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 Dossier ❘ HOMARD

HOMARD
Rajeunir le consommateur ?
Entre celui d’Europe, dont le marché est mature tant la demande est forte, et le homard canadien
qui inonde les GMS sous différentes formes, le homard ne se réinvente guère.
Pourtant, la nouvelle génération de consommateurs porte en elle des considérations éthiques qui
pourraient bien inciter les faiseurs à modifier des gammes qui n’ont que peu bougé en trois décennies.

Enquête : Bruno SAUSSIER

Le consommateur Faut-il séduire les jeunes La forte demande

de homard vivant est âgé avec du prêt-à-consommer ? freine les initiatives

À l’instar de celle d’autres produits

sensibles, la consommation de
homard a été très impactée par
le mouvement des gilets jaunes
durant l’automne et le début d’hiver pas-
sés. « Un quart des volumes de crustacés
frais en moins », résumaient les experts de
FranceAgriMer lors du conseil spécialisé du
14 mai. Bigre.
Ils expliquent ces mauvais résultats par
« une période de fin d’année, cruciale pour
ces produits, en fort recul du fait de diffi-
cultés d’approvisionnement et de commer-
cialisation. Ceci a été également le fruit de
produits moins disponibles auprès des pro-
ducteurs, aquaculteurs comme pêcheurs »,
les coquillages frais ayant eux aussi subi une
perte de 11 %. Novembre et décembre cris-
tallisent à eux seuls une baisse des ventes
de crustacés de 17  %, les approvisionne-
ments en langoustes, tourteaux et homards
étant particulièrement faibles.
Bien logiquement, on retrouve cette
baisse dans le bilan des produits aqua-
tiques dressé par le panel Kantar pour
l’année 2018. Les achats de crustacés
frais passent de 2,3 kg par an en 2016 à
2  kg annuels en 2018 et sur ce volume,
6,04 
La valeur des ventes
de homard européen
dans les criées françaises
en 2018. Une grande
le homard représentait un peu plus de la
moitié  : 1,22  kg par an par acheteur en
M€ 2016 avec une belle progression à 1,4 kg
en 2017 avant de redescendre à 1,17 kg
par an l’année dernière. En surgelé, les
volumes de homard par acheteur sont
similaires à ceux de 2017 (0,72 kg par an)
part des captures passe
hors criée. mais en perte de 11 % comparés à 2016.
Un déficit heureusement compensé par le
prix moyen qui s’apprécie de 14,2 %.
Au cœur de la problématique : le prix du
produit et le vieillissement des consomma-
teurs de homards vivants. Majoritairement,
ces derniers sont âgés de plus de 55 ans

Une prise très ciblée par les caseyeurs

L es ventes de homard européen dans les criées françaises s’établissaient à 283 tonnes

en 2018 mais une part se vend en direct et il est généralement admis que les cap-
tures annuelles oscillent autour de 600 tonnes. À titre de comparaison, le Royaume-Uni
débarque historiquement entre 3 000 et 3 400 tonnes de homard européen. Un rap-
port de 5 à 1 avec la pêche française, et pas moins des trois quarts des captures euro-
péennes, selon les données d’Eurostat.
Sans surprise, si l’on se fie à la partie visible des débarques, ce sont les caseyeurs et
les fileyeurs-caseyeurs qui sont à l'origine de 83 % des prises de Homarus gamma-
rus sur nos côtes. Ce qui n’empêche pas les différences notables de prix moyens entre
les caseyeurs purs (23,05 euros/kg) et les fileyeurs-caseyeurs (20,88 euros/kg). Les dra-
gueurs (10,3 % des captures pour un prix moyen de 21,27 euros) et les chalutiers (3,8 %
des captures pour un prix moyen de 21,10 euros) fournissent, en prises annexes, l’es-
B.S.

sentiel du reste des captures.

PRODUITS DE LA MER N°197 NOVEMBRE 2019 ❘  39 ❘


et habitent dans l’ouest. Si l’âge explique
en partie cette spécificité grâce à un pou-
voir d’achat plus élevé, il ne faut pas
minimiser l’influence culturelle des habi-
tudes de consommation puisque la tota-
lité des 283  tonnes de homard euro-
péen débarquées dans les criées en 2018
par des bateaux français et étrangers
(34  tonnes pour ces derniers) l’ont été
entre Cherbourg (Manche) et l’île d’Oléron
(Charente-Maritime). Soit une augmenta-
tion des débarques de 9 % en quantité et
de 14 % en valeur. Et nul ne sera surpris
d’apprendre que les invendus sont à zéro.
Sachant qu’une partie des débarquements
échappe aux statistiques des criées.
Un produit unique
De fait, et c’est là l’une des clés du mar-
ché du homard européen dans l’Hexagone,
la demande est tellement supérieure à
l’offre que les différents acteurs de la filière
n’ont guère à se préoccuper de décliner
leurs gammes de produits pour toucher de
nouveaux consommateurs. « On n’a même
pas assez de homard pour fournir le mar-
ché du vivant. Pourquoi irait-on mettre
en place autre chose que du homard
entier ? », résume, pragmatique, Erwann
Dussaud, directeur commercial des Viviers
❘  40 ❘ PRODUITS DE LA MER N°197 NOVEMBRE 2019
Dossier ❘ HOMARD
Béganton à Roscoff. Un réalisme très par-
tagé dans le milieu, surtout depuis que les
prises ont baissé.
Avec une limite du nombre de licences
(1 850 pour toute la France dont 815 pour
la seule Bretagne) et de casiers par bateau,
la pêcherie du homard est très surveillée.
Depuis le 15 janvier 2018, les députés euro-
péens ont même voté un amendement sur
la conservation des ressources halieutiques
interdisant la pêche de homards femelles
grainées. «  Ce qui s’est traduit par une
baisse de 20 % des volumes débarqués »,
note Ronan Sergent, directeur des Viviers
d’Audierne. Pour contrebalancer cela, des
pays comme la Norvège et le Royaume-
Uni tentent de développer une aquacul-
ture de homard dans le but de repeupler
les littoraux.
La piste écocompatible
De l’autre côté de l’Atlantique,
Américains et Canadiens ont mis eux aussi
des règles de restriction de pêche grâce
à des tailles minimum de céphalothorax
augmentant régulièrement de quelques
millimètres. La Gaspésie est ainsi passée
d’une taille minimale de 76 mm en 1997 à
82,5 mm actuellement. Et vise 83 mm d’ici
2022. Ici comme là-bas, les réglementa-
Lionel Flageul
Lionel Flageul
79 
tions sont fortement régionalisées. Ce qui
fait que des Homarus americanus peuvent
M€ être rejetés à la mer à l’embouchure du
Saint-Laurent mais conservés à bord au
La valeur
Nouveau-Brunswick.
des importations
de homard en France Si la filière se préoccupe de préserver la
en 2018. ressource en homards dans les eaux euro-
péennes comme américaines, c’est de ce
côté-ci de l’Atlantique que des associa-
tions de défense de la condition animale
œuvrent pour l’amélioration des condi-
tions de détention et de mise à mort des
spécimens voués à la consommation. Les
Grünen allemands et les membres de Peta
(People for the ethical treatment of ani-
mals) reviennent régulièrement à la charge
pour augmenter la taille des viviers et limi-
ter le nombre d’animaux par mètre cube
quand les Suisses interdisent, depuis le
1er mars 2018, de plonger un homard vivant
dans une eau bouillante. Il faut désormais
le neutraliser par une destruction méca-
nique du cerveau ou bien le griller avec une
machine type Crustastun ou son homo-
logue suisse de Rund um Fish. « La nou-
velle génération ne veut pas passer trop de
temps en cuisine, tout en étant sensible à
la maltraitance animale, témoigne un fai-
seur qui préfère garder l’anonymat. À nous
de proposer des homards prêts à consom-
mer éthiques. » n
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 Dossier ❘ HOMARD

Vivant ou cuit,
les deux écoles du homard
Le homard européen est le plus souvent consommé
vivant toute l’année au restaurant, le canadien dans
sa version surgelée au moment des fêtes. Dans les deux
cas, les approvisionnements sont insuffisants.

L e homard vivant, c’est mort.  » La

petite phrase aurait de quoi faire
sourire si elle ne prenait à contre-
pied le marché hexagonal. Certes,
le consommateur n’est pas toujours à l’aise
à l’idée de trancher, empaler ou ébouillan-
ter le crustacé. Mais les gastronomes sont
sin sont exponentiels. L’enseigne Carrefour
consomme ainsi de 50 à 60 tonnes de homard
par an, dont 45 lors des fêtes.
Bon plan conso. La grande saison du
homard vivant est le plein été, quand les cap-
tures sont fortes (deux tiers des débarques

unanimes : le meilleur moyen de préserver
les saveurs du homard, c’est de le garder en
vie jusqu’au dernier moment.
Rare et cher. Le homard européen repré-
L.F.
annuelles en criée ont lieu entre mai et août).
« Il y a une grosse demande des estivants de la
Mort ou vif ? Garder jusqu’au bout le homard vivant préserverait
côte, quand les produits sont beaux et les prix au mieux ses saveurs. Ici, aux Viviers Béganton à Roscoff.
au plus bas  », souligne Jean-Marc Stéphan,
acheteur et vendeur aux Viviers de Porsguen.

sente un faible tonnage au regard de son cou-
sin américain, plus de vingt fois supérieur. S’il
arrive parfois qu’en plein été, leurs tarifs soient
proches, le delta grandit à mesure que les
journées raccourcissent. En décembre 2018,
des importateurs de crustacés américains
ont vendu leurs homards vivants à plus de
22 euros/kg hors taxe aux supermarchés. Un
prix jamais atteint.
Saisonnalité. C’est lors des fêtes que le
homard revient sur le devant de la scène. Le
vivant garde son statut de produit de luxe
et le surgelé et/ou congelé joue les aimants
dans les GMS, bien mis en avant. Le homard
européen vendu en criée en décembre atteint
péniblement 10  tonnes, au prix moyen de
37 euros, mais les tonnages achetés en maga-
Spéculation. Le prix du homard cuit est
connu dès l’été, car les producteurs savent
leur prix de revient et les coûts de cuisson,
alors que le prix du vivant pour les fêtes n’est
souvent fixé que le 18 décembre, voire plus
tard. « Le 21, il faut être prêt, résume Gaël
Quelivré, directeur des Viviers de Roscoff.
Nous faisons entrer nos produits dès qu’on
peut mais nos fournisseurs écossais et irlan-
dais attendent que les prix montent. Nous
avons une certaine capacité de stockage
mais il ne faut pas faire n’importe quoi.
Vu les prix que le client paie, il faut que le
produit soit parfait. Et il vaut mieux que la
casse se fasse chez notre fournisseur. » Pour
Erwann Dussaud, directeur commercial du
groupe Béganton, une certitude  : «  Il nous
46,9
manque des volumes de pêche en homard
bleu et ça va être plus compliqué en fin d’an-
M€ née. Il sera plus cher qu’en 2018. »
En 2017, la France Casse. Difficile pour les GMS de conserver
consommait à elle seule les produits vivants. Il faut des viviers, et bien
37 % des 102 millions équilibrés pour éviter la casse. Des enseignes
d’euros du marché
en possèdent dans quelques magasins et il
européen du homard
n’est plus rare de voir un acheteur deman-
vivant et 27 % des
34 millions d’euros du der de préparer son homard le temps de ses
marché du congelé. courses.
Source : Eumofa La solution cuisson. Le grand paradoxe du
homard, c’est que sa pleine saison est estivale
alors que sa consommation se démocratise à
Noël. En achetant la matière première au plus
bas, au top de sa forme, les cuiseurs peuvent
préparer dès mai du produit prêt à consom-
mer en fin d’année. n

Moins de marge sur le homard américain

P lusieurs faiseurs sont revenus du Homarus americanus. Livrés en carton de 7 kg, ayant plus ou
moins bien supporté le vol et la dépressurisation, les homards arrivaient avec de grandes dispa-
rités. « On en a fini avec le canadien en 1995, se souvient Gaël Quelivré, directeur des Viviers de
Roscoff. Il fallait les remettre à l’eau et ne prendre que les bons. Ce n’était pas rentable. De toute
façon, pour certains clients, ce n’est pas du vrai homard. »
« Le homard canadien est devenu un produit banalisé pour un marché de grandes surfaces, estime
de son côté Ronan Sergent, directeur des Viviers d’Audierne. Il est travaillé avec une marge très faible
et vendu quasiment à prix coûtant. Nous avons arrêté de le faire il y a près de dix ans pour nous
L.F.

Homard américain en poissonnerie. consacrer à l’européen que nous traitons depuis 1962. C’est un marché de niche mais, comme pour
Dans la filière, il a ses adeptes comme ses détracteurs. la langouste, des consommateurs voudront toujours leur homard bleu. À tout prix. »

PRODUITS DE LA MER N°197 NOVEMBRE 2019 ❘  43 ❘

 Dossier ❘ HOMARD

Thador, le décortiqué très haut de gamme

F ondée par Cédric Gouez en 2002,

l’entreprise Thador, ou La Maison
du Homard, à Paris, est, avec Cinq
Degrés Ouest, l’outsider du marché du
homard en France. «  Nous ne sommes
nous arrivons en tête aux dégustations
à l’aveugle. »
Ce qui n’empêche pas le fondateur de
Thador d’avoir quelques raisons de s’in-
quiéter. Notamment à cause des ache-
pas du tout dans le marketing, nous teurs chinois, dont le marché du homard
sommes des artisans, prévient-il. Cela devient plus important aujourd’hui que le
fait 17 ans que nous achetons des crus- marché européen, ce qui crée des difficul-
tacés vivants pour les cuire. » Deux for- tés d’approvisionnement. À cause, aussi,
mules sont disponibles  : cuit pour une des mouvements sociaux qui lui ont tor-
utilisation en entrée ou en salade et mi- pillé sa saison 2018 en ralentissant les
cuit pour que le consommateur finisse commandes de restaurants chaque veille
la cuisson en quelques minutes pour un de samedi jaune. « Nous sommes surtout
plat chaud. présents sur le marché français donc nous

Qu’il soit européen ou américain, le
homard de la maison Thador est pré-
senté décortiqué ou en carapace. « Nous
travaillons à façon, chaque jour de la
semaine, pour répondre aux demandes
des chefs  : la queue mi-cuite en cara-
pace, les pinces et la queue décortiquées,
parfois emballées séparément… »
Tout se fait en flux tendu. Le lende-
main du jour de pêche pour l’euro-
péen, le surlendemain pour l’américain.
Le secret de sa réussite, Cédric Gouez
L.F.
Le homard est travaillé le lendemain du jour de pêche pour l’européen.
2002 le place dans la rigueur de sa sélec-
La fondation de tion. « Il n’y a pas deux lots de homards
Thador, à Paris, qui identiques. Nous achetons nos produits
achète des crustacés mieux que ne le feraient nos restaura-
vivants et les cuit teurs et certains chefs étoilés avec qui
pour les restaurateurs
nous travaillons nous disent que nous
et désormais
livrons des produits mieux travaillés
les particuliers.
que dans leurs propres cuisines, sourit-
il. C’est simple, quel que soit le client,
avons plus souffert que les gros qui font
de l’export. En 2018, nous avons fait un
chiffre d’affaires équivalent à 2017, alors
que nous aurions dû faire + 20 %. Et on
risque de faire pareil en 2019. »
Le dernier cauchemar de Cédric Gouez
est à la mairie de Paris. « Les week-ends
sans voitures, les restaurateurs divisent
leur clientèle par deux. Et la circula-
tion est telle que, aujourd’hui, tous mes
livreurs mettent 1 h 30 à 2 heures de plus
qu’il y a trois ans à faire leur tournée. » n

Furic Solutions : Océalliance mise sur la cuisson

F uric Solutions, c’est l’entité d’Océal-

liance spécialisée dans la cuisson.
L’entreprise, qui a totalement rénové
son site sur le port de Saint-Guénolé en
avril 2018, réalise des cuissons en marmite
de crustacés prêts à consommer en frais
et surgelé.
«  Nous en sommes à notre deuxième
saison et nous maîtrisons notre process »,
se félicite Christophe Guibert, directeur du
site. Après une première année où seules
3 tonnes de produits sont sorties de l’usine,
il annonce 8 à 9 tonnes pour 2019 et vise
Déballés à Noël, ils sont alors déconge-
lés en marmite à 38 °C puis repassés en
marmite à 98  °C pour être au cœur à
65 °C et éviter ainsi tout risque bactério-
logique. « Après ça, nous avons le droit
de revendre notre homard sous l’appel-
lation cuit frais auprès de nos clients de
la grande distribution. »
Placement sûr
Achetés à Brest, mais aussi en Irlande et
en Écosse, ces homards européens n’ont
pas posé de problème d’approvisionne-
L.F.

30 à 40 tonnes l’année prochaine, « si tout
se passe bien à Noël ».
Il faut dire que tout est prêt pour bou-
cler une belle année, notamment en
matière de homard. « Tout est déjà pré-
paré. Nous constituons nos stocks en
mai et juin pour que tout soit paré pour
Noël. » Sitôt livrés, les homards sont cuits
avant d’être emmaillotés pour ne pas
qu’ils s’abîment lors de la congélation.
ment. « Les prix, entre 17 et 20 euros/kg,
sont  stables d’une année sur l’autre.
Certains font de la spéculation pour
revendre du vivant à Noël entre 31 et
39 euros/kg mais entre les viviers de pleine
mer, les pertes, les vols et les prix qui ne
sont pas garantis en fin d’année, c’est par-
fois un coup de poker. »
Christophe Guibert reconnaît que le mar-
ché du homard n’évolue guère. Il a noté
Les homards sont notamment achetés en Écosse.
30 à 40 t cependant un changement venu de la res-
de production espérée tauration avec de la chair de homard décor-
en 2020 à l’atelier de tiquée destinée à la confection de burgers.
cuisson de crustacés à « La chair de homard européen vaut dans
Saint-Guénolé. les 70 à 80 euros/kg mais avec un mélange
de corps et pattes venus du Canada, vous
arrivez à avoir du 35 euros/kg. » n

❘  44 ❘ PRODUITS DE LA MER N°197 NOVEMBRE 2019

C’est sur l’île d’Anglesey au Pays de Galles
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 Dossier ❘ HOMARD

Ceta et Brexit, le flou commercial

Entre l’accord économique entre Union européenne
et Canada qui a déjà fait migrer les volumes
outre-Atlantique, le très prochain Brexit
et le futur Ceta, le commerce mondial
de homard va devoir rebattre ses cartes.

E n éliminant une grande partie des

taxes, l’accord économique et
commercial global (AECG) signé
en 2017 entre le Canada et l’Union
européenne des 28 a eu une incidence sur
les exportations de homard made in USA.
Les homards en provenance des États-Unis
devenant plus chers que ceux de leur voi-
sin, le Canada en a profité pour expor-
ter à tout va. En 2018, 12 100 tonnes de
homard canadien ont été expédiées vers la
Ce coût du transport n’est pas perçu de
la même manière en Europe que dans l’em-
pire du Milieu. Des importateurs intègrent
désormais la réticence de certains consom-
mateurs à faire venir des crustacés vivants,
par avion, en provenance d’Halifax.
«  Le congelé pose moins de problèmes
éthiques, assure un faiseur. Et il permet
une cuisson sur place. »
Devant l’imminence du Brexit, les impor-
tateurs de homard britannique se posent

Chine, qui taxe à 25 % ceux provenant des
États-Unis dans le cadre de son bras de fer
avec le président Trump. Ce qui représente
40  % des importations totales chinoises
selon Business Wire.
L.F.
eux aussi beaucoup de questions. Gros
pêcheur (près de six fois les volumes fran- L’accord commercial avec l’Union européenne a favorisé
les exportations de homard du Canada.
çais et 70 % de la production européenne),
Ici, du homard canadien certifié MSC, en GMS, à Noël.
le Royaume-Uni est en revanche un piètre
consommateur, ce qui est de bon augure

Pour beaucoup de professionnels fran-
çais, l’affaire est désormais entendue.
«  Ce sont les Chinois, et non plus l’Eu-
rope, qui gèrent le marché du vivant. Ils
payent mieux, plus vite voire avant s’ils
n’ont pas d’assurance, à la livraison ou
dans la semaine », estime ainsi un acteur
parisien. Insatiables, les consommateurs
chinois ont un tel appétit de homard que
les cours grimpent. Tout comme le tarif du
fret aérien, la place venant souvent à man-
quer dans les avions pour transporter les
homards canadiens.
pour la filière française. « Leur marché inté-
rieur n’absorbera pas leur pêche, donc il
faudra bien qu’ils l’envoient quelque part.
Surtout que les Chinois ne sont pas encore
positionnés sur le bleu, du fait de son
prix  », explique Erwann Dussaud, direc-
teur commercial des Viviers de Béganton.
Alors à quel prix ? Soumis à quelles taxes ?
Avec quelle chaîne documentaire ? « Il sera
forcément plus cher et nous mettrons la
taxe qu’il faut dessus. Mais il faudra aussi
compter avec le taux de change, surtout si
la livre sterling dérape… »
22
Même brouillard cotonneux avec le
futur Ceta (Comprehensive economic and
 % trade agreement), accord de libre-échange
C’est le taux de chair avec le Canada. Reste à savoir qui se par-
moyen du homard tagera la baisse des frais de douane. « Les
européen. Un chiffre pêcheurs vont en prendre une partie, les
qui plombe la distributeurs aussi et nous, les transforma-
popularité du crustacé teurs, on en prendra une petite partie »,
car, même quand son
croit savoir Cédric Gouez, de Thador. Un
prix est au plus bas,
vœu pieu qui tient plus de l’incantation
il place le kilo de chair
entre 80 et 100 euros. que de la prédiction tant ces dossiers, cru-
ciaux pour la filière, n’ont encore débou-
ché sur aucune certitude. n

Un marché mondial exponentiel

L e très sérieux site américain Business Wire publiait, en juin dernier, un

Les prévisions sur le marché du homard ?
Des prix à la hausse, vu le rapport entre offre et demande.
L.F.
aperçu du marché mondial du homard dressant les perspectives sur la
période 2019-2024. Et ces perspectives sont bonnes. « Le marché mondial du
homard a atteint une valeur de 5,7 milliards de dollars (5,18 milliards d’euros)
en 2018, et devrait atteindre 13,9 milliards de dollars (12,6 milliards d’euros)
d’ici 2024 », peut-on y lire.
Sur les huit dernières années, le taux de croissance annuel moyen est de l’ordre
de 16,7 %. Et les prix sont encore à la hausse. En 2017 et 2018, les approvision-
nements totaux ont diminué de 8 à 9 % alors que la demande augmentait. « Si
cette tendance se maintient, les prix vont continuer à augmenter pendant un
certain temps », prévient l’Organisation mondiale des Nations unies pour l’ali-

Ici, du homard cuit sur le marché de Talensac, à Nantes, un 31 décembre.

mentation et l’agriculture (FAO).

PRODUITS DE LA MER N°197 NOVEMBRE 2019 ❘  47 ❘