Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
Sport et corruption: un document
implique le bras droit de l’émir du Qatar
PAR YANN PHILIPPIN
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 25 JUIN 2019
Tamim al-Thani a succédé à son père Hamad en 2013 à
la tête du richissime émirat gazier du Qatar. © Reuters
Une enquête de Mediapart et de The
Guardian dévoile que le directeur de cabinet de l’émir
Tamim al-Thani a négocié des versements suspects au
cœur de l’enquête judiciaire française pour corruption
sur l’attribution des mondiaux d’athlétisme. Le
président du PSG, Nasser al-Khelaïfi, est également
bien plus impliqué que ce qu’il a bien voulu dire au
juge.
Depuis plusieurs années, le Qatar est soupçonné
d’avoir acheté l’organisation d’événements sportifs.
Mais pour la première fois, le directeur de cabinet de
l’émir du Qatar Tamim al-Thani est soupçonné d'être
impliqué dans ce processus, lors de la candidature de
Doha pour les Mondiaux 2017 d’athlétisme.
L’histoire prend donc la tournure d’une affaire d’État.
C’est ce que montrent des documents confidentiels
consultés par Mediapart et le quotidien britannique
The Guardian.
Le juge Renaud Van Ruymbeke enquête sur cette
affaire qatarie dans le cadre d’une vaste information
judiciaire sur la corruption présumée à l’IAAF,
la fédération internationale d’athlétisme. Nasser al-
1/7
1
Khelaïfi, patron du PSG et de la chaîne BeIN Sports, a
été mis en examen pour « corruption active » fin mai.
Il rejette fermement les accusations.
Tamim al-Thani a succédé à son père Hamad en 2013 à
la tête du richissime émirat gazier du Qatar. © Reuters
Comme Mediapart l’a révélé, l’enquête porte sur des
virements de 3,5 millions de dollars effectués par Oryx
QSI, une société qatarie gérée par un frère de Nasser
al-Khelaïfi, à la société de Papa Massata Diack, fils de
l’ancien président de l’IAAF Lamine Diack et agent
commercial de la fédération chargé de négocier les
droits des Mondiaux.
Oryx QSI avait promis d’acheter ces droits à la
société de Papa Massata Diack, mais uniquement
si le Qatar obtenait les Mondiaux 2017. Surtout, le
contrat prévoyait un paiement non remboursable de
3,5 millions de dollars, au titre de la « campagne pour
la candidature ».
Un courriel confidentiel, qui ne figure pas au dossier
judiciaire, montre qu’un versement d’un montant
proche (5 millions de dollars, dont 440 000 en cash)
a été négocié huit jours plus tôt entre Papa Massata
Diack et le directeur de cabinet de l’actuel émir du
Qatar.
Notre enquête montre également que contrairement
à ce qu’il a affirmé au juge, Nasser al-Khelaïfi a
personnellement pris part à la campagne du Qatar pour
tenter d’obtenir les Mondiaux 2017 et les JO 2020.
Un courriel que The Guardian avait déjà cité, et
que Mediapart a également consulté, montre que le 4
octobre 2011, Papa Massata Diack (surnommé PMD)
se rend à Doha avec une délégation de l’IAAF chargée
d’évaluer les sites susceptibles d’abriter les épreuves
du Mondial 2017. Deux jours plus tard, il écrit à un
Qatari qu’il appelle « cher cheikh Khaled ».
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
« Je vous remercie encore pour votre accueil et vos
diligences lors de mon séjour à Doha, écrit-il. Vous
trouverez ci-joint les coordonnées bancaires pour
le transfert de 4,5 millions de dollars qui doit être
effectué comme convenu ;- Le solde de 440.000 doit
rester à Doha en cash, j’irai le chercher la prochaine
fois que je viendrai. »
Papa Massata Diack précise que le paiement doit être
réalisé « urgemment aujourd’hui afin que je puisse
finaliser les choses avec le président » et lui montrer
« le contrat signé et la confirmation bancaire ».
Papa Massata Diack, fils de l’ancien président de
l’IAAF, en avril 2018. © Youtube / CGTN Africa
Le « président » en question est selon toute
vraisemblance l’ancien président de la fédération
internationale d’athlétisme, son père Lamine Diack.
Quant au contrat, il s’agit vraisemblablement de celui
conclu entre sa société Pamodzi et Oryx QSI, la société
dirigée par un des frères de Nasser al-Khelaïfi.
PMD joint en effet dans le même courriel à « cheikh
Khaled » le numéro de compte sénégalais de Pamodzi,
ainsi qu’un document que lui avait « demandé QSI
ou Oryx QSI » prouvant qu’il est l’agent officiel de
l’IAAF.
Huit jours plus tard, Oryx QSI fait un premier virement
de 3 millions de dollars à Pamodzi au Sénégal – un
second de 500 000 dollars suivra le 7 novembre.
« Cheikh Khaled » utilise un compte
hotmail.com ouvert sous un pseudonyme. Mais
après avoir analysé des dizaines d’autres courriels
confidentiels en collaboration avec The Guardian,
Mediapart est parvenu à l’identifier : il s’agit du cheikh
Khaled ben Khalifa al-Thani, membre de la famille
royale et directeur de cabinet de l’actuel émir Tamim
al-Thani.
2/7
2
Tamim al-Thani, qui a succédé à son père Hamad
en 2013, était à l’époque des faits prince héritier,
président du comité olympique du Qatar, membre du
comité exécutif du Comité international olympique
(CIO), et chargé par son père de piloter la stratégie
du richissime émirat gazier pour décrocher les
plus prestigieuses compétitions sportives – dont
l’attribution fin 2010 de la coupe du monde de football
2022, visée par plusieurs enquêtes pour corruption
(lire notre enquête ici).
Le cheikh Khaled al-Thani est le fidèle bras droit
de Tamim al-Thani depuis plus de dix ans. Il est,
aujourd’hui encore, directeur de cabinet de l’émir et
«directeur du Diwan Amiri » (« palais de l’émir »,
l’Élysée qatari).
Le courriel suggère que Papa Massata Diack était aussi
en contact direct l’époque avec le prince héritier. PMD
écrit en effet au directeur de cabinet de Tamim al-
Thani qu’il ne se sentait pas tenu d’envoyer à Oryx
QSI l’attestation prouvant qu’il est l’agent de l’IAAF,
mais qu’il « la doit à Votre Altesse et à vous-même,
car vous seuls connaissez le rôle que je joue dans ce
dossier ».
Au Qatar, le titre d’« altesse » est réservé à une poignée
de membres les plus éminents de la famille royale,
dont l’émir, ses épouses et le prince héritier.
Le courriel du 6 octobre 2011 est donc explosif.
Jusqu’à présent, Tamim al-Thani et son directeur de
cabinet n’étaient pas apparus dans l'enquête déjà bien
fournie menée par l'équipe du procureur Jean-Yves
Lourgouilloux, du Parquet national financier (PNF),
puis par le juge Renaud van Ruymbeke. Sollicités par
Mediapart et The Guardian, ils n’ont pas donné suite.
La justice soupçonne que le paiement de 3,5 millions
de dollars, effectué un mois avant le vote d’attribution
des Mondiaux 2017, a servi soit à influencer Liamine
Diack (le Qatar a perdu mais a obtenu l’édition 2019),
soit qu’il s’agissait d’une contrepartie de l’accord écrit
donné trois mois plus tôt par le président de l’IAAF
pour que les Mondiaux 2017 et les JO 2020 se tiennent
en septembre – condition indispensable pour que le
Qatar puisse candidater à ces deux événements.
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
Comme l'a révélé l'AFP, les Diack père et fils
viennent par ailleurs d'être renvoyés devant le tribunal
correctionnel par le juge Van Ryumbeke dans un
premier volet du dossier, pour abus de confiance au
détriment de l’IAAF ainsi que pour corruption au
sujet du dopage russe (protection des athlètes dopés
moyennant finances).
La corruption présumée des Mondiaux d'athlétisme
fait l'objet d'une seconde procédure, qui porte
également sur l’attribution des JO 2016 à Rio et 2020 à
Tokyo – Papa Massata est soupçonné d’avoir monnayé
la voix de son père, membre influent du CIO.
Banni de toute activité sportive en 2016, Papa Massata
Diack, qui ne quitte plus le Sénégal, fait l’objet d’un
mandat d’arrêt international émis par la France en
2017.
Selon nos informations, le juge Van Ryumbeke a
émis le 18 avril dernier un nouveau mandat d’arrêt
international à son encontre en lien avec le volet
qatari de l’affaire, motivé par des faits présumés de
corruption passive et blanchiment aggravé. « La météo
est parfaite au Sénégal. L’idéal serait vous et les juges
français (vos vrais patrons) s’expliquent devant un
tribunal !!! », nous a répondu PMD, sans plus de
détails.
Nasser al-Khelaïfi (à droite) avec le prince héritier du Qatar Tamim al-Thani
en 2012, un an avant qu’il ne succède à son père à la tête de l’État. © Reuters
Quid de Nasser al-Khelaïfi, pièce centrale du dispositif
qatari, également mis en examen pour corruption ?
Le président du PSG a été auditionné une seconde
fois par le juge la semaine dernière, comme l’a révélé
L’Équipe. Il se dit innocent. « Il n'y a pas d'affaire.
[…] Monsieur Van Ruymbeke se fourvoie », a déclaré
son avocat Francis Szpiner au quotidien sportif.
3/7
3
Nasser al-Khelaïfi a refusé de répondre à nos
questions. Il « ne rend compte qu’à ses juges, n’a
aucun commentaire à vous faire et constate à regret
les violations [du secret] de l’instruction », nous a fait
savoir Me Szpiner.
Le patron du PSG a affirmé au juge n’avoir rien su
du virement, et qu’Oryx QSI était gérée exclusivement
par son frère Khaled. Lors de sa première audition
en mars, il avait admis en être actionnaire à
50 %. Un document fourni par la suite par l’un de
ses collaborateurs montre qu’il n’a été actionnaire
qu’entre 2013 et 2016. « Mon client n'a jamais eu
la signature, et en 2011, il n'était ni actionnaire ni
dirigeant de la société », a indiqué son avocat à
L’Équipe.
Nasser al-Khelaïfi a aussi assuré au juge qu’il n’avait
joué, en 2011, aucun rôle dans les candidatures
sportives du Qatar : « Je ne me suis absolument pas
occupé de la négociation pour les championnats du
monde d’athlétisme ou pour les jeux olympiques […].
Pour ces événements, il y a un comité d’organisation
dans lequel je ne suis pas partie prenante. »
Notre enquête contredit ses affirmations. Il était
à l’époque membre d’un comité secret de cinq
personnalités baptisé « the Brain Trust » (« comité
des cerveaux »), chargé d’assister le prince héritier
Tamim al-Thani et sa sœur la cheikha al-Mayassa afin
de décrocher les JO 2020. Le directeur de cabinet de
Tamim écrit dans un courriel que « Son Altesse » a
personnellement validé la composition de ce comité,
au sein duquel Nasser al-Khelaïfi était chargé des
« questions liées aux médias ».
D’autres documents démontrent que Nasser al-
Khelaïfi était aussi, en tant que patron de BeIN
Sports (qui s’appelait à l’époque Al-Jazeera Sports),
officiellement mandaté pour aider le Qatar à décrocher
les Mondiaux 2017 d’athlétisme.
Le 26 juin 2011, un courrier lui est adressé par Saoud
al-Thani, secrétaire général du comité olympique
qatari, président du comité de candidature aux
Mondiaux 2017, et membre lui aussi du « comité des
cerveaux » des JO 2020.
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
Il demande à Nasser al-Khelaïfi que BeIN Sports
« soutienne » la candidature du Qatar, notamment en
achetant les droits télé de toutes les compétitions de
l’IAAF pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord
pour la période 2014-2019 – la chaîne qatarie les avait
déjà jusqu’en 2013.
Le 3 juillet 2011, Nasser al-Khelaïfi répond qu’il
accepte et que BeIN Sports « est très heureuse de
faire partie de l’équipe du comité de candidature
pour les Championnats IAAF à Doha et de travailler
étroitement au succès de cet événement au Qatar ».
Des « colis » pour « tenir nos promesses » à
six membres du CIO
Ces courriers ont été fournis fin mars au juge Van
Ruymbeke par Yousef al-Obaidly, directeur général
de BeIN, lui aussi mis en examen pour « corruption
active ». Lors de son audition, dont Mediapart révèle
le contenu, il a tout fait pour dédouaner son patron.
Il a expliqué que Nasser al-Khelaïfi n’était « pas
présent lors de la réception de cette lettre » et que
la réponse a été signée en son nom par l’un des ses
collaborateurs.
Yousef al-Obaidly, directeur général de BeIN Sports et administrateur
du PSG, est le plus proche collaborateur de Nasser al-Khelaïfi. © D.R.
Il semble toutefois improbable que Nasser al-Khelaïfi
n’ait pas été prévenu de la signature d’un courrier
l’engageant personnellement, sur un dossier d’une
telle importance. Yousef al-Obaidly l’a-t-il informé à
son retour ? « Je ne m’en souviens pas. Peut-être l’ai-
je fait mais il n’était pas engagé dans cette affaire »,
a-t-il répondu au juge.
4/7
4
Yousef al-Obaidly a reconnu sa « relation privilégiée »
avec Nasser al-Khelaïfi, qu’il a connu comme
partenaire de tennis il y a près de trente ans, avant de
travailler pour lui à la fédération qatarie de tennis, puis
à BeIN et dans les autres organismes qu’il dirige : al-
Obaidly siège au conseil d’administration du PSG et
de son actionnaire, le fonds souverain QSI.
Sans surprise, al-Obaidly, qui était en 2011 directeur
commercial de BeIN, est chargé de tenir la promesse
faite par son patron au président du comité de
candidature de Doha 2017 : acheter les droits télés
de l’IAAF. C’est ainsi qu’il a rencontré Papa Massata
Diack, l’homme mandaté par la fédération de les
vendre. Selon al-Obaidly, l’IAAF très gourmande, a
fait savoir au comité de candidature « qu’il fallait
davantage d’incitations financières ».
Mais il y avait selon lui un problème technique : en tant
que groupe de médias, BeIN pouvait acheter les droits
télé, d’une valeur d’environ 1,5 million de dollars,
mais pas les droits de sponsoring, dont Papa Massata
Diack voulait 30 millions. Selon al-Obaidly, il fallait
donc trouver une société prête à acheter l’ensemble,
puis à revendre les droits télé à BeIN et trouver des
sponsors.
Yousef al-Obaidly affirme avoir décidé tout seul de
proposer l’affaire à son « ami » Khaled al-Khelaïfi,
frère de son patron et gérant d’Oryx QSI. La fine
fleur des sociétés d’État qataries (Qatar Airways, la
banque QNB, l’opérateur télécoms Oreedoo) étant
prête à sponsoriser Doha 2017, Oryx QSI « aurait
gagné beaucoup d’argent si le vote avait été favorable
(10 ou 15 millions de bénéfices) », assure-t-il.
Il affirme que Khaled al-Khelaïfi et lui ont négocié
avec Papa Massata Diack l’achat des droits pour 32,6
millions de dollars, payables uniquement si le Qatar
obtenait les Mondiaux. Ce qui est problématique, car
susceptible d’influencer l’IAAF.
Le Qatar venait d’utiliser le même procédé avec le
Mondial de foot 2022, comme l’a révélé le Sunday
Times. En novembre 2010, trois semaines avant le
vote, la chaîne Al-Jazeera a acheté des droits télé à
la Fifa pour 300 millions de dollars… plus un bonus
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
de 100 millions si le Qatar obtenait le Mondial ! Le
contrat a été signé par Nasser al-Khelaïfi et Yousef al-
Obaidly.
Mais pour les Mondiaux d’athlétisme, l’offre ne
convenait manifestement pas au fils du président de
l’IAAF. Comme le montre notre mail confidentiel, il
voulait 5 millions de dollars sans conditions, somme
qu’il dit avoir négociée directement avec le directeur
de cabinet du prince héritier lors de son voyage à Doha
le 4 octobre 2011.
Yousef al-Obaidly était lui aussi présent ce jour-là à
Doha, mais il a refusé de répondre à Mediapart sur ce
qui s’y est passé. Il a en tout cas indiqué au juge que
Papa Massata Diack avait, au bout du compte, « dicté
les termes [du] contrat » et « imposé » le paiement
immédiat de 3,5 millions à Pamodzi : « Il ne nous
a pas laissé de place pour la discussion. » Yousef
al-Obaidly dit qu’il ne se « souvient pas » en avoir
informé Nasser al-Khelaïfi.
Interrogé par Mediapart, il a refusé de répondre à nos
questions précises, mais nous a adressé une déclaration
(à lire en intégralité dans l’onglet Prolonger). Il y
déplore les fuites du dossier judiciaire dans la presse
et indique que « les allégations » de la justice à
son encontre « sont complètement et catégoriquement
rejetées et seront vivement contestées en utilisant toute
la force de la loi ».
Le prince héritier Tamim al-Thani, et actuel émir du Qatar,
avec le président du CIO Jacques Rogge en 2009. © D.R.
Selon lui, le paiement de 3,5 millions n’était en rien de
la corruption, mais « une avance non remboursable »
dans le cadre d’un « accord commercial parfaitement
légitime » passé « en totale conformité » avec les
procédures de l’IAAF. Il ajoute que Pamodzi aurait
reversé 3,2 millions de dollars à la fédération et son
partenaire japonais Dentsu, et n’aurait donc conservé
que 300 000 dollars.
5/7
5
Notre enquête montre enfin que Papa Massata Diack
s’était mis au service de la famille royale qatarie
au moins trois ans plus tôt, alternant manœuvres
sulfureuses et demandes d’argent.
Le 17 août 2011, trois mois avant le paiement des
3,5 millions de dollars, PMD écrivait à l'adresse
Hotmail identifiée par Mediapart comme étant celle
du directeur de cabinet du prince héritier Tamim al-
Thani, pour lui envoyer « comme promis » les deux
lettres écrites par son père, dans lesquelles le président
de l’IAAF acceptait que les Mondiaux 2017 et les
JO 2020 se tiennent en septembre, facilitant ainsi les
candidatures qataries.
Papa Massata Diack en profite pour solliciter un
service au sujet des Mondiaux d’athlétisme 2011 de
Daegu (Corée du Sud), qui débutent dix jours plus
tard. La chaîne qui diffuse l’événement en Allemagne
n’a toujours pas trouvé de sponsor. PMD demande
donc « en urgence » au directeur de cabinet de Tamim
al-Thani que Qatar Airways ou une autre société
qatarie intéressée par le marché allemand devienne
le partenaire officiel des diffusions télé, moyennant
500 000 dollars.
Un an plus tôt, en août 2010, Papa Massata Diack
a fait suivre à la même adresse Hotmail un courriel
qu’il venait d’écrire au secrétaire général du comité
olympique qatari (COQ). PMD y avait joint le budget
prévisionnel, poste par poste, des Mondiaux de Daegu,
ainsi qu’un document confidentiel sur l’organisation
de la compétition. Il s’agissait manifestement d’aider
Doha à préparer sa candidature pour l’édition 2017.
Comme d’habitude, Papa Massata Diack en profite
pour parler gros sous. Dans son courriel au secrétaire
général du COQ, il indique que « Son Altesse » a
accepté de financer le congrès de l’IAAF qui se tiendra
pendant les Jeux de Daegu. Il précise que le cheikh
Khalid al-Thani, directeur de cabinet du prince héritier
Tamim, a reçu des documents destinés à « maximiser
le sponsoring de Qatar Airways à 25 millions de
dollars ».
Un dernier courriel, dont des extraits ont déjà été
publiés par The Guardian, est encore plus troublant.
Le 23 septembre 2010, Papa Massata Diack fait suivre,
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
sur la même adresse Hotmail identifiée par Mediapart
comme étant celle du directeur de cabinet de Tamim
al-Thani, un courriel qu’il avait envoyé le 6 mai 2008
à un homme d’affaires qatari, avec qui il travaillait
de concert pour assouvir les ambitions sportives de
l’émirat.
En ce début mai 2008, le Qatar était dans la dernière
ligne droite de sa bataille pour décrocher les JO de
2016. Sa candidature sera rejetée pile un mois plus
tard par le CIO, car les dates proposées par Doha
pour des raisons climatiques (il y fait trop chaud l’été)
sont jugées incompatibles avec le calendrier sportif
international.
Dans son courriel à l’homme d’affaires qatari, Papa
Massata Diack explique que son « conseiller spécial »
s’est récemment rendu à Pékin pour discuter avec ses
« amis du comité exécutif » du CIO. Six individus
désignés par leurs initiales, qui correspondent tous à
des membres du « comex » du CIO, ont demandé que
« leurs colis » leur soient livrés par le « conseiller
spécial » à Monaco.
Papa Massata Diack s’inquiète. Il a donné à l’homme
d’affaires qatari « les montants totaux » à livrer
à Monaco au « conseiller spécial » afin qu’il
puisse les distribuer au plus vite. Mais rien n’est
arrivé, alors même que le « conseiller spécial »
doit quitter Monaco le surlendemain. Nous devons
« livrer ce qu’on a promis », insiste PMD, faute
de quoi le « conseiller spécial » ne pourra être
tenu pour responsable d’un éventuel « non-respect
des engagements pris par ses amis en cette période
cruciale ».
Lamine Diack, alors président de l’IAAF, lors d’une
conférence de presse à Doha en 2011. © Reuters
Papa Massata Diack est d’autant plus mécontent que
les « efforts » du « conseiller spécial » correspondent
« aux discussions que nous avons eues au Negresco
6/7
6
[le célèbre palace de Nice – ndlr] avec Son Altesse ».
Il précise que si « Son Altesse a des doutes ou des
problèmes, il ne devrait pas hésiter » à se rendre à
Monaco pour en parler avec le « conseiller spécial ».
Des sources proches de l’IAAF ont indiqué au
Guardian qu’il est probable que le « conseiller
spécial » soit Lamine Diack, père de Papa Massata
et président de la fédération internationale. Cela
correspond à des éléments issus du courriel : l’IAAF
a son siège à Monaco, et Lamine Diack s’est rendu en
Russie le 9 mai 2008 pour assister à une compétition
d’athlétisme, ce qui correspond à la date à laquelle le
« conseiller spécial » devait quitter la principauté.
Interrogé par Mediapart, l’avocat de Lamine Diack,
William Bourdon, nous a fait savoir que son client
ne souhaitait pas nous répondre avant d’avoir pu
s’expliquer devant le juge.
Reste un dernier mystère : pourquoi Papa Massata
Diack a-t-il transmis en 2010 ce courriel au directeur
de cabinet du prince héritier Tamim al-Thani, sans le
moindre commentaire, deux ans après l’avoir rédigé ?
S’agissait-il de lui rappeler qu’il faut distribuer des
« colis » pour remporter les Mondiaux d’athlétisme
ou des JO ? Aucun des intéressés n’a accepté de nous
répondre.
Boite noire
Cette enquête a été réalisée en partenariat avec le
quotidien britannique The Guardian.
Contacté par courriel via le Diwan Amiri (l’Élysée
qatari), l'émir Tamim al-Thani n'a pas donné suite.
Idem pour son directeur de cabinet Khalid al-
Thani, contacté via le Diwan Amiri et son courriel
professionnel.
L'avocat de Nasser al-Khelaïfi nous a fait savoir que
son client ne souhaitait pas nous répondre et réservait
ses réponses à la justice.
Yousef al-Obaidly a refusé de répondre aux questions
précises que nous lui avions fait parvenir. Il
rejette « complètement et catégoriquement » ces
allégations et nous a fait parvenir une déclaration
(disponible en intégralité dans l'onglet Prolonger) et
ses arguments généraux par courriel.
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
L'avocat de Liamine Diack, William Bourdon, nous a
indiqué que son client ne souhaitait pas nous répondre
avant d'avoir pu s'expliquer devant le juge d'instruction
sur cette affaire.
Papa Massata Diack a refusé de répondre à nos
questions, via un bref courriel (disponible en
intégralité dans l'onglet Prolonger).
Prolonger
Le directeur de la communication de BeIN Sports
nous a fait parvenir la déclaration écrite suivante
de Yousef al-Obaidli, précisant qu'elle était réalisée
à titre personnel et pas au nom de BeIN Sports,
dont il est le directeur général :
« Je me suis rendu volontairement à une réunion dans
le cadre d'une enquête préliminaire. Les allégations
soulevées sont non seulement totalement dénuées de
Directeur de la publication : Edwy Plenel
Directeur éditorial : François Bonnet
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS).
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007.
Capital social : 24 864,88€.
Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des
publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071.
Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel
(Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires
directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel,
Marie-Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa,
Société des Amis de Mediapart.
7/7
7
base et de fondement, mais elles ont - de manière
tout à fait remarquable - fuité dans les médias
à plusieurs reprises pendant plusieurs semaines. Il
semble que les faits de base et que tout respect de
la procédure légale ont été totalement ignorés. Pour
que les choses soient claires, les allégations sont
complètement et catégoriquement rejetées et seront
vivement contestées en utilisant toute la force de la
loi. Il ne serait pas approprié de faire de plus amples
commentaires. »
Papa Massata Diack nous a adressé par courriel la
réponse suivante :
« La météo est parfaite au Sénégal. L’idéal serait vous
et les juges français (vos vrais patrons) s’expliquent
devant un tribunal !!! Pour tirer les choses au clair.
L’enquête est finie et si vous êtes sûrs de vos preuves,
vous n’avez qu’à les présenter dans ce cadre. »
Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris
Courriel : contact@mediapart.fr
Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08
Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90
Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions
simplifiée au capital de 24 864,88€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS,
dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris.
Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart
peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. ou par courrier
à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 4, rue Saint Hilaire 86000 Poitiers. Vous pouvez
également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012
Paris.