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UNIVERSITE PARIS VIII – VINCENNES A SAINT-DENIS

UFR « Arts, Philosophie, Esthétique »


Département de Musique

RESONANCE ET PERCEPTION
DES HARMONIQUES ATURELLES

Julien GILI

Mémoire de maîtrise réalisé sous la direction de M. Philippe MICHEL


Année universitaire 2004 – 2005

1
Avant-propos

L’élan qui a motivé ce travail pourrait se résumer à une curiosité permanente qui
s’est amplifiée au fur et à mesure que je creusais le sujet des vibrations sonores et de
l’acoustique naturelle. L’étude des musiques du monde et des instruments peu
communs m’a fait prendre conscience que dans les cultures les plus éloignées, aussi
bien historiquement que géographiquement, on retrouve des points communs
surprenants, des coïncidences qui, au fond ne sont sans doute pas le fruit du hasard.
Parmi ces principes universels, je me suis particulièrement penché sur le phénomène de
la résonance et celui de la série des harmoniques naturelles. Je tenterai de les
rapprocher dans ce mémoire en mettant en évidence leurs effets et leurs utilisations.
Il n’y a pas de réel commencement à cette curiosité, mais plutôt une série de
découvertes plus ou moins importantes qui, par étapes, m’ont encouragé à en savoir
toujours plus. La première phase significative fut franchie grâce au travail de
l’ethnomusicologue Trân Quang Hai, qui m’a d’ailleurs accordé un précieux entretien.
Dans un documentaire vidéo réalisé par Hugo Zemp, il présente ses recherches sur
le chant diphonique. Ce chant, qui fait entendre deux sons simultanément, m’a
particulièrement intéressé et l’approche pédagogique de T.Q.Hai m’a encouragé à le
développer sur ma propre voix. Après environs deux ans de travail vocal, j’ai ainsi pu
réellement ressentir qu’il m’était impossible d’émettre d’autres notes, d’autres
intervalles que ceux constituant la série des harmoniques.
Parallèlement, en observant quotidiennement mon comportement ainsi que celui
des autres, je m’étais souvent fait la réflexion que l’écoute de la musique et des sons
influençait particulièrement notre humeur, notre mentalité, notre corps (etc.). Après
m’être intéressé à ces effets, la question de la santé est devenue incontournable. C’est
pourquoi, en toute logique, je me suis penché sur ce que l’on appelle aujourd’hui la
« musicothérapie ». Mais, avec déception, je constatais que cette étude, bien que
déclinée selon plusieurs pratiques, ne s’appuie que trop souvent sur des musiques
occidentales classiques, des musiques new age et des chansons de variétés. Je ne fus pas
étonné de voir que ces médecins, à la culture musicale très restreinte, pouvaient être si
sectaires. De plus, je n’étais pas spécialement attiré par cette idée de « guérir » ou de
« soigner » par la musique (comme les auteurs S.Halpern et L.M. Savary, par exemple,

2
prétendent le faire1). Mon intérêt se portait simplement sur les effets produits par les
sons, les vibrations et la musique. J’ai effectivement cherché à savoir si l’on peut être
malade à cause d’un son, d’une musique ou des harmoniques. Je voulais savoir, plus
généralement, si elles peuvent susciter en nous un effet particulier. Or, constater et
comprendre comment les vibrations sonores agissent sur notre être (physique et
mental), aussi bien dans un sens positif que négatif, est à distinguer, selon moi, de la
musicothérapie actuelle. Par ailleurs, il se trouve que certains musicothérapeutes, plus
ou moins reconnus, se sont penchés sur le phénomène des harmoniques naturelles ce
qui correspondait plus précisément à mes objectifs de travail. Je me suis donc attelé à
l’étude de leurs pratiques, en tentant de comprendre leur origine, leur intérêt et leur
fonctionnement.

1
S.Halpern et L.M. Savary, Guérir par les sons, Genève, Reuille, 1986.
3
Introduction
Depuis quelques années, un phénomène collectif s’est progressivement
développé en Occident autour d’un intérêt particulier, voire d’une fascination,
concernant la mise en résonance des harmoniques, les musiques et les instruments qui
l’utilisent2. Pourquoi ces intervalles si singuliers soulèvent-ils autant d’intérêt ?
Pourquoi la plupart des instrumentistes qui jouent avec cette série dans leurs musiques
traditionnelles sont-ils tant impliqués soit dans un contexte naturel (bergers,
montagnards, forestiers, etc.), soit dans un contexte sacré (religions, rituels,
shamanisme) ? Pourquoi voit-on parallèlement apparaître des thérapies alternatives qui
utilisent les mêmes instruments, les mêmes phénomènes sonores ? Peut-on tirer profit
des propriétés de la série des harmoniques pour se recentrer au niveau de notre santé
émotionnelle et psychologique, mais aussi au niveau corporel, musculaire, organique,
comme certains chercheurs et thérapeutes l’affirment ? Est-il possible d’établir un
rapport entre ces harmoniques et d’autres phénomènes que l’on peut observer dans la
nature, selon un aspect symbolique parfois très marqué (en référence avec le nombre
d’or, la spirale d’ADN, les figures géométriques de Chaldni, les clichés du Dr Emoto),
selon une relation avec le domaine sacré de certaines cultures, ou plus généralement à
travers celui de la spiritualité, évoqué dans un très grand nombre d’ouvrages ?
Ce premier travail, qui en appellerait d’autres, ne prétend pas traiter toutes ces
questions, mais tente de les aborder par la présentation et la description des
phénomènes, des techniques, et des instruments qui utilisent la série des harmoniques
naturelles et leur résonance. Pour certains sujets, il s’appuie sur les articles de
l’encyclopédie Wikipédia3 (même si j’ai bien conscience du caractère réducteur de cette
référence récurrente) mais aussi sur une sélection d’ouvrages et de disques spécialisés.
De plus, mon étude se base également sur les informations que j’ai pu recueillir auprès
de différents praticiens4 et sur des terrains divers5.

2
On voit effectivement apparaître de plus en plus de festivals réunissant des passionnés des harmoniques,
en France, Le Rêve de l’Aborigène, par exemple organisé par l’association Vent du Rêve . Ce festival de
didgeridoo, guimbarde et chants diphoniques a lieu près de Poitiers, à Airvault, le premier week-end de
Juillet et réunit depuis quatre ans plus de 2000 personnes. Ce type de festival est également observable en
Suisse, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon etc.
3
Informations recueillies sur le site : www.wikipédia.com. N’étant pas de formation « scientifique » je
n’ai pas pu directement aborder de manière efficace les divers ouvrages en acoustique ni même
interpréter les informations des acousticiens qui ont tenté de m’aider. L’lencyclopédie ainsi que les cours
de M. Laliberté, R. Jacobsohn, G. Beller. présentent certains sujets de manière plus accessible.
4
J’ai pu rencontrer des musiciens (Jérôme Desigaud, Pierre-Yves Voisin, Steve Kindwahl, Lewis Burn,
Tserendavaa, etc.), des acousticiens (Philipe Bougon, Jacques Dudon etc.), des ethnomusicologues (Trân
4
Mes recherches sont basées sur les études et témoignages de musiciens,
acousticiens, scientifiques, psychologues, ethnomusicologues et autres passionnés ayant
travaillé aussi bien sur la résonance du son, de la musique et de leurs effets, que sur le
phénomène des harmoniques naturelles. Le sujet aborde la perception et la
reconnaissance d’un ensemble de sons ne pouvant suivre que les intervalles de la série
des harmoniques. Une musique d’harmoniques ; celle de la guimbarde, de l’arc en
bouche, des chants diphoniques, des trompes naturelles comme le cor des Alpes etc.
J’ai été amené à distinguer les harmoniques au sens mélodique (en relation avec
les intervalles qui les séparent), des harmoniques au sens plus spectral du terme, qui
créent des timbres et, par conséquent, d’autres effets. Lorsque je parle d’effets, c’est,
d’une part, sur un plan de sensibilité sur le corps par le phénomène de résonance
(certaines études comme celles de John Beaulieu, ou bien Philippe Barraqué, que l’on
peut éventuellement juger empiriques, font correspondre les notes avec les organes, les
méridiens, les chakras etc.), et, d’autre part, sur un plan plus mental qui concerne la
psychologie de l’auditeur, notamment en psycho-acoustique.
Je commencerai par exposer, dans le premier chapitre, les phénomènes de la
résonance et de la série des harmoniques. Le second chapitre visera à approfondir les
systèmes de perception et de réceptivité des différentes fréquences et vibrations
sonores. Je tenterai, au cours des troisième et quatrième chapitres, de dresser une liste,
que j’espère aussi complète que possible, assortie de définitions des instruments et
techniques vocales utilisant fondamentalement et mélodiquement les harmoniques. Je
ferai un rappel, dans un cinquième et dernier chapitre, des diverses approches de la
musicothérapie classique pour enfin analyser les différentes pratiques thérapeutiques et
symboliques des harmoniques et de leurs musiques, en relation avec certaines croyances
et traditions issues notamment d’Asie (acupuncture, yoga etc.). Je proposerai
également, pour illustrer ce travail, un ensemble de graphiques, tableaux, photographies
(etc.), ainsi qu’une sélection d’extraits sonores présentés sur un CD en annexe.

Quang Hai, John Wright…), des musicothérapeutes (Anne-Marie Duvivier, Michel Bon, Oriane Robidou,
Jonathan Cope, Barbara Blakmore etc.) ainsi que beaucoup d’autres passionnés des harmoniques et de
leur résonance.
5
J’ai assisté au festival Le Rêve de l’Aborigène (op. cit.) à quatre reprises, ainsi qu’aux Noces
Harmoniques (dernier week-end de d’Août 2005, au Thoronet) organisées par Jaques Dudon. J’ai
également pu observer l’utilisation des instruments à cordes sympathiques en Inde (principalement à
Bénarès, voyage en Avril 2001) la pratique de plusieurs instruments au Viêt-Nam (bols sacrés,
guimbardes H’mong, Dàn Bàu etc. voyage en Juillet 2003) ainsi que celle du didgeridoo et du
shakuhachi au Japon
(Kyoto, voyage en Juillet 2004).
5
I Les lois naturelles du son

1. La série des harmoniques naturelles

11. Définition d’une harmonique


Les harmoniques sont observables en acoustique mais aussi en physique et en
électricité. Le mot « harmonique » s'utiliserait au féminin dans le domaine acoustique et
musical, au masculin notamment en physique. Avant de s’intéresser à la série elle
même, il me semble important de définir précisément le terme « harmonique » qui,
pour être utilisé dans plusieurs domaines, laisse parfois la porte ouverte à de
nombreuses interprétations. Ecartons tout de suite cette fréquente confusion avec la
notion « d’harmonie » qui est certes apparentée aux harmoniques, notamment par son
étymologie6, mais qui renvoie, en Occident, à une succession d’accords dans un
système musical précis (le tempérament égal notamment). Les harmoniques dont nous
allons parler n’ont pas de lien direct avec la notion « d’accord ». Elles se trouvent dans
le son musical lui même.

Selon l'encyclopédie Wikipédia, une harmonique en acoustique, est un élément


constitutif d'un phénomène périodique et vibratoire. En physique, un harmonique
correspondrait à une fonction trigonométrique sinusoïdale (sinus ou cosinus) dont la
fréquence est un multiple de la fréquence de la fonction périodique décomposée. Ces
définitions relativement proches semblent faire référence au même phénomène. Bien
que l’approche physique nous soit utile, nous nous pencherons davantage, pour cette
étude, sur le phénomène décrit en acoustique.

Les travaux de Fourier7 nous apprennent que tout phénomène périodique peut
être décomposé en une série de fréquences, composée d'une fondamentale et des
fréquences composant celle-ci.

6
XIIe s. Berger (armonie) « sons agréables » / harmonique, Oresme, lat. harmonicus, du gr. harmonikos,
1361
7
Voir annexe 1 p. 2, Les personnages historiques des harmoniques, Joseph Fourier
6
Partons d’une fréquence simple :

Ce son très particulier est appelé un son « pur » ; i représenté par la sinusoïde
sur l’oscilloscope par exemple. Je n’ai pu trouver aucun instrument acoustique capable
de produire un tel son ; le diapason émet un son relativement proche mais semble
encore se distinguer de celui très cru que produit l’oscilloscope. Les sons que nous
connaissons dans la nature et en musique possèdent en général une fréquence
fondamentale qui est enrichie par au moins une autre fréquence additionnée. En
acoustique, on parle alors de son « impur ».
Un son est donc composé par :

• une fréquence fondamentale f0 (sinusoïde)


• un ensemble d’autres fréquences composantes additionnées (f1, f2, f3 etc.).

Il y a alors deux systèmes différents pour nommer ces composantes, la distinction se


faisant en fonction de leur rapport avec la fréquence fondamentale :

• Soit les fréquences composantes se trouvent dans un rapport complexe avec la


fondamentale, on parle alors de partiels (f0 est également appelée premier
partiel).
• Soit les fréquences composantes se trouvent dans un rapport simple avec la
fréquence fondamentale, on parle alors d’harmoniques. Ce rapport simple suit la
logique suivante :
f1 (= 2 x f0)

7
C’est à dire que chaque fréquence composante est un multiple entier de la fréquence
fondamentale :
f 0 (2 f 0,3 f 0,..., 3/2 f 0, 1/3 f 0, ...)

Un son composé d’harmoniques possédant une hauteur fixe est alors considéré
comme étant « musical ». Dans tous les autres cas, on parle uniquement de partiels. Par
exemple, les instruments à percussion, instruments qui n'ont généralement pas de
hauteur fixe, ne comportent que des partiels. Les « transitoires d’attaque » (observées
par Carl Stumpf dans les années 1930), c'est-à-dire des composantes du son qui ne sont
pas entretenues, tel un claquement, un choc, le crissement de la colophane sur la corde
d'un violon au tout début du son, sont tous des phénomènes que l’on appelle également
inharmoniques et qui ne peuvent se décomposer qu'en partiels (2,576 f 0, 5,404 f 0, ...).
Cette distinction entre partiels et harmoniques fait naître à l’oreille les phénomènes
d’harmonicité et d’inharmonicité :
Nous verrons que, dans la pratique, la plupart des instruments acoustiques
participe de ces deux phénomènes et mettent en évidence leur relativité8.

12. Le timbre d’un son et le spectre harmonique


Ce qu’on appelle le timbre est le résultat perçu par l’oreille humaine de la
superposition des innombrables harmoniques (ou partiels) aux rapports plus ou moins
simples avec la fondamentale. Les différences de timbres sont donc dues, en dehors des
périodes d’attaques et de l’extinction du son, à la présence ou l’absence de certaines
harmoniques. On dit souvent du timbre qu’il détermine la couleur du son, car, tout
comme les innombrables nuances de couleurs, il est différent pour chaque type de
source sonore. Le timbre permet de différencier, à l’oreille, deux sons qui auraient
strictement la même fréquence (fondamentale) et le même volume sonore. Chaque
harmonique possède une intensité qui évolue dans le temps. Cette évolution, qui fait
varier l'amplitude des différentes harmoniques, est responsable, par exemple, du fait
qu’un violon ne va pas sonner comme une flûte. On dit alors de ces instruments qu’ils
n’ont pas le même timbre.
Prenons l’exemple caractéristique du timbre de la clarinette dont la
fondamentale ne laisse entendre que ses harmoniques impaires. Ainsi, une note

8
(fondamentale) jouée à la clarinette ne comportera que les harmoniques 3, 5, 7, 9 (etc.),
le résultat à l’oreille donnant ce timbre si particulier. Un son de hautbois, par contre,
serait plus riche en harmoniques que de son fondamental9. Les quatre formes d’ondes
les plus couramment utilisées en électroacoustique analogique sont, dans l’ordre de
croissance de leur richesse harmonique : sinusoïde, triangle, dent de scie et carré.

Schéma des formes d’ondes10

On remarquera que plus la courbe possède des angles, plus le son est chargé en
harmoniques.
Depuis la « théorie physiologique de la musique » d’Helmholtz11, ce qu’on
appèle le spectre harmonique révèle l'ensemble des fréquences qui déterminent le
timbre de chaque instrument. La décomposition spectrale des sons est formée, comme
nous l’avons déjà vu plus haut, d’harmoniques, pour les sons musicaux, ou de partiels,
pour tous les autres.

8
Voir chapitre III : Les instruments harmoniques.
9
Maela & Patrick PAUL, Le chant sacré des énergies, présence, 1893.
10
R.E.Jacobsohn manuel d’initiation à l’Ingénierie du Son, Université Paris 8, Département Musique.
11
Voir annexe 1 p. 2, Les personnages historiques des harmoniques, Hermann Von Helmholtz.
9
13. La série des harmoniques :
Ce que l’on appelle aujourd’hui « la série des harmoniques » décrit la suite
linéaire formée par les intervalles de chaque harmonique. Son aspect consonant (en ce
qui concerne les premiers harmoniques) en ferait une référence universelle en matière
d’échelle musicale. Certains ouvrages, comme celui de Maela et Patrick Paul, ont choisi
de présenter cette série en prenant l’exemple d’une corde tendue mise en vibration. Le
repérage de ces rapports peut se faire par le découpage de cette corde en segments
proportionnels:
« Prenons une corde fixée en ses deux extrémités (comme celle d’un violon). La
vibration de la corde (mais le fait est identique dans un tuyau), en arrivant à
l’extrémité, se réfléchie et revient sur elle-même. La superposition des vibrations issues
de la source et des vibrations réfléchies, donne naissance à des ‘‘ondes
stationnaires’’. »

« Les ondes (incidentes et réfléchies) vibrent au maximum dans le ‘‘ ventre’’ : ce sont les ondes stationnaires. Elles se neutralisent
au nœud (la corde reste fixe). »

10
« Les fréquences doubles, triples, quadruples, sont des harmoniques du son
fondamental. Si on laisse la corde vibrer librement, et si on l’attaque à un endroit
quelconque, elle produira simultanément un son fondamental et ses harmoniques.»12

Cette représentation est l’une des nombreuses manière de concevoir et surtout


de visualiser cette fameuse série. J’ai rassemblé pour cette étude quelques autres
représentations, comme celle de Jocelyn Godwin, plus commode pour les musiciens,
qui redessine les sons harmoniques sous forme de notes écrites sur une portée. Voici un
extrait de son livre, Les harmonies du ciel et de la terre :
« Au début de l’époque moderne, on ignorait en général que la série des
harmoniques correspondait aux vibrations qui peuvent caractériser n’importe quel
corps musicalement résonnant. Mais on connaissait la séquence des intervalles sous la
forme des divisions intégrales d’une corde (1/2, 1/3, 1/4 1/5 ...). De surcroît, elle était
facilement audible dans les notes de la trompette naturelle, l’instrument sans piston qui
a inspiré des compositions à Bach et à Haendel. Les notes accessibles à la trompette
naturelle accordée en do sont les quelques seize harmoniques de sa fondamentale.»13

On remarquera que, dans un souci de précision, il est nécessaire d’instaurer


certains codes d’altération. Cette fameuse série des harmoniques à donc été représentée
sous des formes très variées (tableaux de proportions, partitions, graphiques, calculs
arithmétiques etc.). Lorsque j’ai voulu la représenter moi même sur le papier afin d’en
tirer un support visuel, une aide pour le repérage de chacune des harmoniques et un
reflet concret de ma perception, j’ai tracé et segmenté une demi-droite (voir annexe 3
p.174 : frise de la série des harmoniques) dont le point de départ indique la

12
Textes et schémas issus de l’ouvrage de Maela & Patrik Paul, Le chant sacré des énergies, op. cit.

11
manifestation sonore de la fréquence fondamentale, c’est à dire le déclenchement du
son, et le reste, la ligne, un espace théoriquement infini sur lequel s’accumulent les
rapports de plus en plus fins des harmoniques.

Cette représentation, comme celle qui peut être dressée sur une portée, met en
évidence le fait que les intervalles se resserrent et se multiplient à chaque nouvelle
octave supérieure. On est alors amené à penser que cette série suit une progression
logarithmique. Or, selon une unité de mesure différente, on peut également constater
une progression linéaire, comme nous le précise R.E.Jacobsohn dans son manuel
d’initiation à l’ingénierie du son. Voici effectivement un autre exemple de
représentation, non pas selon la déclinaison des intervalles, mais plutôt en faveur de
l’unité des fréquences et du diapason occidental actuel (440 Hertz) qui décline les
harmoniques de manière linéaire. Choisissons donc comme note fondamentale un La 0,
égal à 55Hz et qui constituerait le premier harmonique appelé « H1 »14.

La série pourrait alors s’écrire comme suit :

H1 la fréquence fondamentale, soit 55 Hz……………Unisson


H2 le deuxième harmonique, soit 110 Hz (55+55) + octave juste
H3 le troisième harmonique, soit 165 Hz (110+55) + quinte juste
H4 le quatrième harmonique, soit 220 Hz (165+55) + octave juste
H5 le cinquième harmonique, soit 275 Hz (220+55) + tierce majeure
H6 le sixième harmonique, soit 330 Hz (275+55) + quinte juste
H7 le septième harmonique, soit 385 Hz (330+55) + petite septième mineure
H8 le huitième harmonique, soit 440 Hz (385+55) + octave juste (diapason)
H9 le neuvième harmonique, soit 495 Hz (440+55) + seconde majeure
H10 le dixième harmonique, soit 550 Hz (495+55) + tierce majeure etc.

A force de travailler avec les harmoniques issues de différentes sources sonores


et différentes techniques instrumentales ou vocales, j’ai petit à petit appris à les

13
Jocelyn GODWIN: Les harmonies du ciel e de la terre, Albin Michel, 1994.
14
L’abréviation H1,H2,H3 (etc.) pour désigner les harmoniques est utilisée en acoustique et en
ethnomusicologie, notamment par Trân Quang Hai dans ses travaux sur le chant diphonique. Je suivrai
cet exemple dans la présente étude car cette notation très pratique permet de désigner chacune des

12
reconnaître. Cette étude m’a amené à penser que leur manifestation si particulière n’est
pas comparable aux notes ou aux intervalles. Les harmoniques ont besoin, selon moi,
lorsqu’on les utilise consciemment, d’une appellation appropriée. Pouvoir nommer
clairement cette perception propre à chaque harmonique en toutes circonstances est
bien plus commode avec ces simples abréviations (H1, H2, H3 …) car les autres
systèmes (échelle de fréquences, intervalles, notes tempérées plus ou moins altérées) ne
sont pas toujours précis ou transposables. Ainsi, lorsque l’on mentionne qu’un
instrument joue sur H4, H5 et H8 par exemple, il faut comprendre qu’il s’agit des
intervalles de tierce, de quinte et d’octave, ou bien, par rapport à une note (fréquence)
fondamentale, par exemple Do, il serait question des notes, Mi, Sol et Do.
En faisant correspondre à la valeur ajoutée (par exemple : 55 Hz) une distance
fixe en segments de droite, j’ai retracé sur le papier les rapports des harmoniques sous
la forme d’une spirale (1+1, 2+1, 3+1 etc. selon un angle de 90°, voir annexe 4 p.174 :
spirale de la série des harmoniques). Cette visualisation permet de mieux se rendre
compte de la progression linéaire des fréquences, malgré la différence des intervalles.
On peut en effet remarquer que la spirale conserve la même distance à chaque cycle.
Pour représenter ce phénomène théoriquement infini, nous disposons donc
d’une vision linéaire qui fait s’accumuler des intervalles toujours plus petits d’une part,
et une vision en spirale d’autre part qui, au contraire, va s’élargir à partir de la
fondamentale et qui désignera les harmoniques selon des proportions toujours plus
grandes. La représentation qu’en fait Alain Daniélou dans son traité de musicologie
comparée15 souligne le même phénomène. Elle présente les harmoniques accumulées
selon une superposition de lignes qui correspondent aux octaves supérieures et attribue
à chaque harmonique un nom de note et une fréquence.
« En partant d’une note donnée, la troisième octave ne contient que quatre
harmoniques différents, mais la huitième en contient 128 et la seizième 32.768 . Les
harmoniques les plus proches du son fondamental sont les seules que l’oreille humaine
perçoive aisément, en tant qu’intervalles ; les harmoniques supérieures forment un
ensemble de son confus qui ne sont perçus que comme une couleur qu’ils donnent au
son.

harmoniques, en conservant leurs rapports respectifs, quelle que soit la fréquence fondamentale (do=32
Hz, la=440 Hz, etc.).
15
Alain Daniélou, Traité de musicologie comparée, Hermann, 1959.
13
L’intervalle entre deux harmoniques consécutifs représente toujours une
différence de fréquence égale à la fréquence du son fondamental, c’est à dire 32
vibrations par seconde pour les harmoniques d’Ut dans l’échelle des physiciens (Ut =
puissance de 2). Mais comme nous l’avons déjà remarqué, notre oreille ne perçoit pas
les différences de fréquences égales comme équivalentes (on pourrait aisément
concevoir un organe auditif autrement constitué qui le ferait), mais seulement des
rapports. Les intervalles de l’échelle des harmoniques nous apparaissent donc tous
comme différents, devenant de plus en plus petits à mesure que la fréquence augmente
(que le son est plus élevé). Cette échelle s’encombre très vite d’intervalles basés sur des
chiffres premiers supérieurs à 5 et qui forment des intervalles qui dépassent nos limites
de discrimination et ne peuvent donc être utilisés mélodiquement. Nous donnons ici, en
partant de l’Ut des physiciens, c’est à dire Ut0 = 32, un tableau des premiers trente
deux harmoniques dans l’ordre ou ils apparaissent ; les harmoniques en italique sont
ceux qui ne sont pas pratiquement utilisés en musique. »

Le tableau dressé laisse entrevoir une pyramide graphique dessinée par un


ensemble de colonnes plus ou moins hautes (voir annexe 5 p.173 : Représentation de la
série des harmoniques par Alain Daniélou). On remarquera par ailleurs que la hauteur
de ces colonnes est relative à la consonance de leurs intervalles respectifs16.

J’ai rassemblé, dans les documents annexes (6-9, p.174-177), un ensemble


d’autres représentations diverses de cette série des harmoniques, chacune livrant des
informations supplémentaires :
• La version de l’encyclopédie musicale : « new grove » décline les 25 premières
harmoniques selon leurs intervalles mesurés en octaves et en cents (le cent est
utilisée en ethnomusicologie : soit une octave = 1200 cents).

• Une autre, tirée du site « khoomei»17 qui présente la série sur deux portées
selon une fondamentale Do = 65,4 Hz.

16
Voir chapitre II, Le cerveau traite, consonances / dissonances.
17
http://khoomei.com/harmonic.htm
14
• La représentation suivante est similaire mais prends pour fondamentale un La
55 Hz, ce qui permet de faire une comparaison avec l’exemple de R. E.
Jacobsohn cité plus haut.

• Enfin, le site de tunesmithy, dans une étude appelé « Why two notes of the
harmonic series sound well together » (pourquoi deux notes de la série des
harmoniques sonnent bien entre elles), propose des représentations (voir annexe
8 p.176 : Représentations de la série des harmoniques) avec des harmoniques
marquées par des points de couleurs, ordonnés sur des portées18. Ces points
sont parfois placés volontairement entre les lignes et les interlignes, afin de se
démarquer des notes de la gamme tempérée. Le site met à disposition des
extraits sonores (format MIDI) qui illustrent ces représentations (voir annexe
CD : série des harmoniques midi).

14. Instruments de mesures des harmoniques

141. Le monocorde (env.570 av J.C)

Représentation d’un monocorde19

Les propriétés de l'onde sonore ont été mises en valeur par les Grecs qui ont été
les premiers « expérimentateurs » des relations numériques entre longueur de la corde
vibrante et hauteur du son. Dans cette expérience, la vibration est mathématiquement
reliée à la hauteur du son par des valeurs numériques. De façon totalement empirique,
les pythagoriciens ont découvert cette notion essentielle de rapport entre fréquences, à
l'aide de cette corde tendue le long d'un résonateur, instrument qui sera appelé par la
suite, monocorde. Cet instrument aurait donc été un des premiers dispositifs de
« recherche musicale ».

18
Notons qu’aucune clé ne figure, peut-être pour souligner le fait que la note fondamentale n’a pas besoin
d’être nommée, car le même phénomène est observable pour chaque fréquence.
19
Image tirée du livre de John Beaulieu, Music and Sound in the Healing Arts, Station Hill Press, 1987.
15
142. Les résonateurs d’Helhmoltz (XIX ème siècle)
Dans sa « Théorie physiologique de la musique » Helmholtz présente une
nouvelle théorie de la perception, en s’appuyant sur la mise en évidence des
harmoniques d’un son périodique et le calcul de leur intensité au moyen de résonateurs.

Models originaux en verre Reproductions modernes en laiton20

Il utilisait ces sphères creuses (appelées depuis résonateurs d'Helmholtz) munies


de deux cols courts tubulaires diamétralement opposés. Lorsque le son contenait une
harmonique de fréquence égale à la fréquence de résonance de la cavité du résonateur,
ou voisine de celle ci, cette harmonique était amplifiée, ce qui permettait de l'isoler.
Grâce à une série de résonateurs de ce type, Helmholtz put déterminer l'intensité des
harmoniques d'un son naturel. Il aurait développé l'idée que la consonance d'un
intervalle était d'autant plus grande que les battements entre harmoniques proches l'une
de l'autre étaient peu rapides.
L’appareil de Koenig rassemble plusieurs résonateurs du même
type, selon une mécanique qui permet de visualiser, par
l’intermédiaire de petites flammes et d’un miroir, quels résonateurs
sont mis en vibration. Depuis l’invention de ces résonateurs, les
instruments d'expérimentation utilisés en acoustique musicale ont
évolué, notamment grâce à l'amélioration des techniques de visualisation du spectre
sonore. Si bien qu’en faisant entendre un son composé, pour étudier les harmoniques de
ce son et leur intensité relative, on promènera le corps sonore devant les ouvertures des
résonateurs, et l'on verra certaines flammes agitées, tandis que les autres restent au
repos.

20
Images recueillies en Septembre 2005 sur le site :
http://www.inrp.fr/she/instruments/instr_aco_resonnateurs.htm

16
143. Les sonagraphes et sonagrammes (XXème siècle)
Issu de recherches sur la parole, la conception du sonagraphe remonte aux
années 1940. Créé dans les laboratoires de la compagnie de téléphone Bell (Bell
Laboratories) cet instrument de mesure fut le plus important pour appréhender la
visualisation de la décomposition du spectre sonore. Seul le sonagraphe, appareil de
représentation graphique de la totalité des dimensions du phénomène sonore (temps -
fréquence - amplitude) permettait de suivre un spectre évolutif, c'est-à-dire dont
l'intensité de chaque harmonique variait dans le temps.
Un sonagramme représente l’image de la décomposition d'un spectre sonore en
fréquences harmoniques ou inharmoniques.

Exemple de sonagramme en deux dimensions Exemple de sonagramme en trois dimensions


Fréquence sur les ordonnées, temps sur les T : Temps A : Amplitude F : Fréquence
abscisses et couleurs pour l’amplitude

15. Formation des gammes naturelles par le découpage de l’octave


Cette partie expose la théorie des gammes dites « naturelles » in extenso. Selon
l’encyclopédie Wikipedia, une gamme naturelle est : « une gamme musicale fondée sur
le choix d'harmoniques simples du son fondamental. ». On parlerait également, selon
cette définition, de gamme des physiciens.
Pour obtenir ces harmoniques, nous avons vu qu’il fallait diviser les longueurs
d’une corde ou d’un tuyau selon des proportions équidistantes. La première découpe
d’une fréquence fondamentale en deux segments équidistants révèle la notion
fondamentale de l’octave. En ethnomusicologie, on observe que cet intervalle est perçu
et reconnu dans toutes les cultures. L’Homme ne serait d’ailleurs pas le seul à le
reconnaître. Ainsi certaines espèces animales comme le rat y seraient également

17
sensibles21. De ce principe universel découle une série d’autres intervalles
fondamentaux qui vont constituer une base pour l’élaboration de différentes échelles
musicales. Les intervalles de la série des harmoniques dans une octave peuvent donc
être utilisés comme un moyen de reconstruire cette « gamme naturelle ».
Or il existe plusieurs façons de procéder au découpage de longueur d’une corde
(ou d’un tuyau), ce qui entraîne plusieurs types de gammes naturelles. La construction
de ces gammes consisterait donc à diviser l'octave, de la manière la plus régulière
possible, en utilisant pour intervalles les rapports rationnels (au sens mathématique du
terme) les plus simples possibles. Ces rapports sont manifestés par les harmoniques qui
renvoient à une infinité de proportions. Les intervalles des harmoniques formeraient un
premier élément déclinant tous les rapports musicaux. Ainsi, selon Alain Daniélou :
« Tous les rapports sonores possibles sont compris théoriquement dans la série
indéfinie des harmoniques. Il n’existe donc pas de combinaison harmonique ou
mélodique qui ne soit impliquée dans la structure même d’un son unique, puisque la
série des harmoniques n’est autre que la série des nombres. »22
L’auteur met alors également en évidence le fait qu’il est possible de retrouver tous les
intervalles musicaux selon les rapports des harmoniques entres elles :
« Bien que la série des harmoniques contienne implicitement tous les intervalles
utilisables en musique, la plupart sont surtout un rapport entre harmoniques et non
avec le son fondamental. Ils ne constituent pas à proprement parler une gamme
musicale. Ainsi le ton majeur (Ut Ré = 9/8) est-il le rapport du huitième au neuvième
harmonique, le ton mineur (Ré Mi = 10/9) le rapport du neuvième au dixième
harmonique, le demi ton mineur (25/24) est le rapport du vingt-quatrième au vingt-
cinquième harmonique, etc. Le demi-ton tempéré peut- être exprimé par l’intervalle du
1.000.000.000 e au 1.059.463.094e harmonique. »23
Les intervalles ainsi étudiés sont souvent présentés sous la forme d’une fraction. Un
système très fiable qui est utilisé notamment par Daniélou. Il existe une infinité de
rapports de type n/m (n et m étant des nombres entiers) donnant des valeurs comprises
entre 1 (la tonique ou fondamentale) et 2 (l'octave). Pour définir les intervalles naturels,
il a donc fallu choisir, dans cet ensemble infini de possibilités, les rapports les plus
appropriés.

21
Cité par R.E. Jacobsohn , initiation à l’ingénierie du son, op. cit. p. 26.
22
Alain Daniélou, Traité de musicologie comparée, Hermann, 1959, p.32.
23
Idem.
18
Sur le monocorde, par exemple, le rapport entre la longueur totale et le segment de
corde pincée établit des relations qui correspondent à des intervalles musicaux :

1/2 = octave ; 2/3 = quinte ; 3/4 = quarte ; 4/5 = tierce majeure ; 5/6 = tierce mineure
Les gammes naturelles proposées par Pythagore et Zarlino (voir annexe 1 p.164
: Les personnages historiques de harmoniques.) constituent des références importantes
dans l’évolution de la musique occidentale. Elles sont assez complexes et ne
correspondent pas directement au phénomène étudié dans ce mémoire, c’est pourquoi
elles ne seront que survolées.

Pythagore, Zarlino et le cycle des quintes :


Pythagore a construit une gamme naturelle à partir d'un intervalle harmonique
particulier : la quinte ; puis par des montées successives de quintes, correspondant au
nombre de fois nécessaires pour parcourir une octave complète. C’est ce qu’on appelle
depuis « le cycle des quintes ».

19
Cette méthode a été largement contestée pour les raisons suivantes24 :

• les sons obtenus sont des harmoniques de plus en plus complexes du son
fondamental.
• l’intervalle de la quarte qui est pourtant issu d’un rapport harmonique très
simple (4/3) est absente.
• le problème du comma : au bout du cycle des 12 quintes empilées, l’octave n’est
finalement pas exactement retrouvé : la différence entre le Si # et le Do
détermine cet intervalle que l’on nomme alors « comma pythagoricien », ce qui
interdit certaines combinaisons de notes et certaines modulations. Ce problème
était, à cette époque, résolu faute de mieux, par ce que l’on appelle en
musicologie la « quinte du Loup».
• certains intervalles très intuitifs (et particulièrement la tierce majeure par
exemple : Do / Mi) ne seraient pas générés de façon parfaite, et sonneraient, en
réalité, assez faux.

D'où les tentatives des théoriciens pour mettre en œuvre d'autres méthodes, basées sur
d'autres considérations. Gioseffo Zarlino (1517–1590) élabore ainsi à son tour une des
multiples gammes naturelles possibles en reconnaissant une place plus importante à
l'intervalle de tierce « juste ». On appelle alors « comma syntonique » l'intervalle
existant entre la tierce majeure « juste » (5/4 = 1,25) et la tierce pythagoricienne (34/26 =
1, 265625) : sa valeur correspond à 81/80, soit 1,0125 légèrement inférieure au comma
pythagoricien. Par ailleurs, l’encyclopédie précise que dans la gamme proposée par
Zarlino, on trouve un ton majeur et un ton mineur de valeurs différentes dans
l'intervalle entre ces deux tons : cet écart vaudrait également 81/80, c'est pourquoi il est
aussi appelé « comma zarlinien ».

Les gammes très précisément reconstruites sous forme de nombreuses fractions


peuvent paraître assez complexes.

Voici une réduction simplifiée à 7 notes des deux gammes naturelles ainsi comparées :

24
Informations recueillies en septembre 2005 sur le site : www.wikipedia.com

20
UT RE MI FA SOL LA SI UT
Pythagore 1 9/8 81/64 4/3 3/2 27/16 243/128 2
Zarlino 1 9/8 5/4 4/3 3/2 5/3 15/8 2

La majeure partie des systèmes de formation des gammes naturelles joue sur la
succession d’intervalles harmoniques plus ou moins simples qui, une fois empilés,
créent des modes relativement complexes. Mon expérience auprès de Philippe Bougon,
qui travaille sur les modes anciens, m’a fait comprendre que ces gammes naturelles
s’éloignent parfois bien loin de leur origine : la série des harmoniques. La gamme qui,
selon moi, serait la plus naturelle, pourrait se résumer aux harmoniques allant de H8 à
H16. Dans son traité de musicologie comparée, Alain Daniélou aborde cette même
gamme en la déclinant de la manière suivante :

« Les intervalles harmoniques sont, dans un certain sens les plus naturels. Si
nous prenons comme base l’Ut, et en considérant seulement les seize premiers
harmoniques parmi lesquels huit sont des notes distinctes et les autres des octaves
supérieures, nous obtenons une gamme de huit tons formés par des intervalles
suivants25 »

Do Ré Mi Fa¼ Sol La-- Sib Si Do


8/8 9/8 10/8 11/8 12/8 13/8 14/8 15/8 16/8
Rapport
1 5/4 3/2 7/4 2

Sensiblement proche de la gamme majeure occidentale, elle paraît souvent très


fausse à l’oreille, sans parler des deux « si » qui en font une gamme à 8 notes. Dans
l’histoire de la musique occidentale, les 7e et 11e harmoniques étaient
systématiquement évitées, parfois sous le prétexte qu’elles n’apparaissent pas dans le
cycle des quintes. Daniélou explique à ce sujet que la musique n’utilise que les
harmoniques dont les rapports ne contiennent pas un nombre premier supérieur à 526.

Il s’agirait alors des harmoniques : H1, H2, H3, H4, H5 et de leurs multiples par
3 et par 5 : H9, H15 et H25. Le 7è harmonique (sib = 7/4) est donc mis à l’écart. Son
rapport naturel de 7/4 = 1.75 est alors perçu comme une dissonance et remplacé par les

25
Alain Daniélou, Traité de musicologie comparée, op. cit.

21
rapports de 27/16 = 1,6875 (selon Pythagore soit 3 quintes accumulées) ou 9/5 = 1,8
(selon Zarlino) afin de faire entendre une septième mineure plus consonante et
utilisable en musique. L’intervalle du 11è harmonique : 11/8 = 1,375 présente le même
problème et semblerait d’autant plus rejeté par les musiciens qu’il peut être comparé à
l’intervalle du triton considéré dès le Moyen-Age, comme musicalement proscrit, et ce
jusqu’au XIXème siècle où on le décrivait comme « l’intervalle du diable » (si contre fa
es diabolus in musica27). Dans la gamme tempérée, le Fa# fondé sur le rapport 7/5 =
1,4 est une note beaucoup plus consonante que les valeurs déduites par Pythagore :
729/512 = 1,422838125 et Zarlino : 45/32 = 1,40625.

Un cours de Martin Laliberté « Mutation technologique » soulignait le fait que


l’histoire de la musique occidentale semble avoir suivi chronologiquement la série des
harmoniques dans son approche de la consonance, si bien que les intervalles des
harmoniques H2 / H3 étaient déjà considérés au Moyen-Age et à la Renaissance comme
des consonances parfaites, le rapport H4 / H5 installant, de plus, les tierces majeure
(5/4) et mineure (6/5) et le questionnement de leur consonances. Notons ensuite que les
rapports H4 / H7 et H9 peuvent être comparés aux accords de septième et neuvième de
dominante des périodes Baroques et Classiques, les rapports H8 / H13 , H14 et H15
correspondraient à l’intégration du chromatisme à travers la musique romantique. Les
harmoniques supérieurs à H16 et leurs rapports avec la fondamentale (mais également
entre elles mêmes), seraient enfin une référence dans la musique moderne, à travers les
musiques micro-tonales.

La musique contemporaine explore ainsi des voies nouvelles (micro-intervalles,


sons inharmoniques). Des intervalles plus éloignés que les premiers rapports simples
rentrent peu à peu dans le champ des consonances musicales, mais comme des
consonances relatives.

26
Voir chapitre II, le cerveau traite, consonances et dissonances.
27
Information recueillie suite à une conversation téléphonique avec Jean-Paul Rigaud, spécialiste en
chant de la Renaissance et du Moyen-Age.
22
C’est d’ailleurs derrière ce spectre harmonique et son infinie liberté d’intervalles
que Schoenberg justifie certaines de ses œuvres parfois surprenantes comme Erwartung
(1909). Ses oeuvres trouvent à travers les harmoniques des excuses formidables pour
déployer ses dissonances. Il dira à ce propos que « Selon le spectre harmonique, il n’y a
pas de dissonances, il n’y a que des consonances éloignées » 28.

2. Sympathie acoustique et résonance

21. Présentation du phénomène


Le son, en tant que manifestation vibratoire, véhicule sous forme d’ondes ce que
l’on pourrait appeler une « énergie ». En acoustique, on remarque que cette « énergie »
est due à l’alternance de compressions et de dépressions que subissent les molécules
d’air (ou autre milieu dit élastique). Le cours d’initiation à l’ingénierie du son de R.
Jacobsohn explique comment le message sonore circule comme des « vagues » et se
propage dans l’air sphériquement, à une vitesse qui dépend de la densité de l’air, de la
température et de l’humidité. Les vagues qu’il produit seraient amenées à rencontrer
physiquement des « obstacles », soit solides, sur lesquels il va rebondir un certain
nombre de fois jusqu'à ce que son énergie s’épuise, soit mobiles, comme le tympan ou
une membrane de microphone. En ce qui concerne les obstacles mobiles, ce qu’il
appelle le « front d’ondes » va leur communiquer : « une oscillation similaire à la
vibration l’ayant produite, laissant sur la membrane mobile une copie exacte de la
vibration d’origine par sympathie acoustique, l’énergie est absorbée en quelque

28
Phrase dictée par Mr Martin Laliberté lors du cours de « Mutation technologique » consacré aux
musiques atonales.
23
sorte ». Pour ce qui est des obstacles solides, la vibration émise serait renvoyée sous
forme de « vagues » cohérentes (écho) ou au contraire, de façon aléatoire
(réverbération). Nous nous intéresserons davantage au premier cas qui concerne le
phénomène de la résonance. R. Jacobsohn en fait cette description :
« Cette résonance est l’augmentation de l’amplitude des oscillations d’un
système électrique ou mécanique excité par une force externe, périodique dont la
fréquence est égale à la fréquence propre du système. »
Autrement dit, il serait possible d’exciter un solide avec un matériau sonore en faisant
coïncider leurs fréquences respectives. Selon Jocelyn Godwin, « c’est le comportement
normal de la matière sous l’influence d’ondes. Le résultat est le produit d’une
accumulation d’énergie pendant un certain laps de temps. » 29
Nous pouvons établir un rapport entre les harmoniques naturelles et le
phénomène de la résonance ; il est évident, lorsque l’on observe, par exemple, les
expériences d’Helmholtz, que certaines structures physiques répondent distinctement à
une onde sinusoïdale de fréquence particulière, alors appelée « fréquence propre du
résonateur ». C’est manifestement ce qui se produisait avec les résonateurs qu’il faisait
vibrer et sonner avec des sons. Ces sphères de verre évidées, munies de deux cols
courts diamétralement opposés étaient dirigées vers une source sonore. Une
harmonique de fréquence égale à la fréquence propre du résonateur était alors amplifiée
et mise en évidence par celui-ci. L’encyclopédie Wikipédia souligne à ce sujet un
phénomène intéressant dont nous reparlerons plus loin, notamment dans l’étude des
instruments à cordes sympathiques : « la trace sonore de cette harmonique était même
conservée prisonnière un court instant après l’arrêt de l’émission de la source
sonore. »
Ce phénomène ne serait pas observable qu’au niveau sonore. La résonance, qui
est avant tout un phénomène physique, toucherait également d’autres domaines. Ainsi,
on parlerait également de la « résonance des marées », de la « résonance orbitale », ou
encore de la « résonance dans des circuits électroniques ». On trouve plusieurs
utilisations du phénomène, comme celle des récepteurs de radio et de télévision qui, par
l'intermédiaire d’une antenne, captent toutes les ondes électromagnétiques émises par
les nombreuses stations. Pour écouter une seule station, on doit accorder la fréquence
propre du circuit RLC avec la fréquence de l'émetteur en choisissant une station ou une

29
Jocelyn Godwin, Les harmonies du ciel e de la terre, op. cit.

24
chaîne particulière. L'imagerie par résonance magnétique (IRM) utilise quant à elle la
résonance des protons d'un organisme pour fabriquer des images. Le corps humain étant
composé d'une grande quantité d'eau, en plaçant le corps dans un intense champ
magnétique, on excite les protons contenus dans ses molécules d’eau grâce à une
émission électromagnétique (radio fréquence), jusqu'à les mettre en résonance. On
mesure ensuite les énergies rendues par les protons lors de l'arrêt de l'excitation avec
une antenne. Un ordinateur interprète les informations reçues et les traduit sous la
forme d’une image. Le micro-onde utiliserait également la résonance en agissant sur les
molécules d’eau contenues dans les aliments.

22. Théorie de la résonance


La théorie est établie en 1701 par le physicien français Joseph Sauveur qui,
selon J. Godwin, s’appuyait sur l’attirance que manifestent les fréquences proches dans
leur ressemblance, pour parler à son propos de « vibrations par sympathie ».
L’expression est depuis conservée et s’applique notamment en acoustique et en
musique.

La théorie entière est très complexe et sera donc résumée pour ce travail. Ce qui
est important de souligner ici est le rapport entre la fréquence d’une vibration émise,
son intensité et le résultat laissé par la résonance. La formule physique est très
simplement exposée dans l’encyclopédie Wikipédia. Pour un système possédant une
fréquence de résonance Ω, l'intensité des oscillations I, quand le système est soumis à
une oscillation ω, est donnée par l'équation :

Il s’agirait d’une fonction dite de « Lorentz », que l'on peut retrouver dans de
nombreuses applications physiques relatives aux oscillations. Γ est un paramètre
dépendant de l'oscillateur harmonique.

25
L'amplitude A vaut ainsi :

Plus la fréquence de ω est proche de celle de Ω, plus l'intensité des oscillations est
grande.
L’encyclopédie illustre alors cette théorie par un exemple très parlant :
« Ainsi, par exemple, une cantatrice capable d'émettre un son (vibration sonore)
à la fréquence adaptée peut briser un verre de cristal. »
Je m’étais interrogé sur ce phénomène que je considérais comme une simple
rumeur. J’ai alors cherché des séquences filmées d’expériences qui pourraient illustrer
cet exemple, notamment par le biais d’internet. De très courtes durées, ces extraits
vidéos ne permettent pas de vérifier quoi que ce soit (voir annexes : CD / documents
vidéos / wineglass.avi) de plus, les sites qui les hébergent n’abordent pas la question
des propriétés du verre, ou du matériau susceptible de résonner selon cette voix. La
précision du verre « en cristal » demande certaines explications. Qui n’a pas déjà fait
l’expérience de faire entrer en résonance un verre à pied (pas nécessairement en cristal)
en le frottant régulièrement avec son doigt sur le bord préalablement humidifié ? On
peut alors entendre un son qui semble planer autour du verre. Mais l’intérêt de mon
étude est de découvrir, plus précisément, les effets d’un son quelconque (ou d’une
harmonique) sur un corps tout aussi quelconque, sans qu’il n’y ait véritablement de
contact physique entre l’émetteur et le récepteur.

23. La résonance des objets


Est-ce possible avec un son autre que celui de la voix ? Avec un matériau autre
que le verre ou le cristal, qui sont en fait des liquides figés ? En travaillant avec
Philippe Bougon sur ce sujet, j’ai compris que cela n’était possible qu’en fonction de
plusieurs paramètres ; ceux de la source sonore, relativement simples à déterminer,
contrairement à ceux de l’objet qui présente des caractéristiques bien plus complexes.
J’avais par ailleurs constaté que le volume sonore (ou bien l’amplitude), était un
facteur capital à cette réaction, et j’étais convaincu que, poussé à une puissance
importante, le son pouvait avoir des répercutions remarquables sur la matière.

26
Afin donc de mettre en résonance un objet, les paramètres du son seraient ainsi :
un timbre, qui contiendrait peu d’harmoniques, une durée, plutôt longue afin que l’objet
puisse avoir un certain temps d’adaptation pour entrer en résonance (aussi court soit-il),
une amplitude : un volume plutôt fort, une hauteur : accordée avec la fréquence propre
du matériau, et enfin une distance : afin que les ondes sonores puissent accéder
physiquement à l’objet avant d’épuiser leur énergie.
L’apparition de la résonance serait relative à la forme physique de l’objet: on a
vu par exemple qu’avec les résonateurs d’Helmholtz, la forme sphérique ouverte en
deux endroits était particulièrement efficace. Cette forme contiendrait également la
notion d’épaisseur du matériau (le pied plus épais du verre brisé reste intacte par
exemple) mais aussi la masse ; le module élastique ; la structure cristalline ; le mode de
vibration caractéristique du solide (phonon) et son arrangement moléculaire. Ce sont
les principaux paramètres que Philippe Bougon m’a aidé à mettre en évidence et à
prendre en compte (sans parler d’autres paramètres que je n’ai su remarquer ou
comprendre).
Jacques Dudon (Atelier d’Expérimentation Harmonique), que j’ai pu rencontrer
lors du festival des « Noces Harmoniques » en Août 2005, m’a également aidé à mieux
comprendre ce phénomène en me précisant qu’un objet résonnant, mécanique,
acoustique, ou électromagnétique, possédait en général plus d'une fréquence de
résonance (en particulier les harmoniques de la résonance la plus forte). En pratique la
fréquence principale de résonance est proche et légèrement supérieure à sa fréquence
propre.

24. Les cordes sympathiques


Le phénomène est facilement observable au niveau acoustique par l’exemple des
cordes de luth, cité par Jocelyn Godwin, et constituant manifestement dans l’histoire de
la musique, une référence remarquable pour beaucoup d’auteurs:
« si l’on pince une corde de luth par exemple et dont la fréquence est accordé
ou très proche de celle d’un autre corde voisine, cette dernière n’ayant pas été pincée,
va se mettre à vibrer d’elle même. » 30

Descartes utilisait déjà le même exemple pour parler du phénomène :

30
Jocelyn Godwin, Les harmonies du ciel e de la terre, op. cit.
27
« Dans les cordes de luth, si on en pince une, celles qui sont plus élevées qu’elle
d’une octave ou d’une quinte tremblent et résonnent d’elle même »31.
On peut en faire l’expérience également avec un piano en libérant les
étouffoirs ; jouer une note permet d’entendre, au relâchement de la touche, certaines des
cordes, ainsi libérées et mises alors en résonance. Ce sont uniquement les cordes dont la
fréquence correspond aux harmoniques de la corde frappée qui se mettent en résonance,
on dit qu’elles « vibrent par sympathie ». La série est alors relativement audible.
Dans l’histoire de la musique occidentale, les interprétations de ce phénomène
sont multiples, allant du phénomène acoustique observé scientifiquement jusqu’à des
manifestations symboliques et mystiques (c’est le cas notamment avec Robert Fludd),
en passant par la philosophie, comme le souligne Luc Breton32 en citant G. de
Venise pour son approche du phénomène : « La sympathie ressemblance apparaît
finalement au principe même de l’Harmonie du monde car ‘‘toute chose entre elles
même et par réciproque accords se répondent’’ ».
Raymond Court33, décline trois formes de sympathies en fonction des
différentes approches du phénomène et selon des personnages historiques :
o la sympathie - ressemblance (Ficin)
o la sympathie - mécanisme (Descartes34)
o la sympathie - altérité (Max Scheler)

De nombreux instruments anciens et actuels comportent des cordes


sympathiques ; en occident, les gammes naturelles utilisées au Moyen-Age et à la
Renaissance permettaient aux instruments à cordes de posséder ces cordes
supplémentaires qui n’étaient, en principe, jamais directement jouées, mais qui
permettaient de faire résonner leurs mélodies sur le mode harmonique.
L’instrumentarium ancien comporte d’innombrables modèles à cordes sympathiques
plus ou moins oubliés, comme la trompette marine, ou le Baryton. En Europe, jusque
dans les pays scandinaves, et en Asie proche (notamment en Afghanistan et en Inde)

31
Texte de Descartes dans son abrégé de musique : Compendium musicae (1618), recueilli dans
l’ouvrage de J.Godwin, les harmonies du ciel et de la terre, op. cit.
32
Luc Breton, « Les instruments à cordes dans l’occident chrétien » in Amour et sympathie, l’ensemble
Baroque de Limoges, 1995.
33
Raymond Court « Musique et sympathie » in Amour et sympathie, op. cit.
34
Voir annexe 1 p. 164 : Les personnages historiques des harmoniques, Descartes.
28
certains de ces instruments sont encore largement utilisés au sein de leur tradition
musicale35.

25. La résonance des lieux


J’ai réellement pris conscience de la résonance d’un lieu en constatant que celui
ci était capable de « répondre » en quelque sorte à ma propre voix. Je me suis entraîné
au chant dans des cages d’escalier entre autres, dont les murs très sobres, reflètent
facilement les sons. L’une d’entre elles, par exemple, résonnait sur un lab un peu bas ;
c’était sa fréquence, et elle ne voulait pas résonner sur une autre note. J’en ai conclu
que ce lieu avait sa fréquence propre et que lorsque j’émettais celle-ci, il l’amplifiait.
Une fois que l’on émet une des fréquences qui correspondent au lieu, le son va alors
donner l’impression d’envahir tout l’espace. Le lieu résonne grâce à cette fréquence et
l’amplifie par la même occasion. Philippe Bougon36 connaît bien le phénomène qu’il
m’a présenté sous le nom de « chant en résonance ». Il travaille notamment sur
l’acoustique des Abbayes Cisterciennes dont l’architecture aurait été conçue selon des
propriétés acoustiques de résonance. Nous verrons plus en détails les particularités de
ce chant et de ses techniques au cours du troisième chapitre. Celles-ci sont d’ailleurs, et
l’on peut supposer que ce n’est pas un hasard, des techniques de chant qui mettent en
évidence les harmoniques de la voix. Ainsi, les voûtes des églises et leurs propriétés
acoustiques pourraient être liées à la résonance de sons harmoniques.

26. Les inconvénients de la résonance

261. la résonance des ponts :


L’encyclopédie Wikipédia évoque l’exemple d’un pont suspendu, dont le tablier
est maintenu par des câbles, pouvant effectuer des oscillations verticales, transversales
ou de torsion. À chacun de ces types d'oscillations, correspond une période propre. En
1850, à Angers, une troupe traversant au pas cadencé le pont suspendu sur la Maine
(pont de la Basse-Chaîne) en aurait provoqué la rupture par résonance suite à quoi 226
soldats auraient été tués. Depuis cette date, le règlement militaire interdit de marcher au
pas sur un pont.

35
Voir aussi chapitre III, Instruments à cordes sympathiques.

29
En 1940, des bourrasques intermittentes provoquèrent des vibrations de torsion
du pont de Tacoma Narrows (USA) d'une amplitude telle que le pont s'effondra. Des
précisions sont présentées sur un site intitulé : « pont et résonance »37. Le pont aurait
d’abord vibré en mode transversal avec une fréquence d’environs 36 hertz et une
amplitude de 1,5 pieds. Mais, plus tard, il se serait mis dans un nouveau mode de
vrillage, avec une torsion en deux segments pour une fréquence d’environ 14 hertz. Ce
nouveau mode a causé l’effondrement du pont sous l’effet de la résonance provoquée
par le vent, par un mécanisme appelé « vortex ». Une fois que le pont a commencé à se
tordre, le vent a continué à le conduire vers la résonance, et l’amplitude de la vibration
a augmenté pour finalement dépasser les limites de résistance du pont (voir annexes :
CD / documents vidéos / tacoma.avi).
262. La résonance des vagues :
Dans un autre domaine, on parle aussi de la résonance de la houle des vagues
qui provoque le roulis des navires. Ceux-ci sont construits de telle sorte que leur
période propre vis-à-vis des oscillations dues au roulis soit nettement supérieure à la
période moyenne de la houle : l'amplitude des oscillations forcées est alors faible,
quelle qu'en soit la fréquence.

263. La résonance des véhicules :


En voiture, certaines pièces mal fixées du moteur, ou de la carrosserie, peuvent
entrer en résonance et émettre des vibrations sonores. Le véhicule lui-même, avec son
système de suspension, constitue un oscillateur heureusement muni d'amortisseurs
efficaces, évitant ainsi que le véhicule n'entre en « résonance aiguë ».

264. La résonance des infra basses :


L’analyse de tous ces cas nous éclaire petit à petit sur les conditions nécessaires
à la manifestation de la résonance ; le but étant de vérifier le fait qu’il soit réellement
possible de mettre en résonance un système organique vivant (comme le corps humain)
par le moyen d’ondes sonores. Le monde des infra-basses et des effets qu’il induit se
heurte à beaucoup d’interprétations variées et souvent contradictoires. Il semble
toutefois évident que ces infra-basses ne laissent pas indifférent le corps qui les reçoit.

36
J’ai rencontré Philippe Bougon à Aix en Provence, lors d’un stage sur l’harmonisation par les bols
chantant, le didgeridoo et le chant diphonique.

30
Elles se manifesteraient aussi bien mécaniquement, au moyen d’appareils (hélicoptères,
tanks, marteau-piqueurs, machines industrielles…) qu’acoustiquement. Or elles sont
inaudibles à l’oreille humaine et extérieures aux bandes passantes des amplificateurs et
enceintes traditionnels. Pour que le corps puisse être en contact avec ces vibrations très
lentes, il est donc nécessaire de concevoir des machines qui soient capables de les
reproduire. Selon Bernard Auriol38, certains organes vestibulaires (utricule, saccule,
canaux semi-circulaires) seraient sensibles à de très basses fréquences et pourraient
provoquer certains effets d’ordre psychologique : « mal des transports et troubles
digestifs de 0 à 2 Hz ; dorsolombalgies, déplacements vertébraux, surventilation, baisse
d’acuité visuelle (etc.) concernant les fréquences de 4 à 10 Hz39 . La tête dans son
ensemble, entrerait en résonance entre 10 et 20 Hz. Entre 25 et 40 Hz, puis entre 60 et
90 Hz, c’est l’œil qui se prend à souffrir »40.
Les chercheurs anglais John Barker et Mark Newbold, qui travaillent sur les
effets des vibrations acoustiques, indiquent que les « très basses fréquences »
commencent à être dangereuses en dessous de 14 Hz et sont extrêmement dangereuses
à 7 Hz.
Nous verrons dans le Vème chapitre comment certaines thérapies, comme celle
de Marie-Louise Aucher, ont su retourner ce phénomène pour en tirer profit et comment
certains sons pourraient, au contraire, être perçus positivement et utilisés comme un
moyen de « soigner le corps » et de « diminuer le stress ». Plusieurs appareils à infra-
basses auraient ainsi été conçus par ailleurs pour diminuer cette tension. Leur principe
serait basé sur l’injection d'une onde rectangulaire de fréquence comprise entre 3 et 14
Hz. Un utilisateur de l’inducteur alpha témoigne : « Pendant la courte expérience qui
n'a duré que 20 minutes environ je n'avais jamais ressenti un niveau de relaxation
comparable. »
On pourrait dès lors penser que ces pratiques et ces interprétations seraient dues
à un amalgame entre plusieurs modes de fréquences et de résonance. Sur le plan des
pulsions électriques, par exemple, les vibrations auraient de tout autres effets. Un article
intitulé « Ondes Cérébrales »41 décrit les très basses fréquences en fonction des ondes

37
Informations recueillies en Septembre 2005 sur le site : www.ac-nice.fr/physique/Oscillateur/pont.html
38
Bernard Auriol, la clef des sons, érès, 1994
39
Idem (Delhaye, 1968 ; Woods, 1970)
40
Bernard Auriol, idem (Benitte, 1965)
41
Observé en Septembre 2005 sur le site : http://www.midi-plus.com/Sommeil_Profond.htm#projet
31
émises par le cerveau lors des « états modifiés de conscience » comme l’hypnose, la
relaxation ou le sommeil.

Des ondes encéphalographiques ont été identifiées en rapport avec:

• la conscience extérieure: onde bêta, fréquence comprise entre 15 et 30 Hz (état


éveillé ordinaire)
• la conscience intérieure: onde alpha, 7 à 14 Hz (ondes découvertes les
premières, d'où alpha, état de relaxation)
• l'inconscience: onde thêta, 4 à 7Hz (sommeil, état exploité en hypnose)
• onde delta, 0 à 4 Hz (3 à 4 sommeil profond, 1 coma, 0 mort)
La pratique du yoga et de la méditation pourraient faire accéder consciemment à
ces derniers états que les psychologues occidentaux ont peu étudié, connaissant peu ce
genre de pratiques et encore moins leurs effets. Filmé pour un document vidéo de
Arnaud Desjardins sur les pratiques du Zen, le moine japonais Sensei Deishimaru s’est
prêté à des expériences qui consistaient à mesurer les ondes de son cerveau au moyen
d’électrodes alors qu’il était plongé dans une profonde méditation42. Nous reviendrons
sur ce sujet au cours du Vème chapitre, à travers les psychosynthèses. Avant cela,
voyons quels sont les moyens que possède le corps humain pour recevoir et percevoir
les ondes sonores.

42
Document vidéo : « Zen, ici et maintenant, partout et toujours » de Arnaud Desjardins.
32
II Capacité à percevoir les sons
Quels sont nos moyens de percevoir les vibrations sonores ? Quels sont nos
moyens de les ressentir, de les traduire, de les interpréter, de les intégrer ou de les
rejeter, ou bien encore de les manifester par telle ou telle action, telle ou telle réaction?
Nous avons manifestement notre corps, nos oreilles, notre système nerveux et notre
cerveau. Ce sont les organes qui réagissent principalement à la réception, la perception
et l’interprétation d’un message sonore. Mais nous verrons comment la peau ainsi que
tous les autres organes du corps peuvent aussi participer à cette communication. Nous
avons vu comment les fréquences infra-basses peuvent agir sur le corps, et nous savons
aussi que les harmoniques d’un son peuvent s’étendre vers les aigus, au delà de nos
capacités de perception. Or, si nous ne les percevons pas consciemment, nous pourrions
être amenés à les recevoir, inconsciemment.
Ce chapitre cherche à mettre en évidence le fait que l’on entendrait pas qu’avec les
oreilles ; pensée qui, dans certaines musicothérapies ou bien dans certaines cultures
du monde (c’est le cas de l’Inde par exemple), est considérée comme un fait
véritable. Rappelons, avant de nous intéresser aux moyens de perception que
possède notre corps, les propriétés que possède tout évènement sonore.

Attributs perceptibles du son :


La psychoacoustique qui est amenée à répertorier tout type de sons au cours de
diverses séances d’écoute, définit la nature d’un son selon son volume (fort / faible), sa
hauteur (grave / aigu), son timbre (perçant / feutré) et sa durée (court / long) comme le
décrit le tableau suivant43 :

Le volume sera appelé amplitude et mesuré en décibels (dB)


La hauteur sera appelée fréquence et mesurée en hertz (Hz)
Le timbre sera appelé spectre et son matériau de base sera la forme d’onde
La durée sera appelée enveloppe et son matériau de base sera le trapézoïde

43
Issu du manuel de Ricardo E. Jacobsohn, Initiation à l’Ingénierie du Son, op. cit.

33
Ces paramètres sont identifiables par l’oreille ou plutôt par les oreilles, car
comme le fait remarquer A.Tomatis, « s’il est vrai qu’il existe deux oreilles répondant
à des structures anatomiques semblables et obéissant à des lois acoustiques analogues,
il n’en est pas moins vrai qu’elles se différencient essentiellement dans leur fonction
autorégulatrice. En effet, l’une d’entre elle est privilégiée et mérite le nom d’oreille
directrice. C’est elle seule qui permet de contrôler, de viser le son. Elle est à droite
chez le droitier, à gauche chez le gaucher »44. Or le spécialiste explique également que
cette oreille directrice n’est pas pour autant indépendante. L’oreille opposée, quant à
elle, tiendrait un rôle important dans la notion de relief, et de directivité d’un son. En
suivant cette remarque, et pour l’étude actuelle qui peut concerner des écoutes dont la
source serait plus ou moins éloignée du corps, j’ajouterai, comme paramètre du son,
l’élément de la spatialisation qui permet de qualifier la localisation de l’émetteur par
rapport au sujet récepteur (droite, gauche, haut, bas, éloigné, proche voire directement
en contact avec la peau, etc.).
La spatialisation pourrait donc être appelée relief, elle serait mesurée en fonction de la
distance et évaluée sur trois dimensions.
En suivant ces données, il est évident qu’un long son fort, proche, grave et
feutré aura un impact totalement différent de celui d’un son court, faible, lointain, aigu
et strident. Comme nous serons amenés dans cette étude à définir la qualité de
plusieurs sons ainsi que leur effets, je propose une notation qui nous permettra de
donner un aperçu des conditions d’écoute de certaines musiques. Observons grâce aux
tableaux suivants, deux exemples volontairement opposés des qualifications d’un son
perçu. Ce système, bien qu’approximatif, permettra de distinguer et de regrouper les
différents instruments et musiques étudiés selon une condition d’écoute relativement
neutre.

Exemple d’une berceuse :


Berceuse  
Volume faible O fort
Hauteur grave O aigu
Timbre feutré O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O lointain

44
Alfred Tomatis, l’oreille et la voix, R.Laffont, 1987.
34
Exemple d’un son qui fait sursauter45 :
Son surprise  
Volume faible O fort
Hauteur grave O O O aigu
Timbre feutré O perçant
Durée court O O long
Spatialisation proche O lointain

1. L’oreille capte

L’anatomie et le fonctionnement de l’oreille ont été décrits dans de nombreux


ouvrages, de manière plus ou moins détaillée. N’ayant pas réellement besoin, pour cette
étude, d’approfondir cette partie, je ne ferai qu’un bref rappel sur le fonctionnement
global de l’oreille externe, moyenne et interne, en m’appuyant sur des informations
recueillies chez A.Tomatis, B.Auriol et R.E. Jacobsohn.

11. L’oreille externe


Correspondant principalement à la partie visible de l’organe, l’oreille externe est
en communication directe avec l’extérieur. Tomatis explique que l’oreille externe joue
un rôle d’amplificateur et de filtre, en privilégiant la diffusion de certains sons sur
l’oreille interne. Ce sont les aigus qui seraient tout spécialement sélectionnés. Bernard
Auriol46 précise que la forme du pavillon permet de collecter les sons et d’augmenter le
niveau sonore de 10 à 15 décibels sur une gamme de fréquence entre 1500 et 7000 Hz,
avec une résonance à 3 kHz. Le rôle localisateur du pavillon concernerait
essentiellement les fréquences supérieures à 2000 Hz. Auriol ajoute que le pavillon
comporte une multitude de points dont les particules électriques semblent liées au
fonctionnement des autres parties de l’organisme ; ces points seraient notamment
utilisés en acupuncture. L’auriculothérapie, née des travaux de P.Nogier utilise l’oreille
externe selon des principes similaires.

45
Pour des raisons de commodité, j’ai rassemblé selon deux directions (indiquées par les flèches), les
qualifications relatives à chaque paramètre du son. Les cases marquées par un petit cercle désignent ainsi
sur quatre niveaux des conditions d’écoute générale pour chaque évènement sonore. Ainsi, le « Volume »
de la « berceuse » par exemple sera « plutôt faible ». Il est possible que plusieurs cases de la même ligne
soient marquées, comme c’est le cas pour la « Hauteur » du « son surprise » : les trois marques indiquent
donc que le son émis se répand globalement sur des registres allant du « moyennement grave » à l’
« aigu ».
46
Bernard Auriol, la clé des sons, Shaw, 1974, p. 19.
35
12. L’oreille moyenne
A travers le fonctionnement de l’oreille moyenne, nous voyons se manifester le
phénomène de la résonance : la vibration, captée par le pavillon, parcours le conduit
médian jusqu’au tympan, une membrane souple qui vibre alors par sympathie selon les
oscillations de l’air et qui marque l’entrée dans la zone de l’oreille moyenne. C’est ainsi
que nous pouvons constater très concrètement le phénomène qui nous intéresse au sein
même du corps humain. Cette zone est reliée à l’arrière gorge par la trompe d’Eustache
et permet notamment par la déglutition ou par les bâillements, d’ajuster les variations
de pression atmosphérique du milieu extérieur. Or l’activité de l’oreille moyenne
concerne essentiellement le rôle des trois osselet : le marteau, lié par son manche au
tympan, l’enclume et l’étrier qui lui est solidaire de la membrane qui obture ce qu’on
appelle « la fenêtre ovale» (une ouverture de 3 mm² recouverte d’une membrane)47 .
L’étrier va alors transmettre la vibration à un organe de mécano-réception en forme
hélicoïdale de deux tours et demi, appelée cochlée.

13. L’oreille interne


L’étrier va transmettre les oscillations plus exactement à la périlymphe du
vestibule, contenue dans la cochlée et qui se propagerons ensuite à la périlymphe de la
rampe supérieure et de celle ci à l’endolymphe de la rampe moyenne, à travers la fibre
membranaire qui les sépare, appelé membrane de Reisner. Cette membrane
communiquera à son tour les vibrations, au liquide interne contenu dans la cochlée. A
l’intérieur de la cochlée, il existe deux types de neurones modifiés : les cellules de
l’organe de Corti, au nombre de 3500 pour les cellules cillées internes (sensorielles)
disposés tout le long de la membrane basilaire de la cochlée et les 12000 cellules cillées
externes (motrices) disposés en trois rangées en forme de chevrons. C’est à ces cellules
que va revenir la délicate tâche de traduire l’énergie mécanique des vibrations de
pression du liquide interne en impulsions d’énergie électrique, seules utilisables par le
cerveau. En d’autres termes, cette étape marque un changement de nature dans le
cheminement de l’information : la vibration, qui était véhiculée par sympathie
acoustique, est ainsi transformée en énergie électrique, dès lors capable de parcourir, de
synapses en synapses, les 30 000 fibres du nerf auditif. Nous verrons plus loin comment
le message devenu électrique sera analysé par le cerveau.

47
Voir annexe 12 p. 180 : schéma de l’oreille.
36
Chaque vibration, perçue par une oreille en bonne santé, observe ce processus
d’analyse et de transformation. C’est un organe qui fonctionnerait sans relâche. Nous
percevrons toujours et à chaque instant des sons. En ce sens, j’affectionne
particulièrement l’idée qui souligne que « l’oreille n’a pas de paupières ». Les oreilles
reçoivent donc en continu des informations vibratoires, des pressions et dépressions
d’air au niveau des tympans. La résonance ce fait donc au niveau des tympans mais
aussi au niveau de la membrane de Reisner. De plus nous sommes encore une fois
amenés à penser qu’elles ne sont pas les seules à le faire. La peau pourrait aussi être
considérée comme une sorte de membrane qui, elle aussi, transmet des informations
électriques au cerveau par l’intermédiaire des neurones du système nerveux.

2. Le corps ressent

21. Hyper-sensibilité tactile


Dans certains domaines, comme en psychophonie48, on pense qu’au delà de
l’oreille, les vibrations diverses qui nous entourent sont perçues par notre corps à
différents niveaux, qu’on en soit conscient ou non. En allant dans ce sens, on peut
penser que le toucher est un sens relativement proche de l’audition. Le dictionnaire
usuel49 définit le toucher comme un sens réagissant à cinq types de sensations : le
contact, la pression, la chaleur, le froid et la douleur. Chaque sensation pouvant être
ressentie selon un degré de perception plus ou moins sensible. Or, cela est très subjectif,
et d’autant plus lorsqu’il s’agit de travailler avec précision, si bien que différents
individus peuvent être amenés à ressentir des effets différents, voire totalement
opposés pour une même information. Le seuil de douleur par exemple varie, d’une
personne à l’autre, selon les contextes et l’accoutumance, tout comme la sensation de
différentes températures (etc.).
En ce qui concerne les ondes sonores et leur réception au niveau de la peau et
parmi les cinq sensations décrites plus haut, il serait plutôt question de contact, ou
plutôt d’une approche sensible d’un contact indirect. Ce contact se ferait suivant le
milieu ambiant (habituellement par l’air) qui, par la manifestation d’une vibration,
communique au corps et à la peau des pressions et dépressions. Tous nos sens et nos

48
Marie-Louise Aucher, les plans d’expression, épi.1983.
49
Dictionnaire le petit Larousse illustré, définition du mot : « toucher ».
37
organes seraient alors des instruments de perception des sons. La psychophoniste
Marie Louise Aucher 50 explique :
« L’homme à l’état d’écoute perçoit par son corps entier les vibrations qui lui
parviennent, et son système nerveux conduit jusqu’aux centres de l’audition, puis au
cerveau les perceptions captées. Cette réception sensorielle va se faire surtout par le
truchement du tact, l’un des sens dont nous n’usons guère que très grossièrement, faute
d’entraînement musical sonore. »
Il existe des exercices, notamment à travers la pratique du yoga, qui visent à
aiguiser nos sens de perception, en développant une certaine « hyper-sensibilité » de nos
organes sensoriels. On peut par exemple concevoir qu’un non-voyant finit par atteindre
un niveau de perception de l’ouïe et du toucher plus sensible que celui d’un voyant. Ces
exercices pourraient se résumer à une attention accrue, ainsi qu’une grande
concentration portée au niveau d’un sens en particulier ou bien de plusieurs à la fois.
J’ai personnellement appris, depuis environs 5 ans, à travailler en ce sens, notamment
avec l’aide du kinésiologue51 O. Fraysse, et en fonction de différents instruments et
sources sonores. J’ai pu conclure que, pour ressentir un son au niveau tactile,
l’événement sonore doit répondre à des critères particuliers.
Voici une représentation graphique d’un exemple de son facilement perceptible
au niveau tactile52 :
Son tactile  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O O O O perçant
Durée court O O O O long
Spatialisation proche O lointain

Le son devra donc être diffusé avec un volume assez important et la source
devra être plutôt proche de l’auditeur, ou même d’une partie de son corps. Les sons
graves sont plus aisés à ressentir, mais on peut supposer que les sons plus aigus peuvent
également être perçus plus subtilement par le corps.

50
Le terme « psychophoniste », est utilisé par M.L.Aucher : il est dérivé de la « psychophonie » qui
correspond aux recherches thérapeutiques sur le chant et la résonance de celui-ci dans le corps même du
chanteur.
51
La kinésiologie est une médecine qui est basée sur les maux du corps en relation avec l’état psychique
et émotionnel du patient ; elle utilise volontiers le patrimoine des médecines traditionnelles chinoises et
indiennes et par le « test musculaire » permet de communiquer directement avec les cellules du corps.

38
Il existe, dans divers ouvrages comme ceux de M.L. Aucher, et d’autres encore
n’ayant pas spécialement de lien direct avec la musique et la perception des sons53,
plusieurs petits exercices qui permettraient d’aiguiser notre perception du toucher.
L’idée souvent développée est de relâcher le système intellectuel et critique avant de
commencer l’expérience, puis de se concentrer sur une partie de notre corps, la main
pour prendre un exemple simple, et, dans un environnement calme, tenter de ressentir
quoi que se soit en s’approchant très lentement d’une surface comme une table, sans
jamais réellement la toucher. Certains peuvent alors ressentir la chaleur de leur propre
corps réfléchie, globalement très perceptible, ainsi que d’autres sensations plus
subjectives et personnelles s’éloignant quelque peu de notre sujet actuel. Les livres qui
abordent ce sujet décrivent le phénomène de manière plus ou moins scientifique. Il
navigue ainsi entre le milieu ésotérique qui parle « d’aura » (déclinée sous plusieurs
couches de perception et souvent en relation symbolique avec divers états
psychologiques et émotionnels) et un milieu plus scientifique, comme dans l’ouvrage
de Cyril W. Smith & Simon Best54 qui met en évidence des phénomènes
électromagnétiques. Barbara Ann Brennan, dont l’approche scientifique du phénomène
est tout aussi prononcée, parle dans son ouvrage de « Chant d’Energie Universelle » :
« Il sature tout l’espace, tous les objets animés et inanimés, connecte tous les
objets et s’écoule de l’un à l’autre. Sa densité est inversement proportionnelle à la
distance de sa source. Il obéit aussi aux lois d’induction harmonique et de résonance
sympathique. On observe ce phénomène lorsqu’on heurte un diapason. Si un autre
diapason se trouve à proximité, il se met à vibrer à la même fréquence et produit le
même son. » 55
On retiendra les travaux de recherche dites « scientifiques » du russe Semyon
Kirlian qui, en 1939, a mis au point un système pour photographier cette « aura » en
noir et blanc. De nos jours, grâce aux progrès technologiques, des chercheurs ont mis
au point un matériel qui permet de reproduire, selon le même principe, des images en
couleurs et en animations56. Cet exemple est souvent utilisé en musicothérapie pour
convaincre les plus septiques et les plus insensibles.

52
Lorsqu’une ligne entière est marquée, cela signifie que l’évènement sonore peut être émis de manière
indifférente selon le paramètre concerné. Ainsi, selon l’exemple, un « son tactile » peut être facilement
perçu avec n’importe quel timbre et aussi bien selon une durée brève que longue.
53
Par exemple l’ouvrage de David Servan-Schreiber, Guérir, Robert Laffont, 2003.
54
Cyril W. Smith & Simon Best, L’homme élecrto-magnétique, Marco Pietteur, 2002.
55
Brennan Barbara Ann, Le pouvoir bénéfique des mains, Paris, éditions sand, 1993.
56
Voir aussi annexe 20, p. 31 : photos kirlian d’une pomme tranchée et d’une feuille coupée.
39
Appareil kirlian et photographies de l’aura Photographie kirlian
des pieds et des doigts57 d’une feuille d’arbre58

On peut voir sur ces photos une représentation du phénomène en question


autour d’un corps vivant, comme une prolongation subtile de celui-ci. Cette approche,
plus ou moins empirique (car vraisemblablement non reconnue), constitue toutefois une
piste non négligeable concernant la sensation de perception tactile des sons à distance.
Nous serons également amené, à approfondir ce sujet selon les traditions indiennes et
chinoises, celles-ci étant manifestement utilisées par beaucoup de musicothérapeutes59.
Ce « champ de force », qui en France est le plus souvent appelé « énergie » (« prana »
en Inde et « Qi » en Chine), constituerait un système de circulation subtile dans
l’organisme et autour de celui-ci, selon les méridiens d’acupuncture ou encore selon
sept centres principaux le long de la colonne vertébrale appelés « chakras » en Inde.
Nous verrons donc par la suite, plus précisément, comment ce système de perception
peut être mis en relation avec la musique, le chant, la résonance et les harmoniques.
Selon cette approche, le son est en relation tactile avec l’aura.
Sans pour autant parler d’aura ou d’ondes électromagnétiques, j’ai pu
personnellement expérimenter de nombreuses fois cette sensation tactile du son. Dans
la pratique, il suffit par exemple d’approcher la main à quelques centimètres d’un bol
tibétain60 en vibration pour en sentir très concrètement et tactilement la manifestation
vibratoire. Le même phénomène est observable plus couramment par les haut-parleurs
qui diffusent des vibrations pouvant êtres fortement amplifiées.

57
Images recueillies en Octobre 2005 sur le site : http://www.kleurenpunctuur.nl/prod.htm
58
Idem sur le site : http://home.earthlink.net/~johnrpenner/Articles/Auras.html
59
Tels que : John Beaulieu, M.L.Aucher, O.Robidou, J.Cope etc.
60
Voir aussi chapitre IV, les instruments harmoniques, bol en métaux.
40
22. Les basses amplifiées et le corps
C’est donc dans le phénomène du son amplifié que l’on peut nettement
expérimenter la sensation tactile du son. Les organisateurs de concerts de musique
amplifiée sont souvent amenés à sonoriser une vaste salle ou bien un espace extérieur
important, afin que le public (ou récepteur) puisse profiter de l’événement sonore dans
de bonnes conditions. Les ingénieurs du son comme Tony Lheureux61 travaillent pour
que la sonorisation d’un public soit optimisée selon les nombreux paramètres comme le
vent (en extérieur) ou la température, les obstacles de la salle, la réverbération naturelle
(etc.) Le niveau d’écoute pour l’auditeur dépend également du bruit ambiant de la salle
qui, dans certains concerts, est très élevé. On peut d’ailleurs observer, depuis les
dernières décennies, une tendance à sur-sonoriser. J’ai pu recueillir, dans différents
types de concerts, les témoignages d’auditeurs, d’ailleurs généralement âgés de plus de
30 ans, qui constatant de plus en plus ce phénomène. « Le son est trop fort ». Les
organisateurs distribuent même parfois des protections auditives au public dans leurs
propres concerts62. Or, une majorité du public semble toutefois manifester un réel
plaisir à cette sur-sonorisation. Comme je l’ai compris, lors d’un stage dans les studios
de Opus Systèmes, il s’agirait d’un procédé qui viserait à apporter un certain
dynamisme au concert, (l’ingénieur du son ou le Dj joue véritablement avec le volume
sonore tout le long du concert ou d’un même morceau). Peut-être cette sur-sonorisation
reflète-t-elle un nouvel intérêt collectif et social, conscient ou non, pour la sensation
tactile du son.
Les enceintes disposées lors de certains événements sont parfois démesurées ou
en nombre important (concerts, soirées à Dj, festivals musicaux, free party, installations
sonores expérimentales, etc.). La puissance des amplificateurs et des enceintes se
compte alors en kilo watt et l’on parle de « mur de son », soit une série d’enceintes
gigantesques poussées à un volume pour certains insupportable à l’oreille nue. Mais
alors pourquoi ?
Connaissant bien ce même phénomène dans des milieux très variés, ainsi que
l’esprit général des personnes qui y participent, l’effet induit par les fréquences basses
pourraient, selon moi, être un élément de réponse car, une fois amplifiées, elles
semblent attirer l’intérêt du public, à travers ces membranes monstrueuses. J’ai pu
d’ailleurs constater, dans plusieurs soirées de ce type, un phénomène comportemental

61
Tony Lheureux, « la sonorisation » in le livre des techniques du son, Denis Mercier, fréquences, 1998.

41
plutôt révélateur : les auditeurs se regroupent devant les enceintes comme devant une
scène, sous forme de rangs, et lorsqu’une personne du premier rang libère sa place, la
personne située dernière s’avance pour pouvoir profiter à son tour (car il semble alors
beaucoup apprécier) du contact direct avec le son. Certaines personnes du public
attendent ainsi leur tour pour prendre, si l’on peut dire, une « douche sonore ».
Il pourrait s’agir, comme beaucoup de personnes le pensent, d’un comportement
anormal, comme c’est parfois le cas lors de ces manifestations, au quel cas d’autres
critères entreraient en jeu. Mais n’excluons
pas pour autant l’hypothèse d’une autre
forme d’attirance peut-être plus sensible et
instinctive. Les enceintes qui diffusent ces
fréquences basses à même le corps semblent
attirer l’auditeur réceptif, toujours plus
proche d’elles, comme si son corps y était
aimanté. Exemple d’un « mur de son »

Ceci est remarquable pour certains styles de musique. Il s’agit le plus souvent
de musiques binaires, répétitives et très dansantes (les musiques techno : house,
hardtech, trance etc.) ou des musiques plus calmes mais dont le volume reste très élevé
(Reggae, Dub, trip-hop, ambiante, électro etc.). Notons également que le public du rap,
de la drum’n bass et surtout du ragga manifeste également cette attirance pour les
basses, leurs répétition et, pourrait-on dire, leur « texture ». Certaines musiques
expérimentales contribuent volontiers à ce phénomène lors de leur représentation,
parfois dans des galeries d’art sonore63. Aussi bien dans les courants minimalistes que
maximalistes, la perception tactile du son donne naissance à de nouvelles installations
sonores. On remarquera que ces styles de musiques correspondent aux critères établis
dans le tableau concernant l’exemple du « son tactile ».
Sans parler seulement des musiques amplifiées, les basses d’un orchestre
(cordes et cuivres) tiendraient, semble-t-il, un rôle comparable. Il semble tout à fait
envisageable d’écouter n’importe quel type de musique de manière tactile, sachant que

62
C’était le cas par exemple lors du 16eme Festival de Marne, Choisy-le-Roi, octobre 2002.
63
Par exemple, la représentation expérimentale de Richard D. James, au Palais de Tokyo en Février 2004
qui répartissait une vingtaine d’enceintes dans plusieurs galeries, et faisait entendre en continue plus
d’une heure de sons éléctro-ambiante au volume relativement poussée. Le public était silencieux et
attentif, certaines personnes s’allongeaient près des enceintes pour mieux apprécier les sons.
42
pour obtenir un résultat satisfaisant, une protection auditive est toutefois conseillée
(pour s’aider à écouter avec la peau, plus que pour se protéger réellement du volume),
ainsi qu’un choix de musique qui contiendrait des fréquences basses.
L’écoute tactile des harmoniques peut être une très bonne occasion d’en faire
l’expérience. Une forte fondamentale assez grave et ses harmoniques conviendraient
parfaitement à ce type d’expérience ; c’est d’ailleurs dans cette optique que, lors de
leurs séances d’écoute, des musicothérapeutes comme Oriane Robidou visent une
certaine « harmonisation » du corps64.
En approfondissant le thème des vibrations tactiles du son, je me suis demandé
si, avec cette sensibilité tactile et par d’autres moyens plus matériels, il nous était
possible d’aller jusqu’à reconnaître véritablement une mélodie sans l’entendre, mais
uniquement en la ressentant tactilement, par l’intermédiaire d’un matériau résonateur.
Dans cette approche, le son tactile prend alors une dimension de contact réel avec le
corps.

23. Conductibilité du son


L’oreille elle même est parfois mise en contact physique avec des matériaux
conducteurs de vibration qui peuvent avoir les propriétés d’amplifier celle-ci. Inventé
par Laennec en 181765, le stéthoscope du médecin, par exemple, utilise la réflexion des
ondes sonores pour écouter et amplifier la respiration et les battements de cœur des
patients. Il transmet les informations vibratoires grâce à une membrane capable de les
recevoir et de les communiquer dans un conduit « réflecteur » ; ce dernier amplifie
naturellement le son.
Sans l’aide de membranes ou d’amplificateurs, l’expérience tactile du son peut
également s’expérimenter grâce à la conductibilité de certains matériaux. C’est ce qui
se passe lorsque, par exemple, l’on colle son oreille sur des rails afin d’estimer la
distance qui nous sépare d’un train. C’est une question de vitesse de déplacement du
son à travers les molécules d’une structure. Pour certaines structures, les vibrations
circulent plus ou moins vite selon le milieu ambiant (température, pression, humidité
etc.). Par exemple, la vitesse du son dans l’air est proportionnelle à la racine carrée de
la température. De plus, le son subit des déformations plus ou moins importantes dans

64
Sujet développé dans le chapitre V.
65
Jonathan Sterne, The Audible Past, cultural origins of sound reproduction, duke, 2003.

43
l’eau, à travers le bois, les murs (etc.). La structure filtre le son et retransmet une image
sonore relativement fidèle à la vibration source. Voici quelques exemples de la vitesse
de propagation des sons audibles d’une fréquence comprise entre 15 Hz et 15 Khz à une
température de 20°C66 :
Célérité du son
Matériaux
en (m/s)

Air 343

Eau 1480

Glace 3200

Verre 5300

Plomb 1200

PVC (mou) 80

PVC (Dur) 1700

Béton 3100

Hêtre 3300

Le verre semble particulièrement plus


efficace à la conductibilité des
vibrations sonores, ce qui pourrait
expliquer pourquoi il est si sensible à la
résonance. Remarquons par ailleurs que
l’eau fait circuler le son bien plus
rapidement que l’air ; on pourrait alors
penser que la sensibilité tactile peut s’accroître en milieu aquatique ; or, cela dépend de
nombreux paramètres. Le waterphone67, instrument à tubes métalliques frottés, créé par

Richard Waters, permet de jouer de la musique dans l’eau et en faisant résonner des
harmoniques naturelles.

Malheureusement, les descriptions de l’instrument68, qui utilise un certain


volume d’eau à l’intérieur même de ses résonateurs, ne précisent pas les différences de
jeu et de perception des sons entre le milieu aérien et le milieu aquatique.

66
Tableau issu de l’encyclopédie Wikipédia.
67
Voir chapitre III, les instruments harmoniques modernes.
44
Quoi qu’il en soit, l’expérience de poser la main sur une surface vibrante peut
nous faire comprendre à quel point le toucher est capable de traduire une information
sensible des vibrations. La communication d’une vibration sonore pourrait donc aussi
se faire par le contact réel, grâce à une matière conductrice, comme le bois ou le métal,
qui serait capable de transmettre les vibrations tactilement. A défaut de l’usage des
tympans, la propagation du son à travers des matières conductrices solliciterait d’autres
moyens de perception. Nous pouvons par exemple remarquer que notre corps est très
réceptif et sensible aux vibrations par le contact avec les ongles, les dents et parfois
même, mais plus subtilement, par les cheveux. Peut-être serait-ce parce qu’ils
appartiennent aussi bien à l’anatomie externe qu’interne? Nous pouvons d’ailleurs
illustrer cette pensée avec l’exemple populaire de Beethoven qui, devenu sourd et
habitué à sa représentation mentale de la musique, avait recours à la perception
vibratoire appelée « vibro-tactile » par le Professeur Guberna, à l'origine de la Verbo-
Tonale69. Ainsi, pour vérifier la musicalité de ses créations, le compositeur mordait une
pièce de bois reliée à la table d'harmonie du piano, et sa tête s'emplissait de vibrations
par conduction osseuse. Certains musiciens utilisent le diapason acoustique en le
plaçant sur une partie osseuse du corps ou bien même sur les dents, afin de ressentir la
fréquence plus nettement et de manière interne.

Nous pouvons également, afin de mieux comprendre les rapports entre le corps
et le son, nous intéresser aux sensations de personnes qui ne peuvent écouter et ressentir
les sons que de manière tactile.

24. La musique des sourds


La musique, chez la plupart des personnes atteintes de surdité, serait réellement
perceptible. Leur perception dépend de leur degré de surdité mais également du
domaine de leur handicap. Une surdité est définie par un audiogramme donnant des
indications sur la fonction de détection des sons par l'oreille.

Selon Martine Boyer , il existe trois types de surdité :

68
Informations et photos recueillies sur le site de Richard Waters en Septembre 2005 :
http://www.richardawaters.com/waterphone
69
Informations recueillies dans le mémoire de Martine Boyer : la musique chez les enfants sourds, le 26 /
10 /05 sur le site : http://atelieroptiona.free.fr/moires/mabo.html

45
• une surdité de perception, qui correspond à une atteinte de l'oreille interne ou
des voies nerveuses souvent importante et provoquant des troubles du langage.

• une surdité de transmission, provenant de troubles de fonctionnement de la


trompe d'Eustache, dus à des maladies infectieuses nécessitant un traitement
médical (cependant certaines de ces surdités ont besoin d'un appareillage) ; les
incidences sur le langage sont souvent inexistantes.

• une surdité mixte, dont les causes, origines et sièges auront une incidence vis à
vis du son musical.

Il faut savoir que le sourd de naissance et le devenu sourd, en tenant compte de l'âge
d'apparition de la surdité, ont des cultures musicales différentes.

En 1980 l’Organisation Mondiale de la Santé a établi à Genève une classification


internationale des déficiences auditives. Les degrés de déficits s’échelonnent sur six
degrés :

 la déficience auditive légère


 la déficience auditive moyenne
 la déficience auditive moyenne sévère
 la déficience auditive sévère
 la déficience auditive profonde
 la perte auditive totale

Le degré de surdité est calculé en faisant la moyenne des pertes à 500Hz, 1000Hz,
2000Hz. On prend la valeur précise à chaque fréquence, puis on les additionne et on
divise par 3. Les réactions aux vibrations sonores, selon les cas peuvent alors varier
considérablement. La notion d’espace est également très importante, les ressentis pour
un même volume variant considérablement selon que l’on soit plus ou moins proche de
la source sonore.
Voici le témoignage de Martine Boyer, qui partage ses expériences avec des
enfants sourds dans le domaine de la perception de la musique :
« Lorsque les vibrations du son ne passent pas par l'oreille, elles peuvent être
perçues à travers une résonance de la boîte crânienne ou d'une autre partie du corps.
Le corps tout entier peut être impliqué. La personne sourde peut recevoir des

46
vibrations à travers le massif osseux spongieux de la mastoïde ou par les membres
inférieurs, ou à la hauteur du plexus par exemple. La sensation vibratoire doit exister
pour donner la dimension sensorielle au son.
C'est ainsi que lors de la séance d'écoute au Centre Grosselin j'ai pu voir que
certains enfants mettaient les mains ou leurs orteils sur les hauts parleurs, d'autres se
servaient d'un conducteur comme le ballon de baudruche, des cônes en carton ayant
servis dans les usines de bobinages de fils.
Avec le groupe de 7 enfants de 6 à 13 ans, sourds et en difficulté scolaire de
Florence Moleux, nous proposons de s'installer autour d'une table où un
magnétophone est posé. Les enfants sont invités à écouter un morceau musical et pour
faciliter leur écoute on leur a donné des ballons de baudruche, des cônes. Ils savent
d'où vient la source sonore mais ne sont pas satisfaits : ils veulent ressentir le son. Ils
mettent les mains sur les haut-parleurs, prennent les ballons qu'ils approchent des
haut-parleurs posent leurs mains ou leur oreille, de la même façon ils expérimentent
avec les cônes ; ils sont en recherche pour une meilleure écoute, ils établissent un
contact avec la musique. Quand ils ont trouvé leur meilleur confort d'écoute, ils
prennent la véritable dimension de leur ressenti et accompagnent la musique qu'ils
entendent de frappes de mains, de balancements, de mouvements corporels.

Prenons une autre séance vue dans une classe lors d'un stage. Le groupe est
composé de 5 enfants sourds profonds et sévères de grande section maternelle. Les
enfants sont dans une salle aménagée spécialement pour l'activité musicale et
disposant d'un plancher vibrant. La salle est dans une semi-pénombre. Les enfants vont
écouter une cassette vidéo des "Tambours du Bronx". Chacun s'installe selon son
ressenti : l’un reste debout, alors que les autres s'allongent en s'étirant comme s'ils ne
voulaient épargner aucun muscle, aucune partie du corps et ils écoutent en regardant
la cassette. Un des enfants réagissait à chaque changement de rythme, d'intensité ; sa
tête se rentrait dans ses épaules quand les musiciens manifestaient leur colère, son
visage se crispait quand il a entendu l'orage, et une sérénité est apparue lors des
sonorités douces. Deux autres frappent sur le plancher en même temps que les
musiciens et leurs gestes reproduisent ce qu'ils entendent. Les autres vivent la musique
visuellement.

47
Troisième expérience.
Les enfants sont dans une salle bien aménagée, de bonne acoustique, à la décoration
qui rappelle les musiques que l'on écoute (en l'occurrence, ici, tapis au décor naïf
africain) et un matériel hi-fi de bonne qualité. La pièce est mise dans le noir, des gants
blancs ont été distribués, la musique est mise en route et les enfants traduisent leur
écoute par une expression corporelle axée aux mains, bras et doigts. La magie est
totale, les enfants s'expriment. Les mouvements sont amples, les doigts bougent
rapidement quand la musique est forte, et ils se recroquevillent pour exprimer le doute,
des nuances de crescendo et de decrescendo peuvent apparaître chez certains mais
l'adulte a une télécommande et quand il stoppe la musique les enfants font la statue, le
silence est marqué par l'inaction.

Analysons le jeu des boites de graines. Il faut remplir des petits pots (style yaourts) de
sucre en poudre, de sucre en morceaux, de cailloux, de grosses pâtes en quantité égale
dans ces boîtes destinées à former une paire et bien refermer. Visuellement les boîtes
doivent se ressembler. Chaque enfant essaie de reconstituer une paire en secouant les
boîtes. Ce jeu est très intéressant car la sensation tactile et l'audition s'aident. Mais
nous avons constaté qu'il faut donner des graines, des objets qui se différencient très
nettement car des enfants sourds perçoivent difficilement des différences de ton peu
importantes»70.

Ces expériences nous montrent combien les enfants sourds, selon leur degré et
domaine d’handicap, sont réceptifs aux vibrations sonores et à la sensation musicale.
Les mélodies sont moins bien ressenties que les rythmes évidemment, mais, pour
certains, il y a une réelle distinction des intensités et des registres de fréquences
graves/aiguës.

25. La vibroacoustique, un phénomène tactile

251. Présentation du soundbeam project :


Une équipe de chercheurs anglais a mis au point des appareils permettant de
faire ressentir des vibrations sonores directement sur le corps ; ce concept à pris le nom

70
Témoignage recueilli le : 26 / 10 /05, sur le site : http://atelieroptiona.free.fr/moires/mabo.html
48
de « vibro-acoustique » et fait office d’un type très particulier de musicothérapie et de
thérapie par le son.
Le soundbeam project71, de John Barker et Mark Newbold, regroupe quatre appareils :
les soundbed, soundchair, soundbox et la minibox (qui est une version plus petite de la
sound box).

sound bed sound chair sound box

Ces appareils vibroacoustiques permettraient à toute personne, y compris les


sourds et les malentendants, de ressentir les vibrations physiques de la musique par le
corps. Ils peuvent être utilisés de manière à combiner les effets des vibrations physiques
avec ceux d’une musique de relaxation aux basses fréquences variées, pour en tirer un
intérêt thérapeutique remarquable.
« En s’allongeant, s’asseyant, ou en touchant ces appareils, on peut ressentir
les vibrations physiques des basses fréquences de la musique. Elles sont perçues
fortement autour de 250 Hz ; on les perçoit jusqu’à environs 600 Hz et peut-être même
jusqu’à 1kHz. Les vibrations physiques les plus agréables proviennent des sons à
basses fréquences de 27 Hz à 440 Hz environs. »
Témoignage des chercheurs :
« D’après les résultats des récentes expériences sur notre équipement
vibroacoustique, de nombreux utilisateurs ont trouvés des intérêts supplémentaires en
écoutant des CD et cassettes audio de musiques aux styles variés (parfois rythmiques et
stimulants, le plus souvent relaxants). Ce genre d’expérience vibroacoustique est
maintenant devenu - pour beaucoup y compris pour les personnes souffrant d’autisme -

71
Informations recueillies et traduites du document pdf disponible sur : http://www.soundbeam.co.uk/
49
un amusement précieux et même essentiel qui apporte des changements bénéfiques sur
la santé et le comportement. » 72

522. Quel style de musique ?

Plusieurs utilisateurs en écoles ou institutions auraient découvert qu’une


musique, précautionneusement sélectionnée (pulsation lente pour la relaxation, ou plus
rapide, une pulsation forte pour la stimulation), apporte un plaisir certain aux personnes
handicapées (ou, pour tout autre personne). Cela exercerait « un certain apaisement,
une réduction de l’exigence ou d’un comportement indésirable stéréotypé. »73
Une variété de sons a été utilisée avec succès auprès d’enfants et d’adultes
malentendants, ainsi qu’à d’autres infirmes aux symptômes variés. Par exemple,
certaines chansons pour enfants, des chants d’oiseaux, le son du vent, de l’eau et autres
sons naturels, la voix même de l’utilisateur, les voix des autres, ainsi que toute autre
musique dont la pulsation rythmique est justement choisie. Pour les autres, une
catégorie de musique de leur propre choix peut être utilisée afin de vivre une expérience
musicale entièrement nouvelle et profonde. L’expérience serait à tenter avec des
musiques qui utilisent précisément les harmoniques naturelles74 pour étudier les effets
de certains instruments et de la série des harmoniques. Ce matériel relativement récent
est toutefois très coûteux et difficilement accessible.

523. Quelle partie du corps ?


La meilleure partie du corps pour faire l’expérience des vibrations physiques du
son s’étendrait du milieu jusqu’au bas du dos ; ceci dit, toute partie du corps est
capable de ressentir l’effet « vibro-tactile ».

524. Volumes ?
Les volumes plutôt faibles seraient préférables pour des effets physiques
agréables et relaxants. Dans tous les cas, les inventeurs précisent qu’il faut commencer
par installer un certain confort, avec un volume à zéro, puis augmenter progressivement
le volume en observant les réactions, jusqu’à un niveau d’écoute et de vibration

72
Informations recueillies et traduites du document pdf disponible sur : http://www.soundbeam.co.uk
73
Idem.
74
Voir aussi chapitre V.
50
physique confortable. Cela permet de juger quand et pendant combien de temps
l’utilisateur pourra rester seul en contact avec l’appareil (mais non sans surveillance).
Presque invariablement, les premiers niveaux d’écoutes deviendront rapidement trop
forts pour l’utilisateur et auront besoin d’être abaissés.
525. Combien de temps ?
Le temps optimal d’une séance de vibroacoustique varierait considérablement
d’un utilisateur à un autre. Presque tous les utilisateurs du Horizon Trust Departement
of Vibroacoustic Therapy trouvent que 20-30 minutes suffisent ; temps recommandé
également par Olav Skille. A l’école Lambert de Stratford-on-Avon, en Angleterre,
certains utilisateurs, parmi les chercheurs du professeur Phil Ellis, ont apprécié des
séances de 45 minutes et plus. Un observateur doit regarder attentivement le visage de
l’utilisateur et relever tout signe d’inconfort. Il est mentionné également que personne
ne doit utiliser les appareils vibroacoustiques sans surveillance.
Encore une fois, il est parfaitement envisageable d’utiliser ces appareils en ne
diffusant que des harmoniques naturelles. Nous verrons comment, en combinant ce
genre de technique avec les effets des harmoniques, on peut obtenir des résultats encore
plus convaincants. Or, au delà du corps, qui ne fait que recevoir les informations, par
ses sens, ses organes, nous avons un système bien plus complexe qui va relativiser et
influencer fortement les effets des vibrations, notamment harmoniques, sur le corps.

3. Le cerveau traite
Nous verrons dans cette partie une approche occidentale de la cognition du son
et du travail d’analyse du cerveau que les chercheurs ont su mettre en évidence. Ce
sujet est très complexe et, malgré les progrès de la science, beaucoup de questions
semblent être encore à éclaircir. C’est pourquoi nous n’entrerons pas dans les détails
pour nous intéresser plutôt à certaines fonctions basiques, comme la répartition des
informations perçues, ou les concepts de dissonance et de consonance, qui
correspondent plus précisément au sujet des harmoniques et qui nous permettrons
d’autre part, de mieux comprendre l’aspect psychologique de la perception musicale et
des différentes thérapies par le son.

51
31. Perception et cognition75

311. Quel hémisphère ?


Une fois qu’un son est perçu, que ce soit par l’oreille ou par le corps lui même,
l’acquisition intellectuelle du stimulus sonore va se spécialiser selon deux types de
perception :

• la perception auditive non conceptuelle (musique purement instrumentale) qui


va se produire dans plusieurs régions des lobes temporales et pariétales de
l’hémisphère droit,

• la perception des musiques vocales textuelles (également dans le texte déclamé


ou le poème chanté) qui peut véhiculer un message conceptuel. Cette perception
sera décodée par l’hémisphère gauche.

Les musiques qui nous intéressent dans cette étude sont majoritairement
instrumentales ou sans message textuel volontaire. Nous verrons que les techniques
vocales qui permettent l’émission isolée et organisée des harmoniques empêchent
généralement toute formulation de mots articulés. Elles n’utilisent pas à proprement
parler de langage. C’est alors au niveau de l’hémisphère droit que va se situer la
réception de la plupart des musiques que nous allons étudier et qui font entendre
distinctement des harmoniques. Toutefois, au sein d’un même morceau de tradition
vocale (musique populaire mongole, chant tibétains etc.), ont peut effectivement
entendre des textes, souvent récités plus que chantés ; mais il faudra que l’auditeur soit
capable de comprendre la langue en question pour que l’hémisphère gauche se mette
réellement à travailler.

312. Le cortex auditif


On appelle « cortex auditif » la partie du cerveau qui reçoit et traite tous les
sons. Bernard Auriol76 nous indique qu’il est située en profondeur : « au niveau de la

75
Informations recueillies dans l’ouvrage de Bernard Auriol, la clef des sons, op. cit.
76
Bernard Auriol, la clef des sons, op. cit.

52
face insulaire de la première circonvolution temporale, enfouie dans la scissure de
Sylvius ».

La radiation auditive et sa terminaison dans le gyrus temporal transverse, ses rapports avec la
radiation optique sur une coupe frontale schématique de l’hémisphère gauche.

On trouve, au niveau de cette aire corticale, cinq régions (représentées sur le


schéma ci-dessus par les zones : 52, 41, 42, 22 et insula). D’après Auriol, trois d’entre
elles sont porteuses d’une représentation de l’échelle des sons et reçoivent les
informations des deux oreilles. Chacune des régions reçoit aussi des messages des deux
autres, et de l’hémisphère opposé. L’ensemble de ces informations va déclencher
ensuite, dans la conscience, la reconnaissance et la mémorisation d’un phénomène
sonore avec son contenu émotionnel éventuel. Le cerveau fournit donc un travail
d'analyse pour distinguer, reconnaître et évaluer les sons, selon les paramètres que nous
avons déjà abordé : hauteur, timbre, amplitude, et plus particulièrement selon leur durée
ou plutôt leur évolution au cours du temps. Ce qui est directement lié avec la notion de
mémoire des sons. Cette mémoire serait elle-même étroitement liée avec les différentes
émotions que peuvent nous transmettre les sons. Il semblerait, mais le débat est toujours
53
virulent, qu'une grande partie du travail effectué par le cerveau soit apprise et non
innée. Ainsi, la perception du timbre, et même de la justesse peut varier d'une personne
à une autre, indépendamment de ses goûts personnels, non seulement à cause de la
dégradation de son système auditif, mais également en raison d'une altération de ses
facultés neurologiques.

313. L’isosonie
On peut également ajouter à cela l’isosonie phénomène décrivant la perception
par le cerveau de deux sons de même intensité, mais de fréquences différentes à des
volumes différents. Le graphique ci-dessous représente les courbes d'égale intensité
sonore perçue pour l'appareil auditif humain.
On observe que, globalement, l'oreille perd une grande partie de sa sensibilité
dans les basses fréquences.

Courbes d'égale intensité sonore pour l'oreille humaine77


en abscisses : la fréquence en hertz et en ordonnées : l'intensité en décibels.

Ces courbes ont été tracées pour une population moyenne. Même si elles
traduisent assez fidèlement les variations de sensibilité de l’oreille, il existe de grandes
disparités entre les individus. Plusieurs facteurs influencent directement
l'audition comme l'expérience des musiciens ou des ingénieurs du son, par exemple,
mais aussi l'exposition au bruit, l'âge (etc.).

77
Schéma recueilli en novembre 2005 sur le site : www.wikipédia.fr
54
314. Les harmoniques dans le timbre
Je n’ai malheureusement pas trouvé de travaux qui traitent précisément de la
perception cognitive des harmoniques en temps que sons isolés, pouvant former une
mélodie. Intéressons nous donc à ce qui pourrait s’en approcher le plus : la perception
des timbres. Comme nous l’avons déjà vu, c’est en effet à travers le spectre sonore que
les harmoniques se manifestent indirectement. A ce sujet, nous pouvons nous pencher
sur les travaux du Laboratoire d'Acoustique Musicale. Suite aux travaux d’Helmohltz
(notamment ceux concernant les partiels inharmoniques), et de Carl Stumph (nous
avons aussi parlé des transitoires d’attaques) ceux du LAM, dirigé par Emile Leipp
dans les années 70, ont montré que bien des composantes du son (nommée alors
« discrètes » et « continues ») ne sont en fait que des composantes psychologiques,
psychoacoustiques, qui ne prennent place qu’au niveau cérébral, neuronal de la
reconnaissance du timbre. L’étude des modes de jeu de certains interprètes révèlerait
par exemple que la phase stationnaire est continuellement différenciée et varie
perpétuellement au cours de l’exécution d’une oeuvre. Beaucoup de composantes
timbrales seraient donc des éléments vivants, dynamiques : même si notre oreille ne
peut les reconnaître intuitivement, elle saurait le faire inconsciemment. D’autres
éléments, physiquement simples à décrire, ne sont qu’intuitivement perçus comme
influençant notre perception du timbre, et l’importance de leur rôle au sein du champ de
cette reconnaissance est difficile à appréhender. La brillance, les formants, par exemple,
mais aussi le vibrato ou la texture sonore.
A ce sujet, Bernard Auriol explique l’incroyable capacité que possède le cerveau
à dégager des informations intéressantes alors même qu’un microphone capterait un
ensemble sonore parfaitement noyé. Ceci serait lié à la capacité de réduire plus ou
moins au silence les régions spectrales les plus riches en bruit et d’utiliser le reste, grâce
à la redondance, quand elle existe. Le cerveau aurait-t-il donc une préférence pour
« l’harmonicité » (les sons musicaux) qu’il distinguerait de «l’inharmonicité » (les
bruits) ? Rien ne nous permet réellement de le dire, nous pouvons juste constater qu’il
en fait une distinction. Auriol met également en évidence le phénomène inverse qui est
celui de la reconstruction de la partie signifiante dans ce qui a été éliminé :
« Un témoignage nous est connu qui se multiplie de tous les patients soumis à
l’audition de musique filtrée. Ils reconnaissent parfaitement des œuvres dont ils
entendent essentiellement les harmoniques au-delà de 8000 Hz ! L’esprit semble – et

55
il le fait – reconstruire les fondamentaux, tellement bien que la restitution ultérieure
des graves aboutis à des sons tous nouveaux pour le sujet.»78

Le fonctionnement du cerveau (ou bien de « l’esprit », comme Auriol semble


le préciser) serait donc suffisamment adapté à la suite des harmoniques pour qu’il lui
permettent de reconstituer des notes fondamentales inexistantes. Cette adaptation, tout
comme la distinctions entre l’harmonicité et l’inharmonicité, serait directement liée à
notre perception des consonances et des dissonances.

32. Consonances / dissonances


En musique, la consonance (lit. : sonner avec, ou bien sonner ensemble)
désignerait selon l’encyclopédie musicale The New Grove79, « la concordance d’un
ensemble de sons, accord ou intervalle produisant un résultat ‘‘agréable à l’oreille’’ ».
Il semblerait toutefois important de faire une distinction entre les sons agréable /
désagréable à l’oreille et les sons consonants / dissonants, qui relèvent tous deux d’un
travail cérébral, mais l’un sur le plan acoustique (capacités cérébrales) et l’autre sur le
plan esthétique (émotionnel). C’est pourquoi nous verrons dans cette partie les deux cas
séparément.

321. Consonance acoustique par la pureté des intervalles


La pureté d'un intervalle se produit lorsque deux notes entendues sont dans un
rapport de fréquence simple. Le rapport le plus simple est celui de l'octave = 2/1, dont
la consonance est si parfaite que l'on peut souvent douter de la présence de deux notes
différentes. Ceci est dû au fait que toutes les harmoniques de la note plus aigue sont
déjà présentes dans la note plus grave. La quinte = 3/2 est l'intervalle distinct le plus
consonant et semble être utilisée dans pratiquement toutes les musiques. Son
renversement, la quatre = 4/3, est légèrement moins consonante. La tierce majeure pure
= 5/4, est à son tour un peu moins consonante (mais bien plus que la tierce impure

pythagoricienne = 81/64 ou celle du tempérament égal = qui présentent des


rapports encore bien plus éloignés). Pour les intervalles suivants, il devient difficile de
parler de pureté, car ils contiennent un battement (notion expliquée dans le paragraphe
suivant) relativement audible subsistant, même pour des rapports simples tels que la

78
Bernard Auriol, la clé des sons, op. cit.
79
The new Grove, Dictionary of MUSIC & MUSICIANS, Stanley Sadie, 1980.

56
tierce mineure = 6/5 et le ton majeur = 9/8. C’est donc à partir des intervalles
purs, issus des harmoniques H2, H3 et H5, qu’apparaît au cerveau la notion de
consonance.
Comme nous l’avons déjà vu, les harmoniques H7 et H11, bien que faisant
partie des premiers harmoniques, sont perçus comme dissonants, et ce parce que leur
rapports n’est pas formé avec des nombres premiers supérieurs à 5 (ou leur multiples).
Ainsi la septième majeure H15 = 15/8 c’est à dire : 5x3/2²(3), est perçue comme une
consonance alors que H7 = 7/4, qui n’est divisible ni par 2, 3 ou 5, sera perçue comme
une dissonance. Cette considération du cerveau possèderait certaines limites : le
nombre 3 ne peut être multiplié au delà du cinquième degré et le nombre 5 ne peut
l’être au delà du troisième. Les puissances de 2 sont limitées diversement selon les cas.
Helmholtz a tracé, selon la pureté de ces intervalles, une courbe de consonance en
fonction d’une note fondamentale (note constante qui sert de référence pour différents
intervalles que l’on appelle alors « bourdon »).

Schéma de la courbe de la consonance selon un bourdon en Do80

322. Dissonances et battements


Par opposition, la dissonance naît des intervalles dont les rapports ne sont pas
perçus comme simples par le cerveau. Il apparaît alors un phénomène de battements
plus ou moins perceptibles selon le degré de dissonance. Ces battements se manifestent
à l’oreille lorsqu’un intervalle se rapproche d’une consonance sans réellement s’y

57
accorder. Ils sont représentés, sur le schéma, par les pics de la courbe. Notons que les
battements sont d’autant plus grands que l’intervalle qu’ils avoisinent est pur. Ainsi
autour de l’octave et de l’unisson, la courbe présente les battements les plus
perceptibles ; on peut aisément entendre ce frottement de fréquences en accordant deux
cordes d’un instrument (comme la guitare) selon ses harmoniques.

323. Justesse et esthétisme sonore


Malgré cette référence basée sur les capacités cérébrales et le rapport simple des
harmoniques, la question de la justesse d’une note ou d’un accord est délicate car elle
renvoie à un critère esthétique et émotionnel propre à chaque auditeur. Il est en effet
impossible de donner une définition basée sur un système de références absolu. On peut
considérer que la justesse tend vers un maximum de consonance, or le système tonal
actuel, auquel nous sommes culturellement très habitués, ne fonctionne pas selon des
rapports simples. Et pourtant, il nous semble juste. Une oreille musicienne éduquée ne
fonctionne manifestement pas qu’en fonction de ces rapports simples, mais surtout par
un phénomène de mimétisme. C'est donc un phénomène comparable à celui de la mode,
qui ne regarde pas la valeur intrinsèque de l’objet sonore, mais sa conformité avec la
norme, fût-elle en évolution constante.
Cette évolution se fait selon des paramètres sociaux-culturels qui peuvent
prendre parfois des proportions telles, que l’esthétique sonore va alors totalement à
l’encontre des règles acoustiques de la consonance. On peut facilement trouver des
personnes qui chantent dans une sorte de parlando, et leurs auditeurs sont encore ravis.
Notons également l’apparition de certains courants comme le dodécaphonisme, le
sérialisme, la musique concrète, qui ont fascinés de nombreux auditeurs, ou encore plus
récemment, des musiques difficilement écoutables pour certains comme le
minimalisme, et même le bruitisme81 où c’est l’esthétique du bruit lui même qui est
alors apprécié. On atteint là une autre limite : celle de la perte totale de consonance.
N’oublions pas pour autant que les traditions extra-européennes trouvent leurs
références musicales à travers les caractéristiques acoustiques de leurs instruments et
leurs cultures respectives. Ce qu’on appelle la « tierce royale », par exemple, est

80
Schéma issu du livre de François Auboux, L’art du raga, la musique classique de l’Inde du Nord,
Minerve, 2003.
81
Courants de musiques électroniques récent utilise de manière extrême, des sons ou des bruits simples
ou complexes souvent issue de machines diverses, par exemple les musiques de Rioji Ikeda (+/-

58
considérée, dans la musique savante arabo-persane, comme une note juste intégrée dans
un mode précis ; certaines oreilles y trouverons du charme et d’autre une dissonance.
Cet intervalle pourrait d’ailleurs être manifesté sur la courbe, par le petit creux entre le
Ré et le Mib. Prenons maintenant l’exemple du cor des Alpes qui utilise uniquement la
série des harmoniques naturelles pour jouer ses mélodies. Bien que ces intervalles
soient unanimement considérés comme « faux » par des musiciens classiques (plus
précisément à cause de H7), ils n'en constituent pas moins une référence musicale qui
serait utilisée par les habitants de ces vallées pour le chant82.
C’est précisément ce qui nous intéresse dans cette étude, car il existe encore des
instruments de ce type, intégrés dans une culture musicale dont l’esthétique semble
obéir aux lois acoustiques d’une gamme naturelle qui serait composée des harmoniques
et qui utiliserait leur mise en résonance.

Touch/TO:30, 1996) en minimalisme et de Masami Akita & Russell Haswell (satanstornade,


WARPCD666, 2002) en maximalistes bruitistes (electro-noise).
82
Information recueillit sur : www.wikipédia.com en septembre 2005.
59
III Les chants harmoniques et leurs effets

A partir de ce chapitre, nous allons entrer plus précisément dans le domaine de


la musique, tout en conservant le thème des harmoniques naturelles et de leur mise en
résonance. Les chants que nous allons aborder utilisent effectivement ces deux
phénomènes. Je tenterai de les présenter en m’appuyant sur les travaux des chercheurs
qui les ont étudié mais aussi en fonction des effets éventuels qu’ils peuvent provoquer.
Nous serons effectivement amenés à nous intéresser particulièrement à la résonance de
ces chants (sur le plan physique, dans le système phonatoire ou dans les lieux clos, mais
aussi sur le plan émotionnel), aussi bien chez l’interprète que chez l’auditeur, selon leur
contexte et leur culture.

1. Présentation du chant diphonique

1.1 Plusieurs appellations pour un seul phénomène


J’ai découvert la technique du chant diphonique par l’intermédiaire d’une vidéo
réalisée en 1989 par Hugo Zemp, intitulée « le chant des harmoniques »83.
On y découvre les recherches de l’ethnomusicologue Tran Quang Hai portées
sur une technique vocale venant de Mongolie qui est alors appelée «chant
diphonique»84 (diphonie = deux sons). Cette appellation semble avoir été conservée
depuis 1971, bien que T.Q. Hai ait tenté de préciser le phénomène par d’autres termes
(chant diplophonique85, chant biformantique86). Ce chant, parfois appelé « voix
guimbarde »87, qui présente de nombreuses variétés de styles d’origine extra-
européenne et qui a fasciné et inspiré beaucoup d’oreilles occidentales, comme David
Hykes et son Harmonic Choir (Etats-Unis, 1983), Christian Bollmann (Allemagne,
1985), Bodjo Pinek (Yougoslavie, 1987), Thomas Clements (France, 1990) etc.

83
Le film est disponible en vidéo au CNRS audiovisuel, 1, Place Aristide-Briand, 92795 Meudon, Voix
du Monde (1997) est distribué par Harmonia Mundi.
84
Selon Trân Quang Hai , l’appellation « chant diphonique » a été instaurée par Emile Leipp et Gilles
Léothaud en 1971.
85
Le terme diplophonie, d’origine médicale, désigne l’existence simultanée de deux sons de hauteur
différente dans le larynx.
86
Chant à deux formants.
87
Le terme de « voix guimbarde » a été utilisé en 1973 par Roberte Hamayon et Mireille Helffer.
60
1.2 Une seule appellation pour plusieurs phénomènes
Au cours des années 1980, les interprétations, les imitations et les évolutions, de
ces techniques vocales ont donné naissance à une approche occidentalisée du
phénomène, ainsi qu’à de nouveaux styles ; approche qui rassemble toutes ces
appellations par celle plus générique et plus commode, de « chant harmonique »88. Ce
dernier terme est tout à fait vernaculaire et s’emploie plus de manière commerciale que
scientifique. Par commodité, il représenterait une famille plus vaste incluant toutes les
variantes des différents chants diphoniques observés en ethnomusicologie, ainsi que
toutes les techniques vocales utilisant des harmoniques, de façon à ce que l’on puisse
les distinguer et les dissocier d’une ou plusieurs note fondamentale chantée et du reste
du spectre. Il inclurait également les phénomènes de résonance de la voix, notamment à
travers ces harmoniques, comme c’est le cas, par exemple, pour ce qu’on appelle le
« chant en résonance89 » pratiqué dans les anciennes églises cisterciennes. J’utiliserai de
manière générale le terme de « chant diphonique », lorsqu’il s’agira de parler des
techniques vocales déjà étudiées en ethnomusicologie ; je choisirai le terme de « chant
harmonique » pour parler du phénomène pratiqué en Occident sous cette appellation,
mais aussi pour désigner, de manière générale, plusieurs techniques vocales apparentées
aux chants diphoniques.

1.3 Description du chant diphonique


La dénomination « chant diphonique » désigne une technique vocale selon
laquelle une seule personne est capable de chanter deux sons simultanément : un
bourdon (fréquence fondamentale), généralement plutôt grave et émis naturellement par
les cordes vocales, ainsi qu’un autre son, qui est en fait une des harmoniques du
bourdon, volontairement amplifiée. Les différentes techniques vocales permettent la
sélection d’harmoniques dans le spectre du son fondamental.

Par conséquent, il est possible de reproduire volontairement une mélodie formée ainsi
par les harmoniques du bourdon.

88
Cette appellation souligne un problème de non-sens selon les ethnomusicologues (tout chant possédant
des harmoniques) mais qui s’utilise malgré tout par les chanteurs-spécialistes et chanteurs-thérapeutes
(David Hykes, Philippe Barraqué, Patrick Torre etc.). On peut supposer que ce terme est issu d’une
simplification du titre de la vidéo de T.Q.Hai et de Hugo Zemp : ainsi, le « chant des harmoniques »
deviendrait le « chant harmonique ».

61
Les chants diphoniques sont connus et étudiés en Occident depuis les travaux
d’Aksenov qui, en 1964 a publié un article considéré d’après T.Q.Hai, comme : « le
premier article sur le chant diphonique d’une grande valeur scientifique »90. Les
traductions en allemand et en anglais de cet article ont donné lieu en Occident à de
multiples autres études et recherches comme celle de G.Léothaud qui, en 1989,
explique ce phénomène vocal dans sa genèse acoustique du chant diphonique dont
voici un extrait :
« L’appareil phonatoire, comme tout instrument de musique, se compose d’un
système excitateur, ici le larynx, et d’un corps vibrant chargé de transformer l’énergie
reçue en rayonnement acoustique, le conduit pharyngo-buccal. Le larynx délivre un
spectre harmonique, le son laryngé primaire, déterminé en fréquence, d’allure
homogène, c’est à dire dénué de formants notables - donc de couleur vocalique - et
dont la richesse en harmoniques varie essentiellement en fonction de la structure
vibratoire des cordes vocales. (...)
Cette fourniture primaire traverse les cavités pharyngo-buccales, y subissant
d’importantes distorsions : le pharynx et la bouche se comportent donc comme des
résonateurs d’Helmholtz, et cela pour toutes les fréquences dont la longueur d’onde est
supérieure à la plus grande dimension de ces cavités.(...) Les paramètres déterminant
la fréquence propre des cavités phonatoires peuvent varier dans des proportions
considérables grâce au système articulateur, notamment par la mobilité de la
mâchoire, l’ouverture de la bouche et la position de la langue. Celle-ci surtout peut
diviser la cavité buccale de deux résonateurs de plus petit volume, donc de fréquence
propre plus élevée. En d’autres termes, les cavités buccales peuvent continuer a se
comporter en résonateurs d’Helmholtz même pour des harmoniques très aiguës du
spectre laryngé, ceux dont la longueur d’onde est petite, en tout cas inférieure à la
longueur du conduit pharyngo-buccal.
L’émission diphonique consiste pour le chanteur à émettre un spectre riche en
harmonique, puis à accorder très finement une cavité phonatoire sur l’un des
composants de ce spectre, dont l’amplitude augmente ainsi fortement par résonance ;

89
Terme utilisé notamment par Igor Reznikoff, qui reprend les techniques de chants diphoniques pour
faire résonner les voûtes des églises.
90
D’après les informations exposés par Trân Quang Hai dans son article Recherches introspectives sur le
chant diphonique et leurs applications recueilli sur le site : http://tranquang.free.fr
62
par déplacement de la langue, le volume buccal peut varier, donc la fréquence propre,
et sélectionner de cette façon différents harmoniques »91.

1.4 La mise en résonance du chant diphonique


Dans sa comparaison avec les résonateurs d’Helmholtz, Léothaud souligne le
fait que les harmoniques se manifestent par le phénomène de la résonance. Cette
résonance se fait en fonction du volume de la cavité buccale et d’une fréquence
harmonique de la note fondamentale chantée. Les sons alors entendus possèdent un
timbre très particulier (si toutefois on peut parler du timbre d’une harmonique - sic.). La
résonance met en évidence un son relativement aigu qui semble effectivement très pur,
et, en ce sens, comparable à une sinusoïde. Ainsi, on retrouve dans le chant diphonique
un effet similaire à celui du verre à pied que l’on frotte avec le doigt. Le son prend une
certaine ampleur dans l’espace et semble planer au dessus de la tête du chanteur.
Lorsque j’ai voulu observer des mélodies de chant diphonique au moyen d’un
sonagraphe, j’ai constaté que les harmoniques sélectionnées dans la mélodie n’étaient
pas totalement isolées mais entourées d’autres harmoniques plus ou moins faibles en
amplitude, selon la qualité du chant.

Sonagramme d’une mélodie au chant diphonique 92

Une technique bien maîtrisée permet une sélection très précise de chaque
harmonique et fait alors entendre un son clair. Tout réside non seulement dans la qualité
du timbre du son fondamental émis par les cordes vocales (qui doit être très riche en
harmoniques), mais aussi grâce aux nombreuses techniques très fines faisant appel au
système respiratoire, aux muscles de la gorge, à la cavité buccale et aux résonateurs de
la tête et du reste du corps.

91
D’après le dossier de H.Zemp et T.Q.Hai, « recherches expérimentales sur le chant diphonique » in
cahier des musiques traditionnelles, N.4 la voix. Atelier d’ethnomusicologie, Genève, 1991, p. 28.
92
Nous pouvons observer la mélodie ‘‘A la claire fontaine’’ dans la partie supérieure, et le bourdon
accompagné d’autres harmoniques moins prononcées dans la partie inférieure. Le sonagramme est issu du
programme : R.S frequency.
63
2. Les chants diphoniques traditionnels

21. Touva et Mongolie

Les premières recherches en matière de chant diphonique, ont porté sur la


pratique des Mongols et des Touva. Avec leurs techniques vocales, ceux-ci mettent
parfaitement en évidence les propriétés acoustiques dont l’appareil phonatoire est
pourvu. Leur répertoire très vaste fait entendre de manière évidente les harmoniques
naturelles à travers la voix, ce qui fait de cette culture musicale un exemple
incontournable.
D’après Aksenov93, les Touva formeraient le centre de la culture turco-mongole
du chant diphonique, puisqu’ils ne pratiquent pas seulement une, mais quatre variantes
stylistiques : kargiraa, bogbannadir, sigit, ezengileer, toutes regroupées sous le terme
générique de khoomei (issu du terme mongol khöömii : « pharynx, gorge »94). Avec les
peuples voisins, Mongols, Oirats, Kharkass, Gorno-Altaïs, Bashkirs etc., les variantes
se sont multipliées selon des techniques plus ou moins distinctes jouant principalement
sur le timbre du bourdon vocal, mais faisant toujours chanter une véritable mélodie
supplémentaire, volontairement structurée par la sélection des harmoniques. Nous
résumerons toutes ces techniques en deux grands styles de chants diphoniques : le chant
sigit, plutôt aigu, et le chant kargiraa, plutôt grave. Ceux-ci sont généralement
accompagnés par un luth à deux cordes (ainsi que d’autres instruments traditionnels ou
d’autres chanteurs) et comportent, le plus souvent, des textes chantés et récités en
alternance avec les mélodies diphoniques. Nous laisserons les textes associés à ces
chants de coté pour ne nous intéresser qu’aux techniques de chants diphoniques.

211. le style sigit et ses effets


Le chant sigit (parfois écrit aussi sygyt ) fait entendre des harmoniques très
aiguës résonnant comme une flûte, ou un sifflement (sigit signifie littéralement
sifflement). Son principe est basé sur un système de résonance « à double cavité »95, qui
sépare donc, par le placement de la langue contre le palais, la cavité buccale

93
Cité par T.Q.Hai (1973).
94
Information recueillies dans l’article de H.Zemp et T.Q.Hai, « recherches expérimentales sur le chant
diphonique » in cahier des musiques traditionnelles, op. cit.

64
(résonateur) en deux cavités d’une résonance plus petite. Les mouvements maîtrisés de
la langue peuvent reproduire ainsi des mélodies, générées par les harmoniques du son
fondamental. Le répertoire sigit désigne des chants populaires transmis oralement chez
les paysans musiciens des plaines de Mongolie et de Sibérie. T.Q. Hai explique que la
plupart de ces chants présentent des mélodies jouées sur les harmoniques H9, H10 et
H12, parfois sur H8, H9, H10, H12, H13, avec un bourdon plus ou moins marqué.
Selon la virtuosité du chanteur, les harmoniques aiguës peuvent résonner très fortement,
ce qui dissimule par conséquent le son de la fondamentale (extrait de chant sigit sur le
CD, plage 09). Dans cet extrait, on peut remarquer une sorte de « bourdon
harmonique » très aigu situé entre deux et trois KHz. Il a été parfois dit qu’une
troisième voix pouvait être produite. Selon T.Q.Hai, qui confirme le phénomène grâce
aux sonagrammes, on ne peut pas dire que la troisième voix soit contrôlée. Elle
résulterait plus de la personnalité de l’exécutant que d’une technique particulière.
Thomas Clément96 parle de chant « triphonique » et explique qu’il est possible
lorsqu'un son très grave est émis (par exemple, à une fréquence de 70 hertz), que le
chanteur puisse alors créer deux formants qui sélectionneront chacun une harmonique.
Par exemple, on peut chanter en mode triphonique avec un formant dans la zone de
fréquence comprise entre 400 et 1 000 hertz, et un autre dans la zone au-dessus de 2
000 hertz. On remarque en effet que certains chanteurs vont presque jusqu’à éliminer le
son fondamental au profit des deux formants. T.Q.Hai recommande les performances
des chanteurs Mongush, Mergen, Tumat Kara-ool, Chuldum-ool Andrej.
Si les recherches en ethnomusicologie ont pu percer et approfondir le secret
acoustique de ces phénomènes, on ne parle manifestement pas des effets voulus ou
constatés par ce chant. Lors du festival « le Rêve de l’Aborigène »97 j’ai eu la chance de
rencontrer plusieurs chanteurs et musiciens Mongols ; je leur ai alors posé la question
directement. Lors d’un court entretien avec un jeune chanteur qui était invité en France
avec sa troupe par l’intermédiaire de l’association franco-mongole « Archipel
Nomade » (en Vendée), j’ai pu communiquer avec le chanteur par des mélodies de
chant sigit (ma médiocre imitation l’a d’ailleurs beaucoup amusé) car il ne comprenait
que quelques mots de français. Malgré la présence d’un traducteur, je n’ai pu obtenir de

95
L’appellation « double cavité » est employée par T.Q.Hai pour désigner la technique de chant
diphonique khoomei expliquée par G.Léothaud dans la citation.
96
La voix en corps / Une réconciliation, Revue "SOMATO", Octobre '98.
97
Festival de didgeridoo, guimbarde et chant diphonique, organisé depuis 2001 tous les premiers week-
end de Juillet par l’association parisienne Vent du Rêve à Airvault, près de Poitiers, op. cit.
65
vraie réponse quand au sujet des effets des harmoniques sur ce chanteur et ses
auditeurs. Selon lui, le chant khoomei serait à la base un chant religieux, proche de la
nature, des plaines, des steppes et des chevaux ; il peut être mis en rapport avec le
shamanisme pratiqué en Mongolie, mais plus généralement, le chant diphonique est un
divertissement, qui accompagne le quotidien des paysans mongols et touvains. Ces
derniers se produisent de plus en plus en concert en Europe et aux Etats-Unis, où ils
rencontrent un énorme succès afin de faire entendre leur chant si « mystérieux » et si
apprécié par les oreilles occidentales. La fascination pour cette technique
« impressionnante » et « étrange » est le premier sentiment que j’ai pu noter chez les
auditeurs intéressés. Notons d’ailleurs que de plus en plus d’occidentaux se mette à
tenter de reproduire ces techniques. Plusieurs personnes de mon entourage se sont à leur
tour entraînées à faire résonner ces harmoniques après avoir constaté que moi-même je
pouvais y parvenir. Ne serait-ce pas là une autre forme de résonance sympathique ? Sur
ce même principe, de nombreux musicothérapeutes et artistes se sont mis à intégrer
dans leurs pratiques ce chant qui, prononcé avec des mots sacrés de diverses religions98,
revêt d’autant plus une certaine valeur « mystique ».
Si des effets positifs existent, d’autres, par ailleurs bien moins appréciables,
peuvent se faire sentir. Pour arriver à un résultat aussi saisissant, les chanteurs mongols
et touvains doivent charger le son fondamental chanté le plus possible en harmoniques.
Le son doit être chanté relativement fort, presque crié mais avec un certain contrôle,
celui du souffle.
Cette technique les oblige à contracter fortement les muscles de la gorge et de
l’abdomen, mettant alors en vibration forte leurs résonateurs corporels, si bien qu’ils
avouent ne pas pouvoir chanter trop longtemps tant la technique est éprouvante. J’ai
appris récemment que le célèbre chanteur mongol Tserendavaa avec qui j’ai suivi un
stage d’initiation au chant, aurait été victime d’un accident pour avoir trop forcé sur ses
capacités. Le chant sigit provoque donc, chez le chanteur, des tensions fortes que l’on
peut d’ailleurs retrouver, à une autre échelle, chez certains auditeurs : les fréquences les
plus aiguës peuvent être perçues de manière stridente, agaçante, ou assourdissante.
Ce qui ponctue les mélodies, c’est la respiration. Le chanteur est parfois
encouragé à faire durer son chant le plus longtemps possible, ce qui ralentit

98
Les travaux de Philippe Barraqué par exemple marient la kabbale, le soufisme, le shamanisme, le yoga
(etc.) avec les chants diphoniques.
66
considérablement sa pulsation cardiaque. En fonction du rythme de la mélodie, les
inspirations sont parfois prises rapidement, alors que les expirations sont plus souvent
faibles en débit d’air et plutôt longues. J’ai personnellement ressenti des effets
d’étourdissement lors de longues séances de chant sigit, dus manifestement à cette
respiration inégale et à l’ampleur des vibrations qui résonnent dans le crâne. Le
chanteur doit donc respecter certaines limites pour mieux pouvoir apprécier cet état
d’ivresse.

212. le style kargiraa et ses effets


Le terme « kargiraa » fait référence à un phénomène vocal et sonore très
distinctif du chant sigit, notamment au niveau du son fondamental : il est marqué par un
son extrêmement grave et très riche en harmoniques. T.Q.Hai a mesuré les fréquences
de cette technique entre 55 Hz et 65 Hz. Le kargiraa est une technique générale qui
regroupe de nombreuses variantes, déclinées selon les régions, les chanteurs. Le timbre,
puissant et lourd, est généré par la mise en relation de la fréquence des cordes vocales
avec celle des mouvements des parois ventriculaires du larynx. Par la résonance des
deux fréquences en phase, on obtient alors un son correspondant à l’octave inférieure
du son réellement chanté par les cordes vocales. En chantant un La2, par exemple, on
entend un la1. La diphonie a bien lieu dans le sens où, à partir du son fondamental
extrêmement riche, vont être sélectionnés des harmoniques ; mais il s’agit cette fois-ci,
d’une technique à simple cavité : la langue ne fonctionne pas à la manière du chant
sigit ; elle reste relativement plate, et joue sur l’espace buccal d’une seule cavité de
résonance. L’ouverture de la bouche, ainsi que le mouvement des lèvres, sont les
facteurs qui permettent la sélection des harmoniques ; la plupart des mélodies
interprétées le sont dans un registre plutôt grave et ne dépassent pas H16. Cette
technique est exclusivement réservée aux voix graves, principalement masculines ;
cependant il existe quelques rares femmes étant capables d’accéder à cette résonance
(extrait de chant kargiraa sur le CD, plage 10).
Tout comme pour le chant sigit, les effets du chant kargiraa n’ont pas été
véritablement étudiés. La même fascination apparaît systématiquement lorsque l’on
découvre ce chant qui sonne presque de manière « inhumaine ». Or, la puissance du
timbre a tendance à repousser certains auditeurs non avertis qui peuvent se sentir
dérangés, effrayés, voire agressés. Les battements des parois ventriculaires sont lents,
comparés à ceux des cordes vocales, mais ont quelque chose de violent et cela peut se
67
manifester dans l’écoute. Le côté envoûtant du chant kargiraa est tout de même ressenti
chez la plupart des auditeurs, du moins lorsque la technique est bien amenée. Lorsque
j’utilise cette technique, le premier effet que je peux constater est celui d’un plaisir dû à
la sensation de déclencher cette résonance, et de la ressentir en soi, puis celui de
parvenir à sélectionner d’autres résonances harmoniques en atténuant le son
fondamental. Celui-ci, toujours présent, ébranle d’autant plus les résonateurs du crâne
et peut finalement se ressentir dans tout le corps. Le pharynx émet une forte vibration
qui se répand dans le crâne ; c’est un chant éprouvant qui nécessite une bonne
hydratation (la gorge s’assèche rapidement) et un assouplissement du larynx, sans quoi
cela peut être fortement douloureux. Tout comme pour le sigit, la respiration de ce
chant est souvent prolongée par les longues phrases mélodiques, selon moi, ce type de
chant n’étant réellement appréciable que sur des notes tenues, le plus longtemps
possible, ce qui peut mener le chanteur dans un état second.

22. Les chants sacrés du Tibet


Chez les moines tibétains des monastères Gyütö et Gyüme, on retrouve une
technique vocale qui, à l’oreille, est très similaire du chant kargiraa. T.Q.Hai nous
explique comment le chant des tantras (écritures bouddhiques), et des mantras
(formules sacrées), les mudras (gestes des mains), et des techniques permettant de se
représenter mentalement des divinités ou des symboles, se pratiquent régulièrement.
Cette tradition vocale aurait été instaurée par le fondateur de l’un des quatre courants
du bouddhisme tibétain, Tzong Khapa (1357-1419), avec un style propre de méditation.
Le chant diphonique de ces monastères est lié à l’effrayante divinité protectrice Maha
Bhairava qui possède plusieurs visages, dont le principal est celui d’un buffle en
colère. Le chant de ces prières, très grave et très puissant, est ainsi comparé au
beuglement du taureau. Les tantras prononcés pendant les chants ne sont pas récités en
Tibétain ; ils ont une valeur symbolique renforcée par la résonance des chants.

221. Le monastère Gyüto


Les moines tibétains du monastère Gyüto récitent les tantras en chœur et à
l’unisson. Un groupe de lamas est dirigé par l’abbé du monastère qui chante parfois
seul. Le chant lui même se fait entendre par un bourdon extrêmement grave avec lequel
les tantras sont récités ; le rythme s’accorde alors avec le découpage syllabique de la

68
prière. Parfois, une note est tenue plus longtemps et fait
résonner une tierce majeure et une octave au dessus de la
fondamentale. Or, nous ne savons pas réellement de quel
harmonique il s’agit. Je pensais, comme l’explique l’ouvrage
Bouddhisme Tibétain99, que la tierce majeure entendue était
issue d’une technique de gorge similaire au kargiraa des
mongols, chant où la note fondamentale entendue n’est en fait
que le reflet de l’octave supérieur réellement chanté par les
cordes vocales. Dans ce cas, l’harmonique entendue correspond à la première tierce :
H5 (c’est par ailleurs, lorsque je chante sur le même ton, l’harmonique la plus grave
que je puisse émettre). Or, après en avoir discuté avec T.Q.Hai au Musée de l’Homme,
j’ai compris qu’il pouvait en être autrement : l’ethnomusicologue pense plutôt que la
fondamentale entendue est bien la fondamentale chantée. Les moines seraient ainsi
capables d’atteindre des notes extrêmement graves avec leurs cordes vocales réelles et
sans artifice (sic). Ce qui est saisissant, c’est l’ampleur avec laquelle ils parviennent à
faire gronder la note bourdon ; c’est alors l’harmonique H10 qui résonnerait. En
chantant cette note réelle, extrêmement grave, et en prononçant la voyelle « O » avec la
bouche allongée et les lèvres arrondies, ils parviennent a une technique de chant
diphonique tout à fait singulière. Lorsque le groupe entier chante cette syllabe
prolongée, chaque moine semble prendre des rythmes respiratoires différents selon le
principe de tuilage100, afin de pouvoir prolonger l’harmonique commune (extrait de
chants tibétains du monastère Gyüto sur le CD, plage 11).
Des instruments rituels (cymbales, trompes, tambourins, cloches etc.) sont
utilisés en plus des chants et apportent une structure supplémentaire aux récitations.
Dans la symbolique tibétaine, on dit que le chant des moines Gyüto correspond à
l’élément Feu.

222. Le monastère Gyüme


Je n’ai jamais entendu de chant de ce monastère mais T.Q.Hai explique que les
moines y produisent un bourdon grave semblable à celui du monastère de Gyüto et
l’harmonique H12 équivalant à la quinte au dessus de la 3ème octave du bourdon. Ce
chant exprimerait l’élément Eau.

99
Ivan Vandor, musique du Bouddhisme tibétain, Buchet Chastel, 1976, Chapitre Musique vocale.

69
223. Effets des chants tibétains
Comme nous l’avons vu, ces chants ont un caractère sacré très profond et sont
liés à une cérémonie complète qui comporte bien d’autres aspects comme le lieu, la
durée de la récitation, les vêtements, les autres instruments, le pouvoir qui est attribué
aux tantras, les paroles sacrées, ainsi que la foi religieuse qui anime chaque chanteur.
Ainsi, parler de l’effet des chants sacrés en dehors de tout contexte religieux semble
délicat ; je n’ai pu trouver de témoignage d’aucun moine qui aurait pu expliquer (selon
lui) la portée de ces chants. Nous ne pouvons donc nous intéresser qu’aux effets
observés sur les auditeurs. De manière générale, les occidentaux semblent assez
réceptifs, au regard de la progressive commercialisation (notamment dans les
boutiques ésotériques) d’une série de disques de ces chants traditionnels, pour la
détente et comme support à la relaxation, la méditation.
Le phénomène semble aller plus loin encore. Certains
moines, comme les chanteurs mongols que j’ai pu rencontrer, se
déplacent en effet dans le monde entier pour des représentations
en concert (sic). Si les disques et les concerts apaisent et
procurent une certaine sérénité à certains occidentaux, d’autres
n’y semblent pas du tout réceptifs. Bien que sacrés, l’aspect de beuglement de taureau
que revêtent parfois ces chants peuvent les rendre sans intérêt ou réellement
repoussants pour certains auditeurs.
Les facteurs qui semblent faire toute la différence dépendraient de la sensibilité
de l’auditeur au contexte social et religieux de ces chants, ainsi que sa réceptivité ou sa
disponibilité à l’écoute.

23. La Sardaigne : la quintina


En Sardaigne, pendant la semaine sainte, de nombreux chanteurs se réunissent
pour former un phénomène acoustique très particulier et très similaire au chant
diphonique. Selon les travaux de l’ethnomusicologue Bernard Lortat-Jacob101, c’est à
Castelsardo, au sein de la confrérie de la Sainte Croix, que se réunit chaque année un
grand nombre de chanteurs, religieux et profanes, dans le but d’être sélectionnés parmi
l’un des trois chœurs de Pâques. Le prieur est chargé de sélectionner seulement 12 de

100
Système observé en ethnomusicologie, et connu des compositeurs et orchestrateurs symphoniques.

70
ces chanteurs afin de constituer les ensembles polyphoniques de quatre registres : du
grave vers l’aigu (bassu, contra, boghe, falsittu). Un chanteur se spécialise dans une
partie correspondant à la tessiture naturelle de sa voix.

231. Le mystère d’une cinquième voix


En écoutant ces hommes interpréter les chants religieux, il apparaît parfois, aux
oreilles des auditeurs attentifs, une cinquième voix, plus féminine et très aiguë. C’est la
« Quintina », la « petite cinquième », résultant de la fusion des harmoniques de chacune
des voix. Cette voix n’est pas un miracle, ni le fruit du hasard ; elle est même
volontairement recherchée par les chanteurs qui, pour la faire apparaître, doivent former
un ensemble vocal irréprochable. C’est, en effet, grâce à une entente idéale entre des
voix parfaitement dosées les unes par rapport aux autres en volume, en qualité de
timbre et en justesse harmonique, que le prieur va orienter sa sélection. Cette
mystérieuse petite voix n’apparaît effectivement que lorsque les voix, précisément
accordées, sont en parfait équilibre. Elle serait surtout produite par la superposition des
voix les plus graves (bassu et contra) en rapport de quartes ou de quintes ; mais la
participation de la boghe, qui est décrite comme la voix principale du chœur,
renforcerait considérablement le formant harmonique. La falsittu qui, elle, est plutôt
dans l’aigu, se distingue du reste du chœur par son timbre nettement plus nasal et qui,
par contraste, met en valeur la douceur de la quintina. Bernard Lorat-Jacob précise
dans son article102 que les textes chantés brouillent les harmoniques par leurs consonnes
et que la présence de la cinquième voix est d’autant plus forte lorsque les chanteurs
s’attardent sur les voyelles.

323. La réponse acoustique


Ce phénomène sonore s’explique donc par la superposition de plusieurs notes
fondamentales, plutôt graves, et ayant des harmoniques en commun. Prenons par
exemple une note basse sur La1 (bassu), chantée avec un Mi1(contra); on peut
remarquer que ces deux notes on comme harmonique commune Mi3. En effet, la
sixième harmonique de La1 est de deux octaves + une quinte supérieur (H6/La1 = Mi3)
et la quatrième harmonique de deux octaves justes (H4/Mi1= Mi3), ce qui forme, sur

101
Bernard Lortat-Jacob, « savoir les chanter, pouvoir en parler » in Cahiers de musiques traditionnelles
vol.3 : musique et pouvoir, Genève, GEORG, 1990.

71
un sonagramme, un formant sur la fréquence du Mi3. Ajoutons à cela une troisième
voix sur la note Mi2 (boghe) qui va alors renforcer d’autant plus ce formant, car
possédant également, parmi ses harmoniques, le même Mi3 (H2/Mi2 = Mi3). La
composition de ces chants est ainsi fondée sur des harmonies, avec une utilisation
systématique de l’accord parfait majeur en position fondamentale et en position
renversée. Avec de nombreuses quintes et quartes parallèles, le phénomène du formant,
et donc de la quintina, va se manifester sous forme de mélodie et recréer une cinquième
voix distincte, parfaitement audible (dans une zone 700-1000 Hertz) et visible au
sonagraphe.

Sonagramme et partition d’un extrait de polyphonie de Sardaigne103

324. Les effets d’une résonance harmonique


Lorsque les chanteurs sont parfaitement accordés et que la cinquième voix se
manifeste, celle-ci semble flotter dans l’air comme une voix fantôme et devient ainsi
comparable au son pur et volatile qui apparaît lorsqu’on frotte un verre à pied. C’est
effectivement par la résonance des harmoniques superposées que le son se manifeste, et
donne un résultat proche de celui du chant diphonique. Outre le fait qu’il s’agisse de
quatre chanteurs pour cinq sons, et non pas d’un chanteur pour deux sons, comme dans
le cas du chant diphonique, les deux techniques font appel aux mêmes phénomènes

102
Bernard Lortat-Jacob, « savoir les chanter, pouvoir en parler » in Cahiers de musiques traditionnelles.
op. cit. p.16.

72
acoustiques. Cependant, Trân Quang Hai les distingue nettement et nous explique la
nuance :
« Il faut donc faire la distinction entre le chant diphonique (chant créant une
mélodie d’harmoniques) et le chant à résonance harmonique (chant accompagné par
moments par des effets harmoniques)»104
Ce qui, dans notre travail, pourrait rassembler les deux phénomènes, serait les
effets souvent similaires qu’il peut déclencher sur l’auditeur. La quintina est un
phénomène plutôt impressionnant lorsqu’on parvient à bien la percevoir. Et si les
chants des hommes qui la produisent présentent des timbres et des successions
d’accords qui ne séduisent pas forcément, le son produit par la résonance des
harmoniques est néanmoins parfois considéré comme miraculeux. Bernard Lortat-Jacob
indique d’ailleurs au cour de son article, qu’en Sardaigne, la quintina est parfois
interprétée comme étant la voix de la sainte vierge105.

24. Autres traditions vocales


Dans ces recherches sur le chant diphonique, T.Q.Hai a rassemblé quelques
autres exemples de techniques vocales plus ou moins connues.
241. Rajasthan
Un enregistrement en 1967 par John Levy, fait entendre un chanteur rajasthanais
imitant la guimbarde et la flûte double satara. La technique utilisée serait proche du
style sigit touva ; or cet enregistrement est l’unique trace que les ethnomusicologues
possèdent de ce chant diphonique du Rajasthan. Nous pouvons rapprocher cette
technique, qui semble s’être perdue, avec la musique de la flûte rajasthanaise nar (elle
aussi aurait peut-être déjà disparu). Le nar est une longue flûte oblique joué par un
souffle généreux en harmoniques et chanté simultanément par l’instrumentiste qui
ajoute un bourdon à ses mélodies. Le bourdon lui même fait entendre des harmoniques
vocales assez discrètes et laisse parfois place à un texte de ponctuation (extrait de flûte
nar du rajastahan avec bourdon vocal sur le CD, plage 06).

103
Document recueilli au sein de l’article de Bernard Lortat-Jacob, « savoir les chanter, pouvoir en
parler » in Cahiers de musiques traditionnelles, op. cit.
104
Propos de T.Q.Hai recueillis dans son article « Recherches introspectives sur le chant diphonique et
leurs applications » op. cit.
105
Bernard Lortat-Jacob, « savoir les chanter, pouvoir en parler » in Cahiers de musiques traditionnelles,
op. cit.

73
242. Afrique du Sud
En Afrique du Sud, les Xhosa pratiquent également le chant diphonique, surtout
chez les femmes. Une chanteuse se serait inspirée du bruit du coléoptère placé devant la
bouche et utilisé comme bourdon. Cette technique s’appelle umngqokolo ngomqangi
(ngomqangi est le nom du coléoptère) imitant l’arc musical umrhube. Elle modulait la
cavité buccale pour faire varier les harmoniques produits. Dave Dargie106 a découvert
ce type de chant diphonique chez les Xhosa en Afrique du Sud en 1983.

243. Formose
A Formose (Taiwan), les Bunun, une des minorités ethniques taiwanaises,
chantent les voyelles dans une voix très tendue et font sortir quelques harmoniques dans
un chant à l’occasion de la récolte des millets (Pasi but but). Est-ce bien un style de
chant diphonique semblable à celui pratiqué par les Mongols et les Touvains ? Faute de
documents sonores et écrits, les ethnomusicologues ne peuvent poursuivre leurs
recherches.
Les harmoniques apparaissent dans certains types de chants où l’émission des
voyelles est prolongée et avec un timbre très chargé. En Sardaigne encore, mais dans un
contexte différent de la quintina, j’ai remarqué une voix extrêmement grave dans des
polyphonies populaires, et dont la technique semble très proche de celle du kargiraa.
T.Q.Hai reconnaît ces techniques également à travers le chant bouddhique japonais
shomyo, certains chants bulgares, ainsi que des chants polyphoniques d’Europe de l’Est.

106
Présenté par Trân Quang Hai, dans son article « Recherches introspectives sur le chant diphonique et
leurs applications » op. cit.
74
3. Approches des chants diphoniques en Occident

31. Le chant en résonance

En Occident, il existe une autre approche du


phénomène des harmoniques et du chant diphonique
semblant renouer avec la musique vocale ancienne qui
utilisait les gammes naturelles dont nous avons déjà
parlé. Nous avons également vu que les abbatiales
cisterciennes possèdent des propriétés acoustiques
remarquables et particulièrement adaptées à la
résonance de certains chants.

Les moines de Cluny, d’après J.Godwin auraient effectivement construit leurs églises
selon « des proportions musicales afin d’enrichir leur plain-chant et les mettre en
relation avec les dimensions cachées du son »107.
Jean-Yves Haymoz, de l’association Pro Bonio Monte, fait une description du phénomène acoustique
de l’église cistercienne de Bonmont :

« la résonance du son est maintenue par un effet de rotation sonore dans la


rondeur de la voûte ; puis il est enrichi des harmoniques propres de l’église. Rien
d'étonnant à ce que le chant grégorien - qui était la musique de l’époque de la
construction de l’église - sonne magnifiquement bien dans ce lieu ! En revanche la
musique composée par une acoustique plus simple et plus sèche, comme par exemple la
musique de chambre des XVIIIe et XIXe siècles, y sonne très mal : ses harmonies
changent trop rapidement pour souffrir d’être superposées par la résonance»108.

Les propriétés acoustiques de l’église ont effectivement conservé leur résonance


aux sons et aux modes naturels ; c’est pourquoi le chant diphonique semble si adapté à
ces lieux. Une union entre les chants mongols et les chants grégoriens, voilà comment

107
Godwin Jocelyn, Les harmonies du ciel e de la terre, op. cit.
108
Pro Bonio Monte - association des amis de l'abbaye cistercienne de Bonmont - 1275
Chéserex – en Suisse, J.-P. Felber, P.-R. Monbaron, A. Rochat, J. Haldy et P. Tanner. Texte recueilli
en Octobre 2005 sur le site : http://www.probonomonte.ch/abbaye/acoustique_pbm.html
75
on pourrait définir la musique de chanteurs comme David Hykes109 ou Iegor
Reznikoff110. Dans le chant diphonique, nous avons vu que les mélodies étaient
effectuées par les harmoniques à partir d’un son fondamental chanté à la manière d’un
bourdon ; or dans le chant en résonance, la note fondamentale est amenée à faire elle
même des mélodies. Les intervalles de chaque note qui composent ces mélodies
(fondamentales) seraient comme guidés par la résonance des voûtes. En effet, lorsqu’on
est amené à chanter une mélodie dans une église cistercienne, pour obtenir une
résonance sur chaque note fondamentale (ainsi que leurs harmoniques respectives), on
doit employer des rapports d’intervalles précis qui correspondent aux modes anciens.
Les voûtes seraient donc sensibles aux intervalles naturels. C’est grâce à Philippe
Bougon que j’ai pu comprendre l’univers du chant en résonance. En effectuant des
recherches précises entre les modes anciens et les voûtes des églises cisterciennes, il est
parvenu à établir des liens entre cette résonance des différents modes (Tellurique,
Lunaire, Solaire et Lumière) selon certains endroits de l’église et le long de la nef. J’ai
eu la chance, grâce à lui, de pouvoir essayer mon chant diphonique dans les églises
cisterciennes de Silvacane et du Thoronet, et si je n’ai pas entièrement compris ses
explications concernant les modes anciens, j’ai su, instinctivement selon lui, reproduire
ces modes aux rapports naturels (extrait d’une improvisation vocale inspirée du chant
en résonance de David Hykes sur le CD, plage 24).

Avec Philippe Bougon, nous avons recueilli plusieurs témoignages parmi les
différentes personnes qui ont été amenées à nous entendre. Avant même que nous
allions leur demander, ils sont venu nous faire part de leurs émotions. Si le chant
diphonique paraît souvent impressionnant aux oreilles occidentales, la résonance d’un
tel lieu procure un aspect d’autant plus profond.

32. Trân Quang Hai


Si ce n’est Trân Quang Hai qui a découvert la technique du chant diphonique,
c’est essentiellement par lui que le phénomène s’est répandu en France. En réalisant le
film « le chant des harmoniques » avec Hugo Zemp, ainsi qu’en proposant de nombreux
stages de formation et de sensibilisation au chant diphonique, Trân Quang Hai,

109
David Hykes, The harmonic Choir, Ocora, 1989.
110
Iegor Resnikoff, Le Chant de Fontenay, le souffle d’or SARL.

76
participe à l’expansion d’une nouvelle mode « harmonique » qui toucherait l’Europe,
les Etats Unis, l’Australie, ainsi que le Japon. A l’aide du sonagraphe, il a développé de
nombreuses techniques vocales spectaculaires en imitant les techniques que nous
venons d’aborder.

Lors de mon entretien avec lui, qui s’est déroulé sur son lieu de travail, au
Musée de l’Homme, en Mars 2003, il m’a fait une démonstration de l’ambitus de sa
voix qui a manifestement été entraînée à descendre dans les graves, uniquement avec
les cordes vocales (sans aucune technique de travestissement vocal), aussi loin que pour
les chants kargiraa. Le chercheur suppose ainsi que les moines de Gyüto chantent en
voix réelle.
T.Q.Hai a également fait des expérimentations sur les rapports entre la
fréquence fondamentale et la voix harmonique : il parvient par exemple à faire varier le
bourdon tout en conservant un formant sur la même fréquence, ou bien en effectuant un
mouvement contraire entre fondamentales et harmoniques.

Expérimentation d’un « bourdon harmonique » dans l’aigu, avec variation du fondamental


par Trân Quang Hai.
Technique à deux cavités. Voix fortement nasalisée. Contraction pharyngienne et abdominale. Echelle
montante des fondamentaux La1 (135 Hz), Ré2, Mi2, La3 (270 Hz), et redescente. Le « Bourdon
Harmonique » de 1380 Hz est réalisé successivement par H12, 9, 8, 6, 8, 9, 12.

77
Expérimentation d’un mouvement contraire entre bourdon et mélodie d’harmoniques, par Trân Quang
Hai. Technique à deux cavités. Voix fortement nasalisée. Contraction pharyngienne et abdominale.
Echelle diatonique ascendante des fondamentaux du La1 (110 Hz) au La2 (220 Hz) et redescendante.
Echelles d’harmoniques en mouvement contraire, descendante de H19 au H4 et remontante à H19111.

Il m’a fait part d’un concours en Sibérie dont il présidait le jury112 et qui
réunissait les chanteurs diphoniques les plus virtuoses. Il aurait ainsi pu concourir avec
ces chanteurs traditionnels en effectuant trois fois de suite une mélodie traditionnelle au
cours d’une seule expiration ou encore en écrivant un mot avec les harmoniques de sa
voix (sic). L’exploit n’est véritablement qu’un jeu avec le sonagraphe. J’ai compris que
ce n’est réellement possible qu’avec les lettres qui s’écrivent de gauche à droite comme
N, M, U, V, W, mais aussi I et L (le Y et le J sont plus difficiles). Par un clin d’œil
humoristique, il propose (car c’est bien plus commode) de ne présenter que « le
minimum de cette technique » qu’il m’a également fait partager, et qu’à mon tour j’ai
pu réalisé. Ainsi il fait apparaître sur le sonagraphe le mot « M I N I M U M ».

111
Sonagrammes issus de l’article de H.Zemp et T.Q.Hai, « recherches expérimentales sur le chant
diphonique » in cahier des musiques traditionnelles, op. cit.
112
Ce concours est également abordé lors d’une interview de T.Q.Hai par Michel Giroud, Regards, 1998.
78
Nous voyons par cet exemple que le chant diphonique peut être appréhendé de
diverses manières (et même très ludique) en Occident. Ainsi, lors des différents stages
proposés dans ce domaine, comme on peut le voir sur la vidéo de Hugo Zemp et
comme j’ai pu en faire moi-même l’expérience avec Tserendavaa, le chant diphonique
est un jeu qui encourage l’expression de la voix par l’extériorisation de ses voyelles
prolongées et de ce timbre très âpre. C’est généralement très amusant de s’observer les
uns les autres, entre stagiaires, émettre des sons qui peuvent nous faire paraître ridicules
dans un premier temps, mais qui avec un peu d’encouragement, nous invitent à nous
extérioriser véritablement en nous amusant.

C’est d’ailleurs tout l’intérêt d’une thérapie active par le chant113 et c’est ce qui rend
cette pratique utile aux personnes atteintes de bégaiements par exemple. Au delà de
l’aspect ludique, lorsque les chanteurs occidentaux parviennent à un semblant de
résultat, ils ressentent très souvent une grande satisfaction due au succès, d’une part,
mais peut être aussi due à un effet de résonance plus subtile qui s’opèrerait sur le corps
du chanteur lui même, comme certains musicothérapeutes l’admettent. Nous
observerons cet aspect thérapeutique du chant diphonique plus en détail au cours du
cinquième chapitre.

113
Nous verrons dans le chapitre cinq les différents aspects de la musicothérapie dont la distinction entre
thérapie active et réceptive.

79
IV Les instruments harmoniques et leurs effets

Comme nous avons pu le constater, il est question de distinguer et regrouper des


instruments de musique peu communs en occident. L’appellation « instrument
harmonique » suscite souvent chez les musiciens et musicologues beaucoup de
questionnements. Elle s’utilise assez rarement dans ces milieux-là et peut être
interprétée différemment selon le contexte dans lequel on l’emploie : acoustique,
musique classique occidentale ou thérapies alternatives par les sons et la musique. Je
ferai alors une distinction entre ces différentes interprétations, pour tenter de dégager
une définition adaptée aux instruments qui ont l’intérêt de musicothérapeutes114 et de
musiciens occidentaux passionnés par les harmoniques. Je dresserai alors une liste de
ces instruments qui, loin d’être exhaustive, pourra permettre d’illustrer cette définition.

1. Présentation et distinction des instruments harmoniques

11. Définition
Le mouvement de fascination créé par la découverte des chants diphoniques a
conduit certains musiciens occidentaux à utiliser des instruments reposant sur un
principe et un effet similaire, et avec lesquels ils pourraient ressentir cette même
émotion. J’ai moi-même cherché à rassembler le plus d’instruments possibles de ce
type ; mais encore faut-il pouvoir définir de quoi il est réellement question. Quel est
donc le point commun entre un didgeridoo, un bol tibétain, une guimbarde et un
sarangi ? S’il fallait redonner115 une définition aux « instruments harmoniques » selon
le récent mouvement musical, je les présenterais en m’appuyant sur le phénomène du
chant diphonique. J’inclurais alors, dans cette famille, tout instrument qui, à partir
d’une note fondamentale audible ou non, impose comme unique échelle une succession
de notes organisées selon les intervalles de la série des harmoniques naturelles. Or,
cette définition ne décrit, en réalité, qu’un certain type d’instruments que l’on pourrait
qualifier de « strictement harmoniques » ; en Occident, c’est le cas du cor de chasse, par

114
Je n’ai réellement pu trouver en France qu’un seul cas de musicothérapie qui emploie délibérément, à
l’écrit le terme « d’instrument harmonique », il s’agit de Oriane Robidou. Sur le site : www.voyelle.net.
Nous verrons par la suite que ces termes sont surtout utilisés oralement dans un milieu précis.
115
Car l’appellation est en effet déjà employée pour parler de certains instruments occidentaux classiques
et populaires, voir paragraphe suivant.
80
exemple, ou bien de la trompette sans piston que l’on appelle aussi « trompette
naturelle ». Alain Daniélou en fait mention dans son traité de musicologie comparée :
« Certains instruments à vent, les cors et les trompettes en particulier, ne peuvent
donner que les harmoniques de leur fondamentale »116. Seulement il n’existe que très
peu d’instruments « strictement harmoniques ». Les conditions nécessaires à l’émission
d’une série d’harmoniques sont très précises et généralement, l’instrument finissant par
être jugé très pauvre, subit rapidement un aménagement par divers mécanismes
humains.

D’autres instruments, possédant une plus grande liberté, reproduisent le même


principe. Ils sont apparentés aux instruments strictement harmoniques par leurs effets,
leur contexte, la symbolique117 à laquelle ils renvoient. Il faut donc ajouter à ces
instruments le principe de la résonance, mettant en évidence un autre point commun :
les bols chantants, par exemple (instruments principalement inharmoniques), ainsi que
les instruments à cordes sympathiques, ne reproduisent pas spécialement les notes
contenues dans la série des harmoniques ; or ils les utilisent indirectement par la
résonance. Le phénomène d’un son qui est déclenché indirectement à partir d’un autre,
comme l’apparition d’un son aigu issu du son principal d’un bol chantant, donne un
effet sonore qui représente assez bien les instruments de cette famille. On devrait alors
parler d’ « instruments à résonance harmonique », ce qui semblerait un peu plus juste.
Or, en France, on simplifie l’appellation à « instrument harmonique », du moins dans le
milieu où il est utilisé oralement.

12. Une appellation justifiée ?


Dans le langage musical occidental conventionnel, lorsque l'on dit qu'un
instrument est « harmonique », cela signifie que cet instrument est capable de jouer au
moins deux sons simultanés118. C’est le cas des instruments à clavier (piano, accordéon,
orgue etc.) ainsi qu’un certain nombre d’instruments à corde (guitare, harpe, etc.). Par
opposition, les autres instruments tels que la flûte, le violon, ou encore la clarinette,
sont considérés comme des « instruments mélodiques ». Le terme harmonique est dans

116
Alain Daniélou, Traité de musicologie comparée, op. cit.
117
Nous verrons dans le Vème chapitre comment ces instruments et leur musique peuvent être
symboliquement interprétés et ainsi mis en relation avec, entre autres, la nature et le sacré.
118
Définition de l’encyclopédie Wikipédia.

81
ce cadre, issu de la notion d’harmonie et correspond à l’art de succéder les accords ; ces
instruments sont utilisés généralement pour accompagner d’autres instruments
mélodiques. Cela n’a donc rien à voir avec ce qui nous intéresse, car nous ne sommes
pas dans l’harmonie mais dans les harmoniques.

Peut-on dire que ce terme est bien employé ? Peut-on dire qu’il est mal
employé ? Selon un raisonnement d’acousticien, il paraît évident comme pour le
« chant harmonique » que tout instrument qui produit un son musical peut être qualifié
d’instrument harmonique, dans le sens où les sons qu’il fait entendre comportent des
harmoniques, rendant cette appellation injustifiée (comme nous l’avons vu pour le
chant harmonique), ce qui ne fait guère progresser notre recherche. Lorsque j’ai
interrogé des ethnomusicologues ou des acousticiens, le sujet paraissait les déranger.
Selon eux, le terme est mal employé ; il renvoie à un milieu trop « fantaisiste » pour
être reconnu scientifiquement. Bien que n’ayant pas été officiellement nommés au
cours d’une étude sérieuse, plusieurs de ces instruments donnent lieu à des
regroupements, des festivals, des stages, des recherches, de nouvelles lutheries et de
nouvelles thérapies.119

Or, ces instruments se désignent de plus en plus par le terme « harmonique »


qui, dans ce cas, fait référence, non pas à l’aspect spectral du son, mais plutôt aux
mélodies ou aux sons créés à partir des harmoniques. L’appellation vernaculaire
« instrument harmonique » qui, pour certains, peut sembler absurde, apparaît cependant
bien commode pour les désigner. Elle semble également proche de celle d’autres
instruments voisins qui utilisent le même principe : les flûtes sans trous de jeu par
exemple que l’on nomme communément « flûtes harmoniques ». Elle trouve également
une justification issue de la traduction anglaise : « harmonic instruments » qui désigne,
dans la musique classique, (comme en Français) les instruments accompagnateurs ;
mais il existe également le terme « overtone » qui se traduit, faute de mieux, en
français, par « harmonique » et qui désigne précisément le phénomène qui nous
occupe. Derrière le terme « overtone instrument », il n’y a pas de confusion ; on sait
qu’il s’agit d’instruments qui résonnent et qui n’émettent que le son des harmoniques.

119
Nous verrons dans ce chapitre ainsi que dans le chapitre suivant comment et par qui ces instruments
sont utilisés.

82
J’utiliserai ainsi, au risque d’encourager cette confusion, l’appellation « instruments
harmoniques » comme elle est employée oralement dans les milieux où les passionnés
occidentaux les utilisent.

13. Instrument harmonique ou instrument inharmonique ?


A partir de quels facteurs peut-on dire qu’un instrument est harmonique ou
inharmonique ? Nous avons vu, dans le premier chapitre, que l’harmonicité d’un son
était due au fait que les composantes d’une note fondamentale étaient des multiples
entiers. Dans la pratique, ces deux notions se recoupent par leur relativité ; car parler
d'un son faiblement inharmonique revient à parler d'un son relativement harmonique...
En effet, si le cas du piano ou de la cloche est caractéristique de l'inharmonicité, la
plupart des instruments présente une inharmonicité relativement faible, qui peut être
négligée, mais jamais totalement nulle.

Dans un son inharmonique, les partiels sont généralement plus hauts que les
multiples entiers du fondamental, et ce, d'autant plus que leur rang est élevé120. Cette
caractéristique affecte le timbre du son, et se vérifie par l'examen de son spectre
harmonique. Ce phénomène peut donner l'illusion de plusieurs hauteurs simultanées,
comme pour la cloche. La distinction d’une frontière entre les instruments harmoniques
et inharmoniques pourrait être comparée à la mise en vibration autour d’une note
justement accordée dans la résonance. Les instruments qui suivent ne sont donc pas
« harmoniques » du point de vue des acousticiens, et ne sont pas toujours non plus
« strictement harmoniques » du point de vue de la définition basée sur leur gamme
naturelle. En revanche, ils sont en relation avec la résonance de certaines harmoniques,
mais aussi avec un aspect naturel et simple de la musique (aucun n’est tempéré par
exemple) déclenchant chez les personnes qui y sont sensibles une certaine émotion.

120
Informations recueillies dans l’encyclopédie Wikipédia.
83
2. Liste des instruments harmoniques

J’ai donc regroupé ici un certain nombre d’instruments très riches en


harmoniques, se rapprochant des instruments strictement harmoniques, ou offrant une
forme de résonance. Loin d’être exhaustive, cette liste présente surtout des instruments
acoustiques, traditionnels et modernes, qui correspondent ou se rapprochent de la
définition citée plus haut. Les instruments que j’ai pu découvrir trouvent leur origine
dans le monde entier ; c’est pourquoi la liste est classée par catégories selon la méthode
des ethnomusicologues (idiophones, aérophones, membranophones et cordophones).

21. Idiophones

211. La guimbarde
La guimbarde est un instrument harmonique par
excellence : une fréquence fondamentale, et d’innombrables
variations dues aux harmoniques. Le souffle intervient mais
ce n’est pas réellement un instrument à vent ; le son est émis
par le pincement d’une lamelle qui vibre entre deux fines
parois en métal (plus généralement) ou parfois en bambou.
Comme pour le chant, c’est le corps de l’instrumentiste, et plus particulièrement tous
les résonateurs de la boîte crânienne, qui vont amplifier le son et faire ressortir si
clairement les harmoniques. La fondamentale est relative à la forme de la lamelle
(taille, poids etc.) ; les changements de timbre et la variation des harmoniques sont
directement reliés au système phonatoire et à la cavité buccale.
La question de l’origine de l’instrument reste encore posée. D’après le livre de
John Wright et Geneviève Dournon les guimbardes du musée de l'homme, édité en
1978, la guimbarde n'est considérée comme autochtone ni en Afrique, ni en Amérique
du Sud. On y trouve des arcs musicaux qui utilisent la bouche, mais les premières
guimbardes auraient été amenées par les colons. J’ai eu l’occasion de rencontrer John
Wright, qui m’a confié que l’origine de la guimbarde en Europe remonterait au 16éme
siècle. Le plus plausible serait une origine asiatique, au sens large. Sans doute avec des
instruments végétaux, en bois ou en bambou, éventuellement en os. La guimbarde

84
aurait transité de l'Asie/Pacifique vers le Nord (Sibérie, Mongolie...), puis vers les pays
Scandinaves, puis serait repartie vers le Sud, en Europe centrale et occidentale.
Instrument populaire, instrument de berger, la guimbarde est principalement un
instrument rythmique qui fait jouer un grand nombre d’harmoniques et offre des
variations techniques surprenantes. Son jeu est très sensible ; chaque micro-mouvement
de la bouche et du système respiratoire va entraîner une sélection particulière de
certaines harmoniques. Le souffle est un élément important dans le jeu de la
guimbarde : il permet d’effectuer certaines variations d’intensité et de timbre, et ajoute
ainsi au pincement souvent régulier de la languette, des effets rythmiques d’une grande
richesse et d’une grande variété. Avec des techniques très précises, on peut faire en
sorte d’accentuer certaines harmoniques plus que d’autres. La maîtrise de celles-ci rend
possible, comme pour le chant diphonique, la reproduction volontaire des mélodies. La
voix peut également être utilisée, et permet de multiplier les effets sonores. Plus on fait
chanter les harmoniques aiguës, plus la technique de l’instrumentiste doit être fine. En
Inde du Sud, les guimbardes sont parfois jouées en duo, trio et quatuor, leur accordage
est sélectionné selon l’intervalle des premières harmoniques d’une tonalité donnée
(bourdon délivré par le ou la tempura121). La superposition des harmoniques ainsi créée
apporte un relief impressionnant dans la pièce musicale (extrait d’un trio de guimbardes
sur le CD, plage 05).
En Mongolie, les joueurs de guimbarde utilisent l’instrument pour entrer en
communication avec la nature dont ils imitent certains bruits. L’extrait proposé sur le
CD plage 04, fait entendre un joueur de guimbarde yakoute (appelée khomou en
Yakoutie), qui donne un aperçu de la diversité des sons imités de la nature (gouttes
d’eau, chants d’oiseaux, galop du cheval etc.).
« Le chuintement du vent mais aussi le bruissement des herbes hautes, le
clapotis de la rivière, le chant des oiseaux et les cris des animaux sont autant de
sources d’inspiration pour le chasseur ou le berger des régions montagneuses. Le
répertoire de Narantsogt est capable d’imiter le coucou adulte, le jeune coucou, deux
coucous qui se répondent, la huppe ordinaire, le pigeon ramier, le grand coq de
Bruyère, et avec sa flûte ‘‘cuur’’, le tétras-lyre, parmi beaucoup d’autres imitant aussi
bien les hommes que les animaux. Bien sûr ces imitations sont actuellement dépouillées

121
Instrument à corde de la musique classique indienne qui forme la base harmonique des ragas. Le
morceau de guimbardes carnatiques plage 05 sur le CD, fait entendre une tempura électronique qui
constitue un repère tonal constant par la note sa (fondamentale du raga), ses octaves et sa quinte.

85
de toute connotation shamanique. Cependant, on ne peut nier la place importante du
coucou dans la mythologie des autres peuples altaïques ».122

Guimbarde  
Volume faible O fort
Hauteur grave O O O aigu
Timbre feutré O perçant
Durée court O O long
Spatialisation proche O O lointain

Comme l’indique le tableau ci-dessus, la guimbarde est un instrument assez


intime, dans le sens où il faut être proche pour l’entendre ; les joueurs de guimbarde
que j’ai pu rencontrer m’ont avoué qu’il jouent très souvent seuls, pour eux-mêmes ou
pour le lieu dans lequel ils se trouvent. L’effet de cet instrument me semble plus
sensible pour l’instrumentiste que pour les auditeurs (mais il est difficile d’en juger) ; le
rythme et les vibrations qui résonnent dans la tête du musicien invitent facilement celui-
ci à la transe. Un long morceau peut-être vécu comme « un voyage » ; c’est pour cette
raison que le tableau ci-dessus indique une durée « plutôt longue », car écouter de la
guimbarde n’est réellement appréciable qu’en prenant le temps de se laisser toucher par
son rythme et par son timbre.

212. Le verre frotté


Comme nous l’avons vu lors du premier chapitre, le son du verre frotté, très
particulier, est pauvre en harmoniques. Il ne laisse entendre généralement que deux ou
trois des premières harmoniques du son fondamental (généralement H2 et H4). Il existe,
comme l’indique Thomas Bloch, une grande variété d’instruments dérivés de ce
principe ayant vu le jour mais étant aujourd’hui plus ou moins oubliés (le seraphim, le
glass harp, le verillon ou encore le glass harmonica). Voici un aperçu historique décrit
dans le livret d’un disque de glass harmonica :
« Déjà connu des Perses, des Chinois (Shui Chan), des Japonais (Hi) et des
Arabes (le Tusut est cité en 1406), le principe des bols plus pou moins remplis d’eau
pour en faire varier la hauteur du son, subit une mutation déterminante lorsqu’en

122
Texte extrait de l’article de Bernard Lorat-Jacob « La dimension orphique de la musique mongole », in
Cahiers de musiques traditionnelles vol. 3, musique et pouvoir, Genève, GEORG, 1990.

86
1743, l’Irlandais Richard Puckeridge imagine non plus de les frapper avec des
baguettes, mais d’en frotter les bords avec les doigts mouillés. Les verres étaient alors
posés sur une table. Benjamen Franklin découvre cet instrument dénommé orgue
angélique, puis plus tard, verres musicaux et séraphin – dont le compositeur Glück
joue - à l’occasion d’un concert donné par le virtuose anglais Delaval. »123
On accorde les verres musicaux selon leur volume et leur contenance en eau, ce
qui détermine la fréquence de la fondamentale. Les joueurs de verres accordent leurs
instruments en fonction de la pièce à exécuter, il est tout à fait possible de reproduire
une gamme dodécaphonique classique. Toutefois, l’accordage selon les harmoniques
naturelles semble plus adapté à cet instrument, car il peut mettre ainsi en valeur la
résonance naturelle qui se produit comme pour les cordes sympathiques.
Le glass harmonica possède des disques en verre, trempant dans un bassin d’eau
et tournant sur eux-mêmes ; ceux-ci sont frottés par le bout des doigts de
l’instrumentiste. Ces disques étaient sculptés selon une forme qui correspondait à
chaque note fondamentale avec un accordage proche de celui du clavecin (non tempéré)
et permettaient ainsi d’interpréter plusieurs œuvres des grands compositeurs baroques et
classiques.

Verre frotté  
Volume Faible O fort
Hauteur Grave O O O aigu
Timbre Feutré O O perçant
Durée Court O O long
Spatialisation proche O lointain

Il est remarquable qu’un timbre comme celui du glass harmonica peut émouvoir par sa
clarté et sa pureté, tout comme il peut déclencher un certain malaise. Le timbre de cet
instrument aurait un potentiel presque dangereux.
« ‘‘Son doux et pur’’ ... 1762 baptisé Glass Harmonica ... Paganini : ‘‘ quelle
céleste voix’’... dictionnaire instrumental : ‘‘sons d’une douceur presque céleste, mais
(...) peuvent causer des spasmes’’. Traité des effets de la musique sur le corps humain
(J.M.Roger, 1803) ‘‘son timbre mélancolique nous plonge dans un profond abattement

123
Informations recueillies dans le livret du disque de Thomas Bolch, Glass Harmonica, Naxos, 2001.
87
(...) au point que l’homme le plus robuste ne saurait l’entendre pendant une heure sans
se trouver mal.’’»124
Cela soulève la question du temps d’écoute, et par conséquent les différents
effets ressentis selon la répétition d’un événement sonore et le niveau d’accoutumance
propre à chaque auditeur.

213. Les bols chantants en métaux


Plus connus sous le nom de bols tibétains (mais on
en trouve dans beaucoup d’autres pays d’Asie : Népal,
Chine, Japon, Viet-Nam, etc.), les bols en métaux
provoquent en Occident un phénomène de fascination et de
mode souvent porteur de mystères et de nombreuses
interprétations. Vendu comme instrument sonore de
divertissement dans les brocantes ou les boutiques
ethniques, on peut en trouver de différentes qualités. L’origine et l’utilité des bols
restent encore mystérieuses ; Eva Rudy Jansen125 pense qu’ils étaient simplement
utilisés comme ustensiles ménagers. Les bols sont utilisés dans toute l’Asie comme
instrument sonore d’invocation des dieux, dans les temples (Bouddhistes, Taoïstes,
Confucianistes, Shinto etc.) Lors d’un voyage au Viêt-Nam en Août 2003, j’ai pu
observer des pratiquants qui utilisaient ces bols pour solliciter l’attention de la divinité
par le son. Les bols des temples sont avoisinés généralement d’une cloche de bois qui
tient vraisemblablement le même rôle.
Il existe des bols de tailles diverses, allant d’environ 7 cm de diamètre jusqu’à
70 cm ; l’épaisseur, la composition et le fait que le bol a été forgé à la main ou
industriellement, va donner au son toute sa singularité. Il n’existe pas deux bols
identiques ; on pourrait même aller jusqu’à dire qu’un même bol ne peut pas sonner
deux fois de la même manière, tant les harmoniques qu’il fait entendre varient selon la
sensibilité de la frappe. Les bols sont effectivement très riches en harmoniques ou
plutôt en partiels car, comme les cloches, ils sont souvent très dissonants et donc
inharmoniques. On peut également les frotter, à la manière des verres en cristal ; leur
vibration est alors entretenue, et s’amplifie si on sait répondre à la sensibilité du bol.

124
Informations recueillies dans le livret du disque de Thomas Bolch, Glass Harmonica, Naxos, 2001.
125
Eva Rudy Jansen, bols chantants, Binkey Kok, 1990.

88
Pour conserver la résonance, la vitesse de rotation n’est pas plus déterminante qu’un
bon rapport entre la régularité du mouvement et la pression exercée. Il est possible, une
fois le bol apprivoisé, de changer le sens de rotation tout en conservant la vibration.

Un bol possède une note fondamentale basse qui est remarquable lorsqu’on
frotte avec une mailloche recouverte de cuir. Les sons frappés, avec des mailloches en
bois, sollicitent les harmoniques aiguës. Lorsqu’on joue du bol, on remarque que ces
harmoniques vont et viennent, parfois, suite à des mouvements involontaires, si bien
qu’on a souvent l’impression d’inviter le bol à chanter. Tenter de le maîtriser
totalement semble improbable. Comme chaque bol possède un spectre qui lui est
propre, ses harmoniques principales (pour les plus audibles) décrivent son identité. Pour
s’entraîner à faire vibrer fortement un bol de taille moyenne, on peut y ajouter de l’eau,
et observer visuellement les vibrations qui se dessinent sous forme de petites ondes à la
surface de l’eau. Ces mouvements suivent la rotation de la mailloche frottée en quatre
points équidistants. Lorsqu’on change le sens de rotation, les quatre points d’ondes
changent également de sens. Une fois la vibration maîtrisée, on peut alors augmenter la
pression et, proportionnellement, la vitesse de rotation, tout cela de manière très subtile
et continue, afin de ne pas perdre la vibration en cours.
Les passionnés disent que le jeu de cet instrument reflète nos sentiments et nos
émotions. J’ai moi-même parfois eu le sentiment que le bol était capricieux ; il faut
savoir lui parler, pour qu’il nous laisse entendre sa résonance et pour qu’on puisse, par
la suite, augmenter celle-ci. Avec une vibration très intense, on remarque que l’eau qui
est placée au centre du bol réagit en conséquence: elle s’agite fortement et va même
jusqu’à jaillir hors du bol sous forme de petites gouttelettes frémissantes.

Bols en métaux  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O O aigu
Timbre feutré O O O O perçant
Durée court O (frappé) O O (frotté) long
Spatialisation proche O O O lointain

Si la pratique religieuse utilise les bols dans les temples d’Asie, les adeptes
d’Occident l’interprètent à travers l’ésotérisme et la thérapie sonore comme support

89
pour la méditation. Le son du bol permet de focaliser l’attention sur une vibration riche
en harmoniques, résonnant en nous-mêmes à travers le corps, comme un frisson.
Certains sont utilisés par les musicothérapeutes pour des séances de « massage sonore »
avec des dizaines de bols. J’ai moi-même fait plusieurs fois cette expérience avec ma
propre collection de bols et sur plusieurs personnes qui ont toutes ressenti des
impressions relaxantes et très agréables. Selon la pratique d’Oriane Robidou, avec qui
j’ai pu suivre un stage « d’harmonisation par le son des bols chantants », on différencie
les bols dit « consonants » des bols « dissonants » selon le degré de consonance de leurs
harmoniques. Les intervalles vont générer à l’oreille des réactions très subjectives,
variables selon les individus (et selon le contexte général). Un bol harmonique (rapports
simples) est dit « consonant » et aura alors un effet « relaxant » ; un bol inharmonique
(rapports complexes) va être considéré comme dissonant, et aura donc un effet
« dynamisant ».
Les bols en métaux sont très efficaces pour se sensibiliser à la vibration tactile.
En approchant la main (par exemple) à quelques centimètres de la paroi d’un bol en
vibration, on ressent très distinctement cette pression de l’air qui vibre en déclenchant
parfois des frissons, et une impression d’apaisement, de douceur, mais aussi parfois de
picotement, de fourmillement pouvant être amusants pour certains et désagréables pour
d’autres.
Anneke Huyser126 raconte que pour les « vrais » bols (tibétains), il est question
d’un mélange des 7 métaux (or, argent, mercure, cuivre, fer, étain et plomb) dont le
dosage précis crée une alchimie sacrée.

214. Le bol taoïste


Il s’agit cette fois d’un instrument très rare, qui reprend les principes des bols en
métaux et ceux des verres frottés : le contact corporel offre un résultat sonore très riche
en harmoniques et en vibrations. J’ai découvert cet instrument au festival « le Rêve de
l’Aborigène127 » grâce à un sitariste dénommé Narayana qui exposait l’instrument et
faisait parfois quelques démonstrations. Le bol taoïste est d’origine chinoise, on le dit
très ancien. Il ne se serait fait connaître en Occident que depuis environ deux ans
(2003). L’instrument se présente sous la forme d’une bassine en métal (principalement

126
Anneke Huyser, le bol chantant, Binkey Kok, 1999.
127
Festival le « Rêve de l’Aborigène », par l’association Vent du Rêve, op. cit.
90
du cuivre, mais d’autres métaux y seraient ajoutés) avec deux sortes de poignées
soudées sur les bords intérieurs de la bassine.

Le principe est très simple, on verse de l’eau dans le bol jusqu’à environ sa
moitié, on se place devant, et après avoir trempé ses mains dans l’eau, on peut
commencer à jouer de l’instrument en frottant les paumes et les doigts humides contre
les poignées. Les sons qui sont alors produits sont un festival d’harmoniques et
semblent varier de manière aléatoire ; comme pour les bols chantants, on peut
difficilement les contrôler. La fondamentale, un son plutôt grave, est obtenue en frottant
la paume creusée dans le sens de la poignée, les aigus étant plus distincts lorsque les
mains sont ouvertes et que l’on ne frotte qu’avec le bout des doigts. L’intensité du son
dépend de la pression du frottement, bien que l’on puisse aussi avoir quelques
surprises ! Il est particulièrement difficile d’essayer de faire ressortir volontairement
une harmonique précise volontairement (hormis la fondamentale) ; tout se passe comme
si les harmoniques se révélaient d’elles-mêmes sans être sensibles aux mouvements
grossiers de nos mains. L’eau placée au centre du bol est également en vibration ; elle
ondule en quatre points du bol vers le centre et très rapidement lorsque la vibration
s’intensifie, elle jaillit comme une petite fontaine. Le phénomène, déjà observable avec
les bols en métaux, est ici d’autant plus flagrant qu’il est facilement réalisable.

Bol taoïste  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O O O aigu
Timbre feutré O O O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O O lointain

Instrument très mystérieux, les informations sont rares quant à son utilisation
originelle. Les interprétations actuelles penchent vers la thérapie par les sons, en accord
étroit avec la médecine traditionnelle chinoise ; certains perçoivent cet instrument
comme le reflet sonore de notre être, dans le sens où l’on ne peut réussir à le faire
réellement chanter que dans un état de lâcher-prise, comparable à la méditation. Le bol
réagit aux mouvements purement instinctifs du corps, des bras, des mains et des doigts ;
l’instrumentiste lui-même, complètement détaché de son propre jeu, se laisse porter par
les vibrations. C’est une sorte de cercle vertueux : un premier frottement, et la vibration

91
créée va déclencher un effet chez l’instrumentiste qui va réagir par d’autres
mouvements de manière intuitive, et relancer d’autres vibrations, etc. Il est possible de
placer le bol sur un résonateur (grande bassine retournée ou calebasse) comme j’ai pu le
noter lors de son exposition128, ce qui a pour but d’amplifier certaines fréquences et de
laisser respirer le son sous le bol. J’ai pu en faire moi-même l’expérience ; mais je
conseillerais plutôt de s’asseoir en tailleur le plus proche possible des bords du bol, (les
pieds et les chevilles, placés à quelques millimètres de celui-ci sans le toucher pour
autant) et si possible à même le sol. On ressent alors très concrètement les vibrations
conduites par le sol dans les cuisses, les fesses et le bas du dos ; c’est une sensation très
spéciale.

215. Le chaudron harmonique129


En suivant toujours ce principe de frottement d’un récipient humide, j’ai
découvert par l’intermédiaire de John Wright et de Bernard Lalanne-Cassou130 une
tradition bretonne que l’on appelle « tirer le jonc ». Il s’agirait d’une technique
nécessitant la participation d’au moins deux personnes, d’un chaudron contenant de
l’eau et d’une tige de jonc. La tige, humidifiée, est pressée contre la paroi externe du
chaudron par la première personne et tendue par l’autre qui va la frotter avec ses doigts.
La friction met alors en vibration la tige, et se répand par transmission dans le
chaudron. Ce dernier va alors vibrer fortement et, par suite, faire jaillir l’eau à la
manière évoquée plus haut. On peut imaginer, au niveau sonore, une énorme
fondamentale qui résonne selon la taille du chaudron, accompagnée par ses
harmoniques dont l’émission comme pour le bol taoïste, devrait dépendre de
frottements subtils et hasardeux.

Concernant sa fonction, les interprétations sont variées ; il aurait été utilisé pour
la Saint-Jean comme moyen de communication entre plusieurs villages ; la coutume
parle également de « purification » de l’eau ou du village tout entier (sic). Mais si un

128
Le musicien Narayana était installé sur le terrain du festival « le Rêve de l’Aborigène » (op. cit.) et
présentait un bol taoïste disposé sur un tapis en extérieur ; les visiteurs intrigués pouvaient s’essayer à
l’instrument.
129
J’ai du improviser ce terme pour nommer ce mystérieux instrument dont je n’ai pu trouver davantage
d’informations.
130
M. Lalanne-Cassou est un musicien très impliqué dans le jeu des guimbardes Touva (très rares en
Europe) avec qui j’ai eu l’occasion de discuter des phénomènes dus aux harmoniques durant le festival
« le Rêve de l’Aborigène » en 2005.

92
instrument de signalisation doit être entendu d’un village à l’autre, il doit pouvoir
sonner avec une importante intensité, à la manière d’un cor des Alpes ou d’une conque.
Je n’ai pas encore eu l’occasion d’en faire l’expérience personnellement, mais si le
résultat est comparable à celui du bol taoïste, je pense que très prochainement les
musicothérapeutes vont s’approprier la technique et l’utiliser pour « harmoniser » les
corps, les objets et les lieux.

216. Les percussions harmoniques / inharmoniques


Les harmoniques déclenchées le sont généralement dans un rapport complexe et
ne présentent donc pas le phénomène recherché dans cette étude ; tout cela dépend de la
forme du matériau. Voici quelques exemples classés selon leur complexité
harmonique :

Les formes de type cymbale: la forme est très ouverte et le métal est conçu pour être
très riche en harmoniques. Elles ont la puissance des cuivres et leur timbre est
surchargé de partiels et d’harmoniques aiguës, indissociables à l’oreille. Elles sont
utilisées pour donner une ponctuation musicale ou un rythme, et leur effet peut être
parfois très fort ; le timbre est saturé d’harmoniques dont les rapports sont extrêmement
complexes. Ce sont des instruments inharmoniques qui ont malgré tout une forte
résonance, ainsi qu’une valeur sacrée dans certaines musiques rituelles comme au
Tibet.

Les formes de type bol : observent une résonance plus identifiable avec malgré tout
plusieurs harmoniques superposées, qui varient selon la baguette utilisée ou l’endroit
percuté. Cette forme résonne très bien encore une fois avec différents types de métaux ;
une simple casserole peut sonner de manière très claire et avec des harmoniques dont le
rapport est simple. En fait, tout bol dont la fabrication est industrielle, symétrique et
précise aura des harmoniques aux rapports simples et consonants, en revanche les bols
qui ont été martelés par l’homme, présentent des imperfections qui se manifestent, au
niveau sonore, par des rapports d’harmoniques plus ou moins complexes. Parmi les
bols chantants d’Asie, les Japonais sont réputés comme étant les plus fins et les plus
harmoniques. J’en possède quatre de petite taille ; trouvés dans une boutique à Kyoto,
ils semblent avoir été fabriqués industriellement et sont effectivement très consonants.

93
Les formes de type cloche : Leur forme et leur matière invitent le son à résonner le plus
longtemps possible. Dans nombre de cultures, leur symbolisme est très fort, souvent
associé au sacré et au religieux. Les cloches sont utilisées dans toutes les églises
chrétiennes et dans tous les temples d’Asie. Le rapport des harmoniques (mais il
s’agirait plutôt de partiels comme nous l’avons déjà vu) varient selon la qualité des
cloches, généralement fondues ; leur symétrie est relative. Tout l'art du fondeur consiste
donc à réaliser une cloche dont les harmoniques sont accordées, afin d'obtenir la plus
belle sonorité. Les premières harmoniques (graves) sont souvent plus stables que les
aiguës, mais elles ne sont pas à l’abri des interférences qui peuvent intervenir, au cours
de la résonance, sous forme de frottements ou de rythmes.

Les formes de type tube : la fréquence propre d’un tube résonne lorsqu’on percute
celui-ci ; en l’ouvrant quelque peu, il est possible d’accentuer le rendu sonore. C’est le
principe des carillons, ces instruments qui sonnent au contact du vent (bambou ou
métal), souvent utilisés en musicothérapie ainsi que dans le Feng Shui131 comme des
instruments « d’harmonisation » ayant le pouvoir d’éloigner les « mauvaises ondes ».
Leur son est généralement apaisant, et le fait que ce soit le vent lui-même qui en soit le
déclencheur, ajoute une touche naturelle à l’instrument qui séduit généralement
beaucoup. Les bambous ont un son plutôt étouffé et complexe alors que les tubes de
métal, généralement fabriqués industriellement, sonnent durablement et avec des
rapports d’harmoniques simples.

Les formes de type plaque : comme les vibraphones dont les harmoniques résonnent
longtemps après l’attaque, et donnent un effet comparable à celui des verres frottés. Ces
instruments sont très utilisés en musicothérapie pour leur son pur, mais aussi pour leur
facilité d’accès.

131
Pratique d’origine chinoise qui attribut entre autres, un sens particulier à la disposition des objets et de
leur symbolique dans un espace afin de pouvoir favoriser ou non la circulation de différentes énergies
subtiles.
94
22. AEROPHONES

221. Les trompes


La famille des trompes regroupe tous les instruments à vent dans lequel
l’instrumentiste utilise la vibration de ses lèvres pour en faire résonner le corps, et joue
avec cette technique pour sélectionner d’autres notes sans jamais faire appel à un
système de trou ou de piston quelconque. Les instruments à coulisse, comme le
trombone, ne sont que potentiellement harmoniques, dans le sens ou les variations de
fondamentales sont relatives à des intervalles trop souvent influencés par le
tempérament égal. Les trompes sont très sonores ; elles sont utilisées traditionnellement
comme des instruments fonctionnels (appel, signalisation etc.).
Le son des trompes naturelles correspond à une mise en vibration d’un tube, et
ne permet de jouer que sur les harmoniques de la fréquence fondamentale propre à ce
tube. Il faut tendre les lèvres pour jouer dans les aiguës et détendre les lèvres pour jouer
dans les graves. La note la plus grave que l’on peut jouer (H4) n’est pas la vraie
fondamentale (H1), si bien que les harmoniques H1, H2 et H3 sont considérées comme
des « harmoniques inférieures ». Les harmoniques supérieures commencent donc sur
H4 et peuvent atteindre H16 et plus, selon la virtuosité technique de l’instrumentiste et
les caractéristiques acoustiques de l’instrument lui-même. Il est tout de même courant
de pouvoir jouer sur la gamme naturelle (bien que mélodiquement plutôt limitée) de H4
à H16. La famille des cuivres, dans la musique occidentale, a longtemps utilisé la série
des harmoniques selon ce principe ; or, elle s’est éloignée de celle-ci pour élargir son
ambitus, par le biais de pistons ou de systèmes à coulisse.

2211. La corne et la conque


Dans la famille des trompes, la corne et la conque sont des instruments très
simples et très naturels132, car il suffit de tailler une embouchure dans une corne
d’animal ou dans un coquillage, pour obtenir l’instrument fini. Ce sont des instruments
d’appel et de communication ; le son est généralement prolongé, une note tenue qui
résonne dans le lointain ; il est possible de sélectionner les harmoniques supérieures,
mais cela demande une certaine maîtrise technique. De vraies mélodies sont rarement

132
Nous utiliserons le terme « naturel » pour parler des instruments qui demandent généralement peu
d’aménagements humains. Leur musique est d’ailleurs très souvent en rapport intime avec la nature ou le
sacré, nous serons amenés à développer cette idée dans le prochain chapitre.
95
jouées ; cependant, certains parviennent à faire sonner un grand nombre d’harmoniques,
comme dans l’exemple d’une corne Touva proposé sur le CD, piste : 02.
Corne & conque  
Volume Faible O fort
Hauteur Grave O O O aigu
Timbre Feutré O perçant
Durée Court O long
Spatialisation Proche O lointain

La conque est considérée en Inde comme un instrument sacré ; elle est une des
armes de Vishnou, l’un des trois grands dieux de l’Hindouisme. Les notes qu’elle fait
résonner prennent une certaine ampleur ; il est ainsi préférable d’en jouer en extérieur et
dans un large espace naturel, pour en apprécier l’effet.

2212. Le cor de chasse.


Le Cor est à la base de la famille de cuivres (Tuba, Trombone, Trompette etc.).
Il était utilisé à l’origine pour la chasse. Il est le plus souvent dans la tonalité de ré. Il est
l'ancêtre du cor d’harmonie. Il existe toute une série de sonneries qui sont des morceaux
de musique spécifiques utilisés lors de la chasse. Le cor de chasse, aussi appelé pibole
est un instrument ne permettant l'émission que d'un seul son, soit une des harmoniques
de la fréquence fondamentale de la trompe. Sa taille ne dépasse pas 60 centimètres
linéaires.

Cor de chasse  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O O long
Spatialisation proche O O lointain

L’instrument faisait généralement résonner ses harmoniques dans le milieu naturel de la


forêt.

2213. La trompette naturelle


Au 18è siècle, Mozart n’utilisait encore pour ses trompettes que les notes des
harmoniques ; des techniques de déformation du son par les positions de la main dans
le pavillon permettaient de changer de tonalité et de s’accorder aux autres instruments

96
d’orchestre. La trompette sans pistons a de nombreux ancêtres et de nombreuses
déclinaisons ; comme nous le précise Luc Breton, son histoire est étroitement liée aux
grandes cérémonies, mais aussi au christianisme : « La ‘‘descendance d’Adam133’’
représenté dans la ‘‘Mère des Hystoires’’ (Paris, 1488) nous montre le Verbe créateur
sous les traits de l’ancien des Anges. Le Verbe éternel, lieu des possibles, dont aucune
idée, au sens platonicien, peut ne pas procéder, est ici entouré d’anges musiciens dont
la signification est considérable. En haut, deux d’entre eux sonnent des instruments à
vent : Shofar et ‘hassar, soit un cor à deux tons et une trompette métallique comparable
aux trompes d’argent qui devaient accompagner l’Arche d’Alliance dans l’Ancien
Testament. Ces deux instruments manifestent la puissance divine, tout comme le son qui
plonge les Hébreux dans la terreur lorsque Moïse monte au Sinaï et reçoit les Tables
de la Loi. Cor et trompe ne font que produire ces sons harmoniques, sans qu’il y ait de
rapport visible avec des nombres, comme c’est le cas sur une corde vibrante. »134
La symbolique religieuse de la trompette naturelle place une fois de plus à un
rang sacré la famille des instruments aux harmoniques naturelles.

2214. Le cor des Alpes


Le cor des Alpes est un long cor en épicéa, utilisé principalement en Suisse.
On le trouverait aussi en Pologne et en Roumanie ; son
apparition remonte au XIVè siècle. Généralement en fa#/solb,
il mesure environ 340 cm et se scinde en deux ou trois
parties. Certains peuvent mesurer jusqu'à 13 mètres. Il était
utilisé pour prévenir un village d'un danger, ou pour appeler
les villageois à l'église ; en effet le son peut parcourir des
longues distances, et générer des échos dans les vallées. Joueur de cor des Alpes135

Cor des Alpes  


Volume Faible O O fort
Hauteur Grave O aigu
Timbre Feutré O O perçant
Durée Court O long
Spatialisation proche O lointain

133
Voir annexes 13 p. 181, Les trompes naturelles shofar et ‘hassar, image recueillie dans « Amour et
sympathie » op. cit. p.25.
134
Texte recueilli de l’article de Luc Breton, « Les instruments à cordes dans l’occident chrétien » in
Amour et sympathie, l’ensemble Baroque de Limoges, 1995.
135
Image recueillie sur : http://www.cmtra.org/entretiens/archivelettres/lettre32/CorAlpes.html
97
L’instrument se joue également en groupe et construit alors des accords constitués
d’harmoniques. La note qui fait entendre H11 (fa#-) ne semble pas déranger les
musiciens ni les auditeurs de cette tradition.

2215. Le didgeridoo
Le didgeridoo est un instrument à vent utilisé initialement par les aborigènes du
nord de l'Australie. Son usage est très ancien ; l’ethnomusicologue Alice Moyle estime
qu’il a plus de 2000 ans, d’après des représentations dessinées sur des pierres
anciennes. Le Didgeridoo, qu'on peut également écrire didjeridoo ou didjeridu, est un
mot d'origine onomatopéique, inventé par les Occidentaux. Les aborigènes nomment
cet instrument différemment en fonction de son origine. Lloyd C.L. Hollenberg
explique, dans son article The acoustic of the didjeridu136, que l’instrumentiste fait
partie intégrante de l’instrument, dans le sens où il y fait intervenir sa propre voix en
interaction avec le bourdon de l’instrument ; avec des chants, des cris d’animaux, et
d’autres effets respiratoires. Le didgeridoo est fabriqué à partir d'une branche d'arbre,
de l'eucalyptus traditionnellement, creusée naturellement dans toute sa longueur par des
termites. Aujourd'hui, les didgeridoos sont souvent faits en bambou, mais peuvent être
façonnés à partir de branches de la plupart des essences d'arbres, creusées à la main ou à
la machine, obtenant ainsi un long tube qui laisse passer l'air d'un bout à l'autre de
l'instrument. Le didgeridoo mesure normalement entre un mètre et un mètre cinquante,
mais on peut en trouver également de plus de deux mètres cinquante de long.
Traditionnellement, il décoré par des peintures représentant des scènes de la mythologie
aborigène, ou des motifs claniques

L
’embouchure est souvent recouverte de cire d'abeille pour mieux s'adapter à la forme de
la bouche. Pour jouer du didgeridoo, le musicien fait vibrer ses lèvres comme pour un
cor ou une trompette. Une des particularités du didgeridoo, réside dans le fait que la
plupart des joueurs utilisent la technique dite du « souffle continu », ou « respiration
circulaire ». Celle-ci permet de maintenir constamment un souffle d'air et de pouvoir

136
Lloyd C.L. Hollenberg, “The acoustic of the didjeridu” in The didgeridoo Phenomenon , David
Lindner, Traumzeit-Verlag, 2004.

98
jouer de l’instrument sans s'arrêter pour l'inspiration. La variation du volume d'air dans
les joues ainsi que les contractions du diaphragme permettent des accentuations
rythmiques.
Les harmoniques du didgeridoo peuvent se faire entendre de deux manières
différentes : par amplification, à partir de mouvements des lèvres et surtout de la langue
(ce qui se traduit par un balayage des harmoniques du bourdon lui-même), et par la
technique de l’« overtone » qui permet de faire résonner les harmoniques supérieures de
la fréquence fondamentale, en faisant vibrer les lèvres plus rapidement. Ce sont deux
techniques qui mettent en valeur la série des harmoniques de façon bien distincte, l’une
se situe dans le timbre même du bourdon, et l’autre double la fréquence de ce bourdon
pour en faire résonner les harmoniques supérieures (extraits de musiques du didgeridoo
proposé sur le CD, piste : 14). Les recherches sur l’acoustique du didgeridoo sont très
délicates, en raison des différents diamètres, tailles et formes naturelles ; les premières
ont été menées pas Neville Fletcher et Graham
Wiggins en 1995. Elles nécessitent l’utilisation
d’outils informatiques et, jusqu’à nos jours, les
informations se précisent et s’accélèrent grâce
aux machines de plus en plus performantes.
Mais comme le précise Lloyd C.L. Hollenberg,
cela ne nous permettra d’observer qu’une partie
réduite du phénomène, complète au sens
matériel, mais insuffisante pour approcher la
nouvelle vague culturelle et les appréciations
traditionnelles.

137
Les overtones du didgeridoo

Didgeridoo  
Volume faible O fort
Hauteur grave O O O aigu
Timbre feutré O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O lointain

137
Figure issue de l’article de Lloyd C.L. Hollenberg, “The acoustic of the didjeridu” in The didgeridoo

99
Fig.1 : tube cylindrique

g.2 : tube en bouleau


138
Harmoniques du didgeridoo

Il existe aujourd'hui des didgeridoos creusés manuellement, à partir de deux


pièces de bois collées par la suite, ou en matière synthétique, en PVC notamment. La
figure ci-dessus nous indique que les didgeridoo en bois ont des harmoniques
complexes (partiels), alors que les tubes industriels, (comme pour les bols chantants)
présentent des rapports plus simples.

Le didgeridoo est un instrument qui a été largement répandu en Occident au


cours des années 1990 ; il a déclenché une vague d’intérêt aussi bien auprès des
musiciens que des mélomanes. Il a séduit notamment par son aspect « tribal»139,
relativement simple d’accès et par la fascinante technique du souffle continu. Cette
technique, lorsqu’elle est effectuée durablement, peut plonger le joueur dans un état
particulier qui diffère selon les joueurs et les morceaux. L’état de transe est souvent
évoqué par les musiciens car il faut rappeler que l’instrument est essentiellement
rythmique et souvent accompagné par des claves qui frappent régulièrement la
pulsation ; celle-ci est parfois amenée à s’accélérer progressivement jusqu’à la fin du
morceau (extraits de musique du didgeridoo proposé sur le CD, piste : 15).
De plus, le joueur est constamment en contact avec la vibration forte de
l’instrument qu’il tient entre ses mains, contre sa bouche et le plus souvent posé au sol ;

Phenomenon op. cit. Cette figure représente les oscillations des notes fondamentales ainsi que des 4
premiers overtones, le digeridoo utilisé est un simple tube cylindrique, l’embouchure étant située sur la
gauche ; à droite, les points plus ou moins serrés, représentent les zones de pression.
138
Figure issue de l’article de Lloyd C.L. Hollenberg, “The acoustic of the didjeridu” in The didgeridoo
Phenomenon op. cit.
139
Terme très utilisé dans le milieu d’une génération d’Occidentaux qui, au vu des conditions de la
société
actuelle, appelle à un retour aux sources naturelles, dans la musique mais aussi à travers une certaine
idée de l’écologie et d’une vie communautaire.
100
la conduction des vibrations se fait alors continuellement dans de nombreuses parties
du corps. Je n’ai pu trouver d’ouvrage qui présente le phénomène acoustique à travers
ses applications traditionnelles en Australie ou bien à travers ses effets en Occident.
Les informations que j’ai pu recueillir auprès d’associations140 et de joueurs de
didgeridoo, tant aborigènes141 qu’occidentaux, indiquent que l’instrument était utilisé
traditionnellement pour soigner certaines maladies, et pour purifier le corps, mais aussi
les habitations et voire les villages. On parlerait de « digeridoothérapie ». L’instrument
est originellement issu d’un contexte très naturel, intégré dans des rituels, au cours
desquels les aborigènes forment des cercles en chantant des paroles sacrées, sur des
rythmes parfois très complexes.

222. Les flûtes harmoniques


Si le terme « d’instrument harmonique » est encore employé avec hésitation, on
parle plus facilement de « flûtes harmoniques142 » pour présenter un type de flûte très
minimaliste, qui ne fait varier que les harmoniques de la fréquence fondamentale par
paliers de souffle, selon un tuyau ouvert ou fermé. Elles possèdent généralement peu
de trous de jeu ou de variation ; une flûte strictement harmonique n’en possède pas du
tout. J’ai reproduit l’une d’elles qui se présente sous la forme d’un simple tube
d’aluminium. Alors que je m’entraînais par ailleurs à la technique de souffle de la flûte
oblique iranienne ney, j’ai eu l’idée de m’exercer avec ce tube d’aluminium. Le tube,
dont l’embouchure n’est que très peu évasée, permet de faire ressortir le son des
harmoniques très clairement. La technique de souffle est très précise et permet de
sélectionner : H3, H4, H5, H6, H7, H8 (difficilement plus143). Le diamètre du tube et sa
longueur sont les principaux facteurs qui déterminent la fréquence fondamentale de
l’instrument. En bouchant l’extrémité du tube avec le doigt (pour peu que la taille et le
diamètre de l’instrument le permettent) on obtient la résonance du tube mais à la quinte
naturelle, avec évidemment toute la série d’harmoniques qui en découle. En alternant
avec cette extrémité ouverte ou bouchée, et après avoir maîtrisé la technique du souffle

140
Comme l’association Aix Elan, Art aborigène d’Australie (www.aix-elan.org), l’association Vent du
Rêve, à Paris (http://ventdureve.blogspot.com).
141
J’ai rencontré lors du festival « le Rêve de l’Aborigène » en 2005, plusieurs joueurs aborigènes, dont
Lewis Burn, qui réside actuellement aux USA, (http://www.lewisburns.com).
142
Le terme est employé par exemple sur le site : http://perso.wanadoo.fr/jp.minchin/vents.html (consulté
en Octobre 2005).
143
H1 et H2 sont vraisemblablement difficiles voire impossibles à faire résonner, car elles demandent un
souffle très faible en débit d’air et pourtant très fort en pression mais surtout très régulier.
101
oblique, il est possible de recréer une gamme uniquement constituée des harmoniques
de la fréquence du tube et celles de sa quinte (extrait de l’ambitus d’une flûte
harmonique en aluminium proposé sur le CD, piste : 22).

Flûte harmonique  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O O O lointain

Cet instrument surprend par la richesse de son timbre (qui découle


principalement de la technique du souffle) et par le nombre de notes et de mélodies
qu’il est possible de jouer, malgré l’absence de trous de jeu. Dans ce sens, il rejoint la
simplicité du didgeridoo ; certains d’ailleurs reprennent des airs, des rythmes et des
techniques de didgeridoo à la flûte harmonique. Elle existe dans des traditions
musicales diverses, à l'origine simple tuyau de roseau ou d'écorce, elle est l'instrument
des bergers dans plusieurs régions du monde.

2221. La seijfloyte
Dans la tradition musicale de Norvège, on joue de la flûte harmonique : la
seijfloyte, un simple tube en bois possédant un conduit d’air aménagé afin de faciliter le
jeu entre la fondamentale et la quinte par le fait de boucher ou de laisser ouvert
l’extrémité de la flûte. Un petit trou de jeu supplémentaire n’altérant la fréquence que
de quelques commas est essentiellement utilisé pour les fioritures. C’est une flûte dont
le registre est plutôt aigu (extrait de musique de Seijfloyte proposé sur le CD, piste:
08).

Seijfloyte  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O O lointain

102
2222. La Fujara
La Fujara est une autre flûte harmonique que l’on trouve dans les Balkans, et
plus précisément en Slovaquie. Elle se présente en deux parties : le corps, une pièce de
bois généralement de plus d’un mètre qui contient quatre trous de jeu et l’aménagement
du conduit d’air ainsi que l’embouchure qui y est reliée
permettant à l’instrumentiste de pouvoir se rapprocher
des trous de jeu malgré la grande taille de l’instrument. Il
se tient verticalement, et demande une position de doigté
particulière (les trous sont bouchés avec les phalanges et
non avec la pulpe des doigts) pour pouvoir accéder aux
trous de jeu. On peut considérer cette flûte comme
harmonique, malgré ses 4 trous de jeu, car le principe
reste le même ; il est question de varier l’intensité du souffle pour faire varier les
harmoniques. L’instrument est suffisamment complet pour être joué avec un seul
doigté. Cela dit, si l’on tolère, dans le cas de la Seijfloyte, le fait de boucher l’extrémité
de la flûte pour varier les harmoniques de la quinte, on peut très bien calculer les
intervalles naturels, comme la quinte ou la tierce majeure, en perçant des trous de jeu,
afin de pouvoir les jouer avec leur harmoniques respectives.

Fujara  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O O long
Spatialisation proche O lointain

Cette flûte connaît en Occident, notamment en Angleterre et en Allemagne, un


intérêt particulier qui semble suivre la mode du didgeridoo. Elle est parfois jouée selon
une façon plus occidentale et accompagnée par divers instruments, comme la
guimbarde, le chant diphonique, certaines percussions mais aussi des instruments
tempérés comme la guitare : extrait de musique de Fujara et guitare acoustique proposé
sur le CD, piste : 16 .

103
En Amérique latine, j’ai pu identifier d’autres types de flûtes harmoniques,
notamment la flûte yapurutu du sud de la Colombie, suivant le même principe que la
fujara Slovaque (extrait de musique de yapurutu proposé sur le CD, piste : 07).

2223. Le Shakuhachi
La flûte Shakuhachi du Japon, n’est pas à proprement
parler une flûte harmonique, car, comme la fujara, elle
possède des trous de jeu. Cependant son embouchure
exceptionnelle lui donne un son très riche en harmoniques.
C’est une flûte droite en bambou et à encoche comme la
quena du Pérou, à la différence que son encoche est tournée
non pas vers l’intérieur mais vers l’extérieur. Son timbre est
donc très caractéristique, très profond. Importé de Chine,
(ancêtre : dong xiao) elle n’était jouée que par certains moines
Zen au cours de méditations du souffle (suizen). Cette pratique (qui n’était pas
réellement considérée par les moines comme de la musique) se faisait dans les temples,
mais aussi en rapport très intime avec la nature (en forêt, en montagne, près d’un
ruisseau, d’une cascade etc.).

Les sons et les mélodies du Honkyoku (premier répertoire de pièces


traditionnelles pour shakuhachi) font référence aux bruits de la nature (feuilles dans le
vent, cheminement de l’eau, oiseaux, et divers animaux) et visent un épanouissement
personnel à travers leurs interprétations. Après la chute du Shogun144 (1868), ce sont les
anciens Samurais qui se mettront a jouer du shakuhachi, se faisant passer pour des
« komuso » (moines sans identité, mendiants cachés derrière un large casque d’osier).
Ce n’est que durant le XIXè siècle que l’instrument sera intégré parmi les instruments
de la musique de cour. Il existe aujourd’hui des shakuhachi en bambou, en bois et en
plastique de tailles différentes (la traditionnelle mesure 55cm). C’est un instrument
plutôt rare et très cher. La pratique du shakuhachi est très ardue ; elle exige une grande
précision ne serait-ce que pour émettre le son principal.

144
Général militaire japonais qui dirigeait les samouraïs ; la chute du Shogun marque le retour de
l’empereur au pouvoir (la restauration Meiji).
104
J’ai pu me procurer une flûte ancienne145 chez un luthier de Kyoto, et j’ai alors
découvert après de nombreuses heures de jeu, que si l’on prête attention simplement au
timbre de la flûte, avec une seule et même note, on peut percevoir des harmoniques aux
rapports simples. C’est lorsqu’on tente de concentrer précisément le souffle sur
l’encoche, sans mettre en vibration la fondamentale elle même, que l’on peut entendre
des variations d’harmoniques déclenchées de manière involontaire. Par cette technique
extrêmement précise au niveau du positionnement du souffle et du débit d’air, qui doit
être très lent et pourtant relativement fort en pression, les harmoniques chantent d’elles-
mêmes, il est théoriquement possible de les contrôler afin de jouer volontairement une
mélodie mais la précision requise est telle que cela semble vraiment irréalisable. La
musique semble alors aléatoire et rejoint ainsi le type de jeu du bol chantant ou du bol
taoïste. Elle invite l’instrumentiste à se concentrer sur son interaction avec les
harmoniques et sur sa respiration (extrait de musique des harmoniques du shakuhachi
proposé sur le CD, piste : 26). Le tableau suivant est dressé uniquement pour le jeu
harmonique du shakuhachi :

Shakuhachi  
Volume faible O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O lointain

23. MEMBRANOPHONES

Un tambour harmonique ?
Je ne pense pas qu’il existe un tambour par lequel il serait possible de faire
résonner les harmoniques de la vibration fondamentale d’une même peau. Le seul
tambour qui ferait entendre distinctement au moins deux harmoniques à partir du son
fondamental (fréquence de la peau), serait, je pense, le tabla indien. Cette percussion
digitale dont la richesse sonore et la tradition musicale sont remarquables, offre un
nombre de frappes élevé et des variations de timbres très variées. La fréquence de la
peau elle-même, lorsqu’elle est bien accordée, résonne sur la frappe dite « tun » qui est

145
Les flûtes de moines sont très rares, même au Japon on ne trouve presque que des shakuhachi
modernes.

105
déclenchée par l’index au centre de la membrane, sur la pastille noire. Or, lorsqu’on
frappe fortement et très précisément avec le même index sur le bord de la membrane,
presque sur la partie qui recouvre le bois de la caisse, on obtient le son « na » qui
résonne une sixte majeure au dessus du « tun ».
En termes d’intervalle harmonique, il pourrait s’agir de : tun = H8 et na =
H13. Ces notes sont amenées à résonner bien plus que les autres frappes, et que la
plupart des autres percussions qui ne font entendre que des sons inharmoniques.
Les tablas sont considérés comme des instruments sacrés dans la musique
classique d’Inde du Nord. Ils se marient très bien en Occident avec les instruments
harmoniques ; ils sont utilisés fréquemment, par exemple, pour accompagner des
morceaux au didgeridoo, à la guimbarde, au chant diphonique (etc.).

24. CORDOPHONES
241. L’arc en bouche
Cet instrument ne présente qu’une seule corde tendue sur
un arc de bois, frappée avec une baguette. Les harmoniques sont
amplifiées et sélectionnées un peu comme avec la guimbarde,
grâce à la cavité buccale de l’instrumentiste, dont la bouche
ouverte est placée à proximité de la corde. L’arc en bouche est
considéré en ethnomusicologie comme étant le premier instrument
à corde : il serait dérivé de l’instrument de chasse. Il existe des
techniques de frappe avec la baguette qui font également varier les harmoniques :
percussions plus ou moins fortes et effectuées à différents endroit sur la corde, plus on
s’éloigne du centre de la corde, plus on sollicite les harmoniques aiguës. Le jeu de la
baguette tiens un rôle essentiellement rythmique.
Comme pour la guimbarde, l’instrumentiste travaille avec précision les
multiples mouvements de sa cavité buccale : ouverture des lèvres, de la mâchoire,
position de la langue, utilisation volontaire des résonateurs de la gorge, du nez etc. Il est
possible de chanter tout en jouant, ou bien encore de frotter la corde avec un archet
mais c’est en frappant la corde et en se concentrant sur les minutieuses techniques de
résonance buccale que l’on discerne mieux le phénomène de cette musique des
harmoniques. L’arc en bouche est notamment joué traditionnellement en Centrafrique,
comme dans l’extrait proposé sur le CD, piste : 03.

106
Arc en bouche  
Volume Faible O fort
Hauteur Grave O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O O long
Spatialisation proche O lointain

Lors de mes entretiens avec le musicothérapeute Jonathan Cope146, j’ai pu


découvrir une nouvelle facture d’arcs en bouche fabriqués par des luthiers occidentaux.
Il semblerait que ces instruments suivent le même chemin que les didgeridoo, les
guimbardes et les bols tibétains. Leur effets sont manifestement très similaires.

242. Le monocorde
Le monocorde, comme nous l’avons déjà vu, est un instrument dont l’unique
corde a permit l’étude des harmoniques. Selon Luc Breton, le monocorde était utilisé
depuis l’antiquité « comme support à la spéculation philosophique, Pythagore lui-
même, dit-on, aurait recommandé à ses disciples, sur son lit de mort: ‘‘travaillez le
monocorde !’’ ». Or, si son utilisation a eu une approche très mathématique dans
l’antiquité grecque, elle fut très religieuse par la suite. L’instrument était également
utilisé dans la chrétienté par Boèce et St Augustin, et à leur suite, par tous les moines
médiévaux, sous forme de monocorde régulateur du chant.

Monocorde  
Volume faible O fort
Hauteur grave O O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O O long
Spatialisation proche O O lointain

Dans une série de planches pédagogiques, Robert Fludd147 propose diverses


représentations de monocordes ; ces planches nous montrent combien l’instrument a
laissé cours à de nombreuses pensées cosmiques liées au divin. Il est représenté comme

146
Jonathan Cope est un musicothérapeute d’origine anglaise et spécialisé dans les sons harmoniques et
les instruments qui les produisent. (www.soundforhealth.com).
147
Cité dans l’article de Luc Breton « Les instruments à cordes dans l’Occident chrétien » in Amour et
sympathie, op. cit.
107
un lien entre « Ciel et Terre »148, (voir annexe 14 p. 182) associé selon plusieurs
symboles : l’élément Terre figure, sous le chevalet, puis l’Eau, l’Air et le Feu, viennent
ensuite les planètes parmi lesquels le soleil prend la place du centre de la corde (H2) et
enfin le Ciel Empyrée, marqué par une rangée d’étoiles, qui illustre, comme le précise
Luc Breton, trois divisions attribuées aux neuf hiérarchies angéliques (Séraphins,
Chérubins, Trônes, Dominations, Principautés, Puissances, Vertus, Archanges et
Anges).

243. Le Dàn Bàu,


Cet instrument d’origine vietnamienne est une sorte de
cithare monocorde se jouant sur le bout des doigts.
L’unique corde est attachée à une caisse de résonance en
bois laqué d’une part et à un petit résonateur fixé sur une
baguette flexible. L’instrumentiste tient la baguette d’une
main et contrôle ainsi la fréquence de la corde par des mouvements de va-et-vient.
L’autre main va percuter la corde avec un petit plectre, tout en effleurant cette même
corde avec la pulpe des doigts sur des endroits précis de la corde. Ces endroits
correspondent aux rapports de longueurs qui font ressortir les harmoniques. L’effet est
remarquable et bien connu des guitaristes, lorsque l’on effleure du doigt une corde en
son centre géométrique, ou à un autre endroit qui divise la corde en segments
équidistants, on étouffe la fondamentale tout en faisant ressortir l’harmonique voulue.
Grâce aux variations de la main qui tient la baguette, l’instrument est tout a fait capable
de s’adapter aux tempéraments divers, il demande une grande maîtrise de jeu. Un
extrait de musique dàn bàu est proposé sur le CD, piste : 13.

dàn bàu  
Volume faible O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O lointain

148
Notion employée par Luc Breton ; le « Ciel et la Terre » doivent être entendus ici comme étant des
principes naturels sacrés, tels qu’on peut les trouver dans la culture traditionnelle chinoise.

108
Le dàn bàu a été aménagé par un système électro-acoustique, ce qui permet de
percevoir encore plus distinctement les harmoniques. Il n’est pas encore très connu en
Occident mais pourrait bien être l’un des prochains centres d’intérêt des passionnés
d’harmoniques et autres musicothérapeutes.

25. Les instruments à cordes sympathiques


Certaines cultures ont cultivé dans leur musique cette sensibilité des
harmoniques à travers les cordes sympathiques. L’Inde principalement, qui ne connaît
pratiquement pas d’instrument à corde sans cordes sympathiques, mais aussi la
Scandinavie et l’Occident dans son passé, qui a conçu un nombre important
d’instruments de ce type dès le Moyen-Age. D’où viennent ces instruments et quels
sont les chemins qu’ils ont pris pour se répandre ainsi ? Pour les chercheurs, la question
reste posée. D’après François Auboux149, cette famille très spéciale d’instruments à
cordes serait d’origine afghane.
Le principe est très simple, car si le nombre total de cordes peut paraître
impressionnant (plus de 30 cordes pour le sarangi par exemple) on ne joue
véritablement que sur très peu d’entre elles, ce qui rend ces instruments beaucoup plus
accessibles qu’il n’y paraît. Le sitar et le sarod qui sont des luths, ne possèdent que
trois cordes de jeu mélodique, les autres, sont rythmiques ou sympathiques. Ces cordes
sont toujours métalliques, afin d'augmenter la durée de résonance. Elles passent sur un
chevalet, mais à une hauteur différente, sous les autres cordes, afin qu'elles ne soient
pas touchées par mégarde.
Pour obtenir la résonance souhaitée, il faut prendre le temps de bien accorder
toutes les cordes sympathiques afin de s’adapter à tout type de jeu induit par les cordes
mélodiques. Certaines notes jouées trouveront alors un écho, une réponse, soit par une
corde sympathique accordée sur cette même fréquence soit par une autre corde plus
grave, mais dont une des harmoniques correspond à cette fréquence.
L’effet se révèle très particulier pour l’instrumentiste qui, en quelque sorte, peut
entendre son propre instrument répondre à la musique qu’il joue. Le phénomène ne peut
se ressentir que lorsque l’on est proche de l’instrument. En écoutant la musique d’un
sarangi jouée intimement dans une pièce, un proche m’a confié : « il semblerait que le
son vienne de loin, même lorsqu’on est juste à côté ». Envoûtement, charme, c’est

149
François Auboux, l’art du Raga, minerve, 2003.
109
d’après ce sentiment qu’en Occident, on baptisa la vièle à cordes sympathiques, « viole
d’amour ». Je ferai une brève présentation des principaux instruments à cordes
sympathiques d’Occident, d’Inde et de Scandinavie.

251. La trompette marine


La trompette marine, malgré son appellation qui soulève encore bien des
questions, n’est pas une trompette à bouche et n’a rien à voir avec la mer. C’est bien
d’un instrument à corde qu’il s’agit, et même à corde frottée. Une seule corde frottée, et
d’autres, cachées sous la table d’harmonie, résonnant par sympathie. L’instrument est
aujourd’hui très rare (je n’ai encore personnellement jamais pu en entendre).
« Nous avons donné ce nom à un instrument à vent : on joue de celui-ci avec
l’archet, il n’a qu’une grosse corde que le joueur presse à propos du poulce de la main
gauche, dans différents endroits sur le manche pour lui donner différents tons, qui
ressemblent parfaitement à ceux de la trompette, ce qui lu fait donner le nom de
trompette marine, c’est qu’on s’en sert sur la mer sans se fatiguer.»150
C’est donc par les notes jouées sur l’instrument qui reproduisent
vraisemblablement les « sons de la trompette » et donc les harmoniques naturelles, que
l’on sait que la trompette marine est jouée comme pour le monocorde, selon des
mélodies aux intervalles harmoniques. Cela justifie d’autant plus la présence des cordes
sympathiques qui se mettent à vibrer par contagion uniquement sur le mode
harmonique.
Randle Holme III151 mentionne les cordes sympathiques en faisant référence à la
trompette marine de M.Prin : « Dans le corps il y a 4 cordes, qui sont accordées à la
même hauteur que la grosse corde, les cordes donnent de l’écho à la grosse corde
quand on en joue, ce qui suscite l’admiration»152.
M.Prin qui a consacré sa vie à l’instrument, va jusqu’à augmenter leur nombre jusqu’à
25 cordes de laiton.

150
Texte cité par C. Besnainou et M. Castellengo dans l’article « De la résonance, une étude acoustique
du phénomène sympathique » in Amour et sympathie, op. cit. Filippo Bonanni parle de la trompette
marine dans son Gabinetto armonico, Rome, 1723 LXIV, Trompette Marine.
151
Randle Holme III (1627-1699) : historien, généalogiste, peintre, franc-maçon, maire de Chester, et
contemporain de M.Prin.
152
Texte cité par C. Besnainou et M. Castellengo dans l’article « De la résonance, une étude acoustique
du phénomène sympathique » in Amour et sympathie, op. cit.
110
Trompette marine  
(Estimations)
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O lointain

Vers 1760, le musicographe français Dom Caffiaux définit la trompette marine


comme « un instrument dont le son aigre est insupportable ». Un siècle plus tard,
Charles Dickens évoque dans son Olivier Twist la voix de l’horrible Bates « qui tenait
du mugissement d’un taureau furieux et des accents d’une trompette marine »153. Mais,
vu les propriétés de l’instrument, on peut présager, si toutefois l’intérêt pour les
harmoniques se confirme et persiste en Occident, que des luthiers se lancent dans
quelque reproduction de trompettes marines et qu’on se remette à en jouer ; d’ailleurs
on pourrait presque comparer sa taille, sa forme et sa position de jeu à celles du
didgeridoo (voir annexe 15 p.24).

252. Le baryton
Appelé aussi viola di Bardone ou Bardone, le baryton est un instrument à cordes
du XVIII siècle (voir annexe 16 p.185). Il a plus ou moins la taille d'un violoncelle et
son accord est : La, Ré, Fa, La’, Ré’, Fa’. Soit les notes d’un accord parfaitement adapté
à la recherche de la résonance. En plus des six cordes de jeu, se trouvent, à l'arrière du
manche creux, sept à neuf cordes sympathiques. L'accord de ces cordes est en principe
diatonique. La douceur du son le faisait apprécier en période pré-classique. Joseph
Haydn composa pour son maître le prince Nicolas Esterhazy, qui jouait lui-même avec
passion du baryton, plus de 170 oeuvres (solos, trios et divertissements). Après 1800,
l'instrument est presque tombé dans l'oubli.
Baryton  
Volume faible O fort
Hauteur grave O O O O aigu
Timbre feutré O O O O perçant
Durée court O O long
Spatialisation proche O O lointain

153
Informations recueillies dans l’article de C. Besnainou et M. Castellengo « De la résonance, une
étude acoustique du phénomène sympathique » in Amour et sympathie, op. cit.

111
253. Le violon d’amour
Le violon d'amour est un violon muni de quatre cordes sympathiques en laiton
passant sous les cordes en boyau et la touche (voir annexe 16 p.185). C’est une version
simplifiée de la viole d’amour, difficile à jouer avec ses sept cordes.

254. Le sarangi
Le sarangi est considéré comme l'instrument à cordes frottées le plus
important de la tradition classique hindoustani de l'Inde. Il comporte
un large manche sans frète et habituellement trois cordes en boyaux,
plus une en métal (l’équivalent de la chanterelle du violon) jouées
principalement avec les ongles, et non avec le bouts des doigts.
L'instrument comporte un grand nombre de cordes sympathiques en
métal, couramment onze, parfois plus de trente. Il est employé,
traditionnellement, surtout comme accompagnement du chant, mais depuis les exploits
du virtuose Ram Narayan, il est considéré comme un véritable instrument soliste.

Cordes frottées d’Inde  


Volume faible O O Fort
Hauteur grave O O Aigu
Timbre feutré O O Perçant
Durée court O O O long
Spatialisation proche O O lointain

Les instruments à cordes frottées dans cette région du monde sont innombrables
et présentent presque tous des cordes sympathiques. On trouve par exemple en
Afghanistan un instrument similaire appelé rabab. Au Rajasthan, la vièle populaire et
cousine du sarangi s’appelle le kamayatcha. J’ai également découvert dans une région
rurale de l’Inde aux alentours de Gwalior, un instrument similaire qui accompagne les
chants populaires ; il s’agit de la ravanahatta, vièle à une corde en crin et 14 cordes
sympathiques, dont une corde basse et une corde rythmique. En l’expérimentant, j’ai
accordé chaque corde selon la gamme naturelle qui correspond aux harmoniques de H8
à H16 pour en écouter la résonance. Puis j’ai décidé de ne plus jouer sur la corde de jeu
selon les intervalles imprécis pincés par la main gauche, pour ne jouer finalement
qu’avec la corde frottée à vide et le timbre produit. Les variations de résonances des
harmoniques se font selon la force, la vitesse de l’archet et sa position sur la corde, plus
ou moins éloignée du chevalet. J’ai tenté par la suite de frotter directement les cordes
112
sympathiques pour les entendre résonner entre elles, dans une sorte de musique
d’harmoniques instinctive et aléatoire ; j’en propose un aperçu sur le CD, piste : 25.154

Photo d’un rabab afghan155


255. La hardingfele
C’est dans la région du Hardanger, en Norvège, que se pratique l’instrument
populaire hardingfele (violon du Hardanger). Il s’agit d’un violon, généralement
richement décoré, possédant des cordes sympathiques (voir annexe 16 p.186). Selon
Reidar Sevag156, on l’utiliserait surtout pour des musiques de danse dont le style se base
sur un principe de bourdon enrichi, où l’archet fait parfois sonner les quatre cordes à
vide, afin d’obtenir le bourdon tantôt au-dessus, tantôt en-dessous de la mélodie.
L’accordage se fait, pour une grande majorité des morceaux, en « la - ré’ - la’- mi’’ »
qui, à lui seul, s’emploierait dans 80% des transcriptions. Il vise alors à accorder au
moins trois, sinon ses quatre cordes à vide au même accord parfait. Dans ce contexte,
l’apport des cordes sympathiques, augmente la puissance du son et donne au timbre un
certain brillant. Or l’instrument se joue également selon des occasions bien précises,
c’est pourquoi l’instrumentiste adapte l’accordage des cordes à vide (et par conséquent,
celui des cordes sympathiques) selon les morceaux qu’il doit interpréter. De plus,
contrairement à celui du violon, le jeu de la hardingfele autorise, avec son manche plat,
le frotté des cordes simultanées, ce qui peut donner l’impression que le joueur n’est pas
seul (extrait de musique de hardingfele proposé sur le CD, piste : 12).

La hardingfele  
Volume Faible O O Fort
Hauteur Grave O O O Aigu
Timbre Feutré O O O Perçant
Durée Court O O long
Spatialisation Proche O O O lointain

154
l’extrait fait entendre par moment des sons très aigus de grelots ; en effet la ravanahatta qui est un
instrument très rythmique au Rajasthan, possède traditionnellement une série de petits grelots fixés sur
l’archet, qui marquent la pulsation du rythme selon des aller-retours dynamiques. Sur cet extrait (qui
s’éloigne nettement du jeu traditionnel), les grelots ont été laissés libres de sonner selon un rythme
instinctif et non-mesuré.
155
Photo recueillie sur le site : http://www.asza.com/afganreb.shtml
156
Article de R. Sevag « La Hardingfele » in Amour et sympathie, op. cit. p.273.

113
Les différents accordages portent des noms bien particuliers qui relèvent parfois
du surnaturel : par exemple le troll-stille (accord du charme magique), ou bien le
huldre-stille (accord de la nymphe). Si la hardingfele procure les effets de charme
habituels des instruments à cordes sympathiques elle présente aussi un aspect
mythologique qui lui est propre, comme nous l’indique Reidar Sevag :

« Plusieurs airs portent un nom faisant allusion à la mythologie, la magie, la


religion, ou encore à des événements singuliers. (…) Dans la Saga de Bose qui
remonte au XIVè siècle, on y fait mention en attestant son pouvoir magique. Les aspects
historiques et folkloriques de cette famille d’airs sont traités par Levy (1974) qui,
d’ailleurs, en établit par la suite, une importante analyse structurelle (1989). »

Il existe en Scandinavie d’autres instruments à cordes sympathiques étant encore


joués de nos jours, comme la nyckelharpa, une sorte de violon suédois à clavier. (voir
annexe 16 p.186).

3. Les instruments harmoniques modernes

31. Instruments d’eau et de cristal

311. Les bols en cristal


Le bol en cristal de quartz est un dérivé des bols
en métaux, mais d’une taille plus importante (entre 40
et 70 cm de diamètre) ; il est également issu du principe
des instruments à verre frotté, comme le glass
harmonica. Le bol en cristal, que l’on peut frotter, mais
aussi frapper avec une mailloche en silicone, dégage nettement des harmoniques, en
plus d’une fréquence fondamentale. On perçoit aisément la tierce (H5) qui flotte
comme une illusion sonore. Un bol en cristal de quartz fait entendre des harmoniques
différentes selon la vitesse de rotation exercée et selon son intensité de frottement. Bien
qu’il n’offre que très peu de liberté de variation au sens musical, on peut en jouer
véritablement, avec un coté « rythmique », ou plutôt l’équivalent du rythme qui n’est,
en réalité, que le résultat d’une altération cyclique, causée par des nuances, selon la

114
pression exercé pendant le frottement. C’est un instrument qui a une puissance telle que
l’on peut sentir tactilement ses vibrations en approchant les mains à quelques
centimètres de la paroi du bol.

Bol en cristal  
Volume faible O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O O O long
Spatialisation proche O O lointain

Des musiciens comme Tillmann Rainer vont s’en servir pour recréer une
véritable pièce musicale, mettant en avant leurs vertus thérapeutique. Leur but est
d’apaiser les tensions et le stress accumulés dans un organisme. C’est un son qui
« décape », comme le précise la musicothérapeute Oriane Robidou au cours de ses
stages de sensibilisation aux instruments harmoniques. Son pouvoir est dit effectif,
selon la théorie qu’à chaque être humain, correspond un potentiel de résonance qui lui
est propre, et qu’en soumettant à un individu un instrument dont la vibration correspond
à la fréquence de résonance de cette personne, il est possible de soigner certains
maux157.

312. Le didgeridoo de verre et de cristal


Oriane Robidou a fait construire,
pour ses séances de massage sonore en
musicothérapie, des didgeridoo en verre.
Elle a marié ses deux instruments les plus efficaces au niveau thérapeutique
(didgeridoo et bol en cristal) pour n’en faire qu’un. J’ai remarqué que le timbre avait
perdu en harmoniques, le son paraît beaucoup plus plat qu’avec un didgeridoo en bois,
en bambou ou même en PVC. L’équipe du crystal sanctuary à également mis au point
un didgeridoo en cristal : « Tandis que le verre ordinaire contient 50% de silice, le
didgeridoo de cristal est fabriqué à partir d'un cristal de haute qualité qui contient plus
de 80% de silice. Ceci confère au didgeridoo de cristal un son exceptionnel doté
d'harmoniques extraordinaires et clairs et une tonalité très pure. Le didgeridoo de

157
Nous verrons plus précisément, au cours du chapitre V, comment les musicothérapeutes harmoniques
travaillent selon cette théorie.
115
cristal est donc avant tout un instrument thérapeutique qui aide à éliminer les tensions
et le stress du corps, tout en stimulant la force vitale interne. »158

313. Le Cristal Baschet


Depuis le glass harmonica (18ème siècle)
personne n’avait réellement entrepris la conception et la
réalisation d’un instrument reprenant le système du
verre frotté. Bernard et François Baschet ont mis au
point en 1952 un instrument de ce type qu’ils
nommèrent le cristal Baschet. Son clavier est composé de 54 tiges de verre accordées
chromatiquement que l’on frotte avec les doigts mouillés. La vibration va alors se
répandre à travers des tubes métalliques dont la longueur correspond à la fréquence de
chaque note ; un système de larges cônes en plexiglas permet l’amplification du son
(voir aussi annexe 18 p. 189).

314. le Waterphone
Le Waterphone a été inventé et breveté par Richard Waters. Il est constitué de
plusieurs tiges d’acier inoxydable et de bronze monolithique, et reprend le principe
d’émission du son selon la résonance des harmoniques par friction, comme pour le
Cristal Baschet. Il est tenu par un poignée centrale et frotté avec les mains et les doigts
humides. Il peut également être utilisé avec un archet ou être percuté avec des maillets.
Les tiges sont accordées différemment selon les modèles. Il fait partie des rares
instruments qui utilisent de l’eau à l’intérieur même de leurs résonateurs, afin de
déformer les tonalités suite à l’inclinaison de l’instrument. Le son qu’il produit a été
comparé au chant des baleines ; Richard Waters aurait employé avec succès plusieurs
Waterphones pour appeler différents cétacés. Ils sont également très facile d’accès,
comme pour le bol taoïste, tout le monde peut s’y essayer et créer des sonorités sans
trop de difficulté. (Voir annexe 18 illustrations p. 188.)

158
Texte recueilli en Octobre 2005 sur le site : http://www.crystalsanctuary.com/Mine_fr_eng/accueil.htm

116
32. Des percussions harmoniques

321. Le hang159
Le hang est un instrument à percussion très
récent (janvier 2000) qui se joue avec les mains. Il a
été développé par Félix Rohner et Sabina Schärer dans
la fabrique d'instruments Panart à Berne (hang en
dialecte bernois signifie "main"). Inspiré du steel-drum
ou steel-pan de Trinidad et du udu pot indien, (connu aussi sou le nom de « gatham »)
Le hang est le résultat de 25 années d'expériences acquises dans la construction de
steelpans et de recherche en acoustique et en métallurgie de ces jeunes instruments de
Trinidad.
Le hang comprend neuf notes : une au centre et huit autres réparties en cercle.
Les tonalités standards sont en gammes majeures, mineures, blues ou pentatoniques,
mais le fabriquant précise que des systèmes d'accordage personnalisé peuvent être
choisis librement à la commande. Chaque timbre est constitué de trois sons
harmoniques qui peuvent être obtenus différemment en fonction de la technique de
frappe. La fondamentale peut être étouffée avec le majeur de la main gauche et les
harmoniques peuvent être obtenues en frappant avec le pouce de la main droite sur les
côtés de la note.
Lorsqu'on joue plus fort, on peut amener les autres notes à entrer en résonance
par sympathie, ce qui enrichit considérablement le timbre. La note basse au centre est
accordée une quinte ou une quarte en-dessous de la note la plus grave de la gamme. Si on la
joue en étouffant le métal, on obtient un son grave qui est produit par la vibration de l'air contenu dans la cavité de
l'instrument (comme avec le udu). On peut varier la note en fermant l'ouverture avec les genoux ou avec une main.

(Démonstration vidéo du jeu de l’instrument en annexe, sur le CD : documents


vidéos/demo_hang.avi 160)
Hang  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O O O aigu
Timbre feutré O O O O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O O lointain

159
Photo et informations recueillies en novembre 2005 sur le site de l’instrument : www.hang.ch.
160
Vidéo recueillie sur le site : http://www.hang.ch/
117
322. Percussion harmonique
Il existe certainement des instruments anciens comme nouveaux faisant résonner
les harmoniques d’une fréquence propre par percussion. J’ai découverts par exemple,
lors du festival « les Noces Harmoniques »161, un instrument dérivé d’une cruche en
terre cuite qui aurait été comme éventrée, enroulée sur elle-même et résonnant
fortement lorsqu’on la frappe à mains nues. Les variations sur les harmoniques sont
possibles en frappant sur différents endroits de la cruche (voir annexes 18 p. 188). Cet
instrument à été créé pour ses sonorités harmoniques, ou plutôt pour ses sons qui
résonnent mais qui ne sont probablement que des partiels.

323. Un tambour monocorde


Lors du même festival, j’ai également pu découvrir un grand tambour sur cadre
(environs 1.20M) sur lequel était tendue une corde surélevée par un chevalet. Cette
corde était frappée par des baguettes à différents endroits, et faisait résonner ses
harmoniques, amplifiées par la peau (voir annexes 18 p. 188). L’instrument se prêtait
facilement à de longues séances d’écoute méditative, ainsi qu’à diverses collaborations
avec d’autres instruments et voix (chants diphoniques, didgeridoo, guimbardes etc.).

33. Les harmoniques du vent

331. Les Tuyaux Harmoniques (whirlies)


Ce sont des instruments très modernes et plus sonores que réellement musicaux.
Ils peuvent cependant être utilisés en concert comme instruments d’ambiance et parfois
même en soliste162. Ils ont été découverts et répandus dans leur fonction musicale
notamment par l’Australienne Sarah Hopkins qui s’y est beaucoup intéressée dans le
domaine thérapeutique163, Comme pour le tube d’aluminium présenté plus haut, les
tuyaux harmoniques (c’est ainsi que j’ai traduit le terme whirlies d’origine anglaise)
sont des tuyaux de plastique, initialement des gaines, tuyaux isolant ou servant de
conduit aux fils électriques ; de simples tuyaux d’aspirateurs ou de vidange de machine

161
Organisé par Jacques Dudon, « les Noces Harmoniques » rassemblent dans le hameau des Camailles,
au Thoronet, les passionnés de musiques micro-tonales et harmoniques.
162
C’était le cas lors d’un concert du Festival d'Antibes-Juan-Les-Pins, le 19 Juillet 1999 dans la Pinède
Gould où le percussionniste Ciro Battista utilisait l’instrument au sein d’un groupe de jazz aux côtés de
Herbie Hancock.
163
Sarah Hopkins à baptisé ces tuyaux whirlies. Nous verrons comment elle utilise ces instruments dans
le chapitre suivant.
118
à laver peuvent également être utilisés. Certains de ces tuyaux peuvent émettre des
harmoniques.
Il est effectivement possible de les faire résonner selon leur fréquence propre
(ou siffler sur une de leur harmoniques), en les faisant tourner à la manière d’une
rhombe ou d’un lasso. Après quelques tests, ma conclusion fut que tout dépend du
diamètre, de l’épaisseur, de la souplesse, de la forme des dentelures et de la longueur du
tuyau. Selon ces paramètres, le volume, la fréquence fondamentale et l’ambitus des
harmoniques vont varier.

Diamètre  résonne facilement entre 4 cm et 6 cm.


Longueur fréquence ou hauteur de la note fondamentale
Souplesse / Epaisseur / type de plastique / Forme des dentelures  commodité de
rotation et sélection des harmoniques

L’instrument a été commercialisé il y a quelques années, pour sa fonction


sonore, dans des boutiques de divertissement.
A une extrémité, on lui a ajouté un petit
pavillon, de sorte que l’air qui y pénètre, lors
de la rotation, se mette plus facilement en
vibration. Le modèle utilisé est souvent coloré
et accordé en si, d’une longueur de 50 cm et
d’un diamètre de 4 cm ; les dentelures sont en
forme de vagues et le plastique est fin et souple. Divers tuyaux harmoniques164

Les tuyaux harmoniques sont un bon moyen de superposer plusieurs


fondamentales et d’écouter se confronter leurs harmoniques respectives. Les rapports
les plus consonants entre fondamentales ne génèrent pas forcément des échelles
consonantes au niveau des premières harmoniques, tant et si bien que l’intervalle de la
tierce mineure descendante, ou la seconde majeure ascendante, par exemple, produisent
des échelles plutôt riches musicalement. Prenons comme référence la fondamentale

164
Photo prise lors du festival « les Noces Harmoniques » en Août 2005. Avec Jérôme Desigaud, nous
avons découpé plusieurs longueurs de ces tuyaux pour en faire des instruments de sons harmoniques et de
danse ; de nombreux enfants (mais aussi des adultes) sont instinctivement venus s’amuser avec ces tuyaux
qui semblaient beaucoup leur plaire.

119
« do », pour en distinguer les échelles issues de la superposition des harmoniques d’un
degré parent :

Harmoniques Tuyau 1 Tuyau 2 Tuyau 3 Tuyau 4 Tuyau 5

H8 La Do Ré Fa Sol
H7 Sol Sib Do Mib Fa
H6 Mi Sol La Do Ré
H5 Do Mi Fa#- La Si
H4 La Do Ré Fa Sol
H3 Mi Sol La Do Ré
H2 La Do Ré Fa Sol
Degrés –> VI I II IV V

Echelle des tuyaux 1 et 2 :

Echelle des tuyaux 2 et 3 :

Echelle des tuyaux 2 et 4 :

Echelle des tuyaux 2 et 5 :

120
Un rythme est envisageable dans la mesure où les mouvements des bras (surtout des
poignets) sont naturellement irréguliers et donnent des accents notamment lorsque le
tuyau doit remonter dans sa trajectoire circulaire ; on donne instinctivement une force
plus importante, ce qui a tendance à créer automatiquement un rythme. Il est possible
d’exagérer ce rythme pour en faire une base musicale sur laquelle vont pouvoir
improviser d’autres tuyaux par exemple. La maîtrise du rythme est aussi difficile que
celle de la sélection volontaire des harmoniques, c’est un travail fin et épuisant, surtout
pour les harmoniques aiguës.
La rotation à main nue de ces tuyaux ne peut déclencher que les harmoniques
des trois premières octaves ; les intervalles plus resserrés au sein du quatrième octave
(H8/H16) offrent des combinaisons plus complexes entre les tuyaux de fondamentales
différentes. Pour accéder à ces harmoniques plus aiguës, j’ai eu l’idée de faire résonner
les tuyaux grâce au vent lui même ; or, pour trouver un vent régulier, la solution la plus
simple était encore de monter en voiture et de placer le (les) tuyau(x) face au vent, par
la fenêtre. La main droite du passager tient l’extrémité qui reçoit l’air à environ 30 cm
de la fenêtre, la main gauche maintient l’extrémité qui émet le son vers l’intérieur du
véhicule. Le son reste le même mais semble beaucoup plus épuré du fait qu’il n’y a plus
aucun rythme : l’air pénètre dans le tube très régulièrement, c’est ainsi que je me suis
rendu compte de l’importance de la vélocité du son, relative aux à-coups et aux défauts
des mouvements circulaires à main nue. Les harmoniques H8, H9 et H10 sont
particulièrement puissantes en volume et commencent à être presque dérangeantes à
l’oreille. Les harmoniques se déclenchent donc les unes après les autres selon la vitesse
du véhicule ; or, sur certaines vitesses, que je qualifierais d’intermédiaires, on entend
un oscillement entre deux harmoniques avec un silence étouffé.

Plus l’harmonique sollicitée est aiguë, plus la période intermédiaire est longue.
Au delà d’une certaine vitesse, je n’ai pu réussir a déclencher l’harmonique H 11, peut-
être à cause de l’inclinaison de « l’embouchure » qui exigerait davantage de précision
ou bien à cause de la période intermédiaire qui n’atteint pas la vitesse suffisante pour
déclencher cette harmonique.

121
Harmoniques Km/h
H10 150
H9 130
H8 120
H7 90
H6 80
H5 70
H4 60
H3 40
H2 30

Tableau du rapport entre la vitesse et le déclenchement des harmoniques

J’ai remarqué également qu’il était possible de sélectionner les harmoniques


selon l’inclinaison de l’embouchure et avec un peu d’entraînement, j’ai pu reproduire
volontairement une mélodie. L’expérience est très intéressante avec des tuyaux
accordés entre eux, mais il est alors plus difficile de maîtriser indépendamment
l’inclinaison de deux tuyaux ; les mélodies dévoilées contre le vent et plus ou moins
aléatoirement, présentent une musique qui ne peut laisser indifférent ; on se rapproche
très fortement du chant naturel du vent qui est parfois amené à souffler dans les tubes
de métal ou de bambou.

Tuyaux harmoniques  
Volume faible O O O O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O O long
Spatialisation proche O O lointain

J’ai pu constater également que le tuyau renvoie dans le véhicule un puissant


souffle qui est également relatif à la vitesse de conduite ; il peut être comparé au souffle
d’un sèche-cheveux. Il est possible de diriger ce souffle qui comprend en lui-même la
vibration harmonique générée par le vent, en orientant le tuyau vers telle ou telle partie
du corps, bien qu’au delà de H10, les harmoniques ne semblent plus vouloir se révéler.

122
332. Harpes éoliennes
La harpe éolienne trouverait son origine chez Anathanasius Kircher165 qui
aurait cherché, en la construisant, à mettre en évidence les phénomènes de sympathie.
Avec cet instrument tout à fait particulier, c’est le souffle du vent qui devient
l’interprète. Le principe est relativement simple : il suffit de tendre une ou plusieurs
cordes face au vent, de leur prévoir une caisse de résonance afin d’amplifier le son, et
de laisser le vent déclencher la vibration de la corde pour l’entendre résonner. Cette
vibration n’est pas déclenchée par force mais par sympathie :
le rapport entre la vitesse du vent et la fréquence propre de la
corde dépendent de la mise en résonance de celle-ci. Plus les
cordes sont courtes, plus il faut les rapprocher pour conserver
l’interaction entre elles. Quand le vent fait vibrer les cordes,
selon leur diamètre, elles émettent soit la note fondamentale,
soit une ou plusieurs harmoniques. C’est le vent qui crée ce
son riche qui monte, s’amplifie puis redescend en changeant
de tonalité. Ce chant surprend bien souvent par son côté
changeant et doux à l’oreille. Harpe éolienne de
Robert Valkenburgh166

harpe éolienne  
Volume Faible O fort
Hauteur Grave O O O O aigu
Timbre Feutré O perçant
Durée Court O long
Spatialisation Proche O Lointain

Au début des années 1990, Roger Winfield met au point plusieurs harpes
éoliennes au design très moderne, reprenant les systèmes de lutherie des guitares et
basses électriques avec donc, cette fois-ci, des cordes en métal amplifiées par des
micros. Son disque « windsong, the Sound of Aeolian Harps » fait entendre des sons
sans attaque, qui sont le résultat de la résonance des cordes par différents vents (nord,
sud, est, ouest). La notice du disque ne décrit pas l’accordage. On peut se demander si
ce résultat est seulement l’effet du vent ou bien si les sons ont été traités et mis en

165
D’après le livre Amour et sympathie, le baryton à corde une méthode de recherche en lutherie, Pierre
Jaquier, op. cit. p.116. voir annexes p.18.

123
évidence en studio selon plusieurs registres (extrait des harpes éoliennes proposé sur le
CD, plage : 19).

34. Les cithares harmoniques


Cet instrument moderne, révélé par Jean Pierre Croset167, possède environ 20
cordes de jeu, disposées parallèlement et fixées à un cadre, de telle sorte que les cordes
ne sont pratiquement tenues que par les deux chevalets ; l’absence de caisse de
résonance laisse sa place aux « micros guitares ». L’amplification électrique fait
davantage ressortir les harmoniques de la cithare. Les cordes sont frappées avec un
plectre (ou médiator) d’une main, tandis que l’autre main effleure les cordes, comme
pour le jeu du dàn bàu, de manière à en dégager les harmoniques (extrait de cithare
harmonique proposé sur le CD, plage 18 ).

Cithare harmonique  
Volume faible O O fort
Hauteur grave O O aigu
Timbre feutré O O perçant
Durée court O long
Spatialisation proche O O lointain

Jonathan Cope a eu l’idée de détourner la cithare traditionnelle chinoise Gu Qin


pour en faire une cithare harmonique : il suffit simplement de repousser les chevalets
aux extrémités et d’accorder au mieux les 13 cordes sur la même fréquence. En jouant
par des allers-retours avec le bout des doigts ou avec un plectre, on obtient un son
naturellement riche et volumineux de la même note. Les harmoniques sont
naturellement accentuées et l’on peut les faire varier en pinçant les cordes plus ou
moins proches des chevalets. Cet instrument, qui peut sembler plutôt limité
techniquement, est un excellent support pour le chant, soit à la manière d’une tampura,
soit pour accompagner un instrument soliste sur une musique modale. Au niveau
thérapeutique, il est très efficace dans le sens ou il est facile d’accès, tout le monde
pouvant facilement ressentir le phénomène de résonance sous ses doigts.

166
Robert Valkenburgh à fabriqué plusieurs models d’harpes éoliennes et les à exposées au festival de
Berck sur Mer en 2000 (photo recueillie en Octobre 2005 sur le site : www.windgallery.com/wind.htm).
167
Harmoniques du temps, Pierre Jean Croset, Radio France, 1988.

124
On pourrait trouver encore beaucoup d’autres instruments de ce genre plus où
moins connus ou aboutis, car, comme nous avons pu le constater, le domaine de la
résonance et des harmoniques est très vaste et laisse libre cours à de nombreuses
inventions sonores et musicales. On pourrait effectivement parler aussi des instruments
de Jacques Dudon168 et de Harry Partch169 qui travaillent sur la micro-tonalité et le
tempérament juste ; de musiciens et luthiers comme Jérôme Desigaud, qui pratique
notamment le chant diphonique, le didgeridoo, d’autres instruments à bourdon et qui a
fait d’un simple guidon de vélo en métal, une flûte harmonique exceptionnelle ; des
artisans comme Michelle Marcus-Deardon qui a fabriqué une multitude de flûtes
harmoniques en terre cuite. Alain Daniélou a même conçu un instrument électronique
avec un clavier qui permet de jouer les sons des harmoniques : le Sémantic. Mais nous
tâcherons de nous limiter à l’étude des instruments acoustiques.

168
Jacques Dudon participe à la recherche micro-tonale en France avec son association l’Atelier
d’Exploration Harmonique (http://aeh.free.fr); il a également créé le festival « les Noces Harmoniques »
qui ont lieu tous les ans depuis l’an 2000.
169
Harry Partch a mis au point de nombreux instruments à « intonation juste » selon les rapports des
gammes naturelles, comme le zoomoozophone et le Harmonic Canon.
125
L’orgue à feu conçu par Pierre Joulain
met en résonance des tubes thermiques qui laisse parfois échapper des harmoniques

Arcs en bouche
modernes

Le décaphone Surak-Nat-Buzurg, de J.Dudon (1997)

Flûte harmonique/tambour

sur un cadre en terre cuite170

Le sémantic d’Alain Daniélou

170
Lors d’une représentation au festival des « Noces Harmoniques » de 2005, le musicien qui figure sur
la photo faisait du chant diphoniques contre la membrane transparente de l’instrument.
126
V Effets des musiques harmoniques et thérapie
par les sons harmoniques

Ce chapitre vise à mettre en évidence les effets des sons et de la musique sur
l’organisme humain, et plus particulièrement ceux des harmoniques naturelles. J’ai pu
observer des effets dus aux harmoniques selon deux niveaux : un intérêt particulier
manifesté par divers publics en général, et une approche thérapeutique plus
approfondie. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je propose de faire un rappel sur les
bases de la musicothérapie dite « classique ». J’ai regroupé dans ce rappel plusieurs
notions qui pourront être nécessaires à l’étude de l’approche « harmonique » de la
musicothérapie.

Rappel sur la musicothérapie


La musicothérapie vise à soigner diverses pathologies par le biais de séances
d’écoute et de pratiques musicales. Des courants très divers de la musicothérapie se
sont développés, chacun possédant une approche particulière, que ce soit au niveau des
pathologies à traiter, du choix des musiques que des conditions d’écoute. Ils présentent,
malgré tout, des points de convergence, comme la distinction entre une musicothérapie
active, réceptive, individuelle ou en groupe etc. Nous nous intéresserons également aux
pshychosynthèses qui combinent la musicothérapie réceptive avec d’autres pratiques,
comme la relaxation.

La musicothérapie réceptive :
En musicothérapie réceptive, on place un ou plusieurs auditeurs dans des conditions
d’écoute neutre et confortable. Le travail du thérapeute consiste à observer et analyser
les réactions psychologiques et physiologiques du (des) sujet(s). Le Dr Jacqueline
Verdeau-Pailles171, par exemple, soumettait à l’auditeur une fiche de renseignements
décrivant son identité, sa réceptivité à la musique, son environnement sonore au
quotidien, sa culture musicale, ses relations et conditions familiales (etc.). Elle tirait
ensuite un diagnostic en fonction du comportement de l’auditeur pendant l’écoute et en
fonction de ses réponses lors d’un entretien final. Selon ce type d’études, la

127
musicothérapie a pu établir des liens entre pathologies et musique ; on choisit ainsi une
sélection de compositeurs et d’œuvres en fonction des traitements : Haendel redonnerait
confiance en soi, Mozart serait anti-dépressif et Bach clarifierait la situation172 (etc.).

Les études, les recherches et les pratiques que j’ai pu aborder en musicothérapie
générale se limitent à l’écoute de musiques classiques occidentales ou de chansons de
variétés ; certains musicothérapeutes sont plus ouverts que d’autres dans leurs choix
musicaux, mais les pratiques se sont surtout développées en fonction d’une population
et d’une génération particulière et avec des pathologies bien précises : autisme,
névroses, psychoses, handicaps physiques, sensoriels et mentaux, toxicomanie,
alcoolisme, maladies psychosomatiques (cardiaques, respiratoires, spasmophilie) ; elles
s’appliquent également, comme nous l’avons vu, avec les sourds, mais aussi en soutien
dans les hôpitaux, auprès des grands brûlés ou des comateux.

La musicothérapie active :
La musicothérapie active met le patient en situation de créateur de sons et de
musique, un état qui vise à développer une confiance en soi par l’expression. Les
instruments mis a disposition sont généralement assez faciles d’accès et permettent une
satisfaction sonore immédiate. Le plus souvent, ce sont des percussions comme les
xylophones, les cymbales, les claves, les hochets, le tambourin, les timbales, les
carillons (etc.) ; les flûtes et les instruments à corde comme la harpe ou la cithare sont
parfois utilisés, mais demandent un minimum de connaissance préalable. Un coté
ludique est généralement développé, notamment pendant les thérapies de groupe, à
travers divers jeux musicaux. Cette forme de musicothérapie vise essentiellement à
soulager l’angoisse, améliorer la communication, notamment en levant les inhibitions,
et à rééduquer les handicapés moteurs, sensoriels ou linguistiques.

Les psychosynthèses :
La psychosynthèse, instaurée par Luigi Pereson173, ajoute à la musicothérapie
réceptive d’autres pratiques, comme le Rêve Eveillé Dirigé (R.E.D) de Desoille, la

171
Verdeau-Pailles Jacqueline, le bilan psycho-musical, Courlay, J.M. Fuzeau, 1981.
172
Ces exemples sont des généralités de la musicothérapie classique cités par Alexandre Koehler dans son
article « le son, la voix… et la musicothérapie » consulté en Septembre 2005 sur le site :
www.buddhaline.net
173
Dr L. Bence et M. Mereaux, guide pratique de musicothérapie, St-Jean-de-Braye, Dangle, 1987 p.28.
128
relaxation à induction multiple de Michel Sapir, le réflexe de relaxation de Benson, la
sophrologie de Thierry Loussouarn, ou bien les différentes techniques de respiration et
de méditation par le yoga, le zen (etc.). Les musicothérapies qui utilisent les
harmoniques et leur résonance sur diverses parties du corps, sont très souvent liées à
d’autres pratiques comme les assouplissements, les massages, le do in, le qi kong, des
jeux de vocalises, mais aussi l’utilisation du pendule. Ces pratiques sont généralement
attachées à un mode de pensée en relation avec des traditions anciennes ou sacrées.
Ce que je retiendrai du travail des musicothérapeutes classiques c’est leur
utilisation de musiques bien précises (mais parmi un choix souvent restreint174) pour
soigner des troubles divers, plus ou moins importants. La musique peut être un moyen
d’extérioriser ces troubles. Elle s’avère effectivement utile, par exemple, lors d’une
accumulation de stress qui exige parfois, par compensation, une vibration qui devra être
perçue de manière claire et calme, dans un environnement intime et confortable. Une
forte colère, en revanche, peut avoir besoin d’être accompagnée par une vibration forte
et agressive dans un environnement large et bruyant, de manière à pouvoir extérioriser
au mieux son sentiment. D’après les longues discussions que j’ai pu échanger avec le
musicothérapeute psychologue Michel Bon175, il s’agit là d’une catharsis au sens
psychothérapeutique du terme. Or, cette approche n’est que très rarement admise en
musicothérapie classique. Pour ce qui nous intéresse dans cette étude et avant de revenir
à la question des harmoniques proprement dites, je retiendrai donc les études qui ont
répertorié différents niveaux et contextes d’écoute ; j’aborderai enfin la distinction entre
la musicothérapie et la thérapie par le son. Les descriptions seront complétées
d’approches personnelles se basant sur mes expériences en musicothérapie analytique
transpersonnelle176, sous la direction de Michel Bon.

174
La musicothérapie classique semble effectivement très hermétique à certaines musiques : si certaines
pratiques tolèrent quelques musiques du monde (très souvent commerciales) et quelques musiques de
jazz, d’autres, dénoncent toute forme de musique rock, et ne peuvent généralement admettre qu’une
musique « non-classique » puisse être efficace sur le plan thérapeutique. Des musiques d’ambiance et de
synthétiseurs sont parfois accompagnées d’une douce voix qui invite l’auditeur à des exercices de
respiration et de relaxation.
175
Michel Bon, Mandala Sonores, Condé-sur-Noireau, Trismegiste, 2003.
176
Terme utilisé par Michel Bon dans son travail ; j’ai passé trois séjours d’une semaine avec ce
psychologue de la musique pour tenter de mieux comprendre la musicothérapie et apprendre à
développer une approche psychologique de la musique et du son, j’ai notamment assisté et participé à
plusieurs séances d’écoute, seul et en groupe.
129
Les niveaux d’écoute
La langue française fait une distinction entre « entendre » et « écouter » ; En
développant l’idée de cette distinction selon plusieurs niveaux, nous pouvons ainsi
constater des effets de portées différentes. Pierre Schaeffer a dénombré quatre niveaux
d’écoute distingués par les verbes : ouïr, entendre, écouter et comprendre qu’il illustre
par la phrase :
« Je vous ai ouïe malgré moi, sans que j’ai écouté à la porte, mais je n’ai pas
compris ce que j’entendais »177.
Nous pouvons ajouter à cela la perception inconsciente du son qui serait
observable dans l’état de sommeil profond, par exemple, et soulève ainsi la question de
la perception des vibrations sonores en temps que phénomène physiologique et non
psychologique. A l’opposé, nous ajouterons également une certaine capacité à plonger
dans un état de réceptivité à la musique et au son, qui dépasse la condition de
concentration. Marie-Louise Aucher, Philippe Barraqué, Oriane Robidou, Denis
Fargeot, et bien d’autres musicothérapeutes parlent d’un conditionnement d’écoute
privilégiant, à la place du mental (jugement) et de l’attention (concentration), un état
« d’ouverture d’esprit et de paix intérieure ». Il s’agit alors d’ « écouter en toute
conscience », c’est à dire ressentir pleinement le son en s’ouvrant psychologiquement et
sensiblement afin de l’intégrer comme une nourriture.

Les contextes d’écoute


Nous regrouperons dans les contextes d’écoute, les conditions par lesquelles le
message sonore va être reçu par l’auditeur. Les contextes d’écoute ont une influence
directe sur les effets des vibrations sonores dans la réception musicale.
Le fait de pouvoir réellement apprécier une écoute va dépendre de plusieurs
paramètres :
• le contexte extérieur : être dans un lieu, une ambiance et une compagnie (ou
sans compagnie) qui permettent d’apprécier pleinement la musique reçue (pas
nécessairement calme, seul, en état de relaxation etc.)

177
Phrase issue du traité des objets musicaux de Pierre Schaeffer, et recueillie dans l’ouvrage de
Jacqueline Assabgui, La Musicothérapie, Paris, Jacques Grancher,1990.

130
• Le contexte intérieur : être réceptif, dans un état où l’écoute de la musique va
pouvoir compenser un certain manque, atténuer un excès, ou amplifier un
sentiment agréable.

Nous devons également distinguer l’écoute selon la répétition de celle-ci par un même
auditeur. En effet, la première écoute d’une pièce musicale a généralement un impact
bien différent si on la compare à la deuxième, ou la dixième écoute. Remarquons
également que les effets de la musique peuvent être influencés par transmission, ce qui
présente encore un contexte bien particulier : lorsque nous faisons découvrir une
musique à une personne, nous l’influençons plus ou moins consciemment en y attachant
une partie de nous-mêmes (plus précisément une représentation de nous-même par
l’auditeur). Nous lui communiquons ainsi, en plus de la musique elle même, notre
propre sentiment pour cette musique. Selon cette pensée, selon les innombrables
contextes, intérieurs et extérieurs, et selon le choix du morceau et sa compatibilité avec
l’auditeur et sa pathologie, les effets de la musique ne peuvent être objectivement
répertoriés, tous ces facteurs étant très subjectifs et nécessitant une étude au cas par cas.

De nombreux tests sonores sur les genres minéral, végétal, et animal ont
démontré que certains sons et certaines musiques génèrent des effets très contrastés
(voir en annexe 2 : historique des tests sonores p.166 /173). Or, la musicothérapie se
distingue principalement de ces tests sonores de par son utilisation des effets de
différentes musiques, non seulement sur le corps, mais aussi sur les émotions de
l’auditeur. Remarquons dans ce sens que, sans qu’il soit question de vibration, une
personne qui détient les codes culturels pour déchiffrer sans peine une partition et
comprendre ainsi la musique qu’elle est amenée à lire, peut recevoir à travers son
oreille interne et son interprétation personnelle, des émotions provoquées par cette
musique muette. Des émotions peuvant être remarquables sans aucun recours au
moindre son, au sens physique du terme178. C’est pourquoi nous ferons une distinction
entre la musicothérapie (qui agit sur les émotions) et la thérapie par le son (qui agit sur
le corps). Nous verrons donc, par la suite, différentes techniques thérapeutiques
soniques utilisant les sons harmoniques pour soigner le corps. Notons par ailleurs que

178
Nous pouvons, pour illustrer cette idée, nous référer par exemple à une scène du film Farinelli, dans
laquelle le personnage de Farinelli sanglote d’émotion en lisant, dans le silence, une partition d’Haendel.
131
ces deux approches, bien qu’agissant sur des plans différents, sont très souvent
indissociables.
Les musiques qui mettent en évidence la résonance des harmoniques peuvent
aussi générer, comme nous avons pu le remarquer, des effets émotionnels et affectifs
auprès de publics très divers, notamment en Occident, où l’on peut constater un
véritable phénomène de mode.

1. Les harmoniques, un phénomène de mode

11. Effets sur un public occidental :


Depuis les années 1990, les techniques vocales, les instruments et les musiques
que nous avons décrit trouvent effectivement, en Occident, de nombreux adeptes,
pouvant être regroupés par générations, classes sociales ou modes de vie. Bien que
n’ayant pas mené de véritable enquête sociologique (avec respect d’un protocole, etc.),
j’ai notamment pu distinguer une génération plutôt jeune (18 – 30 ans), une plus
ancienne (50 - 70 ans), souvent issue du mouvement libertaire des années 1970, une
autre catégorie, que j’appellerais « bio »179, généralement plus aisé financièrement, et
enfin une population dispersée dans la norme qui représente de simples curieux plus
que de vrais passionnés. Parmi ces personnes, des artistes, luthiers, musiciens,
mélomanes, professionnels indépendants ou en groupe, associations musicales et
interculturelles ou autres passionnés contribuent à ce phénomène (voir illustrations
annexe 19, p.190). Nous pourrions également citer les chercheurs en acoustique et en
ethnomusicologie, sans qui les découvertes de ces techniques et instruments ne
prendraient pas une telle ampleur, mais qui semblent contribuer involontairement à
cette mode.
Chez la jeune génération, ce qu’on pourrait appeler la « mode des
harmoniques » semble trouver sa source à travers le didgeridoo qui (avec le jumbé)
s’est répandu très rapidement en Occident. Le didgeridoo est joué et apprécié pour la
distraction, la danse, l’animation de petits rassemblements en extérieur et de préférence

179
Ces personnes vivent effectivement dans un respect de la nature, aussi bien dans l’alimentation, le
logement, les vêtements, la musique etc. J’ai pu apprécier leur compagnie dans la région d’Aix-en-
Provence par exemple avec Marie-Thérèse Marin du Bard, Philippe Bougon, Josiane Chartier, Oriane
Robidou, ou encore l’équipe de l’Exploration de Recherche Harmonique de Jacques Dudon aux hameaux
des Camailles (Thoronet).
132
en pleine nature. Avec son timbre particulier et son amplitude sonore, il crée une sorte
de lien communautaire entre plusieurs individus qui, dans une époque où haute
technologie et loi du marché sont omniprésentes, manifestent un retour aux valeurs
simples, naturelles et écologiques, notamment par l’ouverture d’esprit et le mélange des
cultures auxquelles il renvoit.

Par ailleurs, l’instrument est plus accessible


financièrement et techniquement qu’un violon, par
exemple ; c’est aussi pourquoi les différents festivals de
didgeridoo rassemblent autant de personnes180. Le
didgeridoo, et plusieurs autres instruments
« harmoniques », séduisent à travers les thèmes de la
nature et du sacré, comme nous avons pu le constater à
plusieurs reprises. C’est ainsi qu’en France, notamment à travers l’association Vent du
Rêve, le chant diphonique et la guimbarde se sont progressivement ajoutés à cette
mode, ce qui lui fait prendre une tournure d’autant plus symbolique et contemplative.

« En 1997, des joueurs de didgeridoo se sont unis pour jouer, partager et


promouvoir la culture aborigène. L’association a grandi avec les années. Parce que le
chant diphonique, la guimbarde et le didgeridoo, instruments aux harmoniques
naturelles, se marient spontanément, que les apprentissages sont aisément
transférables de l’un à l’autre… l’association a élargi en 2002 son activité à la
promotion de la guimbarde et du chant diphonique.» 181
Depuis que l’association a ajouté ces nouveaux éléments, la population du
festival le rêve de l’aborigène182 s’est transformée et a mélangé dans un esprit
communautaire183, diverses sous-cultures et plusieurs générations, toutes sensibles à la
résonance des harmoniques. Un certain commerce se développe également, le plus
souvent basé sur des instruments, des stages et des disques présentés la plupart du

180
On compte en France plus d’un millier de personnes par an pour le festival « le rêve de l’aborigène »
et plus de 500 personnes pour « les Noces Harmoniques ». op. cit. Notons également les festivals en
Suisse : Rainbow creation, en Allemagne : Dreamtime Didgeridoo Festival ou aux USA : jammin’ tree
didgeridoo festival.
181
Texte figurant sur les prospectus de l’association vent du rêve à Paris, et sur le site officiel :
http://www.ventdureve.net/data/documents/flyerVDR2.pdf
182
Festival du didgeridoo, guimbarde et chant diphonique de l’association vent du rêve, op. cit.
183
On peut comparer cet esprit à celui des « rainbow », mouvement post-hippies qui rassemble dans la
nature plusieurs personnes autour du respect de la nature et des autres.
133
temps comme étant authentiques et traditionnels (car c’est généralement ce qui
intéresse ou séduit le plus les clients). Ainsi, par exemple, j’ai pu observer, chaque
année depuis l’été 2000, la pratique commerciale de Stéphane Voisin184 qui tient un
magasin ambulant d’instruments de musiques du monde. Son activité consiste a
rapporter de ses divers voyages dans le monde, des instruments traditionnels, plus ou
moins rares, pour les vendre en France. Les instruments les plus accessibles sont
généralement les plus prisés : guimbardes, bol chantants (du Viêt-Nam d’origine
industrielle, avec très peu d’harmoniques), didgeridoo etc. Stéphane Voisin propose
également des instruments à cordes sympathiques, comme la ravanahatta du Rajasthan.
Les concerts proposés par ce genre de festival mettent en scène des musiciens
traditionnels spécialement invités185, mais aussi de plus en plus d’artistes occidentaux
qui se sont inspirés des techniques traditionnelles et qui génèrent alors une musique
différente issue de cette fusion. Steve Kindwahl, par exemple, originaire des Etats Unis,
a produit plusieurs disques et concerts qui font entendre le jeu des guimbardes
traditionnelles d’Inde, du Viêt-Nam, etc. Ainsi, il joue de la guimbarde H’mong186
avec, non pas un, mais deux exemplaires à la fois, accordés sur la même fréquence et
pincés entre ses lèvres. Les deux languettes jouées parfois alternativement, créent un
effet qui fait cohabiter les harmoniques de deux fondamentales résonant à l’unisson
dans une sorte de réverbération naturelle (extrait proposé en annexes : CD plage 17).

12. Les thérapies ésotériques


En dehors des passionnés qui se réunissent lors des festivals, le phénomène
touche encore un autre public par le biais des thérapies alternatives. Certaines
approches du phénomène des harmoniques et de leur résonance s’allient avec d’autres
pensées plus ou moins traditionnelles ou anciennes et souvent forts en symboles, autour
du sacré et de la nature. Cette approche donne naissance à diverses psychosynthèses187
et fait ainsi naître en Occident des thérapies nouvelles.

184
La boutique « tradi-son » de Stéphane Voisin est basée en région Lyonnaise.
185
C’est le cas de la troupe mongole dont nous avons parlé (association « Archipel Nomade »), du
chanteur Tserendavaa ou encore de Lewis Burn (didgeridoo).
186
Le peuple H’mong vit dans les montages du Viêt-Nam, j’ai pu rencontrer plusieurs H’mong dans la
région de Sappa, au cours d’un voyage en 2002. Ils pratiquent la guimbarde en laiton notamment à des
fins de séduction et récitent avec le jeu de celle-ci, des poèmes charmeurs.

134
121. Un retour à la consonance naturelle
Parmi les mouvements d’intérêt esthétique de la musique, j’ai pu constater une
certaine tendance visant à remettre en question le système tonal actuel (tempérament
égal à 12 demi-tons) et son diapason (440 Hz). Ainsi, le travail de Philippe Bougon,
issu de ses recherches acoustiques sur les modes anciens et leurs résonances, manifeste
bien cette remise en question des valeurs de la musique issue du dodécaphone tempéré.
En comparant les fréquences des gammes tempérées et naturelles, il met en évidence la
complexité du système tempéré tout en rattachant le phénomène vibratoire naturel avec
son « symbolisme divin », plus approprié selon lui en termes de guérison par les sons
(voir annexe 25, p.197 : le divin et les gammes). C’est peut-être aussi dans cette même
intention, dans ce souci de l’origine, qu’on peut observer un intérêt grandissant pour les
musiques traditionnelles du monde, qui rassemblent des sonorités et des instruments
parfois bien éloignés de l’actuelle culture musicale occidentale. Cette tendance se
retrouve particulièrement dans les thérapies par le son harmonique ; elle semble
constituer d’ailleurs la base de celles-ci.

122. L’harmonisation188
En musicothérapie, mais aussi en kinésiologie, en relaxation ou encore en
sophrologie, le but recherché est très souvent appelé : « harmonisation ».
« L’Harmonie est la base de toute guérison. Au sens étymologique cela
représente l’action de joindre ensemble, des objets, des personnes, des concepts etc.
qui étaient préalablement séparés. »189 Les pratiques de thérapie par les harmoniques
établissent facilement un rapport entre l’harmonisation et les harmoniques. Elles
utilisent notamment la symbolique des proportions parfaites par le découpage du
monocorde, issu des pythagoriciens, et les mettent en relation avec le corps humain,
comme on peut le constater sur les illustrations de Robert Fludd (voir annexe 14 p.
182), ou bien sur les figures harmonieusement symétriques des travaux de Chaldni,
Hans Jenny et Emoto, qui suggèrent une dimension sacrée et mystique des sons (voir

187
Comme nous l’avons vu au cours du rappel sur la musicothérapie, les psychosynthèses définissent les
pratiques qui ajoute à la musicothérapie réceptive une autre pratique complémentaire, comme la
relaxation, le yoga, la radiesthésie etc.
188
Les informations concernant ce paragraphe sont issus des pratiques d’harmonisation par les sons
harmoniques tels que Jonathan Cope, Oriane Robidou, David Hykes, Philippe Baraqué, John Beaulieu,
Jill Purce etc.
189
traduction d’une citation de John Beaulieu, music and sound in the healing art, station hill press,
Element and music. New York, 1987 p.42.
135
annexe 2 p.166 / 173). Les relations avec la nature, que l’on a pu établir avec certains
chants diphoniques et certains instruments harmoniques, sont généralement mises en
évidence lors de la pratique thérapeutique.

L’harmonisation traduit le fait de se remplir d’une énergie positive, ce qui


serait par conséquent source de bien être. L’harmonisation agirait sur le corps et au
niveau des sons harmoniques par le phénomène de résonance sympathique ; ainsi, un
son est supposé correspondre à une partie du corps. J’ai pu noter quelques approches
linguistiques de la résonance, comme l’expression « être sur la même longueur
d’onde », qui reflète assez bien le phénomène de la sympathie acoustique adaptée aux
pensées humaines, ou bien encore « je suis parfaitement d’accord190 avec vous » qui
renvoie à la notion d’accord parfait en musique, et dont les notes sont issues, comme
on le sait, des premières harmoniques. Ce type d’expression est souvent employé par les
musicothérapeutes car il permet de mettre à l’aise et en confiance certains de leur
patients, avant et pendant le traitement. L’harmonisation est décrite comme un objectif
que l’on ne peut atteindre que lorsque l’on est en confiance avec la pratique, le
thérapeute et les éventuels autres pratiquants. C’est donc le thérapeute qui est amené à
placer le patient dans un état de relaxation et de réceptivité, loin de tout jugement
critique et de toute réflexion intellectuelle. Cet état est très souvent appelé le « lâcher-
prise » ; il constitue une autre base à la thérapie par les sons harmoniques. Sans lâcher-
prise, il ne peut donc y avoir harmonisation ; c’est pourquoi l’approche intellectuelle et
scientifique doit céder le pas, selon ces thérapeutes, devant des conceptions et des
pratiques plus sensibles comme le yoga et la radiesthésie.
Il existe également un marché de la thérapie par les sons
harmoniques, notamment au moyen de disques de chants
diphoniques191 et de bols chantants192. Les enregistrements
s’opèrent parfois dans des lieux symboliquement très forts
comme avec Iegor Reznikoff qui a commercialisé une série
de disques de chants effectués dans plusieurs églises
cisterciennes, ou encore comme Gaudry Normand, sur le Gaudry Normand jouant
du bol en cristal
disque Cristal Energie, qui a enregistré des musiques

190
Je souligne particulièrement le terme homonyme.
136
harmoniques sur le disque à l’intérieur de la pyramide de Kheops193, profitant ainsi de
l’énergie cosmo-tellurique du lieu qui favoriserait l’harmonisation.
Plusieurs thérapeutes fondent en effets leurs pratiques sur des théories que l’on
pourrait qualifier d’empiriques, ce qui n’empêche pas d’autres chercheurs, à l’approche
plus scientifique comme Philippe Bougon ou Trân Quang Hai, de pouvoir pratiquer
cette thérapie par les harmoniques et d’en constater les résultats.

13. Inspiration de la culture indienne


Les thérapies par les sons harmoniques puisent une partie de leurs théories dans
la musique classique indienne qui est basée non pas sur des harmonies, comme en
Occident, mais sur des modes autour d’une note fondamentale que l’on appelle : les
ragas.
« Ils furent entièrement associés aux traditions religieuses, et ne furent joués
qu’à des heures bien définies de la journée. Il y avait ainsi le mantram194 chanté avant
la méditation du matin, celui que l’on chantait à midi, puis au moment du coucher du
soleil, et chacun de ces chants étaient composés pour obtenir des effets spécifiques
aussi bien pour le chanteur que sur les auditeurs de sorte qu’au cour des âges, la
tradition religieuse est devenue si puissante dans l’Inde que personne n’eût imaginé
qu’il puisse être possible de chanter l’hymne du matin à midi et encore moins à l’heure
du coucher du soleil. »195
Ainsi, la musique modale de l’Inde attribue aux intervalles musicaux une valeur
émotionnelle et religieuse qui s’exprime différemment selon des moments précis de la
journée. Avec les ragas, la tonalité importe peu, ce sont les intervalles qui sont
importants. La référence tonale est choisie en fonction de la tessiture de l’instrument ou
du chanteur. Cette référence est appelée « sa » et correspond à la note fondamentale à
partir de laquelle vont se décliner six autres notes ( re, ga, ma, pa, da, et ni) dont les
intervalles varient selon les ragas. On peut alors tout à fait nommer les intervalles de la

191
Par exemple : Denis Fargeot, La voix tibétaine, chant harmoniques sacrés, collection reliance, 2003.
192
Par exemple : Epanouissement des Chakras, Bols chantants pour équilibrer les centres d’énergie,
Blinkey Kok, Pays-Bas, 2002.
193
C’est d’ailleurs le cas de l’extrait du bol en cristal et du chant diphonique thérapeutique plage 21sur le
CD. Informations et extrait sonore recueillis sur le site de crystal sanctuary : www.crystalsanctuary.com
194
Le mantram correspond à un raga chanté.
195
« La Musique » Cyril scott p.181.
137
gamme issue de la série des harmoniques avec les notes : sa re ga ma pa da ni sa qui
s’adaptent à toute fréquence fondamentale (voir annexe 3 p.174).
Ragas Traduction Sentiments
SHRINGARA (Volupté sexuelle) Béatitude spirituelle
HASYA (Bonne humeur) Humour
KARUNA (compassion) Tristesse, solitude
RAUDRA (courroux) Colère, fureur
VIRA (héroïsme) Héroïsme, grandeur
BHAYANAKA (crainte) Terreur, frayeur
BIBHATSA (dégoût) Dégoût
ADBHUTA (Etonnement) Joie, surprise
SHANTI (paix) Paix, repos, tranquillité

Tableau des relations entre ragas et états émotionnels196

Pour la relaxation et le conditionnement à la perception des sons, certaines


musicothérapies empruntent également à l’Inde ses techniques de respiration par le
yoga, mais aussi leurs syllabes sacrées, les mantras qui sont parfois utilisées à travers
les symboles qu’ils véhicules dans certaines pratiques thérapeutiques.

« La syllabe AUM, qui balaye le spectre sonore depuis le A guttural jusqu’au M


nasal en passant par toutes les nuances du O et du U labial, est considérée comme la
racine du langage, et réputée engendrer le monde lorsqu’elle est prononcée par le
principe universel. »197
Enfin, selon les conceptions traditionnelles de l’Inde, la thérapie par les sons
harmoniques se pratique en fonction de l’énergie qui circule dans le corps. Nous
retrouvons ici le système de perception subtile que nous avions abordé au cour du
second chapitre. Selon la tradition spirituelle indienne, le prâna (qui est généralement
traduit par « énergie vitale ») circule selon des canaux subtils appelés nadis, décrites
comme des sortes de « veines blanches et brillantes »198 qui, comme pour le système
sanguin par exemple, se répand dans tout le corps et alimente tous les organes. Les
milliers de nadis du corps humain, plus ou moins importants, se croisent selon des
points de dynamisation dans l’organisme. Le même phénomène serait également
observé en Chine avec les méridiens d’acupuncture. La tradition indienne dégage sept

196
D’après Avalon et Sridha. 1983 / B. Auriol, la clé des son, op. cit. p.109.
197
François Auboux, l’Art du raga, minerve, 2003.

138
points principaux étant sont des centres d’énergie circulaires que l’on appelle chakras
(roue en sanskrit). Chaque chakra possède une position le long de la colonne vertébrale,
un nom, une couleur et un domaine émotionnel (il existe aussi beaucoup d’autres
relations qui varient selon les interprétations).

Le chakra coronal (violet, autorité, spiritualité)


Le troisième œil (indigo, intellect, clairvoyance)
Le chakra de la gorge (bleu, expression, créativité)
Le chakra du cœur (vert, amour universel)
Le plexus solaire (jaune, relationnel)
Le chakra sacré (orange, désirs)
Le chakra racine (rouge, confiance en soi)

Système des chakras

Le système des chakras reflète (entre autre) la santé émotionnelle d’une


personne ; lorsqu’un patient présente, par exemple un trouble d’élocution, cela signifie,
selon les conceptions présentées précédemment, que son chakra de l’expression est
faible en énergie ; la pratique du chant diphonique pourrait alors combler ce manque.
Le système énergétique et les chakras que décrivent les cultures d’Inde et de Chine ne
sont observables que par de très rares personnes qui sont appelées « clairvoyants » et
qui peuvent observer les effets des sons directement sur les patients.

2. Les thérapies par le chant harmonique

« Les chamans du Tibet, de Sibérie et d’Amérique du Nord font résonner les


harmoniques de la zone frontale, ce qui leur permet en effet de soigner avec la
voix.C’est un chant magique, un secret des anciens chamans mongols, un yoga sonore

198
Description d’après Barbara Ann Brennan, le pouvoir bénéfique des mains, op. cit.
139
pratiqué par des moines tibétains pour atteindre l’illumination, un chant à pouvoirs,
une vibration qui pénètre jusqu’aux cellules. C’est le fameux chant qui guérit. »199

Dans le cadre des thérapies par les harmoniques, les chakras sont mis en
relation avec des fréquences vibratoires qui, lorsqu’ils sont accordés entre eux, sont
susceptibles de résonner ensemble et de déclencher alors l’harmonisation. Le chant
harmonique200 est utilisé pour harmoniser les chakras d’un patient dans certaines
approches de la musicothérapie. Il peut être effectué sur une personne passive et
réceptive, comme un massage sonore, et par un balayage des harmoniques selon
différents endroits du corps. Il est également utilisé en thérapie active, ou plutôt en
auto-thérapie par le chant, où le chanteur est émetteur et récepteur des harmoniques
qu’il produit. Nous verrons que les thérapies par le chant harmonique accordent aux
chakras des notes différentes selon les interprétations.

21. Marie-Louise Aucher


Les travaux et l’expérience de la chanteuse, musicothérapeute et
psychophoniste201 Marie-Louise Aucher constituent une référence importante dans la
thérapie par le chant. Elle a effectivement mis en place un système de correspondances
entre le chanteur et son « cocon énergétique »202 ; ce système décrit les liens de
certaines parties du corps avec certaines notes, des points de résonance couvrant
plusieurs octaves se répartissant de la plante des pieds au sommet de la tête (voir
annexes 22 et 23 p. 193 / 194). On pourrait dès lors faire un lien entre les points de
résonance et les chakras. Or Marie-Louise Aucher s’est vraisemblablement plus
intéressée à la médecine traditionnelle chinoise (qui décline, en fonction des organes et
des viscères, une série de méridiens constitués par des points de résonance) qu’au
système des chakras lui-même. Nous voyons donc comment les thérapeutes
occidentaux s’appuient sur des patrimoines culturels différents.

22. Interprétations populaires

199
Texte de Trân Quang Hai issu de l’article « le chant diphonique : nouvelle thérapeutique », recueilli
sur le site : http://tranquang.free.fr
200
Il s’agit véritablement d’une technique occidentalisée du chant diphonique sigit, en thérapie par la
voix, il est généralement beaucoup plus doux au niveau du son fondamental.
201
Terme issu de la psychophonie, et employé par Marie-Louise Aucher pour qualifier son travail vocal.
Celui-ci s’est développé autour des relations entre le chant, les organes, les vertèbres, les méridiens etc.
202
Représentation de l’aura du chanteur selon Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, Schéma de
psychophonie, Paris, Epi, 1977.
140
Suite aux travaux de Marie-Louise Aucher, des correspondances entre les sons
chantés et reçus ont été mis en rapport avec les chakras, eux-mêmes mis en rapport
avec des couleurs, des émotions, mais aussi des planètes, des odeurs, des métaux, des
saisons etc. Des croyances populaires semblent s’être ainsi répandues dans le milieu
ésotérique (revues, conférences, stages etc.) et ont abouti à des suppositions parfois
bien improbables. On trouve notamment une correspondance très simple entre les
chakras et les notes de la gamme tempérée sur une octave. Cette interprétation bien
commode peut être utilisée dans un but généralement commercial, s’adressant à un
public prompt à se satisfaire d’une relation logique par rapport à ses repères culturels.

Si

La

Sol

Fa

Mi

Do

Système de correspondance des notes avec les chakras selon une interprétation populaire

La thérapie vocale peut avoir lieu malgré tout pour diminuer le stress, par exemple, car
l’exercice est efficace dès que le processus de guérison est déclenché et que le patient se
sent en confiance avec la pratique.
23. Oriane Robidou
Admettant qu’un lien existe entre les chakras et les sons, certains thérapeutes
des harmoniques et des chercheurs comme Philippe Bougon, ont acquis la conviction
que ce lien ne peut exister, et être réellement efficace, qu’avec l’utilisation d’intervalles
naturels, et non pas au moyen du système tempéré. Comme nous l’avons déjà vu à
travers une citation de Barbara Ann Brennan203, l’énergie universelle qui anime les
chakras obéit à des lois naturelles, et non pas en fonction d’une culture donnée. De
plus, selon la corpulence du patient, ainsi que son état psychologique, la note

141
fondamentale, qui correspond à son système énergétique global, peut varier. C’est
pourquoi, la relation entre harmoniques et chakras semble beaucoup plus envisageable.
Nous verrons malgré tout se décliner plusieurs interprétations. Oriane Robidou utilise,
pour ses séances d’harmonisation par le chant, un rapport avec les chakras en fonction
de la fréquence propre du patient et des intervalles naturels qui en découlent.

« Tout corps possède une fréquence de résonance privilégiée : la note


fondamentale. Celle-ci est d’autant plus grave que la masse vibrante est importante.
Constante pour un objet, elle oscille d’environ un ton autour d’une valeur centrale chez
l’homme (fa# pour un ténor ou une soprane).»204

septième

sixte

quinte

quarte

tierce

seconde

fondamentale

système de correspondance des intervalles avec les chakras selon Oriane Robidou
Afin de trouver la note fondamentale qui correspond à une personne, Oriane
Robidou utilise plusieurs techniques : en faisant chanter du grave vers l’aigu le patient,
elle peut identifier une « note pivot » qui fait la jonction entre la voix de gorge et la
voix de tête. Elle utilise également un pendule qui va réagir en fonction de la note
concernée et précise que l’on peut également utiliser la technique du test musculaire
pratiquée en kinésiologie. Elle distingue ainsi deux notes fondamentales : la « note de
naissance », sensée correspondre à un individu toute sa vie, et la « note du moment »
qui varie autour de la note de naissance et qui correspond à un état plus précis de la
situation physique et psychologique du patient.

203
Voir chapitre II, Barbara Ann Brennan, le pouvoir bénéfique des mains, op. cit.

142
24. Philippe Bougon
La version de Philippe Bougon reprend le principe de la note fondamentale
attribuée à un patient tout en se rapprochant du point de vue de Marie-Louise Aucher.
On voit effectivement décliner plusieurs octaves selon les centres d’énergies.
Le chant harmonique est alors effectué sur tout le corps en commençant par la
plante des pieds pour la fondamentale (H1) puis le coccyx (H2), le cœur (H4), la gorge
(H8), et la couronne (H16).

H1
6
H8

H4

H2

H1

Système de résonance des octaves selon les chakras et les modes

25. Trân Quang Hai


L’approche de Trân Quang Hai est encore différente, et joue sur la
prononciation des voyelles qui correspondent aux chakras, et à certaines harmoniques
du chant diphonique.

204
Oriane Robidou, texte issu d’un article parut dans le magazine « Objectif : notre santé » n°27 automne
2003.
143
voyelles chantées Harmoniques

«i» H12

«è» H10

«é» H9

«a» H8

«e» H6

«o» H5

« ou » H4

système de correspondance des harmoniques avec les chakras selon Trân Quang Hai

Selon cette interprétation, il est particulièrement difficile, au niveau technique,


de pouvoir chanter les harmoniques en fonction des voyelles précises ; c’est pourquoi
cette méthode ne peut être employée le plus souvent qu’en thérapie passive. On
remarquera que les notes dissonantes (H7 et H11) on été évitées car, selon T.Q.Hai, elle
ne participeraient pas à l’harmonisation.

« Chaque voyelle maîtrisée se trouve en relation sur le plan physique avec


l’organe correspondant, et sur le plan subtil, avec un harmonique émis. Le souffle
amène la pensée et l’intention aide à la libération. La pratique du chant diphonique
s’avère complémentaire du magnétisme, d’un travail d’exorcisme, d’une transmission
bénéfique d’énergies et de connaissances pacifiantes. Aider l’autre à se guérir, à se
prendre en charge, c’est lui insuffler le désir légitime de retourner en soi, au divin de
son être. »205
Il existe encore bien d’autres approches qui mettent en relation les chakras avec
les harmoniques comme celle de Jonathan Cope, de Philippe Barraqué ou de Thomas
Clément. Chacune de ces méthodes semble fonctionner plus ou moins bien selon les
personnes et les contextes. Généralement, les plus sceptiques ne parviennent pas à des
résultats convaincants, contrairement à d’autres qui, en se « laissant aller », obtiennent
de réelles sensations de bien être voire de guérison. Véronique et Denis Fargiot
travaillent selon des techniques de « yoga du son » et utilisent également

205
Texte de Trân Quang Hai, tiré d’un exposé de ces travaux sur le site : http://tranquang.free.fr
144
l’harmonisation sur leurs patients par « Le Chant Harmonique Sacré ». Les séances se
déroulent pendant des stages de découverte du chant harmonique en thérapie réceptive
et active ; plusieurs niveaux sont abordables. Afin de pouvoir se représenter l’efficacité
de la pratique, considérons le témoignage d’un stagiaire :

« Chère Véronique et cher Denis,


Aujourd'hui, j'ai envie de partager avec vous mon expérience relative aux 4 stages
suivis avec vous 2. Grâce à votre enseignement du chant des voyelles, des exercices
pratiqués en groupe ou à la maison, j'ai ressenti un grand nettoyage intérieur, j'ai
évacué des fardeaux tout en parvenant de plus en plus à m'ancrer en terre, à alléger
mon fonctionnement le plus souvent dominé par le mental... J'ai aussi desserré l'étau de
l'anxiété qui pesait sur ma vie... car j'ai appris à me centrer ou me recentrer (selon les
circonstances). Je vous remercie du fond du cœur pour votre vigilance et votre
compassion dans votre accompagnement de chacun d'entre nous pendant les stages...
aussi bien pour l'ensemble du groupe que pour chacun en fonction de ses besoins du
moment...
Avec ces stages, j'ai reçu de puissants outils pour travailler plusieurs années de suite...
Il ne me reste plus qu'à travailler, travailler, travailler... Alec (59)206 »

Ce résultat reflète le point de vue d’un stagiaire qui a su être réceptif à la


pratique même et aux conditions psychologiques de celle-ci. Il nous permet de conclure
que l’harmonisation par le chant diphonique peut effectivement s’avérer efficace au
niveau thérapeutique. Or, si certains stagiaires se sentent encouragés et rassurés à
travers le conditionnement symbolique et psychologique suggéré au cours des stages,
d’autres y sont beaucoup moins réceptifs et peuvent au contraire être dérangés par cette
approche, si bien que les effets soniques (objectifs) du chant, et des harmoniques,
s’avèrent alors inefficaces. Alexandre Koehler parle d’ « harmonicothérapie » ; il
semblerait que les appellations déclinées du terme « harmonie » soient particulièrement
florissantes dans le milieu des thérapies alternatives. Voyons désormais par quels
moyens peut-on « harmoniser » au moyen d’instruments « harmoniques ».

206
Témoignage d’un stagiaire de Véronique et Denis Fargeot, recueilli en Novembre 2005 sur le site :
http://www.yogaduson.fr/accueil.htm
145
3. Les thérapies par les instruments harmoniques

Les thérapies qui utilisent des instruments harmoniques sont généralement plus
rares que celles des chants harmoniques. On remarque tout de même une certaine
parenté dans les pratiques, dans la mesure où les sonorités d’instruments, tels que les
bols chantants par exemple, sont également associées aux chakras. Nous verrons que
les instruments peuvent agir plus précisément que la voix, ceux-ci étant alors destinés à
viser des endroits du corps, comme on peut le faire avec un didgeridoo, par exemple.
En ce sens, un lien avec la médecine traditionnelle chinoise est souvent établi, selon le
système de la circulation d’énergie à travers les méridiens et les points d’acuponcture
précisément répartis sur le corps.

31. Acupuncture sonore


Nous avons vu comment Marie Louise Aucher a pu établir des liens entre la
résonance sympathique des sons chantés et le système des méridiens d’acupuncture.
C’est en ce sens que, parallèlement, d’autres thérapeutes ont précisé ce lien par le biais
de multiples diapasons à tempérament juste207. John Beaulieu est un musicothérapeute
dont le travail est particulièrement basé sur les harmoniques et les rapports naturels des
sons. Dans le texte ci-dessous, et dans ses pratiques, il met en évidence un type de sons
qu’il désigne par « Sons sacrés », lesquels auraient la propriété de pouvoir résonner
sympathiquement avec l’organisme humain.
« Les courbes que forment une corde en vibration sont apparentées aux serpents
du caducée. La différence est que les sons sacrés ont une suite descendante (involution,
vers la matière) alors que la série des harmoniques est ascendante (évolution, vers le
spirituel).
Dans le Son Sacré, la fréquence fondamentale n’est pas une note avec une hauteur
précise comme en musique. Elle est dans toutes les dimensions et dans toute chose y
compris nous-mêmes. On ne peut pas trouver la fondamentale, elle se révèle d’elle
même à travers l’écoute. La guérison est toujours un retour a cette fondamentale. Nous
devons rechercher cette fondamentale partout dans nos vies. Si nous sommes

207
Les diapason ne sont pas décrits précisément, on est amené à penser qu’ils sont accordés selon des
fréquences qui correspondent au système naturel et non pas tempéré comme le suggère la figure issu des
travaux de Philippe Bougon, voir annexe 26 p. 198.
146
incapables de résonner avec une partie de nous-mêmes ou de notre environnement,
alors nous devenons « dissonants » ou malades.

La fondamentale est le diapason, au sens étymologique ‘‘à travers tout’’ ; et le


fondement cosmique de la création. ‘‘Wu Ch’i’’ en Chine, et ‘‘Om’’ en Inde.» 208
Nous retrouvons encore une fois les mêmes références aux traditions chinoises
et indiennes, avec leurs systèmes de perception subtile et de circulation de l’énergie
vitale dans l’organisme. Le système des méridiens est plutôt complexe car il regroupe
bien plus de points principaux que les sept chakras dont nous avons parlé. Dans la
médecine traditionnelle chinoise, on dénombre douze méridiens principaux : foie,
rate/pancréas, poumons, cœur, reins, vésicule biliaire, estomac, gros intestin, intestin
grêle, vessie, le maître-cœur et triple réchauffeur209 plus deux autres méridiens qui
longent la colonne vertébrale et dont certains points correspondent aux chakras ; ils
sont appelés le « vaisseau gouverneur » et le « vaisseau conception ».

Le vaisseau gouverneur210 Méridien de la vessie211

Pour harmoniser certaines parties du corps humain, John Beaulieu utilise


plusieurs diapasons en fonction des planches d’acuponcture de la tradition chinoise et
selon les proportions harmoniques du corps humain (voir annexe 27 p. 200). Les
diapasons sont en métal avec parfois une extrémité relativement pointue afin de pouvoir

208
Traduction d’un paragraphe du livre de John Beaulieu, Music of the Healing Arts, New York, Station
Hill Press, 1987.
209
Ces méridiens relient et équilibrent les autres selon deux catégories (maître-cœur : yin / triple
réchauffeur : yang ).
210
Figure issue du livre de Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, op. cit.

147
appliquer très précisément les vibrations harmoniques212 sur les points correspondants
aux différents méridiens.

« Les diapasons à tempérament juste offrent une méthode simple et efficace


pour activer la série des harmoniques en méditation ou pour un soin. Écouter les
intervalles pythagoriciens purs est une méthode d’harmonisation par les Sons Sacrés.
Ces intervalles sont inhérents à la nature et sont considérés par les Anciens comme
faisant partie même de l’âme humaine et de son psychisme. Chaque intervalle peut
potentiellement éveiller en nous un archétype universel profond. Nous comprendrons
cela bien mieux en observant la théorie de la résonance.
Les intervalles des diapasons créent profondément en nous-mêmes une
résonance sympathique avec la qualité des Sons Sacrés. L’archétype commence par
aligner nos pensées et notre corps physique autour de cette vibration. Par exemple,
lorsqu’un diapason est frappé, on observe assez souvent un mouvement de la tête et du
corps ajustés aux proportions du son. C’est une forme de résonance forcée. Notre
corps et notre esprit deviennent une caisse de résonance pour les Sons Sacrés.
Si nous regardons notre corps comme la manifestation d’un échantillon des Sons
Sacrés, nous pouvons commencer a comprendre comment les diapasons peuvent être
utilisé pour des soins. »213

John Beaulieu explique que les proportions harmoniques du corps peuvent être
déterminées en divisant la distance (mesurée en pouces – inches en anglais) la plus
petite avec la distance la plus grande, en relation avec les fractions des intervalles
musicaux. Par exemple, dans le diagramme les harmoniques du corps (voir annexe 27
p. 200), la distance entre l’orteil et le coccyx est de 43.6 inches. Et la distance du
coccyx au sommet de la tête est de 32.5 inches. En divisant 32.5 par 43.6 on obtient la
proportion 0.745 ce qui, d’après Beaulieu, correspond musicalement à l’intervalle d’une
« quarte juste ». Or la valeur : 0,745 ne correspond, à priori, à aucun intervalle musical ;
il faut plutôt diviser 43.6 par 32.5 = 1,34 ce qui correspond effectivement à une quarte
dans le tableau des échelles du son (voir annexe 10 p.178 : tableau des proportions de
l’octave). C’est donc le calcul inverse qu’il faut effectuer pour obtenir les rapports en

211
Idem.
212
Le diapason ne possède que très peu d’harmoniques comme nous l’avons déjà vu, H1 et H2, le timbre
du son est très pur et proche de la sinusoïde.

148
question. L’analyse de Beaulieu se base sur l’alignement géométrique du corps
physique, ce qu’il indique comme une méthode de guérison pour rendre à un individu
« ses proportions de Sons Sacrés ». Ainsi, un bon observateur du corps pourrait repérer
à l’œil nu les éventuels déséquilibres. En kinésiologie par exemple, la contraction
involontaire des muscles d’un patient (épaules relevées par exemple) est effectivement
interprétée comme un signe de stress214. Le thérapeute apprend à associer ces postures à
des attitudes mentales et aux tendances pathologiques de certains organes. Connaissant
l’acuponcture, Beaulieu serait alors à même de pouvoir dynamiser certains points
affaiblis en énergie par les diapasons dont la fréquence correspond aux « proportions
harmoniques du corps ».

J’ai rencontré à Exeter, en Angleterre, une musicothérapeute du nom de Barbara


Blakemore qui, selon cette méthode, utilise ce type de diapasons. Je n’ai pas pu assister
à une séance complète, mais j’ai pu expérimenter la fréquence vibratoire de ces
instruments pointus, à plusieurs endroits du corps et en ressentir les effets. Il semblerait
que cette technique ne soit réellement envisageable que par des médecins qui possèdent
déjà une bonne connaissance du système des méridiens. Jonathan Cope m’a également
présenté plusieurs gammes de ces diapasons harmoniques.

32. Thérapie réceptive

321. Allongé sur une cithare harmonique


La société Saintenart (Suisse) a mis au point plusieurs instruments à cordes aux
propriétés harmoniques. Marc Ramser, le luthier, a ainsi conçu un instrument qui réunit
sur une large caisse de résonance en bois, de nombreuses cordes.

213
John Beaulieu, Music and Sound in the Healing Arts , Station Hill Press, 1987, p.89
214
J’ai pu observé ce type de pratique et de fonctionnement par l’intermédiaire du kinésiologue
O.Fraysse, dont le cabinet est situé à Toulouse.
149
le polychord de Marc Ramser

Le « polychord » est une cithare harmonique triple. Il comprend d’abord 24


cordes à vide accordées sur la même fréquence qui font résonner, comme pour la harpe
éolienne, ses harmoniques par sympathie acoustique ; ensuite, quatre cordes de jeu,
également à vide, accordées selon le principe de la tempura et conservant ainsi le même
effet sonore très riche en harmoniques ; enfin, vingt autres cordes sont présentées avec
des chevalets amovibles, à la manière du koto japonais, ce qui permet de jouer sur les
intervalles relevant d’un choix plus personnel. L'instrument est dit idéal pour la
musique méditative et improvisée. Il serait particulièrement efficace pour étudier
l'interaction des intervalles naturels et des proportions de cordes.
Marc Ramser a développé l’instrument, qu’il présentait déjà comme un outil
thérapeutique, pour en faire un véritable « lit harmonique ». Son sound bed est la
version acoustique et harmonique de celui du soundbeam project dont nous avons parlé
dans le chapitre concernant la perception du son. Selon Marc Ramser, ce principe
trouverait son origine en Inde, où pendant des siècles un instrument similaire aurait été
employé à des fins thérapeutiques. Le patient reste allongé sur l'instrument qui est joué
du dessous par le thérapeute.

Le sound bed côté cithare Système réversible

150
Jonathan Cope, qui a eu l’occasion d’essayer l’instrument, m’a confié que
l'expérience acoustique est saisissante. Les vibrations sont physiquement ressenties par
l’intermédiaire des diverses cordes dont le son agit directement sur le corps. Marc
Ramser rappelle que les « sons parfaits », sous-entendu ceux possédant des intervalles
naturels générés pas les harmoniques, peuvent « purifier les molécules d'eau pour
perfectionner la beauté et l'harmonie » (sic.). Nous pouvons supposer qu’il s’appuie
sur les travaux de Hans Jenny et d’Emoto, en affirmant ainsi que la thérapie se fait au
niveau cellulaire. Les « ouïes » de l’instrument, si l’on peut dire, ont été disposées selon
les chakras et les genoux d’une personne allongée.

Le sound bed côté lit

322. Massages sonores


Anneke Huyser215, par son expérience avec les bols chantants, raconte comment
les vibrations harmoniques émises par les bols peuvent être utilisées en thérapie
réceptive. Des séances de perception du son des bols frappés et frottés se pratiquent de
plus en plus. Plaçant le patient dans une position et dans un contexte plutôt confortable,
le thérapeute va faire résonner un ou plusieurs bols, plus ou moins proches du corps.
Elle parle ainsi de « massage sonore »216. L’ayant expérimenté personnellement

215
Anneke Huyser, le bol chantant, Binkey Kok, 1999.
216
Cela nous renvoie à la perception tactile dont nous avons parlé au cours du chapitre II, notamment par
l’intermédiaire des basses amplifiées.
151
plusieurs fois217, j’ai remarqué que les bols très graves était généralement mieux
ressentis sous les pieds, le long des jambes et au niveau du bassin. On peut se permettre
d’approcher sans gêne le bol du corps et parfois même le mettre en contact direct. On
peut également utiliser les bols graves le long du dos en prenant soin de ne pas
s’approcher trop près de la tête. Les bols plus aigus sont appréciables au niveau du
buste et de la tête, en observant toujours une distance de sécurité, notamment au niveau
des oreilles qui sont très sensibles aux sons aigus et métalliques, et qui troublent
souvent la perception tactile des vibrations. Des protections auditives peuvent être très
utiles lors de ces séances.
Oriane Robidou pratique également
lors de ses stages, des séances de massage
sonore. nous avons vu lors du chapitre IV, que
les bols aux harmoniques complexes étaient
qualifiés de « dynamisants », ils auraient ainsi
la propriété de « disperser les énergies
stagnantes », alors que les bols consonants
(harmoniques aux rapports simples) sont plus
propices aux séances de relaxation. Oriane
utilise également des bols en cristal qui sont
très consonants et dont l’amplitude peut se
répandre dans une large pièce et ainsi
« harmoniser » les personnes qui s’y trouvent,
ainsi que lieu lui-même, comme elle le précise
au cours de la pratique.
Le didgeridoo peut également être un instrument de massage sonore efficace.
On peut effectivement diriger le pavillon de la trompe en direction d’une partie du
corps du patient (par exemple les jambes) et lui faire ressentir la vibration générale ainsi
que plusieurs harmoniques. La distance qui sépare l’instrument des différentes parties
du corps du patient varie selon la sensibilité tactile de celui-ci ; c’est pourquoi le
thérapeute doit toujours être très attentif, pendant le soin, à la moindre réaction du

217
Avant même d’avoir consulté les ouvrages qui décrivent cette pratique, j’avais plusieurs fois fait
l’expérience sur moi-même et sur d’autres personnes avec divers bols en métaux acquis dans des
brocantes et festivals spécialisés mais aussi au Japon et au Viêt-Nam. J’ai tâché de sélectionner une
gamme de bols plutôt consonants.
152
patient, afin d’ajuster, en fonction de celle-ci, les différents paramètres tels que le
volume, la distance, la durée etc.

Nous pouvons enfin considérer par exemple les tuyaux harmoniques comme
étant potentiellement des instruments de « massage sonore harmonique ». Selon la
méthode décrite dans le chapitre IV, en faisant circuler l’air à travers le tube et en
générant ainsi une harmonique, l’air rejeté peut très bien être dirigé vers une partie du
corps d’un patient. Le diamètre du tuyau étant d’environs 4 cm on obtient une précision
suffisante pour suivre le tracé d’un méridien d’acuponcture, par exemple. Or il faudrait,
pour obtenir un jet d’air conséquent, trouver un système de soufflerie (de préférence
silencieux) qui permette au patient de ressentir concrètement la vibration des
harmoniques.

33. Thérapie active

331. Un effet psychologique ?


Les thérapies actives qui utilisent des instruments harmoniques seraient
observables, d’après les conceptions et les expériences que nous avons pu aborder, sur
chacun des musiciens qui utilisent des instruments harmoniques. Ils seraient ainsi sujets
aux vibrations et à la mise en résonance des harmoniques, qu’ils en soient conscients ou
non. On pourrait effectivement recueillir les témoignages des musiciens traditionnels
jouant des guimbardes, flûtes harmoniques, monocordes, tempura, instruments à cordes
sympathiques (etc.) et leur soumettre la question des effets que ces instruments leur
procurent. La réponse pourrait sembler évidente, et comparable à celles de nombreux
autres musiciens qui prennent plaisir à jouer de leur instrument « inharmonique » et
tempérés (piano, guitare etc.). Pourtant il semble que ces musiciens se distinguent tout
de même des autres comme le suggère le témoignage du joueur de flûte harmonique
Jean-Pierre Yvert :
« Je ne me sens pas tout à fait flûtiste, parce qu'incapable de bouger les doigts
sur une flûte ! Ce qui me rattache à cette famille, c'est le souffle. Quand je rencontre
des joueurs de cors des Alpes, par contre, ou même des gens qui font du chant
harmonique, on a tout de suite un dialogue. Je trouve dans les harmoniques une
dimension mystique. J'ai récemment travaillé sur mon ordinateur, à l'aide d'un logiciel

153
qui fait des schémas, et en y rentrant un certain nombre de données concernant les
harmoniques il m'est sorti une spirale rappelant celle des nautiles, ces coquillages à la
géométrie très particulière et qui résistent si bien aux pressions extérieures. Le monde
des harmoniques avec ses manières de penser, de raisonner, contraste avec le monde
tempéré où tout est droit, égal... »

Jacques Mayoud et Jean-Pierre Yvert218

La dimension « sonique » (effet physique du son) paraît capitale dans les effets
et la perception des sons harmoniques et pourtant généralement peu approfondie par les
« thérapies harmoniques » (pour ce que j’ai pu en observer219). C’est pourquoi nous
devons également prendre en compte une dimension psychologique qui intervient
lorsque le musicien prend conscience du « pouvoir » de son instrument. Il semblerait
que ces deux dimensions soient étroitement liées, et que les thérapeutes utilisent cette
relation, consciemment ou non, au cour de leurs séances. Le terme « harmonique », les
photos des figures de Chaldni et Jenny, les cristaux d’Emoto, les symboles antiques
suggérés par les Pythagoriciens, le côté naturel et le côté sacré attachés à cette catégorie
d’instruments sont autant de sujets de « fascination » qui peuvent être amenés à
influencer considérablement un musicien au niveau psychologique. Ces arguments
peuvent également s’avérer très efficaces pour inciter un mélomane à s’essayer sur l’un
de ces instruments.

218
Jacques Mayoud et Jean-Pierre Yvert qui, en France sont des passionnés de flûtes harmoniques, forme
un duo avec différents types de ces flûtes.
219
Il est le plus souvent question de résonance par sympathie sur les organes ou les cellules du corps mais
tout cela reste globalement très superficiel. L’intuition est préférée à l’intellect et c’est sans doute pour
cela que ces pratiques, bien que pouvant être parfois très efficaces, ont du mal à trouver leur place dans le
milieu scientifique.
154
La thérapie active doit être, rappelons-le, à la portée des non-musiciens afin
qu’ils puissent jouir immédiatement du résultat sonore et, éventuellement, de leurs
effets soniques. Les instruments harmoniques sont en ce sens assez facile d’accès. C’est
pourquoi, en peu de temps, n’importe quelle personne pour peu psychologiquement
conditionnée à recevoir les bienfaits des vibrations harmoniques, peut véritablement
apprécier les effets générés par la pratique du bol en cristal, de la cithare harmonique
(toutes les cordes à l’unisson) ou bien encore des tuyaux harmoniques.

332. Sons harmoniques et mouvements corporels


Les tuyaux harmoniques constituent des instruments harmoniques exemplaires
pour la thérapie active. Sarah Hopkins les utilisait initialement comme agréments pour
la musique de son violoncelle, mais aussi pour d’autres instruments harmoniques
comme le didgeridoo, ou encore des techniques de chant diphoniques (extrait de
musique de violoncelle, chant tibétain et whiriles CD plage 20). Ce type de musique est
présenté comme une musique thérapeutique220.
Or, suite à sa rencontre en 1996 avec le
« professeur spirituel et guérisseur » Mike Robinson,
Sarah Hopkins prit conscience que les whirlies sont des
instruments véritablement bénéfiques pour les
personnes qui les pratiquent. Elle explique alors que,
grâce à ses « qualités de clairvoyance », Mike Robinson
pouvait voir comment les tuyaux dégageaient « un
puissant pouvoir curatif sur l’aura même des
pratiquants ». Tous deux ont ainsi répertorié les
différents effets thérapeutiques des whirlies selon 24
tonalités différentes testées sur des individus et des
groupes. Ils ont alors dressé un diagramme des
vibrations curatives221 qui détaille les effets
thérapeutiques de 16 différents instruments sur les
chakras, les méridiens, les points d’acuponcture et sur le « champ émotionnel ».

220
Informations recueillies sur le site de Sarah Hopkins : http://www.sarahhopkins.com

155
Les instruments sont alors décrits comme tels:

« les whirlies possèdent un extraordinaire pouvoir d’harmonisation, allégeant


les dépressions, nettoyant vos champs auriques et celui des autres, nettoyant votre
maison ou votre lieu de travail où l’énergie ‘‘négative’’ stagne. »222

Des sets de tuyaux harmoniques ont été employés et appréciés par beaucoup
d'écoles, des groupes communautaires, des écoles spécialisées, des thérapeutes, des
compagnies de danse et des individus à travers le monde. L’approche thérapeutique de
Sarah Hopkins donne en effet à la pratique de ces instruments, une dimension
d’expression sonore mais aussi d’expression dans l’espace. Si l’on peut faire tourner
simplement un tuyau harmonique devant soi ou au-dessus de sa tête, en se concentrant
sur le jeu et les effets des harmoniques, on peut également concevoir de se
déplacer dans l’espace, en se laissant guider par les mouvements et les sons des
whirlies. On est alors amené à penser que la thérapie se renforce d’autant plus
lorsqu’elle est associée à une forme d’expression corporelle.

Parallèlement à cette pratique thérapeutique et après avoir expérimenté le côté


sonore et musical de l’instrument, j’ai moi-même été conduit à développer la pratique
« dansée » de ces instruments. Avec la précieuse participation du musicien et luthier
Jérôme Desigaud, j’ai réuni et mis au point des tuyaux harmoniques de tailles et
tonalités différentes (comme nous avons pu le voir au cours du chapitre IV) ainsi que
des « bâtons-rhombes » dans le but de les faire tourner au cours d’un mouvement
corporel. Ces bâtons reprennent le principe d’un instrument appelé « spirit catcher » qui
était utilisé par les Amérindiens pendant certains rituels shamaniques223. Avec Jérôme
Desigaud, nous avons organisés, pour le festival des Noces Harmoniques 2005224, une
prestation de « jongle harmonique225 » qui mettait en scène plusieurs danseurs ou
jongleurs munis de tuyaux harmoniques accordés selon la gamme qui correspond à

221
Diagramme qui ne peut être consulté que suite à l’achat d’un jeu de whirlies.
222
Informations recueillies sur le site des whirlies : http://www.harmonicwhirlies.com
223
Information recueillie par un vendeur du magasin où j’ai pu trouver l’instrument, Boch et Pich, basé à
Lyon, op. cit. Le spirit catcher est une sorte de longue crécelle en bois sur laquelle sont tendus plusieurs
élastiques qui, en tournant, se mettent en vibration et font résonner les harmoniques en fonction de la
vitesse de rotation.
224
Organisé par l’association AEH et dirigé par Jacques Dudon, op. cit.
225
La pratique qui consiste à faire tourner un objet régulièrement est apparenté à la danse et à la jonglerie
mais n’a pas été nommé distinctement en France. En Angleterre elle est appelée : spinning.
156
l’échelle des tuyaux 1 et 2 (voir tableau des tuyaux harmoniques, chapitre IV) et de
bâtons-rhombes. La performance a été effectuée en public, et sonorisée par cinq micros
disposés autour d’une scène.

Photo de tuyaux harmoniques et bâtons-rhombes226

Sans parler pour autant de thérapie, la pratique de ces instruments mariée aux
mouvements corporels a révélé certaines émotions, aussi bien auprès des musiciens-
danseurs qu’auprès du public227. On peut tout de même penser que cette activité mettant
l’accent sur le lien entre expression corporelle et production active des harmoniques
ouvre un champ à explorer, comme le suggère les travaux de Sarah Hopkins, au sein de
ses pratiques thérapeutiques.

226
Photo prise lors du festival « Les Noces Harmoniques » en Août 2005.
227
Un enregistrement vidéo et audio de la performance a été effectué par l’association AEH et devrait
être disponible par le biais du site officiel : http://aeh.free.fr/
157
Conclusion

Notre travail a tenté de mettre en évidence que le phénomène acoustique des


harmoniques et de leurs résonances soulève de nombreuses questions, aussi bien dans le
domaine musical que dans les pratiques thérapeutiques. Nous avons également noté que
le caractère prétendument sacré et naturel des techniques et instruments qui le mettent
en évidence, ont fait naître en Occident un intérêt incontestable, observable lors des
festivals organisés à cette occasion, et chez les musiciens et musicothérapeutes que
nous avons pu découvrir au cours de cette étude. Ce caractère semble fédérer des
communautés particulièrement sensibles à des principes philosophiques et esthétiques
basés principalement sur un « retour aux sources naturelles » qui tendent à s’opposer
aux valeurs de la société occidentale contemporaine et de la musique du monde
moderne. Cet engouement a ainsi donné naissance à de nouvelles lutheries et à de
nouvelles thérapies appuyées sur le patrimoine de plusieurs cultures (occidentale,
asiatique, amérindienne, australienne etc.).

Ayant choisi d’étudier le phénomène acoustique qui relie ces mouvements de


pensée, nous avons pu observer la manifestation de la résonance sous plusieurs angles.
Selon le choix d’instrument lui-même en fonction du mode harmonique, et selon la
longueur d’une corde ou le volume d’un résonateur. Nous avons également vu que les
effets de cette résonance peuvent se faire au niveau physiologique, selon un mode de
pensée particulier, sur différentes parties du corps. Il est enfin observable, de manière
plus subtile, sur le plan psychologique et émotionnel. Serions-nous donc capables de
percevoir les vibrations harmoniques par la peau, par les muscles, les os, les
organes ? Pour les personnes qui pratiquent les expériences dont nous avons parlé au
cours de cette étude, cela semble indéniable. Il faudrait désormais/maintenant
confronter cela aux point de vue de scientifiques s’appuyant sur des protocoles d’étude
rigoureux. Concernant les effets manifestés sur l’aspect émotionnel de l’auditeur, on
rassemblera les réserves que nous avons pu émettre en une remarque fondamentale :
encore faut-il qu’il soit réceptif. Nous avons vu comment cet état de réceptivité est
conditionné par une certaine « croyance »228 en l’efficacité de la pratique même, et à

228
Cette croyance pourrait se résumer à l’état psychologique et physiologique de l’auditeur quant à la
vibration sonore et la symbolique qu’elle véhicule. Elle peut être comparée à la foi religieuse à travers les
émotions qu’elle soulève et les conséquences qu’elle peut entraîner.
158
travers la conception du « système énergétique ». Il nous semble donc impossible de ne
pas tenir compte d’une dimension psychologique dans les effets de la musique et du son
sur le corps. Cette dimension représente une condition qui paraît d’ailleurs toute aussi
importante que celle qui concerne les effets purement soniques.

Nous aurions également pu prendre en compte le phénomène des harmoniques


au sein de la musique spectrale229, au sein des musiques électro-acoustiques et
électroniques, mais les limites de volume dans ce travail, nous ont imposé ce choix de
remettre à d’autres travaux cet aspect de la question . Dans l’univers musical que nous
avons présenté, la musique appelée électro trance230 est particulièrement riche en effets
sonores et utilisation des harmoniques ; elle est par ailleurs fortement attachée au
caractère naturel et tribal que nous avons pu constater ainsi qu’à l’aspect mythologique
et sacré de la culture indienne. Le dub occidental231 manifeste également cet intérêt
pour le métissage de la « musique ethnique » avec la musique électronique actuelle. La
trance acoustique232 est également un nouveau courant musical qui s’intègre bien dans
ce phénomène global. On pourrait alors considérer, une fois de plus, les effets des
harmoniques et de leur résonance dans un contexte non plus acoustique et
thérapeutique, mais plutôt électronique et sociologique.

Enfin, au delà des aspects symboliques et soniques que nous avons pu


remarquer dans travers le domaine des thérapies harmoniques, nous pourrions envisager
une conception esthétique du son agissant également sur l’émotionnel, mais donnant
lieu à d’autres effets, tant et si bien que la résonance des harmoniques pourrait ainsi
être appréciable à travers la défonctionalisation de certains objets tout à fait étrangers
aux contextes que nous avons pu évoquer. Certains appareils électriques par exemple

229
Musique principalement élaborée à partir du son et de ses différentes propriétés acoustiques, apparue
au début des années 1970 et représenté par des compositeurs comme Gérard Grisey, Tristan Murail,
Horatio Radulescu.
Bruno Giner décrit les différents aspects du son exploités dans ses compositions :
« Qu'il s'agisse de simulation de spectres, d'harmonies fréquentielles, de synthèse instrumentale, de
"résonances sympathiques", d'hybridation de transitoires ou de simulation instrumentale de procédés
électroniques, les axes de travail sont multiples, variés, mais ils puisent tous leur origine dans
l'introspection du son lui-même. »
230
issue de la techno généralisante, elle se décline pendant les années 1990, selon différents courants
musicaux (goa, psyche, full on, progressive etc.).
231
Issu de la Jamaïque (disques de reggae mixés avec des effets de reverbe, chorus, flanger etc.) le dub
prend en Occident une nouvelle route avec des groupes comme Hight Tone, Zenzile etc.
232
courant musical issu de la trance électronique (retour à l’acoustique) et des musiques ethniques,
représenté en France, par exemple, à travers des groupes comme High Light Tribe ou Meï Teï Sho.
159
(ordinateurs, appareils électroménagers, radiateurs électriques, néons, générateurs etc.)
émettent des vibrations qui sont considérées en musicothérapie (classique et
harmonique) comme néfastes pour l’organisme et la santé émotionnelle. Elles sont
d’ailleurs très souvent considérées par les thérapeutes comme étant la source principale
des pathologies dues au stress urbain. Or, si l’on prête une attention à certaines de ces
machines, on peut effectivement percevoir des sons qui résonnent en fonction d’une
vibration fondamentale (audible ou non ) et reconnaître, encore une fois, les intervalles
qui composent la série des harmoniques. On peut ainsi concevoir un certain esthétisme
sonore, allant à l’encontre des thérapies harmoniques, et soulignant d’autant plus
l’importance des conditions psychologiques dans le domaine de la perception des sons
et de leur effets. Nous pourrions, par exemple, confronter ces sons harmoniques avec
ceux que l’on trouve dans les instruments acoustiques, qui sont « si proches de la
nature »233 pour sans doute en déduire la validité d’autres conceptions esthétiques et
d’autres effets psychologiques. Mais c’est là une autre question.

233
La nature est ici entendue comme un symbole idéologique, pourtant on ne peut contester que les
harmoniques générés par des machines électroniques suivent le même phénomène naturel.
160
- ANNEXES -

RESONANCE ET PERCEPTION DES HARMONIQUES NATURELLES

161
Annexe 1
LES PERSONNAGES HISTORIQUES DES HARMONIQUES

PYTHAGORE (env.570 av J.C / Grèce)


Les travaux de Pythagore peuvent constituer une réelle base
dans la recherche et l’analyse des harmoniques. A partir d’une simple
corde tendue, Pythagore étudie et découvre les rapports de fréquences
selon des proportions géométriques. Il met ainsi en évidence des
intervalles fondamentaux.

PTOLEMEE (90 – 168 / Egypte)


Ptolémée était un astronome et astrologue grec qui vécut à
Alexandrie (aujourd’hui en Égypte). Il a également écrit les
Harmoniques, un traité de musicologie de référence. Après une critique
des approches de ses prédécesseurs, Ptolémée y plaide pour baser des
intervalles musicaux sur des proportions mathématiques (contrairement
aux partisans d'Aristoxène), soutenus par observation empirique
(contrairement à l'approche purement théorique de l’École
pythagoricienne). Il a présenté ses propres divisions du tétracorde et de
l'octave, qu'il a dérivé avec l'aide d'un monocorde. L’intérêt de Ptolémée pour l’astronomie
apparaît également dans une discussion sur la musique des sphères.

ZARLINO (1517 – 1590 / Italie)


Dans ses Institutioni harmoniche, en 1558, il apparaît comme
le premier théoricien de l’accord parfait. Sa vision du vertical
annonce toute la musique baroque et la progression vers la tonalité.
Son traité est contemporain du traité des proportions d'Albrecht Dürer
(1528). Tous deux offrent à l'artiste un statut de chercheur, capable de
diriger sa composition vers une perception particulière.

DESCARTES René (1596 - 1650 / France, Hollande, Suède)


En suivant dans l’ensemble les Institutions harmoniques de
Zarlino dans sa théorie mathématique des consonances, Descartes
cherche fondamentalement la clé des phénomènes sonores dans la
connaissances des intervalle harmoniques de la gamme ‘‘naturelle’’
et, par là, annonce directement le principe ramiste du primat de
l’harmonie sur la mélodie (Musicae Compendium. 1618).

SAUVEUR Joseph (1653 - 1716 / France) :


En découvrant une méthode permettant de compter les vibrations d’un son, il a réussi à
démontrer que derrière les rapports de longueur de cordes (déjà invoqués par les
Pythagoriciens) il y a les rapport de vibration ou fréquences constituent le son physique lui-

162
même de sorte que les sons harmoniques possèdent une fréquence multiple de celle du son
fondamental.

RAMEAU Jean-Philippe (1683 – 1764 / France)


Il crée, par son Traité de l'harmonie restreinte à ses principes
naturels (1722) la science harmonique, la science des accords. La
théorie musicale de Rameau fonde la pratique de la composition : en
expliquant le principe de renversement des accords, il démontre
l'invariance de l’état fondamental. Cette évolution vers la
simplification permit la mise en place de la basse continue et un
nouveau traitement de la dissonance. Elle contient en germe les
forces directrices de rationalisation de la tonalité mises en place à
l'époque baroque : la réduction de l'accord à une superposition de tierces (accord parfait),
permet de contenir l'ensemble de la gamme autour de trois accords pivots (I / IV / V).

CHLADNI Ernst Florens Friedrich (1756 -1827 / Allemagne)


Auteur de travaux d'acoustique, il découvrit les vibrations longitudinales des cordes.
Dès 1787, il montra qu'en faisant vibrer une plaque saupoudrée de sable, on observait une
accumulation de sable suivant certaines lignes droites ou courbes, lignes indiquant les points
où le mouvement vibratoire est nul. Ainsi sont obtenues sur la plaque les figures, dites de
Chladni, mises en vibrations de plaques métalliques excitées par un archet et observation de
figures dessinées par du sable, matérialisant les lignes nodales (de non vibration) des ondes
stationnaires transversales.

FOURIER Joseph (1768 – 1830 / France)


En étudiant la propagation de la chaleur, il découvrit un
puissant instrument mathématique, les séries trigonométriques
dites « séries de Fourier ». Les premiers travaux de Joseph Fourier
sur la décomposition d’une fonction périodique en une somme de
fonctions sinusoïdales simples avaient laissé penser que la solution
du problème du timbre devait se trouver dans l'analyse harmonique
du son. Son théorème démontre que tous les timbres, même les
plus complexes sont, en réalité, des combinaisons d’ondes sinusoïdales simples qui diffèrent en
amplitude et en phase.

HELMHOLTZ Hermann Ludwig von


(1821 – 1894 / Allemagne)

Dans sa théorie physiologique de


la musique il présente une nouvelle théorie
de la perception, en s’appuyant sur la mise
en évidence des harmoniques d’un son
périodique et le calcul de leur intensité au
moyen de résonateurs. Il découvre
parallèlement les fréquences de partiels
inharmoniques et observe leur importance dans la nature du son.

163
Annexe 2
HISTORIQUE DES TESTS SONORES
Effet de la musique et du son sur le minéral :
Message de l’eau par le Dr.Emoto :
Formé par le Dr Lee H. Lorenzen (recherche sur la capacité de rétention et de
stockage d’information par les micro-clusters dans l’eau) le Dr. Mazaru Emoto et son
I.H.M. Général Research Institute ont photographié à la fin des années 90’, des
échantillons d’eau de natures différentes sous forme cristallisé : parmi leur travaux, un
test sonore a été soumis à plusieurs échantillons d’une même eau. Les premières
questions posées sont : « Est-ce que l’eau ‘‘entend’’ les sons ? » et « Comment jouer de
la musique à l’eau ? ».
« Après de nombreux essais et erreurs, nous avons décidé d’adopter la
procédure suivante : Mettre de l’eau distillée entre deux hauts parleurs et passer un
morceau entier de musique a un volume normal. Tapoter le fond de la bouteille d’eau
distillée et laisser reposer une nuit. Le lendemain, bien tapoter à nouveau avant de
congeler l’eau pour obtenir la distillation. Photographier les cristaux.234 »
Ces expériences ont été réalisées dans des conditions de laboratoire, dans un
contexte général très neutre, un même volume d’eau par échantillon, une même
distance par rapport aux haut-parleurs etc. Les interprétations des chercheurs sont
basées sur la formation d’un cristal plus ou moins parfait (figure hexagonale comme un
flocon de neige) qui indiquerait manifestement le type d’effet reçu. Un cristal bien
formé laisserait entendre une influence positive, alors qu’un échantillon dont le cristal
à été brisé ou troublé, sous-entendrait que l’audition à été mal perçue. Mais au-delà des
ces deux grandes directions, l’auteur précise que les résultats sont parfois de natures
différentes pour le même échantillon et pendant la même écoute : les points communs
de ces échantillons donnent alors des interprétations souvent très influencées par le
caractère de la musique (plutôt triste, serein, dansant, violent) par son titre, ou encore
par l’histoire de l’œuvre. Ainsi, le cristal de Heartbreak Hotel ressemblerait à un cœur
brisé etc.

234
Emoto Mazaru, Messages de l’Eau, Hado publishing, 2001.

164
PHOTOGRAPHIES DES TESTS SONORES D’EMOTO
Les cristaux sont présentés avec les morceaux correspondants à leur écoute.

La Pastorale de Beethoven Symphonie N° 40 Sol mineur de Mozart

Les Variations Golberg de Bach Les Adieux de Chopin

Musique thérapeutique Hado Un sutra tibétain

Kawachi, danse populaire Coréenne Heartbreak Hotel d’Elvis Presley

Musique heavy metal Une musique très populaire au Japon

165
Le Dr Emoto met en évidence ici que la réceptivité de la musique par les
molécules d’eau, affecterait tous les organismes vivants, dans le sens où ces derniers
sont constitués principalement d’eau. En parlant d’un œuf humain fertilisé par la
rencontre d’un spermatozoïde et de l’ovule, il explique : « à cet instant, il est constitué
de 95 % d’eau, autrement dit, ce n’est pratiquement que de l’eau. A l’âge adulte, l’eau
constitue encore 70 % du corps humain. »
Si l’eau est aussi sensible aux vibrations sonores que les expériences menées par
ces chercheurs le laissent entendre, elle pourrait alors participer à notre système de
perception des sons. Nous savons dès lors que tout sujet constitué d’eau va être
sensible, consciemment ou non, à la réception d’un événement sonore.

Les figures de Chaldni235 :


En 1790, le juriste, musicien et physicien Ernst Chaldni expose des représentations
graphiques obtenues à partir d’un son. Sur une fine plaque de métal élastique (cuivre
ou bronze) fixée sur un pilier en son milieu, est
disposée une certaine quantité de sable très fin,
comme de la poudre de lycopode. Cette plaque est
alors frottée sur un coté avec le doigt ou un archet.

Le sable s’éloigne alors naturellement des zones


vibratoires les plus fortes. Nous voyons donc, sur ces
illustrations, deux types de zones : celles qui vibrent (en
blanc) et celles qui ne vibrent pas et où vont se
regrouper les grains de sable (en noir). Des figures
apparaissent alors en fonction de la fréquence propre de la plaque et de l’intensité de la
vibration. Plus la fréquence est élevée, plus le dessin est compliqué et détaillé. Que
signifie cette découverte ? Chaldni a démontré que le son affecte la matière physique et
qu’à chaque fréquence correspond une figure géométrique spécifique

166
La Cymatique de Hans Jenny236
En 1967, le Docteur Suisse Hans Jenny publie le
livre : « Cymatics - The Structure and Dynamics of
Waves and Vibrations » dans lequel il décrit les formes
et les mouvements de diverses substances (sables,
spores, particules métalliques, eau, substances
visqueuses etc.) sur des plaques de métal ou autres
membranes mises en vibration. Il mit au point un
appareil appelé « tonoscope » lui permettant de sélectionner précisément la fréquence et
l’amplitude des sons émis.
Tout comme pour Chaldni deux siècles plus tôt, il put constater la formation des figures
géométriques, mais cette fois ci, avec le tonoscope, il lui était possible de contrôler le
développement de ces figures.

Ainsi nous pouvons remarquer, en six étapes, le développement d’une fréquence selon
son amplitude avec du sable (à gauche), et six fréquences différentes photographiées à
partir d’une goutte d’eau (à droite). Ces figures enchaînées correspondent à une
mélodie. Ci-dessous des clichés en couleur et sur le CD joint, un extrait vidéo de ces
expériences (voir annexes, CD : documents vidéos : cymatic.mov).

235
Informations recueillies sur l’encyclopédie musicale « the new grove » 17- Stanley Sadi ed. 1980.
236
Informations et images recueillies sur le site officiel : http://www.world-
mysteries.com/sci_cymatics.htm, le 06/11/05.

167
Effet de la musique et du son sur le végétal :

Tests sonores sur les plantes de Tompkins et Bird237 :


Peter Tompkins et Christopher Bird ont réalisé de nombreuses expériences avec
des plantes vivantes soumises à une musique bien audible. Ils ont rassemblé un
ensemble d’exemples tendant à prouver que les plantes réagissent positivement à
certains types de musique où, plus simplement, à des sons qui seraient joués dans leur
entourage. Les expériences décrites se sont déroulées en Inde, au Canada et aux Etat-
Unis et montrent que ces plantes ont germé et poussé plus rapidement, ou ont produit
plus de fruits, en présence de sons aussi variés que des ragas indiens, retransmis par
haut-parleur dans des rizières, la Rhapsody in Blue, interprétée continuellement jour et
nuit, une émission continue de sons forts et aigus, ou sans hauteur particulière, un
diapason électrique mis à vibrer pendant une demi-heure, à l’aube. Ils précisent en
revanche que la note « fa », jouée huit heures par jour, ou des bruits aléatoires, peuvent
retarder la croissance des plantes soumises à l’expérience, ou même les tuer.
« S’il est évidemment impossible de formuler des généralités à partir des données
éparses fournies par des chercheurs isolés, on peut dire que les plantes sont
apparemment florissantes dans les circonstances qui précipiteraient un homme dans la
folie.238 »
Nous voyons alors se profiler la polémique des différences de perceptions des sons et
de la musique selon les sujets. Ces expériences nous fournissent des informations sur
les rapports entre des sons émis et leur sujet récepteur, mais ne permettent pas de
déduire les propriétés de tel ou tel son/musique de manière générale.

Tests sonores sur les plantes de Dorothy Retallack239:


Les expériences de Dorothy Retallack, réalisées entre 1968 et 1971 au Temple
Buell College (Colorado), s’appuient sur l’inclinaison des plantes vers les hauts
parleurs au cours des tests sonores. Ces expériences visaient à mettre en évidence les

237
D’après Joscelyn Godwin, Les harmonies du ciel e de la terre, Albin Michel. 1994 , Tompkins et
Bird, The Secret Life of Plants, (La Vie secrète des plantes), tr. L. Flournoy, Paris, Robert Laffont, 1975.
238
Commentaire de J.Godwin, , Les harmonies du ciel e de la terre, op. cit.
239
D’après Joscelyn Godwin, Les harmonies du ciel e de la terre, op. cit. Dorothy Retallack, The Sound
of Music and Plants, Santa Monica, Californie, DE Vorss, 1973.
168
effets de certains styles de musique ; observons l’échelle des réactions qu’elle a
enregistrée :

- La musique de sitar hindoue


Les plantes
- La musique classique occidentale des XVIIIè et XIX siècles
s’inclinent vers
- La Paloma jouée sur des instruments à cordes
la source sonore
- Jazz (Armstrong, Ellington)

Les plantes sont - le silence


indifférentes à la - la musique Country and Western
source sonore - quatuors à cordes de Schönberg, de Berg et de Webern

Les plantes se
- La Paloma jouée sur des tambours d’aciers
détournent
- La musique pop à percussion ou « hard rock »
de la source sonore

Les résultats de ces expériences ont déclenchés des réactions très fortes pour
certains, défendant leurs styles musicaux, et pour d’autres qui se rangeaient défendaient
plutôt du côté des plantes cobayes. Quoi qu’il en soit, ces résultats sont à comparer avec
ceux du Dr Emoto. Ils semblent tous deux indiquer que les musiques classiques
occidentales auraient tendance à déclencher des effets positifs et qu’au contraire les
musiques « hard rock » et « heavy metal » (rythme et timbre très chargés) auraient des
répercutions plus néfastes sur le sujet récepteur. La musique populaire et médiatisée
suivraient les mêmes appréciations.

Effet de la musique et du son sur l’animal :


Certains animaux utilisent leur aptitude à couvrir une large bande de fréquences à
des fins diverses240 :

• Les éléphants utilisent les infrasons pour communiquer à plusieurs kilomètres


de distance.

• Les chauves-souris utilisent les ultrasons avec leur système d’écholocation leur
permettant de se déplacer dans le noir total.

169
Le sonar des cétacés :
Dans le monde animal, certaines espèces utilisent naturellement les propriétés
du son par leur réfléchissement sur la matière comme un moyen de se repérer dans
l’espace. C’est le cas des cétacés, en général, qui possèdent un sens de l’audition
s’étendant bien au-delà des possibilités humaines. Joscelyn Godwin explique dans son
ouvrage que « puisque le son circule loin dans l’eau et se propage à une vitesse quatre
fois plus grande que sur terre, il est erroné de penser que l’océan est silencieux, ou de
considérer que ses habitants sont aussi muets que des poissons d’aquarium.»241
L’auteur précise ensuite que, tout comme pour les chauves souris qui repèrent
leurs proie grâce aux ultra-sons, les cachalot, épaulards, dauphins et marsouins utilisent
un organe qui localise les échos et transmet des données relatives à la distance, la taille,
la forme, l’espèce, et même, paraît-il, les intentions des autres animaux. Le système du
sonar nous permet de comprendre que les fréquences sonores, bien que non perçue par
l’oreille humaine, sont porteuses d’informations. Seuls certains organes sont capables
de déchiffrer ces hautes fréquences, mais selon certains paramètres, comme le volume,
elles pourraient avoir des répercussions sur les sujets ne possédant pas un tel organe.
Le sonar des dauphins, qui fonctionne par le recyclage et non l’expulsion d’air, leur
permettrait également d’imiter les paroles humaines et serait potentiellement si puissant
qu’ils pourraient s’en servir pour étourdir ou tuer les poissons dont ils se nourrissent.

Athanasius Kircher :
« Athanasius Kircher relate comment il a vu attiré des espadons par la musique
lors d’un voyage en Sicile en mai 1638. Les pécheurs attiraient leurs proies en faisant
sonner des cloches et en entonnant une certaine chanson - aucune autre ne faisait
l’affaire -, après quoi l’espadon se rapprochait assez pour être à porté de harpon. Au
début nous dit Kircher, il croyait que la chanson était une incantation, qui provoquait
l’effet voulu par l’entremise des démons. Mais après avoir réfléchi, il opta pour une
explication naturelle qu’il préféra à l’explication superstitieuse. L’expérience lui avait
appris que tout son se propage sphériquement depuis la source et que, lorsqu’il
rencontre divers obstacles, la plupart ne répondrons pas tandis que certains se mettront
en mouvement sympathique. Ainsi, comme pour l’expérience de deux luth, ou du pavé
dessellé que faisait vibrer une note d’orgue spécifique, il supposa que certains animaux

240
Informations recueillies dans l’encyclopédie Wikipédia.

170
répondait peut-être à des sons spécifiques, parce que quelque chose contenu dans leur
‘‘ esprit animaux ou fantaisie’’ vibrait en sympathie. Dans certain cas, dit-il, le
phénomène concerne une espèce toute entière ; tous les ours par exemple, adorent
écouter la flûte. Dans d’autres, c’est l’individu qui est concerné, comme lorsque nous
donnons des noms propres aux chiens, aux chevaux et aux autres animaux domestiques.
Kricher avait même entendu parlé d’un dauphin nommé Simon et d’une mainate appelé
Martin qui venaient toujours quant on les appelait par leur nom. Pourquoi les pécheurs
Siciliens n’auraient-ils pas découverts les sons avec lesquels les espadons sont, en
quelque sorte, accordés et auxquels, automatiquement, ils répondent ? »

Edith Lecourt242 :

« Influence sur l’allaitement :


Vaches : augmentation de la production qui passe de 15 a 20 % avec une musique
agréable.
Contrairement dans un environnement bruyant : production diminuée de 35 %.
En fait, il est difficile de mettre en évidence l’effet réel du bruit et de la musique. La
nocivité du bruit dépendrait de l’intensité et de la durée : études faites pour 60-90
décibels : résultats très variables qui consistent a penser que le bruit est stressant pour
un individu déficient à un certain niveau.
En effet, les expériences de laboratoires n’ont été faites que sur des animaux
emprisonnés ; avec des animaux en liberté, les résultats sont beaucoup plus difficiles a
interpréter. On prends des animaux déjà stressés (densité ou solitude, fixité, etc.) on
sait que l’agressivité des souris est multiplié par 2.

241
Joscelyn Godwin, les harmonies du Ciel et de la Terre, op.cit. Savold David “how do whales catch
their dinner?” in sciences 85, t. VI, n°4 (mai 1985), p. 26.
242
Lecourt Edith, la pratique de la musicothérapie, Paris, ESF, 1977.

171
Annexe 3
FRISE DE LA SERIE DES HARMONIQUES : progression logarithmique en fonction des intervalles
Fondamentale 8v. 5te 8v . 3ce 5te 7è 8v. 2d 3ce 4te 5te 6te 7è 7è+ 8v.

1 2 4 8

Harmoniques H1 H2 H3 H4 H5 H6 H7 H8 H9 H10 H11 H12 H13 H14 H15 H16


Rapport 1/1 1/2 3/2 1/4 5/4 6/4 7/4 1/8 9/8 10/8 11/812/813/814/815/816/8
Notes Ut do Sol do mi Sol sib- do ré mi fa#- sol la sib- si do
Raga sa sa Pa sa ga Pa ni sa re ga ma pa da ni ni sa

Annexe 4
SPIRALE DE LA SERIE DES HARMONIQUES :
progression linéaire en fonction de la fréquence (incrément = 1)

Rapports des intervalles en fonction de la fondamentale (H1):


H2 / H4 / H8 / H16 : octave H 9 : seconde
H3 / H6 / H12 : quinte H11 : quarte augmentée
H5 / H 10 : tierce H13 : sixte
H7 / H14 : septième mineure H15 : septième majeure
172
Annexe 5

REPRESENTATION DE LA SERIE DES HARMONIQUES


PAR ALAIN DANIELOU

1 2
Ut Ut

(32) (64)
1/1 2/1

2 3 4
Ut Sol Ut

(64) (96) (128)


2/1 3/2 4/2

4 5 6 7 8
Ut Mi Sol Sib- Ut

(128) (160) (192) (224) (256)


4/2 5/4 3/2 7/4 8/4

8 9 10 11 12 13 14 15 16
Ut Ré Mi Fa¼ Sol La- - Sib- Si Ut

(256) (288) (320) (352) (384) (416) (448) (480) (512)


8/4 9/8 5/4 11/8 3/2 13/8 7/4 15/8 16/8

16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32
Ut Réb Ré Mib Mi Fa- Fa¼ Solb- Sol Lab- La- - La+ Sib- Sib¼ Si si¼ Ut

(512) (544) (576) (608) (640) (672) (704) (736) (768) (800) (832) (864) (896) (928) (960) (992) (1024)
16/8 17/16 9/8 19/16 5/4 21/16 11/8 23/16 3/2 25/16 13/8 27/16 7/4 29/16 15/8 31/16 2/1

Les intervalles en italiques ne sont pratiquement pas utilisés en musique


Alain Danielou, traité de musicologie comparée, Herman, 1959. p.37 (Reproduction)

173
Annexe 6

REPRESENTATION DE LA SERIE DES HARMONIQUES


PAR LE GROVE

les 25 premières harmoniques :

Harmonique Intervalle depuis la fondamentale Note Intervalle entre les Harmoniques

1 Do 1200 cents (octave)


2 1 octave do 701-96 cents (5te juste)
3 1 octave + 701-96 cents sol 498-04 cents (4te juste)
4 2 octaves do’ 386-31 cents (3ce majeure)
5 2 octaves + 386-31 cents mi’ 315-64 cents (3ce mineure)
6 2 octaves + 701-96 cents sol’ 266-87 cents
7 2 octaves + 968-83 cents 231-17 cents
8 3 octaves do’’ 203-91 cents (ton majeur)
9 3 octaves + 203-91 cents ré’’ 182-40 cents (ton mineur) )
10 3 octaves + 386-31 cents mi’’ 165-00 cents
11 3 octaves + 551-32 cents 150-64 cents
12 3 octaves + 701-96 cents sol’’ 138-57 cents
13 3 octaves + 840-53 cents 128-30 cents
14 3 octaves + 968-83 cents 119-44 cents
15 3 octaves + 1088-27 cents si’’ 111-73 cents (demi-ton diatonique)
16 4 octaves do’’’ 104-96 cents (utilisé par J.Wallis)
17 4 octaves + 104-96 cents 98-95 cents (utilisé par J.Wallis)
18 4 octaves + 203-91 cents ré’’’ 93-60 cents (utilisé par J.Wallis)
19 4 octaves + 297-51 cents 88-80 cents (utilisé par J.Wallis)
20 4 octaves + 386-31 cents mi’’’ 84-47 cents
21 4 octaves + 470-78 cents 80-64 cents
22 4 octaves + 551-32 cents 76-96 cents
23 4 octaves + 628-27 cents 73-68 cents
24 4 octaves + 701-96 cents sol’’’ 70-67 cents (demi-ton
chromatique)
25 4 octaves + 772-63 cents sol# ’’’

The new Grove, Dictionary of MUSIC & MUSICIANS, Stanley Sadie, 1980 (Traduction)

174
Annexe 7
REPRESENTATION DE LA SERIE DES HARMONIQUES

traduction de l’anglais : Série harmonique, Fondamental = Do 2 + 15 harmoniques (H1 – 16)


Fréquences (vibration par seconde) en Hz commençant à partir de Do 2 = 65,4 Hz
Document recueilli en Septembre 2005 sur : http://khoomei.com/harmonic.htm

REPRESENTATION DE LA SERIE DES HARMONIQUES

The first 12 partials of a harmonic series for the fundamental pitch A1 (ca. 55 Hz.).

traduction de l’anglais : Les 12 premiers partiels de la série de harmoniques pour une


fondamentale en La1 (55Hz). Document recueilli en Septembre 2005 sur :
http://cnx.rice.edu/content/m11118/latest

175
Annexe 8
REPRESENTATIONS DE LA SERIE DES HARMONIQUES

Série des harmoniques : les 5 premières octaves


les harmoniques en rouge sont des notes utilisées en musique, les jaunes ont des rapports comme l’expliquait
Daniélou, dont les chiffres premiers sont supérieurs à 5, et donc perçus comme étant « faux » à l’oreille
humaine.
(Exemple sonore sur le CD : série des harmoniques midi / harmonic_series_first_five_octaves.mid)

Les 500 premières harmoniques en accord arpégé


Les lignes bleues qui suivent chaque harmonique représentent leur durée
(Exemple sonore sur le CD : série des harmoniques midi / harmonic_series_500_as_chord.mid)

Documents recueillis en Septembre 2005 sur le site :


http://www.tunesmithy.connectfree.co.uk/harmonic_series_notes_sound_well_together.htm

176
Annexe 9

REPRESENTATIONS DE LA SERIE DES HARMONIQUES

Document recueilli en Novembre 2005 sur le site :


http://marc.terrien.free.fr/musique/lexique.php?mot=harmonique

177
Annexe 10
TABLEAU DES PROPORTIONS DE L’OCTAVE

Dodécaphone Rapport
Cents Commas Harmoniques Naturelles Fréquence
Tempéré Arithmétique

Do 1200 56 H2 (/4/8/16) 2/1 2 523 Hz

Si 1100 52 --- --- 1.888 494 Hz

1110 50 H15 15 / 8 1.875 480 Hz

Sib 1000 47 --- --- 1.782 466 Hz

980 45 H7 / H14 7/4 1.750 448 Hz

La 900 42 --- --- 1.682 440 Hz

870 39 H13 13 / 8 1.625 416 Hz

Sol# 800 37 --- --- 1.587 415 Hz

732 33 H3 / H6 / H12 3/2 1.500 392Hz

Sol 700 33 --- --- 1.498 384 Hz

Fa# 600 28 --- --- 1.414 370 Hz

555 25 H11 11 / 8 1.375 352 Hz

Fa 500 23 --- --- 1.355 349 Hz

Mi 400 18 --- --- 1.260 330 Hz

399 18 H5 / H10 5/4 1.250 320 Hz

Ré# 300 14 --- --- 1.189 311 Hz

Ré 200 9 --- --- 1.125 294Hz

199 9 H9 9/8 1.122 288 Hz

Do# 100 4 --- --- 1.059 277 Hz

Do 0 0 H1 1/1 1 262 Hz

D’après les travaux d’Alain Daniélou et de Philippe Bougon

178
Annexe 11
Déclinaison des octaves et de leur manifestation selon l’échelle des fréquences

Document issu de l’ouvrage de Maela et Patrick Paul, Le chant sacré des énergies, présence, 1893.

179
Annexe 12
SCHEMA DE L’OREILLE

Document recueilli dans le manuel d’initiation à l’ingénierie du son,


Ricardo Jacobsohn, Université Paris 8, Département Musique.

180
Annexe 13

Les trompes naturelles shofar et ‘hassar


Luc Breton, Amour et sympathie p.25, La Mère des Hystoires : descendance d’Adam, Paris, 1468, Bibliothèque Cantonale universitaire
(Lausanne Suisse).

Trompes naturelles et trompette marine joués par des anges


Max Engel, Amour et sympathie p.91
Hans Memling, Triptyque, Couvent des Bénédictines de Najera, 1488

181
Annexe 14

Représentation d’un monocorde par R. Fludd


Luc Breton, Amour et sympathie,
Godwin J. ; Robert Fludd, London, Thames & Huston Ltd, 1979, planche 45, p.45.

182
Représentation d’un monocorde par R. Fludd
Luc Breton, Amour et sympathie,
Godwin J. ; Robert Fludd, London, Thames & Huston Ltd, 1979, planche 48, p.47.

183
Annexe 15

Trompette marine Trompette marine


Max Engel, Amour et sympathie, p. 94 Amour et sympathie, p.320
Filippo Bonanni : Gabinetto armonico (Rome 1723), Pl. LXI Paris, Musiée de la Musique E. 75, C.
ancienne collection Clapisson.

Trompette marine
Max Engel, Amour et sympathie, p.94
Giovanni Bracelli, 1599, in Georg Kinsky, katalog der Musikinstrumentenmuseen
von Wilhelm Heyer in Cöln (Paris, 1912).

184
Annexe 16

Baryton de Simon Schödler


Amour et Sympathie p.155

Violon d’amour, fin XVIIIè,


Amour et sympathie, p. 170,
Paris, Musée de la musique E. 512, C. 136. Collection de DrFaux

185
Hardingfele d’Andres Heldahl,
Amour et sympathie, p. 329, Bergen, 1892,
Collection de musique du Musée Historique de Bäle n°1972, 7608

Nickelharpa avec archet, non signée,


Amour et sympathie, p. 330 Scandinavie, XIXè.

Collection de musique du Musée Historique de Bäle n°1905, 462.

186
Annexe 17

Harpe éolienne Athanasius Kircher


Amour et sympathie, p.116 Neue Hall-und Tonkunst, Nördkingen 1684,
fac-similé Hanovre, 1983, p.106

Violon de fer, auteur inconnu,


Amour et sympathie p.328, XVIIIè. Paris, Musée de la Musique E. 228, C. 766 Ancienne collection Clapisson

187
Annexe 18
Instruments harmoniques occidentaux modernes

le waterphone de Richard Waters


images recueillies en Octobre 2005 sur le site : http://www.richardawaters.com/waterphone

tambour harmonique monocorde percussion harmonique en terre cuite


photos prises en Août 2005 lors du festival : les 5èmes Noces Harmoniques au Thoronet.

188
Instruments harmoniques occidentaux modernes

Thomas Bloc et le cristal Baschet


Image recueillie en Octobre 2005 sur le site : http://www.chez.com/thomasbloch/engCHRIS.htm

Le Harmonic Canon de Harry Partch


Image recueillie en Octobre 2005 sur le site : http://musicmavericks.publicradio.org/features/feature_partch.html

189
Annexe 19

Joueur de guimbarde

Joueur de flûte harmonique

Photos prises lors du festival « le Rêve de l’Aborigène »


et recueillies sur en Septembre 2005 sur : http://www.ventdureve.net/pages/photos2005.htm

190
Annexe 20

PHOTOGRAPHIES KIRLIAN DU PHENOMENE DE L’AURA

Photographie kirlian d’une pomme tranchée

Photographies kirlian d’une feuille d’arbre

Résultat d'une expérience du biologiste de l’anglais Ruppert Sheldrake tendant à montrer l'existence des
« Champs Morphogénétiques ». La feuille de gauche est entière ; sur l'image de droite, on a découpé le sommet
de la feuille, la trace énergétique de la plante (en rouge) subsiste.
Images recueillies en Septembre 2005 sur le site : http://www.swordmagick.com/science/kirlian.html

191
Annexe 21
Représentation des chakras vus de profil

Document issu des travaux d’Oriane Robidou

192
Annexe 22

Systeme de résonance du corps humain par la Psychophonie

Illustration de la résonance des sons selon la psychophonie de Marie-Louise Aucher


Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, Schéma de psychophonie, Paris, Epi,1977.

193
Annexe 23
Systeme de résonance du corps humain par la Psychophonie

Illustration de la résonance des sons selon la psychophonie de Marie-Louise Aucher


Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, Schéma de psychophonie, op. cit.

194
Systeme de résonance du corps humain par la Psychophonie

Le système sympathiques et ses correspondances sonores


Schéma issu de l’ouvrage de Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, Schéma de psychophonie, op. cit.

Illustrations de la résonance des sons sur le corps selon la psychophonie


Marie-Louise Aucher, Les plans d’expression, op. cit.

195
Annexe 24
COUPLE MERIDIEN ORGANE

QUINTE NOTE YIN QUINTE QUINTE QUINTE NOTE YANG


MERIDIEN YANG NOTE MERIDIEN NOTE MERIDIEN MERIDIEN YIN
PAIRE ORGANE PAIRE IMPAIRE IMPAIRE ORGANE

12° 81/80 VESICULE Fond. Fondam. 1/1 7° Seconde 2187/1024 FOIE 19° 27/25

14° 256/225 ESTOMAC 2° Seconde 9/8 9° Tierce 6/5 RATE PANCREAS 21° 8000/6561

16° 32/25 GROS INTESTIN 4° Tierce 81/64 11° Quarte 27/20 POUMONS 23° 2187/1600

18° 36/25 INTESTIN GRELE 6° Quarte 729/512 1° Quinte 3/2 CŒUR 13° 243/160

20° 32000/19683 VESSIE 8° Sixte 8/5 3° Sixte 27/16 REINS 15° 128/75

22° 4000/2187 TRIPLE RECHAUFFEUR 10° Septième 9/5 5° Septième 243/128 MAITRE CŒUR 17° 48/25

24° 6561/6400 VAISSEAU CONCEPTION 12° Octave 81/80 13° Quinte 243/160 VAISSEAU GOUVERNEUR 25° 192/125

Document issu des travaux de Philippe Bougon

197
Annexe 25
LE DIVIN ET LES GAMMES
La3=440 Hz SEPTIEME=7/4=448 Hz
NORMALISE
SIXTE3=27/16=432 Hz
Sol3=391,9955
FREQUENCE
FREQUENCE EN
OCTAVE EN GAMME
GAMME Rang n QUINTE3=384 Hz
Do n NATURELLE
TEMPEREE Hz
Hz

Do3=261,62573 16743,92 Do+9 14° 16384 FOND. 3=256 Hz

8371,97 Do+8 13° 8192

Sol3/Do3=1,498306 4185,99 Do+7 12° 4096 QUINTE3/FOND.3=1 ,5=3/2


2092,998 Do+6 11° 2048
ON NE SONNE PAS 10046,5 Do+5 10° 1024 ON SONNE
523,25009 Do+4 9° 512
261,62573 Do+3 8° 256

130,81294 Do+2 7° 128

65,406256 Do+1 6° 64

32,703294 Do 0 5° 32

16,351661 Do-1 4° 16
ON TEND 8,175365 Do-2 3° 8 ON VA
VERS LE 4,0879222 Do-3 2° 4 VERS LE
DIVIN # 1 2,0439268 Do-4 1° 2 DIVIN = 1
1,0219814 Do-5 0° 1

Document issu des travaux de Philippe Bougon

198
Annexe 26

document issu des travaux de Philippe Bougon


la courbe continue représente la vibration naturelle, celle en pointillée désigne le tempérament égal.

199
Annexe 27
Les harmoniques du corps

Illustration tirée du livre de John Beaulieu,


Music and sound in the Healing Arts, New York, Station Hill Press, 1987 p.88.

200
Annexe 28
- Liste des plages du CD -

CD : Résonance et perception des harmoniques naturelles

La plage 01 contient des fichiers vidéos et midi :

• documents vidéos : cymatic.mov ; demo_hang.avi ; tacoma.avi ; wineglass.avi.


• série des harmoniques midi : harmonic_series_500_as_chord.mid ;
harmonic_series_as_chord.mid ;
harmonic_series_first_five_octaves.mid

Extraits sonores de techniques musicales utilisant les harmoniques

02. Mélodie à l’amirge. Corne de chasse Tuva (extrait)


TUVA Voices from the center of Asia, Smithsoninan folkways. 1990

03. Arc musical de Centrafrique


Instruments de musique du monde, CNRS collection du musée de l’homme

04. Le Khomous des Yakoutes (Extraits)


Musique de la Toundra et de la Taïga, Auvidis, 1987

05. Trio de guimbardes, musique carnatique de l’Inde


River Yamuna, music of the world

06. Flûte nar et chant (extraits)


Flûtes du Rajasthan, CNRS collection du musée de l’homme

07. Flûte yapurutu du sud de la Colombie


Soleil Inca, playa sound.

08. Flûte de Norvège seijfloyte : Knut heddis minne


Suède Norvège, Musique des vallées scandinaves, Ocora 1993

09. Chant sigit Tuva


TUVA Voices from the center of Asia, Smithsoninan folkways. 1990

10. Chant kargiraa thème : Artii-Sayir


TUVA Voices from the center of Asia, Smithsoninan folkways. 1990

11. Chant des moines de Gyüto, Initiation de Vajradhara


Musiques sacrées du Tibet, Dewatshang. 1990

12. Musique de hardingfele


Traditionnal sound of Norway, disque issu de la collection de Michel Bon.

13. Musique de tiêng dàn bàu


par Thanh Thân, Dihavina.
201
14. Duo de didgeridoo : Paleisstraat
3PLE-D sur http://www.mt-yidaki.com

15. Duo de didgeridoo : Oanda Djalle


3PLE-D sur http://www.mt-yidaki.com

16. Duo de fujara et guitare


Extrait recueilli sur : http://www.fujara.sk/audio_samples.htm#marco

17. Double guimbarde H’Mong


Steve Kindwahl, floating words.

18. Cithare harmonique : danse pour une paix intérieure


Harmoniques du temps, Pierre Jean Croset, Radio France,1988.

19. Harpe éolienne


South wind, Windsong, Roger Windfield, saydisc.

20. Sarah Hopkins, musique pour violoncelle, chant tibétain et whirlie.


Extrait recueilli sur : http://www.fujara.sk/audio_samples.htm#marco

21. Bol en cristal et chant diphonique


Cristal Énergie, Gaudry Normand, extrait recueillie sur :
http://www.crystalsanctuary.com

22. Tuyau harmonique


Enregistrement au dans l’abbaye du Thoronet, 2003.

23. Flûte strictement harmonique : aperçu de l’ambitus d’une flûte sans trou de jeu.
Enregistrement au dans l’abbaye du Thoronet, 2003.

24. Chants diphoniques en résonance :


Improvisation vocale inspirée des chants de D. Hykes
Enregistrement au dans l’abbaye du Thoronet, 2003.

25. Jeu de ravanahatta avec les cordes sympathiques libres et frottées


Enregistrement à Paris, 2003.

26. Les harmoniques subtiles du shakuhachi


Enregistrement à Paris, 2003.

27. Les sonorités du waterphone : one ocean


Richard Waters, recueilli sur http://www.richardawaters.com/waterphone

28. Bols en métaux


Epanouissement des Chakras, Bols chantants pour équilibrer les centres d’énergie,
Binkey Kok Publication, 2002.

202
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Guimbarde : http://www.guimbardage.net/article.php3?id_article=2
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Vent du rêve: http://ventdureve.blogspot.com/

Musique indienne : http://www.itcsra.org/

Encyclopédie Wikipédia : http://www.wikipedia.com/

206
TABLE DES MATIERES

Avant-propos ........................................................................................................................................ 2

Introduction.......................................................................................................................................... 4

I Les lois naturelles du son


1. les harmoniques naturelles
11. Définition d’une harmonique ......................................................................................................... 6
12. Le timbre d’un son et le spectre harmonique ................................................................................. 8
13. La série des harmoniques............................................................................................................. 10
14. Instruments de mesures des harmoniques .................................................................................... 15
15. Formation des gammes naturelles par le découpage de l’octave................................................. .17
2. Sympathie acoustique et résonance
21. Présentation du phénomène ......................................................................................................... 23
22. Théorie de la résonance ............................................................................................................... 25
23. La résonance des objets ............................................................................................................... 26
24. Les cordes sympathiques.............................................................................................................. 27
25. La résonance des lieux ................................................................................................................. 29
26. Les inconvénients de la résonance ............................................................................................... 29

II Capacité a percevoir les sons


Les attributs perceptibles du son........................................................................................................ 34
1. L’oreille capte
11. L’oreille externe........................................................................................................................... 36
12. L’oreille moyenne ........................................................................................................................ 37
13. L’oreille interne ........................................................................................................................... 37
2. Le corps ressent
21. Hyper-sensibilité tactile Les basses amplifiées et le corps........................................................... 38
22. Les basses amplifiées et le corps ................................................................................................. 42
23. Conductibilité du son ................................................................................................................... 44
24. La musique des sourds ................................................................................................................ 47
25. La vibro-acoustique, un phénomène tactile ................................................................................. 50
3. Le cerveau traite
31. Perception et cognition ................................................................................................................ 53
32. Consonances / dissonances ......................................................................................................... 57

III Les chants diphoniques et leurs effets


1. Présentation
11. Plusieurs appellations pour un seul phénomène........................................................................... 61
12. Une seule appellation pour plusieurs phénomènes ...................................................................... 62
13. Description du chant diphonique ................................................................................................ 62
14. La mise en résonance du chant diphonique ................................................................................. 64
2. Les chants diphoniques traditionnels
21. Tuva et Mongolie......................................................................................................................... 65
22. Les chants sacrés du Tibet .......................................................................................................... 69
23. La Sardaigne : la Quintina ........................................................................................................... 72
24. Autres traditions vocales : Afrique du Sud, Rajasthan, Formose ................................................. 75
3. Approches des chants diphoniques en occident :
31. Le chant en résonance .................................................................................................................. 76
32. Trân Quang Hai ........................................................................................................................... 78

207
IV Les instruments de musiques harmoniques et leurs effets
1. Présentation
11. Définition .................................................................................................................................... 82
12. Une appellation justifiée ? ........................................................................................................... 83
13. Instruments harmonique ou instrument inharmonique ? ............................................................. 85

2. liste des instruments traditionnels et anciens


21. Idiophones.................................................................................................................................... 86
22. Aérophones .................................................................................................................................. 97
23. Membranophones....................................................................................................................... 107
24. Cordophones .............................................................................................................................. 108
25. Les instruments à cordes sympathiques ..................................................................................... 111
3. Instruments harmoniques modernes
31. Instruments d’eau et de cristal.................................................................................................... 117
32. Des percussions harmoniques .................................................................................................... 119
33. Les harmoniques du vent ........................................................................................................... 121
34. Les cithares harmoniques........................................................................................................... 126

V Effets des musiques harmoniques et thérapie par les sons harmoniques


Rappel sur la musicothérapie ........................................................................................................... 129
1. Les harmoniques, un phénomène de mode
11. Effets sur un public occidental................................................................................................... 134
12. Les thérapies ésotériques .......................................................................................................... 136
13. Inspiration de la culture indienne............................................................................................... 139
2. Les thérapies par le chant harmonique
21. Marie-Louise Aucher ................................................................................................................. 141
22. Interprétations populaire ............................................................................................................ 142
23. Oriane Robidou.......................................................................................................................... 143
24. Philippe Bougon ........................................................................................................................ 145
25. Trân Quang Hai ........................................................................................................................ 145
3. Les thérapies par les instruments harmoniques
31. Acuponcture sonore ................................................................................................................... 148
32. Thérapie réceptive ..................................................................................................................... 151
33. Thérapie active........................................................................................................................... 155

Conclusion ....................................................................................................................................... 160

Annexes ........................................................................................................................................... 163

Bibliographie ................................................................................................................................... 203


Discographie ................................................................................................................................... 205
Références Internet .......................................................................................................................... 206

208
Remerciements :

Je tiens à remercier particulièrement M.Philippe Michel pour m’avoir soutenu et


encouragé tout au long de ce travail ; Philippe Bougon pour m’avoir invité à partager
sa passion pour la résonance des modes anciens dans les églises cisterciennes, mais
aussi Josiane Chartier, Marie-thérese Marin du Bard et Oriane Robidou ; Michel Bon
pour m’avoir reçu chez lui et conseillé dans mes recherches sur les effets
psychologiques de la musique, pour m’avoir fait participer aux séances de « mandala
sonore » et pour m’avoir tant encouragé ; M. Trân Quang Hai pour son accueil, son
soutiens, son travail et sa générosité ; l’équipe de l’Exploration de Recherche
Harmonique de Jacques Dudon aux hameaux des Camailles ; Jérôme Desigaud pour
son idée de « jonglerie harmonique » et son aide dans la réalisation de celle-ci ;
Nicolas Esco pour son soutiens et son aide dans l’expérimentation des tuyaux
harmoniques ; Stéphane et Pierre-Yves Voisin pour leurs conseils et leur générosité ;
l’association vent du rêve pour son festival, M. Tserendavaa pour ses conseils en chant
Khoomei ; Mathieu Hezzart et la troupe de musiciens mongole qu’il a su accueillir en
France ; Lewis Burn pour son accueil et sa représentation ; Jonathan Cope et Barbara
Blackmore pour leur accueil, leurs conseils et leur générosité ; Jean Paul Rigaud, Iegor
Reznikoff et John Wright pour les conversations qu’ils ont bien voulu m’accorder ;
Talaron pour ses conseils concernant le didgeridoo, Nicolas Gégout pour
l’enregistrement des performances sonores dans l’abbaye du Thoronet et chez lui
même ; Olivier Fraysse pour tout ce qu’il a pu me faire partager dans le domaine
énergétique ; Vincent Aumont ainsi que mes parents pour leur précieux soutient et pour
leurs corrections.

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