farce : la disproportion entre la petitesse des
pèlerins en situation de danger et la grandeur de Gargantua qui cherche ici simplement à contenter son appétit
provoque le rire. Rabelais en profite probablement pour se moquer des périples des pèlerins : la dimension satirique
est sous-jacente.
14 Gargantua
2. Pour quelles raisons, selon vous, le rire est-il si présent dans Gargantua alors que les thèmes abordés
ne sont pas nécessairement comiques ?
Il n’est pas un seul chapitre dans l’œuvre qui ne contienne un passage comique, un jeu de mots inattendu, un
événement grotesque. Rabelais tient les promesses annoncées dans le prologue : l’atmosphère est globalement
joyeuse et procure de la gaieté. Le lecteur aura souvent le sourire aux lèvres, une certaine complicité naîtra alors entre
le narrateur et lui. Ce n’est pas tout, cependant : le recours au rire doit aussi être compris comme une manière habile de
critiquer la société et ses dysfonctionnements. Le rire peut donc être plus grinçant et glisser vers la satire. Enfin, le rire
peut revêtir une fonction thérapeutique : il soigne la mélancolie et invite chacun à vivre joyeusement.
Mots clés
Les mots rire et savoir peuvent être utilisés en tant que noms communs ou verbes.
Rire
Éléments propres au rire Le rire peut prendre différentes nuances : le burlesque, la moquerie, la satire en font partie.
On distingue aussi le comique de mots, le comique de gestes, le comique de caractère ou
encore le comique de situation ; ces types de comique peuvent se cumuler.
Savoir
Définition Connaître. Posséder des connaissances permet d’être informé. Le verbe est connoté
positivement.
Étymologie Le mot vient du verbe latin sapere dont le sens premier est « avoir de la saveur ». Il a évincé
le verbe scire qui signifie « savoir » et qui a donné naissance au nom science.
Éléments propres au savoir La pensée, la raison, voire la philosophie, mais aussi la réflexion, l’éducation et plus
largement la culture.
Questions
Examinez la table des matières du roman et indiquez quels chapitres semblent développer la veine comique.
Le comique est très présent dans le roman de Rabelais. En témoignent les chapitres intitulés : « Comment Gargantua
fut porté onze mois dans le ventre de sa mère » ou encore « Les propos des bien-ivres » et « Comment Grandgousier
connut l’esprit merveilleux de Gargantua à l’invention d’un torche-cul ». Chez Rabelais, le rire se présente comme
un agent libérateur.
Quels sont les personnages qui semblent incarner le savoir dans Gargantua ?
Le savoir se diffuse notamment grâce à Thubal Holoferne puis Ponocrates qui vont prendre en charge l’éducation
du héros éponyme.
16 Gargantua
Question Comment les thèmes du savoir et du rire sont-ils traités dans ce texte ?
Le prétendu savoir est ici associé à la tonalité comique : la bêtise du rat est malicieusement corrigée par l’huître.
Un décalage comique se crée entre ses prétentions et la réalité qu’il doit affronter. Une mauvaise appréciation de
la situation et un savoir incomplet l’ont conduit à sa perte. La morale confirme l’entrelacement des thèmes du savoir et
du rire : l’ignorance et la présomption sont définitivement raillées par le fabuliste dans le dernier vers. À l’inverse,
la mesure et l’humilité sont valorisées.
Ils se procurèrent plusieurs ouvrages touchant l’éducation, et leur système fut résolu. Il fallait
bannir toute idée métaphysique, et, d’après la méthode expérimentale, suivre le développe-
ment de la nature. Rien ne pressait, les deux élèves devant oublier ce qu’ils avaient appris.
18 Gargantua
Bien qu’ils eussent un tempérament solide, Pécuchet voulait comme un Spartiate les
5 endurcir encore, les accoutumer à la faim, à la soif, aux intempéries, et même qu’ils por-
tassent des chaussures trouées afin de prévenir les rhumes. Bouvard s’y opposa.
Le cabinet noir au fond du corridor devint leur chambre à coucher. Elle avait pour
meubles deux lits de sangle, deux couchettes, un broc ; l’œil-de-bœuf s’ouvrait au-dessus
de leur tête, et des araignées couraient le long du plâtre. […]
10 Victor distinguait ses lettres, mais n’arrivait pas à former les syllabes. Il en bredouillait,
s’arrêtait tout à coup et avait l’air idiot. Victorine posait des questions. D’où vient que ch dans
orchestre a le son d’un q et celui d’un k dans archéologique ? On doit par moments joindre
deux voyelles, d’autres fois les détacher. Tout cela n’est pas juste. Elle s’indignait.
Les maîtres professaient à la même heure, dans leurs chambres respectives, et, la cloi-
15 son étant mince, ces quatre voix, une flûtée, une profonde et deux aiguës, composaient un
charivari abominable. Pour en finir et stimuler les mioches par l’émulation, ils eurent l’idée
de les faire travailler ensemble dans le muséum, et on aborda l’écriture.
Les deux élèves à chaque bout de la table copiaient un exemple ; mais la position du
corps était mauvaise. Il les fallait redresser, leurs pages tombaient, leurs plumes se fen-
20 daient, l’encre se renversait..
b. Comment Rabelais, La Fontaine, Molière et Flaubert se moquent-ils du savoir et dans quel but ?
Les quatre auteurs prennent le parti de rire de tout, y compris du savoir, thème pourtant réputé pour son sérieux.
Ils s’appuient notamment sur le comique de caractère, le comique de situation et le comique de mots. Au-delà du rire
généré par ces situations et personnages comiques, les auteurs entendent faire réfléchir le lecteur sur le thème du savoir
et montrer qu’il faut rester humble face à celui-ci. Dans ces textes, l’homme est finalement désacralisé : le lecteur
comprend que celui qui croit savoir ne sait en fait rien. Chez Rabelais, cette leçon d’humilité est érigée en mode de vie.
20 Gargantua
Le règne d’Érasme, dont l’autorité s’étendait en cette heure mémorable, sur tous les pays,
peuples et langues d’Europe, fut un règne plein de douceur. Ayant triomphé sans recours à
la force, par la seule puissance d’attraction et de persuasion de son action spirituelle, l’Hu-
manisme abhorre la violence. C’est parce qu’il a été élu qu’Érasme n’exerce aucune dicta-
5 ture. La bonne volonté et la liberté de conscience sont les lois constitutives de son invisible
empire. Contrairement aux pratiques des princes et des religions, la règle érasmienne se
refuse à assujettir les hommes à un idéal humaniste en recourant à l’intolérance […]. L’Hu-
manisme ne connaît pas d’ennemis et ne veut pas d’esclaves. […] Tout homme qui aspire à
la culture et à la civilisation peut devenir humaniste : tout individu, quelle que soit sa pro-
10 fession, homme ou femme, chevalier ou prêtre, roi ou marchand, laïc ou clerc, peut entrer
dans cette communauté libre, on ne demande à personne quelle est sa race, sa classe, sa
nation, sa langue.
Vous n’aviez jamais vu mon visage, mon nom même n’était pas connu, et vous avez fait mon
éducation, vous n’avez cessé de me nourrir du lait irréprochable de votre divine science ;
ce que je suis, ce que je vaux, c’est à vous seul que je le dois : si je ne le faisais pas savoir, je
serais le plus ingrat des hommes du temps présent et à venir. C’est pourquoi je vous salue, et
5 vous salue encore, père tout plein d’amour, vous qui êtes le père de votre patrie et sa gloire,
défenseur des lettres, vous qui écartez le mal, et qui êtes le champion invincible de la vérité.
Questions
a. Surlignez les expressions qui définissent le rôle du précepteur. Qu’est-ce qu’un bon précepteur,
selon Montaigne ?
Un bon précepteur n’est pas nécessairement un savant. Il se définit avant tout comme un pédagogue capable de se faire
comprendre d’un enfant. Il doit faire preuve d’adaptation et d’attention pour mesurer les progrès de son élève.
b. Quelle est la place de l’enfant dans le programme éducatif défini par Montaigne ? Justifiez en vous appuyant
sur l’étude de quelques procédés littéraires.
L’enfant occupe une place centrale au sein de ce programme : il doit être actif, comme le montrent la métaphore du
chemin (l. 5) et la métaphore filée du cheval (deuxième paragraphe). L’enfant n’est pas un simple auditeur : il doit, selon
cette accumulation d’infinitifs, « apprécier, choisir et discerner les choses de lui-même ».
22 Gargantua
Texte 1 hrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette (xii siècle), traduit en français moderne
C e
Lancelot fond sur Méléagant avec une fureur bien digne de sa haine. Avant de l’attaquer, il
lui crie cependant d’une voix menaçante :
– Venez par là : je vous fais un défi et tenez pour certain que je ne voudrai pas vous
épargner.
5 Il éperonne alors son destrier et retourne en arrière à une portée d’arc pour prendre un
peu de champ. Puis les deux combattants se précipitent l’un sur l’autre au plus grand galop
des chevaux. De leurs lances bientôt ils ont heurté si fort leurs solides écus qu’ils les ont
transpercés. […] Étriers, sangle, courroies, rien ne put empêcher leur chute : il leur fallut
vider leur selle et par-dessus les croupes des chevaux tomber sur le sol nu. Les coursiers
10 fous de peur errent de tous côtés; en ruant, en mordant, ils voudraient eux aussi s’entre-
tuer.
Les chevaliers jetés à bas se sont bien vite relevés d’un bond. Ils tirent leurs épées où
des devises sont gravées. L’écu à la hauteur de leur visage, ils pensent désormais au moyen
le meilleur de se faire du mal avec l’acier tranchant. Lancelot n’avait pas la moindre crainte :
15 il s’entendait deux fois plus que Méléagant à jouer de l’épée, car il avait appris cet art dans
son enfance.
Ils frappent tous les deux si bien sur leurs écus et sur leurs heaumes1 lamés d’or que
les voilà fendus et bosselés. Mais Lancelot de plus en plus presse Méléagant : d’un coup
puissant il tranche le bras droit pourtant bardé de fer que l’imprudent aventurait à décou-
20 vert par-devant son écu. En se sentant si malmené, Méléagant [… ] est presque insensé de
rage et de douleur.
Il s’estime bien peu, s’il n’a recours à quelque fourberie. Il fond sur l’adversaire en
comptant le surprendre. Mais Lancelot se donne garde : avec sa bonne épée, […] il le frappe
en effet au nasal qu’il lui enfonce dans la bouche en lui brisant trois dents. Dans sa souf-
25 france et sa fureur Méléagant ne peut dire un seul mot. Il ne daigne non plus implorer la
pitié, attendu que son cœur, en mauvais conseiller, l’enferme dans les rets2 de son aveugle
1. Heaumes : casques. orgueil. Son vainqueur vient sur lui : il délace son heaume et lui tranche la tête. Méléagant
2. Rets : pièges. ne jouera plus de mauvais tour à Lancelot : le voilà tombé mort.
Questions
a. Relevez les procédés utilisés par Voltaire pour critiquer la guerre et interprétez-les.
« si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné » : énumération appuyée par l’anaphore de l’adverbe « si ».
« Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons » : énumération.
« une harmonie telle qu’il n’y en eut jamais en enfer » : antiphrase.
« boucherie héroïque » : oxymore.
« les besoins naturels » : litote.
« le meilleur des mondes » : hyperbole.
Les multiples procédés utilisés par Voltaire pour critiquer la guerre donnent une dimension ironique au texte. Le lecteur
comprend ainsi que la guerre n’a rien à voir avec le « meilleur des mondes ».
24 Gargantua
Question Comment ce texte désacralise-t-il la figure du roi ainsi que le thème de la guerre ?
Ubu veut se donner l’apparence d’un roi, mais il n’est ici qu’un bouffon : son ignorance, son langage, sa peur font de lui
une caricature. La didascalie « Il pleure et sanglote » achève de le décrédibiliser. Sa dernière réplique montre qu’il ne
comprend pas la situation. Il est manipulé par son épouse et les conseillers qui prennent les décisions importantes
pour lui. La guerre est tournée en dérision : les personnages semblent préparer plus un spectacle qu’une bataille.
b. Les récits de combats et de préparation au combat ont-ils uniquement pour but de créer des figures héroïques ?
Les intérêts des scènes de guerre sont multiples pour les écrivains : il s’agit tout à la fois d’animer le récit et d’exalter
des valeurs épiques. Ainsi, Chrétien de Troyes, et plus tard Rabelais font l’éloge des héros épiques dont les
caractéristiques physiques et morales sont exceptionnelles. En ce sens, Lancelot et Frère Jean font figure de héros et
suscitent l’admiration du lecteur. Toutefois, d’autres auteurs, tels Voltaire et Jarry, traitent le thème de la guerre de façon
beaucoup plus critique et n’hésitent pas à créer des textes satiriques pour dénoncer la barbarie et la bêtise des combats.
Ainsi, le regard sur les scènes de guerre et sur l’héroïsme évolue avec le temps.
Texte 1 Homère, Iliade, chant II (viiie siècle av. J.-C), traduction de Leconte de Lisle
Dans l’Iliade, Homère interroge entre autres l’exercice du pouvoir. Dans cet extrait, le géné-
ral grec, Agamemnon, s’adresse à ses troupes.
– Ô amis ! héros Danaens1, serviteurs d’Arès, Zeus m’accable de maux terribles. L’impi-
toyable ! Autrefois il me promit que je reviendrais après avoir conquis Ilion2 aux fortes
murailles ; mais il me trompait, et voici qu’il me faut rentrer sans gloire dans Argos, ayant
perdu un grand nombre d’hommes. […] Mais voici que de nombreux alliés, habiles à lan-
5 cer la pique, s’opposent victorieusement à mon désir de renverser la citadelle populeuse de
Troie. Neuf années du grand Zeus se sont écoulées déjà, et le bois de nos nefs se corrompt,
et les cordages tombent en poussière ; et nos femmes et nos petits enfants restent en nous
attendant dans nos demeures, et la tâche est inachevée pour laquelle nous sommes venus.
Allons ! fuyons tous sur nos nefs vers la chère terre natale. Nous ne prendrons jamais la
10 grande Troie !
Il parla ainsi, et ses paroles agitèrent l’esprit de la multitude qui n’avait point assisté au
1. Héros danaens :
conseil. Et l’agora fut agitée comme les vastes flots de la mer Icarienne3 que remuent l’Eu-
Grecs. ros et le Notos4 échappés des nuées du Père Zeus, ou comme un champ d’épis que boule-
2. Ilion : Troie. verse Zéphyros qui tombe impétueusement sur la grande moisson. Telle l’agora5 était agi-
3. Mer Icarienne : mer 15 tée. Et ils se ruaient tous vers les nefs, avec des clameurs, et soulevant de leurs pieds un
au sud-est de la Grèce.
4. Euros et Notos : vents.
nuage immobile de poussière. Et ils s’exhortaient à saisir les nefs et à les traîner à la mer
5. Agora : place divine. Les cris montaient dans l’Ouranos, hâtant le départ ; et ils dégageaient les canaux
publique. et retiraient déjà les rouleaux des nefs.
26 Gargantua
aucun moyen. Si nous étions dans ces dispositions-là, il n’y aurait pour ainsi dire jamais de
5 guerre nulle part. Enfin si cette peste ne peut vraiment être évitée, que le prince s’attache,
du moins, à la faire avec un minimum d’inconvénients pour les siens, en versant le moins
possible du sang chrétien et qu’il la termine le plus vite possible. Que le prince vraiment
chrétien réfléchisse à la différence entre l’homme, né pour la paix et l’amour, et les bêtes
sauvages, nées pour la rapine1 et la guerre… Quel nom faut-il donner à l’acte de chrétiens
10 qui se déchirent entre eux, alors que tant de liens les unissent, qui font durer le massacre
pendant des années, pour une animosité personnelle, pour une sotte ambition de jeunes
1. Rapine : vol. gens ? Toute la philosophie du Christ la condamne.
Ce conquérant eut assez de génie pour humaniser une population grossière et sauvage, et
pour en former un peuple qui surpasse aujourd’hui tous les autres en civilisation. Dès que
15 la victoire l’eut rendu maître de ce pays, il fit couper un isthme de quinze mille pas, qui
le joignait au continent ; et la terre d’Abraxa devint ainsi l’île d’Utopie. Utopus employa à
l’achèvement de cette œuvre gigantesque les soldats de son armée aussi bien que les indi-
gènes, afin que ceux-ci ne regardassent pas le travail imposé par le vainqueur comme une
humiliation et un outrage. Des milliers de bras furent donc mis en mouvement, et le suc-
20 cès couronna bientôt l’entreprise. Les peuples voisins en furent frappés d’étonnement et de
terreur, eux qui au commencement avaient traité cet ouvrage de vanité et de folie.
Je voudrais seulement comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs,
tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance
que celle qu’ils lui donnent, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’en-
durer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils n’aimaient mieux tout souffrir de lui que
5 de le contredire. Chose vraiment étonnante – et pourtant si commune qu’il faut plutôt en
gémir que s’en ébahir –, de voir un million d’hommes misérablement asservis, la tête sous
1. Joug : pièce de bois le joug1, non qu’ils y soient contraints par une force majeure, mais parce qu’ils sont fas-
qui sert à atteler cinés et pour ainsi dire ensorcelés par le seul nom d’un, qu’ils ne devraient pas redouter
les bœufs ; désigne
métaphoriquement
– puisqu’il est seul – ni aimer – puisqu’il est envers eux tous inhumain et cruel. Telle est
une contrainte morale 10 pourtant la faiblesse des hommes : contraints à l’obéissance, obligés de temporiser, ils ne
ou physique. peuvent pas être toujours les plus forts.
Questions
a. Sur quel paradoxe repose ce texte ?
Dans ce passage, Étienne de La Boétie développe une thèse originale : selon lui, le peuple se soumet volontairement
au tyran, il accepte sa soumission et participe à son asservissement. La première phrase du texte exploite ce paradoxe
à travers une accumulation de termes au pluriel qui souligne la disproportion entre la masse du peuple et le pouvoir
individuel du tyran. Pourtant, la suite du texte démontre que la force du peuple n’est que « faiblesse » à partir du moment
où celui-ci accepte la violence du tyran qui s’exerce contre ses intérêts.
b. Pour quelles raisons, selon vous, la question du pouvoir intéresse-t-elle tant les écrivains humanistes ?
Les écrivains humanistes s’intéressent de près à ceux qui exercent le pouvoir aussi bien qu’à ceux qui le subissent.
L’administration de la cité détermine, en effet, la vie en société et la liberté des individus. More et Rabelais créent pour
cela une utopie, un monde idéal, qui critique en creux la société de leur temps. La Boétie déplore quant à lui le pouvoir
tyrannique et paradoxal d’un seul homme sur le peuple. Tous condamnent les abus de pouvoir et l’exercice de la violence.
Selon ces écrivains, la prise de conscience du peuple, l’extension du savoir et de l’éducation, l’investissement de chacun
dans la cité sont les conditions nécessaires à un juste exercice du pouvoir. Ainsi, les écrivains humanistes lancent un appel
à la paix, leur objectif étant de rendre les hommes meilleurs.
28 Gargantua
Étape 4 Formulez, à partir des aspects importants du texte que vous avez dégagés,
Préciser le projet de lecture une question qui mette en valeur le projet de lecture.
Étape 2 Expliquez l’extrait en suivant l’ordre du texte. Citez, analysez, interprétez le texte en
Présenter l’analyse du texte suivant la logique des mouvements du texte.
ATTENTION ! Pour que l’explication linéaire ne soit pas réduite à un catalogue de
remarques isolées, reliez chacune de vos analyses aux enjeux du mouvement
étudié. Revenez donc toujours aux titres que vous avez donnés aux différents
mouvements du texte (étape 2 du travail préparatoire).
Étape 3 Faites le bilan de votre explication en rappelant votre projet de lecture et en résu-
Conclure mant les grands mouvements du texte ainsi que ses enjeux principaux.
Proposez une ouverture en faisant un parallèle avec l’œuvre dans son ensemble, une
autre œuvre, un mouvement, un genre, un auteur, un art…
[Il faut ouvrir le livre et peser soigneusement ce qui y est traité. Alors vous admet-
trez que la matière qui y est contenue est d’une tout autre valeur que ne le promet-
tait la boîte. Il est donc évident que les matières traitées ne sont pas aussi folâtres
que le titre le laissait apparemment croire.
5 Une fois admis le fait que, dans le sens littéral1, vous trouverez des matières bien
joyeuses et conformes au titre, il ne faut pourtant pas en demeurer là, comme le
chant des sirènes vous avait séduits. Vous devez interpréter dans un sens plus élevé
ce que peut-être vous pensiez avoir été dit de simple gaieté de cœur2.] [1]
[N’avez-vous jamais débouché une bouteille ? Nom d’un chien ! Rappelez-vous la
10 contenance que vous aviez. N’avez-vous jamais vu un chien qui rencontre un os à
moelle ? Comme le dit Platon3 au Livre II de La République, c’est la bête du monde
la plus philosophe qui soit. Si vous l’avez vu, vous avez pu noter avec quel désir
impatient il le guette, avec quel soin il le garde, avec quelle ferveur il le tient, avec
quelle prudence il l’entame, avec quelle frénésie il le brise et avec quelle diligence
15 il le suce. Qu’est-ce qui le pousse à agir de la sorte ? Qu’attend-il de son projet ? À
quel bien prétend-il ? À rien de plus qu’un peu de moelle. Il est vrai que ce peu est
plus délicieux que le beaucoup de toutes les autres choses, parce que la moelle est
un aliment élaboré à la perfection par la nature, comme le dit Galien4 dans le troi-
sième livre des Facultés naturelles et au onzième de L’Usage des parties du corps.] [2]
20 [À l’exemple du chien, il vous convient d’être sages pour sentir, comprendre et
apprécier ces beaux livres de grande valeur, légers à la poursuite et hardis à l’at-
taque. Puis, par une lecture attentive et une méditation soutenue, il vous faut rompre
l’os et sucer la substantifique5 moelle, c’est-à-dire – ce que je comprends de ces sym-
boles pythagoriciens –, avec le ferme espoir de devenir avisés et courageux par cette
25 lecture. Car vous y trouverez bien d’autres goûts et une doctrine plus absconse qui
vous révélera de très hauts sacrements et des mystères horrifiques, qui concernent
tant notre religion que l’état politique et la vie économique.] [3]
Question de grammaire, p. 46
Étape 1
Notez vos premières impressions sur le texte ci-dessus.
a. Quelles sont les fonctions d’un prologue selon vous ?
Le prologue permet d’établir un premier contact avec le lecteur, de susciter son intérêt, voire de piquer sa curiosité.
Étape 2
Donnez un titre à chaque mouvement du texte en vous appuyant sur les crochets indiqués.
[1] Un avertissement sérieux au lecteur…
[2] teinté de comique…
[3] et qui fait l’éloge de la lecture.
30 Gargantua
Étape 3
1. Pour justifier le titre proposé pour le premier mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 1 à 8).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les procédés
« Il faut ouvrir le livre Injonction, présent de vérité La règle est énoncée avec beaucoup de sérieux et doit être
générale, tournure impersonnelle appliquée par le lecteur.
et peser soigneusement Complément circonstanciel
ce qui y est traité. » de manière
« vous admettrez » Interpellation du lecteur Rabelais crée un lien direct avec le lecteur, il anticipe ses réactions
par une prolepse.
grâce au pronom « vous »
et au futur
« matière », « tout autre valeur » Antithèse qui oppose le contenu Rabelais invite le lecteur à dépasser les apparences…
puis « boîte », « folâtres », et le contenant du livre
« le titre le laissait apparemment
croire », « matières bien
joyeuses »
« comme le chant des sirènes » Comparaison, référence à Le chant des sirènes renvoie à la séduction et à la
Homère (Odyssée, chant XII)
manipulation. Ce modèle de lecture doit être rejeté.
« Vous devez interpréter Nouvelle injonction et Affirmation du mode de lecture sérieux de l’œuvre.
réapparition du pronom « vous »
dans un sens plus élevé » associé au verbe « devoir »
Complément circonstanciel
de manière
Faites le bilan du premier mouvement. Le prologue sert d’avertissement au lecteur. Rabelais délivre ici un véritable mode
d’emploi pour découvrir son roman. Il s’agit d’aller au-delà d’une simple lecture distrayante.
2. Pour justifier le titre proposé pour le deuxième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 9 à 19).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les procédés
« N’avez-vous jamais débouché Multiplication de questions rhétoriques qui Réorientation inattendue du texte : le rire
viennent donner un nouveau rythme s’introduit dans le prologue.
une bouteille ? […] N’avez-vous au texte. Anaphore qui permet d’introduire deux
jamais vu un chien qui· rencontre nouveaux thèmes : la boisson et le chien
un os à moelle ? »
« Platon au Livre II de Référence sérieuse à la philosophie Rabelais use de cette référence comme
d’un argument d’autorité.
La République » de l’Antiquité Il semble ainsi inscrire son roman dans
le mouvement humaniste.
« il le guette, avec quel soin Anaphore des pronoms « il le » : Métaphore burlesque : le lecteur est présenté
il le garde, avec quelle ferveur comme le double du chien.
il le tient, avec quelle prudence le premier renvoie au chien, le deuxième Plus sérieusement, l’art de la lecture
il l’entame, avec quelle frénésie à l’os. Verbes qui miment l’action du est associé à l’art de la table : la lecture est à
il le brise et avec quelle diligence proprement parler une activité nourrissante.
il le suce » chien. Compléments circonstanciels
de manière introduits par l’anaphore
« avec quelle »
« Qu’est-ce qui le pousse à agir de la Deuxième série de questions qui relance Rabelais force le lecteur à s’interroger :
sorte ? Qu’attend-il de son projet ? l’intérêt du lecteur
À quel bien prétend-il ? » Mise en abyme de la lecture il exige de lui un effort d’interprétation
dans un texte qui doit lui-même
faire l’objet d’une interprétation.
« À rien de plus qu’un peu de Symbole et éloge de la moelle, appuyé L’objectif apparaît nettement : grâce à
la moelle, le lecteur se nourrit et grandit
moelle. », « plus délicieux », par la référence à Galien intellectuellement.
« la moelle est un aliment élaboré
à la perfection », « comme le dit
Galien »
Faites le bilan du deuxième mouvement. Rabelais introduit ici le rire et sollicite fortement le lecteur. Il exige dès le
prologue un travail d’interprétation, ce qui suppose un certain savoir.
3. Pour justifier le titre proposé pour le troisième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 20 à 27).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les procédés
« sages pour sentir, Complément circonstanciel Le mode d’emploi du livre est ainsi précisé, le but de la lecture
de but et énumération également.
comprendre et apprécier Éloge du livre
ces beaux livres de grande Retour de la métaphore filée
comique du chien qui désigne
valeur, légers à la poursuite le lecteur
et hardis à l’attaque ».
« Il vous faut rompre l’os Injonction Les effets de la lecture sont rappelés grâce à cette
Métaphoriquement, « l’os »
et sucer la substantifique renvoie au livre (contenant) métaphore comique : la lecture est une activité
moelle, […], avec le ferme et « la substantifique moelle » qui réclame d’aller au cœur du texte pour grandir
au message délivré par le livre
espoir de devenir avisés et (contenu) moralement.
Adjectifs qui renvoient
courageux par cette lecture.
à la morale
« Car vous y trouverez bien Justification du projet Rabelais semble ici faire des promesses au lecteur et annonce
d’autres goûts et une doctrine les thèmes qui seront traités. Ceux-ci constituent bien le cœur
plus absconse qui vous révélera introduite par la de la pensée humaniste.
de très hauts sacrements et conjonction de
des mystères horrifiques, qui
concernent tant notre religion coordination « car » ; usage
que l’état politique et la vie
du futur ; accumulation
économique. »
Faites le bilan du troisième mouvement. Rabelais a donc créé un pacte de lecture avec le lecteur. Il fait l’éloge de son
œuvre et affirme que rire et savoir sont indissociables.
Étape 4
Définissez votre projet de lecture.
Comment, dès ce prologue, Rabelais parvient-il à concilier plaisir et exigence pour définir la lecture ?
Étape 5
Préparez l’introduction de votre explication de texte, en suivant les étapes de la méthode (p. 29).
Gargantua est un roman composé par Rabelais au xvie siècle. Le narrateur raconte notamment l’enfance et les exploits d’un
géant. Avant d’évoquer ces épisodes, Rabelais a pris soin de rédiger un « avis aux lecteurs » ainsi qu’un prologue. Celui-ci
présente les intentions de l’auteur : il s’agit clairement de capter l’attention du lecteur. Rabelais délivre ici un véritable
mode d’emploi : le lecteur doit apprendre à apprécier le roman à venir. Nous nous demanderons donc comment, dès ce
prologue, Rabelais parvient à concilier plaisir et exigence pour définir la lecture. Dans un premier temps, l’avertissement
au lecteur semble très sérieux mais l’introduction de la métaphore du chien à partir de la ligne 8 suscite le rire. Rabelais fait
finalement une promesse au lecteur : cette œuvre l’enrichira moralement et intellectuellement.
32 Gargantua
[Pour mieux réussir, il l’introduisit dans les milieux de gens savants qui se trouvaient dans
les environs ; par émulation se développèrent en lui l’esprit ainsi que le désir d’étudier autre-
ment, tout en se mettant en valeur. Ensuite, Ponocrates le soumit à un tel rythme d’étude
que Gargantua ne perdait pas une seule heure de la journée mais qu’il consacrait tout son
5 temps aux belles-lettres et à l’honnête savoir.]
[Gargantua s’éveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu’on le frictionnait,
quelqu’un lui lisait une page des Saintes Écritures, à voix haute et claire, avec la diction adé-
quate. À cette tâche était affecté un jeune page natif de Basché, du nom d’Anagnostes1. Selon
le thème de l’argument de cette leçon, souvent Gargantua se consacrait à révérer, adorer,
10 prier et supplier le bon Dieu dont la lecture montrait la majesté et les jugements merveilleux.
Puis il se retirait aux lieux d’aisances pour se purger de ses excréments naturels. Là son
précepteur répétait ce qui avait été lu en lui expliquant les points les plus obscurs et difficiles.
Cela fait, Gargantua était habillé, peigné, coiffé, tiré à quatre épingles et parfumé. Pendant
ce temps, on lui répétait les leçons du jour précédent. Lui-même les récitait par cœur et il y
15 appliquait quelques cas pratiques, relatifs à l’être humain. Ils écoutaient parfois pendant deux
ou trois heures au moins, mais d’ordinaire, ils cessaient lorsqu’il était complètement habillé.]
[Puis, pendant trois bonnes heures, on lui faisait la lecture. Cela fait, ils sortaient, tout en
devisant sur le sujet de cette lecture. Ils se rendaient au Grand Bracque ou dans les prés, et
ils jouaient à la balle, à la paume, à la pile en triangle, ils exerçaient avec élégance leur corps,
20 comme ils avaient auparavant exercé leur esprit.
Tous leurs jeux ne se faisaient qu’en liberté car ils abandonnaient la partie quand il leur
plaisait. En règle générale, ils cessaient lorsque leurs corps étaient en sueur ou que, pour
une raison ou une autre, ils étaient las.]
1. Anagnostes : lecteur (en grec).
Questions de grammaire, p. 47 et 48
Étape 1
Notez vos premières impressions sur le texte ci-dessus.
a. Repérez les indications temporelles. Comment s’organise l’emploi du temps de Gargantua ?
Les compléments circonstanciels de temps structurent le passage : « vers quatre heures du matin », « puis », « cela fait »,
« puis ». L’emploi du temps est parfaitement structuré et respecte un déroulement précis.
b. L’éducation de Gargantua est-elle seulement intellectuelle ?
L’éducation du géant relève à la fois de l’exercice intellectuel et de l’exercice physique, de la religion et de l’hygiène
corporelle : rien ne semble négligé dans ce lourd programme.
Étape 2
Donnez un titre à chaque mouvement du texte, en vous aidant des crochets indiqués.
L. 1 à 5 : De nouveaux principes pédagogiques
L. 6 à 16 : Une éducation qui ne néglige ni l’âme, ni le corps
L. 17 à 23 : L’exercice de toutes les facultés
Étape 3
1. Pour justifier le titre proposé pour le premier mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 1 à 5).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« Pour mieux réussir, il l’introduisit dans Série de compléments L’éducation de Gargantua est corrigée : un objectif est
circonstanciels, de but, de lieu, assigné, un nouvel environnement est défini.
les milieux de gens savants. », « l’esprit de manière Cette éducation entre en rupture avec la première
ainsi que le désir d’étudier autrement » éducation reçue par Gargantua.
« un tel rythme d’étude que Gargantua Subordonnée corrélative Le nouveau précepteur de Gargantua est mis
qui exprime la conséquence
ne perdait pas une seule heure de la en valeur : il organise l’emploi du temps du
journée » géant et refuse toute oisiveté.
« il consacrait tout son temps aux belles-lettres Éloge du savoir qui associe Le contenu de l’apprentissage est enfin précisé.
et à l’honnête savoir. »
ici grands textes et morale Il renvoie au savoir défendu par les humanistes.
Faites le bilan du premier mouvement. De nouveaux principes pédagogiques sont décidés par Ponocrates. Gargantua
doit désormais les expérimenter.
2. Pour justifier le titre proposé pour le deuxième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 6 à 16).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« s’éveillait donc vers quatre Indications temporelles : la chronologie L’emploi du temps de Gargantua est parfaitement
heures », « Pendant qu’on structuré.
le frictionnait » est appuyée par la proposition De nouvelles habitudes sont mises en place.
subordonnée de temps
Verbes conjugués exclusivement
à l’imparfait
« quelqu’un lui lisait une Utilisation d’adjectifs dont le sens positif Les Saintes Écritures constituent le socle du savoir :
page des Saintes Écritures, elles doivent être comprises du géant.
à voix haute et claire, avec met en valeur les textes sacrés
la diction adéquate. »
« Anagnostes » L’onomastique de ce nom renvoie Le précepteur est mis en valeur : il lit, il fait lire
à la lecture
et enseigne la lecture. Il correspond à l’idéal
du maître humaniste. Il est un transmetteur
de savoirs.
« révérer, adorer, prier et Énumération de verbes à l’infinitif Chez les humanistes, le savoir est indissociable
supplier le bon Dieu » de la morale et de la religion.
« lieux d’aisances pour se Effet comique de la confrontation Le rire semble renvoyer au bas corporel, tandis que
purger de ses excréments le savoir et la réflexion sont à mettre en rapport avec
naturels », « en lui expliquant entre les besoins de Gargantua et la tête. Mais ici, rire et savoir sont intimement liés :
les points les plus obscurs la hauteur de la réflexion mise en Rabelais n’oppose pas le haut et le bas du corps.
et difficiles »
valeur par les superlatifs
« Cela fait » Indication temporelle Le narrateur insiste sur les étapes logiques
de l’éducation du géant : à chaque paragraphe
correspond une nouvelle étape dans son
éducation.
« habillé, peigné, coiffé, tiré à Énumération de participes passés L’hygiène corporelle est associée à l’hygiène morale.
quatre épingles et parfumé. » L’hygiène devient un signe d’humanité : Gargantua
grandit aussi dans ce sens.
« Pendant ce temps, Compléments circonstanciels Deux activités sont donc systématiquement menées de
front. Chaque moment est utile à l’éducation : il y a une
on lui répétait les leçons de temps continuité des savoirs, ce qui prouve que le savoir se
du jour précédent. » construit progressivement.
« Lui-même les récitait », Utilisation du pronom de troisième La pédagogie des nouveaux maîtres est
« il y appliquait quelques
cas pratiques » personne et de verbes qui indiquent exposée : l’élève s’approprie le savoir avant
l’organisation des apprentissages d’en vérifier l’exactitude par lui-même.
34 Gargantua
« Puis, pendant trois bonnes Le sujet « on » renvoie au maître, Les rôles sont clairement distribués : le maître
heures, on lui faisait la
lecture. » tandis que le pronom COI « lui » est entièrement disponible pour son élève.
renvoie à Gargantua Celui-ci n’est pas actif ; son attention doit
cependant être totale.
Faites le bilan du deuxième mouvement. Rien n’est laissé au hasard dans l’éducation du géant ; le programme d’éducation
particulièrement chargé semble être à la mesure de son gigantisme.
3. Pour justifier le titre proposé pour le troisième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 17 à 23).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« Cela fait, ils sortaient, tout Verbe de mouvement et Le mouvement vers l’extérieur signale une nouvelle
en devisant sur le sujet de cette
lecture. » compléments circonstanciels de étape dans le programme du géant mais l’exercice
temps et de manière intellectuel n’est pas abandonné pour autant.
« ils jouaient à la balle, à la Énumération de jeux La dimension ludique n’est pas occultée.
paume, à la pile en triangle, »
« Tous leurs jeux ne se Le lexique du jeu est associé au Le jeu et la liberté constituent d’autres
faisaient qu’en liberté car ils
abandonnaient la partie quand lexique du plaisir apprentissages mais restent associés à l’idée de
il leur plaisait. », « leurs corps l’exercice et de l’effort.
étaient en sueur », « las »
« ils exerçaient avec élégance Subordonnée circonstancielle de L’accent est ici mis sur la pratique et sur les activités ; l’élève
leur corps, comme ils avaient ne peut être passif. L’exercice de l’esprit et du corps forme
auparavant exercé leur esprit. » comparaison et polyptote du un ensemble. Rabelais reprend ainsi de Juvénal, un auteur de
verbe « exercer » l’Antiquité, le principe du mens sana in corpore sano, un esprit
sain dans un corps sain.
Faites le bilan du troisième mouvement. L’éducation se complète ici d’une dimension physique. Ainsi, l’éducation
humaniste associe tous les domaines du savoir et relie le corps et l’esprit.
Étape 4
Définissez votre projet de lecture.
Quelles sont les caractéristiques de l’éducation que Ponocrates dispense à son disciple Gargantua ?
Étape 5
Préparez la présentation du premier mouvement de votre explication de texte, en suivant les étapes
de la méthode (p. 29).
Le nouveau programme éducatif de Gargantua est pensé et établi par Ponocrates. Celui-ci est chargé d’orienter le géant,
de l’aider à se construire un savoir humaniste, ce qui suppose de rompre avec les mauvaises habitudes prises autrefois
par le géant. Ainsi, dès le début de l’extrait, les compléments circonstanciels « Pour mieux réussir », « dans les milieux
de gens savants », « étudier autrement » viennent corriger la première éducation reçue par Gargantua. Un objectif est
assigné, un nouvel environnement est défini. Les phrases qui suivent mettent en valeur le rôle du précepteur humaniste ;
il est chargé d’organiser l’emploi du temps du géant, comme le montre la subordonnée corrélative : « Ponocrates le
soumit à un tel rythme d’étude que Gargantua ne perdait pas une seule heure de la journée. » Le lecteur comprend que
le précepteur nourrit des ambitions pour son élève et celles-ci correspondent bien à la taille du géant. Le programme est
enfin précisé grâce à la proposition : « il consacrait tout son temps aux belles-lettres et à l’honnête savoir ». Cet éloge du
savoir est parfaitement conforme aux principes de l’humanisme qui postule que l’éducation est un moyen de s’accomplir
intellectuellement et moralement.
[Leur vie tout entière était organisée non par des lois, des statuts ou des règles, mais selon
leur volonté et leur libre arbitre. Ils se levaient quand bon leur semblait. Ils buvaient, man-
geaient, travaillaient, dormaient quand le désir leur en venait. Nul ne les éveillait, nul ne les
forçait à boire, ni à manger, ni à faire quoi que ce soit. Ainsi l’avait établi Gargantua. Dans
5 leur règlement, il ne se trouvait qu’une clause : Fais ce que tu voudras.]
[En effet, les gens libres, bien nés, bien éduqués, conversant dans des compagnies hon-
nêtes, ont par nature un instinct et un aiguillon qui les pousse toujours à agir vertueuse-
ment et les détourne du vice : ils l’appelaient l’honneur. Quand ils sont abaissés et asservis
par des sujétions et des contraintes viles, ils détournent ce noble instinct, par lequel ils ten-
10 daient librement à la vertu, afin de dominer et contrecarrer ce joug de la servitude. En effet,
nous entreprenons toujours des actions défendues et nous convoitons ce qui nous est interdit.
Grâce à cette liberté, les Thélémites entrèrent dans la louable émulation de faire tous ce
qu’à un seul ils voyaient plaire. Si l’un ou l’une disait « buvons », tous buvaient. Si un autre
disait « jouons », tous jouaient. Si un autre disait « allons nous promener dans les champs »,
15 tous y allaient. […]
Ils avaient été si noblement instruits qu’il n’y avait personne parmi eux, homme ou femme,
qui ne sût lire, écrire, chanter, jouer d’instruments harmonieux, parler cinq ou six langues et
composer avec celles-ci des chansons en vers aussi bien qu’en prose.][…]
[Quand le temps de quitter l’abbaye était venu pour l’un d’entre eux, soit à la demande
20 de ses parents, soit pour d’autres raisons, il emmenait avec lui sa dame, celle qui l’avait pris
pour son amoureux, et ils étaient mariés ensemble. Et s’ils avaient bien vécu à Thélème
dans le dévouement et l’amitié, ils continuaient de la sorte, et encore mieux d’ailleurs, pen-
dant leur mariage. Ainsi s’entraimaient-ils à la fin de leurs jours autant qu’au premier jour
de leurs noces.]
Question de grammaire, p. 45
Étape 1
Notez vos premières impressions sur le texte ci-dessus.
a. En quoi l’abbaye de Thélème constitue-t-elle un idéal ?
L’abbaye de Thélème paraît constituer un idéal utopique : situé à la fin du roman, ce passage évoque les conditions de vie
parfaites des Thélémites. Il semble que Rabelais profite de ce moment pour diffuser ses idéaux humanistes.
b. En quoi le mode de vie des Thélémites est-il original ? Que doivent respecter les moines des abbayes traditionnelles ?
L’abbaye de Thélème se définit par opposition aux règles habituelles de la vie monastique : une abbaye est normalement
un lieu clos où vivent des moines qui se consacrent à la lecture et l’étude des Saintes Écritures. Les moines prononcent
trois vœux : le vœu de chasteté, le vœu d’obéissance et le vœu de pauvreté.
Étape 2
1. À l’aide de crochets, indiquez les mouvements du texte.
2. Donnez un titre à chacun des mouvements que vous avez délimités.
L. 1 à 5 : Un mode de vie idéal L. 6 à 18 : Des valeurs idéales L. 19 à 24 : Un idéal amoureux
Étape 3
1. Pour justifier le titre proposé pour le premier mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires ( l. 1 à 5 ).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« non par des lois, des statuts Énumération et antithèse qui Le mode de vie des Thélémites repose d’abord et avant tout
oppose un cadre contraignant sur la liberté, ce qui peut sembler paradoxal pour une abbaye.
ou des règles mais selon leur à la liberté Étymologiquement, le nom de Thélème signifie « libre volonté ».
volonté et leur libre arbitre »
36 Gargantua
« Ils se levaient quand bon leur Énumération de verbes à Les contours d’une vie heureuse et équilibrée sont ici définis :
semblait. Ils buvaient, mangeaient, ils s’écartent de ceux d’une abbaye traditionnelle : ce n’est pas
travaillaient, dormaient quand le l’imparfait le travail ou la prière qui guide la vie des Thélémites.
désir leur en venait » + parallélisme de Le mode de vie des Thélémites repose sur la quête du Bien
et la satisfaction des désirs.
construction
« Nul ne », « nul ne », « ni », « ni » Multiplication des Rejet de tout autre mode de vie que celui des
négations Thélémites : la règle est totalement niée au nom
de la liberté.
« Ainsi l’avait établi Gargantua » Phrase simple qui met en Le rôle majeur de Gargantua est souligné : il incarne le modèle
du bon prince.
valeur le sujet
« Fais ce que tu voudras » Formule paradoxale : Le paradoxe revient à adopter librement cette
l’impératif et le verbe règle du refus de la règle. Cette devise s’oppose aux
« vouloir » s’entrechoquent commandements de la religion.
Faites le bilan du premier mouvement. Le principe majeur de l’abbaye de Thélème est clairement exposé : contrairement
à toute autre abbaye, les habitants y vivent librement. La liberté est le principe fondamental qui régit toute la vie en
communauté.
2. Pour justifier le titre proposé pour le deuxième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires ( l. 6 à 18 ).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« les gens libres, bien nés, Importance du lexique de la morale Le narrateur expose la vie en communauté et met en
par rapport à celui du mal
bien éduqués » Mise en valeur du thème par valeur la dynamique humaniste qui va du savoir à la
« un instinct et un l’adverbe d’intensité « bien » sagesse. « L’honneur » est le symbole de cette grande
qui est répété
aiguillon », « vertueusement élévation morale. La morale naturelle de Thélème ne
et les détourne du vice », semble pourtant accessible qu’aux « gens libres et
« l’honneur » bien nés », c’est-à-dire aux nobles. Ses principes ne
pourraient donc s’appliquer qu’à une certaine élite.
« Quand ils sont abaissés Importance du lexique de Le refus de la règle va jusqu’à la lutte contre une éventuelle
et asservis par des sujétions oppression. Tous ces éléments réaffirment la volonté absolue
et des contraintes viles, ils l’assujettissement connoté des Thélémites de conserver et promouvoir leur liberté.
détournent ce noble instinct, négativement et qui vient La liberté est associée au thème du Bien : le vœu d’obéissance est
par lequel ils tendaient librement rejeté. Mais une obligation apparaît : ne pas empiéter sur
à la vertu, afin de dominer s’opposer par antithèse au les droits de ses semblables. Ce sont l’exercice du pouvoir
et contrecarrer ce joug et l’esprit de justice qui sont ici interrogés.
lexique de la liberté connoté
de la servitude. »
positivement. Image du joug
qui symbolise cet
asservissement.
« En effet, nous entreprenons Connecteur logique Le propos est explicité et généralisé. Rabelais évoque ici une
toujours des actions défendues situation paradoxale : l’homme en veut toujours plus. D’un point
et nous convoitons ce qui nous Usage du pronom « nous » de vue philosophique, on comprend que la liberté n’est jamais
est interdit. » Apparition de l’adverbe définitivement acquise. Rabelais défend ici la liberté, mais il met
aussi en garde contre les menaces qui pourraient la mettre
« toujours » en danger.
Présent de vérité générale
« Si l’un ou l’une disait Parallélisme de construction : Le règne de la bonne humeur et de la bonne entente renvoie à
une forme d’épicurisme. La vie à Thélème se caractérise par des
“buvons”, tous buvaient. usage répété de la proposition élans symétriques : la cohérence est totale, l’accord entre les
Si un autre disait “jouons”, subordonnée hypothétique habitants parfait.
Les activités sont réduites aux seuls plaisirs : l’utopie est
tous jouaient. Si un autre suivie d’une proposition manifeste. Étymologiquement, le nom « utopie » renvoie à un
lieu parfait qui n’existe pas.
disait “allons principale, verbes utilisés en
L’individu appartient à la communauté et s’y épanouit
nous promener dans les polyptote parfaitement. L’individu se met au service de la communauté
pour son bien. Un idéal humain est ici défini.
champs”, tous y allaient. » Les sujets passent du singulier
au pluriel
« lire, écrire, chanter, jouer Énumération de verbes à Le savoir et la culture constituent le cœur de la vie
d’instruments harmonieux, parler
cinq ou six langues et composer l’infinitif qui renvoient à des Thélémites. En écho avec la deuxième éducation
[…] des chansons » des pratiques intellectuelles de Gargantua, cette page développe un idéal
et culturelles d’éducation intellectuelle et culturelle. L’abbaye de
Thélème est un concentré du royaume idéal.
Faites le bilan du deuxième mouvement. À travers les Thélémites, Rabelais défend un idéal humaniste, fait de savoirs
et d’harmonie. Il défend une conception libre et optimiste de la nature humaine, ouverte au savoir et à la culture.
3. Pour justifier le titre proposé pour le troisième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires ( l. 19 à 24 ).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« Quand le temps de quitter Proposition subordonnée La liberté des Thélémites est totale : elle s’affirme
l’abbaye était venu pour l’un
d’entre eux » circonstancielle de temps qui même dans le fait de vivre ailleurs et autrement.
annonce une nouvelle étape
Verbe de mouvement
« il emmenait avec lui sa Lexique de l’amour Là encore, Thélème se distingue des abbayes ordinaires :
dame, […] leurs noces. » hommes et femmes se côtoient. Le vœu de chasteté
Lexique qui renvoie à l’unité et n’existe plus. Mieux, l’amour est présenté comme une forme
à la pérennité du couple d’accomplissement ultime. Rabelais propose une vision
idéalisée de l’amour et du mariage.
Faites le bilan du troisième mouvement. Rabelais propose ici un éloge de l’amour, conçu comme l’accomplissement
ultime pour les Thélémites.
Étape 4
Définissez votre projet de lecture.
En quoi l’abbaye de Thélème constitue-t-elle un idéal ?
Étape 5
Préparez la conclusion de votre explication de texte, en suivant les étapes de la méthode (p. 29).
En définitive, le dénouement de Gargantua correspond bien à un idéal humaniste vers lequel tend tout le roman de
Rabelais. En effet, le narrateur décrit ici un monde libre, où l’éducation tient une place majeure et où la vie en communauté
semble parfaite. Ainsi, l’abbaye de Thélème renvoie l’image d’un monde social, intellectuel et humain parfait qui conduit à
l’éloge des valeurs humanistes : l’éducation, la tolérance et la paix. Il pourrait constituer une sorte d’horizon pour le lecteur
qui ne doit cependant pas oublier qu’il s’agit ici d’une utopie, d’un monde certes idéal, mais purement imaginaire. Sur ce
point en particulier, Rabelais a pu s’inspirer du récit de Thomas More intitulé justement Utopia.
38 Gargantua
Candide est un conte philosophique composé par Voltaire en 1759. Le philosophe des Lumières
a recours à la fiction pour transmettre ses idées et échapper à la censure. Dans le chapitre 3,
Candide, le héros éponyme quelque peu naïf, assiste au spectacle de la guerre. Voltaire uti-
lise cet épisode pour dénoncer de façon ironique les atrocités des guerres qui font rage à son
époque. Il fait évoluer son personnage au gré de cette aventure.
[Rien n’était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trom-
pettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu’il
n’y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d’abord à peu près six mille hommes de
chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille
5 coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort
de quelques milliers d’hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille
âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu’il put pendant
cette boucherie héroïque.] [1]
[Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum1, chacun dans son camp, il
10 prit le parti d’aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de
morts et de mourants, et gagna d’abord un village voisin ; il était en cendres : c’était un vil-
lage abare2 que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards
criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à
leurs mamelles sanglantes ; là des filles, éventrées après avoir assouvi les besoins naturels
15 de quelques héros, rendaient les derniers soupirs ; d’autres, à demi brûlées, criaient qu’on
achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras
et de jambes coupés.] [2]
[Candide s’enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des
héros abares l’avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres pal-
20 pitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques
petites provisions dans son bissac3, et n’oubliant jamais Mlle Cunégonde4.] [3]
Voltaire, Candide, chapitre 3, 1759.
1. Te Deum : chants religieux.
2. Abare : peuple mongol.
3. Bissac : sacoche comprenant deux poches.
4. Cunégonde : cousine et amoureuse de Candide qu’il a dû quitter.
Étape 1
Notez vos premières impressions sur le texte ci-dessus.
a. Comment le personnage de Candide perçoit-il la guerre ?
Pour Candide, la guerre est d’abord un magnifique spectacle. Ses sens – en particulier la vue et l’ouïe – sont en éveil.
Étape 2
Donnez un titre à chaque mouvement du texte en vous aidant des crochets indiqués.
[1] Un spectacle grandiose
[2] La découverte des atrocités liées à la guerre
[3] La fuite finale de Candide
Étape 3
1. Pour justifier le titre proposé pour le premier mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires
du premier paragraphe.
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« si beau, si leste, si brillant, si bien Énumération d’adjectifs Regard plein d’admiration, beauté de la guerre.
mélioratifs accentuée par
ordonné » l’adverbe « si » et l’anaphore
« Les trompettes, les fifres, les hautbois, les Énumération La guerre est aussi un concert. L’éloge ironique de la guerre
tambours, les canons » se poursuit.
désordonnée
d’instruments de
musique donnant
une impression
de cacophonie
mais concourant à
« l’harmonie »
« Les canons renversèrent six mille Personnification des armes Candide est un spectateur émerveillé de la guerre.
hommes » ; « la mousqueterie ôta […] qui deviennent le sujet de
environ neuf à dix mille coquins », « La verbes d’action Pourtant, les victimes sont nombreuses et comme
baïonnette fut aussi la raison suffisante de Elles sont associées à la mort désincarnées. Les armes ont pris le pouvoir sur les
la mort de quelques milliers d’hommes », Aspect comptable de la
« trentaine de mille âmes » guerre hommes.
« Candide qui tremblait comme un Comparaison ironique Candide est un spectateur lâche de la guerre.
philosophe »
Voltaire se moque aussi de lui-même et des
philosophes. Il fait preuve d’autodérision.
« boucherie héroïque » Oxymore ironique qui Tout le texte peut être lu à travers ce paradoxe qui oblige le
oppose barbarie et héroïsme lecteur à revoir son point de vue sur la guerre.
Faites le bilan du premier mouvement. La scène est perçue du point de vue de Candide. Il admire la grandeur de la guerre
et sa morale… mais seulement de loin ! Son apprentissage fait d’admiration et de peur est paradoxal. Le lecteur perçoit déjà
l’ironie cruelle de cet épisode.
2. Pour justifier le titre proposé pour le deuxième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires du deuxième
paragraphe.
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« les deux rois faisaient chanter Ironie Critique du pouvoir royal et du pouvoir religieux :
les rois ne participent que de loin à la guerre. L’un et l’autre
des Te Deum » remercient Dieu de la même façon pour les morts
qu’ils ont provoquées. L’ironie est féroce.
« il prit le parti d’aller raisonner ailleurs » Euphémisme : le narrateur Candide fuit le champ de bataille : cette fuite va lui
cache en partie la peur
de Candide permettre de découvrir l’absurdité de la guerre.
Il fait preuve d’ironie
« vieillards criblés de coups, femmes Énumération pathétique La violence absolue de la guerre aboutit à une dégradation
égorgées, mamelles sanglantes, générale du monde.
filles éventrées » et au pluriel des
victimes de la bataille ;
vocabulaire très réaliste
40 Gargantua
« quelques héros rendaient les Antiphrase et litote L’héroïsme guerrier n’est que barbarie : le modèle du héros
ironiques dont le but est de épique est sapé par le narrateur.
derniers soupirs » désacraliser les « héros »
« cervelles, bras, jambes coupés » Champ lexical des Candide ne perçoit plus des humains mais une
membres du corps humanité mise en morceaux. La guerre détruit
l’humanité.
Faites le bilan du deuxième mouvement. Dans ce deuxième paragraphe, on glisse d’une vision militaire et comptable de
la guerre à un point de vue plus humain et compatissant. Candide perd sa naïveté face à l’horreur des massacres. On observe
également un renversement de valeurs : autrefois, les « héros » se battaient pour l’honneur. Ici, la violence l’emporte sur tout et
menace l’existence du monde.
3. Pour justifier le titre proposé pour le troisième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires du troisième
paragraphe.
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« Candide s’enfuit au plus vite dans un autre Verbes d’action utilisés Candide n’attaque pas, il recule ! Il n’est pas un héros épique.
village », « Candide, toujours marchant » Sa fuite est cependant nécessaire pour sa survie.
de façon ironique.
« Bulgares » et « héros abares » Sonorités proches La barbarie et la bêtise s’observent bien à parts égales dans
les deux camps. Candide comprend que la guerre est
qui rappellent le nom néfaste.
« barbares ».
Le nom « héros » est
une antiphrase.
Faites le bilan du troisième mouvement. Candide est capable de prendre du recul au sens propre et au sens figuré :
la condamnation de la guerre est définitive.
Étape 4
Définissez votre projet de lecture.
Comment, dans ce texte aux accents ironiques, Voltaire réussit-il à condamner les horreurs de la guerre ?
Étape 5
Préparez la présentation de votre explication de texte du premier mouvement, en suivant les étapes
de la méthode (p. 29).
Le texte s’ouvre sur un spectacle grandiose : les énumérations des première et deuxième phrases mettent en
évidence l’émerveillement de Candide. L’ironie n’est toutefois pas absente : l’éloge de la guerre est à comprendre en réalité
comme un blâme, ce qu’illustrent bien l’énumération désordonnée des instruments de musique et la cacophonie qui en
découle. Le regard de Candide se penche ensuite sur les armes. Elles sont personnifiées et deviennent le sujet de verbes
d’action. Cela montre qu’elles ont pris le pouvoir sur les hommes. Face aux nombreuses victimes, l’attitude de Candide
« qui tremblait comme un philosophe » change du tout au tout. Voltaire se moque aussi bien de son personnage que des
philosophes et fait preuve d’autodérision. L’oxymore ironique « boucherie héroïque » vient clore ce premier mouvement
et oblige ainsi le lecteur à revoir son point de vue sur la guerre.
Montaigne est un humaniste du xvie siècle : retiré dans sa bibliothèque, il traite de sujets
très variés dans ses Essais et réfléchit notamment à son rapport aux livres.
[J’aimerais avoir une meilleure compréhension des choses, mais je ne veux pas en payer
le prix. Ce que je veux, c’est passer tranquillement, et non laborieusement, ce qui me reste
à vivre. Il n’est rien qui mérite que je me casse la tête, même pas la science, aussi impor-
tante qu’elle soit. Je ne cherche dans les livres qu’à y prendre le plaisir, par une honnête
5 distraction. Et si j’étudie, ce n’est que pour y chercher la science qui traite de la connais-
sance1 de moi-même, et qui m’instruise à bien mourir et à bien vivre.
Voilà le but vers lequel doit courir mon cheval en sueur.
[Properce2, Élégies amoureuses - Cynthia IV, 1, v. 70]
Si je rencontre des difficultés en lisant, je ne m’en ronge pas les ongles : je les laisse
10 où elles sont, après les avoir attaquées une fois ou deux. Si je restais planté là, je m’y
perdrais et j’y perdrais mon temps ; car j’ai un esprit primesautier, et ce que je ne vois
pas du premier coup, je le vois encore moins si je m’y obstine. Je ne fais rien si ce n’est
gaiement : l’obstination et la tension trop forte étourdissent mon jugement, le rendent
malheureux, et finalement le lassent. Ma vue se brouille, et se perd. Il faut que je la porte
15 ailleurs et que je l’y remette. […]] [1]
[Si tel livre m’ennuie, j’en prends un autre, et ne m’y replonge que dans les moments
où l’ennui de ne rien faire me prend. Je ne suis pas très attiré par les livres récents, car
ceux des Anciens me semblent plus pleins et plus solides, ni par ceux des Grecs, parce
que mon jugement ne peut s’exercer vraiment quand ma compréhension demeure celle
20 d’un enfant et d’un apprenti3.
Parmi les livres simplement agréables, je trouve chez les modernes : le Décaméron de
Boccace4, Rabelais et les Baisers de Jean Second5 (si on peut les mettre dans cette caté-
gorie) méritent qu’on y consacre un peu de temps. […]] [2]
[Je donne librement mon avis sur toutes choses, et même à l’occasion sur celles qui
25 sont au-delà de ce que je sais, et sur lesquelles je ne prétends nullement avoir de l’au-
torité. Ce que je dis à leur propos, c’est pour montrer la largeur de mes vues, et non la
mesure des choses.] [3]
Montaigne, Essais, II ; « Des livres », 10 (1580), traduit en français moderne par Guy de Pernon.
1. Connaissance : science.
2. Properce : poète latin du ier siècle av. J.-C.
3. Apprenti : Montaigne maîtrise parfaitement le latin mais pas le grec.
4. Boccace : écrivain italien (1313-1375), auteur du Décaméron, recueil de cent nouvelles, regroupées en
dix journées.
5. Jean Second : poète célèbre pour ses Baisers, imités de Catulle, poète de l’Antiquité.
Étape 1
Notez vos premières impressions sur le texte ci-dessus.
a. En quoi peut-on parler ici d’un texte personnel ?
Montaigne livre un regard personnel : il utilise le pronom « je » et réfléchit à son rapport à la lecture. Il est à la fois l’auteur,
le narrateur et le personnage de ce texte.
b. Qu’est-ce qui fait la richesse de ce texte selon vous ?
Le point de vue que Montaigne donne sur les livres est exposé avec beaucoup de sincérité : certes Montaigne fait l’éloge
de la lecture mais il évoque aussi ses propres limites.
Étape 2
Donnez un titre à chaque mouvement du texte, en vous aidant des crochets indiqués.
[1] L’autoportrait d’un lecteur humaniste
[2] Les goûts littéraires de Montaigne
[3] Un regard humaniste et humble sur la lecture et l’écriture
42 Gargantua
Étape 3
1. Pour justifier le titre proposé pour le premier mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 1 à 15).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« J’aimerais […] je ne veux pas […] Utilisation des pronoms de la Montaigne s’interroge, il réfléchit sur lui-même et
1re personne, parfois en fonction sur son savoir. Par nature, cette réflexion renvoie donc
ce qui me reste à vivre » de sujet, parfois en fonction à l’humanisme, à l’injonction de se constituer
de COD un savoir personnel.
« J’aimerais avoir une meilleure Opposition entre le conditionnel Montaigne souligne les limites de sa quête de savoir :
compréhension des choses, mais et le présent il refuse de lire des ouvrages pénibles ou ennuyeux.
je ne veux pas en payer le prix. Ce que Usage de la conjonction de C’est un épicurien pour qui le plaisir est une valeur
je veux, c’est passer tranquillement, coordination « mais » qui se situe importante.
et non laborieusement, ce qui me reste au milieu de la phrase et crée
à vivre. » une ligne de rupture
Métaphore « en payer le prix »
Antithèse entre les adverbes
« tranquillement » et
« laborieusement »
« prendre le plaisir », « honnête Opposition entre les deux Montaigne développe un regard ambivalent sur la lecture :
le plaisir de la lecture est lié à une dimension morale tandis
distraction », « je me casse la tête » propositions : elles sont que la lecture pénible présente des effets physiquement
pourtant toutes deux indésirables.
associées à la lecture
« pour y chercher la science qui traite Complément circonstanciel La dimension morale de la lecture est affirmée. Le but
de la connaissance de moi-même, assigné à la lecture est double : elle accompagne chacun
et qui m’instruise à bien mourir et de but introduit par la tout au long de sa vie et amène à réfléchir sur sa condition
à bien vivre. » préposition « pour » de mortel.
Présence importante
du lexique du savoir
Antithèse entre les infinitifs
« bien mourir » et « bien
vivre »
« Voilà le but vers lequel doit courir mon Citation de Properce qui Cette citation rappelle le fonctionnement très
cheval en sueur » vient confirmer le propos
de Montaigne libre des Essais : Montaigne insère des références,
réfléchit avec des auteurs. Il entretient un dialogue
avec les auteurs de l’Antiquité malgré les siècles qui
les séparent.
« Je ne fais rien si ce n’est gaiement » Double négation Montaigne affirme sa quête ultime à travers la
lecture : le plaisir. Il montre qu’il est un lecteur libre.
« je me casse la tête », « je ne m’en Expressions qui montrent Le point de vue de Montaigne sur la lecture est donc nuancé.
ronge pas les ongles », « ma vue que la lecture peut
se brouille » présenter des effets
physiquement indésirables
Faites le bilan du premier mouvement. Dans cette première partie du texte, Montaigne fait un portrait sincère de ses
goûts. Il cherche à mieux se connaître à travers les livres à condition de trouver du plaisir à la lecture. Il rappelle également la
fonction essentielle de la lecture : la lecture humanise l’homme.
2. Pour justifier le titre proposé pour le deuxième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 16 à 23).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« Si tel livre m’ennuie, j’en prends Introduction d’exemples grâce à la Montaigne expose ses goûts : il se présente
un autre […] Je ne suis pas très proposition subordonnée circonstancielle
attiré par les livres récents » d’hypothèse comme un lecteur libre. Il s’apprête à
Lexique péjoratif et négation comparer ses lectures.
Verbe de mouvement « prends » associé
au pronom « je »
« car ceux des Anciens me Proposition coordonnée introduite par « car ». Les lectures de l’Antiquité l’emportent
Comparaison entre les « livres récents » et
semblent plus pleins et plus « ceux des Anciens » : les adjectifs mélioratifs largement sur les autres lectures : Montaigne
solides » font l’éloge des œuvres de l’Antiquité est bien un lecteur humaniste en ce sens.
Montaigne défend un héritage sur lequel
reposent toutes les valeurs des humanistes.
« ceux des Grecs », « mon Introduction d’autres exemples La connaissance limitée du grec empêche l’auteur
jugement ne peut s’exercer d’apprécier ces œuvres. La lecture suppose une
vraiment », « un enfant », Négation connaissance intime de la langue : on doit pouvoir
« un apprenti » Comparaisons qui insistent sur les lire une langue dans le texte pour prétendre dire
qu’on la comprend.
connaissances limitées de Montaigne
« Boccace, Rabelais, Énumération d’auteurs contemporains Une hiérarchie littéraire se met en place.
Montaigne fait référence à d’autres auteurs
Jean Second », « les livres de Montaigne. Les œuvres sont moins humanistes qui partagent ses convictions :
simplement agréables », associées au lexique des études qu’au une communauté humaniste de lecteurs
et d’auteurs est ainsi créée.
« un peu de temps » lexique du plaisir
Faites le bilan du deuxième mouvement. Montaigne établit une hiérarchie dans les œuvres : celles de l’Antiquité
lui semblent plus consistantes que les œuvres contemporaines, auxquelles il reconnaît de l’agrément.
3. Pour justifier le titre proposé pour le troisième mouvement (étape 2), analysez les procédés littéraires (l. 24 à 27).
Relevez des citations Analysez les procédés Interprétez les effets
« Je donne librement mon avis » Adverbe, complément circonstanciel La lecture l’humanise et l’aide à se forger un esprit
de manière critique.
« sur toutes choses », « celles qui sont Expressions qui ouvrent Montaigne confirme que la lecture libère
au-delà de ce que je sais »
l’horizon du jugement l’individu.
« je ne prétends nullement avoir Adverbe, complément Sa posture face aux livres reste marquée par
de l’autorité. Ce que je dis à leur propos, l’humilité. Montaigne montre qu’il est un homme
c’est pour montrer la largeur de mes circonstanciel de manière curieux et ouvert au savoir.
vues, et non la mesure des choses » Complément circonstanciel
de but
Faites le bilan du troisième mouvement : Montaigne élargit sa réflexion : il ne se présente plus seulement comme un
lecteur mais comme un lecteur que la fréquentation des œuvres enrichit intellectuellement.
Étape 4
Définissez votre projet de lecture.
Comment ce texte permet-il à Montaigne de définir son identité de lecteur ?
44 Gargantua
La négation
1. La négation s’exprime par le lexique ou la syntaxe.
La négation syntaxique se construit le plus souvent en deux parties :
l’adverbe de négation ne + un adverbe (pas, guère, jamais, plus, point…)
+ un pronom (rien, personne, aucun, nul…)
2. La négation lexicale s’exprime à travers des mots tels que les antonymes
(soigné/négligé ; stable/bancal…) et les préfixes privatifs -in, -im, -des, -dé.
3. La négation varie selon le niveau de langue.
– En langage familier, l’adverbe de négation ne peut disparaître.
Ex. : C’est pas moi.
– En langage soutenu :
– le ne seul porte la négation.
Ex. : Je ne sais quoi.
– le ne est privé de son sens négatif. On parle alors de négation explétive.
Ex. : Je partirai avant qu’il ne vienne = Je partirai avant qu’il vienne.
4. La valeur de la négation : la négation peut être totale ou partielle.
5. La négation restrictive construite avec l’adverbe de négation ne + que
sert à exclure un élément de la négation seulement. Il ne s’agit pas
à proprement parler d’une négation, mais d’une affirmation.
Ex. : Je ne peux venir que le lundi. = Je peux venir seulement le lundi.
L’interrogation
1. L’interrogation directe se termine par un point d’interrogation.
Selon le niveau de langue utilisé, ou l’effet recherché :
– elle suit la même construction qu’une phrase déclarative. Tu as compris ?
– elle est introduite par la locution interrogative « est-ce que » :
Est-ce que tu as compris ?
– elle provoque une inversion du verbe et du sujet : As-tu compris ?
Cet élève a-t-il compris ?
– elle est introduite par un mot interrogatif :
– un pronom, Qui est là ? Que disent-elles ? Que veux-tu ?
– un déterminant, Quelle couleur préfères-tu ?
– un adjectif, Quel est ton but ?
– un adverbe, pourquoi, quand, comment, combien...
2. L’interrogation indirecte est une proposition subordonnée amenée
par une principale qui comporte un verbe introducteur (se demander,
ignorer, ne pas savoir...) et un mot introducteur (si, où, quand, qui, comment...).
Elle n’entraîne pas par elle-même de point d’interrogation. Elle ne permet pas
l’inversion du sujet. Elle me demande si j’ai compris.
3. L’interrogation totale appelle une réponse par oui ou par non.
4. L’interrogation partielle porte sur une partie de la phrase et ne peut pas
obtenir une réponse par oui ou par non. Qu’as-tu compris ?
5. Une question peut avoir différentes valeurs.
– Valeur informative. Quel âge as-tu ?
– Valeur de confirmation, Tu penses vraiment que je peux y aller ?
ou de reproche. Ne me dis pas que tu as oublié son anniversaire ?
– Valeur argumentative : la question rhétorique permet d’interpeller
son interlocuteur, de l’obliger à se prononcer, mais n’attend pas de réponse.
2. Précisez s’il s’agit d’interrogations totales ou partielles. Ces interrogations sont totales.
46 Gargantua
Question Analysez la proposition subordonnée conjonctive circonstancielle dans cette phrase (texte p. 33).
[Pendant qu’on le frictionnait], quelqu’un lui lisait une page des Saintes Écritures, à voix haute et claire,
avec la diction adéquate.
1. Mettez en évidence la structure syntaxique de cette phrase complexe : surlignez les verbes conjugués,
mettez la proposition subordonnée entre crochets et soulignez le subordonnant.
b Comment expliquez-vous que le verbe « avaient exercé » ne soit pas conjugué au même temps
que les autres verbes de la phrase ?
Ce temps verbal exprime ici l’antériorité, ce que confirme l’adverbe « auparavant ».
Grâce à ce temps verbal, on fait référence à un fait passé antérieur à un autre fait qui est passé lui aussi.
48 Gargantua
Qu’attend-on de vous ?
Pour la présentation de l’œuvre, on attend :
– que votre présentation témoigne d’une bonne lecture de l’œuvre,
– que vous proposiez une approche personnelle de l’œuvre montrant votre sensibilité littéraire,
– que vous donniez envie de lire l’œuvre à qui ne l’aurait pas lue.
Pour l’échange avec l’examinateur, on attend :
– que vous vous montriez capable d’approfondir certains points de votre présentation,
– que vous soyez réactif(ve) aux questions en répondant avec dynamisme et vivacité,
– que vous vous montriez ouvert(e) au dialogue en engageant une discussion intelligente
et pertinente avec l’examinateur.
S’entraîner à l’entretien
Écoutez l’exemple de présentation ci-joint.
Entraînez-vous à plusieurs reprises avec un(e) camarade qui joue le rôle de l’examinateur.
Demandez à votre camarade d’évaluer chaque fois votre présentation avec la grille ci-dessous.
Entraînements n° 1 n° 2 n° 3 n° 4 n° 5
Qualité de l’expression et de la prise de parole
Qualité des connaissances
Qualité de l’argumentation
Respect du temps de parole
(A) = très satisfaisant (B) = satisfaisant (C) = insuffisant (D) = très insuffisant
Auteur : François Rabelais mais le roman est publié sous l’acronyme Alcofribas Nasier.
Titre de l’œuvre et année de publication : Gargantua, 1534.
Genre littéraire : roman qui se compose de 58 chapitres. Rabelais reprend la structure traditionnelle des romans
de chevalerie et en fait la parodie.
Contexte historique de création de l’œuvre : Gargantua est composé dans les années 1530, à un moment où
se développent la Renaissance et l’humanisme.
Thème principal de l’œuvre : Gargantua, le héros éponyme du roman, vit de multiples aventures. Celles-ci sont
souvent traitées sous un jour comique, mais n’empêchent pas Rabelais de développer une réflexion sérieuse sur
les thèmes de l’éducation, du pouvoir, de la liberté.
a. Indiquez quel personnage du roman vous a le plus plu et marqué(e). Expliquez ce choix à l’aide d’exemples précis.
Le personnage qui m’a le plus plu et le plus marqué(e) est Réponse libre. parce que Réponse libre.
b. Quel personnage secondaire permet de mettre en valeur votre personnage préféré ? Donnez un exemple précis.
Le personnage secondaire qui met le plus en valeur Réponse libre. est Réponse libre. parce que Réponse
libre.
c. Quels passages de l’œuvre peuvent nous faire réfléchir sur la société actuelle d’après vous ?
Réponse libre.
50 Gargantua
Étape 4 Le plan doit être constitué de deux ou trois parties, elles-mêmes divisées
Élaborer un plan en deux ou trois sous-parties.
en classant les arguments Chaque sous-partie doit être développée et s’appuyer sur un ou deux exemples
précis.
Classez vos idées de la plus simple à la plus compliquée.
Étape 6 1. Bilan : commencez par un connecteur (Enfin, Ainsi, Pour conclure…) et résumez
Préparer la conclusion en quelques phrases synthétiques les deux ou trois grandes parties de votre devoir
pour répondre à la problématique.
2. Ouverture : mettez en lien le sujet avec une autre œuvre, un autre auteur,
un autre art…
Appuyez-vous sur le travail que vous avez effectué dans le cadre du parcours
associé.
Étape 1
a. Soulignez tous les mots clés du sujet.
b. Sur quoi repose l’interrogation ?
La question porte sur les fonctions du rire dans l’œuvre. Ainsi, au-delà du divertissement, d’autres fonctions doivent être
envisagées et explorées.
Étape 2
a. Parmi les reformulations du sujet proposées, surlignez celle qui vous semble la plus pertinente
et justifiez votre choix.
Gargantua est un roman dans lequel de multiples situations, personnages, jeux provoquent le rire du lecteur
mais le rire ne peut occuper cette seule fonction…
Gargantua est avant toute chose un roman comique.
Dans son roman, Rabelais met le rire au service du savoir.
Seule la première reformulation du sujet est juste : elle permet d’englober tout le sujet. Les deux autres ne permettent
de traiter qu’une partie du sujet.
b. Formulez votre problématique.
À quelles fins Rabelais a-t-il recours au rire dans son roman ?
Étape 3
Dressez la liste des arguments et exemples.
Le rire dans Gargantua provoque le rire du lecteur car « rire est le propre de l’homme ».
Arguments Exemples
Gargantua est indissociable du rire : Chaque épisode ou presque du roman est associé au comique : naissance extraordinaire du héros
celui-ci est bien le moteur du roman. éponyme, éducation farfelue, repas démesurés, guerriers ridicules…
Le rire contribue à divertir le lecteur Le comique de caractère est manifeste : avant d’être éduqué, Gargantua « se vautrait
et à découvrir un nouvel univers,
celui des géants. Le rire est donc dans les ordures […] pissait sur ses souliers » ; les ambitions de Picrochole sont
associé aux personnages. ridicules, les exploits de Frère Jean peuvent également prêter à sourire.
Le rire peut prendre la forme La langue de Rabelais est riche et haute en couleurs. L’auteur utilise avec profusion
d’un comique verbal qui permet
de créer tout un univers des néologismes (« rataconniculer, mammalement, matagrobiliser ») et inclut les
aux contours fantasques. poèmes scatologiques de Gargantua. Le lecteur découvre au fil du roman des
obscénités ; la cacophonie culmine avec « Les propos des bien-ivres », c’est le
triomphe d’une joie rabelaisienne sans queue ni tête.
1. L’un des enjeux majeurs Le programme d’études préconisé par Ponocrates est en un sens comique puisqu’il
de l’œuvre concerne l’éducation et
le savoir : ils sont dans un premier dépasse largement le volume horaire d’une journée. Au-delà du comique, cette
temps traités sous un jour comique. démesure permet à Rabelais de montrer l’étendue du savoir à acquérir par chacun.
52 Gargantua
Arguments Exemples
2. Le rire a chez Rabelais une Les chapitres qui abordent le thème de la guerre reposent en alternance sur le
fonction satirique qui n’épargne
rien ni personne. comique et le sérieux : la dimension morale n’est pas loin. Rabelais se sert donc du
rire pour faire réfléchir au modèle du prince. Si Grandgousier et Gargantua incarnent
le modèle du bon roi, Picrochole est ridiculisé. Les délires grandioses, les pillages et
la soif de conquêtes sont moqués et condamnés.
3. La religion est elle-même traitée La satire religieuse est en fait féroce : Rabelais condamne sous des aspects comiques
sous le signe du rire.
les pèlerinages et le culte des saints. En outre, Frère Jean fait rire, mais Rabelais se sert
de ce personnage pour faire la satire des moines.
4. Il semble même que le narrateur En tant que maître du rire, il oppose les versions comiques aux versions sérieuses
s’amuse du lecteur. Le narrateur qui
est à l’origine du rire dans le roman pour mieux faire réfléchir le lecteur : les deux éducations, le portrait des deux rois le
occupe un rôle ambigu : confirment. Tantôt Alcofribas requiert de notre part la plus grande attention, comme
il est définitivement le meneur de
jeu. dans le prologue, tantôt il exige que le lecteur le croie sur parole, comme lors de
l’accouchement invraisemblable de Gargamelle.
Un rire finalement libérateur : le rire Le rire rabelaisien s’oppose au sérieux pesant des savants. Rabelais dépasse toutes les
de Rabelais est un rire qui appelle à
la sagesse. conventions en affirmant la valeur thérapeutique du rire. Si tout est raconté en riant,
c’est aussi pour apprendre à vivre avec plus de légèreté, en ayant acquis un savoir
solide. Certes le roman débute avec le poème des Fanfreluches antidotées, mais il se
clôt avec la description de l’abbaye de Thélème, symbole du triomphe du savoir.
Ce narrateur livre pourtant un mode Dans le prologue, le narrateur invite le lecteur à « rompre l’os et sucer la substantifique
de lecture de l’œuvre : il s’agit de
dépasser le stade des apparences moelle » et le compare à un chien… Le rire doit mettre le lecteur dans de bonnes
pour découvrir des vérités cachées. dispositions pour qu’il puisse s’imprégner des idées non seulement humanistes mais
aussi philosophiques de Rabelais.
Étape 4
Complétez ce brouillon d’introduction, en suivant les étapes de la méthode (p. 51).
1. Les interprétations de Gargantua sont multiples : pour certains lecteurs, le roman peut être lu exclusivement comme
une œuvre comique. Pour d’autres, toutefois, le rire ne serait qu’un masque qui cacherait des messages subtils.
2. Quelles sont alors les fonctions du rire dans Gargantua ?
3. Nous nous demanderons alors à quelles fins Rabelais a recours au rire dans son roman.
4. Dans un premier temps, nous montrerons que le rire, omniprésent dans l’œuvre, a une fonction divertissante.
Toutefois, nous prouverons ensuite que ce rire peut avoir d’autres fonctions…
Étape 5
Complétez ce brouillon de conclusion, en suivant les étapes de la méthode (p. 51).
1. Finalement, le rire occupe des fonctions multiples dans le roman. De façon évidente, il amuse le lecteur et le divertit
tout au long de sa lecture de l’œuvre. Cependant, l’ambition de Rabelais n’est pas seulement de faire rire le lecteur : il s’agit
peut-être et surtout de réfléchir sur notre monde, de remettre en question nos préjugés, de défendre des valeurs.
2. L’originalité de l’oeuvre tient donc à cette richesse : près de cinq siècles après sa rédaction, Gargantua continue d’être un
texte dont le sens et la profondeur restent à explorer. C’est au lecteur qu’il revient désormais de découvrir et d’apprécier
les messages transmis par Rabelais.
Étape 1
a. Soulignez les mots clés du sujet.
b. Précisez les liens entre les mots-clés.
Il s’agit d’interroger le personnage éponyme du roman de Rabelais : qui est Gargantua et pourquoi peut-on dire qu’il est
un personnage d’exception ?
Étape 2
Formulez la problématique.
Gargantua est-il seulement un géant extraordinaire ? Pour quelles raisons ce personnage, au-delà du gigantisme,
suscite-t-il l’intérêt de tous ?
Étape 3
Complétez cette liste d’arguments et exemples qui illustrent la thèse puis ceux qui permettent de la nuancer, voire de
la dépasser.
Gargantua est un personnage exceptionnel car…
Arguments Exemples
1. Il peut être qualifié de héros épique et Aidé de son père Grandgousier, Gargantua mène une guerre défensive
vertueux dont les exploits vont marquer le
lecteur et affronte les armées de Picrochole. Mais il ne massacre pas les civils
ni ne se livre au pillage.
2. Il se définit avant tout comme Tout ce qui caractérise Gargantua semble démesuré : pas moins de 17 913 vaches sont
nécessaires pour l’allaiter, son bonnet est composé de 302 aunes de velours, son encrier a
un géant. la taille d’un tonneau…
Néanmoins, Gargantua est peut-être plus humain qu’il n’y paraît et peut même servir de modèle car…
Arguments Exemples
3. Gargantua doit apprendre L’épisode double de l’éducation de Gargantua illustre son évolution intellectuelle et
physique : ses progrès concernent aussi bien la lecture que la compréhension des Saintes
pour progresser et s’humaniser. Écritures et du monde, ou encore l’hygiène du corps.
4. Finalement, à travers Gargantua, Rabelais Gargantua est devenu un monarque éclairé, un souverain idéal capable
dresse le portrait du bon prince.
de penser un autre monde. L’abbaye de Thélème est l’illustration de
cet accomplissement.
5. L’enfance de Gargantua ressemble à celle Gargantua agit comme un enfant qui n’arrête pas de bouger et touche à tout,
de n’importe quel enfant.
se vautre dans la fange et ne fait que des bêtises…
6. Gargantua doit être considéré comme En réalité, Gargantua a su progresser, « rompre l’os et sucer la substantifique
un double du lecteur.
moelle ». Dès le prologue, Rabelais indique que le lecteur doit suivre ce
chemin pour grandir intellectuellement et moralement.
54 Gargantua
Étape 4
Classez les arguments de l’étape 3 dans ce tableau de manière à faire apparaître les parties et les sous-parties.
Troisième partie : en fait, un
Première partie : Deuxième partie : mais peut-être
personnage pensé par Rabelais pour
un héros exceptionnel plus humain qu’il n’y paraît…
servir de modèle
Étape 5
Rédigez l’introduction de votre dissertation, en suivant les étapes de la méthode (p. 51)
1. Héros éponyme du roman de Rabelais, Gargantua est sans conteste le personnage le plus riche de l’œuvre. Tous les
autres personnages du roman, qu’il s’agisse de Ponocrates, Gymnaste, ou frère Jean, gravitent autour de lui : ils sont les
premiers à percevoir le caractère exceptionnel de Gargantua. Ce géant à la généalogie extraordinaire suscite donc un
intérêt majeur.
3. Nous nous demanderons alors si Gargantua est seulement un géant extraordinaire et pour quelles raisons ce
personnage, au-delà du gigantisme, suscite l’intérêt de tous.
4. Nous verrons tout d’abord que le gigantisme de Gargantua fait de lui un personnage exceptionnel. Puis, nous
montrerons que le géant emprunte quelques caractéristiques humaines qui font finalement de lui un modèle pour le
lecteur.
Étape 6
Rédigez intégralement une sous-partie de votre choix.
Néanmoins, Gargantua est peut-être plus humain qu’il n’y paraît. Au-delà de son gigantisme, et comme tout homme en
réalité, Gargantua doit apprendre pour progresser et s’humaniser. L’épisode double de l’éducation illustre son évolution
intellectuelle et physique, laquelle passe par un apprentissage méthodique, mais sans doute pas exceptionnel. Ponocrates
est ainsi chargé de mener à bien son éducation et cela passe par le respect d’une certaine discipline. Les journées du géant
sont certes bien chargées, mais elles ressemblent peu ou prou aux journées d’un écolier avec une succession de leçons,
de lecture, d’exercices. Les progrès de Gargantua concernent d’ailleurs aussi bien la lecture que la compréhension des
Saintes Écritures et du monde, ou encore l’hygiène du corps. L’éducation complète que reçoit Gargantua est ainsi à mettre
en rapport avec la réflexion des humanistes sur l’enseignement. Nul doute que celle-ci continue d’inspirer les enseignants ;
tout élève peut se reconnaître dans le parcours intellectuel de Gargantua.
Étapes 1 à 3
Après avoir analysé le sujet, dressez une liste d’arguments et d’exemples.
Arguments Exemples
1. Une fiction gigantesque pour Tout est surdimensionné dans Gargantua : les personnages, leurs repas,
des personnages gigantesques. le langage… Le narrateur multiplie les énumérations parfois comiques
qui tendent à effacer le réel.
2. Un schéma narratif au service La structure du roman épouse l’évolution du héros qui passe du statut
du savoir. d’enfant sot au statut de bon prince. L’abbaye de Thélème constitue
l’apothéose de l’œuvre.
4. Des épisodes invraisemblables qui La naissance de Gargantua par l’oreille de sa mère relève absolument de
ne répondent la fiction. Le narrateur réécrit l’histoire et se défait de tout élément sérieux
à aucune logique. et scientifique.
5. Les secrets de la lecture du roman. Le mode de lecture de l’œuvre est précisé dès le prologue. Pour le lecteur,
il s’agit de « rompre l’os et de sucer la substantifique moelle ».
6. Des épisodes sérieux qui tendent Rabelais utilise la fiction pour aborder des thèmes sérieux tels que
vers la diffusion d’idées humanistes. l’éducation, la religion, l’exercice du pouvoir.
Étape 4
Organisez vos arguments et élaborez un plan en deux ou trois parties.
Première partie : Deuxième partie : Troisième partie :
Certes Gargantua se présente Mais la fiction n’empêche Mieux, la fiction requiert
comme un roman où triomphe pas la réflexion de des efforts de la part du lecteur
la fiction. se développer. qui doit s’approprier un univers
et une réflexion personnels
Étape 5
Rédigez intégralement, sur une feuille à part, une sous-partie de votre choix.
56 Gargantua
Étape 6 1. Présentez le texte : rédigez deux ou trois phrases qui résument la fiche d’identité
Rédiger l'introduction de l’extrait étudié (étape 1).
2. Recopiez le projet de lecture.
3. Énoncez en trois phrases claires les axes trouvés à l’étape 5.
Souvenir de la nuit du 4
Cadre spatio-temporel
précis et exact Énumération d’adjectifs
L’enfant avait reçu deux balles dans la tête. attributs du sujet qui
Le logis était propre, humble, paisible, honnête ; souligne la simplicité du
On voyait un rameau bénit sur un portrait. foyer et de ses habitants
Une vieille grand-mère était là qui pleurait.
Le pronom « nous » 5 Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,
montre que le poète est
un témoin de la scène Pâle, s’ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ; Description du cadavre
Ses bras pendants semblaient demander des appuis. de l’enfant par touches
successives
Il avait dans sa poche une toupie en buis.
Comparaisons qui On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies.
10 Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ?
renforcent la violence
Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.
de la mort
L’aïeule regarda déshabiller l’enfant,
Disant : – comme il est blanc ! approchez donc la lampe.
Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe ! –
15 Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux. Dimension réaliste du
La nuit était lugubre ; on entendait des coups récit obtenue grâce à
De fusil dans la rue où l’on en tuait d’autres. l’enjambement et la
– Il faut ensevelir l’enfant, dirent les nôtres. convocation du sens de
Et l’on prit un drap blanc dans l’armoire en noyer.
l’ouïe
20 L’aïeule cependant l’approchait du foyer
Comme pour réchauffer ses membres déjà roides.
Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides
Ne se réchauffe plus aux foyers d’ici-bas !
Mise en relief du CC de lieu
Elle pencha la tête et lui tira ses bas,
qui permet d’insister sur la 25 Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre.
vieillesse de la femme – Est-ce que ce n’est pas une chose qui navre ! Litote pour renforcer le
Cria-t-elle ; monsieur, il n’avait pas huit ans ! caractère innocent de
Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents. l’enfant
Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,
30 C’est lui qui l’écrivait. Est-ce qu’on va se mettre
Passage du « on » au À tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu !
« ils » puis à « monsieur On est donc des brigands ! Je vous demande un peu,
Bonaparte » qui dénonce Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre !
le vrai coupable Dire qu’ils m’ont tué ce pauvre petit être ! Comparaison qui fait
35 Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus.
de l’enfant un martyr
Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus.
Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte ;
Chiasme qui renforce Cela n’aurait rien fait à monsieur Bonaparte
l’accusation De me tuer au lieu de tuer mon enfant !
40 Elle s’interrompit, les sanglots l’étouffant,
Puis elle dit, et tous pleuraient près de l’aïeule :
– Que vais-je devenir à présent toute seule ?
Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd’hui.
Hélas ! je n’avais plus de sa mère que lui. Incompréhension de
Pourquoi l’a-t-on tué ? Je veux qu’on me l’explique.
la grand-mère, et par
45 L’enfant n’a pas crié vive la République.
extension du lecteur
58 Gargantua
Étape 1
Réalisez la carte d’identité du texte en complétant cette fiche.
Étape 2
Notez vos premières impressions sur le texte.
a. Quel semble être le but de Victor Hugo ?
Victor Hugo utilise ici la forme poétique pour dénoncer l’une des atrocités du régime napoléonien.
b. Proposez un titre pour cet extrait.
La mort d’un innocent.
Étape 3
a. En marge du texte p. 58, complétez la légende en notant les procédés littéraires utilisés.
b. Proposez une interprétation pour chaque couleur.
Jaune : Éléments descriptifs de la scène
Bleu : L’enfant mort
Vert : L’engagement du poète
Étape 4
À partir de vos premières interprétations de lecture et des mots suivants, élaborez un projet de lecture fondé sur un
paradoxe : innocent, coupable, mort.
Comment la mort injuste d’un enfant innocent permet-elle à Victor Hugo de dénoncer les agissements coupables
de Napoléon III et de ses soldats ?
Étape 5
À partir des interprétations proposées à l’étape 3, élaborez le plan de votre commentaire, en partant du plus évident
pour aller vers ce qui est plus approfondi.
I. Un témoignage réaliste
a. Un cadre spatio-temporel authentique
b. Un drame qui touche une vieille femme pauvre et illettrée
Étape 6
Rédigez l’introduction de votre commentaire, en suivant les étapes de la méthode (p. 57).
Suite au coup d’État du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte fait réprimer dans le sang les émeutes qui émaillent
Paris. Victor Hugo prend alors sa plume et dénonce la tyrannie exercée par Napoléon. Depuis l’île de Jersey où il vit en exil,
le poète, chef de file des écrivains romantiques, compose le recueil des Châtiments en 1853. « Souvenir de la nuit du 4 » est
un poème pathétique et polémique dans lequel le poète évoque la mort d’un enfant, tué lors d’une fusillade. Nous nous
demanderons alors comment le récit de cette mort injuste permet à Victor Hugo de dénoncer les atrocités du régime mis
en place par Napoléon. Nous verrons que ce poème s’inscrit dans une dimension réaliste (I) et pathétique (II) qui permet
au poète de faire entendre sa voix (III).
Étape 7
Rédigez la conclusion de votre commentaire, en suivant les étapes de la méthode (p. 57).
Finalement, le portrait de l’enfant, tel un martyr, les paroles rapportées de la grand-mère, mais aussi l’attitude digne des
témoins font de ce texte un poème très émouvant, propre à susciter la pitié du lecteur. En évoquant la violence du crime
perpétré contre un innocent, mais aussi son non-sens, le poète réhabilite l’enfant et lui offre un tombeau littéraire. Victor
Hugo atteint alors son objectif : dénoncer la tyrannie exercée par Napoléon III. Ce combat est à mettre en relation avec
l’engagement fort de Victor Hugo contre la peine de mort développé dans Le Dernier Jour d’un condamné ou encore contre
la misère du peuple dénoncée dans Les Misérables.
Étape 8
Rédigez une sous-partie de votre choix, en suivant la méthode (p. 57).
Réponse libre.
60 Gargantua
Un autre Arabe apparaît de profil sur la dune. Nous hurlons, mais Paradoxe : les victimes du
tout bas. Alors, nous agitons les bras et nous avons l’impres- crash se situent entre la
sion de remplir le ciel de signaux immenses. Mais ce Bédouin1 vie et la mort
Anaphore qui dramatise la regarde toujours vers la droite…
situation 5 Et voici que, sans hâte, il a amorcé un quart de tour. À la
seconde même où il se présentera de face, tout sera accompli.
Répétition qui fait de
À la seconde même où il regardera vers nous, il aura déjà effacé Accumulation qui évoque
ce moment un moment en nous la soif, la mort et les mirages. Il a amorcé un quart de tous les dangers auxquels
exceptionnel tour qui, déjà, change le monde. Par un mouvement de son seul
doivent faire face les
10 buste, par la promenade de son seul regard, il crée la vie, et il
naufragés
me paraît semblable à un dieu…
C’est un miracle… Il marche vers nous sur le sable, comme Comparaison
un dieu sur la mer…
L’Arabe nous a simplement regardés. Il a pressé, des mains,
15 sur nos épaules, et nous lui avons obéi. Nous nous sommes éten-
Énumération qui abolit dus. Il n’y a plus ici ni races, ni langages, ni divisions… Il y a ce
toutes les différences
entre les hommes, éloge nomade pauvre qui a posé sur nos épaules des mains d’archange2. Métaphore qui transforme
de l’humanité Nous avons attendu, le front dans le sable. Et maintenant, nous le personnage en
buvons à plat ventre, la tête dans la bassine, comme des veaux. protecteur ; la dimension
Apostrophe exclamative 20 L’eau ! religieuse apparaît alors
Eau, tu n’as ni goût, ni couleur, ni arôme, on ne peut pas te clairement
Adresse directe et éloge
définir, on te goûte, sans te connaître. Tu n’es pas nécessaire à la
de l’eau vie : tu es la vie. Tu nous pénètres d’un plaisir qui ne s’explique
point par les sens. Avec toi rentrent en nous tous les pouvoirs
Élan lyrique
25 auxquels nous avions renoncé. Par ta grâce, s’ouvrent en nous
toutes les sources taries de notre cœur.
Superlatifs
Tu es la plus grande richesse qui soit au monde, et tu es aussi
la plus délicate, toi si pure au ventre de la terre. On peut mou-
rir sur une source d’eau magnésienne3. On peut mourir à deux Anaphore
30 pas d’un lac d’eau salée. On peut mourir malgré deux litres de
rosée qui retiennent en suspens quelques sels. Tu n’acceptes
point de mélange, tu ne supportes point d’altération, tu es une
ombrageuse divinité…
Mais tu répands en nous un bonheur infiniment simple.
35 Quant à toi qui nous sauves, Bédouin de Libye, tu t’effaceras
cependant à jamais de ma mémoire. Je ne me souviendrai jamais
de ton visage. Tu es l’Homme et tu m’apparais avec le visage de
tous les hommes à la fois. Tu ne nous as jamais dévisagés et déjà Adresse directe au frère
tu nous as reconnus. Tu es le frère bien-aimé. Et, à mon tour, je humain et élargissement à
40 te reconnaîtrai dans tous les hommes. toute l’humanité
Vocabulaire élogieux Tu m’apparais baigné de noblesse et de bienveillance, grand
seigneur qui as le pouvoir de donner à boire.
Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, 1939.
Étape 1
Réalisez la carte d’identité du texte en complétant cette fiche.
Étape 2
Notez vos premières impressions sur le texte.
a. Quelle est l’originalité du passage ?
Le texte célèbre la vie alors que le narrateur est confronté à la mort.
b. Proposez un titre à cet extrait.
Un moment exceptionnel de fraternité et d’humanité.
Étape 3
a. En marge du texte p. 61, complétez la légende avec les procédés littéraires utilisés.
b. Proposez ensuite une interprétation pour chaque couleur.
Bleu : Portrait du Bédouin et des naufragés
Jaune : Éloge de la vie
Étape 4
À partir de vos premières impressions de lecture et interprétations, élaborez un projet de lecture pour cet extrait.
Comment le récit d’un sauvetage aux portes de la mort permet-il à Antoine de Saint-Exupéry de célébrer l’amour de la
vie ?
Étape 5
Élaborez un plan de commentaire, avec les grands axes et des sous-parties.
I. Le portrait mystérieux d’un inconnu face à des personnages perdus
a. Un Bédouin au milieu du désert…
b. … qui se présente comme un dieu…
c. … ou plutôt un frère humain face à des naufragés
II. L’éloge poétique de la vie
a. Une célébration poétique de l’eau…
b. … qui s’ouvre sur un hymne à la vie…
c. … et à l’humanité
62 Gargantua
Prolongements 63
Crédits photos
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Jeanbor © Archives Larbor ; 7 bas droite : © BNF, Paris
Bordas est un éditeur qui s’engage pour la préser- Ce cahier a été imprimé en France en juillet 2021
vation de l’environnement et utilise du papier issu par Pollina, imprimeur certifié
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sources contrôlées. N° de projet : 10272884 • Dépôt légal : juillet 2021