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125
Déshydratation
et hyperhydratation
cellulaires
et extracellulaires
Étiologie, physiopathologie, diagnostic, traitement
Dr Anne BLANCHARD, Dr Pascal HOUILLIER, Pr Michell PAILLARD
Service d’explorations fonctionnelles et radio-isotopes, CHU Broussais, 75674 Paris cedex 14
Unité INSERM U 356, université Pierre et Marie-Curie, Paris
Points Forts
à comprendre
● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ● ●
Hyperhydratation et déshydratation intracellulaires
• Les troubles de l’hydratation
extra et (ou) intracellulaire sont
toujours secondaires Conduite à tenir devant une hyponatrémie hypotonique
à la constitution d’un bilan sodé (hyperhydratation intracellulaire)
et (ou) hydrique déséquilibré. L’hyponatrémie hypotonique est définie par une concentration plasmatique de
Ces troubles, rarement liés sodium inférieure à 135 mmol/L associée à une osmolalité plasmatique mesu-
au dépassement des capacités rée inférieure à 280 mOsm/kg d’eau. Elle reflète toujours une hyperhydratation
physiologiques rénales intracellulaire. Cette hyponatrémie associée à une hypo-osmolalité plasmatique
d’adaptation aux variations est expliquée par un contenu en eau relatif supérieur au contenu en sodium, ce
des entrées d’eau et de sodium, dernier pouvant être normal, augmenté ou diminué.
reflètent le plus souvent L’hyponatrémie hypotonique doit être différenciée :
une altération de la fonction – des hyponatrémies isotoniques dans lesquelles l’osmolalité plasmatique est
d’excrétion du rein. Ce défaut normale. Ces « fausses hyponatrémies » sont liées à la présence anormale de
d’adaptation peut être d’origine macromolécules dans le plasma (dans les hyperprotidémies et hyperlipidémies
intrarénale (tubulopathie, majeures essentiellement) qui diminuent le contenu en eau plasmatique. La natré-
diurétiques) ou extrarénale mie est normale si elle est mesurée par litre d’eau plasmatique (par électrode
[déficits ou excès de sécrétion(s) spécifique, comme c’est le cas dans un nombre croissant de laboratoires). Ce
hormonale(s)]. diagnostic ne peut donc être évoqué que lorsque la natrémie est mesurée par litre
• Schématiquement, de plasma (photométrie de flamme) ;
il est pratique de retenir
– des hyponatrémies hypertoniques secondaires à la présence anormale d’un
les correspondances suivantes :
soluté osmotiquement actif autre que le sodium, et à l’origine d’une déshydra-
– trop d’eau : hyperhydratation
tation intracellulaire (cf. chapitre correspondant).
intracellulaire-hyponatrémie;
– pas assez d’eau : 1. Étiologie
déshydratation intracellulaire-
hypernatrémie ; L’apparition d’une hyponatrémie nécessite la constitution d’un bilan d’eau posi-
– pas assez de sodium : tif (entrées transitoirement supérieures aux sorties).
déshydratation extracellulaire- Les diverses causes d’hyponatrémies sont résumées dans le tableau I.
hypovolémie ;
– trop de sodium : 2. Physiopathologie
hyperhydratation • Création de l’hyponatrémie : en l’absence d’une insuffisance rénale avancée
extracellulaire-hypervolémie. (DFG < 20 mL/min) et d’accès de potomanie, l’apparition d’une hyponatrémie
signe généralement une incapacité à supprimer la sécrétion d’ADH malgré la
TABLEAU I
Étiologie des hyponatrémies
• Apports d’eau en excès, dépassant la capacité normale d’excrétion rénale
– Troubles primaires de la soif : potomanie
– Apports d’eau augmentée avec apports osmotiques faibles : tea and toast
syndrome
• Excrétion rénale insuffisante d’apports d’eau physiologiques
A. Défaut majeur d’excrétion rénale d’eau : insuffisance rénale chronique avancée
(DFG < 20 mL/min)
B. Stimulus volémique de l’ADH :
– déplétion sodée avec hypovolémie
– syndromes œdémateux avec hypovolémie efficace (insuffisance cardiaque,
cirrhose, certains syndromes néphrotiques)
C. SIADH associé à une endocrinopathie :
– hypothyroïdie
– insuffisance glucocorticoïdes
D. SIADH
– Cancers :
. bronchiques
. digestifs (duodénum, pancréas, estomac)
. urologiques (vessie, prostate, uretère)
. autres (thymome, mésothéliome, lymphome, tumeur d’Ewing)
– Affections neurologiques :
. infectieuses (méningites, encéphalites, abcès)
. vasculaires (accident vasculaire cérébral)
. divers : traumatisme crânien, sclérose en plaques, neuropathies et polynévrites
– Affections pulmonaires :
. infectieuses (pneumopathies bactériennes ou virales, tuberculoses, abcès)
. cancers
. divers : ventilation mécanique, pneumothorax
– Reset de l’osmostat
E. Causes médicamenteuses :
– hormones peptidiques : analogues de la vasopressine, ocytocine, somatostatine
– diurétiques : thiazidiques
– psychotropes : phénothiazines, antidépresseurs tricycliques, halopéridol,
Fluoxétine
– antinéoplasiques : vincristine, cyclophosphamide, ifosfamide
– divers : tolbutamide, clofibrate, carbamazépine, morphiniques
2. Physiopathologie
• Création de l’hyperosmolalité extracellulaire : l’apparition d’une hyperna-
trémie est généralement due à la constitution d’un bilan d’eau négatif (entrées
transitoirement inférieures aux sorties). Physiologiquement, toute augmentation
de l’excrétion rénale d’eau (ou apparition de pertes extrarénales) entraîne une
stimulation de la soif qui suffit, par l’adaptation des entrées d’eau, à maintenir
la natrémie dans les limites de la normale. Ainsi, la plupart des patients atteints
de diabète insipide neuro- ou néphrogénique adaptent leur prise de boisson à
leur diurèse et régulent leur natrémie. L’apparition d’une hypernatrémie signe
donc soit un défaut d’accès à l’eau (vieillards, enfants, ou patients ne pouvant
ni boire d’eux-mêmes, ni exprimer leur soif), soit plus rarement un défaut pri-
mitif de la sensation de soif associé. Ce défaut de la soif doit faire rechercher,
par tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique (IRM), une lésion
hypothalamique du centre de la soif (tumeur, anomalies vasculaires essentielle-
ment).
Au cours de la décompensation diabétique, l’élévation de la concentration extra-
cellulaire de glucose non diffusible entraîne un flux d’eau de la cellule vers le
liquide extracellulaire et donc une déshydratation intracellulaire associée à une
hyponatrémie. Secondairement, l’élévation de la concentration plasmatique de
glucose est tellement importante que la charge filtrée de glucose dépasse la capa-
cité de réabsorption rénale. Ce glucose non réabsorbé entraîne avec lui de l’eau
par un mécanisme de diurèse osmotique. Cette perte d’eau entraîne l’élévation
progressive de la natrémie, jusqu’à l’apparition d’une hypernatrémie.
• Conséquences de l’hyperosmolalité extracellulaire : l’élévation de l’osmola-
lité plasmatique entraîne un flux d’eau des cellules vers le liquide extracellu-
laire. L’hypernatrémie aiguë induit des symptômes neurologiques de gravité
variable (léthargie, perte de connaissance, coma) pouvant aller jusqu’au décès
du patient. Lorsqu’elle se constitue lentement, l’élévation de l’osmolalité plas-
matique est équilibrée par une augmentation du contenu en osmolytes intracel-
luaires qui permet de réguler le volume cellulaire au cours des hypernatrémies
chroniques. Cette adaptation expose à un risque d’hyperhydratation intracellu-
laire aiguë (potentiellement mortelle) en cas de correction trop rapide de l’hy-
pernatrémie.
3. Diagnostic
Le diagnostic étiologique d’une hypernatrémie commence par un interrogatoire
soigneux du patient et de l’entourage à la recherche notamment d’antécédents
évocateurs (diabète sucré) de la prise ou de l’administration récente de solution
hypertonique ou de médicaments apportant une grande quantité d’osmoles (par
exemple, apports sodés massifs au cours de certaines antibiothérapies), d’un
contexte infectieux, d’épisodes diarrhéiques et de vomissements.
La diurèse doit être grossièrement quantifiée, ainsi que la sensation de soif, la
capacité à l’exprimer et à la satisfaire.
Une diabète sucré décompensé doit systématiquement être recherché par la
mesure de la glycémie et d’une glycosurie à la bandelette, puis par dosage de
laboratoire.
La mesure de l’osmolalité urinaire contemporaine de l’osmolalité plasmatique
supérieure à 300 mOsm/kg permet de juger du caractère adapté ou non de la
réponse rénale à l’hypernatrémie : l’hypernatrémie doit normalement entraîner
une hypersécrétion d’ADH et l’élévation de l’osmolalité urinaire. Schémati-
quement, une osmolalité urinaire supérieure ou égale à 850 mOsm/kg témoigne
d’une réponse rénale normale à une sécrétion d’ADH appropriée. À l’inverse,
lorsque l’osmolalité urinaire contemporaine d’une hypernatrémie est inférieure
à 300 mOsm/kg, il existe une anomalie majeure soit de la sécrétion, soit de la
réponse rénale à l’action de l’ADH.
Grâce à divers éléments on pourra :
• reconnaître les états hyperosmolaires avec hypertonicité plasmatique, secon-
daires à des pertes d’eau pure ou très pauvre en sodium :
– par apport d’eau insuffisant pour compenser les pertes extrarénales normales
(osmolalité urinaire appropriée) :
. sujets ayant des troubles de conscience ou ne pouvant exprimer leur soif (sujets
déments, nourrissons),
. trouble primaire de la soif : l’absence de sensation de soif contemporaine d’une
osmolalité plasmatique supérieure à 300 mOsm/kg chez un individu pouvant
l’exprimer doit faire rechercher une lésion hypothalamique du centre de la soif.
Les troubles primitifs de la soif sont fréquemment associés à un diabète insipide
neurogénique partiel ;
– au cours de la polyurie des diabètes insipides : l’osmolalité urinaire contem-
poraine de l’hypernatrémie est inappropriée. L’administration par voie sous-cuta-
née ou nasale de dDAVP (agoniste des récepteurs V2 de l’ADH) permet de dis-
tinguer entre :
. un diabète insipide d’origine neurogénique (défaut de sécrétion hypothalamique
d’ADH) lorsque l’osmolalité s’élève de plus de 50 % dans les 2 h qui suivent
l’administration de dDAVP ;
. un diabète insipide d’origine néphrogénique (absence de réponse rénale à l’ac-
tion de cette hormone) lorsque l’osmolalité urinaire varie de moins de 30 % en
cas d’origine néphrogénique ;
• reconnaître les états hyperosmolaires avec hypertonicité plasmatique secon-
daires à des pertes d’eau pure avec perte relativement plus faible de sodium :
– au cours des polyuries osmotiques, des substances de faible poids moléculaire
librement filtrées et peu réabsorbées entraînent la disparition du gradient cor-
tico-papillaire intrarénale. L’osmolalité urinaire est proche de celle du plasma
mais la concentration en électrolyte est beaucoup plus faible. La perte d’eau et
de sodium ainsi engendrée entraîne une déshydratation globale. Le soluté res-
ponsable peut être le glucose (la glycosurie élevée du diabète déséquilibré est la
première étiologie de polyurie osmotique), l’urée (polyurie osmotique de la
réduction néphronique avancée), le mannitol… ;
– au cours des pertes extrarénales (osmolalité urinaire appropriée) :
. pertes par vomissements, aspiration gastrique, diarrhée non compensées ;
. pertes extrarénales autres, augmentées par l’hyperventilation et l’hyperthermie ;
• reconnaître les états hyperosmolaires avec hypertonicité plasmatique, secon-
daires à une surcharge en solutés non diffusibles (osmolalité urinaire appro-
priée) :
TABLEAU II
.../...
– dans l’insuffisance cardiaque chronique
congestive, la diminution de la volémie arté- Causes des hyperhydratations extracellulaires
rielle est secondaire à la diminution du
volume d’éjection systolique et du débit car- • Expansion du secteur extracellulaire sans œdèmes
diaque ;
– dans les insuffisances cardiaques à débit
Régulation du bilan du sodium
élevé (anémie, fistules artérioveineuses, A. Syndromes d’hyperminéralocorticorticismes primitifs ou apparentés :
béribéri) la diminution de la volémie arté- – syndrome de Conn
rielle est secondaire à la diminution des – hyperplasie bilatérale des surrénales (hyperplasies nodulaires, déficits
résistances artérielles périphériques, et en 11β-hydroxylase, 17 α-hydroxylase)
contraste avec l’élévation du débit cardiaque – intoxication par la glycyrrhizine (réglisse, Antésite)
et du volume sanguin total, caractéristique – pseudohyperaldostéronisme (syndrome de Liddle)
de ces pathologies ; – excès de glucocorticoïdes
– l’hypovolémie artérielle au cours de la cir- B. Insuffisance rénale avancée
rhose hépatique répond de plusieurs méca-
nismes : au stade précoce de la cirrhose • États œdémateux généralisés
expérimentale, l’hyperpression intrahépa-
tique, par l’intermédiaire de barorécepteurs Régulation du bilan du sodium
intrahépatiques, semble responsable de la A. Augmentation de la pression hydrostatique capillaire :
rétention rénale de sodium (réflexe hépato- – cirrhose hépatique
rénal). La diminution des résistances péri- – insuffisance cardiaque congestive
phériques induite par la vasodilatation – néphropathies glomérulaires
splanchnique et apparition d’angiomes stel- – toxémie gravidique
laires cutanés et viscéraux et diverses fis-
tules artérioveineuses, explique l’hypovolé- B. Augmentation de la perméabilité capillaire :
mie artérielle et le débit cardiaque élevé – choc anaphylactique, septique, œdème angio-neurotique familial
contemporains. Ce syndrome hyperkiné- – médicaments vasodilatateurs (minoxidil, inhibiteurs calciques)
tique participe à la création et à l’entretien C. Augmentation de la différence de pression oncotique:
de la rétention hydrosodée. La rétention – diminution de la pression oncotique plasmatique (albuminémie < 15-20 g/L)
hydrosodée se distribue de façon préféren-
. syndrome néphrotique sévère
tielle dans le péritoine à partir des capillaires
sinusoïdaux et à travers la capsule hépatique. . insuffisance hépatique
Rapidement, l’augmentation du retour lym- . gastro-entéropathies exsudatives
phatique vers la circulation systémique est – augmentation de la pression oncotique interstitielle : hypothyroïdie
dépassée et une ascite apparaît. Lorsque la D. Mécanisme indéterminé : œdèmes cycliques idiopathiques
rétention hydrosodée est majeure, un syn-
drome œdémateux généralisé s’installe ;
– au cours des syndromes néphrotiques, défi-
nis par l’association d’une protéinurie supé-
rieure à 3 g/24 h, d’une hypoalbuminémie l’aldostérone. Dans l’intoxication par la réglisse, la rénine et l’aldostérone sont
(30 < g/L) et d’un syndrome œdémateux. La diminuées. La réglisse inhibe la 11β-hydroxystéroïde-déshydrogénase qui cata-
rétention hydrosodée est induite par une aug- lyse le cortisol en cortisone dans le rein. L’inhibition de cette enzyme démasque
mentation primitive de la réabsorption tubu- l’action minéralocorticoïde du cortisol qui est physiologiquement absente.
laire de NaCl (tubule collecteur) et par les
mécanismes régulateurs de l’hypovolémie
efficace secondaire à la diminution de la 3. Diagnostic
pression oncotique. Une diminution isolée • Diagnostic clinique et paraclinique : il cherche à déterminer l’extension et les
de la pression oncotique ne semble cepen-
dant pas pouvoir entraîner à elle seule une
conséquences de la rétention hydrosodée :
hypovolémie efficace tant que l’albuminé- – la pression artérielle est plutôt basse dans l’insuffisance cardiaque et la cir-
mie demeure supérieure à 20 g/L. En effet, rhose, et élevée dans les hyperminéralocorticismes primitifs ;
l’hypoalbuminémie plasmatique s’accom- – la prise de poids, surtout si elle est rapide, amène une donnée quantifiable et
pagne d’une diminution proportionnelle de précoce, le syndrome œdémateux n’apparaissant cliniquement qu’au-délà de
la concentration interstitielle d’albumine ce
qui maintient la différence de pression onco- 3 kg, les épanchements sérieux au-delà de 6 kg. Dans les syndromes œdémateux
tique constante. majeurs, la prise de poids peut être massive (parfois > 30 kg en quelques
En réalité, la pathogénie semble un conti- semaines) ;
nuum entre des tableaux proches de la glo- – la recherche d’œdèmes au cours d’une rétention hydrosodée modérée se fera
mérulonéphrite aiguë associant un volume
plasmatique élevé, une activité rénine et une
au niveau des membres inférieurs (jambes en poteaux) chez un sujet ambula-
aldostéronémie basses, et des tableaux avec toire, et au niveau des zones déclives chez un sujet couché (empâtement lom-
hypovolémie vraie prédominante, associés à baire, de la face postérieure des cuisses, rétrotibial). Ces œdèmes blancs, mous,
une activité rénine et sympathique et à une indolores, gardent l’empreinte du doigt à la pression (signe du godet) ;
aldostéronémie élevées. La diminution de la – la recherche clinique d’une anasarque (extension aux séreuses) sera aidée par
pression oncotique, éventuellement d’autres
mécanismes non élucidés (anomalies de la la pratique orientée de radiographies (épanchements pleuraux, œdème pulmo-
perméabilité capillaire) seraient à l’origine naire interstitiel) et d’échographies (recherche d’ascite, d’un épanchement péri-
d’une hypovolémie et de sa persistance mal- cardique).
gré la rétention hydrosodée. • Diagnostic biologique : l’hyperhydratation extracellulaire s’accompagne d’une
diminution des protides et de l’hématocrite. Cependant, une hypoprotidémie
TABLEAU III
Causes principales des états
de déshydratation extracellulaire
Pertes extrarénales de sodium
A. Gastro-intestinales :
– diarrhée
– fistules ou drainages biliaires, pancréatiques, intestinaux
B. Cutanées :
– sueurs excessives (mucoviscidose)
– brûlures, affections cutanées inflammatoires
C. Création d’un « troisième secteur » :
– occlusion intestinale, péritonite
– pancréatite
D. Autres : ponctions péritonéales ou pleurales
Pertes rénales de sodium
A. Rein normal :
– vomissements, fistules ou aspirations gastriques
– diurétiques, diurèse osmotique
– déficit en minéralocorticoïdes
– hypercalcémie, acidose métabolique
B. Rein pathologique :
– insuffisance rénale chronique (retard à l’adaptation lors de la réduction brutale
des apports sodés)
– insuffisance rénale chronique avec syndrome d’hyporéninémie et hypoaldosté-
ronisme
– néphropathie avec perte de sel : néphropathies interstitielles, acidose tubulaire
distale et proimale
– syndrome de levée d’obstacle, reprise de diurèse d’insuffisance rénale aiguë
– pseudo-hypoaldostéronisme
1. Étiologie
Les causes des déshydratations extracellulaires peuvent être subdivisées en pertes
rénales et extrarénales de sodium, elles sont résumées dans le tableau III.
2. Physiopathologie
Les capacités d’adaptation rénales à un régime pauvre en sodium sont très impor-
tantes (la natriurèse pouvant être quasi nulle). L’apparition d’un bilan sodé néga-
tif suppose donc, soit la perte de sécrétions extrarénales riches en sodium, soit
une altération primitive des capacités rénales de réabsorption du sodium.
• Pertes extrarénales :
– lors des diarrhées ou lors de pertes de liquide de sécrétions intestinales, biliaires
ou pancréatiques : par fistules ou drainages, la perte de bicarbonate de sodium
et de chlorure de sodium aboutit à la création d’une contraction des volumes
extracellulaires et d’une acidose métabolique. On peut en rapprocher les séques-
trations liquidiennes non extériorisées, et donc difficiles à quantifier, qui peu-
vent survenir au cours d’occlusions intestinales, péritonites ou pancréatites. Dans
toutes ces situations, l’apparition d’une hypovolémie entraîne une réponse rénale
appropriée (natriurèse < 10 mmol/L ou par 24 h) ;
– la perte (par vomissement, fistule ou aspiration) de liquide gastrique, riche en
acide chlorhydrique : elle entraîne une alcalose métabolique. Initialement, cette
alcalose induit une perte rénale de sodium, car la quantité de bicarbonate de sodium
filtrée dépasse les capacités tubulaires de réabsorption aboutissant à une perte
rénale de bicarbonate de sodium. Cette alcalose entraîne également une hypoka-
liémie (par transfert intracellulaire et par stimulation de l’excrétion rénale de
potassium). À l’arrêt des vomissements, la concentration de bicarbonate s’équi-
libre à une valeur permettant sa totale réabsorption par le rein. La natriurèse s’ef-
fondre (< 10 mmol/24 h). La chlorurie très faible signe la déplétion chlorée ;
– pertes sudorales : la sueur contient 50 à 80 mmol/L de NaCl. Une perte notable
de sodium par sudation peut se produire dans certaines circonstances comme
l’exposition brutale à des températures élevées ou l’exercice physique intense.
Lorsqu’un sujet est exposé chroniquement à la chaleur, la concentration en NaCl
s’adapte et diminue. Cependant, les patients atteints d’insuffisance surrénale
chronique ou de mucoviscidose ont des concentrations de sodium dans la sueur
plus élevées que la normale et un défaut d’adaptation à la chaleur.
• Pertes rénales : d’une façon générale, deux phases peuvent être distinguées
lors de pertes de sodium d’origine rénale : lors de l’installation du trouble, l’ex-
crétion urinaire de sodium est supérieure aux apports, à l’origine d’un bilan néga-
tif de sodium et de la création de la contraction des volumes extracellulaires.
Secondairement, la charge sodée filtrée diminue du fait de cette contraction et
les systèmes de régulation stimulent les capacités de réabsorption sodée dans les
différentes parties du néphron encore fonctionnelles. Progressivement, la natriu-
rèse devient égale aux apports, mais demeure inappropriée à la déshydratation
extracellulaire, et un état stable s’instaure.
– L’administration de diurétiques entraîne une perte rénale de sodium et expose
à divers troubles hydroélectrolytiques associés, fonctions du site d’action de diu-
rétique : l’abus des diurétiques de l’anse (type furosémide) et les diurétiques thia-
zidiques qui inhibent la réabsorption dans le tube contourné distal entraînent une
contraction des volumes cellulaires associée à une alcalose métabolique et à une
hypokaliémie. À l’inverse, l’abus de diurétiques agissant sur le tube collecteur
cortical (amiloride, spironolactone, triamtérène) ou leur utilisation malgré l’exis-
tence d’une réduction néphronique entraîne une contraction des volumes cellu-
laires associée à une acidose métabolique et à une hyperkaliémie.
– Les diurèses osmotiques abordées dans le chapitre des déshydratations intra-
cellulaires, entraînent une perte d’eau supérieure à celle de sodium. La contrac-
tion extracellulaire est alors accompagnée d’une déshydratation intracellulaire.
– Déficits en aldostérone : la diminution de la réabsorption de sodium dans le
tube collecteur cortical, entraîne une contraction du volume extracellulaire asso-
ciée à une acidose métabolique et à une hyperkaliémie. Le déficit en aldostérone
peut être d’origine surrénalienne (insuffisance surrénalienne globale, bloc enzy-
matique aboutissant à un déficit spécifique en minéralocorticoïdes), ou secon-
daire à un déficit en rénine associé à certaines insuffisances rénales (syndrome
d’hyporéninémie et hypoaldostéronisme au cours de la néphropathie diabétique,
de la néphropathie aux antalgiques et AINS par exemple). Rarement, la rénine
et l’aldostérone sont très élevées, mais ni l’aldostérone endogène ni l’adminis-
tration de minéralocorticoïde n’entraînent l’effet rénal attendu. Cette pathologie
rare de l’enfance est décrite sous le nom de pseudo-hypoaldostéronisme.
– L’hypercalcémie et l’acidose métabolique diminuent la réabsorption tubulaire
de sodium et peuvent être responsables d’une contraction des volumes extra-
cellulaires.
3. Diagnostic
• Examen clinique : la déshydratation extracellulaire modérée peut s’accompa-
gner de sensations vertigineuses, majorées par l’orthostatisme. Cliniquement,
une perte de poids modérée, la diminution du tonus des globes oculaires, un pli
cutané, un aplatissement des veines périphériques et jugulaires en position cou-
chée devront être recherchés, ainsi qu’une exagération de la réponse à l’ortho-
statisme (lors du passage de la position couchée à la position debout, la fréquence
cardiaque s’élève de plus de 20 batt/min et les pressions artérielles diastolique
et systolique baissent de plus de 20 mmHg). Ces signes indicatifs sont cepen-
dant inconstants et non spécifiques. Une contraction sévère des volumes extra-
cellulaires entraîne une stimulation du système sympathique traduite clinique-
ment par une tachycardie (pouls filant) une vasoconstriction périphérique
(marbures, extrémités froides).
2. Physiopathologie
• Création de l’hyperosmolalité extracellulaire : l’apparition d’une hyperna-
trémie est généralement due à la constitution d’un bilan d’eau négatif (entrées
transitoirement inférieures aux sorties). Physiologiquement, toute augmentation
de l’excrétion rénale d’eau (ou apparition de pertes extrarénales) entraîne une
stimulation de la soif qui suffit, par l’adaptation des entrées d’eau, à maintenir
la natrémie dans les limites de la normale. Ainsi, la plupart des patients atteints
de diabète insipide neuro- ou néphrogénique adaptent leur prise de boisson à
leur diurèse et régulent leur natrémie. L’apparition d’une hypernatrémie signe
donc soit un défaut d’accès à l’eau (vieillards, enfants, ou patients ne pouvant
ni boire d’eux-mêmes, ni exprimer leur soif), soit plus rarement un défaut pri-
mitif de la sensation de soif associé. Ce défaut de la soif doit faire rechercher,
par tomodensitométrie ou imagerie par résonance magnétique (IRM), une lésion
hypothalamique du centre de la soif (tumeur, anomalies vasculaires essentielle-
ment).
Au cours de la décompensation diabétique, l’élévation de la concentration extra-
cellulaire de glucose non diffusible entraîne un flux d’eau de la cellule vers le
liquide extracellulaire et donc une déshydratation intracellulaire associée à une
hyponatrémie. Secondairement, l’élévation de la concentration plasmatique de
glucose est tellement importante que la charge filtrée de glucose dépasse la capa-
cité de réabsorption rénale. Ce glucose non réabsorbé entraîne avec lui de l’eau
par un mécanisme de diurèse osmotique. Cette perte d’eau entraîne l’élévation
progressive de la natrémie, jusqu’à l’apparition d’une hypernatrémie.
• Conséquences de l’hyperosmolalité extracellulaire : l’élévation de l’osmola-
lité plasmatique entraîne un flux d’eau des cellules vers le liquide extracellu-
laire. L’hypernatrémie aiguë induit des symptômes neurologiques de gravité
variable (léthargie, perte de connaissance, coma) pouvant aller jusqu’au décès
du patient. Lorsqu’elle se constitue lentement, l’élévation de l’osmolalité plas-
matique est équilibrée par une augmentation du contenu en osmolytes intracel-
luaires qui permet de réguler le volume cellulaire au cours des hypernatrémies
chroniques. Cette adaptation expose à un risque d’hyperhydratation intracellu-
laire aiguë (potentiellement mortelle) en cas de correction trop rapide de l’hy-
pernatrémie.
3. Diagnostic
Le diagnostic étiologique d’une hypernatrémie commence par un interrogatoire
soigneux du patient et de l’entourage à la recherche notamment d’antécédents
évocateurs (diabète sucré) de la prise ou de l’administration récente de solution
hypertonique ou de médicaments apportant une grande quantité d’osmoles (par
exemple, apports sodés massifs au cours de certaines antibiothérapies), d’un
contexte infectieux, d’épisodes diarrhéiques et de vomissements.
La diurèse doit être grossièrement quantifiée, ainsi que la sensation de soif, la
capacité à l’exprimer et à la satisfaire.
Une diabète sucré décompensé doit systématiquement être recherché par la
mesure de la glycémie et d’une glycosurie à la bandelette, puis par dosage de
laboratoire.
La mesure de l’osmolalité urinaire contemporaine de l’osmolalité plasmatique
supérieure à 300 mOsm/kg permet de juger du caractère adapté ou non de la
réponse rénale à l’hypernatrémie : l’hypernatrémie doit normalement entraîner
une hypersécrétion d’ADH et l’élévation de l’osmolalité urinaire. Schémati-
quement, une osmolalité urinaire supérieure ou égale à 850 mOsm/kg témoigne
d’une réponse rénale normale à une sécrétion d’ADH appropriée. À l’inverse,
lorsque l’osmolalité urinaire contemporaine d’une hypernatrémie est inférieure
à 300 mOsm/kg, il existe une anomalie majeure soit de la sécrétion, soit de la
réponse rénale à l’action de l’ADH.
Grâce à divers éléments on pourra :
• reconnaître les états hyperosmolaires avec hypertonicité plasmatique, secon-
daires à des pertes d’eau pure ou très pauvre en sodium :
– par apport d’eau insuffisant pour compenser les pertes extrarénales normales
(osmolalité urinaire appropriée) :
. sujets ayant des troubles de conscience ou ne pouvant exprimer leur soif (sujets
déments, nourrissons),
. trouble primaire de la soif : l’absence de sensation de soif contemporaine d’une
osmolalité plasmatique supérieure à 300 mOsm/kg chez un individu pouvant
l’exprimer doit faire rechercher une lésion hypothalamique du centre de la soif.
Les troubles primitifs de la soif sont fréquemment associés à un diabète insipide
neurogénique partiel ;
– au cours de la polyurie des diabètes insipides : l’osmolalité urinaire contem-
poraine de l’hypernatrémie est inappropriée. L’administration par voie sous-cuta-
née ou nasale de dDAVP (agoniste des récepteurs V2 de l’ADH) permet de dis-
tinguer entre :
. un diabète insipide d’origine neurogénique (défaut de sécrétion hypothalamique
d’ADH) lorsque l’osmolalité s’élève de plus de 50 % dans les 2 h qui suivent
l’administration de dDAVP ;
. un diabète insipide d’origine néphrogénique (absence de réponse rénale à l’ac-
tion de cette hormone) lorsque l’osmolalité urinaire varie de moins de 30 % en
cas d’origine néphrogénique ;
• reconnaître les états hyperosmolaires avec hypertonicité plasmatique secon-
daires à des pertes d’eau pure avec perte relativement plus faible de sodium :
– au cours des polyuries osmotiques, des substances de faible poids moléculaire
librement filtrées et peu réabsorbées entraînent la disparition du gradient cor-
tico-papillaire intrarénale. L’osmolalité urinaire est proche de celle du plasma
mais la concentration en électrolyte est beaucoup plus faible. La perte d’eau et
de sodium ainsi engendrée entraîne une déshydratation globale. Le soluté res-
ponsable peut être le glucose (la glycosurie élevée du diabète déséquilibré est la
première étiologie de polyurie osmotique), l’urée (polyurie osmotique de la
réduction néphronique avancée), le mannitol… ;
– au cours des pertes extrarénales (osmolalité urinaire appropriée) :
. pertes par vomissements, aspiration gastrique, diarrhée non compensées ;
. pertes extrarénales autres, augmentées par l’hyperventilation et l’hyperthermie ;
• reconnaître les états hyperosmolaires avec hypertonicité plasmatique, secon-
daires à une surcharge en solutés non diffusibles (osmolalité urinaire appro-
priée) :
TABLEAU II
.../...
– dans l’insuffisance cardiaque chronique
congestive, la diminution de la volémie arté- Causes des hyperhydratations extracellulaires
rielle est secondaire à la diminution du
volume d’éjection systolique et du débit car- • Expansion du secteur extracellulaire sans œdèmes
diaque ;
– dans les insuffisances cardiaques à débit
Régulation du bilan du sodium
élevé (anémie, fistules artérioveineuses, A. Syndromes d’hyperminéralocorticorticismes primitifs ou apparentés :
béribéri) la diminution de la volémie arté- – syndrome de Conn
rielle est secondaire à la diminution des – hyperplasie bilatérale des surrénales (hyperplasies nodulaires, déficits
résistances artérielles périphériques, et en 11β-hydroxylase, 17 α-hydroxylase)
contraste avec l’élévation du débit cardiaque – intoxication par la glycyrrhizine (réglisse, Antésite)
et du volume sanguin total, caractéristique – pseudohyperaldostéronisme (syndrome de Liddle)
de ces pathologies ; – excès de glucocorticoïdes
– l’hypovolémie artérielle au cours de la cir- B. Insuffisance rénale avancée
rhose hépatique répond de plusieurs méca-
nismes : au stade précoce de la cirrhose • États œdémateux généralisés
expérimentale, l’hyperpression intrahépa-
tique, par l’intermédiaire de barorécepteurs Régulation du bilan du sodium
intrahépatiques, semble responsable de la A. Augmentation de la pression hydrostatique capillaire :
rétention rénale de sodium (réflexe hépato- – cirrhose hépatique
rénal). La diminution des résistances péri- – insuffisance cardiaque congestive
phériques induite par la vasodilatation – néphropathies glomérulaires
splanchnique et apparition d’angiomes stel- – toxémie gravidique
laires cutanés et viscéraux et diverses fis-
tules artérioveineuses, explique l’hypovolé- B. Augmentation de la perméabilité capillaire :
mie artérielle et le débit cardiaque élevé – choc anaphylactique, septique, œdème angio-neurotique familial
contemporains. Ce syndrome hyperkiné- – médicaments vasodilatateurs (minoxidil, inhibiteurs calciques)
tique participe à la création et à l’entretien C. Augmentation de la différence de pression oncotique:
de la rétention hydrosodée. La rétention – diminution de la pression oncotique plasmatique (albuminémie < 15-20 g/L)
hydrosodée se distribue de façon préféren-
. syndrome néphrotique sévère
tielle dans le péritoine à partir des capillaires
sinusoïdaux et à travers la capsule hépatique. . insuffisance hépatique
Rapidement, l’augmentation du retour lym- . gastro-entéropathies exsudatives
phatique vers la circulation systémique est – augmentation de la pression oncotique interstitielle : hypothyroïdie
dépassée et une ascite apparaît. Lorsque la D. Mécanisme indéterminé : œdèmes cycliques idiopathiques
rétention hydrosodée est majeure, un syn-
drome œdémateux généralisé s’installe ;
– au cours des syndromes néphrotiques, défi-
nis par l’association d’une protéinurie supé-
rieure à 3 g/24 h, d’une hypoalbuminémie l’aldostérone. Dans l’intoxication par la réglisse, la rénine et l’aldostérone sont
(30 < g/L) et d’un syndrome œdémateux. La diminuées. La réglisse inhibe la 11β-hydroxystéroïde-déshydrogénase qui cata-
rétention hydrosodée est induite par une aug- lyse le cortisol en cortisone dans le rein. L’inhibition de cette enzyme démasque
mentation primitive de la réabsorption tubu- l’action minéralocorticoïde du cortisol qui est physiologiquement absente.
laire de NaCl (tubule collecteur) et par les
mécanismes régulateurs de l’hypovolémie
efficace secondaire à la diminution de la 3. Diagnostic
pression oncotique. Une diminution isolée • Diagnostic clinique et paraclinique : il cherche à déterminer l’extension et les
de la pression oncotique ne semble cepen-
dant pas pouvoir entraîner à elle seule une
conséquences de la rétention hydrosodée :
hypovolémie efficace tant que l’albuminé- – la pression artérielle est plutôt basse dans l’insuffisance cardiaque et la cir-
mie demeure supérieure à 20 g/L. En effet, rhose, et élevée dans les hyperminéralocorticismes primitifs ;
l’hypoalbuminémie plasmatique s’accom- – la prise de poids, surtout si elle est rapide, amène une donnée quantifiable et
pagne d’une diminution proportionnelle de précoce, le syndrome œdémateux n’apparaissant cliniquement qu’au-délà de
la concentration interstitielle d’albumine ce
qui maintient la différence de pression onco- 3 kg, les épanchements sérieux au-delà de 6 kg. Dans les syndromes œdémateux
tique constante. majeurs, la prise de poids peut être massive (parfois > 30 kg en quelques
En réalité, la pathogénie semble un conti- semaines) ;
nuum entre des tableaux proches de la glo- – la recherche d’œdèmes au cours d’une rétention hydrosodée modérée se fera
mérulonéphrite aiguë associant un volume
plasmatique élevé, une activité rénine et une
au niveau des membres inférieurs (jambes en poteaux) chez un sujet ambula-
aldostéronémie basses, et des tableaux avec toire, et au niveau des zones déclives chez un sujet couché (empâtement lom-
hypovolémie vraie prédominante, associés à baire, de la face postérieure des cuisses, rétrotibial). Ces œdèmes blancs, mous,
une activité rénine et sympathique et à une indolores, gardent l’empreinte du doigt à la pression (signe du godet) ;
aldostéronémie élevées. La diminution de la – la recherche clinique d’une anasarque (extension aux séreuses) sera aidée par
pression oncotique, éventuellement d’autres
mécanismes non élucidés (anomalies de la la pratique orientée de radiographies (épanchements pleuraux, œdème pulmo-
perméabilité capillaire) seraient à l’origine naire interstitiel) et d’échographies (recherche d’ascite, d’un épanchement péri-
d’une hypovolémie et de sa persistance mal- cardique).
gré la rétention hydrosodée. • Diagnostic biologique : l’hyperhydratation extracellulaire s’accompagne d’une
diminution des protides et de l’hématocrite. Cependant, une hypoprotidémie
TABLEAU III
Causes principales des états
de déshydratation extracellulaire
Pertes extrarénales de sodium
A. Gastro-intestinales :
– diarrhée
– fistules ou drainages biliaires, pancréatiques, intestinaux
B. Cutanées :
– sueurs excessives (mucoviscidose)
– brûlures, affections cutanées inflammatoires
C. Création d’un « troisième secteur » :
– occlusion intestinale, péritonite
– pancréatite
D. Autres : ponctions péritonéales ou pleurales
Pertes rénales de sodium
A. Rein normal :
– vomissements, fistules ou aspirations gastriques
– diurétiques, diurèse osmotique
– déficit en minéralocorticoïdes
– hypercalcémie, acidose métabolique
B. Rein pathologique :
– insuffisance rénale chronique (retard à l’adaptation lors de la réduction brutale
des apports sodés)
– insuffisance rénale chronique avec syndrome d’hyporéninémie et hypoaldosté-
ronisme
– néphropathie avec perte de sel : néphropathies interstitielles, acidose tubulaire
distale et proimale
– syndrome de levée d’obstacle, reprise de diurèse d’insuffisance rénale aiguë
– pseudo-hypoaldostéronisme
1. Étiologie
Les causes des déshydratations extracellulaires peuvent être subdivisées en pertes
rénales et extrarénales de sodium, elles sont résumées dans le tableau III.
2. Physiopathologie
Les capacités d’adaptation rénales à un régime pauvre en sodium sont très impor-
tantes (la natriurèse pouvant être quasi nulle). L’apparition d’un bilan sodé néga-
tif suppose donc, soit la perte de sécrétions extrarénales riches en sodium, soit
une altération primitive des capacités rénales de réabsorption du sodium.
• Pertes extrarénales :
– lors des diarrhées ou lors de pertes de liquide de sécrétions intestinales, biliaires
ou pancréatiques : par fistules ou drainages, la perte de bicarbonate de sodium
et de chlorure de sodium aboutit à la création d’une contraction des volumes
extracellulaires et d’une acidose métabolique. On peut en rapprocher les séques-
trations liquidiennes non extériorisées, et donc difficiles à quantifier, qui peu-
vent survenir au cours d’occlusions intestinales, péritonites ou pancréatites. Dans
toutes ces situations, l’apparition d’une hypovolémie entraîne une réponse rénale
appropriée (natriurèse < 10 mmol/L ou par 24 h) ;
– la perte (par vomissement, fistule ou aspiration) de liquide gastrique, riche en
acide chlorhydrique : elle entraîne une alcalose métabolique. Initialement, cette
alcalose induit une perte rénale de sodium, car la quantité de bicarbonate de sodium
filtrée dépasse les capacités tubulaires de réabsorption aboutissant à une perte
rénale de bicarbonate de sodium. Cette alcalose entraîne également une hypoka-
liémie (par transfert intracellulaire et par stimulation de l’excrétion rénale de
potassium). À l’arrêt des vomissements, la concentration de bicarbonate s’équi-
libre à une valeur permettant sa totale réabsorption par le rein. La natriurèse s’ef-
fondre (< 10 mmol/24 h). La chlorurie très faible signe la déplétion chlorée ;
– pertes sudorales : la sueur contient 50 à 80 mmol/L de NaCl. Une perte notable
de sodium par sudation peut se produire dans certaines circonstances comme
l’exposition brutale à des températures élevées ou l’exercice physique intense.
Lorsqu’un sujet est exposé chroniquement à la chaleur, la concentration en NaCl
s’adapte et diminue. Cependant, les patients atteints d’insuffisance surrénale
chronique ou de mucoviscidose ont des concentrations de sodium dans la sueur
plus élevées que la normale et un défaut d’adaptation à la chaleur.
• Pertes rénales : d’une façon générale, deux phases peuvent être distinguées
lors de pertes de sodium d’origine rénale : lors de l’installation du trouble, l’ex-
crétion urinaire de sodium est supérieure aux apports, à l’origine d’un bilan néga-
tif de sodium et de la création de la contraction des volumes extracellulaires.
Secondairement, la charge sodée filtrée diminue du fait de cette contraction et
les systèmes de régulation stimulent les capacités de réabsorption sodée dans les
différentes parties du néphron encore fonctionnelles. Progressivement, la natriu-
rèse devient égale aux apports, mais demeure inappropriée à la déshydratation
extracellulaire, et un état stable s’instaure.
– L’administration de diurétiques entraîne une perte rénale de sodium et expose
à divers troubles hydroélectrolytiques associés, fonctions du site d’action de diu-
rétique : l’abus des diurétiques de l’anse (type furosémide) et les diurétiques thia-
zidiques qui inhibent la réabsorption dans le tube contourné distal entraînent une
contraction des volumes cellulaires associée à une alcalose métabolique et à une
hypokaliémie. À l’inverse, l’abus de diurétiques agissant sur le tube collecteur
cortical (amiloride, spironolactone, triamtérène) ou leur utilisation malgré l’exis-
tence d’une réduction néphronique entraîne une contraction des volumes cellu-
laires associée à une acidose métabolique et à une hyperkaliémie.
– Les diurèses osmotiques abordées dans le chapitre des déshydratations intra-
cellulaires, entraînent une perte d’eau supérieure à celle de sodium. La contrac-
tion extracellulaire est alors accompagnée d’une déshydratation intracellulaire.
– Déficits en aldostérone : la diminution de la réabsorption de sodium dans le
tube collecteur cortical, entraîne une contraction du volume extracellulaire asso-
ciée à une acidose métabolique et à une hyperkaliémie. Le déficit en aldostérone
peut être d’origine surrénalienne (insuffisance surrénalienne globale, bloc enzy-
matique aboutissant à un déficit spécifique en minéralocorticoïdes), ou secon-
daire à un déficit en rénine associé à certaines insuffisances rénales (syndrome
d’hyporéninémie et hypoaldostéronisme au cours de la néphropathie diabétique,
de la néphropathie aux antalgiques et AINS par exemple). Rarement, la rénine
et l’aldostérone sont très élevées, mais ni l’aldostérone endogène ni l’adminis-
tration de minéralocorticoïde n’entraînent l’effet rénal attendu. Cette pathologie
rare de l’enfance est décrite sous le nom de pseudo-hypoaldostéronisme.
– L’hypercalcémie et l’acidose métabolique diminuent la réabsorption tubulaire
de sodium et peuvent être responsables d’une contraction des volumes extra-
cellulaires.
3. Diagnostic
• Examen clinique : la déshydratation extracellulaire modérée peut s’accompa-
gner de sensations vertigineuses, majorées par l’orthostatisme. Cliniquement,
une perte de poids modérée, la diminution du tonus des globes oculaires, un pli
cutané, un aplatissement des veines périphériques et jugulaires en position cou-
chée devront être recherchés, ainsi qu’une exagération de la réponse à l’ortho-
statisme (lors du passage de la position couchée à la position debout, la fréquence
cardiaque s’élève de plus de 20 batt/min et les pressions artérielles diastolique
et systolique baissent de plus de 20 mmHg). Ces signes indicatifs sont cepen-
dant inconstants et non spécifiques. Une contraction sévère des volumes extra-
cellulaires entraîne une stimulation du système sympathique traduite clinique-
ment par une tachycardie (pouls filant) une vasoconstriction périphérique
(marbures, extrémités froides).