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CONCEPTION DES MACHINES

PRINCIPES ET APPLICATIONS

1 Statique

GEORGES SPINNLER

PRESSES POLYTECHNIQUES ET UNIVERSITAIRES ROMANDES


Vous pouvez consulter notre catalogue général sur notre
serveur Internet

http://ppur.epfl.ch

Volume 1
ISBN 2-88074-301-X
© 1997, Presses polytechniques et universitaires romandes,
CH – 1015 Lausanne

Tous droits réservés.


Reproduction, même partielle, sous quelque forme ou sur quelque
support que ce soit, interdite sans l’accord écrit de l’éditeur.
1. Avant-propos Page V Mercredi, 8. f vrier 2006 11:02 11

AVANT-PROPOS

Jusqu’au début des années quatre-vingt, le dessin à la planche et le dimension-


nement des organes de machines occupaient presque entièrement les ingénieurs cons-
tructeurs. Aujourd’hui, cette activité a été profondément transformée par les moyens
informatiques : des logiciels permettent le calcul rapide des organes et leur optimisa-
tion; des simulations animées à l’écran visualisent les mouvements et les vibrations;
les dessins d’étude et d’exécution se font à l’ordinateur avec les méthodes de l’ingé-
nierie simultanée. En outre, le marché offre de plus en plus d’organes que l’utilisateur
n’a plus besoin d’étudier en détail.
Ces moyens modernes fascinent par leur facilité d’emploi et leur rapidité. Mais
ils ne déchargent pas l’ingénieur de toute réflexion. Ils exigent au contraire des con-
naissances encore plus étendues pour être utilisés intelligemment. Le concepteur ne
peut pas modéliser ce qu’il ignore; il doit connaître les lois de comportement pour éla-
borer les modèles; il doit être en mesure d’évaluer rapidement les grandeurs prin-
cipales pour apprécier les résultats des calculs automatiques; il doit savoir sur quel
paramètre agir pour améliorer une solution et il doit traduire dans le concret l’abs-
traction des modèles. C’est là que réside encore tout l’art de l’ingénieur.
On observe que les jeunes ingénieurs témoignent souvent une confiance presque
aveugle aux ordinateurs. Ils croient suffisant d’entrer quelques données pour obtenir la
solution à tous les problèmes. Plus grave encore, ils estiment souvent que les aspects
technologiques
1
et pratiques sont indignes de leur intérêt, attitude que dénonce E. Fer-
guson .
Il est urgent de combler le fossé qui se creuse entre le monde de l’application
industrielle et celui des spécialistes pointus. C’est ce qui m’a incité à rédiger le présent
ouvrage, fruit d’une vaste expérience industrielle et de vingt ans d’enseignement de la
conception des machines à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Contraire-
ment à la littérature qui décrit les éléments de machines, ce livre présente les phéno-
mènes rencontrés dans leur fonctionnement. La matière est traitée à la manière anglo-
saxonne; des développements mathématiques simples conduisent à des formules dont
on déduit logiquement les principes et les règles de conception des machines. Chaque
thème est illustré par des exemples pratiques. On y trouve aussi le principe de solu-
tions électriques modernes.
Cet ouvrage de synthèse s’applique donc à toutes les machines et s’adresse aux
personnes actives dans la construction mécanique ainsi qu’aux étudiants des écoles
d’ingénieurs. Quant au lecteur qui pourrait redouter l’ampleur de la matière, il

1
FERGUSON, E.S., Engineering and the Mind’s Eye. MIT Press, Cambridge, Massachusetts, 1992
1. Avant-propos Page VI Mercredi, 8. f vrier 2006 11:02 11

VI CONCEPTION DES MACHINES

découvrira dans chaque chapitre un sujet bien délimité et de nombreux renvois facili-
tant la recherche dans d’autres parties de l’ouvrage.

Remerciements
Un ouvrage de cette envergure ne s’élabore pas sans la collaboration de nom-
breuses personnes. Je me plais à remercier chaleureusement les étudiants attentifs dont
les questions ont suscité beaucoup de réflexion; Alexandra Boussalem qui a saisi le
texte; les ingénieurs diplômés Isabelle Beretta-Piccoli-Beckius et Alain Moreillon
pour avoir relu plusieurs chapitres et fait de nombreuses suggestions d’amélioration,
Olivier Blanc pour son contrôle soigneux des développements mathématiques et des
calculs numériques, Daniela Iorgulescu-Dogariu pour le tracé à l’ordinateur des gra-
phes; le graphiste Jean-François Casteu qui a exécuté les dessins.
Cette publication n’aurait pas vu le jour sans le soutien de l’Ecole polytechnique
fédérale de Lausanne et sans l’apport dynamique de l’éditeur dont je remercie en par-
ticulier le directeur, Olivier Babel, et ses collaborateurs Fabio Tonasso et Jean-Phi-
lippe Galley.
Last but not least, je remercie mon épouse pour sa patience, ses encouragements
et sa collaboration.

Georges SPINNLER
Lausanne, février 1997
2. Table des mati res Page VII Mercredi, 8. f vrier 2006 11:03 11

TABLE DES MATIÈRES

Volume 1: STATIQUE

AVANT-PROPOS .......................................................................... V

CHAPITRE 1 INTRODUCTION ......................................................................... 1


1.1 Objectifs de l’ouvrage ........................................................... 1
1.2 Evolution des méthodes de conception.................................. 1
1.3 Structure de l’ouvrage ........................................................... 2
1.4 Prérequis ................................................................................ 4
1.5 Structure générale des machines............................................ 5
1.6 Fonctions mécaniques............................................................ 6
1.7 Performances ......................................................................... 7
1.8 Conventions ........................................................................... 8

CHAPITRE 2 FROTTEMENT ............................................................................. 11


2.1 Introduction ........................................................................... 11
2.2 Contact de surfaces ................................................................ 12
2.3 Frottement sec........................................................................ 24
2.4 Lubrification .......................................................................... 34
2.5 Comportement du coefficient de frottement .......................... 58
2.6 Maîtrise du frottement ........................................................... 63
2.7 Conclusions principales......................................................... 65

CHAPITRE 3 DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES ......... 67


3.1 Introduction ........................................................................... 67
3.2 Usure...................................................................................... 68
3.3 Usure induite par petits débattements (fretting) .................... 75
3.4 Ecaillage ................................................................................ 81
3.5 Grippage ................................................................................ 85
3.6 Longévité des couples cinématiques ..................................... 86
3.7 Rodage ................................................................................... 93
3.8 Applications........................................................................... 96
3.9 Conclusions principales......................................................... 98

CHAPITRE 4 DISSIPATION D’ÉNERGIE ......................................................... 101


4.1 Introduction ........................................................................... 101
2. Table des mati res Page VIII Mercredi, 8. f vrier 2006 11:03 11

VIII CONCEPTION DES MACHINES

4.2 Dissipation externe ................................................................ 102


4.3 Dissipation interne................................................................. 113
4.4 Organes dissipateurs d’énergie .............................................. 122
4.5 Conclusions principales......................................................... 130

CHAPITRE 5 EFFORTS STATIQUES ................................................................ 131


5.1 Introduction ........................................................................... 131
5.2 Efforts .................................................................................... 132
5.3 Transmission d’efforts entre des solides................................ 135
5.4 Transmission d’efforts dans les solides ................................. 149
5.5 Roues ..................................................................................... 151
5.6 Liens souples ......................................................................... 160
5.7 Réseaux d’efforts statiques .................................................... 166
5.8 Etude des réseaux d’efforts.................................................... 171
5.9 Poids propre........................................................................... 176
5.10 Conception statique ............................................................... 179
5.11 Conclusions principales......................................................... 197

CHAPITRE 6 DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ ................................................ 199


6.1 Introduction ........................................................................... 199
6.2 Déformation, rigidité ............................................................. 199
6.3 Combinaisons d’éléments déformables ................................. 204
6.4 Rigidité d’éléments divers ..................................................... 208
6.5 Conception et rigidité ............................................................ 226
6.6 Structures à rigidité active ..................................................... 239
6.7 Conclusions principales......................................................... 239

CHAPITRE 7 PRÉCONTRAINTE ...................................................................... 241


7.1 Introduction ........................................................................... 241
7.2 Statique intérieure de systèmes fermés.................................. 241
7.3 Génération de la précontrainte............................................... 245
7.4 Perturbations de la précontrainte ........................................... 261
7.5 Système précontraint sous charge extérieure......................... 265
7.6 Exemples d’applications........................................................ 271
7.7 Assouplissement des systèmes précontraints ........................ 298
7.8 Conclusions principales......................................................... 302

CHAPITRE 8 DISTRIBUTION DES EFFORTS................................................. 303


8.1 Introduction ........................................................................... 303
8.2 Transmission d’efforts en parallèle........................................ 304
8.3 Distributeurs et transmetteurs rigides .................................... 308
8.4 Distributeurs rigides, transmetteurs souples .......................... 316
8.5 Distributeurs souples, transmetteurs rigides .......................... 337
8.6 Distributeurs et transmetteurs souples ................................... 341
8.7 Pression apparente de contact................................................ 350
8.8 Conclusions principales......................................................... 376
2. Table des mati res Page IX Mercredi, 8. f vrier 2006 11:03 11

TABLE DES MATIÈRES IX

CHAPITRE 9 LIAISONS, MOBILITÉ................................................................ 379


9.1 Introduction ........................................................................... 379
9.2 Degrés de liberté d’un solide ................................................. 380
9.3 Liaisons.................................................................................. 381
9.4 Liaisons réelles ...................................................................... 389
9.5 Chaînes cinématiques ............................................................ 400
9.6 Modélisation statique............................................................. 413
9.7 Maîtrise des efforts hyperstatiques ........................................ 423
9.8 Conclusions principales......................................................... 429

CHAPITRE 10 MÉCANISMES ............................................................................. 431


10.1 Introduction ........................................................................... 431
10.2 Couples cinématiques ............................................................ 433
10.3 Cinématique........................................................................... 440
10.4 Statique .................................................................................. 454
10.5 Energétique ............................................................................ 459
10.6 Comportement cinétostatique ................................................ 472
10.7 Blocage, autoblocage............................................................. 486
10.8 Chaînes cinématiques ............................................................ 504
10.9 Conclusions principales......................................................... 509

CHAPITRE 11 AMPLIFICATION ........................................................................ 513


11.1 Introduction ........................................................................... 513
11.2 Généralités ............................................................................. 513
11.3 Amplification passive de mouvement.................................... 515
11.4 Amplification passive d’efforts.............................................. 522
11.5 Assistance .............................................................................. 531
11.6 Amplification active............................................................... 538
11.7 Démultiplication de mouvement............................................ 539
11.8 Conclusions principales......................................................... 544

BIBLIOGRAPHIE ........................................................................ 545

INDEX........................................................................................... 551

REMERCIEMENTS AUX ÉDITEURS........................................ 558

LISTE DES SYMBOLES ............................................................. 559


2. Table des mati res Page X Mercredi, 8. f vrier 2006 11:03 11

X CONCEPTION DES MACHINES

Volume 2: DYNAMIQUE

CHAPITRE 12 ÉNERGIE
CHAPITRE 13 MODÈLES DYNAMIQUES
CHAPITRE 14 MOUVEMENT DES GROUPES
CHAPITRE 15 PRÉCISION DES MOUVEMENTS
CHAPITRE 16 EFFORTS D’INERTIE
CHAPITRE 17 SOLLICITATION DES STRUCTURES
CHAPITRE 18 VIBRATIONS

Volume 3: DIMENSIONNEMENT

CHAPITRE 19 ÉCHAUFFEMENT
CHAPITRE 20 ENTRAÎNEMENT
CHAPITRE 21 STABILITÉ
CHAPITRE 22 ÉTANCHÉITÉ
CHAPITRE 23 RÉSISTANCE ET CHOIX DES MATÉRIAUX
CHAPITRE 24 DIMENSIONNEMENT ET SÉCURITÉ STRUCTURALE
CHAPITRE 25 DIMENSIONNEMENT À LA VITESSE ET AUX DÉFORMATIONS
CHAPITRE 26 ARCHITECTURE
CHAPITRE 27 CONCLUSIONS GÉNÉRALES
Chapitre 1 Page 1 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

CHAPITRE 1

INTRODUCTION

1.1 OBJECTIFS DE L’OUVRAGE

L’ouvrage s’adresse aux praticiens des bureaux d’étude et aux étudiants des éco-
les d’ingénieurs. Il vise à:
• présenter les principes physiques mis en œuvre dans le fonctionnement des
machines;
• préparer les ingénieurs à la conception de machines à hautes performances
dynamiques;
• préparer la modélisation;
• contribuer à définir le cahier des charges pour choisir et dimensionner les
organes de machines;
• donner des règles de construction basées sur des analyses simples;
• suggérer des solutions techniques;
• rapprocher le monde de la recherche théorique et celui de la pratique.

1.2 ÉVOLUTION DES MÉTHODES DE CONCEPTION

Le développement des sciences et des techniques reposait il y a peu de temps


encore sur une combinaison d’empirisme et de théories. Les phénomènes physiques
s’exprimaient en formules et diagrammes dont se servait constamment le concepteur
de machines. L’étude analytique lui fournissait les lois de comportement et lui per-
mettait de «sentir» ce qui se passe dans les mécanismes. Faute de moyens suffisants,
les modèles de calcul étaient forcément très simples, voire simplistes. La mise en ser-
vice des prototypes réservait bien des surprises et exigeait un coûteux travail de mise
au point.
Le développement fulgurant de l’informatique et du calcul numérique permet
aujourd’hui de concevoir des machines directement à l’ordinateur. Avec de bons
modèles, on peut voir fonctionner un mécanisme à l’écran et calculer toutes les gran-
deurs cinématiques et dynamiques, épargnant du coup la construction de prototypes.
D’innombrables logiciels existent pour dimensionner les organes de machines tradi-
tionnels et les pièces de géométrie compliquée. Des bases de données contiennent les
catalogues des fournisseurs et les caractéristiques des matériaux. Le couplage du cal-
cul avec des logiciels de dessin paramétrables permet une véritable conception assistée
par ordinateur avec une interaction constante du calcul et du tracé. Les dessins d’exé-
cutions informatisés permettent de programmer directement les machines-outils
(CFAO).
Chapitre 1 Page 2 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

2 CONCEPTION DES MACHINES

Ces méthodes modernes sont séduisantes, mais présentent deux graves incon-
vénients:
• Les lois de comportement sont cachées dans les logiciels, de sorte que l’utili-
sateur non averti tâtonne pour trouver les bonnes solutions. Il en est parfois
réduit à varier des paramètres à l’aveugle et d’expérimenter à l’écran pour
redécouvrir leur influence et orienter sa démarche.
• La modélisation et le calcul par éléments finis sont souvent beaucoup plus
longs que des calculs analytiques classiques. Moyennant un peu d’expérience,
ces derniers sont néanmoins suffisants pour un avant-projet.

Il existe toujours davantage d’organes de machines sur le marché que le concep-


teur peut assembler sans avoir à les calculer dans le détail. Par contre, il doit posséder
une vision globale pour:
• maîtriser les phénomènes physiques rencontrés dans les machines;
• connaître les lois de comportement;
• connaître les propriétés des organes de machines;
• connaître les limites de performance et savoir comment les repousser.

1.3 STRUCTURE DE L’OUVRAGE

Le tableau 1.1 est à la base de notre démarche. Il associe les organes de machines
aux phénomènes physiques dont ils sont le siège.
Les ouvrages de construction étudient traditionnellement le fonctionnement et le
dimensionnement des organes de machines selon les colonnes du tableau; leur classe-
ment remonte à Reuleaux (1875). On y présente généralement le fonctionnement des
organes de machines élémentaires et on y donne des recettes de dimensionnement plus
ou moins bien justifiées. Chaque organe apparaît dans ces livres comme un cas parti-
culier et l’utilisateur des formules de dimensionnement perçoit souvent mal les phéno-
mènes qui sont à la base de son fonctionnement. Il a l’impression que le calcul se
ramène à l’application d’une suite de «recettes de cuisine».

Contrairement aux autres ouvrages, nous présentons la construction des machines


par les lignes du tableau. Il suffit de consulter la table des matières pour s’en convain-
cre. Chaque chapitre traite les phénomènes selon le schéma suivant:
• présentation des problèmes;
• élaboration de modèles simples permettant un traitement mathématique aisé;
• déduction de règles de construction à partir des résultats de calcul;
• étude des paramètres limitant les performances des machines et examen des
voies ouvertes à leur perfectionnement;
• illustration de la théorie par des exemples.

Cette démarche contribue à donner un caractère scientifique à la construction


mécanique. Nous faisons une synthèse de vastes connaissances éparses dans la litté-
rature en proposant aussi des résultats de nos propres réflexions. Nous justifions cer-
taines hypothèses de calcul courantes, mais rarement démontrées, et sommes parfois
aussi amenés à attaquer certaines notions erronées qui ont encore cours.
Le volume 1 expose les aspects statiques de la conception des machines:
Chapitre 1 Page 3 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

INTRODUCTION 3

Tableau 1.1 Phénomènes physiques principaux liés à des organes de machines (exemples).

Organes de machines (exemples)

embrayages, freins
transm. à friction
courroies plates

paliers lisses
vis sans fin

roulements
engrenages
boulons

chaînes

cames

arbres

rotors
Phénomènes
(exemples)

frottement X X X X X X

usure X X X X X

écaillage X X X X
précontrainte X X X X
pression hertzienne X X X X X
irréversibilité X X X
vibration X X X
stick-slip X
affolement X
vitesse critique X X
effort d'inertie X X X X
échauffement X X X X
instabilité X
fatigue X X X X X
X X
écoulement fluide X X X X

• rappel des mécanismes du frottement (chap. 2), bases pour comprendre les
phénomènes de détérioration des surfaces (chap. 3) et pour guider le choix des
systèmes tribologiques;
• présentation des mécanismes dissipateurs d’énergie et justification de l’utili-
sation du modèle visqueux dans les études dynamiques (chap. 4);
• mécanismes de transmission de forces, réseaux d’efforts et conception statique
des structures (chap. 5);
• analyse des déformations et de la rigidité de divers organes (chap. 6), application
Chapitre 1 Page 4 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

4 CONCEPTION DES MACHINES

à l’étude du fonctionnement et des propriétés des systèmes précontraints


(chap. 7) et au calcul de la distribution des efforts dans les organes de machines
(chap. 8);
• liaisons des pièces et mobilité des mécanismes, liaisons réelles (chap. 9);
• rappel de notions de cinématique et étude des propriétés générales des méca-
nismes (chap. 10), application à la recherche des limites d’amplification de
mouvements ou d’efforts (chap. 11).

Le volume 2 traite les grands mouvements et la dynamique:


• analyse du flux d’énergie, de l’irréversibilité et des circulations de puissance
(chap. 12);
• modélisation de systèmes pour leur analyse cinétostatique et dynamique
(chap. 13);
• étude du mouvement des groupes (chap. 14);
• analyse de l’origine des imprécisions de mouvement: vibrations, affolement,
stick-slip, rebonds, limitation de vitesse (chap. 15);
• effets statiques des efforts d’inertie, principes d’équilibrage (chap. 16);
• efforts dynamiques dans les structures, transmission et atténuation des pertur-
bations dans les chaînes cinématiques, effet des jeux, vibrations paramétriques
(chap. 17);
• vibrations des machines, rappel de dynamique des rotors, atténuation des
vibrations, protection de l’environnement (chap. 18).

Le volume 3 contient l’analyse de quelques problèmes particuliers, le dimen-


sionnement des organes et des notions d’architecture des machines:
• échauffement, limitation de la puissance et de la vitesse par la température,
dimensionnement thermique (chap. 19);
• dimensionnement des moteurs et choix du rapport de vitesses, optimisation
pour parvenir à des mouvements de positionnement rapides (chap. 20);
• instabilités de position et de forme, instabilités thermiques (chap. 21);
• principes mis en œuvre dans la réalisation des étanchéités (chap. 22);
• rappel du comportement mécanique des matériaux, choix raisonné des maté-
riaux sur la base de leurs propriétés générales (chap. 23);
• dimensionnement à la résistance, interprétation et choix du facteur de sécurité,
proportions harmonieuses des éléments de machines (chap. 24);
• dimensionnement à la vitesse et aux déformations, étude de quelques organes
(chap. 25);
• architecture, distribution des fonctions, localisation des organes, principes de
similitudes, sécurité (chap. 26);
• performances limites, directives générales de conception (chap. 27).

1.4 PRÉREQUIS

Cet ouvrage constitue une approche systémique de la construction des machines.


Il suppose connues les sciences de base de l’ingénieur (mécanique rationnelle, statique,
mécanique des solides déformables, théorie des vibrations); il suppose aussi que le lec-
teur connaisse les organes de machines et les principes de leur dimensionnement. On
fera néanmoins les rappels nécessaires à la compréhension. Les personnes intéressées
Chapitre 1 Page 5 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

INTRODUCTION 5

consulteront avec profit l’un ou l’autre des nombreux ouvrages consacrés aux éléments
de machines [1.1 à 1.13].

1.5 STRUCTURE GÉNÉRALE DES MACHINES

Une machine se distingue au premier coup d’œil de tout autre objet créé par
l’homme par son mouvement. Elle comprend en principe au moins les organes sui-
vants (fig. 1.2):
• le moteur est la source d’énergie mécanique: moteur électrique, vérin pneu-
matique, ressort; il transforme toute forme d’énergie en énergie mécanique; il
est lui-même constitué de pièces mécaniques;
• l’outil, au sens large, est l’organe qui effectue le travail demandé à la
machine : crochet d’attelage d’une locomotive, couteau d’une faucheuse,
foret d’une perceuse ; il agit sur l’objet de ce travail : wagon, blé, matière à
percer ;
• la transmission lie le moteur à l’outil et adapte ces organes entre eux: réduc-
teurs de vitesse, embrayages, cames.

MACHINE

moteur transmission outil récepteur

Fig. 1.2 Structure de base d’une machine.

La transmission reliant le moteur à l’outil se compose généralement d’une série


d’éléments et d’organes en mouvement constituant la chaîne cinématique. Mais les
machines comportent très souvent plusieurs outils et leurs mouvements dans l’espace
nécessitent plusieurs moteurs et des chaînes cinématiques appropriées. Du point de
vue strictement mécanique, on peut dire qu’une machine se compose d’une série
d’éléments qui:
• transmettent du mouvement;
• transmettent des efforts;
• transmettent de l’énergie.

Ces trois grandeurs forment la colonne vertébrale de cet ouvrage.


Toujours en observant une machine, on peut la décomposer en deux grands grou-
pes d’organes:
• La chaîne cinématique dont les éléments en mouvement sont le siège d’efforts
qui transmettent de l’énergie; on dit qu’un élément est menant lorsqu’il com-
munique un mouvement et de l’énergie motrice à un autre élément. Celui qui
reçoit cette énergie est dit mené.
• Le bâti et les guidages qui soutiennent et guident les organes de la chaîne
cinématique ne transmettent que des efforts, pas d’énergie.
Chapitre 1 Page 6 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

6 CONCEPTION DES MACHINES

Toutes les machines sont équipées de dispositifs de commande et de contrôle des-


tinés à les mettre en marche et à les arrêter, à régler leur puissance ou leur vitesse, à
coordonner leurs mouvements. D’autres organes assurent leur sécurité et permettent
en tout temps de vérifier leur bon fonctionnement.

1.6 FONCTIONS MÉCANIQUES

Une machine peut se décomposer en sous-ensembles assurant chacun une ou plu-


sieurs fonctions. En descendant jusqu’à une décomposition ultime, on parvient finale-
ment à définir trois ou quatre fonctions mécaniques de base. A savoir:
• la liaison de deux pièces supprime toujours un ou plusieurs degrés de liberté,
elle est complète lorsque toute liberté relative est supprimée, les pièces sont
alors solidaires;
• le guidage a pour objet d’assurer un mouvement déterminé d’une pièce, il con-
serve un ou plusieurs degrés de liberté, mais en supprime d’autres;
• l’articulation n’est qu’un guidage particulier permettant un mouvement de
rotation oscillant, on la distingue parfois des autres;
• l’étanchéité s’oppose au passage de fluides et de poussières.

On distingue quatre niveaux de complexité des objets techniques (tab. 1.3). Les
éléments et les organes de machines remplissent les quatre fonctions mécaniques ci-
dessus. Ils s’assemblent en organes pour créer des fonctions plus compliquées; puis
l’association de divers organes finit par constituer une machine. Enfin, niveau le plus
complexe, le groupement de plusieurs machines dont la combinaison permet d’assurer
une fonction supérieure.

Tableau 1.3 Niveau de complexité des objets techniques.

Niveau de Matériel Caractéristiques Exemples


complexité

I pièce de machine, objet élémentaire vis, douille, ressort,


élément fabriqué sans opération de rondelle, pignon
montage

II organe, système simple obtenu par boîte à vitesses,


sous-ensemble l’assemblage de pièces; assu- moteur hydraulique,
me des fonctions complexes étau

III machine, système formé par rectifieuse,


appareil, l’assemblage de sous- voiture,
instrument ensembles; remplit machine à écrire
une fonction globale

IV installation, système compliqué remplis- minoterie,


juxtaposition sant une série raffinerie
de machines de fonctions; composé de ma-
chines
Chapitre 1 Page 7 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

INTRODUCTION 7

Hubert Reeves [1.14] énonce dans sa cosmologie le principe de complexité crois-


sante. En technique aussi, et la mécanique n’y échappe pas, on observe une évolution
vers des systèmes de plus en plus compliqués. Jahn avait déjà mis ce phénomène en
évidence dans son étude de l’évolution des locomotives à vapeur [1.15]. Nous nous
demandons si les machines ne sont pas aujourd’hui trop bourrées de gadgets présen-
tant surtout un intérêt publicitaire, mais en définitive plus nuisibles qu’utiles. En effet,
ils augmentent le prix d’achat et le coût de l’entretien, mais diminuent souvent la fia-
bilité des machines. Nous pensons qu’elles gagneraient beaucoup à être simplifiées,
surtout celles qui s’exportent vers des pays non industrialisés où existe peu de main-
d’œuvre qualifiée.

1.7 PERFORMANCES

Les performances principales de toute machine sont sa vitesse, l’effort qu’elle


peut exercer et sa puissance fournie au récepteur. Représentons ces caractéristiques
dans un plan effort-vitesse (fig. 1.4). Un point A de ce plan correspond à l’effort et à la
vitesse disponibles à l’outil de la machine en question, l’aire du rectangle construit
entre ce point et les axes représente la puissance fournie au récepteur car la puissance
est égale au produit scalaire de la vitesse par l’effort. Ce plan permet de situer le
domaine de travail des machines selon leurs caractéristiques dominantes (fig. 1.5):
• Domaine 1. Machines exerçant surtout un effort: presses, cisailles, engins de
levage. L’axe d’effort correspond aux efforts statiques purs.
• Domaine 2. Machines fournissant de l’énergie: moteurs, compresseurs, véhi-
cules.
• Domaine 3. Machines dont l’essentiel est le mouvement: machines à emballer,
rotatives d’imprimerie, machines à tisser. L’axe de vitesse est celui des machi-
nes à information pure.

effort

effort
1
puissance 2
A

0 vitesse 0 vitesse
Fig. 1.4 Plan effort-vitesse. Fig. 1.5 Domaines de travail des outils.

On s’efforce de construire des machines toujours plus fortes, plus rapides et plus
puissantes. Cela revient à placer le point figuratif le plus loin possible de l’origine du
Chapitre 1 Page 8 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

8 CONCEPTION DES MACHINES

plan effort-vitesse. Mais divers phénomènes physiques fixent des limites à la position
de ce point et définissent un domaine de travail possible.
Il existe naturellement encore de nombreuses autres caractéristiques pour appré-
cier les performances d’une machine, notamment:
• la précision d’exécution du travail;
• la durée du démarrage;
• la longévité;
• l’impact sur l’environnement (bruit, pollution, vibrations);
• la consommation d’énergie;
• la sécurité;
• la fiabilité.

Globalement, selon ISO, la qualité est l’ensemble des propriétés et caractéris-


tiques d’un produit ou d’un service qui lui confère l’aptitude à satisfaire des besoins
exprimés ou implicites. Mais, du point de vue de l’exploitant, il importe surtout qu’une
machine soit performante, fiable et économique. La fiabilité est étroitement liée à la
conception et à la qualité de l’exécution. Plus une machine est simple, plus elle est fia-
ble et bon marché à la construction et à l’exploitation. On s’efforcera d’obtenir la plus
haute valeur de l’indice de qualité suivant:

performance × fiabilité
IQ = (1.1)
coût

Le coût comprend les frais d’investissement, d’exploitation et d’entretien.


Les fonctions et les performances sont habituellement définies et fixées par l’uti-
lisateur. Le concepteur doit s’en tenir strictement au cahier des charges et ne pas aller,
dans son enthousiasme, au-delà des fonctions exigées.
Confronté au défi d’une construction nouvelle, on est souvent dérouté par le foi-
sonnement des solutions. De nombreux auteurs ont voulu ordonner la pensée en
développant une méthodologie de la conception visant à développer la créativité et à
trouver des solutions qui satisfassent au mieux le cahier des charges. Nous renvoyons
le lecteur, par exemple, à [1.16, 1.17, 1.18, 1.19].
Signalons que le succès industriel dépend aujourd’hui souvent plus de la rapidité
d’étude et d’exécution que des qualités techniques des machines.

1.8 CONVENTIONS

On généralisera l’étude des mécanismes et diminuera le nombre des équations à


écrire à l’aide des conventions suivantes:
Q = effort (force, moment ou couple)
q = mouvement (translation ou rotation)
I = inertie (masse ou moment d’inertie)

Toute équation écrite avec ces symboles peut s’appliquer à un élément en trans-
lation ou en rotation en remplaçant les symboles généraux par les symboles usuels
selon le tableau 1.6. On appliquera les équations générales à des mouvements parti-
culiers sans explication spéciale.
Chapitre 1 Page 9 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

INTRODUCTION 9

Tableau 1.6 Grandeurs généralisées.

Généralité Translation Rotation

Effort Q force F moment, couple M

Mouvement q translation s, x rotation

Vitesse q« s«, x,
« v = ˙
Accélération q«« «s,
« x,
«« v« ˙ = ˙˙
Inertie I masse m moment d’inertie J

Les symboles en caractères gras désignent des vecteurs. Ces caractères sont uti-
lisés aussi dans les figures si le texte qu’elles illustrent est en notation vectorielle.
Le module x de grandeurs vectorielles x est noté simplement x afin d’alléger
l’écriture.
Le point d’application d’une force se trouve en principe à l’origine de son vecteur
représentatif. Mais il se trouve aussi souvent à la pointe de la flèche pour faciliter la
lecture des dessins.
Nous appelons moment quadratique de surface, ou simplement moment quadra-
tique, la grandeur désignée habituellement moment d’inertie qui intervient dans la
mécanique des solides. Cela évite toute ambiguité avec le véritable moment d’inertie
de la dynamique.
La sommation d’une suite de n éléments Ai s’écrit

n
A = ∑ Ai
i=1

Lorsqu’aucune confusion n’est possible, nous écrivons, pour alléger l’écriture,

n
A = ∑ Ai
1

y
z

(a) x (b) x

Fig. 1.7 Désignation des ordonnées: (a) une seule courbe; (b) plus d’une courbe.
Chapitre 1 Page 10 Lundi, 6. f vrier 2006 1:11 13

10 CONCEPTION DES MACHINES

Lorsqu’un graphe contient une seule courbe, on indique le symbole de la fonction


sur l’ordonnée (fig. 1.7a). S’il représente plusieurs fonctions, on désigne seulement les
courbes sans répétition sur l’axe de l’ordonnée (fig. 1.7b).
Une courbe partage souvent un diagramme en deux domaines, l’un utilisable,
l’autre impraticable ou dangereux. Le domaine inutilisable est indiqué par des
hachures (fig. 1.8), on y inscrit souvent le phénomène à craindre.

Q
surchauffe

domaine utilisable

rupture

0
q̇ max
Fig. 1.8 Exemple de diagramme avec indication des domaines dangereux.

Des indications telles que celles portées dans la figure 1.9 signifient que la courbe
effectue une translation vers le haut lorsque le paramètre a augmente ou qu’elle se
déplace vers la droite lorsque la valeur du paramètre b diminue.

y
a

0 x

Fig. 1.9 Indication de l’influence de paramètres dans un graphe.

Un ouvrage comme celui-ci ne se lit habituellement pas de manière cursive. Nous


concevons qu’un lecteur s’intéresse seulement à l’un ou à l’autre des chapitres selon
ses besoins momentanés. C’est pourquoi, pour faciliter la compréhension, nous fai-
sons de fréquents renvois aux passages du livre qui traitent les notions nécessaires.
Chapitre 2 Page 11 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

CHAPITRE 2

FROTTEMENT

2.1 INTRODUCTION

Le mot tribologie vient du grec tribos qui signifie frottement. La tribologie est
une science extrêmement complexe, qui englobe la mécanique des surfaces, l’étude du
frottement et de l’usure ainsi que la lubrification. Elle fait appel à la chimie, la science
des matériaux et la physique moléculaire et revêt une importance économique
immense quand on songe aux énormes pertes provoquées par l’usure des machines et
par le coût de l’énergie dissipée par le frottement.
Le développement de la tribologie repose surtout sur l’expérience. Il existe de
nombreux modèles pour tenter d’expliquer les phénomènes, aucun n’est assez général
pour une théorie unique. Des théories concurrentes se succèdent au fil des recherches
dans ce domaine en évolution rapide. On se contentera de décrire les phénomènes,
dans la perspective actuelle, pour permettre au lecteur de comprendre la suite de
l’ouvrage. Les développements théoriques figurent dans les ouvrages de tribologie,
par exemple [2.1 à 2.6].
On appelle couple tribologique l’ensemble formé par deux solides qui glissent et
frottent l’un contre l’autre. Sauf dans le vide, il existe toujours une troisième substance
interposée entre les surfaces, ne serait-ce qu’une couche d’oxyde. Ces trois corps bai-
gnent dans le milieu ambiant avec lequel ils réagissent. Le tout constitue un système
tribologique. Le choix des matériaux en contact mobile, leur traitement de surface, le
choix des méthodes de lubrification et des lubrifiants constituent l’étude tribologique
d’un mécanisme.
Le frottement transmet une force tangentielle à la surface de contact entre deux
solides serrés l’un contre l’autre. Dans un premier temps, les solides restent en
immobilité relative; au delà d’une certaine intensité de la force, ils glissent. Le glisse-
ment dissipe de l’énergie et use les surfaces. Selon les applications, on cherche à ob-
tenir:
• usure et frottement minimaux dans les paliers, engrenages, cames, glissières;
• usure minimale et frottement maximal dans les freins, embrayages, roues;
• usure maximale par les meules et les limes.

La lubrification a pour but de diminuer l’usure et le frottement, elle consiste à


interposer un fluide ou une poudre entre les solides.
Ce chapitre sert de base à l’étude de l’usure au chapitre 3, il est structuré comme suit:
• Section 2.2 Description du contact des surfaces.
• Section 2.3 Origine du frottement sec, frottement au repos et avec glisse-
ment.
Chapitre 2 Page 12 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

12 CONCEPTION DES MACHINES

• Section 2.4 Principes de lubrification et choix des paliers.


• Section 2.5 Comportement du coefficient de frottement dans la pratique, en
particulier à très basse vitesse.
• Section 2.6 Maîtrise du frottement.
• Section 2.7 Conclusions principales.

Remarque
Le rapport de la force de frottement à la force normale d’appui de deux solides est
une grandeur adimensionnelle qu’on devrait en toute rigueur appeler facteur de frot-
tement. Mais, vu l’usage, on continuera d’utiliser le terme de coefficient de frottement.

2.2 CONTACT DE SURFACES

2.2.1 Structure d’une surface usinée


La surface d’un solide le sépare du milieu ambiant. Elle est caractérisée par sa
structure physico-chimique et par sa géométrie.
Une surface usinée est une zone complexe qui recouvre la masse du solide
comme une peau. Ses propriétés, différentes de celles du corps du solide, jouent un
rôle fondamental dans le comportement tribologique d’un couple cinématique. On dis-
tingue trois couches formant la surface d’une pièce métallique usinée (fig. 2.1).

poussière

couche adsorbée, oxyde


couche de Bielby

inclusions
couche écrouie

matériau de base

Fig. 2.1 Schéma de la surface d’un solide.

En profondeur, une couche de métal est écrouie par les opérations de fabrication
de la pièce, que ce soit par formage (forgeage, filage, galetage) ou par enlèvement de
copeaux (tournage, fraisage, brochage). La structure cristalline du métal de base y est
fortement déformée, elle contient les mêmes défauts et inclusions que ce métal. La
couche est le siège de contraintes résiduelles de compression.
Sur la couche écrouie existe souvent une couche métallique amorphe, ou de cris-
taux finement concassés, appelée couche de Bielby. Elle est produite par la fusion du
métal puis son autotrempage par la masse froide voisine lors des opérations de finition
telles que rectification et polissage. Cette couche, épaisse de quelques dizaines d’ang-
ströms, bouche les inégalités de surface.
Chapitre 2 Page 13 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 13

Les atomes à la surface extérieure possèdent des valences non saturées créant
ainsi un champ de forces électrostatiques qui peut s’exercer à plusieurs angströms de
la surface. Les gaz ou les liquides ambiants sont adsorbés et peuvent réagir avec le
métal pour former des oxydes ou y diffuser. L’adsorption d’huile ou de graisse joue un
rôle important en lubrification. La couche adsorbée est très tenace, elle isole le métal
de base de tout contact direct. La surface est encore contaminée par des particules de
poussière et un film moléculaire de substance environnante.
On sait que les cotes dimensionnelles des pièces sont sujettes à tolérances, mais
les surfaces proprement dites sont aussi affectées par des irrégularités qui jouent un
grand rôle dans le fonctionnement des mécanismes. On a classé les irrégularités selon
l’échelle qu’il faut choisir pour les observer (fig. 2.2).

Erreurs de forme
1er ordre: erreur de forme
2e ordre: ondulations

Rugosité
3e ordre: stries
4e ordre: aspérités

5e ordre: structure du grain ne peut pas être représenté

Matériau
6e ordre: structure cristalline

Fig. 2.2 Classification des anomalies de surfaces techniques.

Les erreurs de forme ou erreurs macrogéométriques, dites de premier ordre, pro-


viennent des déformations de la pièce et de la machine-outil lors de l’usinage. Les irré-
gularités du deuxième ordre consistent en ondulations régulières engendrées par des
vibrations de la pièce ou de la machine-outil; les ondulations sont apparentes à l’œil nu.
A plus petite échelle, visible seulement à la loupe ou au microscope, on rencontre
la rugosité. Elle résulte de stries formées par l’avance progressive de l’outil (tournage,
rabotage) et d’aspérités se formant lors de l’arrachage de la matière par les outils. Au-
delà, on trouve encore la structure du grain des métaux.
Une surface réelle résulte de la superposition de la rugosité et des erreurs de
forme (fig. 2.3). Il faut aussi considérer la répartition des défauts sur la surface. On
observe des structures régulièrement striées (se formant par exemple au tournage)
(fig. 2.4a). Parfois l’orientation des stries est moins nette (fig. 2.4b), on le voit sur des
surfaces meulées. Enfin, la surface peut être totalement irrégulière, comme sur des piè-
ces obtenues par électroérosion (fig. 2.4c). Une surface apparaît donc en réalité
comme une succession de collines et de dépressions plus ou moins profondes.
Il faut être conscient que les aspérités sont toujours représentées avec une hauteur
fortement exagérée afin de pouvoir les mettre en évidence. Leur hauteur est en réalité
20 à 100 fois plus petite qu’on ne la dessine.
Chapitre 2 Page 14 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

14 CONCEPTION DES MACHINES

Surface idéale
Erreur de forme de référence

Rugosités Surface réelle

Fig. 2.3 Surface réelle.

(a) (b) (c)

Fig. 2.4 Structure de surfaces: (a) stries régulières; (b) stries orientées; (c) aspérités irrégulières.

Vu son importance fonctionnelle, on exprime la rugosité par des grandeurs nor-


malisées [2.7, 2.8]:
• profondeur maximale de rugosité Rt ( Rh ),
• profondeur d’aplatissement Rp ,
• rugosité moyenne Ra ,
• rugosité quadratique moyenne (RMS) Rq .

Les rugosimètres mesurent la profondeur des dépressions à l’aide d’un palpeur


(stylet) qui glisse sur la surface en parcourant une certaine distance normalisée. Un
traitement mathématique convenable calcule les rugosités.
Les normes caractérisent la qualité de l’état de surface par le symbole N suivi
d’un numéro de 1 à 12 qui augmente avec la rugosité. Grace aux progrès réalisés dans
les machines-outils, la qualité des surfaces usinées s’est améliorée. On estime qu’on a
gagné une classe de qualité par rapport à ce qui s’obtenait dans les années 1970-80. On
peut souvent utiliser maintenant une pièce tournée sans devoir encore la rectifier.
On a développé une nouvelle description topologique des surfaces par les frac-
tales [2.2]. Elle offre l’avantage d’être indépendante de la distance parcourue par le
stylet mesurant la rugosité.

2.2.2 Contacts ponctuels ou linéiques


Deux solides non conformes se touchent apparemment en un point, ou selon une
ligne de contact. Si une force N est transmise de l’un à l’autre, on dit que la charge de
contact est ponctuelle dans le premier cas (fig. 2.5), linéique dans le second (fig. 2.6).
La charge de contact se répartit le long de la ligne de contact. Désignons par q la
charge linéique répartie le long d’une ligne de contact de longueur l ; on a

l
N = ∫ q (s) ds (2.1)
0
Chapitre 2 Page 15 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 15

2 N 2 q

P
1 1 0

Fig. 2.5 Contact ponctuel. Fig. 2.6 Contact linéique.

La distribution q (s) dépend des déformations locales (§ 6.4.3).


L’aire de contact étant A, la pression de contact est à première vue

N
p = lim = ∞ (2.2)
A→ 0 A

résultat évidemment absurde. En réalité, les solides se déforment au voisinage du con-


tact de manière à former une surface d’aire finie (fig. 2.7).

N N

2 2
2a

A
1 1 A

Fig. 2.7 Aire de contact d’une bille sur un plan.

Le contact de surfaces non conformes a été étudié, entre autres, par le physicien
Heinrich Hertz, c’est pourquoi on l’appelle aussi contact hertzien. Il a montré que la
pression est répartie selon un ellipsoïde tant que la déformation est élastique (fig. 2.8);
la pression la plus élevée régnant au centre de la surface de contact est appelée pres-
sion hertzienne. Cette pression p0 caractérise l’intensité de la pression dans un contact
ponctuel ou linéique.
Les matériaux des solides (1) et (2) ont les caractéristiques suivantes:
• E1 , E2 modules d’élasticité
• µ1 , µ 2 coefficients de Poisson

On pose, pour alléger l’écriture, le module d’élasticité réduit:


Chapitre 2 Page 16 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

16 CONCEPTION DES MACHINES

±1
 1 ± µ12 1 ± µ 22 
E = 2 + (2.3)
 E1 E2 

On se limite ici aux contacts des surfaces les plus fréquents en construction méca-
nique.

Contact extérieur de deux sphères de rayon r1 et r2


La surface de contact est un cercle de rayon

3
3 N 1
a = (2.4)
2 E 1 + 1
r1 r2

avec la pression hertzienne, au centre du cercle de contact,

3
2
3N 1 1
p0 = = 0, 3644 E2 N  +  (2.5)
2π a 2  r1 r2 

p0 p pression de contact
à la surface
p(r)
τ = 0,135 p0
p0 pression maximale au
centre de l’aire de contact
σ p0 0,8 p0,1 p0
0 r
σz contrainte axiale
τ a dans les sphères
C 0,47a
σr ; σt contraintes principales
0,31 p0 σr = σt
σz τ contrainte de cisaillement
1,0a
C point avec cisaillement
maximum

Fig. 2.8 Distribution des contraintes au contact de deux sphères.

Le matériau situé sous la surface de contact est comprimé. La contrainte σ z nor-


male à la surface et la contrainte σ r parallèle à la surface s’évanouissent en pro-
fondeur. La contrainte de cisaillement maximale se trouve sous la surface de contact,
à une profondeur c = 0, 47 a dans le cas du contact de corps sphériques (fig. 2.9a),
où a est le rayon du cercle de contact. Lorsque la charge croît, les déformations et les
Chapitre 2 Page 17 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 17

contraintes augmentent. Au-delà d’une certaine charge, le métal sous la surface entre
en état plastique autour du point le plus sollicité (fig. 2.9b). Le volume plastifié
s’étend ensuite à toute la zone de contact (fig. 2.9c), la pression s’uniformise et
devient approximativement égale à celle qui régnerait si les surfaces étaient planes.

2a p ≈ pe
p0
p0

τmax c
zone plastifiée

(a) (b) (c)

Fig. 2.9 Sollicitation d’un métal en contact hertzien: (a) déformation élastique; (b) début de plastification;
(c) plastification générale.

La pression de contact de déformation plastique est voisine de la dureté mesurée


avec une bille (dureté Brinell HB), car l’empreinte d’une bille dans la surface n’est
possible qu’après plastification complète de la zone de contact.

Contact d’une sphère et d’un plan


Le rayon du plan est infini et celui de la sphère est r. La formule (2.5) donne

3
E2 N
p0 = 0, 3644 (2.6)
r2

Contact extérieur de deux cylindres parallèles de rayon r1 et r2


La surface de contact est un rectangle de longueur l égale à la longueur du cylin-
dre le plus court et de demi-largeur

8 N 1 1
b = (2.7)
π l E 1 + 1
r1 r2

La pression hertzienne sur l’axe du rectangle de contact vaut

1 N 1 1
p0 = E +  (2.8)
2π l  r1 r2 

En cas de contact intérieur, on donne une valeur négative au rayon de la pièce


concave, on voit que la surface de contact est alors plus étendue et la pression plus
Chapitre 2 Page 18 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

18 CONCEPTION DES MACHINES

basse. Mais ces formules ne sont pas valables si la zone de contact s’étend au-delà de
16% du diamètre de la pièce concave. C’est pourquoi il est généralement incorrect de
calculer la pression dans les paliers lisses à l’arrêt par les formules de Hertz. Erhard &
Strickle [2.9] donnent une méthode utilisable dans ce cas.

2.2.3 Contacts surfaciques


Surface de contact nominale
Deux pièces conformes se touchent par une surface géométrique finie (fig. 2.10),
leur contact est dit surfacique. L’aire A contenue dans le contour de contact apparent
est appelée surface de contact nominale ou apparente. La force normale d’appui étant
N, on définit la pression de contact nominale ou apparente

N
p = (2.9)
A

Ce serait la pression de contact qui régnerait entre les surfaces si elles étaient
idéalement lisses et si les pièces étaient indéformables.

A
Ar

Fig. 2.10 Aires de contact.

Surface de contact réelle


Agrandissons fortement la coupe de la surface de contact de deux corps (fig. 2.11).
Même si les surfaces paraissent macrogéométriquement parfaitement polies, elles présentent
chacune des aspérités dont certaines touchent ponctuellement la surface opposée (spots).

2 Ni

contact

Fig. 2.11 Contact de deux surfaces.


Chapitre 2 Page 19 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 19

L’aire de la surface de contact effective des aspérités est appelée surface de contact
réelle Ar . Elle est naturellement plus petite que la surface apparente, c’est pourquoi la
pression de contact réelle pr est beaucoup plus forte que la pression nominale p.

Contact d’une aspérité


Une aspérité progressivement chargée par une force Ni subit tout d’abord une
déformation élastique. En admettant que l’extrémité de l’aspérité soit sphérique, la
théorie de Hertz montre que l’aire de contact effective est proportionnelle à Ni2/3 . Le
matériau subit ensuite une déformation plastique et l’aspérité s’écrase en agrandissant
l’aire de contact. La pression de contact ne peut pas dépasser la pression de plas-
tification pe tant que l’aspérité n’est pas complètement aplatie. La surface de contact
de l’aspérité est alors

Ni
Ari = (2.10)
pe

En état de déformation plastique, l’aire de contact d’une aspérité croît propor-


tionnellement à la charge. La pression de plastification est en relation avec la limite
élastique Re du matériau. Pour les métaux et une aspérité sphérique,

pe ≈ 3Re (2.11)

On notera que, même si la pointe d’une aspérité est déformée plastiquement, la


charge est transmise au corps de la pièce par une zone plus massive où les déforma-
tions restent le plus souvent dans le domaine élastique.

Contact de surfaces
En considérant maintenant l’ensemble de la surface apparente de contact, on
constate qu’à faible charge les pièces ne se touchent que par les aspérités les plus éle-
vées. Les aspérités s’écrasent et les pièces se rapprochent au fur et à mesure que la
charge N augmente. En définitive, la surface comprend des aspérités en état de
déformation élastique et d’autres en état de déformation plastique (fig. 2.12).

aspérité en déformation élastique

2
zone plastifiée

aspérité avec déformation plastique

Fig. 2.12 Surfaces en contact par leurs aspérités.

Des expériences ont prouvé que l’augmentation de la surface de contact réelle


avec la charge est due principalement à l’accroissement du nombre de points de con-
Chapitre 2 Page 20 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

20 CONCEPTION DES MACHINES

tact plutôt qu’à l’agrandissement des aspérités déjà écrasées. Diverses études ont aussi
montré que la surface réelle est approximativement proportionnelle à la charge nor-
male N transmise. On peut donc valablement raisonner comme si toutes les aspérités
en contact se trouvaient en état de sollicitation plastique. Puisque N = Σ Ni , l’aire de
contact réelle vaut finalement

N
Ar = (2.12)
pe

On retiendra que les solides métalliques sont en contact par l’intermédiaire d’un
coussin de matière plastifiée. En exprimant la charge à partir de la pression apparente,
N = Ap, calculons le rapport de la surface de contact réelle à la surface nominale

Ar p
= (2.13)
A pe

On recommande, par exemple, que la pression de contact apparente entre un


moyeu en acier et une clavette soit de l’ordre de 100 N/mm2. Avec une limite élastique
de l’acier Re = 330 N/mm2 et pe = 1000 N/mm2, on a Ar / A = 0,1. Dans le cas
d’un palier lisse présentant localement une pression de 10 bars et dont la limite élasti-
que d’écrasement du coussinet en bronze vaut 130 N/mm2, Ar / A = 0, 0025. Dans le
premier exemple, l’aplatissement des aspérités est très prononcé et un grand nombre
d’entre elles sont en contact, tandis que dans le second, la surface de contact effective
est une petite fraction de l’aire nominale. Les aspérités du coussinet en bronze partici-
pant à la transmission de la charge sont pratiquement toutes en état de déformation
plastique; en revanche, un grand nombre d’aspérités de l’arbre se trouvent en état de
déformation élastique parce que la limite élastique de l’acier est beaucoup plus élevée.
Par conséquent, à charge égale, les déformations sont plus petites pour un métal dur
que pour un métal mou.
En diminuant la charge qui serre les pièces, on constate que les déformations sont
pratiquement irréversibles du fait que l’écrasement plastique des aspérités est
irrécupérable. Si on déplace une pièce par rapport à l’autre avant de remettre en
charge, le contact s’établira par l’intermédiaire d’autres irrégularités de surfaces et de
nouvelles aspérités seront écrasées.
L’aplatissement progressif des ondulations et des aspérités permet le rappro-
chement des pièces. Il peut en résulter le desserrage d’assemblages tels que boulons,
rivets, frettages (§ 7.4.1). Les surfaces métalliques polies, les céramiques et les
polymères sont en contact élastique.

Surface de contact en présence d’une force de cisaillement


Supposons qu’une aspérité chargée par une force normale Ni soit plastifiée (pres-
sion d’écrasement plastique pe ), elle est en contact par une surface d’aire (fig. 2.13a)

Ni
Ari = (2.10)
pe
Chapitre 2 Page 21 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 21

Ni Ni

Ti

(a) Ari (b) Ari T

Fig. 2.13 Aire de contact d’une aspérité: (a) charge normale seule; (b) avec force tangentielle.

L’application d’une force tangentielle Ti provoque une déformation latérale qui


accroît la surface de contact jusqu’à la valeur Ari T (fig. 2.13b). Les sollicitations de la
nouvelle surface de contact sont:
• contrainte de compression

Ni
pri =
Ari T

• contrainte de cisaillement

Ti
τ ri =
Ari T

Selon la théorie de Von Mises pour l’écoulement plastique des matériaux, la plas-
tification intervient lorsqu’une relation de la forme suivante est satisfaite:

pri2 + C τ ri2 = Rlim


2

où C est une constante et Rlim une certaine limite caractéristique du matériau. Si


Ti = 0 , la plastification intervient lorsque pri ≈ pe , donc Rlim = pe et

pri2 + C τ ri2 = pe2 (2.14)

En introduisant l’expression des contraintes, cette équation fournit l’aire de la


surface de contact avec des charges normales et tangentielles

2 2
 Ni   Ti 
Ari T =   + C 
 pe   pe 

En tenant compte de (2.10), on trouve

2
T 
Ari T = Ari 1 + C i  (2.15)
 Ni 
Chapitre 2 Page 22 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

22 CONCEPTION DES MACHINES

La constante C a été déterminée empiriquement; selon les chercheurs, elle est com-
prise entre 12 et 27. On voit que la surface de contact d’une aspérité augmente
lorsqu’elle est sollicitée par une force tangentielle. Par exemple, si Ti / Ni = 0, 2 , on a

Ari T = (1, 22 … 1, 44 ) Ari

L’augmentation de l’aire de contact est sensible; en principe rien ne s’oppose à ce


que les aspérités croissent jusqu’à recouvrir toute l’aire de contact apparente.
Supposons maintenant que la force tangentielle Ti soit forte. Du fait de l’accrois-
sement de l’aire de l’aspérité,

pri2 << C τ ri2

A la limite de cisaillement plastique τ e de l’aspérité, on a par (2.14)

C τ e2 ≈ pe2 (2.16)

La condition de glissement plastique s’écrit alors

pri2 + C τ ri2 = C τ e2 (2.17)

2.2.4 Modélisation des contacts surfaciques


Quoique petites, les aspérités transmettant une charge entre deux corps sont très
nombreuses et distribuées assez régulièrement dans l’interface. Les lignes de forces
s’épanouissent autour des aspérités (fig. 2.14) de sorte qu’on peut admettre, du point
de vue de la transmission de force, que l’ensemble est constitué par la mise en série
des deux corps et des aspérités (fig. 2.15). Accroissons progressivement la charge. Très
vite, les aspérités sont déformées plastiquement tandis que le corps des solides subit
des déformations élastiques. La caractéristique charge-déformation (fig. 2.16) montre
d’abord une forte déformation (coude 1) correspondant à l’écrasement des aspérités,

N1 N2

zone déformée plastiquement

zone déformée élastiquement

Fig. 2.14 Lignes de forces dans une zone de contact.


Chapitre 2 Page 23 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 23

puis le système se comporte pratiquement comme s’il était élastique (branche 2). En
dépit de la déformation plastique des aspérités, ce comportement s’explique par le fait
que le nombre d’aspérités qui participent à la transmission augmente avec la charge.
La déformation résiduelle frés observée en supprimant la charge pendant que les
corps sont encore dans le domaine de proportionnalité correspond à l’écrasement plas-
tique des aspérités.

0 N

f aspérités 2

1
0 f

N– frés

Fig. 2.15 Modèle d’un contact. Fig. 2.16 Relation charge-déformation.

Le système se comporte comme une série de coussins plastiques posés sur un


matelas élastique. Mais après plusieurs cycles, la contribution des aspérités à la
déformation totale est négligeable face à la déformation du corps des solides.
Du point de vue des déformations, on modélise les solides par des ressorts
intercalés entre des blocs infiniment rigides (fig. 2.17a). Les blocs (1© ©) et ( 2©
©) corres-
pondent aux couches superficielles susceptibles de s’user. Les ressorts sont unifor-
mément distribués sur la surface de contact.
Un ressort élémentaire soumis à la pression p (fig. 2.17b) se comprime d’une
quantité f. Sa rigidité surfacique vis-à-vis de la pression est par définition

dp
kp = [ Pa m ] (2.18)
df

0 p
1'
1 1
kp1
1'' f kp
2'' kp
2 kp2 2
2'
(a) (b) (c)

Fig. 2.17 Modèles d’une surface déformable: (a) modèle complet; (b) élément d’une surface; (c) modèle
simplifié du contact.
Chapitre 2 Page 24 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

24 CONCEPTION DES MACHINES

Les rigidités surfaciques des corps en contact sont kp1 , respectivement kp2. On
simplifie le modèle en prévoyant un ressort unique (fig. 2.17c) dont la rigidité surfa-
cique équivalente résultant de la mise en série des deux surfaces vaut (§ 6.3.2)

kp1 kp2
kp = (2.19)
kp1 + kp2

On admettra par la suite que cette rigidité est constante, c’est-à-dire que la
déformation est proportionnelle à la pression. Le cas des contacts ponctuels et linéi-
ques sera examiné au paragraphe 6.4.3.

2.3 FROTTEMENT SEC

2.3.1 Force et coefficient de frottement


Une pièce (2) est appliquée contre une pièce plane (1) par une force N normale au
point de contact (fig. 2.18). L’expérience montre qu’on peut appliquer à la pièce (2)
une force T parallèle à la surface de contact sans qu’elle se mette en mouvement. Il
existe donc une force F– appliquée par le corps (1) à la pièce (2) capable de s’opposer
à T et d’empêcher le mouvement.

N δ

2
F– T

1 N–
0 δ 0 F=T
F0 = T0

Fig. 2.18 Force de frottement. Fig. 2.19 Mouvement de glissement.

En observant le déplacement δ du solide (2) à partir de sa position où T = 0, on


observe d’abord un très petit mouvement qu’on appelle microglissement (§ 2.3.4)
lorsque T croît (fig. 2.19). Pour une certaine valeur T0 = F0 , la pièce se met en
mouvement; en supprimant la force tangentielle T, la pièce ralentit, puis s’arrête.
Ces observations montrent qu’il existe un phénomène dans la surface de contact
des pièces qui s’oppose à leur glissement relatif, c’est le frottement. On peut en don-
ner la définition suivante: le frottement est un phénomène à la surface d’un corps qui
empêche son glissement sur un autre corps (frottement statique) ou qui dissipe de
l’énergie mécanique en cas de glissement (frottement dynamique).
Par définition, le coefficient de frottement µ est le rapport de la composante
tangentielle de frottement, lorsque les pièces glissent, à la composante normale de la
force qui les applique l’une sur l’autre. Dans ce cas on a:
Chapitre 2 Page 25 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 25

R N
ρ

F–
T

ρ
N– R–

Fig. 2.20 Angle de frottement.

F
µ = (2.20)
N

La figure 2.20 représente la pièce (2) isolée. A l’équilibre statique:


• la réaction normale de la pièce (1) est égale et opposée à l’action de (2),
N± = ± N;
• la force de frottement est égale et opposée à la force tangentielle exercée sur
(2), F –= ± T ;
• la réaction résultante de la pièce (1) est égale et opposée à l’action de (2):
R ± = ± R.

L’angle de frottement indique l’inclinaison de la résultante par rapport à la nor-


male à la surface (fig. 2.20). Il vaut

T F
ρ = arctan = arctan (2.21)
N N

Avec (2.20), on a la relation

ρ = arctan µ (2.22)
ou
µ = tan ρ (2.23)

2.3.2 Frottement de glissement


Mécanismes de frottement
On discerne plusieurs phénomènes susceptibles de s’opposer au glissement et de
dissiper de l’énergie.

Adhérence
On observe que deux matériaux dont les surfaces sont absolument pures adhè-
rent l’un à l’autre dans le vide ; il faut une certaine force de traction pour les séparer.
Chapitre 2 Page 26 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

26 CONCEPTION DES MACHINES

Il existe des liaisons appelées jonctions. L’adhérence des métaux s’explique par la
présence d’électrons libres à leur surface qui forment des filiations cristallines (jonc-
tions cohésives) ou qui maintiennent les surfaces par des forces électrostatiques
(jonctions adhésives). Les métaux chimiquement très actifs, comme l’aluminium,
adhèrent facilement entre eux mais aussi sur les polymères et sur les céramiques.
L’adhérence est favorisée par le contact très intime qui existe entre les métaux lors-
que les aspérités sont écrasées plastiquement. En séparant un métal dur initialement
pressé contre un métal mou (indium, plomb, or), on constate que des particules de ce
dernier sont arrachées et adhèrent à la surface du premier. Il y a transfert du métal
mou sur le métal dur.
L’adhérence ne se manifeste habituellement pas, il n’est pas nécessaire d’exercer
une traction pour séparer deux solides qui ont été pressés modérement l’un contre
l’autre, car:
• Johnson a démontré [2.10] que les jonctions en état de déformation élastique se
séparent spontanément lorsque la charge normale diminue; seules les jonctions
plastiques peuvent rester liées.
• Les surfaces sont toujours polluées par des oxydes, de la vapeur d’eau adsor-
bée, par des résidus d’outil et d’huile de coupe. Cette contamination empê-
che l’adhérence de sorte que ce phénomène ne se produit pas dans
l’atmosphère ; en revanche, on l’observe dans le vide, lorsque le métal est
tendre et plastifié.

Calculons la valeur de la force nécessaire pour provoquer le glissement d’une


aspérité pressée contre une surface. On admet que l’aspérité est en état de déformation
plastique et que les corps sont séparés par un film dont la résistance au cisaillement est
τ f . La force tangentielle accroît l’aire de contact de l’aspérité (§ 2.2.3). Si cette force
est grande, on applique l’équation (2.17) en remarquant que la contrainte de cisaille-
ment dans l’aspérité ne peut pas excéder le cisaillement du film. On a

pri2 + C τ f2 = C τ e2

Cette équation fournit la pression de contact

pri = (
C τ e2 − τ f2 )
Avec la surface de contact Ari T en présence d’une force tangentielle, on a la
charge normale transmise par l’aspérité

Ni = pri Ari T

et la force de cisaillement du film intermédiaire

Ti = τ f Ari T

Le coefficient de frottement vaut par définition


Chapitre 2 Page 27 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 27

Ti τ 1
µ = = f = (2.24)
Ni pri C ( τ e2 τ f2 − 1 )
S’il n’y a pas de film polluant, on peut faire τ f = τ e et alors µ = ∞. Ce
résultat s’explique par la croissance de l’aspérité qui atteint formellement la taille de la
surface apparente de contact. On mesure effectivement dans le vide des valeurs de
coefficient de frottement pouvant atteindre 5.
Dans le cas où le film séparateur est peu résistant par rapport à l’aspérité, τ e >> τ f et

τf
µ ≈
τe C

Compte tenu de (2.16), on trouve

τf
µ ≈ (2.25)
pe

Ce résultat a été démontré par Bowden et Tabor [2.11]. Il est intéressant parce qu’il
exprime le coefficient de frottement d’adhérence à partir de caractéristiques mécaniques
des matériaux. La formule (2.25) suggère de diminuer le frottement en interposant entre
les surfaces un film peu résistant au cisaillement. C’est le principe de la lubrification.
On peut aussi aborder l’étude de la résistance des jonctions par le biais de la
mécanique de la rupture.

Labourage
Une aspérité dure chargée par une force normale s’enfonce dans une surface ten-
dre (fig. 2.21a). L’application d’une force tangentielle repousse la matière tendre de
sorte que l’aspérité ne porte que sur le flanc opposé à la force (fig. 2.21b). L’équilibre
statique vertical n’est alors possible que si l’aspérité s’enfonce un peu plus profondé-
ment. Au début du glissement, la matière de la base est repoussée et forme devant
l’aspérité le bourrelet frontal (fig. 2.21c), l’aspérité remonte au-dessus de sa position
initiale. Le volume de matière déformée est plus petit qu’au second stade, de sorte que
la force nécessaire pour entretenir le mouvement diminue.

Fl diminue N
N
Fl N

émergence

enfoncement
(a) (b) (c)

Fig. 2.21 Début du labourage d’une surface tendre par une aspérité dure: (a) enfoncement statique;
(b) premier mouvement par une force tangentielle; (c) émergence au début du glissement.
Chapitre 2 Page 28 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

28 CONCEPTION DES MACHINES

Le corps portant l’aspérité s’éloigne de l’autre au début du glissement et le nom-


bre d’aspérités en contact diminue. Le contact s’opère par les aspérités les plus grosses
qui labourent la surface tendre en creusant de larges sillons (fig. 2.22), des petits mor-
ceaux sont arrachés à la surface.

surface tendre υ
Fl

2
sillon bourrelet

1
Ar
Al sillons débris

Fig. 2.22 Sillon de labourage et bourrelet frontal. Fig. 2.23 Labourage par des débris d’usure.

Après une certaine distance de glissement, des débris d’usure enfermés entre les
corps s’incrustent dans la surface la plus tendre (fig. 2.23). Ces débris sont souvent très
durs parce qu’ils sont formés de matière fortement écrouie et parfois autotrempée si
c’est de l’acier. Ils agissent comme de grosses aspérités et raient la surface opposée.
Le coefficient de frottement de labourage dépend du rapport de la résistance au cisaille-
ment de la surface rayée à sa dureté et de l’inclinaison des flancs des aspérités.

Interaction d’aspérités
Lorsque deux surfaces rugueuses se font face, les aspérités d’une surface se trou-
vent dans des dépressions de l’autre surface, les aspérités sont enchevêtrées (fig. 2.24).
Lors du glissement, l’aspérité (1) va heurter l’aspérité (2). Selon leur section et la
résistance de leur matériaux, l’une ou l’autre peut se rompre ou l’aspérité la plus ten-
dre se déforme plastiquement pour laisser passer l’autre. Dans ce dernier cas, il faut
une force tangentielle pour déformer les aspérités et pour vaincre la force d’adhérence
à leur surface de contact.

υ υ υ

1 2

débris
(a) (b) (c)

Fig. 2.24 Interaction d’aspérités: (a) interférence; (b) rupture fragile; (c) arasage plastique.

Autres causes de frottement


Il existe encore des phénomènes dissipateurs d’énergie qui nécessitent une force
tangentielle pour entretenir le mouvement, mais leur effet est mineur. Ce sont:
• la dissipation d’énergie lors de la sollicitation viscoélastique fugace des maté-
riaux (§ 4.3.1);
Chapitre 2 Page 29 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 29

• l’énergie acoustique du bruit produit au frottement;


• l’énergie de fissuration des matériaux par la fatigue.

Cisaillement de la couche intermédiaire


Les substances et les corps étrangers qui polluent les surfaces sont en couche très
mince, de l’ordre du nanomètre. A cette échelle, même les propriétés des liquides
s’écartent sensiblement des valeurs mesurées habituellement. La viscosité croît consi-
dérablement et les molécules organiques tendent à s’organiser en réseaux réguliers
comme la structure des solides. En outre, l’intensité du cisaillement est très élevée à
cause de la petite distance entre les corps en glissement. Israelachvili a mesuré les for-
ces de cisaillement de la couche intermédiaire [2.12].
Après un certain parcours, des débris d’usure détachés des deux corps restent
emprisonnés entre les surfaces et forment une couche séparatrice appelée troisième
corps. Il existe trois mécanismes permettant le glissement:
• le glissement sur l’une ou l’autre des surfaces;
• le cisaillement du troisième corps;
• des ruptures à l’intérieur des corps.

Ces phénomènes peuvent se succéder ou coexister.

Force de frottement résultante


La force de frottement globale résulte de l’addition de toutes les forces décrites
ci-dessus qui s’opposent au glissement, soit

F = Fadhérence + Flabourage + Fdéformation + … (2.26)

Conclusions
Des mesures et l’évaluation théorique conduisent aux conclusions suivantes:
• Le frottement par adhérence se manifeste dans le vide, mais ne joue prati-
quement pas de rôle dans l’air.
• Après démarrage du glissement de deux corps propres, le labourage des sur-
faces par des aspérités et d’autres phénomènes arrachent des petits morceaux
de matière qui restent emprisonnés entre les surfaces.
• L’accumulation de débris d’usure entre les corps finit par constituer une cou-
che intermédiaire, le troisième corps, dont le cisaillement ou le glissement pro-
voque la plus grosse part du frottement sec.
• Selon Johnson [2.10], le cisaillement de la couche intermédiaire est la princi-
pale source de frottement, le labourage et l’interaction des aspérités jouent un
rôle plus petit. Mais Nam [2.3] attribue une plus grande importance à ces der-
niers phénomènes.

2.3.3 Lois du frottement


Il est utile de connaître les mécanismes du frottement pour comprendre les pro-
cessus de l’usure et savoir comment les influencer. Mais le praticien veut surtout cal-
culer la valeur des forces de frottement qui interviennent dans le fonctionnement des
machines. L’expérience conduit à formuler les lois de frottement suivantes:
• la force de frottement est proportionnelle à la force normale de contact;
Chapitre 2 Page 30 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

30 CONCEPTION DES MACHINES

• la force de frottement entre des surfaces planes est indépendante de l’aire de la


surface de contact nominale (apparente);
• la force de frottement sur un solide est opposée à sa vitesse de glissement sur
l’autre solide frottant lorsque les surfaces sont isotropes (fig. 5.19).

Ces lois s’expriment par la relation fondamentale, dite de Coulomb,

F = µN (2.27)

La valeur du coefficient de frottement µ se détermine empiriquement. On verra


plus loin les paramètres qui l’influencent (sect. 2.5).
Les surfaces revêtues d’une couche de métal tendre, celles qui sont séparées par
un lubrifiant solide et certains polymères présentent un coefficient de frottement qui
diminue lorsque la pression apparente augmente jusqu’à une pression au-delà de
laquelle il reste constant (§ 2.4.7). Dans ces cas, la première et la seconde loi ne sont
pas valables.

2.3.4 Mise en mouvement


Des pièces serrées sont souvent sollicitées par une force tangentielle insuffi-
sante pour les faire glisser. Cette situation se rencontre en particulier lorsque le
frottement est mis à profit pour empêcher le mouvement relatif, par exemple dans
les assemblages boulonnés ou rivés, les moyeux frettés sur les arbres, les embraya-
ges. On se propose d’étudier le comportement de l’ensemble lorsque la force tan-
gentielle croît progressivement.

N
p0
p(x)

T
x
F c c

b b

'' ' = µ p(x)


'

x
0

glissement collage glissement

Fig. 2.25 Distribution de la contrainte de cisaillement au contact d’un cylindre et d’un plan.
Chapitre 2 Page 31 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 31

Glissement d’une aspérité


Considérons la surface de contact d’un cylindre, représentant une aspérité,
appliqué par une force N sur un plan (fig. 2.25). Mindlin [2.13] a démontré qu’en
appliquant une force tangentielle T au cylindre, apparaissent deux zones de glissement
situées au bord de la surface de contact. Dans la partie centrale, en revanche, les sur-
faces restent immobiles, on dit qu’elles sont collées (contact collant). Dans les zones
de glissement, le cisaillement de contact est proportionnel à la pression de contact; en
vertu de la loi de Coulomb (2.27), il vaut τ ′ = µ p. Le cisaillement dans la zone col-
lante est τ ′′ < µ p, il est plus petit au centre de la surface de contact et croît lorsqu’on
s’éloigne du centre jusqu’à atteindre le cisaillement de glissement. Soit l la longueur
de la zone de contact du cylindre et ± c l’abscisse des points situés à la limite de glis-
sement, la force de frottement vaut

c b

∫ ∫
F = 2 l τ ′′ dx + 2 l µ p ( x ) dx (2.28)
0 c

La première intégrale représente la force transmise dans la zone collée, la


seconde est la force transmise dans les zones de glissement.
Lorsque la sollicitation T augmente, on constate que la largeur de la zone collée
diminue jusqu’à ce que finalement le glissement s’installe sur toute la surface de con-
tact. Alors c = 0 et l’expression ci-dessus devient simplement


F = 2 l µ p ( x ) dx = µ N (2.29)
0

Le cylindre glisse maintenant sur le plan en opposant la force de frottement µ N.


Des travaux expérimentaux ont révélé certains désaccords avec cette théorie. Une
théorie élasto-plastique plus précise [2.14] montre qu’il existe une zone de transition
plastique entre les zones collées et de glissement.
Le glissement d’aspérités en état de déformation plastique s’opère comme décrit
au paragraphe 2.3.2 à propos du labourage.

Mise en mouvement de deux corps en contact


Deux corps se touchent par leurs aspérités de rugosité. Certaines sont en état de
déformation élastique, d’autres en état de déformation plastique. Les aspérités en con-
tact se comportent comme nous venons de le voir ci-dessus, celles qui sont le moins
chargées glissent les premières, les autres un peu plus tard.
En outre, les corps eux-mêmes subissent des déformations tangentielles
élastiques; les aspérités situées au voisinage du point d’application de la force tangen-
tielle glissent avant celles qui en sont plus éloignées. Il existe là aussi des zones de
glissement et des zones collantes.
En mesurant le déplacement δ d’une pièce en fonction de la force tangentielle T,
on observe tout d’abord (fig. 2.26) une relation linéaire. Au-delà du coude A, la courbe
s’aplatit parce que la plupart des microglissements ont lieu avec des déformations
Chapitre 2 Page 32 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

32 CONCEPTION DES MACHINES

T
B
Tmax
A

kg

δ
0
microglissement glissement

Fig. 2.26 Relation entre force tangentielle et déplacement.

plastiques. A la fin de tous les microglissements locaux (point B) débute le glissement


généralisé macroscopique. Le corps se met progressivement en mouvement au fur et à
mesure que l’intensité de la sollicitation tangentielle augmente.
Sollicitons une pièce par une force insuffisante pour la faire glisser complètement,
le mouvement est représenté par la courbe (1) de la figure 2.27. Après suppression de la
force, la pièce revient en arrière, mais ne reprend pas exactement sa position de départ
courbe (2); il subsiste un petit déplacement (point S) parce que les glissements plasti-
ques sont irréversibles et que les aspérités qui ont glissé ne peuvent pas reprendre leur
position initiale. Le déplacement suit la courbe (3) lorsque la force croît de nouveau.

T
P

3 2

0 S δ

Fig. 2.27 Application et suppression d’une force tangentielle.

Suite à ses propres mesures, Dahl [2.15] propose de représenter le processus de


démarrage par un modèle élastique. Le glissement élastique s’exprime par

T
δ = (2.30)
kg

où kg est la rigidité tangentielle de glissement. Le glissement macroscopique débute


lorsque le mouvement dépasse 5 à 8 µm .
Chapitre 2 Page 33 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 33

T
T

0 δ

–T

Fig. 2.28 Boucle d’hystérésis lors d’une sollicitation alternée.

L’application d’une force alternée provoque une boucle d’hystérésis complète


(fig. 2.28) qui dissipe de l’énergie. C’est pourquoi les assemblages rivés ou boulonnés
concourent à amortir les vibrations.

2.3.5 Frottement des polymères


Les mécanismes de frottement des polymères et des composites sont en principe
analogues à ceux décrits au paragraphe 2.3.2. Mais les propriétés viscoélastiques-plas-
tiques des polymères et leur température de ramollissement relativement basse modi-
fient leur comportement. Leur surface de frottement chauffe plus vite que celle d’un
métal à cause de leur mauvaise conductivité thermique, ils peuvent alors fondre et le
film liquide agit comme un lubrifiant qui abaisse massivement le coefficient de frotte-
ment. En contrepartie, l’usure est très forte.
Le PTFE (polytétrafluoréthylène) adhère fortement aux surfaces métalliques en
formant un film de transfert, d’autres polymères déposent des flocons sur le métal. Ces
matériaux frottent ensuite pratiquement sur eux-mêmes. Quand deux polymères glis-
sent l’un sur l’autre, celui qui a la plus faible cohésion se dépose sur l’autre. Pour plus
de détails, voir [2.2].
Le coefficient de frottement de nombreux polymères diminue lorsque la pression
de contact augmente parce que leur module d’élasticité est bas et que les déformations
de contact sont essentiellement élastiques; voir [2.3].

2.3.6 Frottement des céramiques


Les céramiques ont un comportement essentiellement fragile, par conséquent le
contact des aspérités entre deux surfaces en céramique est élastique. Ces aspérités ne
s’élargissent pas plastiquement comme c’est le cas des métaux, sauf à haute tempéra-
ture. Alors, malgré l’existence de forces adhésives, le coefficient de frottement
n’excède pas 0,9, même dans le vide.
On observe que des céramiques à base de carbures ou de nitrures réagissent avec
l’oxygène de l’air ou de la vapeur d’eau lorsqu’elles frottent dans l’atmosphère. Il se
Chapitre 2 Page 34 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

34 CONCEPTION DES MACHINES

forme des oxydes qui se combinent à leur tour avec la vapeur d’eau pour donner nais-
sance à des hydrures. Ces phénomènes tribochimiques abaissent le coefficient de frot-
tement jusque vers 0,2 parce que la résistance au cisaillement du film d’hydrure est
inférieure à celle de la céramique.
La fragilité de la céramique occasionne des fissurations dans les zones très char-
gées.
Une céramique frottant contre une surface métallique adhère fortement au métal
et en arrache des particules. La céramique se couvre d’un film de transfert qui s’oxyde
rapidement dans l’atmosphère.

2.4 LUBRIFICATION

2.4.1 Principes
La lubrification a pour buts de:
• diminuer la force de frottement;
• diminuer l’usure.

Son principe consiste à séparer les deux corps par un film fluide, liquide ou gaz,
ou un film solide; c’est le troisième corps. Le coefficient de frottement dépend de la
nature du film et de son épaisseur. En fonction de ce dernier paramètre, on distingue
quatre régimes de lubrification (fig. 2.29):
• Lubrification ou frottement limite, domaine I. Les corps se touchent par
l’intermédaire d’une couche moléculaire de lubrifiant adsorbée à leur surface
ou par des films formés par réaction chimique entre les matériaux et les additifs
dits «extrême pression» contenus dans l’huile.
• Lubrification ou frottement mixte, domaine II. Les surfaces sont séparées par
une mince couche fluide, mais les aspérités sont partiellement enchevêtrées.
• Lubrification ou frottement fluide, domaine III. Le film fluide est assez épais
pour que les aspérités ne touchent pas la surface opposée. C’est le domaine de
la lubrification hydrodynamique ou hydrostatique des contacts surfaciques et
de la lubrification élastohydrodynamique des contacts hertziens.
• Lubrification fluide turbulente, domaine IV. Elle se rencontre avec des fluides
peu visqueux à grande vitesse.

0 h0

I II III IV

Fig. 2.29 Coefficient de frottement en fonction de l’épaisseur minimale de la couche séparatrice.


Chapitre 2 Page 35 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 35

La lubrification est d’autant plus efficace que le film séparateur est plus épais par
rapport à la rugosité. Le rapport de l’épaisseur h du film (fig. 2.30) à la rugosité totale
R est un critère utilisé pour apprécier la valeur de la lubrification et le comportement
du couple tribologique. On définit le facteur lambda

h
λ = (2.31)
R
où la somme des rugosités est calculée soit avec la rugosité moyenne arithmétique des
deux surfaces

R = Ra1 + Ra2 (2.32)

soit avec la profondeur moyenne de rugosité (RMS)

R = 2 + R2
Rq1 q2 (2.33)

On utilise habituellement la valeur Ra pour apprécier la rugosité; avec une dis-


tribution gaussienne du profil, on a Ra = 0,8 Rq .
On admet les relations suivantes entre la valeur de λ et le comportement tribologique:
• λ < 0, 6 frottement limite, les surfaces s’usent
• 0, 6 < λ < 3 lubrification mixte avec usure des surfaces
• 3 < λ < 4 les surfaces se touchent légèrement, l’usure est faible
• λ > 4 lubrification fluide, les surfaces n’entrent pas en contact,
l’usure est nulle

On apprécie le comportement des contacts hertziens par le facteur lambda


modifié (§ 2.4.4).
Le lubrifiant n’est pas seulement «quelque chose» qu’on ajoute dans les couples
cinématiques, mais c’est véritablement un élément de machine qu’on choisit et
dimensionne soigneusement.

2.4.2 Lubrification fluide hydrodynamique


En régime de lubrification fluide, les surfaces sont complètement séparées, les
aspérités n’entrent pas en contact (fig. 2.30).

p h

distance

Fig. 2.30 Lubrification fluide.


Chapitre 2 Page 36 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

36 CONCEPTION DES MACHINES

Dans les paliers lisses et les butées, on tient compte de la rugosité et des ondu-
lations pour calculer la valeur de R qui intervient dans la formule (2.31). Soit:
• paliers neufs

R = ( Rz1 + W1 ) + ( Rz2 + W2 ) (2.34)

où Rz est la profondeur moyenne de rugosité et W est l’amplitude des


ondulations;
• paliers rodés, on remplace la valeur de Rz par la rugosité moyenne arithmé-
tique Ra .

On estime que

Rz ≈ (4 … 7) Ra (2.35)

Par conséquent, un palier qui fonctionne correctement quand il est neuf ne posera
plus de problème après rodage. Mais le rodage des paliers hydrodynamiques ne peut
s’effectuer en principe que pendant le démarrage ou l’arrêt, lorsqu’il fonctionne en
régime mixte (fig. 2.34). Il existe des machines qui subissent très peu d’arrêts (groupes
hydroélectriques, centrales thermiques) et qui doivent par conséquent s’accommoder
de paliers qui ne sont pratiquement pas rodés. On calcule alors le rapport lambda
(2.31) avec (2.34) et on veille à dimensionner les paliers de manière à ce que λ ≥ 1, 5.
Le film lubrifiant hydrodynamique se forme par le mouvement relatif des pièces
grâce à la viscosité du fluide. Il n’est pas question d’étudier ici le détail du calcul des paliers
et butées hydrodynamiques, car ces problèmes sont largement traités dans la littérature, par
exemple [2.2, 2.16, 2.17] et dans les ouvrages d’organes de machines. On se limite à mon-
trer le principe de fonctionnement et les propriétés principales de ce type de palier.

Butées
Un patin (2) (fig. 2.31) se trouve en face d’une surface (1), appelée glace, animée
d’une vitesse circonférentielle v. L’espace entre les pièces est d’abord convergent dans le
sens du mouvement, puis divergent; h0 est la distance minimale au point B. Le dispositif
baigne dans un fluide qui est entraîné dans la fente par l’effet de sa viscosité et de la
vitesse de la surface (1). Il naît une pression p; nulle à l’entrée A, elle croît et passe par
un maximum avant le passage le plus étroit B, puis diminue rapidement jusqu’à un point
C où elle s’annule. A partir de là, le film porteur se déchire avec des entrées d’air. On
admet que la distribution de pression est tangente à l’axe x au point C ( dp / dx = 0 ). La
pression exerce sur la surface une poussée qui équilibre la charge F sur le patin; sa ligne
d’action est située avant le maximum de pression.
La portance est proportionnelle à la viscosité η du liquide et à la vitesse v, elle est
inversement proportionnelle au carré de la distance minimale h0. On écrit:

ηv
F = K1 B L2 (2.36)
h02

où B est la largeur du patin, L sa longueur portante et K1 une constante.


Chapitre 2 Page 37 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 37

p
pmax

C
x

2
A

v h0

1 B

B franges

Fig. 2.31 Film lubrifiant, distribution de pression et poussée hydrodynamique.

L’épaisseur minimale admissible est limitée par la rugosité et l’ondulation des


surfaces (§ 2.4.1). Par conséquent, on obtient une grande portance avec des surfaces
les plus parfaites possibles.
Le cisaillement du lubrifiant oppose une force au mouvement, c’est la force de
frottement fluide qui obéit à la loi

η uv
Ff = K2 B L (2.37)
h0

Le coefficient de frottement

Ff h
µ = ~ 0 (2.38)
F L

est proportionnel à l’épaisseur du film, mais indépendant de la viscosité et de la


vitesse; il n’obéit pas à la loi de Coulomb.
Les constantes K1 et K2 de ces formules dépendent uniquement du profil du film
porteur, notamment de l’inclinaison du patin par rapport à la glace. On vise à obtenir la
portance maximale avec un frottement minimal. Ce problème est difficile à maîtriser
quand on sait que la pente d’un patin plan correspond environ à une dénivellation de 2
à 5 cm sur la longueur d’un terrain de football. Les butées à patins articulés (Michell)
fonctionnent toujours au voisinage du régime optimal, quelles que soient la charge, la
vitesse et la viscosité.
Chapitre 2 Page 38 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

38 CONCEPTION DES MACHINES

Le débit de lubrifiant entraîné dans le film évolue selon

V« ~ B u h0

Comme la puissance dissipée en chaleur est

Pp = Ff v = µ F v

l’échauffement du lubrifiant entre l’entrée et la sortie vaut

µ Fv F
∆T = ~ (2.39)
«
ρ cV ρ cLB

où ρ et c sont respectivement la masse volumique et la chaleur massique du liquide.


Comme F / L B est la pression moyenne, on constate que l’échauffement du lubrifiant
entre l’entrée et la sortie d’un patin est proportionnel à la pression. Ce résultat oblige
le concepteur à limiter la pression moyenne à 30 bars environ.

Paliers lisses
Un palier lisse est caractérisé par les paramètres suivants (fig. 2.32):
• diamètre de l’arbre d
• alésage du coussinet D
• longueur du coussinet B
• jeu j = D ± d
• charge radiale F
• viscosité du lubrifiant η
• vitesse de l’arbre ω
alimentation
F

d D

h0
B

Fig. 2.32 Paramètres d’un palier lisse.

Le jeu relatif est la quantité

j D ± d
ψ = = (2.40)
D D
Chapitre 2 Page 39 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 39

On définit la pression moyenne de référence

F F
p = ≈ (2.41)
BD Bd

C’est une pression fictive uniforme répartie sur la demi-circonférence opposée à la


charge.
Le fonctionnement d’un palier lisse est conditionné par le nombre adimensionnel
de Sommerfeld

Fψ2 pψ2
So = = (2.42)
BD η ω ηω

En régime stationnaire, l’arbre est décentré d’une quantité e. L’épaisseur mini-


male du film lubrifiant vaut (fig. 2.33)

j D
h0 = ± e = (1 ± ε ) ψ (2.43)
2 2

avec l’excentricité relative de l’arbre

2e
ε = (2.44)
j

La figure 2.33 représente la distribution de pression d’huile dans le coussinet.


L’alimentation en lubrifiant doit toujours se trouver dans une zone non chargée, située
entre 0 et 90° à partir de la charge radiale dans le sens de la rotation. Si l’arbre est sus-
ceptible de tourner dans les deux sens, on alimentera à 0°. Il ne faut pas oublier de pré-
voir aussi la sortie de l’huile en ménageant le dégagement nécessaire, sinon elle reste
partiellement emprisonnée dans le palier qui se met à chauffer.

F F

ω .
e

V
h0

p

p
pmax

Fig. 2.33 Distribution de pression dans un palier en régime hydrodynamique.


Chapitre 2 Page 40 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

40 CONCEPTION DES MACHINES

La pression est nulle aux bords du coussinet à cause des fuites d’huile. C’est
pourquoi le palier ne doit pas être trop étroit. Mais il ne faut pas non plus qu’il soit trop
long afin que les défauts de parallélisme de l’arbre et du coussinet ne perturbent pas
trop le fonctionnement. On admet B = ( 0, 7 à 1) d ; dans les moteurs à piston, on des-
cend jusqu’à B = 0, 4 d . La théorie des paliers [2.2, 2.16, 2.17] donne la portance

ηω
F = α BD (2.45)
ψ2

Le facteur α augmente fortement lorsque l’épaisseur minimale du film diminue.


Il est plus petit que le nombre de Sommerfeld à cause des fuites axiales d’huile.
Le coefficient de frottement équivalent est fonction du nombre de Sommerfeld.
Selon Vogelpohl, on peut l’approcher par la relation


µ = (2.46)
So n

avec:
n=1 lorsque So < 1 (palier peu chargé)
n = 0,5 lorsque So > 1 (palier chargé)

Régime de fonctionnement
Voici les trois phases du fonctionnement d’un palier hydrodynamique:
• Repos. La force radiale plaque l’arbre contre le coussinet qui doit résister à
l’écrasement statique (fig. 2.34a).
• Petite vitesse. L’arbre grimpe dans le coussinet et prend une position d’équi-
libre telle que le point de contact se trouve en arrière de la force par rapport au
sens de la rotation (fig. 2.34b). Il règne un état de frottement mixte (§ 2.4.5)
avec usure des pièces (§ 8.7.4).
• Grande vitesse. Lorsque la vitesse est assez grande pour entraîner suffisam-
ment d’huile, il se forme un film continu avec une distribution de pression telle
que le centre de l’arbre se situe maintenant en avant de la charge (fig. 2.34c).
L’usure est nulle du fait du frottement fluide. A très grande vitesse ou à faible
charge, l’arbre se centre pratiquement dans le coussinet.

ω ω
ω=0

F F F

contact film minimal


(a) (b) (c)

Fig. 2.34 Phases de fonctionnement d’un palier hydrodynamique: (a) repos; (b) régime mixte; (c) régime
hydrodynamique.
Chapitre 2 Page 41 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 41

Les trois phases de fonctionnement du palier se reflètent dans la courbe donnant le


coefficient de frottement en fonction de la vitesse de l’arbre (fig. 2.35). Lorsque l’arbre com-
mence à tourner, le frottement diminue rapidement parce que du liquide s’interpose peu à
peu entre les surfaces en mouvement relatif; il y a frottement mixte. Les surfaces s’éloignent
progressivement lorsque la vitesse augmente; le frottement diminue, passe par un mini-
mum, puis augmente à nouveau lorsque le frottement fluide est entièrement établi à cause du
cisaillement du fluide. Le point de transition entre le frottement mixte et le frottement fluide
se trouve pratiquement au minimum de la courbe représentant le coefficient de frottement en
fonction de la vitesse; cette courbe a été déterminée empiriquement par Stribeck.

frottement à l’arrêt
frottement limite

frottement mixte

frottement fluide

point de transition

0 ω

Fig. 2.35 Evolution du coefficient de frottement dans un palier lisse hydrodynamique avec la vitesse, visco-
sité et charge constantes (courbe de Stribeck).

L’arbre et le coussinet ne s’usent que durant le bref instant de fonctionnement en


régime mixte. C’est pourquoi des machines fonctionnant en régime continu peuvent
tourner des décennies sans que les paliers s’usent. Le déplacement radial de l’arbre
dans le coussinet au cours des trois phases de fonctionnement décrites est au plus égal
au jeu radial. Il convient d’en tenir compte en fixant le jeu des rotors dans leur stator.
Tous les organes à lubrification hydrodynamique ont un comportement analogue.

Effet des variations de vitesse


La viscosité de l’huile diminue rapidement lorsque la température augmente; par
conséquent, la température influence le nombre de Sommerfeld et la courbe de Stri-
beck. Examinons ce qui se passe au cours d’un cycle de fonctionnement d’une ma-
chine à vitesse variable, par exemple un moteur (fig. 2.36).
Le moteur démarre à froid, le coefficient de frottement se trouve au point A. Avec
l’augmentation du régime jusqu’à la vitesse ω 2 , le point figuratif passe en C; mais
bientôt l’ensemble chauffe et le point tombe en D. Diminuons la vitesse à ω1, le point
figuratif décrit la courbe de Stribeck valable pour de l’huile fluide et vient en E.
L’énergie dissipée diminue et le palier se refroidit lentement de sorte que le coefficient
de frottement croît un peu, au point F. Une nouvelle augmentation de vitesse se ferait
selon F – H. En arrêtant le moteur, le coefficient de frottement correspond au point K;
Chapitre 2 Page 42 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

42 CONCEPTION DES MACHINES

puis il croît jusqu’en A parce que le moteur se refroidit, mais aussi parce que l’huile
est chassée par la pression de contact. On remarque que la vitesse de transition à
chaud, ω t′ , est plus élevée qu’à froid. Il faut donc dimensionner un palier hydrodyna-
mique à la température de service maximale pour la vitesse de régime minimale.

A
huile froide
K C
H

D
F
huile chaude
E
B G

0 ωt ω' t ω 1 ω2 ω

Fig. 2.36 Variation du coefficient de frottement dans un cycle de fonctionnement à charge constante.

Application numérique
Diamètre de l’arbre d = 100 mm
Longueur du coussinet B = 100 mm
Jeu j = 0,1 mm
Jeu relatif ψ = 10 –3
Somme des rugosités et des ondulations R = 3,4 µm
Charge du palier F = 25 kN
Vitesse n = 350 t/min

L’étude du palier avec de l’huile N 36 selon DIN 51501 conduit aux résultats
suivants:
• Température en régime permanent avec un refroidissement naturel: 46°C dans
de l’air ambiant à 20°C
• Pression de référence p = 25 bars
• Nombre de Sommerfeld So = 2,01
• Epaisseur minimale du film d’huile h0 = 14,8 µm
• Facteur lambda λ = 4,3
• Coefficient de frottement équivalent µ = 0,0021
• Perte Pp = 96 W

2.4.3 Lubrification fluide hydrostatique


Un palier hydrodynamique présente l’inconvénient de ne fonctionner en état de
frottement fluide que lorsque la vitesse est suffisamment élevée. Afin de créer le film
fluide déjà à l’arrêt, on injecte le lubrifiant sous pression à l’aide d’une pompe dans
des poches (fig. 2.37) où il crée une pression qui soulève la charge; il s’échappe
Chapitre 2 Page 43 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 43

ensuite par les lèvres des poches. L’espace de fuite se règle automatiquement en fonc-
tion de la pression et de la charge appliquées. Il est nécessaire de prévoir des restric-
tions dans les tuyaux d’amenée du fluide aux poches afin de stabiliser la position de la
pièce mobile.

échappement d’huile

alimentation avec
robinets de réglage

Fig. 2.37 Schéma de principe d’un palier hydrostatique.

1
5

10

2 4
M
8
9
7
3

Fig. 2.38 Palier hydrostatique: (1) à (4) orifices de stabilisation; (5) à (8) poches; (9) jeu minimal; (10) jeu
maximal.

La figure 2.38 montre l’application de ce principe à un palier à quatre poches.


Non chargé, l’arbre est centré et la distribution de pression radiale est symétrique
(fig. 2.39a). L’arbre se déplace radialement dans la direction de la charge (fig. 2.39b);
la pression augmente sous la charge et diminue au-dessus. Lorsque l’arbre tourne, son
centre se déplace dans le sens de la rotation par rapport à la direction de la charge.
Puisque l’arbre ne touche jamais le coussinet, ce genre de palier ne s’use pas et
présente un couple résistant pratiquement nul au démarrage. Il offre une grande rigi-
dité et un fort amortissement des vibrations radiales.
La puissance mécanique absorbée par la pompe augmente avec le cube de l'épais-
seur du film lubrifiant tandis que la dissipation par la rotation de l’arbre est
inversement proportionnelle à cette épaisseur. Il existe donc une épaisseur optimale
qui minimise la dissipation totale d’énergie.
On trouve des écrous de grosses vis de mouvement à film hydrostatique (jeu nul).
Chapitre 2 Page 44 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

44 CONCEPTION DES MACHINES

non chargé

p
(a) (b) chargé

Fig. 2.39 Distribution de pression dans un palier hydrostatique: (a) non chargé; (b) chargé.

2.4.4 Lubrification élastohydrodynamique (EHD)


La pression hertzienne rencontrée dans les engrenages, les roulements, les suiveurs
de cames, atteint 1 à 4 GPa. C’est mille fois plus que dans les paliers hydrodynamiques.
La viscosité de l’huile augmente fortement avec la pression selon la loi suivante:

η = η0 e αp (2.47)
avec:
η0 viscosité à la pression atmosphérique et à la température T
α coefficient de piézo-viscosité
p pression

Autour de 1 GPa, la viscosité est multipliée par 106, l’huile est pâteuse et ne coule
plus; la dynamique de ce phénomène n’est pas encore très claire. Cette haute viscosité,
fortement variable dans la zone de contact, exige un calcul spécial de l’épaisseur du
film lubrifiant. Il faut en effet tenir compte simultanément de la variation de la visco-
sité et de la déformation des surfaces [2.17].
p

EHD

Hertz
N
M1 (b)

v1
1
R

C 1 v1
F
v2
(a) hc h0
2
R

N– v2
2
entrée d’huile
Fig. 2.40 Transmission à friction. Fig. 2.41 Contact élastohydrodynamique: (a) profil
du film lubrifiant; (b) pression.
Chapitre 2 Page 45 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 45

La figure 2.41(a) représente le profil du film d’huile au point de contact C de deux


roues d’une transmission à friction (fig. 2.40). Les roues sont écrasées et séparées par
l’huile; mais la viscosité diminue rapidement à la sortie. La continuité de l’écoulement
et la chute de viscosité se traduisent par un étranglement. Il existe un pic de pression
peu avant l’étranglement (fig. 2.41b), puis la pression tombe rapidement en dessous de
ce que serait la pression hertzienne.
Hamrock et Dowson [2.18] ont développé une formule générale et précise pour
calculer l’épaisseur minimale du film, valable jusqu’à 3-4 GPa:

0 , 68 ± 0 , 073
 vη   N 
h0
R
= 3, 63  0 
 ER 
(α E ) 0 , 49
 
 E R2 
(1 ± e ±0,68k ) (2.48)

avec:
R1 R2
R = rayon réduit
R1 + R2
1
v = ( v1 + v2 ) vitesse moyenne
2
η0 viscosité à la pression atmosphérique
α coefficient de piézo-viscosité
E module d’élasticité réduit donné par la formule (2.3)
N charge normale du contact
k facteur d’ellipsité; k = ∞ pour un contact linéique, k = 1
pour un contact ponctuel

La formule révèle que l’épaisseur minimale diminue très lentement lorsque la


charge croît, elle est habituellement de l’ordre de quelques µm. La vitesse a un effet
beaucoup plus marqué. Pour plus de détails, voir [2.2].
L’épaisseur du film d’huile dans la partie centrale (plateau) de la zone porteuse
(fig. 2.41b) est donnée par la formule

0 , 67 − 0 , 067
 vη   N 
hc
R
= 2, 69  0 
 ER 
(α E )0,53  
 E R2 
(1 − 0, 61 e −0,73k ) (2.49)

Les symboles sont ceux de la formule (2.48).


On a apprécié traditionnellement la qualité de la lubrification par la valeur du fac-
teur lambda calculé par le rapport de l’épaisseur du film lubrifiant à la rugosité (2.31).
Or, on ne connaît pas la rugosité réelle mais seulement celle qui se mesure avec un
rugosimètre. Les rugosimètres à stylet sont pourvus d’un filtre passe-haut pour élimi-
ner les ondulations et ne saisir que les défauts du deuxième ordre; on appelle L la lon-
gueur de coupure du filtre (cut-off).
On a constaté que des contacts hertziens ne s’usent pas si λ est aussi petit que 0,3
alors que pour cette valeur les surfaces devraient en principe se toucher. Cette contra-
diction provient du fait que la rugosité indiquée par un rugosimètre ayant le cut-off
Chapitre 2 Page 46 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

46 CONCEPTION DES MACHINES

habituel L = 0,8 mm est considérablement plus forte que la rugosité effective mesurée
avec un cut-off plus court. Un contact EHD est habituellement étroit et se comporte en
quelque sorte aussi comme un filtre mécanique.
Afin de corriger l’effet du cut-off du rugosimètre, Moyer définit le facteur
lambda modifié [2.19].

hc 1
λm =
Ra 2b (2.50)
L

avec:
hc épaisseur du film dans la zone centrale (2.49)
Ra somme des rugosités moyenne arithmétique selon (2.32)
2b largeur du contact hertzien
L longueur de cut-off du rugosimètre, habituellement 0,8 mm

La rugosité doit se mesurer dans le sens du mouvement. Des essais ont prouvé la
valeur de cette théorie [2.20].
Les surfaces sont complètement séparées lorsque λ m ≥ 3 ; le régime est mixte si
λ m < 1.
La transmission d’un effort tangentiel dans un mécanisme à friction s’opère par le
cisaillement du film lubrifiant au point de contact. Il n’est possible que s’il existe une
différence de vitesse vg = v1 ± v2 entre les roues. On définit:
• le facteur de friction, rapport de l’effort transmis à la charge normale

F
µF = (2.51)
N

• le glissement relatif

v1 ± v2
g = (2.52)
v1

La figure 2.42 montre l’allure de la relation entre ces grandeurs. On distingue


trois domaines:
• Domaine I. Relation linéaire, la transmission s’effectue par cisaillement en
régime EHD.
• Domaine II. Région non linéaire, le fluide manifeste un comportement
non newtonien avec un glissement très marqué. Selon l’huile et ses addi-
tifs, l’effort maximal est transmis pour un glissement compris entre 1% et
10%.
• Domaine III. Région de frottement thermique parce que le glissement impor-
tant échauffe fortement l’huile, il existe un risque de grippage. Ce domaine est
inexploitable, car la transmission y est instable (§ 5.5.5). La roue menée est
arrêtée en g = 1.
Chapitre 2 Page 47 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 47

µF

µF max

0 g
1

I II III

Fig. 2.42 Facteur de friction en fonction du glissement.

Le glissement dégage de la chaleur de frottement qui s’évacue par le corps des


pièces et par l’huile. L’échauffement diminue considérablement la viscosité de l’huile
dans la zone de contact en abaissant la viscosité η0 et le coefficient de piézo-viscosité
α de la formule (2.47). L’épaisseur du film lubrifiant donnée par (2.48) diminue sensi-
blement, au point que les solides peuvent se toucher et finir par gripper (§ 3.5.1). Dans
la plupart des mécanismes à lubrification EHD, cames, engrenages, variateurs à fric-
tion, le passage de la source de chaleur sur la surface active des pièces est rapide.
L’échauffement local est fugitif, c’est pourquoi on parle de température instantanée
(flash temperature); son calcul sera abordé au paragraphe 19.5.5.

2.4.5 Lubrification mixte


On sait que les aspérités d’une surface métallique chargée sont plastifiées. Elles
sont en contact hertzien avec la surface opposée par l’intermédiaire des couches
moléculaires adsorbées (fig. 2.43). Lorsque les surfaces sont lubrifiées à l’huile ou à la
graisse, les contacts locaux se trouvent en état de frottement élastohydrodynamique.
On admet que la force normale est transmise partiellement par les zones micro-EHD et
partiellement par le film liquide hydrodynamique entre les aspérités. Ce film est por-
teur parce que l’huile est retenue par les ondulations de surfaces et par les aspérités.

zone EHD locale N


corps 2 υ

liquide

couches adsorbées
corps 1

Fig. 2.43 Surfaces lubrifiées en état de frottement mixte.


Chapitre 2 Page 48 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

48 CONCEPTION DES MACHINES

L’épaisseur du film sous les aspérités est plus petite qu’en cas de lubrification EHD
pure. Ce modèle paraît confirmé par l’expérience qui montre que des surfaces extrê-
mement lisses (rugosité de l’ordre de 0,001 µm) peuvent gripper tandis que le fonc-
tionnement de surfaces plus rugueuses est satisfaisant parce que l’huile est retenue
dans les cavités. Cette remarque explique le bon fonctionnement des surfaces grattées.
L’huile retenue à l’arrêt, non expulsée par la pression de contact, permet aussi le
démarrage sans problème des paliers et des butées hydrodynamiques.
Le portage par micro-EHD expliquerait aussi pourquoi des organes de machines
fonctionnent à satisfaction même si l’épaisseur du film hydrodynamique est de l’ordre
de grandeur de la rugosité (facteur λ ≈ 1).

2.4.6 Lubrification limite


Dans ce régime de lubrification, les matériaux de base sont séparés par des cou-
ches moléculaires de lubrifiant adsorbées à leur surface (fig. 2.44). Le frottement est
déterminé par les propriétés chimiques du lubrifiant et non par sa viscosité. Les lubri-
fiants, huiles ou graisses, contiennent des additifs pour obtenir un bon accrochage sur
les surfaces.

Fig. 2.44 Schéma du contact en lubrification limite.

En pratique, toutes les surfaces des couples tribologiques sont souillées par de
l’huile de coupe ou par de la graisse utilisée au montage. Une surface soigneusement
essuyée et apparemment sèche est encore recouverte d’une couche moléculaire
adsorbée. Le praticien dit que le frottement est sec, mais il s’agit en réalité de frotte-
ment limite, les mécanismes d’adhésion jouent un rôle négligeable.

2.4.7 Lubrification solide et revêtement de surface


Principes
On interpose une substance solide entre les surfaces. Le graphite et le bisulfite de
molybdène (MoS2) sont le plus souvent utilisés. Leur propriété lubrifiante repose sur:
• la structure cristalline consistant en atomes fortement liés dans des plans, mais
les plans étant eux faiblement liés (fig. 2.45);
• la disposition macroscopique lamellaire.

Les couches lamellaires glissent facilement l’une sur l’autre, comme des feuilles
de papier. On a observé que le MoS2 s’organise en lamelles à peu près parallèles au
glissement, posées sur une couche adsorbée à la surface du solide (fig. 2.46) [2.4]. Les
corps frottent finalement avec une interposition de lamelles.
Chapitre 2 Page 49 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 49

C Mo

(a) (b)

Fig. 2.45 Structure cristalline lamellaire: (a) graphite; (b) bisulfite de molybdène.

2 µm

Fig. 2.46 Structure d’un film de bisulfite de molybdène.

Au lieu d’interposer un corps séparateur mobile, on peut aussi déposer sur les
surfaces un revêtement solide adéquat (§ 3.2.2).

Coefficient de frottement
En admettant que la force de frottement provienne uniquement du cisaillement de
la couche intermédiaire, elle vaut

F = Ar τ m

Avec une charge normale N, le coefficient de frottement vaut

F A
µ = = r τm
N N

On observe qu’à haute pression, la résistance de cisaillement croît linéairement


avec la pression de contact selon
Chapitre 2 Page 50 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

50 CONCEPTION DES MACHINES

N
τ m = τ m0 + α
Ar

Alors

Ar
µ = τ m0 + α (2.53)
N

Le coefficient de frottement résulte de la somme d’un terme constant et d’un


terme qui varie inversement à la charge. La loi dépend de l’influence de la charge sur
l’aire de contact réelle. En admettant le contact hertzien d’une aspérité sphérique sur
un plan, acceptable à faible charge, l’aire de contact vaut Ar = π a 2 où le rayon de
contact est donné par (2.4). En substituant dans (2.53), on obtient l’expression du coef-
ficient de frottement

2/3
3 r τ m0
µ = π  + α (2.54)
 2 E N 1/ 3

avec:
r rayon d’une aspérité
E module d’élasticité réduit des matériaux (2.3)
N charge normale
τ m0 résistance de cisaillement minimale
α constante

µ1 A

0 I II

Fig. 2.47 Coefficient de frottement avec lubrification solide en fonction de la charge.

On distingue deux domaines (fig. 2.47):


• I, domaine de glissement de surface, à faible charge ou petite pression de con-
tact apparente. µ diminue lorsque la charge croît.
• II, domaine de cisaillement de la couche intermédiaire. Le coefficient de frot-
tement est constant et petit.
Chapitre 2 Page 51 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 51

Avec l’expression (2.54), la force de frottement s’exprime sous la forme

F = µ N = β N2/3 + α N (2.55)

Un film de MoS2 n’est pas absolument lisse. A faible charge, il transmet la force
normale par des protubérances dont le cisaillement détermine la force de frottement.
La théorie d’adhésion de Bowden et Tabor paraît alors applicable. En augmentant la
charge, l’aire de contact réelle croît et le coefficient de frottement reste constant. Le
rapport N / Ar de (2.53) est égal à la «dureté» HL du film lubrifiant et le coefficient de
frottement vaut

τ m0
µ1 = + α (2.56)
HL

Cette valeur est représentée dans la figure 2.47. Le coefficient de frottement com-
mence à diminuer (point A) lorsque le film porte sur toute la surface disponible, c’est-
à-dire sur l’aire apparente. La dureté du support (substrat) ne joue pas de rôle tant
qu’elle est supérieure à celle du lubrifiant. En revanche, lorsqu’elle est inférieure, c’est
elle qui intervient dans la formule (2.56), car la surface se déforme et le coefficient de
frottement à faible charge croît.
La valeur du coefficient de frottement de lubrifiants solides dépend considéra-
blement de l’ambiance:
• le frottement est beaucoup plus petit dans le vide que dans l’air [2.21];
• le frottement de MoS2 est deux fois plus grand dans de l’air humide que dans de
l’air sec, il diminue au contraire fortement avec l’humidité dans le cas du graphite.

Des effets physico-chimiques jouent un rôle important dans ces phénomènes.

Revêtements tendres
Un métal tendre, or, argent, plomb et particulièrement l’indium, déposé en cou-
che mince à la surface du corps principal abaisse nettement le frottement (fig. 2.48a),

µ µ
sec

0,3

lubrif. huile 0,2

film indium 0,1

p
0 0 0,001 0,01 0,1 1 10 [µm]
(a) (b) épaisseur du film

Fig. 2.48 Effet d’un revêtement d’indium à la surface de l’acier: (a) influence de la pression; (b) influence
de l’épaisseur.
Chapitre 2 Page 52 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

52 CONCEPTION DES MACHINES

mais seulement sous forte pression. Cette technique est efficace dans le vide pour
empêcher la soudure des métaux, mais le film devient cassant à très basse température.
Un dépôt d’oxydes métalliques est efficace à haute température parce que le film
devient relativement ductile. L’oxyde de plomb (PbO) et le trioxyde de molybdène
(MoO3) sont les plus efficaces à 600°C.
Le film est efficace s’il est mince (0,2 à 1 µm) (fig. 2.48b). On obtient un dépôt
continu très adhérent en opérant dans le vide pour éviter la contamination de la sur-
face. On commence par nettoyer la surface, par exemple par un bombardement
ionique d’argon, puis on projette sur le substrat des ions du revêtement accélérés par
un champ électrostatique focalisé.

2.4.8 Choix tribologiques des paliers


Les paliers doivent transmettre une charge radiale F et permettre à l’arbre de tour-
ner à la vitesse n [t/min]. Il est commode de représenter les limites de leurs per-
formances dans un diagramme charge-vitesse et de définir ainsi leur domaine d’utili-
sation. On choisit des échelles logarithmiques.

Palier lisse à frottement mixte (fig. 2.49)


La charge est limitée par la pression de contact ne provoquant pas de déformation
plastique du coussinet. La vitesse maximale est limitée par l’échauffement et le risque
de grippage. Dans le domaine intermédiaire, l’usure et l’échauffement admissibles
imposent une limitation du produit pv de la pression de contact moyenne par la
vitesse périphérique (§ 19.6.7). Ces relations hyperboliques se représentent dans le
diagramme par des droites inclinées.

F pression limite
(log) d
B

échauffement, produit ( pv ) T

usure, produit ( pv ) U

échauffement
d
n (log)

Fig. 2.49 Domaine d’utilisation d’un palier lisse à frottement mixte.

On peut accroître la charge transmissible en augmentant le diamètre et la lon-


gueur du palier, seule la longueur agit sur le produit pv (§ 25.6.2).

Palier lisse hydrodynamique (fig. 2.50)


La portance est limitée par la fait que l’arbre ne doit pas toucher le coussinet.
Selon la formule (2.45), elle est proportionnelle à la vitesse. A grande vitesse, l'échauf-
Chapitre 2 Page 53 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 53

fement abaisse la viscosité de l’huile et plafonne la portance; en outre, l’écoulement


devient turbulent.
La portance croît avec la taille du palier et avec la viscosité de l’huile.

F contact du coussinet
(log)
(ηBD)

échauffement

d
n (log)

Fig. 2.50 Domaine d’utilisation de paliers lisses hydrodynamiques.

Palier hydrostatique (fig. 2.51)


La portance est créée par une pompe à huile extérieure au palier, c’est pourquoi
elle est indépendante de la vitesse. La réduction de portance à grande vitesse provient
de la diminution de la viscosité du lubrifiant par l’échauffement.

F épaisseur du film lubrifiant


(log) d
pression d’injection du lubrifiant

échauffement

n (log)

Fig. 2.51 Domaine d’utilisation de paliers lisses hydrostatiques.

Roulement (fig. 2.52)


A petite vitesse, la charge est limitée par la déformation permanente statique
(capacité de charge statique C0 ). La charge limite de fatigue des roulements est en

F
(log) d charge statique limite, C0

d longévité de fatigue

échauffement

d
vitesse limite
n (log)

Fig. 2.52 Domaine d’utilisation de roulements.


Chapitre 2 Page 54 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

54 CONCEPTION DES MACHINES

relation avec leur longévité Lh selon une loi du type Lh ω F p = constante. La constante
dépend de leur capacité de charge de base dynamique C. A grande vitesse, la charge
est limitée par l’échauffement admissible (dépend du système de graissage). Enfin, la
vitesse limite liée aux efforts d’inertie des corps roulants et de la cage ne saurait être
dépassée (§ 16.3.2).

Comparaison des paliers


On peut calculer les limites décrites ci-dessus pour différents diamètres d’arbres
et tracer les courbes dans un même diagramme qui couvre le champ de presque toutes
les applications (fig. 2.53).

107
d=
F [N] 50
0m
1 m F d
d = 500 mm
25
0
106
250 n

10
100 0
105 d = 50 mm

2
25 50 50
104
25
10 25
3

5 mm
103
10
10

5 mm
102 5m
d=

m
50 m

5m
25

m
m

10

10
1 10 102 103 104 105 106 n [1/min]
paliers lisses à sec en PTFE
paliers lisses céramiques poreux
paliers lisses hydrodynamiques, B/d = 1, huile de viscosité moyenne
roulements, longévité 10000 h

Fig. 2.53 Caractéristiques charge-vitesse maximale de paliers radiaux: (1) vitesse limite des roulements;
(2) vitesses limite des roulements à billes pour haute vitesse; (3) limite du matériau de l’arbre.

Le diagramme montre clairement que les roulements sont avantageux à petites


vitesses par rapport aux paliers hydrodynamiques; par exemple, un roulement de
Chapitre 2 Page 55 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 55

50 mm peut porter une charge plus grande jusqu’à 850 t/min que ce dernier type de
palier. Cela explique la grande diffusion des roulements dans les machines petites et
moyennes. A vitesse moyenne (1000-10 000 t/min), un palier lisse transmet une
charge beaucoup plus forte qu’un roulement de même diamètre, c’est pourquoi il est
toujours utilisé dans les turbomachines et en mécanique lourde, sauf s’il s’agit de for-
tes charges à petite vitesse (< 10 t/min). Les paliers lisses hydrodynamiques per-
mettent des vitesses plus élevées que les roulements, en principe jusqu’à la vitesse
d’éclatement de l’arbre.
Les paliers lisses en régime de frottement sec ou mixte ne conviennent qu’à faible
charge et petite vitesse.
Les paliers hydrostatiques ne sont pas représentés dans le diagramme 2.53 parce
qu’on peut toujours les construire dans tout le domaine d’application.
Voici encore d’autres éléments de choix:

Paliers lisses hydrodynamiques


Ces paliers sont insensibles aux chocs et aux vibrations à cause de leur grande
surface portante et de l’effet amortisseur du film lubrifiant. Ils sont silencieux, peu sen-
sibles aux petites impuretés et n’exigent pas d’étanchéité très soignée. Ils conviennent
pour des arbres très rapides, leur longévité est illimitée en régime de frottement fluide.
Ils ne s’usent qu’au démarrage et au ralentissement. Le montage et le démontage des
arbres sont grandement facilités par l’exécution des paliers en deux moitiés.
Le couple de démarrage des paliers lisses est élevé, ces paliers consomment beau-
coup de lubrifiant et exigent une surveillance vigilante; à charge et diamètre d’arbre
égaux, ils dissipent plus de puissance que les roulements.

Paliers lisses hydrostatiques


Ils conviennent à toute charge, même à très faible vitesse. Ils sont avantageux
lorsque l’arbre démarre fréquemment, car les pièces ne se touchent jamais et leur
usure est nulle. Leur rigidité est grande.
Les paliers hydrostatiques sont moins fiables que les autres parce qu’ils
dépendent d’une source d’huile sous pression, ils consomment beaucoup d’éner-
gie.

Paliers lisses à frottement limite ou mixte


Ces paliers sont bon marché, simples et fiables (sect. 3.8). Ils résistent aux chocs
et aux vibrations, demandent peu ou pas d’entretien. Par comparaison avec les roule-
ments, on les apprécie pour leur silence. Ils se rencontrent dans les appareils et les
petites machines; par leur capacité de marche à sec, ils s’imposent partout où la pollu-
tion par de l’huile ou par de la graisse est inacceptable.

Roulements
Leur couple de frottement au démarrage est à peine supérieur au frottement en
service (avantage parfois capital), les roulements nécessitent peu de lubrifiant et n’exi-
gent que très peu de surveillance; il n’y a pas besoin de les roder. La normalisation des
roulements facilite la construction et la réparation des machines. A capacité de charge
égale, un roulement est plus étroit qu’un palier lisse, mais il est plus encombrant radia-
lement.
Chapitre 2 Page 56 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

56 CONCEPTION DES MACHINES

Les roulements supportent mal les chocs et les vibrations, particulièrement à


l’arrêt et à basse vitesse; leur longévité et leur vitesse de fonctionnement sont limitées.
Ils sont très sensibles aux impuretés et exigent des dispositifs d’étanchéité efficaces
(usure et perte de puissance). La conception de leur graissage mérite attention. Les
roulements sont relativement bruyants.
Ces conclusions sont identiques pour des butées.

Exemples
Un palier de réducteur marin est chargé par le poids propre des pièces et par une
force qui croît avec le carré de la vitesse (fig. 2.54). Un palier hydrodynamique est
bien adapté, car il fonctionne en régime fluide jusqu’à très basse vitesse.

F
palier

charge

n
0

Fig. 2.54 Caractéristique d’un palier hydrodynamique et de sa charge dans un réducteur marin.

F
palier hydrodynamique

palier hydrostatique
charge

n
0

Fig. 2.55 Charge constante et paliers fluides.

Les paliers de turbines à vapeur ou à gaz ne sont chargés que par le poids du rotor
(fig. 2.55). La lubrification hydrodynamique est convenable et très fiable, mais le
démarrage après un long arrêt est délicat parce que l’huile est chassée sous l’arbre. Ce
type de palier fonctionne longtemps en régime mixte pendant le ralentissement à cause
de la grande inertie de ces machines. Un palier hydrostatique est préférable, mais il est
moins fiable. On combine les avantages des deux types de palier en injectant de l’huile
sous l’arbre par une pompe auxiliaire au démarrage et à l’arrêt (fig. 14.19). La pompe
est arrêtée en marche normale du palier.
Chapitre 2 Page 57 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 57

2.4.9 Paliers magnétiques


Les paliers magnétiques permettent de supprimer tout contact entre un arbre et le
bâti, d’éliminer les lubrifiants et tous les problèmes de frottement. Ils se composent
principalement d’électro-aimants qui créent un champ magnétique porteur (fig. 2.56).
Des capteurs de position commandent l’intensité du champ de manière à maintenir
l’arbre au centre du palier (fig. 2.57).

Fig. 2.56 Schéma d’un palier magnétique.

capteurs

régulateur
amplificateur amplificateur

Fig. 2.57 Commande de paliers magnétiques.

Ces paliers ont une très grande précision de guidage (jusqu’à 0,1 µm), ils fonc-
tionnent dans le vide, leur portance est indépendante de la vitesse, utilisables dans une
large gamme de température (–200° C à 450° C); ils ne polluent pas et leur dissipation
d’énergie mécanique est pratiquement nulle. L’électronique de commande permet
d’obtenir des caractéristiques intéressantes:
• rigidité statique réglable, elle peut être très grande (§ 6.4.8);
• rigidité dynamique réglable permettant d’influencer la vitesse critique de
rotors (§ 18.2.2);
• amortissement élevé utile pour la traversée de vitesses critiques et pour éviter
certains phénomènes d’instabilité;
• position radiale de l’axe de rotation réglable.
Chapitre 2 Page 58 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

58 CONCEPTION DES MACHINES

Cette dernière propriété est mise à profit, par exemple, dans la broche d’une rec-
tifieuse. Selon une documentation de la Société de Mécanique Magnétique à Saint-
Marcel, en France, la force de coupe fléchit l’arbre en désaxant la meule et en l’incli-
nant par rapport à son cylindre théorique de rectification (fig. 2.58a). Un régulateur
agissant sur le champ magnétique des paliers ramène la meule dans sa position nor-
male de travail (fig. 2.58b).

force de coupe force de coupe

(a) (b)

Fig. 2.58 Positionnement d’une meule de rectification par des paliers magnétiques: (a) position usuelle;
(b) avec correction de la position.

Les paliers magnétiques exigent des précautions pour éviter des avaries en cas de
panne de courant. On prévoit généralement des paliers à roulements de secours sur les-
quels vient se déposer l’arbre (fig. 26.70). L’étanchéité est délicate mais importante
afin que de la limaille de fer ne puisse pas être attirée dans l’entrefer magnétique.
Il existe des paliers magnétiques fonctionnant uniquement avec des aimants per-
manents.

2.5 COMPORTEMENT DU COEFFICIENT DE FROTTEMENT

2.5.1 Glissement rapide


Passons brièvement en revue les principaux paramètres qui influencent la valeur
du coefficient de frottement.

Vitesse de glissement
La valeur du coefficient de frottement est généralement différente à l’arrêt que
lorsque les corps glissent l’un sur l’autre. On distingue:
• le coefficient de frottement statique (à l’arrêt) µ0 ;
• le coefficient de frottement dynamique (avec glissement) µ.

Dans le cas de métaux secs, le coefficient de frottement dynamique est généra-


lement plus petit qu’à l’arrêt (fig. 2.59, courbe (1)), il atteint rapidement la valeur
dynamique lorsque la vitesse dépasse quelques cm/s. A très grande vitesse, plus de
150 m/s, le coefficient de frottement des métaux diminue fortement, il peut tomber
jusqu’à 0,02 … 0,03, parce que le métal fond dans les zones de contact et forme un
film lubrifiant. Certains matériaux non métalliques présentent au contraire une aug-
mentation du frottement avec la vitesse, courbe (2).
Chapitre 2 Page 59 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 59

µ
2

µ0
1
µ
3

v
0

Fig. 2.59 Influence de la vitesse sur le coefficient de frottement.

La différence entre le coefficient de frottement dynamique et le frottement sta-


tique est plus marquée avec les polymères qu’avec les métaux.
Si les surfaces sont abondamment lubrifiées en régime de frottement mixte,
courbe (3), le coefficient de frottement statique est plus bas qu’en régime sec et
diminue relativement moins avec le glissement, puis il augmente lentement du fait du
cisaillement du liquide ou de la graisse.

Chemin de glissement parcouru


La figure 2.60 représente l’allure de l’évolution du coefficient de frottement
dynamique de surfaces techniques sèches avec le chemin de glissement, Suh [2.3] dis-
tingue six stades:

s
0 I II III IV V VI

Fig. 2.60 Evolution du frottement avec la distance de glissement.

• I. Les surfaces sont initialement propres, le frottement résulte principalement


de phénomènes de labourage et de déformation.
• II. Le frottement commence à croître lentement à cause de petits arrachages de
matière. Avec des surfaces lubrifiées, le stade I persiste longtemps et le stade II
peut faire défaut.
• III. Le coefficient de frottement croît franchement parce que les débris d'usure
entre les surfaces s’incrustent dans l’une ou l’autre des surfaces en provoquant
un intense labourage. De l’adhésion se manifeste si les surfaces ne sont pas
contaminées.
Chapitre 2 Page 60 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

60 CONCEPTION DES MACHINES

• IV. Le coefficient de frottement se stabilise lorsque le nombre de nouveaux


débris d’usure est égal au nombre de débris qui quittent la surface.
• V. On observe parfois qu’un matériau dur se polit lorsqu’il frotte contre une
surface tendre. Le coefficient de frottement diminue parce que le labourage est
moins intense.
• VI. Finalement, si les deux surfaces se polissent et que les débris d’usure sont
enlevés ou assez profondément incrustés dans la surface tendre pour ne pas
rayer la surface dure, le coefficient de frottement prend une valeur constante de
fin de rodage.

Ces stades dépendent des matériaux, des conditions expérimentales, de la conta-


mination des surfaces et des conditions ambiantes. Le frottement peut aussi diminuer
au lieu de croître en cas de frottement mixte et d’arasage rapide des aspérités. On
retient le fait que le coefficient de frottement évolue avec la distance de glissement.

Etat de surface
Le coefficient de frottement est relativement grand lorsque les surfaces sont très
rugueuses. C’est aussi le cas lorsque les surfaces sont polies et très lisses parce que la
lubrification mixte est mal établie. Il existe donc une rugosité optimale.

Nature des métaux


Le frottement diminue lorsqu’un des matériaux du couple tribologique est tendre,
car l’effort de labourage est alors relativement faible. C’est pourquoi on revêt les sur-
faces d’une fine couche d’un matériau tendre ou d’un film d’oxyde (§ 2.4.7).

Pression de contact nominale


On admet dans la pratique industrielle que le coefficient de frottement est indé-
pendant de la charge appliquée, par conséquent, aussi indépendant de la pression de
contact nominale, sauf en cas de lubrification solide et avec certains polymères.

Température ambiante
Le coefficient de frottement des métaux diminue souvent légèrement lorsque la
température des pièces s’élève ; puis, au-delà de 500 à 800 °C, il augmente forte-
ment. Ce comportement peut s’expliquer par le fait que la dureté et la résistance du
métal tombent rapidement, les points de contact tendent vers une plastification éten-
due.
Le coefficient de frottement des céramiques croît fortement jusque vers 400 à
600°C, puis diminue au-delà.

Valeurs pratiques du coefficient de frottement


L’étude théorique des mécanismes du frottement sec et mixte ne permet pas de
prédire avec exactitude la valeur réelle du coefficient de frottement dans les couples
cinématiques et dans les assemblages. Mais la compréhension du phénomène est pré-
cieuse pour choisir correctement les matériaux et savoir comment agir pour obtenir les
caractéristiques de frottement souhaitées.
La valeur effective du coefficient de frottement entre deux pièces de machine
dépend des matériaux en présence. Les manuels donnent par exemple les valeurs sui-
vantes du coefficient de frottement entre l’acier et le bronze:
Chapitre 2 Page 61 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 61

• Repos, surfaces sèches µ0 = 0,18 à 0, 25


• Repos, surfaces graissées µ0 = 0,10
• Mouvement, surfaces sèches µ = 0,15 à 0,20
• Mouvement, surfaces graissées µ = 0,04 à 0,08

On constate que la dispersion des valeurs est très grande. Cela s’explique par
l’influence de l’état de surface, de la pression de contact, de la vitesse de glissement,
de la nature et de la quantité de lubrifiants, et de beaucoup d’autres impondérables. Il
convient dès lors de choisir très soigneusement et très prudemment la valeur du
coefficient de frottement qui doit intervenir dans un calcul d’organes de machines. On
prendra toujours des valeurs allant dans le sens de la sécurité selon le but recherché.
On choisira, par exemple, une valeur plutôt élevée pour calculer le couple de démar-
rage d’une machine. On adoptera, au contraire, une valeur basse pour dimensionner un
frein.
Dans les cas critiques, on déterminera avantageusement la véritable valeur du
coefficient de frottement par une expérience de laboratoire, ou, mieux encore, par un
essai sur une machine dans les conditions réelles d’exploitation. Mais il ne faut pas
oublier que le coefficient de frottement évolue avec le rodage d’un mécanisme, géné-
ralement dans le sens d’une diminution. En revanche, on observe une forte augmen-
tation du frottement lorsque les surfaces de contact se corrodent.
Le coefficient de frottement des polymères et des céramiques est très sensi-
ble à de nombreux paramètres. C’est pourquoi on ne le trouve souvent pas dans
les tables, il est préférable de recourir à l’expérience dans les conditions d’em-
ploi.

2.5.2 Glissement très lent


On est habituellement intéressé par le frottement à des vitesse supérieures à 0,5 m/s
pour éviter l’usure et l’échauffement. Mais le frottement à très basse vitesse, moins de
quelques centimètres par seconde, joue un rôle important dans les mécanismes de
positionnement précis de robots. L’ouvrage de Armstrong-Hélouvry [2.22] cite des
expériences intéressantes. Nous lui empruntons ce qui suit.
Cet auteur étudie le comportement d’un couple cinématique lubrifié en vue de
trouver le modèle mathématique convenable pour un système de commande et de
réglage électronique des mouvements de positionnement non positif (sect. 15.11).

Décollement
Avant de démarrer, l’application d’une force provoque des micromouvements,
partiellement réversibles, décrits par la relation linéaire (2.30).
Le coefficient de frottement statique de démarrage µ 0 dépend:
• de la position des pièces, il peut varier de ± 20% autour d’une valeur moyenne,
mais prend pratiquement toujours la même valeur dans une position x donnée;
• du sens du mouvement.

On peut l’exprimer par la fonction

µ 0 = µ 0 ( x,sgn x«) (2.57)


Chapitre 2 Page 62 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

62 CONCEPTION DES MACHINES

Influence de la vitesse de glissement


Après le démarrage, le frottement diminue d’abord, puis augmente avec le
cisaillement visqueux du lubrifiant en régime de frottement mixte (fig. 2.61). Une
expérience a donné µ min = 0,87 µ 0.

µ0

a
µmin

v
0

Fig. 2.61 Coefficient de frottement en fonction de la vitesse.

Selon Hess et Soom [2.23], on peut exprimer l’évolution du coefficient de frot-


tement en fonction de la vitesse de glissement v par l’expression

µ 0 − µ min
µ = µ min + 2
+ av
 v (2.58)
1 +  
 vs 

a et vs sont des constantes empiriques.

Influence du temps
On observe que le coefficient de frottement ne reprend pas immédiatement sa
valeur initiale après l’arrêt du glissement. Il faut attendre un certain temps, compris entre
quelques minutes et plus d’une heure, pour que la récupération soit totale, probablement
avec l’expulsion lente du lubrifiant sous les points de contact des surfaces. La figure 2.62
représente deux courbes mesurées par Kato et reproduites par [2.22]. Kato propose de
décrire le phénomène par la formule suivante en fonction de la durée du repos:

µ = µ 0 ± (µ 0 ± µ a ) e ± γ t
m
(2.59)

avec:
µ0 coefficient de frottement statique à long terme
µa coefficient de frottement au moment de l’arrêt
γ et m paramètres empiriques

En cas de variation de vitesse (fig. 2.63b), ce phénomène retarde l’évolution du


coefficient de frottement, courbe (1) de la figure 2.63(c), par rapport à ce qu’elle serait
avec une évolution instantanée, courbe (2).
Chapitre 2 Page 63 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 63

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1 t (log)
0,1 1 10 102 103 104 [s]

Fig. 2.62 Récupération du frottement statique en fonction du temps.

µ
µ
retard
µ1
µ1
1
µ2 2
µ2
(c) t
v v
x
v1 v2 v2
(a)

v1
(b) t

Fig. 2.63 Retard de l’évolution du frottement par rapport à celle de la vitesse: (a) relation vitesse-
frottement; (b) variation de la vitesse; (c) variation du coefficient de frottement.

Ce comportement dynamique explique pourquoi le stick-slip cesse au-delà d’une


certaine vitesse (§ 15.6.1).

2.6 MAÎTRISE DU FROTTEMENT

2.6.1 Diminution du coefficient de frottement


On vise souvent à abaisser le coefficient de frottement pour diminuer les pertes
d’énergie et l’échauffement, pour éviter l’arc-boutement ou pour améliorer la préci-
sion des mouvements. Les mesures traditionnelles sont:
• associer des matériaux à bas coefficients de frottement;
• lubrifier les surfaces;
• remplacer les mouvements de glissement par du roulement.
Chapitre 2 Page 64 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

64 CONCEPTION DES MACHINES

Le coefficient de frottement du PTFE est bas sous forte pression. Ce matériau


peut s’appliquer à la surface de métaux et même de matières plastiques sous la forme
de vernis, dits de glissement, où il est incorporé à un liant thermodurcissable ou poly-
mérisant à froid. On incorpore à ces vernis aussi du graphite, du bisulfure de molyb-
dène ou des métaux tendres (Pb, Ag, In). Ces vernis résistent bien à la corrosion
(sect. 3.8).

Mouvement louvoyant
On met à profit le fait que la force de frottement est toujours opposée à la vitesse
de glissement pour diminuer la force de frottement apparente parallèle au déplacement
d’un objet. Considérons un solide (2) (fig. 2.64a), guidé selon l’axe x d’un référentiel
fixe, qui se déplace à la vitesse v2x sur une plaque (1). Animons cette dernière d’un
mouvement oscillant transversal avec la vitesse v1y . Compte tenu du fait que
v21y = ± v1y , la vitesse relative de (2) par rapport à (1) vaut

v21 = v2x + v21y

La force de frottement F appliquée à (2) est opposée à la vitesse; si v2x << v21 ,
la composante Fx de F est aussi très petite. La force T nécessaire pour entretenir la
translation v2x est donc beaucoup plus faible que sans le mouvement transversal, soit

v2x v2x
T = F sin θ = µ N ≈ µ N (2.60)
2 + v2
v2x v1y
1y

N
F Fy
0 θ
x v1y
2 v1y
y
v2x x
v21y T
v2x
Fx
(a) v21
1
(b)
v21y v21

Fig. 2.64 Frottement avec une vitesse perpendiculaire à la vitesse principale: (a) schéma; (b) vitesses rela-
tives et forces de frottement.

S’il n’existe que le mouvement oscillant de (1), l’élément (2) se met en mou-
vement dès qu’on lui applique une force T, il n’y a pas de frottement de repos et tout se
passe comme si le système était visqueux car T ~ v2x .
Vu la trajectoire d’un point de (2) par rapport à (1), le mouvement est dit lou-
voyant. Ce principe est utilisé pour annihiler le frottement dans des vérins hydrau-
liques de mesure à cylindre tournant et dans certains instruments. Il explique aussi
Chapitre 2 Page 65 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

FROTTEMENT 65

pourquoi des vibrations sont capables de mettre des masses en mouvement et peuvent
avoir des effets dangereux: glissement de terrain déclenché par des tremblements de
terre, avalanches provoquées à l’explosif. On dimensionne avantageusement les méca-
nismes de sécurité avec le coefficient de frottement dynamique, car les vibrations peu-
vent provoquer de petits glissements. Ce phénomène contribue au desserrage spontané
des vis et des boulons soumis à des vibrations transversales.

2.6.2 Augmentation du coefficient de frottement


On espère parfois accroître le frottement en rendant rugueuses les surfaces
fonctionnelles, mais cette mesure est inefficace. On observe, par exemple, que les
poulies des transmissions à courroie finissent toujours par se polir à cause du glisse-
ment élastique des courroies chargées ; il suffit de donner aux poulies une rugosité
correspondant à l’état de surface obtenu spontanément. Dans les emmanchement
frettés, la forte pression de serrage écrase de toute manière les aspérités par fluage et
les microglissements en service les arasent par usure, de sorte que le frettage se
relâche et que le couple transmis est finalement plus faible que si l’état de surface
initial avait été meilleur.
On obtient des coefficients de frottement élevés en choisissant judicieusement les
matériaux. On a développé des huiles spéciales destinées aux transmissions à friction,
qui ont la propriété d’accroître le frottement et de permettre des pressions de contact
élevées sans grippage.
Des coefficients de frottement élevés sont avantageux dans les freins et dans les
embrayages. Mais ces organes fonctionnent en douceur, sans stick-slip (sect. 15.6), si
le coefficient de frottement dynamique n’est pas inférieur à la valeur statique. On vise
un comportement selon la courbe (2) de la figure 2.59; des garnitures à base
d’amiante, d’aramide ou de papier liées par des résines époxy s’en rapprochent.

2.7 CONCLUSIONS PRINCIPALES

La tribologie évolue rapidement, ce chapitre reflète les opinions actuelles.


Les surfaces fonctionnelles réelles s’écartent de la géométrie théorique parfaite.
Elles présentent des ondulations et des aspérités qu’on exprime par la rugosité. Les
surfaces non conformes se touchent ponctuellement ou en ligne; la pression de contact
est distribuée sur la surface de contact effective selon un paraboloïde tant que la défor-
mation est élastique (pression hertzienne).
Les surfaces conformes se touchent par leurs aspérités; soumises à une force de
serrage croissante, des aspérités de corps métalliques se plastifient, les surfaces se rap-
prochent et le nombre d’aspérités en contact croît. Le comportement charge-rap-
prochement est approximativement linéaire. L’aire de contact réelle des aspérités est
beaucoup plus petite que la surface de contact apparente, mais l’aire des contacts en
état plastique augmente lorsque les corps sont sollicités par une force tangente au plan
de contact.
Plusieurs mécanismes concourent à générer le frottement: l’adhérence des sur-
faces propres par des électrons libres de surfaces, labourage d’une surface par des aspé-
rités de la surface opposée et par des débris d’usure emprisonnés entre les corps, inter-
action avec déformation d’aspérités enchevêtrées en cas de glissement. L’adhérence est
Chapitre 2 Page 66 Lundi, 6. f vrier 2006 1:12 13

66 CONCEPTION DES MACHINES

importante avec des surfaces propres dans le vide. Les surfaces exposées à l’air ambiant
sont toujours souillées par du gaz adsorbé, des poussières et des débris d’usure qui for-
ment le corps intermédiaire. Dans ce cas, le cisaillement de cette couche est à l’origine
de la plus grande partie de la force de frottement; les phénomènes d’adhérence ne
jouent alors pratiquement pas de rôle.
En général, la force de frottement est proportionnelle à la charge normale et
indépendante de la surface de contact. En cas de lubrification solide ou avec certains
polymères, le coefficient de frottement diminue lorsque la charge augmente et tend
vers une certaine limite inférieure.
Des corps pressés l’un contre l’autre glissent progressivement lorsqu’ils sont sol-
licités par une force tangente croissante. Il s’agit de microglissements partiellement
récupérables lorsque la force s’annule. Au-delà d’un certain seuil, les pièces glissent
franchement.
La lubrification a pour but de diminuer la force de frottement et l’usure. Elle
consiste à séparer les surfaces par un liquide, un gaz ou un solide. En régime de
lubrification fluide, les surfaces ne se touchent pas et ne s’usent pas. L’introduc-
tion du fluide a lieu grâce à sa viscosité et au mouvement relatif des surfaces
(lubrification hydrodynamique) ou par injection sous pression (lubrification hydro-
statique).
De l’huile séparant des pièces en contact hertzien est soumise à une très forte
pression qui accroît énormément sa viscosité jusqu’à la rendre pâteuse. Ce phénomène
modifie la distribution de la pression de contact, on parle de lubrification élasto-hydro-
dynamique. L’épaisseur du film lubrifiant peut s’effondrer en cas d'échauffement local
important.
Des surfaces grasses sont séparées par des couches très minces de lubrifiant
adsorbé sur les surfaces et par du lubrifiant qui remplit l’espace entre les aspérités. En
cas de glissement, la lubrification est élastohydrodynamique au contact des aspérités et
hydrodynamique entre elles, c’est le frottement mixte.
Des surfaces, dites sèches, par exemple une surface huilée puis essuyée, sont en
réalité séparées par des couches moléculaires adsorbées. Le frottement est conditionné
par les propriétés chimiques de la couche. On dit que le frottement est limite. La lubri-
fication solide par du graphite ou du bisulfite de molybdène abaisse très nettement le
coefficient de frottement. On obtient le même effet par un revêtement tendre des
surfaces; il est efficace et résistant à l’usure s’il est déposé sous vide par bombarde-
ment ionique sur des surfaces propres.
Le coefficient de frottement avec glissement est le plus souvent plus bas qu’au
démarrage du mouvement. Le frottement de surfaces neuves croît tout d’abord avec la
distance de glissement, puis il se stabilise. Une forte rugosité ou des surfaces très lisses
accroissent temporairement le frottement; on a avantage à ce que la rugosité soit opti-
male. Le coefficient de frottement ne reprend pas immédiatement sa valeur statique
lorsque le glissement cesse, la récupération complète peut exiger plus d’une heure. Ce
retard joue un rôle important dans le stick-slip.
Les valeurs du coefficient de frottement données dans les manuels présentent une
forte dispersion à cause de la complexité des phénomènes en jeu. On utilisera toujours
des valeurs pessimistes adaptées à l’organe à dimensionner et au but poursuivi.
La technique dite du mouvement louvoyant permet presque d’annuler le frotte-
ment.
Chapitre 3 Page 67 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

CHAPITRE 3

DÉTÉRIORATION
DES SURFACES FONCTIONNELLES

3.1 INTRODUCTION

D’une manière générale, on appelle usure la détérioration d’une surface solide,


généralement par enlèvement progressif de matière, provoqué par son mouvement
contre une autre matière ou par une substance.
Cette définition inclut la corrosion, mais cet aspect ne sera pas abordé.
Avec le frottement, l’usure est un vaste domaine couvert par la tribologie. Il
existe certes des théories de l’usure, mais de nombreux effets sont encore inexpliqués.
Elle détruit les surfaces fonctionnelles des couples cinématiques et cause, avec la cor-
rosion, d’énormes pertes. On est toujours intéressé à réduire, voire supprimer l’usure
pour prolonger la vie des machines. La prévention de l’usure repose essentiellement
sur l’expérience acquise dans l’exploitation industrielle. Des résultats d’essais en
laboratoire peuvent indiquer qu’une solution tribologique est meilleure qu’une autre,
ils montrent certes une tendance, mais n’ont pas la valeur de l’épreuve réelle.
Le choix des matériaux, lubrifiants, traitements et revêtements de surface est
délicat. On consultera la littérature et surtout des spécialistes. On se place ici dans une
perspective de conception de machines et non pas dans celle de la recherche de la
meilleure solution technologique. C’est pourquoi on restera dans les généralités en
tentant seulement d’expliquer les principaux mécanismes de l’usure afin de com-
prendre les principes de sa prévention.
Le mécanicien distingue les détériorations de surfaces fonctionnelles suivantes :
• l’usure est l’enlèvement progressif plus ou moins uniforme de matière à la sur-
face des pièces d’un couple cinématique en glissement relatif sous charge;
• l’usure induite par petits débattements ou fretting est une usure particulière
qui se produit lorsque des surfaces glissent, sous charge, avec de très petits
mouvements oscillants;
• l’écaillage est l’enlèvement d’assez gros morceaux de matière avec apparition
de cratères à la surface;
• l’érosion est l’enlèvement de matière par l’impact d’un fluide ou de particules
solides;
• le grippage est l’arrachage massif et brutal de matière avec éventuellement la
soudure de larges zones des surfaces en contact;
• le marquage d’une surface est un enfoncement localisé par une charge ponc-
tuelle très élevée;
• le rayage est la trace que laisse le passage d’un objet dur;
Chapitre 3 Page 68 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

68 CONCEPTION DES MACHINES

• le faïençage est un réseau de craquelures en surface.

Le calcul de l’usure est utile pour prédire la longévité des couples cinématiques et
pour leur dimensionnement, mais il est incertain car il repose sur de nombreuses hypo-
thèses. Cependant, on verra que quelques lois simples de comportement suffisent pour
expliquer le rodage et calculer, dans le chapitre 8, la distribution de la pression et les
efforts de frottement de certains organes de machines.
Ce chapitre repose sur le chapitre 2, il est structuré comme suit:
• Section 3.2 Description du processus d’usure et de sa prévention.
• Section 3.3 Mécanismes et prévention de l’usure induite par petits débat-
tements.
• Section 3.4 Mécanismes et prévention de l’écaillage.
• Section 3.5 Mécanismes et prévention du grippage.
• Section 3.6 Exposé de l’évolution de l’usure au cours de la vie d’un
mécanisme et longévité des pièces.
• Section 3.7 Principe et conduite du rodage.
• Section 3.8 Applications.
• Section 3.9 Conclusions principales.

3.2 USURE

3.2.1 Mécanismes d’usure


Usure adhésive
On sait que des corps en contact peuvent former des liaisons au contact des
aspérités (§ 2.3.2). Le glissement n’est possible que par cisaillement des liaisons:
• cisaillement du corps le plus tendre lorsque la soudure est résistante (fig. 3.1);
des particules du corps le plus tendre (1) sont transférées sur le corps le plus
dur (2), la substance du corps (1) finit par frotter sur elle-même;
• cisaillement des microsoudures lorsqu’elles sont moins résistantes que les
corps, il n’y a pas de matière arrachée.

Ce mode d’usure est manifeste dans le vide. Dans l’atmosphère, la surface des
métaux est polluée par des oxydes et par des substances adsorbées. L’adhésion ne se
produit que lorsque ces écrans sont perforés sous forte pression.
2 2

1 1
(a) (b)

Fig. 3.1 Transfert d’une particule: (a) soudure d’aspérité; (b) arrachage d’une particule.

On observe dans la pratique le transfert par adhérence de cuivre ou de bronze sur


l’acier, de polymère sur les métaux et de métal sur les céramiques. Le mécanisme de
ce mode d’usure est exposé en détail dans [3.1, 3.17].
Chapitre 3 Page 69 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 69

Usure abrasive par labourage


Le mouvement d’une aspérité d’une surface rugueuse enfoncée dans une surface
tendre creuse un sillon (fig. 3.2). L’aspérité pousse un bourrelet frontal devant elle et
forme aussi un bourrelet de chaque côté du sillon. Elle arrache de la matière tendre,
comme un outil de coupe, si l’inclinaison α de sa face avant est forte.
Cette forme d’usure est mise à profit pour usiner des surfaces par les meules et
par la toile d’émeri. Elle détruit les dents des dragues et des pelleteuses.

2 υ 2

sillon

1 (a) 1 (b)

Fig. 3.2 Labourage d’une surface par une aspérité: (a) coupe parallèle au mouvement; (b) coupe perpen-
diculaire au mouvement.

Usure abrasive par particules intermédiaires


Des grains de sable introduits entre les surfaces ou des débris d’usure piégés
labourent les surfaces tendres et arrachent aussi de la matière. Les débris d’usure sont
très durs parce que le métal est fortement écroui, ou parce que l’acier est autotrempé
s’il a été fortement échauffé.

2 2

1 sillon grain bourrelet


(a) 1 (b)

Fig. 3.3 Usure abrasive: (a) frottement à deux corps; (b) frottement à trois corps.

Dans le frottement à deux corps, les particules s’incrustent dans le corps le plus
tendre et agissent comme des aspérités (fig. 3.3a). Si les particules sont assez nom-
breuses pour former le troisième corps, elles «roulent» les unes sur les autres
(fig. 3.3b) et l’usure est beaucoup moins intense. Dans ce cas, il existe un débit de par-
Chapitre 3 Page 70 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

70 CONCEPTION DES MACHINES

ticules entre leur source aux premiers corps et leur sortie de l’interface. Ce troisième
corps se comporte comme un lubrifiant solide; selon ce modèle, on aurait avantage à
retarder la sortie des déchets alors qu’on pense généralement les enlever au plus vite.

Usure par fatigue en glissement


Le frottement déforme fortement plastiquement les métaux. On a déjà cité l’élar-
gissement des aspérités (§ 2.2.3), mais le passage d’une aspérité arrondie génère
(fig. 3.4):
• une couche superficielle très fortement déformée dans laquelle les grains cris-
tallins s’orientent parallèlement au glissement;
• une couche, plus épaisse, déformée plastiquement, constitue la transition entre
la couche superficielle et la matière profonde qui n’est pas affectée par le frot-
tement.

couche très fortement déformée

couche à déformation progressive

matière non déformée

Fig. 3.4 Déformations plastiques de surfaces.

Le passage répété de protubérances fatigue le matériau et initie des fissures. On


distingue:
• la naissance de fissures à la surface qui se propagent dans le matériau jusqu’à
ce qu’un morceau se détache;
• la naissance de fissures en profondeur qui se propagent sous la surface jusqu’à
ce qu’une lamelle se détache. Suh [3.2] a donné le nom de délamination à ce
phénomène.

Autres mécanismes d’usure


On rencontre encore d’autres mécanismes d’usure:
• érosion des surfaces par la projection de particules abrasives ou de liquides à
haute pression;
• érosion par la cavitation de liquides coulant rapidement sur les surfaces;
• instabilité chimique rencontrée lors de la coupe des métaux;
• érosion par des arcs électriques sur des frotteurs de machines électriques ou
des pantographes.

Ces phénomènes sortent du cadre de cet ouvrage, car on ne les rencontre nor-
malement pas dans les couples cinématiques des mécanismes, à l’exception de la cavi-
tation qui se manifeste dans les paliers lisses hydrodynamiques très rapides.
Chapitre 3 Page 71 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 71

3.2.2 Prévention de l’usure


Vu le grand nombre de paramètres qui influencent le frottement et l’usure, il est
difficile de formuler des règles très précises. L’empirisme joue un grand rôle dans ce
domaine, mais on se gardera toujours de généraliser le résultat d’une expérience par-
ticulière. Un couple tribologique ayant donné satisfaction dans un cas peut se révéler
désastreux dans d’autres conditions de fonctionnement, et inversement. On se limite à
quelques règles générales.

Matériau pour le frottement sec ou limite


L’usure en frottement sec se produit surtout par adhérence. On évite le contact de
métaux identiques car ils tendent à se souder. On a longtemps pensé que la solubilité
d’un métal dans l’acier sur lequel il frotte jouait un rôle déterminant. On est
aujourd’hui d’avis que c’est plutôt un problème d’activité chimique; un métal capable
de céder des électrons se lie plus fortement au fer qu’un métal passif ou inerte. C’est
pourquoi l’aluminium, plus électropositif que le chrome, risque fortement de gripper
avec l’acier. Le plomb, l’étain, le cuivre et l’argent sont chimiquement peu actifs, on
les utilise dans les coussinets de paliers. On a revêtu des vis sans fin d’argent; dans
certains cas, on peut faire un dorage.
Les matériaux à structure cristalline hexagonale présentent une adhérence plus
petite que les matériaux à structures cubiques.
Les surfaces métalliques exposées à l’air se recouvrent très rapidement d’un film
d’oxyde de 5 nm d’épaisseur qui contamine assez la surface pour éviter l’adhésion,
mais il ne faudrait pas qu’il soit fortement lésé par le passage des aspérités, c’est pour-
quoi il faut une faible rugosité. L’introduction d’impuretés dans le métal diminue for-
tement l’adhérence, carbone dans le fer (acier, fonte), soufre.
Les céramiques usent l’acier, mais de nouveaux types de céramiques et de verres
paraissent donner des résultats prometteurs [3.3].

Matériaux pour le frottement mixte


Sauf grippage, les surfaces lubrifiées n’adhèrent pratiquement pas. L’usure se
produit surtout par abrasion. Les matériaux à haute dureté et très résistants à la fatigue
sont les meilleurs, leur dureté ne devrait pas être inférieure à 80% de la dureté des par-
ticules abrasives.

Eviter les impuretés abrasives


Les déchets d’usure et les poussières ou le sable provoquent de l’usure abrasive et
initient des fissures de fatigue dans les contacts roulants. On met les couples ciné-
matiques à l’abri de ces grains en prenant les mesures suivantes:
• Empêcher l’introduction d’impuretés dans les mécanismes par des étanchéités
efficaces. Les roulements des transmissions à engrenages devraient aussi être
pourvus d’une étanchéité intérieure pour que les débris d’usure des dentures ne
puissent y pénétrer.
• Retirer les impuretés des circuits de lubrification en filtrant l’huile en continu.
Des filtres à 5 µm sont nécessaires pour accroître la longévité des roulements.
Des aimants permanents au fond des carters et des bacs à huile fixent les débris
ferreux.
Chapitre 3 Page 72 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

72 CONCEPTION DES MACHINES

• Emprisonner les débris d’usure à leur naissance dans les couples tribologiques.
Un matériau tendre permet leur incrustation sous l’effet de la pression de con-
tact, mais on a observé que ces déchets transforment progressivement des
coussinets de paliers en une râpe qui raie et détériore l’arbre. On peut tremper
l’arbre et utiliser des coussinets plus tendres. Suh [3.2] cite des composites car-
bone-polyuréthane dans lesquels on a ménagé des microcavités pour piéger les
débris.

Si les déchets d’usure ne sont pas trop durs, la vitesse d’usure diminue progressi-
vement avec la formation du troisième corps de débris, l’élimination continue des
déchets est désavantageuse.
On appelle surface cinématique la surface d’une pièce qui frotte pendant un
cycle de mouvement. Par exemple, dans le cas d’un arbre chargé radialement, la sur-
face cinématique de l’arbre est toute sa périphérie tandis que celle du coussinet n’est
que la surface de la zone de contact. La surface la plus petite d’un couple de frottement
s’écrouit plus rapidement et plus profondément que la surface la plus grande, aussi
présente-t-elle bientôt la plus grande micro-dureté et la couche d’oxyde la plus solide.
La pièce qui offre la plus grande surface cinématique doit donc être plus dure que
l’autre.

Traitements de surface
Des traitements de surface ont pour but de créer dans la couche superficielle des
solutions intersticielles qui diminuent la tendance adhésive:
• la cémentation introduit du carbone;
• la nitruration introduit de l’azote;
• la sulfinusation introduit du soufre et de l’azote;
• d’autres procédés introduisent du bore ou du chrome.

La trempe de surfaces cémentées ou la nitruration augmentent considérablement


la dureté pour résister à l’abrasion et à la pression élevée des contacts hertziens. Ces
traitements, le grenaillage et le galetage, accroissent aussi sensiblement la résistance à
la fatigue.
Le durcissement au laser est efficace pour diminuer l’usure abrasive.

Réfrigération des surfaces frottantes


On distingue deux effets de l’échauffement sur l’usure abrasive selon l’origine de
la chaleur:
• Le couple tribologique est exposé à une source de chaleur externe. La dureté
des métaux des corps et celle des abrasifs métalliques diminuent parallèlement
de sorte que le rapport des duretés est approximativement maintenu, l’intensité
de l’usure ne change pas beaucoup. En revanche, l’usure s’accélère avec des
poussières siliceuses qui restent dures ou avec un corps polymère qui perd sa
résistance plus vite que l’abrasif.
• La chaleur est dégagée localement par la déformation plastique de la surface
des corps. Dans un frottement à trois corps, les grains ont l’occasion de se
refroidir après être sortis du sillon de labourage et leur dureté diminue moins
vite que celle de la surface; par conséquent, l’usure s’accélère.
Chapitre 3 Page 73 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 73

On verra (§ 19.5.3) que le corps d’un couple tribologique qui reçoit la plus
grande part de la chaleur de frottement est celui qui présente la plus grande valeur du
coefficient de pénétration de la chaleur, défini comme suit:

b = λρc (3.1)

avec:
λ coefficient de conduction de chaleur
ρ masse volumique
c chaleur massique

En cas de surfaces de frottement inégales, la chaleur se répartit proportionnel-


lement à l’aire de la surface cinématique (§ 19.5.5). On veillera à refroidir efficace-
ment la pièce dont le produit

b × surface cinématique (3.2)

est le plus grand.

Revêtements de surface
Certains revêtements de surface réduisent l’usure. Leurs mécanismes d’action sont
très compliqués et encore presque inconnus, on consultera par exemple [3.1, 3.3, 3.4].
Il est impossible de donner des règles générales, on se base sur l’expérience.
L’efficacité d’un revêtement dépend fortement du substrat: nature, dureté,
tenacité, pureté, état de surface. L’environnement, la nature et la pression du gaz,
l'humidité, jouent aussi un rôle déterminant. On distingue:
• revêtement tendre sur substrat dur pour réduire le frottement et l’usure adhésive;
• revêtement dur pour prévenir l’usure abrasive;
• implantation ionique.

Un revêtement trop mince est inefficace, trop épais il s’use par fatigue; l’épais-
seur optimale est de l’ordre de 1 µm (fig. 2.48b). Il doit être fortement lié au substrat.
Fait surprenant, on a constaté que la résistance à l’usure d’un métal traité par implan-
tation ionique est encore bonne après usure de la couche dans laquelle on a mis les
ions étrangers; probablement que des ions migrent plus profondément dans le métal.
Les revêtements sont habituellement constitués de cadmium, argent, or, nickel, PTFE.
Des céramiques résistent bien à l’usure abrasive.
La technique de l’arc plasma permet de déposer des matériaux réfractaires très
durs tels que le molybdène, le cobalt, le tungstène ou des matériaux composites for-
més de mélanges de carbures, de nitrures, de borures ou encore des mélanges d’oxy-
des métalliques et de métaux. C’est ainsi qu’on revêt les sièges de vannes, les soupa-
pes des moteurs, des vis de transport ou des outils d’emboutissage.

Lubrification
On a exposé le principe de la lubrification à la section 2.4. L’usure dépend du
régime de lubrification:
Chapitre 3 Page 74 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

74 CONCEPTION DES MACHINES

• la lubrification mixte réduit l’usure en déchargeant les points de contact et en


empêchant l’usure adhésive;
• les lubrifications hydrodynamiques et élastohydrodynamiques préviennent
toute usure durant le fonctionnement normal, les pièces ne s’usent qu’au cours
du démarrage et de l’arrêt lorsque le film lubrifiant n’est pas assez épais;
• la lubrification hydrostatique à liquide ou à gaz évite toute usure puisque les
pièces sont toujours séparées.

Par des additifs, on donne aux huiles et aux graisses des propriétés orientées:
anti-friction, anti-usure, anti-grippage, stabilité à l’oxydation, diminution de la varia-
tion de viscosité avec la température. Les additifs multifonctions sont moins efficaces
que les additifs spécifiques et leur efficacité diminue avec le temps.
Il existe des huiles polyphasiques constituées de suspensions de solides dans
l’huile, notamment de graphite, de sulfure de molybdène, de téflon. On a constaté que
ces suspensions ont la propriété d’augmenter beaucoup la viscosité de l’huile
lorsqu’elles passent dans un espace étroit de l’ordre de grandeur des particules. Cela
empêche le grippage quand une très forte charge rapproche les surfaces. On utilise aussi
dans le même but des fluides contenant des particules ferromagnétiques en suspension.
Il existe des vernis de glissement dont le liant, une résine, contient un lubrifiant
solide finement divisé: bisulfure de molybdène, graphite, PTFE. Grâce à la structure
lamellaire des premiers, on obtient des coefficients de frottement aussi bas que 0,03 à
0,05. Des vernis contiennent aussi de l’huile dissoute dans le liant ou émulsionnée en
microgouttelettes. Ces vernis permettent la lubrification à vie d’organes faiblement
chargés et frottant lentement; par exemple des charnières de portes, les filetages et les
appuis des assemblages boulonnés.

Etat de surface
Un bon état de surface est favorable parce qu’il diminue l’usure abrasive. Il
importe que les stries d’usinage des deux surfaces ne soient pas parallèles au sens du
glissement, car elles s’imbriquent les unes dans les autres et donnent lieu à un important
frottement pouvant même conduire au grippage, surtout si leurs longueurs d’onde sont
égales. En revanche, elles sont simplement cisaillées et le frottement est moins intense
si elles sont perpendiculaires au sens de marche. L’usure est d’autant plus faible que les
stries d’usinage sont plus inclinées par rapport au sens de marche. C’est dans cette pers-
pective qu’il faut voir l’avantage du honing qui remplace les stries de tournage des
coussinets, parallèles à celle des arbres, par des stries obliques et longitudinales.
Avec des surfaces lisses et à très petit jeu, on ménage des sculptures régulières
dans la surface la plus tendre pour piéger les débris d’usure et servir de réserve de
lubrifiant pour le démarrage. Ces sculptures se disposent toujours obliquement par
rapport à la direction du mouvement. Le grattage des surfaces a les mêmes effets.

Surfaces autorégénératives
Le film d’oxyde à la surface se régénère immédiatement en cas de lésion.
On a construit des paliers congelés analogues aux joints congelés (§ 22.4.4). Le cous-
sinet est refroidi et contient de l’eau qui gèle. En tournant, le frottement de l’arbre fond un
peu de glace et il se forme un mince film d’eau lubrifiant, moins de 1 µm. Son épaisseur
dépend de l’équilibre entre la puissance du refroidissement et la chaleur de frottement.
Chapitre 3 Page 75 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 75

Prévention de l’usure des polymères


Tremper l’acier (60 HRC) afin qu’il ne devienne pas rugueux sous l’effet de
poussières et autres corps étrangers en lui permettant ensuite de râper le polymère. Les
particules étrangères s’incrustent dans le polymère beaucoup plus tendre.
Polir les surfaces métalliques pour diminuer l’abrasion du polymère. Mais on a
observé que des surfaces trop lisses sont aussi défavorables parce que la formation
rapide d’un film de transfert est facilitée par de petites aspérités qui enlèvent et
accrochent un peu de polymère. Il existe une rugosité optimale.
On améliore la résistance à l’usure des polymères en leur incorporant des fibres
de métal, de verre ou de carbone. On les mélange aussi avec du PTFE et du plomb
pour diminuer le frottement (sect. 3.8).

3.3 USURE INDUITE PAR PETITS DÉBATTEMENTS (FRETTING)

3.3.1 Description du phénomène


On observe que les surfaces de deux pièces serrées s’usent si elles effectuent de
petits mouvements oscillants répétés. L’usure se produit déjà pour de très petits mou-
vements, de l’ordre de 1 µm, dans la zone de glissement des points de contact
(§ 2.3.4); elle affecte de plus grandes surfaces lorsque l’amplitude du mouvement
dépasse 10 à 25 µm. Les mécanismes d’usure sont les mêmes que pour les grands glis-
sements (§ 3.2.1). Les déchets d’usure sont petits et forment une poudre fine; les
métaux sont chimiquement très actifs et s’oxydent immédiatement au contact de l’air;
de l’eau accélère l’usure. Les déchets ferreux prennent une couleur brunâtre typique
de la corrosion du fer. L’oxyde est aussi arraché à la surface des métaux.
La présence caractéristique de rouille entre des couples ferreux soumis à de petits
mouvements oscillants fait qu’on a donné le nom de corrosion de contact à ce mode
d’endommagement. Mais il est préférable de l’appeler usure induite par petits débatte-
ments afin de ne pas confondre la conséquence avec la cause de ce phénomène,
d’autant plus qu’on l’observe aussi avec des matériaux non ferreux et non métalliques
où naturellement aucune rouille n’est visible. Nous utiliserons le vocable anglais fret-
ting pour abréger.

c petit mouvement oscillant,


c << l

lente élimination de débris couche de débris emprisonnés

Fig. 3.5 Accumulation de débris entre des surfaces avec de petits mouvements oscillants.
Chapitre 3 Page 76 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

76 CONCEPTION DES MACHINES

Les mouvements ont une très petite amplitude de sorte que les déchets d’usure ne
sont pas éliminés mais restent emprisonnés entre les surfaces (fig. 3.5). Les pièces
s’éloignent progressivement et sont bientôt séparées par un matelas de débris qui pro-
voque alors une usure abrasive. On observe que la résistance électrique entre les piè-
ces augmente. Des matériaux nobles, or ou platine, forment, par catalyse, des
polymères à partir des polluants organiques atmosphériques qui causent des «faux
contacts» électriques.
L’accumulation de poudre dans les liaisons ajustées telles que articulations,
rotules, guidages glissants, roulements, finit par les bloquer et rend souvent le démon-
tage difficile. En présence d’huile ou de graisse, l’oxyde de fer exerce une action
catalytique sur l’huile qui la décompose par cracking, puis intervient une polymérisa-
tion des radicaux CH qui forme des résines solides qui bloquent aussi les mécanismes.
Les petits mouvements oscillants et la pression de contact provoquent une con-
trainte de frottement alternée à la surface des pièces qui initient des microfissures.
Elles évoluent en fissures et conduisent à une rupture de fatigue si la pièce est en plus
soumise à un champ de contraintes variables assez intense pour propager les fissures.
C’est pourquoi la corrosion de contact est dangereuse, par exemple entre un moyeu et
un arbre tournant.
σa

σD matériau seul

(σD)ct avec fretting

N (log)
10 4 10 5 10 6 10 7

Fig. 3.6 Abaissement de la limite de fatigue par fretting.

L’usure induite par le fretting abaisse la limite de fatigue (fig. 3.6) qu’on peut
estimer par la formule suivante [3.5]:

( σ D )ct (
= σ D ± 2 µ p 1 ± e ±c / k ) (3.3)

avec:
σD limite de fatigue alternée du matériau
µ coefficient de frottement
p pression de contact
c course du mouvement oscillant [µm]
k constante, de l’ordre de 3,8 µm

La limite de fatigue diminue rapidement jusqu’à un mouvement de 8 µm environ,


puis elle est assez peu sensible à l’accroissement de la course. La parenthèse de la
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DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 77

formule tend vers l’unité lorsque la course du mouvement dépasse 20 µm. Selon la
résistance initiale du matériau, il peut même ne plus y avoir de limite de fatigue.
En dépit des progrès accomplis, le nombre d’avaries par fretting ne diminue
guère car la plupart des projeteurs ignorent ce phénomène ou n’en tiennent pas compte
jusqu’au jour où ils le rencontrent à leur dépens.

3.3.2 Prévention de l’usure induite par fretting


Diminuer le microglissement
Le fretting se rencontre souvent dans les assemblages. On peut bloquer le glis-
sement relatif en imposant une très forte pression de contact pour solidariser les pièces
ou en augmentant le coefficient de frottement par un traitement de surface approprié.
Il faut donc serrer très fortement les assemblages boulonnés ou rivés. Imposer un
important serrage aux emmanchements, même s’il faut les monter à la presse ou,
mieux encore, par frettage. Prévoir éventuellement un montage hydraulique. Mieux
encore, souder ou coller les pièces.
Le fretting entre un arbre et un moyeu a deux origines:
• Torsion de l’arbre. Du microglissement peut exister entre un arbre et le bord
d’un moyeu fretté du côté de l’entrée du couple dans le moyeu (fig. 3.7a et
8.58). On diminue la torsion en accroissant le diamètre de l’arbre, éventuelle-
ment par une portée agrandie (fig. 3.7b).

microglissement

Mt

(a) (b)

Fig. 3.7 Arbre et moyeu fretté en torsion: (a) microglissement; (b) une portée agrandie.

• Flexion de l’arbre. Les fibres longitudinales extérieures de l’arbre se raccour-


cissent du côté concave et s’allongent du côté convexe (fig. 3.8b). Le moyeu
étant plus rigide, il peut y avoir du microglissement s’il est insuffisamment
serré. Du glissement alterné existe à chaque tour de l’arbre s’il tourne par rap-
port au plan de flexion. On prendra toutes les mesures utiles pour diminuer la
déformation de l’arbre, serrer fortement le moyeu pour le faire participer à la
flexion.

Il est impossible de serrer assez fortement la bague intérieure d’un roulement


pour empêcher les microglissements de flexion, mais il n’y a rien à craindre si l’arbre
n’est pas fléchi. Dans la figure 3.9(a), le pignon en porte-à-faux fléchit l’arbre dans le
roulement voisin. Cette déformation est pratiquement nulle si l’arbre se trouve entre
les paliers (fig. 3.9b); mais c’est maintenant le moyeu du pignon qui se trouve exposé
au fretting, on le serrera fortement.
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78 CONCEPTION DES MACHINES

M M
(a) (b)

Fig. 3.8 Arbre et moyeu: (a) arbre droit; (b) arbre fléchi.

F F
1

Mmax

M M Mmax

Fig. 3.9 Danger de fretting: (a) dans le roulement (1); (b) dans le pignon.

Phénomène bien connu, la bague intérieure d’un roulement roule sur l’arbre, ou
la bague extérieure roule dans son logement, si la charge radiale transmise par le rou-
lement tourne par rapport à la bague considérée. On évite le «roulage» d’une bague en
prévoyant un ajustement serré.
On rencontre aussi du fretting dans les liaisons clavetées ou à cannelures qui
transmettent un couple alterné.
On diminue et même annule les débattements en permettant l’accommodement
de petits mouvements dans les pièces plutôt que dans la liaision. Il suffit de donner de
la souplesse en des endroits judicieusement choisis.

Traitement de surface
Un film d’oxyde épais et résistant atténue l’arrachage de particules. Le durcis-
sement des surfaces par grenaillage ou par galetage améliore la résistance à la fatigue.

Choix des matériaux et état de surface


On observe que les états de surface fins manifestent plus facilement du fretting
que les surfaces rugueuses. Cela s’explique par le fait que les déchets abrasifs trouvent
moins de place pour se loger et sont très rapidement actifs pour détruire les surfaces.
La surface la plus dure d’un couple tribologique devrait être la plus lisse.
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DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 79

On prévient efficacement la corrosion des déchets d’usure en bannissant les


métaux ferreux, au moins pour l’un des éléments. Le PTFE, du polyamide renforcé
avec de la fibre de verre ou du polyuréthane, sont favorables, spécialement si les sur-
faces sont graissées, mais il faut que la surface de la pièce métallique soit très lisse et
très dure.

Graissage
L’huile diminue la corrosion en s’opposant à l’entrée d’oxygène et en empêchant
l’usure adhésive mais elle n’empêche pas le fretting, sa viscosité ne joue aucun rôle.
Les additifs anti-usure apportent une certaine amélioration, les additifs extrême pres-
sion sont inefficaces parce que la température de contact n’atteint jamais le niveau où
ils entrent en action. Les graisses, le MoS2 sont sans effet durable.
Seuls les lubrifiants pâteux permettent de combattre efficacement le fretting. Ces
pâtes sont des amalgames de lubrifiants solides et d’huile. Les meilleurs résultats ont
été obtenus avec des phosphates de zinc, de calcium, de potassium et de fer. Ces élé-
ments constituent un film régénérable fortement adhérent qui sépare les surfaces tan-
dis que l’huile protège seulement de la corrosion.
Des laques constituées d’un lubrifiant solide (MoS2, graphite, PTFE) lié par une
matière synthétique (époxyde, polyamide, etc.) appliquées sur les surfaces en couches
minces (5 à 15 µm) donnent de bons résultats en isolant les surfaces. L’adhésion sur
des surfaces phosphatées est particulièrement bonne.
Ces mesures atténuent l’abaissement de la résistance à la fatigue, probablement
en diminuant le coefficient de frottement comme le suggère la formule (3.3).

Protéger les organes des vibrations


Des roulements à l’arrêt et soumis à des vibrations développent du fretting au
contact des corps roulants qui finissent par former des empreintes sur les bagues. Cette
détérioration se rencontre dans les machines de réserve à bord de véhicules où elles
sont soumises aux trépidations de la marche et lors du transport des machines. On la
distingue d’une empreinte de surcharge statique par le fait que l’empreinte de fretting
est dépourvue de bourrelet à sa périphérie. Mettre les machines à l’abri des trépida-
tions par des amortisseurs élastiques (§ 18.4.4); précontraindre les roulements pour
supprimer leur jeu ou au moins prévoir des jeux les plus petits possible encore compa-
tibles avec le fonctionnement des paliers. Caler fortement les arbres afin qu’ils ne bou-
gent pas dans les paliers pendant le transport des machines.

Eviter les mouvements oscillants


On rencontre des liaisons effectuant de petits mouvements oscillants qui provo-
quent du fretting. On évite l’inversion du sens du mouvement en superposant un mou-
vement continu.
Exemple intéressant (fig. 3.10a), une manivelle (3) tournant à 5000 t/min com-
mande le mouvement oscillant de la barre (2) d’une machine de production par une
bielle (4). La barre est articulée au bâti (1) par une articulation à lames analogue à celle
de la figure 3.11(b). L’amplitude angulaire du mouvement de l’articulation A est trop
grande pour une lame souple, alors le pied de la bielle est articulé sur un axe (5) par
deux roulements à aiguilles (6). En dépit de toutes les précautions, ces roulements se
bloquent rapidement par l’accumulation de débris d’usure. On a montré que, contrai-
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80 CONCEPTION DES MACHINES

3 4
4
A
5

6
(a) 1
2

8
9 4
8 10
10
5

2 7
7

6
(b) 1

Fig. 3.10 Articulation oscillante: (a) axe fixe; (b) axe tournant.

rement à ce qu’on pourrait croire, les aiguilles ne roulent pas sur l’axe, mais glissent
fortement, du fait de l’inertie qu’elles opposent aux très rapides inversions de leur sens
de rotation. On a résolu ce problème en faisant constamment tourner l’axe (fig. 3.10b)
au moyen d’une courroie (8). La petite poulie (9) est fixée sur l’axe de la manivelle; le
diamètre de la poulie (10) est choisi de telle façon que les aiguilles des roulements (6)
tournent toujours dans le même sens. Le fretting bloquant avec accumulation de
déchets fait place à de l’usure normale.

Suppression des contacts glissants


On élimine radicalement le fretting en remplaçant les couples cinématiques à élé-
ments oscillants par des éléments souples. Les suspensions de balanciers d’horloges
(fig. 3.11a), les articulations à lames (fig. 3.11b) et les guidages à lames ou à membra-
nes (fig. 3.11c et d) sont des exemples de solution. On remarque que ces constructions
se rencontrent souvent dans la micromécanique, mais pas encore suffisamment dans la
mécanique générale.
On a vu que des roulements donnent lieu à du fretting sur la portée de leur bague
intérieure. On prévient ce risque en supprimant la bague et en laissant les galets rouler
directement sur une portée trempée de l’arbre (fig. 3.12).
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DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 81

(a) (b) (c) (d)

Fig. 3.11 Eléments souples de liaisons cinématiques: (a) lame simple; (b) articulations à lames; (c) rotule à
lame; (d) disque d’embrayage.

Fig. 3.12 Roulements à rouleaux sans bague intérieure.

3.4 ÉCAILLAGE

3.4.1 Mécanismes de l’écaillage


La détérioration d’une surface par le détachement de morceaux relativement gros
est appelée écaillage, les cavités isolées à la surface sont les piqûres (fig. 3.13) qui se
rejoignent parfois pour former de plus grandes dépressions lorsque l’écaillage est très
avancé. On rencontre aussi des micropiqûres qui ne sont pas moins dangereuses que
les grosses.
piqûres

Fig. 3.13 Ecaillage.

L’écaillage survient dans les contacts hertziens, lubrifiés ou pas, par exemple les
engrenages, les cames, les roulements. La lubrification y est en régime élasto-
hydrodynamique pour lequel on rappelle qu’il existe dans la région de la sortie d’huile
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82 CONCEPTION DES MACHINES

un pic de pression élevé et un étranglement du film lubrifiant (§ 2.4.4). Le passage


répété sur une surface fatigue le matériau, il initie et fait progresser les fissures jusqu’à
ce qu’un morceau se détache. Une fissure germe par l’un des mécanismes suivants:
• lésion de la surface par une aspérité ou l’interférence d’aspérités si le film
lubrifiant est trop mince (fig. 3.14a);
• lésion de la surface par une particule, débris d’usure ou poussière, trop grosse
par rapport à l’espace disponible pour son passage (fig. 3.14b);
• défaut de surface, rayure, strie d’usinage, (fig. 3.14c);
• défaut du matériau au voisinage de la surface, pore ou impureté (fig. 3.14d).

L’écaillage initié en surface se reconnaît par une piqûre en forme de V ouvert en


direction du mouvement.

(a) (b)

(c) (d)

Fig. 3.14 Initiation de fissures: (a) par une aspérité; (b) par une particule étrangère; (c) par un défaut de
surface; (d) par une impureté en sous-couche.

Le roulement d’un corps sur un autre en régime de frottement EHD avec une fric-
tion simultanée accélère la propagation des fissures par un effet hydrostatique
(fig. 3.15). Admettons que le corps A avance plus vite que B, les zones 1 ± 2 et 3©±4©
sont en compression tandis que les zones 3 ± 4 et 1©±2©sont en traction. Le matériau
du corps le plus rapide passe progressivement de compression en traction, tandis que
celui du corps le plus lent passe de traction en compression. Les criques sont orientées
vers la surface dans le même sens que les forces de frottement.

compression traction
A
rapide
1
4
2 F– 3
huile F huile emprisonnée
2' 3'
1' 4'
lent
B
traction compression

Fig. 3.15 Effet de la friction sur l’écaillage.


Chapitre 3 Page 83 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 83

Les criques du corps le plus lent sont ouvertes par la traction en pénétrant dans la
zone de contact, elles se remplissent d’huile dans la zone sous pression et se referment
rapidement dans la région de sortie sous l’effet de la force de frottement et surtout de
la pression EHD. De l’huile est piégée dans les fissures et, mise sous pression, fait pro-
gresser la pointe des fissures. En revanche, les criques du corps le plus rapide entrent
dans la zone de contact par la pointe et l’huile qu’elles contiennent est expulsée, elles
s’ouvrent ensuite en sortant de la zone de contact, l’huile n’y est pas mise sous pres-
sion. Ce phénomène explique pourquoi le risque d’écaillage est beaucoup plus grand
dans les engrenages abondamment lubrifiés à l’huile que dans ceux qui sont graissés.
Les additifs EP mélangés à l’huile pour prévenir le grippage et l'usure des engrenages
fortement chargés abaissent de 10 à 15% la pression limite d'écaillage.
On observe encore que le matériau du corps le plus lent est déformé plastique-
ment par la force de friction dans le même sens que le mouvement (fig. 3.15), les cri-
ques se développent parallèlement à la texture du matériau [3.6]. Dans le corps le plus
rapide, la déformation est opposée au mouvement et les fissures croisent la texture.
Ces mécanismes paraissent expliquer le fait que la longévité de fatigue de l’élément
menant plus rapide est supérieure à celle de l’élément mené.
Des interactions chimiques entre les métaux et le lubrifiant influencent la lon-
gévité de fatigue. Certains additifs inhibent le phénomène, d’autres l’accélèrent. La
contamination par de l’eau est très néfaste, on a observé que 0,01% d’eau dans l’huile
raccourcit la longévité de 32 à 48 %. La dissociation de l’eau libère des ions d’hydro-
gène qui diffusent dans le métal en provoquant des dislocations et qui le fragilisent.
Les additifs doivent former un film adsorbé à la surface et dans les criques (écran)
pour prévenir l’adsorption ou la dissociation d’eau.
L’écaillage étant lié à une fissuration de fatigue, on constate une relation entre la
pression limite d’écaillage et le nombre de cycles sollicitant une surface. De manière
analogue aux courbes de Wöhler (§ 23.5.2), on distingue trois domaines (fig. 3.16):
• Le domaine de pression statique (droite 1) où la pression hertzienne est limitée
par des empreintes de surface avec écrouissage.
• Le domaine d’endurance limitée (courbe 2). Au-delà de 105 cycles environ, la
pression limite d’écaillage diminue avec l’augmentation du nombre de sollici-
tations selon une loi du type

N p0n = constante (3.4)

L’exposant n est compris entre 3 et 4, selon le type de contact (ponctuel ou


linéaire) et selon le matériau.
• Le domaine d’endurance illimitée (droite 3). La pression limite d’endurance
p0D est atteinte au bout de 106 à 108 cycles (ce dernier nombre pour les aciers
trempés).

On n’observe pas de limite d’endurance lorsque les piqûres sont initiées princi-
palement par des lésions de la surface. La pression limite ne cesse de décroître avec
l’augmentation du nombre de cycles (courbe 4). C’est ce qu’on constatait avec les rou-
lements jusqu’à ce qu’on ait appris à les mettre à l’abri des impuretés.
Chapitre 3 Page 84 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

84 CONCEPTION DES MACHINES

p0
(log) écrasement

1 écaillage

4 3
p0D

N (log)
10 5 ND

Fig. 3.16 Pression hertzienne limite en fonction du nombre de sollicitations.

Une surface présentant quelques petites piqûres peut encore remplir sa fonction.
Mais à un stade plus avancé, les cratères finissent par se rejoindre en mettant finale-
ment la pièce hors service. Cette possible prolongation de service justifie le calcul des
pièces à la pression superficielle avec un facteur de sécurité plus petit que pour le
dimensionnement à la rupture. Les piqûres provoquent un bruit typique des roule-
ments. L’écoute de ce bruit par des microphones, suivie d’une évaluation automatique
du niveau de bruit permet d’apprécier le degré d’endommagement des roulements et
de les remplacer seulement lorsque c’est vraiment nécessaire.

3.4.2 Prévention de l’écaillage


La compréhension du processus d’écaillage conduit logiquement à prendre les
mesures suivantes:
• Veiller à ce que la pression hertzienne ne dépasse pas la valeur limite accep-
table pour la longévité souhaitée, on la détermine empiriquement.
• Mettre la matière en précontrainte de compression au voisinage des surfaces
actives (galetage, trempe).
• Durcir la surface des pièces, la nitruration est favorable. Il ne faudrait si possible
pas rectifier la surface après traitement afin de ne pas enlever la mince couche dure,
ni détruire les contraintes résiduelles de compression dans le derme de la pièce.
• Utiliser des matériaux présentant une certaine ductilité en surface et qui ne
soient pas fragiles. Dans le cas des roulements, on préconise une dureté de 58
à 60 HRC seulement. Il en résulte une réduction des tensions dues à l’effet
d’entaille provenant des empreintes de corps étrangers.
• Polir les surfaces.
• Elaborer les matériaux en évitant toutes les impuretés; on obtient de bons
résultats par refusion et dégazage sous vide.
• Utiliser des huiles EP contenant des additifs appropriés.
• Mettre l’huile à l’abri de l’eau.
• Utiliser de l’huile visqueuse ou des graisses.
• Mettre les mécanismes à l’abri des polluants solides, les filtres d’huile doivent
retenir les particules plus grandes que 5 µm.
• Prendre toutes les mesures propres à réduire le frottement.
Chapitre 3 Page 85 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 85

3.5 GRIPPAGE

3.5.1 Origine du grippage


Le grippage est une forme particulièrement sévère d’usure adhésive. Les surfaces
adhèrent localement fortement l’une à l’autre et leur glissement arrache beaucoup de
matière, elles peuvent même se souder et se lier. Le grippage se diagnostique immé-
diatement par de profonds sillons; d’abord étroits, ils vont en s’élargissant dans le sens
du glissement. Les couples cinématiques fermés tels que paliers, articulations, glissiè-
res, peuvent se bloquer.
On rencontre le grippage aussi à petite vitesse, par exemple lors de l’introduction
d’un arbre en acier dans un manchon en acier austénitique serré ou lors du serrage
d’une vis en acier brut dans une pièce en aluminium.
A grande vitesse, on observe le grippage sur les flancs des engrenages, sur les
cames, dans les paliers et butées lisses en état de frottement mixte. Son mécanisme
est encore partiellement inexpliqué, mais on admet généralement qu’un échauffe-
ment local intense de l’huile, sous des aspérités qui touchent la surface opposée,
provoque une désorption de l’huile à la surface du métal. Mis à nu et chauds, les
métaux adhèrent et se lient par de larges microsoudures qui arrachent de la ma-
tière.
En accroissant progressivement la charge d’un engrenage, on observe que le grip-
page se produit brutalement sans autre signe avant-coureur parce que l’échauffement
sous les aspérités est fugitif (§ 2.4.4) et parce que l’huile aurait une température criti-
que de désorption. Blok [3.7, 3.8] a calculé la température de contact; sa formule,
valable pour des engrenages, est donnée au paragraphe 19.6.5. Mais la prédiction de la
charge et de la vitesse de grippage est difficile parce que la température critique de
désorption dépend de l’huile et de ses additifs et qu’elle croît aussi avec la pression de
contact. Pratiquement, on détermine la température critique pour chaque huile dans
des engrenages d’essai. Le plus sûr paraît pour l’instant de respecter les limites obser-
vées lors des essais et d’appliquer les formules éprouvées de dimensionnement.
Le risque de grippage est grand au début du rodage lorsqu’une protubérance pro-
noncée provoque une pression locale importante.

3.5.2 Prévention du grippage


On prévient le grippage dans les couples cinématiques lents en choisissant conve-
nablement les matériaux et en recouvrant les métaux d’une solide couche d’oxyde, par
exemple par oxydation anodique de l’aluminium. Des traces de carbone et de soufre
dans le derme des matériaux sont favorables. Le choix des matériaux est critique
(§ 3.2.2).
Dans les couples cinématiques rapides, il faut:
• utiliser des huiles contenant des additifs antigrippage;
• refroidir les pièces;
• limiter la vitesse de glissement;
• limiter la charge.
Chapitre 3 Page 86 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

86 CONCEPTION DES MACHINES

3.6 LONGÉVITÉ DES COUPLES CINÉMATIQUES

3.6.1 Usure
Loi d’usure
L’usure se manifeste par l’enlèvement de matière à la surface d’un solide
(fig. 3.17). On peut l’exprimer de plusieurs façons:
• le volume de matière enlevé ou usé, Vu ;
• l’épaisseur d’usure, appelée communément l’usure

Vu
u = (3.5)
A

où A est l’aire apparente de la surface;


• la masse de matière enlevée

mu = ρ Vu (3.6)

ρ est la masse volumique du matériau.

Dans les essais d’usure, il est souvent plus commode de mesurer l’usure par la
masse enlevée (pesée des pièces) plutôt que par un relevé topologique.

surface apparente A
usure u
volume usé Vu

Fig. 3.17 Usure d’une surface.

L’usure évolue au cours du temps. On définit:


• le débit-volume d’usure;

dVu
V«u = (3.7)
dt

• la vitesse d’usure

du
u« = (3.8)
dt

• le débit-masse d’usure
Chapitre 3 Page 87 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 87

dmu
m«u = (3.9)
dt

On utilise parfois aussi la résistance à l’usure

1
Ru = (3.10)
«
Vu

N N

2 u

1
s
Fig. 3.18 Chemin d’usure.

Un solide (2) glisse sur la surface d’un corps (1) (fig. 3.18). L’expérience montre que:
• l’usure est approximativement proportionnelle à la distance de glissement s,
dite chemin d’usure;
• l’usure est approximativement proportionnelle à la charge normale N sur la
surface. Ceci n’est plus vrai pour de très fortes charges.

On écrit alors

Vu = bu N s (3.11)

Le coefficient d’usure bu sera discuté au paragraphe 3.6.2. Avec (3.5) et


p = N / A, on trouve l’usure

u = bu ps (3.12)

et la vitesse d’usure

u« = bu p v (3.13)

La vitesse d’usure est proportionnelle au produit de la pression de contact


apparente par la vitesse de glissement.
Le produit p v est souvent utilisé pour:
• prédire l’usure d’un couple cinématique dont l’usure est déjà connue pour une
certaine condition de fonctionnement;
• calculer l’évolution de la distribution de pression dans un couple cinématique
au cours de son rodage (§ 3.7.2);
• calculer la distribution de pression dans les couples cinématiques (sect. 8.7).
Chapitre 3 Page 88 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

88 CONCEPTION DES MACHINES

La valeur du produit p v ne suffit pas pour caractériser l’usure d’un couple tri-
bologique, mais on donne souvent un diagramme p ( v ) correspondant à une vitesse
d’usure donnée (fig. 3.19).

p
10 7

[p0]

10 6

10 5

10 –2 10 –1 1 v [m/s]

Fig. 3.19 Courbe p – v du PTFE pour une vitesse d’usure de 0,25 µm/h.

Le produit p v est raisonnablement constant dans la partie centrale de la courbe;


la pression est limitée par la déformation tandis que la vitesse l’est par l'échauffement.

Mouvements continus
Un étroit frotteur (2) est appliqué par une force N sur une roue (1) qui tourne d’un
angle ϕ (fig. 3.20). Selon (3.11), le volume enlevé à chaque surface vaut

d 
Vu1 = bu1 N ϕ 
2 (3.14)

d 
Vu2 = bu2 N ϕ
2 

L’usure se répartit sur la surface des pièces; avec une largeur b, ϕ > 2π et
p = N / ab , on a

Vu1 a d
u1 = = bu1 p ϕ (3.15)
bπd πd 2

Vu2 d
u2 = = bu2 p ϕ (3.16)
ba 2
Chapitre 3 Page 89 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 89

N
a

2
u2

ϕ u1
1 d

Fig. 3.20 Usure d’un frotteur et d’une roue.

Comme v = dϕ / dt ⋅ d / 2 , il vient la vitesse d’usure

a
u«1 = bu1 p v (3.17)
πd

u«2 = bu2 p v (3.18)

Le rapport de l’usure des pièces vaut

u1 u« b a
= 1 = u1 (3.19)
u2 «
u2 bu2 π d

La dernière fraction est le rapport de la surface cinématique des pièces. On note


que la vitesse d’usure d’une pièce est inversement proportionnelle à sa surface ciné-
matique.

Mouvements oscillants
La répartition de l’usure est analogue en cas de mouvement oscillant (fig. 3.21);
mais l’usure de l’objet (1) prend une allure triangulaire sous les positions extrêmes de

N N
2
u1
u2

1
s
Fig. 3.21 Usure avec un mouvement oscillant.
Chapitre 3 Page 90 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

90 CONCEPTION DES MACHINES

(2) parce que, dans ces régions, un point de la surface (1) ne voit défiler qu’une partie
de la surface de (2).

3.6.2 Coefficient d’usure


Le coefficient d’usure bu dépend de nombreux paramètres, notamment:
• des deux matériaux du couple tribologique;
• de l’état des surfaces;
• de la pression de contact;
• du mode d’usure qui prévaut;
• de la lubrification;
• du milieu ambiant.

On tente de calculer la valeur du coefficient d’usure sur la base des caractéris-


tiques des matériaux et des surfaces. Une ancienne formule basée sur l’adhérence des
surfaces, celle d’Archard [3.9], donne

k
bu = (3.20)
3H

où k est un facteur qui dépend des matériaux en présence et H est la dureté de la sur-
face. En cas d’usure abrasive, on démontre que le facteur d’usure est aussi inversement
proportionnel à la dureté de la surface. On a donc avantage à durcir les surfaces pour
diminuer l’usure.
Le facteur d’usure k est souvent appelé coefficient d’usure d’Archard, sa valeur
se détermine empiriquement; on trouve, par exemple, qu’il est constant en fonction de
la pression apparente, mais qu’il augmente très fortement lorsque la pression dépasse
le tiers de la dureté Brinell (fig. 3.22) car, à cette valeur, la déformation plastique des
aspérités s’étend considérablement et tend à favoriser l’adhésion.

bu

p
HB/3

Fig. 3.22 Variation du coefficient d’usure en fonction de la pression apparente.

Des chercheurs de l’entreprise IBM ont développé dans les années 60 une mé-
thode de calcul intéressante [3.10, 3.11].
Chapitre 3 Page 91 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 91

Le coefficient d’usure n’est pas directement en relation avec la valeur du


coefficient de frottement. On rencontre des couples tribologiques qui s’usent rapi-
dement tout en ayant un petit coefficient de frottement, d’autres frottent intensé-
ment et s’usent peu. Mais dans certains cas, coefficient de frottement et usure vont
de pair.

3.6.3 Dynamique de l’usure

L’usure totale d’un couple cinématique est égale à la somme de l’usure de chaque
pièce du couple

u = u1 + u2 (3.21)

Pour une vitesse et une charge données, elle évolue dans le temps selon la figure
3.23 (a). On distingue trois phases:
• le rodage (domaine I) où les surfaces s’accommodent par arasement des aspé-
rités et égalisation de la rugosité (§ 3.7.1);
• l’usure stable (domaine II) où la vitesse d’usure est faible et constante;
• l’usure catastrophique (domaine III) où les surfaces s’écrouissent, deviennent
fragiles, rugueuses et se détériorent de plus en plus vite.

L’allure de la courbe de la vitesse d’usure (fig. 3.23b) ressemble à la courbe en


baignoire représentant la probabilité de défaillance des objets techniques. Ce
rapprochement est à la base d’une théorie de la fiabilité des couples de frottement.

u̇ b

(a) t

u̇ b
0 t

(b) I II III

Fig. 3.23 Evolution typique de l’usure d’un couple cinématique: (a) usure; (b) vitesse d’usure.
Chapitre 3 Page 92 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

92 CONCEPTION DES MACHINES

Selon l’évolution de la vitesse d’usure au début du fonctionnement, on distingue


deux grandes classes (fig. 3.24):
• l’usure grippante où la vitesse d’usure croît constamment et l’usure augmente
de plus en plus vite, les surfaces sont rapidement détériorées (courbe 1);
• l’usure stable où la vitesse d’usure, élevée au début, décroît avec le chemin de
glissement parcouru et se stabilise à une valeur constante (courbe 2).

u
1

s
0

Fig. 3.24 Usure en fonction du chemin parcouru.

On constate parfois que l’usure est faible au début, puis augmente rapidement
lorsque le temps de latence des détériorations de fatigue est écoulé. Cette évolution se
rencontre surtout en cas d’écaillage.

3.6.4 Usure admissible et longévité


La matière enlevée aux surfaces de contact des couples cinématiques accroît les
jeux et perturbe le fonctionnement des mécanismes:
• perte de précision des guidages;
• altération du graissage;
• accroissement de l’intensité des chocs en cas d’inversion du sens des forces
avec pour conséquence l’accroissement des charges dynamiques;
• naissance de bruit;
• fuite des organes d’étanchéité.

uadm

t
0
L
Fig. 3.25 Longévité à l’usure d’un couple cinématique.
Chapitre 3 Page 93 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 93

On est conduit à devoir limiter l’usure et à réparer lorsqu’elle est excessive.


L’usure admissible détermine la longévité d’un couple cinématique (fig. 3.25).
La prédiction de la longévité est délicate. On se fonde habituellement sur
l’expérience d’exploitation. Il faut même être prudent avec des résultats d’essais de
laboratoire, car il est souvent impossible de simuler exactement le comportement en
milieu industriel, notamment de tenir compte des effets du viellissement des maté-
riaux. Enfin, il importe d’être conscient que certains matériaux qui ont apparemment
la même désignation ont souvent des caractéristiques différentes selon leur prove-
nance. Cette remarque concerne particulièrement les polymères et les huiles. On a vu,
par exemple, des engrenages hypoïdes ou à vis sans fin s’user fortement avec une
huile préparée avec du pétrole provenant d’un certain champ pétrolifère, tandis que
l’usure était normale avec du pétrole d’une autre provenance. On sera bien inspiré de
s’en tenir aux prescriptions précises des constructeurs pour ne pas remettre en cause
les garanties d’usine.

3.7 RODAGE

3.7.1 Processus de rodage


Les éléments des couples cinématiques neufs ne se touchent souvent que très par-
tiellement parce que:
• les surfaces sont rugueuses et affectées d’erreurs de forme résultant du pro-
cessus de fabrication (§ 2.2.1);
• les charges de service déforment les pièces, comme par exemple la flexion qui
incline un arbre dans un coussinet.

La non-conformité des surfaces se traduit toujours par des élévations locales de la


pression de contact avec, pour conséquences, une usure accélérée et des échauffe-
ments pouvant même conduire au grippage.
On observe qu’au début de son fonctionnement, l’état de surface d’un couple
cinématique se modifie rapidement. Les parties les plus chargées s’usent plus vite de
sorte que les surfaces tendent progressivement vers une conformité naturelle. Ce pro-
cessus d’adaptation des surfaces est appelé rodage.
On distingue trois niveaux de rodage:
• le microrodage ou égalisation des aspérités;
• le macrorodage ou égalisation des ondulations;
• le rattrapage des déformations et des non-conformités fonctionnelles.

On observe habituellement en cours de rodage, pour des conditions de service


inchangées, une diminution locale du coefficient de frottement, de la température et de
la vitesse d’usure. En revanche, selon le couple cinématique considéré, l’effort
résistant de frottement est susceptible d’augmenter (§ 8.7.4 et 8.7.6).

Rugosité d’équilibre
Au début du glissement de surfaces neuves, les aspérités les plus hautes d’une
surface rugueuse en état de déformation plastique sont écrasées et en partie arrachées
de sorte que l’aire de contact réelle augmente progressivement. En revanche, une sur-
Chapitre 3 Page 94 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

94 CONCEPTION DES MACHINES

face très lisse voit sa rugosité augmenter du fait du labourage par les aspérités de la
surface opposée.
Au bout d’un certain temps, la rugosité des surfaces reste constante et devient ce
qu’on appelle la rugosité de service. On observe qu’elle est pratiquement indé-
pendante de la rugosité initiale. Si une surface neuve est plus lisse que la rugosité de
service, elle devient rugueuse; si elle est plus rugueuse, elle se polit (fig. 3.26a). Les
rugosités tendent à s’égaliser. L’usure jusqu’à l’obtention de la rugosité de service est
d’autant plus grande que la rugosité initiale s’écarte plus de la rugosité de service
(fig. 3.26b), la surface (2) exige le temps t2 pour prendre sa rugosité finale.

Ra u
2

Rai2

Ras
Rai1

0 t t
0
t1 t2 t1 t2
(a) (b)

Fig. 3.26 Evolution de la rugosité et de l’usure durant le rodage: (a) rugosité; (b) usure.

On a constaté que des surfaces polies présentaient après rodage des ondulations
très régulières perpendiculaires à la direction du glissement. On attribue ce phéno-
mène à des contraintes thermiques qui déstabilisent la couche superficielle du maté-
riau. Ces ondulations s’observent aussi à la surface de rails de chemin de fer et à la
surface de routes asphaltées aux endroits où les trains et les véhicules freinent forte-
ment.
La prédiction de la valeur de la rugosité de service est délicate. Elle ne dépend
pratiquement pas de la dureté des pièces ni de la vitesse de glissement, elle diminue
lorsque la pression de contact effective croît.

Rodage de la macrogéométrie
Abstraction faite des aspérités, les surfaces se touchent par le sommet de leurs
ondulations. Dans la figure 3.27(a), les pièces sont en contact par l’ondulation B.
L’application d’une charge écrase cette ondulation et l’ondulation A entre aussi en
contact (fig. 3.27b), mais la pression y est plus basse qu’en B. Avec le glissement, la
région B s’use plus vite et une partie de la charge est transférée dans la zone A
(fig. 3.27c). La pression tend à s’égaliser avec l’avancement du rodage et la pression
moyenne diminue parce que l’aire de contact réelle croît.
La distribution finale de la pression dépend de la géométrie des surfaces, de
l’élasticité des pièces et de la position de la charge. On verra des exemples à la section
8.7.
Chapitre 3 Page 95 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 95

N N

pB
pA pA pB
2 2
A B 2

1 1 1 v
(a) (b) (c)

Fig. 3.27 Egalisation des pressions: (a) pièce neuve déchargée; (b) couple chargé neuf; (c) en cours de rodage.

Le rodage des aspérités et des ondulations des surfaces conjuguées des couples
cinématiques se voit nettement lors de révisions de machines. Les zones lisses et bril-
lantes rodées donnent souvent de précieuses indications permettant de juger le portage
des pièces et de dire si elles travaillent dans de bonnes conditions.

3.7.2 Rodage et longévité


La longévité d’un couple cinématique s’abrège beaucoup si l’usure en cours de
rodage est forte et rapide. On voit clairement sur la figure 3.28 que la longévité L est
nettement plus grande si la vitesse de rodage u«R est lente et si l’usure de rodage
nécessaire uR est petite. On prendra les précautions décrites ci-après.

uadm

uR

u̇ R
t
0 tR L L

Fig. 3.28 Longévité et rodage.

Précautions à la fabrication
• Assurer la qualité d’usinage nécessaire pour que la rugosité soit faible et sur-
tout pour que les défauts d’ondulation soient petits.
• Effectuer un montage précis et soigné des mécanismes pour respecter les ali-
gnements.

Précautions en cours de rodage


• Accroître lentement par paliers la charge et/ou la vitesse en surveillant atten-
tivement la température des organes, car l’échauffement est un reflet du
Chapitre 3 Page 96 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

96 CONCEPTION DES MACHINES

coefficient de frottement. Dans les paliers à lubrification mixte, on observe que


la température croît à chaque accroissement de la charge, puis diminue avec le
rodage et l’amélioration de l’état de surface (fig. 3.29).
• Accroître la charge dès que la température tend vers la stabilisation. Les
incréments de puissance ∆P vont en s’amenuisant selon une loi hyperbolique.
• Utiliser des lubrifiants spécialement développés pour le rodage.
• Filtrer l’huile en continu pour retenir les particules métalliques arrachées aux
surfaces. A la fin du rodage, changer l’huile et nettoyer les filtres.
Le rodage est terminé lorsque
• la rugosité d’équilibre est établie;
• la distribution de la pression de contact macroscopique a atteint le régime per-
manent.

(b)

20° C t
P

(a)

0 t

Fig. 3.29 Conduite du rodage d’un moteur d’après [3.12]: (a) paliers de puissance; (b) évolution de la tem-
pérature.

3.8 APPLICATIONS

Les problèmes tribologiques se rencontrent dans tous les couples cinématiques.


Chaque solution doit être adaptée au genre d’organes, aux conditions de fonctionne-
ment et au milieu ambiant. Le concepteur consultera la littérature spécialisée, par
exemple [3.13 à 3.16], des ouvrages traîtant les organes de machines, des spécialistes
du frottement et de l’usure, des fabricants de composants. A titre d’exemple de mise
en œuvre des principes exposés dans ce chapitre et dans le chapitre 2, on a choisi de
décrire des coussinets destinés à fonctionner à sec ou en régime de lubrification mixte.

Coussinets à frottement sec


L’huile ou la graisse ne doivent pas entrer en contact avec les produits traités par
les industries alimentaires, pharmaceutiques, textiles et du papier. On utilise alors des
paliers et des guidages fonctionnant à sec ou autolubrifiés. Les véhicules sont équipés
d’éléments analogues pour diminuer les frais d’entretien.
On réalise des coussinets en polyamide, polyéthylène, PTFE, en polyimide à plus
haute température. Leur résistance à la pression s’améliore en y incorporant des fibres
Chapitre 3 Page 97 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 97

courtes de verre ou de carbone, ou en les mettant en couche mince (moins de 0,1 mm).
On diminue l’usure et le frottement tout en affaiblissant l’influence de la vitesse sur le
coefficient de frottement en incorporant à la matière de base des lubrifiants solides, le
plus souvent du plomb ou du MoS2. Il se forme un film de transfert sur l’arbre au
début du fonctionnement; puis, ce rodage achevé, l’usure stable est lente. La vitesse
d’usure est proportionnelle au produit caractéristique p v jusqu’à un certain seuil à
partir duquel elle croît fortement (fig. 3.30).

0 pv

Fig. 3.30 Vitesse d’usure en fonction du produit pv.

L’usure et le coefficient de frottement sont le plus bas lorsque la rugosité de


l’arbre est comprise, selon le matériau du coussinet, entre 0,4 et 2 µm. Si l’arbre est
plus lisse, le film de transfert ne se fait pas ou mal, on observe du stick-slip et des grin-
cements à très basse vitesse; un arbre plus rugueux use rapidement le coussinet. Les
coussinets renforcés par des fibres exigent de tremper l’arbre pour qu’il résiste à
l’abrasion, dureté 50 à 60 HRC.
Les polymères donnent aussi lieu à du fretting en cas de très petits mouvements
oscillants répétés. Certains d’entre eux ont un coefficient de frottement dynamique
voisin du coefficient statique.
Le domaine d’utilisation est limité par la pression maximale, la vitesse maximale,
le produit p v , à l’image de la figure 3.19. Il existe diverses formes d’exécution:
• Coussinets en une matière unique ou composite.
• Coussinets en trois couches (fig. 3.31) composés d’une douille porteuse en
acier ou en bronze sur laquelle est fritté du bronze. Ce bronze est imprégné de
PTFE, de PTFE et de plomb ou d’autres matériaux, il sert d’accrochage à la
couche de glissement formée de ces mêmes matériaux.
• Coussinets revêtus d’un tissu de PTFE collé par une résine thermodurcissable
qui évite le fluage. Ils conviennent spécialement aux mouvements oscillants
lents sous fortes charges.

Les coussinets se dimensionnent selon trois critères:


• la pression maximale admissible;
• la température de service qui dépend du produit p v et de l’épaisseur du
coussinet;
• la longévité qui dépend du produit p v et de l’épaisseur de la couche de frot-
tement disponible.
Chapitre 3 Page 98 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

98 CONCEPTION DES MACHINES

couche supérieure

couche intermédiaire
en bronze imprégné

base d’acier

Fig. 3.31 Structure d’un coussinet en polymère à trois couches.

On a développé pour les glissières des machines-outils des résines à deux com-
posants polymérisant à froid, chargées de substances qui leur confèrent des caracté-
ristiques très intéressantes. Le coefficient de frottement statique est compris entre 0,02
et 0,04, le coefficient de frottement croît à faible vitesse et diminue au-delà de 200
mm/min. Ce comportement élimine le stick-slip.
Citons encore le carbone et certaines céramiques utilisées à haute température ou
lorsque les autres matériaux ne résistent pas à l’attaque chimique du milieu.
Les matériaux décrits pour les coussinets s’utilisent aussi pour des butées. Ils sont
souvent livrables en feuilles pour des organes particuliers.

Coussinets lubrifiés en régime mixte


Les coussinets décrits ci-dessus ont une lubrification solide. Mais leur longévité
double ou triple si on les lubrifie encore avec de la graisse, de l’huile ou de l’eau. Cer-
taines exécutions ménagent un réseau d’alvéoles à la surface de contact pour retenir
des réserves de graisse.
Il existe des coussinets autolubrifiés en bronze fritté poreux imprégné d’huile. En
chauffant, l’huile sort par sa dilatation thermique. Un film hydrodynamique se forme à
grande vitesse.

3.9 CONCLUSIONS PRINCIPALES

L’usure enlève progressivement de la matière à la surface de pièces frottant l’une


sur l’autre; elle modifie la géométrie en augmentant progressivement le jeu dans les
couples cinématiques. La vitesse d’usure dépend des matériaux, elle est inversement
proportionnelle à la dureté et croît proportionnellement au produit de la pression de
contact par la vitesse de glissement; mais elle croît très vite lorsque la pression
dépasse un tiers de la valeur de la dureté Brinell du corps le plus tendre.
On diminue fortement l’usure en choisissant convenablement les matériaux des
couples tribologiques, principalement sur la base de l’expérience acquise. Certains
traitements de surface ou un revêtement de surface par une mince couche tendre sont
favorables pour diminuer l’usure adhésive. Un revêtement dur ou la trempe de
l’acier résistent efficacement à l’usure abrasive. Le succès d’un revêtement dépend
beaucoup de la nature et des caractéristiques du substrat. La lubrification est tout
particulièrement efficace pour diminuer le frottement et l’usure en séparant les sur-
Chapitre 3 Page 99 Lundi, 6. f vrier 2006 1:19 13

DÉTÉRIORATION DES SURFACES FONCTIONNELLES 99

faces par un fluide, le plus souvent de l’huile. Si l’épaisseur du film séparateur est
suffisante, les surfaces n’entrent pas en contact, même par leurs aspérités, l’usure est
nulle.
L’usure induite par petits débattements (fretting), particulièrement pernicieuse,
survient lorsque des surfaces glissent sous charge avec de petits mouvements relatifs,
par exemple sous l’effet de vibrations. Elle est susceptible de bloquer les couples
cinématiques à faible jeu et abaisse la limite de fatigue des matériaux. On la prévient
en évitant les petits glissements répétés: solidariser les pièces, supprimer les mou-
vements relatifs, imposer de grands mouvements, remplacer les liaisons glissantes à
petits mouvements par des constructions à lames souples.
La sollicitation répétée d’une surface par une forte pression hertzienne provoque
des piqûres et l’écaillage. Cette détérioration de surface se manifeste par l’apparition
de cratères résultant de la chute de morceaux de matière qui se détachent après fissu-
ration locale par fatigue. Les fissures naissent sous la surface, là où le cisaillement
hertzien est le plus intense, ou en surface du fait d’impuretés qui viennent s’incruster
et former des microconcentrations de contrainte. Les surfaces sollicitées par un roule-
ment accompagné de glissement (engrenages, transmissions à friction) sont particuliè-
rement sensibles à l’écaillage. Ce risque est plus grand lorsque les surfaces sont hui-
lées que si elles sont seulement graissées. On prévient l’écaillage principalement en
limitant la pression hertzienne, en durcissant les surfaces ou en les précontraignant, en
mettant les pièces à l’abri d’impuretés plus grandes que 5 µm.
Le grippage est un arrachage massif et brutal de matière consécutif à l’échauf-
fement et à la soudure de larges zones des surfaces en contact. On l’évite en limitant le
dégagement de chaleur, en refroidissant énergiquement les pièces et par une lubri-
fication convenable. La théorie de la température de contact convient pour apprécier le
risque de grippage des engrenages.
L’usure est relativement rapide au début du frottement d’un couple tribologique,
pendant la période de rodage, puis elle diminue et reste normalement assez faible
avant de croître de nouveau rapidement. Le rodage consiste en une égalisation de la
rugosité des deux surfaces du couple et en une usure des ondulations visant à unifor-
miser la distribution de la pression de contact qui tend vers la valeur qu’elle aurait si
les surfaces étaient parfaitement conformes.
L’usure, tout particulièrement celle qui survient pendant le rodage, limite la lon-
gévité fonctionnelle des couples cinématiques. On prolonge leur vie en conduisant
correctement le rodage, notamment en accroissant progressivement la charge.
Chapitre 4 Page 101 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

CHAPITRE 4

DISSIPATION D’ÉNERGIE

4.1 INTRODUCTION

Tout mécanisme en mouvement dissipe de l’énergie. On distingue (fig. 4.1) :


• la dissipation externe par des forces de frottement appliquées à l’extérieur des
pièces mobiles;
• la dissipation interne qui retire de l’énergie potentielle de déformation par des
phénomènes ayant leur siège au sein des matériaux.

dissipation externe
dissipation interne

énergie motrice énergie utile

Fig. 4.1 Schéma des dissipations d’énergie.

Selon le point de vue, les dissipations sont nuisibles parce que le moteur doit tou-
jours fournir de l’énergie de remplacement, mais elles sont aussi utiles pour amortir
les vibrations. L’énergie dissipée est dégradée en chaleur qui échauffe les pièces.
Il existe deux sortes d’organes dissipateurs d’énergie:
• les freins destinés à dissiper de l’énergie à volonté;
• les amortisseurs destinés à dissiper l’énergie des vibrations ou l’énergie ciné-
tique des chocs.

Ce chapitre traite succinctement les diverses forces de frottement, leur formula-


tion et le calcul de l’énergie qu’elles dissipent. Il a notamment pour but de justifier
l’usage habituel d’amortisseurs visqueux dans les modèles dynamiques d’analyse des
vibrations. Il est structuré comme suit:
• Section 4.2 Etude des dissipations externes, notamment lors de mouvements
harmoniques.
• Section 4.3 Dissipation interne, application aux oscillateurs.
• Section 4.4 Présentation de freins et d’amortisseurs.
• Section 4.5 Conclusions principales.
Chapitre 4 Page 102 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

102 CONCEPTION DES MACHINES

4.2 DISSIPATION EXTERNE

4.2.1 Forces résistantes


Présentons les principales forces résistantes dissipatrices d’énergie rencontrées.

Frottement solide
Le frottement existe dans tous les couples cinématiques, il a été étudié au
chapitre 2. On admet le plus souvent qu’une force de frottement est constante quelle que
soit la vitesse de glissement, sauf à très petite vitesse au voisinage de l’arrêt (§ 2.5.1).

Frottement visqueux
Un fluide (2) (fig. 4.2) est interposé entre un solide fixe (1) et un solide mobile
(3). Avec un fluide à comportement newtonien, c’est le cas des huiles, la répartition de
la vitesse dans l’épaisseur du film est linéaire; l’intensité de la force qui s’oppose au
mouvement vaut

dv
Fr = – η A (4.1)
dy
avec:
η coefficient de viscosité dynamique du fluide
dv/dy gradient de vitesse
A aire de la surface du solide (3) en contact avec le fluide
Fr force résistante

La résistance augmente proportionnellement à la vitesse.

3 v
Fr
2

Fig. 4.2 Frottement visqueux.

Frottement dans les fluides en régime turbulent


La résistance au mouvement d’un objet par rapport à un fluide s’exprime par

Fr = – (sgn v) Cx Av 2 (4.2)
avec:
v vitesse relative entre l’objet et le fluide
A section apparente de l’objet perpendiculairement à la vitesse
Cx coefficient de forme aérodynamique qui se détermine expérimentalement
Chapitre 4 Page 103 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 103

Malaxage
Le pétrissage des graisses dans les articulations et surtout dans les roulements
oppose une force au mouvement.

Courants de Foucault
Le déplacement d’une pièce métallique perpendiculairement à un champ ma-
gnétique engendre une résistance proportionnelle à la vitesse.

Liquides électrorhéologiques
Ces liquides, non conducteurs de l’électricité – souvent une huile de silicone –
contiennent en suspension une très fine poudre isolante. Placées dans un champ élec-
trique (fig. 4.3), les particules se chargent par influence et s’organisent en chaînes qui
exercent des forces électrostatiques sur les électrodes. Appliquons une force tendant à
faire glisser les plaques l’une par rapport à l’autre (fig. 4.4), des forces électrostatiques
s’opposent au mouvement. La contrainte de cisaillement est fonction de la déforma-
tion angulaire, l’allure des courbes représentées à la figure 4.5 illustre le comporte-
ment des liquides électrorhéologiques :
• la contrainte de cisaillement augmente tout d’abord proportionnellement à la
déformation, puis prend une valeur limite d’écoulement τe pour laquelle les
plaques glissent;
• la contrainte de cisaillement d’écoulement augmente avec l’intensité du champ
électrostatique E = U/h.

Ce comportement a été décrit par Bingham. La contrainte de cisaillement vaut

U n
τ e = ae   = ae E n (4.3)
 h

avec:
U tension appliquée aux électrodes
h distance entre les plaques
ae coefficient caractéristique du liquide
n varie entre 1 et 2 selon le liquide

Il convient de distinguer le domaine d’écoulement viscoplastique, où les plaques


glissent, et le domaine viscoélastique où, à la déformation de cisaillement près, les

y
+ + + x v
– –
+ – +
– + – F
+ + +
U – –
– – +
+ – U h
– + γ

+ + + 0
– – – F–

Fig. 4.3 Frottement visqueux. Fig. 4.4 Cisaillement du liquide électrorhéologique.


Chapitre 4 Page 104 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

104 CONCEPTION DES MACHINES

τ viscoélastique

E croissant
τe

0
γe γ

Fig. 4.5 Contrainte de cisaillement en fonction de l’angle de déformation et du champ électrostatique.

plaques sont solidaires. La limite d’écoulement γe se situe vers 1%. On atteint


aujourd’hui τe = 1 à 3 kPa pour 1000 V/mm. La pente des courbes représente le
module de glissement G. Le module augmente avec le champ électrique et avec la fré-
quence lors de mouvements périodiques; mathématiquement il s’exprime avanta-
geusement par un nombre complexe et donne lieu à la notion de module complexe.
La contrainte de cisaillement discutée jusqu’ici est définie en régime de défor-
mation quasi statique. Mais on observe qu’elle augmente avec la vitesse de déforma-
tion du fait de la viscosité du liquide (fig. 4.6). Un liquide électro-rhéologique
s’oppose au mouvement par la force

 dv 
Fr = – A  τ e + η  (4.4)
 dy 
avec:
A aire de la plaque
τe contrainte de cisaillement d’écoulement
η viscosité dynamique (Newton)
dv/dy vitesse de la déformation de cisaillement

A tension nulle, τe = 0, on retrouve le comportement visqueux de Newton, droite


(1) de la figure 4.6. La droite est translatée de la quantité τe lorsqu’on applique un
champ électrique, droite (2). Les liquides électrorhéologiques ont un comportement
mixte : frottement solide d’intensité ajustable par la tension appliquée et frottement
visqueux.
Forçons un liquide électrorhéologique à couler entre deux électrodes (fig. 4.7). La
perte de charge comprend un terme ordinaire de Poiseuille, car l’écoulement dans les
dispositifs utilisant ces liquides est habituellement laminaire, et un terme proportionnel à
la contrainte de cisaillement d’écoulement τe, donc modulable par le champ électrique.
Il existe déjà une abondante littérature consacrée à ce phénomène, par exemple
[4.1; 4.2; 4.3].
Chapitre 4 Page 105 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 105

τ
E croissant

τe
E
2 +
U v

E=0
1
η
0 γ˙ ∆p
Fig. 4.6 Contrainte de cisaillement en fonction Fig. 4.7 Robinet électrostatique.
de la vitesse de déformation et du champ.

4.2.2 Mouvement continu


Le point d’application A d’une force résistante Fr se déplace sur une trajec-
toire quelconque d’abscisse curviligne s (fig. 4.8) avec une vitesse v. Entre les points
d’abscisse s1 et s2, cette force effectue le travail

s2
W = ∫ Fr ⋅ ds (4.5)
s1

v
Fr
A s
s2

ds
s1

Fig. 4.8 Force résistante.

Sauf lors de déplacements obliques dans un fluide déjà en mouvement, par exem-
ple un véhicule dans un vent latéral, la force est généralement directement opposée au
mouvement. Alors

s2
W = – ∫ Fr ds
s1

Le travail négatif correspond à une perte d’énergie qui doit être fournie par un
moteur. L’énergie dissipée ou énergie perdue vaut

s2
Wp = ∫ Fr ds (4.6)
s1
Chapitre 4 Page 106 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

106 CONCEPTION DES MACHINES

Avec une force résistante constante

Wp = Fr (s2 – s1 ) (4.7)

la puissance dissipée vaut

Pp = Fr v (4.8)

Notons spécialement les lois importantes suivantes :

• frottement coulombien, Fr constant

Pp ~ v (4.9)

• frottement visqueux, Fr ~ v

Pp ~ v 2 (4.10)

• frottement en fluides turbulents, Fr ~ v2

Pp ~ v 3 (4.11)

4.2.3 Mouvement oscillant


Frottement coulombien
La force de frottement, d’intensité constante Fr , est toujours opposée à la vitesse
de glissement (fig. 4.9). On voit dans la figure que l’énergie dissipée à chaque course
vaut 2Fr x√; indépendemment de la loi du mouvement. L’énergie dissipée dans tout le
cycle vaut

Wp = 4 Fr x√ (4.12)

x (t)
xˆ Fr

Fig. 4.9 Mouvement oscillant avec frottement coulombien.


Chapitre 4 Page 107 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 107

On a la puissance moyenne dissipée

Wp
Pp = = Wp f = 4Fr x√f (4.13)
T
avec: T période de l’oscillation
f fréquence de l’oscillation

La puissance dissipée lors d’un mouvement oscillant avec un frottement cou-


lombien est proportionnelle à la fréquence du mouvement et à son amplitude.

Frottement visqueux
Le point d’application d’une force de frottement effectue un mouvement harmo-
nique d’amplitude xˆ avec une pulsation Ω :

x = x√ sin Ωt (4.14)

Ecrivons la force de frottement visqueux sous la forme

Fr = c v

où c est la constante d’amortissement visqueux. Calculons l’énergie dissipée au cours


d’un cycle:

T T
Wp = ∫ Fv dt = ∫ cv 2 dt
0 0

Avec v = x«, on obtient:

Wp = π c x√2 Ω = 2 π 2 c x√2 f (4.15)

et la puissance moyenne dissipée:

Wp 1
Pp = = c x√2 Ω 2 = 2π 2 c x√2 f 2 (4.15)
T 2

La puissance dissipée lors d’un mouvement harmonique avec un frottement


visqueux est proportionnelle au carré de l’amplitude du mouvement et au carré de la
fréquence.

Fluide turbulent
Ecrivons la force de frottement sous la forme

Fr = a v 2
où le coefficient a ressort de (4.2).
Chapitre 4 Page 108 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

108 CONCEPTION DES MACHINES

L’énergie dissipée dans un cycle se calcule en quadruplant l’énergie perdue pen-


dant un quart de cycle:

T /4
8
Wp = 4 ∫ a v 3 dt =
3
a x√3 Ω 2 (4.17)
0

et la puissance moyenne, comme ci-dessus,

4 32π 2
P= a x√3 Ω 3 = a x√3 f 3 (4.18)
3π 3

La puissance dissipée lors d’un mouvement harmonique dans un fluide en état


d’écoulement turbulent est proportionnelle au cube de l’amplitude du mouvement et
au cube de la fréquence.

4.2.4 Mouvement oscillant superposé à un mouvement continu


Un objet se déplace en translation à une vitesse moyenne v̄ à laquelle est
superposée un mouvement harmonique. Soit sa vitesse instantanée (fig. 4.10)

v = v + v√ sin Ωt (4.19)

0
t1 t2 T t

Fig. 4.10 Superposition d'une vitesse constante et d'une vitesse harmonique.

On obtient l’espace parcouru par intégration; avec la condition initiale x = 0 pour


t = 0, il vient:

v√
x = vt + (1 ± cos Ω t )

Supposons v̄ < v̂ la vitesse s’annule en t1, change de sens, puis s’annule encore en
t2 pour redevenir positive. La vitesse est nulle pour
Chapitre 4 Page 109 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 109

v
sin Ω t1 = sin Ω t2 = ±
v√

Calculons l’espace parcouru pendant que la vitesse est positive, entre t = 0 et t1,
et entre t2 et T. Sachant que cos Ω t2 = –cos Ω t1, il vient

v√
∆x + = v T ± v (t2 ± t1 ) ± 2 cos Ω t1

et l’espace parcouru pendant que la vitesse est négative vaut

v√
∆x ± = v (t2 ± t1 ) + 2 cos Ω t1

En examinant ces expressions, il faut remarquer que cos Ω t1 est négatif, car Ω t1
se trouve dans le troisième quadrant trigonométrique; ∆x_ est négatif.
Supposons maintenant une force de frottement coulombienne toujours opposée à
la vitesse. L’énergie dissipée vaut

 v√ 
Wp = Fr ∆x+ + ( ±Fr ) ∆x± = Fr  v T ± 2v (t2 ± t1 ) ± 4 cos Ω t1  (4.20)
 Ω 

Les deux premiers termes donnent l’énergie dissipée par la composante continue
du mouvement, le dernier est l’énergie dissipée du fait de l’existence de la vibration. Si
v̄ = 0, t1 = T/2 et t2 = T, il ne subsiste que le mouvement harmonique et on retrouve la
formule (4.12).
Dans le cas où v̄ = v̂, t1 = t2 = 3T/4; la vitesse ne s’annule pas si v̄ > v̂. Par consé-
quent, la vitesse de l’objet ne s’inverse pas et l’énergie dissipée est simplement égale
au produit de la force de frottement par l’espace parcouru, quelle que soit la vitesse
(fig. 4.11). Ce dernier résultat se retrouve immédiatement:

x1 xT
x2

< v̂v^
vv <

> v̂^v
vv >

0
t1 t2 T t

Fig. 4.11 Espace parcouru.


Chapitre 4 Page 110 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

110 CONCEPTION DES MACHINES

T
Wp = ∫ Fr (v + v√sin Ωt ) dt = Fr v T (4.21)
0

car l’intégrale du second terme est nulle.

Conclusions
Cette étude permet de tirer les conclusions pratiques suivantes :
• la vibration d’un élément de machine glissant sur un autre avec du frottement
coulombien ne dissipe pas d’énergie vibratoire si la vitesse de glissement est
supérieure à la vitesse maximale de la vibration, c’est-à-dire si la vitesse de
glissement ne s’inverse pas;
• les paliers à frottement sec ou mixte et les roulements n’amortissent habituelle-
ment pas les vibrations de torsion, car la vitesse périphérique de l’arbre est
généralement supérieure à la vitesse des vibrations;
• les paliers hydrostatiques ou hydrodynamiques amortissent les vibrations de
torsion.

4.2.5 Oscillateur en régime permanent harmonique


Etudions le comportement d’un oscillateur en régime permanent, excité par une
force harmonique, selon le genre de la force de frottement qui l’amortit.

Amortisseur visqueux
L’équilibre des forces appliquées à la masse d’un oscillateur avec amortisseur
visqueux (fig. 4.12), excité par une force harmonique, conduit à l’équation différen-
tielle linéaire connue:

m x««+ c x« + k x = F√ cos Ω t

avec:
F√ amplitude de la force excitatrice
c constante d’amortissement visqueux
k rigidité du ressort
m masse
x déplacement de la masse
Ω pulsation excitatrice

k m F̂ cos Ωt

x
c

Fig. 4.12 Oscillateur.

Posons la pulsation propre de l’oscillateur en régime libre non amorti (conservatif)


Chapitre 4 Page 111 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 111

k
ω0 = (4.23)
m

et le facteur d’amortissement relatif

c c ω0
η= = (4.24)
2 mω 0 2k

Avec ces grandeurs caractéristiques, l’équation différentielle devient

1 2η F√
«x«+ «+ x =
x cos Ω t (4.25)
ω 02 ω0 k

Définissons encore les quantités: Ω


• pulsation relative de la force d’excitation β = (4.26)
ω0

F√
• déplacement statique dû à une force constante x√s =
(4.27)
k
Le mouvement en régime permanent de l’oscillation est bien connu [4.4,
4.5, 4.6]:

x = x√s µ1 cos ( Ω t ± ϕ1 ) (4.28)

x√ = µ1 x√s (4.29)

avec le facteur d’amplification dynamique

1
µ1 = (4.30)
(1 ± β 2 )2 + 4 η 2β 2

et le déphasage

2η β
ϕ1 = arctan (4.31)
1 ± β2

L’amplification est représentée à la figure 4.13. L’étude de la fonction montre


qu’elle passe par un maximum

1
µ1 max = (4.32)
2η 1 − η2
Chapitre 4 Page 112 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

112 CONCEPTION DES MACHINES

µ11
5.0
η=0
4.5
lieu des maxima η = 0.1
4.0

3.5
η = 0.15
3.0

2.5
η
η = 0.25
2.0

1.5
η = 0.5
1.0

0.5
η= 1
2
η=
η = 11
0.0
Ω-
β β=β -----
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0
ω0

Fig. 4.13 Facteur d'amplification dynamique µ1 d'un oscillateur avec amortissement visqueux excité par un
effort.

situé à la pulsation

Ω1 = ω 0 1 − 2 η 2 (4.33)

Amortissement coulombien
Partons des résultats précédents pour étudier le comportement d’un oscillateur
amorti par un frottement coulombien. Cherchons quelle doit être la valeur de la cons-
tante d’amortissement visqueux pour que l’énergie dissipée pendant un cycle de cet
amortisseur soit égale à l’énergie dissipée en un cycle d’un amortisseur coulombien.
Egalons (4.12) et (4.15),

Wp = π ce x√2Ω = 4Fr x√

d’où l’on tire la constante d’amortissement équivalente

4Fr
ce = (4.34)
π x√Ω
Chapitre 4 Page 113 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 113

Par (4.24), le facteur d’amortissement équivalent vaut

2Fr ω 0
ηe = (4.35)
π x√Ω k

L’amplitude du mouvement se trouve par (4.29), où l’on introduit successivement


µ1 par (4.30) et ηe :

1
x√ = x√s
2
 4Fr 
(1 − β2
2
) +  
 π x√k 

Tirons l’amplitude de cette équation:

2
 4F 
1 −  r
 π F√ 
x√ = x√s (4.36)
(1 − β 2 )2
Cette solution n’a de sens que si le radical est positif, c’est-à-dire si

4
F√ > Fr (4.37)
π

Le moment oscillant comporte des pauses et apparaît saccadé si la force exci-


tative est inférieure à cette limite.
On constate aussi qu’à la résonance d’amplitude, x̂ = ∞ pour β = 1 ou Ω = ω0.
Cette amplification à l’infini ne s’observe pas en réalité, car l’amortissement interne
du matériau du ressort domine à la résonance. La solution complète de ce problème est
donnée dans [4.7].

Amortissement proportionnel au carré de la vitesse


Ce cas se présente dans les fluides en régime turbulent, il est traité dans [4.6].

Amortissement par liquides électrorhéologiques


Ces liquides ayant à la fois un comportement newtonien et coulombien (§ 4.2.1)
constituent des amortisseurs à comportement mixte. Den Hartog donne la solution
analytique [4.7].

4.3 DISSIPATION INTERNE

4.3.1 Modèles rhéologiques


On observe qu’une lame vibrant en régime libre, même dans le vide, finit toujours
par s’immobiliser parce que son énergie est dissipée et dégradée en chaleur à l’inté-
Chapitre 4 Page 114 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

114 CONCEPTION DES MACHINES

rieur de sa matière. On exprime ce phénomène en disant qu’il y a frottement interne.


Ce mode de dissipation d’énergie joue un rôle important dans l’amortissement des
vibrations de structures.
Les modèles rhéologiques imaginés pour expliquer les comportements observés
sont compliqués et on est loin d’avoir compris tout ce qui se passe dans les matériaux;
les modèles diffèrent d’ailleurs, selon les matériaux considérés. Nous nous contentons
de présenter les deux modèles simples usuels.

Modèle viscoélastique
Un matériau viscoélastique peut se représenter par un ressort (fig. 4.14) ayant la
rigidité dynamique k dans le domaine vibratoire et par un amortisseur visqueux qui
s’oppose au mouvement par une force proportionnelle à la vitesse de la déformation.
L’équation d’équilibre statique de ce modèle s’écrit

F = k x + c x« (4.38)

où c est la constante d’amortissement visqueux linéaire.

k
F

c x

Fig. 4.14 Modèle viscoélastique.

Excitons ce modèle par une force variant harmoniquement:

c x« + k x = F√ cos Ω t (4.39)

Sa réponse est

x = x√ cos ( Ω t ± ϕ ) (4.40)

avec l’amplitude

F√
x√ = (4.41)
c2
k 1 + 2 Ω2
k

et le déphasage

c
ϕ = arctan Ω (4.42)
k
Chapitre 4 Page 115 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 115


Wp

0 x

Fig. 4.15 Ellipse d’hystérésis.

La représentation de F = F (x) est une figure de Lissajou (fig. 4.15). Son aire inté-
rieure représente l’énergie dissipée au cours d’un cycle. On peut la calculer en passant
par la puissance:

T T
dx
Wp = ∫ F
dt
dt = ∫ ± F√ x√Ω cos Ωt •· sin (Ω t ± ϕ ) dt
0 0

L’intégration donne

Wp = π F√ x√ sin ϕ

En introduisant F̂ calculé par (4.41) et sin ϕ calculé à partir de tan ϕ, on trouve

Wp = π c x√2 Ω (4.43)

On remarque que l’énergie dissipée dans un cycle d’un matériau viscoélastique


est proportionnelle à la pulsation (fréquence) de la sollicitation. Ce résultat a déjà été
obtenu au paragraphe 4.2.3

Modèle hystérétique
L’énergie dissipée dans les matériaux a été mesurée par de nombreux auteurs,
notamment par Lazan [4.8]. Lors d’une sollicitation harmonique par une contrainte
d’amplitude σ̂, l’énergie volumique Up dissipée par cycle augmente d’abord régu-
lièrement avec l’amplitude de la contrainte (fig. 4.16) selon une loi de la forme

U p = J σ√n (4.44)

où J et n sont des constantes du matériau; la valeur de l’exposant n est comprise entre


2,1 et 2,6. Au-delà d’une contrainte limite σl, voisine de la limite de fatigue alternée
σD , la dissipation croît encore plus vite avec la contrainte et dépend en outre du nom-
Chapitre 4 Page 116 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

116 CONCEPTION DES MACHINES

Wp
1000 cycles
100 cycles
20 cycles

0 σ̂
σ1 σ D-1

Fig. 4.16 Allure de la dissipation volumique d’énergie avec l’amplitude de la contrainte alternée.

bre de cycles déjà subis par le matériau. L’écrouissage augmente aussi la dissipation. Il
existe donc un effet de mémoire. Fait important, on observe que l’énergie dissipée par
cycle est pratiquement indépendante de la fréquence de sollicitation.
Le modèle hystérétique rend compte de ce comportement en admettant que la
force de l’amortissement est du type h ẋ/Ω, ce qui donne, en cas de sollicitation harmo-
nique, une force proportionnelle à l’amplitude du mouvement, mais indépendante de
sa pulsation. h est le facteur de dissipation hystérétique. Le mouvement d’un ressort
hystérétique est alors, de manière analogue à (4.39), régi par l’équation différentielle

h
kx + x« = F√ cos Ω t (4.45)

dont il résulte l’amplitude du mouvement

F√
x√ = (4.46)
k 2 + h2

et le déphasage, appelé aussi angle de perte,

h
ϕ H = arctan (4.47)
k

L’énergie dissipée dans un cycle vaut alors

Wp = π h x√2 (4.48)

La constante h a la dimension d’une rigidité, elle dépend du matériau. Dans la


littérature spécialisée, la quantité k + jh est appelée module complexe de rigidité.

4.3.2 Oscillateur en régime permanent harmonique


Considérons un oscillateur, formé seulement d’un ressort et d’une masse, excité
par une force harmonique appliquée à la masse. Faisons un modèle permettant d’étu-
Chapitre 4 Page 117 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 117

dier le comportement de l’oscillateur avec dissipation d’énergie dans le ressort en rem-


plaçant ce dernier par un ressort parfait, sans perte, avec en parallèle un amortisseur
dissipatif. Dans l’hypothèse d’un comportement viscoélastique du matériau, le modèle
est formellement identique à celui déjà étudié au paragraphe 4.2.5 à propos de l’amor-
tissement externe, il n’y a donc pas lieu d’y revenir.
Etudions maintenant le comportement du modèle hystérétique en partant de
l’idée que l’énergie dissipée au cours d’un cycle est la même dans chaque modèle.
Egalons (4.48) à (4.15) avec une constante d’amortissement équivalente ce et une pul-
sation forcée Ω :

Wp = π h x√2 = π ce x√2 Ω

Cette équation fournit la constante d’amortissement équivalente

h
ce = (4.49)

puis le facteur d’amortissement équivalent

cω 0 h ω0
ηe = = (4.50)
2k 2k Ω

En l’introduisant dans (4.30), l’expression du facteur d’amplification dynamique


devient

1
µH = (4.51)
(1 ± β 2 )2 + 4ζ 2

avec le facteur d’amortissement relatif hystérétique

h Ω
ζ = = ηe = ηe β (4.52)
2k ω0

Le facteur d’amplification hystérétique est représenté à la figure 4.17. On


remarque que tous les maxima de résonance sont atteints pour β = 1 et valent

1 k
µH max = = (4.53)
2ζ h

Lorsque β = 1, selon (4.52), on a ηe = ζ et, avec (4.30), µ1 = µH max, c’est-à-dire


que la fonction µ1 (4.30) passe par le point B (fig. 4.18) correspondant à la résonance
hystérétique. Habituellement, la valeur du facteur d’amortissement relatif aux pièces de
structures en matériaux métalliques et en composites n’excède guère 10%. On constate
Chapitre 4 Page 118 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

118 CONCEPTION DES MACHINES

µ
µHH

η
ζ0 = 0

3
0,14

0,2

2
0,263

0,44

1
1,0

0
0 1 2 3 β
β
Fig. 4.17 Facteur d'amplification dynamique avec amortissement hystérétique.

que le sommet A de la résonance d’un oscillateur avec amortissement visqueux est très
proche du sommet B avec amortissement hystérétique, µ1 max = 1,0025 µH max.
En cas de sollicitation statique, β = 0 car Ω = 0. Le facteur d’amplification hysté-
rétique vaut

1
µH = (4.54)
1 + 4ζ 2

ce qui ne correspond pas à la réalité de µ1 = 1. Le modèle hystérétique n’est pas


valable à basse fréquence relative.

Conclusions
Ces résultats justifient que le modèle d’amortisseur visqueux suffit pour étudier
les vibrations des systèmes rencontrés dans la pratique. En effet:
• son coefficient d’amplification dynamique est correctement égal à l’unité dans
le cas statique;
Chapitre 4 Page 119 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 119

µµ11max 11 A µ11 visqueux


max == -----------------------------
22ηηe 1-η 1 –e η
2 2
e e
1
µµH max = = 1-------- 11 B
H max 2 η -= =2ξ------
2η e e 2ζ

µHH hystérétique

2 2 ββ
2 η eη e
1 – 1-2 1

Fig. 4.18 Résonance des modèles visqueux et hystérétiques.

• son amplification à la résonance est à peine supérieure à ce qu’elle serait avec


un matériau hystérétique.

L’analyse mathématique des problèmes dynamiques en est grandement facilitée,


on l’utilisera toujours par la suite.

4.3.3 Capacité d’amortissement


On appelle capacité d’amortissement ψ le rapport de l’énergie dissipée Wp dans
un cycle à l’énergie de déformation élastique We mise en jeu:

Wp
ψ = (4.55)
We

L’énergie élastique représentée par le triangle hachuré verticalement de la figure


4.19 vaut

1
We = k x√2
2

Calculons la capacité d’amortissement pour les deux modèles considérés:


• modèle viscoélastique, avec (4.43) et (4.42),

cΩ
ψ = 2π = 2π tan ϕ (4.56)
k
Chapitre 4 Page 120 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

120 CONCEPTION DES MACHINES

Wp
k

We

0 x

x x̂
Fig. 4.19 Energie dissipée et énergie élastique.

• modèle hystérétique, avec (4.48) et (4.47),

h
ψ = 2π = 2π tan ϕ H (4.57)
k

L’amortissement spécifique du modèle viscoélastique augmente proportion-


nellement à la fréquence, tandis qu’il est constant dans le cas du comportement hys-
térétique. On exprime souvent la faculté d’amortissement des matériaux par la valeur
de ψ. Les normes (DIN 7450) prévoient d’utiliser la même notion pour caractériser
l’amortissement offert par les accouplements élastiques. Cherchons la relation qui
existe entre la capacité d’amortissement et les facteurs d’amortissement relatifs.
Pour le modèle visqueux, on a, en combinant (4.24) avec (4.56),

cω 0 ψ ω0
η = = (4.58)
2k 4π Ω

La capacité d’amortissement se mesure habituellement à la résonance d’ampli-


tude, soit pour Ω = ω0(1 – 2η2)1/2, alors

ψ = 4 π η 1 ± 2η2 (4.59)

En pratique, on a presque toujours η ≤ 0,2, par conséquent:

ψ ≈ 4πη (4.60)

En cas d’amortissement hystérétique, la combinaison de (4.52) et de (4.57)


fournit

ψ ≈= 4 π ζ (4.61)
Chapitre 4 Page 121 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 121

4.3.4 Amortissement des structures


L’amortissement des bâtis de machines, charpentes, rotors, résulte principale-
ment des mécanismes dissipateurs suivants :
• le frottement interne des matériaux constitutifs;
• le frottement coulombien dans les assemblages;
• le frottement dans le fluide ambiant.

Les surfaces de pièces assemblées par boulonnage, rivetage, frettage subissent


des microglissements lorsqu’elles sont soumises à des vibrations. Ces frottements
dissipent une puissance appréciable, le plus souvent encore plus forte que ce qui est
dissipé par frottement interne dans les matériaux. Ces pertes sont difficilement pré-
visibles et ne peuvent se déterminer qu’expérimentalement. Bornons-nous à dire que:
• l’amortissement est d’autant plus petit que l’état des surfaces assemblées est
meilleur;
• l’amortissement des constructions soudées est plus faible que celui des struc-
tures boulonnées;
• l’amortissement diminue avec l’augmentation des pressions de contact.

On a vu que le modèle viscoélastique et le modèle hystérétique des matériaux ont


des comportements distincts. En ce qui concerne la dissipation d’énergie dans les
assemblages, il faut utiliser un modèle basé sur le frottement sec, mais compliqué par
le fait que le microglissement des aspérités est entrecoupé de périodes de repos (col-
lage). Cependant, le comportement dynamique d’une structure technique est assez
proche des résultats donnés par un modèle viscoélastique, car la valeur du coefficient
d’amortissement est presque toujours inférieure à 0,2, ce qui rend les différences
minimes entre les deux modèles.
L’évaluation de la constante d’amortissement visqueux c intervenant dans le
modèle viscoélastique est délicate. On a essayé de la calculer dans certains méca-
nismes [4.9]; [4.10] donne aussi quelques indications. Mais on est finalement toujours
obligé de recourir à des mesures d’amortissement sur des machines. Pour les besoins
de la pratique, il nous paraît préférable d’estimer le facteur d’amortissement relatif
selon le tableau 4.20.

Tableau 4.20 Facteur d’amortissement relatif visqueux η.

Bâtis de machines 0,01 à 0,03


Ponts roulants soudés 0,008 à 0,027
Structures en treillis de grues 0,04 à 0,055
Arbres, d ≤ 100 mm 0,005
d > 100 mm 0,01
Réducteurs, P ≤ 100 kW 0,02
100 < P ≤ 1 000 kW 0,04
P > 1 000 kW 0,06
Accouplements élastiques 0,04 à 0,2
Mécanismes articulés ou à came 0,03 à 0,08
Chapitre 4 Page 122 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

122 CONCEPTION DES MACHINES

L’évaluation de l’amortissement n’est en fait pas très critique. En effet:


• les mécanismes dans lesquels on cherche une grande précision ont leur fré-
quence propre assez éloignée de la fréquence fondamentale du mouvement
pour que l’amortissement n’influence que très peu l’erreur dynamique
(sect. 15.4);
• les amplitudes vibratoires de résonance sont très sensibles à la valeur de
l’amortissement, mais la plupart du temps on évite soigneusement qu’un
mécanisme fonctionne durablement au voisinage de résonances;
• sans même connaître précisément les valeurs numériques, on prend toutes les
mesures susceptibles d’accroître l’amortissement.

4.4 ORGANES DISSIPATEURS D’ÉNERGIE

Freins
Les freins ont pour but de ralentir et d’arrêter un objet, une machine, un véhicule,
ou d’en régler la vitesse. Citons simplement, sans les décrire, divers types de freins
selon leur caractéristique de couple (fig. 4.21):
• Freins à frottement sec. Le couple de frottement au repos est généralement plus
élevé que lorsque le frein glisse, sauf avec certains matériaux de garniture pour
lesquels la différence est peu marquée. Le couple dynamique de freinage est
quasi constant au-delà d’une certaine vitesse. Les freins multidisques peuvent
fonctionner dans l’huile. Le couple de freinage est proportionnel à la force de
serrage des garnitures.
• Freins hydrodynamiques. Le couple est proportionnel au carré de la vitesse.
• Freins centrifuges. Même caractéristique que le frein hydrodynamique, mais
ils n’agissent parfois qu’à partir d’une certaine vitesse seulement.
• Freins à poudre magnétique. Le couple est indépendant de la vitesse, mais pro-
portionnel au courant d’excitation.
• Freins à courant de Foucault. Le couple de freinage croît d’abord avec la
vitesse, puis se stabilise à une valeur constante qui augmente proportionnel-
lement au courant d’excitation.

Mf générateur centrifuge
I I
électrique
hydrodynamique
I
poudre magnétique
I
Foucault

F
hystérésis
sec

ω
0

Fig. 4.21 Caractéristiques couple-vitesse de freins.


Chapitre 4 Page 123 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 123

• Freins à hystérésis. Le couple est indépendant de la vitesse, mais proportionnel


au courant d’excitation.
• Générateurs à courant continu. Le couple de freinage est proportionnel à
la vitesse et augmente avec le courant d’excitation; l’énergie mécanique est
convertie en électricité.

L’énergie dissipée échauffe les freins, c’est pourquoi on est contraint, en régime
continu, de limiter la puissance de freinage. Cela se traduit par une hyperbole
Mf = Plim / ω comme la figure 4.21 le montre pour le frein à hystérésis.
L’influence de la caractéristique d’un frein sur le ralentissement sera examinée au
paragraphe 14.7.2.

Butoirs
Les butoirs servent à arrêter une masse en mouvement et sont munis d’un dis-
positif de rappel qui les met, après usage, en situation d’opérer un nouveau freinage.
Un butoir hydraulique (fig. 4.22) se compose en principe d’un cylindre dans lequel un
piston poussé par la masse expulse de l’huile à travers un orifice calibré. L’huile est
envoyée dans un accumulateur hydraulique qui se met sous pression et repousse
ensuite le piston dans sa position initiale.

m
v0

x
0
Fig. 4.22 Schéma d’un butoir hydraulique.

La force nécessaire pour enfoncer le piston est proportionnelle à la pression dans


le vérin, laquelle augmente comme le carré du débit d’huile. En négligeant la pression
dans l’accumulateur, on peut donc écrire une relation de la forme

F = Cv 2 (4.62)

où C est un coefficient qui dépend de la section du piston, de la lumière de l’étran-


glement et des caractéristiques de l’huile. Cette force freine la masse selon l’équation
de la dynamique:

m v« + C v 2 = 0

dont la solution est

1
v = v0 (4.63)
C
1 + v0 t
m
où v0 est la vitesse de la masse lorsqu’elle heurte le butoir.
Chapitre 4 Page 124 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

124 CONCEPTION DES MACHINES

Le piston et la masse parcourent la distance:

t
m  C 
x = ∫ v dt = C
ln  1 +
 m
v0 t 

(4.64)
0

L’allure de ces fonctions est représentée à la figure 4.23. La masse ne s’arrête


théoriquement qu’après un temps infini, mais l’arrêt survient toujours à cause de frot-
tements coulombiens omniprésents et à cause de la pression dans l’accumulateur. Eli-
minons encore le temps entre ces deux expressions pour obtenir l’évolution de la
vitesse en fonction de l’espace parcouru:

C
± x
v = v0 e m (4.65)

Calculons l’énergie dissipée par le butoir lorsqu’il a effectué la course h. Après


avoir introduit (4.65) dans (4.62) (fig. 4.24), on trouve:

m v02  ±2 h 
h C
W = ∫ F dx =
2 
1 ± e m 


(4.66)
0

F0

W
v0 x(t)

v(t) x
0
h
0 t

4.23 Espace et vitesse d’un butoir hydraulique. 4.24 Vitesse en fonction du déplacement.

Le premier facteur représente l’énergie cinétique de la masse, le butoir en absorbe


la fraction:

C
±2 h
ζ = 1 ± e m (4.67)

On peut en principe régler la dissipation d’énergie, pour une course donnée, en


agissant sur la valeur de C par le truchement de l’étranglement au passage de l’huile.
On tire de l’équation ci-dessus:
Chapitre 4 Page 125 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 125

m 1
C = ln
2h 1 ± ζ

puis on trouve la force initiale au choc par (4.62):

m v02 1 1
F0 = ln (4.68)
2 h 1 ± ζ

La force de freinage évolue en fonction du mouvement selon

2 C x 1
 v ±2 x ± ln
1±ζ
F = F0   = F0 e m = F0 e h (4.69)
 v0 

représentée à la figure 4.25.

F
hydraulique pneumatique
F0
ressort

«force constante»

x
0 h

Fig. 4.25 Force de freinage.

L’absorption de la même quantité d’énergie nécessiterait une force constante


égale à

m v02 ζ
F = (4.70)
2 h

Calculons le rapport de la force initiale (4.68) d’un amortisseur simple à la force


constante idéale:

F0 1 1
= ln (4.71)
F ζ 1 ± ζ

En voulant, par exemple, dissiper 95% de l’énergie cinétique de la masse, on a


F = 0,32 F0. L’énergie cinétique résiduelle en fin de course s’absorbe contre une butée
fixe.
Chapitre 4 Page 126 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

126 CONCEPTION DES MACHINES

Fig. 4.26 Butoir à force constante (FORKARDT).

La masse subit une forte décélération initiale, lors du choc contre le butoir, sus-
ceptible d’endommager l’objet. On construit des appareils dont les lumières d’étran-
glement s’obturent progressivement au fur et à mesure de l’avance du piston
(fig. 4.26), afin de maintenir la force de ralentissement et la décélération à peu près
constantes. L’exemple ci-dessus en démontre l’avantage.
Il existe des butoirs à ressort et des butoirs pneumatiques à caractéristique linéaire
ou progressive (fig. 4.25) qui détruisent relativement peu d’énergie, de sorte qu’un
rebond de la masse est à craindre.

Amortisseurs
Les amortisseurs servent à amortir rapidement les régimes transitoires des systè-
mes oscillants et à limiter, ou même à empêcher, les résonances en cas d’excitation
périodique. On les rencontre dans toutes les suspensions de véhicules, le plus souvent
sous la forme d’amortisseurs télescopiques à huile (fig. 4.27).
Lors des mouvements du piston, l’huile doit passer par des orifices calibrés en
soulevant des soupapes chargées par ressorts. En enfonçant la tige, le volume déplacé
correspond à la section du piston tandis qu’au retour le volume est plus petit du fait de
la tige. On obtient un amortissement égal dans les deux sens en prévoyant une soupape
de calibre différent pour chaque sens du mouvement. Un réservoir d’huile est destiné à
compenser les variations de volume global provoquées par les mouvements de la tige
qui entre et sort de l’appareil.
Il existe des amortisseurs dont le coefficient d’amortissement est variable à
volonté par un moteur électrique auxiliaire qui module l’étranglement de passage
d’huile afin d’adapter l’amortissement au comportement routier souhaité. De nou-
veaux amortisseurs à liquides électrorhéologiques (fig. 4.28) obtiennent le même
résultat en jouant sur le champ électrique. Dans d’autres modèles, un robinet à champ
électrostatique (fig. 4.7) règle le débit du liquide électrorhéologique. Ces appareils ont
Chapitre 4 Page 127 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 127

sens des déplacements du piston

ressort tube réservoir


a
F
sens des déplacements
correspondants de l’huile

cache poussière

ressort de soupape supérieur

ressort de soupape inférieur


cylindre a

tube réservoir

4.27 Principe d’amortisseurs télescopiques: (a) à mouvement continu du liquide; (b) à mouvement alternatif
du liquide.

liquide électrorhéologique

+ U –

4.28 Schéma d’un amortisseur à liquide électrorhéologique.

l’avantage de régler l’amortissement sans l’intervention de pièces mobiles, mais ils


présentent l’inconvénient d’exiger une tension de plusieurs kV.

Amortisseurs élastiques
Ces amortisseurs servent à éviter la propagation de vibrations et à assouplir des
systèmes en vue d’abaisser leur fréquence propre (sect. 17.7 et 18.4). Les ressorts
métalliques n’offrent qu’un faible amortissement; mais ceux qui sont construits avec
des éléments élastiques en polymère dissipent beaucoup plus d’énergie. On utilise du
caoutchouc naturel, du caoutchouc synthétique (chloroprène, butadiène, silicone); le
polyuréthane et le polyamide amortissent peu. La dissipation interne des caoutchoucs
dépend fortement de la température et de la répartition des contraintes, elle a un carac-
tère essentiellement hystérétique. En armant le caoutchouc par du tissu, on augmente
sa résistance et la dissipation d’énergie. On atteint des capacités d’amortissement
ψ = 1,3 à 1,8 et plus.
Chapitre 4 Page 128 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

128 CONCEPTION DES MACHINES

F
dynamique statique

Wp kd
k

We

x
0

Fig. 4.29 Caractéristique dynamique d’un amortisseur en caoutchouc.

La rigidité dynamique kd d’un amortisseur en caoutchouc est plus forte que sa


rigidité statique (fig. 4.29). A 10 Hz, on peut admettre

kd = (1,1 … 1, 4 ) k (4.72)

La rigidité diminue lorsque la température s’élève; à 50°C, la rigidité dynamique


est voisine de la rigidité statique à 20°C.
Il existe d’innombrables exécutions. Les figures 4.30 et 4.31 représentent des
accouplements élastiques, le premier est particulièrement souple radialement et per-
met des désalignements angulaires relativement importants. Les figures 4.32 et 4.33
montrent des exemples de ressorts en caoutchouc, le second travaille au cisaillement.
La figure 4.34 illustre le principe d’un amortisseur à liquide électrorhéologique
destiné à porter un moteur de véhicule. La charge est transmise au bâti (1) par une
pièce conique élastique en caoutchouc (2) et par le disque (3). Une membrane souple
(4) enferme un liquide électrorhéologique et un diaphragme (5) partage la cavité en
deux chambres. Un accroissement de la charge F comprime le tampon (2) et envoie du
liquide de la chambre (7) vers la chambre (8) à travers la lumière (6) du diaphragme.

Fig. 4.30 Accouplement élastique très souple (STROMAG, Unna).


Chapitre 4 Page 129 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

DISSIPATION D’ÉNERGIE 129

Fig. 4.31 Accouplement élastique, (1) tampon en caoutchouc (Flender).

Fig. 4.32 Plot élastique (Continental). Fig. 4.33 Support élastique (Metalastik).

F
3

2
7

+ –

8 4
9 6 10

Fig. 4.34 Amortisseur à liquide électrorhéologique.

La perte de charge dans le trou (6) dissipe de l’énergie et amortit la vibration. Ce trou
est garni de deux électrodes, (9) et (10). En établissant un champ électrostatique entre
elles, on peut influencer la résistance à l’écoulement du liquide et moduler ainsi
l’amortissement du système tout comme sa rigidité dynamique.
Chapitre 4 Page 130 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:31 11

130 CONCEPTION DES MACHINES

4.5 CONCLUSIONS PRINCIPALES

De nombreux phénomènes dissipent de l’énergie. On distingue:


• la dissipation externe par frottement dans les couples cinématiques, par
malaxage des graisses, par agitation de l’huile et de l’air;
• la dissipation interne, dans le volume des matériaux, lors de variations des
contraintes.

La puissance dissipée lors d’un mouvement continu est :


• proportionnelle à la vitesse en cas de frottement coulombien;
• proportionnelle au carré de la vitesse en cas de frottement visqueux;
• proportionnelle au cube de la vitesse en cas d’agitation de fluide en régime
turbulent.

Lors de mouvements oscillants harmoniques, la puissance moyenne dissipée est :


• proportionnelle à l’amplitude et à la fréquence en cas de frottement coulombien;
• proportionnelle au carré de l’amplitude et de la fréquence en cas de frottement
visqueux;
• proportionnelle au cube de l’amplitude et de la fréquence en cas d’agitation de
fluide en régime turbulent.

On rencontre souvent des oscillations superposées à un mouvement continu. La


dissipation d’énergie vibratoire par frottement sec ou mixte est nulle si la vitesse de
glissement ne s’inverse pas. C’est pourquoi il ne faut pas compter sur le frottement
dans les paliers lisses secs ou mixtes pour amortir des vibrations de torsion des arbres.
Un oscillateur élémentaire excité par une force harmonique présente une réso-
nance d’amplitude. En cas de frottement visqueux, le facteur d’amplification maximal
est inversement proportionnel à la constante d’amortissement visqueux. En revanche,
l’amplitude de résonance théorique est infinie avec un frottement coulombien; mais en
réalité, de l’amortissement interne limite quant même l’amplitude.
La plupart des matériaux présentent un amortissement interne dit hystérétique :
l’énergie dissipée pendant une période vibratoire est approximativement proportion-
nelle au carré de l’amplitude, mais indépendante de la fréquence. La réponse dyna-
mique d’un oscillateur élémentaire hystérétique excité par une force harmonique
présente une résonance d’amplitude à une fréquence indépendante de l’amortisse-
ment, toujours égale à la fréquence propre en régime libre non amorti. Par contre, le
modèle hystérétique donne des résultats inacceptables en régime sous-critique.
S’il est vrai que le comportement de l’amortissement interne est hystérétique, on
admet, en pratique, de modéliser l’amortisseur par un élément visqueux. Le traitement
mathématique est plus simple et il rend compte de manière satisfaisante du comporte-
ment dynamique réel.
Les organes de machines destinés à dissiper de l’énergie mécanique sont :
• les freins en cas de mouvement continu,
• les butoirs en cas de choc,
• les amortisseurs en cas de mouvement vibratoire.

On arrête avantageusement un mouvement dans un espace donné par des butoirs


à force constante ou par des freins à frottement sec.
Chapitre 5 Page 131 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

CHAPITRE 5

EFFORTS STATIQUES

5.1 INTRODUCTION

Les efforts statiques, forces et couples, sont à la base du fonctionnement des


machines. Combinés avec les mouvement, ils servent à transmettre l’énergie.
Ils sont transmis d’une pièce à l’autre par obstacle ou par frottement. Dans ce der-
nier cas, la transmission de force s’accompagne toujours de microglissements qui
dégénèrent en glissement macroscopique ou en patinage si la sollicitation est trop
forte. A cet égard, les roues et les courroies sont des mécanismes intéressants.
Les forces ou les couples sont insérés dans des réseaux de cheminement fermés
qui passent par les liaisons entre les pièces; ces réseaux sont imbriqués dans le cas des
mécanismes qui transforment des forces en couples ou réciproquement. Les efforts
chargent les pièces et sollicitent leurs matériaux.
On distingue:
• les efforts utiles nécessaires pour transmettre de l’énergie ou pour exercer un
effort statique sur l’objet du travail de la machine;
• les efforts de précharge ou de précontrainte nécessaires pour l’assemblage
des pièces ou pour obtenir des effets spéciaux;
• le poids propre des pièces qui peut dans certains cas constituer un effort utile,
servir à la précontrainte ou n’être qu’une force parasite.

Ce chapitre a pour but de traiter le fonctionnement statique des mécanismes et de


donner des règles de conception. Il est structuré comme suit :
• Section 5.2 Rappel de la notion d’effort.
• Section 5.3 Etude de la transmission de forces entre des solides,
application aux assemblages.
• Section 5.4 Transmission d’efforts dans les solides.
• Sections 5.5 et 5.6 Etude de la transmission de forces au point de contact des
roues et entre les liens souples et les poulies.
• Sections 5.7 et 5.8 Analyse des réseaux d’efforts statiques, méthodologie pour
isoler des pièces et mettre les actions en évidence.
• Section 5.9 Examen de l’opportunité de devoir tenir compte du poids
propre des pièces dans les calculs de dimensionnement.
• Section 5.10 Présentation de règles de conception statique des méca-
nismes.
• Section 5.11 Conclusions principales.

Les efforts de précontrainte sont étudiés en détail au chapitre 7 et les liaisons font
l’objet du chapitre 9.
Chapitre 5 Page 132 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

132 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

5.2 EFFORTS

Forces
Il est utile de distinguer les forces selon leur mode d’application aux solides.
Les forces de volume sont appliquées au sein même de la matière. Chaque élé-
ment de volume dV ou, avec la masse volumique ρ, chaque élément de masse
dm = ρ dV est soumis à la force élémentaire

dF = f ρ dV = f dm (5.1)

Selon les cas, la force massique f est l’accélération terrestre g, l’accélération a de


l’élément de masse considéré ou une force magnétique. La résultante de toutes les for-
ces élémentaires est une force unique, appliquée au barycentre de la masse considérée
dans le cas de la gravité.
Les forces de surface sont appliquées à la surface des solides. Sur chaque élé-
ment de surface dA s’exerce la force élémentaire

dF = p dA (5.2)

La force surfacique p a la dimension d’une pression. C’est, par exemple, la pres-


sion statique ou dynamique exercée par un fluide, la pression de contact entre deux
solides, la contrainte tangentielle de frottement solide ou de viscosité.

Couple
Un solide est soumis à un ensemble de n forces Fi et de m couples Mj. Nous
disons que la résultante de ce torseur est un couple lorsque simultanément
• la somme des forces est nulle

n
∑ Fi = 0 (5.3)
i=1

• la somme des moments par rapport à un point quelconque n’est pas nulle

n m
M = ∑ ri × Fi + ∑ Mj ≠ 0 (5.4)
i=1 j=1

ri est le rayon vecteur du point de réduction au point d’application de la force Fi.

L’intensité ou moment du couple, on dit aussi simplement le couple, est

M = M (5.5)

Un couple résulte au moins de deux forces. La figure 5.1 montre comment deux
vérins appliquent les forces F1 et F2 aux extrémités d’un palonnier susceptible de
tourner autour de l’axe O. Ces forces constituent un couple si F1 = –F2.
Chapitre 5 Page 133 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 133

A F1

Fφ Fφ
D

M– M–

d
F2 Fφ Fφ

B E

Fig. 5.1 Palonnier avec vérins. Fig. 5.2 Moteur électrique.

Mais un couple peut aussi résulter de plus de deux forces; par exemple, chaque pôle
d’un moteur électrique applique la force électromagnétique Fφ à son rotor de diamètre d.
Le couple électromagnétique d’un moteur à 2 p pôles (p paires de pôles) vaut (fig. 5.2)

Mφ = p d Fφ (5.6)

2
F1 b
α

ωb M– F1
F2
r1 F3

4 F2
1
2
2
F3 (b)

(a)
Fig. 5.3 Engrenage épicycloïdal : (a) schéma; (b) équilibre des forces appliquées au planétaire central.

Considérons encore un engrenage épicycloïdal (fig. 5.3a) dont le porte-satellites


ou bras est entraîné dans le sens ω b. Les trois satellites (2) roulent à l’intérieur de la
couronne (3) et appliquent les forces F1, F2 et F3 au pignon central (1). Lorsque l’axe
de ce dernier est flottant, le pignon prend automatiquement une position telle que la
résultante des trois forces est nulle (fig. 5.3b). Cet exemple montre qu’il est aussi pos-
sible d’obtenir un couple avec un nombre impair de forces (trois ou plus).

Action et réaction
Considérons un solide (1) qui exerce un effort Q sur un solide (2) (fig. 5.4a). En les
séparant, on voit que le premier applique l’effort Q12 (lire Q un deux) sur le second, c’est
l’action de (1) sur (2); le solide (2) applique l’effort Q21 sur le solide (1), c’est sa réac-
tion. Le principe d’égalité de l’action et de la réaction, troisième loi de Newton, implique
Chapitre 5 Page 134 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

134 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Q12 = ± Q21 (5.7)

Afin de simplifier l’écriture, on notera dans cet ouvrage:


• effort d’action Q
• effort de réaction Q–

Alors
Q = ± Q± (5.8)

Q Q21 Q12

Q– Q
1 1
2 2
(a) (b)
Fig. 5.4 Action et réaction : (a) transmission; (b) pièces isolées.

Efforts extérieurs, efforts intérieurs


Une machine subit l’action de forces qui lui sont appliquées par son environne-
ment. Ces forces sont dites extérieures et appelées charges. Un engin de levage, par
exemple, est chargé par le poids de l’objet qu’il soulève, le poids de sa structure (force
de gravité), l’effet du vent (force aérodynamique). Notons que l’environnement est
incapable d’exercer un couple sur la machine.
Les charges extérieures sont transmises d’un organe à l’autre de la machine par
des forces dites intérieures parce qu’elles se trouvent dans la machine. Les charges
engendrent souvent aussi des moments et des couples intérieurs. En poursuivant ce rai-
sonnement, on peut hiérarchiser les efforts (fig. 5.5). L’environnement applique les
charges F1 à la machine et crée un système d’efforts intérieurs F2, M2 (torseur
d’effort). Ces efforts constituent à leur tour des charges pour les organes et créent des
efforts intérieurs F3, M3 entre les pièces constituant chaque organe. Enfin, ces efforts
chargent les pièces en créant des efforts intérieurs F4, M4 au sens de la statique des
solides; ils engendrent des contraintes qui sollicitent le matériau.
On voit qu’un effort intérieur constitue une charge pour un sous-système.

environnement
machine
organe
F1 F2 F3 pièce
M2 M3 F4 M4

Fig. 5.5 Hiérarchie des efforts.


Chapitre 5 Page 135 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 135

Rappelons encore le principe de dislocation selon lequel toute partie d’un ensemble
en équilibre est elle-même aussi en équilibre. Isoler un élément dans un ensemble
consiste à étudier son équilibre par les méthodes classiques de la statique.

5.3 TRANSMISSION D’EFFORTS ENTRE DES SOLIDES

5.3.1 Transmission de force par obstacle


Une pièce (1) est en contact avec une pièce (2) (fig. 5.6). Négligeons tout d’abord
le frottement entre les deux surfaces. Une force F appliquée à la pièce (1) en direction
de (2) accélérerait cette pièce si elle n’était pas en contact avec (2) qui fait obstacle à
ce mouvement. Selon la direction de F, on distingue deux cas :
• F est dirigé normalement à la surface. La force est transmise intégralement à la
pièce (2) par une force normale N, on a

N = F (5.9)

• F fait un angle γ avec la normale n à la surface (fig. 5.7).

Seule la composante normale

N = F cos γ (5.10)

est transmise.
La composante tangentielle

T = F sin γ (5.11)

accélère la pièce (1) et la fait glisser sur la surface de (2).

n F N
n N
1
2 γ
1
2
F
T

Fig. 5.6 Transmission par obstacle d’une force Fig. 5.7 Transmission d’une force oblique sans
normale. frottement.

Considérons maintenant deux pièces en contact linéique. Par exemple, une bille
posée sur un trou circulaire (fig. 5.8) dont la ligne de contact est un cercle de rayon r.
Une force F sur la bille, dirigée dans l’axe du trou, se transmet par une charge linéi-
que q normale à la tangente t à la bille au point de contact considéré. Du fait de la
Chapitre 5 Page 136 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

136 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

2r q–

Fig. 5.8 Sphère sur un trou circulaire.

symétrie axiale, la charge est uniformément répartie, mais seule sa composante axiale
contribue à transmettre la force.

Soit

F = 2π rq cos ϕ
avec
r
ϕ = arcsin
R

Résumons par la règle suivante :


Si le frottement est nul, la force transmise par obstacle entre deux solides est tou-
jours normale au plan tangent commun aux deux surfaces en contact; elle est dirigée
de l’intérieur d’un solide vers la surface de contact.
On doit parfois transmettre une force qui est inclinée par rapport à une surface de
contact. Il faut alors prévoir un second appui orienté autrement que le premier, la force
se transmet par ses composantes normales aux surfaces de contact. La figure 5.9 mon-
tre une force transmise de la pièce (1) à la pièce (2) par l’intermédiaire de ses compo-
santes NA et NB normales respectivement aux faces A et B. Cette disposition est sou-
vent utilisée pour positionner parfaitement une pièce.

B
F NB
2
1 NB
NA
F
NA

F
A
(a) (b)
Fig. 5.9 Transmission par obstacle d’une force oblique : (a) transmission; (b) décomposition de la force.
Chapitre 5 Page 137 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 137

5.3.2 Transmission de force par frottement


Transmission
Un corps (2) est appuyé contre la surface d’un corps (1) par une force normale N
(fig. 5.10); appliquons encore à (2) une force T tangente au plan de contact π. Isolons
le corps (2) (fig. 5.11a) : la force normale est équilibrée par la réaction N – du solide
(1) tandis que la force tangentielle est équilibrée par la force de frottement F –. Le
corps (1) subit quant à lui l’action de la force normale et de la force de frottement
(fig. 5.11b). Comme T = F, on voit que le frottement transmet la force tangentielle.

2 N

π T

1
Fig. 5.10 Solide chargé.

2 N N

T F

F– 1

(a) N– (b)

Fig. 5.11 Eléments isolés de la figure 5.10 : (a) solide (2) isolé; (b) forces appliquées à (1).

Nous représentons dans les schémas de cheminement de force la transmission par


frottement en marquant le parallélisme à la surface de contact (fig. 5.12).
Pour transmettre une force par frottement entre deux pièces, il faut les serrer par
une force normale aux surfaces de contact.

Fig. 5.12 Représentation d’une transmission de force par frottement.

2 R–
N

T γ
N

R–
γ T
(a) n (b)
Fig. 5.13 Réaction résultante : (a) sur le solide (2) de la figure 5.10; (b) équilibre des forces.
Chapitre 5 Page 138 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

138 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

La réaction R– se compose d’une force de frottement et d’une réaction normale


qui équilibrent les forces appliquées au solide (2) (fig. 5.13). L’équation d’équilibre
statique

N + T + R± = 0 (5.12)

correspond au polygone des forces de la figure 5.13(b). La réaction est inclinée d’un
angle γ par rapport à la normale à la surface. Le rapport de la force transmise par le
frottement à la force normale est le facteur d’adhérence

F
µ a = tan γ = (5.13)
N

Il faut se garder de confondre le facteur d’adhérence avec le coefficient de frottement.


Le développement ci-après permet de distinguer clairement ces deux notions.
Examinons ce qui se passe lorsqu’un corps glisse sur un autre. On distingue le
cas où le mouvement est forcé et celui où la force provoquant le glissement est
imposée.

Glissement imposé
La cinématique d’un mécanisme oblige souvent deux pièces à glisser l’une sur
l’autre avec une vitesse relative imposée v. Si en plus, elles sont appuyées l’une contre
l’autre par une force normale N, apparaît une force de frottement

F = µ (v) N (5.14)

Le coefficient de frottement µ dépend de la vitesse de glissement comme l’indique


la figure 2.59. La force de frottement est nulle s’il n’y a pas de glissement.

Glissement provoqué par une force imposée


Reprenons le solide (2) (fig. 5.10) chargé par une force constante N et faisons
croître la force tangentielle. En nous référant à la figure 5.14 et en procédant pas à pas,
on observe ce qui suit :
• Le corps est au repos et adhère à la surface (1). La force opposée par le frot-
tement est toujours égale à la force tangentielle et croît avec elle

F = T = µa N (5.15)

Bien qu’apparemment immobiles, il existe des microglissements entre les piè-


ces (§ 2.3.4).
• Au-delà d’une certaine valeur limite

Tlim = F0 = µ 0 N (5.16)

située au point A du diagramme, le corps se met à glisser. µ0 est le coefficient


de frottement statique, µa = µ0. A la valeur limite, on dit qu’il y a imminence
de glissement.
Chapitre 5 Page 139 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 139

• Lorsque le corps se met en mouvement, le plus souvent le coefficient de frot-


tement dynamique µ diminue, selon la courbe (1) de la figure 2.59, le point
figuratif décrit la branche A-B du diagramme 5.14. Le corps de masse m subit
alors l’accélération

T ± F T ± µN
a = = (5.17)
m m

Si la force motrice n’excédait pas Tlim, le point figuratif viendrait en B' avec

Tlim ± F µ ± µ
a = = 0 N (5.18)
m m

• Pour maintenir la vitesse acquise constante, il faut diminuer la force T jusqu’à


la valeur T' égale à la force de frottement avec glissement, point C à l’équilibre
statique

T′ = F = µ N (5.19)

• En diminuant encore la force tangentielle, T'' < F, le solide ralentit. La force de


frottement reste égale à F tant que le corps glisse, point D; puis elle devient
brusquement égale à l’adhérance T'' lorsqu’il est arrêté, point E.

A
F0
B
D C B'
F

T
0 T '' T' T lim
repos glissement a>0
T croît
démarrage
a<0 glissement a>0 T décroît
a=0

Fig. 5.14 Force de frottement et mouvement.

Ces phénomènes peuvent se résumer et s’exprimer par les relations mathéma-


tiques suivantes:
• repos T = µa N γ < ρ0 µ a < µ0
• imminence de glissement T = µ0 N γ = ρ0 µ a = µ0
Chapitre 5 Page 140 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

140 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

• glissement accéléré T > µN γ > ρ µa = µ


• glissement uniforme T = µN γ = ρ µa = µ
• décélération puis arrêt T = µa N γ < ρ µa < µ

où ρ0 est l’angle de frottement statique et ρ est l’angle de frottement dynamique


(§ 2.5.1). Le fait que la force de frottement en mouvement soit inférieure à la force de
démarrage et qu’il existe dans la figure 5.14 un triangle AB'C traduit ce qu’on appelle
l’instabilité de frottement, qui se manifeste en pratique par l’excitation de vibrations
(sect. 21.5) et par le mouvement saccadé (sect. 15.6).
Il existe des matériaux pour lesquels le coefficient de frottement dynamique est
supérieur au coefficient de frottement au repos, selon la courbe (2) de la figure 2.59.
Ces couples de frottement sont stables car la force T' de maintien de la vitesse est
supérieure à la force de démarrage (fig. 5.15). Il s’établit une vitesse d’équilibre ve
telle que

F = µ ( ve ) N = T ′ (5.20)

Le mouvement est accéléré lorsque la force T est supérieure à la force de frot-


tement Fmax.

F
B C
Fmax
A
F0

0 T
T lim T'

repos glissement
mouvement uniforme

Fig. 5.15 Force de frottement et mouvement d’un couple de frottement stable.

Cône de frottement
Le corps (2) était sollicité jusqu’ici par une force normale et par une force tan-
gentielle. On pourrait aussi lui appliquer une force unique P inclinée d’un angle γ par
rapport à la normale (fig. 5.16), N et T sont ses composantes normales et tangentielles.
On a vu que le corps reste au repos tant que γ < ρ0. En donnant à la force P différentes
directions dans l’espace, on obtient un domaine d’équilibre sous la forme d’un cône de
frottement statique dont la demi-ouverture est l’angle de frottement ρ0 autour de la
normale n au plan tangent de contact (fig. 5.17). Il existe, de même, un cône de frotte-
ment dynamique de demi-ouverture ρ.
Chapitre 5 Page 141 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 141


ρ0 n ρ0

N
P
P
2
γ T
N
1

T 2
1

Fig. 5.16 Charge oblique. Fig. 5.17 Cône de frottement statique.

Transmission d’une force oblique


n
ρ0 F γ
N
Fn
F

γ 2 2

Ft
(a) 1 (b) 1

Fig. 5.18 Transmission d’une force de frottement: (a) γ > ρ0 ; (b) γ < ρ0.

Calculons l’intensité de la force auxiliaire normale N nécessaire pour transmettre


une force F depuis la pièce (2) à la pièce (1) sans glissement (fig. 5.18a). Il faut respec-
ter la condition

Ft ≤ µ 0 ( Fn + N )
ou
F sin γ ≤ µ 0 ( F cos γ + N )

Cette équation fournit la valeur de la force auxiliaire normale nécessaire

F
N ≥
µ0
(sin γ ± µ 0 cos γ ) (5.21)

On voit qu’une force auxiliaire normale est nécessaire seulement si l’inclinaison


de la force à transmettre est supérieure à l’angle de frottement (fig. 5.18a). Dans le cas
où γ = 90° on retrouve la formule connue
Chapitre 5 Page 142 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

142 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

F
N ≥ (5.22)
µ0

Lorsque γ ≤ ρ0, N est inférieur ou égal à zéro. Cela signifie que la composante
normale Ft de la force à transmettre suffit à créer le frottement nécessaire à la trans-
mission de la force (fig. 5.18b). C’est la situation d’arc-boutement (§ 10.7.3).

Conclusions
• La force de frottement est située dans le plan tangent commun aux deux sur-
faces de contact.
• Le sens de la force de frottement appliquée à la surface d’un corps est opposé
au sens du mouvement de ce corps vu de l’autre corps en contact avec lui (ou
au mouvement qu’il aurait s’il n’était pas retenu par la force de frottement)
(fig. 5.19).
• Le mouvement d’un solide dépend de l’intensité de la charge parallèle au plan
tangent commun.
• Un glissement imposé engendre une force de frottement.

2
F–
mouvement de (2) vu de (1)

mouvement de (1) vu de (2)


F

Fig. 5.19 Sens de la force de frottement.

5.3.3 Transmission de couple


Il faut au moins deux forces de contact pour transmettre un couple d’une pièce à
une autre. Voici quelques exemples de transmission par obstacle ou par frottement.

Transmission par obstacle

F1 2 F1
F1
F2
3
M 1 M–

(a) (b) (c)


Fig. 5.20 Transmission de couple par une clavette plate, le frottement est négligé : (a) schéma; (b) arbre
isolé; (c) cheminement de la force transmise par la clavette.
Chapitre 5 Page 143 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 143

Le moyeu (1) d’une roue doit transmettre le couple M à l’arbre (3) (fig. 5.20a). La
force périphérique F1 est transmise à l’arbre par l’intermédiaire de la clavette plate
(2). L’analyse de l’équilibre de l’arbre ou du moyeu montre que le moyeu agit encore
directement sur l’arbre par une force radiale F2 (fig. 5.20b). La figure 5.20(c) montre
le cheminement bouclé de la force F1 à travers les pièces. Seule la force F1, située à
une certaine distance du centre de rotation, transmet de l’énergie. F2 est radiale et n’en
transmet pas, c’est pourquoi cette force est très souvent oubliée.

F3
1 3
F2
a
b c
0 4
2

F1 F4
β

Fig. 5.21 Transmission d’un couple par un accouplement à cardan.

L’accouplement à cardan (fig. 5.21) est un exemple où les forces F1 et F2


respectivement F3 et F4, sont équidistantes du centre et transmettent par conséquent
chacune la moitié de l’énergie totale.

Transmission par frottement


Un moyeu (2) est monté sur un arbre (1) avec une précontrainte de serrage
(fig. 5.22). Vu les très petites déformations, on admet que le diamètre ds après serrage
est égal au diamètre initial de l’arbre. La pression de contact p agissant sur une surface
élémentaire dA permet de transmettre au plus la force tangentielle

dFlim = µ 0 p dA

2
µ0 p
1 p
p
ds ≈ d +

0 z

Fig. 5.22 Transmission d’un couple par frottement.


Chapitre 5 Page 144 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

144 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

On obtient le moment transmissible maximal en calculant le moment de cette force


par rapport à l’axe de rotation, puis en intégrant sur toute la surface de contact,

B
d π d2
Mlim =
2 ∫ µ 0 p dA = µ 0
2 ∫ p dz (5.23)
A 0

On veille généralement à obtenir une pression uniformément répartie autour de


l’axe de révolution afin que le moyeu soit centré sur l’arbre. En revanche, la distribu-
tion axiale n’est souvent pas uniforme. Avec une pression moyenne p̄ on obtient

π d2B
Mlim = µ 0 p (5.24)
2

La force axiale limite transmissible s’obtient facilement

Fa lim = µ 0a π d B p (5.25)

Le coefficient de frottement axial est généralement plus grand que le coefficient


circonférentiel, parce que les stries d’usinage de l’arbre et du moyeu sont orientées
dans le même sens et s’emboîtent les unes dans les autres. Les efforts transmissibles
sont plus faibles avec un usinage grossier car les grosses stries s’écrasent et le serrage
diminue.
La pression de contact s’obtient par un quelconque moyen de serrage; par exem-
ple, frettage, pincement, éléments extensibles (fig. 5.23 et 5.24).

pe

pi
pa pâte sous pression

Fig. 5.23 Liaison par une douille extensible. Fig. 5.24 Douille à serrage hydrostatique.

Les embrayages, les freins, les accouplements de sécurité sont des exemples de
transmission de couple par frottement dans lesquels un mouvement relatif de rotation
est possible. La relation entre le couple sollicitant ces éléments et leur glissement est
analogue à ce qui a été décrit au sujet des forces de frottement au paragraphe précé-
dent. Il faut, là aussi, distinguer entre le couple de frottement maximal au repos M0
calculé avec µ0 et le couple de glissement M avec µ.
Chapitre 5 Page 145 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 145

5.3.4 Transmission non mécanique


Transmission magnétique
La transmission de force par des moyens magnétiques se rencontre dans les
paliers magnétiques (§ 2.4.9) et dans les «engrenages» magnétiques. Ce principe est
parfois mis à profit pour résoudre un problème d’étanchéité (§ 22.4.7). La figure 5.25
représente, par exemple, un accouplement magnétique entre un moteur et l’arbre d’une
pompe centrifuge. Les progrès dans la fabrication d’aimants permanents à forte induc-
tion permettent de réaliser des transmissions performantes.

S
N

1
4
3
2
N 5
S

Fig. 5.25 Accouplement magnétique étanche. Fig. 5.26 Coupleur asynchrone.

Les phénomènes électromagnétiques sont largement utilisés pour engendrer des


forces dans les moteurs électriques, les électro-aimants, les embrayages et freins élec-
tromagnétiques. On construit des coupleurs magnétiques qui fonctionnent comme des
moteurs asynchrones (fig. 5.26). Le rotor intérieur (2) porte des bobines (3) excitées
par un courant amené par les bagues (5). Le rotor extérieur (1), qui serait le stator
d’une machine électrique, contient des barreaux en cuivre (4) installés dans des enco-
ches et tous reliés électriquement par des anneaux de court-circuit.

Transmission par des fluides


La pression statique des fluides, liquides ou gazeux, exerce une force sur le
cylindre et le piston des vérins (fig. 5.27). On peut considérer que la force F est trans-
mise du fond du cylindre au piston à travers le fluide. On admet que la pression est uni-
formément répartie sur toute la surface des pièces parce que les forces de gravité sont
généralement petites par rapport aux forces de pression. Cette hypothèse n’est pas
valable lorsque les pièces sont hautes et la pression relativement faible.

F F–
F

Fig. 5.27 Vérin.


Chapitre 5 Page 146 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

146 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Fig. 5.28 Coupleur hydrodynamique.

Un coupleur hydrodynamique fait appel à l’effet dynamique des fluides. Dans


celui de la figure 5.28, l’arbre (A) entraîne la roue pompe (1) par l’intermédiaire d’un
accouplement denté (5). La pompe communique de l’énergie cinétique à de l’huile qui
passe dans l’aubage de la turbine (2) et entraîne l’arbre (B).

5.3.5 Assemblages non permanents


Les éléments d’assemblage sont bien connus. Nous nous limitons à les classer
selon le principe de transmission de force qu’ils utilisent.

Transmission par obstacle:


• languettes et portées de centrage,
• goupilles,
• clavettes,
• cannelures, dentelures,
• axes,
• arbres polygonaux.

Les éléments de liaison se rompent en cas de surcharge.

Transmission par frottement:


• vis d’assemblage,
• rivets,
• emmanchements serrés ou frettés,
• liaisons arbres-moyeux coniques,
• anneaux élastiques (fig. 5.29),
• douilles élastiques (fig. 5.23),
• moyeux en deux parties pincées sur l’arbre (fig. 5.30).

Ces assemblages glissent lorsqu’ils sont mal serrés ou surchargés et les surfaces
de contact des liaisons arbres-moyeux sont détruites et grippent. En revanche, les vis
et les rivets, après glissement des pièces qu’ils assemblent, s’opposent à la poursuite
du mouvement et transmettent ensuite la force transversale par obstacle. Ce faisant, ils
se déforment (fig. 5.31) et risquent d’être cisaillés. On évite tout glissement
intempestif en prévoyant une vis ajustée (fig. 5.32a), en mettant une douille de
Chapitre 5 Page 147 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 147

Fig. 5.29 Anneau élastique.


d

Fig. 5.30 Moyeu pincé.

décharge (fig. 5.32b) ou une goupille (fig. 5.33). Cependant, ces assemblages ajustés
demandent une grande précision d’usinage.

Un assemblage par moyeu conique permet un serrage assez fort pour transmettre,
sans glisser, le couple supportable par l’arbre. Certains constructeurs prévoient encore
une clavette par crainte du glissement (fig. 5.34a). Sans une raison impérative de posi-
tionnement angulaire, il faudrait éviter cette clavette redondante qui entaille et affaiblit
inutilement l’arbre.
Chapitre 5 Page 148 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

148 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Fig. 5.31 Vis courbée par glissement des pièces.

(a) (b)

Fig. 5.32 Prévention du glissement de pièces boulonnées : (a) vis ajustée; (b) douille de décharge.

Fig. 5.33 Positionnement d’un chapeau de palier par deux goupilles.


Chapitre 5 Page 149 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 149

(a) (b)
Fig. 5.34 Assemblage à moyeu conique : (a) avec une clavette disque; (b) serrage pur.

5.4 TRANSMISSION D’EFFORTS DANS LES SOLIDES

5.4.1 Transmission de forces


Considérons le mécanisme de la figure 5.35. Les pièces (1) et (2) exercent res-
pectivement les forces F1 et F2 sur la pièce (3) qui les transmet à la pièce (4). On a
(fig. 5.35b)

F1 + F2 = F3 = – F 3

2 F2 4
3

F1
F3 F2
1

F3–
F1 (a) (b)

Fig. 5.35 Transmission de forces par une pièce : (a) disposition; (b) polygone des forces.

Tout se passe comme si les forces F1 et F2 étaient acheminées par le solide (3)
vers la pièce (4). On imagine alors une ligne située à l’intérieur de la pièce le long de
laquelle se déplace une force (fig. 5.36). On appellera cette ligne cheminement de
force. La force est un vecteur libre dont le point d’application suit le cheminement. Il
ne faut pas confondre le cheminement d’une force avec une ligne de force, comme on
Chapitre 5 Page 150 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

150 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

en rencontre en électromagnétisme, où les forces sont toujours tangentes à la ligne de


force. En mécanique, en revanche, les forces se propageant le long d’un cheminement
sont toutes équipollentes (fig. 5.37). Une ligne de cheminement de force passe tou-
jours par les points de contact des pièces.

F2 F2
2
4
F2

F3
3
1
F1

F1 cheminements de forces

Fig. 5.36 Transmission de forces. Fig. 5.37 Cheminement d’une force.

F1 F1
A A B
F2
F F1
B
F B B A
A
F2 F2
(a) (b) (c)

Fig. 5.38 Vecteur glissant. Fig. 5.39 Non-équivalence de la position de


forces : (a) traction stable; (b) compression insta-
ble; (c) traction stable après retournement.

Une force est un vecteur glissant sur sa ligne d’action (fig. 5.38). Du point de vue
de l’équilibre statique, l’effet d’une force appliquée à un solide indéformable ne
dépend pas de la position de la force sur sa ligne d’action.

En revanche, l’effet sur la sollicitation du matériau dépend de la position du point


d’application des forces. Les forces F1 et F2 des figures 5.39(a) et 5.39(b) sont portées
par la même ligne d’action et sont en équilibre dans les deux cas. Mais dans le premier,
le matériau situé entre les points d’application A et B est sollicité en traction tandis
qu’il est comprimé dans le second. En outre, si le solide est libre de se mouvoir, il se
trouve en équilibre stable dans le premier cas, en équilibre instable dans le second où
il va faire un demi-tour jusqu’à se retrouver dans la position de la figure 5.39(c).
La figure 5.40 montre une bielle où l’on a indiqué le détail de la transmission de
la force utile à travers le filetage des goujons (3) et (4), des écrous et des têtes des vis
(1) et (2) et la circulation de la force de précontrainte des assemblages.

Un élément souple, câble, fil, courroie, chaîne, ne peut évidemment transmettre


de force qu’en traction si on néglige la rigidité en flexion.
Chapitre 5 Page 151 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 151

3 force
motrice

4
2

Fig. 5.40 Transmission de force par une bielle.

5.4.2 Transmission de couples


La figure 5.41 montre deux forces F1 et F2 appliquées sur un bras double (1)
porté par l’arbre (2). L’effet de ces forces est un couple pur M qui sollicite l’arbre. Ce
dernier porte à son autre extrémité un pignon (3) qui transmet les forces de même
intensité F3, F4 et F5 à des roues dentées non représentées dans la figure. Un couple
étant un invariant, il est transmis sans modification de la direction de son axe de rota-
tion; il sollicite les pièces à la torsion ou à la flexion.

F1



F3 2
F5 F2
M
3


F4

Fig. 5.41 Transmission d’un couple.

5.5 ROUES

5.5.1 Transmission de force


Considérons une roue de rayon R roulant sur un plan, chargée par une force N
normale au plan (fig. 5.42). La roue se déforme dans la zone de contact, de largeur 2b,
et s’enfonce un peu dans le plan. Appliquons maintenant un couple M à la roue; une
force F est transmise au plan par friction (fig. 5.43). Les rayons (1) et (2) de la roue se
déforment dans le sens opposé au couple sous l’effet de la réaction F – lorsqu’ils
entrent dans la zone de contact, (1') et (2'); puis ils se redressent en sortant de la zone
de contact, (1'') et (2''). F déforme les plans (3) et (4) en sens inverse. Un modèle élé-
mentaire à ressorts illustre bien ce phénomène (fig. 5.44). Le contact des roues de
chemin de fer est présenté en détail par Kalker [5.1].
Chapitre 5 Page 152 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

152 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

N
M
v 2
1'' 2'' 1
R 1' 2'
M
B A
F–

F
2b 3'' 4'' 3' 4' 3 4

Fig. 5.42 Roue sur un plan. Fig. 5.43 Déformations.

Supposons que la roue et le plan soient faits en matériaux élastique. La pression de


contact p est répartie selon la distribution de Hertz (fig. 5.45). La force tangentielle provoque
dans la zone de contact une contrainte de cisaillement τ croissante à partir de l’entrée A. En
vertu des lois du frottement, la roue ne peut pas glisser sur le plan tant que τ < µ p. Au-delà
du point C, où τ = µ p, la surface de la roue glisse. La surface de contact comporte donc une
zone de repos A-C où les surfaces sont collées, et une zone de microglissement élastique
C-B. On admet que la valeur du coefficient de frottement n’est pas sensiblement affectée par
le microglissement. Lorsque la force tangentielle est nulle, le point C est confondu avec B, il
n’y a pas de microglissement. La zone de microglissement s’étend de l’arrière vers l’avant
au fur et à mesure que la sollicitation tangentielle croît. Lorsque le point C se trouve à
l’avant, confondu avec A, le microglissement se mue en un patinage généralisé de la roue.

microglissement collage
υ

B F– A
C F

M
B A

compression τ
traction
F– C µ p (ellipse)
τ
Fig. 5.44 Modèle à ressorts d’une roue. Fig. 5.45 Transmission d’effort d’une roue.

5.5.2 Résistance à l’avancement

Modèle de calcul
Trois phénomènes s’opposent principalement au roulement d’une roue et
nécessitent un apport d’énergie pour entretenir le mouvement:
• L’avancement provoque un bourrelet devant la roue qui modifie la distribution
Chapitre 5 Page 153 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 153

N N

0 v

bourrelet
B A

Fig. 5.46 Contact d’une roue sur un plan : (a) roue au repos, déformations élastiques symétriques; (b) roue
en mouvement, disymétrie des déformations et des pressions.

de pression dont le centre de poussée vient devant le point de contact théorique


C (fig. 5.46). Le bourrelet s’observe aisément en roulant un objet sur du sable.
• La matière du sol et de la roue est alternativement comprimée, puis détendue.
De l’énergie est dissipée par hystérésis (sect. 4.3).
• De l’énergie est dissipée par le microglissement de contact.

Le centre de la roue se trouve à une hauteur r, appelé rayon statique, sur le plan de
roulement (fig. 5.47). On a évidemment toujours r < R. Pour entretenir le mouvement
permanent d’une roue folle, il faut lui appliquer une force T en son centre parallèlement
au plan de roulement. Afin de faciliter les calculs, on constitue un modèle dans lequel la
réaction N– du sol à la charge N sur l’axe est située devant le point de contact théorique
à une distance e appelée paramètre de résistance au roulement. Les forces N et N – for-
ment un couple dont le moment est égal au moment du couple des forces T et F –. Les
déformations au point de contact étant petites, on a

rT
e ≈ (5.26)
N

N
T
R

F–
e N–

Fig. 5.47 Modèle de calcul de la résistance au mouvement.

On rapporte parfois le paramètre de résistance au rayon statique de la roue pour


définir un facteur de résistance au roulement adimensionnel

e T
f = = (5.27)
r N
Malgré la relation formelle avec le coefficient de frottement de glissement, il faut
prendre garde au fait que les phénomènes sont totalement différents.
Chapitre 5 Page 154 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

154 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Föppl a montré que le paramètre de résistance au roulement est en relation avec la


largeur de l’aire de contact:

π
e = b (5.28)
32

La demi-largeur de la surface de contact d’un cylindre élastique se calcule par la


théorie de Hertz

NR
b = 1, 60 (5.29)
lE

avec:
l longueur du rectangle de contact
E module d’élasticité réduit donné par (2.3)

Calculons la force de translation nécessaire à partir de (5.26) avec (5.28), puis


introduisons l’expression de b ci-dessus en admettant r ≈ R. On trouve

1 N3/ 2
T = 0, 157 (5.30)
E lR

Cette formule, vérifiée expérimentalement, montre que la résistance à l’avan-


cement augmente rapidement avec la charge sur la roue. On constate aussi qu’on a
intérêt à faire les roues larges et de grand diamètre pour diminuer la résistance.

Etats de fonctionnement

N M N N
T υ T– υ T υ

r
ω ω Mf ω

F– F– F–
e e e
(a) N– (b) N– (c) N–

Fig. 5.48 Efforts appliqués à une roue : (a) roue folle; (b) roue motrice; (c) roue freinée.

On distingue trois états de fonctionnement d’une roue en régime permanent :


• Roue folle tractée (fig. 5.48a). Il faut appliquer à l’axe de la roue la force
motrice

e
T = N (5.31)
r
Chapitre 5 Page 155 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 155

• Roue motrice (fig. 5.48b). L’arbre applique à la roue un moment moteur M


dans le même sens que la rotation ω . La résistance à l’avancement lui oppose
le moment

MR = eN

La force disponible au sol pour propulser la roue vaut

M ± MR M ± eN M
F = T = = = ± fN (5.32)
r r r

• Roue freinée (fig. 5.48c). Le freinage résulte de l’addition de la force engen-


drée par le moment de freinage Mf appliqué à la roue et de la force de résis-
tance à l’avancement qui s’oppose à la force motrice T qui pousse l’essieu

Mf + eN Mf
F = T = = + fN (5.33)
r r

5.5.3 Glissement

N
u0
ν
R
ω0
R0

Fig. 5.49 Roulement libre d’une roue chargée.

N
ν
u > u0
ω > ω0
M
F–

Fig. 5.50 Roulement d’une roue motrice.

Une roue folle, chargée, tourne à la vitesse ω 0 (fig. 5.49), avec la vitesse de trans-
lation

v = R0 ω 0 (5.34)
Chapitre 5 Page 156 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

156 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

R0 est le rayon dynamique d’une roue fictive qui roulerait sans glisser, il est plus petit
que le rayon R de la roue non chargée, R0 = R lorsque N = 0. La vitesse périphérique de
ce cercle est u0 = v.
Lorsque la roue est motrice et transmet la force F (fig. 5.50), on observe qu’il faut
accroître sa vitesse angulaire, donc sa vitesse périphérique u, pour maintenir la même
vitesse de translation v. Ce phénomène est lié aux déformations et au microglissement
(§ 5.5.1). Tout se passe comme s’il existait une vitesse de glissement macroscopique

ug = u ± u0 = R0 ( ω ± ω 0 ) (5.35)

On définit le facteur de glissement pour la roue motrice, ou simplement le glissement


ug u0 ω0
g = u = 1 – u = 1 – ω (5.36)

Dans le cas où la roue est freinée, les déformations et le microglissement chan-


gent de sens, de sorte que la vitesse périphérique devient inférieure à la vitesse à vide,
u < u0. La vitesse de glissement devient négative. Si la roue était bloquée, tout en glis-
sant sur le plan, on aurait g = – ∞.
Selon l’état de fonctionnement d’une roue, le facteur de glissement prend les
valeurs suivantes:
roue folle u = u0 g=0
roue motrice u > u0 0<g<1
roue motrice emballée u=∞ g=1
roue freinée u < u0 g<0
roue bloquée u=0 g = –∞
Remarque. Certains auteurs réfèrent aussi au freinage la vitesse de glissement à la
vitesse la plus grande, alors

ug u ω
gf = = ± 1 = ± 1 (5.37)
u0 u0 ω0

5.5.4 Adhérence
Comme pour le frottement plan, le facteur d’adhérence est le rapport de la force
transmise à la charge de la roue

F
µa = (5.38)
N

La figure 5.51 représente l’évolution du facteur d’adhérence avec le glissement.


On constate qu’il croît à partir de zéro au fur et à mesure que le microglissement s’étend
dans la zone de contact. Il passe par un maximum, puis décroît lorsque le glissement
devient un véritable patinage jusqu’à la valeur µg du facteur de frottement dynamique.
Le glissement est approximativement proportionnel à la charge transmise
jusqu’au 2/3 de la force maximale transmissible. La valeur maximale du facteur
Chapitre 5 Page 157 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 157

µa
µa max

µg

–∞ 0 1 +g

microglissement
–∞
roue freinée roue motrice

roue bloquée roue folle emballement

Fig. 5.51 Facteur d’adhérence et glissement.

d’adhérence diminue lorsque la vitesse de translation augmente (fig. 5.52). Pour les
roues de locomotives, Koffmann propose la formule

14
µa max = (5.39)
33, 5 + v

où v est la vitesse en m/s, valable jusqu’à 70 m/s.


L’adhérence de pneus dépend énormément de l’état de la route (fig. 5.53). On a,
par exemple, µa max = 1,1 pour du béton sec; 0,8 pour de l’asphalte mouillé et 0,1 à 0,2
sur du verglas. Ces valeurs diminuent aussi lorsque la vitesse augmente.

µa max
µ0

g g
v
0 v1 v1

Fig. 5.52 Enveloppe de µa max.

5.5.5 Instabilité de transmission


La diminution du facteur d’adhérence pour de fortes valeurs du glissement est à
l’origine d’instabilités. Considérons une roue à laquelle un frein applique un moment
Mf (fig. 5.54) en plus du moment résistant de roulement MR. Par ailleurs, la roue est
entraînée par le moment
Chapitre 5 Page 158 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

158 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

µa 1,2
v = 10... 40 km/h

1,0
10
25
0,8

0,6
40 km/h

0,4 route sèche


route mouillée

0,2

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 g


Fig. 5.53 Facteur d’adhérence d’un pneu en fonction du glissement, de la vitesse et de l’état de la route.

MF = µ a N r (5.40)

de la force d’adhérence F, tandis que le moyeu avance à la vitesse v du véhicule. Le


moment d’inertie-masse de la roue étant J, son équation de mouvement s’écrit

MF ± ( Mf + MR ) = Jω« (5.41)

N
ν
MR
Mf
r ω
F–

Fig. 5.54 Roue freinée.

Faisons croître lentement le couple de freinage. En régime quasi stationnaire,


ω ≈ 0, MF et donc µa augmentent aussi (fig. 5.55). Lorsque le facteur d’adhérence

atteint µa max, MF ne peut plus croître et par conséquent le premier membre de (5.41)
devient négatif. La rotation de la roue ralentit alors que la vitesse de translation est
maintenue. Il s’ensuit que le glissement augmente, c’est-à-dire qu’il devient encore
plus négatif et que le facteur d’adhérence diminue. La roue décélère fortement et finit
par s’arrêter rapidement.
En conclusion, lorsque Mf + MR > MF max, la roue se bloque inexorablement.
Il convient d’éviter le blocage des roues de véhicules car les roues arrêtées per-
dent tout pouvoir directeur. Les systèmes antiblocage (ABS) diminuent automati-
Chapitre 5 Page 159 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 159

Mf + MR

MF ω
Mf + MR MF
µa
µa

t
g<0 0 0
seuil roue
d’instabilité bloquée
instable stable
(a) (b)

Fig. 5.55 Domaine de stabilité de l’adhérence au freinage: (a) adhérance et couples; (b) évolution au cours
du temps.

quement le couple de freinage dès que la décélération rapide de la roue laisse présager
son blocage. On fonctionne ainsi toujours au voisinage du facteur d’adhérence maxi-
mal et on obtient un freinage optimal du véhicule sans perte de maîtrise de sa tra-
jectoire. La distance de freinage est aussi plus courte que si les roues sont bloquées
puisque µa max > µg.
Une roue motrice s’emballe lorsque le couple moteur qui lui est appliqué dépasse
MF max + MR. On sait que, dans cette situation, il faut réduire les gaz d’un moteur de
voiture ou diminuer le courant d’un moteur de locomotive pour arrêter l’emballement.
Des dispositifs automatiques (ASS) concourent au même résultat.

5.5.6 Guidage
La figure 5.56 représente une roue posée sur un plan x-y, son axe de rotation est
parallèle à y. La force d’adhérence maximale

Fa max = µ a max N (5.42)

est constante dans toutes les directions, elle décrit le cercle d’adhérence. Supposons la
roue folle et appliquons une force T à son moyeu. Sa composante Tx met la roue en
mouvement et la fait rouler dans le même sens. La composante latérale Ty ne peut pas
faire glisser la roue tant que Ty < Fa max. Le seul mouvement possible est un roule-
ment, la roue est guidée par l’adhérence, elle glisse latéralement si Ty x Fa max (déra-
page).
Appliquons maintenant un moment moteur M à la roue, par ailleurs encore sol-
licitée par une force latérale Ty. Ce moment provoque une force Fx transmise au plan
de roulement, toujours perpendiculaire à l’axe de rotation (fig. 5.57) qui se combine
avec la force latérale en une résultante

T = Ty + Fx (5.43)
Chapitre 5 Page 160 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

160 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

y y

Ty T Tmax T
roue Ty
Tx
Fx
M
Fa max Fa max

0 x 0 x

Fig. 5.56 Cercle d’adhérence. Fig. 5.57 Adhérence d’une roue motrice.

La roue est guidée et le fonctionnement est correct tant que T < Fa max. La roue
glisse latéralement, c’est-à-dire dérape, lorsque T = Fa max. Ce phénomène survient
même si Ty < Fa max en imprimant une force Tx suffisante à la roue. Ainsi, une voiture
dérape lorsqu’elle est sollicitée en virage par une force centrifuge et qu’on donne un
fort coup de gaz ou qu’on effectue un violent freinage.

5.6 LIENS SOUPLES

5.6.1 Relations entre les efforts


Un ruban, supposé parfaitement souple en flexion, est enroulé autour d’une pou-
lie (fig. 5.58), une extrémité du ruban est attachée au bâti, au point C. Tirons sur le brin
libre avec une force T2 et faisons encore tourner la poulie dans le sens indiqué. On a
constitué un frein à ruban. Le ruban exerce la force normale dN sur un arc élémentaire
r dϕ de la poulie; la force de frottement correspondante dF = µ dN crée le moment de
frottement

dMf = r dF = r µ dN

qui s’oppose à la rotation de la poulie. La réaction dF– du frottement s’ajoute à la trac-


tion dans le ruban de sorte que la tension augmente progressivement depuis le point A
jusqu’au point B. Calculons la traction dans le ruban en isolant un élément d’angle au
centre dϕ (fig. 5.59). Il est soumis aux tractions T et T + dT, à la réaction radiale dN –
de la poulie et à la réaction de frottement µ dN –. Exprimons l’équilibre des forces en
les projetant sur la tangente t et sur la normale n:


µ dN = dT cos
2
dϕ dϕ
dN = 2T sin + dT sin
2 2
Chapitre 5 Page 161 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 161

dF dN

r
α
O D
ω ϕ
B
A
Mf

C
Τ1
Τ2

Τ1 Τ2

Fig. 5.58 Frein à ruban.

n
µdN t

T
dN –
(a)
ϕ


T + dT ------
2
O
n

µdN T t

------
2
dN dϕ
------
2
T

(b) dT

Fig. 5.59 Elément de ruban isolé.

Mais cos dϕ/2 ≈ 1 et sindϕ/2 ≈ dϕ/2. En négligeant le terme du second ordre, puis
en éliminant dN on obtient

dT = µ T d ϕ

Intégrons entre ϕ = 0, où T = T2, et ϕ pour obtenir la tension dans le ruban au


point D
Chapitre 5 Page 162 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

162 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

T = T2 e µϕ (5.44)

C’est la loi d’Euler, dite aussi d’Eytelwein par les auteurs allemands.
La traction du brin en B s’obtient immédiatement en étendant ϕ jusqu’à l’angle
d’enroulement α

T1 = T2 e µα (5.45)

Enfin, le moment de frottement appliqué à la poulie peut se calculer en écrivant sim-


plement l’équilibre des moments à l’ensemble courroie-poulie autour du centre O

Mf = r ( T1 ± (
T2 ) = r e µα ± )
1 T2 (5.46)

5.6.2 Transmission à courroie

brin mené

e
B T2

αg1
1
d

α1

M1 ω1

αg2
αr1 A T1

brin menant

Fig. 5.60 Transmission à courroie plate.

Etudions la transmission de force entre la petite poulie supposée motrice et une


courroie plate (fig. 5.60). La courroie est montée avec une tension initiale T0 afin de
permettre la transmission de force par frottement entre la poulie et la courroie. On sim-
plifie cette étude en supposant que la vitesse périphérique est assez faible pour que
l’effet de la force centrifuge soit négligeable, cet aspect sera abordé plus loin (sect.
16.3). La transmission d’un effort moteur d’une poulie à l’autre n’est possible que si la
tension T1 du brin menant est supérieure à la tension T2 du brin mené.
Supposons que la courroie présente un comportement linéaire et considérons un
élément de courroie dont l’allongement relatif vaut ε1 = λT1 dans le brin menant, λ
est un coefficient de proportionnalité. En passant sur la poulie motrice, cet élément
se raccourcit progressivement jusqu’à devenir ε2 = λT2 lorsqu’il parvient au brin
mené. La jante de la poulie étant beaucoup plus rigide que la courroie, on voit que
cette dernière glisse sur la jante en se contractant. C’est ce qu’on appelle le glisse-
ment élastique. Des observations méticuleuses ont révélé que ce glissement s’effec-
tue seulement dans une zone délimitée par l’angle de glissement élastique αg1 situé
Chapitre 5 Page 163 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 163

du côté de la sortie de la courroie des poulies (fig. 5.60). Le glissement est nul dans
la zone d’entrée sur la poulie, sur l’arc embrassé par l’angle de repos αr1. La trans-
mission de force entre la poulie et la courroie ne s’effectue que dans la zone de glis-
sement, de manière analogue au mécanisme de la transmission de l’effort entre une
roue et un plan (§ 5.5.1).
L’allongement initial de l’élément considéré ci-dessus vaut ε0 = λT0. En service,
la tension T1 du brin mené est supérieure à la tension initiale, de sorte que
l’allongement augmente de la quantité ε1 – ε0. Mais le périmètre de la courroie restant
constant, le brin mené doit se raccourcir d’une quantité ε0 – ε2 égale à l’allongement
dans le brin mené. On écrit donc

ε1 ± ε0 = ε0 ± ε2

Par conséquent

ε1 + ε 2 = 2 ε 0
et
T1 + T2 = 2T0 (5.47)

Les tractions sont liées par la relation d’Euler (5.44), mais il faut prendre soin de
ne faire intervenir que l’angle d’enroulement de glissement dans lequel la tension
varie de T1 à T2. Alors

µα g1
T1 = T2 e (5.48)

En introduisant dans (5.47), on en tire

2T0
T2 = µα g1
(5.49)
e + 1

Calculons maintenant le moment de ces tractions par rapport au centre de la petite


poulie en remarquant que les tractions s’exercent au milieu de l’épaisseur de la cour-
roie. Il vient

µα g1
e 1
M1 = ( d1 + e )
±
µα g1
T0 (5.50)
e + 1

La somme de l’angle de glissement élastique et de l’angle de repos est égale à


l’angle d’enroulement

α1 = α g1 + α r1 (5.51)

L’angle de glissement augmente avec la charge de la transmission. On a les cas


limites suivants:
Chapitre 5 Page 164 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

164 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

• αg1 = 0 et αr1 = α1. M1 = 0 et T1 = T2 = T0 ; c’est la marche à vide.


• αg1 = α1 et αr1 = 0; c’est l’angle de glissement le plus grand possible per-
mettant la transmission du couple maximal

e µα1 ± 1
M1 = ( d1 + e ) T0 (5.52)
e µα1 + 1
max

Si l’effort résistant imposé par la poulie menée dépasse cette valeur, la poulie
patine et la courroie s’arrête. L’angle d’enroulement étant plus petit sur la petite poulie
que sur la grande, le patinage survient en principe toujours sur la petite poulie.
La transmission de force paraît se répartir sur tout l’arc d’enroulement lorsque la
surface de la poulie est relativement souple.
L’expression (5.52) montre la voie à suivre pour augmenter le couple transmissi-
ble sur la petite poulie :
• accroître le diamètre de la poulie;
• augmenter le coefficient de frottement par un choix judicieux de la matière de
la couche d’adhérence de la courroie;
• amplifier le frottement par un effet de coin (§ 11.4.4), ce besoin a conduit à
l’invention des courroies trapézoïdales;
• accroître la traction initiale dans les limites permises par la résistance de la
courroie et par la charge radiale admissible des arbres et des paliers.

On évite tout glissement en recourant aux courroies dentées.

5.6.3 Câbles
Tous les éléments souples, câbles, fils, rubans, ne peuvent transmettre une force
qu’en traction. Leur passage sur des tambours ou des poulies folles dévie la force
qu’ils transmettent. Le câble représenté à la figure 5.61 charge l’axe de la poulie par la
force

Fr = F1 + F2–

avec naturellement F1 = F2 = F, la traction du câble.

F –2

F –2

F1

Fr
F1

Fig. 5.61 Passage d’un câble sur une poulie folle.


Chapitre 5 Page 165 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 165

Fig. 5.62 Attache de câble sur un tambour de treuil.

La traction exercée sur l’attache d’un câble au tambour d’un treuil (fig. 5.62)
est plus faible que la traction dans le câble de levage parce qu’une partie de la trac-
tion est transmise au tambour directement par le frottement. Il faut réglementaire-
ment toujours laisser au moins deux tours de câble sur le tambour afin de ne pas sur-
charger l’attache.
A l’instar des ascenseurs, les téléskis, télécabines, téléphériques et funiculaires
sont toujours entraînés par friction. Un demi-tour du câble sur la poulie motrice est
souvent insuffisant pour vaincre les gros efforts rencontrés. On enroule alors le câble
selon la figure 5.63; après un demi-tour sur la poulie motrice, le câble passe sur une
poulie de renvoi puis fait encore un demi-tour dans une seconde gorge de la poulie
motrice. Cette disposition évite le mouvement latéral du câble qui se produirait si on
l’avait simplement enroulé deux fois sur un tambour sans poulie de renvoi.

F1

F2

F1

F2

Fig. 5.63 Entraînement par poulie à deux gorges.

Le câble s’allonge en passant d’une zone faiblement tendue dans une zone for-
tement tendue. De ce fait, il rampe sur la poulie motrice, s’use et use aussi la poulie.
Chapitre 5 Page 166 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

166 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE


3 8

F1

F2

5
7 6

1
2 4

Fig. 5.64 Entraînement par deux poulies avec un différentiel.

C’est pourquoi la simple disposition de la figure 5.63 est défavorable. Dans les instal-
lations très chargées et bien construites, on entraîne séparément les deux poulies
motrices par un différentiel qui répartit l’effort par moitié sur chaque poulie (fig. 5.64).
La poulie (6) est folle sur l’arbre (5) et directement entraînée par la roue dentée (7); la
roue (4) entraîne la poulie (3) par l’intermédiaire de l’arbre (5). Le moteur attaque le
différentiel (2) par l’arbre (1). L’installation est plus compacte en logeant directement
un différentiel à engrenages droits à l’intérieur des poulies.

5.7 RÉSEAUX D’EFFORTS STATIQUES

5.7.1 Réseau de forces


Un ressort de compression (1) est inséré dans une ouverture d’une pièce (2). Il
exerce sur cette dernière les forces FA12 et FB12 qui, pour des raisons d’équilibre, sont
égales et opposées. On peut aussi considérer que la force FB12 exercée par le ressort
chemine à travers la pièce (2) puis revient au point B à travers le ressort (fig. 5.66a). Le
cheminement complet forme une boucle fermée qu’on appelle boucle de force. On tra-
cerait également cette boucle en partant du point A, en disant que la pièce (2) com-
prime le ressort avec la force FA21.
En un point quelconque, A par exemple, existe la réaction FA12 à la force FA21
(fig. 5.66b). Cette réaction passe exactement par le même cheminement que la pre-
mière, mais en sens inverse. Le cheminement d’une force est identique au chemi-
nement de sa réaction. Cette propriété est extrêmement utile pour l’étude pratique des
cheminements.

FA12 FB12
1
2

A B

Fig. 5.65 Ressort inséré dans une pièce.


Chapitre 5 Page 167 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 167

FA21 FA12 FB21


FB12
2 1 1
2

A B A B

(a) (b)

Fig. 5.66 Cheminement d’une force dans une boucle simple (a) et de sa réaction (b).

Une force est souvent transmise par ses composantes. Chaque composante par-
court son propre cheminement bouclé. Considérons, par exemple, un compresseur à
piston (fig. 5.67). Le couple moteur appliqué au vilebrequin provoque dans la bielle la
force Fb qui se décompose à l’articulation de crosse en une force F passant par la tige
du piston et une force de guidage Fg perpendiculaire au patin. Cette dernière chemine
à travers le bâti, le vilebrequin et la bielle (cheminement traitillé). Quant à la force de
tige, elle passe par le piston où elle comprime le gaz avec la pression p. Le gaz exerce
sur le fond du cylindre la poussée F1, égale à F, qui revient par le cylindre, le bâti, le
vilebrequin et la bielle (cheminement en trait plein). On remarque que le cheminement
traverse le gaz.
Les forces statiques sont insérées dans des réseaux bouclés fermés.

p Fb ω

F1 F Fg
M

Fig. 5.67 Cheminement des forces dans un compresseur à piston.

5.7.2 Réseaux de couples


Un couple ne peut être équilibré que par un couple opposé de même intensité.
Supposons qu’un élément de machine transmette un couple pur à un élément voisin,
on peut appliquer à cet embryon de chaîne cinématique le même raisonnement que
celui que nous avons fait au sujet des forces. Les couples purs sont insérés dans des
réseaux bouclés fermés.
Par exemple (fig. 5.68), un moteur électrique entraîne un compresseur à piston
par l’intermédiaire d’un réducteur de vitesse. Il attaque l’arbre d’entrée du réducteur
en lui appliquant un couple M1. L’arbre de sortie du réducteur applique à son tour le
couple M2 au compresseur. Dans cet exemple, l’arbre de sortie tourne en sens inverse
de l’arbre d’entrée. La figure 5.69 schématise le réseau maillé de couple. Le couple M3
appliqué par la plaque de base au réducteur équilibre les couples M1 et M2
Chapitre 5 Page 168 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

168 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

compresseur

M2
réducteur 2 plaque de base

moteur

M1
1
M3

Fig. 5.68 Groupe compresseur.

M1 M2
Moteur Réducteur Compresseur

M1 M3 M2

Plaque de base

Fig. 5.69 Réseau de couple du groupe de la figure 5.68.

5.7.3 Réseaux mixtes


Les machines sont souvent le siège de cheminements imbriqués de forces et de
couples, car de nombreux mécanismes fonctionnent par transformation de couples en
forces et réciproquement. Voici deux exemples:

Réducteur à engrenage

M1
r1

Fn
Fn α

a M3
r2

M1

M2

M2
dans le bâti

M3

Fig. 5.70 Réseau de couples et réseau de forces d’un réducteur à engrenage à denture droite.
Chapitre 5 Page 169 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 169

Le réducteur à engrenage de la figure 5.70 est inséré entre un moteur et une


machine comme dans la figure 5.68. Le couple M1 appliqué par le moteur au pignon
engendre la force normale de denture

M1
Fn = (5.53)
r1 cos α

Cette force produit à son tour le couple de sortie

M2 = Fn r2 cos α

L’équilibre statique du réducteur s’exprime par l’équation

M1 + M 2– + M3 = 0
ou
M3 = M1 + M2

D’où

M3 = Fna cos α (5.54)

Le cheminement des couples est représenté en traitillé fort, il passe par la plaque
de base; celui de la force de denture, en trait fin, passe par les paliers et se boucle à tra-
vers le carter du réducteur.

Mécanisme à barres articulées


Dans le mécanisme de la figure 5.71, le couple M1 appliqué au bras (2) est converti en
une force F appliquée au point A de l’articulation (3) avec la bielle. Cette dernière transmet
la force jusqu’à l’articulation (5) où elle est reconvertie en couple appliqué à l’arbre (7) par
le bras (6). Le cheminement de la force se ferme à travers les paliers et le bâti
.

F 5 bielle
B

4 3
5 3
6

manivelles F
2 A


M2
M1
7 1
O O1

Fig. 5.71 Mécanisme articulé.


Chapitre 5 Page 170 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

170 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

5.7.4 Efforts actifs, efforts passifs


On distingue deux catégories d’efforts :
• les efforts actifs transmettent de l’énergie par des pièces mobiles;
• les efforts passifs ne transmettent pas d’énergie lors du fonctionnement de la
machine.

Un effort est passif, soit parce qu’il passe par un élément fixe, soit parce qu’il est
normal à une surface mobile de guidage (paliers, patins). Dans la figure 5.70, la force
Fn est active sur la denture, elle est passive dans les paliers et dans le carter.
La figure 5.72 montre le schéma général d’un réseau d’efforts statiques. Les
efforts actifs sont transmis par la chaîne cinématique; le réseau se ferme à travers les
organes de guidage et le bâti par la chaîne des organes passifs. Cette analyse des
réseaux d’efforts nous amène à préciser la fonction des organes principaux des machines.

moteur transmission récepteur

chaîne cinématique

effort actif
guidage
effort passif

bâti

Fig. 5.72 Schéma de circulation des efforts actifs et passifs.

Moteur:
• il délivre de l’énergie mécanique;
• il reçoit un effort passif et fournit un effort actif.

Récepteur:
• il reçoit et utilise de l’énergie mécanique;
• il reçoit un effort actif moteur et fournit un effort passif.

Organes de transmission:
• ils transmettent de l’énergie mécanique;
• certains organes transmettent intégralement l’effort actif comme les em-
brayages, les accouplements, les roues libres. D’autres transforment le sens, la
direction et/ou l’intensité de l’effort actif, mais doivent pour cela recevoir un
effort passif; par exemple, réducteur à vis sans fin, came et suiveur.

Bâti:
• il guide les organes mobiles;
• il transmet les efforts passifs.
Chapitre 5 Page 171 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 171

Le bâti est donc un organe tout aussi important et vital que les organes de la
chaîne cinématique. En dépit du rôle capital qu’il joue, son étude est rarement abordée
dans les traités de construction de machines qui sont habituellement seulement consa-
crés à l’analyse des organes de la chaîne cinématique. Les bâtis et les structures méri-
tent pourtant autant d’attention que les organes mobiles.

5.7.5 Précharges
Les forces et couples de précharge constituent aussi des réseaux fermés. Ils seront
étudiés au chapitre 7.

5.8 ÉTUDE DES RÉSEAUX D’EFFORTS

5.8.1 Méthodologie
Nous nous sommes aperçu que les débutants, parfois même des praticiens confir-
més, éprouvent beaucoup de difficultés à saisir les efforts régnant dans un mécanisme.
Ils commettent par conséquent de lourdes fautes de construction et de dimen-
sionnement. Nous proposons une méthode qui offre l’avantage d’une analyse
rigoureuse. Elle se déroule en trois étapes:

Etude cinématique
• Décrire le fonctionnement du mécanisme, mettre en évidence les pièces fixes
et les pièces mobiles, examiner les moyens d’assemblage.
• Etudier les liaisons cinématiques ainsi que le degré de liberté des pièces.
• Indiquer dans un schéma ou dans un dessin d’ensemble les caractéristiques
principales: mouvement, vitesse.

Etude énergétique
• Visualiser le flux d’énergie dans la chaîne cinématique en partant de la source
d’énergie.

Analyse des efforts statiques


• Identifier un effort typique transmettant l’énergie. Cet effort sera toujours
appliqué en un endroit où de l’énergie pénètre dans un élément et orienté dans
le sens du mouvement.
• Situer et orienter un effort de précharge, généralement à l’endroit où il est
directement utile.
• Etudier et tracer le réseau fermé complet de l’effort considéré.

Cette méthode que nous appelons CES (Cinématique, Energie, Statique) présente
de nombreux avantages :
• elle révèle les efforts principaux et les efforts induits par la transmission de
l’énergie;
• elle met en lumière les forces de serrage nécessaires pour la transmission de
force par frottement;
• elle met en évidence les surfaces fonctionnelles;
Chapitre 5 Page 172 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

172 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

• elle montre toutes les pièces participant à la transmission d’un effort et leur
sollicitation;
• elle permet d’isoler facilement les pièces en vue de préparer les calculs de
résistance et de déformation.

Exemple d’un réducteur

Cinématique
L’arbre d’entrée du réducteur (fig. 5.73) porte un pignon à denture hélicoïdale
taillé dans la masse de l’arbre qui engrène avec une roue clavetée sur l’arbre de sortie.
Les arbres sont portés par des roulements à billes flottants. On a représenté les vitesses
ω1 et ω2 des arbres.

P1

ω1
ω2

P2

Fig. 5.73 Flux d’énergie dans un réducteur à engrenage.

Energie
Le flux d’énergie ou de puissance est représenté dans le dessin par un trait épais à
travers les organes de la chaîne cinématique.

Efforts statiques
Le couple M1 est appliqué à l’arbre d’entrée par l’organe d’entraînement claveté
sur le bout-d’arbre (fig. 5.74); l’arbre de sortie transmet le couple M2. Le chemine-
ment des couples est représenté en trait fort. On prend garde au fait que les couples
sont transmis uniquement dans les portions d’arbre limitées par les clavettes, respec-
tivement par le pignon. On représente aussi la force motrice de denture.
Chapitre 5 Page 173 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 173

Fn force dans l’espace


Fn

M1

M2

Fig. 5.74 Efforts actifs transmetteurs d’énergie.

Fnt/2

Fa

Fig. 5.75 Réseau de la composante radiale et de la composante axiale de la force de denture.


Chapitre 5 Page 174 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

174 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE


F2a

Fa

Fa±

1
(a) F1a

Fa

(b)

Fig. 5.76 Equilibrage de la composante axiale de la force de denture: (a) équilibre de la roue; (b) chemine-
ment des charges radiales sur les paliers.

Etudions maintenant le réseau de la force de denture (fig. 5.75). Les surfaces


fonctionnelles des arbres et des paliers sont soit des cylindres concentriques aux axes
de rotation, soit des plans qui leur sont perpendiculaires. Il est donc judicieux de
décomposer la force de denture selon deux directions: la composante apparente Fnt et
la composante axiale Fa. La première est transmise radialement par les roulements et
se boucle à travers le bâti. La seconde passe par l’entretoise située sur l’arbre de sortie,
par le roulement au bout de cet arbre, puis se boucle sur l’arbre du pignon à travers les
couvercles des paliers, leurs vis et le carter. On remarque que le cheminement met en
évidence le rôle fonctionnel des vis des couvercles qu’il faut dimensionner pour sup-
porter la composante axiale de la force de denture. Cette dernière est appliquée à la
Chapitre 5 Page 175 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 175

périphérie des engrenages et donne lieu à un moment qui charge les paliers par des
forces radiales (fig. 5.76a). Leur cheminement est représenté à la figure 5.76(b).

5.8.2 Isolement des pièces


Isoler une pièce est une opération qui consiste à la représenter seule et à lui appli-
quer toutes les charges et toutes les forces de liaison avec son environnement. On peut
ensuite étudier son équilibre statique et faire les calculs de résistance et de déforma-
tion. On procède en quatre étapes:
• Identifier les efforts transmis par la pièce en procédant comme décrit au
paragraphe 5.8.1.
• Dessiner la pièce en la «sortant» du mécanisme. Repérer soigneusement les
liaisons, les détails secondaires peuvent être omis ou simplifiés.
• Représenter les efforts appliqués à la pièce par des vecteurs. Le sens des vec-
teurs se détermine comme suit:
– dans un schéma du mécanisme (fig. 5.77a), représenter les efforts actifs dans
le sens de la transmission d’énergie; représenter aussi les efforts passifs dans
un sens intuitif ou arbitraire;
– entourer la pièce à isoler d’une frontière fermée;
– dans un dessin de la pièce isolée (fig. 5.77b), les vecteurs d’effort entrant
dans la frontière sont appliqués à la pièce dans le même sens que dans le
schéma car ce sont des actions; les vecteurs d’efforts qui sortent de la fron-
tière sont représentés par leur réaction opposée, QB± et QC± .
• Exprimer mathématiquement l’équilibre statique de la pièce et calculer les
efforts inconnus; il faut souvent faire des hypothèses simplificatrices. S’il en
résulte qu’un effort est négatif, cela signifie simplement qu’il est dirigé en réa-
lité dans le sens opposé à celui qui était primitivement admis.
efforts actifs, même sens que le flux d’énergie

poids propre
G

QB
QA
pièce n–1 pièce n pièce n+1

QC QD
contacts de guidage,
frontière d’isolement guidage efforts passifs, sens
(a) arbitraire

QA –
QB
action pièce n réaction
efforts actifs moteurs efforts actifs résistants


QC QD

efforts passifs de guidage,


(b) action et réaction
Fig. 5.77 Schéma de l’isolement d’une pièce : (a) pièce intégrée dans le mécanisme; (b) pièce isolée.
Chapitre 5 Page 176 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

176 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

La figure 5.78, par exemple, montre le pignon isolé du réducteur étudié au


paragraphe précédent. On y voit les efforts suivants:
M1 couple moteur d’entrée
Fnt± réaction normale apparente de la roue sur le pignon
Fa± réaction de la poussée axiale de denture
Fa action axiale du palier (2) équilibrant Fa±
F1, F2 actions radiales des paliers équilibrant Fnt±
F1a, F2a actions radiales des paliers équilibrant le moment Far1

F2 F2a
F1
F2a
F1 F2
Fa

r1
M1
M1 F1a F –nt
F –a F –a
F –nt F1a

Fig. 5.78 Pignon isolé du réducteur de la figure 5.73.

5.9 POIDS PROPRE

Le poids propre des pièces charge naturellement les arbres, les paliers, les
organes de guidage et toutes les structures des machines. Il en résulte des efforts inté-
rieurs dont les effets se superposent à ceux des efforts normaux de fonctionnement:
déformation, contrainte et fatigue des matériaux. On peut pourtant souvent simplifier
les calculs en négligeant le poids propre; d’autres fois, il importe au contraire d’en
tenir compte. Il n’existe pas en ce domaine de règle absolue, l’ingénieur doit tenir
compte de son expérience, mais nous voulons quand même tenter de donner quelques
indications.

Engrenages

Fn
d2
d1 M1
z2
α
z1

G2

Fig. 5.79 Charge de l’arbre d’une roue dentée.

Les arbres et les paliers d’une transmission à engrenages sont chargés radiale-
ment par la force de denture et par le poids propre des pièces. Dans le cas pessimiste
Chapitre 5 Page 177 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 177

visible dans la figure 5.79, ces forces s’ajoutent directement pour la roue. Les engrena-
ges dont les flancs de dentures ont une grande dureté se dimensionnent sur la base de
la résistance à la flexion des dents. Le diamètre du pignon se calcule alors en première
approximation par

3 z1 3
d1 = 2,1 M1 (5.55)
ψ d σ F adm

avec: z1 nombre de dents du pignon


b
ψd = largeur relative, détermine les proportions géométriques
d1
σF adm contrainte de flexion admissible du matériau
M1 couple appliqué au pignon

Calculons le poids de la pièce la plus lourde, c’est-à-dire la roue,

π 2
G2 = κ ρ g d b
4 2

Le facteur de forme κ est le rapport du volume effectif de la roue y compris le


tronçon d’arbre qu’elle contient au volume théorique qu’aurait la roue si elle était
pleine, il oscille habituellement entre 0,4 et 0,6. Introduisons b = ψd d1 et d2 = ud1
avec le rapport d’engrenage u = z2/z1, on obtient

π 2
G2 = κ ρ g u ψ d d13 (5.56)
4

Comparons maintenant le poids propre de la roue à la force de denture. Après


introduction du diamètre du pignon par (5.55) et l’introduction de Fn par (5.53), il
vient

4/3 1/ 3
G2  z1   M1 
= 7, 64 κ ρ gu 2     cos α (5.57)
Fn  σ F adm   ψd 

Calculons ce rapport pour κ = 0,5, ρ = 7860 kg/m3, g = 9,81 m/s2, u = 5, z1 = 32,


ψd = 1, σF adm = 480 N/mm2 correspondant à un acier de moyenne résistance,
α = 200 :

G2
= 1,87 × 10 ±3 M11/ 3
Fn

G2 vaut 5% de Fn pour M1 = 19 100 Nm correspondant, par exemple, à une puis-


sance de 6000 kW lorsque le pignon tourne à 3000 t/min. Pour G2 = 1% de Fn, la
puissance serait encore de 240 kW dans les mêmes conditions.
Chapitre 5 Page 178 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

178 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Ce calcul permet de conclure que le poids propre des engrenages et des arbres est
habituellement négligeable face aux efforts de denture, sauf dans les transmissions de
grande puissance ou très lentes à fort couple.

Transmission à courroie
Le poids propre est habituellement négligeable.

Transmission à chaîne
Le poids propre est normalement négligeable; en revanche, la traction radiale
provoquée par la tension de poids propre des chaînes devrait en principe être prise en
considération afin de ne pas courir le risque d’une surcharge imprévue. Le plan de la
chaîne devrait être vertical, sinon la flexion latérale de la chaîne use rapidement les
maillons.

Arbre de transmission
Considérons un arbre plein qui transmet un couple M et repose librement sur
deux paliers (fig. 5.80). La contrainte de flexion sous l’effet du poids propre vaut

l2
σf = ρg (5.58)
d

Cette contrainte est inférieure à 3% de la limite de fatigue en traction alternée σD


de l’acier lorsque la géométrie satisfait la relation suivante

l σD
≤ 0, 03 (5.59)
d ρ gd

Pour un acier de qualité moyenne, σD = 180 MPa,

l 8, 4
≤ d[m] (5.60)
d d

Par exemple, pour un arbre de 100 mm, l /d ≤ 26. Il est d’usage de disposer les paliers
plus rapprochés que ne l’indique cette limite, par conséquent: on peut négliger la contrainte
de flexion des arbres provoquée par leur poids propre sauf pour les arbres de très grand dia-
mètre. En revanche, il faut impérativement tenir compte du poids de l’arbre pour dimen-
sionner les paliers puisque c’est la seule charge radiale qu’ils transmettent.

d
G

M M–

Fig. 5.80 Arbre de transmission.


Chapitre 5 Page 179 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 179

Rotors
L’effort moteur sur les rotors des machines électriques, des turbines et des com-
presseurs est en principe un couple pur. Mais ces rotors sont assez lourds pour qu’il
faille toujours tenir compte de leur poids pour dimensionner leur arbre et leurs paliers.
On rappellera que des dissymétries et certains phénomènes d’écoulement des fluides
donnent généralement encore naissance à une charge radiale qui peut atteindre une
fraction importante du poids du rotor.

Réseau de poids propre


On peut envisager deux points de vue :
• un poids propre est une force statique, insérée dans un réseau qui se ferme à
distance par le centre de la terre;
• un poids propre est une force d’inertie provoquée par l’accélération terrestre, le
réseau est ouvert comme celui des forces d’inertie (§ 16.2.3).

Les forces de poids propre se transmettent d’élément en élément jusqu’à l’assise


de la machine.

5.10 CONCEPTION STATIQUE

5.10.1 Isostatisme
Les constructions isostatiques offrent de nombreux avantages : le cheminement
des forces est déterminé, les efforts se calculent uniquement à l’aide des équations
d’équilibre; des écarts dimensionnels de fabrication ou consécutifs à des dilatations
thermiques n’engendrent pas d’efforts anormaux dangereux capables de surcharger
des organes et de fissurer les bâtis. L’isostatisme des liaisons sera abordé plus loin
(§ 9.4.3). On se limite ici aux problèmes relatifs aux roulements.
Les arbres, sauf ceux qui sont longs, ne doivent en principe reposer que sur deux
paliers. Le montage de la figure 5.81(a) présente cependant un hyperstatisme axial;
une dilatation thermique de l’arbre ou une contraction du bâti donne naissance à une
poussée axiale capable de surcharger les roulements et de compromettre leur longé-
vité. Dans certains cas, on observe même une instabilité thermique destructrice
(§ 21.4.2). L’isostatisme axial s’obtient par deux moyens:

Montage avec un palier fixe et un palier libre axialement


Toute force axiale est transmise au bâti exclusivement par le palier fixe, les
dilatations thermiques sont libres. La mise en œuvre de ce principe laisse place à
diverses solutions technologiques (fig. 5.81 b à e). En guise de palier fixe, on peut uti-
liser tout roulement non séparable, une paire de roulements à contact oblique montés
en opposition ou des roulement à galets coniques (fig. 5.82).

Montage flottant
Ce type de montage consiste à ménager une liberté axiale aux deux paliers sup-
portant un arbre (fig. 5.83). On renonce délibérément à un guidage axial précis en
ménageant un jeu j qui doit prendre en compte les tolérances de fabrication et les
dilatations thermiques. En service normal existe un certain jeu dont le mécanisme doit
Chapitre 5 Page 180 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

180 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

(a)

F F

(b) (d)

F L F L

(c) (e)

F L F L

Fig. 5.81 Disposition des paliers fixes (F) et des paliers libres (L) : (a) montage défavorable, les deux paliers
sont fixes; (b) la bague extérieure du roulement libre glisse dans son alésage; (c) la bague intérieure du rou-
lement libre glisse sur l’arbre, on a vu au paragraphe 3.3.2 laquelle des deux bagues, intérieure ou extérieure,
doit glisser; (e) et (d) roulement libre constitué par un roulement à rouleaux cylindriques, respectivement par
un roulement à aiguilles. Dans ces exemples, c’est la bague intérieure qui est libre, mais on peut aussi utiliser
un roulement à rouleaux type N.

s’accommoder. Les montages des figures 5.83(a) et 5.83(b) impliquent que les bagues
extérieures, respectivement intérieures, puissent glisser tandis qu’avec les roulements
à rouleaux, type NJ, on peut serrer toutes les bagues. Le système flottant simplifie la
construction et le montage, surtout avec des roulements séparables, mais il est impra-
ticable avec des roulements à contacts obliques qui prendraient du jeu radial.
La combinaison d’une butée et d’un palier radial exige de séparer soigneusement
les fonctions de chacun. On évite tout hyperstatisme en ménageant du jeu radial aux
bagues de la butée (fig. 5.84) afin que la charge radiale ne soit transmise que par le
palier; il faut aussi que le roulement soit libre axialement. Le jeu axial de la butée
s’ajuste au moyen de la cale d’épaisseur (1). Le montage du galet de la figure 5.85
constitue une exception acceptable aux règles ci-dessus parce que les roulements sont
très proches l’un de l’autre de sorte que la faible dilatation thermique est reprise par
l’élasticité des pièces et des corps roulants.
La figure 5.86 représente le palier de butée d’une ligne d’arbre de navire. Un rou-
lement à rotule porte le poids de l’arbre et une butée à rotule sur rouleaux transmet la
poussée d’hélice en marche avant à la coque. La rondelle fixe de la butée flotte dans le
carter afin d’éviter tout hyperstatisme radial avec le roulement. Le centre de courbure
de la butée coïncide avec le centre du roulement à rotule afin que de petits mouve-
ments d’inclinaison de l’arbre n’engendrent pas de forces parasites. En marche arrière,
la traction de l’hélice est transmise à la coque par le roulement à rotule; la butée est
alors déchargée et l’effet gyroscopique sur les galets tend à les mettre de travers. On
Chapitre 5 Page 181 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 181

Fig. 5.82 Réducteur d’angle.

(a) (b)

(c)
Fig. 5.83 Montages flottants : (a) jeu dans le bâti; (b) jeu sur l’arbre; (c) jeu dans les roulements à rouleaux
cylindriques.
Chapitre 5 Page 182 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

182 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Fig. 5.84 Butée et palier radial combinés.

Fig. 5.85 Montage d’un galet de guidage sur un axe (Ø 1250 mm).

empêche ce phénomène par une série de ressorts à boudins qui préchargent la butée
avec une force minimale.

5.10.2 Intensité des charges


On a toujours intérêt à diminuer le plus possible les efforts afin de réduire la
taille, la masse et le coût des pièces. Naturellement que les efforts demandés à une
machine lui sont imposés par la nature même du travail qu’elle effectue, il suffit de
penser à des engins de levage, des véhicules ou des machines-outils. En revanche, le
constructeur peut souvent diminuer les efforts internes par une conception judicieuse.

Viser les grandes vitesses


La puissance fournie par un moteur ou transmise par un organe est généralement
imposée par les conditions de fonctionnement. Mais les efforts étant inversement pro-
portionnels à la vitesse, on cherche à augmenter le plus possible cette dernière.
Par exemple, un groupe turbo-électrique américain fonctionnant à 3600 t/min
pour alimenter le réseau à 60 Hz est plus petit à puissance égale qu’en Europe où il
doit tourner à 3000 t/min seulement à cause du réseau à 50 Hz. Les réseaux alternatifs
à bord des avions fonctionnent à 400 Hz, les ventilateurs qu’ils entraînent sont particu-
lièrement petits et légers.
Dans le même ordre d’idées, les moteurs des voitures de courses tournent de plus
en plus vite afin de fournir toujours plus de puissance à cylindrée ou à poids égal.
Chapitre 5 Page 183 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 183

Fig. 5.86 Palier de butée de navire.

Equilibrer les forces parasites


Les forces actives induisent souvent des forces parasites qu’il faut si possible
équilibrer à la source afin de ne pas charger inutilement les organes. Considérons un
embrayage à cône; dans la figure 5.87(a), la charge axiale exercée par les ressorts se
boucle à travers le bâti et charge les butées. Dans la figure 5.87(b), la force se boucle
directement dans l’embrayage sans plus passer par le bâti tandis que la figure 5.87(c)
montre une disposition qui a encore le mérite de doubler le couple transmis parce que
la pression des ressorts s’exerce simultanément sur deux cônes de friction.

(a) (b) (c)

Fig. 5.87 Embrayages à cônes : (a) le ressort s’appuie sur le bâti; (b) la force de serrage se boucle dans
l’embrayage; (c) doubles cônes.

F
F1
M M

Fα– = –F F2 = –F1

(a) (b)

Fig. 5.88 Frein à sabots : (a) un seul sabot charge radialement l’arbre et les paliers; (b) compensation de la
charge radiale par un second sabot.
Chapitre 5 Page 184 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

184 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Les freins à sabots ont généralement deux sabots, habituellement articulés aux
leviers (fig. 5.88); on choisit la position des articulations aux sabots et au bâti de
manière à minimiser, voire annuler, la charge appliquée à l’arbre [5.2].
Les engrenages à denture hélicoïdale exercent une poussée axiale qui charge les
arbres, les paliers et le bâti. On peut l’équilibrer en munissant le pignon d’un boudin
conique qui roule et glisse contre une couronne conique de la roue (fig. 5.89). La pous-
sée axiale se boucle dans l’engrenage lui-même de sorte que les paliers sont tota-
lement déchargés. Mais l’équilibrage n’est opérationnel que si l’engrenage tourne
dans le sens prévu et que le flux d’énergie ne s’inverse pas, comme ce peut être le cas
lors du ralentissement de la machine. C’est pourquoi on prévoit normalement un bou-
din d’appui de chaque côté. Ce dispositif est utile dans les machines puissantes et très
rapides car il permet de supprimer la butée de l’arbre du pignon dont la dissipation
d’énergie est un multiple de la dissipation du boudin.

M1

Fa

Fig. 5.89 Equilibrage de la poussée axiale par un boudin d’appui.

Fn Fn
------ cos α n Ft /2 Ft /2 ------ cos α n
2 2

Fa /2 Fa /2

Fig. 5.90 Equilibrage de la poussée axiale par dentures hélicoïdales opposées.

L’installation de deux dentures hélicoïdales dont les angles d’hélice sont égaux
mais opposés offre un équilibrage parfait, quel que soit le sens de la rotation
(fig. 5.90). Cette disposition offre encore l’avantage de distribuer la puissance trans-
mise sur deux roues. Son application suppose:
• l’exécution symétrique précise des dentures;
• la construction rigide des arbres et du bâti afin que les plans principaux des
roues restent parallèles durant le fonctionnement;
• le montage rigoureusement parallèle des arbres;
Chapitre 5 Page 185 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 185

• l’équilibrage automatique de la force axiale en permettant au pignon et à la


roue de prendre librement la position axiale convenable; on fixe généralement
la roue par rapport au bâti, tandis qu’on laisse le pignon flotter axialement; ce
dernier se centre alors de lui-même sur la denture de la roue; du fait de sa petite
masse, les forces d’inertie parasites axiales provenant des erreurs d’usinage
sont plus faibles que si c’était la roue qui devait se centrer.

Dans le même ordre d’idées, calculons la poussée axiale sur l’arbre intermédiaire
d’un réducteur à dentures hélicoïdales (fig. 5.91). Pour un couple M transmis par
l’arbre intermédiaire,

2M 
Fa1 = tan β1 
d1 
 (5.61)
2M 
Fa2 = tan β 2
d2 

β1
β2
d1 d2
+
M
F –a Fa1 F –a2

Fig. 5.91 Poussée axiale dans l’arbre intermédiaire d’un réducteur.

La poussée résultante exercée sur la butée vaut

 1 1 
Fa = Fa1 ± Fa2 =  tan β1 ± tan β 2  2M (5.62)
 d1 d2 

La poussée est plus petite si les angles d’hélice ont le même sens. On choisit le
plus souvent β1 = β2 :

 1 1
Fa =  ±  2M tan β1 (5.63)
d d2 
 1

La poussée s’annule lorsque

d 
β 2 = arctan  2 tan β1  (5.64)
 d1 
Chapitre 5 Page 186 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

186 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

On verra au paragraphe 8.3.4 comment équilibrer la charge radiale sur les pla-
nétaires des trains d’engrenages épicycloïdaux.

Accroître le bras de levier des couples


La charge transmise par la denture d’un engrenage charge les paliers (fig. 5.92).
Comme elle est inversement proportionnelle au diamètre du pignon, formule (5.53), il
est parfois utile, pour ménager les paliers, de ne pas trop diminuer la taille des pignons
en voulant utiliser des aciers performants coûteux. La situation est analogue pour les
transmissions à friction ou à chaîne.
d1
M1
F –n Fn
α

Fn

M –2

Fig. 5.92 Efforts transmis par un engrenage.

Disposer convenablement les organes


La charge appliquée sur l’arbre intermédiaire d’un réducteur à deux étages est
plus petite si les arbres d’entrée et de sortie sont coaxiaux (fig. 5.93b) que si le
deuxième étage est situé entre eux (fig. 5.93a). Cet effet est mis à profit en micro-
technique pour diminuer les pertes par frottement dans les paliers des trains multipli-
cateurs de vitesse.

M1 F –n2
Fn1 F M1 Fn1
Fn1
Fn1
F –n2
F –n2

F –n2
(a) (b)

Fig. 5.93 Charge F sur un arbre intermédiaire selon la disposition des engrenages : (a) forte charge lorsque
l’arbre intermédiaire est situé entre celui d’entrée et l’arbre de sortie; (b) faible charge lorsque les arbres
d’entrée et de sortie sont coaxiaux.

Eviter les porte-à-faux


Du strict point de vue de la sollicitation des organes, il est toujours judicieux
d’éviter les montages en porte-à-faux. La figure 5.94 montre clairement que le porte-à-
Chapitre 5 Page 187 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 187

faux surcharge le palier B d’autant plus que les paliers sont plus proches, c’est pour-
quoi il faut faire b/a petit en éloignant les paliers. Le moment de flexion dans l’arbre
est aussi plus grand avec un porte-à-faux que si la charge se trouve entre les appuis, ce
qui conduit toujours à des arbres plus lourds. Enfin, remarquons que la charge sur les
paliers ne dépend que des proportions géométriques tandis que le moment de flexion
dépend en plus aussi de la taille des pièces.

M max = bF
b a
--- F F
a F b

A B
B
A a b
b  1 – b--- F
--- F  a
M max = b  1 – --- F
a b
a)  1 + b--- F b)  a
 a
Fig. 5.94 Situation d’une charge radiale appliquée à un arbre : (a) en porte-à-faux; (b) entre paliers.

5.10.3 Efforts intérieurs


La taille des pièces augmente avec les efforts intérieurs, on a donc intérêt à les
réduire pour alléger les constructions. Il faut en principe viser à diminuer le plus pos-
sible, voire à annuler, les moments de flexion et les moments de torsion inutiles en res-
pectant les principes directeurs ci-après que nous empruntons largement à Leyer [5.3].

Ne transmettre les efforts que par les pièces strictement nécessaires


La rigidité d’une construction et sa fiabilité sont d’autant plus élevées qu’il y a
moins de pièces sollicitées. Par exemple (fig. 5.95a), un bras (1) fixé sur un arbre (2)
est mis en mouvement par un vérin (4) relié à un autre bras (3). En donnant au bras (1)
la forme d’un levier (fig. 5.95b), et en y articulant directement le vérin, la torsion de
l’arbre est supprimée, il devient un simple axe dont on peut éventuellement avan-
tageusement rapprocher les paliers.

F
1
2
1 F
3 2 3

4 4

(a) (b)

Fig. 5.95 Transformation d’un arbre en axe : (a) arbre; (b) axe.
Chapitre 5 Page 188 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

188 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Transmettre les efforts en traction ou en compression


Pour éviter un obstacle, une bielle a la forme représentée à la figure 5.96(a). La
force transmise engendre un moment de flexion dont le diagramme est représenté, à
une échelle convenable, par la distance entre la fibre neutre de la bielle et la ligne
d’action de la force. Une bielle droite (fig. 5.96b) n’est sollicitée qu’en traction pure; à
contrainte égale, elle est plus légère.

F F

(a) (b)
F– F–

Fig. 5.96 Bielles : (a) fléchie; (b) en traction.

Les tiges d’une boucle de liaison selon la figure 5.97(a) présentent aussi de la
flexion. Il est avantageux de prévoir une simple bielle droite. (fig. 5.97b)

F– F F– F

(a) (b)

Fig. 5.97 Transmission d’une force : (a) boucle avec flexion; (b) bielle en traction simple.

On supprime totalement la flexion de poutres en recourant à des constructions


triangulées. Dans le cas de poteaux de lignes électriques, par exemple, l’installation
d’un hauban supprime en principe la flexion du poteau (fig. 5.98). C’est pourquoi les
mâts des navires sont fortement haubanés de tous côtés.

F hauban
F

(a) (b)

Fig. 5.98 Sollicitation d’un poteau : (a) en flexion; (b) surtout en compression lorsqu’il est haubané.

Le fonctionnement statique d’un hauban repose sur le fait qu’un triangle de bar-
res articulées est indéformable et que les barres ne sont sollicitées qu’en traction ou en
Chapitre 5 Page 189 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 189

compression. Un rectangle auquel on applique une force selon la figure 5.99(a) se


déforme en parallélogramme. Il devient rigide si on ajoute une barre en diagonale qui
est soit tendue en A-C soit comprimée en B-D avec risque de flambage. Si la charge F
est susceptible de changer de sens, il est bon de prévoir les deux barres diagonales afin
qu’il y en ait toujours une qui soit tendue; la structure devient hyperstatique.

F B C F B C F B C

A D A D A D
(a) (b) (c)

Fig. 5.99 Raidissement de quatre barres articulées : (a) déformation libre; (b) raidissement par une diago-
nale tendue; (c) raidissement par une diagonale comprimée.

La triangulation s’applique pour construire les structures en treillis des poutres


d’engins de levage, des ponts, des pylônes (fig. 5.100).

Fig. 5.100 Poutre en treillis.

Fig. 5.101 Poutres en parois pleines d’un pont roulant.

On remplace souvent les structures en treillis par des parois pleines encore plus
rigides et plus résistantes (fig. 5.101).
On pourrait concevoir de monter les paliers d’une transmission à engrenages sur
des colonnes fixées sur une plaque de base (fig. 5.102a). Mais les forces de denture flé-
chissent les colonnes en agrandissant les entraxes. Il est beaucoup plus correct de
relier les paliers par des barres sollicitées seulement en traction et de poser le tout sur
Chapitre 5 Page 190 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

190 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

(a) (b) (c)

Fig. 5.102 Montage de trois paliers sur une plaque de base : (a) supports indépendants; (b) paliers reliés par
des barres en traction; (c) meilleure assise sur la plaque de base.

la base. Ces barres s’exécutent sous la forme de nervures d’une paroi pleine
(fig. 5.102b et c).

Transmettre les forces par le chemin le plus court


Un cheminement de force tourmenté engendre immanquablement des moments
de flexion, des moments de torsion et du cisaillement. On en a déjà vu des exemples
aux figures 5.95 et 5.96. Les cheminements doivent être directs et les boucles d’efforts
les plus ramassées possibles. On ne peut parfois pas suivre ce principe comme par
exemple dans une presse hydraulique (fig. 5.103) où l’entraxe des colonnes est imposé
par la taille des objets à forger. Cet exemple illustre bien comment les traverses sont
fatalement beaucoup plus massives que les colonnes parce qu’elles sont sollicitées en
flexion.

Fig. 5.103 Presse hydraulique.

Les goujons de fixation du chapeau de palier de la figure 5.104(a) sont trop éloi-
gnés et donnent lieu à un fort moment de flexion, on a dû renforcer le chapeau en le
faisant profond. En rapprochant les goujons au maximum (fig. 5.104b), quitte à empiè-
ter sur le coussinet, le chapeau est plus petit, plus résistant et plus rigide. Les figures
5.105 et 5.106 montrent encore d’autres exemples.
Chapitre 5 Page 191 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 191

(a) (b)

Fig. 5.104 Montage d’un couvercle de palier : (a) goujons trop éloignés; (b) solution compacte.

l1

point d’application de la force

(a)

point d’application de la force


(b)

l2

Fig. 5.105 Montage d’un pignon conique : (a) ancienne construction; (b) construction moderne, porte-à-
faux réduit.

2 2
1 1

l1 F l2 F

(a) (b)

Fig. 5.106 Galet suiveur de came : (a) grand porte-à-faux; (b) construction compacte.
Chapitre 5 Page 192 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

192 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

(a) (b)

Fig. 5.107 Bâti d’un moteur diesel : (a) ancienne construction inspirée des machines à vapeur;
(b) construction soudée compacte.

L’évolution des moteurs est marquée par des constructions de plus en plus com-
pactes. Les premiers moteurs voyaient leur bâti inspiré des machines à vapeur
(fig. 5.107a), puis les bâtis-caissons sont devenus beaucoup plus légers et plus rigides
(fig. 5.107b). On réduit la sollicitation en flexion du vilebrequin et par conséquent
l’épaisseur des bras de manivelles en diminuant la largeur des paliers et en les rap-
prochant (fig. 5.108). La figure 5.109 montre encore une construction particulièrement
compacte.
L’utilisation de roulements est avantageuse car, à capacité de charge égale, ils
sont plus étroits que les paliers lisses. Ils permettent de diminuer les portées et, par
voie de conséquence, aussi les moments de flexion. On évitera, si possible, les porte-à-
faux.

Mettre les appuis en face des forces


Une poulie (4) est montée à l’extrémité d’un arbre (3), en porte-à-faux par rapport
au palier (2) (fig. 5.110a). La traction de la courroie plate fléchit l’arbre. L’inclinaison
de la poulie rend le réglage du parallélisme de la poulie difficile; lorsque la courroie
fonctionne correctement dans un sens de rotation, elle sort toujours latéralement en
tournant dans l’autre sens. On a installé le palier dans le plan médian de la poulie
(fig. 5.110b) en lui donnant un voile conique; le moment de flexion dans l’arbre est
Chapitre 5 Page 193 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 193

a) b)

Fig. 5.108 Vilebrequins de moteurs : (a) ancienne construction; (b) construction compacte.

nul. Le porte-à-faux du palier par rapport au corps du bâti est sans importance car on
peut donner à la chaise la rigidité voulue, le palier (1) est déchargé.
Dans la figure 5.111(a), la composante Fe de la force d’une denture conique passe
par un palier fixe (2). Le palier radial (1) est déchargé, si ce n’est qu’il participe seule-
ment à la transmission de la composante tangentielle de la denture. Une permutation des
paliers (fig. 5.111b) conduit le palier fixe (1) à transmettre encore la composante axiale
Fa de la force Fe et le palier libre (2) la composante radiale. La première disposition a été
adoptée pour les arbres du réducteur illustré à la figure 5.82.

Eviter les déviations abruptes de forces


Toute déviation du cheminement des forces crée des champs de contrainte
indésirables. On sait, par exemple, qu’une poutre courbe fléchie présente, à section
égale, une plus forte contrainte que si la poutre était droite. En outre, les poutres à forte
courbure ont encore une distribution de contrainte défavorable, c’est pourquoi il est
avantageux de donner aux poutres courbes de grands rayons de courbure. Leyer [5.3]
donne encore d’autres exemples intéressants.
La figure 5.112 montre l’assemblage d’un rotor d’alternateur et la figure 5.113 le
boulonnage de la culasse d’un cylindre de compresseur.
Chapitre 5 Page 194 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

194 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

Fig. 5.109 Pompe à pistons.

4
3 4 3

1 2 1 2
(a) (b)
T T

Fig. 5.110 Poulie en bout d’arbre : (a) poulie en porte-à-faux; (b) palier dans la poulie.

Fe
Fe

1 2 1 2

F –a F –a

(a) (b) F –r
F –e
F– r

Fig. 5.111 Paliers pour une roue conique : (a) le palier libre est déchargé; (b) chaque palier transmet une
composante de la force de denture.
Chapitre 5 Page 195 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 195

(a)

(b)

Fig. 5.112 Rotor autoporteur d’un alternateur : (a) rebroussement du cheminement des forces du fait d’un
arbre creux trop petit; (b) cheminement régulier obtenu avec un tambour plus grand.

Le problème des concentrations de contraintes par entailles sera abordé aux


paragraphes 24.3.3 et 24.3.4.

5.10.4 Sens des forces


Les jeux dans les organes de guidage et dans certains assemblages laissent battre
les pièces si les charges transmises changent de sens (fig. 5.114). Cela provoque des
Chapitre 5 Page 196 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

196 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

(a) (b)

Fig. 5.113 Boulonnage d’une culasse : (a) cheminement de force tourmenté; (b) cheminement plus régulier.

chocs bruyants qui détériorent les pièces par matage des surfaces. C’est pourquoi il
faut veiller à ce que les forces de contact ne changent jamais de sens au cours du fonc-
tionnement. On y parvient en superposant à la force F une précharge F0 assez forte
pour que la résultante

F1 = F0 ± F

soit toujours dirigée dans le même sens; il suffit que F0 > F.

G1
G2 Fn Fn–
M1 –
Fa1
F0 ω1

F a2
F
M2– –
Fa1 M1 M2–
Fn– ω1 Fn
F–a2
F1
G1 G2
(a) (b)

Fig. 5.114 Assemblage avec jeu. Fig. 5.115 Charge sur les arbres d’un réducteur :
(a) arbre de la roue faiblement chargé; (b) arbre de la
roue fortement chargé.

Les paliers hydrodynamiques sont instables si le nombre de Sommerfeld (2.42)


est trop petit, c’est pourquoi il faut parfois prendre des dispositions visant à accroître
la charge radiale. La figure 5.115 représente les forces appliquées aux arbres d’un
réducteur à engrenage dont le sens de la rotation du pignon est imposé. En tenant
compte du poids propre des pièces, on voit clairement que la charge Fa2 sur l’arbre de
sortie est plus grande dans la disposition (b) que dans la disposition (a). La première
est donc préférable de ce point de vue. Remarquons en passant que l’arbre du pignon
est soulevé et qu’il faut prévoir la position de l’alimentation en huile de ses paliers en
conséquence. La situation s’inverse en cas de changement du sens de rotation.
Chapitre 5 Page 197 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

EFFORTS STATIQUES 197

5.11 CONCLUSIONS PRINCIPALES

Une force se transmet d’une pièce à une autre, soit par obstacle, soit par frotte-
ment. Elle n’est transmissible par frottement parallèlement à la surface de contact que
si les pièces sont serrées l’une contre l’autre par une force normale. La pièce menante
glisse avec un mouvement accéléré si la force appliquée tangentiellement est supé-
rieure à la force de frottement. Lorsque la vitesse de glissement est imposée, la force
transmise est égale à la force de frottement dynamique.
La force transmissible parallèlement à deux surfaces sans glissement relatif est
au plus égale à la force de frottement au repos, calculée avec le facteur de frottement
statique.
Les solides transmettent des forces d’un point de contact à l’autre des pièces avec
lesquelles ils coopèrent et leur matériau est sollicité par les efforts intérieurs.
L’effort circonférentiel de propulsion transmis au point de contact d’une roue
déforme tangentiellement le bord extérieur de la roue. La surface de contact se
décompose en deux zones: une zone sans glissement, dite zone de collage, située à
l’avant dans le sens de la marche, et une zone de glissement située à l’arrière de la sur-
face de contact. L’effort est transmis dans la zone de glissement seulement. La frontière
entre la zone de collage et celle de glissement se déplace vers l’avant au fur et à mesure
que l’effort transmis augmente; la roue patine lorsque la zone d’adhérence est nulle.
Le facteur d’adhérence des roues croît tout d’abord avec le glissement, passe par
un maximum, puis diminue. Ce phénomène rend la transmission instable, il est à l’ori-
gine de l’emballement de roues motrices ou au blocage de roues freinées. Une roue de
véhicule routier perd tout pouvoir directeur lorsque la force transmise au sol sort du
cercle de frottement.
La transmission de l’effort moteur entre une courroie et une poulie s’effectue le
long de l’arc de glissement élastique situé du côté où la courroie quitte la poulie. Cet
arc croît avec la charge; la courroie patine lorsque l’arc de glissement élastique est égal
à l’arc d’enroulement.
On distingue:
• les efforts actifs qui transmettent de l’énergie;
• les efforts passifs qui ne transmettent pas d’énergie.

Les efforts statiques s’insèrent toujours dans des réseaux bouclés fermés dont
l’étude soigneuse est indispensable pour déceler toutes les pièces qui participent à la
transmission des efforts et pour préparer leur calcul de dimensionnement à la résis-
tance. L’étude se fait selon la démarche suivante (méthode CES):
• étude cinématique;
• étude énergétique;
• étude statique.

En petite et moyenne mécaniques, le poids propre des pièces est habituellement


négligeable face aux efforts statiques actifs. Il ne joue un rôle que dans les réducteurs
de grande puissance ou dans les transmissions lentes à fort couple. En revanche, il faut
tenir compte du poids propre pour construire les rotors et leurs paliers.
Une conception statique saine est en principe isostatique. Les arbres ne doivent
avoir qu’un seul palier fixe axialement, sauf si on recherche une précharge; on se
contente d’un montage flottant si le positionnement axial précis est inutile.
Chapitre 5 Page 198 Lundi, 6. f vrier 2006 2:04 14

198 PRINCIPES SCIENTIFIQUES DE LA CONSTRUCTION MÉCANIQUE

On a intérêt à diminuer l’intensité des efforts statiques chargeant les pièces afin
de réduire leur taille et de les alléger. C’est pourquoi il faut travailler à des vitesses éle-
vées. Mais il n’est pas toujours judicieux de trop diminuer le diamètre d’un pignon, car
l’accroissement de la force de denture qui en résulte charge les paliers en abrégeant la
longévité des roulements.
Les forces utiles au fonctionnement d’un mécanisme sont souvent accompagnées
de forces parasites qui chargent inutilement les organes; par exemple, la composante
axiale de la force transmise par une denture hélicoïdale ou la force de pression néces-
saire pour obtenir un effort de frottement. Il faut judicieusement annuler, ou pour le
moins diminuer, l’effet d’une force parasite en l’équilibrant par une force opposée.
Un organe provoquant un effort radial important ne devrait pas être monté sur un
arbre en porte-à-faux afin de ne pas surcharger le palier situé de son côté.
Il faut veiller à réduire les efforts intérieurs dans les pièces :
• ne transmettre que les efforts strictement nécessaires;
• transmettre les forces par des pièces en traction;
• transmettre les forces par le chemin le plus court afin de diminuer ou même
d’éviter les efforts de flexion;
• tracer les pièces de manière à éviter les concentrations de contrainte.

Les forces ne devraient jamais changer périodiquement de sens afin que les
pièces ne battent pas dans les jeux; il faut, si nécessaire, prévoir une précharge.
Chapitre 6 Page 199 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

CHAPITRE 6

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ

6.1 INTRODUCTION

Toutes les pièces et structures se déforment sous l’effet des charges appliquées.
Les déformations sont nuisibles lorsqu’elles perturbent le fonctionnement des
mécanismes, notamment en permettant des vibrations. En revanche, elles sont mises à
profit pour créer des précontraintes, répartir des efforts, amortir des chocs et stocker de
l’énergie.
Les déformations sont étroitement liées aux propriétés des matériaux. On sou-
haite le plus souvent qu’elles soient réversibles, c’est pourquoi on veille que les maté-
riaux ne soient sollicités que dans le domaine élastique. Dans de rares cas, on les laisse
travailler dans le domaine plastique.
Ce chapitre ne traite pas le calcul des déformations qui se trouve dans les
ouvrages de résistances des matériaux classiques. En revanche, il est orienté vers le
calcul de la rigidité de quelques éléments de machines et donne des règles de concep-
tion de structures rigides ou souples.
Le chapitre est structuré comme suit:
• Section 6.2 Définition de base, caractéristiques de déformations et rigidité.
• Section 6.3 Calcul de la rigidité résultant de la combinaison de plusieurs élé-
ments déformables.
• Section 6.4 Calcul de la rigidité de divers éléments de machines, analyse de
leurs propriétés.
• Section 6.5 Présentation de règles de construction de structures rigides ou
souples.
• Section 6.6 Structures à rigidité contrôlée.
• Section 6.7 Conclusions principales.

La matière de ce chapitre forme la base de l’étude des systèmes précontraints


(chap. 7), de l’analyse de la distribution de forces (chap. 8), de l’établissement des
modèles dynamiques (chap. 13) et du calcul dynamique des machines (chap. 15, 17, 18).

6.2 DÉFORMATION, RIGIDITÉ

Appliquons deux forces égales et opposées, F et F –, aux points A et B d’un


solide quelconque, simple pièce ou structure compliquée (fig. 6.1). La distance entre
les points s’allonge de la quantité f, appelée communément déformation. La charge est
liée à la déformation par la fonction
Chapitre 6 Page 200 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

200 CONCEPTION DES MACHINES

F = F (f ) (6.1)

appelée caractéristique force-déformation du système. Selon l’allure de cette fonc-


tion (fig. 6.2), on distingue les caractéristiques linéaires (courbe 1), progressives
(courbe 2) ou dégressives (courbe 3).

F–
Α
B B
'
F
f

Fig. 6.1 Déformation d’une pièce soumise à deux forces en équilibre.

F
2
1

f
0

Fig. 6.2 Caractéristiques force-déformation.

La déformation d’un élément est conditionnée par le comportement de son


matériau et par sa géométrie. Dans le domaine élastique, la déformation obéit à la loi
de Hooke, elle est réversible. On observe qu’elle augmente considérablement lorsque
le matériau entre dans le domaine plastique (fig. 6.3); il subsiste alors une déformation
résiduelle frés après décharge, car le matériau est écroui. Lors d’une nouvelle sollici-
tation, la pièce se comporte selon la courbe ABC. Sauf quelques cas particuliers, on ne
tolère habituellement aucune déformation permanente, c’est pourquoi les matériaux
sont normalement sollicités seulement dans le domaine élastique.
F

B C

A
f
0 frés rupture
Fig. 6.3 Caractéristique charge-déformation.
Chapitre 6 Page 201 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 201

L’écrouissage est mis à profit pour augmenter la limite apparente d’élasticité, par
exemple pour les aciers à ressort et certains profilés. Mais il ne faut jamais perdre de
vue qu’un acier fortement écroui aura ensuite un comportement fragile avec tous ses
inconvénients (§ 23.3.2).
Les polymères ont un comportement très différent. Leur résistance et leur module
d’élasticité diminuent très vite à température croissante, ils n’obéissent pas à la loi de
Hooke comme le montre l’exemple de la figure 6.4 pour un polyamide; il présente du
fluage. Mais on simplifie habituellement les calculs, à basse contrainte, en supposant
quand même un comportement linéaire avec un module d’élasticité moyen [6.1].

Fig. 6.4 Courbes de traction statique de PA 6 selon [BASF].

On observe que des polymères soumis à des charges rapidement variables, par
exemple lors de vibrations ou dans les courroies, présentent des déformations nettement
plus petites que s’ils étaient soumis statiquement aux mêmes charges (fig. 6.5). Le
module d’élasticité dynamique s’exprime en fonction du module d’élasticité statique:
Chapitre 6 Page 202 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

202 CONCEPTION DES MACHINES

rapide lent

Edyn
E

ε
0

Fig. 6.5 Rigidité de polymères selon la vitesse des sollicitations.

Edyn = ψ d E (6.2)

Le facteur ψd vaut environ 3 pour les polyamides, 1,1 pour du caoutchouc d’une
dureté de 35 sh (shore) et 1,4 à 95 sh dans le domaine de fréquence des modes pro-
pres de suspension de véhicules; il vaut 2 à 3 aux fréquences acoustiques de quelques
centaines de hertz.
Il convient de tenir compte de ces différences de rigidité dans le calcul dynamique
des éléments de machines. On déterminera, par exemple, l’allongement d’une courroie
par la tension de pose à l’aide du module d’élasticité statique en tenant compte de l’in-
fluence de la contrainte sur E. Mais on fera intervenir le module d’élasticité dynamique
pour calculer le glissement élastique en service; on tiendra compte encore d’autres
valeurs empiriques du module d’élasticité, plus basses que le module dynamique, pour
le calcul des contraintes de flexion.
On observe que des métaux soumis à des chocs présentent apparemment une
rigidité dynamique plus élevée, tout comme si le métal n’avait pas le temps de se
déformer au passage de l’onde de choc.

P k
F

ks

f
0 f

Fig. 6.6 Rigidité tangente et rigidité sécante.


Chapitre 6 Page 203 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 203

La rigidité est par définition

dF
k = (6.3)
df

Au point P d’une caractéristique de déformation non linéaire (fig. 6.6), on a la


rigidité tangente.
On définit aussi la rigidité sécante

F
ks = (6.4)
f

La rigidité tangente et la rigidité sécante ont la même valeur dans un système


dont le comportement est linéaire. En revanche, k > ks dans un système progressif et
k < ks dans un système dégressif. La rigidité tend vers zéro lorsque le matériau passe
en état de déformation plastique.

P k

Fig. 6.7 Rigidité, compliance.

La compliance ou souplesse est l’inverse de la rigidité (fig. 6.7). On distingue


aussi la compliance tangente

1
λ = (6.5)
k

et la compliance sécante

1
λs = (6.6)
ks

Appliquons un couple d’intensité M à un solide quelconque, on observe une


déformation angulaire ϕ. Il existe une relation caractéristique de déformation

M = M (ϕ ) (6.7)
Chapitre 6 Page 204 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

204 CONCEPTION DES MACHINES

La rigidité angulaire ou rigidité de torsion du système vis-à-vis du couple


appliqué est
dM
kθ = (6.8)

Dans un système non linéaire, on distingue la rigidité angulaire sécante


M
kθs = (6.9)
ϕ

6.3 COMBINAISONS D’ÉLÉMENTS DÉFORMABLES

6.3.1 Eléments en parallèle


Un montage est constitué de n éléments déformables montés en parallèle dont les
rigidités sont k1, k2 ..., kn (fig. 6.8a). Le système est sollicité par une force F qui se
répartit entre les divers éléments, mais tous subissent la même déformation f. On se
propose de représenter l’ensemble des éléments par un seul élément équivalent qui
aurait le même comportement force-déformation (fig. 6.8b).

k1

ki
F– F F– k F

kn
f

f
(a) (b)

Fig. 6.8 Equivalence d’éléments déformables en parallèle : (a) système; (b) élément équivalent.

En supposant un comportement linéaire, la force appliquée à chaque élément vaut

Fi = ki f (6.10)

La somme des forces est naturellement égale à la force totale transmise

n n
F = ∑ ki f = f ∑ ki (6.11)
1 1

L’élément équivalent doit avoir une rigidité k telle que

F = kf (6.12)
Chapitre 6 Page 205 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 205

En comparant ces dernières expressions, on a immédiatement

n
k = ∑ ki (6.13)
1

Par (6.10), on obtient la force transmise par un élément individuel

ki ki
Fi = F= n
F (6.14)
k
∑ ki
1

En conclusion, pour des éléments disposés en parallèle:


• tous les éléments subissent la même déformation;
• la rigidité équivalente est égale à la somme de leur rigidité;
• un élément participe à la transmission de la charge appliquée au système dans
le rapport de sa rigidité à la rigidité totale;
• un élément nettement plus rigide que les autres détermine la rigidité de
l’ensemble, il transmet la plus grande partie de la charge.

Ces conclusions sont aussi valables pour des éléments non linéaires, à condition
de distinguer la rigidité locale ou tangente de la rigidité sécante. La charge totale se
répartit alors selon les rigidités sécantes:

ksi
Fi = n
F (6.15)
∑ ksi
1

Une variation de charge se répartit en revanche selon les rigidités tangentes:

ki
d Fi = n
dF (6.16)
∑ ki
1

Les considérations ci-dessus s’appliquent aussi aux éléments sollicités en torsion.

6.3.2 Eléments en série


Considérons maintenant un système constitué de n éléments déformables dispo-
sés en série du point de vue de la force (fig. 6.9a). Ils transmettent tous la même force,
mais leurs déformations s’ajoutent.
La déformation de chaque élément est
F
fi = (6.17)
ki
Chapitre 6 Page 206 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

206 CONCEPTION DES MACHINES

F– k1 ki kn F F– k F

f f
(a) (b)

Fig. 6.9 Equivalence d’éléments déformables en série : (a) système; (b) élément équivalent.

et la déformation totale vaut

n n
∑ ∑ ki
1
f = fi = F (6.18)
1 1

La déformation de l’élément équivalent étant

F
f = (6.19)
k

on obtient, en égalant ces expressions,

n
∑ ki
1 1
= (6.20)
k
1

donc
1
k = n
(6.21)


1
ki
1

Par définition de la compliance (6.5), l’expression (6.20) peut aussi s’écrire

n
λ = ∑ λi (6.22)
1

La déformation d’un élément est, avec (6.19),

F k λ
fi = = f = i f (6.23)
ki ki λ

En conclusion, pour des éléments disposés en série :


• tous les éléments transmettent le même effort;
• la compliance équivalente est égale à la somme de leur compliance;
• un élément participe à la déformation totale dans le rapport inverse de sa rigi-
dité à la rigidité résultante, ou dans le rapport de sa compliance à la compliance
totale;
Chapitre 6 Page 207 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 207

• un élément nettement plus souple que les autres détermine la compliance de


l’ensemble.

6.3.3 Systèmes mixtes


On rencontre des systèmes de plusieurs ressorts dont certains sont montés en
série et d’autres en parallèle. La rigidité résultante se calcule par combinaison des for-
mules développées dans les paragraphes précédents. Ces montages ont souvent pour
but d’obtenir des caractéristiques progressives. La figure 6.10(a) montre trois ressorts
montés en série. Tant que la charge est inférieure à FI = k1 h1, la force est transmise par
les trois ressorts et la rigidité est telle que

1 1 1 1
= + +
k k1 k2 k3

Lorsque FI < F ≤ FII (FII = k2 h2), la charge est transmise par les ressorts (2) et
(3). Enfin, la charge n’est transmise que par le ressort (3) lorsque F > FII. La caracté-
ristique du système est une ligne brisée progressive (fig. 6.10b).
On obtient un résultat analogue avec des ressorts montés en parallèle (fig. 6.11).

F
F
k1
h1 k3
f
k2 h2 k2
III
FII
k3 k1
FI II
I
0 h1 h2 f1 f2 f
(a) (b)

Fig. 6.10 Montage de trois ressorts en série à courses limitées : (a) disposition; (b) caractéristique.

F
k1
h1
k2 h2
f
k3

Fig. 6.11 Montage de trois ressorts en parallèle.


Chapitre 6 Page 208 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

208 CONCEPTION DES MACHINES

6.4 RIGIDITÉ D’ÉLÉMENTS DIVERS

6.4.1 Poutres

Sollicitation par une force


Une poutre sollicitée en traction simple (fig. 6.12) dont le matériau obéit à la loi
de Hooke s’allonge de la quantité

l
f = F
EA

et sa rigidité vaut

dF EA
k = = (6.25)
df l

Le produit EA du module d’élasticité du matériau par l’aire de la poutre est


appelé module de rigidité.

A
f
F– F
l l
f

Fig. 6.12 Poutre en traction simple. Fig. 6.13 Poutre encastrée fléchie.

En négligeant l’effet du cisaillement, la flèche d’une poutre sollicitée en flexion


par une force est donnée par

l3
f = F
CE I

avec:
C facteur numérique qui dépend des appuis et de la position de la charge
E module d’élasticité
F force orthogonale à la fibre neutre
I moment quadratique de surface
l longueur de la poutre entre appuis

Sa rigidité à la flexion vaut

CE I
kf = (6.26)
l3
Chapitre 6 Page 209 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 209

Comparons la rigidité en flexion à la rigidité en traction:

kf C I
= 2 (6.27)
k l A

Pour une poutre encastrée (fig. 6.13) où C = 3 et de section rectangulaire b × h,


on trouve, par exemple,

kf 1  h2 (6.28)
=  
k 4  l

Ce résultat démontre le fait d’expérience courante que la rigidité en flexion est


beaucoup plus petite qu’en traction-compression. Par exemple, pour l = 10h,
kf = 1/400 k.
On pourrait encore analyser de nombreux autres cas de flexion, on arrive toujours
aux conclusions générales suivantes:
• la rigidité à la flexion d’une poutre est proportionnelle à son moment quadra-
tique de surface;
• la rigidité à la flexion d’une poutre est inversement proportionnelle au cube de
sa longueur.

Sollicitation par un moment


Considérons maintenant une poutre sollicitée par un moment de flexion pur
(fig. 6.14). La rotation d’une extrémité par rapport à l’autre vaut

l
β = M
EI

Par conséquent, la rigidité en flexion vaut

dM EI
kθ = = (6.29)
dβ l

M M–t
M–
β
Mt

Fig. 6.14 Poutre en flexion simple. Fig. 6.15 Poutre en torsion pure.
Chapitre 6 Page 210 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

210 CONCEPTION DES MACHINES

Les extrémités d’une poutre tordue par un moment de torsion (fig. 6.15) tournent
l’une par rapport à l’autre d’un angle

l
ϕ = Mt
G It

où It est le moment quadratique en torsion et G le module de glissement du matériau.


La rigidité à la torsion est simplement

G It
kt = (6.30)
l

Comparons les rigidités d’une même poutre:

kt G It
= (6.31)
kθ E I

On sait que le module de glissement est lié au module d’élasticité par la relation

E
G = (6.32)
2 (1 + µ )

où µ est le coefficient de Poisson. Il vient

kt 1 It
= (6.33)
kθ 2 (1 + µ ) I

Dans le cas d’une section circulaire, pleine ou creuse, It = Ip = 2I et

kt 1
= (6.34)
kθ 1 + µ

Pour de l’acier, la rigidité en torsion est 1,3 fois plus petite qu’en flexion. Ce rap-
port s’accentue encore pour tout autre profil; par exemple, pour une section
rectangulaire avec h = 2b, on a kt = kθ / 3,8. Dans le cas d’un profil laminé PB 100,
kt = kθ / 125.

Conclusions
• La rigidité des poutres est la plus forte lorsqu’elles sont sollicitées en traction
ou en compression.
• La rigidité est proportionnelle à la section ou au moment quadratique.
• La rigidité angulaire d’une poutre est plus petite en torsion qu’en flexion.
• La rigidité est proportionnelle au module d’élasticité du matériau.
• La rigidité diminue énormément et s’annule pratiquement en cas de plastifi-
cation du matériau.
Chapitre 6 Page 211 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 211

6.4.2 Contacts plans


Une pièce (2) supposée infiniment rigide est appliquée sur une plaque épaisse
reposant elle-même sur une base infiniment rigide (fig. 6.16). La pièce s’enfonce dans
la surface de la plaque comme on peut l’observer facilement dans le cas d’un objet
posé sur du sable. La pression de contact, maximale au milieu de la surface d’appui,
diminue vers le bord.

F F
–p
2 p A
f
1

(a) (b)

Fig. 6.16 Enfoncement d’une pièce dans une plaque : (a) champ de force; (b) modèle de calcul.

Le calcul de la distribution de la pression et des déformations est difficile, il a


surtout été développé en mécanique des sols. Admettons pour simplifier (fig. 6.16b)
que la pression soit uniformément répartie sur la surface d’appui d’aire A et qu’elle
comprime une colonne imaginaire de même section. La déformation de la colonne est
donnée par la loi de Hooke:

h p
f0 = F = h (6.35)
EA E

L’enfoncement réel f est plus petit que la déformation théorique parce que la
colonne est encastrée dans la plaque. On écrit

h p
f = ψ F = ψ h = ψ f0 (6.36)
EA E

Le facteur de correction ψ est plus petit que l’unité, il dépend de la forme de la


surface d’appui, des proportions géométriques et du coefficient de Poisson.
Dans le cas d’une surface circulaire de diamètre D et d’un métal avec µ = 0,3, on
a, par exemple,
D = 20 h ψ = 0,55
D=2h ψ = 0,65
On voit toute l’importance de l’effet d’encastrement. La rigidité de la plaque vis-
à-vis de l’écrasement vaut

EA
k = (6.37)
ψh
Chapitre 6 Page 212 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

212 CONCEPTION DES MACHINES

Cette formule suggère d’augmenter l’aire apparente de contact pour accroître la


rigidité d’un appui. Mais l’élargissement d’une plaque de base lui confère de la sou-
plesse qui la fléchit selon la figure 6.17 de sorte que la pression de contact réelle est
beaucoup plus forte que ne le laisse supposer la taille de l’appui. On égalise la pression
en raidissant la semelle par deux goussets (fig. 6.18) qui distribuent la charge sur la
semelle et accroissent considérablement la rigidité du pied.

F F

A1

p p

(a) (b)

Fig. 6.17 Pression de contact sous une semelle : (a) étroite et rigide; (b) large et souple.

goussets

Fig. 6.18 Semelle raidie par deux goussets.

6.4.3 Contacts hertziens


On se limite à une étude comparative des cas les plus fréquents en mécanique.

Contact extérieur de deux sphères


La théorie de Hertz permet de calculer la déformation de solides en contact ponc-
tuel dans le domaine de comportement élastique des matériaux. Soit R1 et R2 le rayon
de deux sphères, E1 et E2 les modules d’élasticité et µ1, µ2, les coefficients de Poisson
de leur matériau. Les centres de sphères chargées par une force F se rapprochent de

2
3 9  1 ± µ12 1 − µ 22   1 1  2
f =  +   + F (6.38)
16  E1 E2   R1 R2 
Chapitre 6 Page 213 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 213

Pour des matériaux dont le coefficient de Poisson vaut 0,3;

3 F2
f = 1, 231 (6.39)
RE 2

avec le module d’élasticité réduit

2E1 E2
E = (6.40)
E1 + E2

et le rayon réduit R tel que

1 1 1
= + (6.41)
R R1 R2

Dans le cas particulier d’une bille de rayon R1 sur un plan, R2 = ∞ et R = R1.


On tire de (6.39) la force en fonction de la déformation

E R 3/ 2
F = f (6.42)
1, 365

La caractéristique force-déformation est progressive. Calculons la rigidité tan-


gente

dF 3 E R 1/ 2
k = = f (6.43)
df 2 1, 365

et la rigidité sécante

F E R 1/ 2
ks = = f (6.44)
f 1, 365

Le rapport des rigidités est constant et vaut

k 3
= (6.45)
ks 2

Il est parfois opportun de connaître la rigidité tangente en fonction de la charge.


Portons (6.39) dans (6.43), on trouve

3
k = 1, 219 R E 2 F1/ 3 (6.46)
Chapitre 6 Page 214 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

214 CONCEPTION DES MACHINES

Cylindre sur un plan


La déformation ne peut pas se calculer par la théorie de Hertz. Palmgreen donne
un résultat empirique pour de l’acier:

F 0,9
f = 1, 53 × 10 ±10 [m] (6.47)
b 0,8

où F est la charge exprimée en [N] et b la longueur de la ligne de contact en [m].


La référence [6.2] cite Kunert et Lundberg, qui, en se basant sur l’expérience et
sur une étude théorique, donnent comme résultat

F 0,925
f = 1,14 × 10 ±10 (6.48)
b 0,85

Ces expressions sont voisines, toutes deux contiennent le fait remarquable que la
déformation est indépendante du rayon du cylindre.
En procédant comme pour la bille, on trouve avec la première formule

F = 8, 052 × 1010 b 8/ 9 f 10 / 9 (6.49)

puis

k = 8, 947 × 1010 b 8/ 9 f 1/ 9 (6.50)

ks = 8, 052 × 1010 b 8/ 9 f 1/ 9 (6.51)

k 1
= (6.52)
ks 0, 9

et la rigidité en fonction de la charge

k = 7, 263 × 10 9 b 0,8 F 0,1 (6.53)

Conclusions
L’évaluation numérique et l’étude des formules conduisent aux résultats géné-
raux suivants (fig. 6.19) et (fig. 6.20) :
• la déformation locale de pièces en contact hertzien croît moins vite que la
charge appliquée (caractéristique progressive) parce que la surface de contact
effective augmente avec la force et répartit la charge sur une surface de plus en
plus grande;
• les rigidités sont nulles à charge nulle;
• la rigidité tangente augmente lorsque la charge croît;
• les rigidités et la charge admissible sont beaucoup plus grandes en cas de
contact linéaire qu’en cas de contact ponctuel.
Chapitre 6 Page 215 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 215

F
[N]

500
b = 10 mm
400
acier
300

200 R = 5 mm

100

f
0 1 2 3 4 [µm]

Fig. 6.19 Relation force-déformation d’un cylindre et d’une sphère sur un plan.

k
[N/m]
× 106
300

acier b = 10 mm
200

R = 5 mm
100

F
0 100 200 300 400 500 [N]

Fig. 6.20 Rigidité d’un cylindre et d’une sphère sur un plan.

6.4.4 Paliers
Les roulements à billes ou à galets présentent les caractéristiques typiques des
contacts hertziens (fig. 6.21) et (fig. 6.22). A alésage et diamètre extérieur égaux, les
roulements à galets, à aiguilles ou à tonnelets sont plus rigides que les roulements à
billes; ils supportent aussi des charges plus élevées. Pruvot a développé des formules
pratiques pour évaluer la rigidité des roulements [6.3].
A charge égale, la rigidité d’un roulement à billes croît comme d1/3 et celle d’un
roulement à galets comme d 0,8 (d est l’alésage du roulement). Pour un même alésage,
la rigidité d’un roulement à aiguilles est plus forte que celle d’un roulement à galets
parce qu’il possède un plus grand nombre de corps roulants.
On accroît la rigidité d’un palier à roulements en disposant plusieurs roulements
en parallèle. On peut augmenter la rigidité de roulements vis-à-vis d’une charge en les
préchargeant (§ 7.6.6).
Chapitre 6 Page 216 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

216 CONCEPTION DES MACHINES

Fig. 6.21 Déformation radiale de roulements de 50 mm d’alésage.

Fig. 6.22 Déformation axiale de roulements de 50 mm d’alésage.

La rigidité des paliers lisses à lubrification hydrodynamique dépend de la posi-


tion de l’arbre dans le coussinet. Elle est très faible lorsque l’arbre est parfaitement
centré, au point que le palier se comporte comme s’il avait du jeu lorsqu’on lui
applique une charge, elle augmente très rapidement avec l’excentricité (fig. 9.23b).
L’influence de la rigidité des rotors sur leur vitesse critique sera examinée au para-
graphe 18.2.2 et les problèmes de stabilité au paragraphe 18.2.4. On accroît la rigidité
des paliers hydrodynamiques par une construction multilobes (§ 18.2.4).
Les paliers hydrostatiques ont une forte rigidité lorsque l’arbre est centré; elle
diminue avec l’excentrage. La valeur de la rigidité dépend du nombre de poches et du
mode d’alimentation. Le lecteur intéressé se reportera à la littérature spécialisée.
La rigidité des paliers magnétiques est ajustable comme pour tous les systèmes
asservis (§ 6.4.8).
Chapitre 6 Page 217 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 217

6.4.5 Dentures
Rigidités des dentures
La force normale de denture d’un engrenage déforme les dents en prise. La
déformation d’une paire de dents résulte de l’addition des déformations suivantes:
• flexion de chaque dent (moment de flexion et cisaillement);
• écrasement hertzien sur la ligne de contact.

La somme des déformations est représentée par un ressort porté par la ligne
d’engrènement (fig. 6.23) dont la rigidité est kp Cette rigidité varie avec la position du
point de contact sur le flanc des dents (fig. 6.24); s’il s’éloigne du pied de la dent (11),
la déformation de flexion de cette dent augmente tandis que celle de la dent (12) dimi-
nue. La rigidité évolue pratiquement selon une parabole le long de la ligne d’engrène-
ment. On l’a représentée en fonction de l’arc de base (fig. 6.25).
On sait qu’une deuxième paire de dents vient en prise avant que la première perde
le contact (fig. 6.24), de sorte que la rigidité kp2 de la deuxième paire, en parallèle avec
la première, s’ajoute à kp1 pour donner la rigidité d’engrènement

r b1

1
kp

r b2

Fig. 6.23 Modèle représentant la déformation d’une paire de dents en prise.

g
pb
O1

E2
C
11
21 12
22
E1

O2

Fig. 6.24 Engrènement.


Chapitre 6 Page 218 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

218 CONCEPTION DES MACHINES



kp1 kp2

sb
pb

Fig. 6.25 Rigidité des dentures et rigidité d’engrènement le long d’un cercle de base.

kγ = kp1 + kp2 (6.54)

Cette rigidité évolue de manière discontinue et donne lieu occasionnellement à


des vibrations paramétriques (sect. 17.6). Les normes de calcul des engrenages don-
nent la rigidité moyenne d’engrènement

(
kγ = 16 × 10 9 ε γ ± 0, 2 ) Eacier
E
b (6.55)

et la rigidité moyenne d’une paire de dents en prise unique

(
kp = 15 × 10 9 ε γ ± 0, 54 ) Eacier
E
b (6.56)

avec:
εγ rapport de conduite total (apparent + recouvrement)
E module d’élasticité réduit selon la formule (6.40)
b largeur des dentures [m]

Ces formules sont approximativement aussi valables pour des dentures hélicoï-
dales jusqu’à β = 45°. Il est remarquable que la rigidité d’engrènement soit indé-
pendante du module de l’engrenage.

Arbre équivalent
Il est intéressant de comparer la rigidité des dents d’un pignon à celle de l’arbre qui le
porte. Pour cela, répartissons la rigidité moyenne d’engrènement sur la roue et sur le
pignon. Chaque élément a la rigidité moyenne 2kγ dont la mise en série donne kγ (fig. 6.26).
Réduisons la rigidité de la denture à l’arbre. On a le moment de la force de denture

1
M = d1 Fn cos α
2
Chapitre 6 Page 219 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 219

– Fn
2kγ
α

1
d
d

le b

Fig. 6.26 Longueur d’arbre équivalente d’une dent.

et la rotation du pignon correspondant à la déformation f de ses dents

2
ϕ = f
d1 cos α

La rigidité vue de l’arbre vaut alors

2 2
M  d cos α  Fn  d cos α 
k* = =  1  =  1  2kγ
ϕ  2  f  2 

Le diamètre de l’arbre étant d, cherchons la longueur l e pour laquelle la rigidité


de torsion est égale à la rigidité réduite de la dent. La rigidité de l’arbre équivalent vaut

π Gd 4
kte =
32 l e

En égalant ces deux dernières expressions, on en tire

le π d3 1
= G
d 16 cos 2 α d12 kγ

Pour un engrenage droit en acier et un rapport de conduite εγ = εα = 1,65,


kγ = 23,2 × 109 b. Introduisons encore la largeur de denture relative du pignon

b
ψd =
d1

Il vient, avec G = 80 × 109 N / m2 et α = 20°,


Chapitre 6 Page 220 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

220 CONCEPTION DES MACHINES

3
le 0, 77  d 
=   (6.57)
d ψ d  d1 

Dans les exécutions usuelles, ψd = 0,4 à 1,2 et d1/d = 1,2 à 2. Alors

le
= 0, 08 ... 1,1
d

Ce rapport est encore beaucoup plus petit pour une roue. En conclusion, les
arbres étant généralement plus longs que l e , la rigidité des dentures d’engrenages est
beaucoup plus grande que celle des arbres qui les portent. Cette constatation permet
le plus souvent de simplifier la modélisation dynamique des engrenages. On peut :
• calculer les charges dynamiques de résonance d’engrenages en les découplant
des arbres (facteur de charge dynamique Kv) (fig. 6.27a);
• calculer la rigidité des transmissions à engrenage en ne tenant compte que des
arbres et en négligeant la déformation des dents (fig. 6.27b).

libre k1


kγ = ∞

libre

k2

(a) (b)
Fig. 6.27 Modélisation des rigidités d’un engrenage : (a) pour la dynamique de l’engrenage; (b) pour la
dynamique du groupe.

6.4.6 Transmission par frottement


Le comportement d’une liaison par frottement a été étudié en détail (§ 2.3.4
et 5.3.2). La transmission d’une force tangentielle provoque des microglissements par-
tiellement irréversibles. En admettant pour simplifier que les microglissements sont
proportionnels à la force, modèle de Dahl, on a la rigidité de glissement par (2.30)

T0
kg = (6.58)
δ0

T0 est la force tangentielle de démarrage du glissement macroscopique et δ0 est le mi-


croglissement au démarrage. Comme cette dernière valeur est comprise entre 5 et 8 µm
quelle que soit T0, la rigidité est proportionnelle à la charge transmissible. Elle vaut,
par exemple, (12,5 à 20) × 106 N/m pour T0 = 100 N.
La rigidité est nulle pendant le glissement (fig. 6.28).
Chapitre 6 Page 221 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 221

kg

δ
0 δ0

microglissement glissement

Fig. 6.28 Rigidité tangentielle d’une liaison par frottement.

6.4.7 Vérins
Le comportement d’un vérin est fondamentalement différent, selon qu’il est en
communication avec sa source de fluide ou que sa conduite d’alimentation est fermée.

Vérin alimenté à pression constante


Considérons un vérin à double effet (fig. 6.29) dont le tuyau (3) est en commu-
nication avec une source de fluide sous pression et le tuyau (4) relié à l’échappement.
La pression p1 s’exerce sur la surface A1 du piston et la pression p2 sur la surface A2 du
côté de la tige. Supposons que les pressions soient constantes, c’est-à-dire qu’on
néglige les pertes de charge dans la tuyauterie et dans les organes de distribution. Le
fluide exerce sur le piston la poussée

Fp = A1 p1 ± A2 p2

3 4

Fp F–
F f–
υ
p1 p2
x
A1 A2 0

Fig. 6.29 Schéma d’un vérin, sens des forces de frottement pour la sortie de la tige.

La force de frottement dans les joints de piston et de tige est toujours opposée
au mouvement du piston de sorte que la force à la tige dépend du sens du mouvement.
Supposons que le piston soit arrêté en une position x0 (fig. 6.30). Pour le mettre
en mouvement par la pression du fluide, il faut vaincre la force de frottement de
démarrage Ff0, puis le frottement prend sa valeur dynamique Ff. Le vérin peut exercer
la force

F = Fp ± Ff (6.59)
Chapitre 6 Page 222 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

222 CONCEPTION DES MACHINES

F
Ff
Fp
Ffo Ff
F

x
0 xmax
tige rentre tige sort
x0

Fig. 6.30 Force de tige d’un vérin.

Pour repousser la tige, il faut lui appliquer la force extérieure

F = Fp + Ff (6.60)

La force de tige devrait être indépendante du sens du mouvement, c’est pourquoi


les constructeurs s’efforcent de diminuer le plus possible le frottement de leurs
appareils. Pour de bons vérins, le frottement représente seulement 1 à 2% de la force
nominale.
La rigidité à la tige du vérin

dF
k = (6.61)
dx

est grande au repos et nulle lorsque le piston est en mouvement. Du point de vue de sa
rigidité, un vérin alimenté se comporte comme une transmission de force par frot-
tement.

Vérin non alimenté


Fermons le robinet d’alimentation du vérin (fig. 6.31), le fluide est emprisonné
entre ce robinet et le piston. Une variation dF de la force appliquée à la tige comprime
le fluide qui permet un mouvement d f du piston. Les mouvements sont généralement
assez rapides pour qu’on puisse admettre que la compression est adiabatique.
Le coefficient de compressibilité adiabatique d’un fluide est par définition

1 dV
κa = ± (6.62)
V dp

Calculons la variation de la force sur la tige en fonction de son enfoncement:

1 dV
dF = A1 dp = ± A1
κa V
Chapitre 6 Page 223 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 223


p
V1

V0
F

f
x
0 x

Fig. 6.31 Vérin non alimenté.

Mais dV = – A1 df, alors

1 A12
dF = df
κa V

La rigidité du vérin relative à la compression du fluide vaut

dF 1 A12
kp = =
df κa V

Le volume du fluide participant à la compression se compose de l’espace mort V0,


vérin et tuyauterie, et du volume A1 x libéré par la course du piston:

V = V0 + A1 x

Introduisons cette valeur dans l’expression de la rigidité et simplifions par A1 :

A1
kp =
V 
κ a  0 + x
 A1 

Le gonflement du cylindre sous l’effet de la pression et la compression de la tige


ont pour effet de diminuer la rigidité globale du vérin, l’effet dominant étant celui du
cylindre. On exprime ce phénomène par un facteur de correction K:

A1
kp = Κ (6.63)
 V0 
κa  + x
 A1 
Chapitre 6 Page 224 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

224 CONCEPTION DES MACHINES

Les développements ci-dessus et spécialement la formule (6.63) suggèrent les


conclusions suivantes:
• A poussée égale, un vérin fonctionnant à basse pression est plus gros que s’il
fonctionne à haute pression, car A1 = F/p; sa rigidité est aussi plus grande.
C’est pourquoi on ne cherche pas à travailler à haute pression dans les com-
mandes de positionnement précises.
• La rigidité est d’autant plus grande que l’espace mort est petit (terme V0 /A1
<< x). Il est avantageux de placer le distributeur tout près du vérin. Dans certains
appareils de précision, le distributeur est même intégré dans la paroi du cylindre.

La rigidité diminue lorsque x croît. On l’augmente en fermant aussi la conduite


d’échappement, car la rigidité sur la petite face du piston est alors en parallèle avec
celle de la grande face.
En admettant que le volume mort ait la même valeur sur chaque face du piston et
que l soit la course du piston, on a la rigidité du vérin

 
A1  1 A2 1 
kp = K V +  (6.64)
κa  0 + x V
A1 0 + l ± x 
 
 A1 A2 

La rigidité passe par un minimum, puis augmente de nouveau lorsque le piston se


rapproche de la fin de course (fig. 6.32), courbe (1). Elle est plus forte que si le volume
de liquide était libre sur la petite face, courbe (3). La fonction serait symétrique si les
surfaces A1 et A2 étaient égales, courbe (2).

kp

1
3

0 x
l

Fig. 6.32 Rigidité d’un vérin hydraulique en fonction de la position du piston.

Le coefficient de compressibilité adiabatique vaut environ 10–4 bar–1 pour de


l’huile hydraulique à la pression de 50 bars et 0,5 × 10–4 bar–1 pour de l’eau. La rigi-
dité d’un vérin à eau est donc double de celle d’un vérin à huile.

Application numérique
Le cylindre d’un vérin hydraulique à 100 mm d’alésage, une tige de 50 mm de
diamètre et 600 mm de course, l’espace mort est de l’ordre de 1 litre; on estime le fac-
teur de correction Κ = 0,85. Sa rigidité minimale vaut environ 31,7 × 106 N/m.
Chapitre 6 Page 225 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 225

Vérin alimenté à débit constant


On alimente souvent les vérins par un fluide à débit constant. Le débit étant pra-
tiquement indépendant de la pression dans le vérin, la rigidité du vérin est la même
que celle d’un appareil non alimenté.

Vérins pneumatiques
Le coefficient de compressibilité d’un gaz vaut

1
κ = (6.65)
np

avec:
n facteur polytrope
p pression absolue

Le changement d’état est isotherme en cas de compression ou de détente lente et


n = 1. En cas de mouvement très rapide, compression adiabatique, n est égal au facteur
adiabatique, par exemple n = γ = 1,4 pour de l’air.
La variation de volume du vérin est insignifiante par rapport à celle du gaz, alors
K = 1. En tenant compte de (6.65), on obtient par (6.63)

A1 nF
kp = np = (6.66)
V0 V0
+ x + x
A1 A1

La rigidité d’un vérin pneumatique est fortement progressive, elle est plus forte
pour les mouvements rapides que pour les mouvements lents.
Un vérin pneumatique fonctionnant à 7,5 bars relatifs est environ 1000 fois plus
souple qu’avec de l’huile. C’est pourquoi on n’utilise pas de vérin pneumatique pour
des commandes de positionnement; mais on contourne la difficulté avec des vérins
mixtes hydropneumatiques ou en prévoyant un asservissement électrique.

6.4.8 Systèmes asservis


Un objet (1) commandé par un actuateur (2), est réglé et asservi en position par un
capteur (3) (fig. 6.33). Il est sollicité par une force F1 et se trouve d’abord dans une
position de repos x1, au point A du graphe 6.34. Augmentons la force jusqu’à F2, l’objet
se met en mouvement, mais le régulateur exerce une action correctrice. Il peut subsister
une erreur statique x2 – x1, la rigidité moyenne apparente du système vaut alors

F2 ± F1
k = (6.67)
x2 ± x1

Avec un bon régulateur, cette erreur est nulle et la rigidité statique entre les points
A et C est infinie. Pendant le jeu du régulateur, en passant de A à C, la rigidité instan-
tanée varie et peut même devenir momentanément négative.
Chapitre 6 Page 226 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

226 CONCEPTION DES MACHINES

F
C B
0 F2
x
2
1
F1
F A
x
3 0 x1 x2

Fig. 6.33 Asservissement de position. Fig. 6.34 Réponse force-déplacement.

On influence la rigidité de mécanismes asservis en agissant sur certains para-


mètres du régulateur afin d’améliorer leur comportement dynamique, par exemple
pour passer des vitesses critiques sans résonance (§ 18.4.5).

6.4.9 Pièces
La rigidité de pièces mécaniques quelconques se calculait traditionnellement par
les méthodes de la résistance des matériaux classiques. On cherchait à ramener la
pièce à des éléments simples: poutres, plaques, coques. Des logiciels de calcul par élé-
ments finis permettent aujourd’hui de calculer la rigidité et les déformations des pièces
les plus compliquées en matériaux isotropes ou anisotropes, par exemple des structu-
res fibrées.

6.5 CONCEPTION ET RIGIDITÉ

6.5.1 Construction rigide


Sauf quelques cas particuliers, on a toujours intérêt à construire les organes de
machines très rigides afin:
• de diminuer l’amplitude des vibrations;
• d’élever la fréquence propre des mécanismes;
• de diminuer l’émission de bruit;
• d’améliorer la précision des mouvements et des guidages.

L’examen des formules du paragraphe 6.4.1 suggère immédiatement les mesures


à prendre pour accroître la rigidité des structures. Nous en montrons encore quelques-
unes en nous appuyant largement sur une étude de A. Leyer [6.4].

Choisir des matériaux à haut module d’élasticité


La rigidité d’un élément est toujours proportionnelle au module d’élasticité E de
son matériau, c’est vrai même en torsion puisque le module de glissement est lié au
module d’élasticité par la relation (6.32). C’est là que réside le grand avantage de la
construction des bâtis en acier mécano-soudé par rapport aux bâtis en fonte grise, car
pour l’acier E = 200 GPa, tandis que pour la fonte, on a environ 85 GPa seulement. A
rigidité égale, un bâti en acier est plus mince et donc plus léger.
Chapitre 6 Page 227 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 227

Les pièces en fibre de carbone à haut module atteignent 280 GPa avec 60% de
fibre et 40% de matrice époxy. Le gain par rapport à l’acier n’est pas très grand; en
revanche, on verra l’avantage du carbone en construction légère (sect. 23.7). Certains
métaux frittés, avec 500 GPa, sont utilisés dans la construction des outils de coupe.

Augmenter la section ou les moments quadratiques de surface


La rigidité en traction d’une poutre est proportionnelle à sa section. Mais l’aug-
mentation de la section s’accompage d’un accroissement correspondant de l’encom-
brement et du poids des pièces, avec des coûts élevés et souvent une diminution de
certaines performances. Ces considérations fixent des limites à la rigidité.
La situation est meilleure en flexion et en torsion. A masse égale, il suffit de dis-
poser la matière le plus loin possible de la fibre neutre pour augmenter considéra-
blement le moment d’inertie et la rigidité. Ce raisonnement a conduit à la conception
des profils en I, en H et en U beaucoup utilisés en construction métallique (fig. 6.35).
Ils offrent une augmentation considérable des moments quadratiques par rapport à des
profils pleins, carrés ou circulaires. Mais l’éloignement des masses est limité par des
phénomènes d’instabilité (voilement, déversement latéral) qu’il convient d’éviter par
des dispositions constructives appropriées, notamment en nervurant l’âme des profi-
lés. Le moment quadratique en torsion s’accroît le plus efficacement en remplaçant les
poutres pleines par des tubes à paroi mince plus gros, mais l’épaisseur minimale de la
paroi est limitée par des considérations de stabilité (§ 21.3.6). La figure 5.101 montre
la construction moderne d’un pont roulant où toutes les poutres sont en caisson.

I 200 HEB 200


88,4
57,9
200

200

x x

y y
Ix = 2140 cm4 Ix = Iy = 93,5 cm4 Ix = 5700 cm4 Ix = Iy = 508 cm4
Iy = 117 cm4 Iy = 2000 cm4

Fig. 6.35 Moments quadratiques de poutres carrées ayant la même section que des profilés normalisés.

Eviter les éléments fléchis


On a vu au paragraphe 6.4.1 que les éléments sollicités en flexion sont relati-
vement souples. On a donc toujours intérêt à les éviter ou, en tout cas, à réduire au
maximum la longueur des pièces fléchies. Il faut en effet se souvenir que la rigidité en
flexion est inversement proportionnelle au cube des portées (6.26). Par conséquent, il
faut toujours prendre soin de construire très compact, les forces doivent agir immédia-
tement dans le plan des tôles des toiles de bâti ou de cloison, éviter les porte-à-faux.
Cet aspect a déjà été discuté (§ 5.10.3).
Chapitre 6 Page 228 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

228 CONCEPTION DES MACHINES

Fermer les profils


Les bords d’un profilé ouvert sollicités en torsion glissent l’un par rapport à
l’autre (fig. 6.36). On obtient un caisson très rigide en fermant le profil. La figure 6.37
représente deux profilés de même section; le profil fermé possède le même moment
quadratique par rapport à l’axe x-x, mais il est beaucoup plus rigide par rapport à y-y et
surtout beaucoup plus rigide en torsion. Les poutres-caissons (fig. 5.101) présentent
les mêmes avantages.

M –t

glissement Mt

Fig. 6.36 Torsion d’un profil ouvert.

y y

x x x x
e e
2e

(a) y (b) y

Fig. 6.37 Profils de même section : (a) profil en I; (b) profil rectangulaire.

Placer judicieusement le centre de torsion


Une poutre à profil ouvert, par exemple un profil en U (fig. 6.38a), est sollicitée
par une force F située latéralement. La poutre fléchit, mais elle se tord aussi en tour-
nant autour d’un point C appelé centre de torsion. Dans le cas de ce profil, à épaisseur
constante (fig. 6.38b), ce point est situé à la distance suivante de la ligne moyenne de
la paroi:

 e2
3 b + 
 2
c ≈ (6.68)
h + 6b + 2e

Désignons par kθ la rigidité en torsion de la poutre lorsqu’elle est chargée par un


couple pur, la rigidité au point d’application A de la force vaut
Chapitre 6 Page 229 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 229

1
k = kθ (6.69)
a2

La rigidité en torsion est infinie lorsque la force passe par le centre de torsion; la
déformation de torsion s’annule si le centre de torsion est situé sur la ligne d’action de
la force de contact. On profite de cette constatation pour donner un profil en U au bras
qui porte latéralement un galet de came (fig. 6.39).

a c
A
C
A h
C b
F e
F
(a) (b) e

Fig. 6.38 Sollicitation en torsion d’un profil en U par une force latérale : (a) rotation autour du centre de
torsion; (b) paramètres géométriques.

galet
C

came

F
Fig. 6.39 Galet de came au centre de torsion d’un bras à profil en U.

Nervurer les plaques


Les parois planes sont peu rigides, elles sont instables en compression et très sou-
ples en flexion. On les raidit par des nervures parallèles aux côtés de la plaque
(fig. 6.40). Un réseau de nervures orthogonales transmet aussi convenablement des
charges ponctuelles exercées sur la plaque.

(a)

(b)

Fig. 6.40 Plaques nervurées : (a) nervures unidirectionnelles, (b) nervures croisées.
Chapitre 6 Page 230 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

230 CONCEPTION DES MACHINES

Fig. 6.41 Voilement d’une plaque. Fig. 6.42 Nervures diagonales.

Même bien raidie en flexion, une plaque peut encore se voiler facilement, car le
réseau orthogonal ne subit pas de déformation angulaire en cas de voilement. Mais on
observe que les diagonales de la plaque sont fléchies (fig. 6.41), la plaque se raidit
considérablement au voilement en mettant des nervures diagonales (fig. 6.42). Les
bords d’une plaque tournent l’un par rapport à l’autre d’un angle α en se voilant
(fig. 6.43); on obtient aussi une bonne rigidité en encastrant un bord de la plaque dans
un profilé rigide en torsion.
Les nervures fermées (fig. 6.44) sont rigides en flexion et en torsion.

d
a

Fig. 6.43 Bord d’une plaque rigide en torsion.

F F
profils fermés, rigidité
élevée en torsion

profils ouverts,
petite rigidité à la torsion

Fig. 6.44 Nervures de plaques. Fig. 6.45 Déformation d’un carter de réducteur.

Certains réducteurs à engrenages subissent de fortes poussées axiales sur les


arbres qui déforment le carter selon la figure 6.45. Il convient de nervurer convena-
blement le carter inférieur, le couvercle peut contribuer à raidir l’ensemble en le ner-
vurant lui aussi de manière à créer un cadre fermé (fig. 6.46).
Chapitre 6 Page 231 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 231

Fig. 6.46 Carter de réducteur nervuré.

(a) (b)

Fig. 6.47 Colonnes en caisson de grande fraiseuse. Les voiles de la construction (b) bloquent la flexion de la
paroi sous les glissières.

Cloisonner
Le cloisonnement intérieur des bâtis par des voiles constituant des caissons aug-
mente considérablement tous les modes de rigidité (fig. 6.47) et spécialement la fré-
quence propre de flexion des parois planes. Des tôles obliques sont très efficaces
(fig. 6.48), elles appliquent dans l’espace le principe de triangulation.
La construction des bâtis de machines-outils a été analysée en détail par Goneid
[6.5]. Weck donne une bonne vue d’ensemble et des valeurs pratiques [6.6].
Chapitre 6 Page 232 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

232 CONCEPTION DES MACHINES

Fig. 6.48 Bâti cloisonné avec tôles de renforcement obliques.

Optimiser la position des appuis de poutres en porte-à-faux


Considérons une poutre sur deux appuis élastiques (fig. 6.49). Appliquons une
force à l’extrémité du porte-à-faux et calculons la déformation qu’elle provoque. La
flèche de la poutre, en négligeant le cisaillement, vaut

a2 (a + b)
f1 = F (6.70)
3E I

Les appuis se déforment selon la figure 6.50. Calculons la position du point C,


par des relations géométriques:

fA f + fB
tan β = = A
x b

dont on tire
fA
x = b
f A + fB

La flèche au bout de la poutre


a + b ± x a
f2 = fB = fB + ( fA + fB )
b ± x b

peut s’exprimer en introduisant les déformations des appuis


1 a 1 a + b
fA = F fB = F
kA b kB b

On trouve
 1 a2 1  a2 
f2 =  +  1 +  F (6.71)
 kA b
2 kB  b  
Chapitre 6 Page 233 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 233

b a

b a F x
F
fA β
fB
A B f1 C f2
kA kB kA kB

Fig. 6.49 Poutre avec porte-à-faux sur appuis élas- Fig. 6.50 Déformation des appuis de la poutre selon
tiques. la figure 6.49.

La déformation totale f1 + f2 permet de calculer la souplesse au droit de la charge

f1 + f2 a2 (a + b) 1 a2 1  a2
λ = = + +  1 +  (6.72)
F 3E I kA b 2 kB  b

La distance a est souvent donnée; on doit déterminer la distance b de manière à ce


que la rigidité soit la plus grande, respectivement la flèche la plus petite. Posons

b
β = (6.73)
a

et cherchons le minimum par la condition dλ / dβ = 0. On trouve l’équation

6E I 6E I  1 1 
β3 ± 3
β ± 3  +  = 0 (6.74)
kB a a  kA kB 

Cette équation n’a qu’une seule solution réelle positive. La flexion de la poutre
domine lorsque les appuis sont éloignés tandis que la déformation des appuis pro-
voque le plus grand déplacement s’ils sont rapprochés. Ce problème d’optimalisation
s’applique dans la construction des broches de machines-outils, il permet de trouver la
position la plus favorable des roulements.

6.5.2 Rigidité massique


Dans les engins de transport, et tout particulièrement en aéronautique, on est très
intéressé de réaliser des constructions très légères mais offrant tout de même une rigi-
dité et une résistance suffisantes. On verra (chap. 15) que le comportement dynamique
des machines est grandement amélioré en élevant le plus possible la fréquence propre
de leurs organes; ce qui s’obtient en faisant les pièces à la fois rigides et légères. Ces
considérations nous invitent à définir la notion de rigidité massique.
Considérons, par exemple, une poutre de longueur l et de section A sollicitée en
traction ou en compression. Avec la rigidité

EA
k = (6.25)
l
Chapitre 6 Page 234 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

234 CONCEPTION DES MACHINES

et la masse

m = Alρ

sa rigidité massique s’écrit

k 1 E
= 2 (6.75)
m l ρ

Il est remarquable qu’elle soit indépendante de la section.


La rigidité massique d’une poutre en flexion calculée sur la base de (6.26) vaut

k I E
= C (6.76)
m A l4 ρ

où C est un facteur numérique qui dépend des appuis et de la position de la charge; par
exemple C = 48 pour une poutre sur deux appuis avec une charge au milieu.
On a intérêt à accroître le plus possible le rapport I/A qui est le carré du rayon de
giration de la section. Les profilés du commerce utilisés en construction métallique ont été
étudiés dans cette perspective, les tubes circulaires étant les plus avantageux. Dans ce cas,

k C E D2  d 
2
= 1 +    (6.77)
m 16 ρ l 4   D 

où D est le diamètre extérieur et d le diamètre intérieur du tube. La rigidité massique d’un
tube creux mince est près de deux fois plus grande que celle d’une barre pleine.
On a développé des structures dites en sandwich constituées de feuilles résis-
tantes collées de part et d’autre de plaques très légères en mousse. Comparons, par
exemple, la plaque de la figure 6.51(a) à un panneau (fig. 6.51b) constitué de deux
tôles ayant la moitié de l’épaisseur de la première plaque. La mousse étant extrême-
ment légère, le panneau est à peine plus lourd que la plaque massive; en revanche, son
moment quadratique de surface est 61 fois plus grand.
e/2
e

4e 5e

3 3 e/2
(a) I = be (b) I = 61 be
12 12

Fig. 6.51 Plaque et panneau sandwich.

On allège encore les structures en remplaçant la mousse par des structures en nid
d’abeilles (fig. 6.52).
La rigidité massique en torsion d’une poutre se calcule de manière analogue

kt 1 E It
= (6.78)
m 2 (1 + µ ) ρ A l 2
Chapitre 6 Page 235 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 235

Fig. 6.52 Structure de panneaux légers en nid d’abeilles.

Dans le cas d’un tube, il vient

kt 1 E D2  d 
2
= 1 +    (6.79)
m 16 (1 + µ ) ρ l 2   D 

Ce rapport est d’autant plus favorable que la paroi du tube est plus mince. On est
limité dans cette voie par le voilement du tube (§ 21.3.6).
Ces formules suggèrent de :
• choisir un matériau dont le rapport du module d’élasticité à la masse volu-
mique (module d’élasticité spécifique) est élevé (sect. 23.7);
• choisir un grand diamètre extérieur;
• construire les structures avec des parois minces, dans les limites permises par
des considérations de résistance et de stabilité.

Ces principes ont conduit à construire les rotors de moteurs électriques sous la
forme de tambours creux autoporteurs avec extrémités coniques très rigides portant les
bouts-d’arbre (fig. 6.53). La figure 6.54(a) représente le rotor d’une ancienne turbine à
vapeur où les corps de roue sont enfilés sur l’arbre. Le rotor de la figure 6.54(b) est
formé d’un tambour creux et de trois disques d’égale résistance assemblés par soudure
(§ 25.2.3). Ce dernier, rigide et léger, offre une vitesse critique élevée et un faible
amortissement interne (§ 18.2.4)

6.5.3 Construction souple


On a souvent intérêt à ce que certains éléments de machines soient souples,
notamment pour:
• répartir les efforts (chap. 8);
• diminuer les contraintes thermiques (§ 19.7.3);
• stocker de l’énergie (§ 12.4.2);
• constituer des systèmes oscillants (chap. 18);
• réaliser des articulations sans jeu et sans frottement (§ 3.3.2).
Chapitre 6 Page 236 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

236 CONCEPTION DES MACHINES


.

Fig. 6.53 Moteur de traction, rotor en forme de tambour creux.

Les ressorts sont des éléments souples par excellence. Les ressorts métalliques
sont toujours formés de pièces sollicitées en flexion ou en torsion tandis que les
ressorts en caoutchouc fonctionnent généralement en compression ou au cisaillement.
Considérons, par exemple, une poutre encastrée de section constante. En nous
référant à la figure 6.13, sa rigidité et sa flèche sont respectivement

3E I
k = (6.80)
l3
et
Fl3 F
f = = (6.81)
3E I k
Dans le cas des ressorts, on vise souvent à obtenir une grande flèche en diminuant le
moment d’inertie de la poutre ou en accroissant sa longueur. Mais on est limité dans
cette voie par la contrainte qui ne doit pas dépasser une certaine valeur limite Rlim. Cette
valeur est proche de la limite élastique en cas de sollicitation statique, ou de la limite de
fatigue alternée lorsque le ressort est soumis à des contraintes dynamiques.
Chapitre 6 Page 237 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 237

(a)

(b)

Fig. 6.54 Rotor de turbine à vapeur : (a) ancienne construction, les disques portant les aubages sont clavetés
sur l’arbre; (b) rotor creux monolithique assemblé par soudure.

La contrainte maximale dans la poutre est donnée par

Fl
σ = emax (6.82)
I

où emax est la distance entre la fibre neutre et la fibre la plus éloignée. Compte tenu
d’un facteur de sécurité S, la condition de résistance, σ ≤ Rlim /S, permet d’en tirer la
charge F qu’on introduit dans l’expression de la flèche:

1 l 2 Rlim
f ≤ (6.83)
3S emax E

d ϕ

l M

Fig. 6.55 Poutre cylindrique en torsion.


Chapitre 6 Page 238 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

238 CONCEPTION DES MACHINES

Dans le cas d’une poutre circulaire en torsion (fig. 6.55), on trouve, de manière
analogue,

2 l τ adm
ϕ ≤
d G

En admettant la théorie de rupture de l’énergie de distorsion maximale (von


Mises-Hencky), la contrainte de cisaillement admissible vaut

Rlim
τ adm =
S 3

Avec la relation (6.32) entre le module de glissement et le module d’élasticité, on


trouve

l
4 R
ϕ ≤ (1 + µ ) lim (6.84)
S 3 d E

En examinant cette formule et celle obtenue pour la flexion, on constate qu’il faut
construire les ressorts avec des matériaux dont le rapport Rlim /E est le plus élevé pos-
sible et dont le comportement est linéaire. Ces exigences ont donné lieu au développe-
ment d’aciers à ressorts à très haute limite élastique et de surcroît encore écrouis. Des
alliages de nickel et de bérylium sont beaucoup utilisés à cause de leur bonne résis-
tance à la corrosion et à la chaleur; leur rapport Rlim /E atteint celui des aciers.
Se fondant sur la grande souplesse du caoutchouc et d’autres polymères, nom-
breux sont ceux qui imaginent isoler une machine du point de vue vibratoire en la
posant sur un tapis de ces matières (fig. 6.56). Contre toute attente, sa rigidité

A 1±µ
k = E (6.85)
h 1 ± µ ± 2µ 2

est très forte parce que le tapis est mince et que sa surface est grande. Le facteur
contenant le coefficient de Poisson exprime le fait que, sauf à l’extrême bord, le tapis
ne peut pas se dilater latéralement.

F F

h A

Fig. 6.56 «Isolation» d’une machine par un tapis Fig. 6.57 Isolation vibratoire par des plots com-
«souple». primés.
Chapitre 6 Page 239 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

DÉFORMATIONS ET RIGIDITÉ 239

On sait que le coefficient de Poisson du caoutchouc vaut 0,5 car il a la propriété


de se déformer à volume constant. Par conséquent, la rigidité d’un tapis en caoutchouc
est infinie. On obtient une rigidité satisfaisante en disposant sous la machine des plots
relativement étroits travaillant sous forte contrainte (fig. 6.57) dont le caoutchouc peut
gonfler latéralement ou qui travaillent au cisaillement.

6.6 STRUCTURES À RIGIDITÉ ACTIVE

On a vu (§ 4.2.1) que les liquides électrorhéologiques sollicités au cisaillement


sont capables d’exercer des forces opposées au glissement lorsqu’ils sont placés dans
un champ électrostatique. Les références [6.7, 6.8] relatent des essais avec des poutres
(fig. 6.58) constituées de deux lames en matière composite, (1) et (2), entre lesquelles
se trouvent un liquide électrorhéologique (3), des électrodes (4) et (5) sont plaquées
sur la surface intérieure des lames. En établissant un champ électrostatique, le fluide
s’oppose au glissement relatif des lames survenant lorsque la poutre est sollicitée en
flexion. Dans le domaine de préécoulement (§ 4.2.1), les lames sont comme liées et la
rigidité de la poutre augmente proportionnellement à la tension appliquée entre les
électrodes.

1 3 4

+

2 5

Fig. 6.58 Poutre composite avec liquide électrorhéologique.

Cette caractéristique est utile pour maîtriser des vibrations, notamment en agis-
sant sur la fréquence de résonance d’un système. On observe que l’amortissement des
vibrations augmente aussi considérablement avec la tension appliquée.

6.7 CONCLUSIONS PRINCIPALES

Tous les solides sont déformables. La rigidité est la dérivée d’un effort par rapport
à la déformation qu’il provoque. La compliance est l’inverse de la rigidité.
Lorsque des ressorts sont montés en parallèle pour transmettre un effort, la
rigidité résultante est égale à la somme des rigidités et un ressort est chargé dans le
rapport de sa rigidité à la rigidité totale.
Des ressorts montés en série transmettent tous le même effort. Leurs déforma-
tions s’ajoutent et la compliance résultante est égale à la somme des compliances des
ressorts, la déformation d’un ressort est égale au rapport de sa compliance à la com-
pliance totale.
Les pièces sollicitées en traction-compression sont très rigides, celles qui tra-
vaillent en flexion ou en torsion sont beaucoup plus souples. Les arbres constituent
Chapitre 6 Page 240 Lundi, 6. f vrier 2006 2:11 14

240 CONCEPTION DES MACHINES

souvent les éléments critiques d’un mécanisme qu’on voudrait construire avec une
forte rigidité. La rigidité est proportionnelle au module d’élasticité des matériaux.
La rigidité des dentures d’engrenages est indépendante de leur module, elle est pro-
portionnelle à la largeur des dentures. La rigidité d’engrènement évolue périodiquement
au cours de la rotation en provoquant éventuellement des vibrations paramétriques.
La rigidité des dentures d’engrenages est beaucoup plus grande que celle des
arbres qui les portent. Par conséquent, on peut négliger la déformation des dents par
rapport à celle des arbres pour calculer la rigidité des transmissions. En revanche, on
ne tiendra compte que de la rigidité des dentures pour estimer la fréquence propre de
l’ensemble roue-pignon d’un engrenage.
La rigidité des contact hertziens croît avec la charge transmise, elle est nulle lorsque la
charge est nulle. Les contacts selon une ligne sont plus rigides que les ponctuels.
La rigidité des roulements est nulle à charge nulle; elle augmente progressivement
avec la charge. Les roulements à galets ou à aiguilles sont plus rigides que les autres.
Les paliers à lubrification hydrodynamique offrent une très faible rigidité lorsque
l’arbre est centré dans le coussinet. C’est pourquoi ils peuvent donner lieu à des insta-
bilités à faible charge, respectivement avec un nombre de Sommerfeld inférieur à
l’unité. Les paliers hydrostatiques sont beaucoup plus rigides.
Les vérins alimentés à pression constante ont une rigidité nulle. En revanche, les
vérins alimentés à débit constant ou non alimentés ont une rigidité inversément pro-
portionnelle au coefficient de compressibilité adiabatique du fluide; elle est plus forte
avec de l’eau qu’avec de l’huile. La rigidité des vérins exploités à basse pression est
supérieure à celle des petits vérins à haute pression. La rigidité d’un vérin à double
effet est la plus faible au voisinage de la mi-course.
Dans des conditions idéales, la rigidité des mécanismes avec asservissement de
position est infinie. Ce cas se rencontre dans les paliers magnétiques.
Il faut observer les règles suivantes pour obtenir des constructions rigides:
• choisir des matériaux à haut module d’élasticité;
• accroître la section ou le moment d’inertie des pièces;
• éviter les éléments travaillant en flexion ou en torsion;
• fermer les profils sollicités en torsion, construire en caisson;
• faire passer les forces par les centre de torsion des sections;
• nervurer les plaques;
• cloisonner les bâtis et les caissons, notamment par des tôles obliques;
• optimiser la position des appuis de poutres en porte-à-faux.

On obtient une forte rigidité massique avec des panneaux sandwich garnis de
mousse ou de nids d’abeilles. Construire les rotors de grosses machines sous la forme
de tambours creux avec les bouts-d’arbre rapportés.
Des pièces souples, telles que les ressorts, se construisent avec des éléments élan-
cés. La flèche maximale est proportionnelle au rapport de la résistance limite du maté-
riau à son module d’élasticité. On emploie des aciers spéciaux à ressorts écrouis, des
alliages de nickel et de bérylium, du caoutchouc.
Il est illusoire de vouloir atténuer la propagation de vibrations de machines en les
posant sur un tapis de caoutchouc. Le tapis est en effet très rigide du fait que cette
matière se déforme sans changement de volume.
On envisage de construire des poutres à rigidité variable en y incorporant un
liquide électrorhéologique.
Chapitre 7 Page 241 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

CHAPITRE 7

PRÉCONTRAINTE

7.1 INTRODUCTION

Un système mécanique est dit précontraint, lorsqu’il est le siège d’efforts inté-
rieurs en l’absence de toute charge extérieure.
L’effort intérieur est introduit délibérément dans un système avant même de le
soumettre à une quelconque charge extérieure. Les parties du système soumises à
l’effort intérieur initial sont dites préchargées ou précontraintes.
La précharge est utilisée principalement pour:
• permettre la transmission de force par frottement;
• comprimer des matériaux;
• diminuer la sollicitation dynamique de pièces;
• supprimer le jeu;
• accroître la rigidité de contacts hertziens.

Ce chapitre a pour but de présenter les moyens de précontrainte, les propriétés


des systèmes préchargés et des exemples d’application. Il est structuré comme suit :
• Section 7.2 Notions de statique intérieure des systèmes bouclés.
• Section 7.3 Principes de précharge.
• Section 7.4 Présentation des principales sources de perturbation de la pré-
charge.
• Section 7.5 Analyse de la transmission d’une charge extérieure et des
caractéristiques apparentes d’un systèmes préchargé.
• Section 7.6 Exemples d’application de la précharge.
• Section 7.7 Intérêt d’assouplir des systèmes bouclés et moyens permettant
d’y parvenir.
• Section 7.8 Conclusions principales.

7.2 STATIQUE INTÉRIEURE DE SYSTÈMES FERMÉS

7.2.1 Modélisation
Considérons, par exemple, un système formé de deux pièces (1) et (2) (fig. 7.1)
serrées entre deux plaques (3) et (4) par un boulon (5). Après serrage du boulon, les
pièces (1) et (2) sont comprimées, les pièces (3) et (4) sont fléchies, tandis que la vis
est sollicitée en traction. Il existe maintenant des forces intérieures qui cheminent dans
le système comme indiqué en traitillé. Il est commode d’étudier le comportement sta-
tique d’un système précontraint à l’aide d’un modèle équivalent. Développons celui de
Chapitre 7 Page 242 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

242 CONCEPTION DES MACHINES

1 2

Fig. 7.1 Ensemble boulonné.

l’ensemble boulonné représenté à la figure 7.1. Dans une première étape, on représente
toutes les pièces avec leur flux de force (fig. 7.2a) et le modèle à ressorts correspon-
dant (fig. 7.2b). On peut ensuite simplifier en regroupant les ressorts (1 à 4) en un res-
sort unique de rigidité équivalente (fig. 7.2 d). Le système se réduit finalement à une
simple boucle (fig. 7.2c).

A A
3 3 k3
boulon

1 2 k5 1 k1 2 k2
5
5
4 4 k4
B
(a) (b) B

A
boulon A

1–4 k5 k1–4
5
5 1à 4

B B
(c) (d)

Fig. 7.2 Modélisation du système de la figure 7.1: (a) première étape; (b) ressorts représentant la première
étape; (c) modèle simplifié; (d) ressorts du modèle simplifié.

On constate que:
• les efforts intérieurs de précontrainte d’un système cheminent dans un réseau
bouclé fermé en équilibre statique;
Chapitre 7 Page 243 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 243

• les systèmes précontraints comportent toujours au moins deux éléments


déformés en sens inverse. A une partie tendue correspond une partie compri-
mée; à une partie fléchie dans un sens correspond une partie fléchie en sens
inverse.

Etudions tout d’abord les propriétés statiques des boucles.

7.2.2 Rigidité intérieure


Coupons une branche d’une boucle par un plan π passant par un point A (fig. 7.3).
La coupe engendre deux plans coïncidents appartenant chacun à l’une et à l’autre face
π' et π'' du solide ainsi ouvert, le point A se décompose aussi en ses points coïncidents
A' et A''. Appliquons maintenant en ces points les forces F et F – (fig. 7.4) en équilibre
et forcément portées par la même ligne d’action, elles font un angle β avec la normale
au plan de coupe.

π'
π'' F
β n

A'

A'' f
A
π F–
Fig. 7.3 Section d’une boucle. Fig. 7.4 Déplacement des plans coïncidents.

Partant de A', la force F chemine à travers le solide et revient en A'', F – est la


réaction à F. Ces forces éloignent les points coïncidents de la distance f. Nous
appelons caractéristique intérieure la fonction

F = F( f ) (7.1)

et rigidité intérieure sa dérivée par rapport à la déformation

dF
ki = (7.2)
df

La compliance intérieure est, par définition,

1 df
λi = = (7.3)
ki dF
Chapitre 7 Page 244 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

244 CONCEPTION DES MACHINES

La rigidité et la compliance dépendent de la direction de la force, elles sont natu-


rellement égales pour β = –π/2 et pour β = π/2 (fig. 7.5).

ki
π'' θ π'

M– M

– π/2 0 π/2β

Fig. 7.5 Rigidité selon la direction de la force. Fig. 7.6 Rotation des plans coïncidents.

Appliquons un moment M et sa réaction M – aux plans coïncidents (fig. 7.6), ils


provoquent une rotation θ d’un plan par rapport à l’autre. Les plans sont séparés dans
la figure pour mieux visualiser le phénomène. On peut définir la caractéristique inté-
rieure du moment

M = M (θ ) (7.4)

et la rigidité intérieure de rotation

dM
kθi = (7.5)

La rigidité vis-à-vis d’une force dépend de la position du point de référence A


dans le système, de l’orientation de la force, de la géométrie du système et des maté-
riaux qui le constituent. On rencontre des caractéristiques intérieures linéaires, pro-
gressives ou dégressives, la rigidité tend vers zéro lorsqu’une partie du système entre
dans un état plastique.
La présence d’une ou de plusieurs articulations dans un système fermé lui confère
des caractéristiques particulières :
• une articulation (fig. 7.7)
ki = 0 si le point de référence n’est pas situé à l’articulation et si la ligne
d’action ∆ de la force ne passe pas par le centre de l’articulation,
car les deux parties de la boucle tournent librement autour de
l’articulation
ki > 0 si le point de référence est situé au centre de l’articulation
ki > 0 si le point de référence est situé ailleurs qu’à l’articulation et si la
ligne d’action de la force passe par le centre de l’articulation
kθi > 0 si le point de référence est situé au centre de l’articulation
kθi = 0 en tout point autre que l’articulation
Chapitre 7 Page 245 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 245

B B
ki > 0
∆ C

∆ ∆
A
ki = 0 A

ki > 0 ki = 0
Fig. 7.7 Système fermé avec une articulation. Fig. 7.8 Système fermé avec deux articulations.

• deux articulations (fig. 7.8)


ki > 0 si la ligne d’action passe simultanément par les deux articula-
tions
ki = 0 si le point de référence est situé ailleurs que sur une articulation
kθi = 0 partout
• plus de deux articulations
ki > 0 si les articulations sont toutes alignées et si elles sont situées sur
la ligne d’action de la force (chaîne)
ki = 0 partout ailleurs
kθi = 0 partout

La caractéristique intérieure d’un système ainsi que sa rigidité intérieure sont des
concepts extrêmement féconds. Nous verrons qu’ils permettent de traiter par une
théorie générale simple plusieurs problèmes présentés habituellement séparément tels
que: précontrainte, contraintes thermiques, déformations et contraintes de soudure,
frettage.

7.3 GÉNÉRATION DE LA PRÉCONTRAINTE

7.3.1 Précontrainte géométrique

Principe
La précontrainte géométrique d’un système consiste à lui imposer une défor-
mation dont il résulte un effort intérieur grâce à l’élasticité du système. La
figure 7.9(a) montre une pièce (1), d’ouverture l1 entre ses faces A et B, dans laquelle
on veut introduire une pièce (2) de longueur l2. Trop longue, la pièce (2) ne peut pas
pénétrer dans (1). On appelle serrage géométrique ou distance de précontrainte
l’excès de longueur

f0 = l 2 ± l1 (7.6)
Chapitre 7 Page 246 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

246 CONCEPTION DES MACHINES

traction

1 1 +
A B

l1 A B
2 – F0

f0 compression

(a) (b)
l2

Fig. 7.9 Précontrainte géométrique : (a) avant montage; (b) après montage.

Ouvrons la pièce (1) et comprimons la pièce (2) jusqu’à ce qu’on puisse la glisser
dans (1). En abandonnant le système à lui-même, les pièces entrent en contact
(fig. 7.9b); il subsiste une force F0 qui les appuie l’une sur l’autre, c’est la force
de précontrainte. La pièce qui était trop longue est comprimée, l’autre est tendue et
fléchie.
La force de précontrainte n’a pas de signe en soi, on l’admettra toujours positive.

Calcul de la précontrainte
Soumises à une force F, la pièce (1) subit une déformation f1 (F) et la pièce (2) se
déforme de f2 (F). Du point de vue du cheminement de la force, les deux pièces sont en
série et leurs déformations s’ajoutent

f ( F ) = f1 ( F ) + f2 ( F ) (7.7)

Cette relation est représentée par la figure 7.10, la fonction f (F) est la caracté-
ristique intérieure du système complet.

F
f2 f1 f

k20 kio
k10
F0

0 f
f10 f20 f0

Fig. 7.10 Caractéristiques force-déformation.


Chapitre 7 Page 247 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 247

1
A l1 B f10

F0– F0

f0

F0 F0–
2

f20
l2

Fig. 7.11 Déformation de précontrainte.

On voit dans la figure 7.11 comment la force F0 agrandit l’ouverture de la pièce


(1) de la quantité f10 et comprime la pièce (2) de la quantité f20. La compatibilité géo-
métrique visible dans la figure s’exprime par

l1 + f10 = l 2 ± f20 (7.8)


ou
l 2 ± l1 = f10 + f20 = f0 (7.9)

Disposant de la caractéristique force-déformation intérieure (fig. 7.10) ou des


fonctions numériques, on peut trouver :
• la précontrainte résultant d’un serrage f0 ,

F0 = F ( f0 ) (7.10)

• le serrage nécessaire pour obtenir la précontrainte F0 ,

f0 = f ( F0 ) (7.11)

Les déformations f10 et f20 se lisent dans le diagramme 7.10 ou se trouvent par les
fonctions de déformation

f10 = f1 ( F0 ) 

 (7.12)
f20 = f2 ( F0 ) 

La rigidité tangente intérieure ki0 du système précontraint est égale à la pente de


la caractéristique intérieure au point (f0, F0), elle dépend du niveau de la précontrainte.
Les pièces déformables étant en série, on a, selon (6.21),
Chapitre 7 Page 248 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

248 CONCEPTION DES MACHINES

1
ki0 = (7.13)
1 1
+
k10 k20

Dans le cas fréquent où toutes les rigidités ont un comportement linéaire, leur
valeur k1 et k2 sont constantes, tout comme la rigidité intérieure

1
ki = (7.14)
1 1
+
k1 k2

La figure 7.12 donne immédiatement

F0 = ki f0 (7.15)

Théorème. Dans un système élastique fermé linéaire, la précontrainte est égale


au produit de la rigidité intérieure du système par la distance de précontrainte.

On obtient l’allongement de la pièce (1)

F0 k k2
f10 = = i f0 = f0 (7.16)
k1 k1 k1 + k2

et la compression de (2)

F0 k k1
f20 = = i f0 = f0 (7.17)
k2 k2 k1 + k2

F
f10

f20
f2 f1 f
F0

k2

k1 ki

0 f0 f

Fig. 7.12 Déformation de précontrainte.


Chapitre 7 Page 249 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 249

On appelle rapport de rigidités:

k1 1
Φ = = (7.18)
k1 + k2 k
1 + 2
k1
Ce rapport très utile se détermine souvent empiriquement, par exemple dans les
assemblages boulonnés.
Alors,

f10 = (1 ± Φ ) f0 (7.19)

f20 = Φ f0 (7.20)

Diagramme de précontrainte
F F
F1 – F2
F0 F0

k1 k2
f1 f2
0 f10 f20 0
(a) (b)

Fig. 7.13 Déformations : (a) allongement de (1); (b) compression de (2).

La figure 7.13 représente la caractéristique force-déformation de chaque pièce.


La déformation de la pièce (2) est portée à gauche de l’origine puisqu’il s’agit d’une
compression. Selon les conventions habituelles, la force F2 est négative (compres-
sion), mais on porte en ordonnée sa valeur opposée puisqu’on admet que la précon-
trainte est toujours positive.
Réunissons les deux diagrammes de la figure 7.13 en un seul (fig. 7.14a) repré-
sentant aussi la condition de compatibilité géométrique (7.8). Traçons par les extré-
mités du segment 0-A de longueur f0, les caractéristiques F1 respectivement –F2 de
pente k1 et k2. Leur intersection B fournit la précontrainte et la déformation de chaque
pièce. Cette figure constitue le diagramme de précontrainte auquel on donne parfois
aussi le nom de diagramme de serrage. La figure 7.14(b) est un diagramme analogue
en cas de comportement non linéaire.

Précontrainte par une cale d’épaisseur


On précontraint certains systèmes en insérant une cale relativement mince, tou-
jours beaucoup plus rigide que le reste du système (fig. 7.15). Comme k2 >> k1, on a la
rigidité intérieure

ki ≈ k1
Chapitre 7 Page 250 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

250 CONCEPTION DES MACHINES

– F2 F1 – F2 F1

F0 B F0 B

référence k2
k1
l1 0 f 0 f
f10 f20 A f10 f20 A

f0 f0
l2

(a) (b)

Fig. 7.14 Diagrammes de précontrainte: (a) caractéristiques linéaires; (b) caractéristiques quelconques.

Il en résulte que Φ ≈ 0 et

f20 << f10 ≈ f0

F0 ≈ k1 f0 (7.21)

La précontrainte par une cale d’épaisseur est pratiquement égale au produit de


la rigidité des pièces par la distance de précontrainte.

– F2 F1
k1 F0

k2 ¯ ∞
k1
f
0

k2 >> k1 f10 ¯ f0 f20 ¯ 0

Fig. 7.15 Précontrainte par une cale. Fig. 7.16 Diagramme de précontrainte par une cale
d’épaisseur.

La figure 7.16 illustre le diagramme de précontrainte où la caractéristique de la


cale est représentée par une verticale, car sa rigidité est pratiquement infinie vis-à-vis
de celle de l’autre pièce.

Précontrainte par un élément très souple


Autre cas particulier, le système est précontraint par un élément très souple, sou-
vent un ressort (fig. 7.17). Alors k1 >> k2 et

k i ≈ k2
Chapitre 7 Page 251 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 251

Par conséquent, Φ ≈ 1 et

f10 << f20 ≈ f0

F0 ≈ k2 f0 (7.22)

La précontrainte par un élément très souple vis-à-vis des autres pièces est
pratiquement égale au produit de la rigidité de l’élément souple par la distance de
précontrainte (fig. 7.18).

k1

k2 << k1 f20 ¯ f0

Fig. 7.17 Précontrainte par un ressort.

F1

– F2
F0

k1 k2 << k1

0 f
f20 ¯ f0
f10
f0

Fig. 7.18 Diagramme de précontrainte par un ressort.

7.3.2 Précontrainte par un effort imposé


On précontraint aussi un système en y introduisant un élément capable de créer
un effort constant. La figure 7.19 montre, par exemple, une presse hydraulique dont le
vérin exerce la force F0 qui chemine à travers la machine jusqu’au fond du cylindre.
La rigidité de cette partie de la boucle étant k1, la distance initiale l1 s’accroît de

F0
f10 = (7.23)
k1
Chapitre 7 Page 252 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

252 CONCEPTION DES MACHINES

fluide

F0–
2 l1
F0 p
f10

F1
–F2
F0
F0
k2 = 0
ki = 0

k1

0 f
f10 f0 = ∞

Fig. 7.19 Presse hydraulique. Fig. 7.20 Diagramme de précontrainte avec une force
imposée.

L’huile contenue dans le cylindre constitue l’autre élément de la boucle de force.


Tant que le vérin est alimenté, la force qu’il exerce est indépendante de la position du
piston, ce qui signifie que sa rigidité est nulle, k2 = 0 (§ 6.4.7). La notion de distance de
précontrainte n’a ici pas de sens, on peut admettre qu’elle est infinie, comme le montre
immédiatement le diagramme de serrage 7.20. La caractéristique de l’organe
générateur de force est une droite horizontale située à la hauteur F0. Tout système pré-
contraint par une force imposée jouit des propriétés importantes suivantes :
• la précontrainte est indépendante de la rigidité des pièces précontraintes;
• la rigidité intérieure est nulle.

7.3.3 Précontrainte par autofrettage


Expliquons le mécanisme de l’autofrettage thermique à l’aide de la figure 7.21.
Chauffons progressivement la zone (2) de la boucle. Elle commence par se dilater et
pousse sur l’autre partie (1) avec une force F1 qui croît avec la température (fig. 7.22).
A haute température, le module d’élasticité du matériau dans la région (2) diminue;
puis, le matériau cède à la compression par F1 et, s’il est assez ramolli, la force finit
par s’annuler tandis que (1) reprend sa longueur initiale l1. Au refroidissement, le
matériau de la zone (2) se contracte. Ce faisant, il tire énergiquement sur (1) lorsque le
module d’élasticité retrouve sa valeur initiale. Après refroidissement complet, le sys-
tème est précontraint par une force F0 (fig. 7.21b). Ce processus engendre les
contraintes résiduelles qu’on trouve dans les structures soudées.
Des contraintes résiduelles prennent aussi naissance de manière analogue chaque
fois qu’un certain volume d’une pièce est sollicité dans le domaine plastique, par
exemple lors du formage à froid, de l’usinage, ou de surcharge au-delà du domaine
Chapitre 7 Page 253 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 253

1 1
l1 l1

2 2
F1– F1
F0
(a) (b)

Fig. 7.21 Autofrettage : (a) phase de chauffage; (b) après refroidissement.

F1

chauffage

T
0
Ta

plastification
F0
refroidissement

Fig. 7.22 Force thermique.

élastique. Les contraintes résiduelles sont souvent nuisibles. Mais on en crée parfois
volontairement à la surface de pièces par traitement thermique, grenaillage ou galetage
pour améliorer leur résistance à la fatigue (§ 23.5.4). L’autofrettage s’emploie aussi
pour construire des cylindres à paroi épaisse pour très hautes pressions. On établit
dans le récipient une pression assez forte pour plastifier la zone intérieure du cylindre;
en supprimant la pression, le matériau de la région intérieure se trouve comprimé et
celui de la région extérieure est sous tension.

7.3.4 Exemples de systèmes précontraints


Assemblages boulonnés
En serrant un assemblage boulonné, la vis avance dans l’écrou de la distance de
précontrainte f0 (fig. 7.23). Le calcul de la rigidité d’un boulon est aisé, en revanche
celui des pièces assemblées est plus difficile. Nous renvoyons aux ouvrages spécialisés
[7.1, 7.2].
Le contrôle de la précontrainte étant délicat, on recourt souvent à l’utilisation de
clefs dynamométriques pour régler F0, car le couple de serrage d’un écrou ou d’une
vis est donné par [7.3, 7.4, 7.5]

d d 
M0 =  2 tan (α 2 + ρ ′ ) + m µ b  F0 (7.24)
2 2 
Chapitre 7 Page 254 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

254 CONCEPTION DES MACHINES

dm

d2
1
f0

fb

(a) (b)

Fig. 7.23 Assemblage boulonné : (a) boulon libre; (b) boulon serré.

avec:
d2 diamètre moyen du filetage
dm diamètre moyen de frottement de l’écrou ou de la tête de vis
α2 angle de montée du filetage sur le diamètre moyen
µb coefficient de frottement entre la base d’appui et l’écrou ou la tête de vis

La grandeur

µ
ρ ′ = arctan (7.25)
cos β 2

est l’angle de frottement équivalent dans le filetage, avec le coefficient de frottement µ


et l’angle β des flancs du filetage.
Pour un couple de serrage donné, la précontrainte effective est directement
influencée par le frottement, µ et µb. On sait combien le frottement est aléatoire, par
conséquent la précontrainte peut fluctuer dans de très larges limites, en dépit de la pré-
cision apparente de la méthode. On a mesuré des serrages s’écartant jusqu’à ± 50% de
la valeur théorique. Un contrôle de la précontrainte beaucoup plus sûr consiste à mesu-
rer l’allongement de la vis ou de mesurer directement la force au moyen d’une jauge
extensiométrique. La figure 7.24 montre un vérin hydraulique permettant de tirer sur la
vis jusqu’à ce que les jauges (2) ou (3) indiquent que la force F1 est atteinte. On serre
ensuite l’écrou à la main, puis on relâche le vérin. Il subsiste dans l’assemblage la
force

F0 = α F1

où α ≈ 0,95 tient compte de la déformation du filetage et de l’écrou lors de la mise en


charge.
Chapitre 7 Page 255 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 255

9 3
1 goujon
2, 3 jauges dynamométriques
8 4 écrou
5 entretoise
7 6 ouverture pour le serrage de l’écrou
7 raccord
5 8 vérin hydraulique
4 6 9 huile sous pression

Fig. 7.24 Vérin de précontrainte.

On utilise maintenant souvent des visseuses automatiques qui tendent les vis
jusqu’au seuil de l’écoulement plastique; elles se déclenchent lorsque le rapport du
couple de serrage à l’angle de rotation de l’écrou diminue rapidement du fait de la
plastification de la vis.

Emmanchements cylindriques
Considérons un tube (1) qu’on veut introduire dans un manchon (2) (fig. 7.25a).
Le diamètre extérieur du tube est supérieur à l’alésage du manchon avec le serrage

f0 = d1e ± d2i (7.26)

En forçant le tube dans le cylindre, apparaît une pression de contact p0 qui com-
prime le tube et qui dilate le manchon (fig. 7.25b). Le diamètre du cylindre de contact
est alors ds. Le calcul de la pression de contact est bien connu, montrons l’approche
par la rigidité intérieure.
Posons les rapports des diamètres

d1i d2i
Q1 = Q2 = (7.27)
d1e d2e

Le module d’élasticité et le facteur de Poisson des matériaux de l’arbre, respec-


tivement du manchon, sont E1, E2, et µ1, µ2.
Chapitre 7 Page 256 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

256 CONCEPTION DES MACHINES

2
1
p

f0

d1e

d1i
d2e

d2i

l l ds
(a) (b)

Fig. 7.25 Emmanchement cylindrique : (a) avant montage; (b) après assemblage.

La mécanique du solide permet de calculer la déformation radiale des pièces en


fonction de la pression appliquée. En supposant un comportement élastique (loi de
Hooke) et en négligeant les effets d’extrémité (pièces admises infiniment longues) on
a [7.6]:
• la compression diamétrale extérieure du tube

p1  1 + Q12 
∆d1e =  1 ± Q 2 ± µ1  d1e (7.28)
E1  1 

• la dilatation diamétrale intérieure du manchon

p2  1 + Q22 
∆d2i =  2
+ µ 2  d2i (7.29)
E2  1 ± Q2 

Définissons la rigidité diamétrale des pièces vis-à-vis de la pression

dp
kp = (7.30)
d ( ∆d )

Avec les expressions précédentes, on a:

E1 1
kp1 = (7.31)
d1e 1 + Q12
± µ1
1 ± Q12
E2 1
kp2 = (7.32)
d2i 1 + Q22
+ µ2
1 ± Q22
Chapitre 7 Page 257 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 257

La rigidité intérieure de l’assemblage tube-manchon est

1
kip = (7.33)
1 1
+
kp1 kp2

La pression de contact de précontrainte vaut alors

p0 = kip f0 (7.34)

L’emmanchement s’utilise pour assembler des moyeux et des arbres. Les maté-
riaux sont fréquemment de même nature, c’est-à-dire que E1 = E2 = E et µ1 = µ2 = µ.
En outre, l’arbre est le plus souvent plein, dli = 0 et donc Q1 = 0. On remarque encore
que dle ≈ d2i ≈ ds, le diamètre de serrage. En faisant les substitutions, on obtient

E 1
kp1 = (7.35)
ds 1 ± µ

E 1
kp2 = (7.36)
ds 1 + Q22
+ µ
1 ± Q22

E 1 ± Q22
kip = (7.37)
ds 2

On obtient immédiatement la pression de contact par (7.34)

1 ± Q22 f0
p0 = E (7.38)
2 ds

Remarquons que la pression de serrage est proportionnelle au module d’élasticité


des matériaux ainsi qu’au serrage relatif f0 /ds.
Dans les grands disques, si d2e > 5d2i, on a Q2 < 0,2 et on commet une petite
erreur par excès en calculant la pression de serrage simplement par

1 f
p0 ≈ E 0 (7.39)
2 ds

La pression de contact est très sensible aux tolérances de fabrication. Elle est sou-
vent bien plus faible que la valeur théorique à cause du lissage des aspérités de surface
des pièces (§ 7.4.1). Les assemblages relativement peu serrés peuvent se monter à la
presse. Mais lorsque le serrage est important, on est obligé de dilater la pièce femelle
en l’échauffant ou de contracter la pièce mâle par refroidissement. Ces deux derniers
Chapitre 7 Page 258 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

258 CONCEPTION DES MACHINES

moyens sont parfois appliqués simultanément. On dit que l’assemblage est fretté lors-
que la précontrainte est obtenue par équilibrage thermique. Une méthode moderne
d’assemblage consiste à donner une très légère conicité à la portée et à effectuer le
montage en injectant de l’huile à haute pression entre les pièces préalablement rappro-
chées. Ce système est particulièrement facile à démonter en procédant dans l’ordre
inverse.
Il n’est pas nécessaire de se limiter à solliciter le matériau seulement dans le
domaine élastique. On peut au contraire laisser travailler la zone intérieure du moyeu
dans le domaine plastique et augmenter ainsi encore sensiblement l’effort transmis-
sible par l’assemblage [7.6]. Mais la pression de contact est alors tellement élevée que
le démontage n’est plus possible sans détruire les pièces.

Roulements
Considérons, par exemple, un arbre monté sur deux roulements à billes
(fig. 7.26). La précharge est obtenue en montant une entretoise (7) un peu trop longue
entre le roulement (6) et la languette du couvercle (4), de sorte que le couvercle
s’appuie d’abord sur elle. En serrant les vis (5), le couvercle force sur l’entretoise,
comprime toutes les pièces et vient finalement s’appliquer contre la face du bâti.

l6
référence de cotes

l2 l3 l4 l1 l5
4
1 5

2 3
7 (entretoise)
6

Fig. 7.26 Précontrainte de roulements réglée par une entretoise.

L’espace disponible entre la face du roulement (6) et la languette du couvercle est

l1 = l 6 ± ( l 2 + l3 + l 4 + l 5 )

Pour obtenir une précharge F0, il faut une distance de précontrainte f0 et donner à
l’entretoise l’épaisseur

l f = l1 + f0
Chapitre 7 Page 259 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 259

Les roulements sont les éléments les plus souples insérés dans la boucle de pré-
contrainte, ils déterminent donc pratiquement à eux seuls la rigidité du système. Sup-
posons qu’on veuille précharger les roulements avec une force égale à un quart de leur
capacité de charge dynamique. Il faut, par exemple, pour deux roulements de 50 mm
d’alésage, une distance f0 de l’ordre de 200 µm. L’espace l1 effectivement disponible
pour l’entretoise est affecté par les écarts de cote de fabrication. En admettant que tou-
tes les cotes se trouvent dans les tolérances normales, on peut voir que l’écart se situe
dans une fourchette de 120 µm, du même ordre de grandeur que la distance de précon-
trainte. Selon le cas, la précharge est tellement forte que la longévité des roulements
s’en trouve compromise ou la précharge est insuffisante. Il n’est finalement pas possi-
ble de fabriquer l’entretoise d’avance, il faut la mettre à la cote de cas en cas après
avoir mesuré exactement la place disponible. Cette procédure est incompatible avec
les exigences de la fabrication en série, elle renchérit beaucoup la fabrication et pose
problème en cas de réparation.
Cet exemple illustre les difficultés rencontrées en cas de précontrainte géomé-
trique. On peut s’en affranchir en utilisant un élément souple (sect. 7.7). Dans le cas
des roulements ci-dessus, on prévoit avantageusement une précharge par ressort
(fig. 7.98) provoquant pratiquement une précontrainte par force imposée.

Assemblage d’un rotor


Le rotor d’un turboalternateur se compose de trois parties assemblées par un
tirant central (fig. 7.27). La solidarisation des pièces du rotor exige une force axiale F0
obtenue par le serrage du tirant. Cette force se calcule en exprimant l’équilibre de la
partie gauche du rotor (fig. 7.28); en supposant les pièces à la limite du décollement et
en négligeant le frottement, on a

Fig. 7.27 Rotor de turboalternateur assemblé par un tirant (ABB).

F0
G – sur le centrage

F0–
G = mg
a

Fig. 7.28 Equilibre de la partie gauche du rotor de la figure 7.27.


Chapitre 7 Page 260 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

260 CONCEPTION DES MACHINES

A1 A2

Fig. 7.29 Modèle du rotor.

a
F0 = mg (7.40)
b

En supposant toutes les pièces en acier, la rigidité intérieure selon le modèle de la


figure 7.29 vaut

E A1 A2
ki =
l A1 + A2

Il faut la distance de précontrainte géométrique

F0 l A1 + A2 a
f0 = = mg (7.41)
ki E A1 A2 b

Pour le montage, on chauffe le tirant avant de l’introduire dans le corps du rotor,


puis on visse les écrous en appui. En se refroidissant, le tirant se contracte et serre le
rotor par son élasticité propre. La dilatation thermique doit être au moins égale à la
distance de précontrainte, soit

f0 ≤ α 2 l ( T ± Ta ) (7.42)

où Ta est la température ambiante et α2 le coefficient de dilatation thermique du tirant.


Cette équation fournit finalement la température de chauffage du tirant

f0 1 A1 + A2 a
T ≥ Ta + = Ta + mg (7.43)
α2 l α 2 E A1 A2 b

On remarque que l’échauffement nécessaire est indépendant de la longueur du


tirant.
Le démontage du rotor n’est possible qu’en procédant dans l’ordre inverse. On
chauffe le tirant au moyen d’un corps de chauffe électrique introduit dans un forage. Il
existe une gaine d’air entre le tirant et le corps du rotor afin d’isoler thermiquement le
tirant; sans cela, on ne pourrait que très difficilement le chauffer.
Chapitre 7 Page 261 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 261

Récipients pour très hautes pressions


Les récipients pour très hautes pressions, réacteurs chimiques, pompes à piston,
canons d’artillerie, sont souvent précontraints en frettant deux ou trois tubes les uns
sur les autres ou en enroulant un fil ou un ruban serré sur le tube intérieur. On procède
aussi par autofrettage d’un tube à paroi épaisse en le sollicitant une fois par une pres-
sion intérieure suffisamment élevée pour que toute la paroi du tube passe en état de
sollicitation plastique [7.7].

Autres systèmes précontraints


Les sections 7.6 et 7.7 montrent encore de nombreux exemples de systèmes pré-
contraints.

7.4 PERTURBATIONS DE LA PRÉCONTRAINTE

7.4.1 Perturbations géométriques


Variation de la précontrainte
Considérons un système linéaire précontraint au montage par une force F0. La
variation d’une quantité ∆f0 de la distance de précontrainte provoque la variation

∆ F0 = ki ∆ f0 (7.44)

de la précontrainte et la variation relative

∆ F0 ∆ f0
= (7.45)
F0 f0

La variation de la précontrainte est proportionnelle à la rigidité intérieure du système


(fig. 7.30). Elle est très importante en cas de précontrainte géométrique, droite (1), pour

précontrainte géométrique
F0 1
ki
F0'

∆F0
3 précontrainte par élément souple
F0 2 précontrainte par force imposée

f0 ∆f0

Fig. 7.30 Perturbation géométrique de la précontrainte.


Chapitre 7 Page 262 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

262 CONCEPTION DES MACHINES

peu que la rigidité intérieure du système soit grande. Elle est nulle en cas de précon-
trainte par une force imposée parce que la rigidité intérieure est nulle, droite (2). Dans
le cas d’un système précontraint par un ressort, droite (3), la variation est très faible, au
point qu’on peut généralement l’assimiler à un système précontraint par une force
imposée.
Voyons maintenant les principales causes de perturbations géométriques.

Tassement ou lissage
On observe que la précontrainte d’assemblages diminue progressivement peu
après le serrage, puis se stabilise après un certain temps. Ce phénomène provient du
lissage par l’écrasement plastique avec fluage des aspérités des surfaces en contact. Le
tassement au contact de deux surfaces est d’autant plus grand que les surfaces sont
plus rugueuses, mais il est plus petit que la somme des rugosités des surfaces. Il est
aussi plus grand si les métaux sont mous (aluminium). Le tassement total s’accroît
naturellement avec le nombre de surfaces en contact. Par exemple, l’assemblage bou-
lonné de la figure 7.31 présente six surfaces de contact (t), dont le contact vis-écrou
dans le filetage.

t
t t

1
1
t
2
2
t
3
3
t

Fig. 7.31 Assemblage boulonné. Fig. 7.32 Assemblage présentant moins de tassement
que celui de la figure 7.31.

Le tassement est nuisible parce qu’il diminue la précontrainte de l’assemblage; il


faut donc veiller à le réduire:
• en usinant très proprement toutes les surfaces en contact (petite rugosité);
• en diminuant le nombre de surfaces en contact; à cet égard, les rondelles plates
sont néfastes; on a aussi enregistré de sérieux mécomptes en voulant assembler
par une même vis un empilage de pièces en vue de faire des économies; il est
préférable d’assembler les pièces deux par deux seulement (fig. 7.32) sous
réserve que la souplesse de la vis soit suffisante.

Les assemblages boulonnés usuels sont rigides et très sensibles au tassement. La


variation relative de précontrainte atteint jusqu’à 70%; dans les cas les plus favorables
(vis à haute limite élastique), elle n’est pas inférieure à 20%. La diminution de la pré-
contrainte est préjudiciable à la résistance à la fatigue des vis, à l’étanchéité des joints
Chapitre 7 Page 263 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 263

plats et à la tenue de l’assemblage. C’est pourquoi il faudrait toujours reprendre le


serrage des boulons importants quelques jours après leur montage.

Usure
L’usure de pièces insérées dans une boucle précontrainte diminue la précharge à
cause de l’enlèvement de matière.

Fluage
Certains matériaux de pièces précontraintes subissent du fluage, surtout à tem-
pérature élevée. Il en résulte une variation dimensionnelle qui va toujours dans le
sens d’une diminution de la précontrainte. Ce phénomène se produit très souvent
avec des polymères. Ainsi s’explique le relâchement progressif de certains assem-
blages. Les effets du tassement de joints plats sont analysés en détail au paragraphe
22.3.4.

Dilatation thermique
La dilatation ou contraction résultant de modification du champ thermique pro-
voque généralement une variation de la distance de précontrainte. Par exemple, la dila-
tation de l’arbre de la figure 7.26 accroît la précharge des roulements tandis qu’une
dilatation du bâti la diminue. Un autre exemple de perturbation de la précontrainte par
la dilatation thermique est décrit au paragraphe 22.3.4 en relation avec le fonctionne-
ment des joints plats.

Perturbation résultante
La variation de la distance de précontrainte résultant des phénomènes évoqués
ci-dessus s’exprime par

∆ f = ± fT ± fU ± fF ± α1 l1 ( T1 ± T0 ) + α 2 l 2 ( T2 ± T0 ) (7.46)

avec:
fT tassement dû au lissage
fU usure
fF déformation de fluage
α1 coefficient de dilatation thermique d’une pièce tendue
α2 coefficient de dilatation thermique d’une pièce comprimée
T0 température de montage
T1 température de service d’une pièce tendue
T2 température de service d’une pièce comprimée
l1 longueur de dilatation d’une pièce tendue
l2 longueur de dilatation d’une pièce comprimée

7.4.2 Perturbations de la rigidité intérieure


La rigidité d’une quelconque pièce est proportionnelle à son module d’élasticité.
Celui-ci est une fonction de la température, il diminue généralement lorsque la tempé-
rature s’élève. Par exemple, de l’acier ayant 0,1 à 0,4% de carbone, voit son module
Chapitre 7 Page 264 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

264 CONCEPTION DES MACHINES

d’élasticité passer de 210 GPa à la température ambiante, à 185 GPa à 300°C et même
à 140 GPa vers 500°C. L’influence thermique de la rigidité est particulièrement pro-
noncée dans le cas des polymères. L’échauffement des matériaux est aussi susceptible
de provoquer du fluage et une certaine relaxation des contraintes à la suite de l’abais-
sement de la limite élastique.

F0
(T0)
F0 A
F0'' C
(T)
F0'
B

ki k i' f
0 ∆f ∆fT
f0

Fig. 7.33 Evolution de la précontrainte dans un système chauffé à haute température.

Considérons, par exemple, un système précontraint au montage, à la température


T0, par une distance de précontrainte f0. La rigidité intérieure étant ki, il en résulte la
précontrainte F0; point A dans la figure 7.33. Portons tout le système ou seulement une
de ses parties à une température élevée T. La caractéristique interne du système pré-
sente maintenant une rigidité initiale plus petite ki′ et une allure non linéaire par suite
de la chute de la limite élastique d’un matériau du système. Simultanément, la dilata-
tion accroît la distance de précontrainte de la quantité ∆fT et la nouvelle précontrainte
est maintenant F0′ , au point B. Progressivement se manifeste peut-être encore du
fluage.
Après refroidissement à T0, le système retrouve sa rigidité ki mais naturellement
pas la longueur ∆f perdue par déformation plastique et par fluage. Le serrage initial est
diminué d’autant, de sorte que la nouvelle précontrainte est maintenant seulement F0′′
(point C). Le cycle thermique a fait chuter la précontrainte. On évite la perte de précon-
trainte en exécutant toutes les pièces fonctionnant à des températures élevées en maté-
riaux résistant à la chaleur. Il faut aussi reprendre de temps à autre le serrage des pièces.

7.4.3 Affaiblissement des perturbations


On a toujours intérêt à ce que la précontrainte ne varie pas trop fortement. On
peut conclure de ce qui précède qu’il faut :
• assouplir la boucle précontrainte (sect. 7.7);
• utiliser des matériaux présentant un petit coefficient de dilatation thermique;
• éviter les matériaux susceptibles de fluer;
• usiner très finement et même polir les surfaces d’assemblage;
• précontraindre par une force imposée ou par un ressort plutôt que géométrique-
ment.
Chapitre 7 Page 265 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 265

7.5 SYSTÈME PRÉCONTRAINT SOUS CHARGE EXTÉRIEURE

7.5.1 Transmission de force


Nous avons étudié jusqu’ici les moyens mis en œuvre pour précontraindre un sys-
tème. Voyons maintenant le comportement de ce système lorsqu’on lui applique une
charge extérieure.
Un système bouclé précontraint (fig. 7.34) est soumis à une charge extérieure F
appliquée aux points G et H. Ces points divisent le système en deux parties (1') et (2')
dont les rigidités dans la direction de la force sont k1′ et k2′ . Elles sont à priori différen-
tes des rigidités k1 et k2 définies au paragraphe 7.3.1 sauf si les points d’application G
et H coïncident avec les surfaces de contact A et B des pièces précontraintes (fig. 7.9).
Mais la rigidité intérieure est naturellement identique, car

1 1 1 1 1
= + = +
ki k1 k2 k1′ k2′

puisque toutes les pièces sont en série du point de vue de la précharge.


Pour bien comprendre le fonctionnement d’un système précontraint, il faut se
rendre compte que la charge extérieure est transmise par des éléments branchés en
parallèle, tandis que ces éléments sont en série du point de vue de l’effort de précon-
trainte.
La charge extérieure se répartit sur les voies (1') et (2') (fig. 7.35). On a:

F = ∆ F1 + ∆ F2 (7.47)

On appelle rapport de forces le rapport de la part ∆F1, calculée par la formule


(6.15), à la charge extérieure,

∆ F1 k1′ 1
Φ′ = = = (7.48)
F k1′ + k2′ k′
1 + 2
k1′

Il est égal au rapport des rigidités Φ (7.18) seulement si les points G et H coïn-
cident avec A et B. On a:

k1′
∆ F1 = F = Φ′ F (7.49)
k1′ + k2′

k2′
∆ F2 = F = (1 ± Φ ′ ) F (7.50)
k1′ + k2′

Calculons maintenant l’effort résultant de la superposition de la charge et de la


précharge dans chaque branche du système. Nous supposons que la charge et la pré-
charge sont parallèles.
La branche (1') (fig. 7.36) transmet la force
Chapitre 7 Page 266 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

266 CONCEPTION DES MACHINES

1' F0 traction

2'
G F0 compression H H'
F– F

l f

Fig. 7.34 Système précontraint sous charge extérieure.

G H H'
k'1
∆F1
F– F

k'2
∆F2

Fig. 7.35 Schéma d’un système précontraint chargé.

1' F1

2' F2
F0 G H' F0–

G F0– F0 H'
∆ F –2 ∆F2
∆F –
1 ∆F1

Fig. 7.36 Branche (1') isolée. Fig. 7.37 Branche (2') isolée.

F1 = F0 + ∆ F1 = F0 + Φ ′ F (7.51)

Dans le cas de la figure, cette force sollicite le corps de la pièce en traction et en flexion.
Si la charge F change de sens, la sollicitation de la branche devient

F1 = F0 ± ∆ F1 = F0 ± Φ ′ F (7.52)

et le corps de la pièce passe en compression si

F0
F > (7.53)
Φ′
Chapitre 7 Page 267 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 267

La branche (2') (fig. 7.37) est comprimée par la précharge F0 et transmet la part
∆F2 de la charge dans le sens d’une traction, leur résultante vaut

F2 = ± F0 + ∆ F2 = ± F0 + (1 ± Φ ′ ) F (7.54)

L’évolution d’un système précontraint, puis chargé par une force extérieure, se
représente facilement dans un diagramme de précontrainte (fig. 7.38). Portons la
charge F entre les caractéristiques F1 et F2. La relation (7.51) est immédiatement
visible; par contre, le diagramme donne la valeur opposée de la compression de (2),
–F2 = F0 – ∆F2. f10 ′ représente l’extension de la branche (1©), f20
′ la compression de
la branche (2') lors de la précontrainte du système et f représente l’allongement de la
distance GH (fig. 7.34). Dans le cas où la charge extérieure tendrait à comprimer
cette distance, il y aurait lieu de porter F dans le diagramme comme indiqué en
traitillé.

–F2 compression F1 traction

F ∆F1
F0

F
∆F2 F1

k'2
k'1 –F2
f
0
f

f '10 f '20

Fig. 7.38 Diagramme force-déformation d’un système précontraint chargé.

En considérant la formule (7.54), on distingue les cas suivants:


∆F2 < F0 les pièces de la branche (2') sont comprimées, toutes les pièces
restent en appui (fig. 7.38);
∆F2 = F0 la branche (2') est totalement déchargée (fig. 7.39a), les liaisons
comprimées sont libres;
∆F2 > F0 F2 devient une traction (fig. 7.39b); cette force s’annule s’il
existe une seule liaison unilatérale, toute la charge est alors
transmise par la branche (1') seulement (fig. 7.39c).
Chapitre 7 Page 268 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

268 CONCEPTION DES MACHINES

–F2 –F2 –F2 F1


F1 F1

F0 F0 F0

Flim F F

f f f
∆F2
traction
f '20
(a) (b) (c)

Fig. 7.39 Force transmise par la branche (2’) de la figure 7.34 : (a) charge limite; (b) charge limite dépassée
dans un système à liaisons bilatérales; (c) avec une liaison unilatérale.

Les forces F1 (7.51) et –F2 (7.54) sont représentées en fonction de la charge exté-
rieure dans la figure 7.40 où se retrouvent aussi les cas discutés ci-dessus.

F
Φ 'F
–F2 Φ' F1 traction

F0 1–Φ '
(1–Φ ')F séparation
éventuelle

compression

F
0
traction

Fig. 7.40 Force dans les branches d’un système précontraint en fonction d’une charge extérieure.

Dans un système précontraint par une force imposée, la rigidité de la branche


contenant le générateur de force est nulle (§ 7.3.2). Par conséquent, une charge exté-
rieure est entièrement transmise par l’autre branche. La figure 7.41 représente, par
exemple, une presse de serrage avec son schéma; k2 = 0 tant que le vérin est alimenté,
la pièce (2') est comprimée par la force F0 – F.
Dans le cas de systèmes non linéaires, par exemple un montage à roulements, il
est facile de déterminer graphiquement la distribution de la charge (fig. 7.42).

7.5.2 Déformation et rigidité apparentes


On observe que la distance l qui sépare les points d’application de la charge
s’allonge de la quantité f sous l’effet de la charge F (fig. 7.34). Nous appelons carac-
téristique apparente du système la fonction

F = F( f ) (7.55)
Chapitre 7 Page 269 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 269

G H
k'2

F0
F– F
1' F
k'1 k2 = 0
G
2'
H
F0

F–

(a) (b)

Fig. 7.41 Presse de serrage : (a) efforts; (b) schéma de transmission d’une charge extérieure.

–F2 F1

∆F1

F
∆F2

0 f

f '10 f

Fig. 7.42 Diagramme de forces non linéaires.

et rigidité apparente vis-à-vis de la charge extérieure

dF
k = (7.56)
df

Selon le modèle représenté à la figure 7.35 d’un système à précontrainte géomé-


trique, la charge est transmise par des voies parallèles, l’application de (6.13) donne la
rigidité apparente

k = k1′ + k2′ (7.57)

La rigidité apparente d’un système précontraint est égale à la somme de la


rigidité de chaque branche transmettant la charge extérieure.
Chapitre 7 Page 270 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

270 CONCEPTION DES MACHINES

F 1 liaisons bilatérales

2 une liaison unilatérale


A k'1
Flim
k = k'1 + k'2
f
0

f '10 f '20

Flim c
k'2 B
3

Fig. 7.43 Caractéristique apparente d’un système précontraint linéaire.

La rigidité apparente d’un système précontraint contenant une liaison unilatérale


change brusquement lorsque l’effort sollicitant une branche s’annule. La droite (1) de
la figure 7.43 représente la caractéristique d’un système dont toutes les liaisons sont
bilatérales, on peut tout aussi bien pousser ou tirer sur chaque branche. Dans le cas où
la branche comprimée (2) ne peut être mise en traction, ses pièces se séparent lorsque
l’allongement f est supérieur au raccourcissement de précontrainte f f20 ′ (fig. 7.39a).
L’effort limite Flim correspondant au point A de la figure 7.43 est tel que

∆ F2 lim = F0

Par (7.50) on obtient l’effort limite de décollement

F0
Flim = (7.58)
1 ± Φ′

Lorsque la charge est supérieure à cette valeur et si les pièces sont susceptibles de
se séparer, la rigidité apparente n’est plus que celle de la branche transmettant la force
en traction, c’est-à-dire k1′. La droite (2) représente cette caractéristique.
En cas de compression, F < 0; on rencontre des cas où la branche (1) ne peut pas
transmettre de force en compression (câble, chaîne, flambage d’une poutre), toute la
charge comprime alors l’autre branche du système et la rigidité apparente n’est plus
que k2′ , droite (3). La charge de transition se trouve immédiatement par la condition

±∆ F1 lim c = F0

et par (7.49)

F0
Flim c = ± (7.59)
Φ©′
Chapitre 7 Page 271 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 271

7.6 EXEMPLES D’APPLICATIONS

7.6.1 Assemblages à liaison complète

Principe
Un assemblage à liaison complète solidarise deux ou plusieurs pièces et permet la
transmission de forces d’une pièce à l’autre. Les conditions de fonctionnement
dépendent de la direction et du sens de la force à transmettre par rapport aux surfaces
en contact :
• La force F est normale à la surface de contact (fig. 7.44). Si la charge applique
les pièces les unes contre les autres, on peut à la rigueur se passer de la pré-
charge (fig. 7.44a). Si, au contraire, elle tend à les séparer (fig. 7.44b), il faut
une précharge des surfaces telle que

F0 > F (7.60)

• La force F est tangente à la surface de contact (fig. 7.45). Pour la transmettre


par frottement, il faut comprimer les surfaces de contact par une force normale

F
F0 > (7.61)
µ0

où µ0 est le coefficient de frottement statique.

F0 F0
F F

1 1

2 2
(a) (b)

Fig. 7.44 Transmission par obstacle : (a) F de même sens que F0; (b) F opposée à F0.

F0

F
2

Fig. 7.45 Transmission par frottement.

Assemblages boulonnés
Considérons, par exemple, une tête de bielle (fig. 7.46). Les vis (1) et (2)
assemblent le chapeau de palier (3) avec le corps de la bielle (4). Les vis doivent serrer
fortement ces pièces afin de les rendre solidaires à chaque instant. L’axe (5) de la
Chapitre 7 Page 272 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

272 CONCEPTION DES MACHINES

5 3
F1 F2
Ft
1 2

Ft1 Ft2
Fb Fa
a b

Fb–

Fig. 7.46 Assemblage d’une tête de bielle.

manivelle exerce une force Fb sur la bielle qui peut se décomposer en une composante
axiale Fa parallèle à l’axe des vis et une composante transversale Ft. Ces composantes
sont transmises au corps de bielle par les assemblages boulonnés: la composante
axiale par obstacle à travers la vis, la composante transversale par frottement entre le
chapeau de palier et le corps de la bielle. Afin d’éviter tout glissement du chapeau, on
emploie des vis ajustées ou on dispose une languette de positionnement.
Le serrage d’une vis provoque une précontrainte du système avec un champ de
force visible à la figure 7.47.

cheminement
de la précontrainte

(a) (b)

Fig. 7.47 Champ de force dans un assemblage boulonné : (a) vis; (b) goujon.
Chapitre 7 Page 273 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 273

Analysons les conditions de fonctionnement d’un assemblage boulonné


(fig. 7.48) et ses quatre critères de dimensionnement statique. Le rapport de forces Φ ′
nécessaire dépend de la position du point d’application de la charge F dans les pièces.

Fv
F

Fb
Ft

Ft–

F–
Fv–

Fig. 7.48 Sollicitations d’un assemblage boulonné.

Fb (serrage) Fv σgv > Rp0,2

F0

F Fv Fv max

k'b
k'v Fb
0
f0 Fb min

Fig. 7.49 Limitations d’un assemblage boulonné sollicité axialement.

Traction maximale de la vis


Le serrage de l’écrou au moyen d’une clé en vue d’obtenir la précontrainte
initiale applique un couple de torsion à la vis qui se combine avec la traction Fv . La
contrainte de comparaison σgv ne doit pas excéder la limite élastique du matériau
de la vis,

σ gv ≤ Rp 0,2 (7.62)

La traction maximale de la vis serrée provoquant la contrainte limite indiquée


étant Fv max, la condition de fonctionnement s’écrit Fv ≤ Fv max. En tenant compte de
la précontrainte et de la charge axiale de service, la formule (7.51) donne

Fv = F0 + Φ ′ F ≤ Fv max (7.63)
Chapitre 7 Page 274 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

274 CONCEPTION DES MACHINES

Cette limite est visible dans le diagramme de serrage ou de précontrainte de la


figure 7.49.

Pression de contact maximale de l’écrou et de la tête de vis


La traction dans la vis est transmise aux pièces par la surface d’appui de l’écrou
et par celle de la tête de vis. On vérifiera que la pression de contact soit inférieure à une
certaine pression limite déterminée empiriquement en rapport avec la dureté des maté-
riaux. Les métaux légers et les polymères, relativement mous, exigent de répartir la
charge sur une plus grande surface d’appui à l’aide de rondelles.

Serrage minimal pour empêcher le décollement des pièces


Les pièces assemblées sont serrées par la force Fb (fig. 7.48) qui ne doit jamais
s’annuler afin que les pièces ne se séparent pas. Une séparation serait néfaste à double titre:
• par la perturbation du fonctionnement des pièces assemblées;
• par le matage des surfaces de contact lorsque la force axiale diminue et que la
vis comprime à nouveau les pièces.

Il faut donc respecter la relation Fb > 0. En réalité, on tient compte d’une marge
de sécurité et la relation de sécurité s’écrit

Fb ≥ Fb min (7.64)

Compte tenu de (7.54), en remarquant qu’il s’agit d’une compression,

Fb = ± F2 = F0 ± (1 ± Φ ′ ) F ≥ Fb min (7.65)

Cette limite est aussi représentée dans la figure 7.49.

Serrage minimal pour transmettre la force transversale


La force transversale Ft est transmise par le frottement entre les pièces assem-
blées (fig. 7.50). Le coefficient de frottement minimal prévisible entre les pièces étant
µ0 min, la force de serrage des pièces doit aussi satisfaire la relation

Ft
F0 ± (1 ± Φ ′ ) F ≥ S = Fb min (7.66)
µ0 min

où S est un facteur de sécurité.


Les inégalités (7.63), (7.65) ou (7.66) fournissent la fourchette dans laquelle doit
se trouver la précontrainte cherchée:

F0 ≤ F0 max = Fv max ± Φ ′ F (7.67)

F0 ≥ F0 min = Fb min + (1 ± Φ ′ ) F (7.68)

La charge axiale F étant donnée, la précontrainte doit se trouver dans les limites
du segment A-B représenté dans la figure 7.51. La charge maximale applicable vaut
Chapitre 7 Page 275 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 275

Fmax = Fv max ± Fb min (7.69)

L’étude de l’assemblage consiste à choisir convenablement le matériau de la vis


et de l’écrou, à calculer la dimension du filetage ainsi que l’intensité de la précon-
trainte de manière à respecter simultanément les quatre conditions de fonctionnement.
Ces raisonnements sont à la base du dimensionnement des boulons. Nous verrons
au paragraphe 7.6.3 encore un critère de dimensionnement en relation avec la fatigue
du boulon.
Il faut chaque fois choisir judicieusement la précontrainte en anticipant le tas-
sement, le fluage et les éventuelles dilatations thermiques (§ 7.4.1).

Fv F0

Fv max
Φ'
F– B
F0 min
F
A
Fb min
1 – Φ' F0 max

0 F
Fv– F Fmax

Fig. 7.50 Transmission d’une charge transversale. Fig. 7.51 Choix de la précontrainte d’une vis.

Boulons ajustés extensibles

p
7

2
3

(a) (b)

Fig. 7.52 Schéma d’un boulon ajusté extensible : (a) situation de montage; (b) après montage.
Chapitre 7 Page 276 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

276 CONCEPTION DES MACHINES

Un boulon ajusté devrait en principe transmettre une force transversale par obsta-
cle, à la manière d’une goupille. Mais son corps est retréci par la traction de serrage, de
sorte qu’il plaque mal dans son trou de passage et peut donner naissance à du fretting.
La maison SKF a développé des boulons extensibles de gros calibre destinés à des
assemblages lourds tels que accouplements à plateau d’arbre de navire et fixation de
leurs paliers de butée (fig. 7.52a). La tête de la vis (3) contient une chambre dans
laquelle coulisse un piston (6). On y injecte de l’huile à une pression de 2700 bars à
travers une valve fixée sur le couvercle (7). Le piston exerce une poussée sur le fond de
la vis creuse par l’intermédiaire du poussoir (5). La vis s’allonge et peut s’introduire
sans difficulté dans son logement, car son diamètre extérieur diminue de 0,5 mm envi-
ron. On tourne ensuite l’écrou (4) en appui. En relâchant la pression d’huile, d’une
part le boulon grossit (fig. 7.52b); d’autre part, les pièces (1) et (2) sont serrées entre la
tête de vis et l’écrou en contractant l’alésage du trou. La vis est maintenant fortement
serrée dans son logement en assurant la transmission par obstacle de 80% de la force
transversale, le reste étant transmis par frottement. Le démontage se fait facilement
dans l’ordre inverse des opérations.

Autres assemblages
• rivets posés à chaud qui serrent les pièces en se refroidissant;
• clavettes à pente, goupilles;
• assemblages arbre-moyeu frettés ou avec un quelconque autre moyen de ser-
rage.

7.6.2 Compression permanente de matériaux


Certains matériaux offrent une meilleure résistance en compression qu’en trac-
tion. Ainsi, la résistance en compression de la fonte grise est 3 à 5 fois plus élevée
qu’en traction; les céramiques résistent mal à la traction; les fissures ne se propagent
qu’en traction. On a donc avantage à faire travailler ces matériaux seulement en com-
pression.
L’assemblage du bloc-cylindre et du bâti à vilebrequin en fonte (fig. 7.53) d’un
moteur pourrait en principe se faire par des boulons courts au plan de joint A. Mais la
force F exercée par le vilebrequin sur le fond du bâti et sa réaction F – sur la culasse
(pression des gaz) solliciterait toutes les pièces en traction. On a fait un progrès consi-
dérable en assemblant le tout par les tirants en acier. En tendant correctement les
tirants, les pièces en fonte travaillent toujours en compression.
Le bâti en fonte de la presse représentée à la figure 7.54 est aussi précontraint par
des tirants d’assemblage.

7.6.3 Décharge dynamique de pièces tendues


Tous les matériaux souffrent de fatigue et sont susceptibles de se rompre pré-
maturément s’ils sont soumis à un régime de contrainte variable au cours du temps
(sect. 23.5). On a toujours intérêt à diminuer le plus possible l’amplitude des varia-
tions de contrainte de traction. La précharge permet de reporter une partie de la
charge extérieure variable sur les pièces comprimées.
Une pièce est chargée par une force variable F (fig. 7.55a). Installons maintenant
cette pièce dans une boucle préchargée tout en lui laissant jouer le rôle de pièce
Chapitre 7 Page 277 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 277

F–

Fig. 7.53 Bâti de moteur précontraint.

tendue. La charge totale appliquée à la pièce est naturellement plus élevée (fig. 7.55b);
mais la variation de l’effort à l’origine de la fatigue est réduite et ne vaut plus que
∆F1 = Φ ′ F (7.49). On diminue encore cette variation de force en augmentant la valeur
du rapport k2′ k1′ ; habituellement en diminuant la rigidité de la voie tendue. Avec
′ < k1′ , on a Φ s′ < Φ ′ et ∆ F1s < ∆ F1 comme le montre la figure 7.55(c).
k1s
Formulons la règle : on diminue la charge dynamique imposée à une pièce tendue
précontrainte en assouplissant la branche dans laquelle elle est insérée.
Les moyens permettant d’obtenir ce résultat et des exemples d’application seront
présentés à la section 7.7.

7.6.4 Charge normale des transmissions à friction


Les transmissions à friction ne fonctionnent que si les surfaces devant transmettre
la force motrice par frottement sont préalablement fortement appuyées l’une sur
l’autre. Cette force d’appui est obtenue en insérant ces surfaces dans une boucle pré-
contrainte. La figure 7.56 montre le principe de fonctionnement, la précontrainte est
normale à la force motrice transmise entre la pièce (1) et la pièce (2).
Chapitre 7 Page 278 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

278 CONCEPTION DES MACHINES

tirant

Fig. 7.54 Presse à estamper.

F2 F1 F2 F1
F1 F ∆F1 F ∆F1s
F0 F0

F k'1s
k'1 k'1 k'2 k'2
0 t 0
(a) ∆l1 (b) (c)

Fig. 7.55 Amplitude de traction : (a) non précontraint; (b) avec précontrainte; (c) précontrainte avec un
élément souple.
Chapitre 7 Page 279 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 279

précontrainte
1
force motrice

vitesse
puissance
2
boucle de précontrainte

Fig. 7.56 Principe d’une transmission à friction.

Transmission à friction

F0

M1
1
T

ω2

Fig. 7.57 Transmission à roues de friction.

Les roues (1) et (2) (fig. 7.57) sont serrées l’une contre l’autre par la précharge
F0. La force tangentielle de frottement T transmet l’énergie. La précontrainte est
obtenue généralement à l’aide d’un ou de plusieurs ressorts afin de compenser les
dilatations thermiques et l’usure sans que la précharge ne varie beaucoup.
De nombreux variateurs de vitesse ont été construits sur ce principe. Par exemple,
la figure 7.58 illustre un type de variateur avec des disques précontraints par des ressorts.

Fig. 7.58 Variateur à disques coniques (Prym).


Chapitre 7 Page 280 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

280 CONCEPTION DES MACHINES

Courroies
Il faut tendre les courroies plates et les courroies trapézoïdales afin qu’elles soient
à même de transmettre l’effort utile entre elles et les poulies. Le comportement du
mécanisme dépend beaucoup de la manière dont est obtenue la tension nécessaire.
Considérons une courroie au repos (fig. 7.59) tendue par une tension initiale T0
qui comprime aussi le système poulies-arbres-bâti en appliquant la force radiale Fa
aux arbres. La courroie s’allonge de la quantité ∆l lorsqu’elle est étirée par une trac-
tion T. Sa rigidité vaut

dT
kc = (7.70)
d ( ∆l )

T0

Fa Fa– O2
1
d

O1
2

q1 q2
d

T0

Fig. 7.59 Prétension d’une courroie.

La définition de la rigidité du système des poulies est plus délicate. Supposons un


lien inextensible entourant les poulies à la place de la courroie (fig. 7.60). En lui appli-
quant une force Tf, les extrémités du lien se rapprochent de la quantité ∆lp. La rigidité
du système poulies-arbres-bâti vue depuis la courroie est alors

dTf
kp = (7.71)
( )
d ∆l p

∆lp

Tf

Fig. 7.60 Définition de la rigidité du système des poulies.

La figure 7.61 représente le diagramme de précontrainte du système, f0 est la


distance de précontrainte de la courroie. Mettons maintenant le mécanisme en
mouvement, à vide, sans qu’il transmette d’effort. La courroie est sollicitée par la
charge centrifuge qui provoque ce qu’on appelle la tension centrifuge de la courroie
(§ 16.3.1):
Chapitre 7 Page 281 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 281

Tc = q v 2 (7.72)

avec:
q masse linéique de la courroie
v vitesse linéaire de la courroie

La tension centrifuge est parallèle à la tension de la courroie et constitue une


charge extérieure appliquée au système précontraint. Le comportement de l’ensemble
est caractérisé par la valeur du rapport de rigidités

kc
Φ = (7.73)
kc + k p

Tf T

T0
Tc
T
kp Tf
kc
0 f
f0

Fig. 7.61 Diagramme de précontrainte d’une courroie, marche à vide.

La courroie subit la traction

T = T0 + Φ Tc (7.74)

et la tension du lien inextensible fictif représentatif du système poulies devient

Tf = T0 ± (1 ± Φ ) Tc (7.75)

Cette force provoque les charges linéiques radiales suivantes entre la courroie et
les poulies

2 Tf 2 Tf
q1 = q2 = (7.76)
d1 d2

permettant de transmettre la force tangentielle. C’est pourquoi nous appelons Tf la


traction de frottement.
Voyons maintenant comment se comporte le système selon la méthode de pré-
contrainte choisie.
Chapitre 7 Page 282 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

282 CONCEPTION DES MACHINES

Précontrainte géométrique
La tension initiale s’obtient souvent en montant une courroie plus courte que la
longueur géométrique théorique mesurée sur les poulies, ou en écartant les arbres de
manière à tendre la courroie. Cette dernière méthode s’utilise beaucoup si une poulie
est montée directement sur le bout-d’arbre d’un moteur (fig. 7.62).

Tf
T
T0 courroie
Tc
kc
T ≈ T0
kp Tf

Fig. 7.62 Précontrainte géométrique d’une courroie. Fig. 7.63 Distribution de l’effort centrifuge, précon-
trainte géométrique.

La tension centrifuge se répartit en principe entre la courroie et les poulies. Mais,


si le montage des poulies est correct, la courroie est nettement plus souple que
l’ensemble poulies-bâti; par conséquent, le rapport de rigidité Φ est très petit. Alors,

T ≈ T0 
 (7.77)
Tf ≈ T0 ± Tc 

La figure 7.63 représente le diagramme de précontrainte correspondant.


Contrairement à l’intuition commune, en cas de précontrainte géométrique, la
charge centrifuge n’accroît pratiquement pas la tension de la courroie, mais décharge
les poulies en diminuant du même coup la capacité de transmission de force par frot-
tement.

Précontrainte par force imposée


De très longues courroies sont précontraintes uniquement par leur poids propre,
parfois par des tendeurs à contrepoids ou à ressort (fig. 7.64). Ces derniers présentent
l’inconvénient de fatiguer beaucoup la courroie en lui imposant à chaque passage une
inversion de courbure s’ils sont placés à l’extérieur.

brin mené

brin menan
t

(a) (b)

Fig. 7.64 Précontrainte de courroie par force imposée : (a) poids propre; (b) tendeur.
Chapitre 7 Page 283 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 283

Dans ce cas, la rigidité de l’ensemble poulies-bâti est nulle ou très petite vis-à-vis
de la rigidité de la courroie. Le rapport de rigidités vaut alors Φ ≈ 1 et

T ≈ T0 + Tc 
 (7.78)
Tf ≈ T0 
En cas de tension initiale d’une courroie par une force extérieure, la traction cen-
trifuge est entièrement reportée sur la courroie tandis que l’adhérence sur les poulies
reste inchangée.
Les variateurs à courroie trapézoïdale sont toujours précontraints par un ou deux
ressorts qui serrent les flasques des poulies (fig. 7.65). La précontrainte varie avec le
rapport de transmission du fait de la variation de l’écartement des flasques. On
s’arrange de manière à ce que la tension de la courroie soit la plus forte lorsque le dia-
mètre primitif de fonctionnement de la poulie menée est le plus petit car, à couple de
sortie constant, l’effort transmis est alors le plus intense.

poulie motrice

Fig. 7.65 Courroie et poulie d’un variateur à deux poulies réglables (Flender).
Chapitre 7 Page 284 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

284 CONCEPTION DES MACHINES

La tension des brins d’une courroie ainsi que la distribution de la charge linéique
radiale sont modifiées lorsque le mécanisme transmet un effort moteur (§ 5.6.2).

Embrayages
La transmission de couple par un embrayage à friction nécessite le serrage des
surfaces glissantes par des dispositifs mécaniques, hydrauliques, pneumatiques ou
électromagnétiques.
La figure 7.66 représente un embrayage à tambour. Les garnitures consistent en
plusieurs segments (2) entourés d’une corde élastique (3) qui rappelle toujours les seg-
ments contre les disques coniques (4). La partie inférieure de la figure montre l’organe
en position débrayée. Pour embrayer, on pousse la bague de commande (5) vers la
droite; elle agit sur trois leviers tournant autour de (6) qui rapprochent les disques (4)
en serrant les garnitures radialement contre le tambour (1). Le mécanisme subit une
précontrainte géométrique par les leviers qui sont longs et fins pour former les ressorts
de serrage; il est sensible à l’usure des garnitures qui peut se rattraper en serrant
l’écrou de réglage (7).

8 7 5 6 1 4 2 9
1

5
6
3

5
7

4 3 2

Fig. 7.66 Embrayage à tambour (Conax, Desch, Fig. 7.67 Embrayage électromagnétique (Ortling-
Neheim, Hüsten). haus).

L’embrayage électromagnétique représenté à la figure 7.67 constitue un exemple


de précontrainte à force imposée. L’électro-aimant (1) avec sa bobine (2) est retenu en
rotation par ses encoches (9) en prise avec le bâti de la machine. Le champ magnétique
attire la pièce polaire (7) vers la bague d’appui (4) en comprimant le paquet de disques
(5/6). Les disques extérieurs sont entraînés par le moyeu-cloche (8) tandis que les dis-
ques intérieurs coulissent dans les rainures du moyeu (3). L’usure des disques
n’affecte pratiquement pas le serrage.
Les freins sont serrés de manière analogue aux embrayages.

7.6.5 Suppression de jeu


On peut supprimer le jeu de mécanismes en incluant les pièces dans une boucle
préchargée qui rattrape les jeux. Voici quelques exemples.
Chapitre 7 Page 285 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 285

Roulements
Ce cas se rencontre le plus souvent dans les guidages à roulement. Par exemple,
une butée à double effet d’une vis à billes (fig. 7.68) est préchargée par l’écrou (2). La
précontrainte est géométrique, elle dépend de la longueur de l’entretoise (1). La pré-
contrainte charge axialement la butée, augmente sa fatigue ainsi que l’énergie dissipée
par frottement. La précharge axiale de roulements à contact oblique supprime le jeu
axial et le jeu radial. Voir, par exemple, les figures 7.84 et 7.91.

F0

Fig. 7.68 Précontrainte d’une butée à double effet.

Coulisses
Le coulisseau (2) (fig. 7.69) est maintenu entre le bâti (1) et le plot (3) par le res-
sort (4).

2 4
3
1

Fig. 7.69 Précharge d’une glissière.

Engrenages
Les jeux d’engrènement sont très gênants dans les mécanismes de positionne-
ment de machines-outils et de robots; on peut les supprimer en installant deux roues ou
deux pignons en parallèle dans une boucle précontrainte.
Une roue (1) est fixée sur son arbre tandis que la roue (2) peut tourner librement
(fig. 7.70a). La seconde est reliée à la première par le ressort (3) de sorte que les dents
Chapitre 7 Page 286 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

286 CONCEPTION DES MACHINES

des roues prennent appui sur les flancs opposés des dents du pignon. La figure 7.70(b)
montre une vis sans fin double précontrainte par un ressort. Ces mécanismes se ren-
contrent surtout pour de petites puissances, en microtechnique; dans l’un des sens de
rotation, l’effort transmis est limité par la tension des ressorts.

a b

2 1
3

(a) (b)

Fig. 7.70 Précontrainte élastique d’éléments dentés : (a) engrenage cylindrique; (b) vis sans fin.

Trains d’engrenages
Voici quelques exemples de trains d’engrenages à deux voies.
Le moteur et son pignon (1) entraînent l’arbre de sortie (7) (fig. 7.71) par
l’intermédiaire de deux trains d’engrenages parallèles, (2) – (3) et (4) – (5). L’arbre
qui relie (4) à (5) comporte un élément élastique, par exemple une barre de torsion, qui
précharge la boucle d’engrenages (5-6-3-2-1-4) avec un couple M0. Toutes les den-
tures sont ainsi en force, les jeux rattrapés et les paliers chargés. Au repos, le pignon
(3) transmet le couple MI = M0 et le pignon (5), MII = M0.
Le ressort est beaucoup plus souple que l’arbre de l’autre voie, k1′ >> k2′ , par
conséquent Φ' ≈ 1.

ressort
4 MII 5 F5

∆M2
k'2 6

M II
+
1
7

moteur
k'1
∆M1

+ MI 3 F3

Fig. 7.71 Engrenages précontraints par une barre de torsion.

Transmettons maintenant par les arbres intermédiaire, dans le sens indiqué dans
la figure, un couple moteur M qui se répartit en principe sur les deux voies de transmis-
sion selon
Chapitre 7 Page 287 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 287

∆ M1 = Φ ′ M ≈ M

∆ M2 = (1 ± Φ ′ ) M ≈ 0

L’effort utile est transmis pratiquement seulement par la voie I. Le couple trans-
mis par chaque voie devient

M I = M0 + M

MII = M0

Ces relations sont représentées dans la figure 7.72. Inversons le sens du couple
moteur, MI s’annule pour M = –M0 et la denture du pignon (3) parcourt alors son jeu
avec (6). Supposons qu’on veuille transmettre un couple maximal Mmax, il faut une
précontrainte M0 > Mmax pour que le couple puisse s’inverser sans que les jeux ne se
manifestent. Par conséquent, il faut dimensionner les organes de la voie I pour un cou-
ple maximal un peu supérieur à 2Mmax.

MI

Mmax
M0
MII

Mmax

M
0
–M0 –Mmax Mmax

Fig. 7.72 Couple transmis par les voies du réducteur de la figure 7.71.

La figure 7.73 représente le mécanisme de commande d’une table de fraiseuse.


L’arbre central (1) porte les pignons hélicoïdaux (2) et (3) dont les angles d’hélice sont
opposés. L’arbre coulisse librement axialement, il est poussé contre les dentures des
roues (4) et (5) par le ressort (6).
Isolons l’arbre central au repos (fig. 7.74). Les composantes périphériques Ft2 et
Ft3 sont égales et opposées (équilibre périphérique). Par conséquent, les composantes
axiales sont aussi égales, mais elles sont dirigées dans le même sens. Ces dernières
sont en équilibre avec la poussée du ressort, par conséquent

1
Fa2 = Fa3 = F6 (7.79)
2

Les forces périphériques Ft2 et Ft3 sont égales et donnent naissance au couple de
précontrainte M0. La construction des deux voies de transmission étant pratiquement
Chapitre 7 Page 288 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

288 CONCEPTION DES MACHINES

entraînement
6
Voie I Voie II

2
3
1
5

Table

Fig. 7.73 Commande d’une table de fraiseuse.

F –t2 F –n2

1 M –0
F –a3
F6

M F –a2 M0

F –t3 F –n3

Fig. 7.74 Equilibre au repos de l’arbre (1) de la figure 7.73.

symétrique, k1′ = k2′ et Φ ′ = 0,5. Appliquons maintenant le couple moteur M , il se


répartit par moitié sur les deux voies (fig. 7.75)

MI = M0 + 0, 5 M

MII = M0 ± 0, 5 M

En raisonnant comme dans le cas précédent, pour transmettre Mmax, il faut


M0 > 0,5Mmax et donc dimensionner les pièces pour

MI = M0 + 0, 5 Mmax > Mmax (7.80)

Comparé au mécanisme précédent, il présente le grand avantage que le couple


transmis par la voie la plus chargée ne vaut plus que la moitié du couple rencontré dans
Chapitre 7 Page 289 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 289

le système ayant seulement un arbre souple. Les dents restent aussi en contact à
l’inversion du couple moteur.
Nous verrons que le couple de précontrainte M0 donne lieu à une circulation de
puissance (§ 12.6.1).

MII MI

Mmax M0 Mmax

M
0
–2M0 2M0

Fig. 7.75 Couple transmis par les voies du réducteur de la figure 7.73.

L’exemple suivant est intéressant parce qu’il montre une précontrainte électrique
au lieu de la traditionnelle précontrainte mécanique à ressort (fig. 7.76a). La roue
dentée de sortie est attaquée par deux moteurs électriques par l’intermédiaire de
réducteurs identiques. Il existe cinq régimes de fonctionnement représentés dans le
diagramme 7.76(b):
• Régime I. Les moteurs appliquent à la roue de sortie des couples M1 et M2
égaux et opposés. Tout le système est précontraint; notons que la boucle de
précontrainte est fermée à travers l’installation électrique, dispositif de com-
mande et amplificateurs de puissance. Le mécanisme reste au repos.
• Régime II. L’intensité du couple M1 est supérieure à celle de M2, le couple
résultant M = M1 – M2 est positif. Le mouvement peut accélérer dans le sens
positif.
• Régime III. L’intensité de M2 est supérieure à celle de M1, alors M < 0, le mou-
vement ralentit si la rotation est positive ou s’accélère dans le sens négatif.
• Régime IV. En partant de la situation I ou II, on diminue M2 puis on inverse le
sens de ce couple. Les dentures restent en appui du côté M1, mais le second
moteur conjugue son effort avec le premier pour entraîner le mécanisme dans
le sens positif.
• Régime V. Même situation que IV, mais dans le sens négatif en diminuant M1.

Ce système offre l’avantage d’une commande souple et puissante, on le rencontre


dans des servomécanismes rapides.

Mécanismes articulés
La figure 7.77 montre un mécanisme à came. Supposons qu’un ressort de rappel
(6) agisse directement sur le bras portant le suiveur (2), le jeu existant dans les articu-
lations (C), (D) et (E) perturbe le mouvement de l’extrémité de la chaîne cinématique
(sect. 15.3). On supprime l’effet de ces jeux en plaçant le ressort dans la position (7),
sur le levier (5). La force exercée par ce ressort doit être assez forte pour que, compte
tenu des forces d’inertie, les couples cinématiques ne perdent jamais le contact
(sect. 15.5).
Chapitre 7 Page 290 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

290 CONCEPTION DES MACHINES

M1

consigne +M
com. moteurs

M2

(a)

M
M=2M1>0
M1
M1=M2
M=M1–M2>0
M1 M1
M=0
0
M<0 M1=M2
M2 M2
M2
M=2M1<0
régimes I II III IV V
(b)

Fig. 7.76 Réducteur précontraint électriquement : (a) schéma; (b) modes de fonctionnement.

B 3 C
1
7
E
6 4
2 5
A D

Fig. 7.77 Mécanisme à came.

En principe, un ressort de rappel doit toujours agir sur le dernier élément d’une
chaîne cinématique.

7.6.6 Augmentation de la rigidité


Principes
Un certain organe de machine soumis à la charge F présente une rigidité k1
(fig. 7.78a). Insérons-le dans une boucle précontrainte dont la rigidité de la seconde
branche est k2 (fig. 7.78b). Il en résulte deux effets:
Chapitre 7 Page 291 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 291

k1 F
F– F
(a) k'1

F B
k1

F– F F0
k2 k1
F
(b) A
f
F0 0

Fig. 7.78 Pièce seule (a) ou précontrainte (b). Fig. 7.79 Accroissement de la rigidité d’un élément à
contact hertzien par une précontrainte.

• La rigidité apparente du système devient

k = k1 + k2 (7.81)

Notons que la rigidité n’augmente que si la rigidité k2 n’est pas nulle, c’est-à-
dire qu’en cas de précontrainte géométrique.
• Si l’élément de machine présente un contact hertzien, sa rigidité tangente k1 croît
lorsqu’il est préchargé et devient k1′ (fig. 7.79). La rigidité résultante est alors

k ′ = k1′ + k2 > k1 + k2 (7.82)


Voici quelques exemples d’application.

Précharge de roulements
Dans le cas idéal d’un roulement radial sans jeu, tous les corps roulants situés dans
la demi-circonférence opposée à la charge participent à la transmission de la force
(fig. 7.80a). Ils se comportent comme un ressort qui soutient l’arbre (fig. 7.80b); la rigi-
dité de ce ressort équivalent est progressive, elle est nulle à charge nulle (§ 6.4.3).

Fr Fr

ψ
kr

(a) Qmax (b)

Fig. 7.80 Roulement radial sans jeu : (a) distribution de charge sur les corps roulants; (b) ressort équivalent.

En forçant la bague intérieure sur un arbre plus gros que son alésage et/ou en
montant la bague intérieure dans un logement plus petit que son diamètre extérieur, le
Chapitre 7 Page 292 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

292 CONCEPTION DES MACHINES

jeu interne radial diminue et peut même devenir négatif. Il en résulte un serrage radial
uniforme des corps roulants (fig. 7.81a), c’est-à-dire une précontrainte qui enserre
l’arbre entre deux ressorts (fig. 7.81b). Le diagramme de précontrainte (fig. 7.82)
contient les caractéristiques de chaque demi-circonférence, F0 est leur précharge. La
rigidité initiale n’est plus nulle; en outre, leur rigidité apparente initiale vaut

kr = 2 kr 0 (7.83)

parce que ces ressorts sont en parallèle vis-à-vis d’une charge radiale.

kro
F0–

F0
kro

(a) Q0 (b)

Fig. 7.81 Précontrainte radiale d’un roulement : (a) distribution de charge sur les corps roulants; (b) schéma
équivalent.

F
1
2
k''r
Fr

kro kro D
εD
F0 Fr

k'r
f Qmax
0

Fig. 7.82 Diagramme de précontrainte radiale d’un Fig. 7.83 Distribution de charge sur les corps rou-
roulement. lants d’un roulement insuffisamment préchargé.

Une charge radiale Fr accroît la charge sur la demi-circonférence opposée dont la


rigidité devient kr′′ et diminue la charge et la rigidité de l’autre demi-circonférence
(fig. 7.82). Si la charge est forte vis-à-vis de la précontrainte, une partie des corps rou-
lants de cette dernière demi-circonférence peuvent se trouver déchargés, ils ne portent
plus que dans la fraction ε D du diamètre (fig. 7.83).
La précontrainte des roulements permet à la fois de supprimer le jeu et
d’accroître la rigidité des paliers. Elle s’obtient le plus souvent à l’aide d’une pré-
charge axiale. Cette précharge diminue naturellement la longévité des roulements; il
est avantageux de choisir des roulements à billes à contact oblique ou des roulements
Chapitre 7 Page 293 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 293

à galets coniques montés en opposition qui sont faits pour transmettre des charges
radiales et axiales.
Voyons, par exemple, un pont arrière de véhicule (fig. 7.84). Le fonctionnement
satisfaisant des engrenages coniques nécessite une grande précision et une grande rigi-
dité du montage ainsi que l’absence de jeu. L’arbre du pignon conique est monté sur
les deux roulements coniques (1) et (2) qui sont préchargés axialement par une force
dont le cheminement est B. La précharge est obtenue par le serrage de l’écrou (3)
fixant aussi l’accouplement sur l’arbre, cheminement A. L’écrou étant serré, l’intensité
de la précontrainte des roulements s’ajuste en jouant sur l’épaisseur de la rondelle (4)
(précontrainte géométrique). Les roulements (6) et (7) portant la cage du différentiel
sont préchargés par serrage axial entre les écrous (8) et (9). Le cheminement C de cette
précharge passe par le bâti du pont.

1 B 8
2 6 C

4 7
9

Fig. 7.84 Précharge des roulements d’un pont arrière de voiture.

Le serrage des roulements de la figure 7.84, soit par l’écrou (3), soit par les écrous
(8) et (9), influence aussi la position relative du pignon et de la couronne. Vu la préci-
sion d’engrènement exigée, le positionnement de l’engrenage et la précharge ne
devraient pas s’influencer mutuellement. La figure 7.85 montre un montage favorable.
La précharge est obtenue par le serrage de l’écrou (1), elle résulte directement de la
largeur de la bague (2). En revanche, le positionnement axial du pignon s’ajuste sépa-
rément en jouant sur l’épaisseur de la rondelle (3).
Chapitre 7 Page 294 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

294 CONCEPTION DES MACHINES

3 2

Fig. 7.85 Positionnement axial d’un pignon conique indépendamment de la précharge des roulements.

On peut en principe aussi précharger radialement les roulements à billes à gorges


profondes ou les roulements à galets cylindriques en les montant avec un serrage des
bagues soigneusement choisi, mais l’ajustement de cette précontrainte est délicat.

Vis de mouvement
Les vis de mouvement sont destinées à déplacer et à positionner un objet en lui
appliquant une force parallèle à l’axe de la vis. On utilise aujourd’hui presque toujours
des vis avec écrou à billes. La vis se monte souvent avec des roulements dont l’un est
fixe dans le bâti de la machine tandis que l’autre fonctionne comme palier libre axiale-
ment (fig. 7.86). Ce montage présente une série de défauts inacceptables dans les
machines précises (machines-outils):
• le roulement fixe et l’écrou à billes présentent chacun du jeu et sont peu rigides
à faible charge;
• la section de la vis étant A et son module d’élasticité E, la rigidité axiale de la
portion de la vis située entre l’écrou et le roulement fixe
EA
( kv ) x = (7.84)
x
varie inversement à la distance x entre l’écrou et le roulement fixe, elle diminue
rapidement lorsque l’écrou s’éloigne du palier fixe.
La rigidité entre l’écrou et le bâti résulte de la mise en série des ressorts repré-
sentant le roulement (kr), la vis (kv)x et l’écrou (ke). La figure 7.87 illustre le modèle.
Appliquons maintenant le principe de précontrainte pour accroître la rigidité du
mécanisme. Il suffit pour cela de fixer axialement l’autre roulement et d’imposer une
précontrainte géométrique (fig. 7.88). Le modèle représenté à la figure 7.89 montre
Chapitre 7 Page 295 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 295

x
l

Fig. 7.86 Montage isostatique d’une vis de mouvement.

kr (kv)x ke

kr (kv)x ke

(a) (b)

Fig. 7.87 Modélisation d’une vis de mouvement libre : (a) schéma; (b) ressorts.

boucle vis boucle écrou

F0

x l–x

Fig. 7.88 Précharge d’une vis de mouvement.

k'r (kv)x ke (kv) l–x k'r


k'r (kv)x

F0– F0 ke

k'r (kv) l–x


(a) (b)

Fig. 7.89 Modélisation d’une vis de mouvement préchargée : (a) schéma; (b) ressorts.

clairement que la branche de la vis de longueur x vient en parallèle avec la branche de


longueur l ± x. kr′ est la rigidité tangente des roulements pour la charge de précon-
trainte. On a admis que le bâti est infiniment rigide.
L’allure de la rigidité des mécanismes vis-à-vis d’une force appliquée entre
l’écrou et le bâti en fonction de la position de l’écrou est représentée à la figure 7.90.
On remarque que la rigidité du système précontraint est minimale au milieu parce que
la rigidité de la vis diminue lorsque l’écrou s’éloigne d’un palier, puis augmente à nou-
veau lorsqu’il se rapproche de l’autre.
Chapitre 7 Page 296 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

296 CONCEPTION DES MACHINES

2 roulements précontraints

1 roulement libre

x
l
0 0,5 1

Fig. 7.90 Rigidité d’une vis de mouvement selon la position de l’écrou.

3
3
1
1 2
2

(a) (b)

Fig. 7.91 Ecrou de vis à billes : (a) précontrainte dirigée vers l’intérieur; (b) précontrainte dirigée vers
l’extérieur.

La suppression du jeu et l’augmentation de la rigidité entre la vis et l’écrou


s’obtiennent aussi par précontrainte (fig. 7.91). Deux écrous (1) et (2) sont montés en
opposition et précontraints géométriquement en jouant sur l’épaisseur d’une cale
d’ajustage (3), ou en décalant angulairement les écrous.
Les solutions utilisées pour améliorer le mécanisme de vis de mouvement à billes
sont basées sur la mise en parallèle de deux branches et sur l’accroissement de la rigi-
dité de contacts hertziens par une précontrainte. Il importe que la précontrainte soit
supérieure à la force axiale transmise par l’écrou.

Enveloppe gonflée
Un pneu ou un ballon devient relativement rigide si son enveloppe est précon-
trainte en tension par un fluide intérieur sous pression.

7.6.7 Amortisseurs de chocs


Considérons un amortisseur de chocs à ressort précontraint par une force F0 et
devant absorber l’énergie U. Selon la figure 7.92, on a

U =
1
2
k [( f 0 + ∆f )
2
− f02 ]
Chapitre 7 Page 297 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 297

D’où on tire la déformation du ressort par le choc

2U
∆f = f02 + ± f0 (7.85)
k

Si le ressort n’était pas précontraint, il se déformerait de la quantité

2U
∆ f1 = (7.86)
k

et la force à la fin du mouvement serait

F1 = 2kU (7.87)

La déformation du ressort préchargé est une fraction de celle du ressort non pré-
contraint,

2
∆f  f  f0
= 1 +  0  ± (7.88)
∆ f1  ∆ f1  ∆ f1

F
F0

F1
U
k

0
∆f1 f0 ∆f

Fig. 7.92 Stockage d’énergie potentielle dans un ressort.

Naturellement, la précontrainte accroît la force en fin de choc où elle vaut

2
 f 
F = F1 1 +  0  (7.89)
 ∆ f1 

Avec une prédéformation f0 = 3∆f1, la course est réduite à 16,2% de ce qu’elle


serait sans précontrainte et F = 3,16 F1. Ce principe est utilisé dans les tampons de
chemin de fer.
Chapitre 7 Page 298 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

298 CONCEPTION DES MACHINES

7.6.8 Augmentation de la vitesse critique


La vitesse critique d’un arbre augmente lorsqu’il est sollicité par une force de
traction (§ 18.2.7). On en profite dans les montages de vis de mouvement selon la
figure 7.88; une précontrainte en traction permet du même coup d’accroître la vitesse
de la vis.

7.7 ASSOUPLISSEMENT DES SYSTÈMES PRÉCONTRAINTS

Nous avons vu qu’il est souvent avantageux d’assouplir un système précontraint


dans le but:
• d’augmenter la précision d’établissement de la précontrainte géométrique
(§ 7.3.4);
• de diminuer l’effet des perturbations géométriques (§ 7.4.1);
• d’affaiblir l’amplitude de la sollicitation dynamique des pièces tendues
(§ 7.6.3).

On atteint l’objectif :
• en assouplissant au moins une pièce située dans la boucle précontrainte;
• en insérant un élément élastique, généralement un ressort, dans la boucle pré-
contrainte.

Voici quelques exemples.

Assemblages boulonnés
La rigidité de la tige d’une vis sollicitée axialement est donnée par

EA
k = (7.90)
l

Les moyens permettant de diminuer sa rigidité se lisent dans la formule. Les vis
et goujons étant pratiquement toujours en acier, il n’est pas possible de modifier le
module d’élasticité E. On peut en revanche agir sur la géométrie :
• Diminuer la section A du corps de la vis en faisant le diamètre de la tige égal à
(0,8 … 0,9) d3 (d3 est le diamètre au fond du filet). On choisit alors un acier à
haute résistance pour compenser la diminution de la section. Une telle vis est
appelée vis élastique (fig. 7.93), la figure 7.94 illustre une application.
• Augmenter la longueur de la vis, soit en offrant à la vis un bossage spéciale-
ment long (fig. 7.95a), soit en intercalant une douille sous l’écrou (fig. 7.96a)
ou encore en donnant à la vis une grande longueur par des dispositions cons-
tructives judicieuses (fig. 7.95b et c). La souplesse du bossage, de la douille et
des pièces de serrage s’ajoute à celle de la vis. On diminue le danger de desser-
rage spontané d’une vis en prolongeant le forage et en ne taraudant que le fond
(fig. 7.95d).
• Utiliser des vis élastiques et allonger leur tige. Ces mesures combinées sont
très efficaces. Elles se rencontrent dans les boulonnages de tuyauterie et de tur-
bines à vapeur ou à gaz (fig. 7.96).
Chapitre 7 Page 299 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 299

Fig. 7.93 Vis et goujons élastiques.

Fig. 7.94 Vis élastiques dans une tête de bielle.

L’assemblage boulonné de pièces en verre ou en porcelaine, comme dans certains


appareils de l’industrie chimique, est particulièrement délicat, car ces matériaux sont
fragiles. Supposons, par exemple, que des tuyaux en verre soient assemblés par des
brides serrées par des boulons M12. On calcule que le serrage augmente environ de
1000 N pour une rotation de l’écrou d’un degré. Il est impossible de régler la pré-
contrainte mieux qu’à 10 kN près car le monteur ne peut pas tourner les outils avec
une précision meilleure que quelques degrés. Un réglage du serrage aussi grossier
entraîne souvent le bris du matériel, ce qui survient aussi à l’occasion de dilatations
thermiques. On donne la souplesse nécessaire à l’assemblage en interposant un ressort
à boudin entre l’écrou et la bride (fig. 7.97). Le serrage est aisé puisqu’il faut mainte-
nant une dizaine de tours d’écrou pour obtenir le serrage souhaité; la rigidité est 1000
à 5000 fois plus petite qu’avec le montage sans ressort.

Roulements
La précontrainte géométrique précise de roulements exige beaucoup de soins.
Une rondelle élastique (fig. 7.98) donne toute la souplesse nécessaire pour garantir une
précharge correcte sans devoir exiger des tolérances de fabrication extrêmes et sans
que les effets thermiques n’affectent beaucoup le système; mais la maîtrise du jeu
entre le roulement et l’alésage reste un problème d’usinage délicat. La figure 21.25
Chapitre 7 Page 300 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

300 CONCEPTION DES MACHINES

(d)

(a) (b)

(c)

Fig. 7.95 Allongement des vis d’assemblage : (a) bossage long; (b) brides folles; (c) culasse d’un moteur
diesel; (d) taraudage au fond d’un trou borgne.

représente une broche de rectifieuse dont les roulements à contacts obliques sont pré-
contraints axialement par un ressort à boudin et la figure 21.26 un montage offrant une
certaine souplesse radiale.
Chapitre 7 Page 301 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

PRÉCONTRAINTE 301

(a) (b) (c)

Fig. 7.96 Assemblages par vis élastiques longues : (a) vis avec une douille; (b) goujon avec deux douilles;
(c) bache de turbine à vapeur.

ressort à boudin

joint
brides folles

tube

Fig. 7.97 Assemblage à ressort pour tuyaux en verre.

rondelle ressort

Fig. 7.98 Roulements préchargés axialement par une rondelle ressort.


Chapitre 7 Page 302 Lundi, 6. f vrier 2006 2:19 14

302 CONCEPTION DES MACHINES

7.8 CONCLUSIONS PRINCIPALES

Un système est dit précontraint lorsqu’il est le siège d’efforts intérieurs en


l’absence de toute charge extérieure. L’effort de précontrainte chemine en boucle fer-
mée, la rigidité intérieure se définit en boucle ouverte.
On distingue trois manières de créer une précontrainte:
• La précontrainte géométrique consiste à imposer une déformation à un
système initialement libre. Cette déformation est dite serrage géométrique ou
distance de précontrainte. La précontrainte obtenue est égale au produit de la
rigidité intérieure par la distance de serrage.
• La précontrainte par un effort imposé est indépendante de la déformation des
pièces.
• L’autofrettage est obtenu en déformant plastiquement une partie de la boucle.
Le système se comporte comme dans le cas de la précontrainte géométrique.

La précharge d’un système par un ressort est, en fait, une précharge géométrique;
mais si le ressort est souple, le système se comporte comme avec un effort imposé.
Les systèmes rigides précontraints géométriquement sont très sensibles aux
tolérances de fabrication des pièces, ils sont affectés par les dilatations thermiques.
Leur précontrainte diminue lors du lissage des aspérités des surfaces en contact, lors
de l’usure et en cas de fluage des matériaux. Dans l’intérêt du maintien de la précon-
trainte, il faut polir ou usiner très finement les surfaces en contact, assouplir le système
ou précontraindre par une force imposée.
Dans tout système précontraint existent des parties chargées en sens opposés
l’une de l’autre, par exemple, l’une en traction et l’autre en compression. Une charge
extérieure se répartit entre elles. Ces parties sont en série pour le calcul de la rigidité
intérieure, mais en parallèle du point de vue de la charge extérieure.
La précontrainte s’emploie pour:
• presser l’une sur l’autre les pièces d’un assemblage devant transmettre une
force par frottement;
• comprimer en permanence un matériau peu résistant en traction;
• diminuer la charge dynamique appliquée à une pièce tendue;
• précharger les transmissions non positives pour leur permettre de transmettre
un effort par frottement;
• supprimer les jeux;
• accroître la rigidité d’éléments à contact ponctuels ou linéiques, en particulier
celle des roulements;
• accroître l’énergie stockée dans un ressort pour une course donnée;
• augmenter la vitesse critique d’un arbre ou d’une vis de mouvement en les pré-
chargeant en traction.

On améliore la précision d’établissement d’une précontrainte géométrique et on


diminue l’effet de perturbations géométriques en assouplissant un élément de la bou-
cle précontrainte.
L’assouplissement d’une pièce tendue précontrainte permet de diminuer sa
fatigue sous l’effet d’une charge dynamique appliquée au système.
Chapitre 8 Page 303 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

CHAPITRE 8

DISTRIBUTION DES EFFORTS

8.1 INTRODUCTION

On transmet souvent une charge à travers plusieurs voies parallèles pour:


• diminuer la taille des éléments individuels; par exemple, sept satellites plutôt
que seulement trois dans un train épicycloïdal;
• multiplier l’effort transmissible par un élément; par exemple, transmission à
plusieurs courroies trapézoïdales;
• assurer la stabilité d’une construction; par exemple, une grue à portique avec
quatre jambes.

On appellera transmetteur un élément chargé de transmettre l’effort d’une voie;


distributeur un élément qui distribue l’effort total sur les diverses voies de transmission.
Selon le mode de transmission, on distingue:
• les efforts discrets transmis par des transmetteurs distincts;
• les forces réparties transmises par des surfaces ou par des lignes de contact
sous la forme d’une pression ou d’une charge linéique.

Les transmissions multivoies sont souvent hyperstatiques et les transmetteurs


peuvent présenter du jeu, de sorte que la distribution des efforts dépend de la rigidité
des pièces et de l’intensité de la charge. Il suffit de penser, par exemple, à une table à
quatre pieds qui boite ou à un véhicule dont la suspension absorbe les inégalités du sol.
On vise le plus souvent à répartir les forces uniformément sur les transmetteurs
ou sur les surfaces afin d’exploiter au mieux la capacité de transmission de chaque élé-
ment. Une construction est bien équilibrée lorsqu’aucun transmetteur n’est surchargé
par rapport aux autres. Mais ce souhait ne peut pas toujours être satisfait, comme dans
les roulements ou les embrayages, par exemple.
Ce chapitre traite la répartition des efforts et présente les moyens d’éviter les sur-
charges. Il contient de nombreux exemples connus, mais il a pour but d’attirer l’atten-
tion des projeteurs sur la nécessité de tenir compte de la distribution exacte des efforts
pour dimensionner correctement les organes de machines. La pratique consistant à cal-
culer les éléments seulement sur la base d’un effort moyen devrait être abandonnée.
Le chapitre est structuré comme suit:
• Section 8.2 Notions de base et définitions, modélisation des systèmes
multivoies discrets.
• Sections 8.3 à 8.6 Analyse des transmissions de charges discrètes multi-
voies. On distingue selon que les éléments sont tous très
rigides, partiellement souples ou tous souples.
Chapitre 8 Page 304 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

304 CONCEPTION DES MACHINES

• Section 8.7 Distribution de forces normales réparties sur des surfaces


ou sur des lignes de contact.
• Section 8.8 Conclusions principales.

8.2 TRANSMISSION D’EFFORTS EN PARALLÈLE

8.2.1 Répartition des efforts


En dépit de l’isostatisme recommandé au paragraphe 5.10.1, il est souvent avan-
tageux de répartir un effort sur plusieurs organes. Toute répartition peut se schématiser
selon la figure 8.1. L’effort Q, force ou couple, est réparti par un distributeur (D) en
plusieurs cheminements parallèles dont les transmetteurs (T) conduisent les efforts
Q1, Q2, ...Qn, vers un collecteur (C) qui les somme. Les rôles du distributeur et du col-
lecteur se permutent en inversant le sens du flux d’efforts, c’est pourquoi nous ne dési-
gnerons plus par la suite ces organes que par le mot distributeur. Le système est sou-
vent hyperstatique.

D T C
Q1
1
Q2
2
Q Q
Qi
i
Qn
n

Fig. 8.1 Schéma d’une transmission d’efforts en parallèle.

Un ensemble de n voies parallèles transmettent l’effort

n
Q = ∑ Qi (8.1)
1

Lorsque les efforts sont colinéaires, on a

n
Q = ∑ Qi (8.2)
1

Efforts discrets
L’importance de la participation d’un transmetteur à la transmission de l’effort
total est exprimée par le facteur de distribution, appelé aussi facteur de participation
ou encore facteur de charge
Chapitre 8 Page 305 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 305

Qi
Ki = (8.3)
Q

avec naturellement

n
∑ Ki = 1 (8.4)
1

Il s’agit souvent de distribuer des efforts en respectant certaines règles de répar-


tition; par exemple, 1/3 de la force propulsive d’un véhicule à quatre roues motrices
sur l’essieu avant et 2/3 sur l’essieu arrière. Désignons par KNi le facteur de distribu-
tion nominal souhaité, l’effort nominal à transmettre par la voie i est alors

QNi = K Ni Q (8.5)

L’effort effectivement transmis Qi s’écarte souvent de l’effort nominal voulu. Un


effort excessif étant souvent gênant, on définit le facteur de surcharge

Qi
Ksi = (8.6)
QNi

Il y a sous-charge si Ksi < 1.


On peut écrire

Qi = Ksi QNi = Ksi K Ni Q


et

Ki = Ksi K Ni (8.7)
Le facteur de distribution effectif est égal au produit du facteur de distribution
nominal par le facteur de surcharge.
On apprécie parfois la qualité de la répartition d’effort par l’erreur relative de dis-
tribution

Qi ± QNi
ei = = Ksi ± 1 (8.8)
QNi

Le facteur de surcharge maximum Ks max est souvent connu empiriquement ou


par calcul, cela permet deux évaluations importantes pour le dimensionnement d’une
construction:
• la sollicitation du transmetteur le plus chargé:

Q
Qi max = Ks max (8.9)
n
Chapitre 8 Page 306 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

306 CONCEPTION DES MACHINES

• l’effort total transmissible par n transmetteurs dont chacun est capable de


transmettre la charge Q1 adm :

1
Qadm = n Q1 adm (8.10)
Ks max

Répartition égale
Il convient de prendre toutes les mesures utiles pour éviter de surcharger certains
organes, on vise à obtenir idéalement Ks max = 1.
Les transmetteurs sont souvent tous pareils, de sorte que chacun devrait trans-
mettre le même effort afin qu’aucun ne soit surchargé et d’autres sous-utilisés. Le fac-
teur de distribution nominal de chacun des n distributeurs d’un système est alors

1
KN = (8.11)
n

Force répartie
La modélisation des déformations de surfaces en contact selon la figure 2.17
amène naturellement à penser qu’une force est transmise par une infinité de transmet-
teurs parallèles d’aire dA. Avec la pression de contact p, chacun transmet la force élé-
mentaire p dA. La somme (8.2) devient alors l’intégrale de la force élémentaire éten-
due à toute l’aire de contact apparente. On a la charge normale transmise

N = ∫ p dA (8.12)
A

Une surface de contact est exploitée au mieux lorsque la pression est unifor-
mément répartie et vaut

N
p = (8.13)
A

Mais la pression est en réalité rarement uniforme. On a la valeur du facteur de


surcharge à l’endroit le plus chargé

pmax
Ks max = (8.14)
p

Il est souvent appelé facteur de distribution de la pression de contact et désigné


simplement par Κ. Si cette valeur est connue, on a
• la pression de contact maximale

N
pmax = K (8.15)
A
Chapitre 8 Page 307 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 307


• la charge maximale transmissible par une surface dont la pression de contact
ne doit excéder nulle part la pression admissible padm

1
Nadm = A padm (8.16)
K

Une construction est performante lorsque Κ = 1.


On fait les mêmes raisonnements si une force est distribuée le long d’une ligne de
contact (charge linéique).

8.2.2 Modélisation
On se propose de calculer la distribution de la charge entre les transmetteurs. Le
calcul est simple dans les systèmes isostatiques, mais il se complique lorsque:
• les systèmes sont hyperstatiques;
• les deux distributeurs sont déformables;
• les transmetteurs sont déformables;
• les transmetteurs et des distributeurs sont localement séparés par du jeu;
• le mouvement relatif des deux distributeurs obéit à des conditions de guidage
particulières.

On se limite à l’étude de structures planes dont tous les efforts sont parallèles. Le
mouvement du distributeur A par rapport au distributeur B est soit une translation
(fig. 8.2a), on dira que le distributeur est guidé, soit une translation et une rotation
(fig. 8.2b), le distributeur est articulé.

A A

B B
(a) (b)

Fig. 8.2 Mouvement du distributeur A : (a) guidage; (b) articulation.

La déformation des éléments peut se représenter par des ressorts de flexion pour
les distributeurs et des ressorts de compression pour les transmetteurs (fig. 8.3). Cer-
tains transmetteurs présentent du jeu vis-à-vis des distributeurs lorsque le transmetteur
le plus long est en appui. La transmission d’une charge déforme chaque élément et met
en contact certains transmetteurs en absorbant leur jeu (fig. 8.4). Pour le transmetteur
i, on a:
• les déformations fAi et fBi des distributeurs;
• la déformation fi du transmetteur;
• le jeu initial ji du transmetteur dans le système non chargé (fig. 8.3).

On convient d’attribuer l’indice 1 au premier transmetteur en contact, donc j1 = 0.


Chapitre 8 Page 308 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

308 CONCEPTION DES MACHINES

F3 Fi
F1
A A
fAi
ji
compression fi
1 2 3 i
fBi
1 2 3 i B
B –
F

Fig. 8.3 Modèle de pièces souples. Fig. 8.4 Déformation des pièces.

Le comportement d’un système et la distribution des efforts dépendent des rigi-


dités et des jeux. On étudiera les quatre cas suivants:
• Distributeurs et transmetteurs rigides (sect. 8.3). Les déformations des pièces
sont insuffisantes pour que même le transmetteur présentant le plus petit jeu
n’entre en contact,

fA1 + fB1 + f1 < ji min (8.17)

• Distributeurs rigides et transmetteurs souples (sect. 8.4). La déformation totale


des distributeurs est négligeable vis-à-vis de la déformation des transmetteurs,

fAi + fBi << fi (8.18)

• Distributeurs souples et transmetteurs rigides (sect. 8.5). Les déformations de


tous les transmetteurs sont négligeables vis-à-vis de la déformation totale des
distributeurs,

fAi + fBi >> fi (8.19)

• Distributeurs et transmetteurs souples (sect. 8.6). La déformation totale des trans-


metteurs est du même ordre de grandeur que la déformation des distributeurs,

fAi + fBi ≈ fi (8.20)

Un système comportant des éléments en torsion et des couples se représente de


manière analogue.

8.3 DISTRIBUTEURS ET TRANSMETTEURS RIGIDES

8.3.1 Equilibrage isostatique


On rencontre des constructions où les éléments distributeurs et transmetteurs
d’efforts sont tellement rigides que leur déformation est négligeable par rapport aux
Chapitre 8 Page 309 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 309

jeux. Une force n’est alors transmise que par un ou deux transmetteurs s’ils sont
coplanaires avec la force (fig. 8.5), ou par trois transmetteurs s’ils ne sont pas situés
dans le même plan.

F F

(a) F– (b) F–

Fig. 8.5 Transmission de forces par des éléments rigides: (a) charge dans une position quelconque;
(b) charge en face d’un transmetteur.

Dans ces cas, il est illusoire d’imaginer multiplier les transmetteurs pour répartir
les efforts. Il suffit de penser à une table à quatre pieds de longueurs inégales, elle
boite, car elle repose toujours sur trois pieds seulement.
On ne peut répartir l’effort qu’en rendant le système isostatique par des articu-
lations judicieusement placées. Voici quelques exemples.

8.3.2 Véhicules non suspendus


Les engins lourds et lents sur rail ont toujours plus de deux roues par côté et
ne sont normalement pas suspendus. En passant sur une bosse du rail (fig. 8.6b), le
châssis se soulève et ne porte plus que sur deux roues avec une surcharge en
conséquence de ces pièces. On crée un système isostatique avec une distribution
constamment égale des charges en prévoyant des bogies articulés à des poutres
(fig. 8.7). La figure 8.8(a), par exemple, montre comment la structure d’une grosse
drague est appuyée en trois points sur des trains de roulement. Ce schéma est sim-
plifié, car il y a en réalité deux rails par côté. Les trains à deux roues (1) (fig. 8.8b)
sont reliés deux par deux par des traverses (2) articulées transversalement à la pou-
tre (3) pour compenser les inégalités latérales des voies; la poutre compense les
inégalités longitudinales.

F F

(a) (b)

Fig. 8.6 Train de roues rigide: (a) appui idéal; (b) appui sur deux roues seulement.
Chapitre 8 Page 310 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

310 CONCEPTION DES MACHINES

Fig. 8.7 Train de roues articulé.

2 3 2 1

(a) (b)
Fig. 8.8 Train de roues d’une drague: (a) schéma; (b) bogie.

8.3.3 Réducteurs à engrenages hélicoïdaux


Les arbres du réducteur de la figure 8.9 sont positionnés axialement par les butées
(1), (3), (6). Mais les pignons à dentures en chevron ou à dentures hélicoïdales jume-
lées sont liés axialement à la roue avec laquelle ils sont en prise. L’arbre d’entrée, par
exemple, est positionné par la butée (1), mais il l’est aussi par le groupe pignon (7) –
roue (8) – butée (3); il présente donc une liaison surabondante. Des précontraintes
parasites naissent dès que les pignons ne sont pas rigoureusement placés. On observe
encore une boucle de précontrainte: butée (3) – pignon (9) – roue (10) – butée (6).

1 7 7
2 1 2

11 11
9 9
3 4
12
12
6
6
5 5
8 8
13 13

10 10

Fig. 8.9 Réducteur hyperstatique. Fig. 8.10 Réducteur isostatique.


Chapitre 8 Page 311 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 311

Un pignon axialement libre par rapport à la roue se centre automatiquement de


telle façon que la poussée axiale résultante soit nulle (fig. 5.90). Chaque denture
transmet alors la même force et la puissance est parfaitement répartie, l’équilibrage
est automatique. On supprime les boucles de précontrainte par une construction iso-
statique (fig. 8.10). Seul l’arbre (13) est positionné par rapport au bâti par la butée
(6). L’arbre (12) est libre et se positionne axialement par les dentures de l’engrenage
(9)-(10); de même, l’arbre (11) se positionne par l’engrenage (7)-(8). Ce montage
suppose que l’accouplement de l’arbre d’entrée permet un certain ébat axial.
On pourrait en principe fixer axialement n’importe lequel des deux arbres d’un
engrenage à dentures hélicoïdales opposées. Mais il est préférable que le pignon soit
libre, car, du fait de sa petite masse, les forces d’inertie parasites axiales provenant des
mouvements provoqués par les erreurs d’usinage sont plus petites que si la roue doit
bouger pour se centrer. C’est pourquoi la roue (10) de la figure 8.10 est liée par la
butée (6) et le pignon rapide (7) est libre. Quoique lourd, l’équipage du second étage
flotte aussi axialement, mais sa vitesse est plus basse et les forces d’inertie plus petites.

8.3.4 Engrenages épicycloïdaux


Les engrenages épicycloïdaux ont habituellement trois satellites (fig. 8.11); par-
fois plus, pour diminuer encore l’encombrement comme dans les réducteurs pour
hélicoptères. Ces mécanismes sont hyperstatiques. On limite le déséquilibre des
efforts dans les voies parallèles en soignant l’exécution de toutes les pièces; le degré
de qualité doit être égal ou meilleur que IT 5. Mais ce procédé est insuffisant pour les
appareils rapides et puissants. La meilleure solution consiste à laisser flotter certains
éléments afin de rétablir l’isostatisme. Considérons par exemple le cas d’un planétaire
central flottant (fig. 8.12). Outre le couple, il subit la réaction de chacun des satellites.
Supposons tout d’abord que le planétaire ne touche que les satellites I et II. Soumis

satellite couronne
porte-satellites

bâti

planétaire

Fig. 8.11 Engrenage épicycloïdal avec trois satellites simples.


Chapitre 8 Page 312 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

312 CONCEPTION DES MACHINES

seulement à deux forces de dentures faisant entre elles un angle de 60°, il subit une
accélération dans le sens de Fa (fig. 8.12b)

F2I± + F2II
± = F = ma
a (8.21)

jusqu’à ce qu’il vienne en contact avec le troisième satellite de manière à ce que

F2I± + F2II
± + F±
2III = 0
(8.22)

Le centrage est automatique, mais du fait des imperfections de fabrication, le pla-


nétaire danse toujours un peu. A grande vitesse, les forces d’inertie et les chocs qui en
résultent deviennent importants et peuvent détériorer les dentures. Il faut donc, ici
aussi, quand même veiller à une grande précision d’exécution.

z3 z2 I

F 2I – –

F 2III F 2I F 2I
ωb
z1
M1 –

Fa –
F 2III
Fa F 2II F 2II

F 2II
II III

(a) (b) (c)

Fig. 8.12 Equilibre des forces appliquées au planétaire central d’un train épicycloïdal à trois satellites:
(a) forces de denture; (b) déséquilibre des forces; (c) forces équilibrées.

(a) (b) (c)

(d) (e) (f)

Fig. 8.13 Solutions de principe pour l’équilibrage des efforts. Les pièces ombrées sont fixes, les pièces
blanches flottent radialement.
Chapitre 8 Page 313 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 313

Il existe plusieurs solutions pour rendre un train épicycloïdal isostatique. La


figure 8.13 illustre les divers cas possibles:
(a) Pignon central flottant. Solution simple et économique, pas de paliers mais il
faut un arbre articulé. Suffisant avec trois satellites seulement.
(b) Couronne fixe flottante. Par exemple, montage dans le carter par l’intermé-
diaire de douilles élastiques (fig. 8.14) ou au moyen d’un porte-couronne
flottant à denture (fig. 8.16).
(c) Satellites flottants. Solution simple, nécessaire lorsque le nombre de satel-
lites dépasse 4. Montage des satellites sur moyeux souples (par exemple en
caoutchouc, fig. 8.15a) ou sur des axes déformables (fig. 8.15b).
(d) Planétaire et couronne flottants. Cette solution doit être utilisée dans les
réducteurs rapides afin de diminuer les forces d’inertie.
(e) Porte-satellites flottant. Solution ne convenant que pour les réducteurs
lents et petits, car le porte-satellites est la pièce la plus lourde d’un engre-
nage planétaire et les forces d’inertie à vitesses élevée sont beaucoup trop
grandes.
(f) Porte-satellites et planétaire flottants. Amélioration de (e) pour transmissions
rapides.

2
3

1) couronne
2) tube-ressort
3) limiteur de déformation
4) bâti

Fig. 8.14 Montage souple d’une couronne.

(a) (b)

Fig. 8.15 Montage souple de satellites: (a) moyeu en caoutchouc; (b) axe souple.
Chapitre 8 Page 314 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

314 CONCEPTION DES MACHINES

Le nombre d’éléments flottants doit être égal au degré d’hyperstatisme, par exem-
ple les solutions 8.13 (d) ou (f) s’imposent avec 4 satellites. On laisse en principe flot-
ter la pièce la plus légère afin de réduire le plus possible les forces parasites d’inertie,
c’est pourquoi le planétaire central flottant est en faveur.
Le réducteur de la figure 8.16 correspond au cas de la figure 8.13(d). Le plané-
taire central est flottant, on remarque que l’arbre articulé est accouplé directement au
bout-d’arbre de la machine motrice, sans palier incorporé au réducteur. Le planétaire
est automatiquement positionné axialement du fait que les dentures doubles hélicoï-
dales sont inclinées en sens opposés. Chaque couronne est flottante ainsi que le porte-
couronne; ces pièces sont liées par des dentures (j).

(8.38)

Fig. 8.16 Transmission épicycloïdale Stoeckicht.

8.3.5 Différentiels

La roue d’un essieu de voiture (fig. 8.17) située à l’extérieur d’un virage effectue
un plus grand parcours que celle qui se trouve à l’intérieur. Si l’essieu était rigide, la
différence de vitesse ferait glisser les roues sur le sol. Le différentiel constitue en quel-
que sorte une articulation de l’arbre reliant les deux roues. Les planétaires du dif-
férentiel ont le même diamètre; par conséquent, les couples appliqués aux roues sont
toujours égaux, M1 = M2. Un différentiel est un répartiteur de couple.
Dans les véhicules tout terrain ou les voitures à quatre roues motrices, on doit
répartir l’effort de traction entre les essieux. En liant rigidement les essieux entre eux
par des organes de transmission, les différences de vitesses des essieux en virage, au
passage sur des ondulations du sol ou du fait de différence entre le diamètre des roues,
provoqueraient des précontraintes de la chaîne cinématique. Des roues glisseraient et
Chapitre 8 Page 315 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 315

v1

M1 M2
v2
O

Fig. 8.17 Schéma d’un différentiel de véhicule.

perturberaient le comportement routier du véhicule. Si une transmission rigide est à la


limite acceptable sur la neige ou sur du terrain meuble (tracteurs agricoles), elle ne
l’est pas sur une route sèche. On supprime l’hyperstatisme de la transmission en intro-
duisant une articulation dans l’arbre reliant l’essieu avant et l’essieu arrière sous la
forme d’un différentiel, dit différentiel central, (fig. 8.18).

1) moteur et boîte de vitesses


2) différentiel central
3) différentiel avant
3 4 4) différentiel arrière

2
1

Fig. 8.18 Schéma de la transmission d’une voiture à quatre roues motrices.

Avec un différentiel à planétaires de même diamètre, le couple transmis vers


l’essieu avant est toujours égal à celui transmis vers l’essieu arrière. On obtient une
autre distribution du couple en utilisant un train épicycloïdal selon la figure 8.19. Le
moteur attaque le bras (b) du mécanisme, le planétaire central est relié à l’essieu avant
et la couronne à l’essieu arrière. Le satellite (2) applique la force Fn1 au planétaire et la
force Fn3 à la couronne (fig. 8.19b). Calculons les moments de ces forces par rapport à
l’axe du système.

1
M1 = m z1 Fn1 cos α
2

1
M3 = m z3 Fn3 cos α
2

avec:
m module
z1 nombre de dents du planétaire central
z3 nombre de dents de la couronne
α angle de pression
Chapitre 8 Page 316 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

316 CONCEPTION DES MACHINES

L’équilibre du satellite veut que les forces Fn1 et Fn3 soient égales, alors

M3 z
= 3 (8.23)
M1 z1

F –n3
α
z3
2 Fb
2 3

1 b z1 3 1 – α
AV AR F n1

(a) (b)

Fig. 8.19 Répartiteur de couple pour véhicule à quatre roues motrices : (a) schéma ; (b) équilibre des
satellites.

Plusieurs constructeurs de voitures choisissent d’appliquer 2/3 de l’effort moteur


sur l’essieu arrière et 1/3 sur l’essieu avant en faisant z3 = 2z1.
Notons qu’en cas de patinage d’un essieu, on bloque le différentiel en reliant
l’arbre (b) à l’arbre (1) par un embrayage à crabots. Le couple se répartit alors selon la
force d’adhérence des essieux. On obtient une répartition forcée automatique en rem-
plaçant l’embrayage à crabots par un viscocoupleur qui devient plus rigide en cas de
patinage.
En résumé, un différentiel joue le rôle d’un distributeur articulé d’efforts entre
deux arbres, la valeur du facteur de distribution dépend de sa construction.

8.4 DISTRIBUTEURS RIGIDES, TRANSMETTEURS SOUPLES

8.4.1 Distributeurs guidés avec jeu


La déformation des distributeurs est parfois très petite par rapport à celle des
transmetteurs. Simplifions l’étude du modèle en admettant que les distributeurs sont
infiniment rigides. Examinons tout d’abord le cas où le distributeur mobile effectue
seulement une translation dans le sens de la charge F (fig. 8.20). Les ressorts figurant
les transmetteurs sont tous de longueur différente, de sorte que le distributeur repose
d’abord sur un seul ressort (désigné par 1). Il subsiste les jeux j2, j3 … entre le dis-
tributeur et les autres ressorts. On suppose que la charge et les forces au contact avec
les transmetteurs sont colinéaires.
Faisons progressivement croître la charge F à partir de zéro. Au début, seul le pre-
mier ressort transmet la charge, le système est isostatique. Ce ressort se déforme, puis
le distributeur vient en contact avec le ressort présentant le moins de jeu, ici j3, le sys-
tème devient hyperstatique. La charge se répartit maintenant sur les ressorts (1) et (3)
Chapitre 8 Page 317 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 317

F
F

0 1+3+i
j3 F0
ji
j2 1 1+3
0 f
k1 j3 f0
f k2 k3 ki
ji

j2

Fig. 8.20 Ressorts en parallèle avec jeu, distributeur Fig. 8.21 Caractéristique du système de la figure
guidé. 8.20.

qui se déforment jusqu’à ce que le ressort suivant entre en action. S’il y a n ressorts
porteurs, le degré d’hyperstatisme est h = n – 1.
La relation entre la charge et son déplacement se représente par une ligne brisée
(fig. 8.21). Pour une force F0, par exemple, le déplacement est f0, seuls les ressorts (1),
(3) et (i) participent à la transmission de la charge. La caractéristique du système est
progressive. Calculons la déformation et la force transmise par chaque ressort:

ressort 1 f1 = f F1 = k1 f 

ressort 2 f2 = f ± j2 F2 = k2 ( f ± j2 )  (8.24)
= kkii (( ff ±
± jjii ))
ressort i fi = f ± j1 Fi = 


Supposons que n ressorts participent à la transmission de la charge; la sommation


des forces donne

n n
F = f ∑ k i ± ∑ k i ji
1 1

Avec la rigidité équivalente

n
k = ∑ ki
1

des n ressorts transmettant la charge, il vient

n
F = kf ± ∑ k i ji
1
Chapitre 8 Page 318 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

318 CONCEPTION DES MACHINES

d’où on tire le déplacement du distributeur

F
∑ k i ji
f = + 1
(8.25)
k k

On interprète facilement les termes de cette expression:


• le premier représente le déplacement qu’aurait le distributeur si tous les jeux
étaient nuls

F
f0 = (8.26)
k

• le second est le jeu moyen pondéré par les rigidités des n ressorts porteurs

n
∑ k i ji
j = 1 (8.27)
k

Avec ces grandeurs, le déplacement du distributeur s’écrit

F
f = f0 + j = + j (8.28)
k

d’où la charge transmise

F =k f − j( ) (8.29)

En utilisant ces formules, il faut prendre garde au fait que les grandeurs k, f0 et j
changent de manière discontinue avec le nombre de ressorts chargés.
La dernière formule permet de calculer les rigidités du système (fig. 8.22):

n ressorts
k
F

ks
0 f
f

Fig. 8.22 Rigidités de ressorts en parallèles avec jeu.


Chapitre 8 Page 319 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 319

• la rigidité tangente avec n ressorts en charge

n
∑ ki
dF
k = = (8.30)
df
1

• la rigidité sécante

F  j
ks = = k 1 ±  (8.31)
f  f

Le i –ème ressort transmet la force

F 
Fi = ki ( f ± ji ) = ki  + j ± ji 
k 

( )
ki
Fi = F + k i j − ji (8.32)
k

Voici encore deux cas particuliers:

Rigidités égales
On rencontre souvent le cas où tous les ressorts ont la même rigidité, k1 =
k2 = … = ki. Les formules précédentes donnent immédiatement

k = n k1 (8.33)

F
f0 = (8.34)
n k1

n
∑ ji
j = 1
(8.35)
n

Le jeu moyen est la simple moyenne arithmétique des jeux. La force transmise
par un ressort résulte de (8.32)

( )
F
Fi = + k1 j ± ji (8.36)
n

On reconnaît la force moyenne dans le second membre,

F
F = (8.37)
n
alors
Chapitre 8 Page 320 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

320 CONCEPTION DES MACHINES

Fi = F + k1 j ± ji ( )
Cette force est égale à la force moyenne si le jeu de ce ressort est égal au jeu
moyen ou si tous les jeux sont nuls.

Tous les jeux sont nuls


ji = 0 et j = 0. On retrouve les formules connues (§ 6.3.1).

8.4.2 Distributeurs articulés


Un distributeur repose sur n ressorts parallèles (fig. 8.23) comme, par exemple,
un véhicule sur sa suspension. On suppose qu’il touche tous les ressorts, il n’y a donc
pas de jeu entre les pièces. Une force F est appliquée en un point quelconque du dis-
tributeur, parallèlement à l’axe des ressorts. Dans le cas général, on observe que la
charge se déplace d’une distance f et que le distributeur tourne d’un angle α. Nous
nous proposons de calculer ces grandeurs.

0 xi
x

0
F
yi

f k1 k2 ki Fi kn α

Fig. 8.23 Déplacement d’un distributeur librement posé sur des ressorts.

Repérons la position de chaque ressort par sa distance x à la charge. Un ressort se


déforme de la quantité

fi = f + α x i (8.38)

et transmet la force

Fi = ki fi = ki f + ki α xi (8.39)

La somme de toutes les forces transmises par les ressorts est égale à la charge
appliquée au système. En se souvenant que k = Σ ki,

n n
F = ∑ Fi = k f + α ∑ ki x i (8.40)
1 1
Chapitre 8 Page 321 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 321

Exprimons encore l’équilibre des moments des forces par rapport à l’axe de la
charge F où x = 0. Avec (8.39), on a

n n n
∑ Fi x i = f ∑ ki x i + α ∑ ki xi2 = 0 (8.41)
1 1 1

Définissons n
• le moment statique des rigidités Sk = ∑ ki x i (8.42)
1

n
• le moment quadratique des rigidités Ik = ∑ ki xi2 (8.43)
1

Les équations d’équilibre (8.40) et (8.41) s’écrivent maintenant

F = f k + α Sk 
 (8.44)
0 = f Sk + α I k 

Ce système d’équations fournit le déplacement de la charge

Ik
f = F (8.45)
k I k ± Sk2

et la rotation du distributeur

Sk S
α = ± 2
F = ± k f (8.46)
k I k ± Sk Ik

La charge transmise par un ressort se calcule en portant ces expressions dans


(8.39). Il vient

I k ± Sk x i
Fi = ki F (8.47)
k I k ± Sk2

Dans le cas où les rigidités des ressorts sont toutes égales à k1, ces formules
deviennent

n
∑ xi2 F
f = 1
2
(8.48)
n  n  k1
n ∑ xi2 − 


∑ xi 


1 1
Chapitre 8 Page 322 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

322 CONCEPTION DES MACHINES

n n
∑ xi
F
∑ xi
α = − 1
2
= − 1
n
f (8.49)
n  n  k1
n ∑ xi2 − 
 ∑ xi 

∑ xi2
1  1  1

Le distributeur ne s’incline pas si la charge est appliquée au barycentre des rigidi-


tés, où Sk = 0. Dans ce cas particulier, la formule (8.45) devient équivalente à (6.12)
trouvée pour des ressorts disposés en parallèle.
Les formules ci-dessus permettent de calculer immédiatement les rigidités de
translation et de rotation du distributeur vis-à-vis de la charge appliquée.

8.4.3 Egalisation des efforts transmis


On vise souvent à répartir également la charge F entre tous les transmetteurs,
notamment lorsqu’ils ont la même dimension. Chacun des n transmetteurs devrait
transmettre la charge nominale

F
FN = (8.50)
n

Distributeur guidé
Calculons l’erreur relative de distribution (8.8); avec (8.32) on a

 k 
( )
Fi k
ei = ± 1 =  n i ± 1 + n i j − ji (8.51)
FN  k  F

Cette expression révèle les origines de l’erreur de répartition. Distinguons:


• l’erreur de distribution des rigidités

ki
eki = n ± 1 (8.52)
k

• l’erreur de distribution des jeux

( )
ki
e ji = n j − ji (8.53)
F

Alors

ei = eki + e ji (8.54)

Les mesures appropriées pour égaliser les charges se lisent dans ces formules:
Chapitre 8 Page 323 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 323

• tous les ressorts doivent avoir la même rigidité, alors k = nki et l’erreur de dis-
tribution des rigidités est nulle;
• égaliser tous les jeux, ce qui revient à les supprimer.

Distributeur articulé
Avec (8.47) et (8.50), on obtient

I k ± Sk x i
ei = n ki ± 1 (8.55)
k I k ± Sk2

L’erreur est petite si Sk = 0, c’est-à-dire si la charge est appliquée au barycentre


des rigidités. La formule (8.46) montre que le distributeur ne s’incline pas et n’effec-
tue alors qu’une translation. Faisons encore toutes les rigidités égales, alors ei = 0.

Conclusions
On tend vers une répartition égale des efforts transmis par un ensemble de trans-
metteurs souples et de distributeurs rigides articulés en prenant les mesures suivantes:
• Viser une construction symétrique.
• Transmettre la charge par deux ressorts seulement, le système devient isostatique.
• Appliquer la charge au centre de gravité des rigidités.
• Augmenter la charge nominale des transmetteurs, F/n, afin que la déformation
des ressorts soit grande vis-à-vis des jeux. Cette mesure est apparemment en
contradiction avec le désir de décharger les pièces; mais, dans l’intérêt d’une
bonne répartition, il est avantageux de charger les éléments distributeurs
jusqu’à la limite de leur possibilité.
• Egaliser tous les jeux, ou pour le moins les faire très petits, ce qui revient à dire
que le jeu est partout nul lorsque les pièces sont en contact (trivial).
• Utiliser des transmetteurs souples, ki petit, afin de diminuer l’effet des écarts
entre les jeux. Cette mesure est parfois incompatible avec la nécessité d’obtenir
une grande rigidité pour améliorer les qualités dynamiques de la transmission.

Les deux dernières mesures sont liées, car si les ressorts sont très rigides, il faut
ajuster les jeux avec précision, parfois à grands frais. A contrario, on peut se contenter
d’une précision moindre si les ressorts sont souples.

8.4.4 Egalisation des contraintes


Limitons-nous à un système comportant seulement deux voies de transmission
avec un distributeur guidé, c’est-à-dire imposant la même déformation à chaque voie.
On est souvent intéressé, non pas à ce que chaque voie transmette le même effort, mais
que les contraintes dans les transmetteurs soient égales.

Traction, compression (fig. 8.24)


On a la rigidité des transmetteurs

E1 A1 E2 A2
k1 = k2 =
l1 l2
Chapitre 8 Page 324 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

324 CONCEPTION DES MACHINES

Puisque F1 = k1 f et F2 = k2 f, on a le rapport des forces

F1 k E A l
= 1 = 1 1 2 (8.56)
F2 k2 E2 A2 l1

Calculons les contraintes

F1 F2
σ1 = σ2 =
A1 A2

et leur rapport

σ1 F A E l
= 1 2 = 1 2 (8.57)
σ2 F2 A1 E2 l1

Avec des matériaux identiques, les contraintes sont égales si les transmetteurs
sollicités en traction ont la même longueur, quelle que soit leur section.

l1

1 A1

F F–
2 A2

l2

Fig. 8.24 Transmission de force par deux voies comprimées.

Flexion (fig. 8.25)


En partant de la rigidité de flexion des poutres

3E1 I1 3E2 I2
k1 = k2 =
l13 l32

on obtient comme précédemment

F1 E I l3
= 1 1 23 (8.58)
F2 E2 I2 l1

Désignons par emax la plus grande distance d’un bord de poutre à sa fibre neutre;
on a les contraintes de flexion maximales
Chapitre 8 Page 325 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 325

F1 l1 F2 l 2
σ1 = emax 1 σ2 = emax 12
I1 I2

Ecrivons le rapport des contraintes maximales

σ1 E l2 e
= 1 22 max 1 (8.59)
σ2 E2 l1 emax 2

F
F1 F2

1 2

l1 l2

Fig. 8.25 Transmission de force par deux poutres encastrées fléchies.

Torsion (fig. 8.26)


On a la rigidité de torsion des arbres circulaires et le rapport des moments:

G1 I p1 G2 I p2
kt1 = kt2 =
l1 l2

M1 G I p1 l 2 G d4 l
= 1 = 1 14 2 (8.60)
M2 G2 I p2 l1 G2 d2 l1

Le rapport des contraintes de torsion vaut

τ t1 G d l
= 1 1 2 (8.61)
τ t2 G2 d2 l1

1 M 2
kt1 kt2

M1– M2–
l1 l2

Fig. 8.26 Transmission d’un couple par deux arbres encastrés.


Chapitre 8 Page 326 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

326 CONCEPTION DES MACHINES

Les contraintes sont égales si les arbres ont la même longueur relative l / d et sont
faits en un même matériau.

Conclusions
Les conditions nécessaires pour obtenir une égalité des efforts transmis diffèrent
de celles qu’il faut pour égaliser les contraintes.
On égalise à la fois les forces et les contraintes par des constructions symétriques
et des matériaux identiques.

8.4.5 Trains d’engrenages multivoies

Réducteur à deux étages


Des réducteurs à grande puissance sont souvent construits selon le schéma de la
figure 8.27 pour diminuer la taille des engrenages comparativement à des trains sim-
ples. Il faudrait que chaque voie transmette le même couple. Mais toutes les dis-
symétries déséquilibrent la distribution des efforts en influençant les jeux et la position
d’engrènement des engrenages. Les principales perturbations de l’engrènement théori-
que parfait sont:
• les erreurs de taillage des engrenages (pas, épaisseur des dents, profil),
• les erreurs d’entraxe,
• les erreurs de parallélisme des arbres intermédiaires,
• les calages angulaires différents entre le pignon et la roue des deux arbres
intermédiaires,
• les distances inégales entre la roue et le pignon des arbres intermédiaires lors-
que les dentures sont hélicoïdales.

Il est commode de modéliser le mécanisme par des ressorts de compression


(fig. 8.28) et de simuler les couples par des forces. Les distributeurs rigides représen-
tent le pignon d’entrée, respectivement la roue de sortie. En supposant cette dernière
bloquée, e1 est l’espace que peut parcourir une dent du pignon A engagée entre deux
dents de la roue A1, il résulte du jeu entre les dentures A – A1, B – B1 et les jeux des
paliers. e2 est l’espace entre A et A2.

e1
I k F1
A1 B1
1
M1 A B
F F–
B
A 2
M2 k F2
δ
A2 II B2 e2

Fig. 8.27 Transmission à deux étages, deux voies. Fig. 8.28 Modèle à ressorts de la transmission de la
figure 8.27.
Chapitre 8 Page 327 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 327

La distance δ mesure le décalage entre les contacts comprimant les ressorts des
deux voies. Ce mécanisme se distingue du modèle discuté au paragraphe 8.2.2 par ses
liaisons bilatérales au lieu d’être unilatérales. De ce fait, les ressorts peuvent être solli-
cités en traction ou en compression. La distribution des forces F1 et F2 dans les voies
dépend de la distance δ et des jeux e1 et e2. On distingue cinq cas représentés dans la
figure 8.29.
Cas (a): δ est plus grand que e1. Pratiquement, du fait du contact bilatéral, le
distributeur reste prisonnier de l’espace e1 (représenté en traitillé) et le
système subit une précontrainte géométrique f0. Le ressort (1) est tendu
et le ressort (2) est comprimé.
Cas (b): La force est d’abord transmise par la voie (2).
Cas (c): Les deux voies sont immédiatement en appui, c’est le cas idéal où cha-
que voie transmet la moitié de la charge, F1 = F2.
Cas (d): La force est d’abord transmise par la voie (1).
Cas (e): δ est plus grand que e2. Comme dans le cas (a), le système est pré-
contraint, (1) en compression et (2) en traction.

1 1 1 2
2

2
δ j1
e1
δ

f0 A
(b) δ < e1 (c) δ = 0
(a) δ > e1 j1 = δ j1 = 0
f0 = δ – e1 j2 = 0 2 j2 = 0

2 1
e2
δ
f0
δ e2

j2
(d) δ < e2 (e) δ > e2
j1 = 0 f0 = δ – e2
j2 = δ

Fig. 8.29 Position relative de deux voies parallèles et précontraintes.

La figure 8.30 représente la distance de précontrainte en fonction de la distance


de contact et résume les cinq cas.
En revenant à la transmission (fig. 8.27), la traction d’un ressort correspond à la
torsion d’un arbre et la compression à une torsion en sens opposé.
Etudions maintenant la distribution de la charge sur les deux voies. La figure 8.31
décrit l’évolution des forces transmises en fonction de la charge totale. On admet que
les rigidités des deux voies sont égales. Partons du cas (a) ci-dessus parce qu’il est le
plus compliqué. Procédons pas à pas en nous référant aux domaines inscrits au bas de
la figure:
Chapitre 8 Page 328 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

328 CONCEPTION DES MACHINES

F2
comp.

f0

1/ F
2

F0
F1
1
δ 0 F
F1 2|F0| kδ
e1 e2
F0

cas: a b c d e 1 2 3 4 5 6 domaine
tract.

Fig. 8.30 Précontrainte du système de la figure 8.28. Fig. 8.31 Forces transmises par chaque voie.

• Point 1. F = 0, le mécanisme est précontraint, sa rigidité intérieure est ki = 0,5 k


et son rapport de forces défini par (7.48) vaut Φ ′ = 0, 5. Le ressort (1) est tendu
et le ressort (2) est comprimé par la précontrainte

1
F0 = k (δ + e1 ) (8.62)
2

On admet exceptionnellement ici que les compressions sont positives afin que
le mouvement dans le sens des forces apporte de l’énergie positive.
(8.77)
F1 = ± F0

F2 = F0

La précontrainte provoque une circulation de puissance (§ 12.6.1).

• Domaine 2. La compression de (2) augmente tandis que la traction de (1)


diminue,

1
F1 = ± F0 + F
2
1
F2 = F0 + F
2

• Point 3. La charge atteint la valeur 2F0,

F1 = 0

F2 = 2F0 = F
Chapitre 8 Page 329 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 329

• Domaine 4. Le distributeur quitte le contact de la voie (1) et parcourt le jeu e1


comme dans la figure 8.29(b). La voie (2) transmet toute la charge,

F1 = 0

F2 = F

• Point 5. Le distributeur entre à nouveau en contact avec (1) pour une charge

F = F2 = k δ

• Domaine 6. Le distributeur comprime maintenant les deux ressorts

1
F1 = (F ± k δ )
2

1 1
F2 = k δ + (F ± k δ ) = (F + k δ )
2 2
1
La répartition idéale serait évidemment F1 = F2 = F, le facteur de surcharge
vaut donc 2

F2 kδ
Ks = = 1 + (8.63)
1 F
F
2

On retrouve les conclusions connues. La répartition tend vers l’égalisation si:


• la précision est parfaite, δ = 0,
• les voies (1) et (2) sont souples, k petit,
• la charge transmise est forte.

Il faut noter que la distance δ et les jeux e1 et e2 varient avec la position des engre-
nages parce que les erreurs de taillage changent d’une dent à l’autre. La répartition des
forces est d’autant plus favorable, et par conséquent la dimension des organes d’autant
plus petite, que l’exécution du réducteur est plus précise. L’économie qui en résulte se
paie naturellement par une augmentation des frais d’usinage. Il existe un coût total de
fabrication minimal qui permet de situer la précision optimale du point de vue écono-
mique (fig. 8.32). Il est inutile de construire un réducteur à deux voies si la valeur du
facteur de surcharge s’approche de deux par suite d’une fabrication trop imprécise, car
l’autre voie ne participe alors pratiquement pas à la transmission de l’effort utile.
Le réducteur de la figure 8.33 est relativement simple, mais ses deux arbres
intermédiaires sont trop rigides en torsion. On ne pourrait pas diminuer leur diamètre
en vue de les assouplir, car ils deviendraient, du même coup, trop flexibles avec, à la
clé, un mauvais portage des dentures et les surcharges d’engrènement correspon-
dantes. C’est un cas typique où il est indiqué de séparer la fonction de positionnement
des engrenages de celle de transmission du couple. Ces fonctions sont séparées dans le
réducteur de la figure 8.34, où la roue du premier étage et le pignon du second sont
chacun montés sur un arbre creux porté par deux roulements. Ils sont reliés par un long
Chapitre 8 Page 330 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

330 CONCEPTION DES MACHINES

coût Ks

2
Cmin

0
IT opt. IT

Fig. 8.32 Influence de la qualité d’usinage sur le facteur de surcharge et sur le coût de fabrication.

arbre mince situé à l’intérieur des arbres porteurs afin de diminuer l’encombrement
axial. Une liaison par cannelures suffit à compenser de légers désalignements. Les
arbres de liaison jouent le rôle d’une barre de torsion, la figure 8.34(c) montre le
schéma de principe de l’appareil.
La figure 8.35 donne encore l’exemple d’un réducteur marin entraîné par deux
turbines à vapeur. Les arbres intermédiaires sont dédoublés pour diminuer l’encom-
brement des engrenages. L’arbre transmetteur du couple est lié aux arbres porteurs
creux par des accouplements dentés.

Fig. 8.33 Réducteur à deux voies, arbres intermédiaires très rigides.


Chapitre 8 Page 331 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 331

B B

(a)

B–B

(b) (c)

Fig. 8.34 Réducteur à deux voies avec arbre intermédiaire souple: (a) dessin d’ensemble; (b) liaison entre
les arbres creux et les arbres transmetteurs de couple; (c) schéma de principe.

turbine HP

arbre d’hélice

turbine BP

(a)

Fig. 8.35 Réducteur marin: (a) disposition des engrenages


Chapitre 8 Page 332 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

332 CONCEPTION DES MACHINES

roue du 1er étage

pignon du 2e étage arbre de liaison

accouplement palier accouplement


à denture à denture
(b)

Fig. 8.35 (suite) (b) détail d’un arbre intermédiaire.

La figure 7.73 illustre encore une manière de répartir le couple en parts égales au
moyen d’un arbre d’entrée flottant axialement.

Réducteur à un étage
Deux engrenages identiques sont placés côte à côte sur les mêmes arbres. Avec
des dentures droites, on se trouve exactement dans la situation décrite pour le réduc-
teur à deux étages. Le cas représenté dans la figure 8.36(a) est particulièrement défa-
vorable. En effet, le cheminement (2) contenant les deux arbres est beaucoup plus sou-
ple que le cheminement (1), de sorte que la plus grande partie de la charge est
transmise seulement par la voie (1). La solution (b) prévoit que la sortie du réducteur
se trouve du côté opposé à l’entrée, les rigidités des voies se rapprochent car chacune
contient un arbre. On peut répartir l’effort rigoureusement par moitié en prévoyant des
dentures hélicoïdales inclinées en sens opposés de manière à rendre le système isosta-
tique (fig. 5.90).

A A 2

1 2

(a) B (b) 1 B

Fig. 8.36 Engrenages à dentures droites en parallèle: (a) montage défavorable; (b) meilleur.

8.4.6 Courroies trapézoïdales


L’effort, et par conséquent la puissance transmissible par une courroie trapézoï-
dale, est limité. On augmente généralement la puissance d’une transmission en dispo-
sant plusieurs courroies en parallèle (fig. 8.37). Les courroies diffèrent par leur lar-
geur, mais surtout par leur longueur. Certaines peuvent patiner et les courroies sont
Chapitre 8 Page 333 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 333

finalement inégalement chargées. Il convient de choisir des courroies de même lon-


gueur afin de répartir la traction totale le plus régulièrement possible. Selon les tolé-
rances de fabrication, une courroie peut être chargée 10 à 30% de plus que la moyenne
des courroies d’une transmission. L’installation de deux courroies seulement est parti-
culièrement défavorable à cet égard. On évite cet inconvénient avec la courroie «Poly
V» (fig. 8.38) munie de plusieurs profils triangulaires longitudinaux qui reposent dans
les rainures des poulies.

Fig. 8.37 Transmission à plusieurs courroies trapé- Fig. 8.38 Courroie «Poly V».
zoïdales en parallèle.

Admettons qu’une courroie puisse transmettre la puissance P1, la puissance


transmise par n courroies est, selon (8.11),

n
P = P1 (8.64)
Ks max

Le facteur de surcharge est d’autant plus voisin de l’unité que le nombre de cour-
roies est plus grand. Pour deux courroies, il serait prudent de faire P = 1,5 P1 et non
pas 2P1. Les projeteurs omettent trop souvent de tenir compte de l’effet hyperstatique
et calculent de manière erronée P = n P1.

8.4.7 Arbres cannelés


Les liaisons d’arbres et de moyeux par cannelures ou par dentelures permettent
de transmettre des couples importants. L’arbre et le moyeu subissent de fortes défor-
mations au voisinage des flancs en contact (fig. 8.39) qui permettent à l’arbre de tour-
ner légèrement dans le moyeu. Du fait des erreurs de fabrication, toutes les cannelures
ne portent pas simultanément. Le facteur de surcharge

Fi
K si = (8.65)
F

est d’autant plus grand que la qualité d’exécution est moins bonne. Dietz, cité par
[8.1], a calculé le facteur de surcharge de dentelures et donne la figure 8.40. Au-delà
de la classe de qualité IT 7, il y a moins de 75% des dentelures qui participent à la
transmission du couple. Les normes de calcul donnent alors des pressions de contact
moyennes trop basses.
Chapitre 8 Page 334 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

334 CONCEPTION DES MACHINES

zones déformées

Fi jeu

Fig. 8.39 Transmission de couple par cannelures.

25 25
5,0 No 20 5,0
No

20
30 30
nt
Ks Ks
nt

de
de

2,5 2,5
15 15

35 35
0 0

10 10
40 40

5 5
(a) 1 45 (b) 1 45

25 25
No
No

20 5,0 20 5,0
30
nt

30
nt

Ks Ks
de
de

2,5 2,5
15 15
35 35
0 0

10 10
40 40

5 5
(c) 1 45 (d) 1 45

Fig. 8.40 Facteur de surcharge de dentelures selon la classe de qualité: (a) IT 5; (b) IT 7; (c) IT 9; (d) IT 11.

Cet exemple met particulièrement bien en évidence l’avantage que représente une
grande précision d’exécution pour égaliser la distribution des charges et donc pour
accroître l’effort transmissible. En contrepartie, la précision est coûteuse.

8.4.8 Roulements
La distribution de charge sur les corps roulants des roulements intéresse surtout
les fabricants de roulements, mais il est aussi utile de la connaître pour concevoir cor-
rectement les paliers. Abordons succinctement ce problème.
Chapitre 8 Page 335 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 335

Roulements chargés radialement


Les bagues jouent le rôle de distributeur et les corps roulants celui de transmet-
teur. Supposons que les bagues soient indéformables et les corps roulants sans jeu.
Le roulement est chargé par une force radiale Fr (fig. 8.41) qui se répartit sur les
corps roulants. Celui qui se trouve immédiatement en face de la charge transmet la force
maximale Fmax et les autres transmettent les forces F1, F2, … obliques par rapport à la
charge radiale; le système est hyperstatique. Ecrivons l’équation d’équilibre en projetant
toutes les forces sur la ligne d’action de Fr :

Fr = Fmax + 2F1 cos γ + 2F2 cos 2 γ + … + 2Fn cos n γ

Fr
Fr
O
γ
3γ 2γ f0
f0 O'
F2 F2

fi
f0
F1 F1 f0

F0 = Fmax

Fig. 8.41 Répartition de charge dans un mouvement Fig. 8.42 Relation entre les déformations.
radial.

où γ , 2 γ , … n γ sont les inclinaisons des forces par rapport à la charge radiale exté-
rieure et n la moitié du nombre de corps roulants participant obliquement à la trans-
mission de la charge. Ecrivons l’équation d’équilibre sous la forme

 n 
∑ Fmaxi cos i γ 
F
Fr = Fmax  1 + 2 (8.66)

 1

Exprimons maintenant la compatibilité géométrique des déformations. Il ressort


de la figure 8.42 la relation suivante:

fi
= cos i γ
f0
Chapitre 8 Page 336 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

336 CONCEPTION DES MACHINES

La charge et les déformations sont liées par une relation qui dépend du genre de
contact. Pour des billes, la formule (6.42) permet de calculer le rapport de la force
transmise par une bille quelconque à la force maximale. On a

3/ 2
Fi  f 
=  i = cos3/ 2 i γ (8.67)
Fmax  f0 

Introduisons dans (8.66). On obtient une équation qui fournit la force maximale
transmise

Fr
Fmax = n
1 + 2 ∑ cos5/ 2 i γ
1

En multipliant le numérateur et le dénominateur par le nombre de billes z, on peut


écrire

z Fr
Fmax = n (8.68)
z
1 + 2 ∑ cos 5/ 2 iγ
1

Evaluons la valeur de la première fraction, avec

360° z
γ = et n =
z 4

Elle vaut 4,38 pour 10 billes; 4,37 pour 15 billes et 4,37 pour 20 billes. Alors

Fr
Fmax ≈ 4, 37 (8.69)
z

Un calcul analogue donne pour un roulement à galets cylindriques

Fr
Fmax = 4, 08 (8.70)
z

Avec un montage parfait, sans jeu, tous les corps roulants situés dans la demi-cir-
conférence opposée à la charge radiale participent à la transmission de la charge. En
revanche, leur nombre diminue et leur charge augmente si les bagues ont du jeu sur
l’arbre ou dans le logement du roulement (fig. 8.43). Il faut donc veiller à soigner les
ajustements et donner une grande rigidité aux pièces qui contiennent un roulement.
Chapitre 8 Page 337 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 337

Fig. 8.43 Distribution de charge dans un roulement avec jeu des bagues.

8.5 DISTRIBUTEURS SOUPLES, TRANSMETTEURS RIGIDES

8.5.1 Poutres hyperstatiques


Des poutres relativement longues de charpentes, chargées latéralement, subissent
des déformations beaucoup plus fortes que les appuis. C’est pourquoi on calcule habi-
tuellement les poutres hyperstatiques en admettant que les déformations des appuis
sont négligeables. On ne reprendra pas ces études, par ailleurs bien connues, mais on
examinera divers problèmes posés par les arbres guidés par plus de deux paliers.

8.5.2 Arbres sur plus de deux paliers


Désalignement de trois paliers
Considérons un arbre reposant sur trois paliers (fig. 8.44) qui ne sont pas par-
faitement alignés à cause des inévitables tolérances de fabrication et imprécisions
d’ajustement. Désignons par δ l’écart du palier intermédiaire B par rapport à la ligne
des centres passant par les paliers extérieurs A et C.

a b

FB
C
A
FA δ B FC

Fig. 8.44 Désalignement de trois paliers.


Chapitre 8 Page 338 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

338 CONCEPTION DES MACHINES

L’arbre, rectiligne à l’origine, ne peut passer par les trois paliers que s’il est
chargé par une force FB qui lui donne la flèche δ nécessaire. En supposant le diamètre
constant, la flèche au droit de cette force est donnée par

l3  a  2  b  2
δ =     FB
3E I  l   l 

dont on tire la charge du palier lorsque le désalignement est donné

3E I  l  2  l  2
FB =     δ (8.71)
l3  a   b 

Cette force précontraint le système; en se bouclant à travers le bâti, elle provoque


les charges FA et FC sur les autres paliers. Le moment de flexion maximal dans l’arbre,
au palier intermédiaire, vaut

b 3E I
Mmax = FB a = δ (8.72)
l ab

et la contrainte de flexion correspondante dans l’arbre

Mmax d 3 d
σ max = = E δ (8.73)
I 2 2 ab

La précontrainte des paliers et la contrainte de flexion sont les plus petites lorsque
le palier intermédiaire est situé au milieu de la portée A-C. En faisant a = b = l / 2, il
vient

48E I
FB = δ (8.74)
l3

d δ
σ max = 6E (8.75)
l l

Cette étude permet de tirer les conclusions suivantes:


• la charge sur les paliers et la contrainte de flexion de l’arbre sont proportion-
nelles au désalignement δ ;
• la charge croît avec le moment quadratique pour la flexion de l’arbre, tandis
que la contrainte n’est proportionnelle qu’à son diamètre;
• pour un arbre et un désalignement donnés, la charge varie comme l –3 et la
contrainte comme l –2 ;
• l’élasticité des paliers et du bâti atténue en réalité les efforts parasites.

La précontrainte charge inutilement les paliers et fatigue l’arbre. Il ne faut par consé-
quent installer un troisième palier que si l’arbre est assez long pour être relativement
Chapitre 8 Page 339 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 339

souple, mais il convient de toujours aligner soigneusement les paliers. En outre, le palier
intermédiaire devrait se trouver près du milieu de la portée. Il faudrait éviter le palier
intermédiaire si l < 10 d.
Par exemple, un arbre en Ac 60 a une longueur de 400 mm avec une erreur d’ali-
gnement de 0,01 mm. La contrainte de flexion vaut 7,5 N/mm2 ou environ 4% de la
limite de fatigue en flexion alternée pour un diamètre de 100 mm; elle ne vaut plus que
2,2 N/mm2 pour 30 mm.
L’alignement précis de plusieurs paliers est encore relativement facile s’ils peu-
vent être alésés en une seule opération, comme par exemple les paliers de vilebrequin
des moteurs. Mais les choses se compliquent si l’alignement dépend d’un montage
boulonné. La figure 8.45 illustre ce problème. Le compresseur Roots (1) est boulonné
sur le carter d’un réducteur. Il faut aligner le roulement (4) avec les deux autres roule-
ments de l’arbre et aussi positionner correctement le pignon (2) par rapport à la roue
dentée (3). Cette double mission ne peut être remplie qu’à la suite de tâtonnements
fastidieux parce que le pignon pend par son poids tant que (4) n’est pas monté.

4 2

3
5

Fig. 8.45 Compresseur Roots.

L’usure des paliers modifie leur alignement. On a vu des vilebrequins de moteurs


se casser par fatigue parce qu’un palier mal lubrifié s’usait nettement plus que les
autres et que la flèche du vilebrequin augmentait progressivement.

Egalisation des contraintes


Lorsque les charges appliquées à un arbre sont immuablement fixées dans
l’espace, on peut volontairement désaligner les paliers afin d’égaliser les contrain-
tes dans l’arbre. Considérons, par exemple, un arbre soumis à une charge unifor-
mément répartie correspondant au poids propre d’un rotor (fig. 8.46a). On calcule
Chapitre 8 Page 340 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

340 CONCEPTION DES MACHINES

A q
B C
l/2 l/2

MqB
3
------ l
16
D –

(a) + +
MqD
Mq
FB

δ
0 x
(b)
Mδ B

FB q

MqB
Mδ B
0,207 l MB
E

0 x
(c) + +

M ME

Fig. 8.46 Désalignement des paliers d’un arbre uniformément chargé: (a) paliers alignés et charge
uniforme; (b) moment de flexion dans l’arbre avec des paliers désalignés mais sans poids propre;
(c) superposition des cas (a) et (b).

aisément les valeurs extrêmes du moment de flexion lorsque les paliers sont
alignés :
• au palier central

1
MqB = ± q l2
32
• dans les portées

9
MqD = q l2
512
Chapitre 8 Page 341 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 341

La contrainte de fatigue de l’arbre est proportionnelle à la valeur absolue du


moment de flexion; elle est donc plus grande au palier intermédiaire qu’ailleurs, car

16
MqB = MqD ≈ 1, 78MqD
9

Désalignons maintenant le palier central d’une certaine quantité δ (fig. 8.46b). Il


en résulte un moment de flexion qui se superpose à celui provoqué par la charge uni-
forme. On choisit le désalignement de telle façon que le moment résultant au palier
central

MB = MqB ± MδB

soit égal, en valeur absolue, au moment résultant maximum ME entre les paliers
(fig. 8.46c). Cette condition détermine la grandeur du désalignement nécessaire

q l4
δ = 0,817 × 10 ±3 (8.76)
EI

Ce désalignement du palier central diminue aussi sa charge qui passe de


0, 625 q l à 0, 586 q l.
Cette technique de désalignement des paliers s’utilise pour égaliser les contrain-
tes dans les longs arbres des groupes turboélectriques, ou pour diminuer le moment de
flexion au droit d’accouplements rigides à plateaux en vue de décharger leurs boulons
de liaison.

8.6 DISTRIBUTEURS ET TRANSMETTEURS SOUPLES

8.6.1 Courroies dentées


Une transmission à courroie dentée (fig. 8.47) est un exemple d’organe dans
lequel il faut tenir compte de la déformation d’un distributeur et des transmetteurs. En
effet, les poulies métalliques sont pratiquement infiniment rigides par rapport à la
courroie; en revanche, le corps de la courroie (distributeur) et les dents transmettrices
sont souples. Koester [8.2] a calculé la force transmise par chaque dent en prise par la
même méthode que celle développée plus loin pour la transmission d’une force par
cisaillement d’un joint collé (§ 8.6.2). Mais le problème se complique du fait que le
pas pc des dents de la courroie n’est pas toujours égal au pas pp de la poulie à la suite
d’erreurs de fabrication (tolérance). Présentons seulement les conclusions du calcul.
L’égalisation des pas nécessite l’application d’une traction dans la courroie que
nous appelons tension d’égalisation

(
Te = kc pp ± pc ) (8.77)

où kc est la rigidité de la courroie en traction.


Chapitre 8 Page 342 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

342 CONCEPTION DES MACHINES

T1 T1
1 0

ω1 M1 M2–
d2
Fa– ω2
Fi Fi

i d1 i

ze
ze T2 T2
ze–1

Fig. 8.47 Transmission à courroie dentée.

pc
pp

D
e

ligne primitive
dp

Fig. 8.48 Ecart de pas des dents.

La traction utile à la transmission de puissance vaut

2M1 2M2
F = = (8.78)
d1 d2

Formons le rapport

T0 + Φ Tc ± Te
χ = (8.79)
F

avec:
T0 tension initiale de la courroie
Tc tension centrifuge (§ 16.3.1)
Te tension d’égalisation
Φ rapport de rigidités (7.74)

La participation de la force Fi transmise par la dent i à la force totale est donnée


par
Chapitre 8 Page 343 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 343

Fi A  1  1  
=  2 + χ  cosh A i +  2 ± χ  cosh A ( ze ± i ) (8.80)
F sinh A ze  

avec:
ze nombre de dents en prise sur la poulie

kc
A=
kd

kc rigidité de la courroie en traction


kd rigidité des dents de la courroie pour une déformation de cisaillement

Fi
-----
F
%
χ=1
20
18
k
16 ----c- = 50
14
kd χ = 0,5
12
10
8 χ=0
6
4
2 χ = –1
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 i
brin mené brin menant

Fig. 8.49 Participation des dents à la transmission, 20 dents en prise.

La distribution des forces de denture est représentée à la figure 8.49 pour un rap-
port de rigidité correspondant à un cas réel. On tire les conclusions qui suivent:
• Contrairement à l’intuition élémentaire, la charge des dents situées du côté du
brin mou est plus forte que du côté du brin menant tendu lorsque le pas effectif
en marche à vide des dents de la courroie est plus petit que le pas des poulies
(χ < 0).
• Les dents situées du côté du brin menant sont davantage sollicitées que toutes
les autres lorsque le pas effectif de la courroie à vide est plus grand que celui
des poulies (χ > 0).
• Les dents sont le moins chargées lorsque χ = 0, la distribution de force est ana-
logue à la distribution du cisaillement dans un joint collé (§ 8.6.2).
• La distribution de charge dépend de la tension initiale T0 et de la vitesse. A
grande vitesse, il est avantageux de ne pas trop tendre la courroie.
Chapitre 8 Page 344 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

344 CONCEPTION DES MACHINES

Le praticien retiendra qu’il a intérêt à acheter la courroie et les poulies chez le


même fabricant, car les tolérances de ces pièces influencent considérablement la
charge des dents. Les dents de la courroie talonnent et grimpent sur les dents des pou-
lies lorsque la courroie n’est pas assez tendue, mais aussi lorsqu’elle l’est trop.

8.6.2 Assemblages sollicités au cisaillement


Une force transmise parallèlement au plan de contact de deux pièces collées, bra-
sées, boulonnées ou rivées sollicite l’assemblage au cisaillement où elle est répartie
inégalement. Ce phénomène se rencontre aussi à la transmission de couple dans les
assemblages par moyeux frettés ou serrés.

Assemblages collés ou brasés


Une bande (1) d’épaisseur e1 (fig. 8.50) est collée sur une bande (2) d’épaisseur
e2 par une couche de colle d’épaisseur c. L’assemblage est sollicité par une charge q
par unité de largeur, q = F/b.
Les bandes, sollicitées en traction, s’allongent, tandis que la couche de colle, sol-
licitée au cisaillement, présente un certain glissement. Le glissement et les allon-
gements sont du même ordre de grandeur, de sorte qu’on est obligé de tenir compte de
la déformation de tous les éléments.
La traction q n’est pas alignée avec sa réaction q–, mais on néglige le moment de
flexion qui en résulte afin de simplifier le calcul.

q
c e1 1
q– 2
e2
l

x
0

Fig. 8.50 Assemblage collé.

e1
dσ I
σ1 1 σ 1 + --------1-dx
dx
τ
q1 q
τ
τ q2
e2 τ dσ
σ2 2 σ 2 + --------2-dx
dx I
dx

(a) x x + dx (b)

Fig. 8.51 Equilibre statique: (a) éléments de longueur dx; (b) équilibre des charges.
Chapitre 8 Page 345 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 345

En considérant le sens positif de l’abscisse x admis (fig. 8.50), l’équilibre d’élé-


ments de longueur dx donne, pour l’élément (1) (fig. 8.51a),

d σ1
τ = e1 (8.81)
dx

et pour l’élément (2)

d σ2
τ = ± e2
dx

Puis, en égalant ces expressions,

d σ1 d σ2
e1 = ± e2 (8.82)
dx dx

Coupons l’assemblage par un plan transversal I–I (fig. 8.51b) et écrivons l’équa-
tion d’équilibre,

q1 + q2 = q
ou
e1 σ1 + e2 σ 2 = q (8.83)

Exprimons maintenant la compatibilité géométrique des déformations (fig. 8.52).


L’étude de la chaîne fermée de cotes conduit à l’équation


c + ε 2 = ε1
dx

cγ dx + ε1 dx

γ

γ + ------ dx
c dx

dx + ε2 dx
c  γ + ------ dx

 dx 

Fig. 8.52 Déformations d’un élément de longueur dx.


Chapitre 8 Page 346 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

346 CONCEPTION DES MACHINES

Comme

σ1 σ2 τ
ε1 = ε2 = γ =
E1 E2 G

on obtient

c dτ σ σ
+ 2 = 1
G dx E2 E1

Introduisons (8.81) et σ2 tiré de (8.83). Posons encore le rapport des rigidités

e1 E1
ψ = (8.84)
e2 E2

L’équation différentielle devient

1 d 2 σ1 ψ q
± σ1 = ± (8.85)
2
a dx 2 1 + ψ e1

avec

G
a = (1 + ψ) (8.86)
c e1 E1

On a la solution de cette équation

ψ q
σ1 = A e ax + B e −ax + (8.87)
1 + ψ e1

Les constantes d’intégration A et B se déterminent par les conditions aux limites:

q
x = 0, σ1 = 0 et x = l, σ1 =
e1

Tous calculs faits, il vient

ψ q  1 
σ1 = sinh al + sinh ax ± sinh a ( l ± x ) (8.88)
1 + ψ e1 sinh al  ψ 

La contrainte de cisaillement dans la colle se calcule par (8.81)

aq
τ =
(1 + ψ ) sinh al
[cosh ax + ψ cosh a ( l ± x )] (8.89)
Chapitre 8 Page 347 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 347

Cette contrainte est symétrique par rapport au milieu de la longueur du joint lors-
que ψ = 1 (fig. 8.53); elle est la plus forte aux bords et vaut

aq
τ max = (1 + cosh al) (8.90)
2 sinh al

La courbe pour ψ = 0 correspond à une bande collée sur une pièce indéformable.
La contrainte la plus forte se trouve en x = l lorsque ψ < 1 ou en x = 0 lorsque ψ > 1.
Le facteur de surcharge par rapport à la contrainte moyenne τ = q / l vaut dans ces
conditions

τ max al
Ks = = (1 + ψ cosh al) (8.91)
τ (1 + ψ ) sinh al
Le facteur de surcharge croît lorsque le produit al augmente.

τ/ τ–

3 a = 0,2 mm –1 ψ = 1

a = 0,1 mm –1 ψ = 0
2
a = 0,1 mm –1 ψ = 1

x
0 l = 30 mm

Fig. 8.53 Contrainte de cisaillement dans une couche de colle.

On peut tirer les conclusions suivantes:


• la contrainte dans la colle est plus élevée à l’une des extrémités de l’assem-
blage que dans la région centrale;
• la charge transmissible croît moins vite que la longueur du joint;
• la pointe de tension est d’autant plus forte que les bandes sont plus souples
(paramètre a grand);
• les deux bandes devraient avoir la même rigidité (ψ = 1) dans l’intérêt d’une
distribution symétrique des contraintes;
• le moment de flexion, négligé dans ce calcul, accentue encore la pointe de ten-
sion au bord de la colle.

Ces résultats expliquent pourquoi on observe que la rupture d’un assemblage


collé commence toujours par une fissure qui se développe en partant du bord de la
colle. En outre, il est inutile d’exagérer la largeur de la surface collée. On améliore
considérablement la distribution de contrainte en coupant les bandes en biseau
(fig. 8.54), ce qui offre encore l’avantage de supprimer le moment de flexion.
Chapitre 8 Page 348 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

348 CONCEPTION DES MACHINES

q
q– 2 1

Fig. 8.54 Bandes collées en biseau.

La disposition représentée à la figure 8.55 est très défavorable. La pointe de


cisaillement est encore plus forte que dans le cas précédent parce que l’une des bandes
est déformée en traction et l’autre en compression. Il faut veiller à ce que les pièces
collées travaillent dans le même sens, les deux en traction ou en compression.

1 q

2 q–

τ
τmax

Fig. 8.55 Joint brasé avec éléments sollicités en sens opposés.

Les assemblages brasés fonctionnent comme les assemblages collés.

Assemblages boulonnés ou rivés


La méthode d’analyse s’applique aussi à des tôles assemblées par une file de
rivets ou de boulons (fig. 8.56). La transmission de force par le frottement a lieu surtout

F0
F
F–

Fig. 8.56 Assemblage rivé ou boulonné.


Chapitre 8 Page 349 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 349

F– F

Fig. 8.57 Assemblage à couvre-joint.

au bord des joints. Si les vis ou les rivets transmettent la force par cisaillement, on
constate que les éléments centraux portent relativement peu. Il est donc inutile de mul-
tiplier leur nombre et il est faux d’admettre pour leur calcul une distribution uniforme
de la force à transmettre. On élimine le moment de flexion surchargeant l’assemblage
en mettant les tôles bout à bout et en les reliant par deux couvre-joints symétriques
(fig. 8.57).

Moyeux frettés ou serrés


Une liaison frettée transmet un couple entre un arbre et un moyeu avec des
microglissements entre les surfaces en contact. La déformation de torsion de l’arbre et
celle du moyeu de la figure 8.58(a) ont lieu en sens opposés, de sorte que le glissement
relatif des surfaces vers l’arête A est important. En cas de fréquentes variations du cou-
ple, ou, pire encore, en cas de couples alternés, la liaison peut glisser dans une certaine
zone au voisinage de A et produire un fretting destructeur. En assouplissant le moyeu
vers l’arrivée du couple et en évitant le retour du couple (fig. 8.58b), l’arbre et le moyeu
se déforment dans le même sens avec un petit glissement relatif. On peut s’arranger pour
que la déformation du moyeu soit égale à celle de l’arbre; la liaison est alors utilisée au
mieux avec une distribution relativement régulière de la contrainte de frottement.

M– M–

r r

M moyeu M
0 0

arbre arbre moyeu

(a) rγ (b) rγ

Fig. 8.58 Déformation d’une liaison frettée: (a) torsion du moyeu et de l’arbre en sens opposés; (b) torsions
dans le même sens.

Filetages
Le corps d’un écrou et le noyau d’une vis constituent les distributeurs d’un
assemblage boulonné, les filets jouent le rôle de transmetteurs. Avec un écrou normal,
le début du filet, côté entrée de la force par la vis, est fortement chargé, car la vis est
sollicitée en traction tandis que l’écrou est comprimé (fig. 8.59a). La distribution de
Chapitre 8 Page 350 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

350 CONCEPTION DES MACHINES

charge est beaucoup plus favorable avec un écrou «suspendu» fonctionnant aussi en
traction (fig. 8.59b). La figure 7.27 illustre l’application de ce genre d’écrou à un tirant
fortement chargé.

charge transmise

(a) (b)

Fig. 8.59 Sollicitation du filetage entre une vis et un écrou: (a) vis en traction, écrou comprimé; (b) vis et
écrou en traction.

En cas de surcharge, les filets se déforment progressivement plastiquement en


commençant par la zone la plus chargée. La plastification tend à égaliser la pression de
contact le long du filetage. Un assemblage vis-écrou se détruit selon deux modes:
• arrachage du filet de la vis ou du filet de l’écrou selon lequel est le plus faible;
• rupture de la vis si les filets sont assez résistants.

Il est inutile d’allonger un filetage au-delà d’une certaine limite pour accroître sa
résistance, car la dernière portion du filetage contribue peu à la transmission de la
charge. La profondeur optimale de vissage est celle pour laquelle la rupture de la vis et
l’arrachage d’un filet se produisent pour la même charge. On recommande la longueur
filetée portante suivante, en proportion du diamètre d de la vis,
• vis et écrou en acier 0,8 à 1 d
• vis en acier, pièce en fonte grise 1,5 d
• vis en acier, pièce en alliage léger 1,6 à 2,2 d

Ces proportions supposent que les résistances des matériaux en présence soient
convenablement appariées.
Les ouvrages de calcul d’éléments de machines donnent plus de détails.

Conclusion
Cette étude permet d’énoncer le principe d’adaptation des déformations: les
déformations de deux pièces parallèlement à leur surface de contact doivent être de
même sens et de même grandeur.
On y parvient par une disposition judicieuse des pièces et en jouant sur leur rigi-
dité.

8.7 PRESSION APPARENTE DE CONTACT

8.7.1 Généralités
Une force transmise normalement à une surface de contact se distribue sous la
forme d’une pression, une force transmise par une ligne de contact donne lieu à une
Chapitre 8 Page 351 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 351

charge linéique. On admet qu’il s’agit de la transmission de forces élémentaires infini-


ment voisines. La distribution de pression dépend de la déformation des pièces et de la
position des charges.
La pression de contact locale dans les couples cinématiques évolue au cours du
rodage et avec l’usure des surfaces. Il faut tenir compte de cette évolution pour le
dimensionnement des éléments de machines.
La pression de contact ou la charge linéique maximale ne doit pas excéder les
limites autorisées pour le bon fonctionnement de l’organe considéré.

8.7.2 Assemblages
Liaisons de moyeux par clavette ou par cannelures
La répartition de la pression latérale selon l’axe de l’arbre dépend de la déforma-
tion relative en torsion de l’arbre et du moyeu comme on l’a vu à propos de la figure
8.58. On a examiné la distribution angulaire sur les cannelures au paragraphe 8.4.7.
Voir aussi le paragraphe 24.5.2.

Moyeux frettés
La discontinuité géométrique provoque toujours une pointe de pression au bord
de moyeux frettés sur un arbre (fig. 8.60). La surpression peut atteindre 2 à 3 fois la
pression de frettage calculée pour un cylindre infiniment long, elle est d’autant plus
forte que le moyeu est plus court par rapport au diamètre de l’arbre. La pression est
aussi légèrement plus forte au milieu du moyeu à cause de la plus grande rigidité pro-
voquée par le disque de la roue et par la dépouille de fonderie. Elle est plus uniforme
si le diamètre extérieur du moyeu est constant et si les voiles de la roue sont décentrés
(fig. 8.61). On coupe la pointe de pression préjudiciable à la résistance à la fatigue de
l’arbre par un petit évidement conique intérieur au bord du moyeu; il facilite aussi
beaucoup l’entrée de l’arbre lors du montage.
La flexion de l’arbre modifie la distribution de la pression de contact (fig. 8.62a).
Elle augmente beaucoup au bord du moyeu du côté concave de l’arbre tandis qu’elle
peut même s’annuler complètement du côté convexe. En tournant, on observe des
microglissements susceptibles de provoquer du fretting dangereux. Il importe de don-
ner de la souplesse au moyeu et de diminuer la déformation de l’arbre. Le premier but
est atteint en faisant par exemple le moyeu conique à l’extérieur (fig. 8.62c) ou en
ménageant un dégagement dans ses faces (fig. 8.62d). On a intérêt à réduire la flexion

x
pmax p

Fig. 8.60 Distribution de pression dans un moyeu Fig. 8.61 Détail d’un moyeu.
fretté.
Chapitre 8 Page 352 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

352 CONCEPTION DES MACHINES

de l’arbre dans le moyeu, soit en diminuant sa flèche, soit en ménageant une portée
spéciale de plus grand diamètre que l’arbre (fig. 8.62b). Il faut cependant veiller à ce
que les mesures visant à assouplir l’assemblage en vue d’améliorer sa résistance vis-à-
vis de la flexion et de couples alternés ne soient pas préjudiciables à sa capacité de
transmission du couple. Il existe donc un optimum entre des exigences contradictoires.
F. Kollmann [8.1] donne de précieuses indications et une importante bibliographie.

d---
I 8

d-
-----
10
R d-
r = -----
30

d-
-----
20
I II
d

M– M
D

D
d

d
(a) (b) (c) (d)

Fig. 8.62 Moyeux frettés sur un arbre: (a) pression de contact avec flexion de l’arbre; (b) entaille de
décharge dans la portée de l’arbre; (c) moyeu assoupli; (d) entaille de décharge dans le moyeu.

Assemblages boulonnés
Considérons deux bandes parfaitement planes assemblées par des boulons
(fig. 8.63a). Une opinion largement répandue veut que les bandes soient serrées uni-
formément l’une contre l’autre. Il n’en est rien, on observe au contraire qu’elles se
séparent parfois dans la zone centrale entre les vis (fig. 8.63b). La distribution de pres-
sion effective est donc très différente.
En s’arrêtant seulement au principe du phénomène, on constate tout d’abord que
le champ de la force de serrage d’un boulon s’épanouit autour de la vis comme le mon-
tre la figure 7.47. Isolons une bande de largeur unité (fig. 8.64); la tête de vis ou

A A A A

(a) (b)

Fig. 8.63 Assemblage boulonné de deux bandes: (a) avant serrage; (b) après serrage, les surfaces se sépa-
rent aux points de décollement A.
Chapitre 8 Page 353 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 353

l’écrou appuie sur la bande avec une pression p1 sur une surface de longueur a, la
résultante F est située à la distance a1 de l’axe de la vis. Par ailleurs, les bandes sont
serrées avec une pression p qui s’étend dans une zone beaucoup plus grande, la résul-
tante se situant à la distance b1. Les résultantes de pression donnent naissance à un
moment de flexion M0 = F (b1 – a1) qui reste constant dans la zone centrale entre deux
vis. Ce moment fléchit la bande et provoque le décollement des pièces. On vérifie
expérimentalement que la position des points de décollement A (fig. 8.63b) est indé-
pendante de l’intensité de la force de serrage, mais ne dépend que de la géométrie.

F a1 F
a

p1

M0– M0 e
45o

p R0

b1
F– F–

Fig. 8.64 Equilibre d’une bande serrée par des vis.

On verra que l’étanchéité d’un joint plat exige une certaine pression minimale de
serrage (§ 22.3.3). Si la distance entre les vis est trop grande, tout accroissement du
serrage pour rendre un joint étanche est illusoire. La distance entre deux vis voisines
doit être telle que les domaines de serrage du joint se chevauchent. On admet en pre-
mière approximation que les pièces sont encore suffisamment serrées dans un cône à
45° passant par le bord extérieur de l’anneau d’appui des boulons (fig. 8.65), diamètre
DK. L’entraxe maximal des vis est alors

Dk Dk

e1

e2

Bmax

Fig. 8.65 Entraxe maximal des vis.


Chapitre 8 Page 354 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

354 CONCEPTION DES MACHINES

Bmax = Dk + 2emin (8.92)

où emin est la plus petite épaisseur des bandes serrées.


Dans le cas des brides d’assemblage de tuyauterie ou de couvercles de récipients,
par exemple, on augmente la pression de contact sur le joint en laissant une partie de la
bride en retrait pour limiter la surface d’appui à la zone d’étanchéité seulement
(fig. 8.66a). Lors du serrage des boulons, l’inclinaison des brides surcharge les vis par
flexion. La figure 8.66(b) montre encore les déformations d’une bride à contact plan
complet sous l’effet d’une pression intérieure élevée. Il faut raidir l’encastrement
d’une bride dans la paroi par des nervures et prévoir les brides suffisamment épaisses
pour les maintenir en étroit contact (fig. 8.67).

l l
δ/2

δ/2

(a) (b)
F–

Fig. 8.66 Flexion de brides: (a) brides avec rebord de serrage; (b) brides plates.

(a) (b)

Fig. 8.67 Nervurage d’une bride: (a) forte flexion sans nervure; (b) avec nervures d’appui.

8.7.3 Couples cinématiques


La distribution de pression dans un couple cinématique dépend certes de la
déformation des pièces, mais elle évolue aussi au fur et à mesure de l’usure. Elle
résulte tout d’abord de la forme des surfaces usinées, puis, avec l’usure, tend
progressivement vers une autre distribution. Elle est stable à la fin du macrorodage
(§ 3.7.1). L’évolution de la pression de contact s’accompagne par conséquent aussi
d’une redistribution des forces de frottement. Etudions tout d’abord le principe du
phénomène, puis on verra quelques cas particuliers fréquents (§ 8.7.4 et 8.7.5).
Chapitre 8 Page 355 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 355

Un couple cinématique (fig. 8.68a) est composé d’une pièce (1) susceptible de
tourner autour d’un centre O1 (se trouve à l’infini en cas de guidage parallèle) et de (2)
en rotation continue autour de O2. La première est appliquée contre la seconde par une
force F qui résulte d’une charge extérieure et de la réaction à l’articulation O1. Au
cours de l’usure, la pièce (1) se rapproche progressivement de (2), chacun de ses
points est astreint de suivre une trajectoire λ définie par son guidage (fig. 8.68b).

u̇ 1
C
λ β

v
u̇ 01
v O2
1 2 C0 u̇ 0
β0
O2 F
λ0

F v0
2
1
O1
(a) (b)
O1

Fig. 8.68 Cinématique de l’usure: (a) mécanisme; (b) usure.

f
dA
ρ
p

C0 O
p0
F

1 2

Fig. 8.69 Equilibre des forces.

En un point C quelconque, désignons par u« la vitesse d’usure normale à la surface


de contact. La vitesse u«1 du mouvement de rapprochement de la pièce (1) est tangente
à la trajectoire λ, elle fait un angle β, voulu par la géométrie, avec la vitesse u«; donc
Chapitre 8 Page 356 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

356 CONCEPTION DES MACHINES


u«1 =
cos β

La vitesse d’usure est donnée par (3.13), il vient

1
u«1 = bu p v
cos β

En un point de contact de référence C0 , on a de même

1
u«01 = bu0 p0 v0
cos β 0

En admettant que l’intensité d’usure est indépendante de la pression, bu = b u0.


Ecrivons maintenant le rapport de ces deux expressions, puis tirons-en le rapport des
pressions de contact

p u« cos β v0
= 1 (8.93)
p0 u01 cos β 0 v
«

Le rapport des vitesses u«1 / u«01 est donné par les relations cinématiques du mou-
vement de la pièce (1); il suppose que la pièce est rigide.
La formule (8.93) décrit la distribution de la pression de contact sur la surface.
On cherche maintenant la valeur de la pression de référence en étudiant l’équilibre sta-
tique de la pièce (1). Outre une charge extérieure et la réaction en O1 (résultante F), le
sabot est chargé par les forces élémentaires de pression et de frottement (fig. 8.69). En
intégrant les forces élémentaires sur toute l’aire de contact A, on a

F± = ∫ p dA + ∫ f dA (8.94)
A A

Le rapport p / p0 étant connu, et comme f = µ p, nous avons une relation qui per-
met de calculer la pression de référence p0 au point C0 ainsi que sa position.

8.7.4 Distribution de pression radiale des paliers lisses


Cette étude s’applique uniquement aux paliers à frottement sec ou mixte.

Repos, palier neuf


Un arbre de diamètre d se trouve dans un coussinet dont l’alésage est D
(fig. 8.70). Le jeu diamétral est par définition

j = D ± d (8.95)

On appelle jeu relatif le rapport du jeu diamétral à l’alésage du coussinet


Chapitre 8 Page 357 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 357

j D ± d
ψ = = (8.96)
D D

Une charge radiale F est appliquée à l’arbre. Si les pièces étaient infiniment
rigides, elles se toucheraient seulement selon une génératrice C située dans le plan
méridien contenant F. En réalité, elles se déforment et se touchent dans une zone de
largeur 2b; la pression est la plus forte au centre de la zone de contact.

Oc F

D d
d
Oa B

ϕ0 ϕ0 ϕ
p
C 2b

p0

Fig. 8.70 Pression de contact d’un arbre dans un Fig. 8.71 Pression moyenne de référence.
coussinet neuf.

La largeur de contact et la pression maximale p0 peuvent se calculer par la théorie


de Hertz pour autant que le demi-angle ϕ0 soit égal ou inférieur à 20°. Selon Kragelski
[8.3], cette condition est satisfaite pour un arbre en acier dans un coussinet en bronze
lorsque

p
≤ 29, 2 (8.97)
ψ

avec:
ψ [Ω ] jeu relatif
p [ bar ] pression moyenne de référence.

La pression de référence dans les paliers est une pression fictive qui serait cons-
tante sur la demi-circonférence de l’arbre (fig. 8.71). Elle vaut

F
p = (8.98)
Bd

où B est la longueur du coussinet. La pression réelle maximale est toujours plus


grande. Les valeurs du jeu et de la pression moyenne rencontrées en pratique sont tel-
les que le demi-angle de contact n’excède habituellement pas la limite de 20°. Dans
ces conditions, on a la pression maximale
Chapitre 8 Page 358 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

358 CONCEPTION DES MACHINES

4
p0 = p (8.99)
π sin ϕ 0

avec

4  1 − µ a2 1 − µ c2  F
sin ϕ 0 = + (8.100)
π  Ea Ec  BDψ

µa , µc coefficient de Poisson de l’arbre et du coussinet


Ea , Ec module d’élasticité de l’arbre et du coussinet.

Rotation de l’arbre, coussinet neuf


Faisons tourner l’arbre (fig. 8.72). On observe qu’il grimpe dans le coussinet
jusqu’à une position d’équilibre telle que la ligne passant par le centre Oc du coussinet,
le centre Oa de l’arbre et par le point de contact C fait un angle ρ en arrière de la charge
F par rapport au sens du mouvement.

d
d

Oc
Mf ω Oa
Oa Mf
C ρ F’f
F

Ff

N–
ρ
R–

Fig. 8.72 Equilibre d’un arbre en rotation. Fig. 8.73 Modèle élémentaire.

La résultante R – de la réaction normale N – et de la force de frottement Ff = µ N


équilibre la charge F appliquée à l’arbre. On voit que l’angle ρ est précisément l’angle
de frottement, d’où le choix du symbole. On a alors

N = F cos ρ

et le moment de frottement de l’arbre

d d d
Mf = µN = tan ρ cos ρ F = sin ρ F (8.101)
2 2 2
Chapitre 8 Page 359 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 359

On calcule souvent le moment de frottement à l’aide d’un modèle élémentaire


(fig. 8.73) où l’on suppose que l’arbre repose sur le coussinet avec sa charge F. La
rotation provoque la force de frottement apparente ou équivalente

Ff′ = µ ′ F

Son moment de frottement

d
Mf = µ ′F (8.102)
2

doit être égal au moment de frottement (8.101). En comparant ces formules, on a le


coefficient de frottement apparent ou équivalent

µ
µ ′ = sin ρ = (8.103)
1 + µ2

Dans les paliers, l’angle de frottement n’excède guère 10° (µ = 0.18), de sorte
que µ ′ ≈ µ .
Voici une notion utile pour l’étude des articulations. On constate que le moment
de frottement est constitué par le couple des forces F et R – (fig. 8.74); leur distance est
le rayon d’un cercle appelé cercle de frottement,
d
rf = µ ′ (8.104)
2

F arbre
rf

d cercle de frottement

Mf

ρ
C

R– = –F

Fig. 8.74 Cercle de frottement.

Rotation de l’arbre, coussinet usé


La distribution de pression au contact d’un arbre en rotation avec un coussinet
neuf est représentée à la figure 8.75. En tournant, l’arbre use le coussinet plus tendre et
y pénètre progressivement (fig. 8.76). La zone de contact finit par s’étendre jusqu’au
Chapitre 8 Page 360 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

360 CONCEPTION DES MACHINES

diamètre A1 – B1, puis l’arbre creuse une tranchée dans le coussinet en un régime
d’usure stable.

F
A1
A2
Oc
Oc
ω Oa
C ω
Oa B1
ρ B2
ρ

p0 p
p

Fig. 8.75 Arbre dans un coussinet neuf. Fig. 8.76 Usure stable d’un coussinet.

Calculons la distribution de pression en appliquant la théorie exposée au para-


graphe 8.7.3. Mettons un système de coordonnées au centre de l’arbre (fig. 8.77);
l’axe y est l’axe de symétrie de la zone de contact et l’axe x est confondu avec le dia-
mètre de contact A – B. Un point de contact C est repéré par l’angle ϕ par rapport à
l’axe y.

F
γ
A Fy

Fx O
d
--- B
2 x
ϕ
v
C0
C
µ p dA
v0

u̇ 1 ρ
p0 u̇ 01 β=ϕ
p dA
y

Fig. 8.77 Equilibre d’un arbre dans un coussinet.


Chapitre 8 Page 361 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 361

On a évidemment v = v0 . Puisque l’usure produit une translation de l’arbre


parallèle à y, on a selon (§ 8.7.3), β 0 = 0; β = ϕ ; u«1 = u«01 . La formule (8.93)
donne immédiatement

p = p0 cos ϕ (8.105)

Cette distribution de la pression de contact d’un arbre en régime d’usure stable du


coussinet est en cosinus (fig. 8.76). Nous admettons par la suite que la pression est
constante dans le sens z, sur toute la longueur B du coussinet.
Calculons maintenant la pression maximale p0 en étudiant l’équilibre de l’arbre.
Au point C agissent la force normale p dA et la force de frottement µ p dA. Les équa-
tions d’équilibre selon les axes de coordonnées s’écrivent:

π/2 π/2
d d
Fx = F sin γ = ∫ sin ϕ pB dϕ +
2 ∫ cos ϕ µ pB
2

±π / 2 ±π / 2

π/2 π/2
d d
Fy = F cos γ = ∫ cos ϕ pB dϕ ±
2 ∫ sin ϕ µ pB
2

±π / 2 ±π / 2

Introduisons (8.105), le calcul donne

π
Fx = µ B dp0
4
π
Fy = B dp0
4

Sommons les composantes,

π
F = Fx2 + Fy2 = B dp0 1 + µ2
4

d’où on tire la pression au point de référence C0

4 1 F
p0 = (8.106)
π 1 + µ2 Bd

Avec la pression moyenne de référence (8.98), on a

4
p0 = p (8.107)
π 1 + µ2

L’angle γ résulte de
Chapitre 8 Page 362 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

362 CONCEPTION DES MACHINES

Fx
tan γ = = µ
Fy

Comme µ = tan ρ, on voit que l’arbre prend une position d’équilibre qui fait avec
la charge un angle égal à l’angle de frottement, en sens contraire de la rotation. Ce
résultat a déjà été trouvé plus haut.
Le moment de frottement du coussinet usé se calcule par

π/2
d d
Mf usé =
2 ∫ µ pB
2

±π / 2

Avec (8.105) et (8.106), il vient

d 4 µ
Mf usé = F (8.108)
2 π 1 + µ2

Comparons avec le moment de frottement du palier neuf (8.102),

4
Mf usé = Mf neuf (8.109)
π

Le coefficient de frottement apparent utilisé dans le modèle élémentaire décrit par


la figure 8.73 vaut

4 µ
µ usé
′ = (8.110)
π 1 + µ2

Le moment de frottement augmente en cours de rodage à cause de la modification


de la distribution de pression. Le coefficient de frottement µ peut aussi augmenter au
cours du microrodage si le frottement adhésif augmente plus vite que ne décroît le
frottement abrasif.

Conclusions
Les paliers lisses neufs, à frottement sec ou mixte, portent dans une zone relati-
vement étroite. Lorsque l’arbre tourne, la zone de contact d’équilibre se déplace, par
rapport à la ligne d’action de la charge radiale, en sens inverse de la rotation. Avec
l’usure, la pression de contact tend progressivement vers une distribution en cosinus.
L’extension de la zone de contact a pour effet de diminuer la pression, mais aussi
d’accroître le couple de frottement. Cette étude explique pourquoi les valeurs du
coefficient de frottement de paliers lisses données dans les manuels sont plus élevées
que celles correspondant aux mêmes couples tribologiques plans. On parvient à des
conclusions identiques avec des couples cinématiques sphériques.
Chapitre 8 Page 363 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 363

8.7.5 Distribution de pression axiale des paliers lisses


Il est important, pour le bon fonctionnement des paliers lisses tant en régime de
frottement mixte qu’en régime fluide, que la distribution de pression axiale soit la plus
uniforme possible. Tel serait le cas si les pièces étaient toutes infiniment rigides et si
l’axe de l’arbre et celui du coussinet étaient parfaitement parallèles (fig. 8.78).
En réalité, l’arbre s’incline dans les paliers du fait de sa flexion sous l’effet des
charges radiales (fig. 8.79); il se déforme aussi dans le coussinet par flexion et par
cisaillement (fig. 8.80). Ces déformations modifient profondément la distribution de la
pression et diminuent sensiblement la capacité de charge du palier. Cet effet est
d’autant plus marqué que le coussinet est plus long. Il peut même arriver que l’arbre
vienne toucher le coussinet à l’opposé du contact normal (fig. 8.81). On obtient un
fonctionnement satisfaisant et une capacité de charge optimale d’un palier par diverses
mesures constructives.

p1

(a) (b)

Fig. 8.78 Distribution de pression idéale avec arbre et coussinets rigides: (a) frottement mixte; (b) lubrification
hydrodynamique.

F
F1

F2

déformée

Fig. 8.79 Inclinaison d’un arbre par sa flexion.

Longueur du coussinet
Autrefois, on faisait les coussinets très longs dans l’idée de diminuer la pression
de contact; B = (2 … 2,5) D était courant. Cette pratique était plus nuisible qu’utile
puisqu’elle provoquait des surcharges aux extrémités (fig. 8.81). Les paliers modernes
sont beaucoup plus courts, B = (0,4 … 1) D; la valeur optimale, compte tenu des
Chapitre 8 Page 364 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

364 CONCEPTION DES MACHINES

déformations, paraît être B ≈ 0,6 D pour des paliers à lubrification hydrodynamique de


réducteurs industriels. Dans le cas des paliers de vilebrequin et de tête de bielles des
moteurs à pistons, on descend jusqu’à B = 0,3 D.

F
A F
δ
pA
D
pC

p C

Fig. 8.80 Distribution de pression avec un arbre Fig. 8.81 Surpressions locales.
fléchi.

Forme du coussinet et de l’arbre


On peut imaginer réaliser le coussinet conique ou rendre conique la portée de
l’arbre (fig. 8.82). Jarchow et Röper [8.4] ont établi la théorie du calcul de ces paliers
en régime hydrodynamique. La conicité est très faible et pose quelques problèmes de
fabrication.

(a) (b)

Fig. 8.82 Paliers lisses pour arbre oblique: (a) coussinet conique; (b) arbre conique.

Coussinets articulés
La situation serait idéale si les coussinets étaient étroits et articulés, car ils
s’adapteraient au mieux à l’inclinaison de l’arbre (fig. 8.83). Cette idée a conduit à
monter les coussinets dans des supports posés sur le bâti de la machine par une calotte
sphérique (fig. 8.84). Cette disposition séduit beaucoup de constructeurs, mais elle est
trompeuse car, pour que le palier puisse tourner, il faut que la charge sur le coussinet

Fig. 8.83 Flexion d’arbre et paliers articulés idéals. Fig. 8.84 Palier articulé.
Chapitre 8 Page 365 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 365

soit assez éloignée de la réaction F – pour vaincre le frottement de l’appui (fig. 8.85).
La distance doit être supérieure au rayon du cercle de frottement de la sphère,

l > rf ≈ µ R

Comme le rayon de la sphère est à peu près égal au diamètre du coussinet, il faut

l > rf ≈ µ D

La rotule reste bloquée si la distance nécessaire dépasse le bord du coussinet,


l > B/2, c’est-à-dire lorsque

B
< 2µ (8.111)
D

F R

D F
l
R
l

F–

Fig. 8.85 Moment de frottement de la rotule. Fig. 8.86 Distribution de pression.

On peut imaginer diminuer le coefficient de frottement en graissant abondam-


ment l’appui au montage de la machine, mais, sous l’effet des fortes pressions, la
graisse est bientôt expulsée et le frottement s’accroît considérablement. En définitive,
le palier ne s’incline pas avec l’arbre si B < 0,8 D. Pour de plus grandes largeurs, le
décentrage de la charge perturbe très fortement la distribution axiale de pression
(comme on le voit dans la figure 8.86 pour un palier hydrodynamique). A titre de com-
paraison, on a représenté en traitillé la distribution idéale de la pression.
Les paliers à appui sphérique ne sont finalement guère utiles que pour faciliter
l’alignement au montage. On a tourné la difficulté en donnant au palier la possibilité
de basculer autour d’un point. La figure 8.87 illustre un exemple où la surface sphé-
rique extérieure du coussinet peut rouler dans la cuvette cylindrique du corps du
palier.
Chapitre 8 Page 366 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

366 CONCEPTION DES MACHINES

Fig. 8.87 Palier lisse basculant.

Déformations conjuguées
L’inclinaison de l’arbre dans le coussinet provoque une distribution de pression
dissymétrique qui a l’allure représentée à la figure 8.88 pour un palier en frottement
mixte. Le moment lF fléchit le support et tend à faire tourner le coussinet dans le
sens de l’inclinaison de l’arbre de manière à réduire le défaut de parallélisme. On

flexion du bâti

F F

p p

l
F–

Fig. 8.88 Moment de flexion par déplacement de Fig. 8.89 Montage dissymétrique d’un coussinet.
la charge.
Chapitre 8 Page 367 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 367

améliore la correction en augmentant la souplesse du palier, soit en le déportant par


rapport au bâti (fig. 8.89), soit en assouplissant le coussinet lui-même par des rai-
nures circulaires (fig. 8.90) qui n’altèrent pratiquement pas sa rigidité circulaire.

contact
ponctuel

F–

Fig. 8.90 Coussinet souple. Fig. 8.91 Déformation d’un axe et d’une fourche de
bielle. A gauche, déformations exagérées.

Les paliers de fourches de bielles s’inclinent dans le mauvais sens par flexion de la four-
che (fig. 8.91). La figure 8.92 montre une application du principe de conjugaison des défor-
mations; les supports de palier sont situés plus à l’extérieur que le milieu des coussinets.

0,54 B

0,46 B

Fig. 8.92 Axe de crosse d’un gros moteur diesel (Sulzer).


Chapitre 8 Page 368 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

368 CONCEPTION DES MACHINES

8.7.6 Embrayages à friction, freins, butées


Ces organes se caractérisent par un glissement de pivotement autour d’un axe de
rotation.

Pression de contact
Examinons le fonctionnement d’un embrayage à cône dont le schéma est repré-
senté à la figure 8.93. La force axiale Fa applique le cône (3) glissant sur l’arbre (4)
contre le plateau conique (2). L’angle d’ouverture du cône est 2α.

α
2 3 Fa
1 4

Fig. 8.93 Schéma d’un embrayage à cône.

r

β α

u̇ 1 C0 r0
2 3 r
re
ω
ri u0

0 p0 = p p
Fig. 8.94 Pression sur une surface conique avec pivotement.

Appliquons la relation (8.93) pour déterminer la répartition de pression en régime


d’usure permanent. Selon la figure 8.94, on a: u«1 = u«01 (translation axiale du cône);
β = β 0 ; v = ω r et v0 = ω r0 . Alors

p r
= 0 (8.112)
p0 r

Le produit pr est constant, c’est-à-dire que la distribution radiale de la pression


est hyperbolique.
Il est commode d’utiliser la pression moyenne p comme référence. C’est une
pression uniforme fictive sur la surface de contact qui équilibre la poussée axiale
(fig. 8.95).
Chapitre 8 Page 369 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 369

p dA
dr
-----------
sin α


p α
r

Fa

Fig. 8.95 Pression moyenne de référence.

Considérons un anneau conique élémentaire d’aire

dr
dA = 2π r (8.113)
sin α

Projetons la poussée sur l’axe, puis intégrons sur toute la surface

re
Fa = ∫ p dA sin α = p
dr
∫ 2πr sin α sin α = pπ re2 ± ri2 ( )
A ri

d’où on tire la pression moyenne de référence

Fa
p = (8.114)
π ( re2 ± ri2 )
Calculons maintenant la poussée axiale du cône lorsque la distribution de la pres-
sion est hyperbolique

re
r0 dr
Fa = ∫p 2πr sin α = 2π p r0 ( re ± ri )
r sin α
ri

Introduisons (8.114) pour trouver le rayon de référence

re + ri
r0 = (8.115)
2

Il est égal à la moyenne arithmétique du rayon intérieur et du rayon extérieur.


Chapitre 8 Page 370 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

370 CONCEPTION DES MACHINES

La distribution de pression est finalement

r0 Fa
p = p = (8.116)
r 2πr ( re ± ri )

et la pression maximale, à l’intérieur,

1  re 
pmax = 1 +  p (8.117)
2  ri 

Si le rayon intérieur était nul, la pression tendrait vers l’infini et les pièces
seraient très rapidement détériorées. C’est pourquoi on ménage toujours un espace
libre à l’intérieur de surfaces pivotantes telles que freins, embrayages, butées planes.

Couple de frottement
La force de frottement élémentaire sur le cône est µ p dA et le moment résultant,
avec (8.113),

re
dr
Mf = ∫ r µ p dA = ∫ µ p 2πr 2 sin α
A ri

Supposons un contact parfait entre les surfaces neuves et admettons encore que les
pièces soient infiniment rigides. La pression de contact est alors uniforme et égale à la
pression moyenne (8.114). En portant cette valeur dans l’expression du couple, on trouve

2 re3 ± ri3 Fa
Mf = µ (8.118)
3 re2 ± ri2 sin α

Cette formule se simplifie souvent en modélisant le mécanisme avec une force de


frottement unique

Fa
µ
sin α

tangente à un cercle de rayon rm appelé rayon moyen efficace. Le couple de frotte-


ment s’écrit alors

Fa
Mf = µ rm (8.119)
sin α
avec

2 re3 ± ri3
rm = (8.120)
3 re2 ± ri2
Chapitre 8 Page 371 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 371

Le couple de frottement à la fin du rodage se calcule avec (8.116). Dans ce cas, le


rayon moyen efficace est égal à

re + ri
rm usé =
2

Il est intéressant de calculer le rapport du couple de frottement usé au couple de


frottement neuf et le rapport de la pression maximale à la pression de référence. Ils ne
dépendent que du rapport ri / re. L’évaluation numérique figure dans le tableau 8.96.

Tableau 8.96 Influence de l’usure sur le couple transmissible et sur la pression de contact d’embrayage.

ri
: 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1
re
Mf usé
: 0,75 0,817 0,87 0,912 0,941 0,964 0,979 0,99 0,995 ≈1 1
Mf neuf
pmax
: ∞ 5,5 3 2,17 1,75 1,5 1,33 1,21 1,13 1,06 1
p

En conclusion de cette étude:


• le moment de frottement de deux surfaces en pivotement relatif est plus petit
lorsque les surfaces sont usées;
• le moment de frottement ne diminue que de 2,1% si ri = 0,6 re , la diminution
est de 25% lorsque les surfaces sont pleines.

Les garnitures des freins et des embrayages à friction sont toujours relativement
étroites afin que le couple de frottement ne change pas sensiblement en cours de vie.
La pression de contact et le couple de frottement de butées planes en régime de
frottement sec ou mixte évoluent aussi comme on vient de l’expliquer.
Selon (8.119), le couple de frottement croît fortement lorsque l’inclinaison α du
cône diminue. Mais il faut toujours respecter la condition α > ρ0, sinon le cône reste
coincé et l’embrayage ne s’ouvre pas.

8.7.7 Dentures d’engrenages


Les dents d’engrenage en prise se touchent en principe selon des lignes
(fig. 8.97). Une force de contact Fn1 se répartit sur la ligne de contact avec la charge
linéique q telle que

l
Fn1 = ∫ q ds
0

L’intensité de la charge linéique conditionne l’aptitude au service d’un engrenage


du point de vue de sa résistance à la rupture et aux piqûres, de l’usure des flancs et du
Chapitre 8 Page 372 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

372 CONCEPTION DES MACHINES

grippage. C’est pourquoi on cherche à répartir la charge uniformément sur les dents.
La charge linéique dépend de:
• la répartition de la force normale totale entre les paires de dents en prise;
• du parallélisme des flancs de deux dents en prise.

ligne de contact
s

l Fn1

Fig. 8.97 Ligne de contact et charge linéique sur une denture hélicoïdale.

L’étude détaillée de la distribution de charge sort du cadre de cet ouvrage. On la


trouve, par exemple, dans [8.5, 8.6] et dans les normes de calcul. On se limite à pré-
senter les phénomènes.

Distribution de la charge sur les dents


La figure 8.98 représente la distribution de la force transmise le long de la ligne
d’engrènement d’un engrenage cylindrique à denture droite. Lorsque le couple de
dents (11) – (12) entre en contact au début de la ligne d’engrènement, au point E2 , le
couple de dent (21) – (22) est encore en contact au point A situé à la distance d’un pas
de base pb de E2. Le premier couple transmet la force Fn1 et le second Fn2 , avec

un couple de dents en prise


Fn Fn1 deux couples de dents en prise
E2
Fn2
B
C
A pb
E1
pb O1

2’1 11
21 1’1

Fn

Fn1

2’2 22 1’2
12
Fn2

Fig. 8.98 Distribution de la force normale sur les dents en cours d’engrènement.
Chapitre 8 Page 373 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 373

Fn = Fn1 + Fn2

La répartition dépend de la rigidité des couples de dents en prise (§ 6.4.4).


Le couple (21) – (22) perd le contact lorsqu’il atteint le point E1 et la paire
(11) – (12) qui se trouve au point B transmet alors toute la charge. La contrainte de
flexion dans le pied d’une dent du pignon est la plus forte lorsqu’elle se trouve au point
A parce qu’elle transmet toute la charge et que la distance jusqu’au pied de la dent y
est la plus grande. Ce point particulier est appelé point unique; B est le point unique
pour une dent de la roue.
La précision de taillage des dents affecte la position radiale du point unique. On
calcule la contrainte dans le pied d’une dent en multipliant la contrainte déterminée
pour le contact au point unique par le facteur de distribution de charge transversale
KFα . Ce facteur dépend du rapport de conduite total, somme du rapport de conduite
apparent et du rapport de recouvrement pour les engrenages hélicoïdaux; il est
d’autant supérieur à l’unité que la denture est de moins bonne qualité, mais il diminue
avec le rodage et l’usure des profils.
La flexion des dents sous charge perturbe aussi l’engrènement en occasionnant
des chocs. On les prévient en pratiquant une légère dépouille au sommet de la denture
menée et éventuellement au pied des dents menantes.

Distribution longitudinale de la charge


La figure 8.99 montre un pignon et un arbre taillés dans la masse. Le pignon subit
une torsion depuis la face A jusqu’à la face B d’entrée du couple représentée par la
génératrice (2) du profil sur le cylindre primitif. Pour sa part, l’arbre fléchit selon la
courbe (1). Ces déformations se superposent en une résultante (3). Des défauts de
fabrication des dentures et les erreurs de parallélisme des arbres influencent aussi le
portage des dentures.

b
M

3
2
d1
A B
1

Fig. 8.99 Déformation d’un pignon sous charge.

Admettons qu’en marche à vide, deux dents ne se touchent qu’en un bord (fig.
8.100a). La déformation des dentures et le contact hertzien font grandir la largeur por-
teuse avec l’accroissement de la charge; sous forte charge, les dents se touchent sur
toute leur largeur. Ce phénomène apparaît visiblement à l’examen des surfaces porteu-
ses (fig. 8.100b).
La charge linéique nominale, dans les conditions idéales, vaut par définition

Fn
q = (8.121)
b
Chapitre 8 Page 374 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

374 CONCEPTION DES MACHINES


qmax
q


q qmax

(a) (b) (c)


Fig. 8.100 Distribution de la charge linéique sur une dent: (a) modèle élastique; (b) image du portage;
(c) charge linéique.

La charge linéique maximale vaut

qmax = KHβ q (8.122)

Le facteur de distribution de charge longitudinale KHβ augmente lorsque les


dents ne portent que sur une fraction de leur largeur (fig. 8.100c) et avec la largeur des
dentures (fig. 8.101). Le calcul de KHβ est compliqué, on se contente de valeurs empi-
riques pour des avant-projets.
La valeur du facteur de distribution de charge longitudinale KFβ pour le calcul de
la contrainte de flexion, est un peu plus petite que KHβ . Dans un calcul pessimiste, on
les admet égaux.


q qmax

z z
b b
(a) étroit, KHβ = 1,1 (b) large, KHβ = 1,25

Fig. 8.101 Influence de la largeur de la denture sur la répartition de charge: (a) dent étroite; (b) dent large.

On diminue la concentration de contrainte hertzienne au bord des dentures avec


des dents dites «en bateau» (fig. 8.102). Les bords des dents sont un peu amincis; à
vide, les dents se touchent au milieu, puis le contact s’établit sur toute la largeur à forte
Chapitre 8 Page 375 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 375

0,0
1–
0,0
25
dent «bateau» mm

dent
à développante

Fig. 8.102 Dent «bateau».

charge. Les dents «bateau» se rencontrent, par exemple, dans les engrenages très char-
gés des boîtes de vitesses automobiles.

Conclusions
On tend vers l’égalisation de la charge linéique des engrenages en prenant les
mesures suivantes:
• exécuter les dentures avec une grande précision;
• veiller au parallélisme des arbres par un positionnement précis des paliers;
• disposer les pignons et les roues au milieu de la portée des paliers, les pignons
en porte-à-faux sont particulièrement surchargés localement;
• construire les bâtis très rigides;
• donner aux flancs des dentures des formes adaptées.

On ne peut profiter pleinement de la capacité de charge des pignons larges


qu’avec des constructions symétriques rigides.

8.7.8 Véhicules
Les pneus des véhicules sont dimensionnés de manière à ce que leur pression sur
le sol n’excède par certaines limites. Les tracteurs agricoles ont des roues larges et de
grand diamètre afin de ne pas trop compacter le terrain et de permettre une progression
normale.
Les engins particulièrement lourds sont équipés de chenilles. Mais il faut veiller à
ce que le train de roues s’adapte correctement aux inégalités du sol. La figure 8.103
montre le train de roues d’une drague articulé sur des balanciers d’équilibrage isosta-
tique. Les roues des engins chenillés militaires sont suspendues par ressorts et peuvent
s’effacer devant des obstacles importants.

1:10
1:10

Fig. 8.103 Chenille d’une drague en terrain accidenté.


Chapitre 8 Page 376 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

376 CONCEPTION DES MACHINES

8.8 CONCLUSIONS PRINCIPALES

Les efforts sont souvent répartis sur plusieurs organes. Les éléments distributeurs
répartissent et réunissent l’effort entre des cheminements parallèles à travers les orga-
nes transmetteurs. Le système est hyperstatique dès qu’il y a plus d’un ou deux trans-
metteurs.
Les voies de transmissions présentent souvent des rigidités différentes les unes
des autres; elles sont, en outre, affectées par des jeux. Il en résulte que les efforts sont
distribués inégalement. Le facteur de distribution exprime la part de l’effort transmis
par un distributeur. Il dépend de la rigidité des éléments distributeurs et transmetteurs
et des jeux. On vise généralement une répartition en parts égales.
Lorsque les déformations sont petites par rapport aux jeux, on ne peut obtenir
une répartition uniforme qu’en rendant le système isostatique. Par exemple:
• les trains de roues se décomposent en éléments articulés;
• les réducteurs à engrenages hélicoïdaux opposés ne doivent avoir qu’un élé-
ment maintenu axialement, habituellement la roue la plus lente, les autres
arbres sont flottants;
• les engrenages épicycloïdaux sont pourvus d’éléments flottants ou très souples;
• les différentiels jouent le rôle de répartiteurs d’efforts articulés entre deux
arbres; la valeur du facteur de distribution dépend de leur construction.

Lorsque les distributeurs sont rigides, mais que les transmetteurs sont souples,
on tend vers une distribution égale en prenant principalement les mesures suivantes:
• viser une construction symétrique;
• faire les jeux très petits ou nuls;
• assouplir les transmetteurs;
• accroître la charge nominale des transmetteurs.

On doit parfois égaliser les contraintes dans les transmetteurs plutôt que les efforts.
On égalise à la fois les efforts et les contraintes par des constructions symétriques.
Ces principes s’appliquent dans la construction des réducteurs multivoies,
notamment en assouplissant en torsion les arbres intermédiaires.
Il faut monter les bagues des roulements avec un jeu très faible ou nul pour que la
charge se répartisse convenablement sur les corps roulants et pour profiter pleinement
de leur capacité de charge.
Les arbres montés sur plus de deux paliers sont des exemples de distributeurs
souples combinés avec des transmetteurs rigides. Avec la précision habituelle d’ali-
gnement des paliers, éviter d’installer un palier intermédiaire si la distance entre deux
paliers est inférieure à 10 fois le diamètre de l’arbre. La distance maximale dépend de
la flèche admissible. On peut égaliser les contraintes de poids propre des lignes d’arbre
en désalignant judicieusement les paliers.
On rencontre des cas où les souplesses des distributeurs sont du même ordre de
grandeur que celles des transmetteurs. Par exemple, la distribution de force transmise
par les dents d’une courroie dentée sur les arcs d’engrènement dépend considérable-
ment des tolérances de fabrication et de la tension initiale de la courroie. La dent la
plus chargée peut tout aussi bien se trouver à l’entrée qu’à la sortie de la courroie des
poulies.
Chapitre 8 Page 377 Lundi, 6. f vrier 2006 2:30 14

DISTRIBUTION DES EFFORTS 377

La transmission d’un effort tranchant par un assemblage collé ou brasé, par une
file de boulons ou de rivets, s’accompagne d’une surcharge aux extrémités du joint. Il
faut en tenir compte pour dimensionner l’assemblage.
Les filetages sont le plus sollicités du côté de l’introduction de la force par la vis.
On obtient une certaine égalisation en faisant travailler une vis et un écrou dans le
même sens.
La pression de contact dans les assemblages dépend de la déformation des pièces
et de la distribution des charges. Les calculs simplistes usuels de la pression de contact
sont inexacts.
La conception d’un engrenage performant à large denture exige une réalisation de
haute qualité et une construction symétrique très rigide des paliers et du bâti. Eviter les
pignons en porte-à-faux.
La distribution de la pression de contact dans les couples cinématiques se calcule
valablement sur la base de l’usure. Elle tend vers une distribution stable à la fin de la
période de rodage. Le coefficient de frottement apparent des couples cinématiques
cylindriques ou sphériques est supérieur au facteur de friction des mêmes matériaux en
état de frottement plan.
La flexion des arbres dans les paliers lisses et les écarts d’alignement influencent
la distribution de la pression. On égalise axialement la pression en permettant au cous-
sinet de s’incliner avec l’arbre, soit en montant le palier à bascule, soit en donnant de
la souplesse à son appui.
La distribution de pression en fin de rodage est hyperbolique dans les couples
cinématiques de pivotement comme, par exemple, dans les embrayages à disque ou à
cône. On évite une pointe de pression excessive en évidant les surfaces de frottement
au centre. Le couple de frottement diminue en cours de rodage.
Chapitre 9 Page 379 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

CHAPITRE 9

LIAISONS, MOBILITÉ

9.1 INTRODUCTION

Un mécanisme est formé de pièces mobiles, liées les unes aux autres et portées
par un support.
On appelle couple cinématique un assemblage mobile de deux solides en
contact. Les corps constituant le couple sont les chaînons ou éléments du couple. Ils
peuvent être composés eux-mêmes de plusieurs pièces assemblées rigidement de
manière à faciliter la fabrication ou le montage.
Une chaîne cinématique est un ensemble d’éléments mobiles qui forment entre
eux des couples cinématiques; elle constitue un mécanisme.
On a longtemps créé des mécanismes de manière intuitive, mais il existe
aujourd’hui une théorie qui les classe selon des critères rigoureux, décrit leur compor-
tement et développe des méthodes pour en faire la synthèse [9.1 à 9.8].
De nombreux logiciels performants permettent d’observer leurs mouvements à
l’écran, en tenant parfois compte des déformations des pièces et des jeux. Ils calculent
aussi les vitesses et les accélérations. On se limitera à étudier ici de plus près seule-
ment deux aspects des mécanismes:
• les liaisons des couples cinématiques, d’abord supposées parfaites, puis leurs
comportements réels;
• la mobilité et la staticité des mécanismes.

Ces notions sont nécessaires pour la modélisation, pour la conception statique et


pour les études dynamiques. Elles servent aussi à mettre en évidence les hyperstatis-
mes et les liaisons surabondantes qui compliquent et renchérissent la réalisation en
exigeant une précision exagérée. C’est pourquoi on a intérêt à diminuer le degré
d’hyperstatisme en supprimant des liaisons, en ménageant du jeu ou en assouplissant
certaines pièces.
Le chapitre est structuré comme suit:
• Section 9.2 Définition des degrés de liberté d’un solide.
• Section 9.3 Etude des liaisons et des degrés de liberté des couples cinéma-
tiques parfaits (indéformables, sans jeu ni frottement).
• Section 9.4 Défauts des liaisons réelles, présentation de quelques solu-
tions technologiques. Modélisation des liaisons.
• Section 9.5 Mobilité des chaînes cinématiques. Degré de surabondance
cinématique et positions singulières.
• Section 9.6 Modélisation statique, étude de l’hyperstatisme et de l’abais-
sement du degré d’hyperstatisme.
Chapitre 9 Page 380 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

380 CONCEPTION DES MACHINES

• Section 9.7 Principes permettant de maîtriser les efforts hyperstatiques.


• Section 9.8 Conclusions principales.

Les problèmes de liaison peuvent se traiter par un formalisme rigoureux [9.9] et


par des logiciels de calcul.

9.2 DEGRÉS DE LIBERTÉ D’UN SOLIDE

Mouvement spatial
Repérons la position d’un solide dans un système cartésien orthonormé (fig. 9.1).
Ce solide, libre dans l’espace, possède six degrés de liberté correspondant aux six
coordonnées généralisées:
• trois translations x, y, z;
• trois rotations α, β, γ autour des axes.

B'

B''
¿
B
z A'
(9.1)
i
γ
A V
e3

α e1 (9.2)
e2 β

x y

Fig. 9.1 Coordonnées spatiales.

Considérons le segment AB d’une pièce i qui vient en A'B' après un déplacement.


Le mouvement par rapport au repère se décompose en:
• Une translation V qui amène le segment dans la position A'B''. On l’exprime
par ses projections dans le repère,

V = V1 e1 + V2 e2 + V3 e3 (9.1)

• Une rotation ¿ du segment A'B'' pour l’amener dans la position finale A'B'.
On a

¿ = α e1 + β e2 + γ e3 (9.2)

Tout mouvement d’un solide résulte en général d’une translation et d’une rota-
tion. L’ensemble de ces mouvements de base constitue le torseur cinématique de la
pièce i au point A
Chapitre 9 Page 381 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 381

¿ i 
{qi } =  
V
(9.3)
A i 

qui contient les six coordonnées généralisées.


On utilise le plus souvent les repères suivants:
• Repère lié à la surface de la terre, l’axe z est vertical.
• Repère lié au bâti de la machine. Si la machine est elle-même mobile dans
l’espace (engins de transport), le repère se déplace avec elle. Les axes x, y et z
sont dirigés selon les mouvements principaux. Pour un véhicule, par exemple,
x est parallèle à l’axe longitudinal et dirigé vers l’avant; y est l’axe transversal
et z est dirigé vers le haut.
• Repère lié à une pièce mobile. Il sert à décrire le mouvement d’une autre pièce
par rapport à la première et à l’étude de l’équilibre statique.

Ces référentiels ne sont pas galiléens. Mais ils y sont assimilés pour les études
dynamiques, car l’accélération de Coriolis provenant du mouvement de la terre dans
l’espace est négligeable par rapport aux autres forces régnant dans les mécanismes.

Mouvement plan
Un solide assujetti à se mouvoir uniquement parallèlement à un plan possède
trois degrés de liberté (fig. 9.2)
• deux translations x, y;
• une rotation α.

e2
e1 x

Fig. 9.2 Coordonnées planes.

9.3 LIAISONS
9.3.1 Généralités
Caractéristiques générales
La cinématique classe les liaisons comme suit, le «ou» étant exclusif:
• bilatérales, capables de transmettre deux forces opposées, ou unilatérales,
capables de transmettre une force seulement dans un sens (fig. 9.3);
• indépendantes du temps (la position du solide ne dépend pas du temps) ou
dépendantes du temps (la position du solide dépend d’une façon certaine du
temps);
Chapitre 9 Page 382 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

382 CONCEPTION DES MACHINES

2 2

1 1
(a) (b)

Fig. 9.3 Liaison: (a) bilatérale; (b) unilatérale.

• holonomes (la relation de liaison ne contient pas de dérivée des coordonnées


par rapport au temps) ou non holonomes (la relation de liaison contient expli-
citement au moins une dérivée de coordonnées par rapport au temps).

Paramétrage
On veut repérer la position d’un solide (ou pièce) j par rapport à un solide (ou
pièce) i (fig. 9.4). Pour ce faire, on associe un repère orthonormé direct Ri au solide i et
un autre repère orthonormé direct Rj au solide j. La position de ce dernier par rapport
à Ri s’exprime par
• le vecteur Oi Oj avec ses trois projections dans Ri;
• trois rotations.

Oj
j Rj

Ai Aj
i Oi
liaison
Ri

Fig. 9.4 Repérage de deux solides liés.

Supposons que les solides soient liés. Le point Ai est le centre de la liaison atta-
ché à i et Aj est attaché à j. On a

Oi O j = Oi A i + A i A j + A j O j (9.4)

Pour étudier le mouvement du solide j, on peut faire coïncider Ai et Aj en un ins-


tant quelconque, mais un instant plus tard, ces points seront généralement ailleurs. On
remarque que:
• le vecteur Oi Ai contient des paramètres de la pièce i;
Chapitre 9 Page 383 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 383

• le vecteur Ai Aj contient les paramètres de la liaison Lij;


• le vecteur Aj Oj contient des paramètres de la pièce j.

Ce paramétrage minimal suffit pour effectuer un calcul analytique, mais il est dif-
ficile d’emploi pour les calculs informatiques, car:
• il ne sépare pas les paramètres des pièces et de la liaison;
• il n’existe pas de repère propre à la liaison permettant d’expliciter facilement
des torseurs cinématiques et d’efforts de la liaison.

Repère local ou «idéal»


Ce paramètrage évolué, proposé par [9.10], est adapté au traitement informatique.
On attribue à la liaison Lij (fig. 9.5):
• un repère R iij attaché à la pièce i, son origine est au centre géométrique Ai de la
liaison;
j
• un repère R ij attaché à la pièce j dont l’origine est au centre Aj.

i
Rij Ai j
Rij
j
Aj

i Vij

Fig. 9.5 Repères «idéaux».

j
Le mouvement du repère R ij par rapport à R iij est caractérisé par:
• le vecteur Vij avec ses paramètres linéaires de liaison x ij , yij , zij dans R iij ;
• une rotation Ω ij avec trois paramètres angulaires de liaison α ij , β ij et γ ij .

Il existe donc six paramètres de liaison correspondant aux six degrés de liberté.
j
On décrit analytiquement le passage du repère R iij au repère R ij par une matrice de
liaison.
Un repère idéal au point A se note ( A; e1 , e2 , e3 ). Le vecteur e1 est le vecteur
directeur principal de la liaison. Les vecteurs e2 et e3 complètent la base orthonormée,
leur direction est, sauf exception, à priori arbitraire. Le repère idéal des liaisons élé-
mentaires représentées dans la figure 9.9 est évident.
La translation et la rotation constituent le torseur cinématique de liaison

Ω ij 
{qij } =  
V
(9.5)
A  ij 

Il s’exprime sous sa forme canonique


Chapitre 9 Page 384 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

384 CONCEPTION DES MACHINES

Ω ij = α ij e1 + β ij e2 + γ ij e3 
{qij } = 
V = x ij e1 + yij e2 + zij e3 
(9.6)
A  ij

9.3.2 Liaisons parfaites


Définition
Une liaison parfaite est un modèle dont:
• la géométrie des surfaces est parfaite (lisse, sans écart de forme);
• les jeux sont nuls;
• le frottement est nul;
• les surfaces de contact sont indéformables.

Lier un solide (2) à un autre (1) consiste à lui retirer un ou plusieurs degrés de
liberté par rapport à (1). Les liaisons indépendantes du temps et holonomes ont un
caractère uniquement géométrique.

Modèles à pointes ou à biellettes


On imagine un solide (2) relié au solide (1) par des pointes (fig. 9.6a). Il peut glis-
ser sur les pointes (fig. 9.6b) et n’est lié qu’unilatéralement, perpendiculairement à la
surface de contact. Pour obtenir une liaison bilatérale, il faut deux pointes opposées
sur une droite de liaison commune (fig. 9.6c).
On peut aussi lier les solides par des bielles (fig. 9.7a). Chacune constitue une
liaison bilatérale selon l’axe de la biellette, le solide peut se mouvoir librement per-
pendiculairement à cet axe (fig. 9.7 b et c).

liaison
2 2
libre

1 1
(a) (b) (c)

Fig. 9.6 Liaisons par des pointes: (a) liaisons unilatérales; (b) liaisons sur une pointe; (c) liaisons bilatérales.

liaison liaison
libre
2 libre

1
(a) (b) (c)

Fig. 9.7 Liaisons par des biellettes: (a) liaison plane de deux solides; (b) et (c), liaison et mouvement d’une
biellette.
Chapitre 9 Page 385 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 385

La liaison complète de deux solides ne dépend pas que du nombre de liaisons,


mais aussi de leur disposition géométrique. Par exemple, un solide (2) est assujetti à
une liaison complète plane avec le solide (1) (fig. 9.8a). Le point A possède deux
liaisons qui se comportent comme une articulation, (2) peut tourner autour de ce point.
On obtient en principe une liaison complète de (2) en ajoutant une troisième liaison
quelconque, par exemple au point B. Mais il existe deux cas particuliers où la liaison
est incomplète : l’axe de la troisième liaison passe par l’articulation (fig. 9.8b) ou les
trois liaisons sont parallèles (fig. 9.8c). En ajoutant une quatrième liaison (fig. 9.8d), il
y a redondance, une liaison est surabondante.

2 A 2 2 2
A B

1 1 1 1
(a) (b) (c) (d)

Fig. 9.8 Liaisons planes: (a) complète; (b) incomplète; (c) incomplète; (d) surabondante.

Les liaisons à pointes ou à biellettes sont utiles pour étudier le positionnement


relatif de deux pièces.

Liaisons élémentaires
En mécanique, on classe les liaisons selon leur fonction résultant de la configu-
ration géomérique des surfaces en contact. La figure 9.9 donne les liaisons normali-
sées élémentaires avec leur repère idéal.

Autres liaisons
La figure 9.10 représente des liaisons techniques fréquentes dont on donne les
caractéristiques pour éviter au lecteur de les retrouver à partir des liaisons élémen-
taires.
Les dentures d’engrenages sont des liaisons linéaires rectilignes qui imposent de
respecter certaines relations angulaires entre les axes de rotation. Pour le calcul de la
mobilité, on assimile le contact des dentures à un contact ponctuel. La position des
arbres intervient à un second degré, pour l’étude de la distribution de la force trans-
mise le long de la ligne de contact.

9.3.3 Degrés de liberté des liaisons


On a vu que le mouvement d’un solide par rapport à un autre se décrit dans un
repère idéal par un ensemble de six paramètres de liaison, trois translations et trois
rotations. Un paramètre nul signifie que le solide est immobilisé selon la coordonnée
correspondant à ce paramètre. Il n’est pas nul si le solide peut se mouvoir selon sa
coordonnée; on dit que le solide possède un degré de liberté selon cette coordonnée.
Le nombre de degrés de liberté d’un solide par rapport à un autre est le nombre de
paramètres de liaison non-nuls de leur torseur cinématique de liaison. C’est aussi le
Chapitre 9 Page 386 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

386 CONCEPTION DES MACHINES

Degré de Degré de
Fonctions Schéma Liaisons liaison liberté

1 1 5
Ponctuelle e1
F1
F3
2 2 4
Linéaire annulaire e1
F2
e1
F1
3 M3 2 4
Linéaire rectiligne
e2

Fz z
4 Fy 3 3
Rotule
x Fx y

F1
5 e1 M2 3 3
Appui plan
M3
F3
M3
6
e1 4 2
Pivot glissant F2
M2
F3
M3
7 M1 5 1
Glissière e1
M2 F2
F3
8 M3
5 1
Pivot e1
F1 M2 F2
F3
M3
9 M1 6 0
Encastrement e1
F1 M2 F2
F3
M3
10 5 1
Hélicoïdale
e1 F1 M2 F2
e2
F2 M2
11
F2 4 2
Sphérique à doigt
e1

En général seul e1 est imposé. Pour les liaison 3 et 11, e 2 est aussi imposé. Pour la liaison 4, repère idéal et
base générale sont confondus.
Fig. 9.9 Liaisons élémentaires et repère idéal associé.
Chapitre 9 Page 387 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 387

Degré de liberté
spatial plan

Articulation double 1 (pivot) 1

vaut comme double liaison, NL = 2 2 (glissant)

Cardan 2 –

Denture d’engrenage 4 2

(liaison ponctuelle) (5)

Liaison ponctuelle avec frottement N

avec glissement 5 2

sans glissement µN 3 1

Lien souple 1

courroie, chaîne, câble

Roue folle, galet 2 2 5 2

liaison de (2) par rapport à (1)

équivalente à une liaison ponctuelle 1 1

Fig. 9.10 Liaisons diverses.

nombre de coordonnées indépendantes nécessaires pour décrire le mouvement d’un


solide par rapport à un autre.
On a vu comment des doubles pointes ou des biellettes immobilisent un solide.
S’il existe ns coordonnées bloquées, le solide j ne possède plus que

nc = 6 ± ns (9.7)

degrés de liberté par rapport à i. Il est totalement libre s’il n’est pas lié à i, c’est-à-dire
si ns = 0 et nc = 6. Il est en liaison complète si ns = 6 et nc = 0, les solides sont solidai-
res. Il y a surabondance de liaisons ou hyperliaison si nc < 0. Le degré de surabon-
dance cinématique est

hc = ns ± 6 (9.8)

Le nombre de degrés de liberté des liaisons est donné dans les figures 9.9
et 9.10.
Chapitre 9 Page 388 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

388 CONCEPTION DES MACHINES

Cas particulier de l’hélicoïde


Un écrou sur une vis possède apparemment deux degrés de liberté: une rotation
et une translation. Mais ces mouvements sont liés par le pas de l’hélice, de sorte qu’il
n’existe en réalité qu’un seul degré de liberté.

Liaisons planes
Un solide ne pouvant effectuer qu’un mouvement plan par rapport à un autre pos-
sède seulement trois degrés de liberté, deux translations et une rotation. Avec ns
liaisons, il possède

nc = 3 ± ns (9.9)

degrés de liberté. Le degré de surabondance cinématique plan vaut

hc = ns ± 3 (9.10)

9.3.4 Efforts de liaison transmissibles


Degré de liaison
La figure 9.11 représente un solide (1) en liaison complète avec un solide (2) par six
biellettes. Une force F susceptible de prendre une orientation quelconque dans l’espace
agit en un point P. Il y aura toujours des liaisons qui transmettront des composantes de la
force. Par exemple, si la force est parallèle à l’axe x, ce sont les liaisons A et E qui parti-
cipent à la transmission; ou les liaisons B, C, D si elle est parallèle à l’axe z. Les liaisons
à biellettes sont donc susceptibles de transmettre des forces dites forces de liaison.
La transmission d’un moment nécessite deux forces de liaison situées dans un
plan perpendiculaire au moment (fig. 9.12).
F

G
2
z A P E B
FA
B M FB
D
C A
x 1 y

Fig. 9.11 Solide à liaison complète dans l’espace. Fig. 9.12 Transmission d’un couple.

Une liaison bloquant une translation est capable de transmettre une force, une
liaison bloquant une rotation peut transmettre un moment.
Le torseur d’effort transmissible, ou torseur statique, d’une liaison élémentaire
réduit au point A s’exprime sous forme canonique comme suit:

 Fij = Fx, ij e1 + Fy, ij e2 + Fz, ij e3 


{Qij } = 
 M = Mx, ij e1 + My, ij e2 + Mz, ij e3 
 (9.11)
A  ij
Chapitre 9 Page 389 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 389

Le torseur statique possède trois composantes de force et trois composantes de


moment dans le repère idéal associé à la pièce i. Le nombre de degrés de liaison est le
nombre de composantes non-nulles du torseur statique, on le note ns. Il est donné dans
la figure 9.9 pour les liaisons élémentaires. On distingue:
ns = 0 aucun effort n’est transmissible
0 < ns < 6 ns efforts sont transmissibles
ns = 6 la liaison est isostatique
ns > 6 la liaison est hyperstatique

Dans le dernier cas, le degré d’hyperstatisme est

hs = ns ± 6 (9.12)

Liaisons planes
Les liaisons planes peuvent transmettre deux composantes de force et un
moment. On a le degré d’hyperstatisme plan

hs = ns ± 3 (9.13)

9.3.5 Dualité liberté-liaison


Une liaison selon une des six coordonnées généralisées permet de transmettre
une composante d’effort et bloque le mouvement relatif selon la coordonnée considé-
rée. En revanche, un mouvement est libre s’il n’y a pas de liaison et par conséquent
aucun effort transmis. Il existe une complémentarité entre les degrés de liberté et les
degrés de liaison.
Les équations (9.7) et (9.9) peuvent s’écrire:
• pour une liaison spatiale

nc + ns = 6 (9.14)

• pour une liaison plane

nc + ns = 3 (9.15)

La somme du degré de liberté et du degré de liaison est égale au nombre de


coordonnées généralisées.
En comparant (9.8) et (9.12), on constate que le degré de surabondance ciné-
matique est égal au degré d’hyperstatisme,

hc = hs (9.16)

9.4 LIAISONS RÉELLES

9.4.1 Défauts des liaisons


Le modèle de liaison parfaite développé dans la section précédente est commode
pour la conception des mécanismes et pour un premier calcul de dimensionnement.
Chapitre 9 Page 390 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

390 CONCEPTION DES MACHINES

Mais les solutions technologiques des liaisions réelles s’écartent sensiblement du


modèle parfait:
• défauts de forme géométrique des surfaces associées (parallélisme, cylindri-
cité, planéité, perpendicularité);
• défauts de surface (ondulation, rugosité);
• déformations locales des surfaces en contact chargées;
• jeu ou serrage des liaisons bilatérales;
• frottement qui s’oppose au libre mouvement des couples cinématiques.

La géométrie des couples cinématiques et leurs propriétés évoluent en service et


pendant la vie de la machine:
• les déformations varient avec la charge;
• l’échauffement modifie le jeu ou le serrage;
• l’usure accroît les jeux et modifie la distribution de la pression de contact.

La notion de jeu n’a de sens que pour les liaisons bilatérales. Le jeu nuit consi-
dérablement à la précision des liaisons et des mécanismes, mais il est indispensable
pour permettre le libre mouvement, l’introduction de lubrifiant, la dilatation thermique
de l’élément intérieur. Des pièces qui perdent le contact dans l’espace permis par le jeu
retrouvent temporairement des degrés de liberté relatifs; ce comportement non-
linéaire des liaisons complique l’analyse des mécanismes. Le rattrapage automatique
du jeu est possible par précharge (§ 7.6.5).

9.4.2 Solutions technologiques


Les réalisations pratiques des liaisons élémentaires sont connues. On se contente
de les passer brièvement en revue dans l’ordre de la figure 9.9, en s’attardant toutefois
sur leur comportement géométrique réel.

Liaisons ponctuelles
Ces liaisons se matérialisent par des sphères ou par des surfaces biconvexes, par
exemple, dans les roulements à billes ou des pivots à pointe. Elles sont affectées par les
déformations de surface (hertziennes).

Liaisons linéaires annulaires


Ces liaisons:
• fixent un point dans un plan;
• permettent son glissement sur une droite perpendiculaire au plan;
• permettent le rotulage d’une pièce par rapport à l’autre.

Ces fonctions sont remplies dans une certaine mesure par les roulements à
rotule sur billes et roulements à tonnelets pour autant que les bagues puissent glisser
sur l’arbre ou dans le logement. Les roulements à billes à gorges profondes permet-
tent aussi un petit rotulage s’ils ont du jeu. L’angle de rotulage est un peu plus grand
lorsque la bague intérieure tourne autour du centre du roulement (fig. 9.13a) que si
elle bascule autour d’une bille (fig. 9.13b). Même sans jeu, un certain rotulage se
produit sous charge en porte-à-faux du fait des déformations aux points de contact
des billes.
Chapitre 9 Page 391 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 391

(a) (b)

Fig. 9.13 Basculement d’un roulement: (a) autour du centre; (b) autour d’une bille.

Le guidage radial est affecté par le jeu et les déformations, comme on le verra
plus loin.

Liaisons linéaires rectilignes


Elles se rencontrent dans les rouleaux des roulements, les supports à rouleau, au
contact des dents d’engrenage. A l’instar des liaisons ponctuelles, ces liaisons sont
affectées par les déformations de surface.

Rotules
Les rotules (fig. 9.14) se déforment relativement peu à cause du contact surfa-
cique. Le jeu se rattrape en ajustant le serrage du couvercle ou s’annule par un dispo-
sitif de précharge à ressort.

Fig. 9.14 Articulation à rotule. Fig. 9.15 Palier lisse à rotule.

Les roulements à rotule constituent des liaisons à rotule si leurs bagues sont
maintenues axialement sur l’arbre et dans le logement. Les butées à rotule jouent aussi
ce rôle, mais leur liaison axiale est unilatérale.
Certains paliers lisses sont montés sur rotule (fig. 9.15) pour permettre l’incli-
naison de l’arbre.
Les joints à cardan sont en fait des mécanismes, mais ils jouent le rôle d’une
liaison à rotule entre deux arbres.
Chapitre 9 Page 392 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

392 CONCEPTION DES MACHINES

Appuis plans
Sans même descendre à l’échelle des aspérités, les irrégularités d’exécution des
surfaces et les déformations des pièces modifient le portage des surfaces. Deux sur-
faces planes sont censées porter partout et retirer trois degrés de liberté (fig. 9.16a): en
butée selon l’axe z et en rotation autour des axes x et y. Mais il suffit qu’une des surfa-
ces présente une légère protubérance pour que le contact devienne ponctuel et qu’un
élément (2) puisse basculer jusqu’à ce qu’il vienne toucher l’autre par le bord
(fig. 9.16b). Seule la liaison x est garantie tandis que les deux autres sont inexistantes
dans les limites permises par le basculement. Si, au contraire, une surface est creuse,
les pièces ne se touchent qu’à la périphérie du contact apparent, les trois liaisons sont
assurées, mais la pression dans la zone centrale est beaucoup plus petite que prévue ou
même nulle (fig. 9.16c).

F
z

2 2 2
p
x
1 y 1 1
(a) (b) (c)

Fig. 9.16 Portage théorique et effectif de deux surfaces: (a) plan théorique; (b) convexe; (c) concave.

On vise à disposer les surfaces portantes de manière à ce que la liaison ne soit pas
affectée par les imperfections de fabrication et que la charge soit transmise par une
surface bien définie. Dans l’exemple ci-dessus, il suffit de prévoir un portage en trois
points non-alignés (fig. 9.17a); mais si la pression est forte, il faudra trois surfaces pla-
nes (fig. 9.17b). On se contente souvent d’évider le centre de la pièce (2) si ses côtés
sont assez petits pour que l’effet des erreurs de planéité des deux surfaces d’appui res-
tent dans des limites acceptables (fig. 9.17c).

2 2 2

1 1 1

(a) (b) (c)

Fig. 9.17 Contact de deux éléments selon un plan: (a) parfait; (b) bon; (c) acceptable.
Chapitre 9 Page 393 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 393

Pivot glissant
Un manchon tournant et glissant sur une tige cylindrique est un exemple de pivot
glissant (fig. 9.18). On pense généralement qu’il porte sur toute sa longueur B, mais
des défauts d’usinage peuvent modifier la géométrie réelle du portage. Par exemple
(fig. 9.19), un renflement local de la tige permet le basculement du manchon autour de
ce point; les zones de contact se rapprochent et les réactions ne sont plus distantes que
de Beff. Avec une charge F excentrée, le manchon est susceptible de se bloquer
(§ 10.7.4). La liaison est bien définie en ménageant un chambrage ou en mettant un
coussinet à chaque extrémité plutôt que d’avoir un seul coussinet long (fig. 9.20).

jeu nul

Fig. 9.18 Manchon glissant parfait.

(a)

Beff (b)

Fig. 9.19 Distance d’appui réduite par un renfle- Fig. 9.20 Guidages cylindriques avec chambrage:
ment de la tige de guidage. (a) pièce usinée; (b) avec douilles de glissement.

Les liaisons bilatérales exigent toujours un certain jeu j pour éviter le coincement
par des ondulations de surface (fig. 9.21a). Le jeu se manifeste de deux manières:
• translation de la tige (fig. 9.21b);
• inclinaison de l’axe (fig. 9.21c) d’un angle

j D ± d
θ ≈ tan θ = = (9.17)
B B

En introduisant:
Chapitre 9 Page 394 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

394 CONCEPTION DES MACHINES

• le jeu relatif ψ = j/D


• la longueur relative β = B/ D

on a

ψ
θ = (9.18)
β

B
y y y

D d θ
A x x
j/2
(a) (b) (c)

Fig. 9.21 Pivot glissant réel: (a) jeu radial; (b) translation; (c) rotulage.

Du point de vue cinématique, une liaison pivot glissant avec jeu se comporte
comme une liaison linéaire annulaire dans les limites de l’angle maximal de rotulage
permis.
Les roulements à rouleaux cylindriques, les roulements à aiguilles et les douilles
à billes sont des exemples de pivots glissants.
Les modèles de la figure 9.22 représentent le jeu et la déformation radiale. Les
ressorts tiennent compte de la déformation de la pièce intérieure et de la pièce exté-
rieure.

(a) (b)

Fig. 9.22 Modèles d’un pivot ou d’un pivot glissant réel: (a) jeu seul; (b) jeu et déformation.

Le déplacement radial d’un arbre dans un palier est affecté par le jeu et par la
déformation des pièces:
• La rigidité de paliers lisses fonctionnant à sec ou en régime de lubrification
mixte est très forte et pratiquement constante (fig. 9.23a); l’arbre est libre dans
les limites du jeu.
• L’arbre d’un palier à lubrification hydrodynamique tourne parfaitement centré
lorsque la charge radiale est nulle (fig. 9.23b). Il se décentre progressivement à
Chapitre 9 Page 395 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 395

charge croissante jusqu’à venir toucher le coussinet à très forte charge


(§ 3.5.1).
• Dans le cas de roulements (fig. 9.23c), une fois le jeu parcouru, la déformation
provient essentiellement de l’écrasement des corps roulants et des bagues. Tout
d’abord très forte, la déformation diminue progressivement parce que le
volume de matière comprimé aux points de contact augmente. La rigidité,
représentée par la pente dF / dδ, est nulle au début, puis augmente fortement.

F F F

0 δ 0 δ 0 δ

j/2 j/2 j/2 j/2 j/2 j/2

(a) (b) (c)

Fig. 9.23 Mouvement radial de paliers avec jeu: (a) palier lisse sec; (b) palier hydrodynamique; (c) roule-
ments.

Les paliers hydrodynamiques, hydrostatiques et les roulements se modélisent


dans les études dynamiques par des ressorts progressifs, le cas échéant avec jeu.

Glissières
A l’instar des pivots glissants, les liaisons bilatérales exigent un certain jeu.
Compte tenu des tolérances de fabrication, le jeu nécessaire croît avec l’étendue des
surfaces, mais moins vite que leurs dimensions. Le basculement est donc d’autant plus
petit que le guidage est plus long.
Une liaison unilatérale par des dièdres supprime le jeu grâce aux composantes de
forces transversales induites par l’inclinaison des plans de contact. Dans le cas particu-
lier de la figure 9.24, les composantes Fx1 et Fx2 sont égales et opposées pour des rai-
sons d’équilibre; par conséquent Fy1 = Fy2 = 1 / 2 F. La figure 9.25 illustre quel-
ques solutions de glissières; on remarque que les solutions les plus faciles à usiner (a et
c) sont difficiles à régler sans jeu, tandis que les guidages prismatiques sont d’un
réglage aisé, mais plus difficiles à fabriquer.
On peut rattraper le jeu et l’usure par précharge (§ 7.6.5).

Pivots
Un pivot est formé, par exemple, par un roulement à gorges profondes dont la
bague intérieure est fixée axialement sur l’arbre et la bague extérieure aussi dans son
logement. Bien qu’ils offrent théoriquement cinq liaisons avec un seul degré de liberté,
Chapitre 9 Page 396 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

396 CONCEPTION DES MACHINES

F = 2 Fy

N1 Fy2 Fy1 N2

Fx1 Fx2

Fig. 9.24 Positionnement par un dièdre.

(a) (b) (c)

(d) (e)

Fig. 9.25 Guidages à glissière: (a) et (b), plans parallèles avec jeu; (c) à queue d’aronde; (d) à deux pris-
mes; (e) prisme et plan pour charge verticale.

les roulements ont en réalité trois degrés de liberté supplémentaires dans les limites de
leur jeu radial et axial (fig. 9.26). Ils ont encore deux degrés de liberté pour le bascule-
ment selon deux axes transversaux. Ainsi, ces roulements possèdent en réalité six
degrés de liberté et sont tout à fait libres tant qu’ils ne sont pas en appui. Ces disconti-
nuités de guidage se situent naturellement dans d’étroites limites, mais n’en sont pas
moins très gênantes pour la construction de machines précises. Il faut alors, soit pré-
voir des roulements spéciaux sans jeu, soit précharger les roulements (§ 7.6.5).
On rencontre des pivots formés d’un palier lisse et d’une butée simple ou double
(fig. 9.27); d’autres sont constitués d’un roulement et d’une butée simple ou à double
effet (fig. 5.84). Le comportement axial et radial de ces organes du point de vue du jeu
et des déformations est analogue à celui décrit pour les pivots glissants.
Chapitre 9 Page 397 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 397

a
(a) (b)

Fig. 9.26 Roulement à billes avec jeu: (a) jeu radial; Fig. 9.27 Palier lisse et butée double.
(b) jeu axial. Ces jeux sont liés par la géométrie.

Encastrements
Les encastrements sont des liaisons complètes matérialisées par les assemblages.
Les assemblages démontables à liaison par frottement sont susceptibles de glisser sous
forte charge. En outre, ils présentent toujours une certaine déformation. Par exemple,
la figure 9.28(a) montre la relation charge-déplacement d’un assemblage boulonné
avec jeu; au-delà d’une certaine charge, les pièces glissent, puis viennent en appui
contre la vis qui transmet alors la force par obstacle. On évite le glissement avec des
vis ajustées, des goupilles ou des lardons.

F F

transmission
par la vis

glissement

transmission par
frottement
(a) 0 (b) 0
f f
Fig. 9.28 Caractéristique charge-déformation d’un assemblage boulonné sollicité par une force transversale
à la vis: (a) vis avec jeu dans les trous; (b) vis ajustée.

Hélicoïdes
Les vis et écrous, les vis à billes et les vis à rouleaux sont des liaisons hélicoïdes.
Elles présentent de la souplesse axiale et radiale et sont affectées par du jeu. On
absorbe le jeu par précontrainte (fig. 7.91).

9.4.3 Isostatisme des liaisons


L’isostatisme permet de maîtriser la distribution de forces entre des pièces rigides
(§ 8.3.1). Le même principe s’applique dans la conception des liaisons pour obtenir un
Chapitre 9 Page 398 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

398 CONCEPTION DES MACHINES

positionnement défini. En effet, les liaisons surabondantes posent de gros problèmes


d’ajustement au montage et renchérissent la fabrication. Des défauts géométriques,
même minimes, peuvent perturber sérieusement le fonctionnement, notamment provo-
quer le coincement des couples cinématiques. La figure 9.29 illustre quelques liaisons.

Mauvaise conception Bonne conception

ou
languette
rapportée

Coupe B-B Coupe B-B


Ecrou
«flottant» Faible jeu
A A A A

Coupe A-A Coupe A-A

B B B B

Grande surface Grande longueur ou


d’appui de centrage

d d d

Fig. 9.29 Conception de guidages et de liaisons.

Deux ou plusieurs liaisons élémentaires coopérant en parallèle forment une liai-


son composée, par exemple, une glissière composée de deux tiges cylindriques qui
portent et guident un coulisseau (fig. 9.30). La seconde tige empêche le coulisseau de
tourner autour de la première. Le couple cinématique ne fonctionne que dans la
mesure où les tiges sont rigoureusement parallèles, ce qui exige une grande précision
de fabrication et un montage très soigneux.
Chapitre 9 Page 399 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 399

Fig. 9.30 Coulisseau sur deux tiges cylindriques.

L’étude de l’isostatisme des couples cinématiques se systématise en décomposant


le guidage en m surfaces partielles dont chacune possède nsi′ liaisons statiques.
L’ensemble possède

m
∑ nsi′
1

liaisons, mais si on souhaite donner au couple cinématique seulement ns liaisons, le


degré d’hyperstatisme est

m
hs = ∑ nsi′ ± ns (9.19)
1

ns1
' = 3 A ns2
' =3 ns3
' =3 ns1
' =4 ns2
' =4

(a) ns = 5 hs = 4 (b) ns = 5 hs = 3

ns1
' =2 ns2
' =2 ns3
' =2 ns1
' =4

ns2
' =2

(c) ns = 5 hs = 1 (d) ns = 5 hs = 0

Fig. 9.31 Hyperstatisme de glissières: (a) dièdre et plan; (b) deux guidages cylindriques; (c) dièdre et plan
sur deux cylindres; (d) un cylindre et une bille.

La figure 9.31 illustre une application de la méthode. La solution (d) est en principe
idéale à condition que le couple cinématique cylindrique soit bien conçu. Le degré
d’hyperstatisme correspond au nombre de cotes qu’il faut respecter avec une grande pré-
cision. Ainsi, dans le guidage de la figure 9.31(a), les plans du dièdre et la surface
d’appui B devraient être parfaits; en outre, l’arête A devrait être rigoureusement parallèle
Chapitre 9 Page 400 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

400 CONCEPTION DES MACHINES

au plan B. Satisfaire ces exigences demande une précision extrême des machines-outils
ou un ajustement très soigneux au montage avec grattage des surfaces. Ces mesures sont
coûteuses, il est de loin préférable de choisir une conception isostatique.
Des liaisons surabondantes sont quand même fonctionnelles si les pièces se prêtent
aux imperfections géométriques par déformation. Supposons, par exemple, qu’une des
tiges de la glissière à la figure 9.30 soit légèrement incurvée. Le moteur entraînant le
coulisseau est peut-être assez fort pour passer le «point dur», les tiges fléchissent pour
permettre le passage du coulisseau, mais le guidage a perdu toute précision.

9.5 CHAÎNES CINÉMATIQUES

9.5.1 Généralités
La figure 9.32(a) représente un schéma dans lequel sont esquissées les solutions
technologiques de réalisation d’un mécanisme. Mais l’étude de la cinématique se fait
avec des schémas encore plus simples et mieux adaptés:
• Schéma cinématique (fig. 9.32b). Les éléments mobiles sont représentés par
de simples traits, le bâti ne figure qu’aux endroits où il est en contact avec des
pièces mobiles. En le complétant avec les paramètres de longueur et angu-
laires, il permet de vérifier les contraintes géométriques et de calculer les gran-
deurs cinématiques (trajectoire, loi de mouvement et ses dérivées).
• Schéma de structure cinématique (fig. 9.32c). On y trouve tous les éléments
des couples cinématiques avec leurs liaisons. L’agencement du dessin est quel-
conque, on ne reconnaît plus la géométrie du mécanisme et le bâti devient un
élément de la chaîne cinématique. Ce schéma est utilisé principalement pour
étudier la structure des mécanismes et pour en faire la synthèse.
• Graphe de structure. Il s’utilise aussi pour étudier la mobilité, mais on n’en
fera pas usage par la suite.

9
1
8
1
2
7
4 3
9 1
1 6 1
8 2 (b) 5
1 7
7 6
8
4
3 4 5
1 6 3
9
5 2
(c) 1
(a)

Fig. 9.32 Représentations d’un mécanisme: (a) schéma de construction; (b) schéma cinématique;
(c) schéma de structure cinématique.
Chapitre 9 Page 401 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 401

Tout mécanisme est mis en mouvement par au moins un élément d’entrée, dit
aussi élément menant. Un élément mis en mouvement par un élément menant est un
élément mené. Le dernier de la chaîne cinématique est l’élément de sortie.
L’agencement d’un mécanisme, la nature de ses organes et de ses liaisons, indé-
pendemment des dimensions géométriques, déterminent la structure du mécanisme
qui est visible dans le schéma cinématique et dans le schéma de structure. Elle
détermine la mobilité d’un mécanisme et partiellement son mouvement.

mécanismes spatiaux

mécanismes sphériques

mécanismes plans

Fig. 9.33 Classification des mécanismes selon leurs mouvements, quelques exemples.

Le mouvement des chaînes cinématiques dépend de la position relative des axes


de rotation (fig. 9.33). Dans un mécanisme spatial, les axes de rotation sont gauches et
des éléments se meuvent dans l’espace. Tous les axes de rotation d’un mécanisme
sphérique sont concourants, les éléments n’effectuent que des rotations. Enfin, le
mécanisme est dit plan lorsque les axes des rotations sont parallèles; les mouvement
des éléments sont coplanaires et normaux aux axes de rotation.
On distingue:
• Les mécanismes à chaîne ouverte. Les éléments sont reliés deux par deux par
une liaison simple, le premier élément est le bâti. Les chaînes ouvertes concer-
nent essentiellement les robots (fig. 9.34a).
• Les mécanismes à chaîne fermée. Le premier et le dernier éléments de la
chaîne cinématique sont reliés au bâti (fig. 9.34b).
• Les mécanismes à chaîne complexe. Plus de deux éléments sont reliés au bâti,
le mécanisme est formé de plusieurs chaînes connexes (fig. 9.34c).

Les chaînes fermées sont astreintes à des conditions géométriques précises pour
permettre leur fermeture et leur bon fonctionnement. La trajectoire effectuée par tout
Chapitre 9 Page 402 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

402 CONCEPTION DES MACHINES

(b)

(a)

(c)

Fig. 9.34 Mécanismes: (a) à chaîne ouverte; (b) à chaîne fermée; (c) à chaîne complexe.

point d’une chaîne cinématique fermée ou complexe est déterminée par la structure et
la géométrie de la chaîne. En revanche, la trajectoire de l’extrêmité d’une chaîne ciné-
matique ouverte composée au moins de trois éléments mobiles peut s’effectuer d’une
infinité de façons (fig. 9.35). Dans ce cas se posent deux types de problèmes:
• Le problème cinématique direct consistant à déterminer la trajectoire parcou-
rue par le point terminal d’une chaîne dont les déplacements relatifs des élé-
ments aux liaisons sont connus. Ce problème se traite relativement simple-
ment.
• Le problème cinématique inverse consiste à déterminer les déplacements
associés aux liaisons nécessaires pour que le point terminal effectue une trajec-
toire donnée. Ce problème, plus délicat que le précédent, se traite en résolvant
un système d’équations non-linéaires. Il sert à étudier la commande des robots.

B''
A
B' C''
trajectoire de D
B
C'

D
C

Fig. 9.35 Trois positions d’une chaîne cinématique ouverte pour le même point d’une trajectoire.

9.5.2 Mobilité
Définition
La mobilité cinématique ou degré de mobilité cinématique d’un mécanisme est
le nombre de paramètres indépendants nécessaires pour fixer chaque élément dans
l’espace. C’est aussi le nombre d’éléments qu’il faut bouger indépendamment les uns
des autres pour imposer un mouvement défini aux autres éléments. En d’autres termes,
le degré de mobilité est égal au nombre d’éléments menants d’un mécanisme ou au
nombre d’éléments qu’il faut immobiliser pour bloquer le mécanisme.
Chapitre 9 Page 403 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 403

Par exemple, la figure 9.36(a) représente un quadrilatère articulé, il n’a qu’un


degré de mobilité et l’entraînement de la manivelle (2) suffit pour déterminer la posi-
tion des éléments (3) et (4) par rapport au bâti (1). En revanche, le mécanisme de la
figure 9.36(b) présente deux mobilités, la position de (7) est déterminée par celle des
manivelles motrices (2) et (5).

1
3 6 7
3 2
2 4 4
1 5
1 1
(a) 1 (b)

Fig. 9.36 Mécanismes et degrés de mobilité: (a) mc = 1; (b) mc = 2.

On dit que le mouvement d’un mécanisme est forcé lorsque la position d’un élé-
ment quelconque est entièrement définie par la position des autres éléments. Pour
qu’un mécanisme soit forcé, il faut donc commander autant d’éléments qu’il y a de
mobilité.
Les mécanismes qui n’ont qu’un seul degré de mobilité sont parfois appelés des-
modromiques.
La mobilité ne dépend pas des dimensions d’un mécanisme, mais uniquement de
sa structure. Etablisssons les formules, dites de structure, qui donnent le degré de
mobilité.

Mécanismes sans cycle


Avec Np éléments disposés selon la figure 9.34(a), il y a

NL = Np ± 1

liaisons. En principe, le degré de mobilité de l’ensemble est égal à la somme des mobi-
lités des liaisons, soit

NL
mc = ∑ nci (9.20)
1

Mécanismes à chaîne fermée


Un mécanisme se compose de Np éléments. Le premier sert généralement de réfé-
rentiel de base. Les Np – 1 autres éléments possèdent 6(Np – 1) degrés de liberté par
rapport à la base.
Les éléments sont reliés par NL liaisons ou couples cinématiques. Le degré de
liaison du couple i valant
Chapitre 9 Page 404 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

404 CONCEPTION DES MACHINES

nsi = 6 ± nci

toutes les liaisons retirent

NL NL NL

∑ nsi = ∑ (6 ± nci ) = 6 N L ± ∑ nci


1 1 1

degrés de liberté. Le degré de mobilité du mécanisme est égal au nombre de degrés de


liberté restants,

NL
(
mc = 6 N p ± N L ± 1 + ) ∑ nci (9.21)
1

Cette formule n’est pas valable si la géométrie du mécanisme doit encore satis-
faire des conditions particulières, notamment dans les mécanismes sphériques dont
tous les axes de rotation se coupent en un point et dans les mécanismes plans où les
axes sont parallèles (intersection à l’infini).
Dans le cas des mécanismes plans ou sphériques, le degré de mobilité est donné
par la formule suivante:

( )
mc = 3 N p ± 1 ± 2 N L1 ± N L2 (9.22)

avec:
Np nombre d’éléments
NL1 nombre de liaisons ayant un degré de liberté
NL2 nombre de liaisons ayant deux degrés de liberté

Les mécanismes fermés peuvent donner lieu à des surabondances de liaisons ou


hyperstatismes qui se décèlent par mc ≤ 0. Ce problème sera abordé au paragraphe
9.5.4.
Le degré de mobilité d’une chaîne cinématique se compose de:
• la mobilité cinématique utile mcu entre l’entrée et la sortie;
• la mobilité cinématique interne mci égale au nombre de mouvements des
pièces de la chaîne quand on bloque soit l’élément d’entrée, soit l’élément de
sortie.

On a

mc = mcu + mci (9.23)

Le degré de mobilité peut changer avec la position du mécanisme (§ 9.5.5) ou


avec l’état de fonctionnement. Par exemple, une pince de robot a normalement un
degré de liberté quand elle est ouverte (fig. 9.37a), mais mc = 0 quand elle a saisi un
objet, car ce dernier représente une nouvelle pièce ajoutée dans le mécanisme.
Chapitre 9 Page 405 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 405

(a) (b)

Fig. 9.37 Pince de robot: (a) vue 3D; (b) schéma cinématique.

Exemples
• Quadrilatère articulé plan (fig. 9.38).

C
3
B

2 4

A 1 D

Fig. 9.38 Quadrilatère articulé plan.

Np = 4; NL = 4 avec nc = 1. La formule générale (9.21) donne

mc = 6 × (4 ± 4 ± 1) + 4 × 1 = ± 2

Ce résultat est manifestement faux, car le quadrilatère a visiblement un degré


de mobilité. Il faut utiliser la formule (9.22) valable pour les mécanismes
plans:

mc = 3 × (4 ± 1) ± 2 × 4 ± 0 = 1

• Mécanisme complexe

4
3 6

5
2 7

Fig. 9.39 Mécanisme plan complexe.


Chapitre 9 Page 406 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

406 CONCEPTION DES MACHINES

Le mécanisme à chaîne cinématique complexe (fig. 9.39) est formé de 6 pièces


mobiles en plus du bâti, Np = 7. Il y a 7 liaisons à un degré de liberté, dont une
double, donc NL1 = 8; l’engrenage possède deux degrés de liberté. La formule
(9.22) donne

mc = 3 × (7 ± 1) ± 2 × 8 ± 1 × 1 = 1

• Mécanisme spatial à trois éléments (fig. 9.40).

2 3

C
A

Fig. 9.40 Mécanisme spatial à trois éléments.

Np = 3; NL = 3. Les liaisons sont: deux pivots A et C avec nc = 1; une liaison


ponctuelle B à 5 degrés de liberté. Par (9.21), on a

mc = 6 × (3 ± 3 ± 1) + 2 × 1 + 1 × 5 = 1

• Mécanisme avec deux sorties

x7
–7

G
B x7
6
3 ϕ2
2
A
ϕ2 C
1 4 ϕ5
ϕ5

F D
5
(a) E (b)

Fig. 9.41 Mécanisme avec deux éléments de sortie menés: (a) schéma cinématique; (b) schéma-bloc.
Chapitre 9 Page 407 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 407

L’examen superficiel de la figure 9.41 pourrait laisser croire que le mécanisme


possède deux degrés de mobilité. En fait, seule la manivelle (2) est menante, le
pignon (5) et le coulisseau (7) sont des éléments de sortie. Il y a Np = 7 élé-
ments; NL1 = 8 liaisons à un degré de liberté (C compte double); NL2 = 1 pour
l’engrenage au point D. L’application de la formule (9.22) valable pour les
mécanismes plans donne

mc = 3 × (7 ± 1) ± 2 × 8 ± 1 × 1 = 1

Arbre sur plusieurs paliers


Un arbre peut en principe être guidé seulement par un pivot ou par un pivot plan.
L’ajout d’autres pivots (palier libre) ne modifie pas le degré de mobilité de l’arbre
parce que les axes des coussinets sont confondus.

Conclusions
Ces exemples simples montrent que l’application des formules de mobilité exige
quelques précautions. L’intuition et l’expérience sont utiles pour vérifier les résultats;
il est parfois indispensable de réaliser un modèle. Les méthodes développées dans
[9.9] sont plus délicates à appliquer, mais donnent les degrés de mobilité exacts.

9.5.3 Mécanismes spatiaux à chaînes complexes


Il existe des mécanismes dont l’agencement crée des boucles cinématiques
parallèles. Ainsi, l’exemple de la figure 9.42 possède les boucles b1, b2, b3; comme
une boucle suffit en principe, ce mécanisme possède deux boucles redondantes.
On démontre que le degré de mobilité d’un mécanisme à boucles redondantes est
donné par la formule

NL
mc = ∑ nci ± 6 ( NB ± 1) (9.24)
1

1
D G b3
A 2 6
4
b1 B boucles
b2 H
E 3
7
5 C
J
F 8
z

K cardan
0 y
9

x L

Fig. 9.42 Mécanismes spatiaux à chaînes complexes.


Chapitre 9 Page 408 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

408 CONCEPTION DES MACHINES

avec:
nci nombre de degrés de liberté de la liaison i
NL nombre de liaisons
NB nombre de boucles

Cette formule s’applique aussi lorsque le mécanisme possède des degrés de


liberté en série.

Exemple
Le mécanisme de la figure 9.42 est concevable pour un robot. Il comporte:
• 9 pièces
• 4 pivots (A, D, G, K) avec nc = 1
• 6 cardans (B, C, E, F, H, J) avec nc = 2
• 3 boucles

Appliquons la formule (9.24):

mc = (4 × 1 + 6 × 2) ± 6 × (3 ± 1) = 4

L’objet L se translate dans l’espace et tourne autour d’un axe z. Les rotations
autour des axes x et y sont bloquées.

9.5.4 Surabondance de liaisons


Il arrive qu’une ou plusieurs liaisons surabondantes bloquent un mécanisme. Le
critère de surabondance cinématique s’écrit

mc ≤ 0 (9.25)

On observe qu’un mécanisme ainsi immobilisé présente habituellement une


mobilité très limitée à cause des jeux.
Mais certains mécanismes sont quand même fonctionnels pour autant que
certaines relations géométriques soient respectées. Par exemple, l’application de la
formule (9.22) au mécanisme représenté à la figure 9.43 donne mc = 0; mais le
mécanisme est mobile si r2 = r3 = r4 et α 2 = α 3 = α 4 . Le triangle D-E-F résulte
de la translation du triangle A-B-C.

r2
2
A α2
1 5 3
B C
E r4 F E 5 4
r3 5'
3 4
B α3 C α4 2 F
1 1
A 1 D

Fig. 9.43 Mécanismes à trois manivelles parallèles. Fig. 9.44 Parallélogramme à cinq barres.
Chapitre 9 Page 409 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 409

Un parallélogramme à cinq barres (fig. 9.44) est en principe bloqué; car Np = 5


pièces, NL = 6 pivots (nc = 1), et avec la formule (9.22), mc = 0. Mais le mécanisme est
mobile si A-B-C-D est un parallélogramme et si la barre (5) est parallèle à une autre,
par exemple en (5'). Dans cette géométrie particulière, la barre intérieure n’influence
pas le mouvement, on dit qu’elle est superflue ou passive.
On a vu que l’application de la formule (9.21) à un quadrilatère articulé donne
mc = –2, il y a trois hyperguidages. Le mécanisme est en réalité mobile si les axes des
trois pivots sont parallèles.

2
B

3
C
1

Fig. 9.45 Engrenage conique.

Considérons encore un engrenage conique (fig. 9.45) où Np = 3 et NL = 3. Les


pivots A et B ont nc = 1, le contact des dents C est une liaison linéaire rectiligne avec
nc = 4. La formule (9.21) donne

mc = 6 × (3 ± 3 ± 1) + 2 × 1 + 1 × 4 = 0

Le mécanisme est mobile si les axes des liaisons sont concourants. C’est la même
condition que pour les mécanismes plans dont les axes sont concourants à l’infini. Par
la formule (9.22), on trouve

mc = 3 × (3 ± 1) ± 2 × 2 ± 1 × 1 = 1

En reprenant la formule du mécanisme spatial, mais en admettant que la denture


soit une liaison ponctuelle, on a

mc = 6 × (3 ± 3 ± 1) + 2 × 1 + 1 × 5 = 1

Ce résultat est correct. On peut considérer que l’orientation de la denture tenant


compte de la position des arbres n’est qu’une question de répartition de la force nor-
male sur les flancs.

N nc = 1
nc = 1 nc = 1
2 2 3
N

1 1
Fig. 9.46 Roue folle. Fig. 9.47 Mécanisme à roues de friction.
Chapitre 9 Page 410 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

410 CONCEPTION DES MACHINES

Pour les mécanismes plans à roues (fig. 9.46 et 9.47), la formule (9.22) donne

mc = 3 × (3 ± 1) ± 2 × 3 ± 1 × 0 = 0

Ce résultat est manifestement faux. Ces mécanismes sont mobiles si on respecte


la condition géométrique d’entraxe. En outre, le contact aux roues ne peut transmettre
une force de frottement sans glisser que s’il existe une force normale.
Ces exemples montrent que certains mécanismes ne sont mobiles que si des
conditions géométriques particulières sont remplies. Cela implique une grande préci-
sion de fabrication, mais on peut souvent s’accommoder d’une précision relativement
moyenne en présence de jeu et / ou d’une certaine souplesse de liaisons ou de pièces
(sect. 9.7).

9.5.5 Singularités de position


Il existe des configurations particulières de mécanismes qui modifient leur com-
portement. Par exemple, un manipulateur à chaîne cinématique ouverte possède cinq
degrés de mobilité (fig. 9.48a); il n’en a plus que quatre lorsque la glissière (3) est
parallèle à la glissière (5) (fig. 9.48b). Les positions singulières des chaînes ciné-
matiques ouvertes leur retirent un ou plusieurs degrés de mobilité.

5
4
2 2
4 5
3
3
1 1

(a) (b)

Fig. 9.48 Chaîne cinématique ouverte: (a) 5 degrés de mobilité; (b) position singulière, 4 degrés de mobilité.

On distingue trois espèces de singularités des chaînes cinématiques fermées ou


complexes:
• Première espèce. Le mécanisme se trouve en un point mort, l’élément de sortie
se trouve au bord de son espace de travail, c’est-à-dire de l’espace dans lequel
il peut se mouvoir. On peut lui appliquer un effort sans qu’il ne bouge et sans le
répercuter sur l’actionneur qui commande l’élément menant. Un mouvement
infiniment petit de l’actionneur autour de cette position ne fait pas bouger l’élé-
ment de sortie.
• Deuxième espèce. L’élément de sortie se trouve à l’intérieur de son espace de
travail, on peut lui imprimer un mouvement infiniment petit sans faire bouger
l’actionneur.
• Troisième espèce. La configuration permet un mouvement fini de l’actionneur
sans affecter l’élément de sortie, on peut aussi imprimer un mouvement fini à
ce dernier sans affecter l’actionneur.

On découvre souvent les singularités par le bon sens, mais on peut aussi les trou-
ver analytiquement selon une méthode donnée par [9.11].
Chapitre 9 Page 411 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 411

Exemples
Mécanisme à bielle et manivelle
Cet exemple illustre les singularités:
• Première espèce (fig. 9.49a), le mécanisme est au point mort, il résiste à une
force agissant dans l’alignement de la bielle et de la manivelle sans affecter
l’actionneur de la manivelle.
• Deuxième espèce (fig. 9.49b), le coulisseau est à l’intérieur de son espace de
travail et la bielle est orthogonale à la trajectoire du coulisseau; ce dernier
bouge légèrement si on lui applique une force sans affecter l’actionneur.
• Troisième espèce (fig. 9.49c), r = l, le coulisseau coïncide avec l’axe de rotation
de la manivelle. Un mouvement de la manivelle ne fait pas bouger le coulisseau.

r
C' r l
C l
B' A B F

2 3
1
(a) (b) (c)

Fig. 9.49 Position singulière d’un mécanisme à bielle et manivelle: (a) première espèce; (b) deuxième
espèce; (c) troisième espèce.

Manipulateur à trois degrés de liberté plans


La figure 9.50 représente un manipulateur dont la plateforme (8) possède trois
degrés de liberté, deux translations et une rotation. Les trois actionneurs font tourner
les bras (2), (4) et (6).
Il existe une singularité de première espèce lorsqu’une manivelle et sa bielle sont
alignées. Dans la figure 9.51, la manivelle (6) et la bielle (7) sont alignées, le point I se

F l1
C
6
l2 7 ϕC
a
I
b
a l2
8 E
H 5
1 b 4 l
1
b ϕB

A G a
3 l2 B
2
ϕA
l1
D

Fig. 9.50 Manipulateur à trois degrés de liberté plans avec actionneurs rotatifs.
Chapitre 9 Page 412 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

412 CONCEPTION DES MACHINES

F'

I' C

l1 6
F
1
7
l2
I

4
5
A B
8
F
2 H
3 G

Fig. 9.51 Position singulière de première espèce.

trouve au point mort extérieur. Une force parallèle à ces éléments ne provoque aucun
mouvement de la manivelle; en revanche, la plateforme peut pivoter autour de I. Ce
point pourrait aussi se trouver au point mort intérieur I’. La même situation se retrouve
pour les éléments (2) – (3) et (4) – (5).
Dans une position singulière de deuxième espèce, la plateforme gagne un degré
de mobilité, elle peut bouger même si tous les actionneurs sont bloqués. Il y a deux
positions singulières:
• les bielles sont concourantes (fig. 9.52a), la plateforme ne résiste pas à un cou-
ple et peut légèrement pivoter,
• les bielles sont parallèles (fig. 9.52b), la plateforme ne résiste pas à une force
perpendiculaire aux bielles capable de lui imprimer une légère translation.

6
C C
7
5 I
6
H H
F 8
M 4
7 5
I C8 1
8
1
G 4
a G a
A B A B
3 3
2 2

(a) (b)

Fig. 9.52 Positions singulières de deuxième espèce: (a) bielles concourantes; (b) bielles parallèles.
Chapitre 9 Page 413 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 413

Il existe deux singularités de troisième espèce:


• l1 = l2, a = b et les sommets de la plateforme coïncident avec ceux de la base
(fig. 9.53a); les bras et les bielles tournent librement sans entraîner la plate-
forme;
• l1 = a 3 3, l 2 = b 3 3 (fig. 9.53b); le centre de la plateforme coïncide
avec celui de la base, elle peut pivoter librement sans affecter les actionneurs
des manivelles.

6 F
C 7 C
I

1
H 6
b 1
a a b l
D E 2
b 5 3 G
l2 l1 a a
b 5
3 2 l1
2
7
b 4 b 4
I
G A B
a B
A H a
(a) (b)

Fig. 9.53 Positions singulières de troisième espèce: (a) les sommets de la plateforme coïncident avec ceux
de la base; (b) les extrémités des manivelles (2), (4) et (6) coïncident.

9.6 MODÉLISATION STATIQUE

9.6.1 Etude statique


L’étude statique d’un ensemble mécanique a pour buts:
• déterminer le degré d’hyperstatisme;
• situer la position des efforts de liaison et leur direction;
• calculer les efforts statiques, éventuellement cinétostatiques, transmis par les
liaisons;
• préparer le dimensionnement des pièces;
• préparer le modèle dynamique.

La démarche est la suivante:


• représenter le schéma du mécanisme avec toutes ses liaisons;
• déterminer le degré de mobilité;
• déterminer les degrés d’hyperstatisme;
• représenter le modèle simplifié;
• étudier le cheminement des efforts utiles et d’inertie; calculer les efforts de
liaisons correspondants;
• analyser l’influence des perturbations géométriques sur les efforts hypersta-
tiques et dans les liaisons.
Chapitre 9 Page 414 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

414 CONCEPTION DES MACHINES

9.6.2 Degré d’hyperstatisme


On recherche les hyperstatiques en étudiant les liaisons et en écrivant les équa-
tions d’équilibre [9.9]. On se satisfait souvent de connaître seulement le degré
d’hyperstatisme pour juger la conception d’un mécanisme. Sans entrer dans le détail
des démonstrations, voici comment procéder.
Les données de l’analyse sont:
• Np nombre de pièces (bâti compris)
• NL nombre de liaisons
• nsi nombre de degrés de liaison de la liaison i
• mc nombre de degrés de mobilité du mécanisme

Calculons les valeurs suivantes:


• Es = 6 ( N p ± 1) nombre d’équations de la statique
NL
• Is = ∑ nsi nombre d’inconnues statiques
1
• Ec = 6 ( N L ± N p + 1) nombre d’équations de la cinématique
NL
• Ic = ∑ (6 ± nsi ) nombre d’inconnues cinématiques
1

On appelle indice de mobilité la grandeur

m = Es ± Is = Ic ± Ec (9.26)

On démontre la formule dite de mobilité

m = mc ± hs (9.27)

où hs est le degré d’hyperstatisme cherché. L’équation fournit

hs = mc ± m (9.28)

Le système est isostatique si hs = 0, hyperstatisque si hs ≥ 1.

Exemple

ns = 5
A
2
E
ns = 4 3 ns = 4
y
ns = 5
C D
1 B ns = 4
z
x
Fig. 9.54 Mécanisme à vis de mouvement.
Chapitre 9 Page 415 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 415

Le mécanisme à vis de mouvement de la figure 9.54 comporte Np = 3 pièces et


NL = 5 liaisons. Les degrés de liaison sont indiqués dans la figure. Suivant la démarche
exposée ci-dessus:

Es = 6 × (3 ± 1) = 12

Is = 3 × 4 + 2 × 5 = 22

Ec = 6 × (5 ± 3 + 1) = 18

Ic = 3 × (6 ± 4) + 2 × (6 ± 5) = 8

m = 12 ± 22 = 8 ± 18 = ±10

Comme le mécanisme n’a qu’un seul degré de mobilité, son degré d’hypersta-
tisme est

hs = 1 ± (±10) = 11

Une analyse détaillée révèle où se trouvent les hyperstatiques (fig. 9.55):


• le coulisseau étant guidé par les glissières C et D présente 3 hyperstatiques: 2
rotations autour de x et z et une translation selon z;
• la vis, guidée par un pivot A, un pivot glissant B et par l’écrou E possède 8
hyperstatiques: 4 rotations autour de x et z; 4 translations selon x et z.

La vis n’est sollicitée que par un couple autour de son axe y. Comme elle ne subit
aucun moment fléchissant, ses hyperstatiques de rotation ne jouent pas de rôle. La vis
est beaucoup plus souple transversalement que les guidages C et D du coulisseau de
sorte qu’on peut négliger les hyperstatiques de translation selon x et z du couple héli-
coïde. Il reste finalement:
• une hyperstatique de translation du coulisseau selon z qui exige un excellent
parallélisme des deux glissières et un usinage très soigné;
• deux hyperstatiques de rotation du coulisseau autour de x et de z requièrent des
glissières à guidage long pour écarter le danger d’arc-boutement.

C
E
D
y

B z

Fig. 9.55 Hyperstatiques du mécanisme de la figure 9.54.


Chapitre 9 Page 416 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

416 CONCEPTION DES MACHINES

9.6.3 Abaissement du degré d’hyperstatisme


Une structure hyperstatique présente plusieurs inconvénients:
• elle exige une très grande précision de fabrication et de montage;
• une action extérieure peut induire des efforts intérieurs parasites, par exemple
un moment d’encastrement dans une liaison;
• tout écart géométrique par rapport à la géométrie idéale provoque des efforts
intérieurs parasites susceptibles de solliciter anormalement les liaisons et les
pièces en provoquant de l’usure et même des coincements.

On a généralement intérêt à rendre des structures isostatiques ou pour le moins à


leur donner le plus petit degré d’hyperstatisme possible. Passons en revue les principes
à appliquer.

Supprimer les liaisons


Il est souvent possible de supprimer des liaisons parallèles. Par exemple, sup-
primer le palier B de la vis de mouvement de la figure 9.55 ou supprimer un palier
d’un arbre guidé par plusieurs paliers.

Utiliser des liaisons isostatiques


L’abaissement du degré d’hyperstatisme des liaisons a été discuté au paragraphe
9.4.3.

Utiliser des liaisons offrant un plus grand nombre de degrés de liberté


Un arbre monté sur deux paliers jouant chacun le rôle de pivot (fig. 9.56a) pré-
sente un degré d’hyperstatisme égal à 5 (calculé selon le paragraphe 9.6.2). On sup-
prime l’hyperstatique axiale en prévoyant un pivot glissant (fig. 9.56b), des solutions
constructives sont décrites au paragraphe 5.10.1. Il subsiste encore deux hypersta-
tiques angulaires autour de x et y et deux hyperstatiques de translation selon ces axes.
La figure 9.57 montre une flèche de grue articulée. Une force horizontale FH pro-
venant de l’accélération de rotation de la grue, d’une traction oblique sur le câble de
levage ou du vent, provoque des poussées axiales et des rotations dans les pivots. On
réduit ces efforts parasites internes en prévoyant des articulations à rotule.

x
z

(a) (b)

Fig. 9.56 Arbre sur deux paliers: (a) deux pivots, structure hyperstatique axialement; (b) un pivot et un
pivot glissant, isostatisme axial.

Donner du jeu aux liaisons


Du jeu dans les liaisons permet d’annuler certains efforts hyperstatiques tant que
les erreurs de positionnement ou les dilatations thermiques restent dans le cadre nor-
mal des tolérances dimensionnelles.
Chapitre 9 Page 417 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 417

FH

Fig. 9.57 Efforts parasites dans les articulations d’une flèche de grue.

Considérons, par exemple, un arbre monté sur deux paliers lisses comme dans la
figure 9.56(b). Il existe deux hyperstatiques radiales qui ne permettent en principe
aucun désalignement. Mais une certaine erreur étant inévitable, il faut donner aux
paliers le jeu nécessaire pour permettre l’inclinaison de l’arbre sans effet d’encastre-
ment (fig. 9.58).

BA

BB
γ

δ
A

B
l

Fig. 9.58 Inclinaison d’un arbre dans ses paliers sans efforts hyperstatiques.

L’inclinaison de l’arbre avec l’erreur d’alignement ± δ vaut γ = ± δ / l. Chaque


palier reçoit un jeu radial tel que le rotulage θ possible soit supérieur ou égal à l’incli-
naison effective, soit θ ≥ γ. Avec l’expression (9.17) de l’inclinaison limite, on trouve
le jeu nécessaire dans chaque palier

δ
j ≥ B (9.29)
l

ou, avec (9.18), le jeu relatif

δ
ψ ≥ β (9.30)
l

Lorsque l’arbre est fléchi par une charge radiale, il faut encore tenir compte de la
déformation angulaire α de l’arbre dans les paliers. Avec les paramètres de la figure
9.59, on doit satisfaire les relations
Chapitre 9 Page 418 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

418 CONCEPTION DES MACHINES

θA

γ
A θB δ
θA
αA
αB
B
θB

Fig. 9.59 Désalignement limite de deux paliers.

θA ≥ γ + α A 
θ B ≥ γ + αB  (9.31)

La seconde relation serait valable si le palier B se trouvait au dessus du palier
A (– δ).
Le désalignement radial et la déformation de l’arbre étant connus, ces relations
permettent de déterminer le jeu nécessaire. Par exemple

δ 
jA =  + α A  BA (9.32)
l 

ou le jeu relatif

ψ A = (γ + α A ) βA (9.33)

Le jeu réel tiendra encore compte d’une éventuelle erreur angulaire de l’axe des
paliers et de l’épaisseur du film lubrifiant.

Modélisation des paliers


Evaluons l’inclinaison d’un arbre pour savoir si un palier se comporte comme un
appui simple ou comme un encastrement.
FB–
F
FA– FA– F
FB–
αA αB αA αB
A B A B

a=ζl b = (1–ζ) l l a=ζl

(a) (b)

Fig. 9.60 Poutre sur deux appuis simples: (a) charge entre appuis; (b) charge en porte-à-faux.
Chapitre 9 Page 419 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 419

Etudions la déformation d’un arbre posé sur deux appuis simples soumis à une
charge radiale. Lorsque la charge se trouve entre les appuis (fig. 9.60a), l’inclinaison
aux appuis vaut

Fl2
αA = ζ (1 ± ζ ) ( 2 ± ζ ) (9.34)
6E I
Fl 2
αB =
6E I
(
ζ 1 ± ζ2 ) (9.35)

Par ailleurs, la contrainte de flexion maximale, sous la charge, est donnée par

ζ (1 ± ζ ) l Fd
σ = (9.36)
2I

Tirons le rapport F / I de cette équation et portons-le dans les expressions des


pentes. On trouve

2 ± ζ l σ
αA = (9.37)
3 d E
1 + ζ l σ
αB = (9.38)
3 d E

Ces expressions sont commodes parce qu’elles ne contiennent que les propor-
tions géométriques de l’arbre et sa contrainte de flexion.
Dans le cas d’une charge en porte-à-faux (fig. 9.60b), on trouve par la même
méthode,

1 l σ
αA = (9.39)
3 d E
2 l σ
αB = (9.40)
3 d E

Il est remarquable que les pentes ne dépendent pas de la longueur du porte-à-faux


si ce n’est par le biais de la contrainte.
Pour des valeurs numériques typiques, on a par exemple:

l = 5d; ζ = 0, 7; σ = 60 N / mm 2 ; E = 200 × 10 3 N / mm 2 .

• charge entre deux paliers, αA = 0,65 × 10 –3 = 2,23'


αB = 0,85 × 10 –3 = 2,92'
• charge en porte-à-faux, αA = 0,5 × 10 –3 = 1,72'
αB = 1,0 × 10 –3 = 3,44'
Chapitre 9 Page 420 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

420 CONCEPTION DES MACHINES

Les normes prévoient une erreur d’alignement radial qui dépend de la distance
entre les paliers et de la qualité. Pour IT8 et une distance supérieure à 125 mm,
γ ≤ 0, 32 × 10 ±3 = 1,1©; l’inclinaison de l’axe est 37% plus petite pour IT6.
L’angle de rotulage nécessaire est finalement de l’ordre de (1 … 1,3) × 10 –3 ou 3,5' à
4,5'. Un palier lisse hydrodynamique dont le jeu relatif est ψ ≥ 0,8 × 10 –3 et la largeur
relative de l’ordre de β = 0,8 offre un rotulage θ ≤ 10 –3 ou ≤ 3,5'.
Les catalogues indiquent les angles de rotulage suivants pour les roulements à jeu
normal:
• roulements à billes à gorges profondes 2' … 10'
• roulements à galets cylindriques 2' … 4'
• roulements à rouleaux coniques dont la charge
équivalente est inférieure à 20% de la capacité dynamique 4'
• roulements à rotule 2° … 4°

En comparant ces valeurs avec le rotulage requis, on voit que les paliers lisses et
les roulements peuvent se modéliser par des appuis simples, mais il faut étudier sérieu-
sement la question.
La figure 9.61 donne la position de la charge radiale des paliers. Dans le cas des
engrenages, courroies, chaînes, galets de came, on situe la force de transmission au
milieu de leur largeur.

F
Roulements à contacts radiaux

F
Roulements à contacts obliques

F
Roulements à contacts obliques opposés M

F
Paliers lisses

Fig. 9.61 Position de la charge radiale de paliers. La position du centre de poussée des roulements à contacts
obliques se trouve dans les catalogues.
Chapitre 9 Page 421 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 421

9.6.4 Efforts intérieurs


La modélisation des liaisons influence la distribution des efforts intérieurs théori-
ques. A titre d’exemple, discutons la liaison d’un moyeu et d’un arbre.

F
F

l/2 l/2 (1 – ζ) l/2 ζl (1 – ζ) l/2

l l

0 0

Fl ζ
M max = ------  1 – ---
M Fl
M max = ------
M
4 2
(a) 4 (b)

F/2 F F/2 F

(1 – ζ) l/2 ζl (1 – ζ) l/2 (1 – ζ) l/2 ζl (1 – ζ) l/2

l l

0 0

Fl Fl
M M max = ------ ( 1 – ζ ) M M max = ------ ( 1 – ζ )
4 4
(c) (d)

Fig. 9.62 Modélisation de moyeux sur un arbre; moment de flexion dans l’arbre: (a) moyeu étroit, charge
ponctuelle; (b) moyeu sans jeu; (c) moyeu avec chambrage; (d) moyeu rigide, fortement fretté, l’arbre est
encastré dans le moyeu.

La figure 9.62 montre les modèles utilisés couramment pour calculer la distri-
bution du moment de flexion dans un arbre portant un moyeu chargé par une force
radiale. On a le cas le plus sévère lorsque la charge se trouve au milieu de la portée
(fig. 9.62a), il est simple, mais pessimiste. Un moyeu porte en général sur une certaine
longueur (fig. 9.62b), mais s’il a un peu de jeu et lorsque l’arbre fléchit, il ne porte
qu’au voisinage de ses bords, éventuellement même au milieu sur la partie convexe de
l’arbre (fig. 9.63). Le modèle de la figure 9.62(c) est plus réaliste, il s’utilise aussi si le
moyeu possède un chambrage. Lorsque le moyeu est fretté et relativement rigide en
flexion, on suppose que l’arbre est encastré et ne fléchit qu’en dehors du moyeu
(fig. 9.62d); le moment de flexion est presque entièrement transmis par le moyeu.
Chapitre 9 Page 422 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

422 CONCEPTION DES MACHINES

F
p

Fig. 9.63 Flexion d’un arbre dans un moyeu avec jeu.

Dans le cas d’un montage en porte-à-faux, on s’intéresse le plus souvent au


moment de flexion dans une section de l’arbre située entre le palier et la charge
(fig. 9.64). La distribution de la charge dans le moyeu n’influence pas le moment de
flexion dans l’arbre en dehors du moyeu.

a
F

charge ponctuelle

M = aF charge répartie
M

Fig. 9.64 Moment de flexion dans un porte-à-faux.

1 2 3

Mt

Fig. 9.65 Distribution du moment de torsion dans un arbre.

La transmission de couple entre un moyeu et un arbre dépend de la rigidité du


moyeu et de l’assemblage (fig. 8.58). On linéarise habituellement la transmission dans
la zone portante de l’assemblage du moyeu (fig. 9.65); le moyeu (1) est fretté ou lié par
des cannelures, le moyeu (2) ne transmet un couple que par la face latérale plate de la
clavette, (3) transmet par une goupille.
Chapitre 9 Page 423 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 423

9.7 MAÎTRISE DES EFFORTS HYPERSTATIQUES

9.7.1 Généralités
Après adoption du modèle statique simplifié par l’abaissement du degré d’hyper-
statisme, on peut appliquer les actions extérieures et calculer les efforts transmis par
les liaisons. Les équations de la statique suffisent si le système est isostatique, on uti-
lise les théorèmes de Castigliano et de Maxwell-Betty en cas d’hyperstatisme.
Les déformations des arbres, des leviers, des bielles et des bâtis sont relativement
grandes vis-à-vis des déformations internes des assemblages et des liaisons cinémati-
ques usuelles. C’est pourquoi on admet dans les études statiques de structures que les
assemblages sont indéformables.
Un système hyperstatique parfait, sans charge extérieure, ne contient aucun effort
intérieur. Mais tout écart de la géométrie provoque des efforts parasites intérieurs qui
se superposent à l’effet des charges extérieures comme des précontraintes (sect. 7.5).
Ces efforts parasites surchargent les organes et les pièces, notamment les guidages.
Les écarts géométriques proviennent:
• des tolérances de fabrication;
• des erreurs d’ajustage au montage;
• du lissage après le montage des surfaces assemblées;
• de la relaxation de précontraintes;
• du fluage;
• de la dilatation thermique;
• de l’usure.

Ces écarts géométriques peuvent certes se maintenir dans des limites raisonnables,
mais ils sont inévitables. Les structures y sont d’autant plus sensibles que leur degré
d’hyperstatisme est plus grand et qu’elles sont plus rigides. Par conséquent, on a intérêt à:
• abaisser le degré d’hyperstatisme;
• assouplir la structure dans la direction des hyperstatiques.

La première mesure a été discutée au paragraphe 9.6.3. Voyons maintenant com-


ment maîtriser les efforts parasites en jouant sur la rigidité de la structure.

9.7.2 Assouplissement dans la direction des hyperstatiques


Principe
Supposons qu’un pièce (1) soit liée de manière hyperstatique à une pièce (2) (fig.
9.66a). L’une des hyperstatiques est une liaison ponctuelle capable de transmettre la
force F. Cette force est nulle si la dimension l2 est égale ou inférieure à la distance
entre pointes l1 (fig. 9.66b). En revanche, une force apparaît si l1 < l2, elle est analo-
gue à une précontrainte et se calcule par

F = ki δ (9.41)

où ki est la rigidité intérieure définie dans la direction de l’hyperstatique F (fig. 9.66c)


et δ est l’écart géométrique dans la direction de l’hyperstatique de liaison. Avec δ = l2
– l1, on a
Chapitre 9 Page 424 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

424 CONCEPTION DES MACHINES

F = ki ( l 2 ± l1 ) (9.42)

L’écart géométrique maximal résulte de l’étude des tolérances, de la dilatation


thermique et des variations dimensionnelles au cours de l’exploitation. Par ailleurs,
l’effort maximal admissible est limité par des considérations de résistance et de lon-
gévité des pièces (fatigue, usure). Le système hyperstatique est convenablement
dimensionné lorsque la rigidité intérieure vaut

Fadm
ki ≤ (9.43)
δ max

L’assouplissement d’un ensemble s’obtient soit en jouant sur la géométrie des


pièces, soit en prévoyant un élément souple spécial. Voici quelques exemples.

ki δ
2

F 2 F

l2
1 1
(a) l1 (c)

(b)

Fig. 9.66 Modélisation d’une hyperstatique: (a) disposition; (b) cotes fonctionnelles; (c) modèle.

Poutre dans deux guidages à glissière

A B
(a)
F
M
M δ
(b) F
l

M
0
(c)

Fig. 9.67 Poutre droite guidée par deux glissières: (a) schéma; (b) désalignement des glissières; (c) dia-
gramme du moment de flexion.
Chapitre 9 Page 425 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 425

Une poutre (fig. 9.67a) est guidée par deux glissières parallèles du type 7 de
la figure 9.9. Le degré d’hyperstatisme de l’ensemble est égal à 5, deux déplace-
ments transversaux et trois rotations. Un désalignement δ (fig. 9.67b) provoque
deux forces opposées F et les moments d’encastrement opposés M dans les
liaisons. Ces efforts hyperstatiques chargent les liaisons et sollicitent la poutre. Le
calcul donne

12 E I
F = δ = kδ (9.44)
l3
6E I l
M = δ = k δ (9.45)
l 2 2

où E est le module d’élasticité du matériau et I le moment quadratique de la poutre.


Les efforts d’hyperstatiques sont proportionnels à la rigidité de flexion k de la
poutre, il est par conséquent possible d’admettre l’hyperstatique pourvu que la poutre
soit assez souple pour qu’un désalignement radial ne provoque pas d’efforts exagérés.
Cette condition fournit des relations entre les dimensions de la poutre et le désaligne-
ment.
Supposons que la poutre soit une tige cylindrique lisse de diamètre d donné glis-
sant dans deux guidages à billes. On cherche la distance entre guidages qui donne la
compliance nécessaire pour satisfaire les deux conditions suivantes:
• La charge sur les guidages n’excède pas une valeur Fadm.
Avec I = πd 4 / 64 on trouve

3π Ed 4
l ≥ 3 δ (9.46)
16 Fadm

• La contrainte de flexion de la tige n’excède pas la valeur σadm,

Ed
l ≥ 3 δ (9.47)
σ adm

La distance choisie doit satisfaire ces deux relations, on vérifiera encore que les
guidages peuvent transmettre sans dommage le moment d’encastrement.
On a admis que le bâti était infiniment rigide, mais sa déformation tend à dimi-
nuer encore l’intensité des hyperstatiques.

Exemple numérique
Tige en acier d = 50 mm; les tolérances de fabrication et la dilatation thermi-
que laissent prévoir un désalignement δ = 0,1 mm. On ne veut pas charger les gui-
dages au-delà de 2600 N, la contrainte de flexion de la tige ne doit pas excéder
10 N / mm2. Les relations (9.46) et (9.47) donnent respectivement l > 305 mm,
l > 548 mm. Dans ce cas, la distance des guidages est déterminée par la contrainte
de flexion de la tige.
Chapitre 9 Page 426 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

426 CONCEPTION DES MACHINES

Arbre avec paliers à contacts obliques

R S S R

Fig. 9.68 Roulements à contact oblique.

On utilise parfois des paliers formés de roulements à contacts obliques montés


dos à dos pour accroître la rigidité angulaire et diminuer l’inclinaison de l’arbre.
L’appui des roulements à contact oblique se situe au centre de poussée. Lorsque les
roulements sont montés par paire, en opposition (fig. 9.68), la rigidité angulaire de
l’ensemble vaut

1
kθ = a b kr (9.48)
2

avec:
a distance des centres de poussée
b distance des plans médians des roulements
kr rigidité radiale d’un roulement

La figure 9.69 illustre un arbre dont le palier B consiste en deux roulements à


galets coniques qui opposent à l’inclinaison de l’arbre le moment de réaction

M − = kθ ( β + γ ) (9.49)

à l’inclinaison de l’arbre. Les paliers sont désalignés d’une quantité δ. On trouve que
l’inclinaison de l’arbre par la charge et par l’erreur d’alignement vaut

γ + β =
(
6E I δ + ζ 1 ± ζ 2 Fl3 ) (9.50)
6E I l + 2 kθ l2
Chapitre 9 Page 427 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 427

A F B
γ β
M–
δ

FB–
F–
A ζl (1 – ζ )l

Fig. 9.69 Arbre sur un palier à encastrement élastique.

Les réactions d’appui valent

δ 
FA = (1 − ζ − λ ) F − kθ 
l2
 (9.51)
δ 
FB = (ζ + λ ) F + 2 kθ
l 

avec

kθ δ
(
ζ 1 − ζ2 ) ± 2
l2 F
λ = (9.52)
EI
2 + 6
kθ l

Si la rigidité angulaire est nulle, λ = 0, on retrouve les formules de la poutre iso-


statique. On peut limiter la charge sur les paliers en donnant à l’arbre une longueur
suffisante.

Arbre sur trois paliers


On a étudié au paragraphe 8.5.2 la sollicitation des paliers et de l’arbre lorsque
trois paliers présentent une erreur d’alignement radial.

Guidages parallèles à grande portée


Une poutre (3) coulisse sur les tiges (1) et (2) (fig. 9.70a). Le parallèlisme de la
translation est assuré par le mécanisme d’entraînement. La tige (2) est inclinée d’une
quantité δ1 par rapport à la droite théorique et la poutre (3) est trop longue d’une
quantité δ2 < δ1. Il existe une force d’hyperstatique F qui dépend de la position de la
Chapitre 9 Page 428 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

428 CONCEPTION DES MACHINES

δ1
y

1 2 froid
3 F II

S
l A

δ2 I
chaud

F
0
(a) (b)

Fig. 9.70 Poutre glissant sur deux guidages parallèles: (a) schéma; (b) charge sur les guidages en fonction
de la position.

poutre (fig. 9.70b); la poutre est comprimée dans la zone I, tendue dans la II. La dila-
tation thermique de la poutre déplace le point neutre A et la courbe représentant la
force. Si l’échauffement est surtout provoqué par le frottement des glissières, l’éner-
gie dissipée lors d’un aller et retour est proportionnelle à l’aire S sous la courbe de la
force, car

l
Wp = 2 µ ∫ F dy (9.53)
0

où µ est le coefficient de frottement dans les glissières. Selon les conditions de refroi-
dissement, il peut survenir une instabilité thermique au-delà d’une certaine fréquence
du mouvement (§ 21.4.2).
On maîtrise l’hyperstatique en donnant à la poutre (1) une certaine souplesse
axiale, par exemple en montant l’un des coulisseaux sur un ressort.

9.7.3 Souplesse statique, rigidité dynamique


La maîtrise des hyperstatiques exige que les pièces offrent une souplesse suffi-
sante, mais la construction de machines à hautes performances dynamiques nécessite

souple
l1 l2
d
rigide

Fig. 9.71 Arbre hyperstatique.


Chapitre 9 Page 429 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

LIAISONS, MOBILITÉ 429

au contraire de fortes rigidités. Ces exigences sont contradictoires et doivent parfois


faire l’objet d’un compromis. La solution élégante consiste à donner aux pièces la
grande rigidité nécessaire dans la direction du mouvement et de la souplesse dans une
direction orthogonale pour maîtriser les hyperstatiques.
Un arbre doit être rigide en torsion, dans la direction de sa rotation (fig. 9.71); on
lui donne le diamètre voulu par le dimensionnement dynamique (chap. 25). En revan-
che, il doit être souple dans le sens radial pour limiter les efforts parasites sur les
paliers (§ 9.7.2), on y parvient par des distances entre paliers suffisantes. La figure
21.26 illustre un autre exemple en relation avec un problème thermique.
Dans le cas de la figure 9.70, la tige (1) donne la rigidité nécessaire pour prévenir
les vibrations de la poutre (3), un ressort du côté du guidage (2) limite la force parasite.

9.7.4 Diminuer la dilatation parasite


La modification de la taille des pièces par la dilatation thermique induit des
efforts intérieurs indésirables dans les systèmes hyperstatiques. Ce problème est étu-
dié dans la section 19.7.

9.8 CONCLUSIONS PRINCIPALES

Le nombre de degrés de liberté d’un solide est le nombre de coordonnées indé-


pendantes nécessaires pour décrire entièrement sa position dans un référentiel. Un
solide libre dans l’espace possède six degrés de liberté: trois coordonnées cartésiennes
et trois angles; il possède trois degrés de liberté s’il est astreint à rester dans un plan,
deux coordonnées et un angle. Une liaison enlève un degré de liberté.
Deux pièces de mécanisme liées l’une à l’autre par un assemblage mobile for-
ment un couple cinématique. On distingue des liaisons élémentaires classées selon la
géométrie du contact et selon leur fonction.
Les liaisons entre deux pièces retranchent un ou plusieurs degrés de liberté ciné-
matique. Le mouvement relatif dans une liaison s’exprime par un torseur cinématique,
rotation et déplacement. Une liaison transmet un torseur d’effort, force et moment,
correspondant au degré de liaison entre les pièces. La somme du degré de liberté d’une
liaison et de son degré de liaison est égale à six.
Des liaisons parfaites, indéformables, sans jeu ni frottement, utilisées habituel-
lement dans les modèles statiques et pour les études cinématiques ne correspondent
pas à la réalité. Le comportement réel des liaisons dépend de leur réalisation techno-
logique. On tient compte de leur déformation, du jeu et du frottement dans les modèles
servant aux études dynamiques des mécanismes.
Les fonctions élémentaires sont souvent réalisées par plusieurs liaisons élémen-
taires coopérant en parallèle. Ces montages hyperstatiques exigent une grande préci-
sion de fabrication et beaucoup de soin au montage sous peine de mal fonctionner et
de coincer. On veillera à respecter l’isostatisme, ou pour le moins à ne pas avoir un
degré d’hyperstatisme trop élevé.
Une chaîne cinématique est un ensemble d’éléments mobiles qui forment entre
eux des couples cinématiques. La mobilité d’une chaîne cinématique est le nombre de
paramètres indépendants nécessaires pour fixer dans l’espace chaque élément de la
Chapitre 9 Page 430 Lundi, 6. f vrier 2006 2:52 14

430 CONCEPTION DES MACHINES

chaîne; c’est le plus souvent aussi le nombre d’éléments qu’il faut actionner pour
qu’un mécanisme effectue le mouvement voulu. Des méthodes rigoureuses permettent
de calculer la mobilité des mécanismes, mais il est presque toujours plus rapide de se
fier à son expérience; le cas échéant, le concepteur s’aidera d’un modèle.
Une surabondance de liaisons empêche en principe tout mouvement. Mais cer-
tains mécanismes peuvent être rendus mobiles en respectant des contraintes géomé-
triques qui exigent une grande précision de fabrication.
Des mécanismes articulés peuvent se trouver dans des positions particulières, par
exemple à un point mort. Ces positions particulières enlèvent une ou plusieurs mobili-
tés aux chaînes cinématiques ouvertes, elles en ajoutent aux chaînes fermées.
Les hyperstatiques peuvent engendrer des efforts parasites anormaux en cas
d’écarts géométriques par rapport à la géométrie idéale. Il faut diminuer le nombre
d’hyperstatiques en supprimant des liaisons, choisissant des liaisons offrant plus de
liberté, ménageant des jeux, assouplissant certaines pièces.
Chapitre 10 Page 431 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

CHAPITRE 10

MÉCANISMES

10.1 INTRODUCTION

Toutes les machines contiennent des mécanismes composés de pièces mobiles


qui coopèrent pour obtenir un certain effet ou effectuer un certain travail. Il existe
d’innombrables mécanismes qu’on classe habituellement selon les éléments de
machine qui les constituent (mécanismes à cames, à engrenages, mécanismes articu-
lés) ou selon leur fonction (embrayages, accouplements, guidages).
Ce chapitre a uniquement pour but de présenter les propriétés principales des
mécanismes et de définir les grandeurs permettant d’apprécier leur comportement. Il
sert de base à la plupart des chapitres suivants. On renonce à décrire systématiquement
des mécanismes, car il existe une abondante littérature qui analyse leur fonc-
tionnement, par exemple [10.1, 10.2, 10.3, 10.4]. D’autres ouvrages donnent des
méthodes de synthèse pour les dimensionner en vue d’obtenir des mouvements vou-
lus, par exemple [10.2, 10.5, 10.6, 10.7].
Un élément menant ou d’entrée anime un mécanisme et lui fournit l’énergie motrice.
Un élément mené ou de sortie est un élément par lequel de l’énergie sort du mécanisme.
On distingue :
• les mécanismes de transmission où le mouvement d’entrée et le mouvement
de sortie sont de même nature;
• les mécanismes de transformation de mouvement où les mouvements
d’entrée et de sortie sont différents.

Un mécanisme (fig. 10.1) possède toujours au moins trois éléments susceptibles


d’effectuer les mouvements {q}1 , {q}2 et {q}3 par rapport à un référentiel. Le choix
du référentiel est arbitraire; habituellement orthonormé direct, il dépend uniquement du
genre de problème considéré; ainsi, l’étude du mouvement d’un véhicule se fait naturel-
lement dans un référentiel lié au sol; en revanche, l’analyse du mouvement d’une pièce
du moteur est beaucoup plus facile dans un référentiel lié au bloc-moteur. On travaillera
le plus souvent dans un référentiel lié au bâti de la machine. Ces référentiels sont non
galiléens, mais ils suffisent au calcul des efforts dynamiques rencontrés en pratique.

{q}1 {q}2
1 2

3 {q}3

Fig. 10.1 Schéma-bloc d'un mécanisme.


Chapitre 10 Page 432 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

432 CONCEPTION DES MACHINES

{q}1 {q}2 {q}1 {q}2


1 2 1 2
3 3

Fig. 10.2 Mécanismes avec un élément fixe.

Un élément du mécanisme est très souvent immobile, lié au bâti (fig. 10.2). L’élé-
ment fixe ne transmet pas de puissance, mais sert uniquement d’élément de réaction
statique. On omettra parfois de représenter l’élément fixe pour alléger les dessins, mais
il est sous-entendu. Selon son degré de mobilité (§ 9.5.2), un mécanisme peut être doté
de plusieurs éléments d’entrée, il peut aussi avoir plusieurs éléments de sortie.
Les organes d’accouplement ne comportent que deux éléments de liaison
(fig. 10.3). Ils sont incapables de transformer un mouvement, leur vitesse de sortie est
égale ou inférieure à la vitesse d’entrée (embrayages ou coupleurs), l’effort appliqué à
l’élément d’entrée est transmis sans changement à la sortie. Certains considèrent que
ce ne sont pas des mécanismes.

q1 q2
1 2

Fig. 10.3 Schéma d'un organe d'accouplement.

Les schémas fonctionnels sont construits avec des blocs (fig. 10.1) dont les pro-
priétés sont décrites notamment par:
• la loi d’espace,
• la loi du mouvement,
• le rapport de vitesses,
• le rapport d’efforts,
• le rendement,
• la rigidité,
• le jeu apparent,
• l’équation de mouvement.

Ce chapitre présente les caractéristiques statiques de base des mécanismes, leur


formulation sert de base aux techniques de simulation, par exemple avec Bondgraph
[10.8]. Le comportement dynamique sera étudié dans les chapitres suivants.
Le chapitre est structuré comme suit:
• Section 10.2 Etude de la transmission de mouvement, de force et d’énergie
dans les couples cinématiques.
• Section 10.3 Rappel des grandeurs cinématiques des mouvements; présenta-
tion des caractéristiques cinématiques des mécanismes et calcul
de leur mouvement de sortie.
• Section 10.4 Présentation des caractéristiques statiques des mécanismes, équi-
libre et rigidité.
Chapitre 10 Page 433 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 433

• Section 10.5 Etude énergétique, méthodes de calcul du rendement.


• Section 10.6 Analyse du comportement cinétostatique et comparaison des
propriétés des mécanismes positifs et non positifs.
• Section 10.7 Etudes des phénomènes de blocage et d’autoblocage.
• Section 10.8 Examen de quelques propriétés des chaînes cinématiques.
• Section 10.9 Conclusions principales.

Une partie de ce chapitre est donnée à titre de rappel uniquement pour que le lec-
teur y trouve la base nécessaire à l’étude des chapitres suivants.

10.2 COUPLES CINÉMATIQUES

10.2.1 Transmission du mouvement


Transmission de la vitesse
Considérons un couple cinématique constitué d’un élément (1) qui pousse un
autre élément (2) (fig. 10.4), ils se touchent en un point A. Supposons un mouvement
plan repéré dans un système de coordonnées x–y. Le point coïncident A1 parcourt la
trajectoire k1 et le point coïncident A 2 la trajectoire k 2 .

n
v1n
2 A1

A 1
k2
1 v1
y
v1t
k1
k1
x t

Fig. 10.4 Couple cinématique. Fig. 10.5 Vitesse du point coïncident A1.

La vitesse v1 du point coïncident A1 est tangente à la trajectoire k1 (fig. 10.5).


Traçons la tangente t et la normale n au profil au point A1 . La vitesse se décompose en
une composante normale v1n et une composante tangentielle v1t ,

v1 = v1n + v1t (10.1)

En procédant de même au point coïncident A 2 , on a sa vitesse v2 avec ses com-


posantes v2n et v2t telles que

v2 = v2n + v2t (10.2)


Chapitre 10 Page 434 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

434 CONCEPTION DES MACHINES

k1 n
2 v1n
k2 2
v2n 1
A2
A1
A
v2
1 v2t
v21
v2t
v1
v1t v1t vg12

t t

Fig. 10.6 Transmission de vitesse. Fig. 10.7 Vitesse de glissement.

Lorsque (1) pousse sur (2), le mouvement est transmis par obstacle. Par consé-
quent, les composantes normales de vitesse sont égales (fig. 10.6)

v2n = v1n (10.3)

La vitesse v2 étant portée par la tangente à la trajectoire k 2 , sa grandeur résulte


de sa composante v2n . On en déduit ensuite sa composante v2t .

La vitesse relative

v21 = v2 – v1

est portée par la tangente commune au point de contact.


Un observateur situé au point coïncident A2 voit passer le point coïncident A1
avec la vitesse de glissement de (1) par rapport à (2) (fig. 10.7):

vg12 = v1t ± v2t (10.5)

Pour un observateur situé au point coïncident A1 , la vitesse de glissement est

vg21 = ± vg12 (10.6)

Selon l’orientation et l’intensité des vitesses, on distingue quatre cas particuliers:


• Liaison roulante (fig. 10.8)
Les vitesses tangentielles sont égales

v2t = v1t (10.7)

Alors vg12 = 0, le glissement est nul.

v2 = v1 (10.8)
Chapitre 10 Page 435 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 435

k2
k1 2 v1n n
A v2n 2
1 A v2 n
k2 v1

1
k1
v2
v1
v1t v2t

t t

Fig. 10.8 Liaison roulante. Fig. 10.9 Liaison normale.

Les trajectoires des points coïncidents sont tangentes l’une à l’autre au point de
contact des éléments.
• Liaison normale (fig. 10.9)
Les deux trajectoires sont tangentes à la normale commune

v2 = v2n = v1 = v1n 
 (10.9)
v2t = v1t = 0 

La vitesse de la pièce (1) est intégralement transmise à la pièce (2).


• Liaison glissante (fig. 10.10)
Les trajectoires des points coïncidents sont tangentes à la tangente commune

v1 = v1t 

v2 = v2t  (10.10)
v2n = v1n 
= 0

k1 k2
2
1
A n

v2
v1

Fig. 10.10 Liaison glissante.


Chapitre 10 Page 436 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

436 CONCEPTION DES MACHINES

• Emballement
L’élément mené échappe au contrôle par l’élément menant; on dit qu’il
s’emballe ou s’affole lorsque

v2n > v1n (10.11)

Transmission de l’accélération
L’élément menant ne transmet que son accélération normale à l’élément mené

a2n = a1n (10.12)

Les autres composantes de l’accélération sont à priori quelconques.


Le mouvement, vitesse et accélération, est intégralement transmis d’un élément à
l’autre en cas de liaison normale ou de liaison roulante sans glissement.

Facteur de glissement
On définit le facteur de glissement

vitesse tangent. menante ± vitesse tangent. menée


g = (10.13)
vitesse tangent. menante

Avec les notations de la figure 10.7, l’élément (1) étant menant,

v1t ± v2t v vg12


g = = 1 ± 2t = (10.14)
v1t v1t v1t

Cette grandeur est parfois aussi appelée glissement spécifique, notamment dans
la théorie des engrenages.
Le glissement est une grandeur algébrique. Sa valeur caractérise l’état du
mouvement:
• g = 0 liaison normale ou roulante pure
• g = 1 patinage de l’élément menant; v2t = 0 ou v2t << v1t
• g > 1 patinage avec opposition des vitesses

On verra (§ 10.6.3) qu’il existe une relation entre l’intensité de la force tangen-
tielle transmise et le glissement. Le glissement fonctionnel des transmissions non
positives se situe vers 1% et ne devrait pas excéder 3 à 4%; il est nécessaire pour trans-
mettre l’effort. On admet en pratique qu’il y a patinage dès que g > 0,4 à 0,5.

10.2.2 Transmission de force


Supposons que l’élément (1) appuie sur l’élément (2) avec une force normale Fn
(fig. 10.11a). La vitesse de glissement vg12 étant imposée par les liaisons ciné-
matiques du mécanisme, il apparaît la force de frottement dynamique (§ 5.3.2)

Ft = µ Fn (10.15)
Chapitre 10 Page 437 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 437

2 2
1 1
Ft
F
A n A n
ρ Fn
Fn –ρ
Ft
F
vg12 vg12

(a) t (b) t

Fig. 10.11 Transmission de force avec un glissement: (a) glissement dans le sens positif; (b) dans le sens
négatif.

portée par la tangente au point de contact. La résultante

F = Fn + Ft (10.16)

est la force transmise, appliquée par (1) à (2). Son inclinaison par rapport à la normale
est égale à l’angle de frottement ρ. La force de frottement transmise est toujours dirigée
dans le même sens que la vitesse de glissement vg12 , elle tourne donc brusquement, de
+ ρ à – ρ, en même temps que vg12 s’inverse dans le sens négatif (fig. 10.11b).

10.2.3 Transmission de puissance


Etudions maintenant la transmission de puissance entre l’élément (1) et l’élément
(2). Le point coïncident A1 est animé de la vitesse v1 et pousse sur le point coïncident
A 2 dont la vitesse est v2 (fig. 10.12) en transmettant la force F.

v1t

v1 2
1

Ft v2n n
F A
Fn

v1n
v2
v2t

Fig. 10.12 Transmission de vitesse et transmission de force.


Chapitre 10 Page 438 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

438 CONCEPTION DES MACHINES

Le point coïncident A1 apporte la puissance

P1 = F ⋅ v1 = Fn v1n + Ft v1t (10.17)

Elle résulte de la somme de deux termes, une puissance normale et une puissance
tangentielle:

P1n = Fn v1n 
 (10.18)
P1t = Ft v1t 

Alors,

P1 = P1n + P1t (10.19)

La puissance reçue au point coïncident A 2 vaut

P2 = F ⋅ v2 = Fn v2n + Ft v2t (10.20)

Avec la puissance normale et la puissance tangentielle reçues

P2n = Fn v2n 
 (10.21)
P2t = Ft v2t 

on a de même

P2 = P2n + P2t (10.22)

Comparons la puissance reçue par l’élément mené à la puissance fournie par


l’élément menant. Puisque les composantes normales des vitesses sont égales,
v2n = v1n , on a immédiatement

P2n = P1n (10.23)

La puissance normale est intégralement transmise d’un élément à l’autre, il n’y a


aucune perte.
Calculons la puissance tangentielle reçue au point coïncident A 2 en introduisant
la vitesse v2t tirée de (10.5)

(
P2t = Ft v2t = Ft v1t ± vg12 ) = Ft v1t ± Ft vg12 (10.24)

On reconnaît que le premier terme est la puissance P1t . Le second produit est tou-
jours positif, car nous avons vu que Ft est toujours orienté comme la vitesse de glisse-
ment vg12 . En outre, comme Ft n’est rien d’autre que la force de frottement, ce terme
représente la puissance perdue et transformée en chaleur, soit
Chapitre 10 Page 439 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 439

Pp = Ft vg12 = µ Fn vg12 (10.25)

Par conséquent

P2t = P1t ± Pp (10.26)

En substituant (10.23) et (10.26) dans (10.22), on a enfin

P2 = P1n + P1t ± Pp
(10.27)
P2 = P1 ± Pp

La puissance transmise dans un couple cinématique est inférieure à la puissance


fournie s’il existe un glissement relatif; elle est égale si le glissement est nul (liaison
roulante ou normale).
La puissance perdue est égale à la puissance de la force de frottement.
Pour diminuer la perte, il faut:
• construire les mécanismes de manière à diminuer le glissement spécifique, par
exemple, engrenage à profil cycloïdal plutôt qu’en développante;
• remplacer les contacts glissants par des contacts roulants, par exemple, palier à
roulement, suiveur de came à galets;
• lubrifier les surfaces en contact.

10.2.4 Angle de pression


Par définition, l’angle de pression α est l’angle aigu entre une force menante et
la vitesse menée de son point d’application (fig. 10.13).
La puissance s’écrit:

P = F ⋅ v = F v cos α (10.28)

Pour une puissance et une vitesse données, on a intérêt à ce que l’angle de pres-
sion soit petit afin que la force de contact soit la plus faible possible. La vitesse est tou-
jours tangente à la trajectoire voulue par la disposition cinématique du mécanisme; par
conséquent, non seulement la puissance est nulle si α = 90°, mais la force est alors
incapable de mettre l’élément mené en mouvement. C’est pourquoi on juge parfois la
qualité d’une transmission de mouvement selon la valeur de l’angle de pression.

F γ n

F α
α v
k
v
k

Fig. 10.13 Angle de pression. Fig. 10.14 Angle de pression d'une force menant un
coulisseau.
Chapitre 10 Page 440 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

440 CONCEPTION DES MACHINES

On verra (§ 10.7.3) que l’angle γ , appelé angle de transmission, entre la force et


la normale au plan de contact (fig. 10.14) doit être supérieur à l’angle de frottement au
repos ρ0 pour que l’élément considéré puisse glisser. L’angle complémentaire de γ est
précisément l’angle de pression; il doit donc être inférieur à 90° – ρ 0 pour que le
mouvement soit possible. On recommande de veiller à ce que l’angle de pression reste
dans les limites suivantes pour qu’un mécanisme fonctionne convenablement
• mouvement lent (cycles ≤ 30 min–1) α ≤ 45°;
• mouvement rapide (cycles > 30 min–1) α ≤ 30°.

10.3 CINÉMATIQUE

10.3.1 Mouvement
Le mouvement d’un solide présente deux aspects:
• sa position dans l’espace, décrite par six coordonnées généralisées;
• l’évolution dans le temps de chaque coordonnée.

Désignons par q une quelconque coordonnée décrivant la position du solide. Son


évolution en fonction du temps est la loi du mouvement

q = q (t ) (10.29)

Les dérivations successives par rapport au temps donnent:


• la vitesse

dq
q« = (10.30)
dt

• l’accélération

d2q
q«« = (10.31)
dt 2

• le jerk

d 3q
«q«« = (10.32)
dt 3

Une dérivée met toujours en évidence toute irrégularité de sa fonction primitive,


c’est pourquoi on fait appel à la fonction jerk pour apprécier la régularité de la fonc-
tion d’accélération. Cette fonction n’est habituellement pas utilisée en mécanique
rationnelle, mais elle est importante pour le comportement vibratoire d’un mécanisme.
Le jerk est aussi en relation avec la notion de confort des passagers d’un véhicule.
Chacun sait qu’on est d’autant plus secoué que l’accélération change plus brutalement.
Un bon conducteur devrait éviter toute saccade, donc veiller à une variation continue
Chapitre 10 Page 441 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 441

de l’accélération sans jerk trop élevé. Les commandes électroniques ont bien amélioré
le confort des trolleybus et autres véhicules.

point d’inflexion

a) Loi de
mouvement

0 t

b) Vitesse

choc
0 t
q̇˙
+∞
c) Accélération
0 t

saccades
˙˙˙
q
d) Jerk +∞

0 t

–∞

Fig. 10.15 Caractéristiques cinématiques d'un mouvement.

La figure 10.15 représente les diverses fonctions caractéristiques d’un mouve-


ment. On appelle choc une discontinuité de vitesse et saccade une discontinuité
d’accélération.
Les mouvements harmonieux et dynamiquement favorables s’effectuent sans
choc ni saccade. On cherche des fonctions continues, en tolérant parfois de faibles
variations brutales du jerk.
Le mouvement d’un point est dit cyclique s’il revient à sa position de départ après
avoir parcouru une trajectoire fermée. Il est oscillant s’il va et vient entre deux posi-
tions extrêmes en passant au retour par la même trajectoire ouverte qu’à l’aller.
La loi du mouvement des organes de travail des machines dépend étroitement de
leur fonction. Il est impossible de donner des règles générales. Traitons seulement un
exemple.

Exemple: mouvement avec jerk constant


Etudions un mouvement caractérisé par:
• le jerk maximal «x««max = j
Chapitre 10 Page 442 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

442 CONCEPTION DES MACHINES

• l’accélération maximale x««max = amax


• la vitesse maximale x«max = vmax

vmax
v2

v1
0 t
t1 t2 t3
a

amax

0 t
j
j
(8.38)
t
–j

Fig. 10.16 Vitesse, accélération et jerk d'un mouvement.

Le mouvement s’effectue comme suit (fig. 10.16):


• l’accélération croît avec un jerk constant j jusqu’à atteindre l’accélération
maximale amax au temps t1 où la vitesse est v1 ;
• la vitesse continue d’augmenter jusqu’à la valeur v2 avec une accélération
constante amax ;
• depuis l’instant t2 , l’accélération diminue avec le jerk négatif –j; lorsque
l’accélération est nulle, le système atteint la vitesse maximale vmax ;
• dès l’instant t3 , le système poursuit sa marche avec la vitesse vmax, ou alors le
freinage commence immédiatement avec les séquences inverses du démarrage.

Les valeurs extrêmes j, amax et vmax sont généralement imposées. On en déduit


les vitesses intermédiaires v1 et v2 .
Equations générales du mouvement:
• jerk constant «x«« = j

• accélération x«« = a = j t + A
1 2
• vitesse x« = v = j t + At + B
2
1 3 1
• espace x = j t + A t2 + Bt + C
6 2
Chapitre 10 Page 443 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 443

A, B et C sont des constantes d’intégration. Etudions maintenant les diverses pha-


ses du mouvement avec les conditions initiales x = x« = x«« = «x«« = 0 pour t = 0.
Accélération à jerk constant j, 0 < t ≤ t1
amax = j t1

d’où on tire

amax
t1 =
j

et, par substitution,

1 2 2
1 amax
v1 = j t1 =
2 2 j

1 3 3
1 amax
x1 = j t1 =
6 6 j2

Décélération à jerk constant –j, t2 ≤ t ≤ t3

amax
t3 ± t 2 = = t1
j

La vitesse augmente encore depuis v2 pour atteindre la vitesse maximale pendant


que l’accélération diminue progressivement. La vitesse maximale étant donnée, la
vitesse au début de la décélération vaut

2
1 amax
v2 = vmax ±
2 j

et l’espace parcouru dans cette phase

amax 3
1 amax
x3 ± x2 = vmax ±
j 6 j2

Mouvement uniformément accéléré, t1 ≤ t ≤ t2


La vitesse passe de v1 à v2 en un intervalle de temps

v2 ± v1
t2 ± t1 =
amax

Introduisons les expressions des vitesses trouvées ci-dessus, il vient


Chapitre 10 Page 444 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

444 CONCEPTION DES MACHINES

vmax a
t2 ± t1 = ± max
amax j

et l’espace parcouru vaut

1
x2 ± x1 = v1 (t2 ± t1 ) + amax (t2 ± t1 )
2
2

vmax  vmax a 
x2 ± x1 =  ± max 
2  amax j 

La durée totale du démarrage s’obtient par simple addition des intervalles de


temps

amax v
t3 = + max (10.33)
j amax

On trouve de même l’espace parcouru total

1  amax v 
x3 =  + max  vmax (10.34)
2  j amax 

Mouvement optimal
Pour des valeurs de vitesse et de jerk données, l’accélération permettant le temps
et le chemin de démarrage les plus courts s’obtient en cherchant le minimum de cette
fonction; on trouve

( amax )opt = j vmax (10.35)

Pour cette valeur, t1 = t2 et x1 = x2 . Puis, en substituant dans (10.34)

3
vmax
x3 min = (10.36)
j

L’accélération décroît dès qu’elle a atteint sa valeur maximale. On dit que le


mouvement est à accélération triangulaire.

Ascenseurs
Appliquons les résultats ci-dessus au mouvement des ascenseurs où le freinage
s’effectue de la même manière que le démarrage. En admettant que le ralentissement
débute dès que la vitesse maximale est atteinte, la distance parcourue entre le démar-
rage et l’arrêt vaut
Chapitre 10 Page 445 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 445

a v 
l = 2 x3 =  max + max  vmax (10.37)
 j amax 

Des mesures effectuées sur des ascenseurs réputés confortables ont montré qu’il
ne faut pas dépasser les limites suivantes:
• jerk maximal j = 0,93 … 1 m/s3
• accélération maximale amax = 1,3 … 1,4 m/s3
• vitesse maximale vmax = 3,5 m/s

Remarquons que cette dernière limite résulte d’autres considérations et n’a rien à
voir avec le confort des passagers. On peut en tirer les conclusions pratiques suivantes:
• ces valeurs donnent une distance d’arrêt et de démarrage de l’ordre de 7 m; par
conséquent, la vitesse élevée de 3,5 m/s ne peut être exploitée que si la distance
entre deux stations est au moins de 14 m;
• en passant d’un étage à l’autre, l = 3 m, la vitesse maximale possible est de
l’ordre de 1,3 m/s; 1,4 m/s pour 3,5 m;
• un ascenseur plus rapide que 1,4 m/s n’atteint pas sa vitesses maximale d’un
étage à l’autre.

10.3.2 Mouvement d’un organe mené


Loi d’espace
D’une manière générale, un mécanisme possède des éléments d’entrée ou
menants animés des mouvements q11 , q12 , …, q1n et des éléments de sortie ou
menés effectuant les mouvements q21 , q22 , …, q2m (fig. 10.17a). Le mouvement
d’un élément de sortie est en relation fonctionnelle avec le mouvement des éléments
d’entrée (n degrés de mobilité)

q2i = Li ( q11 , q12 , …, q1n ) (10.38)

La fonction L est la loi d’espace ou fonction d’espace du mécanisme, dite aussi


brièvement fonction L. Elle décrit la transmission ou la transformation des mouve-
ments.

q11 q21
q12 Li q22 q1 L q2
q1n q2m

(a) (b)

Fig. 10.17 Schémas-blocs de mécanismes: (a) cas général; (b) un élément d'entrée et un élément de sortie.

La loi d’espace d’un mécanisme dont tous les couples cinématiques sont positifs
(§ 10.6.2) ne dépend que de la géométrie, elle est indépendante des efforts et de la
vitesse. Elle se détermine sur la base du schéma cinématique qui décrit les relations
géométriques entre les éléments du mécanisme.
Chapitre 10 Page 446 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

446 CONCEPTION DES MACHINES

3
2 L
4

R
ϕ 1
a 5
x
l
1 0

Fig. 10.18 Paramètres cinématiques d'un mécanisme.

La figure 10.18 montre, par exemple, le schéma d’un mécanisme articulé dont la
manivelle (2) tourne par rapport au bâti (1). Le mouvement d’entrée est décrit par
l’angle ϕ de la manivelle dans un repère lié au bâti. Le coulisseau (4), élément de sor-
tie, est guidé par (5); sa position est décrite par sa distance l au centre de rotation de la
manivelle et son mouvement x se mesure à partir d’un point mort. L’analyse de la rela-
tion entre le mouvement d’entrée et celui de sortie nécessite toujours la connaissance
des paramètres cinématiques des éléments du mécanisme. Ce sont les cotes, lon-
gueurs et angles, nécessaires pour calculer la loi d’espace, par exemple, dans la figure
10.18, les cotes a, R et L.
Les choses se compliquent si l’un des couples cinématiques d’un mécanisme est
non positif, car la loi d’espace est alors non seulement une fonction de la géométrie,
mais aussi une fonction des efforts (§ 10.6.3), notamment des forces d’inertie. La
méthode pour étudier un tel mécanisme consiste habituellement à admettre que son
comportement est celui d’un mécanisme positif, puis à vérifier que les efforts statiques
et dynamiques réunis ne provoquent aucun glissement important.

Grandeurs cinématiques
Le mouvement des éléments menants est généralement connu en fonction du
temps par les fonctions

q11 = q11 (t) 



q12 = q12 (t)  (10.39)
q1n = q1n (t) 

La loi du mouvement de l’élément de sortie considéré est alors

q2i (t ) = Li [ q11 (t ), q12 (t ), …, q1n (t )] (10.40)

La vitesse, l’accélération et le jerk de cet élément se calculent par dérivations suc-


cessives de la loi de mouvement par rapport au temps.
Considérons, pour simplifier, le cas très fréquent d’un mécanisme n’ayant qu’un
seul degré de mobilité et qu’un élément de sortie (fig. 10.17b). On a:

• loi d’espace ou loi de transmission q2 = L ( q1 ) (10.41)


Chapitre 10 Page 447 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 447

• loi du mouvement q2 ( t ) = L [ q1 ( t )] (10.42)

• vitesse q«2 = L ′ q«1 (10.43)

• accélération q««2 = L ′′ q«12 + L ′ q««1 (10.44)

• jerk «q««2 = L ′′′ q«13 + 3 L ′′ q«1 q««1 + L ′ «q««1 (10.45)


∂ q2 ∂ 2 q2 ∂ 3 q2
L′ = L ′′ = L ′′′ = (10.46)
∂ q1 ∂ q12 ∂ q13

sont les dérivées successives de la fonction d’espace par rapport à la coordonnée


d’entrée. On les appelle aussi fonctions d’espace des premier, deuxième et troisième
ordres. Les expressions (10.43 à 45) offrent l’avantage de séparer les fonctions
d’espace contenant uniquement la géométrie et les fonctions q1 (t ), q«1 (t ), q««1 (t ), «q««1 (t )
du mouvement de commande.
Le mouvement d’entrée est souvent une rotation uniforme

ϕ1 = ω 1 t (10.47)

Il vient alors simplement:

• loi du mouvement q2 = L ( ω 1 t ) (10.48)

• vitesse q«2 = L ′ ω1 (10.49)

• accélération q««2 = L ′′ ω12 (10.50)

• jerk «q««2 = L ′′′ ω13 (10.51)

Dans ce cas particulier, la loi d’espace définit à elle seule toutes les caractéris-
tiques cinématiques du mouvement de l’élément de sortie.

Mécanismes
L’allure de la loi d’espace donne son nom à des familles de mécanismes
(fig. 10.19).
Voici quelques exemples de mécanismes:
• Mécanismes à barres articulées (fig. 10.20) ; la loi du mouvement dépend du
nombre de barres et de leur disposition géométrique, les mouvements sont
cycliques ou oscillants.
• Mécanismes combinés à barres et à engrenages (fig. 10.21). Ils convertissent
une rotation continue en une rotation à pas de pèlerin ou avec un pseudorepos.
Chapitre 10 Page 448 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

448 CONCEPTION DES MACHINES

q2
mécanismes à rapport de mouvements constant: engrenages, cour-
roies, vis de mouvement, parallélogrames articulés
0 q1
q2

mécanismes à rapport de mouvements variable: cames, barres articulées

0 q1

q2
mécanismes indexeurs: croix de Malte, came cylindrique avec pla-
teaux à galets
0 q1

q2
mécanismes à pas de pèlerin: engrenages sur barres articulées

0 q1

q2
mécanismes oscillants: barres articulées, bielles-manivelles, cames

0 q1
q2
mécanismes à mouvement oscillant avec période de repos: cames
0 q1

Fig. 10.19 Classification des mécanismes selon l'allure de la fonction d'espace.

8 7 k
4
6 5
x 1 1

1 3 ϕ
2
(a) (b)
1

Fig. 10.20 Mécanismes à barres articulées: (a) cisaille volante; (b) coulisseau (8) oscillant avec période de
repos.

• Mécanismes à cames (fig. 10.22) qui transforment une rotation continue en un


mouvement oscillant, la loi d’espace dépend de la forme de la came.
Chapitre 10 Page 449 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 449

• Mécanismes indexeurs (fig. 10.23) à croix de Malte pour les basses vitesses, à
came pour les vitesses moyennes et rapides. La forme de la came détermine la
loi du mouvement.

360°

5
2 3
4

6
ϕ
χ
lié au bras

(a) 1 (b) ϕ
0 360°

Fig. 10.21 Mécanisme combiné à barres et à engrenages: (a) schéma; (b) loi d'espace.

galet came

came suiveur
2
3 ψ
ϕ

1
1 suiveur
profil bâti

(a) (b)

Fig. 10.22 Mécanismes à cames: (a) came disque; (b) came globoïde.

roue réceptrice

galets

came motrice

(a) (b)

Fig. 10.23 Indexeur: (a) croix de Malte; (b) à came.


Chapitre 10 Page 450 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

450 CONCEPTION DES MACHINES

Dans les mécanismes évoqués, le mouvement d’entrée est généralement uniforme


(rotation à vitesse constante d’un arbre) et c’est le mécanisme qui est chargé de donner à
l’élément de sortie les vitesses et accélérations souhaitées. Le développement de l’élec-
tronique de commande et de l’informatique a ouvert des voies nouvelles. Le mécanisme
n’est plus chargé que d’assurer les liaisons géométriques du mouvement, le guidage, tan-
dis que la loi du mouvement est imprimée par le moteur et sa commande. Par exemple,
[10.9] décrit un manipulateur (fig. 10.24) destiné à déposer des objets sur un convoyeur.
Le moteur (10) entraîne le mécanisme à barres articulées (1), (2), (3) qui porte une pince
(4). Le générateur de fonction (8) pilote l’alimentation (9) du moteur de manière à ce que
l’objet vienne en douceur sur le tapis en un mouvement synchronisé. La loi de mouve-
ment est mémorisée dans le générateur de fonction, on peut l’adapter en tout temps très
facilement à l’objet à transporter; un tachymètre (5) donne automatiquement la vitesse
de synchronisation nécessaire. La distance d entre les objets sur le convoyeur est éven-
tuellement commandée par le dispositif situé en aval. La commande décrite est en boucle
ouverte, on peut encore améliorer la précision en prévoyant une boucle de réglage fer-
mée à l’aide d’un capteur de position (6) qui fournit la position réelle du manipulateur à
un régulateur incorporé dans l’actionneur.

y
1
8 9 10
d ω
2
GF A M

4
ϕ 6
3

d
5
ω1

Fig. 10.24 Système de chargement d'un convoyeur.

y y1
3 y2
ϕ 2
1 6
ω
M 5
ϕ
4 0
y
x

M 7
8 ϕ
0 x
(a) (b) 0

Fig. 10.25 Mécanisme alternatif avec mouvement correcteur: (a) schéma; (b) lois d'espace.
Chapitre 10 Page 451 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 451

La figure 10.25(a) montre un mécanisme à deux degrés de mobilité dont le


moteur (1) tourne à vitesse constante et imprime au coulisseau (6) le mouvement y1
(fig. 10.25b). Le pied du levier (4) est articulé en un point dont la position est ajustable
par une vis de mouvement (8); en lui imprimant le mouvement x par un moteur (7), on
obtient une loi du mouvement corrigée y2 du coulisseau. La forme de cette fonction
est a priori quelconque et peut s’adapter en tout temps aux exigences de la machine par
simple changement de la programmation; on peut en outre déplacer l’origine du mou-
vement du coulisseau.
Ces exemples démontrent toute la flexibilité des commandes électroniques et la
simplification des mécanismes qu’elles permettent. La combinaison de la mécanique
avec des commandes électroniques associées à des régulateurs adéquats a donné nais-
sance à la mécatronique, nouvelle technologie qui s’applique plus particulièrement à
la construction des robots. Mais il faut quand même remarquer que les solutions pure-
ment mécaniques permettent pour l’instant des mouvements cycliques ou oscillants
plus rapides, plus précis et plus fiables que les commandes par moteurs programmés.

10.3.3 Caractéristiques cinématiques


Rapport de vitesses, rapport de transmission
Par définition, on appelle rapport de vitesses le rapport de la vitesse de l’élément
d’entrée d’un mécanisme à la vitesse de son élément de sortie (fig. 10.26)

q«1
i = (10.52)
q«2

Le rapport de vitesses est affecté d’une dimension si les vitesses des éléments
d’entrée et de sortie sont de nature différente; il est adimensionnel si les mouvements
sont de même nature; on lui donne alors le nom de rapport de transmission. Le rap-
port de vitesses et le rapport de transmission sont des grandeurs algébriques, car les
vitesses sont en principes orientées. Ils se calculent par (10.43) à partir de la loi
d’espace,

q«1 1
i = = (10.53)
L ′ q«1 L′

Le rapport de vitesses ne dépend en principe que de la géométrie du mécanisme;


il est indépendant de la vitesse et de la charge transmise, sauf dans les mécanismes
non-positifs (§ 10.6.3).

q1 q2
L
q̇ 1 i q̇ 2

Fig. 10.26 Schéma-bloc d'une transmission.


Chapitre 10 Page 452 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

452 CONCEPTION DES MACHINES

i
imax

i
imin

q1
q1T

Fig. 10.27 Rapport de vitesses variable.

Le rapport de vitesses n’est pas toujours constant au cours du mouvement du


mécanisme (fig. 10.27). Il suffit, par exemple, de penser à une came ou à un joint de
cardan. Exprimons le rapport de vitesses instantané en fonction de la position de l’élé-
ment d’entrée

i = i ( q1 ) (10.54)

C’est généralement une fonction périodique de période spatiale q1T correspon-


dant à l’espace parcouru pendant la période temporelle T

i = i ( q1 ) = i ( q1 + q1T )

qui peut s’écrire sous la forme

i = i + iƒ( q1 ) (10.55)

où i est la valeur moyenne du rapport de vitesses calculée sur la période q1T , et iƒ est
une fonction périodique dont la valeur moyenne est nulle:

q1T

∫ iƒ(q1 ) dq1 = 0 (10.56)


0

Les mécanismes dont le rapport de vitesses est constant, se nomment méca-


nismes uniformes. On les appelle encore mécanismes synchrones ou homocinétiques
lorsque les mouvements sont de même nature et en plus i = 1. Les mécanismes où
iƒ( q1 ) ≠ 0 sont dits non uniformes; leur rapport de vitesses oscille entre une valeur
minimale imin , et une valeur maximale imax . On caractérise la variation cyclique par le
degré d’irrégularité de transmission

imax ± imin
δ = (10.57)
i
Chapitre 10 Page 453 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 453

Les mécanismes particuliers non uniformes où i = 1, sont dits mécanismes


asynchrones, non homocinétiques ou encore hétérocinétiques.
Il est intéressant de remarquer que le nom donné aux organes de transmission est
souvent en étroite relation avec la valeur du rapport de transmission:
• réducteur de vitesse: i > 1
• multiplicateur de vitesse: 0 < i < 1
• transmission directe ou prise directe: i = 1
• inverseur de marche: i > 0 ou i < 0 à volonté
• variateur de vitesse: i varie de manière continue entre imin et imax
• boîte de vitesses: i varie par bonds discrets
• embrayage: i varie entre 1 et ∞

Rapport d’accélérations
Le rapport d’accélérations est le rapport de l’accélération de l’élément d’entrée
à celle de l’élément de sortie.

q««1
ε = (10.58)
q««2

Rappelons la formule qui donne l’accélération de l’élément de sortie,

q««2 = L ′ q««1 + L ′′ q«12 (10.44)

L’accélération de sortie a deux origines:


• une origine externe, le premier terme correspond à la transmission de l’accélé-
ration de l’élément moteur par le mécanisme;
• une origine interne, le second terme donne l’accélération générée par le
mécanisme; elle n’existe que si le mécanisme est non uniforme, elle est pro-
portionnelle au carré de la vitesse d’entrée.

On a

1
ε = (10.59)
q«2
L ′ + L ′′ 1
q««1

Le rapport d’accélérations ne dépend pas seulement de la fonction d’espace, mais


aussi de la vitesse et de l’accélération du mouvement d’entrée. Il n’est donc pas une
caractéristique intrinsèque d’un mécanisme quelconque; sauf dans le cas d’un méca-
nisme uniforme ( L ′ constant) où

1
ε = = i (10.60)
L′

Dans les mécanismes uniformes seulement, le rapport d’accélérations est égal au


rapport de vitesses.
Chapitre 10 Page 454 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

454 CONCEPTION DES MACHINES

10.3.4 Jeu
Imprimons un mouvement ∆q1 à l’entrée d’un mécanisme, puis changeons le
sens du mouvement (fig. 10.28a). On observe souvent qu’il faut revenir en arrière
d’une quantité j1 avant que l’élément de sortie ne se mette à reculer. Il faut parcourir
encore une fois j1 en repartant dans le premier sens du mouvement. Le jeu se mani-
feste comme une hystérésis du mécanisme dont la boucle est toujours parcourue dans
le sens A B C D A.

j1
q2 q2 F
D C j2
∆q2 D
E
A
B
A
∆q1
0 q1 0 q1

(a) (b)

Fig. 10.28 Loi d'espace d'un mécanisme avec jeu: (a) jeu vu de l'entrée; (b) jeu vu de la sortie.

On peut aussi imprimer un mouvement ∆q2 à la sortie du mécanisme


(fig. 10.28b). Il s’y manifeste un jeu j2 vu de la sortie qui donne lieu à une boucle
d’hystérésis A E F D A.
Les jeux d’entrée et de sortie sont liés par le rapport de vitesses

1
j1 = i j2 = j2 (10.61)
L′

Le jeu dépend de la position du mécanisme et souvent de la charge transmise; on


peut l’annuler par précontrainte du mécanisme (§ 7.6.5).

10.4 STATIQUE

10.4.1 Rapport d’efforts


Un effort moteur Q1 est appliqué à l’élément menant d’un mécanisme
(fig. 10.29). Son élément de sortie exerce l’effort moteur Q2 sur l’organe suivant de la
chaîne cinématique ou sur le récepteur.

Q1 L i Q2
η

Fig. 10.29 Efforts transmis par un mécanisme.


Chapitre 10 Page 455 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 455

Par définition, le rapport d’efforts est le rapport de l’effort transmis à la sortie à


l’effort moteur appliqué à l’élément menant d’entrée,

Q2 Q±
iQ = = ± 2 (10.62)
Q1 Q1

Ce rapport est adimensionnel si les efforts d’entrée et de sortie sont de même


nature; il a un signe, car les efforts sont orientés.
La figure 10.30 montre le modèle d’un mécanisme dans lequel on a représenté
l’inertie I1 d’une partie des pièces réduites à l’entrée (§ 13.5.2) et I2 l’inertie des
autres pièces réduites à la sortie. Q1′ et Q2′ sont les efforts statiques au mécanisme sup-
posé dénué de masse. Lorsque le système subit une accélération q««1 à l’entrée, et par
conséquent q««2 à la sortie, les efforts à l’entrée et à la sortie sont respectivement

Q1 = Q1′ + I1 q««1
Q2 = Q2′ ± I2 q««2

avec masses

Q1 Q1′ L Q2′ Q2

q˙˙1 i q˙˙2
I1 I2

sans masse

Fig. 10.30 Schéma d'un mécanisme avec masses.

Le rapport des efforts s’écrit

Q2′ ± I2 q««2
iQ = (10.63)
Q1′ + I1 q««1

Ce rapport dépend du mouvement et des inerties, c’est pourquoi l’expression


(10.63) est aussi appelée rapport d’efforts cinétostatiques. Au repos, en régime per-
manent, ou si les efforts dynamiques sont négligeables par rapport aux efforts stati-
ques, on a le rapport d’efforts statiques

Q2 Q′
iQ = = 2 (10.64)
Q1 Q1′

Nous verrons plus loin comment le calculer (§ 10.6.6).

10.4.2 Equilibre statique


Un mécanisme isolé est soumis à un torseur d’action extérieur résultant de la
somme des torseurs d’action à chaque liaison. Supposons que le torseur dynamique
Chapitre 10 Page 456 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

456 CONCEPTION DES MACHINES

interne soit nul, soit parce que le mécanisme est au repos, soit parce que le mouvement
est uniforme ou que le torseur d’inertie libre est parfaitement équilibré (sect. 16.4;
§ 18.3.1). Le principe fondamental de la statique veut que le torseur d’action résultant
soit nul.
Considérons, par exemple, un mécanisme ayant trois liaisons (fig. 10.31). Sur
chacune d’elles agissent une résultante de forces F et une résultante de moments M.
L’équilibre statique s’exprime par

F1 + F2 + F3 = 0 
 (10.65)
M1 + M2 + M3 = 0 

Certains efforts sont des actions, d’autres sont des réactions.


Un mécanisme ne peut modifier la direction et l’intensité des efforts menants, ou
même transformer le mouvement, que s’il existe un troisième torseur d’efforts. Ce
troisième effort s’applique, soit à un élément mobile (fig. 10.31) (entrée ou sortie), soit
à un élément relié au bâti qui porte alors le nom d’élément de réaction (fig. 10.32).

{Q}1 {Q –}2
{Q –}3 {Q}1
{Q}2 {Q –}3

(a) (b)

Fig. 10.31 Mécanismes avec trois éléments mobiles: (a) deux entrées; (b) deux sorties.

{Q}1 {Q –}2

{Q}3

Fig. 10.32 Mécanisme avec élément de réaction.

On construit des réducteurs à engrenage dits réducteurs à arbre creux ou à enfiler,


dont la roue de sortie (2) est portée directement par l’arbre d’entraînement de la
machine (4) et dont le carter (3) peut aussi tourner librement autour de lui (fig. 10.33).
Le carter est relié au bâti par une jambe de réaction (5). Dans le cas où le moteur est
fixe et relié au pignon d’entrée (1) par un accouplement à jeu radial ou par un arbre à
cardan, on a l’équation d’équilibre

±M1 ± M2± + F a = 0

En introduisant le rapport d’efforts, la force dans la jambe vaut (dans ce cas iQ < 0 )

 1  M2
F = 1 +  (10.66)
 iQ  a
Chapitre 10 Page 457 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 457

Lorsque le moteur est directement bridé sur le carter du réducteur et fait corps avec
lui, le couple M1 s’équilibre directement avec le couple de réaction statorique, alors

M2
F = (10.67)
a

3
2
1
ω2 4

M2–
M1

5
a
F

Fig. 10.33 Equilibre d'un réducteur enfilé sur l'arbre d’entraînement d’une machine.

(a) (b)

Fig. 10.34 Liaison de jambe de réaction: (a) élastique avec interrupteur de surcharge; (b) amortisseur élastique.

La figure 26.36 illustre une exécution où les arbres sont concentriques.


La force dans la jambe de réaction est parfois mise à profit pour mesurer le couple
de sortie à l’aide d’un dynamomètre incorporé à la jambe. On peut aussi y insérer un
organe de sécurité qui déclenche le moteur en cas de surcharge ou déclenche une alerte
(fig. 10.34a). Dans d’autres cas, on insère un amortisseur dont le rôle est d’absorber
une partie des chocs de la transmission (fig. 10.34b).
Certains mécanismes sont dépourvus d’élément de réaction, alors {Q}1 et {Q}2
sont toujours égaux et de même nature:

F1 = F2 
 (10.68)
M1 = M2 
Chapitre 10 Page 458 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

458 CONCEPTION DES MACHINES

Ce ne sont pas des mécanismes au sens habituel du terme, car ils ne transforment
pas la nature des mouvements, ni ne modifient l’orientation et l’intensité d’un effort.
Du point de vue statique, ces dispositifs sont de simples accouplements ou transmet-
teurs d’efforts: bielles, arbres, accouplements, embrayages, coupleurs. Mais les
embrayages et les coupleurs ont encore la particularité que la vitesse de sortie peut être
inférieure à la vitesse motrice à cause du glissement. Le glissement dissipe de
l’énergie; par conséquent, la puissance de sortie est inférieure à la puissance d’entrée.
Les embrayages et les coupleurs sont caractérisés par les relations suivantes:

Q2 = Q1 

q«2 ≤ q«1  (10.69)
P2 ≤ P1 

10.4.3 Rigidité
Considérons un mécanisme dont la sortie est bloquée (fig. 10.35a). Appliquons
un effort Q1 à l’entrée, qui provoque un déplacement f1 . On a la rigidité sécante vue de
l’entrée

Q1
ks1 = (10.70)
f1

et la rigidité tangente à l’entrée

dQ1
k1 = (10.71)
d f1

q1 = f1 q2 = 0 q1 = 0 q2 = f2

Q1 Q2

(a) (b)

Fig. 10.35 Définition de la rigidité d'un mécanisme: (a) vue de l'entrée; (b) vue de la sortie.

En bloquant maintenant l’élément d’entrée et en appliquant un effort Q2 à la sor-


tie (fig. 10.35b), on a de même

Q2
ks2 = (10.72)
f2
dQ2
k2 = (10.73)
d f2
Chapitre 10 Page 459 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 459

Ecrivons le rapport des rigidités d’entrée et de sortie en remarquant que f1 = q1


et f2 = q2

ks2 f Q
= 1 2 = i iQ (10.74)
ks1 f2 Q1

On verra que, dans les mécanismes positifs, iQ = η i, formule (10.131), donc

ks2 = η i 2 ks1 (10.75)

On a aussi

k2 = η i 2 k1 (10.76)

On en déduit que la rigidité de sortie d’un mécanisme réducteur de vitesse est


supérieure à sa rigidité d’entrée.
Représentons la relation entre le mouvement q1 et l’effort Q1 appliqué à l’entrée
d’un mécanisme dont la sortie est bloquée (fig. 10.36). Après une inversion du sens de
l’effort, l’élément doit parcourir le jeu j1 avant de pouvoir exercer un effort.

Q1

k1

0 ks1
q1

j1

Fig. 10.36 Caractéristique effort-déformation à l'entrée d'un mécanisme avec jeu.

10.5 ENERGÉTIQUE

10.5.1 Travail et puissance d’un élément de liaison


Le travail effectué par un effort Q lors d’un déplacement élémentaire dq de son
point d’application (fig. 10.37) est par définition le produit scalaire

dW = Q ⋅ dq (10.77)

ou, avec l’angle de pression α,


Chapitre 10 Page 460 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

460 CONCEPTION DES MACHINES

dW = Q dq cos α (10.78)

On obtient sa puissance

dW dq
P = = Q ⋅ = Q ⋅ q« (10.79)
dt dt
P = Q q« cos α (10.80)

Un effort est dit actif lorsqu’il travaille. Selon le signe du travail ou de la puis-
sance, nous distinguons:
• Effort moteur. dW et P sont positifs, ± π / 2 < α < π / 2. L’effort fournit de
l’énergie motrice à son point d’application, il contribue à entretenir ou à accé-
lérer le mouvement.
• Effort résistant. dW et P sont négatifs, π / 2 < α < 3π / 2 . L’effort s’oppose
au mouvement et tend à le ralentir, il dissipe de l’énergie. On peut dire qu’un
effort résistant fournit de l’énergie résistante à son point d’application.

Lorsque α = ± π / 2 , l’effort est passif car il ne travaille pas.

A α q̇
dq Q
1 2
q̇ P

Fig. 10.37 Effort et mouvement. Fig. 10.38 Transmission de puissance.

Considérons un élément de machine qui lie l’organe (1) à l’organe (2) (fig. 10.38).
Animé de la vitesse q, « il transmet aussi l’effort Q exercé par l’organe (1) sur l’organe
(2). Cet élément transmet la puissance P fournie par (1) à (2). L’élément de liaison joue
à la fois le rôle d’un élément de sortie de puissance de l’organe (1) et celui d’un élément
d’entrée de puissance dans l’organe (2). Isolons les organes. Selon la figure 10.39(a),
l’effort Q est moteur, il fournit de la puissance positive à l’organe (2).

P = Q ⋅ q« > 0 (10.81)

L’élément de sortie subit la réaction Q ± , son mouvement est le même que celui de
l’entrée en (2) (fig. 10.39b). La réaction constitue une force résistante dont la puissance vaut

P ± = Q ± ⋅ q« < 0 (10.82)

Par conséquent

P± = ± P (10.83)
Chapitre 10 Page 461 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 461

Q α+π
α
q̇ q̇
Q–
P>0
2 1 P– < 0
(a) (b)

Fig. 10.39 Puissance d'éléments isolés: (a) entrée; (b) sortie.

Nous affectons la puissance de sortie d’un élément isolé de l’exposant –. Cette


notation facilite beaucoup l’étude des systèmes car, à un effort résistant en mouvement
correspond une puissance résistante.
Considérant les signes des puissances, nous pouvons énoncer les règles qui sui-
vent.

Dans un système isolé:


• la puissance entrant dans un organe est positive;
• la puissance sortant d’un organe est négative; cela revient à dire qu’il reçoit de
la puissance résistante;
• la puissance résistante entrant dans un organe par un élément de sortie est égale
à la puissance motrice fournie par cet organe à celui qu’il mène.

10.5.2 Pertes
Considérons une transmission à engrenage pour mettre en évidence les diverses
sources de perte d’énergie (fig. 10.40). On distingue:
• Le frottement d’engrènement est proportionnel à la force de denture Fn et varie
assez peu avec la vitesse.
• Le couple de frottement d’un palier à roulement peut s’écrire sous la forme

Mf = A ω 2 / 3 + B F s

paliers et joints

ventilation

ω1 ω2
M2
barbotage

engrènement

Fig. 10.40 Pertes dans une transmission à engrenage.


Chapitre 10 Page 462 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

462 CONCEPTION DES MACHINES

Le premier terme résulte du malaxage du lubrifiant et du frottement des corps


roulants dans les cages et contre les surfaces de guidage. Le second exprimant
le frottement de roulement augmente avec la charge F; s varie entre zéro et 0,5
selon le type de roulement. Les coefficients A et B dépendent du genre de rou-
lement et de la viscosité du lubrifiant.
• Le couple de frottement d’un palier hydrodynamique dépend du nombre de
Sommerfeld So défini par la formule (2.42). On admet, grossièrement,
pour So < 1: Mf = A ω
pour So > 1: Mf = B ( F ω )0,5
La valeur des coefficients A et B dépend du jeu relatif du palier et de la visco-
sité de l’huile.
• Le couple de frottement dans les joints est approximativement constant.
• L’agitation de l’huile occasionne la perte par barbotage et le tourbillonnement
de l’air dans le carter provoque la perte par ventilation. Ces efforts résistants
sont proportionnels au carré de la vitesse périphérique des organes tournants.

La force de denture et la charge sur les paliers sont proportionnelles au couple de


sortie M2 , tandis que toutes les vitesses sont proportionnelles à la vitesse ω1 de l’arbre
d’entrée. Le couple d’entrée englobant toutes les pertes peut s’écrire sous la forme
d’un polynôme:

Mf1 = a + b ω12 / 3 + c ω1 + d ω12 + e M2 + f M2n (10.84)

La puissance dissipée s’obtient en multipliant ce couple par sa vitesse, soit

(
Pp = a ω1 + b ω15/ 3 + c ω12 + d ω13 + e M2 + f M2n ω1 ) (10.85)

La perte est grossièrement proportionnelle à la vitesse, car le terme en ω13 pro-


venant de la ventilation et du barbotage et le terme en ω 5/ 3 traduisant certaines résis-
tances dans les roulements sont généralement assez petits (fig. 10.41), sauf dans des
transmissions très rapides.

Pp Pp 1

Pp0

ω1 M2
0 0

Fig. 10.41 Evolution des pertes avec la vitesse. Fig. 10.42 Evolution des pertes avec l’effort transmis.

Pour une vitesse donnée, il existe une perte à vide Pp0 provenant du barbotage, de
la ventilation, des joints d’arbre et des frottements de poids propre dans les paliers
représentée par les quatre premiers termes de (10.85) (fig. 10.42). La perte croît avec
Chapitre 10 Page 463 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 463

l’effort transmis; l’exposant n du dernier terme de (10.85) est supérieur à l’unité avec
les paliers à roulements, courbe (1), et vaut 1/2 avec des paliers hydrodynamiques for-
tement chargés, courbe (2).
Dans les mécanismes de transmission positifs, le produit ω1 M2 est proportionnel
à la puissance de sortie car ω1 est lié à ω 2 . C’est aussi presque vrai dans les
mécanismes non positifs tant que le glissement reste dans les limites normales. Ecri-
vons la perte sous une forme linéaire suffisamment précise pour les besoins pratiques:
un terme fonction de la vitesse et un terme proportionnel à la puissance de sortie

Pp = Pp0 ( ω1 ) + λ P2 (10.86)

Le premier terme est la perte à vide, il domine largement dans les réducteurs rapi-
des des turbomachines. Cette analyse des pertes suggère des mesures propices à leur
diminution:
• diminuer partout où c’est possible les pertes par frottement: paliers à roule-
ment plutôt que paliers lisses, paliers de petit diamètre, utilisation de paliers à
gaz ou de paliers magnétiques;
• diminuer le frottement des joints;
• lubrifier par arrosage plutôt que par barbotage;
• faire fonctionner les mécanismes dans le vide pour supprimer les pertes par
ventilation.

Le volant de stockage d’énergie cinétique décrit au paragraphe 12.4.3 utilise plu-


sieurs de ces moyens.
Toute la puissance mécanique dissipée par les pertes est intégralement dégradée
en chaleur, c’est pourquoi les pertes sont directement à l’origine de l’échauffement des
machines (chapitre 19).

10.5.3 Bilan énergétique


Considérons la chaîne cinématique représentée par le schéma-bloc de la figure
10.43. L’organe de transmission (2) reçoit, pendant un intervalle de temps dt, l’énergie
motrice dW2 et transmet les énergies dW3 et dW4 aux organes (3) et (4). La perte dWp2
est transformée en chaleur, tandis que la quantité dWs2 est stockée dans le mécanisme.
L’énergie mécanique est stockée sous deux formes:
• énergie potentielle dans un ressort ou par l’élévation d’une masse dans le
champ de gravité;
• énergie cinétique dans les masses en mouvement.

dWp2
dW3 3
dW2
1 dWs2
dW4
2 4

Fig. 10.43 Schéma d'une chaîne cinématique.


Chapitre 10 Page 464 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

464 CONCEPTION DES MACHINES

On peut dresser le bilan énergétique d’un organe de deux façons, soit en laissant
l’organe inséré dans la chaîne cinématique, soit en l’isolant.

Organe inséré dans la chaîne cinématique


On entoure l’organe dont on veut faire le bilan d’une frontière imaginaire (organe
2 de la figure 10.44a), puis on écrit que la différence entre l’énergie qui pénètre dans le
système et celle qui en sort est égale à l’énergie stockée dans le mécanisme. Il convient
d’observer les règles suivantes:
• l’énergie qui pénètre dans la frontière reçoit le signe +;
• l’énergie qui sort de la frontière reçoit le signe –;
• l’énergie stockée dans le mécanisme est positive.

Les énergies sont en soi toutes positives.


Le bilan énergétique de l’organe (2) s’écrit

dW2 ± dW3 ± dW4 ± dWp2 = dWs2 (10.87)

Le second membre évolue:


• avec le stockage ou la libération d’énergie cinétique lors de variations de la
vitesse d’entraînement ou de la vitesse des pièces du mécanisme (mouvement
non uniforme);
• avec le stockage ou la libération d’énergie potentielle dans des éléments
déformables du mécanisme, en particulier dans des ressorts, et lors de change-
ments d’altitude de pièces.

En divisant l’équation (10.87) par dt, on obtient le bilan exprimé en termes de


puissance:

P2 ± P3 ± P4 ± Pp2 = Ps2 (10.88)

Organe isolé
L’organe est isolé statiquement, c’est-à-dire que les efforts qu’il exerce sur les
organes voisins sont remplacés par leur réaction. Selon le paragraphe précédent, chaque
puissance mécanique de sortie est remplacée par une entrée de puissance résistante (fig.
10.44b), la sortie de P3 devient l’entrée de P3± et P4 devient P4± . Le bilan s’écrit avec
les mêmes règles de signes que ci-dessus,

Pp2 Pp2
P3
3 P3–
P2 P2
1 Ps2 Ps2
P4
4 2 P4–
2
(a) (b)

Fig. 10.44 Bilan de puissance d'un organe: (a) inséré dans la chaîne cinématique; (b) isolé.
Chapitre 10 Page 465 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 465

dW2 + dW3± + dW4± ± dWp2 = dWs2


ou
P2 + P3± + P4± ± Pp2 = Ps2

Sachant que P3± = ± P3 et P4± = ± P4 , on retrouve l’équation (10.88).

10.5.4 Rendement énergétique


Par définition, le rendement énergétique instantané d’un système est le rapport
de la puissance utile qu’il fournit à la puissance qu’il faut lui fournir.

Pp Pp

P1 P2 P1 P2– (< 0)
1 2 1
(a) (b)

Fig. 10.45 Schémas pour le calcul du rendement d'un organe: (a) inséré dans la chaîne cinématique;
(b) isolé.

Considérons le système de la figure 10.45(a); l’organe ou le mécanisme (1) reçoit


la puissance P1 et fournit la puissance mécanique P2 au récepteur (2). Calculons le
rendement instantané selon les deux procédures envisagées au paragraphe précédent:
• Organe inséré dans la chaîne cinématique

P2
η = (10.89)
P1

• Organe isolé (fig. 10.45b)

P2±
η = ± (10.90)
P1

Le signe moins est nécessaire du fait que la puissance résistante P2± est négative.
Par le bilan énergétique, P2 = P1 ± Pp ± Ps , alors

P1 ± Pp ± Ps Pp + Ps
η = = 1 ± (10.91)
P1 P1

Le bilan des puissances fournit la puissance à l’entrée du mécanisme

P1 = P2 + Pp + PU + PT

avec:
P2 puissance utile fournie par le mécanisme
Chapitre 10 Page 466 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

466 CONCEPTION DES MACHINES

Pp puissance perdue dans le mécanisme


PU puissance stockée dans le mécanisme sous forme potentielle (dépend uni-
quement de la position)
PT puissance stockée dans le mécanisme sous forme cinétique (dépend unique-
ment de la vitesse)

Ecrivons le rendement sous la forme suivante:

P2
η = (10.92)
P2 + Pp + PU + PT

La puissance perdue, toujours positive, dépend de la vitesse et de la position des


organes. Supposons que le mécanisme fournisse toujours de l’énergie utile, P2 est
positif; on distingue les cas suivants:
• Le mécanisme stocke de l’énergie potentielle et de l’énergie cinétique,

Pp + PU + PT > 0

0 < η < 1
Le rendement est positif et inférieur à l’unité.
• Le mécanisme libère de l’énergie, mais moins ou autant qu’il n’en dissipe,

PU + PT < 0

Pp + PU + PT ≥ 0

0 < η ≤ 1
• Le mécanisme libère plus d’énergie qu’il n’en dissipe, mais moins qu’il n’en
fournit à la sortie,

PU + PT < 0

Pp + PU + PT < 0

0 < P2 + Pp + PU + PT < P2

η > 1
Le rendement est supérieur à l’unité parce qu’il faut moins d’énergie à l’entrée
que le mécanisme n’en fournit à la sortie.
• Le mécanisme libère plus d’énergie qu’il n’en dissipe et fournit à la sortie

P2 + Pp + PU + PT ≤ 0

η ≤ 0
Chapitre 10 Page 467 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 467

La puissance excédentaire sort par l’élément d’entrée. L’inversion du flux


d’énergie rend le rendement aussi négatif.

Cette étude démontre que le rendement instantané peut varier. On préfère généra-
lement apprécier la qualité énergétique d’un mécanisme en faisant le bilan pendant
une durée T assez longue pour saisir une bonne valeur des puissances moyennes:

T T
1 1
P1 =
T ∫ P1 dt P2 =
T ∫ P2 dt (10.93)
0 0

Dans le cas de mécanismes en régime cyclique permanent (sect. 14.2), la durée


de calcul est égale à la période d’un cycle. En effet, à la fin d’un cycle, tous les
organes se trouvent dans la même position et sont animés de la même vitesse qu’au
début du cycle, l’énergie potentielle et l’énergie cinétique ont alors la même valeur
qu’au début.
Le rendement moyen vaut

P2 P1 ± Pp
η = = (10.94)
P1 P1

En cas de régime permanent d’un mécanisme uniforme ( PT = 0) sans stockage


d’énergie potentielle, on a

P2 P1 ± Pp P2
η = η = = = (10.95)
P1 P1 P2 + Pp

On trouve un exemple d’application de ces notions au paragraphe 12.7.2.

Facteur de perte
Le facteur de perte est la fraction de l’énergie d’entrée dissipée

Pp
ψ = (10.96)
P1

Si le stockage d’énergie est nul, on a la relation, avec (10.95),

η + ψ = 1 (10.97)

Dans un mécanisme sans stockage d’énergie, la somme du rendement et du fac-


teur de perte est égale à l’unité.

Influence de la charge sur le rendement


Le rendement dépend de la puissance transmise. Calculons, par exemple, le ren-
dement du réducteur à engrenage considéré au paragraphe 10.5.2:
Chapitre 10 Page 468 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

468 CONCEPTION DES MACHINES

P2
η =
P2 + Pp

Avec l’expression (10.86) des pertes, on a

P2 1
η = =
P2 + Pp0 ( ω1 ) + λ P2 Pp0 ( ω1 ) (10.98)
1 + λ +
P2

η
Pp0 = 0
1

Pp0

0
1 P2 /P2 max

Fig. 10.46 Rendement en fonction de la charge.

η Pp0 = 0
1

P = Pmax

P = 0,2 Pmax

0
1 ω1 / ω1 max

Fig. 10.47 Rendement en fonction de la vitesse.

La figure 10.46 représente l’allure du rendement en fonction de la puissance


transmise. Le rendement est toujours nul à charge nulle parce que les pertes par ven-
tilation et barbotage ainsi que les frottements de poids propre subsistent; il est maxi-
Chapitre 10 Page 469 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 469

mal à la charge nominale. On peut cependant admettre qu’il est constant si les pertes
constantes sont négligeables par rapport aux pertes provoquées par l’effort transmis. A
charge constante, il diminue lorsque la vitesse croît parce que les pertes par frottement
de poids propre, par ventilation et par barbotage augmentent (fig. 10.47). Le rende-
ment est maximal près de l’arrêt.

Valeur du rendement
Dans un mécanisme idéal, sans stockage d’énergie, η = 1; mais, comme il y a
toujours des pertes d’énergie, η < 1.
Il existe de nombreuses machines qui ne fournissent pratiquement pas d’énergie,
mais seulement un service (par ex. machine d’emballage, imprimerie), la notion de
rendement énergétique global d’une telle machine n’a évidemment pas de sens, car
toute l’énergie apportée par le moteur est dissipée en frottement dans les mécanismes.
L’étude analytique des mécanismes conduit parfois à des résultats de prime abord
surprenants:
• η < 0 signifie que le mécanisme est en état d’autofreinage (§ 12.3.1) ou
qu’il libère plus d’énergie stockée qu’il n’en dissipe et qu’il fournit
à la sortie;
• η > 1 indique que le sens du flux d’énergie est opposé à celui qui a été
admis initialement pour calculer le rendement (§ 12.2.3) ou qu’il
libère plus d’énergie qu’il n’en dissipe tout en nécessitant encore
de l’énergie à l’entrée.

10.5.5 Méthodes de calcul du rendement


Il existe quatre méthodes pour calculer le rendement d’un mécanisme.

Rapport des travaux virtuels


Le mécanisme est chargé par les efforts Q1 à l’entrée et Q2 à la sortie. Un
déplacement virtuel δ q1 à l’entrée provoque le déplacement virtuel δ q2 à la sortie.
Après calcul des travaux virtuels δW1 et δW2,

δW2 δW2±
η = = ± (10.99)
δW1 δW1

Rapport des puissances


Les puissances à l’entrée et à la sortie sont respectivement

P1 = Q1 ⋅ q«1 = Q1 q«1 cos α1


P2 = Q2 ⋅ q«2 = Q2 q«2 cos α 2

Le rendement s’exprime alors par

Q2 q«2 cos α 2
η = (10.100)
Q1 q«1 cos α1
Chapitre 10 Page 470 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

470 CONCEPTION DES MACHINES

Les rapports d’efforts et de vitesses sont généralement connus par l’étude du


mécanisme, alors

iQ cos α 2
η = (10.101)
i cos α1

Les efforts appliqués aux éléments d’entrée et de sortie sont souvent parallèles à
leur vitesse, α1 = α 2 = 0. Alors

iQ
η = (10.102)
i

Cette méthode est plus rapide que la première.

Rapport des puissances réelles et parfaites


Considérons un mécanisme réel avec perte (fig. 10.48a), puis ce même méca-
nisme supposé fonctionner sans perte, c’est-à-dire parfait (fig. 10.48b). Dans ce der-
nier cas, affectons la puissance de sortie d’un indice 0 qui signifie sans perte. Alors
P2 = P20 = P1, et le rendement s’écrit

P2 P
η = = 2 (10.103)
P1 P20

Cette hypothèse suppose que le système ne stocke pas d’énergie.

Pp

P1 P2 = P1 – Pp P1 P20 = P1
η η=1
q˙1 q˙2 q˙1 q˙20
(a) Q1 Q2 (b) Q1 Q20

Fig. 10.48 (a) mécanisme réel; (b) mécanisme parfait.

Calculons les puissances:

P2 = Q2 q«2 cos α 2

P20 = Q20 q«20 cos α 20

où Q20 est l’effort que pourrait fournir le mécanisme à la sortie s’il n’y avait pas de
perte par frottement, et q«20 est la vitesse qu’aurait l’élément de sortie s’il n’y avait pas
le glissement à l’origine de pertes. L’angle de pression n’est généralement pas affecté
par les pertes, donc α 20 = α 2 . Le rendement devient
Chapitre 10 Page 471 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 471

Q2 q«2
η =
Q20 q«20

Divisons le numérateur et le dénominateur par le produit Q1 q«1 et faisons appa-


raître les rapports d’efforts et de vitesses

Q2 / Q1 q«2 / q«1 iQ i0
η = = (10.104)
Q20 / Q1 q«20 / q«1 iQ0 i

Cette formule fait très clairement apparaître deux catégories de pertes: le frot-
tement qui réduit l’effort transmis et le glissement qui réduit la vitesse de sortie dans le
cas des mécanismes non positifs. Définissons
iQ
• le rendement statique ηQ = (10.105)
iQ0

i0
• le rendement cinématique ηq = (10.106)
i

On voit que le rendement d’un mécanisme est égal au produit du rendement sta-
tique par le rendement cinématique:

η = ηQ η q (10.107)

Les rendements partiels se calculent très facilement: iQ0 en faisant µ = 0 dans


l’expression du rapport d’effort iQ , i0 en annulant le glissement dans l’expression du
rapport des vitesses.

Bilan des pertes


Dans les systèmes compliqués, il est souvent nécessaire de comptabiliser des per-
tes qui ne sont pas directement liées à la transmission des efforts. Par exemple, les per-
tes par ventilation ou par barbotage n’interviennent pas dans le calcul de l’effort trans-
mis par une came à son suiveur. La puissance perdue totale se calcule par simple
addition des pertes individuelles (stockage nul), le rendement vaut alors

P1 ± Σ Pp P2
η = = (10.108)
P1 P2 + Σ Pp

En dépit des apparences, le calcul des pertes est souvent hasardeux, c’est pour-
quoi on est obligé de procéder à des mesures de perte et de rendement des mécanismes
et des machines après exécution.
Des exemples d’application de ces méthodes de calcul figurent dans les sections
10.6 et 12.7.
Chapitre 10 Page 472 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

472 CONCEPTION DES MACHINES

10.6 COMPORTEMENT CINÉTOSTATIQUE

10.6.1 Caractéristiques à la sortie


Un mécanisme (1) est inséré entre un moteur et un récepteur (2) (fig. 10.49). Du
point de vue du récepteur, l’élément de sortie du mécanisme constitue un élément
menant tout comme le serait le bout-d’arbre d’un moteur. Pour apprécier le compor-
tement du mécanisme en service, il importe de connaître ses caractéristiques de sortie,
principalement:
• la caractéristique effort-vitesse, q«2 (Q2 );
• la caractéristique effort-rendement η (Q2 ) ou la caractéristique vitesse-ren-
dement η ( q«2 );
• la rigidité k2 ( q2 );

q2 q˙2
moteur 1 2
Q2 P2

Fig. 10.49 Grandeurs de sortie d'une transmission.

Il convient d’étudier le comportement du mécanisme en dehors de toute influence


du moteur animant son entrée. Pour ce faire, supposons que ce dernier présente les
propriétés suivantes:
• vitesse et sens quelconques, mais imposés;
• pour une vitesse donnée, le moteur peut fournir un effort quelconque entre zéro
et l’infini;
• la vitesse n’est pas influencée par l’effort fourni.

Ces hypothèses signifient que le moteur est infiniment puissant et rigide, il se


comporte comme un encastrement mobile.
Le comportement d’un mécanisme et ses caractéristiques de sortie dépendent
principalement du mode de transmission de l’effort dans ses couples cinématiques. A
cet égard, on distingue:
• les mécanismes positifs;
• les mécanismes non positifs;
• les mécanisme quasi non positifs.

10.6.2 Mécanismes positifs


Un mécanisme est dit positif lorsque tous ses couples cinématiques transmettent
les forces par obstacle. Ce sont, par exemple, les engrenages, vis de mouvement,
embrayages à crabots, mécanismes à barres articulées, chaînes.
Examinons, par exemple, le fonctionnement d’un mécanisme à came afin de
dégager les propriétés générales des mécanismes positifs (fig. 10.50). Une came (1)
entraînée à la vitesse ω1 pousse une autre came (2), elles se touchent au point A.
Chapitre 10 Page 473 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 473

Rapport de vitesses
Appliquons les résultats du paragraphe 10.2.1. La vitesse du point coïncident A1
vaut

v1 = O1 A1 ω1

et celle du point coïncident A 2

v2 = O 2 A 2 ω 2

Les composantes normales de ces vitesses

v1n = O1 A1 ω1 cos β1

v2n = O 2 A 2 ω 2 cos β 2

sont égales, car la transmission du mouvement a lieu par obstacle. Par conséquent, en
remarquant encore que l’angle β1 se retrouve entre le rayon O1 A1 et la perpendi-
culaire O1 N1 abaissée sur la normale et l’angle β 2 entre O 2 A 2 et O 2 N 2 , on obtient
le rapport de vitesses

ω1 O A cos β 2 O N
i = = ± 2 2 = ± 2 2 (10.109)
ω2 O1 A1 cos β1 O1 N1

n
v2n = v1n
v1
v2 β1
t
β2
v1t
A
2 v2t 1 ω1

A2 A1
ω2 O1
β2
N2 β1
C
O2
N1

Fig. 10.50 Mécanisme à cames.

Le signe moins provient du fait que les vecteurs O 2 N 2 et O1 N1 sont dirigés en


sens opposé, il en résulte que les rotations sont opposées. Par ailleurs, les triangles
O1 N1 C et O 2 N 2 C sont semblables, par conséquent
Chapitre 10 Page 474 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

474 CONCEPTION DES MACHINES

1 O C
i = = ± 2 (10.110)
L′ O1 C

O1 et O 2 sont les pôles des cames (1) et (2) par rapport au plan de référence tan-
dis que C est le pôle instantané du mouvement relatif des cames, ces pôles sont alignés
(théorème de Kennedy).
Le rapport de vitesses d’un mécanisme positif ne dépend que de la géométrie, il
est égal au rapport des distances polaires.
Le rapport de vitesses est négatif si le pôle instantané O est situé entre les pôles
O1 et O2 ; il est positif dans le cas contraire.
Le rapport de vitesses peut dépendre de la position du mécanisme comme dans
les cames et dans la plupart des mécanismes articulés, ou être constant comme dans les
transmissions à engrenage ou à chaîne.
La vitesse de l’élément de sortie d’un mécanisme positif est indépendante de la
charge de cet élément.

Rapport d’efforts
La force F transmise à (2) est inclinée d’un angle ρ toujours égal à l’angle de
frottement, car les pièces glissent l’une sur l’autre (fig. 10.51). La composante Ft est
orientée comme la vitesse de glissement vg 12.

F–

+n ρ
Fn–

t A Ft–

2 Ft A
1
M1
– ρ (b)
N2 + O1
M2– β2 β1
Fn
O2
F
N1
(a)

Fig. 10.51 Transmission d'efforts du mécanisme de la figure 10.50.

Exprimons l’équilibre statique des cames autour de leur centre de rotation en


veillant à appliquer à la came (1) la réaction F ±

M1 = O1 N1 ⋅ Fn + A N1 ⋅ Ft

M2± = O 2 N 2 ⋅ Fn ± A N 2 ⋅ Ft

Calculons maintenant le rapport des couples, en remarquant que Ft = µ Fn,


Chapitre 10 Page 475 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 475

M2± O2 N 2 ± µ A N 2
iQ = ± = ±
M1 O1 N1 + µ A N1

Or, A N1 = O1 N1 tan β1 ( β1 positif dans le sens du mouvement moteur) et


A N 2 = ± O 2 N 2 tan β 2, car β 2 est négatif, opposé à β1. En tenant compte de
(10.109), il vient

M2 1 + µ tan β 2
iQ = = i (10.111)
M1 1 + µ tan β1

Cette relation permet de tirer les conclusions générales suivantes valables pour
les mécanismes positifs:
• le rapport d’efforts dépend de la géométrie, du frottement et de la position du
mécanisme;
• le rapport d’efforts est indépendant de la charge de l’élément de sortie;
• l’effort d’entrée est proportionnel à l’effort de sortie.

Rendement
Calculons le rendement par la méthode du rapport de la puissance de sortie à
la puissance d’entrée. Les rotations étant parallèles, (10.102) donne, avec
(10.111),

iQ 1 + µ tan β 2
η = = (10.112)
i 1 + µ tan β1

η < 1 car β 2 < 0 et β1 > 0.


Dans un mécanisme positif, le rendement dépend du frottement et de la géomé-
trie. Il est indépendant de la charge.
Le rendement cinématique est égal à l’unité; le rendement du couple est donc
égal au rendement statique, η = ηQ .
On améliore le rendement en plaçant le centre de rotation O1 de la figure 10.51
entre le centre O 2 et le point de contact A, car alors β1 > β 2 > 0, le glissement est
plus petit. C’est pourquoi les pertes sont plus petites dans les engrenages à denture
intérieure.

Rigidité
La rigidité de sortie

dQ2
k2 = (10.113)
d f2

dépend naturellement de la rigidité des diverses pièces, mais il existe en principe une
caractéristique Q2 ( f2 ) en chaque position du mécanisme (fig. 10.52). Pour une came,
par exemple, la rigidité dépend en effet de la courbure au point de contact et de la
charge transmise.
Chapitre 10 Page 476 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

476 CONCEPTION DES MACHINES

Q2
Q2 lim

Q2 adm

Q2 adm min

k2

0 q2

f2

Fig. 10.52 Caractéristique effort-position d'un mécanisme positif.

Effort de sortie
Lorsque l’effort transmis est très intense, on voit la caractéristique de la défor-
mation s’incurver du fait de la plastification locale d’un matériau (fig. 10.52). En
accroissant encore la charge, une pièce ne tarderait pas à se rompre ou à subir une
grande déformation. La charge d’un mécanisme positif est limitée par la capacité de
résistance de ses pièces. D’autres phénomènes peuvent imposer une charge admissible
nettement plus basse: fatigue, pression hertzienne, usure, grippage. La charge admis-
sible dépend aussi de la position du mécanisme, mais on ne va généralement pas au-
delà de la valeur minimale admissible, Q2 adm min .

Résumé
La figure 10.53 représente les caractéristiques du mécanisme discutées ci-dessus.
On se rappellera qu’elles dépendent en principe de la position du mécanisme.

Q1
|i|

q˙2
couple cinématique
η
η
organe complet

rupture
Q2
0
Q2 adm Q2 lim

Fig. 10.53 Caractéristiques de sortie d'un mécanisme positif pour une certaine position.
Chapitre 10 Page 477 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 477

Exemple: engrenage cylindrique


Appliquons la théorie développée ci-dessus à un engrenage cylindrique droit avec
un profil en développante de cercle. La figure 10.54 est analogue à la figure 10.50.
O1 A est le rayon du pignon au point de contact et O 2 A celui de la roue. Avec le
module m, le nombre de dents z1 du pignon et z2 de la roue, (10.110) donne

r2 mz z
i = ± = ± 2 = ± 2 (10.114)
r1 mz1 z1

N2

A e
r b2
β2

F Fn
α r1
O2 O1
r2 C β1
α
r b1
α
N1

Fig. 10.54 Engrenage cylindrique droit, profil en développante.

Calculons le rendement d’engrènement en appliquant (10.112). Par des consi-


dérations géométriques, avec l’angle de pression α, on a

N1 A N1 C + e r tan α + e e
tan β1 = = = b1 = tan α +
rb1 rb1 rb1 rb1
et
e
tan β 2 = tan α ±
rb2

Alors

1 + µ ( tan α ± e / rb2 )
ηe = (10.115)
1 + µ ( tan α + e / rb1 )

Le rendement d’engrènement instantané diminue lorsque le point de contact


s’éloigne du pôle (fig. 10.55). g1 est la distance de retraite et g2 la distance d’approche
lorsque le pignon est menant. La perte est nulle lorsque le point de contact se trouve au
Chapitre 10 Page 478 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

478 CONCEPTION DES MACHINES

pôle parce que la vitesse de glissement y est nulle. On calculerait le rendement moyen
par intégration en tenant encore compte de l’effet du recouvrement.

ηe

C ligne
E1 E2 d’engrènement
e e

g1 g2

Fig. 10.55 Rendement d'engrènement le long de la ligne d'engrènement.

Les ouvrages classiques d’engrenages font, sans le dire, un calcul approché du


rendement, car ils admettent que la force normale Fn transmet la puissance au lieu de
considérer en toute rigueur la force oblique F. Mais, les pertes étant très petites, cette
confusion n’a aucune conséquence pratique.

10.6.3 Mécanismes non positifs


Un mécanisme est dit non positif si au moins un de ses couples cinématiques
actifs transmet la force motrice par frottement. Tous les mécanismes à friction tels que
courroies plates ou trapézoïdales, variateurs à friction, embrayages à friction, sont non
positifs. Nous dégagerons leurs propriétés générales en étudiant le fonctionnement
d’une transmission à roues de friction.

N N
1 1
O1 T N
r1
ω1M r1 e
v1 1 M1
+ –
T T
v2 C
e
ω2 r2
O2 (b) T–
N–

r2 M2

– 2
M1
– –
2 N N
(c)
(a)

Fig. 10.56 Transmission à roues de friction: (a) modèle; (b) roue menante isolée; (c) roue menée isolée.
Chapitre 10 Page 479 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 479

Deux roues cylindriques sont appliquées l’une sur l’autre par une force N
(fig. 10.56). La roue menante (1) tourne à la vitesse ω1. La roue menée (2) tourne à la
vitesse ω 2 (sgn ω 2 = –sgn ω1), elle est chargée par le couple résistant M2± . Le point
de contact C est le pôle du mouvement de (2) par rapport à (1).

Rapport de transmission
En assimilant les rayons dynamiques aux rayons des roues (§ 5.5.3), les vitesses
périphériques sont

v1 = r1 ω1

v2 = ± r2 ω 2

Le signe moins exprime le fait que la roue (2) tourne dans le sens opposé à celui
de la roue (1). Du fait du glissement sous charge au point de contact, v2 ≤ v1 . Calcu-
lons le facteur de glissement

v1 ± v2 r ω
g = = 1 + 2 2
v1 r1 ω1

On en tire le rapport de transmission

ω1 r 1
i = = ± 2 (10.116)
ω2 r1 1 ± g

Il se compose de deux facteurs: le rapport géométrique de transmission

r2
iG = ± (10.117)
r1

et un facteur fonction du glissement, donc de l’effort transmis. Alors

1
i = iG (10.118)
1 ± g

En marche à vide, le glissement est nul et le rapport de transmission est égal au


rapport de transmission géométrique iG . Il croît lorsque le glissement augmente;
i = ∞ lorsque g = 1, ce qui signifie que l’élément de sortie s’arrête en cas de pati-
nage.
La vitesse de l’élément de sortie d’un mécanisme non positif dépend de la géo-
métrie et de la charge transmise.

Effort de sortie
L’étude de l’équilibre de la roue menante isolée (fig. 10.56b) donne immédia-
tement
Chapitre 10 Page 480 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

480 CONCEPTION DES MACHINES

M1 = r1 T + e N

où e est le paramètre de résistance au roulement (§ 5.5.2). Par définition du facteur


d’adhérence µ a (5.38) ou facteur de friction, on a, en introduisant T = µ a N,

 e
M1 =  µ a +  r1 N (10.119)
 r1 

A vide, avec T = 0, le couple nécessaire pour vaincre la résistance au roulement


des roues vaut

M1v = e N (10.120)

Le couple disponible sur l’arbre de sortie s’écrit, sur la base de la figure 10.56(c),

 e
M2 = r2 T ± e N =  µ a ±  r2 N (10.121)
 r2 

Le facteur d’adhérence augmente tout d’abord avec le glissement (fig. 10.57),


passe par une valeur maximale, puis décroît à nouveau lorsque le glissement aug-
mente. Le couple maximal transmissible vaut alors

 e
M2 max =  µ a max ±  r2 N (10.122)
 r2 

µa

vitesse croissante

g
0
Fig. 10.57 Effet de la vitesse sur le facteur d'adhérence.

Le facteur d’adhérence est fortement influencé par la vitesse de roulement


(fig. 10.57); on observe qu’à couple égal, le glissement augmente avec la vitesse ou,
qu’à glissement égal, l’effort transmissible diminue lorsque la vitesse croît. Ces phé-
nomènes sont en rapport avec la mécanique du film d’huile entre les pièces roulantes;
on a développé des huiles spéciales pour transmissions à friction offrant des facteurs
d’adhérence relativement élevés.
Chapitre 10 Page 481 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 481

Le couple de sortie ou, d’une manière générale, la puissance de sortie d’un méca-
nisme non positif, sont limités par la valeur maximale du facteur d’adhérence. Au-
delà, on assiste au patinage. Selon (10.122), on accroît l’effort maximal transmissible
en augmentant l’effort normal de précontrainte N, mais on est limité dans cette voie
par la résistance mécanique des surfaces.

Rapport d’efforts
Le rapport d’efforts se calcule immédiatement avec (10.119) et (10.121):

e
µa ±
M2 r r2
iQ = = ± 2 (10.123)
M1 r1 µ e
a +
r1

Le signe moins exprime le fait que les couples sont opposés. Ce rapport dépend
de la géométrie et de la charge.

Rendement
S’il n’y avait pas de perte, e = 0, le rapport d’efforts vaudrait idéalement

r2
iQ0 = ±
r1

On trouve le rendement statique en appliquant (10.105)

e
µa ±
iQ r2
ηQ = = (10.124)
iQ0 e
µa +
r1

et le rendement cinématique par (10.106)

i0
ηq = = 1 ± g (10.125)
i

On obtient finalement le rendement du mécanisme par (10.107)

e
µa ±
r2
η = ηQ η q = (1 ± g) (10.126)
e
µa +
r1

Exprimons le rendement en fonction du couple de sortie donné par (10.121), en


remarquant que le glissement est fonction de ce couple,
Chapitre 10 Page 482 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

482 CONCEPTION DES MACHINES

|i|
M1
ω1
iG ω2

η 1

g
M1v
patinage
M2
0
M2 adm M2 max

Fig. 10.58 Caractéristiques de sortie d'un mécanisme non-positif.

[1 ± g ( M2 )]
M2
η = (10.127)
 r 
M2 +  1 + 2  e N
 r1 

Le rendement est nul à vide. Il croît avec la charge, passe par un maximum et
s’annule en cas de patinage (fig. 10.58).

Vitesse de sortie
La vitesse de sortie se calcule par le rapport de transmission

1 ± g
ω2 = ω1 (10.128)
iG

On sait que le glissement augmente avec l’effort transmis (§ 5.5.4). Par consé-
quent, la vitesse de sortie diminue lorsque la charge augmente. Pour un effort M2 max ,
la transmission patine et l’élément de sortie s’arrête. Une transmission ne peut pas
patiner longtemps sous peine de s’user et de chauffer exagérément; on admet en prati-
que un glissement maximal de 3 à 4%.

Rigidité
La figure 10.59 donne l’allure du couple d’entrée en fonction de sa rotation
lorsque l’arbre de sortie est arrêté. Le couple transmissible évolue comme la force
tangentielle. La rigidité est liée à la déformation des pièces, elle s’annule lors du
patinage.
Chapitre 10 Page 483 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 483

M1

patinage

M1 max

k1
ϕ1
0

Fig. 10.59 Comportement statique d'une transmission à friction.

Exemple: roue
Le fonctionnement des roues a déjà été présenté (sect. 5.5). Le calcul de leur ren-
dement se déduit immédiatement de la formule (10.126) dans laquelle il suffit de poser
r2 = ∞ pour que la seconde roue du mécanisme à friction devienne un plan représen-
tant le sol. Faisons apparaître le facteur de résistance à l’avancement; avec
r1 = r, f = e / r , il vient

µa
η = (1 ± g) (10.129)
µa + f

1
µa
η Q = --------------
-
µa + f

µa

ηq = 1 – g

g
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1

Fig. 10.60 Rendement d'une roue en fonction de son glissement.

Cette fonction (fig. 10.60) passe par un maximum. Les pertes par résistance à
l’avancement dominent lorsque l’effort de traction, et donc le glissement, est petit; au-
delà du maximum, les pertes par glissement sont prépondérantes.
Chapitre 10 Page 484 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

484 CONCEPTION DES MACHINES

Q2
rupture
positif
Qmax patinage
non positif
k

0 q2
(a)

|i| ∞
q̇ 2

Q2 0 Q2
0
(b) Q2 max (c) Q2 max

|iQ| η

Q2 0 Q2
0 Q2 max (e) Q2 max
(d)

Fig. 10.61 Comparaison des caractéristiques des mécanismes positifs et non positifs: (a) rigidité; (b) vitesse
de sortie; (c) rapport de vitesses; (d) rapport d'efforts; (e) rendement.

Tableau 10.62 Propriétés principales des transmissions.


Transmission
non positive positive
Transmission de l’effort frottement, force magnétique, obstacle
hydrodynamique
Rapport de vitesses dépend de la géométrie et du dépend de la géométrie,
frottement, croît avec la charge indépendant de la charge
Rapport d’efforts dépend de la géométrie et du dépend de la géométrie et du
frottement, nul à vide, croît frottement, indépendant de la
avec la charge, puis diminue à charge
forte charge
Rendement nul à vide, augmente avec la constant, indépendant de la
charge, présente un maximum, charge
nul au patinage
Vitesse de sortie ( q̇ entrée diminue à charge croissante, indépendante de la charge
constant) s’annule en cas de patinage
Comportement en surcharge patinage si aucun élément ne rupture d’un élément
casse, échauffement
Rigidité dépend de la géométrie, nulle dépend de la géométrie
en cas de patinage et éventuellement de la charge
Chapitre 10 Page 485 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 485

10.6.4 Comportements comparés


Il est bon d’avoir toujours à l’esprit le comportement des mécanismes lors de la
conception d’une machine ou pour choisir une transmission. C’est pourquoi on a com-
paré, à la figure 10.61 et dans le tableau 10.62, les principales caractéristiques des
deux classes de mécanismes.

10.6.5 Mécanismes quasi non positifs


Il existe des mécanismes dont une pièce est beaucoup plus souple que les autres
(fig. 10.63). Leur déformation est grande et par conséquent leur rigidité très petite
(fig. 10.64). Ils se comportent un peu comme un mécanisme non positif qui patinerait
tout de suite, mais en accroissant fortement l’effort, on aboutit soit à la rupture de l’élé-
ment souple, soit il vient en butée.

M2
ϕ2

Fig. 10.63 Mécanisme avec un élément très souple.

M2

butée

kθ2 rupture

0 ϕ2

Fig. 10.64 Comportement d'un mécanisme quasi non positif.

10.6.6 Calcul du rapport d’efforts statiques


Considérons le cas général d’une transmission non positive, par (10.102) et par
(10.107),

iQ = ηQ ηq i

Introduisons encore les expressions (10.118) du rapport de transmission et


(10.125) du rendement cinématique. On trouve
Chapitre 10 Page 486 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

486 CONCEPTION DES MACHINES

iQ = ηQ iG (10.130)

Le rapport d’efforts statiques d’un mécanisme non positif est égal au produit du
rendement statique par le rapport de transmission géométrique.
Dans le cas des transmissions positives, ηQ = η et iG = i

iQ = η i (10.131)

Le rapport d’efforts statiques d’un mécanisme positif est égal au produit du ren-
dement par le rapport de vitesses.

10.7 BLOCAGE, AUTOBLOCAGE

10.7.1 Conditions de blocage et d’autoblocage


Considérons le mécanisme schématisé à la figure 10.65. Deux genres d’efforts de
frottement s’opposent à l’effort d’entrée:
• un effort constant, Qf ;
• un effort proportionnel à l’effort d’entrée:

Qf1 = a0 Q1 (10.132)

où a0 est le facteur de blocage.

Le mécanisme fournit à la sortie l’effort

Q2 = Q1 ± Qf1 ± Qf = (1 ± a0 ) Q1 ± Qf (10.133)

Un mécanisme initialement au repos ne se met pas en mouvement et reste bloqué si


l’effort qu’il peut fournir est inférieur ou égal à l’effort d’entraînement nécessaire Qe du
groupe qu’il doit mener. Par conséquent, les expressions analytiques du blocage s’écrivent

Q2 ≤ Qe
ou
(1 ± a0 ) Q1 ± Qf ≤ Qe (10.134)

a0 Qf1 Qf

Q1 – – Q2
+ + Qe–

Fig. 10.65 Schéma d'un mécanisme avec efforts résistants internes.


Chapitre 10 Page 487 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 487

Supposons, pour l’instant, a0 < 1. Le système reste bloqué tant que l’effort
moteur est inférieur à un certain effort minimal de démarrage Q1d ,

Qf + Qe
Q1 ≤ Q1d = (10.135)
1 ± a0

En cas d’égalité, il y a imminence de démarrage, une secousse libérant le frottement sta-


tique suffit pour permettre la mise en mouvement. Le système démarre toujours lorsque

Qf + Qe
Q1 > Q1d = (10.136)
1 ± a0

L’effort moteur est généralement limité de sorte qu’il peut arriver que le démar-
rage soit impossible. On facilite le démarrage en prenant toutes les mesures propres à
diminuer l’effort de frottement constant Qf et l’effort proportionnel Qf1 .
Tirons de (10.135) la valeur du facteur de blocage qui satisfait la condition de blocage

Qe + Qf
a0 ≥ 1 ± (10.137)
Q1

On constate que le mécanisme reste toujours bloqué, même si la résistance cons-


tante et l’effort d’entraînement sont nuls, lorsque

a0 ≥ 1 (10.138)

Ce résultat signifie que le blocage est provoqué par l’effort moteur lui-même, en
vertu de (10.132). Plus l’effort moteur croît, plus l’effort résistant augmente aussi, il
existe un effet de contre-réaction positive. On dit alors que le mécanisme est autoblo-
qué. Pour l’exprimer mathématiquement, un mécanisme est autobloqué lorsque le fac-
teur de blocage est supérieur ou égal à l’unité.
L’autoblocage est souvent souhaité pour des raisons fonctionnelles ou de sécurité,
par exemple dans les assemblages à vis ou à coins, les vis de mouvement, les palans à
main et les crics.
Le facteur de blocage se calcule par la relation (10.132) en observant les règles
qui suivent:
• On ne considère que les efforts de frottement provoqués par l’effort d’entrée.
• Les efforts de frottement sont opposés au mouvement qui se produirait si le
mécanisme n’était pas autobloqué.
• Les efforts de frottement se calculent avec la valeur du coefficient de frotte-
ment statique µ 0 .
• Aucun effort extérieur n’est appliqué à l’élément de sortie du mécanisme.
• Le facteur de blocage se calcule dans toutes les positions possibles du méca-
nisme.
• Lorsqu’un mécanisme comporte plusieurs couples cinématiques autoblocables
en série, c’est toujours celui qui se trouve le plus près de l’entrée qui est déter-
minant pour l’autoblocage, les autres sont supposés libres.
Chapitre 10 Page 488 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

488 CONCEPTION DES MACHINES

Le facteur de blocage présente le caractère d’un facteur de sécurité lorsque ce


phénomène est recherché. Un mécanisme est en principe encore autobloqué si
a0 = 1, mais il faut pratiquement exclure cette valeur; en effet, un ébranlement du
mécanisme, même par une petite vibration extérieure, peut provoquer des glissements
qui font temporairement tomber les coefficients de frottement à leur valeur dynamique
µ. C’est pourquoi le facteur de blocage doit être suffisamment supérieur à l’unité. On
peut aussi le calculer avec les valeurs µ de frottement dynamique, il prend alors la
valeur a et le mécanisme reste autobloqué si la condition

a ≥ 1 (10.139)

est satisfaite. Cette condition est pessimiste.


Un effort excessif appliqué à l’entrée d’un mécanisme autobloqué peut conduire
à la rupture d’une pièce.
Examinons maintenant quelques exemples.

10.7.2 Engrenages multiplicateurs de vitesse


Considérons un engrenage à denture droite (fig. 10.66); pour simplifier, le pignon
est disposé de telle façon que la force de denture Fn soit parallèle au poids G de l’équi-
page mobile. Nous utilisons les désignations géométriques usuelles.

Mm
Fn

α
2

G
d

1
d

Me–
µ' 0

Fig. 10.66 Engrenage.

Le couple moteur appliqué par la force de denture au pignon vaut

d1 cos α
M1 = Fn
2

La force de denture charge les paliers et provoque, si le pignon est situé entre eux
(pas en porte-à-faux), un couple de frottement calculable par la formule (8.102):

d
Mf1 = µ 0′ Fn
2

où µ 0′ est le facteur de frottement statique apparent des paliers au rayon de l’arbre.


Chapitre 10 Page 489 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 489

Par définition, on a le facteur de blocage

Mf1 d
a0 = = µ 0′ (10.140)
M1 d1 cos α

Sa valeur est généralement inférieure à l’unité, de sorte que l’autoblocage du


pignon est impossible.
Le poids propre du pignon engendre encore le couple de frottement constant

d
Mf = µ 0′ G
2

Exprimons la condition de démarrage du pignon

M1 ± Mf1 ± Mf > Me
ou
 d  d
M1  1 − µ 0′  − µ 0′ G > Me
 d1 cos α  2

Supposons maintenant que l’élément menant l’engrenage ne puisse appliquer à


la roue que le couple Mm max . Par conséquent, le couple moteur maximal au pignon
vaut

M1 max = ηe i Mm max

où ηe est le rendement d’engrènement. En introduisant ce couple dans l’inégalité de


démarrage, on trouve que l’engrenage ne peut démarrer que si le rapport de trans-
mission vaut

d
Me + µ 0′ G
i > 2
 d 
 1 ± µ 0′  ηe Mm max
 d1 cos α 

Le gain de mouvement, autrement dit le facteur de multiplication de l’engrenage,


vaut, selon la formule (11.5),

1
Gq =
i

En tenant compte de l’expression ci-dessus du rapport de transmission, la mul-


tiplication obéit à la relation suivante
Chapitre 10 Page 490 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

490 CONCEPTION DES MACHINES

d
1 ± µ 0′
d1 cos α M
Gq < Gq max = ηe m max (10.141)
d G Me
1 + µ 0′
2 Me

Pour des couples moteur et d’entraînement donnés, le gain de vitesse est limité
par le frottement.

Application numérique
Evaluons l’exemple suivant: d = 0,88 d1; d1 = 50 mm ; α = 20°; G = 75 N;
Me = 5 Nm ; ηe = 0, 98 ; paliers lisses, au démarrage µ 0′ = 0,15 . L’application de
la formule (10.141) donne

Mm max
Gq < 0,8
Me

En remplaçant les paliers lisses par des roulements à billes à gorges profondes
pour lesquels µ 0′ = 0, 01 , on a

Mm max
Gq < 0, 968
Me

Cet exemple montre l’intérêt des roulements à billes pour obtenir des multipli-
cations de vitesses élevées.

Conclusions
On lit dans la formule (10.141) les mesures à prendre pour obtenir les grandes
multiplications souvent nécessaires en microtechnique et en horlogerie:
• viser un rendement d’engrènement élevé par une bonne lubrification et le
recours à des dentures à profil cycloïdal ou spécial pour que le glissement spé-
cifique soit petit;
• diminuer le coefficient de frottement équivalent des paliers par une bonne
lubrification et un choix judicieux des matériaux du couple tribologique;
• diminuer le diamètre des paliers (petits tourillons cylindriques dans les pen-
dules, pivots coniques dans cuvette en rubis des montres);
• alléger les pièces en évidant les roues;
• choisir le sens de rotation de telle façon que la force de denture s’oppose au
poids du pignon plutôt que de le renforcer comme c’est le cas dans la figure
10.66.

10.7.3 Arc-boutement
Couple cinématique plan
Considérons une pièce (2) susceptible de glisser sur un plan (1). Elle est chargée
par une force F inclinée d’un angle γ par rapport à la normale au plan de contact. Con-
sidérons deux cas selon la position de la force par rapport aux appuis.
Chapitre 10 Page 491 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 491

F γ n

A B
1
µ NA µNB–
NA–
NB–

Fig. 10.67 Force entre appuis.

Supposons tout d’abord que la force passe entre les appuis (fig. 10.67). La com-
posante normale F cos γ applique la pièce contre le plan de guidage et donne nais-
sance à la force de frottement au repos

Ff1 = µ 0 F cos γ

qui s’oppose à la composante F sin γ qui tend à faire glisser la pièce. Selon (10.132),
on a le facteur de blocage

µ 0 cos γ µ0
a0 = = (10.142)
sin γ tan γ

La pièce ne peut pas glisser si a0 > 1 , soit tan γ < µ 0 ou

γ < ρ0 (10.143)

quelle que soit l’intensité de la force. On est en présence d’un phénomène d’autoblo-
cage qu’on appelle arc-boutement. Compte tenu des propriétés du frottement exposées
au paragraphe 5.3.2, on distingue les cas suivants (fig. 10.68):
• γ < ρ arc-boutement;
F
n
γ
ρ

ρ0

arc-boutement incertain
arc-boutement

glissement

Fig. 10.68 Domaines angulaires de comportement.


Chapitre 10 Page 492 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

492 CONCEPTION DES MACHINES

• γ > ρ0 glissement;

• ρ < γ < ρ 0 arc-boutement incertain. Une pièce immobile se met en


mouvement si un ébranlement provoque un petit glissement des surfaces qui
fait passer la valeur du cœfficient de frottement de ρ 0 à ρ.

En tournant les angles de la figure 10.68 autour de la normale, on obtient les


cônes de frottement, d’ouverture 2ρ et respectivement 2 ρ 0 .
Lorsque la force F passe en dehors des appuis (fig. 10.69), elle est en porte-à-
faux et fait basculer la pièce (2) autour de son appui B. On empêche le renversement
au moyen d’un appui A©opposé à A. La trace de F sur le plan de glissement se trou-
vant à la distance b de l’appui B, les réactions normales valent

b a + b
NA = F cos γ NB = F cos γ
a a

La force de frottement statique vaut

a + 2b
Ff1 = µ 0 F cos γ
a

On a le facteur de blocage

Ff1 µ 0 a + 2b
a0 = = (10.144)
F sin γ tan γ a

Le système est en état d’autoblocage, a0 > 1, lorsque

 a + 2b 
γ < arctan  µ0  (10.145)
 a 

L’angle limite équivalent

 a + 2b 
ρ 0′ = arctan  µ0  (10.146)
 a 

est supérieur à l’angle de frottement du fait que les charges normales sont amplifiées
par l’effet du porte-à-faux.
Le domaine d’arc-boutement incertain est à éviter. Selon l’effet cherché, on se
tiendra aux règles suivantes:

• arc-boutement: γ < ρ ou ρ ′ (10.147)

• glissement: γ > ρ 0 ou ρ 0′ (10.148)


Chapitre 10 Page 493 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 493

n
F γ

2
NA–
B
A
1
A’ µNA NB–
µNB
a b

Fig. 10.69 Force hors des appuis.

Comme les valeurs du coefficient de frottement présentant toujours une très


forte dispersion, selon l’état de surface et le graissage, il convient de prendre en
compte seulement les valeurs extrêmes. On indique, par exemple, pour le couple
acier-acier :
sec: µ 0 = 0,15 ... 0,2 ρ 0 = 8,5° ... 11,3°
µ = 0,1 ... 0,15 ρ = 5,7° ... 8,5°
graissé: µ 0 = 0,1 ρ 0 = 5,7°
µ = 0,04 ... 0,08 ρ = 2,3° ... 4,6°

On sera sûr de l’arc-boutement en choisissant γ < 2,3° et certain du glissement


avec γ > 11,3°.

Couple cinématique cylindrique


La figure 10.70 représente une articulation cylindrique dont l’axe est chargé par
une force F située à la distance a de son centre de rotation. L’articulation est bloquée
si le moment aF est inférieur au moment de frottement exprimé par la formule
(8.102). En introduisant dans ce dernier le rayon du cercle de frottement au repos

F
r

rf
R0
R
rf0

Fig. 10.70 Articulation cylindrique (les efforts représentés ne sont pas en équilibre).
Chapitre 10 Page 494 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

494 CONCEPTION DES MACHINES

(8.104) et en répétant les raisonnements développés à propos du couple cinématique


plan, on tire immédiatement les conclusions qui suivent :
• a < rf arc-boutement, l’axe est toujours bloqué;
• a > rf 0 l’axe tourne;
• rf < a < rr 0 arc-boutement incertain, mise en mouvement possible
par un ébranlement.

Le rayon du cercle de frottement dépend du graissage et de la conformité des sur-


faces (usure). Les règles pratiques à observer sont:
• une articulation peut toujours tourner si a > rf 0 max ;
• une articulation est toujours autobloquée si a < rf min .

Plan incliné
Un objet placé sur un plan incliné (fig. 10.71) ne glisse que si l’inclinaison de la
charge par rapport à la normale est γ > ρ 0 . Il y arc-boutement certain si γ < ρ ; cette
propriété empêche le desserrage spontané des vis, du moins lorsqu’elles ne sont pas
soumises à des vibrations capables de faire glisser les pièces assemblées l’une par rap-
port à l’autre. C’est pourquoi les vis à pas fin sont plus sûres à cet égard que celles à
pas normal, leur angle de montée du filet moyen est petit.

n
F γ

Fig. 10.71 Plan incliné.

Roue libre
Une roue libre à friction consiste principalement (fig. 10.72a) en une bague
extérieure (1) et en une bague intérieure encochée (3) où sont logés des galets ou des
billes (2). Lorsque la bague motrice (1) tourne dans le sens indiqué ω1, les galets vien-
nent se coincer au fond de l’encoche et la force transmise F exerce sur la bague inté-
rieure un moment eF par rapport au centre. Un ressort (4) repousse toujours le galet
vers le fond de l’encoche, en position de travail. En rotation inverse ω 2 , la bague (1)
tend à dégager le galet et n’entraîne plus (3); dans cette situation, il est avantageux que
le ressort soit très faible afin de diminuer l’usure.
Le galet touche les bagues aux points A et B (fig. 10.72b) situés sur les normales
aux surfaces en contact. Pour une raison d’équilibre statique, les forces F12 et F32
appliquées au galet sont forcément égales, opposées et portées par la droite AB (la
poussée du ressort est négligeable). Le triangle AO 2 B est isocèle, les forces sont donc
inclinées du même angle γ par rapport aux normales. Il y a arc-boutement et fonction-
nement correct si les conditions γ < ρ1 et γ < ρ3 sont simultanément satisfaites, ρ1
et ρ3 étant les angles de frottement dynamiques aux points considérés.
Chapitre 10 Page 495 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 495

F12
γ
1 F
ω2 1 n

4 A
2
2 t
O2
3 ω1
3 B

e ω1
3’
O γ
F32 n
(a) (b)

Fig. 10.72 Principe d'une roue libre à friction: (a) schéma; (b) galet isolé.

La charge transmise déforme les pièces aux points de contact et dilate la bague
extérieure, de sorte que (1) peut tourner légèrement par rapport à (3). On voit que
l’angle de contact γ augmente et qu’il existe un danger de glissement. On peut y parer
en remplaçant le plan de la bague intérieure par une spirale logarithmique représentée
en (3©
) dans la figure 10.72(b).

10.7.4 Guidages linéaires


Coulisseau
Un coulisseau susceptible de glisser sur une tige de guidage (fig. 10.73) est sou-
mis à l’action de deux forces F1 et F2 parallèles à l’axe de guidage; l est la distance
entre les deux appuis. Selon les distances a et b des forces à l’axe du guide, on
distingue:
• a<b le coulisseau touche le guide aux points (1) et (4) (fig. 10.73a);
• a>b le coulisseau touche le guide aux points (2) et (3) (fig. 10.73b).

F1
F2 F2
F1
a
b µ0A – b
a
1 µ0A – 3 A– 1 A– 3
d –
2 A– 4 2 µ0A – 4 A
µ0A –

(a) l (b) l

Fig. 10.73 Coulisseau avec force F1 motrice: (a) a < b; (b) a > b.
Chapitre 10 Page 496 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

496 CONCEPTION DES MACHINES

Lorsque:
• F1 est moteur, le coulisseau tend à glisser dans le sens de F1 ;
• F2 est moteur, le coulisseau tend à glisser dans le sens de F2 .

L’analyse révèle qu’il faut encore distinguer selon que:

l
• b > on rencontre deux cas d’arc-boutement;
2µ 0

l l
• b < le mouvement est possible sauf si F1 est moteur et a > .
2µ 0 2µ 0

F1 ∞
------
F2 arc-boutement

l + 2µ 0 b
F1 moteur --------------------
-
l + 2µ 0 a

F2 moteur
a
0 l
b > --------
-
2µ 0

Fig. 10.74 Caractéristique d'un coulisseau, 2µ0b > l.


F1
------
F2
l – 2µ 0 b
blocage ---------------------
l – 2µ 0 a

arc-boutement
F1 moteur
l + 2µ 0 b
1 --------------------
-
l + 2µ 0 a
F2 moteur
a
0
l l
b < --------
- --------
-
2µ 0 2µ 0

Fig. 10.75 Caractéristique d'un coulisseau, 2µ0b < l.


Chapitre 10 Page 497 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 497

Les figures 10.74 et 10.75 résument ces 8 cas, on peut en conclure ce qui suit pour
la construction des mécanismes.
• On évite tout arc-boutement en faisant l > 2 µ 0 a et l > 2 µ 0 b.
• La condition ci-dessus étant respectée, l’écart entre les valeurs de F1 et de F2
pour chaque sens de mouvement est d’autant plus petit que le guidage est
relativement plus long.
• La résistance du guidage au mouvement est d’autant plus faible que le coeffi-
cient de frottement µ 0 est plus petit et que les lignes d’action des forces sont
plus proches l’une de l’autre. Elle est même théoriquement nulle lorsque a = b.
• On obtient un arc-boutement dans chaque sens lorsque

l
b >
2µ 0

Le sens du mouvement dépend de la position de F1 par rapport F2 . Cette pro-


priété est mise à profit dans certains mécanismes de verrouillage.
• Le guidage le plus avantageux est celui pour lequel a = b = 0; il ne présente
aucun risque d’arc-boutement et son frottement est nul.
• Les caractéristiques du guidage sont indépendantes du diamètre de la tige de
guidage.

Il convient d’apprécier le comportement d’un coulisseau en tenant compte des


valeurs extrêmes de µ et de µ 0 comme indiqué au paragraphe précédent.

F1
A–
F2

B–
l

Fig. 10.76 Mauvais guidage d'un coulisseau.

La figure 10.76 illustre une conception très défavorable, car la distance d’appui l
dépend des écarts de fabrication et de l’usure; elle n’est bien définie qu’en prévoyant
un dégagement dans la portée, comme dans la figure 10.77.

Guidage à colonne
On rencontre souvent des coulisseaux devant glisser librement sur une colonne
par leur poids propre G (fig. 10.77). Aucun blocage n’est à craindre si

l
b < (10.149)
2µ 0
Chapitre 10 Page 498 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

498 CONCEPTION DES MACHINES

La force F nécessaire pour remonter le coulisseau doit se trouver entre G et le


guide.

Fig. 10.77 Guidage vertical.

Vérin
Une force oblique F repousse la tige d’un vérin contre la poussée Fp du fluide
(fig. 10.78). Les forces de frottement µ 0 A du piston et µ 0 B du guidage de tige s’op-
posent à la mise en mouvement.

A
µ0A F
F sin α
2r
O
Fp α
2R
F cos α
µ0B

l–x x

l
B

Fig. 10.78 Tige de vérin repoussée par une force oblique.

Calculons les réactions d’appuis A et B en exprimant l’équilibre des forces trans-


versales et l’équilibre des moments par rapport au point O.

A ± B + F sin α = 0

R µ 0 A ± r µ 0 B ± ( l ± x ) B + l F sin α = 0

Ces équations fournissent


Chapitre 10 Page 499 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 499

x ± µ0 r
A = F sin α
l ± x ± µ0 ( R ± r)

l ± µ0 R
B = F sin α
l ± x ± µ0 ( R ± r)

Calculons le facteur de blocage

µ 0 ( A + B) l + x ± µ0 ( R + r)
a0 = = µ0 tan α (10.150)
F cos α l ± x ± µ0 ( R ± r)

Le vérin est certainement libre si a0 < 1, c’est-à-dire pour l’inclinaison de la force


motrice

l ± x ± µ0 ( R ± r)
α < α lim = arctan (10.151)
µ 0 [ l + x ± µ 0 ( R + r )]

Il est bloqué pour a > 1 calculé avec la valeur µ. L’angle limite est d’autant plus
petit que x est plus grand, c’est-à-dire que la tige est plus sortie du vérin, ou que le
porte-à-faux de F est plus grand. L’autoblocage d’un vérin monté selon la figure 10.79
est très à craindre lorsqu’un couple M appliqué au bras repousse la tige. La meilleure
solution consiste à monter le vérin selon la figure 10.80; du point de vue cinématique,
il joue le rôle d’une bielle de longueur variable.

D
M M

Fig. 10.79 Vérin fixe avec bielle. Fig. 10.80 Vérin articulé.

Aucun autoblocage n’est à craindre lorsque le vérin est moteur, soit dans un sens,
soit dans l’autre, même avec le montage de la figure 10.79.

Tige coulissante
Une tige est guidée en deux points distants de b (fig. 10.81); elle est poussée par
une force F inclinée d’un angle de pression α. En utilisant directement les résultats
obtenus pour le vérin, on observe un autoblocage certain lorsque

b
α > arctan (10.152)
µ (b + 2 x ± µ d )
Chapitre 10 Page 500 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

500 CONCEPTION DES MACHINES

A F
µA d F sin α
Fp α

v F cos α
µB

b x
B

Fig. 10.81 Tige guidée en deux points.

La tige peut glisser sans risque de blocage si

b
α < arctan (10.153)
µ 0 (b + 2 x ± µ 0 d )

ou, si l’inclinaison de la force est donnée, pour

x 1 1 d 
<  + µ0 ± 1 (10.154)
b 2  µ 0 tan α b 

On évite tout risque d’autoblocage en éloignant suffisamment les guidages. Les


pompes à piston plongeur sont un exemple de construction favorable et compacte
(fig. 10.82). Les bielles articulées directement dans le piston des moteurs à explosion
s’inspirent du même principe.

Fig. 10.82 Schéma d'une pompe à piston plongeur.

10.7.5 Points morts


Examinons la figure 10.83 représentant un mécanisme à bielle et manivelle.
Dans l’hypothèse que le frottement soit nul, la force F34 appliquée par la bielle à la
manivelle est capable de l’entraîner tant que son angle de pression α avec la tangente
à la trajectoire du bouton de manivelle est inférieur à 90°. A angle droit, la manivelle
est bloquée, quelle que soit l’intensité de la force (fig. 10.84). Il y a deux points
morts ; pour le sens de la force indiqué, le point mort extérieur (PME) est stable tan-
dis que le point mort intérieur (PMI) est instable, car il suffit que l’articulation B
s’écarte de l’alignement AC pour que la force puisse repousser la manivelle. C’est
au contraire le point mort extérieur qui est instable si la force agit en sens inverse.
Chapitre 10 Page 501 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 501

F34
A
B C F34
3
A α (a) B
3 PME
C 4 A
2 v
3 F34 B 4 C
(b)
1 k
PMI

Fig. 10.83 Mécanisme à bielle et manivelle. Fig. 10.84 Points morts: (a) extérieur; (b) intérieur.

ψA B ψC
A rB
F F–
C
F'
F’ –
rA rC
ψA ψC
B’

Fig. 10.85 Point mort intérieur avec frottement.

Dans le cas réel avec frottement, les articulations sont en état d’arc-boutement
lorsque la force transmise passe à l’intérieur de leur cercle de frottement. En traçant
ces cercles dans chaque articulation (fig. 10.85), on voit qu’il existe en réalité un
domaine mort caractérisé par les angles ψ A et ψ C. Il est d’autant plus étendu que les
cercles de frottement sont plus grands. C’est pourquoi les excentriques ne se prêtent
pas à l’entraînement d’un arbre (fig. 10.86), car leur cercle de frottement rf = µ D / 2
est très grand; on ne les utilise en principe que si l’arbre est moteur.

D
ψ
B B
A rf

C C

Fig. 10.86 Angle mort d'un excentrique. Fig. 10.87 Ressort de déblocage.

Les points morts de la figure 10.84 ne se manifestent naturellement pas si le


mécanisme est entraîné par la manivelle. On peut éviter le blocage au point mort en
actionnant la manivelle par un ressort (fig. 10.87). Les moteurs à piston sont pourvus
Chapitre 10 Page 502 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

502 CONCEPTION DES MACHINES

d’un volant pour franchir les points morts par effet d’inertie. La recherche des points
morts à la conception d’un mécanisme ne doit pas se borner à des considérations géo-
métriques d’alignement, mais il faut aussi analyser soigneusement le sens du flux de
l’énergie motrice.

10.7.6 Coincement
Enfoncement d’un coin
Un coin est une pièce (1) qui a la forme d’un dièdre (fig. 10.88) dont les faces
actives forment entre elles l’angle 2β. Le coin est généralement appliqué dans la rai-
nure correspondante d’une pièce (2) par une force F. Il importe de ménager un jeu j
sous le coin afin qu’il ne porte que sur ses flancs inclinés.

2
j

Fig. 10.88 Coin dans une rainure en V.

kp 3 3 k
p
1

Fig. 10.89 Modèle élastique du coin.

Etudions l’équilibre du coin en modélisant l’élasticité des pièces par des res-
sorts équivalents (fig. 10.89). L’enfoncement du coin déforme les pièces et donne
naissance à une force normale N sur chaque face active (fig. 10.90a). En pénétrant
d’une quantité z, le coin glisse contre les flancs de la rainure. La force de frottement
µ N ± s’oppose au glissement. Les réactions RI et RII sont inclinées d’un angle
β + ρ par rapport à la normale à F. Il résulte immédiatement de l’examen de la figure
10.90(b) les relations

F
R =
2 sin (β + ρ )
Chapitre 10 Page 503 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 503

F
µNI–

z RII– F
RI–
I x µNII–
II
ρ ρ
NI– N– II β
R–
I R– II N– II β β NI–
µNI– µNII– ρ –
H II HI–
(a) (b)

Fig. 10.90 Enfoncement d'un coin: (a) coin isolé; (b) polygone des forces.

et
cos ρ
N = R cos ρ = F (10.155)
2 sin (β + ρ )

Les composantes des réactions normales à F

F
H = R cos (β + ρ ) = (10.156)
2 tan (β + ρ )

sont souvent mises à profit pour exercer une grande force en vue de faire éclater un objet
(p. ex. hache) ou pour exercer un serrage. Cette propriété du coin de changer la direction
d’une force tout en la renforçant constitue ce qu’on appelle communément l’effet de coin.

Retrait d’un coin


Supprimons la charge F. Les forces normales associées à la déformation des piè-
ces restent inchangées mais tendent maintenant à expulser le coin. Les forces de frot-
tement changent immédiatement de sens et s’opposent à ce mouvement. Le facteur de
frottement et son angle prennent leurs valeurs de repos, µ 0 et ρ 0 . On distingue deux
cas selon la valeur de l’ouverture 2β.

Far

F’I lim F’II lim

R’I FI FII R’II

RI RII
R’I
ρ0 NI NII ρ0
γ=β γ=β Far
2β R’II
2 (ρ0 – β)
(a) (b)

Fig. 10.91 Retrait d'un coin: (a) coin isolé; (b) polygone des forces.
Chapitre 10 Page 504 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

504 CONCEPTION DES MACHINES

Lorsque β < ρ 0 (fig. 10.91a), le coin n’est plus soumis qu’à l’action des résul-
tantes RI et RII qui sont obligatoirement égales et opposées. Elles sont inclinées d’un
angle γ par rapport à la force normale, angle forcément égal à β. Puisque γ = β < ρ 0 , le
coin reste immobile et tout le système reste sous tension, en état d’arc-boutement.
Pour extraire le coin, il faut lui appliquer une force d’arrachage Far capable de
s’opposer au frottement qui le retient. Le glissement commence lorsque les réactions
deviennent R©I et R©II (en pointillé dans la figure) faisant l’angle de frottement au
repos ρ 0 avec les charges normales. Par la figure 10.91(b), on a la force d’arrachage
nécessaire

Far = 2 R′ sin (ρ 0 ± β )

N
Far = 2 sin (ρ 0 ± β )
cos ρ 0

Introduisons la force N donné par (10.155) et cherchons le rapport entre la force


d’arrachage et la force d’enfoncement

Far cos ρ sin (ρ 0 ± β ) µ ± tan β


= = 0 (10.157)
F cos ρ 0 sin (ρ + β ) µ + tan β

La force d’arrachage est supérieure à la force d’enfoncement lorsque

µ 0 ± µ > 2 tan β (10.158)

Un coin est dit coincé lorsqu’il faut lui appliquer une force pour le retirer. Il est
intéressant de remarquer que le coincement serait inexplicable si on ne raisonnait pas
avec des pièces déformables. A contrario, le coincement prouve que les pièces subis-
sent toujours des déformations et ne doivent jamais être considérées comme infiniment
rigides. Le coincement s’utilise largement dans les assemblages pour s’opposer au
desserrage spontané: goupilles coniques, clavettes à pente, emmanchements coniques
(cône morse).
Dans le cas où β > ρ 0 , les résultantes RI′ et RII′ repoussent le coin jusqu’à ce que
les pièces se détendent et que les forces normales s’annulent. Le coin reprend sa posi-
tion initiale.
Lorsque β = ρ 0, il y a imminence de glissement.

10.8 CHAÎNES CINÉMATIQUES

10.8.1 Chaînes séries


Une chaîne cinématique série est composée de n mécanismes élémentaires qui
agissent l’un sur l’autre selon le schéma de la figure 10.92. Décrivons les caractéris-
tiques globales en fonction des caractéristiques de chacun des mécanismes.
Chapitre 10 Page 505 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 505

q̇ 1 L1 q̇ 2 L2 q̇ i Li q̇ n Ln q̇ n + 1

Q1 η1 Q2 η2 Qi ηi Qn ηn Qn + 1

P1 P2 Pi Pn Pn + 1

Fig. 10.92 Chaîne cinématique série.

Rapport de vitesses
La vitesse de sortie d’un organe étant égale à la vitesse d’entrée du suivant, on a
immédiatement le rapport de vitesses de la chaîne

q«1 q«1 q«2 q«n


= ...
q«n + 1 q«2 q«3 q«n + 1
et
n
i = i1 i2 ... in = ∏ ii (10.159)
1

Le rapport de vitesses d’une chaîne cinématique série est égal au produit des
rapports de vitesses de ses organes.
En faisant appel aux fonctions d’espace, on peut aussi écrire

1 1 1 1
i = ... = n (10.160)
L1′ L2′ Ln′
∏ Li′
1

Rapport d’efforts

Qn + Q2 Q3 Q
1
= ... n + 1
Q1 Q1 Q2 Qn

n
iQ = iQ1 iQ2 ... iQn = ∏ iQi (10.161)
1

Le rapport d’efforts d’une chaîne cinématique série est égal au produit du rap-
port d’efforts de ses organes.

Rendement

Pn + P2 P3 P
η = 1
= ... n + 1
P1 P1 P2 Pn
n
η = η1 η2 ... ηn = ∏ ηi (10.162)
1
Chapitre 10 Page 506 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

506 CONCEPTION DES MACHINES

Le rendement global d’une chaîne cinématique série est égal au produit du ren-
dement de ses organes.

Comportement
Il résulte du théorème du rapport des vitesses que le comportement d’une chaîne
cinématique série est:
• positif si tous ses organes sont positifs;
• non positif si au moins un organe est non positif.

Cette dernière constatation explique pourquoi il suffit d’insérer un accouplement


de sécurité dans une chaîne cinématique série pour protéger tous les organes de la
chaîne contre les surcharges.

10.8.2 Chaînes parallèles bouclées


Ces chaînes cinématiques comportent deux ou plusieurs voies en parallèle pour la
transmission de puissance et forment des boucles fermées. La séparation ou la somma-
tion de puissance implique toujours au moins trois éléments mobiles, le plus souvent
trois arbres. On distingue deux types de nœuds:
• Nœud à contrainte statique. Les efforts sur les trois éléments mobiles obéissent
à des relations fixées par la géométrie, mais les vitesses sont libres. La figure
10.93 montre le symbole utilisé et un exemple de construction (différentiel).
• Nœud à contrainte cinématique. La géométrie fixe impérativement les relations
entre les vitesses des trois éléments mobiles (fig. 10.94); mais les efforts sont
libres, si ce n’est qu’ils doivent satisfaire les conditions d’équilibre.

2 3
2 2
1 1
1 1

3 3 3

(a) (b) (a) (b)

Fig. 10.93 Nœud à contrainte statique: (a) symbole; Fig. 10.94 Nœud à contrainte cinématique: (a) symbole;
(b) engrenage épicycloïdal. (b) engrenage

I I I I
1 2 1 2 1 2 1 2

II II II II
C1 C2 C3 C4

Fig. 10.95 Combinaison de nœuds.


Chapitre 10 Page 507 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 507

Ces nœuds permettent quatre combinaisons pour la constitution d’une transmis-


sion de puissance à deux voies (fig. 10.95):
• C1 Répartition de puissance et d’effort définie, le système est irréversible
si l’une des deux voies seulement est autobloquante dans les sens 2–1.
Les rapports de transmission iI et iII sont a priori quelconques.
• C2 Répartition de puissance et d’effort définie. N’est irréversible que si
les deux voies le sont, iI et iII sont quelconques.
• C3 Ne fonctionne pas, car il existe un degré de liberté interne qui ne per-
met pas la transmission d’effort.
• C4 Système hyperstatique intérieur. Les rapports de transmission iI et iII
doivent être égaux. La répartition d’effort et de puissance dépend de la
rigidité de chaque voie, de la précision de fabrication et de montage
(§ 8.4.5).

PA K1PA PB
η1

K2PA
η2

KnPA
ηn

Fig. 10.96 Répartition de puissance dans une chaîne parallèle.

Par définition, le facteur de distribution de puissance d’une voie est la part de la


puissance motrice totale transmise par cette voie

Pi
Ki = (10.163)
PA

avec naturellement

n
∑ Ki = 1 (10.164)
1

La figure 10.96 montre immédiatement que le rendement global de transmission


vaut

PB n
η = = η1 K1 + η2 K2 + ... = ∑ ηi Ki (10.165)
PA 1

Si les rendements sont tous égaux, on a


Chapitre 10 Page 508 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

508 CONCEPTION DES MACHINES

η = η1 = η2 = ... = ηi (10.166)

quelle que soit la répartition de puissance.


Dans un système à deux voies, K2 = 1 ± K1 , alors

η = η1 K1 + η2 K2 = η2 + ( η1 ± η2 ) K1 (10.167)

3
4 9

7 8
η1 A B
K1PA
1
PA PB
2 5 6
η2
K2PA

Fig. 10.97 Chaîne à deux voies, voie (1) irréversible. Fig. 10.98 Transmission selon la figure 10.97.

Les mécanismes irréversibles, vis sans fin ou certains trains épicycloïdaux, ont un


rendement inférieur à 50% dans le sens direct. Lorsqu’il s’agit d’économiser de l’éner-
gie, par exemple en cas de commande manuelle ou d’alimentation par batterie, on
choisit un montage selon le schéma 10.97. Dans le sens direct, la puissance emprunte
principalement la voie ayant un bon rendement. Admettons, par exemple,
K1 = 0, 33; η1 = 0, 4; η2 = 0, 95 qui donne le rendement direct η = 0,77; on voit
l’amélioration considérable obtenue. Le système est irréversible car la voie (1) bloque
la transmission rétrograde. [10.9] décrit un mécanisme à deux trains épicycloïdaux
couplés (fig. 10.98) structuré selon le schéma envisagé. Un premier train épicycloïdal
dont la raison (définie au paragraphe 12.5.6) est négative répartit la puissance entrant
par la couronne (2) entre le bras (4) et le planétaire (1). Ce dernier anime un second
train épicycloïdal à raison positive, irréversible, formé des couronnes (5), (6) et du
satellite double (7), (8).

10.8.3 Chaînes ramifiées


Les nœuds des chaînes cinématiques ramifiées (fig. 10.99) sont forcément tou-
jours du type à contrainte cinématique. Les puissances de sortie de chaque voie sont
imposées par le récepteur qu’elles animent. La puissance totale requise à l’entrée est

n
∑ ηii
P1 P P
PA = + 2 + ... = (10.168)
η1 η2 1
Chapitre 10 Page 509 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 509

P1
------
PA η1
η1 P1

P2
------
η2
η2 P2

Pn
------
ηn
ηn Pn

Fig. 10.99 Chaîne ramifiée.

Le rendement global se calcule comme pour les chaînes parallèles.

10.9 CONCLUSIONS PRINCIPALES

Tout mécanisme possède au moins un élément menant par lequel entre de l’éner-
gie mécanique et au moins un élément mené. Il est dit de transmission lorsque le mou-
vement de sortie est de même nature que le mouvement d’entrée, il transforme le mou-
vement lorsque ces mouvements sont différents.
Dans un couple cinématique, la composante de la vitesse de l’élément menant
normale au plan tangent commun au point de contact est intégralement transmise à
l’élément mené. La composante tangentielle de la vitesse menante donne éventuelle-
ment lieu à du glissement. Une force de contact est transmise dans les limites permises
par le frottement. La force de frottement appliquée à l’élément mené est toujours diri-
gée dans le même sens que la vitesse de glissement de l’élément menant par rapport à
l’élément mené.
La puissance transmise dans un couple cinématique est inférieure à la puissance
fournie s’il existe un glissement relatif; la perte est égale à la puissance de la force de
frottement. On réduit les pertes en diminuant le glissement et le frottement, notam-
ment en remplaçant les contacts glissants par des contacts roulants, et en lubrifiant les
surfaces.
Dans l’intérêt d’un bon comportement dynamique, éviter tout choc et saccade des
mouvements, mais on peut parfois accepter de petites variations brutales du jerk.
Le rapport de vitesses d’un mécanisme est, par définition, le rapport de la
vitesse de l’élément d’entrée à celle de l’élément de sortie. On lui donne le nom de
rapport de transmission si les mouvements sont de même nature. On appelle méca-
nismes uniformes ceux dont le rapport de vitesses est constant quelle que soit la
position de l’élément d’entrée ; ils sont dits non-uniformes si le rapport de vitesses
varie.
Par définition, le rapport d’efforts est le rapport de l’effort transmis à la sortie à
l’effort appliqué à l’élément d’entrée. Le rapport des efforts cinétostatiques tient
Chapitre 10 Page 510 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

510 CONCEPTION DES MACHINES

compte des efforts d’inertie et dépend des accélérations; le rapport des efforts sta-
tiques les néglige, il est valable seulement au repos ou avec des mouvements uni-
formes.
Dans les transmissions non positives, le rapport des efforts statiques est égal
au produit du rendement statique par le rapport de transmission géométrique. Dans
les transmissions positives, il est égal au produit du rendement par le rapport de
vitesses.
L’étude énergétique d’un mécanisme conduit à distinguer les efforts actifs,
moteurs ou résistants, et les efforts passifs qui ne travaillent pas. Dans un système
isolé, la puissance entrant dans un mécanisme est positive, celle qui en sort est néga-
tive.
Le rendement énergétique d’un système est le rapport de l’énergie utile qu’il
fournit à l’énergie qu’il faut lui fournir. D’une manière générale, il existe des pertes
qui augmentent avec la vitesse et d’autres avec l’effort fourni. Du fait de pertes indé-
pendantes de l’effort, le rendement d’un mécanisme est d’autant plus faible qu’il est
moins chargé.
Il existe quatre méthodes de calcul du rendement. Celle qui est basée sur le calcul
du rapport de la puissance réelle à la puissance sans perte met en lumière les sources
de pertes dans les mécanismes non positifs: le frottement et le glissement. Le rende-
ment d’un mécanisme est égal au produit du rendement statique par le rendement ciné-
matique.
L’étude analytique du rendement peut révéler des conditions de fonctionnement
particulières. Un rendement négatif signifie que le mécanisme est en état d’autofrei-
nage ou qu’il libère plus d’énergie stockée qu’il n’en dissipe et fournit à la sortie. Un
rendement supérieur à l’unité correspond à une inversion du flux d’énergie par rapport
au sens initialement admis ou signifie que le mécanisme libère plus d’énergie stockée
qu’il n’en dissipe, mais moins qu’il n’en fournit à la sortie.
Un mécanisme est dit positif lorsque tous ses couples cinématiques transmettent
les forces par obstacle. Son rapport de vitesses ne dépend que de la géométrie, il est
indépendant de la charge. Le rapport d’efforts et le rendement ne dépendent que du
frottement et de la géométrie, ils sont indépendants de la charge. L’effort maximal
transmissible est limité par la résistance des pièces.
Un mécanisme est dit non positif, si au moins un de ses couples cinématiques
actifs transmet la force motrice par frottement. Le rapport de vitesses dépend de la
géométrie et du glissement, il augmente avec la charge transmise. Le rapport
d’efforts et le rendement dépendent de la géométrie et de la charge. Le rendement
est nul à vide, passe par un maximum et s’annule en cas de patinage. L’effort de sor-
tie est limité par le patinage, mais le patinage use les pièces et échauffe le méca-
nisme.
Un mécanisme affecté par un effort de frottement constant reste bloqué tant que
son effort moteur est insuffisant. Ce problème est aigu dans les engrenages multipli-
cateurs de vitesse, il a nécessité le développement d’une technologie particulière en
horlogerie.
Il existe des cas dans lesquels le frottement est tellement renforcé par l’effort
d’entrée (contre-réaction positive) que le mécanisme est autobloqué, il reste immo-
bile quelle que soit l’intensité de l’effort moteur. Ainsi s’explique l’arc-boutement
Chapitre 10 Page 511 Lundi, 6. f vrier 2006 2:53 14

MÉCANISMES 511

rencontré dans les guidages, dans les paliers ou dans certains montages de vérins.
L’arc-boutement est mis à profit dans des modèles de roues libres et dans des
assemblages.
Le coincement de certains éléments de machines ne peut s’expliquer que par des
modèles tenant compte de la déformation des pièces.
Chapitre 11 Page 513 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

CHAPITRE 11

AMPLIFICATION

11.1 INTRODUCTION

Ce chapitre traite l’amplification mécanique des mouvements et des efforts.


L’amplification du mouvement se rencontre surtout en microtechnique. On se propose
de montrer les phénomènes qui limitent les gains, principalement le frottement, et les
conséquences constructives qui en découlent.
Le chapitre est structuré comme suit:
• Section 11.2 Définition, principes généraux.
• Section 11.3 Amplification passive de mouvement par leviers ou engre-
nages.
• Section 11.4 Amplification passive d’efforts par divers mécanismes.
• Section 11.5 Etude de l’auto-assistance et de quelques applications.
• Section 11.6 Présentation succincte de l’amplification active.
• Section 11.7 Analyse de mécanismes démultiplicateurs de mouvements à
éléments élastiques.
• Section 11.8 Conclusions principales.

11.2 GÉNÉRALITÉS

Définitions
Un amplificateur mécanique est destiné à amplifier un effort ou un mouvement.
Un effort Q1 appliqué à l’entrée d’un système effectue le mouvement q1 ; l’effort de
sortie Q2 effectue le mouvement q2. On définit:
• le gain de mouvement
dq2 dq«2
Gq = = (11.1)
dq1 dq«1

• le gain d’effort

dQ2
GQ = (11.2)
dQ1
Ces gains sont identiques à des sensibilités, ils sont adimensionnels si les mou-
vements d’entrée et de sortie sont de même nature. Lorsque la loi d’espace du méca-
nisme est linéaire, on a aussi
Chapitre 11 Page 514 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

514 CONCEPTION DES MACHINES

q2 q«2
Gq = = (11.3)
q1 q«1
et
Q2
GQ = (11.4)
Q1

Une grandeur est amplifiée si son gain est supérieur à l’unité, elle est affaiblie s’il
est inférieur. Compte tenu des définitions du rapport de vitesses i (10.52) et du rapport
d’efforts iQ (10.62), on a encore les relations

1
Gq = (11.5)
i
et
GQ = iQ (11.6)

Ces relations permettraient en principe de traiter les problèmes d’amplification


uniquement à l’aide des rapports de transmission ou d’efforts, mais la notion de gain
est souvent plus pratique, spécialement dans la théorie des servomécanismes.
Du point de vue énergétique, on distingue les amplificateurs passifs et les ampli-
ficateurs actifs.

Amplificateur passif
Un amplificateur est dit passif lorsque l’énergie n’est fournie que par l’élément
d’entrée (fig. 11.1). Son rendement instantané vaut

P2 q«2 Q2 cos α 2
η = =
P1 q«1 Q1 cos α1

où α1 est l’angle de pression de l’effort Q1 et α 2 celui de Q2 .


Avec les définitions ci-dessus et avec les angles de pression nuls, ou égaux,

η = Gq GQ (11.7)

Dans un amplificateur mécanique passif, le rendement est égal au produit du gain


de mouvement par le gain d’effort. Le rendement étant toujours inférieur à l’unité, la
puissance transmise par un amplificateur passif est toujours affaiblie. Il découle de ce
théorème qu’il est impossible d’amplifier à la fois le mouvement et l’effort, ce que
savaient déjà les anciens qui inventèrent ce qu’on appelait alors les machines simples
pour multiplier l’effort humain ou animal au détriment du mouvement.
L’amplification de mouvement est limitée par le phénomène d’arc-boutement
(§ 10.7.3) et par l’intensité de l’effort disponible à l’entrée. En revanche, l’amplifica-
tion des efforts est en principe illimitée, si ce n’est par la résistance des pièces des
mécanismes.
Chapitre 11 Page 515 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 515

Amplificateur actif
Un amplificateur actif est un système auquel de l’énergie est fournie par une
source auxiliaire (fig. 11.2). Sa puissance Pa est généralement beaucoup plus grande
que la puissance apportée par l’élément d’entrée. On peut considérer que ce dernier
devient alors simplement un organe de commande de la puissance auxiliaire. Par
exemple, la main du timonier commande un servomoteur capable d’appliquer un
énorme effort au gouvernail et de lui fournir une grande puissance.

Pp Pp
q1 q2
q1 q2
Q1 Q2
Ł Q1 Q2
P1 P2 P1 P2

Pa

Fig. 11.1 Schéma d'un amplificateur passif. Fig. 11.2 Schéma d'un amplificateur actif.

On dit qu’une commande est assistée lorsque la source auxiliaire décharge l’élé-
ment de commande, souvent la main humaine, sans modifier le mouvement. Ainsi,
dans une direction assistée de véhicule, l’effort appliqué par le mécanisme aux roues
directrices est plus grand que l’effort fourni par le conducteur, mais ce dernier doit
tourner le volant du même angle que s’il n’y avait pas d’assistance pour effectuer un
virage.

Auto-assistance
L’amplification de forces est facilitée par l’utilisation d’un effet de la force de
sortie pour renforcer l’action de la force de commande. Ce principe d’auto-assistance
sera examiné à la section 11.5.

11.3 AMPLIFICATION PASSIVE DE MOUVEMENT


11.3.1 Leviers
Genres de leviers
Etudions l’amplification d’un levier droit en supposant, pour simplifier l’écriture,
que les forces d’entrée et de sortie sont toutes deux perpendiculaires au levier. Rappe-
lons qu’on distingue trois genres de leviers selon la position relative des points
d’application des forces et du point d’articulation au bâti (fig. 11.3). La figure donne
les domaines correspondants du rapport de transmission et du rapport de force.

Centre de rotation
Un levier est appliqué contre son axe par une force Fc (fig. 11.4). Admettons qu’il
tourne d’un angle suffisamment grand pour que cette force soit tangente au cercle de
frottement de rayon rf . On peut se demander si, en poursuivant son mouvement, le
levier tourne autour du centre O de l’axe ou autour du point de contact C.
Chapitre 11 Page 516 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

516 CONCEPTION DES MACHINES


F2 a b
F1
(a) i < 0 F2 / F1 < 0

a
F1
(b) i > 1 F2 / F1 > 1
b –
F2

a
F1

(c) 0 < i < 1 0 < F2 / F1 < 1


F2–
b

Fig. 11.3 Les trois genres de leviers: (a) 1er genre; (b) 2e genre; (c) 3e genre.

La vitesse d’un point quelconque D par rapport à l’axe est égale à la vitesse du
point de contact C à laquelle s’ajoute la vitesse relative de D par rapport à C, soit

vD = vC + vDC = ø × rC + ø × R = ø × ( rC + R)

Or

rC + R = RD
donc
vD = ø × RD (11.8)

On voit que le levier et le point de contact C tournent autour du centre de l’axe.

rf FC

C R D
vC
rC
RD
O vDC vD

vC

Fig. 11.4 Rotation d'un levier autour d'un axe avec jeu.
Chapitre 11 Page 517 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 517

Rendement
Levier du troisième genre
Dans un levier du 3e genre (fig. 11.5), a < b et F1 > F2 . Par conséquent, la force
motrice F1 appuie le levier contre l’axe comme indiqué dans la figure. Le gain de force
résulte de l’équilibre des moments par rapport au point C:

F2 a ± rf
GQ = = (11.9)
F1 b ± rf

Puisque le levier tourne autour du centre de l’axe, son gain de mouvement vaut

b
Gq = (11.10)
a

Calculons le rendement par (11.7), on trouve

b a ± rf
η = Gq GQ = (11.11)
a b ± rf

a F1

rf

Fc– F2–
b

Fig. 11.5 Levier du 3e genre.

η = 1 lorsque a = b ou Gq = 1, parce que Fc = 0 et le frottement est nul. Le


levier ne joue plus que le rôle d’un bras de guidage.
η ≤ 0 pour a ≤ rf. Le levier est autobloqué du fait de l’arc-boutement de l’articu-
lation (§ 10.7.3). Le gain maximal limite est alors

b
Gq max = (11.12)
rf

Levier du premier genre


Selon la figure 11.3(a), ce levier se ramène à celui du 3e genre en remarquant que
F2 est situé de l’autre côté de l’articulation. Il suffit de changer le signe devant b dans
les expressions (11.9) et (11.10) pour trouver les gains:
Chapitre 11 Page 518 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

518 CONCEPTION DES MACHINES

a ± rf a ± rf
GQ = ± = (11.13)
b + rf b + rf

b b
Gq = ± = (11.14)
a a

Les signes moins expriment le fait que F1 et F2± agissent dans le même sens, tan-
dis que F2 et les mouvements sont de sens opposés. On obtient le rendement

b a ± rf
η = (11.15)
a b + rf
b
Il y a autoblocage pour a ≤ rf ou Gq ≥
rf

Levier du deuxième genre


Dans un levier du 2e genre (fig. 11.6), a > b et F2 > F1. La force résistante appuie
le levier contre l’axe et la rotation provoquée par la force motrice met le point de con-
tact C dans la position indiquée. Les gains et le rendement valent:

a + rf
GQ = (11.16)
b + rf

b
Gq = (11.17)
a

b a + rf
η = (11.18)
a b + rf

rf a
F1

Fc–

b
F2–

Fig. 11.6 Levier du 2e genre.

Le rendement est égal à l’unité pour Gq = 1 ou a = b ; il est toujours positif et ne


s’annule jamais; aucun autoblocage est à craindre.
Chapitre 11 Page 519 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 519

Résumé
Au vu de la figure 11.7 et des développements ci-dessus, on tire les conclusions
suivantes:
• il n’y a jamais d’arc-boutement avec un levier démultiplicateur de vitesse
(0 < Gq < 1) ;
• l’autoblocage ne se produit qu’en cas de multiplication de vitesse, lorsque
b
Gq = ≥
rf
• il faut minimiser le frottement pour pouvoir amplifier fortement le mouvement
(pivots à pointe, couteaux, articulations élastiques);
• on a avantage à travailler avec de grands bras, (a >> rf et b >> rf );
• à gain égal, des leviers du 2e ou du 3e genre offrent un rendement plus grand
qu’un levier du premier genre.

η 2e genre

1 3e genre
1
1 + rf /b 1er genre

Gq
0 1
b
rf

Fig. 11.7 Rendement de leviers en fonction du gain de mouvement.

On est pessimiste en calculant le rayon de frottement avec la valeur du coefficient


de frottement au repos.

11.3.2 Engrenages
Train fixe
L’engrenage multiplicateur de vitesse a déjà été étudié au paragraphe 10.7.2. Son
gain de mouvement

ω2
Gq =
ω1
est limité par le frottement susceptible de bloquer le mécanisme. Le gain praticable est
donné par (10.141), il vaut

 d  ηe M1
Gq <  1 ± µ 0′  (11.19)
 d1 cos α  Μ + µ ′ d G
e 0
2
Chapitre 11 Page 520 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

520 CONCEPTION DES MACHINES

La figure 10.66 explicite les symboles de cette formule. Le gain maximal, lorsque
le couple d’entraînement Me est nul, vaut

 d  ηe M1
Gq max = 2  1 ± µ 0′  (11.20)
 d1 cos α  µ 0′ d G

Il est limité par le couple moteur M1 disponible à la roue. Les mesures construc-
tives permettant d’accroître le gain ont déjà été discutées (§ 10.7.2).

Trains épicycloïdaux
De nombreux ouvrages traitent la théorie des engrenages épicycloïdaux, par
exemple [11.1].
La figure 11.8 montre un exemple de train épicycloïdal ayant une raison positive,

z2 z 4
i0 = (11.21)
z1 z3

En l’entraînant par le planétaire central, le porte-satellites tourne plus vite, avec le


gain de vitesse

ωb 1 1
Gq = = = (11.22)
ω1 i 1 ± i0

Il tourne dans le même sens que l’arbre menant si i0 < 1.

z3
z2
mI mII

d1 b
1
d4
z4

z1

Fig. 11.8 Train épicycloïdal positif.

Le rendement de transmission étant η0 lorsque le porte-satellites est fixe, on


démontre que le rendement de ce train épicycloïdal vaut, pour i0 < 1,

1 ± i0 η0
η =
1 ± i0
= Gq ± Gq ± 1
1
η0
( ) (11.23)
Chapitre 11 Page 521 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 521

On constate qu’il diminue lorsque le gain augmente. A la limite de l’autoblocage,


η = 0 pour

1
Gq max = (11.24)
1 ± η0

– Fb
F1


F4
d4
d1

Fig. 11.9 Levier équivalent au satellite du train épicycloïdal de la figure 11.8.

Afin de comprendre le mécanisme de l’autoblocage, calculons la valeur de la rai-


son du train qui le provoque.Selon (11.23), on a i0 = η0 , c’est-à-dire que la raison est
peu inférieure à l’unité. Quelle est la géométrie correspondante? L’égalité de l’entraxe
des deux engrenages s’exprime par

mI ( z1 + z2 ) = mII ( z3 + z4 )

où mI est le module du premier engrenage et mII celui du second. Introduisons z2 tiré


de cette équation dans l’expression (11.21) de la raison, puis, après quelques transfor-
mations, on obtient

d1 z3 + z4
=
d4 η0 z3 + z4

La fraction est très peu supérieure à l’unité parce que η0 est de l’ordre de 0,99,
donc d1 est légèrement supérieur à d4 . Remplaçons le satellite double par un levier
équivalent (fig. 11.9). Du 3e genre, il est en situation d’arc-boutement lorsque F1 est
pratiquement en face de F4± .
Dans le cas où d1 < d4 , i0 > 1 et le porte-satellites tourne en sens opposé à
celui de ω1. Il y a autoblocage lorsque i0 = 1 / η0 . Finalement, le train épicycloïdal
de la figure 11.8 permet les gains de vitesse

Gq < Gq max =
1
si d1 > d 4 
1 ± η0 
 (11.25)
η0 
Gq < Gq max = ± si d1 < d 4 
1 ± η0 
Chapitre 11 Page 522 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

522 CONCEPTION DES MACHINES

Le train est autobloqué lorsque

1
η0 ≤ i0 ≤ (11.26)
η0

Les trains épicycloïdaux de raison négative ne présentent aucun risque d’auto-


blocage, mais ils ne permettent pas de grands gains de vitesse.

11.4 AMPLIFICATION PASSIVE D’EFFORTS

11.4.1 Leviers, engrenages


L’utilisation de leviers pour amplifier une force est bien connue. Selon l’étude
présentée au paragraphe 11.3.1, seuls les leviers des 1er et 2e genres se prêtent à
l’amplification de forces; leur gain est donné par (11.13) et (11.16).
Les réducteurs à engrenages servent souvent à multiplier le couple moteur. Le
gain de couple est égal à la valeur absolue du produit du rapport de transmission par le
rendement global de l’appareil (10.131)

GQ = η i (11.27)

On ne peut amplifier le couple qu’en réduisant la vitesse.


Le gain d’effort de ces mécanismes est en principe illimité, si ce n’est par la
résistance mécanique des pièces.

11.4.2 Coins
Les propriétés d’amplification de force et de démultiplication du mouvement des
mécanismes à coin sont mises à profit dans des dispositifs de réglage précis de la posi-
tion de lourdes charges, par exemple pour positionner et niveler des machines. La
figure 11.10 représente le mécanisme de réglage de la position d’un palier, sa sen-
sibilité est encore améliorée en ajustant le coin par une vis de mouvement.
Le coin (2) glisse sur la plaque d’appui (1) et sous le coulisseau (3) avec les
réactions R1± et R2± qui tiennent compte du frottement (fig. 11.10b). Cette dernière
force est égale à la somme de la charge F2± et de la réaction R3± du bâti qui s’opposent
à la montée du coulisseau. En exprimant l’équilibre des forces (fig. 10.10c), on obtient
le gain de force

F2 1 ± µ 3 tan (α + ρ2 )
GQ = = (11.28)
F1 µ1 + tan (α + ρ2 )

Lorsque ρ1 = ρ2 = ρ3 = ρ , il vient

1
GQ = (11.29)
tan (α + 2ρ )
Chapitre 11 Page 523 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 523

3
2

(a) 1
ρ3

F2– R3
ρ2 –
R1
R2–


R3
F2– α + ρ2 ρ1

R–
2
F1 ρ3
α

– F1
ρ1 R1
(b) (c)

Fig. 11.10 Mécanisme de réglage de la position d'un palier: (a) vue d'ensemble; (b) forces appliquées aux
pièces; (c) polygone des forces.

En l’absence de frottement, le gain maximal vaudrait


1
GQ max =
tan α
Dans le cas particulier où α = 0, le coulisseau reste immobile de sorte que ρ3 = 0.
Il n’y a plus amplification de force à proprement parler, mais la force nécessaire pour
faire glisser la lame vaut

F1 = ( µ1 + µ 2 ) F2

11.4.3 Genouillères
Gain de forces
Une genouillère est constituée de deux bielles articulées en A, B, C (fig. 11.11).
L’une des bielles actionne souvent un coulisseau, comme dans la figure, ou un bras.

F1

2 B 3
a b C

A ϕ β F2

Fig. 11.11 Genouillère à coulisseau.


Chapitre 11 Page 524 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

524 CONCEPTION DES MACHINES

Calculons la force F1 nécessaire à l’articulation B pour obtenir la force F2 au cou-


lisseau. La force motrice fait tourner la bielle (2) dans le sens ω indiqué (fig. 11.12a).
Alors la ligne d’action de la force transmise par chaque bielle est tangente intérieure
aux cercles de frottement des articulations, elle est inclinée d’un angle ψ a par rapport
à la ligne des centres (fig. 11.12b). Cette figure donne la relation

rA + r B
sin ψ a = (11.30)
a

De même, pour la bielle (3),

r B + rC
sin ψ b = (11.31)
b

L’équilibre des forces appliquées à l’articulation B s’exprime par (fig. 11.12c)

F2 = Fa cos ( ϕ + ψ a ) = Fb cos (β + ψ b )
et
F1 = Fa sin ( ϕ + ψ a ) + Fb sin (β + ψ b )

(a) F1

B
2 3

x b
A a ϕ C
β F2–

1 D
Fb
Fa
Fa

rB
ϕ+ψa
ψa F2–
B
β+ψb
F1
Fb
a
A
(b) rA 2 (c)

Fig. 11.12 Equilibre d'une genouillère: (a) schéma statique; (b) bielle (2) isolée; (c) équilibre des forces.

Les genouillères fonctionnent généralement avec de petits angles, alors

cos ( ϕ + ψ a ) ≈ cos (β + ψ b ) ≈ 1 et Fa ≈ Fb ≈ F2 .
Chapitre 11 Page 525 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 525

On obtient

[
F1 = F2 sin ( ϕ + ψ a ) + sin (β + ψ b ) ]
Développons les sinus et assimilons les cosinus à l’unité

F1 = F2 (sin ϕ + sin β + sin ψ a + sin ψ b ) (11.32)

En considérant les triangles ADB et CDB, on peut écrire

x = a sin ϕ = b sin β

Posons le rapport de bielle

a
λ = (11.33)
b

Alors

sin β = λ sin ϕ

Introduisons cette relation dans (11.32), avec (11.30) et (11.31), il vient

 rA + r B r B + rC 
F1 = F2 (1 + λ ) sin ϕ + +  (11.34)
 a b 

Appelons d le diamètre d’un tourillon; avec µ ′ , son coefficient de frottement


équivalent, (8.104) donne le rayon de son cercle de frottement

1
r = µ′d
2

Les articulations ont souvent le même diamètre, par conséquent, les trois rayons
de frottement sont égaux et (11.34) devient

F1 = F2 (1 + λ )  sin ϕ + µ ′ 
d
 a
x
En outre, sin ϕ = , alors
a

F1 = F2 (1 + λ )  + µ′ 
x d
(11.35)
a a
Chapitre 11 Page 526 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

526 CONCEPTION DES MACHINES

Le gain d’effort vaut finalement

F2 a
GQ = = (11.36)
F1 (1 + λ )(x + µ ′d)

L’amplification de force est la plus forte lorsque x = 0, c’est-à-dire lorsque les


bielles sont alignées. Elle est limitée par le frottement dans les articulations.

Mécanisme déformable
Calculons maintenant le déplacement x de la force motrice nécessaire pour que le
point C de la genouillère bouge d’une quantité y (fig. 11.13). Lorsque les barres sont
alignées, non chargées, le point C se trouve dans la position extrême C1 . Appliquons
maintenant la charge F2. Elle comprime les bielles de la quantité

F2
f =
k

où k est la rigidité axiale de la genouillère; le point mobile vient en C©


1. Dans sa posi-
tion de départ, le point B doit se trouver à une distance x de la ligne de base telle que
le point C effectue la course théorique y + f. Par des considérations géométriques, on a

f + y = a + b ±  a2 ± x 2 + b2 ± x 2 
 

Développons les racines en série et ne conservons que les deux premiers termes
parce que x 2 << a 2 et x 2 << b 2. Il vient

2a
x ≈ ( f + y) (11.37)
1 + λ

B
b
a
x
A C C'1 C1 F2–
B1

y f

Fig. 11.13 Mouvement d'une genouillère avec déformation.

Introduisons cette valeur dans l’expression (11.36) du facteur d’amplification de


force. On obtient

1
GQ =
f + y d (11.38)
2 (1 + λ ) + µ ′ (1 + λ )
a a
Chapitre 11 Page 527 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 527

On voit que le gain est limité, non seulement par le frottement dans les articula-
tions mais aussi par la déformation des pièces. Ce dernier effet est important. Par
exemple, pour λ = 1; µ ′ = 0,2; a = 300 mm; d = 40 mm et une déformation f =
0,5 mm, le gain maximal vaut GQ = 7,4. Si le mécanisme était indéformable, le gain
atteindrait 18,75. La figure 11.14 représente le gain en fonction de la course dans ces
deux cas.

GQ

18,75
18.75 aa == 300
300 mm
mm
dd == 40
40 mm
mm
λλ == 11
indéformable µµ'' == 0.2
0.2
= 0,5
ff = 0,5 mm
mm
7,40
7,40

1,75
1,75
00
00 10
10 20
20 yy [mm]
[mm]
Fig. 11.14 Gain de force d'une genouillère en fonction de la position du coulisseau.

L’examen de la formule (11.38) révèle les mesures à prendre pour accroître le


gain de force:
• diminuer le coefficient de frottement dans les articulations;
• diminuer le diamètre relatif d / a des tourillons;
• diminuer le rapport (1 + λ ) / a ; pour une longueur de genouillère a + b don-
née, ce rapport est le plus petit lorsque λ = 1, c’est-à-dire a = b.

Force motrice
Etudions maintenant l’évolution de la force motrice F1 en fonction de la course.
Supposons tout d’abord que la charge F2 croisse linéairement, depuis zéro lorsque
y = ymax jusqu’à F2 max lorsque y = 0. Nulle au début (fig. 11.15), la force motrice
passe par un maximum, puis décroît lorsque la genouillère se rapproche de l’aligne-
ment.
Dans le cas où la charge est constante, la déformation du mécanisme décale sim-
plement le coulisseau mais ne doit pas être déduite de la course théorique. On pose
alors f = 0 dans les expressions (11.37) et (11.38). La force d’entraînement est grande
lorsque la genouillère est ouverte et diminue de manière monotone jusqu’à l’aligne-
ment des bielles (fig. 11.15).

Applications
Le concasseur représenté à la figure 11.16(a) doit appliquer des forces énormes
sur la mâchoire pour broyer des cailloux ou du minerai. Il comporte deux genouillères
Chapitre 11 Page 528 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

528 CONCEPTION DES MACHINES

F1
F2 max
t
nstan
F 2 co

F2 ~  1 – ----------
y
1/GQ max  y max

y
0 y max

Fig. 11.15 Force motrice d'une genouillère en fonction de la position du coulisseau.

(a)
1
1
F
A
11 B
2
14
D
E 1
5 5
(b) C C'

Fig. 11.16 Concasseur à mâchoire: (a) coupe principale; (b) schéma cinématique.

en série. La première est constituée de la manivelle motrice (11) (fig. 11.16b) (entraî-
née par un moteur et un volant) articulée en B à une bielle (14). La manivelle est réali-
sée sous la forme d’un excentrique parce que son rayon est petit et parce qu’un vile-
Chapitre 11 Page 529 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 529

brequin poserait de gros problèmes de résistance. La bielle entraîne l’articulation


centrale de la seconde genouillère formée par les bielles (5) articulées d’une part au
bâti en D et d’autre part à la mâchoire (2). L’articulation centrale est décomposée en
deux articulations distinctes C et C©pour des raisons de résistance et de construction
des pièces. Le ressort (10) rappelle la mâchoire et maintient toutes les articulations en
contact.
Une genouillère est autobloquée lorsqu’elle se trouve au voisinage de sa position
tendue (fig. 10.85). La figure 11.17 illustre une application à la commande du méca-
nisme chargé d’insérer le fil de trame d’une machine à tisser. Une came (12) est entraî-
née par l’arbre principal (7). Elle agit sur un galet porté par le levier (9a) de la
genouillère et le fait pivoter autour de l’axe (10) fixé au bâti. L’autre bielle (9b), arti-
culée au bras (11), bande la barre de torsion (1) sans que l’effort demandé à l’arbre soit
exagéré.

4 5 2

6
17
1

3
11
9b

12
14

13 10 9a
8
15
16
7

Fig. 11.17 Mécanisme de propulsion du fil de trame d'une machine à tisser (Sulzer).

La genouillère est représentée en position verrouillée; lorsque la came quitte le


contact avec le galet, la genouillère reste bloquée parce qu’elle se trouve au point mort.
Le galet (14) porté par la came repousse ensuite le nez (13) du levier (9a) et rappelle la
genouillère. Dès qu’elle a passé le point d’autoblocage, la barre de torsion (1) est libé-
rée et se détend, le bras (3) entraîne le coulisseau (4) qui propulse le projectile (5) qui
tire le fil de trame dans la chaîne ouverte du tissu.
Chapitre 11 Page 530 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

530 CONCEPTION DES MACHINES

11.4.4 Accroissement du frottement apparent


On sait qu’en cas de glissement (§ 5.3.2), le frottement permet de transmettre la
force tangentielle

T = µN (11.39)

entre deux pièces appliquées l’une contre l’autre par la force normale N. Il est souvent
judicieux d’augmenter la force de frottement sans accroître la charge normale afin de
ménager les autres organes d’un mécanisme. On recourt alors à l’effet de coin qui a la
propriété de renforcer les forces de contact. Un coin (1) est introduit dans une rainure
d’une pièce (2) (fig. 11.18) avec une charge N. Exerçons maintenant sur le coin encore
une force T parallèle à l’arête du dièdre. Elle tend à faire glisser le coin dans la rainure,
par conséquent les forces de frottement qui s’opposaient jusqu’ici à l’introduction du
coin (§ 10.7.6) tournent de 90° et s’opposent maintenant à T et au glissement. Les for-
ces normales aux faces du coin équilibrent à elles seules la charge N, elles valent

N
NI = NII =
2 sin β

et la somme des forces de frottement sur les faces du coin vaut


µ
F = FI + FII = µ NI + µ NII = N
sin β

Par analogie formelle avec (11.39), tout se passe comme si le coefficient de frot-
tement plan avait maintenant la valeur apparente ou équivalente

µ
µ′ = (11.40)
sin β
et alors
T = µ′N (11.41)

N
N

1 – FII–

FI
NI
β NII–
T 2 T


(a) (b)

Fig. 11.18 Coin: (a) sollicitation du coin; (b) coin isolé.

Le coin se comporte donc comme un amplificateur de frottement, par exemple,


pour 2 β = 30°, µ ′ = 3,86 µ .
Chapitre 11 Page 531 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 531

Cet effet est souvent mis à profit, par exemple:


• filets triangulaires des vis pour s’opposer au desserrage spontané;
• courroies trapézoïdales et câbles dans les gorges de poulies pour accroître les
efforts d’entraînement;
• freins et embrayages à cône.

Le coin ne peut remplir correctement sa fonction d’amplificateur de frottement


que si on veille à maintenir du jeu j entre la face du coin et le fond de la rainure
(fig. 11.19a).

N N

N
NI– NII–

(a) j (b)

Fig. 11.19 Effet de l'usure des flancs d'un coin ; (a) neuf; (b) usé.

Le coin s’enfonce progressivement dans la rainure avec l’usure des flancs de ces
pièces. S’il vient porter sur le fond, les flancs sont déchargés et le frottement diminue
très rapidement en permettant le patinage. Ce phénomène s’observe sur les poulies
motrices d’ascenseurs et d’installations à câbles. On est naturellement tenté d’ampli-
fier fortement le frottement en choisissant un angle de gorge 2 β très petit. Il faut
cependant éviter soigneusement de coincer le câble qui se dégagerait mal à sa sortie
des poulies, c’est pourquoi on fait 2 b > 25° pour les poulies à câble et
2 b > 34° … 40° dans les poulies à courroies trapézoïdales.

11.5 ASSISTANCE
11.5.1 Principe
On verra qu’il est souvent avantageux de répartir des fonctions sur plusieurs élé-
ments distincts sans qu’elles s’influencent mutuellement (§ 26.3.3). Il est pourtant par-
fois possible, par des dispositions judicieuses, d’obtenir une influence bénéfique d’un
élément sur un autre. Selon la figure 11.20, la fonction A est renforcée par un effet
secondaire d’une autre fonction B, il y a synergie entre ces fonctions [11.2, 11.3, 11.4].

x + yo+ya
fonction A
± xa

fonction B

Fig. 11.20 Principe d'assistance.


Chapitre 11 Page 532 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

532 CONCEPTION DES MACHINES

La fonction A engendre une grandeur de sortie y0 sous l’effet de la grandeur


d’entrée x, mais la sortie est encore renforcée de la quantité ya provoquée par une
grandeur d’assistance xa dérivée de la fonction B. Afin de quantifier l’effet de
l’assistance, on définit deux grandeurs:
• le degré d’assistance

ya
γ = < 1 (11.42)
y0 + ya

• le gain d’assistance

y0 + ya
Gγ = (11.43)
ya

x + yo+y

± xa

Fig. 11.21 Principe de l'auto-assistance.

Il y a auto-assistance lorsque la grandeur d’assistance xa est induite par la gran-


deur de sortie du mécanisme lui-même (fig. 11.21). On retrouve ici le schéma de prin-
cipe de la régulation avec ses problèmes de stabilité.
Ces dispositifs ont en commun que la grandeur de sortie résulte toujours d’une
grandeur initiale x 0 qui provoque un premier effet, puis de l’action de la grandeur
d’assistance xa . Selon le mécanisme, cette dernière peut renforcer ou au contraire
affaiblir la grandeur de sortie. C’est pourquoi la grandeur xa est pourvue d’un double
signe dans les schémas 11.20 et 11.21. On recherche naturellement une assistance
bénéfique, mais elle est parfois nuisible. Insistons sur le fait que l’auto-assistance
nécessite impérativement la valeur initiale x 0 ; sans elle, le mécanisme ne fonctionne
pas.
Les paragraphes suivants présentent quelques exemples.

11.5.2 Systèmes précontraints


Un couvercle est boulonné sur une bride d’un récipient sous pression
(fig. 11.22a). La poussée statique Fi de la pression charge les vis et diminue le serrage
du joint qui peut se mettre à fuir au-delà d’une certaine limite de pression. Dans une
construction autoclave (fig. 11.22b), la poussée de la pression accroît la compression
du joint en garantissant toujours l’étanchéité; en revanche, les vis sont déchargées.
Dans ce cas, il y a assistance bénéfique de l’étanchéité par la pression selon le schéma
de la figure 11.21. Ces phénomènes sont visibles dans le diagramme de serrage
(fig. 11.23). Le serrage initial F0 est nécessaire pour obtenir la première étanchéité; on
notera qu’il peut être nettement plus petit dans le cas du couvercle autoclave que lors-
Chapitre 11 Page 533 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 533

que le couvercle est boulonné à l’extérieur. Le principe d’auto-assistance est largement


utilisé dans la technique de l’étanchéité: joints à lèvre, garnitures mécaniques
(sect. 22.4).

Fi

(a) (b)

Fig. 11.22 Couvercle de récipient sous pression intérieure: (a) joint déchargé par la pression; (b) construc-
tion autoclave.

F
joint
vis
FJ
∆FJ Fi Fi
F0
∆FJ
FJ'
F0
FJ'
0

cas (b): poussée cas (a): poussée


bénéfique nuisible

Fig. 11.23 Diagramme de serrage des couvercles de la figure 11.22.

Autre exemple, la couronne d’un engrenage conique (fig. 11.24) est assemblée
avec son moyeu par une série de boulons, le couple est transmis par frottement. La
poussée axiale Fa du pignon contribue à presser la couronne contre le moyeu et
augmente la pression de contact nécessaire pour transmettre le couple par frotte-
ment. Si la couronne était montée sur le moyeu du côté opposé, la poussée diminue-
rait au contraire le serrage alors que l’effort périphérique augmente ; il y aurait ris-
que de glissement.
Chapitre 11 Page 534 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

534 CONCEPTION DES MACHINES

Fa

Fig. 11.24 Couronne dentée.

Certains variateurs à friction sont précontraints par un ressort afin de pouvoir


transmettre un couple minimal (fig. 11.25). Le couple est transmis par l’intermédiaire
de billes disposées entre les faces inclinées d’un manchon (7) qui entraîne le plateau
(2). Ces pièces tournent l’une par rapport à l’autre avec l’accroissement du couple,
s’écartent et compriment le ressort en augmentant ainsi automatiquement la pression de
contact sur les roues à friction. Ce dispositif présente l’avantage de ménager les roule-
ments et les éléments principaux du variateur en régime de charge fractionnaire. Sans
cela, il faudrait constamment serrer le système par la force requise pour transmettre le
couple maximal et l’usure des pièces de friction serait considérablement plus forte.

+ρ –ρ

3
5 2
4
1

6 7

Fig. 11.25 Variateur globoïde.

La transmission à courroie système SESPA (fig. 11.26) est un exemple analogue;


elle utilise le couple de réaction du stator du moteur pour tendre la courroie propor-
Chapitre 11 Page 535 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 535

tionnellement à l’effort transmis. Le diagramme 11.27 montre la tension totale TA de


la courroie résultant de la tension initiale T0 et de la tension d’assistance Ta propor-
tionnelle au couple moteur, le degré d’assistance se rapproche de l’unité avec l’aug-
mentation de la charge.

TA 1

Ta

To
M/Mmax
0 1

Fig. 11.26 Transmission SESPA. Fig. 11.27 Degré d'assistance et charge sur les arbres
d'une transmission SESPA.

On décrira au paragraphe 21.4.2 un exemple de système précontraint présentant


une assistance nuisible provoquée par la dilatation thermique.

11.5.3 Freins
Freins à ruban
Dans un frein à ruban élémentaire, l’extrémité du ruban est attachée à un point
fixe du bâti (fig. 11.28). Le dispositif de commande du frein exerce une traction F sur
le brin libre du ruban, la traction sur le brin lié est donnée par la loi d’Euler (§ 5.6.1).
Lorsque la poulie tourne dans le sens de ω ,

T1 = F e µα

et le couple de freinage vaut

Mf 0 =
d
2
d
(
(T1 ± F ) = 2 e µα ± 1 F ) (11.44)

où d est le diamètre extérieur de la poulie. En cas de rotation en sens inverse,

d e µα ± 1
Mf′ 0 = F (11.45)
2 e µα

Le frein à ruban différentiel (fig. 11.29) comporte un levier disposé de manière à


ce que la traction T1 vienne accroître T2 . Le moment de freinage dans le sens de ω vaut
maintenant
Chapitre 11 Page 536 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

536 CONCEPTION DES MACHINES

d e µα ± 1
Mfa = F
2 1 ± a e µα (11.46)
b

Mf1
Mfo α
α

ω
ω
T2
T1 b
T1 T2=F a
F

Fig. 11.28 Frein à ruban. Fig. 11.29 Frein à ruban différen-


tiel.

Ce moment est plus grand que dans le cas du frein élémentaire, car le dénomi-
nateur est inférieur à l’unité. Le levier renforce l’action de F et apporte le gain d’auto-
assistance

Mfa 1
Gγ = =
Mf 0 a µα (11.47)
1 ± e
b

On constate que le dénominateur de (11.46) est nul ou négatif si b ≤ a e µα , ce


qui signifie que le frein est autobloquant, même si F = 0. Le couple de freinage dans le
sens de rotation opposé est faible, soit:

d e µα ± 1
′ =
Mfa F (11.48)
2 e µα ± a
b

Ces propriétés du frein à ruban différentiel permettent de construire des dispo-


sitifs de sécurité antiretour, mais ils dissipent de l’énergie et chauffent dans le sens de
rotation autorisé.

Freins à sabot
Dans un frein à sabot unique et pour le sens de rotation indiqué (fig. 11.30), la
force de frottement µ N concourt au freinage, car son moment par rapport à l’articula-
tion A agit dans le même sens que la force de commande F. En exprimant l’équilibre
du levier isolé, on obtient

b
N = F
b ± µa
Chapitre 11 Page 537 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 537

Mf1

d µN

F F N
ω1
α

b b
a

A A

(a) (b) a

Fig. 11.30 Frein à sabot: (a) schéma; (b) sabot isolé.

et le moment de freinage
d b
Mfa = µF (11.49)
2 b ± µa

Lorsque a = 0, on a simplement

d
Mf 0 = µF (11.50)
2

Le gain d’auto-assistance

b
Gγ = (11.51)
b ± µa
est infini ou négatif, c’est-à-dire que le frein est autobloquant, pour b ≤ µ a ou pour
b
= tan α ≤ µ (11.52)
a

Il faut soigneusement éviter ce phénomène qu’on rencontre aussi dans les


freins à tambour. Les expressions du gain d’auto-assistance contiennent toujours le
coefficient de frottement. Or, comme sa valeur varie dans de larges limites
(§ 2.5.1), les freins pour lesquels le gain d’assistance est élevé présentent un fonc-
tionnement irrégulier et parfois très dur. Il n’est finalement pas très intéressant de
trop augmenter la sensibilité du frein, on se contentera avantageusement d’un gain
relativement faible ou même égal à l’unité. En outre, dans le cas des freins à sabot,
on fait généralement a = 0 afin que le couple de freinage soit indépendant du sens
de rotation.
Chapitre 11 Page 538 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

538 CONCEPTION DES MACHINES

11.6 AMPLIFICATION ACTIVE

Un amplificateur actif comporte toujours une source d’énergie auxiliaire. Nous


nous limiterons ici à des systèmes purement mécaniques; les systèmes faisant appel à
l’électronique, à l’hydraulique ou à la pneumatique sortent du cadre de cet ouvrage.
On peut concevoir un amplificateur de force en se basant sur les propriétés des
rubans enroulés sur les tambours. Un moteur (1) entraîne le tambour (2) sur lequel est
enroulé le ruban (3) (fig. 11.31). En exerçant une force F1 sur une extrémité du ruban,
l’autre est à même d’exercer l’effort

F2 = F1 e µα (11.53)

Le facteur d’amplification de force, égal au gain d’assistance,

GQ = Gγ = e µα (11.54)

augmente très vite avec l’angle d’enroulement α ; c’est pourquoi on donne parfois
plusieurs tours au ruban. Il suffit de détendre le ruban pour annuler les forces. Le frot-
tement du ruban sur le tambour dégage naturellement de la chaleur, c’est pourquoi le
tambour doit tourner lentement.

3
1
F1
2
α
ω
F2

Fig. 11.31 Amplificateur actif de force à ruban.

M
F1 F2

Fig. 11.32 Cabestan.

Un cabestan fonctionne sur ce principe (fig. 11.32).


La figure 11.33 représente un amplificateur de couple bidirectionnel. Un moteur
entraîne les tambours (1) et (2) dans des sens opposés. L’arbre de commande (3) porte
un bras (4) auquel sont attachés des fils (5) et (6) qui entourent les tambours et vien-
nent s’attacher encore au bras (7) porté par l’arbre de sortie (8). Un mouvement de (3)
tend un fil, par exemple (6) qui vient serrer le tambour (2); celui-ci tire sur l’autre bout
Chapitre 11 Page 539 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 539

du fil qui exerce alors sur l’arbre de sortie un couple beaucoup plus grand que celui
appliqué à l’arbre de commande. L’arbre (8) suit fidèlement tous les mouvements de
(3).

4
5 6

1
3 2 8

Fig. 11.33 Amplificateur de couple.

11.7 DÉMULTIPLICATION DE MOUVEMENT

On pourrait s’étonner de voir traiter la démultiplication de mouvement dans un


chapitre consacré à l’amplification, mais ses effets présentent une certaine parenté.

Définition
On désire parfois que le mouvement de sortie q2 d’un mécanisme soit plus petit
que le mouvement q1 de son élément d’entrée. Définissons le rapport de réduction, dit
aussi rapport de démultiplication, ou simplement démultiplication

dq1
Rq = (11.55)
dq2

La démultiplication est égale à l’inverse du gain de mouvement défini par la for-


mule (11.1),

1
Rq = (11.56)
Gq

On admet communément que le gain est supérieur à l’unité. Lorsqu’il est infé-
rieur, on préfère généralement parler de démultiplication ou de réduction, grandeur de
nouveau supérieure à l’unité.
Selon (10.5), on a aussi la relation avec le rapport de vitesse i,

Rq = i (11.57)
Chapitre 11 Page 540 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

540 CONCEPTION DES MACHINES

La démultiplication de mouvement ne présente en principe aucune difficulté. On


utilise des leviers, des engrenages ou des vis de mouvement; il existe des mécanismes
avec des démultiplications extrêmement grandes. En cas de renversement du sens du
mouvement surgissent des difficultés avec les jeux qui rendent les systèmes imprécis.
Les démultiplicateurs à ressorts n’ont pas cet inconvénient.

Démultiplicateurs à ressorts
Deux ressorts de rigidité k1 et k2 sont montés en série (fig. 11.34). Déplaçons le
point A de la quantité q1 , égale à la déformation totale f des ressorts, le point
intermédiaire B effectue le mouvement q2 égal à la déformation du ressort (2). Ce der-
nier déplacement se calcule en fonction du premier à l’aide des formules (6.22) et (6.23):

1 / k2
f2 = f
1 / k1 + 1 / k2

F
q1 = f
A

1 k1

q2 = f2
B

2 k2

Fig. 11.34 Démultiplicateur de mouvement à ressorts.

Le rapport de démultiplication vaut alors

f k
Rq = = 1 + 2 (11.58)
f2 k1

La démultiplication est d’autant plus forte que le ressort (1) est plus souple et que
le ressort (2) est plus rigide. Le mécanisme n’a théoriquement pas de jeu et les deux
ressorts transmettent la même force.

Démultiplicateurs à ressorts et leviers


La figure 11.35 montre un mécanisme à levier du 2e genre combiné avec des res-
sorts. Exprimons le déplacement du point A, qui vient en A©lorsqu’on applique la
force F1. On peut écrire

F1
q1 = i q2 + f1 = i q2 +
k1
Chapitre 11 Page 541 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 541

où i est le rapport de transmission du levier. Le déplacement du point C étant


F2
q 2 = f2 =
k2
on a la réduction, après mise en évidence de i,

q1  F k 
Rq = = 1 + 1 2  i
q2  i F2 k1 

F1 A
a
q1
b f1
A'
F2
C k1 B
D
iq2
C'
q2 B'
2 k2 1

Fig. 11.35 Mécanisme démultiplicateur de mouvement à levier et à ressorts.

La force F1 est motrice; par conséquent, la force au point mené C vaut


F2 = η i F1. Introduisons cette valeur dans l’expression ci-dessus, il vient

 k2 
Rq =  1 +  i (11.59)
 η i 2 k1 

La quantité η i 2 k1 est la rigidité du ressort (1) réduite au point C du levier, cal-


culée avec un modèle cinétostatique (§ 13.7.2). On reconnaît que la parenthèse repré-
sente le rapport de démultiplication obtenu par les ressorts, analogue à l’expression
(11.58), soit

k2
Rqf = 1 + (11.60)
η i 2 k1

On peut finalement écrire le rapport de démultiplication global sous la forme

Rq = Rqf i (11.61)

Il correspond au schéma-bloc de la figure 11.36(a), mise en série d’une trans-


mission rigide et d’un démultiplicateur à ressorts. Ce résultat est généralisable pour
tenir compte de la déformation des amplificateurs.
Chapitre 11 Page 542 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

542 CONCEPTION DES MACHINES

Le gain de force vaut

F2
GQ = = ηi (11.62)
F1

En comparant avec (11.59), on constate que le rapport de réduction d’un


démultiplicateur à ressort est supérieur à son gain de force. Cette propriété est parfois
très utile, comme on le verra dans l’exemple de la commande d’un embrayage. Avec
une transmission indéformable ( k1 = ∞ ) , on aurait

1
Rq = GQ
η

q1 q2 Q1 i Q2
i Rqf η
1 2 1 2
(a) (b)

Fig. 11.36 Schéma-bloc d'une transmission déformable: (a) schéma valable pour les mouvements; (b) schéma
valable pour les efforts.

Sauf cas particulier, par exemple les genouillères, les déformations n’influencent
pas la transmission des efforts. De ce point de vue, un mécanisme déformable peut se
traiter comme s’il était rigide (fig. 11.36b). En revanche, les frottements parasites dans
le mécanisme multiplicateur de force, par exemple dans les articulations, perturbent le
fonctionnement. En effet, à tout changement de tendance de l’évolution de la force
d’entrée, les frottements changent de sens et le levier ne bouge que lorsque le nouvel
équilibre est rompu. Le mouvement q2 suit un cycle de q1 avec hystérésis, comme si le
mécanisme avait du jeu.

Embrayage
Examinons le problème posé par la commande à pied des embrayages des véhi-
cules (fig. 11.37). Le mécanisme se compose de trois leviers disposés en série: la
pédale, le levier d’attaque de la butée et le diaphragme d’appui sur le plateau. La pres-
sion du pied sur la pédale ne devrait pas excéder 100 à 150 N, de sorte qu’il faut une
amplification d’environ 30 à 60 pour vaincre la charge de serrage des garnitures.
Par ailleurs, les garnitures se compriment seulement de 1 à 2 µm lorsque
l’embrayage est serré. En admettant une tringlerie rigide, et compte tenu de l’ampli-
fication par les leviers, le mouvement correspondant de la pédale serait seulement de
l’ordre de 0,1 mm. Il est évident que cette très petite course est incompatible avec la
grande sensibilité nécessaire pour embrayer en douceur; en relâchant la pédale,
l’accouplement du moteur serait immanquablement très brutal. Il s’agit donc d’accroî-
tre considérablement la démultiplication du mouvement sans augmenter la multiplica-
tion de force.
Chapitre 11 Page 543 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

AMPLIFICATION 543

2
1

4
3

moteur

(a) (b)

Fig. 11.37 Embrayage monodisque avec sa commande à pied: (a) embrayé ; (b) débrayé.

F ηiF k1 k2
i
η
1 2
fg
q q/i

Fig. 11.38 Commande élastique d'un embrayage à friction.

La figure 11.38 schématise le mécanisme. Le ressort (2) représente les garnitures.


Introduisons, en série dans la transmission, un ressort (1) dont la rigidité nécessaire
pour obtenir la démultiplication du mouvement voulu peut se calculer par l’équation
(11.59). Cet élément peut se loger en principe en n’importe quel point du mécanisme.

Fig. 11.39 Disque élastique. Fig. 11.40 Disque avec lames-ressorts rapportées.
Chapitre 11 Page 544 Lundi, 6. f vrier 2006 3:04 15

544 CONCEPTION DES MACHINES

Le diaphragme des embrayages modernes présente déjà une certaine souplesse,


mais on assouplit aussi les disques, soit en incurvant les pattes du disque (fig. 11.39),
soit en prévoyant des lames en acier à ressorts spéciaux (fig. 11.40). Ces constructions
contribuent à répartir la pression et l’usure en évitant aussi la fissuration des garnitures
provoquée par un échauffement irrégulier.

11.8 CONCLUSIONS PRINCIPALES

Un amplificateur mécanique est destiné à amplifier un effort ou un mouvement.


On distingue les amplificateurs passifs dans lesquels toute l’énergie est fournie par
l’élément d’entrée et les amplificateurs actifs dans lesquels de l’énergie est fournie par
une source auxiliaire.
Dans un amplificateur mécanique passif, le produit du gain de mouvement par le
gain d’effort est égal au rendement. Le frottement peut provoquer l’autoblocage des
amplificateurs de mouvement passifs et limite leur gain.
Le gain d’effort de mécanismes passifs à levier ou à engrenage est en principe
illimité. En revanche, celui des mécanismes à coin ou à genouillère est limité par le
frottement. Dans le cas des genouillères, le gain de force est encore limité, dans cer-
taines circonstances, par la déformation des pièces. L’effet de coin est mis à profit pour
accroître le frottement apparent des vis dans les écrous, des courroies et des câbles sur
les poulies, des freins et embrayages à cône.
L’autoassistance consiste à renforcer une grandeur par un effet dérivé de cette
même grandeur. Elle est mise à profit pour renforcer l’action d’un paramètre initial ou
d’une grandeur de commande, notamment dans certaines transmissions à courroies et
certains types de freins.
Les démultiplicateurs à ressorts permettent de très grandes démultiplications,
théoriquement sans jeu. Leur rapport de réduction est supérieur à leur gain de force.
3. Bibliographie Page 545 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:03 11

BIBLIOGRAPHIE

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4. Index Page 551 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:04 11

INDEX

Les nombres qui suivent le terme cité renvoient aux pages correspondantes du livre. La référence principale
ou de définition est indiquée en chiffres gras.

Noms communs – brasés, 345, 348


– collés, 344
A – rivés, 344, 348
Accélération, 440, 453 Asservissement, 225
Accouplements, 128, 432, 458 Assistance, 515, 531
Action, 133 Assouplissement, voir rigidité
Adaptation des déformations, 350, 366 Auto-assistance, 515, 532, 537
Adhérance, 25ss, 156, 159
Autoblocage, 487, 491, 492, 499, 500, 517ss, 521,
Aire de contact
– apparente, 18 522, 529, 536, 537
– réelle, 20ss Autofrettage, 252
Amortissement externe Autorégénération, 74
– coulombien, 112
– électrorhéologique, 113
– visqueux, 110 B
Amortissement interne
– viscoélastique, 114 Bâti, 5, 170, 231
– hystérétique, 115 Bielle, 150, 188 (voir aussi mécanismes articulés)
Amortisseurs, 101, 126ss, 238, 296, 457 Bilan
– électrorhéologiques, 129 – des pertes, 471
– visqueux, 110 – énergétique, 463, 465
Amplificateur Blocage, 486, 501
– actif, 515, 538 Boulons ajustés, 146, 275
– de couple, 538 Brides, 354, 532
– passif, 514, 515ss, 522 Butées, 36, 180, 285, 368, 397
Amplification, 513 Butoir, 123
Angle
– d’enroulement, 163
– de frottement, 25, 359, 474, 491, 502ss, 522 C
– de glissement élastique, 162
– de perte, 116 Cabestan, 538
– de pression, 439, 459, 500, 514 Câble, 164, 531
– de repos, 163 Cale d’épaisseur, 249
– de transmission, 440, 490 Cames, 448, 449, 472ss
Appui plan, 211, 386, 392 Capacité d’amortissement, 119, 120
Arbres, 77, 178, 218, 329, 337, 349, 351, 363, 397, Caractéristique
407, 417, 421
– apparente, 268
– cannelés, 333, 351
Arc-boutement, 491, 492, 494, 496, 497, 504, 514, – effort-vitesse, 7, 472
517, 519 – force-déformation, 200, 459
Articulation(s), 6, 244, 493, 524 – intérieure, 243, 244
Ascenseur, 444 Cercle
Aspérité(s), 19, 28, 31 – d’adhérence, 159
Assemblages, 146ss – de frottement, 359, 493, 501, 524
– boulonnés, 146, 253ss, 262, 271ss, 298, 348, Chaîne cinématique, 5, 370, 401, 403, 504, 506,
349, 350, 352, 532 508
4. Index Page 552 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:04 11

552 CONCEPTION DES MACHINES

Charge linéique, 14, 351, 371, 373 Coussinets, 96ss, 357ss, 363, 364, 367
Cheminement Croix de Malte, 449
– de couple, 151
– de force, 149, 166, 167, 174, 190, 211, 272 D
– des efforts, 168, 170, 171
– de l’énergie, 172 Débit de lubrifiant, 38
Choc, 441 Débris d’usure, 28, 69, 75
Choix tribologique, 52ss Décharge, 276
Cisaillement (voir contrainte de cisaillement) Décollement, 61, 270, 274
Clavette plate, 142, 351 Déformation(s), 199, 526
Coefficient – conjuguées, 366
– de pénétration de la chaleur, 73 Degré
– de piézo-viscosité, 44 – d’assistance, 532, 535
– d’usure, 87, 90, 356 – d’hyperstatisme, 389, 399, 414, 416, 423
Coefficient de frottement, 24, 37, 475, 487, 493, – d’irrégularités, 452
497, 502ss – de liaison 389
– apparent, 359, 530 – de liberté, 380, 416
– (augmentation du), 65, 362, 530 – de mobilité, voir mobilité
– avec lubrification solide, 49, 51 – de surabondance cinématique, 387, 388, 389,
– (comportement), 58 408
– de paliers, 40 Démultiplication de mouvement, 539, 540
– dynamique, 58, 436, 459 Déphasage ϕ1, 111
– fluide, 37 Déplacement statique, 111
– influence de la vitesse, 58, 62 Désalignement, 128, 337, 339, 417, 426
– influence du temps, 62 Diagramme
– influences diverses, 58ss, 62 – d’un système précontraint, 249, 267, 533
– statique, 58, 458 – de précontrainte, 249, 532
– (valeurs pratiques), 60 Différentiels, 314ss
Coin, 502ss, 522, 530 Dilatation thermique, 257, 260, 263, 390, 423, 429
– (effet de), 503, 530 Dissipation d’énergie, 105, 109, 112, 115, 117,
Coincement, 504, 531 153, 428, 439, 461ss
Collage, 31, 152 – de butoirs, 124
Compliance, 203 – externe, 101, 102ss
– intérieure, 243, 244 – interne, 101, 113ss
Comportement cinétostatique, 472, 485, 506 Distance de précontrainte, 245, 248, 251, 260, 327
Compression permanente, 276 Distributeurs d’efforts, 303
Concentration de contraintes, 195
Cône de frottement, 140 E
Constante d’amortissement
– équivalente coulombienne, 112 Ecaillage, 67, 81, 371
– équivalente hystérétique, 117 – (prévention de l’), 84
– visqueux, 107, 114 Echauffement du lubrifiant, 38, 39, 47
Contact Ecrous, voir assemblages boulonnés
– hertzien, 15ss, 45, 81, 152, 154, 212ss, 390 Effort(s)
– linéique, 14, 17 – actif, 170, 460
– ponctuel, 14, 16, 386 – discrets, 304
– surfacique, 18, 211 – extérieurs, 134
Contrainte – intérieurs, 134, 149, 187ss
– de cisaillement, 21, 22, 103, 346 – moteur, 460
– résiduelle, 252 – passif, 170, 460
Conventions, 8ss – répartition, 304, 314ss, 327, 334, 372
Couche de Bielby, 12 – résistant, 460
Couple, 132, 133 – statiques, 166ss, 172
– cinématique, 354, 379, 390, 399, 433ss, 493 – utile, 131
– de frottement, 358, 362, 365, 370, 371, 535ss Egalisation
– transmissible, 164 – des contraintes, 323, 339
– tribologique, 11, 91 – des efforts, 94, 303, 305, 311, 322, 326, 329,
Coupleurs, 145, 146, 432 375
Courants de Foucault, 103 Electrorhéologique
Courroies, voir transmission à courroie – (amortissement), 113
Courroies dentées, voir transmission – (liquide), 103, 239
4. Index Page 553 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:04 11

INDEX 553

Elément Force(s)
– de réaction, 456, 457 – de freinage, 125
– de sortie, voir élément mené – de frottement, 29, 51, 103, 138
– menant, 401, 431, 445 – de frottement fluide, 37
– mené, 401, 431, 445, 453, 476, 479 – de précontrainte, 246, 248, 251, 532
Emballement, 436 – de surface, 132
Embrayages, 284, 368, 432, 542ss – de volume, 132
Encastrement, 386, 397 – répartie, 306
Endurance – résistante, 102, 105, 153, 154
– illimitée, 83
– parasites, 183, 338
– limitée, 83
Energie Freins, 101, 122, 368, 535ss
– cinétique, 463 Frettage, 143, 255, 349, 351
– dissipée, voir dissipation d’énergie Fretting, 75, 77, 97, 349, 351
– (flux d’), 172, 502 – (prévention du), 77ss
– potentielle, 463 Friction
– stockée, voir stockage d’énergie – lien souple sur poulie, 160ss
Engrenage(s) (voir aussi transmission à –), 93, 186, – (mécanismes à), voir transmissions à friction
217, 285, 371ss, 409, 477, 508, 519, 520, 522, Frottement
533 – des céramiques, 33
– épicycloïdal, 311ss, 506, 508, 520 – des polymères, 33
Epaisseur du film lubrifiant, 39, 45 – fluide, 34
Equilibrage des forces, 183 – limite, 34
Equilibre statique, 25, 160, 175, 312, 456, 522, 524 – (mécanismes du), 25
Erosion, 67 – mixte, 34, 98
Erreur – sec ou coulombien, 24, 106
– de distribution des jeux, 322 – visqueux, 64, 106, 107
– de distribution des rigidités, 322
– de forme, 13, 390, 392, 393
Etanchéité, 6, 92, 145, 353, 532 G
Etat de surface, 14, 74, 78
Excentrique, 501 Gain
Exemples (sauf applications numériques) – d’assistance, 532, 536, 537, 538
– distribution de forces dans un réducteur, 326ss – d’effort, 513, 517, 518, 522, 526, 538, 542
– étude du réseau d’efforts d’un réducteur, 172ss – de mouvement, 489, 490, 513, 517, 518, 519,
520, 521, 539
F Galet de came, 191, 229
Facteur Genouillères, 523ss, 527, 529, 542
– d’adhérence, 138, 156, 480 Glissement, 46, 155, 156, 434, 436, 479
– d’amortissement équivalent coulombien, 113 – élastique, 162
– d’amortissement équivalent hystérétique, 117 – lent, 61
– d’amortissement relatif visqueux, 111, 121 Glissières, 285, 386, 395, 399, 424
– d’amortissement relatif hystérétique, 117 Graissage, 79
– d’amplification dynamique hystérétique, 117 Grippage, 67, 85, 372
– d’amplification dynamique µ1, 111 – (prévention du), 85
– de blocage, 486ss Guidage, 5, 6, 159, 393, 398, 424, 450, 495, 497,
– de charge, voir facteur de distribution 499
– de dissipation hystérétique, 116
– de distribution, 304, 306, 373, 374, 507
– de friction, 46 H
– de glissement, voir glissement Hélicoïde, 386, 388
– de perte, 467 Hyperstatisme, 180, 310, 311, 316, 416, 423, 427,
– de résistance au roulement, 153 507
– de sécurité, 488 Hystérésis, 115, 120, 128, 544
– de surcharge, 305, 329, 333, 347
– lambda, 35
– lambda modifié, 46 I
Faïençage, 68
Fatigue, 83, 338 Imminence de glissement, 138
Filetages, 349 Indexeurs, 449
Flottant (montage), 179, 311 Indice
Fluage, 65, 263, 423 – de mobilité, 414
Fonction d’espace, voir loi d’espace – de qualité, 8
Fonctions mécaniques, 6 Instabilité
4. Index Page 554 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:04 11

554 CONCEPTION DES MACHINES

– de frottement, 140 Mobilité, 379, 402ss, 446


– de transmission, 157ss Modèle(s)
Irréversibilité, 508 – articulations, pivots, 394
Isolement statique, 135, 175, 461, 464, 465 – coin, 502
Isostatisme, 179, 308, 309, 311, 313, 375, 400, 416 – contact surfacique, 22ss, 502
– dynamique d’engrenages, 218, 326
J – frottement de paliers, 358
– hystérétique, 115ss
Jerk, 440 – liaisons, 384ss, 421
Jeu, 38, 284ss, 316, 320, 326, 356, 390, 393, 416, – paliers, 358, 395
432, 454, 459, 502, 516, 531, 540 – rhéologique, 113
– relatif, 38, 356, 394, 417 – transmission hyperstatiques, 307, 326
Jonction, 26 – viscoélastique, 114, 115
Modélisation, 2, 220, 241, 379, 418, 421
Module
L – complexe de rigidité, 116
Labourage, 27 – d’élasticité, 15, 201, 226
Leviers, 515ss, 521, 522, 540 – d’élasticité dynamique, 201
Liaisons, 6, 327, 379, 381, 385, 386, 388, 398, 416, – d’élasticité réduit, 15, 213
434, 435 – d’engrenage, 521
– parfaites, 384 – de glissement, 210
– réelles, 389ss – de rigidité, 208
Limite de fatigue, 76, 83 Moment, 132
Liquide électrorhéologique, voir électrorhéologi- – d’inertie des rigidités, 321
– de frottement, voir couple de frottement
que
– statique des rigidités, 321
Lissage, 65, 262, 423
Moteur, 5, 170, 472
Loi(s)
Mouvement, 380, 440, 441
– de comportement, 1, 2
– harmonique, 108
– d’espace, 432, 445
– louvoyant, 64
– de frottement, 29, 142
– (mise en), 30ss
– de mouvement, 432, 440, 446 – optimal, 444
– d’usure, 86, 87 – oscillant, 89, 106, 108, 441
Longévité à l’usure, 93, 95, 97 – plan, 381, 385
Lubrification, 34, 74, 480
– élastohydrodynamique, 44ss, 81
– fluide, 34 N
– hydrodynamique, 35 Nid d’abeilles, 235
– hydrostatique, 42ss Niveau de complexité, 6
– limite, 34, 48 Nœuds, 506
– mixte, 34, 47 Nombre de Sommerfeld, 39, 40, 196, 462
– solide, 48
O
M
Oscillateur, 110ss, 117ss
Macrorodage, voir rodage – (régime permanent harmonique), 110ss, 116ss
Malaxage des graisses, 103, 462 Outil, 5
Marquage, 67
Mécanisme(s) (voir aussi transmission), 379, 401,
403ss, 407, 431, 447ss, 452, 453, 472, 478, P
486ss Palier(s) 54, 55, 179, 337, 339, 407, 417
– articulés, 150, 167, 169, 188, 289, 411, 499ss, – à roulements, 53, 179ss, 215 391, 394, 426, 461
523, 528 – de butée, voir butées
– irréversible, 508 – hydrodynamique, 38ss, 52, 55, 216
– non positif, 478 – hydrostatiques, 4, 53, 55, 216
– positif, 472 – lisses à frottement sec ou mixte, 52, 55, 356ss,
– quasi non positif, 485 363ss, 394, 417
Mecatronique, 451 – magnétiques, 57, 216
Méthode CES, 171 Paramètre(s)
Méthodes de conception, 1 – cinématiques, 446
Microglissement, 77, 152, 220, 349, 351 – de résistance au roulement, 153, 480
Microrodage, voir rodage Performances, 7
4. Index Page 555 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:04 11

INDEX 555

Perte, voir dissipation d’énergie, puissance dissipée Réaction, 133, 432, 456, 460
Perturbation(s) Récepteur, 170
– géométriques, 261, 263 Récipients, 261, 533
– de la rigidité intérieure, 263 Réducteurs, voir transmission à engrenage
Piqûre, voir écaillage Réfrigération des surfaces, 72
Pivot, 386, 395ss Régime
Plan – de fonctionnement des paliers, 40
– effort-vitesse, 7 – permanent d’un oscillateur, voir réponse
– incliné, 494 – turbulent, 102, 106, 107, 113
Plaques, 211, 229, 234 Règles ou méthodes pour
Poids propre, 131, 176ss – apprécier l’amortissement de vibrations par les
Points coïncidents, 433 guidages, 110
Point mort, 410, 500 – apprécier la rigidité de contacts hertziens,
Porte-à-faux, 186, 191, 192, 232, 419, 422, 492 214
Poutres, 208ss, 227ss, 236, 323, 337, 424, 427 – apprécier la rigidité de poutres, 210
Précharge, voir précontrainte – augmenter la rigidité de structures, 226ss
Précontrainte, 131, 150, 241, 311, 328, 338, 390, – augmenter la rigidité de vérins, 224
396, 532 – augmenter la rigidité massique, 235
– géométrique, 245, 282 – augmenter la souplesse de structures, 235ss
– par effort imposé, 251, 268, 282 – augmenter le coefficient de frottement, 65
– (variation de), 261 – augmenter l’effort transmis par une courroie
Pression plate, 164
– de contact apparente, 18, 351, 353, 355ss, 361, – calculer le rendement, 469ss
363, 368, 370 – conduire le rodage, 95, 96
– de contact réelle, 19 – diminuer le coefficient de frottement, 63ss
– de référence, 356, 361 – distribuer favorablement un effort de liaisons,
– de serrage, 143, 144, 257 347ss, 363ss
– hertzienne, 15ss, 152 – distribuer uniformement un effort, 323
– moyenne de référence, 39, 357, 369 – étudier un réseau d’effort (méthode CES), 171
Principe de dislocation, 135 – éviter l’arc-boutement, 491, 492, 494, 497ss
Problème cinématique, 402
– isoler une pièce, 175
Produit pv, 87, 88, 97
– la conception statique, 179ss
Puissance, 439, 460, 467, 469
– maîtriser des efforts hyperstatiques, 423ss
– dissipée, 106ss, 462ss
– modéliser la rigidité d’un engrenage, 218
– résistante, 460, 464
– obtenir une grande multiplication de vitesse,
Pulsation
– propre sans amortissement, 110 490
– relative, 111 – prévenir l’écaillage, 84
– prévenir le grippage, 85
– prévenir l’usure, 71ss
Q
– prévenir l’usure induite par fretting, 77ss
Qualité, 8, 333 Rendement, 432, 465ss, 469, 472, 475, 477, 481,
483, 505, 507, 514, 517, 518, 520
R – (calcul du), 469ss
– cinématique, 471, 481
Raison d’un train épicycloïdal , 520
Rapport – statique, 471, 481
– d’accélérations, 453 Repère, 380ss, 431
– d’efforts, 432, 455, 456, 474, 481, 485, 505 Réponse harmonique d’un oscillateur
– de bielle, 525 – à amortissement coulombien, 112
– de démultiplication, 539, 540, 541 – à amortissement électrorhéologique, 113
– de forces, 265 – à amortissement hystérétique, 117
– de réduction, voir rapport de démultiplication – à amortissement turbulent, 113
– de rigidités, 249, 265, 459 – à amortissement visqueux, 111, 117
– de transmission, voir rapport de vitesses Réseau
– de vitesses, 432, 451, 452, 473, 479, 486, 489, – de couples, 167
505, 514, 539, 541 – d’efforts de précontrainte, 211
Rayage, 67 – d’efforts mixtes, 168
Rayon – de forces statiques, 166, 179
– de frottement, voir cercle Résonance, 111, 113
– dynamique, 156 – hystérétique, 117
– moyen efficace, 370 Ressort, 250, 540
– statique, 153 Revêtements de surface, 51, 73
4. Index Page 556 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:04 11

556 CONCEPTION DES MACHINES

Rigidité, 203, 208, 250, 251, 428, 432, 458, 472, – d’égalisation, 341
475, 482 Tige coulissante, 499
– (accroissement de la), 290 Tirant, 259, 276
– active, 239 Torseur
– angulaire, 204 – cinématique, 380, 383
– apparente, 269 – statique, 388
– (assouplissement), 298, 423, 428 Torsion, 228, 230, 237
– d’éléments divers, voir ces éléments Traction
– (éléments en parallèle), 204 – centrifuge, voir tension centrifuge
– (éléments en série), 205 – de frottement, 281
– intérieure, 243, 424 – utile, 342
– massique, 233 Traitements de surface, 72, 78
– sécante, 203 Transition
– surfacique, 23 – (point de), 41
– tangente, 203 – (vitesse de), 42
Rodage, 36, 91, 93, 94, 371 Transmetteur, 303
– (conduite du), 95 Transmission(s)
Rotors, 179, 235, 259 – à chaîne, 178
Rotulage, 390, 420 – à courroie, 162ss, 178, 280, 283, 332, 341, 534
Rotules, 386, 391 – à courroie dentée, 341ss
Roue(s), 151, 154, 483 – à engrenage, 172ss, 176, 184ss, 286ss, 310,
– libre, 494 311, 326, 330ss, 457, 461, 506
– (résistance à l’avancement des), 152, 154 – à friction, 46, 277, 478
Roulements, 53, 55, 219, 258, 285, 291ss, 299, – de couple, 151
334, 390, 394, 395, 397, 420, 426, 461, 561 – de couple par frottement, 143, 274, 533
Rugosité, 13, 14, 93 – de couple par obstacle, 142
– d’équilibre, 93 – de force, 149ss, 152, 188, 265, 436
– de service, 94 – de force par frottement, 137ss, 141, 146, 151,
– moyenne, 14, 35 220, 271, 348
– de force par obstacle, 135, 136, 146
S – de mouvement, 433ss
– de puissance, 437ss, 460
Saccade, 441 – magnétique, 145
Sandwich, 234 – (mécanismes de), 5, 170
Schéma cinématique, 400, 401, 445 – non positive, 463, 478
Schéma-bloc, 431, 445, 451, 486, 515, 541 – par fluides, 145
Serrage géométrique, voir distance de précontrainte – positive, 463, 464, 472, 485
Simulation, 432 – quasi non positive, 485
Singularités de position, 410ss Travail, 105,459, 469
Souplesse, voir compliance Tribologie, 11
Stick-slip, 63, 65, 97 Troisième corps, 29, 69, 75
Stockage d’énergie, 463, 464, 467
Structure
– d’une surface, 12 U
– de l’ouvrage, 2ss
– des machines, 5 Usure, 67, 68ss, 86, 88, 97, 263, 354, 359, 371
Surcharge, 484 – abrasive, 69
Surface – adhésive, 68
– cinématique, 72 – admissible, 92
– de contact apparente, 18 – catastrophique, 91
– de contact nominale, 18 – (débit d’), 86
– de contact réelle, 18 – (dynamique d’), 91
– réelles, 13 – grippante, 92
Système tribologique, 11 – par fatigue, 70
– par petits débattements, voir fretting
T – (prévention de l’), 71ss
– (répartition de l’), 88, 89
Tassement, voir lissage – (résistance à l’), 87
Température instantanée, 47 – stable, 91
Tension – (vitesse d’), 86, 89, 97, 355
– centrifuge, 280, 283
4. Index Page 557 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:04 11

INDEX 557

V Viscosité, 36, 38, 44, 102, 104


Vitesse, 440
Variateurs de vitesse, 279, 283, 534
Véhicules, 309, 314, 375 – critique, 298
Vérins, 145, 221ss, 254, 498 – de glissement, 156, 434, 437
Vis de mouvement, 43, 294, 415 – relative, 434
Viscoélasticité, 103 Voilement, 230

Noms propres
Seuls sont cités les noms d’auteurs dont les travaux sont présentés ou utilisés.
Archard (coefficient d’usure d’), 90 Koffmann (formule de), 157
Bielby (couche de), 12 Kragelski (pression dans coussinets), 357
Bingham (comportement de), 103 Kunert (déformation d’un galet), 214
Bowden (théorie du frottement), 27, 51 Lazan (dissipation interne), 115
Brinell (dureté), 17, 90, 98 Leyer (exemples de constructions), 187, 226
Coulomb (loi de), 30, 112, 113 Lundberg (déformation d’un galet), 214
Dahl (modèle de démarrage), 32 Mindline (glissement d’aspérités), 31
Dietz (facteur de surcharge de dentelures), 333 Moyer (facteur lambda modifié), 46
Dowson (épaisseur d’un film EHD), 45 Nam (théorie du frottement), 29
Euler (loi d’), 162, 163 Newton (fluide newtonien), 102, 113
Eytelwein (loi d’), 162 Palmgreen (déformation d’un galet), 214
Föppl (résistance à l’avancement des roues), 154 Poiseuille (écoulement laminaire), 104
Foucault (courants de), 103 Poisson (coefficient de), 15, 211, 213, 239
Hamrock (épaisseur d’un film EHD), 45 Sommerfeld (nombre de), 39, 40, 196
Hertz (pression hertzienne), 15, 18, 154, 212, 214, Soom (frottement et vitesse de glissement), 62
357 Stribeck (courbe de), 41
Hess (frottement et vitesse de glissement), 62 Tabor (théorie du frottement), 27, 51
Hooke (loi de), 200, 201, 211 Von Mises
Johnson (théorie du frottement), 29 – (théorie de), 21
Kato (influence du temps sur le frottement), 62 – (théorie de rupture), 238
Koester (force dans courroies dentées), 341 Wöhler (courbe de), 83
4. Index Page 558 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:04 11
5. Remerciements diteurs Page 558 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:05 11

REMERCIEMENTS AUX ÉDITEURS

Nous remercions les éditeurs qui nous ont autorisés à emprunter dans leurs ouvra-
ges les figures suivantes:
Fig. 5.81 DECKER, K.-H., Maschinenelemente, 11e éd., Carl Hanser, Munich, 1992.
Fig. 5.23, 5.29, 5.30, 5.34, 7.47, 8.59 DECKER, K.-H., Verbindungselemente, Carl Han-
ser, Munich, 1963.
Fig. 6.4 ERHARDT, G., STRICKLE, E., Maschinenelemente aus thermoplastischen
Kunststoffen, 2 vol., VDI, Düsseldorf, 1978.
Fig. 5.62 ERNST, H., Die Hebezeuge, Vieweg, Braunschweig, 1973.
Fig. 5.82, 5.83, 5.84, 5.85, 5.86, 6.26, 6.27 ESCHMANN, P., HASBARGEN, WEIGAND,
Die Wälzlagerpraxis, 2e éd., Oldenbourg, München, 1978.
Fig. 5.28 KÖHLER, G., RÖGNITZ, H., Maschinenteile, 2 vol., 7e éd., Teubner, Stuttgart,
1986.
Fig. 8.40 KOLLMANN, F. G., Welle – Nabe – Verbindungen, Springer, Berlin, 1984.
Fig. 2.53 LANG, O. R., STEINHILPER, W., Gleitlager, Springer, Berlin, 1978.
Fig. 5.31, 5.32, 5.103, 5.104, 5.107, 5.108, 5.109, 5.113, 6.40, 6.41, 6.43, 6.44, 6.53,
6.54, 7.27, 8.83, 8.86, 8.87 LEYER, A., Maschinenkonstruktionslehre, 7 cahiers,
Birkhaüser, Bâle, 1963 à 1973.
Fig. 7.54 MÄKELT, H., Die Mechanischen Pressen, Carl Hanser, Munich, 1961.
Fig 8.11 MAROSELLI, J.-C., L’automobile et ses grands problèmes, Librairie Larousse,
Paris, 1958.
Fig. 7.66, 8.16, 10.34 NIEMANN, G., WINTER, H., Maschinenelemente, 3 vol., 2e éd.,
Springer, Berlin, 1981 et 1983.
Fig. 4.30, 4.31 PEEKEN, H., TROEDER, C., Elastische Kupplungen, Springer, Berlin,
1986.
Fig. 7.95 REVUE TECHNIQUE SULZER, Winterthur, 4/1974.
Fig 7.94 ROLOFF, H., MATEK, W., Maschinenelemente, 11e éd., Vieweg, Brauns-
chweig, 1987.
Fig 5.73 ROLOFF, H., MATEK, W., Aufgabensammlung, Vieweg, Braunschweig, 1987.
Fig 8.45 SCHMIDT, F., Berechnung und Gestaltung von Wellen, 2e éd., Springer, Berlin,
1967.
Fig. 4.32, 4.33, 7.58, 7.67 TOCHTERMAN, W., BODENSTEIN, F., Konstruktionselemente
des Maschinenbaues, 2 vol., 9e éd., Springer, Berlin, 1979.
Fig. 11.37, 11.39, 11.40 WINKELMANN, S., HARMUTH, H., Schaltbare Reibkupplun-
gen, Springer, Berlin, 1985.
6. Liste des symboles Page 559 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:07 11

LISTE DES SYMBOLES

Les symboles n’apparaissant que de manière fugitive ne sont pas mentionnés. Les
nombres entre parenthèses désignent la formule de définition de la grandeur.

Alphabet latin

a accélération de translatation
a entraxe
a facteur de blocage calculé avec le frottement dynamique
a rayon d’une aire de contact hertzien ponctuel
a0 facteur de blocage calculé avec le frottement au repos (10.132)
A aire, aire de contact apparente
Ar aire de contact réelle

b coefficient de pénétration de la chaleur (3.1)


b demi-largeur d’une aire de contact herzien linéique
b largeur, largeur de denture
bu coefficient d’usure (3.11)
B largeur, longueur d’un moyeu ou d’un palier

c chaleur massique
c constante d’amortissement visqueux
ce constante d’amortissement équivalente
Cx coefficient de forme aérodynamique

d diamètre, diamètre primitif


ds diamètre de serrage
D alésage

e décentrage
e épaisseur
e erreur relative
e paramètre de résistance au roulement (5.26)
ej erreur de distribution du jeu (8.53)
ek erreur de distribution de rigidité (8.52)
E module d’élasticité
6. Liste des symboles Page 560 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:07 11

560 CONCEPTION DES MACHINES

f déformation, flèche
f facteur de résistance au roulement (5.27)
f force massique (5.1)
f fréquence
f0 distance de précontrainte, serrage géométrique
F force, force de frottement, charge radiale
Fa force axiale
Fb force de serrage de pièces, précontraintes
Ff force de frottement
Fn force normale de denture
Fnt force normale apparente de denture
Fp force de pression d’un fluide
Fr force radiale, force résistante
Fv force de traction dans une vis
F0 force de frottement statique
F0 force de précontrainte, précharge

g accélération de gravitation
g glissement relatif (2.52)
g longueur d’une ligne d’engrènement
G module de glissement
G poids prope
Gq gain de mouvement (11.1)
GQ gain d’effort (11.2)
Gγ gain d’assistance (11.43)

h course
h épaisseur d’un film lubrifiant
h facteur de dissipation hystérétique
h hauteur d’une section de poutre fléchie
hc épaisseur du film lubrifiant en zone centrale élastohydrodynamique
hc degré de surabondance cinématique (9.8)
hs degré d’hyperstatisme (9.12)
h0 épaisseur minimale d’un film lubrifiant
H dureté

i rapport de vitesses, rapport de transmission (si adimensionnel) (10.52)


iG rapport géométrique de transmission
iQ rapport d’efforts (10.62)
i0 raison d’un train épicycloïdal
I inertie généralisée (masse, moment d’inertie-masse)
I moment quadratique de surface (traditionnel moment d’inertie)
Ik moment quadratique de rigidité (8.43)
It moment quadratique de torsion

j jeu
j jerk
6. Liste des symboles Page 561 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:07 11

LISTE DES SYMBOLES 561

J moment d’inertie

k rigidité, rigidité tangente (6.3)


kd rigidité dynamique
kg rigidité tangentielle de glissement
ki rigidité intérieure (7.2)
kp rigidité d’une paire de dents en prise dans la direction de la force normale
kp rigidité surfacique (2.18)
ks rigidité sécante (6.4)
kt rigidité de torsion (noté parfois k)
kγ rigidité d’engrènement
kθ rigidité angulaire, rigidité angulaire tangente (6.8)
kθi rigidité intérieure de rotation (7.5)
kθs rigidité angulaire sécante (6.9)
K facteur de distribution, facteur de charge (8.3)
Ks facteur de surcharge (8.6)
KF β facteur de distribution axial pour la flexion
KHβ facteur de distribution axial pour la pression hertzienne
KN facteur de distribution nominale

l largeur, longueur
L loi d’espace (10.38)
L longévité (heures, nombre de cycles)
L longueur

m indice de mobilité (9.26)


m masse
m module de denture
mc degré de mobilité
mu masse d’usure
M moment, couple
Me couple ou moment d’entraînement
Mf moment de freinage ou de frottement
Mm couple ou moment moteur
MR moment de résistance à l’avancement d’une roue

n exposant
n facteur polytrope
n nombre d’éléments
nc nombre de degré de liberté
ns nombre de liaisons cinématiques ou statiques
N force normale
N nombre d’éléments
N nombre de sollicitations
Np nombre de pièces
NB nombre de boucles
NL nombre de liaisons
6. Liste des symboles Page 562 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:07 11

562 CONCEPTION DES MACHINES

p pression de contact (apparente), force surfacique


p pression moyenne de référence, pour palier (2.41)
pe pression de plastification
pr pression de contact réelle (sur aspérité)
p0 pression de contact de précontrainte
p0 pression hertzienne
P puissance
P− puissance résistante
Pp puissance perdue (perte)
Ps puissance stockée
PT puissance stockée sous forme d’énergie cinétique
PU puissance stockée sous forme d’énergie potentielle

q charge linéique
q masse linéique
q mouvement généralisé (translation, rotation)
Q effort généralisé (force, moment, couple)
Qd effort de démarrage
Qe effort d’entraînement
Qf effort de frottement
Qm effort moteur

r rayon
rf rayon d’un cercle de frottement
R rayon
R résultante de forces
R rugosité totale
Ra rugosité moyenne
Re limite élastique d’un matériau
Rlim une résistance limite du matériau
Rp limite de proportionnalité d’un matériau
Rp0,2 limite élastique avec 0,2% d’allongement résiduel
Rp profondeur d’applatissement
Rq rapport de démultiplication (11.55)
Rq rugosité quadratique moyenne (RMS)
Rt profondeur maximale de rugosité
Rz profondeur moyenne de rugosité
R0 rayon dynamique d’une roue

s déplacement curviligne
S facteur de sécurité
Sk moment statique de rigidité (8.42)
So nombre de Sommerfeld (2.42)

t temps
tR durée du rodage
T force tangentielle
T période
6. Liste des symboles Page 563 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:07 11

LISTE DES SYMBOLES 563

T température
T traction dans un élément souple
Tc traction centrifuge
T0 traction initiale

u usure
ug vitesse de glissement périphérique
uR usure de rodage
U énergie potentielle

v vitesse
vg vitesse de glissement
V volume
V translation
Vu volume d’usure

W amplitude d’ondulation de surface


W travail mécanique
We énergie de déformation élastique
Wp énergie perdue
Ws énergie stockée

x déplacement
xs déplacement statique

z nombre de dents, de billes

Alphabet grec

α angle de pression
α coefficient de dilatation thermique linéaire
α coefficient de pièzo-viscosité (2.47)
αg angle de glissement d’une courroie
αr angle de repos d’une courroie

β longueur relative d’un moyeu, d’un palier


β pulsation relative (4.26)
β angle d’hélice de denture

γ angle d’inclinaison d’un effort


γ déformation angulaire de cisaillement
γ degré d’assistance (11.42)

δ degré d’irrégularité
6. Liste des symboles Page 564 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:07 11

564 CONCEPTION DES MACHINES

δ désalignement
δ microdéplacement

ε allongement relatif
ε excentricité
ε rapport d’accélérations (10.58)
εγ rapport de conduite total

ζ facteur d’amortissement relatif hystérétique (4.52)

η facteur d’amortissement relatif (4.24)


η rendement énergétique (12.3)
η viscosité dynamique
ηe facteur d’amortissement relatif équivalent
ηq rendement cinématique
ηQ rendement statique
η0 rendement d’un train épicycloïdal lorsque le porte-satellites est fixe
η0 viscosité à la pression atmosphérique

κ0 coefficient de compressibilité adiabatique

λ coefficient de conduction de la chaleur


λ compliance, souplesse (6.5)
λ facteur lambda (2.31)
λ facteur lambda modifié (2.50)
λ rapport de bielle
λi compliance intérieure (7.3)
λs compliance sécante (6.6)

µ coefficient de frottement (2.20)


µ coefficient de Poisson
µ' coefficient de frottement apparent ou équivalent
µa facteur d’adhérance (5.13)
µF facteur de friction (2.51)
µH facteur d’amplification dynamique hystérétique (4.51)
µ0 coefficient de frottement statique, au repos
µ1 facteur d’amplification dynamique (4.30)

ρ angle de frottement (2.21)


ρ masse volumique
ρ' angle de frottement équivalent
ρ0 angle de frottement statique, au repos

σ contrainte normale, traction ou compression


σf contrainte de flexion
σg contrainte de comparaison
σD limite de fatigue alternée en traction-compression
6. Liste des symboles Page 565 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:07 11

LISTE DES SYMBOLES 565

σF contrainte de flexion d’une dent

τ contrainte de cisaillement, contrainte tangentielle


τe limite de cisaillement élastique
τf résistance de cisaillement d’un film
τt contrainte de torsion

ϕ angle de rotation
ϕ déformation angulaire
ϕH angle de perte (4.47)
ϕ1 angle de déphasage (4.31)
Φ rapport de rigidités (7.18)
Φ' rapport de forces (7.48)

ψ capacité d’amortissement (4.55)


ψ facteur de perte (10.96)
ψ jeu relatif (2.40)
ψd largeur relative au diamètre d’un pignon

ω vitesse angulaire, vitesse de rotation


ω0 pulsation propre d’un oscillateur élémentaire
Ω pulsation d’excitation
¿ rotation

Indices

a axial, composante axiale


adm valeur admissible
e grandeur équivalente
e extérieur
f flexion
i intérieur
i valeur i-ème
j valeur avec jeu
j valeur j-ème
lim valeur limite
max valeur maximale
min valeur minimale
n composante normale
r radial, composante radiale
rés valeur résiduelle
t cisaillement, torsion
t tangent, composante tangente
x composante selon x
y composante selon y
z composante selon z
6. Liste des symboles Page 566 Mercredi, 8. f vrier 2006 11:07 11

566 CONCEPTION DES MACHINES

0 (zéro) valeur initiale, valeur au repos

Caractères spéciaux supérieurs

(–) valeur moyenne


(~) fonction périodique
(^) amplitude d’une fonction harmonique
( )– réaction à la grandeur ( )

Dérivations
.
( ) un point signifie la dérivation d’une grandeur par rapport au temps
( )' un prime signifie la dérivation d’une grandeur par rapport à une coordonnée

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