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Weber et Troeltsch...encore
Jean Séguy
Séguy Jean. Weber et Troeltsch...encore. In: Archives de sciences sociales des religions, n°78, 1992. pp. 191-197;
doi : https://doi.org/10.3406/assr.1992.1529
https://www.persee.fr/doc/assr_0335-5985_1992_num_78_1_1529
propos de
FREUND Julien tudes sur Max Weber Genève et
Paris Droz 1990 275
LEPENNIES Wolf Between Literature and
Science the Rise of Sociology Cambridge et Paris
Cambridge University Press et Maison des Sciences
de Homme 1988 IX-388 Ideas in Context)
TROELTSCH Ernst Protestantisme et modernité
Paris Gallimard 1991 XI-167 Bibliothèque des
Sciences Humaines)
WEBER Max Histoire économique Esquisse une
histoire universelle de économie et de la société
Paris Gallimard XI-431 Bibliothèque des
Sciences Humaines)
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WEBER ET TROELTSCH. ENCORE
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Les deux derniers et courts textes présentés ici sont eux postérieurs
aux Soziallehren Le premier Religion économie et société représente le
texte une conférence et date de 1913 En quatorze pages imprimées
Troeltsch exprime sa conception de la sociologie religieuse Il le fait autour
des rapports susceptibles de lier dans histoire les trois termes qui forment
le titre religion économie et société Pas plus que chez Max Weber apport
marxiste est négligé Mais il fait objet une sévère critique égal de
Max Weber Troeltsch entretient une véritable phobie de la monocausalité fa
milière aux marxistes et ne se fait pas faute en dénoncer les effets nocifs
Pourtant il admet sans se faire prier que les marxistes ont soulevé de bonnes
questions
Protestantisme et culture le dernier essai ici traduit est un article de
dictionnaire ou plutôt une encyclopédie théologique Il date de 1913
comme le précédent et comporte le même nombre de pages Il complète très
bien ce choix de textes qui donne une idée très juste de la manière de
Troeltsch plus historien que Weber plus souple et clair aussi dans expression
de sa pensée laquelle apparaît portée la distinction et la nuance
ambiguïté
La Préface due au traducteur Marc de Launay présente fort bien cet
ensemble anthologique cheval sur lés soucis théologiques la recherche un
impossible sens histoire et par ailleurs la perspective sociologique comme
instrument ordonnancement des données historiques et grille de leur inter
prétation de Launay marque de fa on intéressante les différences qui
séparent Troeltsch de Weber il agit évaluer apport du protestan
tisme la modernité Sans aucun doute Troeltsch insiste plus que son collègue
sur la variété des protestantismesde histoire on retrouvera cette insistance
encore plus visible peut-être les Soziallehren Surtout leur auteur accorde
aux sectes une place bien plus large et surtout une plus véritable autonomie
par rapport au protestantisme des grandes glises que Weber ne le fait dans
thique Enfin il sait appréhender une aîle jusque là mal située de la
Réforme radicale ce Spiritualismus ou Mysticismus dont il fait la troisième
entrée de sa typologie plus développée plus étoffée que celle de Weber Mais
ici nous plaidons pour ce dernier il disait dans son opposition secte-Eglise
ce qui était sociologiquement essentiel La trichotomie troeltschienne nette
ment plus somptueuse apportait strictement rien de nouveau de ce point de
vue simplement elle tirait un habile parti des possibilités ouvertes par Weber
Mais la grande différence entre Troeltsch et Weber tient probablement
selon Marc de Launay en ce que le théologien se montrait plus réservé que
le sociologue dans appréciation de éventuelle efficace de la religion vis-
à-vis des événements et des choses cette efficace pouvait-elle se montrer
plus indirecte et aléatoire agissant du domaine profane Le préfacier
souligne justement la prudence de Troeltsch en occurrence.-On peut se de
mander cependant si Weber pensait de manière tellement différente sur ce
point Troeltsch exprimait surtout avec plus de clarté que son collègue Et
il devait faire face autres problèmes en tant que théologien soucieux de
définir la tâche théologique hui en vue de demain Sa réserve dans
évaluation de la capacité du religieux influencer le profane nous semble
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WEBER ET TROELTSCH. ENCORE
Les deux premiers ouvrages présentés dans cette note étaient des textes
auteurs Les deux suivants se situent dans la glose un celui de Julien
Freund offre comme un ensemble Etudes sur Max Weber autre dû
Wolf Lepennies intéresse par ses réflexions sur Weber sur Troeltsch aussi
en passant) mais embrasse plus large Le premier nous retiendra
bord
Freund sa retraite en 1987 professeur Université de Strasbourg
est connu pour entre autres choses plusieurs publications sur Max Weber
Celle que nous présentons ici ne déroge pas par rapport au niveau élevé
rudition et de questionnement qui toujours été celui de auteur Il réuni
ici neuf études sur Weber dont la plus ancienne date de 1968 elle avait
été publiée alors dans notre revue époque Archives de Sociologie des
Religions 26 3-25 Elle traite de éthique économique des religions
mondiales selon Max Weber auteur polémique discrètement mais clai
rement avec Hubert Luthy historien suisse protestant autour un travail sur
Calvinisme et capitalisme paru successivement dans les Cahiers Vilfredo
relo et dans Preuves) un biais assez peu favorable au sociologue alle
mand La controverse nous vaut là un beau texte exégèse précise sur les
intentions les méthodes et les thèses de Weber texte qui puise dans ensemble
de uvre religieuse et méthodologique de ce dernier
Les Archives ont également publié une version moins détaillée de essai
no VII Polythéisme des valeurs et monothéisme religieux 164-199 cf
Arch. 61 51-61 et cf Arch. 62 no 262 auteur développe idée selon
laquelle chez Max Weber est une faille du monothéisme la faiblesse selon
Weber de sa théodicée qui permis ce que Freund appelle la résurrection
du polythéisme telle elle apparaît dans le polythéisme des valeurs
On notera comme peut-être plus convaincante idée que impérialisme du
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ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS
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WEBER ET TROELTSCH. ENCORE
chaque fois dans des contextes divers il consacre par contre plusieurs pages
au premier mais sans commenter vraiment aucun de ses textes longuement
Le titre de ouvrage ne manque pas de surprendre émergence de la
science sociologique aurait-elle quelque chose voir et quoi avec la lit
térature
auteur note pour commencer que dans la seconde moitié du XIXe siècle
en France en Angleterre et en Allemagne littérature et sociologie se sont
disputées le privilège offrir la société industrielle une véritable compré
hension elle-même Le divorce postérieur entre ces deux approches du social
pas fini de se consommer accent mis de fa on croissante sur la froide
rationalité de la science sociologique une part sur la culture des senti
ments par ailleurs mis fin toute tentative de conciliation entre des deux
approches de la vie sociale Ce est plus aux sociologues en vacances
que Balzac apparaît un mois par an le meilleur de tous les sociologues
du XIXe siècle
Derrière cette opposition ici fortement documentée Lepennies aper oit
un conflit entre Lumières ou héritiers de la chose et anti-Lumières conflit
que se prolongerait nous le croirions volontiers dans certains débats actuels
documentés ici pour la seule Allemagne pré et post-nazie Il suffit de noter
ici que les sociologues perdirent dans ces débats le droit avoir du style
ou de cultiver le récit ou encore de manier image et la métaphore
Dans un des chapitres de ce livre auteur explique 244 et suivantes
que le style si particulier de Max Weber serait le fruit une décision méditée
de faire scientifique est -paradoxalement- parce il était persuadé
du caractère problématique de toute activité intellectuelle il aurait refusé
de se dissocier -jusque dans son style- de intellectualisme scientifique
Voir le style de Weber comme celui de intellectualisme scientifique nous
étonne le pittoresque de son expression et inachèvement de tant de ses
phrases paragraphes ou chapitres semblent peu faits pour transmettre de fa on
univoque de froides vérités issues une réflexion dépassionnée Il
aurait selon nous interroger sur le rapport que son style pourrait entretenir
avec ébranlement nerveux qui bouleversa son existence De plus et comme
Lepennies admet ailleurs au passage Weber était peut-être pas persuadé
que seule la raison froide ou pas fût en cause dans la recherche dite scien
tifique Sa conférence sur La vocation du savant montre assez bien il
échappait partiellement seulement certaines tendances néo-romantiques de
son temps De cela aussi son style et sa conception de la science ont pu se
ressentir
Jean Séguy
G.S.R.-C.N.R.S
Paris
197