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Outre-mers

Inikori Joseph, Africans and the industrial revolution in England. A


study in international trade and economic development
Hubert Bonin

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Bonin Hubert. Inikori Joseph, Africans and the industrial revolution in England. A study in international trade and economic
development. In: Outre-mers, tome 90, n°338-339, 1er semestre 2003. l'Etat et les pratiques administratives en situation
coloniale. pp. 298-300;

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d'archives, les ouvrages consacrés à cette région de l'Afrique et les enquêtes de


terrain.
Ce livre s'intéresse de près à un sujet peu abordé jusque là dans une région de
l'Afrique équatoriale : celui de la perception du territoire, de ses usages et du contrôle
de l'espace juste avant et au cours de l'époque coloniale, à une époque où le commerce
atlantique commençait à exercer un réel impact sur cette région.
Son approche éclaire la complexité des sociétés précoloniales et met en évidence le
poids que le contexte colonial a pu exercer sur elles, les déstabilisant pour une période
très longue, après leur avoir imposé de nouvelles catégories ethniques et des
étrangères.
Chritopher Gray associe dans sa méthode de recherche des techniques et des
savoirs-faire d'historiens et d'anthropologues. Ainsi, ce travail fait une large part à
l'exposé des théories et des points de vue des différents maîtres étudiés par l'auteur et
sur lesquels il s'est appuyé ce qui confère à ce livre un aspect un peu scolaire.
Toutefois l'histoire du Gabon, restée peu connue, reçoit ici une touche
d'autant plus importante qu'à notre époque ses habitants sont à la recherche de
leurs racines dans un monde profondément bouleversé jusque dans ses modes de vie
et ses anciens repères.
Le démontage des mises en place des instruments de la colonisation, de leur
ambiguïté, la transformation de la gestion de l'espace et des voies d'accès sont
finement analysés ainsi que la déstructuration des repères traditionnels, identitaires
des hommes et des femmes de ce pays.

Josette RIVALLAIN

INIKORI Joseph, Africans and the industrial révolution in England. A study


in international trade and économie development, Cambridge University
Press, 2002, 576 p.

Notre collègue africano-britannique est peut-être quelque peu emphatique


lorsqu'il affirme produire le seul ouvrage qui s'attaque véritablement aux liens entre
le développement industriel et tertiaire britannique des années 1700-1850 et les
ressources économiques et humaines procurées par l'Afrique ou les migrants
; nombre d'ouvrages ont déjà scruté de tels liens ; lui-même, dans son excellent
chapitre 3, scrute la percée de ce thème dans les colloques et ouvrages parus depuis
les années 1980, qui, souvent, admettent et prouvent l'impact du commerce des
Caraïbes et de l'Amérique du Nord sur la croissance anglaise, aux dépens des thèses
privilégiant le rôle du seul marché intérieur. Rappelons d'ailleurs à ce sujet que notre
camarade français (et aussi genevois...) Patrick Verley a livré il y a quelques semestres
son super-essai L'échelle du monde (NRF-Gallimard) où il apprécie les effets de
l'économie atlantique anglo-américaine sur le take offdes années 1780-1850, ceci par
un équilibre entre solidité scientifique et brillance intelelctuelle. Dans son chapitre 4,
J. Inikori déploie des études encore plus fouillées sur la révolution commerciale du
« monde atlantique » dans son ensemble et des liens entre les Amériques et l'ensemble
de l'Europe, en un quasi-Marché commun, en fait une sorte « d'économie monde » en
maturation aux contours peu ou prou éphémères dans les aspects alors revêtus. À la
limite, pour faire encore plus percutant ou plus neuf que ses prédécesseurs et pour
renouer avec les analyses des économistes américains sur les effets aléatoires de la
non-existence ou de la non-suppression de l'esclavage, J. Inikori aurait dû se livrer à
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un exercice d'histoire contractuelle et nous montrer ce que n'aurait pas été la


révolution industrielle anglaise sans l'intervention de l'espace et de l'homme
! On a l'impression d'un véritable plaidoyer où l'avocat multiplie et accumule -
avec nombre d'éléments massivement rassemblés mais parfois un peu éloignés du
cœur du sujet - notamment le chapitre 2, en fait un résumé de l'histoire économique
britannique de 1086 à 1850 qui est loin d'avoir l'envergure des fulgurances de feu
Sydney Pollard ; n'est pas David Landes qui veut ! -, d'où quelque agacement...
Cette remarque préalable délivrée, nous devons reconnaître qu'il s'agit là d'une
œuvre maîtresse, d'une somme qui mobilise une quantité de données et d'analyses
méticuleuses et (apparemment) imparables ; la thèse de l'auteur se déploie pied à
pied, ce qui donne une forte unité conceptuelle à l'ouvrage, agrémenté de cargaisons
entières de tableaux et de séries de chiffres, en un remarquable outil d'histoire
économique qui ne sombre néanmoins jamais dans le chiffre pour le chiffre et dans
une histoire quantitative absconce. L'appareil de notes et de références est lui aussi
impressionnant grâce à un balayage systématique de l'historiographie concernant
l'économie britannique du tournant du xixe siècle.
L'une des analyses récurrentes à travers les études thématiques vise à soupeser la
contribution des Noirs des Amériques et des Caraïbes à l'essor de la production
utilisée par le négoce, voire l'industrie, d'abord espagnols et portugais (xvne et xvme
siècles) puis surtout britanniques ; et, en cela, l'ouvrage relance les débats initiés
depuis le livre renommé d'Eric Williams Capitalism and slavery (1944) et jauge les
publications des soixante années ultérieures sur ce sujet. Il est clair que les chiffres
recensés par J. Inikori sont indiscutables : sans les Noirs, les Amériques des xvne et
xviii6 siècles auraient connu un développement des productions et des échanges bien
moindres : le chapitre 4 est à cet égard remarquablement synthétique, et il prolonge
ces démonstrations sur les années 1800-1850 à propos du Brésil, des Caraïbes et du
Deep South nord-américain, de façon classique mais robuste : bref, les Noirs
à initier entre 70 et 83 % des exportations de ces contrées en valeur entre 1750
et 1850. Mais il débat aussi du thème crucial des retombées obtenues par ce
initié dans les terres à main-d'œuvre d'origine africaine sur le négoce de
réexportation, dans les ports européens et aussi dans les Caraïbes ou en Nouvelle-
Angleterre.
À cette reconstitution « globale » et souvent attrayante d'une économie
« globalisée » aux normes de l'époque, succède un chapitre 5 plus focalisé sur le
commerce des esclaves lui-même et ses effets sur l'essor de l'économie portuaire et
marchande britannique, par le biais d'un balayage rigoureux des statistiques et de
l'historiographie (11 000 navires concernés entre 1701 et 1807, 3,3 millions d'esclaves
transportés, 294 000 importés en Amérique du Nord en 1761-1810, etc.). De cette
recension dont seul notre spécialiste ès-traite 0. Pétré-Grenouilleau pourrait discuter,
J. Inikori glisse dans son chapitre 6 aux effets de ce négoce d'ébène sur les mutations
techniques et l'essor quantitatif des constructions navales britanniques, en une belle
contribution à l'histoire maritime, tout en évoquant bien sûr les retombées sur les
artisanats et semi-industries connexes (cuivre, fer, cordage, bois, goudron, voiles) et le
négoce anglo-balte pour en importer les matériaux nécessaires. Cela dit, ce chapitre 6
pâtit de graves lacunes concernant les revenus même procurés à l'Angleterre, aux
économies portuaires, par l'usage « africain » de cette flotte.
Pourtant, le chapitre 7 se concentre sur les liens entre les échanges de cette
économie africano-atlantique et l'évolution des activités financières britanniques. Il
est indéniable que les places marchandes ont vu croître le commerce de bills of
exchange issus des échanges non métropolitains par rapport aux inland bills ;
Outre-Mers, T. 90, Nos 338-339 (2003)
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l'amplification de l'économie du crédit a accompagné celle du négoce transatlantique,


ce qui n'est pas vraiment une découverte de ce livre... Mais il insiste avec pertinence
sur l'importance des crédits aux compagnies faisant le trafic des esclaves et aux
planteurs pour acquérir ceux-ci et gérer leurs stocks de denrées, voire pour se
les produits de consommation ou d'équipement en Angleterre (et aussi et de plus
en plus en Nouvelle- Angleterre). Bref, ce chapitre apporte une (petite) pierre à
l'histoire des places marchandes et bancaires (surtout Liverpool et Bristol, ainsi que
Londres).
Avec moins de hauteur mais avec méthode, le chapitre 8 scrute l'usage des
de matières premières africaines ou liées au travail d'une main-d'œuvre
africaine sur le décollage de la révolution industrielle britannique, donc en se
rapprochant du cœur du livre tel que l'évoque son titre. Banalement mais de façon
nécessaire, on parle alors de coton, de produits tinctoriaux, d'oléagineux, de produits
alimentaires, de tabac ; bref, cela sent la sueur des portefaix et les remugles des dépôts
portuaires ; mais le chapitre fournit un cours clé en main sur l'évolution de ces types
de négoce au tournant du xixe siècle. En sens inverse, l'aboutissement logique du
livre est son chapitre 9 où il soupèse le poids des débouchés offerts aux industries et
artisanats britanniques par les contrées mobilisées par l'économie africano-
atlantique : tissus, alcools, tabacs ; lainages et cotonnades, métaux, tout est passé au
tamis par notre collègue, qui fournit de belles séries statistiques, une fois encore bien
utiles pour des TD d'enseignement, même si les conclusions de ces deux chapitres 8
et 9 sont convenues car attendues.
In fine, l'auteur se congratule d'avoir démontré sa thèse et il est vrai qu'on sort de
ce livre convaincu : J. Godechot avait évoqué jadis la fameuse « révolution atlantique »
et J. Inikori échafaude « la révolution industrielle atlantique », avec des chapitres
trapus et des analyses robustes. Point par point, l'on pourrait à coup sûr discuter ici et
là de la pertinence de telle ou telle conclusion intermédiaire et surtout des lacunes des
analyses concrètes de business history concernant les entreprises britanniques. Mais
nos réserves ne sauraient entacher notre jugement : c'est un beau et bon livre, où le
propos, peut-être lourd parfois, ne s'échappe pas d'une logique de base, qui consiste à
montrer tout le poids de l'outre-mer sur la vie économique britannique et
des années 1750-1850.

Hubert BONIN

AMÉRIQUES

BERTRAND Michel et VIDAL Laurent (dir.), À la redécouverte des Amériques.


Les voyageurs européens au siècle des indépendances, Toulouse, Presses
Universitaires du Mirai!, 2002, 258 p.

L'analyse des relations de voyage et des représentations qui en découlent constitue


désormais un genre historique assez classique. Mais comme l'expliquent Michel
Bertrand et Laurent Vidal dans leur introduction, cet ouvrage issu d'un colloque
entend se situer dans une approche relativement novatrice, en cherchant à démontrer
que les récits d'exploration dans les Amériques nouvellement indépendantes ne sont

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