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Pierre-Alain Rime

LES MONDES
ÉCONOMIQUES
La Suisse, l’Europe, le monde : trois réalités économiques différentes dans un
LES MONDES
ÉCONOMIQUES
espace sans frontières. Les mondes économiques présente un survol complet
des grands thèmes de l’économie politique, à chaque fois reliés aux derniers
événements de l’actualité sociale, politique et économique.

Loin du langage parfois ésotérique des milieux spécialisés, Les mondes écono- GRANDS THÈMES ET PETITES PHRASES
miques propose une approche par l’exemple, en reliant les sujets d’étude aux DE L’ÉCONOMIE POLITIQUE
cas, anecdotes et citations de la littérature ou du quotidien. Agrémenté de
centaines de petites phrases, exemples, caricatures et bons mots, cet ouvrage
se veut l’antithèse du livre d’économie ennuyeux. Il ambitionne d’informer en
distrayant. Les petites citations des plus grands économistes et les pires vannes
des meilleurs humoristes vous rendront le PIB, la masse monétaire ou la dette
publique soudain plus fréquentables.

Saviez-vous, par exemple, que la comparaison des salaires des professeurs


d’université dans le monde est rendue compliquée à cause des avantages en
nature offerts dans certains pays ? Au Mexique, ils reçoivent une dinde à Noël,
alors qu’en Inde, pour lutter contre l’explosion démographique, ils peuvent
disposer d’une vasectomie gratuite. En Suisse, situation évidemment inverse sur
le plan des naissances : lorsque la vasectomie sera vraiment réversible, il faudra
vite offrir à tous les ligaturés, en guise de quatorzième salaire, la reconnexion
des précieux petits conduits. Avant que le dernier Helvète n’éteigne la lumière…

PIERRE-ALAIN RIME

À PROPOS DE L’AUTEUR
Licencié en sciences économiques de l’Université de Lausanne, Pierre-Alain Rime
enseigne les branches économiques pendant dix ans puis en passe quatorze à
combiner enseignement et fonction de doyen au niveau secondaire II. Aujourd’hui,
l’auteur partage son temps entre son enseignement dans les classes de maturité
professionnelle et ses divers mandats – exclusivement consacrés à l’économie
politique – dans le domaine de la formation tertiaire. La mise à jour bisannuelle de
cet ouvrage lui rappelle que l’oisiveté est le début de la rouille et l’oblige à penser
quotidiennement à sa propre formation continue.

LES MONDES ÉCONOMIQUES

ISBN 978-2-606-01153-6 | 909007G1

909007G1_couv.indd 1 22.08.13 09:16


1 Introduction à l’économie
politique
11

1 Introduction à l’économie
politique
Nous avons assez de richesses pour rassasier ceux
qui sont dans le besoin ; mais nous n’en avons pas
assez pour contenter ceux qui sont âpres au gain.
Mahatma M. K. Gandhi
(1869-1948)

1. L’économie politique
Au VIIIe siècle av. J.-C., le poète grec Hésiode associe deux mots : oikos « L’économie c’est simple.
(maison, domaine) et nomos (loi). Oikos-nomos, ces deux mots assem- C’est deux colonnes : une
blés deviennent économie et désignent l’ensemble des règles qui aident colonne dépenses et une
l’homme à régir son domaine. Ce domaine, d’abord restreint à la mai- colonne recettes. N’importe
son, aux champs et à la famille d’un individu, s’est peu à peu élargi à une quelle ménagère vous le
forme plus structurée : la ville (polis, en grec, qui donna politikos), puis la dirait. »
nation. On parle désormais d’économie politique pour désigner le mode François Mitterrand
de gestion de ce domaine devenu une société organisée qui s’étend à
l’ensemble du monde. Son étude relève de la science économique. Un Prix
Nobel récompense chaque année les meilleurs économistes.

La littérature économique propose autant de définitions de l’économie


politique qu’elle recense d’auteurs. Pour John Stuart Mill (1806-1873), phi-
losophe et économiste anglais, « l’économie politique est la science qui
traite de la population et de la distribution des richesses ». Quant à Charles
Léonard Simonde de Sismondi (1773-1842), historien et économiste suisse,
il estimait que « l’objet de l’économie politique est le bien-être physique de
l’homme ». Plus près de nous, Raymond Barre (1924-2007), homme politique
et économiste français, définit l’économie politique comme « la science de
l’administration des ressources rares dans une société humaine ».

Malgré les extraordinaires progrès scientifiques et techniques réalisés


au cours des dernières décennies, le problème clé qui se pose à toute
société humaine n’a pas changé : la  rareté  des biens empêche l’homme
de satisfaire tous ses besoins. Cette rareté est imposée par le milieu
naturel ; les biens utiles ne s’y trouvent pas à profusion et, le plus sou-
vent, pas à l’état de produits finis. La littérature fantastique ou reli-
gieuse parle d’« âge d’or », de pays de cocagne ou de paradis pour décrire
une abondance de biens partout rêvée. Frappée par la rareté, notre pla-
nète n’offre malheureusement pas ce niveau de générosité.
 Rareté : qualité de ce qui n’est pas
La rareté des biens va ainsi contraindre l’individu à se fixer des priori- facilement accessible ou de ce qui
n’est pas disponible en quantité
tés. Chacun va chercher à rendre son bien-être le plus grand possible suffisante. La rareté peut être
en choisissant de satisfaire les besoins jugés, à tort ou à raison, les plus absolue (un bien non reproduc-
importants. L’économie politique peut donc être définie comme : tible, par exemple un tableau de
maître) ou relative, lorsque les
biens ne suffisent pas à satisfaire
l’art de gérer des ressources limitées dans le but de satisfaire au mieux des tous les besoins (c’est le cas de la
besoins illimités. plupart des biens).
12 Chapitre 1 Introduction à l’économie politique

Un père de famille, qui dispose L’économie politique est aussi une science des choix. En effet, il est illu-
forcément d’un revenu limité, soire pour l’homme de vouloir tout posséder ou de prétendre réaliser tous
choisira entre l’achat d’une ses désirs ; le temps, la force et l’argent dont il dispose ont des limites et
nouvelle voiture ou la réfec-
tion de sa maison. De même,
les ressources naturelles ne sont pas inépuisables. La science économique
l’apprenti ou l’étudiant devra étudie le choix opéré par les individus pour satisfaire tel besoin ou pour
choisir entre l’achat d’un snow- ignorer tel autre.
board ou l’épargne d’une partie
de ses modestes revenus en vue Ce combat permanent contre la rareté implique que certains besoins
d’une dépense ultérieure.
seront satisfaits, alors que d’autres seront provisoirement ou défi­n i­t i­
vement écartés. Il s’agit donc pour l’individu d’établir une hiérarchisation
de ses besoins.

2. Les besoins
Le besoin d’écrire – que chacun Le besoin est une sensation d’insatisfaction qui donne naissance à un
éprouve de temps à autre – va désir. C’est le moteur essentiel de tout mécanisme économique. L’écono-
entraîner la fabrication de mie politique s’intéresse aux besoins de l’homme, parce que la satisfac-
papier, stylos, gommes, etc.
Celui d’aller chez le coiffeur sti-
tion de ces besoins va déclencher un processus de production de biens.
mulera l’ouverture de salons,
la formation d’apprentis ou la Selon l’urgence à les satisfaire, nous pouvons classer les besoins en trois
vente de produits capillaires. groupes :

Besoins vitaux Besoins culturels Besoins


ou physiologiques ou psychologiques de luxe
doivent être satisfaits en priorité ; ne peuvent être satisfaits qu’après les seront satisfaits par les classes
la survie de l’individu en dépend besoins vitaux ; ils permettent à l’indi- les plus favorisées de la population
vidu de s’épanouir sur un plan personnel
et intellectuel
voyage, instruction, culture, sport, résidence secondaire,
nourriture, vacances ; envie de pouvoir, de recon- voiture de luxe,
habillement, naissance, de paix ; aspiration au chan- fourrure,
logement gement, à l’épanouissement personnel bijoux

L’étude des besoins nous amène aux quelques remarques suivantes :


Curieusement, le besoin de respirer n’apparaît pas dans la première
colonne. En fait, même s’il est plus vital que tout autre, il est considéré
comme un besoin inconscient, qui n’est pas éprouvé ou ressenti en
temps normal par l’individu. Il n’influence donc pas la vie économique.
La non-satisfaction des besoins physiologiques met directement
en péril la vie de l’individu. Il n’en est pas de même pour les besoins
culturels ou psychologiques dont la satisfaction donne ce petit plus
qui fait que la vie mérite d’être vécue.
Un économiste a dit que « par Les besoins de luxe permettent souvent de se démarquer du grand
les dépenses de prestige, on nombre et d’afficher un certain statut social (vêtements griffés, appar-
achète des produits dont on tenance à un club très sélect, etc.).
n’a pas besoin, avec de l’argent
qu’on ne possède pas, pour épa-
Un même besoin pourra être classé différemment d’un individu
ter ceux qu’on n’aime pas » ! à l’autre en fonction de son appartenance sociale ou de ses goûts.
Exemple : l’envie d’aller à l’opéra est un besoin culturel pour certains,
« Mon plus grand luxe ? tandis que d’autres l’assimileront à un besoin de luxe.
Quand je me lève le matin et Cette classification évolue dans le temps. Exemple : le désir de posséder
que je ne me heurte pas les une montre ou une voiture pouvait être considéré comme un besoin
coudes contre les parois de de luxe il y a quelques dizaines d’années. De même que nous le fai-
mon cercueil. » sons pour nos ancêtres, nos petits-enfants s’étonneront sûrement de
Quincy Jones la modes­tie de nos exigences actuelles et de la simplicité de nos goûts.
Chapitre 1 Introduction à l’économie politique 13

La part du revenu consacrée à la satisfaction des besoins vitaux dimi- « Nos jeunes aiment le luxe,
nue au fur et à mesure qu’augmente le niveau de vie. Exemple : les ont de mauvaises manières,
ménages suisses consacraient 40 % de leur revenu à leurs dépenses se moquent de l’autorité et
d’alimentation en 1939 ; actuellement, ce pourcentage peut être en n’ont aucun respect pour l’âge.
moyenne divisé par quatre. A notre époque, les enfants
Les besoins vitaux sont assez précisément quantifiables. On estime sont des tyrans. »
avec une honnête précision la quantité de nourriture, le nombre de Socrate
(469-399 av. J.-C.)
logements et d’habits nécessaires à une population. La production
pourra travailler en fonction d’une demande précise. En revanche,
les besoins culturels s’accroissent avec l’acquisition progressive de
connaissances ; seuls les ignorants croient tout savoir et s’en trou-
vent pleinement satisfaits ! La production de ces biens va augmenter
au fur et à mesure de leur diffusion.
Les économistes affirment que les besoins individuels sont illimités,
car, une fois les besoins matériels satisfaits, surgissent des désirs
de sécurité, de considération, de puissance ou de réalisation de soi.
Dans ces domaines, l’homme a souvent prouvé – pour le meilleur,
mais aussi parfois pour le pire – que ses besoins sont effectivement
sans limites.
L’intensité de chacun de nos besoins à un moment donné est une
grandeur qui n’est pas mesurable. Une personne assoiffée éprouve
un besoin de boire beaucoup plus grand que d’aller au cinéma, sans
toutefois être capable de dire si le premier besoin est dix, cent ou
mille fois plus important que le second.
L’individu satisfait lui-même ses besoins personnels en achetant
un nouvel ordinateur ou en réglant la note d’honoraires de son avo-
cat. Face à d’autres besoins, l’individu, seul, est dépassé. C’est alors
l’Etat qui gère le besoin de mobilité (construction de routes et de
voies de chemin de fer), de formation (professionnelle ou acadé-
mique), de justice (création de tribunaux, structures d’incarcéra-
tion) ou de sécurité (police et armée). Le financement de ces besoins
collectifs s’effectue par le truchement de l’impôt.
14 Chapitre 1 Introduction à l’économie politique

3. Les biens
« Le temps est le bien le plus Le besoin a été défini comme une sensation de manque. Le bien va
rare parce que c’est le seul qu’on per­met­t re la satisfaction du besoin par la disparition du sentiment
ne puisse ni produire, ni donner, d’in­satis­faction.
ni échanger, ni vendre. »
Jacques Attali Certains biens sont matériels : de la viande, une chaise, des tuiles, etc.
D’autres sont immatériels : la consultation d’un médecin, le conseil
d’un avocat, la leçon d’un professeur, les transports, etc. Ces biens-là
sont appelés des services. Ils correspondent à une prestation effectuée en
faveur d’une tierce personne.

Selon leur nature, certains biens disparaîtront au premier usage. C’est le


cas notamment de la nourriture ; on parle alors de biens consomptibles.
D’autres biens serviront plusieurs fois : vêtements, voitures, meubles.
On parle ici de biens durables.

Certains biens permettent de satisfaire directement un besoin. Ainsi,


l’eau étanche la soif, un habit protège du froid et un toit offre un abri
contre la pluie. Par l’usage immédiat qu’en fait l’utilisateur, ces biens
sont appelés biens de consommation. Pour produire ces biens de
consommation, il va être nécessaire d’utiliser des machines et des outils
qui se trouvent dans des bâtiments situés eux-mêmes sur des terrains,
reliés à des routes, des voies de chemin de fer, des lignes électriques dont
l’électricité vient d’un barrage, et ainsi de suite. Tous ces éléments néces-
saires à la transformation des matières premières en biens de consom-
mation s’appellent des biens de production. Ils permettent la satisfac-
tion indirecte des besoins par la production de biens de consommation.
On les appelle aussi biens d’investissement.

La classification d’un bien en bien de consommation ou en bien de produc-


tion n’est pas toujours absolue. Tout dépend de l’usage qu’on fait du bien.
Ainsi, la voiture d’un chauffeur de taxi représente un bien de production
lorsqu’il s’en sert pour l’exercice de sa profession, mais un bien de consom-
mation s’il l’utilise à des fins privées.

Si les biens privés sont ceux qui appartiennent aux individus, les biens
publics sont gérés par les collectivités telles que la Confédération­,
les cantons ou les communes. Exemples : écoles, bâtiments adminis-
tratifs, installations de protection civile, etc. On parle aujourd’hui
de biens communs pour désigner un bien ou une ressource (qualité
de l’air) qui échappe à la propriété individuelle et qui peut être utili-
sée par tout le monde ou par une communauté définie d’utilisateurs
(buanderie collective dans un immeuble ou le poisson de mer, la bio-
diversité, l’eau, par exemple). L’absence ou le non-respect de règles
d’utilisation, de même qu’une rivalité dans l’appropriation de la res-
source (cas du poisson de mer souvent victime de la surpêche) peut
entraîner la dégradation ou la disparition du bien.

« Rien n’est sans conséquence. Les biens gratuits ou libres sont ceux dont l’abondance naturelle per-
En conséquence, rien n’est met de satisfaire les besoins jusqu’à satiété ; ils ne souffrent d’aucune
jamais gratuit. » rareté et sont accessibles à chacun d’entre nous. Cependant – et peut-
Confucius être l’aurez-vous constaté ! –, la grande majorité des biens n’existe
pas à profusion. Ils sont produits par l’homme et peuvent être définis
comme rares, au sens économique du terme, c’est-à-dire existant en
quantité limitée. Ces biens économiques n’ont évidemment plus rien
de gratuit du moment qu’ils ont nécessité une intervention humaine.
Chapitre 1 Introduction à l’économie politique 15

Biens gratuits Biens économiques


ou biens libres Biens de consommation Biens de production
Biens matériels Biens matériels
l’air, un panorama, nourriture, habits, machines, infrastructures, machines, etc.
la lumière du soleil outillages, voitures, etc.
Certains biens économiques étaient Services Biens immatériels
autrefois des biens gratuits. activités qui satisfont un besoin connaissances techniques
Par exemple : l’eau, le sol, la forêt

3. 1. La filière inversée
Autrefois, l’offre était conçue pour répondre à une certaine demande : « La plupart du temps, les
les biens et les services étaient produits pour satisfaire les besoins des gens ne savent pas qu’ils
consommateurs. De nos jours, afin d’entretenir et de stimuler l’appé- veulent un produit jusqu’à ce
tit consumériste, l’offre précède et génère souvent la demande. Cette que vous le leur montriez. »
­t héorie de la filière inversée – décrite par l’économiste canadien Steve Jobs (1955-2011)
Cofondateur et PDG d’Apple
J. K. Galbraith, 2e partie du XXe siècle – fut rendue possible par le déve-
loppement du marketing et le matraquage publicitaire. Pour vendre, il
s’agit donc de créer de nouveaux besoins chez le consommateur pour
lui faire acheter des produits qui ne lui sont pas forcément néces-
saires (par exemple, des fraises en hiver ou des chaufferettes pour
bar en plein air). Cette consommation effrénée rend-elle l’ho mme
d’aujourd’hui plus heureux que celui des générations précédentes ?
On peut se poser la question. En effet, la qualité de la vie ne dépend
pas seulement de la richesse, mais aussi d’éléments tels que la justice
sociale (égalité de traitement, répartition des revenus), la liberté (de
commerce, de conscience), la propreté de l’environnement ou la sécu-
rité dans son emploi ou face aux incertitudes de la vie. Nous aurons
l’occasion de revenir plus loin sur ces problèmes de qualité de vie liés à
l’objectif de croissance d’une économie.

Voici deux exemples qui montrent que le génie humain est sans bornes « A New York, les chats qui
lorsqu’il est question de faire miroiter un avenir meilleur pour le client… s’ennuient­ont désormais
et pour le tiroir-caisse. la possibilité de suivre les
programmes d’une chaîne de
Dix mille Israéliens ont acquis des lopins de… lune. Ils possèdent 10 % des télévision qui leur est entière-
40 millions de kilomètres carrés lunaires déjà vendus à travers le monde. ment consacrée. Meow TV leur
Peut-être une nouvelle version de la Terre promise… L’ambassade de la offre un programme quotidien
Lune en Chine a été condamnée à une forte amende pour avoir vendu qui propose notamment du
25 hectares de sol lunaire à une trentaine de Chinois, probablement à yoga pour chats et des poésies
l’étroit au milieu d’un milliard et demi de compatriotes… Dans les deux animales. »
cas, le prix du sol lunaire était d’environ 10 francs pour une parcelle de 24 heures, AP, avril 2004
1000 mètres carrés.
Selon des dépêches de l’AFP, 4 janvier 2007, et ATS, 17 mars 2007

Le flair des éleveurs suffisait jusqu’alors pour repérer les vaches en chaleur. Une vache laitière doit idéa-
Plus agitées qu’à l’accoutumée, leur comportement inhabituel indiquait lement avoir un veau chaque
qu’elles étaient prêtes pour une insémination. La technologie moderne va année pour être « rentable ». Un
libérer l’agriculteur de ses longues missions d’observation. Une dépêche du cycle d’ovulation non détecté,
New York Times (!) nous indique que désormais « les vaches suisses envoient et voilà un manque à gagner
d’environ 500 francs pour
des SMS pour annoncer qu’elles sont en chaleur » ! Non, Nokia n’a pas inventé
un agriculteur. Produire des
le clavier pour sabots. Les ruminantes modernes sont équipées d’un thermo-
hectolitres de lait, « pondre »
mètre dans le vagin et d’un capteur autour du cou. Développé par la start-up un veau chaque année – qu’on
bernoise Anemon SA, testé dans plusieurs exploitations suisses, le système lui soustrait généralement
rencontre un grand succès international. La version 2 permettra peut-être à de suite – … chienne de vie de
Blanchette de dire si elle préfère le taureau du voisin à la pipette du vétérinaire. vache !
Selon un article de L’Hebdo du 4 octobre 2012
16 Chapitre 1 Introduction à l’économie politique

3. 2. L’obsolescence programmée
En Europe, nous changeons Depuis quelques années, générer la demande ne suffit pas. Pour faire
notre téléphone portable tous tourner l’appareil de production, il convient désormais d’éviter que les
les dix-huit mois. Chez les objets ne durent trop longtemps. On parle d’obso­lescence programmée
12-17 ans, c’est même tous les
neuf mois que naît le petit frère
pour décrire ces techniques qui visent à réduire intentionnellement la
de l’ancien téléphone mobile. durée de vie ou d’utilisation d’un produit afin d’en augmenter le taux de
Pour répondre à cette hystérie remplacement. La palette de stratagèmes des fabricants d’électronique et
consumériste, la Chine produit d’électroménager va des matériaux de piètre qualité à la quasi-impossi-
20 téléphones portables par bilité de réparer les appareils, en passant par des pièces détachées introu-
seconde !
vables, sans compter l’incompatibilité progressive des accessoires. Ainsi,
les imprimantes sont programmées pour cesser de fonctionner après tant
de milliers d’impressions, les téléphones mobiles sont conçus pour ne pas
admettre les nouvelles fonctionnalités à venir, les fours à micro-ondes
sont impossibles à réparer faute de pièces de rechange, les ampoules meu-
rent après deux mille heures d’éclairage. Votre appareil tombe en panne ?
Le devis de la réparation étant souvent supérieur au coût d’un nouvel appa-
reil, vous renoncez à la réparation, jetez l’objet et achetez à neuf, comme
tout le monde, ou presque. A ce rythme, les ressources de la planète s’épui-
sent, les déchets s’amoncellent et l’humanité suffoque sous la pollution
engendrée par cette frénésie de changement, parfaitement orchestrée.

« La nouvelle de ma mort a été Dans le domaine technique, le changement est désormais continu. L’inno-
très exagérée. » vation permanente incite à acheter. L’objet devient gadget, jeté avant que le
Mark Twain consommateur ait eu le temps de s’y attacher. Chaque année, une révolution
est annoncée et le consommateur attend la nouveauté – même si elle n’en
est souvent pas réellement une – avec impatience. Une publicité percutante
va convaincre le client que son produit est dépassé (on parle d’obsolescence
commer­ciale). Pour éviter de se ringardiser aux yeux de son entourage, l’obso-
lescence psychologique finira le travail et poussera le consommateur à l’achat.

Existe-t-il une solution pour lutter contre l’épuisement des ressources,


l’obsolescence programmée et son cortège de gâchis ? Le consomma-
teur respon­sable – appelé désormais consommacteur – peut appliquer la
« règle des 3 r » :
recycler l’appareil définitivement usé en l’amenant à un point de collecte
prévu à cet effet ;
réduire la consommation vorace en énergie en choisissant des appa-
reils économiques ;
rallonger le cycle de vie du produit, et lutter ainsi contre l’obsolescence
programmée, en ajoutant deux « r » : réparer avant de réemployer les
appareils tombés en panne.
Chapitre 1 Introduction à l’économie politique 17

4. Les facteurs de production


La production de biens destinés à satisfaire les besoins va nécessiter l’enga­
ge­ment de toutes sortes de moyens. On appelle facteurs de production

les moyens matériels et immatériels qui vont permettre la production de


biens et de services.

En général, on distingue quatre facteurs de production : les ressources


naturelles, le travail, le capital et le savoir.
Les ressources naturelles sont composées des matières premières
que la nature nous fournit grâce à l’exploitation du sol (produits ali-
mentaires, bois, etc.) ou du sous-sol (minerais et produits énergé-
tiques). Les terrains mis à disposition des entreprises entrent égale-
ment dans cette catégorie.
Le travail regroupe toutes les activités physiques ou intellectuelles
qui permettent de dégager un revenu. Il est l’acte par lequel l’homme
transforme les ressources naturelles ou fournit des prestations à
autrui sous forme de services.
Le capital représente ici l’ensemble des biens matériels (machines,
infrastructures, bâtiments) qui augmente l’efficacité du travail
humain. Le développement fulgurant du capital technique a per-
mis de multiplier la production de biens et de services.
Le savoir regroupe les éléments qui dynamisent le capital humain :
connaissances, savoir-faire, aptitudes, compétences, créativité et
esprit d’entreprise. Cette activité purement cérébrale va permettre
la création de nouveaux biens, de nouvelles méthodes de produc-
tion, de nouveaux circuits de distribution, etc.

La quantité et la qualité des facteurs de production sont très impor- « Si on me demande
tantes pour le développement économique d’un pays. Cependant, pris de déplacer la tour Eiffel,
séparément, aucun des quatre éléments ci-dessus n’est en mesure de je dis : ‹On la met où ?› »
produire les biens et les services nécessaires à la satisfaction des besoins Christian Constantin
… Entrepreneur
des individus. C’est leur combinaison qui est productive. Le rôle de
l’entre­pre­neur se révèle alors essentiel.

La combinaison des facteurs de production peut prendre des aspects divers.


Dans le domaine agricole, par exemple, les pays en développement sont
contraints d’engager beaucoup de forces de travail en raison du manque de
moyens techniques. L’inverse se vérifie dans les pays riches où la mécanisa-
tion a remplacé le travail humain.
L’absence de ressources naturelles a obligé notre pays à importer les matières
premières nécessaires au processus de production. Une bonne formation du
personnel, des outils de travail performants et beaucoup de créativité nous
permettent de transformer la matière première en produits finis qui seront
consommés sur place ou exportés dans le monde entier.
Certains de ces facteurs de production sont substituables : ainsi, dans les
années 1930, l’arrivée des premières pelles mécaniques a semé la discorde
sur les chantiers en Suisse. En effet, un seul de ces engins mettait automa-
tiquement une vingtaine de pelleurs (employés creusant le sol avec leur
pelle), soit autant de pères de famille, au chômage !
Au niveau de l’économie
nationale, le cumul des valeurs
ajoutées – créées par toutes
Toute entreprise va devoir se procurer les quatre facteurs de production les entreprises résidant sur le
territoire du pays considéré –
vus ci-dessus. En les combinant au mieux, elle espère créer des biens
permettra de calculer le produit
et des services dont la valeur finale dépassera la valeur des ressources intérieur brut (PIB), élément clé
employées. C’est ce processus de création de valeur ajoutée qui va per- de la performance économique
mettre l’enrichissement et la pérennité des entreprises. nationale (voir chap. 6).

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