Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
ASLI AMINA
Enseignante chercheur, ENCG, Université Hassan 1er, Settat.
Amina_asli@yahoo.fr
EL IDRISSI SLITINE ABDELALI
Enseignant chercheur, ENCG, Université Hassan 1er, Settat.
a.slitine@hotmail.com
Résumé : Abstract :
L’entrepreneuriat social, concept en Social entrepreneurship arouses a great
construction, suscite un grand intérêt ces interest in recent years and is the subject of
dernières années et fait l’objet de plusieurs several studies and research. It looks like
études et recherches. Il se présente comme another innovative way to make the economy
une autre voie innovante pour agir au service more humanistic and create social value in
d’activités ayant du sens, rendant l’économie diverse fields (health, education, employment,
plus humaniste et créant de la valeur sociale finance…). However, social entrepreneurship
dans différents domaines (santé, éducation, and its answers to society pressing problems
emploi, finance,…). L’entrepreneuriat social become poorly knowing, its potential sub-
et ses solutions restent toutefois, peu connus, used and the conditions of its expansion still
son potentiel sous utilisé et les conditions de insufficiently met.
son essor encore insuffisamment réunies.
This paper focuses on the specificities of
Cet article s’intéresse aux spécificités social entrepreneurship and the avenues to
de l’entrepreneuriat social et aux pistes de develop this promising sector.
développement de ce secteur aux retombées
très prometteuses.
Introduction :
L’entrepreneuriat social est un thème qui suscite un intérêt croissant ces dernières années. Il
fait l’objet de plusieurs recherches et études ainsi qu’une large médiatisation.
Les entrepreneurs sociaux cherchent à apporter des réponses innovantes aux problèmes
pressants de la société mal ou peu satisfaits ou encore en apparence insolubles. Leur motivation
première est de créer de la valeur sociale pour une plus grande justice, tout en assurant la viabilité
économique de leurs projets. La rentabilité financière n’est plus une fin en soi, contrairement aux
entreprises classiques, mais plutôt un moyen.
L’entrepreneuriat social se présente dès lors comme une incarnation concrète d’une autre
voie possible, professionnelle et crédible, pour agir au quotidien au service d’activités qui ont
du sens (Barthélémy A. et Slitine R. 2011, p.11). Une autre voie pour rendre l’économie plus
humaniste et plus noble. Le message de l’entrepreneuriat social selon COFIDES (2007) est simple :
« « l’économique» ne doit pas être l’exploitation, l’inégalité ou l’égoïsme, mais un moyen efficace
et puissant à mettre au service de l’homme et de son épanouissement. De même, le « social »
ne doit pas être le ‘ghetto’, le ‘misérabilisme’ ou les ‘bonnes œuvres’, mais ce qui crée du lien,
de la solidarité et du collectif ». Les entrepreneurs sociaux pourront ainsi jouer, un rôle essentiel
dans la lutte contre la précarité et toute forme d’exclusion, la valorisation et le développement
de territoires, la création d’emplois, la préservation de l’environnement et le renforcement de la
cohésion sociale.
Des entrepreneurs comme Bill DRAYTON, un ancien de McKinsey et fondateur d’Ashoka,
association internationale de promotion de l’entrepreneuriat social opérant actuellement dans
près de 70 pays ; Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank, qui a rendu le recours au
financement accessible à des populations pauvres ou encore David GREEN, fondateur du projet
Impact qui s’est intéressé au problème de la cataracte dans les pays en développement ainsi qu’à
d’autre problèmes de santé, sont devenues des figures emblématiques en matière d’entrepreneuriat
social et des exemples à méditer et à suivre.
Toutefois, selon le mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves, France), l’entrepreneuriat
social et ses solutions restent méconnus, son potentiel sous utilisé et les conditions de son essor
encore insuffisamment réunies.
Au Maroc, l’intérêt pour l’entrepreneuriat social ne se dément pas et se manifeste
progressivement. En atteste les différentes conférences, journées d’études et colloques organisés
à cet effet.
Qu’est ce que l’entrepreneuriat social ? Qu’est ce qui distingue l’entreprise sociale de
l’entreprise classique ? Comment est perçu l’entrepreneuriat social au Maroc? Et quelles sont les
pistes de développement pour ce nouveau « modèle de production économique » ? C’est à ces
différentes questions que nous tenterons de répondre dans cette recherche exploratoire.
Notre méthodologie de recherche consiste d’une part en une revue de la littérature qui nous
permettrait d’apporter des éléments de réponse surtout aux deux premières questions et d’autre part
en une enquête terrain auprès de deux cibles différentes. La première composée d’étudiants afin de
voir comme est perçu l’entrepreneuriat social et la seconde d’activistes opérant dans le domaine
associatif surtout pour détecter les difficultés rencontrées et les pistes de développement.
Ce travail s’articule autour de trois parties. Dans la première, nous aborderons, le concept
d’entrepreneuriat social ainsi que les spécificités des entreprises sociales. Nous présenterons
ensuite, les résultats de l’étude empirique et finalement, nous explorerons les différentes pistes
possibles pour développer ce secteur.
En définitive, on peut dire que l’entrepreneuriat social est toute initiative privée, portée par
une ou plusieurs personnes militant pour le changement, associant efficacité économique et
impacts sociétaux positifs, innovant à plusieurs titres, distribuant peu de bénéfices et réinvestissant
dans la mission sociétale.
L’entrepreneuriat social renvoie à une réalité plurielle et une diversité de pratiques, de statuts
(associations, fondations, coopératives, mutuelles, sociétés, etc.), de taille et d’enjeux. Les domaines
d’intervention restent aussi nombreux : éducation, emploi, santé, logement, environnement,
handicap, commerce équitable, finance, etc.
Fait-elle partie de l’économie sociale et solidaire ?
55,9% considèrent que l’entrepreneuriat social fait partie de l’économie sociale et solidaire ;
18% trouvent que les concepts d’économie sociale, d’économie solidaire et d’entrepreneuriat social
sont complètement différents alors que 7,5% ne font aucune différence entre eux.
Plus des ¾ des étudiants déclarent ne connaître aucune entreprise sociale et ceux qui trouvent
en connaître, identifient plutôt des entreprises philanthropes.
Enfin, environ 74% des étudiants interrogés ont exprimé leur intérêt pour un module de
formation en entrepreneuriat social.
Par ailleurs, ils sont 72% à considérer l’entrepreneuriat social comme faisant partie de
l’économie sociale et solidaire, contre 16% pour qui le cadre général est le même avec toutefois,
quelques différences. Ceux qui déclarent connaître des entreprises sociales ont du mal à en citer des
exemples ou bien citent des entreprises classiques comme la centrale laitière, Coca-cola ou encore
Maroc Télécom, mais qui en parallèle financent des actions sociales, ce qui atteste d’une large
confusion entre l’entreprise sociale, la philanthropie et la responsabilité sociale des entreprises. La
grande majorité des répondants affirme ne pas connaître de programmes d’appui et de financement
de l’entrepreneuriat social, les rares activistes ayant déclaré en connaître, citent Ashoka, l’Initiative
nationale pour le Développement Humain (INDH), MEDA USAID et les banques.
Les principales difficultés liées à la création d’entreprises sociales selon les répondants, restent
le manque d’encadrement des entrepreneurs sociaux pour 70%, le financement pour 64% et dans
une moindre mesure la prise de risque pour 30%.
La création d’un réseau marocain d’entrepreneurs sociaux serait un atout pour pratiquement
la totalité des répondants. De plus 68% estiment que l’entreprise sociale à besoin d’un cadre
juridique spécifique. Les propositions dans se sens sont diverses, voici quelques unes : « quelque
chose entre la coopérative, l’association et l’entreprise », « statut similaire aux associations
d’utilité publique », «statut juridique qui régit la création, le financement, l’audit ainsi que les
champs d’interventions », « SARL ou SA plus quelques spécificités au niveau de l’objet social »
avec l’exonération fiscale ou système fiscal spécifique et des caisses pour le financement.
Enfin, pour promouvoir le secteur de l’entrepreneuriat social et comme le montre le graphique
ci-dessous, les répondants restent plus favorables au lancement de formations académiques
reconnues, à des actions de sensibilisation et à la création d’incubateurs. Certains suggèrent aussi
le soutien des pouvoirs publics par la facilitation de l’accès aux marchés publics, des financements
spécifiques et des mesures fiscales encourageantes.
Dans la dernière partie de cette recherche, nous continuerons sur le développement de
l’entrepreneuriat social avec la présentation de quelques pistes de réflexion.
d’entrepreneurs sociaux dans le monde qui peut apporter aux entrepreneurs sociaux sélectionnés,
un soutien financier et professionnel afin qu’ils puissent démultiplier leur impact sur la société et
diffuser leurs idées et bonnes pratiques ou encore les fondations Schwab et Skoll qui restent de
grands acteurs de l’entrepreneuriat social.
Mettre à contribution l’Université marocaine : Des modules de formation, voire même des
formations entièrement dédiées à l’entrepreneuriat social permettraient sans doute de favoriser
l’émergence d’entrepreneurs sociaux. 74% des étudiants et 92% des activistes de notre enquête
ont d’ailleurs exprimé leur intérêt pour une telle démarche. Actuellement à l’étranger, la plus
part des grandes écoles de gestion proposent des programmes de formation dans le domaine.
Il en est ainsi par exemple à la Harvard Business School, pionnière en la matière, Cambridge
business School, HEC Liège ou encore à l’ESSEC Paris, via son institut de l’innovation et de
l’entrepreneuriat social. Au Maroc, certaines formations sont lancées mais ne sont pas spécifiques
à l’entrepreneuriat social, il en est ainsi du master en économie sociale et solidaire des universités
Hassan 1er Settat et Mohammed 1er Oujda ainsi que du Master spécialisé en management des
organisations sociales de l’université de Fès.
Démultiplier les compétitions relatives à l’innovation sociale et à l’esprit d’entreprise au
niveau local: Ce genre d’initiatives permet de valoriser les meilleures idées d’innovation sociale,
de soutenir leurs promoteurs ainsi que de créer une certaine émulation entre compétiteurs. Au
niveau international, la Global Social Venture Competition (GSVC) constitue l’unique compétition
(à notre connaissance) de business plans qui permet aux participants, étudiants et jeunes diplômés,
d’être coachés par des professionnels, de rencontrer des investisseurs intéressés par des projets
d’entrepreneuriat social et pour les vainqueurs de gagner des prix allant de 5.000 à 20.000 dollars
américains. Au Maroc, des initiatives à l’instar de Challenger, Fikra.ma sont à encourager et
démultiplier.
Créer un réseau d’entrepreneurs sociaux : Se mobiliser en réseau, permet avant tout de créer
plus de synergie afin de mieux se faire connaître et reconnaître. Notons qu’un réseau marocain de
l’économie sociale et solidaire (REMESS) existe depuis 2006, mais ne constitue pas à notre sens,
le réseau adapté et spécifiques aux entrepreneurs sociaux.
Conclusion :
L’entrepreneuriat social suscite un grand intérêt un peu partout dans le monde. L’intérêt
qui lui porté s’explique par son approche innovante réconciliant l’économique, le social et
l’environnemental. Le profit n’est plus une fin en soi comme pour une entreprise classique, mais
plutôt un moyen pour créer de la valeur sociale et lutter contre la précarité, l’injustice et toute forme
d’exclusion sociale.
L’étude empirique réalisée auprès d’étudiants et d’activistes sociaux a révélé que même si le
concept est globalement bien défini, il reste néanmoins quelques confusions avec d’autres concepts
tels la responsabilité sociale des entreprises et la philanthropie ainsi que la difficulté à identifier des
entreprises sociales. Le secteur connait aussi quelques difficultés selon les activistes et qui portent
principalement sur le manque d’encadrement et le financement.
Promouvoir et développer l’entrepreneuriat social comme voie « d’entreprendre autrement »
s’avère dès lors capital et exige la mobilisation de plusieurs acteurs : pouvoirs publics, secteur
privé, philanthropes, militants sociaux et universitaires.
Bibliographie