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Tous droits de reproduction, d'adaptation tlc
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C ~ditions du Seuil, 1965. p(

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1 AVANT-PROPOS
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Ce livre est issu de trois conférences données à l'Université de


Yale, à l'automne 1961, au titre des Terry Lectures. J'adresse au
1
1
Comité de ces Conférences, au Département de Philosophie de
1 l'Université de Yale et à son Président, ainsi qu'au Directeur de
Yale University Press, l'expression de ma vive reconnaissance pour
l'invitation qui est à l'origine de ce travail.
L'étape suivante est jalonnée par huit conférences données à
l'Université de Louvain, à l'automne 1962, dans la Chaire Cardi-
r nal-Mercier. Je prie M. le Président de !'.I nstitut supérieur de Philo-
sophie, ainsi que les Collègues qui m'ont accueilli dans cette chaire,
d'accepter mes remerciements pour l'exigence, autant que pour •
l'indulgence, qu'ils ont témoignées à une entreprise en pleine
élaboration.

Je dois maintenant au lecteur quelques indications concernant \


ce qu'il peut et ce qu'il ne peut pas attendre de ce livre.
D'abord ce livre porte sur Freud et non sur la psychanalyse;
cela signifie qu'il y manque deux choses : l'expérience analytique
elle-même et la prise en considération des écoles post-freudiennes.

En ce qui concerne le premier point, c'est sans doute une gageure
d'écrire sur Freud sans être ni analyste ni analysé et de traiter
son œuvre comme un monument de notre culture, comme un
texte dans lequel celle-ci s'exprime et se comprend; le lecteur
' jugera si cette gageure est un pari perdu. Quant à la littérature
post-freudienne, je l'ai délibérément écartée, soit parce qu'elle
résulte des corrections apportées au freudisme par l'expérience
analytique que je n'ai pas, soit parce qu'elle introduit des concep-
tions théoriques nouvelles dont la discussion m'aurait éloigné du
débat sévère avec le seul fondateur de la psychanalyse; c'est
pourquoi j'ai traité l'œuvre de Freud comme une œuvre désormais
close, et renoncé à discuter les conceptions, soit de dissidents

1


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AVANT-PROPOS .. .'

devenus des adversaires- Adler et Jung-, soit d'élèves devenus ••



1
des dissidents- Erich Fromm, Karen Horney, Sullivan- soit ,'
1
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de disciples devenus des créateurs - Mélanie Klein, Ja~ques .• l
Lacan. ••
l.,
Ensuite, ce livre n'est pas un livre de psychologie, mais de •

philosophie. C'est la nouvelle compréhension de l'homme intro- 1 J


.1 e:
duite par Freud qui m'importe. Je me place dans la compagnie l'
de Roland Dalbiez 1 , mon premier professeur de philosophie à et
qui je veux rendre hommage ici, de Herbert Marcuse 2, de Philip d
Rieff 3 , de J.-C. Flugel 4 • 1
.. Mon travail se distingue de celui de Roland Dalbiez sur un point
essentiel :je n'ai pas cru qu'on pouvait confiner Freud dans l'explo- '
ration de ce qui, dans l'homme, est le moins humain; mon entre- l' al
1
prise est née de la conviction inverse : c'est parce que la psycha- f
1 Dl
1 QI
nalyse est de droit une interprétation de la culture qu'elle entre en 1•. af
conflit avec toute autre interprétation globale du phénomène tr
humain. En cela je suis d'accord avec les trois derniers auteurs
cités. Je me distingue néanmoins d'eux par la nature de ma préoccu- dt
pation philosophique. Mon problème est celui de la consistance du
discours freudien. C'est un problème épistémologique, d'abord : •

qu'est-ce qu'interpréter en psychanalyse, et comment l'interpréta- • •

tion des signes de l'homme s'articule-t-elle sur l'explication écono-


mique qui prétend atteindre à la racine du désir? C'est un problème •

de philosophie réflexive, ensuite : quelle compréhension nouvelle
de soi procède de cette interprétation, et quel soi vient ainsi à
se comprendre? C'est un problème dialectique, encore : l'interpré-
tation freudienne de la culture est-elle exclusive de toute autre? •

Si elle ne l'est pas, selon quelle règle de pensée peut-elle être


coordonnée à d'autres interprétations, sans que l'intelligence soit
condamnée à ne répudier le fanatisme que pour tomber dans
l'éclectisme ? Ces trois questions sont le long détour par lequel je
reprends à nouveaux frais le problème laissé en suspens à la fin
de ma Symbolique du Mal, à savoir le rapport entre une /zerméneu-
tique des symboles et une philosophie de la réflexion concrète.

t. Roland Dalbiez, La Méthode psychanalytique et la Doctrine freudienne,


Desclée de Brouwer, 1936. c Vœuvre de Freud est l'analyse la plus prof~ndc
que l'histoire ait connue de ce qui, dans l'homme, n'est pas le plua humam. 1
•.
Ibid., t. Il, p . 51J.
a. Herbert Marcuse, Ero1 and Civilisation. A philo1ophical inquiry into Freud, •
Boston, 1955, tr. fr., ~d. de Minuit, 1963. '
3· Philip Rieff, Freud, the mind of the moralist, Londres, Victor Gollancz, 1960.
4 · J. C. Flugel, Man, Moraù and Society, 1945, Perearinc Booka, 196a.

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1
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11
• L'exécution de ce programme exigeait que je dissocie une Lec-
1
ture de Freud, aussi rigoureuse que possible, de l'Interprétation
• Philosophique que je propose. Le lecteur pourra donc traiter le
••
1
•••
Livre II comme un ouvrage séparé et se suffisant à lui-même;
l fai tenu à ·y rester au contact du texte freudien lui-même; à cet
.1 effet j'ai retraduit presque tous les textes que je cite 6• Quant à
l'interprétation philosophique, elle encadre ma Lecture de Freud
et se partage entre les questions qui constituent la Problématique
du Livre 1 et les essais de solution qui forment la Dialectique du
Livre III 8•

1 S· En dépit de Ja lourdeur du procédé, je me suis résolu à citer Io le texte
l allemand dans les Gesammelte Werke (sigle : G. W.), parce que c'est le texte origi-
1
1
f
nal; -2° la référence de la Stmzdard Edition de Londres (sigle : S. E.), parce
l que c'est la seule édition critique; 3° les traductions françaises disponibles,
1. afin que le lecteur puisse replacer les citations dans leur contexte et discuter les

traductions respectives.
6. Les quatre problèmes énoncés plus haut constituent les quatre niveaux •
de cette Dialectique•

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LIVRE PREMIER

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SITUATION DE FREUD ..
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CHAPITRE PREMIER
5
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1

, •• DU LANGAGE, DU SYMBOLE
1
; ET DE L'INTERPRÉTATION -

I. PSYCHANALYSB ET LANGAGE

Ce livre est pour l'essentiel un débat avec Freud.


Pourquoi cet intérêt pour la psychanalyse que ne justifient ni
la compétence de l'analyste, ni l'expérienct! de l'analysé? On ne
justifie jamais entièrement le parti-pris d'un livre : aussi bien
nul n'est tenu d'exhiber ses motivations ni de s'égarer dans une
. ..
1

1
confession. Le tenterait-on qu'on ne manquerait pas de se faire
illusion. Mais le philosophe, moins que quiconque, ne peut refuser
de donner ses raisons. Je le ferai en situant mon investigation dans
un champ plus vaste d'interrogation et en rattachant la singularité
de mon intérêt à une manière commune de poser les problèmes.
Il me paraît qu'il est un domaine sur lequel se recoupent aujour-

d'hui toutes les recherches philosophiques, celui du langage.
C'est là que se croisent les investigations de Wittgenstein, la
philosophie linguistique des Anglais, la phénoménologie issue
de Husserl, les recherches de Heidegger, les travaux de l'école
bultmannienne et des autres écoles d'exégèse néo-testamentaire,
les travaux d'histoire comparée des religions et d'anthropologie
portant sur le mythe, le rite et la croyance, - enfin la psychana-
lyse. .
Nous sommes aujourd'hui à la recherche d'une grande philo-
sophie du langage qui rendrait compte des multiples fonctions
du signifier humain et de leurs relations mutuelles. Comment le
langage est-il capable d'usages aussi divers que la mathématique
et le mythe, la physique et l'art? Ce n'est pas un hasard si nous nous
posons aujourd'hui cette question. Nous sommes précisément
ces hommes qui disposent d'une logique symbolique, dune science
exégétique, d'une anthropologie et d'une psychanalyse et qui,
pour la première fois peut-être, sont capables d'embrasser comme

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PROBLÉMATIQUE
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1

une unique question celle du remembrement du discours humain· 1



comr
en effet, le progrès même de disciplines aussi disparates que celle~ .' •
dans
que nous avons nommées a tout à la fois rendu manifeste et aggravé biblil

la dislocation de ce discours; l'unité du parler humain fait aujour- i• la rn

d'hui problème. .. pUIS
Tel est l'horizon le plus vaste sur lequel se découpe notre recher- · ••
Essai
che. Cette étude ne prétend nullement offrir cette grande philo- · . plais1
sophie du langage que nous attendons. Je doute d'ailleurs qu'un · . ' plus

seul homme puisse l'élaborer : le Leibniz moderne qui en aurait celle
l'ambition et la capacité devrait être mathématicien accompli, 1900
exégète universel, critique versé dans plusieurs arts, bon psychana- littér
lyste. En attendant ce philosophe du langage intégral, peut-être mytl
est-il possible d'explorer quelques articulations maîtresses entre l'Ha:
A
des disciplines ayant affaire au langage; c'est à cette investigation reve,
que le présent essai veut contribuer. pour
Que le psychanalyste soit, si j'ose dire, partie prenante dans ce QJ
grand débat sur le langage, c'est ce que je veux établir dès main- par :
tenant. dans
D'abord la psychanalyse appartient à notre temps par l'œuvre
écrite de Freud; c'est ainsi qu'elle s'adresse aux non analystes et
.. '•
A
reve
mod
'
aux non analysés; je sais bien que sans la pratique une lecture ••• expr
• •
de Freud est tronquée et risque de n'étreindre qu'un fétiche; mais l InVlt
si cette approche de la psychanalyse par les textes a des limites du 1
f A

que seule la pratique pourrait lever, elle a par contre l'avantage reve
de rendre attentif à tout un aspect de l'œuvre de Freud que la ,

c'est
pratique peut masquer et que risque d'omettre une science sou-
'
sera1'
cieuse seulement de rendre compte de ce qui se passe dans la •
vers
'
relation analytique. Une méditation sur l'œuvre de Freud a le •. ' corn
privilège d'en révéler le dessein le plus vaste; celui-ci fut non seu- lang
lement de rénover la psychiatrie, mais de réinterpréter la totalité s'art
des productions psychiques qui ressortissent à la culture, du rêve •' décl
à la religion, en passant par l'art et la morale. C'est à ce titre que nou:
la psychanalyse appartient à la culture moderne; c'est en interpré- débl
tant la culture qu'elle la modifie; c'est en lui donnant un instrument mê11
de réflexion qu'elle la marque durablement.
L'alternance dans l'œuvre même de Freud entre investigation 2.
médicale et théorie de la culture porte témoignage de l'amplitude et ex
du projet freudien. Certes, c'est dans la dernière partie de l'œuvre Je pc
d•enj
de Freud que se trouvent accumulés les grands textes sur la cul- 3.

ture 1 • Il ne faudrait pourtant pas se représenter la psychanalyse \
guen
de 1
1. L'a1Jenir d'une illusion est de 1927, Malaise dans la cioilisation de 1930, de 1 1
Moüe et k monotlliinne de 1937 et 1939.



J

• DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET DE L'INTERPRÉTATION


.'j
••
! comme une psychologie de l'individu tardivement transposée

.' dans une sociologie de la culture; un examen sommaire de la
bibliographie freudienne montre que les premiers textes sur l'art,
1
• ' la morale, la religion suivent de peu l'Interprétation des Rêves 2,

puis se développent parallèlement aux grands textes doctrinaux· :

Essais de Métapsychologie (1913-1917), Au-delà du principe de
plaisir (1920), Le moi et le ;a (1923) 3 • En réalité il faut remonter
1
plus haut pour saisir l'articulation de la théorie de la culture sur
' celle du rêve et de la névrose; c'est dans l'Interprétation des Rêves de
1900 qu'est amorcé le rapprochement avec la mythologie et la
littérature; que le rêve soit la mythologie privée du dormeur et le
mythe le rêve éveillé des peuples, que l'Œdipe de Sophocle et
l'Ham/et de Shakespeare relèvent de la même interprétation que le
rêve, voilà ce que dès 1900 la Traumdeutung proposait. Voilà ce qui
pour nous fera problème.
Quoi qu'il en soit de cette difficulté, ce n'est pas uniquement
par son interprétation de la culture que la psychanalyse s'inscrit

dans le grand débat contemporain sur le langage. En faisant du
• .'• rêve non seulement le premier objet de son investigation, mais un

modèle - au sens que nous discuterons plus loin - de toutes les
••
••
expressions déguisées, substituées, fictives du désir humain, Freud
1 invite à chercher dans le rêve lui-même l'articulation du désir et
1
du langage; et cela de multiples façons : d'abord ce n'est pas le
rêve rêvé qui peut être interprété, mais le texte du récit du rêve;
, c'est à ce texte que l'analyse veut substituer un autre texte qui
••
serait comme la parole primitive du désir; ainsi c'est d'un sens

. • vers un autre sens que se meut l'analyse; ce n'est point le désir
•.. comme tel qui se trouve placé au centre de l'analyse, mais bien son

• langage. Comment, dans le freudisme, cette sémantique du désir
s'articule-t-elle sur la dynamique que désignent les notions de
•• décharge, de refoulement, d'investissement, etc., c'est ce que
nous discuterons plus loin. Mais ce qu'il importe de poser dès le
début c'est que cette dynamique - voire cette énergétique, voire
même cette hydraulique- du désir et du refoulement, ne s'énonce

z. u mot d•esprit et ses rapports avec Nnconscient est de 1905, Actes obsédants
et exercices religieux de 1907, Délire et rêves dans la Gradiva de jensen de 1907
le petit essai sur La création littéraire et le rêve éveillé de 1908, Un souveni;
d'enfance de Léottard de Vinci de 1910 et surtout Totem et tabou de 1913.
• J. Le MoFse de Michel-Ange est de 1914, les Consitlératious actuelles sur la
1
gtlcrre et la mort de 1915, Un souvenir d'enfance dans • Fiction et Vérité • de Goethe
de 1917, L'Inquiétante itrangetj de 1919, Psychologie collective et analyse du moi
de 19Zl,


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t•

PROBLÉMATIQUE

que da~ une sémantique : les « vicissitudes des pulsions », pour


repre_n~tr~ un mot de Freud, ne peuvent être atteintes que dans sens 1
les vtc!ssttudes du ..sens. Là est 1~ raison profonde de toutes les appel<
analogtes ..entre I; reve et, le mot d espr}t, entr,e ~e rêye et le mythe, discut
entre le reve et 1 œuvre d art, entre le reve et l « tllus10n >> religieuse Or
e~c. Tou.tes. ces « productions p~ychiques » appartiennent à 1~ ••
lyse:
crrconscnpt10n du se~s et ressortts~e.nt à une unique question : symb<
comment la parole vtent-elle au destr ? comment le désir fait-il arbre~
échouer la parole et échoue-t-il lui-même à parler? C'est bien
~
des d
cette ouverture nouvelle sur Pensemble du parler humain sur ce dans :
que veut dire l'homme désirant, qui confère à la psychan~lyse un les rn·•
titre au grand débat sur le langage. fables
avec 1
1 phénc
• du dé

• 2. SYMBOLE ET INTERPRÉTATION bole c


d'autr

dans
Est-il possible de situer plus exactement le lieu d'insertion de on pc
la psychanalyse dans ce grand débat ? Puisque nous avons trouvé nalysc:
. •

darut le thème du premier grand livre de Freud l'origine du pro- •


• qUI a
d'abo1
blème, c'est dans ce livre encore que nous chercherons une pre-
mière indication sur le programme de la psychanalyse. Il est vrai tout d
.. comm
que nous ne sommes pas encore en état d'entrer dans ce livre.
Du moins le titre même de la Traumdeutung peut nous servir de 1 D'u
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gage t
guide. Dans ce mot composé il est question d'une part du rêve,
d'autre part de l'interprétation. Suivons tour à tour chacune des
1
'
langa~
l'ense:
pentes de ce titre à deux versants. C'est donc sur le rêve que porte de ce
l'interprétation : ce mot- le rêve- n'est pas un mot qui ferme, cacheJ
mais un mot qui ouvre. Il ne se referme pas sur· un phénomène •
dire 1<
un peu marginal de la vie psychologique, sur le fantasme de n~s 1


tton d
nuits, sur l'onirique. Il s'ouvre sur toutes les productions psychi- •

sozre,
ques en tant qu'elles sont les analogues du rêve, dans la folie et 1

• ce livi
dans la culture, quels que soient le degré et le principe de cette Ava
parenté; avec le rêve est posée ce que j'appelais tout à l'heure la et d'e
sémantique du désir; or cette sémantique tourne autour ?'u.n les co
thème en quelque sorte nucléaire : comme homme du désir Je Re\
m'avance masqué - larvatus prodeo; du même coup le langage de ce
est, d'abord et le plus souvent, distordu : il ve~t dire autre chose raie·' .·
que .ce qu'il dit, il a un double sens, il est équivoque. Le rêve e~ à dess
ses analogues s'inscrivent ainsi dans une région du langage qut de Sel
s'annonce comme lieu des significations complexes où un autre expr~

16
!
• •
• 1
t•

DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET DE L'INTERPRÉTATION •

sens tout à la fois se donne et se cache dans un sens immédiat; _


• appelons symbole cette région du double sens, nous réservant de
discuter un peu plus loin cette équivalence.
Or ce problème du double sens n'est pas propre à la psychana-
lyse : la phénoménologie de la religion le connaît aussi; les grands

• symboles cosmiques de la terre, du ciel, des eaux, de la vie, des
arbres, des pierres, et ces étranges récits sur les origines et la fin
des choses que sont les mythes sont aussi son pain quotidien. Or,
dans la mesure où elle est phénoménologie et non psychanalyse,
les mythes, les rites, les croyances qu'elle étudie ne sont pas des
fables mais une manière pour l'homme de se mettre en rapport
avec la réalité fondamentale, quelle qu'elle soit. Le problème de la
'• phénoménologie de la religion n'est pas d'abord la dissimulation
••
du désir dans le double sens; elle ne connaît pas d'abord le sym-
bole comme distorsion du langage; il est pour elle la manifestation
d'autre chose qui affleure dans le sensible, - dans l'imagination,
dans le geste, dans le sentiment, - l'expression d'un fond dont
on peut dire aussi qu'il se montre et se cache. Ce que la psycha-
nalyse atteint d'abord comme distorsion d'un sens élémentaire
.

• qui adhère au désir, la phénoménologie de la religion l'atteint
d'abord comme manifestation d'un fond, ou, pour lâcher le mot
tout de suite, quitte à en discuter plus loin la teneur et la validité,
comme révélation d'un sacré.
1

D'un seul coup se dessine à l'intérieur du grand débat du lan-
' gage un débat limité, certes, puisqu'il ne met pas en jeu le statut des
1 ~ langages univoques, mais un débat considérable qui embrasse
l'ensemble des expressions à double sens; et tout de suite le style
de ce débat se dessine et la question-clé se noue : le montrer-
cacher du double sens est-il toujours dissimulation de ce que veut
dire le qésir, ou bien peut-il être quelquefois manifestation, révéla-
1
• tion

d'un sacré? Et cette alternative elle-même est-elle réelle ou illu- •
• •1 sozre, provisoire ou définitive? C'est la question qui court à travers
ce livre.
Avant d'élaborer, dans le prochain chapitre, les termes du débat
et d'esquisser la méthode de sa résolution, continuons d'explorer
les contours du problème.
Revenons au titre de la Traumdeutung et suivons l'autre pente
de ce titre magnifique. Il ne dit pas science, d'une manière géné-
rale; il dit interprétation, d'une façon précise. Le mot est choisi
à dessein et son voisinage avec le thème du rêve est lui-même plein . 1
de sens. Si le rêve désigne - pars pro toto - toute la région des

expressions à double sens, le problème de l'interprétation désigne

17

'
•.•
• '· 1 . .
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PROBLÉMATIQUE 4
1 •


'
••
réciproquement toute intelligence du sens spécialement ordonnée tu:
aux expressions équivoques; .l'interprétation c'est l'intelligence .'
J

1
le~
du double sens. 1 ,
·j
'
ret
Ainsi, dans la vaste sphère du langage, le lieu de la psychana- >;
•• ret
lyse se précise : c'est à la fois le lieu des symboles ou du double 1
ret
sens et celui où s'affrontent les diverses manières d'interpréter. '
•1••
• ,. . ur
Cette circonscription plus vaste que la psychanalyse, mais plus j

• fo:

étroite que la théorie du langage total qui lui sert d'horizon, nous ' •
• • et
. l'appellero~s désormais le « champ herméneutique »; nous enten- qt
drons toujours par herméneutique la théorie des règles qui prési-
dent à une exégèse, c'est-à-dire à l'interprétation d'un texte singu-
lier ou d'un ensemble de signes susceptible d'être considéré •
.
1
comme un texte (nous nous expliquerons plus loin sur cette notion •
de texte et sur l'extension du concept d'exégèse à tous les signes ,,
'
analogues à un texte). . l•
Si donc les expressions à double sens constituent le thème privi- 1
'
légié de ce champ herméneutique, il apparaît aussitôt que c'est par rn·
l'intermédiaire de l'acte d'interpréter que le problème du symbole ..) . dé
.

••
s'inscrit dans une philosophie du langage. ' de
Mais cette décision initiale d'articuler l'un sur l'autre le problème i •
ne

du symbole et celui de l'interprétation soulève une série de ques- 1
•• re
1•
tions critiques que je veux poser à l'entrée de ce livre; ces questions ne

ne seront pas résolues dans ce chapitre, elles resteront ouvertes •' av
jusqu'à la fin. C'est en effet cette articulation qui fait du problème 1
• • d~
., 1

herméneutique un seul et unique problème; mais elle décide en '.


même temps de la définition du symbole et de celle de l'interpré- •
'• sy
tation. C'est bien cela qui ne va pas de soi. L'extrême confusion • 1
lat
du vocabulaire en ces matières exige de trancher, de prendre un ce
parti et de s'y tenir; mais ce parti-pris engage toute une philo- de
sophie qu'il faudra tirer au clair; notre parti sera de définir, c'est-à- .
1
' n'
dire de limiter l'une par l'autre les deux notions de ~yml;>ole .et de
d'interprétation. Selon nous le symbole est une expressiOn hnguts- le
tique à double sens qui requiert une interprétation, l'interprétation '
1
co
j •
un travail de compréhension qui vise à déchiffrer les symb?les. ru
La discussion critique portera sur le droit de chercher le cntère rè
• d';
sémantique du symbole dans la structure intention,nel!e du .d?~b!e
sens ct sur le droit de tenir cette structure pour 1obJet pnv1leg1é lef
de l'interprétation. C'est bien ce qui est en question dans notre se
décision de délimiter l'un par l'autre le champ du symbole et
celui de l'interprétation. pr
• 1
Dans la discussion sémantique qui va suivre nous mettrons
encore entre parenthèses le conflit qui, du moins en première lec- •
.'·'

t8 ' •

• •
.'
:
••• .• •
1
- . .• • •
1
•J • ..
~
1 • DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET ·DE L'INTERPRÉTATION
•• •
'
ture, oppos,e ~'une part Pinteiprétatio? psychanalytique :t to';ltes
• ;
:e •.
:e les interpretations conçues comme demasquage, démystificatiOn,

• réduction d'illusions, et d'autre part l'interprétation conçue comme

l- .
-•
recollection ou restauration du sens; il ne s'agit ici que de
Ie '1
1
reconnaître le contour du champ herméneutique; sans doute
•.
r. •
une discussion qui se tient en· deçà de ce conflit reste abstraite et
lS • formelle. Mais il importe de ne pas d'abord dramatiser le débat
lS \ ·. et de le tenir dans les limites strictes d'une analyse sémantique
l- qui ignore l'opposition entre distorsion et révélation.
' '•
l-
I-
·é
n •• 3· POUR UNE CRITIQUE DU SYMBOLE
:s •

• •
l- 1
1 Prenons la question du côté du symbole. Des usages absolu-
'
tr ment incompatibles du mot se sont répandus, qui appellent une
.e ••
• . · décision raisonnée. La définition que je propose se situe entre
••

. deux autres définitions, l'une trop large, l'autre trop étroite, que
.e '• nous allons discuter maintenant. En outre, elle se distingue entiè-
·-

• '•• rement de la conception du symbole en logique symbolique; nous
1
lS · ne pourrons rendre compte de cette troisième divergence qu'après
:s •
avoir élaboré le problème de l'herméneutique et situé ce problème

.e • • • dans une perspective philosophique plus ample 4•
n ..•
1

. Une définition trop large c'est celle qui fait de la u fonction


·-


• 1
symbolique » la fonction générale de médiation par le moyen de
n .' laquelle l'esprit, la conscience, construit tous ses univers de per-
n ception et de discours; comme on sait, cette définition est celle
·-
l- •
1

de Ernst Cassirer dans sa Philosophie des formes symboliques. Il
n'est pas indifférent pour . notre propos que le dessein explicite ·-
~t de Cassirer, inspiré par la philosophie de Kant, ait été de briser
1- • le cadre trop étroit de la méthode transcendantale, qui reste
n • , confinée dans la critique des principes de la philosophie newto-
~. 1 nienne, et d'explorer toutes les activités synthétiques et tous les
·e règnes d'objectivation qui leur correspondent. Mais est-il légitime

.e d'appeler symboliques ces u formes » diverses de synthèse dans
:é lesquelles l'objet se règle sur la fonction, ces « forces » qui produi-
·e sent et posent chacune un monde ?
~t •
Rendons justice à Cassirer : il est le premier à avoir posé le
problème du remembrement du langage. La notion de forme sym-
iS •1

:- + Cf. ci-dessous, chap. m •


• •

' i•

• •'
1 PROBLÉMATIQUE

bolique, avant de constituer une réponse, délimite une question : • 1••



celle de la composition de toutes les << fonctions médiatisantes » '1

dans une unique fonction que Cassirer appelle das Symbolische.


Le « symbolique » désigne le commun dénominateur de toutes les • •

manières d'objectiver, de donner sens à la réalité.



Mais pourquoi appeler « symbolique >> cette fonction ?
D'abord pour exprimer le caractère universel du renversement
'•
copernicien qui a substitué à la question de la réalité, telle qu'elle
peut être en soi, celle de l'objectivation par la fonction de synthèse •

de l'esprit. Le symbolique, c'est l'universelle médiation de l'esprit
entre nous et le réel; le symbolique veut exprimer avant toute
chose la non immédiateté de notre appréhension de la réalité. Son
usage en mathématique, en linguistique, en histoire des religions,
paraît confirmer cette destination du mot à un usage aussi uni-
versel. • •

En outre le mot symbole paraît bien convenir pour désigner les


instruments culturels de notre appréhension de la réalité : langage, t

religion, art, science; une philosophie des formes symboliques a •••
pour tâche d'arbitrer les prétentions à l'absolu de chacune des
fonctions symboliques et les multiples antinomies du concept de
culture qui en résultent.
Enfin le mot symbole exprime la mutation que subit une théorie
des catégories -espace, temps, cause, nombre, etc. - lorsqu'elle '

échappe aux limitations d'une simple épistémologie et passe d'une
critique de la raison à une critique de la culture. ••
'
Je ne nie pas les avantages de ce choix, encore moins la légiti- •
1
mité du problème de Cassirer, bien que le transcendantalisme
kantien qui continue de commander les notions d'objectivation, 1
1
de synthèse, de réalité, nuise à mon gré au travail de description t
t
et de classification des formes symboliques. Ce problème unique • t
•1
que Cassirer a désigné sous le vocable du symbolique, nous l'avons \

évoqué dès le début : c'est celui de l'unité du langage et de l'arti- 1
culation de ses multiples fonctions dans un unique empire du
discours. Mais ce problème me paraît mieux caractérisé par la
notion de signe ou de fonction signifiante&. Comment l'homme
\
5· Cassirer le dit lui-meme : le concept de symbole • couvre la totalité des
phénomènes qui rendent manifeste sous quelque forme que ce soit J'nccomplis-
aemcnt d'un sena dans un sensible ( Sitmerfüllung im Simr/ichen) et tous les
contextes dans lesquels un datum sensible, quel que soit son type d'existence,
(in der Art seines Da - S eins und So - Seins) est représenté comme incorporation
particulière, comme manifestation et incnmation d'une signification. • Philosophil
def Formes Symboliques, III, p. 109. Cité in Hamburg, Symbol and /Yality,
Nijhoff, 1956., p. 59·

20

.
1

1•

DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET DE L'INTERPRÉTATION



•!
n: .1 donne-t-il sens en remplissant de sens un sensible, voilà le pro-

~ » 1
blème de Cassirer.
Jze. S'agit-il donc d'une querelle de mots? Je ne le pense pas. L'enjeu
les de cette discussion terminologique c'est la spécificité du problème
• herméneutique. En unifiant toutes les fonctions de médiation sous
le titre du symbolique, Cassirer. donne à ce concept. une amplitude
'
• égale à celle des concepts de réalité d'une part, de culture d'autre
part; ainsi se dissipe une distinction fondamentale, qui constitue
!se • à mes yeux une véritable ligne de partage : entre les. expressions

nt univoques et les expressions multivoques. C'est cette distinction
1te qui crée le problème herméneutique. Aussi bien la philosophie
on linguistique anglo-saxonne se chargera de nous rappeler cette
18,
• division du champ sémantique. Si nous appelcms symbolique la
11- fonction signifiante dans son ensemble, nous n'avons plus de mot
pour désigner ce groupe de signes dont la texture intentionnelle
les appelle une lecture d'un autre sens dans le sens premier, littéral,
~e,
immédiat. Il m'a semblé que le problème de l'unité du langage
a 1
ne pouvait être valablement posé avant d'avoir donné consistance
••
les à un groupe d'expressions qui ont en commun de désigner un sens
de indirect dans et par un sens direct et qui appellent de cette façon

• quelque chose comme un déchiffrage, bref, au sens précis du mot,
ne une interprétation. Vouloir dire autre chose que ce que l'on dit,
lie '
• • voilà la fonction symbolique.
ne Entrons un peu plus avant dans l'analyse sémantique du signe
.1

' et du symbole. En tout signe un véhicule sensible est porteur de la


ti- 1
1 · fonction signifiante qui fait qu'il vaut pour autre chose. Mais je
ne ne dirai pas que j'interprète le signe sensible lorsque je comprends
10, 11
ce qu'il dit. L'interprétation se réfère à une structure intentionnelle
on 1
t de second degré qui suppose qu'un premier sens est constitué où
ue •
1
1

1 quelque chose est visé à titre premier, mais où ce quelque chose


ns '• renvoie à autre chose qui n'est visé que par lui.
ti- 1
Ce qui pl!ut ici prêter à confusion c'est qu'il y a dans le signe
iu une dualité ou plutôt deux couples de facteurs qui peuvent être
la
co~sidé~és cha~ue fois comn:te, composant l'unit~ de la signifi-
ne cation; 11 y a d abord la dualtte de structure du s1gne sensible et
tes 1
de la signification qu'il porte (du signifiant et du signifié dans la
~erminologic de Ferdinand de Saussure); il y a en outre la dualité

.ts•
les mtentionnelle du signe (à la fois sensible et spirituel, signifiant
ce,
et signifié) et de la chose ou de robjet désigné. C'est avec le signe
,,;,
on
linguistique, conventionnel et institué, que cette dquble dualité
ty, structurale et intentionnelle, atteint sa pleine manifestation· d'un~
part les mots, phonétiquement différents selon les langues, portent
21


1


.. •
' •
1

PROBLÉMATIQUE ' · 1

, •,
.
des significations identiques, d'autre part ces significations font mont
que les signes sensibles valent pour quelque chose qu'ils désignent; bilité

nous disons que les mots, par leur qualité sensible, expriment des tmag
· significations et que, grâce à leur signification, ils désignent quelque .

lion,
chose. Le mot signifier couvre ces deux couples de l'expression et celle
de la désignation. Ce
Ce n'est pas de cette dualité qu'il s'agit dans le symbole. Elle d'ém
est d'un degré supérieur; ce n'est ni celle du signe sensible et de et c<
la signification, ni celle de la signification et de la chose, laquelle arbit
d'ailleurs est inséparable de la précédente. Elle s'ajoute et se super- de re
pose à la précédente comme relation du sens au sens; elle présup- Péla~
pose des signes qui ont déjà un sens primaire, littéral, manifeste, et • phiq
qui par cc sens rf'nvoient à un autre sens. Je restreins donc déli- fécor

bérément la notiou de symbole aux expressions à double ou multiple qut :
sens dont la texture sémantique est corrélative du travail d'inter- du r
prétation qui en explicite le sens second ou les sens multiples. ~ Pc
Si cette délimitation paraît d'abord briser l'unité aperçue par de d
Cassirer entre toutes les fonctions signifiantes, elle aide à dégager syml
1 .
une sous-unité, à partir de laquelle le problème de Cassirer devra ·
1
• cern•
être repris à nouveau frais. •

savo

Tentons de donner une vue panoramique des zones d'émer- ·

tatlO
gence du symbole ainsi conçu. cons
' déjà
J'ai rencontré pour ma part ce problème du symbole dans l'étude
sémantique que j'ai consacrée à l'aveu du mal. Je remarquai une
qu'il n'existe pas de discours direct de l'aveu, mais que le mal- qu'il
1


à d~

trots
s'agisse du mal subi ou du mal commis - est toujours confessé .. diat<
par le moyen d'expressions indirectes empruntées à la sphère
quotidienne de l'expérience et qui ont ce caractère remarquable
1 N
1
de désigner analogiquement une autre expérience que nous appel-

1
phéi
lerons provisoirement expérience du sacré. Ainsi, dans la forme · '

Mat

archaïque de l'aveu, l'image de la tache - la tache qu'on enlève, ces 1
•• pha1
qu'on lave, qu'on efface, - désigne analogiquement la souillure '
comme situation du pécheur dans le sacré. Qu'il s'agisse d'une •
• tres
expression symbolique, les expressions et les conduites correspon- vera
dantes de la purification le confirment à l'envi; aucune de ces
' meu
conduites ne se réduit à un simple lavage physique; chacune bral
renvoie à l'autre sans épuiser son sens dans un geste matériel; de ~

CflVt
brûler, cracher, enfouir, laver, expulser : autant de conduites qui •
s'équivalent ou se substituent, tout en désignant chaque fois
1mn
• dan!
autre chose, à savoir la restauration de l'intégrité, de la pureté.
sym
Toutes 1~ ~évolut.ions du sentiment et de l'expérience du ~a! port
peuvent atnsl être Jalonnées par des révolutions sémantiques : J a1 •

22


1



1
1 DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET DE L'INTERPRÉTATION
1

• 1
·montré comment on passe ainsi au vécu du péché et de la culpa-

• 1 bilité par une série de promotions symboliques, jalonnées par les
.• images de la déviation, de la voie courbe, de l'errance, de la rébel-

' lion, puis par celle du poids, du fardeau, de la coulpe, enfin par
••
celle de l'esclavage qui les englobe toutes .
Ce cycle d'exemples ne concerne encore qu'une des zones
d'émergence du symbole, la plus proche de la réflexion éthique,
et constitue ce qu'on pourrait appeler la symbolique du serf- .
arbitre; sur cette symbolique se greffe sans peine tout un procès
de réflexion qui mène aussi bien à saint Augustin et Luther qu'à
Pélage ou Spinoza. J'en montrerai ailleurs la fécondité philoso-

phique. Ce qui m'importe dans le présent ouvrage, ce n'est pas la \
fécondité d'une symbolique particulière mais la texture du symbole
qui s'y révèle. Autrement dit, l'enjeu n'est pas ici le problème
du mal, mais l'épistémologie du symbole.
' Pour mener à bien cette épistémologie, il faut élargir notre base

de départ et énumérer quelques autres points d'affleurement du
1
symbole. Cette voie inductive est la seule accessible au commen-
1 .•
• cement de la recherche, puisque la question est précisément de


savoir quelle est la structure commune de ces diverses manifes-
• •
tations de la pensée symbolique. Les symboles que nous avons
, consultés sont déjà très élaborés à un niveau littéraire; ils sont
déjà sur le chemin de la réflexion; une vision morale ou tragique,
une sagesse ou une théologie y sont déjà amorcées. Remontant
1
l à des formes moins élaborées du symbole, nous en discernons
trois modalités différentes, dont l'unité n'est d'ailleurs pas immé-
diatement visible.
Nous avons déjà fait allusion à la conception du symbole en

1 phénoménologie de la religion, par exemple chez Van der Leeuw,
' Maurice Leenhardt, Mircea Eliade; liés au rites et aux mythes,
ces symboles constituent le langage du sacré, le verbe des « hiéro-
phanies »; qu'il s'agisse du symbolisme du ciel, comme figure du
très haut et de l'immense, du puissant et de l'immuable, du sou-
verain et du sage, ou du symbolisme de la végétation qui naît,
meurt et renaît, de l'eau qui menace, nettoie ou vivifie, ces innom-
• brables théophanies ou hiérophanies sont une source inépuisable
d~ symbolisation. Mais, prenons-y garde, ces symboles ne s'ins-
~nvent pas à côté du langage, comme des valeurs d'expression 1
' . Immédiate, des physionomies directement perceptibles; c'est
1
1
l
'• dans l'univers du discours que ces réalités prennent la dimension
symbolique. Lors même que ce sont des éléments de l'univers qui 1
!

portent le symbole- Ciel, Terre, Eau, Vie, etc.- c'est la parole }


• l

1
•'
'
\
1.
'
1
0
• •
.
.• • •

'

PROBLÉMATIQUE

••
-parole de consécration, d'invocation, commentaire mythique- 1

Cette
'.
qui dit l'expressivité cosmique par la grâce du double sens des symh
mots terre, ciel, eau, vie, etc.. L'expressivité du monde vient au Par
langage par le symbole comme double sens. ..
mem<
Il n'en va pas autrement dans la deuxième zone d'émergence parle,
du symbole, celle de l'onirique, si l'on désigne de ce mot les rêves
de nos jours et ceux de nos nuits. Le rêve est, comme on sait, le
l'expr
vanet
.,

porche royal de la psychanalyse. C'est le rêve qui, toute question gage


d'école mise à part, atteste que sans cesse nous voulons dire autre ' parole
chose que ce que nous disons; il y a du sens manifeste qui n'a Dieu
1
jamais fini de renvoyer à du sens caché; ce qui fait de tout dormeur prop~
un poète. De ce point de vue, le rêve exprime J'archéologie privée '
'•
touj01
du dormeur, qui parfois recoupe celle des peuples; c'est pourquoi / hiéroJ
Freud 6 limite souvent la notion de symbole à ceux des thèmes tous;
oniriques qui répètent la mythologie. Mais même lorsqu'ils ne rêve;
coïncident pas, le mythique et l'onirique ont en commun cette :·
C'est
structure du double sens; le rêve comme spectacle nocturne nous qu'il
est inconnu; il ne nous est accessible que par le récit du réveil; force
c'est ce récit que l'analyste interprète; c'est à lui qu'il substitue • met 1
un autre texte qui est à ses yeux la pensée du désir, ce que dirait Bache
le désir dans une prosopopée sans contrainte; il faut admettre, et hiérat
ce problème nous occupera longuement, que le rêve est en lui- le do.
même ,proche
.mterprete. ,
du langage, puisqu'il peut être raconté, analysé, C'e
1 épars•
Troisième zone d'émergence : l'imagination poétique. J'aurais comn
pu commencer par là; c'est pourtant ce que nous comprenons prodt
le moins sans le détour du cosmique et de 1' onirique. On a trop désigl
vite dit que l'imagination est le pouvoir des images; ce n'est pas attein
vrai si l'on entend par image la représentation d'une chose absente
ou irréelle, un procédé pour rendre présent - pour présentifier - C'e
la chose là-bas, ailleurs, ou nulle part; l'imagination poétique ne cette
se réduit nullement à ce pouvoir de former un portrait mental uns d
de l'irréel; l'imagerie d'origine sensorielle sert seulement de véhi- sens,
cule et de matériau à la puissance verbale dont l'onirique et le de la
cosmique nous rendent la véritable dimension. Comme dit Bache- entre
l~rd, l'ima~~ poétique: « nous met à l'origine de l'être parlant »; analoJ
l1mage poeuque, dtt-11 encore, u devient un être nouveau de notre l'exisr
langage, elle nous exprime en nous faisant cc qu'elle exprime 7 ». du ci
n'est-
poète
6. Cf ci-dessous II• partie, chap. m, la discussion du concept freudien de rêve
symbolique.
7· Gaston Bachelard, La poltique tÙ l'espace, p. 7• 8. (

• '
l

'
.'

l

DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET DE L'JNTERPRtfATION 1',


•1
l'
IJ
Cette image-verbe, qui traverse l'image-représentation, c'est le •1
1

symbole. ..,,


l'
Par trois fois, donc, le problème du symbole s'est égalé à celui !1
même du langage. Il n'y a pas de symbolique avant l'homme qui ,r
·1
parle, même si la puissance du symbole est enracinée plus bas, dans
l'expressivité du cosmos, dans le vouloir-dire du désir, dans la
!t..
ol
• if
,.
variété imaginative des sujets. Mais c'est chaque fois dans le lan-
gage que le cosmos, que le désir, que l'imaginaire, viennent à la tl
1

parole. Certes le Psaume dit : « Les cieux racontent la gloire de
••
Dieu )); mais les cieux ne parlent pas; ou plutôt ils parlent par le ,,;If1.
'


!,
prophète, ils parlent par l'hymne, ils parlent par la liturgie; il faut ' ,1
toujours une parole pour reprendre le monde et faire qu'il devienne ,~

hiérophanie; de même le rêveur, en son rêve privé, est fermé à !1


tous; il ne commence à nous instruire que quand il raconte son 1
l
rêve; c'est ce récit qui fait problème, comme l'hymne du psalmiste. •
l
C'est alors le poète qui nous montre la naissance du verbe, tel
qu'il était enfoui dans les énigmes du cosmos et de la psyché. La
force du poète est de montrer le symbole au moment où << la poésie

met le langage en état d'émergence )), pour parler encore comme .,.
•1

.
• Bachelard 8, au lieu que le rite et le mythe le fixent dans sa stabilité ••

hiératique et que le rêve le referme sur le labyrinthe du désir où


le dormeur perd le fil de son discours interdit et mutilé.
C'est pour donner consistance et unité à ces manifestations :j
'

éparses du symbole que je le définis par une structure sémantique ·'....


1

commune, celle du double sens. Il y a symbole lorsque le langage ·'· 1


produit des signes de degré composé où le sens, non content de . 'l
,1
désigner quelque chose, désigne un autre sens qui ne saurait être .
1

atteint que dans et par sa visée.


l
.'
C'est ici que nous sommes tentés par une définition qui risque
cette fois d'être trop étroite. Elle nous est suggérée par quelques- .
,,'
.

uns de nos exemples. Elle consiste à caractériser le lien du sens au '1

sens, dans le symbole, par l'analogie. Pour reprendre les exemples 1


de la symbolique du mal, n'y a-t-il pas entre la tache et la souillure,
l
'
·l• j
entre la déviation et le péché, entre le fardeau et la coulpe une •
analogie qui serait en quelque sorte l'analogie du physique et de
l'existentiel? N'y a-t-il pas aussi une analogie entre l'immensité .••
du ciel et l'infini de l'être, quoi que cela signifie? L'analogie
n'est-elle pas à la racine des « correspondances » que chante le j

poète? Cette définition n'a-t-elle pas J'autorité du platonisme, .'


J
i
l
1
8. G. Bllchelard, op. dt., p. 10. .1
:
i•
1 •
..!

l

J 1
- -----.~e.:.a.,--·c-w..a:;•":IWwe...:.c.',..'&• · -·-----·--·-·--


• •
• •,•.

.


., •

PROBLÉMATIQUE ,

. . du néo-platonisme et des philosophies de l'an~logie de l'être? -• aus


Certes, l'analogie qui fait le sens et, la force de bten des sym~oles d'an
1
ne se réduit nullement à un type d arguments tel que le ra1son- C'es
nement par analogie, c'est-à-dire, au sens fort, le raisonnement •
le n
par quatrième proportionnelle: A est à B ce que C est à D: L'ana- c
logie qui peut exister entr~ le sens second et le sens pretruer. n'est «lOI
pas un rapport que je pmsse porter sous le regard et constdérer que:
du dehors; ce n'est pas un argument; loin de se prêter à la forma- •
• l'int
lisation, elle est une relation adhérente à ses termes; je suis porté à cc:
par le sens premier, .dirigé par lui vers le sens. s~cond; .le s~ns gene
r
symbolique est constitué dans et par I.e ~ens htt;rai q~u . ~pere •
Je V
l'analogie en donnant l'analogue; à la dtfference dune stmthtude c
• que nous pourrions consi~ére~ du ~ehors, le ~YJ?bo.le est .le mou- • du~
vement même du sens pnmatre qm nous asstmtle tntentsonnelle- • lien
ment au symbolisé, sans que nous puissions dominer intellectuelle- •
pas
ment la similitude. 1
• est
Cette correction de la notion d'analogie ne suffit pourtant pas à Mai
couvrir tout le champ de l'herméneutique. Je penserais plutôt il s
que l'analogie n'est qu'une des relations mises en jeu entre le sens • ne 1
manifeste et le sens latent. La psychanalyse, on le verra, a mis à à d
découvert une variété de procédés d'élaboration qui s'intercalent mes
entre le sens apparent et le sens latent. Le travail du rêve est sin- et p
gulièrement plus complexe que la classique voie de l'analogie; •

figu
de même Nietzsche et Marx ont dénoncé de multiples ruses et • ' j'ai
falsifications du sens. Tout notre problème herméneutique, comme • l'ex

· on dira dans le prochain chapitre, procède de cette double possi- am:
bilité d'un rapport analogique en quelque sorte innocent ou d'une •
• tan•
distorsion, si fose dire, retorse. C'est cette polarité du symbole par

qui nous occupera dans la discussion de l'interprétation psychana- ,

1
VlVJ

lytiqu~. 1~ .nous suffit de l'avoir u~e fois aperçue pour cher~her stn
une defi!l1t1on du symbole plus étrotte que la fonction symbohq~e 1
sur

de Cassirer et plus large que l'analogie de la tradition platont· par

cienne et du symbolisme littéraire. · •
en
' der

• C'est pour arbitrer cette discordance entre une définition trop san
u longue » et une définition trop u courte )) que je propose de déli- ou

miter le champ d'application du concept de symbole par référence t1e1
à.l'ac~e ~'interpré~tion. Je dirai qu'il y a symbole là où l'expression sen
hngutsttque se prete par son double sens ou ses sens multiples (


à un trav.ail d'.interpréta~ion. Ce qui suscite ce travail c'est une qu'
structure antentwn1lelle qu1 11e co1zsiste pas dans le rapport drl snzs à
la chose, mais dans une architecture du setzs, datzs un rapport du sens 9

26
• •
, '
,. •
- '
'

• DU LANGAGE, DU SYMBOLE ET DE L'INTERPRÉTATION
,
,
au sens du sens second au sens premier, que ce rappart soit ou non
d'analogie que le sens premier dissimule ou révèle le sens second.
1
C'est cett~ texture qui rend possible l'interprétation, quoique seul
le mouvement effectif de l'interprétation la rende manifeste.
Cette double approche du symbole par une définition trop
u longue » et par une définition trop « courte ,, nous renvoie à la
• question. q~i fera l'objet de 1~. prochaine é~de : qu'e~t-~e. que
l'interpretatiOn ? Nous avons deJà aperçu la discordance mteneure
à cette question. Du moins le renvoi du symbole à une intelli-
r
gence he~mén~utique a-t-il une signification. phi~osop~iqu~ que
je voudrats degager au terme de cette prerruère tnvesttgatlon.
C'est par l'interprétation, a-t-il été dit plus haut, que le problème
du symbole s'inscrit dans le problème plus vaste du langage. Or ce
• lien à l'interprétation n'est pas extérieur au symbole, il ne lui est

pas surajouté comme une pensée de raccroc. Certes le symbole
.
1
est au sens grec du mot une u énigme », mais Héraclite le dit : « le
'
Maître dont l'oracle est à Delphes ne parle pas, ne dissimule pas,
il signifie » (oü-rt ).éytt oÜ-rt xpÛ7t't'tt ciU« O"t)fl.CX(vet) 9• L'énigme

ne bloque pas l'intelligence, mais la provoque; il y a quelque chose
à désenvelopper, à désimpliquer dans le symbole; c'est précisé-
• ment le double sens, la visée intentionnelle du sens second dans

et par le sens premier, qui suscite l'intelligence; dans les expressions
•. figurées du serf-arbitre qui constituent la symbolique de l'aveu,
'
j'ai pu montrer que c'est le surcroît même du sens, par rapport à
l'expression littérale qui met en mouvement l'interprétation :
ainsi, dans le symbolisme le plus archaïque, le pénitent vise spon-
'
•• tanément le sens de la souillure dans celui de la tache; on peut
parler de naïveté symbolique pour caractériser cette manière de
•1 vivre dans et par l'analogie sans que celle-ci soit reconnue comme

structure sémantique distincte; mais cette naïveté est dès l'origine
sur la voie de l'interprétation, en vertu de la transgression du sens
par le sens, au cœur même de la structure symbolique; je dirai,
en termes généraux : tout mythos comporte un logos latent qui
demande à être exhibé. C'est pourquoi il n'y a pas de symbole
sans un début d'interprétation; là où un homme rêve, prophétise
o.u poétise, un autre se lève pour interpréter; l'interprétation appar-
ttent organiquement à la pensée symbolique et à son double
sens.
Cet appel à l'interprétation qui procède du symbole nous assure
qu'une réflexion sur le symbole ressortit à une philosophie du

9· Diela-Knmz, Di6 FragJMnt~ der VorsokratiJter, t. 1, Hérae/it•, B 93·


••

..

•••
• . .

1 .•

' PROBLÉMATIQUE 1

langage et même de la raison, comme nous essaierons de le montrer •


quand nous confronterons le sens du symbole en herméneutique
à son sens en logique symbolique; ce symbole enveloppe une
sémantique propre, suscite une activité intellectuelle de déchif-
frage, de décryptage. Loin de tomber hors de la circonscription 1

du langage, il élève le sentiment à l'articulation du sens; ainsi l'aveu


nous est apparu comme une parole qui arrache le sentiment à
son opacité muette; toutes les révolutions du sentiment peuvent
ainsi être jalonnées par des révolutions sémantiques; le symbole
n'est pas un non-langage; la coupure entre langage univoque et
langage multivoque passe à travers l'empire du langage; c'est le 1 (
travail peut-être interminable de l'interprétation qui révèle cette ••
• ,
richesse, cette surdétermination du sens et rend manifeste l'appar- pre
tenance du symbole au discours intégral. la
tati
Le moment est venu de dire ce que c'est qu'interpréter et com- •. ras:
ment l'interprétation psychanalytique vient s'insérer dans le les
conflit des interprétations. àu
Ce n'est qu'au terme de ce premier aperçu sur l'intelligence en ,
herméneutique que pourra être repris le problème laissé en suspens • pre

de la double nature, univoque et équivoque, du discours et que 1
pourront être confrontés le symbole selon l'herméneutique et le
symbole selon la logique symbolique.

]
et
' du
1

Cite
et
vat
à1
du
de
l'c,
y,a•
ht
)
no1.

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..
• ."

.. . ,


••


re •

te CHAPITRE II
r-
n 1

u LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS


à
lt • ,
.e
:t
.e 1••
:e
Qu'est-ce qu'interpréter? demandions-nous au terme de la
précédente étude. Cette question commaQde la suivante : comment
·- la psychanalyse vient-elle s'inscrire dans le conflit des interpré-
tations? Or la question de l'interprétation n'est pas moins embar-
rassante que celle du symbole. Nous avons cru pouvoir arbitrer
- les oppositions concernant la définition du symbole en recourant
e à une structure intentionnelle, la structure du double sens, laquelle
en , retour
. n'est rendue manifeste que dans le travail de l'inter-
e
pretat10n.
s •

1 Mais ce concept d'interprétation fait lui-même problème•
e
e

I. LE CONCEPT D'INTERPRÉTATION

Réglons d'abord une difficulté qui n'est encore que de mots



et qui a été tranchée implicitement par notre définition moyenne
••
du symbole.
En effet, si nous consultons la tradition, nous sommes solli-
cités par deux usages; l'un nous propose un concept trop u court •
et l'autre un concept trop « long » de l'interprétation; ces deux
· variations dans l'extension du concept d'interprétation reflètent
à peu près celles que nous avons considérées dans la définition
du symbole. Si nous rappelons ici les deux racines historiques
de ces traditions discordantes - le Peri Hermêneias d'Aristote et
l'exégèse biblique - , c'est parce qu'elles indiquent assez bien
par qu;lle ~orrection on peut rejoindre notre concept moyen de
l'hermeneutique.
Partons d'Aristote : comme on sait, Je second Traité de l'Orga-
non s'appelle Peri Hennêt1eias, de l'l11terprétation. De lui procède
------·- ----------·-
. .
. -·
\ ... • •


.. .

. PROBLÉMATIQUE
'

ce que j'appelle le concept trop « long » de l'interprétation; il •


l dise
1

• n'est pas sans rappeler l'usage du symbole au sens de la fonction « di1


\
symbolique de Cassirer et de bien des modernes 1 • Il n'est pas A
illégitime de chercher dans la notion aristotélicienne d'interpré- en •
tation l'origine de notre propre problème, bien que la rencontre pré~
avec «l'interprétation>> aristotélicienne semble purement verbale : ven
en effet, le mot lui-même ne figure que dans le titre; bien plus, •
nor
il ne désigne pas une science portant sur des significations mais la 1
est
signification elle-même, celle du nom, du verbe, de la proposi- de
tion et en général du discours. Est interprétation tout son émis vra
par la voix et doté de signification - toute phônè sematztikè, toute · che
vox significativa 2• En ce sens le nom est déjà par lui-même inter- ' tott
prétation et le verbe aussi 3, puisque nous y énonçons quelque ' d'e
chose; mais l'énonciation simple ou plzasis est prélevée sur le sens pré
total du logos; le sens complet de l'lzermêneïa n'apparaît donc à 1:
qu'avec l'énoncé complexe, avec la phrase, qu'Aristote appelle du
logos et qui recouvre aussi bien l'ordre, le vœu, la demande que da a
le discours déclaratif ou apoplzansis. L' hermêneïa, au sens complet, Di
c'est la signification de la phrase. Mais au sens fort, celui du logi- . . for •
cien, c'est la phrase susceptible du vrai et du faux, c'est-à-dire la • •

proposition déclarative '; le logicien abandonne à la rhétorique . • rat


et à la poétique les autres genres du discours et ne retient que le tiq
de
du
t. Chez Aristote, d'ailleurs, sumbolon désigne le pouvoir expressif des sons en·
de la voix à l'égard des états d'Ame (ta patlzènu:zta). Le symbole est le signe la
conventionnel des états d'âme tandis que ceux-ci sont les images (omoiômata) du
1
des choses. L'interprétation a donc même extension que le symbole; les deux lo!
mots couvrent la totalité des signes conventionnels, soit dans leur valeur expres-
sive, soit dans leur valeur significative. Le Traité de l'lttterprétatio" ne reparle plus
tiq
• en
des symboles (sauf en r6 a 28), la théorie de l'expression ne relevant pas de ..
ce traité mais du traité De l'âme. Le présent traité concerne exclusivement la ou
signification. Aubenque (le Problème de l'Btre chez Aristote, P.U.F., 1962., p. 107) de
rem~rque qu'Aristote prend quelquefois symbole au sens de signification. L'i.dée ••
dommante reste celle de signe conventionnel ; il est l'intermédinire instttué
l't
entre la pensée et l'être, cc qui noua met sur la voie de Cassirer - à travers Kant r.e
il est vrai 1 '
• 2. • Le nom est un son vocal possédant une signification conventionnelle sans
référence au temps et dont aucune partie ne présente de signification quand elle '
est prise séparément. • De l'l11terprétation, § 2 , t6 a 19. D'
3· • Le verbe est ce qui ajoute à sn propre signification celle du temps : aucune l'e
de ses parties ne signifie rien prise séparément et il indique toujours quelque de
chose d'affirmé de quelque autre chose. •Ibid. § 3, r6 b S· CSI
4· • Une affirmation est la déclaration qu'une chose se rapporte ll une autre teJ
chose; une négation est la déclaration qu'une chose est séparée d'une autre chose. • re1

Ibid., 1 6, 17 a 25. lOI


30 •

1

'

--.,. •... - •

• • .. ' ..

• •

• LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS


..
1 •
l
1
discours déclaratif dont la forme première est l'affirmation qui •
l « dit quelque chose de quelque chose ».
s •' · Arrêtons-nous à ces définitions : elles suffisent pour faire entendre
- •
· en quoi la « voix sémantique » - la parole signifiante - est inter-
prétation. Elle l'est au sens où chez Cassirer le symbole est uni-
•• verselle médiation; nous disons le réel en le signifiant; en ce sens
., nous l'interprétons. La rupture entre la signification et la chose
a 1
est déjà consommée avec le nom et cette distance marque la place
- de l'interprétation; tout discours n'est pas nécessairement dans le
s vrai, il n'adhère pas à l'être; à cet égard les noms qui désignent des
e· choses fictives- le « bouc-cerf >>du paragraphe 3 du Traité aris-
- totélicien - montre bien ce qu'est une signification sans position
e • d'existence. Mais nous n'aurions pas eu l'idée d'appeler inter-
s prétation les noms, si nous n'apercevions leur portée significative
c à la lumière de celle des verbes et celle de~ verbes dans le contexte
e du discours, et si à son tour celle du discours ne se concentrait •
e dans le discours déclaratif qui dit quelque chose de quelque chose.
.,' Dire quelque chose de quelque chose c'est, au sens complet et
a
-
.. . . fort du mot, interpréter 6•
En quoi cette « interprétation » propre à la proposition décla-
e rative nous oriente-t-elle vers le concept moderne de l'herméneu-
e tique? Le rapport n'est pas d'abord évident; le« dire quelque chose
de quelque chose » n'intéresse Aristote qu'autant qu'il est le lieu
du vrai et du faux; c'est pourquoi le problème de l'opposition
18 entre affirmation et négation devient le thème central du traité;
te la sémantique de la proposition déclarative sert seulement d'intro-
) duction à la logique des propositions qui est pour l'essentiel une
IX

logique de l'opposition, laquelle à son tour introduit aux Atzaly-
JS tiques, c'est-à-dire à la logique des arguments. Ce dessein logique
le ' empêche la sémantique de se développer pour elle-même. En
ln ••
outre, la voie paraît barrée d'un autre côté à une herméneutique
7)
!e •
des significations à double sens; la notion de signification requiert

~~ l'urùvocité du sens : la définition du principe d'identité, en son
'lt r,ens logique et ontologique, l'exige; cette univocité du sens se
1S
le S· C'est dnns le verbe que ln notion d'interprétation prend son tournant.
1e
D'u.n cOté il regarde le nom, puisqu'il • ajoute à ln signification du nom celle de
l'existence présente •; d'autre pnrt • il indique toujours quelque chose d'affirm~
Je
de quelque chose d'nutre •; ce qu'Aristote commente ainsi : • De plus, Je verbe
est toujour!l le signe de cc qu'on dit d' une autre chose, savoir de choses appar-
-
re tenant à un sujet ou contenues dans un z~ujct. ' Ibid., § 3, 16 b 1 o; ainsi le verbe
•• ~cgarde-t-il du côt~ de la phrase ou du discours déclaratif; en cc sens c'est comme
&nstrumcnt de l'attribution qu'il • interprète '• c'est-à-dire • signifie '·
'

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1 •

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'
-
• t PROBLÉMATIQUE •
.
1

1
fonde finalement dans l'essence une et identique à elle-même; c'est .1 mêtU
sur ce recours à l'essence que repose toute la réfutation des argu- 1
l •
••
n'es1
ments sophistiques : a ~e ~as signifier u?e ~hose une, c'est ne rien •
fic at

signifier du tout 6• » Ams1 la commumcat10n entre les hommes •
que
n'est possible que si les mots ont un sens, c'est-à-dire un s~ns un. •

de <
I;t pourtant une réflexion prolongeant l'analyse proprement . logi<
'
sémantique du a dire quelque chose de quelque chose >> nous OUVJ
ramène aux alentours de notre propre problème. Si l'homme inter- 1 •
1
• gtqu
prète la réalité en disant quelque chose de quelque chose, c'est J théo
•1
que les véritables significations sont indirectes; je n'atteins les ficat
choses qu'en attribuant un sens à un sens; la « prédication », au • du ·
• sens logique du mot, met en forme canonique une relation de 1 L

• . signification qui nous contraint à remettre sur le chantier la théorie neu1
de l'univocité; il apparaît alors que la sophistique ne posait pas ,
.'• etan
un problème mais deux : celui de runivocité des significations text·
sans quoi le dialogue n'est pas possible, celui de leur « communi- s'es1
cation » - pour reprendre l'expression du Sophiste de Platon - !•

1 ~rét
sans quoi l'attribution n'est pas possible. Sans cette contrepartie, 1
• es '
l'univocité condamne à un atomisme logique, selon lequel une • neu
signification est seulement ce qu'elle est : il ne suffit donc pas de 1
• phil
1
lutter contre l'équivocité sophistique; un second front doit être 1
l où

ouvert contre l'univocité éléatique. Or, cette seconde lutte n'est t là e:
pas sans écho dans la philosophie d'Aristote. Elle éclate même au •) gorJ•
cœur de la Métaphysique; la notion d'être, on le sait, n'est pas .sus- • Cet
ceptible d'une définition univoque : « L'être se dit en plusieurs - défi
• façons»; être veut dire: substance, qualité, quantité, temps, lieu, etc. pas
Cette distinction fameuse des significations multiples de l'être 1
• c
ne constitue pas une anomalie dans le discours, une exception t •
c'es
dans la théorie de la signification; ces sens multiples de l'être coll

sont les « catégories » même - ou les « figures l> - de la prédi- • bib:
cation; aussi cette multiplicité traverse-t-elle tout le discours. chr·

Or elle est invincible; sans doute ne constitue-t-elle pas un pur ran
désordre des mots, puisque les différents sens du mot être s'ordon- I
ne':lt tous e~ référence à un sens premier, originaire; mais ~et~e
umté de réference- pros en legomenon - ne fait pas une slgm-
à'mê1r.

fication une; la notion d'être, comme on l'a dit récemment, n'est ' an tt

que « l'unité problématique d'une pluralité irréductible de signi- nat
fications 7 ». .• de

Je n'entends pas tirer de la sémantique générale du Peri lier- dét
nat

r
6. Mit., 1006 h 7·
8
7· Aubenquc, op. cit., p. 204.


32
-••
• •
1


-- . ..._.,... , -

,
1
' .•
1 •

'

.1
• /
LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS
.
1

t .1 mêneïas et de la sémantique particulière du mot être plus qu'il


-
1
11



n'est permis; je ne dis pas qu'Aristote a posé le problème des signi-
fications multivoques tel que nous l'élaborons ici; je dis seulement
••
s que sa définition de l'interprétation comme « dire quelque chose
. •
•• de quelque chose » introduit à une sémantique distincte de la
t logique, et que sa discussion des significations multiples de l'être
s ouvre une brèche dans la théorie purement logique et ontolo-
-.t 1
'•
1
gique de l'univocité. Tout reste à faire il est vrai pour fonder une
théorie de l'interprétation conçue comme intelligence des signi-
'
s 1
fications à multiples sens. La seconde tradition nous rapprochera
ll du but.
e 1 La seconde tradition nous vient de l'exégèse biblique; l'henné-

e neutique, en ce sens, est la science des règles de l'exégèse, celle-ci
s •• étant elle-même entendue comme interprétation particulière d'un

s texte. Il est incontestable que le problème de l'herméneutique
- 1 s'est, pour une grande part, constitué dans cette enceinte de l'inter-
- •
••
• Ftrétation de l'Écriture Sainte; ce qu'on a appelé traditionnellement
.,• 1
1
• es u quatre sens de l'Écriture » constitue le cœur de cette henné-
e neutique; à cet égard, on ne saurait dire avec trop de force que les
e 1
• philosophes devraient être plus attentifs à ces débats exégétiques
1
·e 1
1 où s'est jouée une théorie générale de l'interprétation 8 • C'est
;t •

u '

là en particulier qu'ont été élaborées les notions d'analogie, d'allé-
go rie, de sens symbolique; nous aurons fréquemment à y recourir.
'•
·- Cette seconde tradition apparente donc l'herméneutique à la
·s définition du symbole par l'analogie, bien qu'elle ne l'y réduise
..... pas entièrement.
·e Ce qui limite cette définition de l'herméneutique par l'exégèse,
n t • c'est d'abord sa référence à une autorité, qu'elle soit monarchique,
·e c?llégiale ou ecclésiale, comme c'est le cas pour l'herméneutique
• •
1- • b1blique telle qu'elle est pratiquée à l'intérieur des communautés
'tr· c~rétiennes; mais c'est surtout son application à un texte litté-
ra1re; l'exégèse est une science scripturaire.
l-
La tradition de l'exégèse offre pourtant une bonne base de départ
.e à rnotre entreprise : la notion de texte en effet peut être prise elle-

1-
'• ~ême en un sens analogique; le Moyen Age a pu parler d'une
;t anterpretatio naturae, à la faveur de la métaphore du livre de la

1.- nature; cette métaphore fait apparaître une extension possible •
.• de la notion d'exégèse, dans la mesure où la notion de cr texte »
,_ •
déborde celle d' u écriture ». Dès la Renaissance cette interpretatio
naturae est si complètement affranchie de ses références propre-

• 8. Henri de Lubac, Exigl11 mldilva/6, 4 vol., Aubier, 1959-196.4•

33
•'•



r• .
• •


PROBLÉMATIQUE

ment scripturaire~ que Sp!no~a, peut .Y ~ecourir, pour ~n~tituer une •


l'e'
- nouvelle conceptton de 1exegese btbhque; c est, dtt-11 dans le pr<•
Traité Théologico-politique, l'interprétation de la nature qui doit l
inspirer la nouvelle herméneutique réglée par le principe de l'inter.. av<
prétation de l'Écriture par elle-même; cette démarche de Spinoza, pr<
qui ne nous intéresse pas ici au point, ~e vue pr~prement biblique, déJ

marque un curieux choc en retour de 1 mterpretatzo 7Zaturae, devenue syt
modèle, sur l'ancien modèle scripturaire qui maintenant fait un
question. do
Cette notion de « texte » - ainsi affranchie de celle d' « écri- se1
ture » - est intéressante : Freud y recourt souvent, en particulier Sa(
lorsqu'il compare le travail de l'analyse à la traduction d'une • lot

langue dans une autre; le récit du rêve est un texte inintelligible SC!
• •
auquel l'analyse substitue un texte plus intelligible. Comprendre tai
c'est faire cette substitution. C'est à cette analogie entre l'analyse · • til:
et l'exégèse que fait allusion le titre de la Traumdeutung sur lequel

nous nous sommes déjà arrêtés. sn
Il n'est pas sans intérêt de rapprocher ici, pour la première fois, ge'
Freud de Nietzsche : c'est Nietzsche qui a emprunté à la disci- • or
pline de la philologie son concept de Deutung, de Auslegu1zg pour bl
l'introduire en philosophie; il est vrai que Nietzsche reste philo- pl
• logue lorsqu'il interprète la tragédie grecque ou les pré-socratiques; qt
mais c'est toute la philosophie qui, avec lui, devient interprétation. pr
Interprétation de quoi? C'est ce que nous dirons plus loin, quand ql
nous entrerons dans le conflit de l'interprétation; disons seulement se
ceci : cette nouvelle carrière ouverte au concept d'interprétation n•
est liée à une problématique nouvelle de la représentation, de la C<

•• • Vorstellu11g; ce n'est plus la question kantienne de savoir comment fil
une représentation subjective peut avoir une validité objective;
cette qu;stion, cen.trale dans une philosophie critique, recul~ ~~ f(

profi~ d une quest10n plus radicale; le problème de la vahdtte d·



r~s~a~t encore ~ans l'orbite, de la philosophie platonicienne ~e 1~ o·
vente et ~ela sctc~~e, don~ 1c:rreur et l'opinion étaient les contra1~e~, h
• le problcme de 1mterpretatton se réfère à une nouvelle possthl· e:
lité qui n'est plus ni l'erreur au sens épistémologique, ni le mc~·
songe au sens moral, mais l'illusion dont nous discuterons plus lolO é
le ~tatut. Laisson~ d~ côté pour,.I'instant ce qui fera quest!on tout p


à 1 heure, à savo1r 1usage de 1mterprétation comme tacuque du
soupçon et comme lutte contre les masques· cet usage exige une te
philosophie très particulière qui subordonn'e à l'expression de la
8
Volonté de Puissance le problème enlier de la vérité et de l'erreur. k
Ce qui nous importe ici c'est, au point de vue de la méthode, •
'

34
J


• \

.. 1. .

..
LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS

ne • l'extension nouvelle donnée au concept exégétique de l'inter-


, .
le pretatton.
:>it Freud précisément se situe à une des extrémités de cette filière :
avec lui ce n'est pas seulement une u écriture» qui s'offre à l'inter-
~a, prétation, mais tout ensemble de signes susceptible d'être consi-
1e, déré comme un texte à déchiffrer, donc aussi bien un rêve, un
ue symptôme névrotique, qu'un rite, un mythe, une œuvre d'art,
ait une croyance. N'est-ce pas alors à notre notion du symbole comme •
double sens qu'il faut revenir, sans préjuger encore si le double

n- sens est dissimulation ou révélation, mensonge vital ou accès au

1er sacré ? C'est à un concept élargi de l'exégèse que nous songions
.ne lorsque nous définissions plus haut l'herméneutique comme la
Jle science des règles exégétiques, et l'exégèse comme l'interpré-
ire tation d'un texte particulier ou d'un ensemble de signes suscep-
{se • tible d'être considéré comme un texte.
ucl Comme on voit, cette définition moyenne, qui déborde une
simple science scripturaire sans se dissoudre dans une théorie

ns, générale de la signification, tire son autorité de l'une et de l'autre

iCI- •
origine; la source exégétique paraît la plus proche, mais le pro-
)Uf • blème de l'univocité et de l'équivocité sur lequel débouche l'inter-
lo- prétation au sens aristotélicien est peut-être plus radical encore
es; que celui de l'analogie en exégèse; nous y reviendrons dans le 1
on. prochain chapitre; en revanche, la problématique de l'illusion,
md qui est au cœur de l'Auslegtm~ nietzschéenne, nous conduit au
ent seuil de la difficulté maîtresse qui commande le sort de l'hermé-

tOn neutique moderne. Cette difficulté que nous allons maintenant
! la considérer n'est plus un décalque de celle qui s'attachait à la défi-
ent nition du symbole; elle est propre à l'acte d'interpréter comme tel.
ve; Cette difficulté - celle-là même qui a mis en mouvement ma
au recherche - la voici : il n'y a pas d'herméneutique générale, pas
1ité de canon universel pour l'exégèse, mais des théories séparées et
! la opposées concernant les règles de l'interprétation. Le champ
res; herméneutique, dont nous avons tracé le contour extérieur, est
ibi· en lui-même brisé.
.en· Je n'ai pas l'intention, ni d'ailleurs le moyen, de tenter une
loin énumération complète des styles herméneutiques. Il m'a paru
:out plus éclairant de partir de l'opposition la plus extrême, de celle •
'
du qui crée la plus grande tension à l'origine de notre recherche.
une D'un côté, l'hennéneutique est conçue comme la manifestation
e la et la restauration d'un sens qui m'est adressé à la façon d'un mes-
eur. s~ge, d'une proclamation ou, comme on dit quelquefois, d'un
Jde, •
kerygme; de l'autre, elle est conçue comme une démystification,
'
35


-=.z . , t . . • • •.,B'I'W:'' .........,.._ ..._...- --
-·~--
0 •
..
.,

j

PROBLÉMATIQUE
1
comme une réduction d'illusions. C'est de ce côté de. la lutte que se rn·
range la psychanalyse, du moins en première lecture. •
.•
la
II est nécessaire que nous soyons placés dès le début en face ' pl
de cette double possibilité : cette tension, cette traction extrême la
est l'expression la plus véridique de notre « modernité n; la situa- G
tion qui est faite aujourd'hui au langage comporte cette double fo
possibilité, cette d?uble sollicitation, c~tte doub~e ~rgence : d'un Pc
côté, purifier le d1scours de ses excroissances, hqutder les tdoles, ré
aller de l'ébriété à la sobriété, faire une bonne fois le bilan de notre • cc
pauvreté; de l'autre côté, user du mouvement le plus « nihiliste », le
le plus destructeur, le plus iconoclaste, pour laisser parler ce qui
une fois, ce qui chaque fois a été dit quand le sens parut à neuf, re
quand le sens était plein; l'herméneutique me paraît mue par cette E.
double motivation : volonté de soupçon, volonté d'écoute; vœu M
de rigueur, vœu d'obéissance; nous sommes aujourd'hui ces
hommes qui n'ont pas fini de faire mourir les idoles et qui com- • n:
mencent à peine d'entendre les symboles. Peut-être cette situation,
dans son apparente détresse, est-elle instructive: peut-être l'extrême
iconolasme appartient-il à la restauration du sens.
Rendre manifeste la crise du langage qui aujourd'hui fait que 1
1
nous oscillons entre la démystification et la restauration du sens,
telle est la raison profonde qui motive la position initiale de notre

problème; j'ai pensé qu'une introduction à la psychanalyse de la
gJ
0

culture devait passer par ce grand détour. On tentera dans le pro-


chain chapitre d'approfondir encore ces prolégomènes et de ratta- p:
cher cette crise du langage à une ascèse de la réflexion qui commence la 0

par se laisser dessaisir de l'origine du sens. v:


Esquissons les termes du conflit afin d'achever de situer la psycha· A
nalyse dans le grand débat sur le langage. p
q
d
ti
2. L'INTERPRÉTATION l'

COMME RÉCOLLECTION DU SENS


p

~
C'est d'abord l'herméneutique comme restauration du sens que d
nous mettrons en place. Nous comprendrons mieux par contraste d
S:
renjeu de la psychanalyse de la culture et de l'école du soupçon
d
en disant d'a~ord cc qui y est foncièrement contesté. . c
Le co~tra1re du soupçon, dirai-je brutalement, c'est la 01• f n

Quelle fo1? Non plus sans doute la foi première du charbonmer•

36

b
- ~JUU -


'

LB CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS



••
mais la foi seconde de l'hennéneute, la foi qui a traversé la critique,
la foi post-critique. Je la chercherai dans la suite des décisions
.• philosophiques qui animent secrètement une phénoménologie de
• •

te • la religion et qui se cachent jusque d~ns sa neutralité apparente.


a.. C'est une foi raisonnable puisqu'elle interprète, mais c'est une
le •
foi parce qu'elle cherche, par l'interprétation, une seconde naïveté.
m Pour elle la phénoménologie est l'instrument de l'écoute, de la
:s, récollection, de la restauration du sens. Croire pour comprendre,
re • c·o mprendre pour croire, telle est sa maxime; et sa maxime, c'est
», le a cercle herméneutique >> lui-même du croire et du comprendre.

Ul Nous prendrons nos exemples dans la phénoménologie de la
lf, religion au sens large : j'y englobe Leenhardt, Van der Leeuw,
te · Eliade et j'y rattache ma propre recherche sur la Symbolique du
!U Mal.
es Nous tenterons de désimpliquer et de déployer la foi raison-
n- •
nable qui traverse l'analyse purement intentionnelle du symbolisme
·n, religieux et qui u convertit » du dedans cette analyse en écoute.
ne ••

I. C'est d'abord dans le souci de l'objet, caractéristique de
ue 1
1
toute analyse phénoménologique, que je vois la première empreinte
lS, de cette foi en une révélation par la parole. Ce souci, on le sait,
:re se présente sous les traits d'une volonté a neutre » de décrire et
la •
non de réduire. On réduit en expliquant par les causes (psycholo-
·o- • giques, sociales, etc.), par la genèse (individuelle, historique, etc.), •

~a- •
~
par la fonction (affective, idéologique, etc.). On décrit en dégageant
tee • la visée (noétique) et son corrélat ( noématique) : le quelque chose
'
visé, l'objet implicite dans le rite, dans le mythe et dans la croyance.
Ainsi, dans le cas du symbolisme du pur et de l'impur évoqué
' plus haut : la tâche est de comprendre ce qui est signifié, quelle
qualité de sacré est visée, quelle nuance de menace est impliquée
dans cette analogie entre tache et souillure, entre la contamina-
tion physique et la perte d'intégrité existentielle. Le souci de
robjct, ce fut pour nous la docilité au mouvement du sens qui,
partant de la signification littérale - la tache, la contamination - ,

pointe vers la saisie de quelque chose dans la région du sacré.
Nous dirons, en généralisant, que le thème de la phénoménologie
1ue de la religion, c,est le quelque chose visé dans l'action rituelle,
!Ste dans la parole mythique, dans la croyance ou le sentiment mystique;
~on
r
sa tâche est de désimpliquer cet « objet » des intentions diverses
de la conduite, du discours et de l'émotion. Appelons u sacré »
foi. cet objet visé, sans préjuger sa nature, que ce soit le tremendum
ier, numinosum selon Rudolf Otto, le puissant selon Van der Leeuw
37

>
"~··-- ..· - -.....\;.;....J.~ • •
4
," ii'. ......
.T
~

• '

PROBLÉMATIQUE
••
ou le Temps fondamental selon Eliade. En ce sens général, et en la '
vue de souligner ce souci de l'objet intentionnel, nous dirons que ty{
toute phénoménologie de la religion est une phénoménologie du de
« sacré 1>. Maintenant, une phénoménologie du « sacré » peut-elle po
rester dans les limites d'une attitude « neutre », réglée par l'epochè, hi~
par la mise entre parenthèses de la réalité absolue et de toute ffi(
question concernant l'absolu? L' epochè exige que je participe ve:
à la croyance dans la réalité de l'objet religieux, mais sur un mode • lo!•

neutralisé : que je croie avec le croyant, mais sans poser absolument gu
robjet de sa croyance. sel
Mais, si le savant comme tel peut et doit pratiquer cette méthode

de mise entre parenthèses, le philosophe comme tel ne peut pas se·
et ne doit pas éluder la question de la validité absolue de son objet; rn


car m'intéresserais-je à « l'objet li, pourrais-je privilégier le souci de Sll
l'objet, à travers même la considération de la cause, de la genèse ou er.
de la fonction, si je n'attendais que, du sein de la compréhension, er
ce '' quelque chose "s' «adresse,, à moi ? N'est-ce pas l'attente d'une pl
interpellation qui meut ce souci de l'objet? Finalement, ce qui est ar

implicite à cette attente, c'est une confiance dans le langage; c'est n
la croyance que le langage qui porte les symboles est moins parlé
par les hommes que parlé aux hommes, que les hommes sont nés aJ
au sein du langage, au milieu de la lumière du logos u qui éclaire St
tout homme venant au monde ». C'est cette attente, c'est cette rr
confiance, c'est cette croyance qui confèrent à l'étude des symboles fe
Cl
sa gravité particulière. Je dois à la vérité de dire que c'est elle qui
anime toute ma recherche. Or c'est elle qui est aujourd'hui contestée d
par tout le courant de l'herméneutique que nous placerons tout g
St
à l'heure sous le signe du u soupçon )) ; cette autre théorie de l'inter- •

prétation commence précisément par le doute qu'il y ait un. t~l •. f,


objet et que cet objet puisse être le lieu de l'inversion de la vtSee
intentionnelle en kérygme, en manifestation et en proclamati?n.
q
8
• C'est pourquoi cette herméneutique n'est pas une désimplicatiOn r
de l'objet, mais un arrachement du masque, une interprétation e
réductrice des déguisements. r
(
2. Selon la phénoménologie de la religion, il y a une « vérité 11

des symboles; cette vérité, dans l'attitude neutre de l'epoclzè hussc~­ 1


lienne, ne signifie rien de plus que le u remplissement » - dUJ (
Erfüllung - de l'intention signifiante. Pour que la phéno~éno­ (
logie de la religion soit possible, il faut et il suffit qu'il y att non 1
pas seulement une, mais plusieurs voies de remplissement ~es 1
diverses intentions de signification selon les diverses régions d'obJet; •

br
..
• •

' •
, '

LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS •

•'
••
:n la « vérification ,, au sens du positivisme logique, est seulement un
le type de remplissement parmi d'autr~s et non le mo?e .canonique
lu de rem plissement; ce type est reqms par le type d objet corrc:s-
.le pondant, à savoir l'objet physique et, en un autre sens, l'objet
r~, historique - et non par le concept de vérité en tant que tel, autre-
.te ment dit par l'exigence de remplissement en général. C'est en
pe vertu de cette multiplicité du « remplissement >> que le phénoméno-
de logue parle, sur un mode réduit, neutralisé, de l'expérience reli-
••
nt gieuse, non par analogie, mais selon le type spécifique d'objet et
selon le mode spécifique de remplissement dans ce champ.
de • Or comment avons-nous rencontré ce problème du remplis-

•as sement dans l'ordre des significations symboliques? Essentielle-
.. t.
• t
ment à l'occasion de notre investigation du lien analogique entre
de signifiant primaire ou littéral et signifié secondaire - disons :
ou entre tache et souillure, entre déviation (ou errance) et péché,
>n, entre poids (ou charge) et coulpe. Nous buttons ici sur une liaison
.ne primordiale, indéfectible, qui n'a jamais le caractère institué et
est arbitraire que comportent les signes « techniques » qui ne veulent
est rien dire d'autre que ce qui y est posé.
.rlé C'est dans cette liaison du sens au sens que réside ce que j'ai
,
:les appelé le plez'n du langage. Cette plénitude consiste en ceci que le

ure second sens habite en quelque sorte le sens premier. Mircea Eliade
!tte montre bien, dans son Traité d'Histoire ghzérale des re/z"gions, que la
,les force du symbolisme cosmique réside dans le lien non arbitraire

qut entre le Ciel visible et l'ordre qu'il manifeste : il parle du sage et
;tee
1
du juste, de l'immense et de l'ordonné, grâce au pouvoir analo-
out gique qui lie le sens au sens. Le symbole est lié, lié en un double
ter- • sens : lié à ... et lié par. D'un côté, le sacré est lié à ses significations
tel primaires, littérales, sensibles : c'est ce qui fait son opacité; de

tsee
1 ••
l'a~tre côté, la signification littérale est liée par le sens symbolique

ton. qUI réside en elle; c'est cc que j'ai appelé le pouvoir révélant du
:a•on symbole, lequel fait sa force en dépit de son opacité. C'est ce qui

aon l'oppose au signe technique qui ne signifie rien de plus que ce qui y
est posé ct qui, pour cette raison, peut être vidé, formalisé et
r~duit à un simple objet de calcul. Seul le symbole donne ce qu'il
.té 1 dtt. •

scr- . Mais, en disant cela, n'avons-nous pas déjà enfreint la cr neutra-


die hté » phénoménologique? Je l'avoue. J'avoue que ce qui motive
!no- e? profond.eur c~t intérêt pour le langage plein, pour le langage lié,
non c c~t cette mversaon du mouvement de la pensée qui u s'adresse» à
des ~01 et ~e fait sujet interpellé. Et ce~t7 inversion se produit dans
Jjet; 1 analogte. Comment? Comment ce qu1 he le sens au sena me lie-t-il?

39

1


br

·1
:
1
1 .• '
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' •
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1
. ( 1
• PROBLÉMATIQUE ••
r•
'
En ceci que le mouvement qui m'entraîne vers le sens second ••
m'assimile à ce qui est dit, me rend participant à ce qui m'est •
1

annoncé. La similitude en laquelle réside la force du symbole et
dont il tire son pouvoir révélant n'est pas en effet une ressemblance •

objective, que je puisse considérer comme une relation exposée ~


1
devant moi; c'est une assimilation existentielle de mon être à l'être 1
• • selon le mouvement de l'analogie. l

. i1
' .
3· Cette allusion au thème ancien de la participation nous per- •
t

met de faire un troisième pas dans la voie de l'explicitation qui est •


1

: 1
aussi la voie de la probité intellectuelle : la décision philosophique,
entièrement déclarée, qui anime l'analyse intentionnelle serait 1
1
une version moderne de l'antique réminiscence. Le souci moderne 1l'

pour les symboles exprime un nouveau désir d'être interpellé, par
delà le silence et l'oubli que font proliférer la manipulation des !.

1 signes vides et la construction des langages formalisés. •


Cette attente d'une nouvelle Parole, d'une nouvelle actualité
de la Parole, est la pensée implicite de toute phénoménologie des
symboles, qui met d'abord l'accent sur l'objet, puis souligne la •

plénitude du symbole, pour enfin saluer le pouvoir révélant de la


l
parole originaire. '

3•
L'INTERPRÉTATION
COMME EXERCICE DU SOUPÇON
;


Nous achèverons de situer Freud en lui donnant, non seulement

un vi~-à-vis, mais une compagnie. A l'interprétation comme r~­ '
• tauratton du sens, nous opposerons globalement l'interprétauon •

selon ce que j'appellerai collectivement l'école du soupçon.


Une théorie de l'interprétation aurait ainsi à rendre compte
non seulement de l'opposition entre deux interprétations de l'inter-

prétation, Pune comme récollection du sens, l'autre comme réduc-
tion des illusions et des mensonges de la conscience - mais encore
de la fragmentation ct de l'éparpillement de chacune de ces ~eux
grandes « écoles » de l'interprétation dans des cc théories » diffé-

rentes et même étrangères l'une à l'autre. Cela est sans dou~e
plus vrai encore de l'école du soupçon que de l'école de la rémt·
niscence. Trois maîtres en apparence exclusifs l'un de l'autre la
dominent, Marx, Nietzsche et Freud. Il est plus aisé de faire nppa·

)

1
1
f . .

1• •

t
• LE CONFLIT DBS INTERPRÉTATIONS
r••
'
•• raître leur commune opposition à une phénoménologie du sacré,
econd
m'est comprise comme propédeutique à la « révélation » du sens, q~e
ole et 1
• leur articulation à l'intérieur d'une unique méthode de démysti-
Jlance fication. Il est relativement aisé de constater que ces trois entre-
11
:posée prises ont en commun de contester le primat de « l'objet » dans notre
. l'être représentation du sacré et le <c remplissement » de la visée du sacré
1 par une sorte d'analogia entis qui nous grefferait sur l'être par la
1
••
vertu d'une intention assimilatrice; il est encore facile de recon-
s per- •
1
naître que c'est un exercice chaque fois différent du soupçon; de

lUI est 1 la vérité comme mensonge, telle serait la formule négative sous
hique, laquelle on pourrait placer ces trois exercices du soupçon. Mais

seratt l'
1
nous sommes encore loin d'avoir assimilé le sens positif de ces
>derne 1 j•
trois entreprises; nous sommes encore trop attentifs à leurs diffé-

lé, par rences et aux limitations que les préjugés de leur époque infligent
1
m des ; à leurs épigones plus encore qu'à eux-mêmes. l\1arx est alors
•'
•• relégué dans l'économisme et dans l'absurde théorie de la cons-
tualité •
cience-reflet; Nietzsche est tiré du côté d'un biologisme et d'un
~ie des •• perspectivisme incapable de s'énoncer lui-même sans contra-
gne la .• diction; et Freud est cantonné dans la psychiatrie et affublé d'un
: de la pansexualisme simpliste.
Si l'on remonte à leur intention commune, on y trouve la décision
de considérer d'abord la conscience dans son ensemble comme

conscience cc fausse ». Par là ils reprennent, chacun dans un registre
1
différent, le problème du doute cartésien, pour le porter au cœur
même de la forteresse cartésienne. Le philosophe formé à 1'école
de Descartes sait que les choses sont douteuses, qu'elles ne sont
P~ telles qu'elles apparaissent; mais il ne doute pas que la cons-
ctence ne soit telle qu'elle s'apparaît à elle-même; en elle, sens et
lement conscience du sens coïncident; depuis Marx, Nietzsche et Freud,
ne res· 1
nous en doutons. Après le doute sur la chose, nous sommes entrés
étation dans le doute sur la conscience.
Mais ces trois maîtres du soupçon ne sont pas trois maîtres de
:ompte scepticisme; ce sont assurément trois grands u destructeurs n; et
l'inter- po~rtant cela même ne doit pas nous égarer; la destruction, dit
réduc· Headcgger dans Sein und Zeit, est un moment de toute nouvelle
encore fondation, y compris la destruction de la religion, en tant qu'elle
:s deux es!, selon le mot de Nietzsc~e, un « platonisme pour. le peuple ».
1) diffé- C est au~de.là de la « destruction » .q ue se pose la question de savoir
1 doute ce que stgmfient encore pensée, ratson et même foi.
a rémi· '•' . Or tous trois dégagent l'horizon pour une parole plus authen-
tutre la ~tque, p~ur un !l?uvcau règne d.e la Vér!té, non seulement par le
e nppa- moyen dune crtttque « destructrace », mats par l'invention d'un art


l

.
1.
• '•

'
lr
1

.

PROBLÉMATIQUE


,•1
• ' .
1
J

d'interpréter. Descartes triomphe du doute sur la chose par révi- 1
1
(

•• dence de la conscience; eux triomphent du doute sur la conscience 1 mt


par une exégèse du sens. A partir d'eux, la compréhension est ••' pa;
une herméneutique : chercher le sens, désormais, ce n'est plus
épeler la conscience du sens, mais en déchiffrer les expressions.
Ce qu'il faudrait donc confronter, c'est non seulement un triple
!l pa!
dé·
qu
soupçon, mais une triple ruse. Si la. consci~nc~ n'est pas telle qu'elle ,'

ne'
croit être, un nouveau rapport dmt être mstttué entre le patent et co·
le latent; ce nouveau rapport correspondrait à celui que la cons- •'
co
1
cience avait institué entre l'apparence et la réalité de la chose. 1
de
La catégorie fondamentale de la conscience, pour eux trois, c'est .•'
qu
le rapport caché-montré ou, si l'on préfère, simulé-manifesté. • ta1
Que les marxistes s'entêtent dans la théorie du « reflet », que. uJ
Nietzsche se contredise en dogmatisant sur le u perspectivisme » 1
' d',
de la volonté de puissance, que Freud mythologise avec sa<< censure,, '• le
1
son << portier >> et ses « déguisements >> : l'essentiel n'est pas dans • vr•
ces embarras et ces impasses. L'essentiel c'est que tous trois créent, 1
pc:
avec les moyens du bord, c'est-à-dire avec et contre les préjugés 1

fl2
de l'époque, une science médiate du sens, irréductible à la conscience 1 co
immédiate du sens. Ce qu'ils ont tenté tous trois, sur des voies •
m
différentes, c'est de faire coïncider leurs méthodes « conscientes » P'
de déchiffrage avec le travail u inconscient » du chiffrage qu'ils rn
attribuaient à la volonté de puissance, à l'être social, au psychisme su
inconscient. A rusé, rusé et demi. lo
• Ce qui distingue alors Marx, Freud et Nietzsche, c'est l'hypo- di
•• thèse générale concernant à la fois le processus de la conscience Il


« fausse » et la méthode de déchiffrage. Les deux vont de pair, tiJ
puisque l'homme du soupçon fait en sens inverse le travail de à
1 falsification de l'homme de la ruse. Freud est entré dans le pro-
'' blème de la conscience fausse par le double porche du rêve et du F
sy~ptô~e _névrotique; son hypothèse de travail comporte les C<
~ernes hmttes que son angle d'attaque : ce sera, comme on le
dtra amplement plus loin, une économique des pulsions. M~rx .. ri
attaque _le problème des idéologies dans les limites de l'aliénation d
éc~nom1que, au, sens cette fois de l'économie politique. Nietzsche,
axe sur le problcme de la<< valeur»- de l'évaluation et de la trans- C1
valuation - , cherche du côté de la « force u et de la « faiblesse » de e·
la Volonté de Puissance la clé des mensonges et des masques. Ct
Au fond, la Généalogie de la morale au sens de Nietzsche, la
théorie des idéologies au sens marxiste la théorie des idéaux et d
des illusions au sens de Freud, représentent trois procédures d
convergentes de la démystification. l'
1


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LE CONFLIT DES INTERPRÉTATIONS

.t

:vt- '
1 Ce n'est peut-être pas encore ce qu'ils ont de plus fort en com-
1ce f mun· leur parenté souterraine va plus loin; tous trois commencent
est ! par 1~ soupçon concernant les illusions de la conscience et continuent
lus par la ruse du déchiffrage; tous trois, finalement, loin d'être des
nu. 1 détracteurs de la ccconscience>>, visent à une extension de celle-ci. Ce
pie 1 que veut Marx, c'est libérer la praxis par la connaissance de la
!!Ile 1 nécessité; mais cette libération est inséparable d'une cc prise de
~ et conscience ,, qui riposte victorieusement aux mystifications de la
1
ns- •
' conscience fausse. Ce que veut Nietzsche, c'est l'augmentation
Jse. •• de la puissance de l'homme, la restauration de sa force,· mais ce
'est •
que veut dire Volonté de Puissance doit être recouvré par la médi-
sté. • tation des chiffres du cc surhomme », du « retour éternel » et de
:tue. « Dionysos », sans lesquels cette puissance ne serait que la violence
1
te • 1
d'en deçà. Ce que veut Freud, c'est que l'analysé, en faisant sien
·e », •
• le sens qui lui était étranger, élargisse son champ de conscience,
.ans '
• vive mieux ct finalement soit un peu plus libre et, si possible, un
:!nt, peu plus heureux. Un des premiers hommages rendus à la psycha-
tgés nalyse parle de cc guérison par la conscience ». Le mot est juste. A
mee •
1 condition de dire que l'analyse veut substituer à une conscience

)les ,'.
j
immédiate et dissimulante une conscience médiate et instruite
es » par le principe de réalité. Ainsi, le même douteur qui dépeint le
l'ils moi comme un « pauvre hère », soumis à trois maîtres, le çà, le
,me •
sur~oi et la réalité ou nécessité, est aussi l'exégète qui retrouve la
l~g•que du royaume illogique et qui ose, avec une pudeur et une

dtscrétion sans pareilles, terminer son Essai sur l'Ave11ir d'une
• l!lusion par l'invocation du dieu Logos, à la voix faible mais infa-
)aJf,
tigable, du dieu non point tout-puissant, mais efficace seulement
. de à la longue.
JrO- Cette dernière référence au « principe de réalité » chez
: du Freud. et à ses équivalents selon Nietzsche et Marx - nécessité
les co..mpnsc chez celui-ci, retour éternel chez celui-là - fait appa-
n le • rattre 1~ bénéfice positif de l'ascèse exigée par une interprétation
Iarx ~~d~ct:tce ~t destructrice : l'affrontement avec la réalité nue, la

t10n ISClplme d Alla7lké, de la Nécessité.
che, En même temps que nos trois maîtres du soupçon trouvent leur '
ans- •
convergence positive, ils donnent à la phénoménologie du sacré
» de et à toute herméneutique conçue comme récollection du sens et
ues. comme réminiscence de l'être, son contraire le plus radical.
!, la Ce qui est en question dans cette contestation, c'est le destin
x et • ~e ce que fappcllerai, pour faire court, le noyau mythico-poétique
ures '
l'h l'Imagin~tion. Face à << l'illusion », à la fonction fabulatrice,
crméneuttque démystifiante dresse la rude discipline de la

\
·- ------.- -----·"*·---··----- ·- ...... 4..._,~,._ ........... '
• • • • 1
• •


• .
. •

. PROBLfMATIQUB

nécessité. C'est la leçon de Spinoza: on se découvre d'abord esclave ·


t
on comprend son esclavage, on sc retrouve libre dans la nécessité f

comprise. L'Éthique est le premier modèle de cette ascèse que doit r
:
traverser la libido, la Volonté de Puissance, l'impérialisme de classe
. dominante. Mais, en retour, à cette discipline du réel, à cette
ascèse du nécessaire, ne manque-t-il pas la grâce de l'imagination
le surgissement du possible? Et cette grâce de l'Imagination n'a~
t-elle pas quelque chose à voir avec la Parole comme Révélation ? '

1
· Voilà l'enjeu du débat. La question qui se pose maintenant à •
'

nous est de savoir jusqu'à quel point un tel débat peut encore être 1


arbitré dans les limites d'une philosophie de la réflexion. r

• N
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1
CHAPITRE III

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tte IVIÉTHODE HERMÉNEUTIQUE
•n,
1
ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE
a- 1
.
n? 1
à •
1
:re •

r
-
• f Nous nous sommes donné pour tâche, dans ces chapitres ini-
1
• tiaux, de remettre Freud dans le mouvement de la pensée contem-
t poraine. Avant de nous enfoncer dans la technicité de son lan-
! gage et dans la spécificité de son problème, nous avons voulu
1
1

:
reconstituer le contexte dans lequel la psychanalyse s'inscrit.

':. C'est d'abord sur le fond de la problématique du langage que nous
••
avons campé son herméneutique de la culture; la psychanalyse
• nous est apparue dès le début comme un éclairage en dessous et
une contestation de notre parler; Freud appartient à notre temps
)
• au même titre que Wittgenstein et que Bultmann. C'est plus préci-
sément comme un épisode de la guerre des herméneutiques que

la psychanalyse prend place dans le grand débat du langage, sans
1
1 que nous sachions si elle n'est qu'une des sectes herméneutiques
parmi d'autres ou si, d'une façon que nous aurons à découvrir,
elle empiète sur toutes les autres. Nous voudrions, dans ce chapitre,
aller plus avant et discerner dans la psychanalyse, dans la guerre
herméneutique elle-même et dans la problématique du langage
tout entière, une crise de la réflexion, c'est-à-dire, au sens fort et
philosophique du terme, une aventure du Cogito et de la philo-
sophie réflexive qui en procède.

I. LE RECOURS DU SYMBOLE A LA RÉFLEXION

~e me permettrai de retracer le chemin de ma propre interro-


gatl?n. C'est d'abord comme une exigence de lucidité, de véracité,
d.e ngueur que j'ai rencontré ce que j'appelais, à la fin de la Symho-
~zque du Mal, u le passage à la réflexion». Est-il possible, demandais-
Je, d,articuler l'une sur l'autre, de façon cohérente, l'interprétation

45

-
- -- ...... ...________-···----·
. ..



1
•• •

,. PROBLÉMATIQUE

des symboles et la réflexion philosophique ? A cette question je 1


1
en
répondais seulement par un vœu contradictoire : je jurais d'une !
! ffi!

part d'écouter la riche parole des symboles et des mythes qui pré- 1
ra•
cède ma réflexion, l'instruit et la nourrit, d'autre part de conti- •

nuer, par le moyen de l'exégèse philosophique des symboles et des


l. tn
l't
mythes, la tradition de rationalité de la philosophie, de notre t l't
philosophie occidentale. Le symbole donne à penser, disais~je t
1 ex
reprenant un mot de Kant dans la Critique du Jugement. Il donne' 1
1 va
il est le don du langage : mais ce don me crée un devoir de penser: 1
1 et
• d'inaugurer le discours philosophique à partir de cela même qui pt
••
toujours le précède et le fonde. Je n'ai pas caché le caractère para- ' l'i

doxal de ce serment : je l'ai au contraire accentué en affirmant l• se
\
tour à tour que la philosophie ne commence rien, puisque le plein 1 te
1
du langage la précède, et qu'elle commence de soi, puisque c'est '
'
1 rn
elle qui instaure la question du sens et du fondement de sens. !
• ql
J'étais encouragé dans cette entreprise par ce qui m'appa- •
1 rn
raissait comme la richesse pré-plzilosoph.ique du symbole. Le sym- ..
1


ns
bole, me semblait-il, fait appel non seulement à l'interprétation, '
11

1.
dt
comme nous l'avons dit dans le premier chapitre, mais véritable- 1 S)
-· ment à la réflexion philosophique. Si cela ne nous est pas apparu
plus tôt, c'est que nous nous sommes bornés jusqu'à présent à la sc
structure sémantique du symbole, à savoir à ce surcroît de sens qui d·
tient à sa (( surdétermination » • •
1 t<
Mais l'appel à la réflexion tient à un second trait du symbole d
que nous avons laissé dans l'ombre; l'aspect purement séma~­ •
cc

• tique est seulement l'aspect le plus abstrait du symbole; en fa1t, b
les expressions linguistiques sont incorporées non seulement à des n

rites et à des émotions, comme on l'a suggéré plus haut en évoqu~nt cl
le symbolisme du pur et de l'impur, mais à des mythes, c'est-à-due lt
à de grands récits portant sur le commencement et la fin du ma!; d
j'ai étudié quatre cycles de ces mythes : les mythes du chaos ?n- l'
ginel, les mythes du dieu méchant, les mythes de l'âme ex1lée c
dans un corps mauvais, les mythes de la faute historiqu_e d'un s
ancêtre qui serait en même temps un prototype d'humamté. De r•
.. fi
nouveaux traits du symbole apparaissent ici et avec eux de nou· 1
1
d
velles suggestions pour une herméneutique : d'abord ces mythes
d
introduisent des personnages exemplaires - Prométhée, Anth!o- c
pos, Adam- qui commencent de généraliser l'expérience humame •1 c
au niveau d'un universel concret, d'un paradigme, sur lequel nous Il
lisons notre condition et notre destinée; en outre, grâce à la stl~c· t
ture du récit qui raconte des événements survenus u en ce temps· d~ 1
t
notre expérience reçoit une orientation temporelle, un élan ten •

••
1

• b


. .

MÉTHODE HERMÉNEUTIQUE ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE


1
n JC
• 1• entre un commencement et une fin; notre présent se charge d'une
1 •
une 1 mémoire et d'unè espérance. Plus profondément encore, ces mythes
pré- f racontent à la façon d'un événement transhistorique la rupture

mtt- t irrationnelle, le saut absurde, qui sépare deux confessions portant
: des l'une sur l'innocence du devenir et l'autre sur la culpabilité de
.otre t l'histoire; à ce niveau, les symboles n'ont pas seulement une valeur
S~Je,
nnc,

r
1
expressive, comme au niveau simplement sémantique, mais une
1 valeur heuristique, puisqu'ils confèrent universalité, temporalité
1ser, 1
1 et portée ontologique à la compréhension de nous-mêmes. L'inter- '
qut• prétation ne consiste donc pas simplement dans le dégagement de
•1•
•ara- • l'intention seconde, qui est à la fois donnée et masquée dans le •
nant 1• sens littéral; elle tente de thématiser cette universalité, cette
~

Jlein 1 temporalité, cette exploration ontologique impliquées dans le


c'est •' mythe; ainsi, c'est le symbole lui-même qui, sous sa forme mythi-
1'

1
que, pousse vers l'expression spéculative; c'est le symbole lui-
ppa- •
1 même qui est aurore de réflexion. Le problème herméneutique
.
1
1
;ym- .• n'est donc pas imposé du dehors à la réflexion, mais proposé du
• ,
tton, 1
•' dedans par le mouvement même du sens, par la vie implicite des
!ble- 1

symboles, pris à leur niveau sémantique et mythique.
paru D'une troisième façon la Symbolique du Mal fait appel à une
à la science de l'interprétation, à une herméneutique : les symboles

~qw du mal, tant au niveau sémantique qu'au niveau mythique, sont
toujours l'envers d'un symbolisme plus vaste, d'un symbolisme
abole du Salut. Cela est déjà vrai au niveau sémantique : à l'impur
nan- correspond le pur, à l'errance du péché le pardon dans son sym-
fait, ••
bole du retour, au poids du péché la délivrance et, plus générale-
1 des ment, à la symbolique de l'esclavage celle de la libération; plus
1uant •
• clairement encore, au plan des mythes, les images de la fin donnent
-dire leur sens véritable aux images du commencement : la symbolique
mal;

d~ chaos constitue simplement la préface d'un poème qui célèbre
; on- l'u~tronisation de Marduk; au dieu tra~ique répond la purifi-
:xilée 1 catron d'Apollon, du même Apollon qu1 par son oracle appela
d'un Socrate à u examiner>> les autres hommes; au mythe de l'âme exilée
:. De répond la symbolique de la délivrance par la connaissance; à la
nou- 1

1
figure du premier Adam répondent les figures successives du Roi,
ythcs • du Messie, du Juste souffrant, du Fils de l'Homme, du Seigneur,
thro· du Logos. Le philosoph~ n'a rien à dire, en tant que philosophe,

na me concernant la proclamatron, le kérygme apostolique, selon lequel
'
nous ' ces. figures sont accomplies dans l'événement du Christ-Jésus·
.truc· m~1s il peut et doit réfléchir sur ces symboles en tant que représen~
3-là », tat10ns de la fin du mal. Or que signifie cette correspondance
:en du • terme à terme entre deux symbolismes? Elle signifie, d'abord,

1
l

h
- ·- ...----- .·.:. -:- -----··=··· . - ·-" ·
..

PROBLÉMATIQUE

.
que le symbolisme du salut confère son sens vér_itable au symb0 .. re
lisme du mal; celui-ci est seulement une province particulière à pl
l'intérieur du symbolisme religieux; aussi bien le Credo chrétien p~

ne dit pas : a Je crois au péché ,, mais : « Je crois en la rémission


des péchés »; mais, plus fondamentalement, cette correspondance
entre un symbolisme du mal et un symbolisme du salut signifie p:
qu'il faut échapper à la fascination par une symbolique du mal, et
coupée du reste de l'univers symbolique et mythique, et réfléchir té

sur la totalité que forment ces symboles du commencement et de
la fin; par là est suggérée la tâche architectonique de la raison, at
déjà dessinée dans le jeu des correspondances mythiques; c'est
cette totalité, comme telle, qui demande à être dite au niveau la
de la réflexion et de la spéculation. p.

il
Voilà ce que demandent les symboles eux-mêmes. Une inter- . n
prétation qui en dégagerait le sens philosophique ne leur serait pas 1 re

surajoutée; elle est requise par leur structure sémantique, par la •
1 11
spéculation latente des mythes, enfin par l'appartenance de chaque i
symbole à une totalité signifiante qui fournit le premier schème du ~
'
systeme. 1 d
Sans que nous sachions encore quelle place privilégiée 1 les a
symboles et les mythes du mal tiennent dans l'empire du symbo- 1
d
.' s
lisme, nous tenterons ici d'embrasser le problème dans toute sa l
généralité et de poser la question : comment une philosophie de s

l 8
la réflexion peut-elle s'alimenter à la source symbolique et se faire
elle-même herméneutique? v
1 r.
Il faut avouer que la question paraît bien embarrassante; tradi-
• tionnellement - c'est-à-dire depuis Platon - elle se pose dans
e
les termes suivants : quelle est la place du mythe en philosophie? • r
Si le mythe appelle la philosophie, est-il vrai que la philosophie .' 1

t
appelle le mythe? Ou, dans les termes du présent ouvrage, la 1
r
réflexion appelle-t-elle les symboles et l'interprétation des sym- I
boles? Cette question précède toute tentative pour passer des 1 I
symboles mythiques à des symboles spéculatifs, dans quelque 1
l
J
(
I. En
• donnant le pas au problème de la méthode• nous faisons régresser au•
rang d exemple toute la symbolique du mal. N ous n•aurons pus à le regretter • • 1
un d es résultats de la réflexion sera précisément que ln Symbolique du Mal n•est (
• pas un exemple parmi d'autres, mais un exemple priv ;/égié, peut-être mt!m.e la l
terre natale de toute symbolique, le lieu de naissance du problème herméncutaquc f
considéré dans toute ao~ étendue. Mnia cela, nous ne le comprendrons que par 1~
mouvement de la réf1exaoo - d•une réflexion qui, d 'abord. ne connnit .1~ syrn 1
bolea du mal que comme un exemple quelconque et arbitrairement choasa.
1
'
'
l
.... ,~

'


MtrHODE HERMÉNEUTIQUE ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE

registre symbolique que ce soit. Il faut d'abord s'assurer que l'acte


,bo-
~e à philosophique, dans sa nature la plus intime, non seulement n'exclut
tien pas mais requiert quelque chose comme une interprétation.

31on A première vue la question paraît désespérée.
mee La philosophie, née en Grèce, a apporté de nouvelles èxigences
1ifie par rapport à la pensée mythique; ce qu'elle a institué, avant tout
nal, et par-dessus tout, c'est l'idée d'une << Science », au sens de l'Épis- ••

chir témé platonicienne ou de la Wissenschaft de l'idéalisme allemand.


t de Au regard de cette idée de la science philosophique, le recours
son, au symbole a quelque chose de scandaleux.
~'est D'abord le symbole demeure prisonnier de la diversité des
1eau langues et des cultures et en épouse l'irréductible singularité.
Pourquoi partir des Babyloniens, des Hébreux, des Grecs- fussent-
ils tragiques ou pythagoriciens? Parce qu'ils nourrissent ma
1ter- mémoire ? C'est alors ma singularité que je mets au centre de ma
pas
1
1 réflexion; or, la science philosophique n'exige-t-elle pas une
1r la résorption de la singularité des créations culturelles et des mémoires
11
1que i
individuelles dans l'universalité du discours?
e du 1
.' Ensuite la philosophie comme science rigoureuse semble requérir
1 des significations univoques. Or le symbole, en raison de sa texture
les analogique, est opaque, non transparent; le double sens qui lui
1 donne des racines concrètes, l'alourdit de matérialité; or, ce double
:1bo- 1.•
:e sa 1
sens n'est pas accidentel, mais constitutif, dans la mesure où le
e de 1 sens analogique, le sens existentiel, n'est donné que dans et par le
~
faire •• sens littéral; en termes épistémologiques, cette opacité ne peut
1
vouloir dire qu'équivocité. La philosophie peut-elle cultiver systé- •
radi- matiquement l'équivoque?
dans Troisièmement, et c'est le plus grave, le lien entre symbole •

rhie? e~ interprétation, où nous avons vu la promesse d'une liaison orga-


•' mque entre mythos et logos, fournit un nouveau motif de suspicion;
•phie .'
e, la 1 toute interprétation est révocable; pas de mythe sans exégèse,
3ym· mais pas d'exégèse sans contestation. Le déchiffrement des énigmes
des •
n:est pas une science, ni au sens platonicien, ni au sens hégélien,
••
:lque •• ru. au sens moderne du mot science. Notre précédent chapitre
latsse entrevoir la gravité du problème : nous y avons considéré
l'opposition la plus extrême qu,il est possible d ,imaginer dans le
.er au ch~p de l'herméneutique, l'opposition entre la phénoméno-
:tter : logie de la religion, conçue comme une remythisation du discours,
. n'est
me la
ti la psychanalyse, conçue comme une démystification du discours.
u même coup notre problème s':1ggrave en se précisant : non

Jtique
pat Jo seule~ent pourquoi une interprétation ? mais pourquoi ces inter-
aytn· prétations opposées? La tâche n'est pas seulement de justifier

49

i

--- - . ...
,



. . .•

1
PROBLJWATIQtJlt •

le recours à quelque genre d'interprétation, mais de justifier la


dépendance de la réflexion à des herméneutiques déjà constituées
· J 1
qui s'excluent mutuellement. . . ,
- Justifier le recours au symbole en phtlosophte, c est finalement
justifier la contingence culturelle, le langage équivoque et la guerre
co
Er
• ••
des herméneutiques au sein même de la réflexion. re1
Le problème sera résolu si l'on parvient à montrer que la réflexion J l'e
dans son principe même exige quelque chose comme l'interpré- 1 fn

tation; c'est à partir de cette exigence que peut être justifié, dans 1 dt
son principe également, le détour par la contingence des cultures, ,
~
1

ré:
.• •
par un langage incurablement équivoque et par le conflit des 1• co

interprétations. 1 de
1
· Commençons par le commencement : c'est le recours de la 1 0 \l
réflexion au symbole qui rend raison du recours du symbole à la 1
i de
réflexion que nous avons seul pris en considération jusqu'à présent. .1 fir
1
1
ell

1
.,•• n'

m
2. LB RECOURS DB LA RÉFLEXION AU SYMBOLB ''• 80
.•
'
1
L:

Vl
1
Quand nous disons : la philosophie est réflexion, nous voulons •
• re
1
dire assurément réflexion sur soi-même. Mais que signifie le Soi? • rn
1'



• Le savons-nous mieux que nous ne comprenons les mots symbole • dt
•••
• et interprétation? Oui, nous le savons, mais d'un savoir abstrait, di
• 1 vide et vain. Faisons donc d'abord le bilan de cette vaine certitude. n'

C'est peut-être la symbolique qui sauvera la réflexion de sa vanité er


en même temps que la réflexion donnera la structure d'accueil di
pour ~ou~ conflit. herméneutique. Donc que signifie Réflexion? qt

Que stgnsfie le Sot de la réflex10n sur soi-même ? · m
radmets ici que la position du soi est la première vérité pour !e de
phtlosophe P.lacé au cœur de cette vaste tradition de la philos~phte •• ta
moderne qUI part de Descartes, se développe avec Kant, Ftchte de
et 1~ .courant réflexif d.e la philosophie européenne. Pour cette rn
trad1t10n, que nous considérerons comme un tout avant d'en oppo- C<
ser. les princip~ux représentants, la position du soi est une vé~ité Ul

qut se pose sot-même; elle ne peut être ni vérifiée, ni dédutte; n'


c'~st à la fois }a position d'un être et d'un acte; la position ~'une rn
eXIstence. et d une opération de pensée : Je suis, je pc11se; exaster, eE
P~~r mOJ, c'est penser;)'existe en tant que je pense; puisque cette P'
cc
venté ne peut être vénfiéc comme un fait ni déduite comme une tr
conclusion, elle doit se poser dans la réflexion; son autoposition

so 1•

1

'
-
••


·. MÉTHODE HERMÉNEUTIQUE BT PHILOSOPHIE RÉFLEXIV!

r la
uées
.J 1
est réflexion; Fichte appelait cette première vérité : le jugement
thétique. Tel est notre point de départ philosophique.
Mais cette première référence de la réflexion à la position du soi,
lent comme existant et pensant, ne suffit pas à caractériser la réflexion.
erre En particulier, nous ne comprenons pas encore pourquoi la réflexion
requiert un travail de déchiffrage, une exégèse et une science de

"ton 1 l'exégèse ou herméneutique, et encore moins pourquoi ce déchif-
pré- 1 frage doit être soit une psychanalyse, soit une phénoménologie
ians 1 du Sacré. Ce point ne peut être entendu aussi longtemps que la
)
ares, 1 réflexion apparaît comme un retour à la prétendue évidence de la

des 1 conscience immédiate; il nous faut introduire un second trait
1 de la réflexion qui s'énonce ainsi : réflexion n'est pas intuition,
e la 1 ou, en termes positifs : la réflexion est l'effort pour ressaisir l'Ego
à la l de l'Ego Cogito dans le miroir de ses objets, de ses œuvres et
;ent. finalement de ses actes. Or, pourquoi la position de l'Ego doit-
1
1 elle être ressaisie à travers ses actes? Précisément parce qu'elle
1
•• n'est donnée ni dans une évidence psychologique, ni dans une
i
intuition intellectuelle, ni dans une vision mystique. Une philo-
• '
1
sophie réflexive est le contraire d'une philosophie de l'immédiat.
.'
'
1 La première vérité -je suis, je petzse - reste aussi abstraite et
vide qu'elle est invincible; il lui faut être « médiatisée » par les
lons 1


1
représentations, les actions, les œuvres, les institutions, les monu-
Soi? • ments qui l'objectivent; c'est dans ces objets, au sens le plus large
1'
bole •
du mot, que l'Ego doit se perdre et se trouver. Nous pouvons •

:ra tt, dire, en un sens un peu paradoxal, qu'une philosophie de la réflexion
ude. n'est pas une philosophie de la conscience, si par conscience nous
mité entendons la conscience immédiate de soi-même. La conscience,
:ueil dirons-nous plus tard, est une tâche, mais elle est une tâche parce
ion? qu'elle n'est pas une donnée... Certes, j'ai une aperception de moi-
même et de mes actes, et cette aperception est une espèce d' évi-
Jr le dence; Descartes ne peut être délogé de cette proposition incontes-
phie table : je ne peux douter de moi-même sans apercevoir que je '
.chte do~te. Mais que signifie cette aperception ? une certitude, certes,
:ette ma1s une certitude privée de vérité; comme Malebranche l'a bien

ppo· compris contre Descartes, cette saisie immédiate est seulement
érité un sentiment et non une idée. Si l'idée est lumière et vision, il

mte; n'y a ni vision de l'Ego, ni lumière de l'aperception; je sens seule-
.'une ment que j'existe et que je pense; je sens que je suis éveillé, telle
ster, est l'aperception. En langage kantien, une aperception de l'Ego
cette peut. accompagner toutes mes représentations, mais cette aper-
une ception n'est pas connaissance de soi-même, elle ne peut être
ition transformée en une intuition portant sur une âme substantielle;

1
51

1 \ •

...
.'

PROBLÉMATIQUE

la critique décisive que Kant adresse à toute « psychologie ration- coup


nelle » a définitivement dissocié la réflexion de toute prétendue la ré
connaissance de soi 2• objet
Cette seconde thèse : la réflexion n'est pas l'intuition, nous
des
permet d'entrevoir la place de l'interprétation dans la connaissance 1 dif
.. de soi-même; cette place est désignée en creux par la différence pas
• même entre réflexion et intuition. tlzéti
Un nouveau pas nous approchera du but : après avoir opposé men
..
réflexion et intuition, avec Kant contre Descartes, je voudrais -1
distinguer la tâche de la réflexion d'une simple critique de la •
mu.
connaissance; cette nouvelle démarche nous éloigne cette fois de la r{
Kant et nous rapproche de Fichte et de Nabert. La limitation du !
fondamentale d'une philosophie critique réside dans son souci mati

exclusif de l'épistémologie; la réflexion est réduite à une unique 0
dimension : les seules opérations canoniques de la pensée sont celles aCC(
qui fondent u l'objectivité » de nos représentations. Cette priorité N'e
donnée à l'épistémologie explique pourquoi, chez Kant, en dépit épi~
des apparences, la philosophie pratique est subordonnée à la philo- nou
• sophie critique; la seconde Critique, celle de la Raison pratique, •
tatll
• emprunte en fait toutes ses structures à la première, celle de la ma1
Raison pure; une seule question règle la philosophie critique : en
qu'est-ce qui est a priori et qu'est-ce qui est simplement empirique 1 pro
• dans la connaissance ? Cette distinction est la clé de la théorie 1
1

de l'objectivité; c'est elle qui est purement et simplement trans- l'al

posée dans la seconde Critique; l'objectivité des maximes de 1~ SlOI

.
1
1
volonté repose sur la distinction entre la validité du devoir, qUI • san
est a priori, et le contenu des désirs empiriques. C'est cont.re 1 •
stgi
cette r~duction de la réflexion à une simple critique que je ~1s, for
avec Ftchte et son successeur français Jean Nabert, que la réflex1on ma
est moins une justification de la science et du devoir, qu'une us~
réappropriation de notre effort pour exister; Pépistémologie est j' est
seulement une partie de cette tâche plus vaste : nous avons à L est
recouvrer l'acte d'exister, la position du soi dans toute l'épaisseur êtr
de ~es œuvres. Maintenant, pourquoi faut-il caractérise~ ~ette ' ' . sat
repns~ comme appropriation et même comme réapprop!tatton? eU
Je dots recouvrer quelque chose qui a d'abord été perdu; Je r~nds COl
u propre.» ce .qui a cessé d'être mien, mon propre. Je fais « ~men» sat
c~ dont Je suts séparé, par l'espace ou par le temps, par la dtstral: aff
non ou par le " divertissement », ou en vertu de quelque oub 1 d'i
da
.-z.. En langage huaserlien : l'Ego Cogito eat apodictique, mai• non paa n~ccs· Slt

aaarement adéquat.

sa •
1

-
~tl ~tli·-i~~ . ~ ~~.JR~•z- - - --

. ;

MÉTHODE HERMÉNEUTIQUE ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE


·•
ton- coupable; l'appropriation signifie que la situation initiale d'où
ldue la réflexion procède est« l'oubli »;je suis perdu, « égaré» parmi les
objets et séparé du centre de nion existence, comme je suis séparé
lOUS des autres et l'ennemi de tous. Quel que soit le secret de cette
Ince 1 diaspora ,, de cette séparation, elle signifie que je ne possède
::nee pas d'abord ce que je suis; la vérité que Fichte appelait jugement
thétique se pose elle-même dans le désert d'une absence de moi-
posé même; c'est pourquoi la réflexion est une tâche - une Aufgahe
irais - la tâche d'égaler mon expérience concrète à la position : je
e la suis. Telle est l'ultime élaboration de notre proposition initiale :
s de la réflexion n'est pas intuition; nous disons maintenant: la position
ttion du soi n'est pas donnée, elle est une tâche, elle n'est pas gegehen,

iOUCJ
• mais aufgegeben, non pas donnée, mais ordonnée.
.tque On peut maintenant se demander si nous n'avons pas mis un
:elles
on.te'
accent trop énergique sur le côté pratique et éthique de la réflexion.
N'est-ce pas une nouvelle limitation, semblable à celle du courant
:iépit
épistémologique de la philosophie kantienne? Bien plus, ne sommes-
hilo-
• nous pas plus loin que jamais de notre problème de l'interpré-:
tque. tation ? Je ne le pense pas; l'accent éthique mis sur la réflexion ne
:le la
marque pas une limitation, si nous prenons la notion d'éthique
JUC !

nque en son sens large, celui de Spinoza, quand il appelle éthique le
, . 1 procès complet de la philosophie.
eorte
~a philosophie est éthique pour autant qu'elle conduit de
rans-
je la 1 l'.ahénation à la liberté et à la béatitude; chez Spinoza, cette conver-
• 1 Sion ~st atteinte quand la connaissance de soi est égalée à la connais-
, qUI
ontre
1 •

s~nc.e de l'unique substance; mais ce progrès spéculatif a une
: dis, Signification éthique dans la mesure où l'individu aliéné est trans-
ex10n• fo~é par la connaissance du tout. La philosophie est éthique, ·
· mrus l'éthique n'est pas purement morale. Si nous suivons cet
lune 1

usage spinoziste du mot éthique, il nous faut dire que la réflexion


e est !1 est éthique avant de devenir une critique de la moralité. Son but
)flS à
est de saisir l'Ego dans son effort pour exister, dans son désir pour
.sseur
cette
.tion?
. '.
être. C'est ici qu'une philosophie réflexive retrouve et peut-être
sauve l'idée platonicienne que la source de la connaissance est •
e1le-même Éros, désir, amour, et l'idée spinoziste qu'elle est
rends con.at~, effort. Cet effort est un désir, parce qu'il n'est jamais
:u•en • saffittsfa1t; mais ce désir est un effort, parce qu'il est la position
strac- a, rmativc d'un être singulier et non pas simplement un manque
oubli ~ être. Effort et désir sont les deux faces de la position du Soi ,
ans la première vérité : je suis.
. ~ous sommes maintenant en état de compléter notre propo-
Sition négative -la réflexion n'est pas l'intuition- par une propa.

. 53
1
.•••
------......-..,=--·---·------·----·---- --·-- ---·-ss. . . cu•a··~·tWUr.S~~.,: ""'

'
• 1 '

PROBLÉMATIQUE

sition positive : la réflexion est l'appropriation de notre effort pour qut
exister et tk notre désir d'être, à travers les œuvres qui témaignent avo
tk cet effort et de ce désir; c'est pourquoi la réflexion est plus qu'une elle

simple critique de la connaissance et même plus qu'une simple gen
critique du jugement moral; antérieurement à toute critique du voq
jugement, elle réfléchit sur cet acte d'exister que nous déployons flue
dans l'effort et le désir. 1
Cette troisième démarche nous conduit au seuil de notre pro- les
blème de l'interprétation : la position de cet effort ou de ce désir pos
non seulement est privée de toute intuition, n1ais n'est attestée dan
• que par des œuvres dont la signification demeure douteuse et révo- sali
cable. C'est ici que la réflexion fait appel à une interprétation cult
et veut se muer en herméneutique. Telle est l'ultime racine de qu(
notre problème : elle réside dans cette connexion primitive entre ce
racte d'exister et les signes que nous déployons dans nos œuvres; con

la réflexion doit devenir interprétation, parce que je ne peux saisir ce
cet acte d'exister ailleurs que dans des signes épars dans le monde. ' 1 Pro
C'est pourquoi une philosophie réflexive doit inclure les résultats, l'in
les méthodes et les présuppositions de toutes les sciences qui 1
tentent de déchiffrer et d'interpréter les signes de l'homme 3• J
Telle est dans son principe et dans sa plus grande généralité dise
1 syn
la racine du problème herméneutique. Il est posé d'une part par •
l'existence de fait du langage symbolique qui fait appel à la réflexion, mru
1
• . mais aussi, en sens inverse, par l'indigence de la réflexion qui fait dan
appel à l'interprétation : en se posant elle-même, la réflexion corn- 1 qu~
.•
prend sa propre impuissance à dépasser l'abstraction vaine et vide j qut
du u je pense »et la nécessité de se recouvrer die-même en déchif- le c
'
frant ses propres signes perdus dans le monde de la culture. Ainsi 1
• 1
sa 1
• la ~.éfle~ion comprend el,le-même qu'elle n'est pas d'abord sci~nce,
1
C'e
qu tl lut faut, pour se deployer, reprendre en elle-même les stgnes not
1
CU}l
opaques, contingents et équivoques qui sont épars dans les cultures 1
1

où notre langage s'enracine. t par


1
1
1
sa

fon
'
des
3· LA RÉFLEXION ET LE LANGAGE ÉQUIVOQUE 1
dar.
1 plh
• Cette implantatio!l du problème herméneutique dans 1~ ~ou-

vement de la réflexton nous permet de faire face aux obJectao~s I
red
en apparence dirimantes que l'on peut faire à une philosophte 1

l lan· 1

3· Cf. mon article • Acte et aigne dana la philosophie de Jean Nabert •, $tuda 1 COll
philosophifliUI, 1962/3. '
. .
54

b
•• • '

MtrHODE HERMÉNEUTIQUE ET PHILO~OPHIE RÉFLEXIVE

our qui se présente comme herméneutique. Ces objections nous les


!ent avons ramenées plus haut à trois principales : la philosophie peut-
Jne elle enchaîner son universalité à des productions culturelles contin-
pie gentes ? Peut-elle édifier sa rigueur sur des significations équi-
du voques? Peut-elle enfin suspendre son vœu de cohérence aux
)08 fluctuations d'un conflit indécis entre interprétations rivales?
Le but de ces chapitres d'introduction n'est pas tant de résoudre
ro- les problèmes que de montrer leur légitimité lorsqu'ils sont bien
• • posés, de s'assurer qu'ils ne sont pas dénués de sens, mais inscrits
!Sir
,
tee dans la nature des choses et dans celle du langage. Que l'univer-
vo- salité du discours philosophique passe par la contingence des

ton cultures, que sa rigueur soit tributaire de langages équivoques,
de que sa cohérence passe par la guerre des herméneutiques, voilà
tre ce qui peut et doit paraître aux yeux comme J'itinéraire obligé,
es·• , comme la triple aporie bien formée et bien posée. Au terme de

!Sir ce premier cycle d'investigations, que j'ai appelé à dessein une
je, ' J Problématique, un point devrait être acquis : que les apories de
tts, l'interprétation sont celles de la réflexion elle-même. .

}Ul 1
:.3
~ . Je ne dirai à peu près rien ici de la première difficulté, que j'ai
ité
1
discutée dans l'Introduction de la Symbolique du mal. Partir d'un
lar symbolisme déjà là, objectais-je, c'est se donner de quoi penser;
m, mais c'est du même coup introduire une contingence radicale
'ait dan~ le discours, la contingence des cultures rencontrées. Je répli-
:n- quais alors que le philosophe ne parle pas de nulle part : toute
de .•
j
question qu'il peut poser monte du fond de sa mémoire grecque;
if- t le champ de son investigation est dès lors inéluctablement orienté;
• •
:151 sa mémoire comporte l'opposition du « proche » et du u lointain •·
::e, '

1
•1 C'est à travers cette contingence des rencontres historiques que
le5
1
nous avons à discerner des séquences raisonnables entre les thèmes
~es 1
1
culturels épars. J'ajoute aujourd'hui : seule la réflexion abstraite
1
1
parle de nulle part. Pour devenir concrète, la réflexion doit perdre
1
l sa prétention immédiate à l'universalité, jusqu'à ce qu'elle ait
~ond~ l'une dans l'autre la nécessité de son principe et la contingence
es s1gnes à travers lesquels elle se reconnaît. C'est précisément
d ~ns le mouvement d'interprétation que cette fusion peut s'accom-
1
1 1
p tr.
u-
ns Il nous faut maintenant saisir à bras-le-corps l'objection plus

ue redoutable selon laquelle le recours au symbolisme livre la pensée au
111 l angage équivoque et aux arguments fallacieux qu'une saine logique
l
condamne. Cette objection peut d'autant moins être éludée que
1


55 '
b
-------·- ----

PROBLÉMATIQUE
.,
t
les logiciens ont inventé la logique symbolique dans le dessein '
1
que
exprès d'éliminer l'équivocité de nos arguments; pour le logicien · t
1
neu
le mot symbole signifie très exactement le contraire de ce qu'il m01
signifie pour nous; l'importance prise par la logique symbolique en c
nous fait un devoir de nous expliquer sur cette rencontre qui cons.. lié J
ti tue à tout le moins une étrange homonymie; nous le devons etl
d'autant plus que nous avons sans cesse traité par allusion cette dor
• dualité des expressions univoques et équivoques, et admis impli.. not
citement que ces dernières pouvaient avoir· une fonction philoso- unt

phique irremplaçable. (
La justification de l'herméneutique ne peut être radicale que seu
si l'on cherche daris la nature même de la pensée réflexive le prin.. syr.
cipe d'une logique du double sens, complexe et non arbitraire, rigou- det
reuse dans ses articulations, mais irréductible à la linéarité de la l'hl
logique symbolique. Cette logique n'est plus alors une logique en
formelle, mais une logique transcendantale; elle s'établit en effet au véa
niveau des conditions de possibilité; non des conditions de l'objec- 1 de!
tivité d'une nature, mais des conditions de l'appropriation de notre en
désir d'être; c'est ainsi que la logique du double sens, propre à et
1
l'herméneutique, est d'ordre transcendantal. 1er
C'est ce lien entre logique du double sens et réflexion trans- J
ho
cendantale qu'il faut maintenant établir. lér
Si l'herméneute ne porte pas le débat à ce niveau, il sera vite t rat
l
acculé à une situation intenable. Il tentera vainement de maintenir }

le débat au niveau de la structure sémantique du symbole; il tirera ac·
avantage, comme nous l'avons fait nous-mêmes jusqu'à présent, de l
la surdétermination du sens de ces symboles pour défendre une lj qt
'•
théorie du double symbolisme et pour protéger contre tout empiè- es
tement leurs champs respectifs d'application. pl
Mais l'idée qu'il puisse exister deux logiques de même niveau • cc

est proprement intenable; leur juxtaposition pure et simple ne m


peut conduire qu'à l'élimination de l'herméneutique par la logique ce
symbolique. fa

(;luels avantages en effet l'herméneute peut-il alléguer face à la gl
• et
l?g1qu~ formelle! A I'ar:tifice du symbole logique, qui s'é~rit et se
• la
bt, malS ne se d1~ pas, d opposera un S)'lnbolisme essenuellemen! 1
la
'
oral, reçu et repns chaque fois comme un héritage; l'homme qua •
tr.
parle en symboles est d'abord un récitant; et il transmet une abon·
dance de sens don! il dispose si peu que c'est elle qui lui d~nne .à p
penser; c'es~ l'épaasseur du sens multiple qui sollicite son ~~tel~a­ S\
gence; et l'mterprétation consiste moins à supprimer l'ambaguité f<
qu'à la comprendre et à en expliciter la richesse. On dira encore •
• 1
1
---. ,..._~.-

.. .

MÉTHODE HERMÉNEUTIQUE ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE


••

:m que le symbolisme logique est vide et le symbolisme selon l'hermé-
en · 1

1
neutique est plein; il rend manifeste le double sens de la réalité
l'il mondaine ou psychique; c'est ce que nous suggérions plus tôt
ue en disant que le symbole est lié : le signe sensible, disions-nous, est
lS· lié par le sens symbolique qui l'habite et qui lui donne transparence
IDS et légèreté; celui-ci en retour est lié à son véhicule sensible qui lui
tte donne poids et opacité; on pourrait ajouter que c'est ainsi qu'il
·li· ·1
nous lie nous-mêmes, en donnant à la pensée un contenu, une chair,
)0· •1 une densité.
.1
Il
Ces distinctions et ces oppositions ne sont pas fausses; elles sont
l'
tue

ln•
~ seulement non fondées. Une confrontation qui se limite à la texture
symbolique du symbole et n'en vient pas à la question de son fon-
>U· dement dans la réflexion, ne tarde pas à tourner à la confusion de
la l'herméneute. L'artifice et le vide du symbolisme logique ne sont
(Ue en effet que la contrepartie et la condition de ce qui est le dessein
au véritable de cette logique, à savoir de garantir la non-ambiguïté
ec· 1 des arguments; or ce que l'herméneute appelle double sens, c'est
tre en termes logiques ambiguïté, c'est-à-dire équivocitct des mots
eà 1 et amphibologie des énoncés. On ne peut donc juxtaposer tranquil-
lement l'herméneutique à la logique symbolique; la logique sym-
ns· 1 bolique rend vite intenable tout compromis paresseux. Son « into-
lérance » même contraint l'herméneutique à justifier de façon

11te

t radicale son propre langage.
:rur 1
} Il faut donc comprendre cette int?lérance e~le-même pour
·era accéder a contran'o au fondement de 1 herméneuttque.
de Si la rigueur de la logique symbolique paraît plus exclusive
Jne que celle de la logique formelle traditionnelle, c'est qu'elle n'en
>iè- est pas un simple prolongement; elle ne représente pas un degré
plus élevé de la formalisation; elle procède d'une décision globale
eau concernant le langage ordinaire pris dans son ensemble; elle
ne marque une rupture avec celui-ci et avec son ambiguïté incurable;
que ce qu'elle met en question, c'est le caractère équivoque et partant
f~lacieux des mots du langage ordinaire, le caractère amphibolo-
~ la gtque de ses constructions, la confusion du style métaphorique

t se et des expressions idiomatiques, la résonance émotionnelle du
te nt• !
1 langage le plus descriptif. La logique symbolique désespère du

qua !angage naturel, là même où l'herméneutique croit à sa u sagesse »
.on· tmplicite.
lC à Cette lutte commence avec l'expulsion hors de la sphère pro-
elli· prement cognitive de tout ce qui dans le langage n'informe pas
uïté ~ur l~s faits; le reste du discours est renvoyé sous la rubrique de la
;ore j
onctton expressive et de la fonction directive du langage; ce qui

57
- ------------ -~·

• 1 •
. •


• .•.


..
• •

.. PROBLÉMATIQUE •

n'informe pas sur les faits e~'Prime les émotions, les sentiments
. . ou les attitudes, ou sollicite d'autrui la production d'une conduite dé
particulière. . gu
Ainsi réduit à la fonction informative, le langage doit encore na
être dépouillé de l'équ.ivoque .des mots ct de l'amphib~logi~ ~es l'h

constructions grammaticales; 1l faut donc démasquer 1ambigUtté be
des mots afin de l'éliminer des arguments et d'employer de façon . pe
/
cohérente les mêmes mots dans le même sens au cours du même on
argument; c:es~ la f~n~tion ?e la. d~finition d'expliquer. la signi- qt
fication et ams1 d'éhrmner 1amb1gmté : seules y réusstssent les «,
définitions scientifiques qui ne se contentent pas de rendre compte qt
de la signification que les mots ont déjà dans l'usage, indépendam- rn
ment de la définition, mais qui caractérisent très étroitement un se
objet en fonction de la théorie scientifique (ainsi la définition de la th
force par le produit de la masse et de l'accélération dans le cadre l es
'
de la théorie newtonienne). be
Mais la logique symbolique va plus loin. Pour elle le prix de
l'univocité,- c'est la création d'un symbolisme sans attaches dans lo
le langage naturel. C'est cet usage du symbole qui exclut l'autre. lo
En effet, le recours à un symbolisme entièrement artificiel intro- su
duit dans la logique une différence non seulement de degré mais P'

. de nature; les symboles du logicien interviennent précisément m


1
~

.• au point où la formulation en langage ordinaire des arguments de • fo


..
• la logique classique se heurtaient à qne ambiguïté invincible et de

en quelque sorte résiduelle; ainsi le signe u v » élimine l'ambiguïté 1,

. des mots qui expriment la disjonction dans le langage ordinaire
• 1

(ou, or, oder); « v » exprime seulement la signification partielle 1


dt
commune à la disjonction inclusive (sens du latin vel) - selon dl
.- laquelle au moins un des termes de la disjonction est vrai mais c'
- peut-être les deux - et à la disjonction exclusive (sens du latin . sc
1
aut) - selon laquelle au moins un est vrai et au moins un est P
'tr
fa~x; «v , tranche l'ambiguïté en formulant la disjonction inclusive
qua est la partie commune aux deux modes de la disjonction. De • •
hl
••
même le SYJ;lbole ~< ::> n permet de trancher l'ambiguïté, qui subsiste er
• dans la notton d'amplication (qui peut désigner l'implication for- r~
melle, ou par définition, ou par causalité, ou par décision); ~e dl
,
symbole " ::> » formule la signification partielle commune, à savo~ tr
que dans tout énoncé hypothétique on ne peut avoir à la {OlS qi
l'antécédent vrai et le .conséquent faux; le symbole abrège par e1
cons~quent un s~mbo~asme plus long qui exprime la négauon d

appltquée à la conJoncoon entre la valeur de vérité de l'antécédent e1
et la fausseté du conséquent, soit 1 ... (p .... 9) ». sc

1
ss

. .
.. -=----
't,!:MIDY•••--=-•
t~ ,.; "x·· l,f l~ .J;.;~J~! :•IL'.; ,;~••,:
~~t···r,._.."' •




MtfHODB JŒRMbmJTlQU& BT PHILOSOPHIB RBPLEXIVB

Ainsi le langage artificiel du symbolisme logique permet de



tte décider de la validité des arguments dans tous les cas où une ambi-
guïté résiduelle peut être rapportée à la structure du langage ordi-
>re naire. Le point précis où la logique symbolique croise et conteste
les l'herméneutique est donc celui-ci: Péquivocité du lexique, l'amphi-
ïté bologie de la syntaxe, bref l'ambiguïté du langage ordinaire ne
Qn . peuvent être vaincus qu'au niveau d'un langage dont les symboles
ne ont une signification entièrement déterminée par la table de vérité

11- qu'ils permettent de construire. Ainsi la signification du symbole
les • v » est entièrement déterminée par sa fonction de vérité, en tant
>te qu'il sert à sauvegarder la validité du syllogisme disjonctif; de
n- même la signification du symbole « :::> » épuise entièrement son
un sens dans la construction de la table de vérité du syllogisme hypo-
la thétique. Ce sont ces constructions qui attestent que le symbole
Ire •
est entièrement non ambigu, tandis que la non-ambiguïté du sym-
'
bole assure la validité universelle des arguments.
de Tant qu'elle n'est pas fondée dans sa fonction réflexive, la
ns logique du double sens tombe nécessairement sous les coups de la

re. logique formelle et symbolique; l'herméneutique sera toujours - .


·o- suspecte, aux yeux du logicien, de nourrir une complaisance cou-

118
pable pour les significations équivoques, de donner subreptice-
:nt 1
l1 ment une fonction informative à des expressions qui n'ont qu'une
de fonction expressive, voire directive. L'herméneutique tombe ain~j

et 1
dans les fallacies of relevance que la saine logique dénonce.
t

1
.ité
,re
Seule la problématique de la réflexion peut venir au secours
Ile r'
des expressions équivoques et fonder véritablement une logique
on du double sens. Ce qui seul peut justifier les expressions équivoques,

118 1

• c'c:st leur rôle d'a priori dans le mouvement d 'appropriation de


1n . sot par soi qui constitue l'activité réflexive. Cette fonction d'a
!St '
ve
Priori ne relève plus d'une logique formelle, mais d'une logique
tr~nscendantale, si l'on entend par logique transcendantale l'éta-
)e
bhssement des conditions de possibilité d'un domaine d'objectivité
ste
e? général; la tâche d'une telle logique est de dégager par voie
tr· ~~gressive les notions présupposées par la constitution d'un type
le
• expérience et d'un type correspondant de réalité. La Iogi~ue
>li'

)18
transcendantale ne s'épuise pas dans l'a pn·ori kantien. Le hen
que nous avons établi entre la réflexion sur le Je pense, je suis
·ar ~~ t~nt qu'acte et les signes épars dans les cultures de cet acte
JO
extster ouvre un nouveau champ d'expérience, d'objectivité
nt et de réalité. C'est à ce champ que ressortit la logique du dQuble
sens dont nous disions plus haut qu'elle pouvait être complexe

59
. .
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I ~ Qt''-• «•· ~ ~~:r..-tw_,,.....,.,·•••........aa· • ,,
.•
'
•. •
• •

1

PROBLbfATIQUB

mais non arbitraire, et rigoureuse dans ses articulations. C'est dans ••


la structure même de la réflexion que réside le principe d'une 1
limite des exigences de la logique symbolique; s'il n'y a pas quel- 1
que chose comme le transcendantal, l'intolérance de la logique
symbolique est sans réplique; mais si le transcendantal est une 1
dimension authentique du discours, alors reprennent force les 1
raisons que l'on peut opposer à la prétention du logicisme de '
mesurer tout discours à son traité des arguments et qui nous ont 1
• paru rester« en l'air», faute de fondement: (

1. L'exigence d'univocité ne vaut que pour un discours qui se


présente comme argument :or la réflexion n'argumente pas, elle ne
tire aucune conséquence, elle ne déduit, ni n'induit; elle dit à
quelles conditions de possibilité la conscience empirique peut être
égalée à la conscience thétique. Dès lors, n'est équivoque que
l'expression qui devrait être univoque au cours d'un même << argu-
ment , et qui ne l'est pas; il n'y a par contre aucune jal/acy of
ambiguity dans l'usage réflexif des symboles à sens multiples : réflé- 1
chir et interpréter ces symboles sont un seul et même acte. l

2. L'intelligence que développe la compréhension des symboles 1
n'est pas le substitut infirme de la définition, parce que la réflexion
n'est pas une pensée qui définit et pense par u classes ». Nous J

retrouvons ici le problème aristotélicien des « sens multiples de



•• l'être»: Aristote le premier a parfaitement discerné que le discours .• J
philosophique ne se range pas sous l'alternative logique de l'uni- 1
••
voque et de l'équivoque, parce que l'être n'est pas un « genre »; 1
pourtant l'être se dit; mais il «se dit de multiples façons ».

i
3· Remontons à la toute première alternative considérée plus •

haut.: un énoncé, disions-nous, qui n'informe pas sur des faits 1(


exp~1me. seulement les émotions ou les attitudes d'un sujet; or 1


11
la reflexton tombe en dehors de cette alternative· ce qui rend pos- ••
4


si~le l'appropria.tion du Je pense, je suis, n'est ni énoncé empirique,
m énoncé émotionnel, mais autre que l'un et l'autre. '1•

Ce plaidoyer pour l'interprétation repose entièrement sur sa 1


fonction réflexive. Si le double mouvement du symbole vers la
~éflexion et de ~a réflexion vers le symbole vaut, la pensée qui
mterprète est bten fondée. Alors il peut être dit sous fonne
négative du moins, q~e.la pensée n:est pas mesurée p~r une logique
des arguments; la vahdtté des énoncés philosophiques ne peut être
6o
MtrHODE HERMÉNEUTIQUE ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE

ns arbitrée par une théorie du langage conçue comme syntaxe; la


ne sémantique de la philosophie ne passe pas tout entière dans une
!l- logique symbolique.
ue Ces propositions concernant le discours philosophique ne per-
ne mettent pas de dire ce qu'est positivement un énoncé philosophique;
es l'être dit pourrait seul justifier entièrement le dire. Du moins pou-
:le vons-nous affirmer que le langage indirect, symbolique, de la
nt réflexion peut être valable, non parce qu'il est équivoque, mais
quoique il soit équivoque.
se
ne ,
à 4• LA REFLEXION ET LE CONFLIT
re HERMÉNEUTIQUE
1e
a-
of Mais la réplique de l'herméneutique aux objections de la logique
é- symbolique risque de rester une vaine victoire : la contestation
ne vient pas seulement du dehors, elle n'est pas uniquement la •

voix du logicien << intolérant »; elle vient du dedans, de l'inconsis-


es tance interne de l'herméneutique, déchirée par la contradiction.
>n Nous savons dès maintenant que ce n'est pas une interprétation,
JS mais plusieurs interprétations qu'il faut intégrer à la réflexion.
:le C'est donc le conflit herméneutique lui-même qui alimente le
.rs procès de la réflexion et commande le passage de la réflexion
• 1
Ll- abstraite à la réflexion concrète. Est-ce possible sans • casser » la
»· 1 réflexion?
' 1
1 ~orsque nous tentions de justifier le recours à des herméneutiques
.•
1 déJà constituées - celle de la phénoménologie de la religion et
JS •
ce!le de la psychanalyse- nous suggérions que leur conflit pour-
ts 1
1 ratt bien n'être pas seulement une crise du langage, mais plus
or profondément une crise de la réflexion : faire mourir les idoles
1
s- 1 ou écouter les symboles, n'est-ce pas, demandions-nous, une seule
••
e, et même entreprise? En effet l'unité profonde de la démystification
1
et de la remythisation du discours ne peut apparaître qu'au terme
sa
' d'une ascèse de la réflexion, au cours de laquelle le débat qui
ddramatise le champ herméneutique sera devenu une discipline
la u penser.

Ul Dès maintenant, un trait de cette discipline nous apparaît :
te 1~ deux entreprises que nous avons opposées au départ -la réduc-
1e ~on des illustons et la restauration du sens le plus plein - ces
re eux entreprises ont en commun de décentrer l'origine du sena
61
...... .. ~JIU~

. '

.••

PROBLÉMATIQU.
,

vers un autre foyer qui n'est plus le sujet immédiat de la réflexion iln
- u la conscience » - , le moi vigile, attentif à sa présence, soucieux mot
de soi et attaché à soi. Ainsi l'herméneutique, abordée par ses pôles . d'a1
les plus opposés, représente d'abord une contestation et une à la...
épreuve pour la réflexion dont le premier mouvement est de s'iden- me1
tifier avec la conscience immédiate. Nous laisser déchirer par la ET
contradiction des herméneutiques extrêmes, c'est nous livrer à sen
l'étonnement qui met en mouvement la réflexion: sans doute nous •
F

faut-il être écartés de nous-mêmes, délogés du centre pour 'savoir trot
enfin ce que signifie : Je pense, je suis. pie:

Nous croyions avoir résolu l'antinomie du mythe et de la philo- nor

sophie en cherchant dans l'interprétation elle-même la médiation SlOl
entre le mythe et la philosophie ou, plus largement, entre le sym- des
. .
bole et la réflexion. Mais cette médiation n'est pas donnée, elle • de :
est à construire. enst
Elle n'est pas donnée comme une solution sous la main. Le plu
dessaisissement de l'ego auquel la psychanalyse plus qu'aucune qu'
autre herméneutique nous convoque est le premier fait de réflexion con

que la réflexion ne comprend pas. Mais l'interprétation phénomé- cipl
nologique du sacré à laquelle elle paraît s'opposer polairement n'est
• pas moins étrangère au style et à l'intention fondamentale de la
méthode réflexive; n'est-ce pas une méthode de transcendance
qu'elle oppose à la méthode d'immanence de la philosophie réflexive?
Le sacré, manifesté dans ses symboles, ne paraît-il pas ressortir


..
à la révélation plutôt qu'à la réflexion? Qu'on regarde en arrière
vers la volonté de puissance de l'homme nietzschéen, vers l'être 1
générique de l'homme marxiste, vers la libido de l'homme ~re~­ 1
11
dien, ou qu'on regarde en avant vers le foyer transcendant de stgm- • '
fication que nous désignons ici du terme vague de sacré, le foyer •
du sens n'est pas la u conscience » mais autre que la conscience: '•

L'une et l'autre herméneutique posent donc la même quesuon 1


de confiance : le dessaisissement de la conscience au profit d:un
autre foyer de sens peut-il être compris comme un acte de réjlexzon, 1
voire comme le premier geste de la réappropriation ? Telle est la '
question qui reste en suspens; elle est plus radicale encore que 1.
\

celle de la coexistence de plusieurs styles d'interprétation et que


toute la crise du langage sur laquelle se découpe le conflit herméneu-
tique. .
Nous devinons que ces trois u crises » - crise du langage, crtse
de l'interprétation, crise de la réflexion- ne peuvent être dénouées
qu'ensemble. Pour devenir concrète, c'est-à-dire égale à ses cont~·
nus les plus riches, la réflexion doit se faire herméneutique : maJs

6a
·· -~ • 1

. • •

MtrHODE HERMÉNRUTIQUB ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE

•n il n'existe pas d'herméneutique générale; cette aporie nous met en


lX mouvement : ne serait-ce pas alors une seule et même entreprise
!8 . d'arbitrer la guerre des herméneutiques ET d'agrandir la réflexion
ae à la mesure d'une critique des interprétations? N'est-ce pas d'un
l- même mouvement que la réflexion peut devenir réflexion concrète
Ia ET que la rivalité des interprétations peut être comprise, au double
à sens du mot : justifiée par la réflexion et incorporée à son œuvre ?
lS Pour l'instant, notre embarras est grand : c'est un rapport à

tr trois termes, une figure à trois sommets, qui s'offre à notre per-
plexité : la réflexion, l'interprétation entendue comme restaura-
tion du sens, l'interprétation comprise comme réduction de l'illu-
sion. Sans doute faudra-t-il s'engager assez avant dans Ia lutte
des interprétations avant de voir apparaître, comme une exigence
• de la guerre même des herméneutiques, le moyen de les enraciner
ensemble dans la réflexion. Mais à son tour la réflexion ne sera
.e plus la position aussi exsangue que péremptoire, aussi stérile
le qu'irréfutable, du Je pense, je suis : elle sera devenue réflexion
'n concrète; et elle le sera devenue par la grâce même de la rude dis- . •

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cipline herméneutique.
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(
1
INTRODUCTION : 1

.• .•,••

COMMENT LIRE FREUD .-·1


••

.•.
Avant d'entrer dans mon « Essai pour comprendre Freud »,je ••
.••
voudrais dire comment il a été écrit et comment il doit être lu. •

Ce n'est pas une interprétation à un seul et même niveau que je ~~


propose, mais une série de coupes où chaque lecture est non seule- ••

~
,1,.
ment complétée mais corrigée par la suivante; on trouvera même, i ~
entre la première et la dernière lecture, une distance telle que l', ~
rinterprétation initiale pourra paraÎtre reniée; il n'en est rien 11

pourtant; chaque lecture est essentielle et doit être conservée. "!


'·i1
Je veux m'expliquer sur cette procédure. ,,1
Je dirai d'abord quelques mots sur les deux grandes divisions 1
.•
de .cette étude que j'ai appelées une Analytique et une Dialectique, 1
~~

t
puts sur le mouvement de l'Analytique elle-même. •1

'•
' ..
) '
~· C'est en vue d'une dialectique des herméneutiques qu'a été ,•J
1
écnte une étude séparée, portant sur l'interprétation freudienne '••
~,onsidérée en elle-même. C'est cette interprétation séparée que
.~

.1 •

J appel.le « Analytique », en raison du caractère en quelque sorte ..••
••
• 1
.
mecam9ue et extérieur de son opposition à l'égard de toutes les • •••
'
•••
1
autres mterprétations. Comment cette Analytique, prise comme un ' <

tout, s'articule-t-elle sur la Dialectique? '•


'
Le rapport entre Analytique et Dialectique répond à la difficulté •
1•


"
ce~trale posée dans la Problématique. Au départ, en effet, Freud
~· est apparu comme un représentant de l'herméneutique réduc-
.
1


.1c~ et démystifiante, aux côtés de Marx et de Nietzsche. C'est ••
~ansa d'ailleurs que je l'ai introduit et présenté plus haut; c'est ..•, 1


one le goût de l'extrême qui m'a d'abord guidé; Freud m'est •
1•

:.PParu comme ayant une situation précise dans le débat herméneu- f

1 e~q~e, face à une herméneutique non réductrice et restauratrice,


a . côté d'autres penseurs qui menaient un combat compara~le .,

ru 8•1fi 0 • Tout le mouvement de ce livre consiste en une progressave


p:' cat~on de cette position initiale et de la vue en quelque sort.e
oranuque du champ de bataille qui la commande. A la fin, il

'
1

•'


'•••
1 ,.
- - ----= -;~-··,---·--~.. • ....··- ------ ··- - - - - - - -·- .....-~IGJl'·~···- - -
1

l
1
1
1
ANALYTIQUE •
1
pourra sembler que dans ce combat indécis Freud n'est plus nulle j exigeant
part, parce qu'il est partout. Cette impression est juste : les limites 1 c Métaf
de la psychanalyse devront finalement être conçues moins comme
une frontière en dehors de laquelle il y a d'autres points de vue 2. M:
rivaux ou alliés que comme la ligne imaginaire d'un front de recher- d'un sel
che qui sans cesse recule, tandis que les autres points de vue passent vers un
de l'extérieur vers l'intérieur de la ligne de partage. Au début vers le
Freud est un combattant parmi d'autres; à la fin, il sera devenu ici le rn
le témoin privilégié du combat total, parce que toutes les opposi- une idé
tions auront été transportées en lui. détaché
Ce sont d'abord ses alliés que nous retrouverons en lui et non au sens
plus à côté de lui. On verra progressivement la question de Nietzsche s'y ratt
et celle de Marx surgir au cœur de la question freudienne, comme des fait:
question du langage, de l'éthique et de la culture. Les trois inter- eux-me· "
prétations de la culture que nous avons coutume de juxtaposer, cr théori
empiéteront l'une sur l'autre, la question de chacun devenant ensemb
l
la question de l'autre. confirrn
Mais c'est surtout la situation de Freud par rapport à ce qui lui C'est
est le plus opposé, à savoir une herméneutique du Sacré, qui chan- abstrait
gera au cours de ces lectures successives. J'ai d'abord voulu m'exer- rend P'

cer dans l'opposition la plus vive, afin de me donner la plus grande tt tuent
distance de pensée. Au départ, dans une interprétation de la psycha- 1 parenta
nalyse entièrement réglée par sa propre systématique, toutes les les autt
oppositions sont extérieures; la psychanalyse a son autre hors entre c1
d'elle-même. Cette première lecture est nécessaire; elle a sa vertu dienne,
comme discipline de la réflexion; elle opère le dessaisissement de psychic.

la conscience et règle l'ascèse de ce narcissisme qui veut se faire neur d
prendre pour le vrai Cogito; c'est pourquoi cette lecture et son tique fr
rude écolage ne seront jamais reniés mais seront conservés dans ?on~ p.
la lecture finale. C'est seulement pour une seconde lecture, celle Jectives
de notre Dialectique, que l'opposition extérieure et toute mécanique lecture
des points de vue pourra s'inverser en opposition interne et que C'est 1
chaque point de vue deviendra en quelque sorte son autre et por· nécessa
tera en lui-même la raison du point de vue inverse. référen•
Pourquoi, nous dira-t-on, ne pas aller directement à cette vue à, peu ,
dialectique? Par discipline de pensée, essentiellement. Il faut s enricl
d'abord rendre justice à chaque point de vue séparément; pour c~la dira qu
il faut en adopter, si j'ose dire, les exclusives éducatrices. Ens~nte Voie
il faut rendre raison de leur opposition; pour cela il faut rumer Analyti
les éclectismes commodes et poser toutes les oppositions com,me 1 • ~ner
extérieures. On essaiera de tenir cette discipline de pensée : c fst 1
concep
de car
pourquoi on entrera dans la psychanalyse par ce qu'elle a de Pus
1

68 1
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1• COMMENT LIRE FREUD ~f.•
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exigeant, par la systématique, que Freud lui-même a appelée sa · $.
1
1 Métapsychologie ».
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••
1,
$
2• Mais notre Analytique ne constitue pas elle-même une lecture .~
d'un seul tenant et au même niveau; elle est orientée, dès le début, ~
' '·'
vers une vue plus dialectique par le mouvement du plus abstrait .,
vers le plus concret qui entraîne la suite des Iectm:es. J'emploie 'I
ici le mot abstrait, non pas au sens vague et impropre selon lequel
une idée est abstraite quand elle est sans base dans l'expérience,
~
•:
détachée des faits, « purement théorique » comme on dit, mais '
'
au sens précis et propre du mot. La topique et l'économique qui !~
.•
s'y rattachent ne sont pas abstraites au sens où elles seraient loin .1
1••

des faits. Dans les sciences humaines, la « théorie » fonde les faits 1'/
·1
eux-mêmes; les << faits » de la psychanalyse sont institués par la ·-:&>
u théorie >> : en langage freudien, par la « métapsychologie »; c'est '1
·~·
ensemble que la « théorie » et les « faits » peuvent être infirmés ou •':<.·~·

confirmés. ,.
·~
C'est donc en un sens spécifique que la << topique » freudienne est ;g
abstraite. En quel sens ? En ce sens que la topique freudienne ne ·~ )

r~nd pas compte du caractère intersubjectif des drames qui cons-
1

tituent son thème principal; qu'il s'agisse du drame de la relation "''•·•


~
·t
~1
1 parentale ou du drame de la relation thérapeutique elle-même, où 1•
,...; •
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les autres situations accèdent à la parole, c'est toujours un débat i~
e~tre consciences qui alimente l'analyse. Or, dans la topique freu- ir.
·~
'r
'
••

dtenne, ce débat est projeté sur une représentation de l'appareil :.: ', 1

P.sychique où seul est thématisé le « destin des pulsions » à l'inté- ·~ •


••
"••• " 1•
r~eur d'un psychisme isolé. Pour le dire brutalement, la systéma- .'
tique freudienne est solipsiste, alors que les situations et les relations 1
'(
;(

~on~ parle l'analyse et qui parlent dans l'analyse sont inters~b­ ....'·•. • 1•
••
Jecttves. En cela réside le caractère « abstrait » de la première ,.~' •
le~ture que noU:s proposons dans la première partie de l'Anf!/y_liq.ue. •
••
,•

C est ~ourqu01 la topique, adoptée d'abord comme ~~s~1plme .,

J
néc.cssa1re, apparaîtra peu à peu comme un niveau prov1soue de
~
réfcrence qui sera non pas abandonné mais dépassé et retenu. Peu ...'•
à, pe~, ~ l'intérieur même de l'Analytique, la lecture de Freud • •

~~nnchtra et s'inversera en son contraire, jusqu'au moment où elle ·'•


~
1
tra qu.elquc chose que Hegel dit aussi. t.

A Vo1c.1 les principaux jalons de ce mouvement qui entrain~ ~otr~



:• 1

« ~llyttq!-1~ vers sa Dialectique. Dans un premier cycle, mtltuJe


1 nergcttquc ct Herméneutique », nous mettrons en place les
.."" •

1 ~oncepts fondamentaux de J'interprétation analytique; cette étude, ·'•


e caractère proprement épistémologique, sera centrée sur les
1

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• •
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•1

ANALYTIQUE

Écrits de Métapsychologie des années 1914-1917; une question



l Un
1
nous guidera dans cette investigation : qu'est-ce qu'interpréter '•' de la
en psychanalyse ? Cette enquête est préalable à toute étude portant 1
1
théo ri
sur les phénomènes de culture; car le bon droit, aussi bien que la elle n
limite de validité, de l'interprétation, dépendent exclusivement de l' replaç
la solution de ce problème épistémologique. Ce premier groupe
..
memt
de chapitres, où l'on suivra à peu près l'ordre historique de cons- freud:
1
titution de la première topique (inconscient, pré-conscient, cons- 1
1 contre
cient) et l'installation progressive de l'explication économique, de la •
nous mettra en face d'un dilemme apparent: tour à tour la psycha- ne se
nalyse nous apparaîtra cômme une explication des phénomènes elle b
psychiques par des conflits de forces, donc comme une énergétique ment
- et comme une exégèse du sens apparent par un sens latent, donc énonc
comme une herméneutique. L'unité de ces deux manières de com- partie
prendre sera l'enjeu de cette première partie; d'une part, l'incor- l'appé
poration du point de vue économique à une théorie du sens nous ! expos
paraîtra seule capable de constituer la psychanalyse en « interpré- dans ·
tation J); le point de vue économique, d'autre part, nous paraîtra 1 entre
irréductible à tout autre en raison de ce que nous appellerons premJ•
1
le caractère indépassable du désir. des p
Dans le second cycle, intitulé u L'interprétation de la Culture», le doxe
1
mouvement de débordement par l'intérieur commencera de re tout
s'amorcer. On peut en effet considérer toute la théorie freudienne dontl
de la culture comme une transposition simplement analogique de
l'explication économique du rêve et de la névrose. Mais l'applica- Ain
tion de la psychanalyse aux symboles esthétiques, aux idéaux et sucee~
aux illusions, imposera, par choc en retour, la refonte du mo~èle doiver

initial et du schème d'interprétation discuté dans la pren:uère ston, .
partie; cette refonte s'exprime dans la seconde topique (mot-ça- une p
surmoi) qui s'ajoute à la première sans la supprimer; de nouvelles lui ce
relations seront dévoilées, essentiellement de nouvelles relations à comp1
autrui, que seules peuvent faire apparaître des situations de culture sant.
et des œuvres de culture. C'est donc au cours de ces chapitres 9ue son ju
commencera de se découvrir le caractère abstrait de la premtère a ses
topique et singulièrement son caractère solipsiste; ainsi s~ra
parée la confrontation avec l'exégèse hégelienne du déstr .et u
p1· ad ven

dédoublement de la conscience dans la conscience de soi qUJ nous


occupera dans la Dialectique. Mais, ici encore, le rêve .s~ra dn
modèle à la fois dépassé et indépassable, comme la posrt.ton . u
désir dans la première partie; c'est pourquoi la théorie de l'tll~s! 00
apparaîtra, au terme de ce second cycle, comme une répéuuon
du point de départ au sommet de la culture. '

1
····~




'
COMMENT LIRE FREUD : ,.


l Un troisième cycle sera enfin con.s acré au dernier remaniement '
• ••
1
...
1
• de la théorie des pulsions sous le signe de la mort. Cette nouvelle 1 •


1 théorie des pulsions a une signification considérable. D'une part,
1
elle nous permet seule d'achever une théorie de la culture, en la •1•
replaçant dans le champ de la lutte entre Éros et Thanatos. Du •
••
même coup, elle permet de mener à son terme l'interprétation
••
freudienne du principe de réalité qui aura servi de bout en bout de ••

1
1
contre-pôle au principe du plaisir. Mais, en achevant ainsi la théorie
1 de la culture et celle de la réalité, cette nouvelle théorie des pulsions

ne se borne pas à remettre en question le modèle initial du rêve :
elle bouscule le point de départ topique lui-même, plus exacte- .• ••
.•
ment la forme mécaniste dans laquelle la topique a d'abord été
énoncée; ce mécanisme, dont nous exposons au début de la première • ••

partie l'hypothèse fondamer,tale concernant le fonctionnement de ••



.• .•
l'appareil psychique, n'a jamais été complètement éliminé des
exposés ultérieurs de la topique; or, il résiste à toute intégration •'•

dans une interprétation du sens par le sens et rend précaire le lien .\ •

entre énergétique et herméneutique que nous exposons dans la ~


1

première partie; ce n'est qu'au niveau de cette dernière théorie . .. "1 ,.


1
des pulsions qu'il est fondamentalement contesté. Mais le para-
doxe est que ce dernier développement de la théorie marque le
1 ...
retour de la psychanalyse à une sorte de philosophie mythologique,
dont les figures d 'Éros, de Thanatos et d'Ananké sont les emblèmes. 1

l• f


Ainsi notre Analytique s'achemine-t-elle, par dépassements 1
i' ~
su~cessifs, vers une Dialectique. C'est pourquoi ces chapitres !· !
d.otvent être lus comme des coupes successives où la compréhen- , .''

Sion, en s'avançant de l'abstrait au concret, change de sens. Pour
u~e première lecture, plus analytique, le freudisme laisse hors de
lu1 ce qu'il réduit; pour une seconde lecture, plus dialectique, il
comprend d'une certaine façon ce qu'il a paru exclure en le rédui-
sant. Je demande donc expressément que le lecteur suspende
son jugement et s'exerce à passer d'une première intelligence, qui
a ses critères propres, à une seconde intelligence, où la pensée
adverse est entendue dans le texte même du maître du soupçon.

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PREMIÈRE PARTIE
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LE PROBLÈME ÉPISTÉMOLOGIQUE
DU FREUDISME •
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Notre premier cycle d'investigation est consacré à la structure î•
du discours psychanalytique. 11 prépare ainsi la voie à une inspec- •
,J
1
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tion du phénomène de culture, à quoi sera consacré le second 11
••
cycle. l~
1 •
' J'ai placé cette enquête sous un titre qui désigne tout de suite a
i la difficulté centrale de l'épistémologie psychanalytique. Les

j 1'
• écrits de Freud se présentent d'emblée comme un discours mixte, !;
1

1•
voire ambigu, qui tantôt énonce des conflits de force justiciables
d'une énergétique, tantôt des relations de sens justiciables d'une

•1
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hennéneutique. Je voudrais montrer que cette ambiguïté appa-
,1 rente est bien fondée, que ce discours mixte est la raison d'être de '' •
1

1'
1 •
la psychanalyse. -
•••

1 Je me bornerai, dans cette introduction, à montrer successive- .,"• •



ment la nécessité de l'une et de l'autre dimension de ce discours; ~ • .:


la tâche des quatre chapitres qui composent cette première partie n !1
.1
: •
sera précisément de surmonter l'écart des deux ordres de discours '
1
::1

1 et d'atteindre le point où l'on comprend que J'énergétique passe • :1
Par une herméneutique et que l'herméneutique découvre une 1 • 1
f •1
'
1 énergétique. Ce point, c'est celui où la position du désir s'annonce i •

dans et par un procès de symbolisation. . 1 ol



1 <;>r le statut de l'interprétation, de la Deutung, dans une exp~t­
1

1 catJon topique-économique se présente d'abord co"!n!e ,une apon~.


l
• .
Dans la mesure où nous soulignons le tour déhberement antt- 1
t

bhénoménologique de la topique, nous paraissons retir~r toute


1
.•
1

ase ~ u!le lecture de la psychana!yse co"!!lle h~rméneuttque; la •• .•


8
ubstttutJOn des notions économ1ques d mvesttssement - de 1 ' .
••


1
rlace~ent et de déplacement d'énergie :- à celles de con~cie~ce
1
! ntentJonnelle et d'objet visé semble 1mposer une exphcat10n
~atur~liste et exclure une compréhension du sens par le. sens. Bref,
j
• •
• . l
pomt de vue topique-économique peut, semble-t-11, soutentr
une énergétique, mais non point une herméneutique. Il n'est pas
.
1 •
1
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1

15 1

• ~
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1

ANALYTIQUE

douteux pourtant que la psychanalyse soit une herméneutique : ce résidw


n'est pas par accident mais par destination qu'elle vise à donner explie'
une interprétation de la culture dans son ensemble; or, les œuvres de not
d'art, les idéaux et les illusions sont, à des titres divers, des modes fameu:
de la représentation. Et si l'on revient de la périphérie vers le de l'E.
centre, de la théorie de la culture à la théorie du rêve et de la J'intég:
névrose qui constitue le noyau dur de la psychanalyse, c'est encore second
et toujours à l'interprétation, à l'acte d'interpréter, au travail de chologi
l'interprétation que nous sommes renvoyés. C'est dans le travail et nou
d'interprétation du rêve, nous le dirons assez, que la méthode la rep1
freudienne s'est forgée. De proche en proche, tous les << contenus » tous le:
sur lesquels travaille l'analyste sont des représentations, du fan- Peuf
tasme à l'œuvre d'art et aux croyances religieuses. Or, le problème réside
de l'interprétation recouvre exactement celui du sens ou de la auss1• .
représentation.
, . La psychanalyse est ainsi de bout en bout inter- langag
pretatton.
C'est ici que se constitue l'aporie : quel est le statut de la repré-
sentation par rapport aux notions de pulsion, de but de pulsion
et d'affect? Comment composer une interprétation du sens par le
sens avec une économique d'investissements, de désinvestisse-
ments, de contre-investissements ? Il semble, à première vue, qu'il
y ait antinomie entre une explication réglée par les principes de la
métapsychologie et une interprétation qui se meut nécessairement
parmi des significations et non parmi des forces, parmi des repré-
sentations et non parmi des pulsions. Tout le problème de l'épis-
témologie freudienne me paraît se concentrer dans une unique
question : Comment est-il possible que l'explication économique
passe par une interprétation portant sur · des significations et, en
sens inverse, que l'interprétation soit un moment de l'explication
économique ? Il est plus facile de se jeter dans une alternative :
soit une explication de style énergétique, soit une compréhension 1

d~ s~le phénoménologique. Or il faut admettre que le freudisme


1

n extste que par le refus de cette alternative.


La difficulté de l'épistémologie freudienne n'est pas seulement
celle de son problème, c'est aussi celle de sa solution. En effet,
F!eud n'a pas a~cint du premier coup une vue claire de l'enche-
vetrement des pomts de vue dans la métapsychologie. Les exposés
~uccessif~ de la topique portent la marque- de plus en plus réduit~, 1

tl es~ vra1- d'~n état initial où cette topique est coupée du travaal .1
de lu~terprétat10n. Ce que nous appellerons par la suite l'hypothèse
1

.1
quantitative grève lourdement l'explication économique. Il .en
résulte que tous les exposés ultérieurs souffrent d'une dissociauon 1
.
...
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~
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LE PROBLÈME ÉPISTÉMOLOGIQUE DU FREUDISME •
••
••

résiduelle· nous chercherons la clé de ce divorce initial entre l
explicatio~ et interprétation dans l'Esquisse de 1895· Ce sera l'objet ~
de notre premier chapitre. Nous montrerons ensuite comment le
fameux chapitre vu de l'Interprétation des Rêves reprend l'exposé ~
i
de l'Esquisse, mais aussi le dépasse et en prépare plus nettement ~
l'intégration au travail de l'interprétation; ce sera l'objet de notre '
second chapitre. Nous chercherons enfin dans les Écrits Métapsy- 1\
chologiques de 1914-1917 l'expression la plus mûre de la théorie •
et nous nous arrêterons longuement au rapport de la pulsion et de •
la représentation où se justifient à la fois toutes les difficultés et '
1
tous les essais de résolution. 1

Peut-être en effet est-ce dans la position même du désir que }



réside à la fois la possibilité de passer de la force au langage, mais l
aussi l'impossibilité de reprendre entièrement la force dans le q


langage. ~
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•1 CHAPITRE PREMIER 1
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UNE ÉNERGÉTIQUE •••


SANS HERMÉNEUTIQUE ..1
i1
.

J.
VEsquisse de 1895 1 représente ce qu'on pourrait appeler un l1

état non herméneutique du système. En effet, la conception de
• l'appareil psychique » qui la domine ne paraît aucunement réci- '
1
1

proque d'un travail de déchiffrage; néanmoins on verra un peu


plus loin que l'interprétation des symptômes de la névrose n'est l
1
pas absente de cette conceptualisation. Celle-ci est fondée sur un ••
1


principe - le principe de constance - emprunté à la physique ,r
et tend vers un traitement quantitatif de l'énergie. Or ce recours '.

au principe de constance et à l'hypothèse quantitative représente 1
1•
l'aspect du freudisme qui résiste le plus à la lecture que je propose, .••.
.
basée sur la corrélation entre énergétique et herméneutique, entre '
••

rapports de forces et relations de sens. Mais, précisément, 1'Esquisse


de , 1895 n'est pas encore une u topique », au sens des Essais de
Me~apsychologie, et il importe de ne pas identifier au départ la
notton d' u appareil psychique » et le « point de vue topique»;

1• L'essai ~nnu comme une Esquisse d'une psycholog1'e scientifoltu .a ~té pu~tié
P.0 u~ la Prcmaère fois à Londres en 1950 à la suite des Lettres à Wilhelm Fltess,
:sa qu'une collection de Notes et de Plans, sous le titre général Aus den ~nfangen
ltz PPsycltoana/ysis (Imago Publishing, Londres 1950); tr. fr. =. La N_ausance .de
Fre sychanalyse (P. U.F. 1956, p. J07-J96). L'essai n'a pas en réahté de tttre pré~:
0 ud parle de sa c Psychologie à l'usage des neurologues • (Lettres à Fl•ess,
~bi~J, du 27 avril 1895, ~ Naissance... p. ~os), ou sim~lement du système ~~
1
et ,:• p. ~09) pour des ratsons que nous dtrons plus lom (no~e 16). Sur le titre
• 1
tt A~tentton de l'Esquisse, cf. E. Kris, Introduction à La Nausance.... (p., 22-4)
tk s· ant-propos de l' Esqrlisse (ibid., p. 309-11); Ernest Jones, La Vre el 1 O!UVrt
Ps c'gmun~ Freud, tr. fr., P. U.F., 195 8, t. 1, p. 381.- Sur le mot même de • m~ta­
l'l h~logte •, voir Lettres à Fliess, noe 41 et 84. -Sur les premières ébauches do •• i·/
p. ~q~us~, on consultera ln lettre à Breuer, 29 juin 189~ (G .. W. X~ll, P· 5; ~· P. v, •
1

' tantS' cc texte sera repris duns la Sta11dard Ed. au t. 1 (tnédtt à ce Jour), et ltmpo.r-
1·1
1
•• ••
et à~·. Cornmunication préliminaire • datée de décembre 1892, publi~e à Berhn 1 •

(G, wenne nu début de J89J. et placée en tête des Btu,des sur tHystéri~ de J89S
..
• •

l et • 1• P; 77 aq., S .E. 11, p. 1-17, tr. fr.: 8tudes suri Hystlne).Parr;ul.:snotes


lllanuacnta ant~rieun ll' Esquiu6, on retiendra surtout les Manuacnta D et G.
.

1 •
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• 11

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79 • •
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1
·-· --- . ~- -·- -


-
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ANALYTIQUE
l
la première est simp!eme~t calquée. sur un modèle physique, le
second est corrélatif d une mterprétatton du sens par le sens. Certes,
il faut bien avouer que cette concepti~n quasi physique ~c l'appareil
psychique n'a jamais été éliminée entièrement. du freu~1s?1e; tout~­

fois j'estime que le développement du freudtsme peut etre consi-


déré comme la progres~ive réduct~on de. la notion.« d'appareil
psychique n - au sens dune« machn;te qlll _ne, tarderatt,pas à fonc- Lad
tionner d'elle-même 2 »,-à une toptque ou 1espace n est plus un • Dans
lieu mondain mais une scène sur laquelle entrent en débat des logie d~
rôles et des ~asques 8 ; cet espace deviendra lieu du chiffre et du c ter les

déchiffrage. détermi
Certes, le principe de constance maintiendra jusqu'au bout une rendre
certaine extériorité de l'explication énergétique à l'égard de l'inter- • •
pnnc1p:
prétation du sens par le sens; la « topique >) gardera toujours un •
quant1t
caractère ambigu; on pourra y voir à la fois le développement de du mo·
la théorie primitive de l'appareil psychique ct un long mouvement les neu
pour s'en affranchir. Aussi serons-nous très attentif au destin de Nom
rhypothèse quantitative à travers les stades successifs qui mènent •
non so:
de l'Esquisse à la topique (ou aux topiques); à cet égard les quatre pu natt
..
ou cinq expressions du système n'ont pas du tout la même signi- lutter;
fication épistémologique. En particulier le chapitre VII de la Traum-
mentait
deu~u"g a la position ~a plus équiv?que, entre l'Esquisse et les deux •
VOlt et
to~nq~cs. Il est vraiment un developpement de l'Esquisse, du
prmc1p.e de ,~onstan~e ~t de, l'hypothèse quantitative, et pourtant
la règle
Il e~t hé à lt.n terpretauon .d u~e certaine manière qui annonce la exclush
4

~?ptque ulténeure. C~tte sttuatton ne doit pas nous embarrasser :


meme,
J espè~e montrer ulténe~re!flent que c~ n'est pas dans la« topique» scicntifi
qu~ 1 hypothèse quantt~attve est radtcalemcnt mise en question,
théorie
mats dans la confronta~I?n - non topique ou hypertopique - de d'attrac
tout~s les forces d~ dcstr, de toutes les formes de la libido, à la 4· Esq;
pulst~n de mort. C est la pulsion de mort qui bouscule tout : car lettre de
ce qUl est u au-delà du, principe du plaisir n ne peut pas ne pas altérer, forme as
par ch~c. en rctou~, .!.hypothèse de constance à laquelle le principe ~otion de
tlrer de 1
du platstr a été JJUtlalement accolé (cf. Analytique Ille Partie p. 106.) l
chap. 111). ' ' •libre • <
1 P~cipal
., b10logiqu
§ ~enséc, 1a
• 1état con
Lettres à Flins, no J:t La Nainance
2.
j de conco
J. On lit dana le Manus~ ·
11
.... , p. 5· j p. ••s.)
psychiques _ le fait de .~t L ~La ~amance.,.., p. 176): • Pluralité dea pcrsonnea
1
cette expreaaion. ' (MS J. •• tcnà tl• caluon 6autonae pc.ut-êtrc un emploi littéral do
• p s. s.
tycl~a 11a
l
om a ettre J du ~ mal 1897·) 6. E. .
?. E. i
8o
-

t 0 1

UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE


l • 0
0

1
• '•
I. LE PRINCIPE DE CONSTANCE 1
0

1

ET L'APPAREIL QUANTITATIF !'
0
0

La déclaration liminaire de l'Esquisse mérite d'être transcrite :


l •

c Dans cette Esquisse, nous avons cherché à faire entrer la psycho- j


0

logie dans le cadre des sciences naturelles, c'est-à-dire à représen-


1 ter les processus psychiques comme les états quantitativement l
• détenninés de particules matérielles distinguables, ceci afin de les
rendre évidents et incontestables. Ce projet comporte deux idées '1
principales : 1° ce qui distingue l'activité du repos est d'ordre
quantitatif. La quantité (Q) se trouve soumise aux lois générales
du mouvement. zo Les particules matérielles en question sont '
1
0

les neurones 4 ». •

Nous devons à Bernfeld s, à Jones s et à Kris 7, une reconstitu-


tion soigneuse du milieu scientifique dans lequel un tel projet a 0


••
pu naître. C'est aussi contre ce milieu que la psychanalyse aura à
lutter; du moins Freud n'en reniera jamais les convictions fonda-
mentales : comme tous ses maîtres, viennois et berlinois, Freud l
voit et verra dans la science la seule discipline de la connaissance,
la règle unique de toute probité intellectuelle, une vision du monde •

exclusive de toute autre et surtout de la vieille religion. A Vienne


m~me! comme à Berlin, la cc Naturplzilosopllie >> et ~on ~uccédané 1
•'
j

SCJ~n~lfique, le vitalisme, ont cédé la place, en .bt,ologte, à une •


t~eone ,Physico-physiologique, fondée sur les tdees de for_ce, '•
d attractiOn et de répulsion, régies par le principe de la conservaoon
'
4· Esquiue d'rme psychologie scientifique, in La Naissance••. , p. 315. ~ana une l

1rettre de la fm de 1895 on lit · c Deux nmbitions me dévorent : découvnr quelle •

aonn '
du •fonctionnement mental quand on Y mtro d utt . 1a 1

e assume ln théorie i•
0

~Ollon de quantité une sorte d'économie des forces nerveuses et, deuxièmement, 0


ttrer de ln PS)•chopathologie quelque gain pour la psychologie nonnale. 11 (Ibid., 1

~ηb06 ·> Et quelques jours plus tard : c Les trois systèmes de ne~roncs, les états ••
! r~ • ou •lié • de la quantité les processus primaire et secondatre, la tendance • r"
1 ~~<:a~ale, ln tendance du ay~tème nerveux aux compromis, les deu:c règles !
p~~~:tques de l'attention ct de lu défense, les indices de qualit~, de réahté et de 1 1

i"' c, ln détermination sexuelle du refoulement et enfin les facteurs dont dé~end


l'é tat co i 1

d ·
nscacnt en tant que fonction de perception, tout cela concordrut
· et con tmue
. :j
e Concorder. Naturellement J·e ne mc sens plus de joie! 11 (ao oct. t895, lb,.d., • 1

1

P. Hs.) '
P~·lS. Bcrnfcld, • Freud's earlicst Theories and the School of Helmhotz '
11
;1
:1

6c 'Ë'al. Quart. 13, p. J4t. 1 l

7: E. Jo~ea :La vie et l'œuwe d4 Sign1und Freud, t. 1, p. 37·8; .of-4•8. ••


1 :.

· Krta : Introduction à Nai11at1C6 d4 la psychanalysl, P· r-+3· • i 1

81 :r
1
1
0
1
l1

(
\
ANALYTIQUE

de l'énergie, découvert par Robert !Vfayer en 1842 et remis en fait


honneur par Helmholz; selon ce prmctpe, la somme des forces et c
(motrices et potentielles) demeure .cons~an~e dans un système le <
isolé. Nous connaissons mieux auJou.rd hUI les pr~longements ne
,
·
viennois de l'école de Helmholz 8, at!lsl que les premter~ trava~ etre
scientifiques de Freud en neurologie et en embryologie; ausst que
rEsquisse de 1895 nous pa~~t moin~ singu!ière. Son intérêt réside 1
' que
moins dans les présuppos1t1ons qUI ne lm sont pas propres que l'Es
dans son dessein de tenir jusqu'au bout l'hypothèse de constance neu
dans des régions nouvell~ ?ù elle n'~vait pas ~t~ mise à l'é~reu~~: Jan~
théorie du désir et du platstr, éducatron à la reahté par le: de.plar.str, foUI
incorporation au système de la pensée observante et JUdtcattve. éno1
Par là Freud, non seulement prolongeait Helmholz, mais renouait cipe
avec la tradition de Herbart 8 qui, dès 1824, avait plaidé contre le der
libre-arbitre, lié le sort du déterminisme à la motivation incons-
ciente et appliqué à une dynamique d'idées la terminologie physi- E:
que; c'est à Herbart également qu'il faut rattacher l'usage du mot •
prtn
idée, au sens de perception et de représentation, le thème de l'anté- 1
appl
riorité de l'idée sur l'affect qui joue un rôle éminent dans les Écrits Il
Métapsyclzologiques, peut-être même le mot (sinon la notion) de •
gme
Verdriingung (refoulement). La filiation de Herbart à Freud, sur •
VIen·
le point précis du principe de constance, n'est pas douteuse : la reco;
cr r~cherche d'équilibre» est le principe directeur de cette cc psycho- Jane
logie mathématique » et de son calcul de forces et de quantités. ce q1
••
Finalement, c'e~~ de Herbart et de Fechner 1o que Freud se rap- cara<
prochera lors9u tl renoncera à toute base anatomique pour son 1'éne
sys~ème psych~que, remettant la psychologie à la place que Herbart cr• ren
avatt voulu lut donner. 1mpo
Ainsi l:Esq.uisse de 1895 appartient à toute une époque de la cadn
pensée sctenttfi.que. Comment, en prolongeant cette pensée, Freud seme
!a transforme Jusqu'à la faire éclater, voilà seulement ce qui est 1

tnves
mtéressant. ~ cet ~ga~d l' ~squ~se apparaît comme le plus grand 1 ment
effort que Freud a1t Jamats fatt pour contraindre une masse de .
1

déch:
1 •
Stnée.
ho~~ !~cked~e pfremier maitre de Freud, cat le chainon viennois entre Hclm· J
une 1
.
reu ' c.. 1ones, o. c., 1, 407·16.
Il
9· y a deux lignes · une r . H 1 h 1 F . ces n
s'
1
Freud q · d' li · .•une c m o z. rcud ct une ligne Herbart-Fechner•
Meyn~rt w clura BC croisent aussi bien chez Brücke CJUC chez Griesinger et un sc
The u,"~~io~; ~ mot • idée • chez Fr~u~, . au sens de Herbart, cf. Mnclntyre,
1
• que,

ment • cf la ' · 957 • p. 11 · -Sur 1 ongmc herbartiennc du mot • refoule- de la
JO Î.etires ~up~~use r~Srque de Jones, o. c., I, JIO.
qui ~ ~noncé la •eul, l'!d.~. 3 : • C'est le vieux Fechner dans aa noble simplicit~ Il.
aeu e 1 ce Sensée en d 18 · t 1 .. · ue
aur un terrain peychiq dtf<' an que c proccaaua onanquo 10 JO de lan
uo 1 crent. • (La Naüranu••• , p. 217.) •entati,
1


j
r p· • ?Te-« #A JWaSCr MO'BAW.tt«<IIN WZ~··t'd'Wit,-~'
~ .. ... .


'

\
UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE.

faits psychiques à entrer dans le cadre d'une théorie quantitative


et comme la démonstration par l'absurde que le contenu excède
le cadre : même dans le chapitre vn de la Traumdeutung, Freud
ne tentera pas de faire tenir tant de choses dans un système aussi
étroit; c'est pourquoi on peut bien dire que rien n'est plus périmé
que le plan explicatif de l'Esquisse et que rien n'est plus inépuisable
1
que son programme de description : à mesure qu'on avance dans
l'Esquisse, on a l'impression que le cadre quantitatif et le support
neuronique reculent à l'arrière-plan jusqu'à n'être plus qu'un
langage de référence, donné et immédiatement disponible, qui
fournit la contrainte nécessaire à l'expression pour des découvertes
énormes; la même aventure se reproduira avec Au-delà du pn·n-

cipe de plaisir où la biologie jouera le double rôle de langage
de référence et d'alibi pour la trouvaille de la pulsion de mort•

Essayons de démêler ces deux lignes : de la généralisation du


principe de constance et de son débordement par ses propres 1
• applications. 1

Il est remarquable que Freud ne dise pas grand-chose sur l'ori- ••


gine et la nature de ce qu'il appelle quantité; quant à l'origine, elle ••
vient des excitations extérieures ou des excitations internes et ••

recouvre à peu près l'idée de stimuli perceptifs et pulsionnels; '•



la notion de cc Q ,, sert alors à unifier sous un unique concept tout
••
ce qui produit de l'énergie; quant à sa nature, Freud se borne à la •
caractériser comme une sommation d'excitations homologue à •••
l'énergie physique : c'est un courant qui circule, qui u occupe », ,,

~ remplit ,, ou « évacue » et « charge » les neurones; la notion si ; 1


• .l•
1
Importante d' u investissement » a d'abord été élaborée dans ce •1
cadre neuronique, comme synonyme d'occupation et de remplis- •. 1
•1
1
, ~ement (318-J21); c'est en ce sens que l'Esquisse parle de u neurones 1 "
!
1
Investis " ou u vides ,,; on parlera encore d'élévation ou d'abaisse- •
1 '

ment du niveau de la charge, de décharge et de résistance à la •


•• 1
1

• d.écharge, de barrière de contact, d'écran, de quantité emmaga-
1 Sinée, de quantité librement mobile ou u liée ». Freud intègre ainsi '•• •.'·
1
• une notion venue de Breuer : on verra plus loin pourquoi. Toutes '1 .'
l
ces notions, nous les retrouverons dans d'autres contextes, dans :• 1
' un sens de plus en plus métaphorique. Mais il est remarquable 1 •
1 •

1 !1 '•
que, dans l'Esquisse, Freud ne s'avance pas plus loin dans la voie • ••
de la détermination de la « Q » 11 • Aucune mesure n'est énoncée : : 1
1 •

d lt. Moclntyre (o. c., p. 16-22) rapproche la notion freudienne de quantit6 '. '
1 •
1 • •

e la !lllltièrc en mouvement de Engels ct l'oppoao l Lorentz pour qui la repR• i .•1


•entatton ~crg~tiquo n'ost qu'un modèle.

: 1

l ' '•
. .'
• •
'-.. ..
---
~
_.. ··;-----·~''~~ ..,. , ,. , ......,..u.... ·· - - - - - - --· - - · - -·- ---·----·-·-·····•-.r;•.:o..•.+wi.l~»~W

• •

ANALYTIQUE

on parle seulement de quantité« relativ~ment fai~le » (325) ou ~e Jera


a grande quantité » (326) ou de a quanttté excess1ve » (327); mats de
il n'existe aucune loi numérique concernant cette quantité. Curieuse (34c
quantité à la vérité l Nous y reviendrons à la fin de ce chapitre. con
Mais si la quantité n'obéit à aucune loi numérique, elle est régie reil
par un principe, le principe de constance, que Freud élabore à pou
partir du principe d'inertie; le principe d'inertie signifierait que leqt
le système tend à réduire ses propres tensions à zéro, c'est-à-dire 1
à décharger ses quantités, à s'en « débarrasser » (316-17); le prin- dèrc
cipe de constance signifie que le système tend à maintenir aussi bas COŒ
que possible le niveau de la tension. Cet écart entre constance et coru
inertie est en lui-même très intéressant 12, car il marque déjà « q·
l'intervention de ce qui sera décrit plus loin comme cc processus pou
secondaire »; cette impossibilité pour le système d'éliminer toutes COUJ
les tensions résulte de ce qu'il n'existe pas d'équivalent de la fuite aux<
pour les dangers venus de l'intérieur : l'appareil psychique est (328
contraint d'emmagasiner et d'investir une masse de manœuvre, exté
constituée par un ensemble permanent de quantités « liées », des-
, .
syst•
tinées à réduire les tensions sans être capables de les supprimer. pen
« En conséquence, écrit Freud dès le début de l'Esquisse, le système proi
neuronique se voit obligé de renoncer à sa tendance originelle à phét
l'inertie (c'est-à-dire à un abaissement du niveau de tension à désa
zéro); il doit apprendre à supporter une quantité emmagasinée cons
(Q-i}) qui suffise à satisfaire les exigences d'un acte spécifique. Sui-
vant la façon dont il le fait, cependant, la même tendance persiste
14.
sous la forme modifiée d'un effort pour maintenir la quantité à •
extSt(
un niveau aussi bas que possible et éviter toute élévation, c'est-à- ses p
dire pour conserver constant ce niveau. Toutes les réalisations du à l'ég.
système neuronique doivent être envisagées soit sous l'angle comp
de la fonction primaire soit sous celui de la fonction secondaire rs.
travea
imposée par les exigences de la vie » (317) 13. Ainsi, dès la qua• &•
première formulation, qui le distingue du principe d'inertie, le pas~~

principe de constance met en jeu le u processus secondaire », dont at•taon


r6.
la base anatomique est absolument inconnue : certes Freud postu- cripti•
12. E: K:"s (o. c..' p. 317-18, note 2) y voit l'esquisse de la future différenc~ cp, "'·
àF/ie
1

~tre prmcape du mrvana et principe du plaisir. On pourrait se demander ausst 8UCUl1


Il Ja tendance: vers uro n'annonce pas ln pulsion de mort. En tout cas, on ~e tasen1
pourra pas dtre que ~roa veut Q - O. Cf. ci-dessous Analytique 111° parue, 1
la m~
chap. m. •
• Naiss,
13 ·. La diff~renc~ entre processus primaire et secondaire aera longuement 17.
~tabhe plus. lom i d!son~ seulement ici qu'il s'agit d 'opposer la réaction sous la dra sc
~o~e quast h~llucmatotre et la conduite rég)~e par une utilisation correcte dea Bolida
mdicea de réali~ à la faveur de l'inhibition venue du moi (La Nailsanu ..., P· 3#) consci
·- - ··- ·------

'

UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE

Iera, un peu plus loin, pour des raisons de symétrie, un ensemble


de neurones à énergie emmagasinée liée, qu'il appelle « moi »
(340-42). Freud essaiera toujours de considérer le principe de
constance comme l'équivalent du principe d'inertie pour un appa-
reil contraint d'agir et de se défendre contre des dangers intérieurs
pour lesquels il n'a pas d'écran comparable à l'appareil sensoriel,
lequel joue comme barrière autant que comme récepteur 14•
Le caractère métaphorique de ce principe s'aggrave si on consi-
dère qu'il joue sur une diversité d'appareils, dont au moins un
concerne le contraire de la quantité, à savoir la qualité 16 : u L'état
conscient, écrit Freud, nous fournit ce que nous appelons des '
u qualités » (on verra l'importance immense de ces qualités '•1
pour l'épreuve de réalité] ... c'est pourquoi nous devons avoir le 1
1

courage d'admettre qu'il existe un troisième système de neurones .
auxquels on pourrait donner le nom de cc neurones perceptifs 18 ••• » ~

-t•
(328). « La tâche de ce système consiste à transformer une quantité ~·
"'
extérieure en qualité » (ibid.). Freud a essayé de les rattacher au t
k
système quantitatif en leur prêtant une propriété temporelle, la (
~

périodicité; « la période du mouvement neuronique, dit-il, se '•


.•
propage partout, sans rencontrer d'obstacles, à la manière d'un •
• 1

phénomène d'induction 17 » (329). Cela permet à Freud de se •1


•1
.<
désolidariser de l'école paralléliste et des épiphénoménistes : la ..'•
conscience n'est pas un doublet inefficace du processus nerveux ••

~

• •
,
<
14. Ce sera un des thèmes fondamentaux dans Le moi et le ça. Alors qu'il <- •
• ••
ex.iste un • bouclier perceptif •, le moi est livré sans protection aux incitations de • 1

ses pulsions. C'est une idée profonde que la perception est un système sélectif .. ,· 1
:

à l'égard d es incitations du monde, alors que le désir nous laisse démunis. On peut • •
comparer cette idée au concept nietzschéen de • danger 11, .'. •''
15. On peut se demander si la différence entre les neurones q> qui • se laissent .'
c·•
traverser • par le courant et reviennent à leur état antérieur et les neurones cV '
•• 1
1 •
qui sont • altérés durablement • par le courant (La Naissance... , p. 319) n'est 1
1 1
~a:' la transcription d'une distinction dans son fond qualitative, à savoir Poppo- 1
• 1

lltlon entre recevoir et retenir, entre percevoir et se souvenir. 1

_I6: Freud d ésigne ces neurones par la lettre W (Wahrnellmung) ou (1) (trana- .1•

cnpt•on humoristique de W), qui permet d'appeler les trois sortes de neurones
.. •
ql, .,, (1). C'est ainsi que Freud dans ses lettres parle de son système q> cV (1). ùttru ..
1 '

à Flieu, p . lOC), 1 t 1. Les neurones cp. essentiellement perméables, qui n'opposent 11
• 1
aucune résistance et ne retiennent rien, servent à la perception; les neurones .,, •
1
essentiellement imperméables, sont rétentcurs do quantité : d'eux dépendent
1 la r:rtémoire et probablement auui les processua psychiques en général (LA .•• '

• Nausance..•, p . 320) . • 1
17. Cette introduction du temps est de la plus grande importance; on Y revien- 1 1
11
dr~ a~uvent : l'i,conscient ig11or6 le temps. Il est remnrqunble que le temps soit t
••
1

aohdn~re do la quulité, Jnquelte jouo un rôle duns l'éprc:uvo do ~alité. Temps,


C:Onactencc, réalité sont ainsi dea notions corrélatives. !1
i .

ss '1. •.
' 1

1 •

1
1 '•
)

ANALYTIQUE

en général, puisqu'elle est liée à un ensemble spécifique de neurones. au tru:


Ce n'est pas encore le plus grave. Tout le système repose sur une satisfc
équivalence simplement postulée entre d'une part déplaisir et aug- secou
mentation du niveau de tension, et d'autre part plaisir et abaisse- préco
ment de niveau: u Nous savons qu'il existe dans le psychisme une ne pe
certaine tendance à éviter le déplaisir, nous sommes donc tentés de l'atter
confondre cette tendance avec celle, primaire, à l'inertie. En ce l'enfa
cas, le déplaisir coïnciderait avec une élévation du niveau de la sant s
quantité (Q~) ou avec une augmentation de tension; une sensation par e.
serait perçue quand la quantité (01]) augmenterait dans tjl. Le secont
plaisir naîtrait d'une sensation de décharge » (33 I ). Pur postulat, mutue
puisque déplaisir et plaisir sont des intensités senties que Freud la sou.
localise à côté des qualités sensorielles, dans une troisième espèce de la
de neurones, les neurones <a>, et qu'il caractérise ces intensités l'épre1
comme investissement de <a> par 4 18 ; en fait, c'est un nouvel ..
• au prt
exemple du passage de la quantité à la qualité, que Freud tente Cer
d'assimiler au précédent en recourant à nouveau au phénomène le cad
de périodicité (33 1-2) qui a déjà été invoqué pour rendre compte réalité
de la qualité sensorielle 19 • Le désir lui-même s'inscrit dans cette mes ur
théorie mécanique des affects (339-40), par l'intermédiaire des implic

traces laissées par les expériences du plaisir et du déplaisir : il savotr
• •
faut admettre que, dans l'état de désir, l'investissement du sou- cmatlC
venir agréable est plus considérable que celui de la simple percep- fonctic
tion; ce qui permet de définir une première fois le refoulement En 1
(confondu ici avec la défense primaire) comme retrait d'investisse- thèse c
ment de l'image mnémonique hostile 20 (340). au plu

Mais c'est ici même que le système commence de craquer : le vesuss
couple plaisir-déplaisir met en jeu bien plus que le fonctionnement ffiOUVf
isolé de l'appareil psychique; il met en jeu le monde extérieur duit 1'
(nourriture, partenaire sexuel); avec le monde extérieur apparaît u cette
chose •
t8. (1) et ~ fonctionneraient • à peu prb comme dea tuyaux communicants •
(338).
(p. 331). Maclntyre (o. e.• p. 18) a raison : c'est un modèle hydraulique. sive d
19; Freud s.era toujouB à la recherche d•une loi qui explique l'alternance de la un efft
qu~ltt~ aenso~aelle avec la qualité affective plaisir-déplaisir : les différences aen· postul•
soraelles se taennent dana la zone d'indifférence et semblent requérir quelque ceptio1
chose comme un point optimum de réception lié au phénomène de périodicité
(La Naissante ..... p. 33 r -2); au-delà ou en deç., c'est la char~e o u lu d~chnrge comptt
co.mme telles q~u sont pcrç"!ea. f-reud a bien vu que cette perception obéat à des reil ps
lota de aommataon et de seual (ibid., p. 335).
20. Sur le rapport entre lea notions de dHenae et de refoulement, voir le tr~ az. 0
import~nt travail de P~ter Madison, Freud's Conupt of Repression and ~cfense, ill • où Jonc
theoretiCal and observataonal Language, Univ. of Minnesota Press, 1961 ; CJ-desaoua, 1 chap, VI
.
p. 141, n. sS. et p. 348, n. 18. aa. C
1•
86 1
1
- -·· . .,.-·-----...- ----··- -----------
.......
·l. '
.• 1
\
1
• 1•

t.
) :•·•
11
'
1
UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE ;1

autrui. Il est étonnant que Freud ait préféré parler d'épreuve de la fi


satisfaction pour désigner le processus complet dans lequel le :1
secours d'autrui est englobé : a l'organisme humain, à ses stades 1 1

• '
précoces, est incapable de provoquer cette action spécifique qui '1
ne peut être réalisée qu'avec une aide extérieure et au moment où i1
l'attention d'une personne bien au courant se porte sur l'état de 1'
••
l'enfant. Ce 'dernier l'a alertée, du fait d'une décharge se produi- '
1
sant sur la voie des changements internes (par les cris de l'enfant,
par exemple). La voie de décharge acquiert ainsi une fonction 1
secondaire d'une extrême importance : celle de la compréhension l
l
• 1
mutuelle. L'impuissance originelle de l'être humain devient ainsi ~
•1
.
la source première de tous les motifs moraux » (336). Cette épreuve 1 '
i• 1

de la satisfaction est bien une « épreuve » : elle est apparentée à l1


1
• r• 1
l'épreuve de réalité et marque le passage du processus primaire :
.
• au processus secondaire. ; 1
• '•
Certes Freud a tenté de faire tenir ce détour par la réalité dans =~
~ '
le cadre du principe de constance en ramenant la régulation par la
réalité au seul principe du déplaisir : « Le déplaisir est la seule r:
, !'
1

mesure éducative » (381). Mais l'épargne de déplaisir, à son tour, 1 1



implique plusieurs processus qui ne sont guère quantifiables : à )f
savoir, pour l'essentiel, un travail de discrimination entre l'hallu- .' •

cination de désir et les qualités sensorielles, travail couplé à la


fonction d'inhibition de l'instance moi.
En premier examen ces thèmes s'articulent assez bien sur l'hypo- fi
thèse centrale : dans le processus primaire, où l'appareil fonctionne ~

.
• 1

au plus près du principe d'inertie, la décharge suit la voie du réin- '•·l


~

!' .
• 1
vestissement des images mnémoniques de l'objet désiré et des 1

mouvements pour l'obtenir; on admet que cette réactivation pro-


duit l'analogue d'une perception, c'est-à-dire une hallucination :
u cette réaction, j'en suis persuadé, fournit tout d'abord quelque
chose d'analogue à une perception, c'est-à-dire une hallucination 21 »
(~38). Cette méprise produit un déplaisir réel et une réaction exces- • .•
stve de la défense primaire; ensemble ces réactions constituent • 1'
un effet biologique nuisible. Le chapitre vu de la Traumdeutung ( .
1•
postulera encore cette non-discrimination de l'image et de la per- ;j
:1
ception dans le processus primaire et imaginera, pour en rendre 1l

co.rnpte, une régression topaquc dans le fonctionnement de l'appa- •
•1
real psychique u; il faut donc admettre que la charge excessive h'
fi

21, On reconnott ici Jo psychose hallucinatoire aigu! ou Amentio de Meynert


0
' ~ Jones voit un des points de départ de lu thc!orie du système primaire dans lo
1 c ap, VIl de ln Traumdeututlg (o. c., 1, p . 387).
aa. Cc mc!caniamc est onnonc6 dans l'Esquille (J9o-1) : • Noua devons nc!ces·
1 •

1
1 .•.1 '

• 1•
1
• •

.
ANALYTIQUE 1
!
••

du désir produit une image qui simule l'indice de qualité de la • celle-(
perception. Nous aurons beaucoup à dire, le moment venu, sur f « c'est
cette hypothèse 23, Maintenant, comment la discrimination va-t-elle constit
se produire dans le processus secondaire ? ment
Pour la première fois, Freud établit une liaison entre la discri- en ces
mination du réel et de l'imaginaire et la fonction d'inhibition, elle- possibJ
même attribuée à ce qui a déjà été appelé « organisation du moi » entre ;
'
(340-2). C'est un point acquis pour toujours : investissement donne
constant du moi, fonction d'inhibition, épreuve de la réalité iront en d6
toujours ensemble 24 • « Si donc un moi existe, il doit entraver le piète ,
processus psychique primaire » (342). Pour harmoniser cette idée ' peut '
nouvelle avec le système, Freud postule un ensemble de neurones appele
à charge constante - « un réseau de neurones investis dont les possib
relations mutuelles sont faciles » (341 ). On trouve même dans ce proces
texte la première esquisse d'explication génétique du moi. Comme que p:
plus tard dans Le moi et le ça, cette réserve énergétique est dérivée, que S(
par emprunts cumulatifs, de la quantité endogène; cette énergie nos h••
1
liée forme un système de tensions à niveau constant. désir,
Mais qu'est-ce qu'inhiber? Freud l'énonce ainsi: le moi apprend reconr
à ne pas investir les images motrices, ni les représentations d'objets Ave
désirés. Cette « restriction )), cette u limitation », qui annoncent de mo.
déjà la fameuse Venzeinung de 1925, le passage par le Non, sont 1

dans ~
présentées ici comme un effet mécanique du risque de déplaisir, dont 1
sans que l'on voie comment « les motifs moraux >>et cc la compréhen- •
«JUger
sion mutuelle », évoqués plus haut, s'insèrent dans ce principe reconn
hédorùstique. Freud avoue d'ailleurs ne pas savoir comment, au •
1
indice
point de vue mécanique, la menace de déplaisir règle le non-investis- désiré
sement de quantités accumulées dans le moi (381); c'est à cette de lac
occasion qu'il déclare : « désormais je ne chercherai plus à trouve~ tation
une explication mécanique de ces lois biologiques et me déclarerai ncuror
satisfait si j'arrive à donner de ce développement une description psycho
claire et fidèle » {38 1 ). • Ont
Il est encore plus difficile de rendre compte, en termes mécam- cité en
ques, du lien entre inhibition et discrimination; Freud admet que déjà u
prépar;
aairement supposer que, dans les ~tata hallucinatoires, la qunntit~ (0) re~ue
encore
vers cp et en meme temps vers W (w); un neurone lié ne permet pas la productaon Plus
1
d'un tel reflux • (390). l
23 . Cf. ci-dessous la discussion du chap. vu de la Traumdculrmg et de l'inter· zs. J.
pr~tation du rêve comme quasi-ha/lucinaloire. Analytiqlle, 1ro partie, chap. Il, a6. 0
1 2. • le dcvcn
24. Kris voit dans cette analyse la première llllticipation de la théorie du moa rcviendr

dana Le moi et 14 ça en 1923. (La Naissance, p. 341, n. 1.) Pomt fo

88
~~~~
•. , , p...- ----~ -
•.......
.------ ·- - -·---- ............. _. _______....______
r
'

.1
UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE
•t
•1
• celle-ci s'appuie sur des« indices de réalités» venus du système (t);
1. a c'est, dit-il, cette annonce de décharge provenant de W ((t)), qui •
••
constitue pour ~ un indice de qualité ou de réalité » (343). Mais com-
ment l'inhibition permet-elle à ces indices de jouer? Freud cerne
en ces termes la difficulté : cc C'est une inhibition due au moi qui rend
possible la formation d'un critère permettant d'établir une distinction '
. entre une perception et un souvenir>> (344). Mais l'explication qu'il •
•t
i •
'• donne est plutôt la description du problème à résoudre : cc une charge l '

en désir allant jusqu'à l'hallucination, jusqu'à la production com- 1


.
plète de déplaisir et impliquant l'intervention de toute la défense f·
~~
peut être qualifiée de u processus psychique primaire ». Nous
appelons cc processus secondaires », au contraire, ceux que rendent fi
possibles un bon investissement du moi et une modération du ;~
processus primaire. Nous voyons que ce dernier ne peut se réaliser 11
que par une utilisation correcte des indices de réalité, utilisation 11
,• .
que seule rend possible une inhibition venue du moi. - D'après l-.

1
nos hypothèses, l'inhibition venue du moi tend, au moment du
désir, à atténuer l'investissement de l'objet, ce qui permet de Ji
1j
reconnaître l'irréalité de celui-ci >> (344-45). •
•• 1
' t.
Avec la discrimination entrent dans le système des fonctions 11
de moins en moins assignables à des énergies mesurables; l'Esquisse,
dans sa troisième partie, introduit même des thèmes descriptifs u
1•
:1 1
dont plusieurs ne seront exploités que beaucoup plus tard : le '
«jugement » - terme emprunté à Jérusalem 25 - est conçu comme
reconnaissance d'identité entre un investissement appétitif et un
indice perceptif de réalité : cette reconnaissance réelle d'un objet
désiré constitue la première étape de l'appréciation de la réalité,
de la croyance. Freud ne désespère pas d'en donner une interpré-
tation quantitative : mais il est clair que « l'investissement des
. neurones psychiques >> (35 1) est une simple transcription de la
psychologie dans un langage convenu. •1

On en dira autant de cc l'attention », conçue comme intérêt sus- 'l


1

cité en ~ par l'indice de réalité; l'explication proposée constitue ;1


déjà une explication économique, cet intérêt consistant en une 1•
!
•' 1•
préparation du moi à surinvestir la perception (373). Mais est-ce •t
1

encore une interprétation mécanique et quantitative? •••


• • •

Plus remarquable encore est le rôle attribué à l'étape verbale 16


1

as. Jones, o. c., l, p. 406 et Lettr6S d Fli~ss. lA Naissanc.... p. 107.


26. On ne saurait trop insister sur ce thème : la lettre 46 lie de la meme façon
1e ~evcnir-conscicnt et la c conscience verbalo • (La Naissanc• ... , p. 147). On y
.•
rc~1endra quand on étudiera1 u moi d le ça. La même lettre anticipe un autre ·, 1
poun fondamental : c Dans Jo processus non entravé, une intensification qui •j'
1
8g l
q'
.,
1


ANALYTIQUE •

de la« pensée observante » : les images verbales ne concourent pas )


seulement à la constitution des fantasmes - les fameuses <<choses tou
,,
entendues » qui se mêlent aux « choses vécues » dans les fantasmes cor
de la scène infantile 27 ; leur fonction positive est contemporaine àh
de l'attention et de la compréhension (376); les images verbales tèrr
concourent à la fonction secondaire en se constituant en indices niè:
de réalité pensés et non plus perçus: a Nous avons ainsi découvert déc
ce qui caractérise le processus de la pensée cognitive, le fait que ana
l'attention s'applique dès le début aux annonces de décharge de la le :
pensée, c'est-à-dire aux signes du langage » (377). Freud restera org.
fidèle à cette notion d'une réalité à deux degrés : le premier, de COr1
niveau biologique et perceptif, le deuxième, de niveau intellectuel 1
1

fon1
et scientifique : «la pensée comportant un investissement d'indices de 'fi
ulté
la réalité cogitative ou d'indices verbaux est la forme la plus haute est
1 •
et la plus st2re du processus mtmtal de cognition>> (384). C'est en réalité 1
pou
1
le désintéressement du savant, sa capacité d'immobilité et de repos "
mer
sur l'idée, qui sont transcrits en termes énergétiques. Freud 1
l
syst
reprend à cet effet la notion d'énergie « liée » de Breuer, qu'il défi- F
nit comme un « état qui, malgré un investissement marqué, ne laisse
passer qu'un faible courant » (379). « Ainsi le processus cogitatif se
l et I
Alle
caractériserait, au point de vue mécanique, par cet état lié où un fort 1 del
investissement se trouve combiné avec un faible courant» (379). Mais .' céré
,
il faut bien avouer que toute base anatomique fait désormais 1 prer
1
défaut; bien plus, à la différence de la confusion entre hallucination décc
et perception, le défaut de pensée ne suscite aucune sanction biolo- •
1 8CleJ
gique : u dans la pensée théorique, le déplaisir ne joue aucun rôle » 1'étit
(394). C'est bien ici que l'excès de la description sur l'explication • th ès
mécanique est le plus manifeste.
28.
Queli
1 méth
j
2. VERS LA TOPIQUE L'épi
108 ·
durat

le re,
Si mai!lten~nt nous p~enons quelque recul et replaçons l'Esquisse (Jonc
sur la traJectOire des toptques successives deux séries de remarques P. U.
s'imposent: , psych
•• 29.
IOn p
liantio
irait juaqu'l le rendre enti~rement maitre de Ja voie qui m~nc au conscient tio,mc
verbal, cré~. une psychose. • (La Naissa11te ... , p . 148.) . Voluti
27. Cf. l Important Manuscrit M joint à la lettre 63 du as mai J897r La Nats• JO,
IGnee••• , p. 180·1. flcxio 1

90
.."--••"'·• --ru•· ·--ut..WYI_,.,......,._._ _ __
- ------•u.,_,....,.._..........,.
,


• UNB ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE

x. Ce qui coupe l'explication de tout travail de déchiffrage, de


toute lecture de symptômes et de signes, c'est la prétention de faire
1 correspondre une psychologie quantitative du désir, comparable
à la psychologie quantitative des sensations de Fechner, à un sys-
tème mécanique de neurones; or l'Esquisse est à cet égard la der-
nière tentative de Freud pour transcrire anatomiquement ses
découvertes; l'Esquisse est un adieu à l'anatomie sous la forme d'une
anatomie fantastique. Certes, la topique s'énoncera toujours dans
le langage d'une quasi-anatomie; la conscience conçue comme
organe sensoriel, comme organe u superficiel », restera un quasi-
cortex; mais aucune localisation ne sera plus jamais tentée des
1
1
' fonctions et des rôles attribués aux « instances » de la topique

l' ultérieure. Il faut même aller plus loin : cette dernière tentative
1
est aussi le premier acte d'émancipation de la u psychologie »; la •

' pointe du texte est psychologique et non neurologique. A l'époque


1
même où Freud écrivait l'Esquisse, la base anatomique de son
1
• système était minée par en dessous.
' Freud, partagé entre la clinique et le laboratoire, entre Charcot
1 et Brücke, est déjà plus près des Français, plus cliniciens, que des
Allemands, plus anatomistes 28• Très tôt- dès 1891!- à l'occasion
1
de la bataille de l'aphasie, sa critique des théories de la localisation
'
cérébrale l'avait mis en garde contre toute explication organique ••
{

1
prématurée des troubles psychiques 29• Mais surtout, la grande r
1 découverte de ces années, celle qui devait lui aliéner le milieu •'

1 scientifique, tant universitaire que médical - la découverte de '•


l'étiologie sexuelle des névroses ao- n'est doublée d'aucune hypo- '
• thèse proprement organique et reste purement clinique; en parti- 1
d1
28. Jones, o. c., r, p. 204 et sq. Ltttres à Fli~ss, La Naissance ... , p. 51, 53·
Quelle place faut-il assigner nu triple ~chee de Freud dans le maniement de la ' 1
r
'j méthode expérimentale, en 1878, en 1884, en 1885? Jones, o. c., t, p. 59-61. • 1
1'
L'épisode de la cocaïne (1884-7) est peut-être plus décisif encore, ibid., p. 86- 1
'
lo8; l'auto-analyse de Freud devait en révéler le retentissement profond et '
1•
1 1 '
•1
durable et l'incliner à l'interpréter en tennes de culpabilité inconsciente : cf. ' 1•
le r~vc de J'injection à Irma du 24 juillet 1895, rapporté dans Ja Traumdeutung 1
1
<Jones, o. c., 1, p. 388). Sur tous ces points, cf. Didier Anzieu, L'Auto-attalys~, 1'
l

P. U. F., 1959, le chapitre 1 : L'auto-analyse de Freud et la découverte de la !' 1j '


psychanalyse. l 1'
.'
~9. Jones, o. c., t, p. 234-8. Ma vie~~ la psychanalyse, 1925, tr. fr., p. 26. Dana .•' !.
1 '
'
•~n _Premier livre, publié en 1891, De l'Aphasie, Freud ose s'attaquer aux loca-
1 i1
h.antJons alléguées pur Wemickc-Lichtheim et proposer une explication fonc-
tromrcl/e, pour laquelle il invoque l'autorité de Hughlinga jackson et de sa • désin- '1
volution •• ii
' 1
ft l?· Sexualit6 et langage sont, d'ailleurs, dana une position •cmblable l la p
eXJon de l'organique et du psychique. jones, o. c., 1, p. 300. j'1
.1
j,
.1
i ''

;• !•

.• '

.... - - . . . ...... - ... ·- . ---- - -- - - - · - - - ··--- ··--- · -~· ··,...-·-·••••-..·•.,..c:.o.:k&~;c~-.""GOl.I.~JII.~'::P•.,_

ANALYTIQUE •
\

culier, l'entité clinique de la paralysie hystérique est établie à h·•


l'encontre des anatomistes: tout se passe, remarque Freud, comme m
si l'anatomie du cerveau n'existait pas 31• nt
Cet épisode fut aussi décisif que celui de l'aphasie pour détacher
Freud de toute explication organique prématurée. Dans le même ql
\ temps, le passage par la méthode cathartique de Breuer 32, jointe ca
aux déceptions de l'électrothérapie 33, le confirmaient dans la di
genèse proprement psychique des symptômes : u C'est de réminis- va
cences surtout, disaient Breuer et Freud, dans la Communication ta
préliminaire, que souffre 1'hystérique sc )) ; ce qui disparaît par pro- ot
cédure psychique a dû être instauré par voie psychique. Il est rn
passionnant de suivre dans les Lettres à Fliess, ainsi que dans les
Notes et Plans qui les accompagnent, le progrès de l'idée selon ffil
.
laquelle l'énergie physique de la sexualité exige une étape propre- ffi)

ment psychique; c'est essentiellement pour rendre compte des fin


désordres qui affectent cette élaboration psychique de la sexualité
qu'a été construit le concept de libido, à son niveau psychologique ép
et non anatomique; la libido est le premier concept qu'on puisse ph
dire à la fois énergétique et non anatomique 35• Les trois Essais COl
sur la théorie de la sexualité fixeront définitivement ce concept SOl
cr d'énergie psychique des pulsions sexuelles ». ps~

2. On peut peut-être aller plus loin : l'Esquisse n'est pas seule- COl

ment un système mécanique coupé de l'interprétation par son VIt•
]

rrur
JI. Jones, o. c., I, p . 257, et Ma vie et la psycltanalyse, p. I9.
32. Ma vie et la psychanalyse, p. 27. Jones, o. c., 1, p. 225. àp
33· Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, I9I4, G. W., X, •
p. 46; S. E., XIV, p. 9; tr. fr., in Ire éd. des Essais de Psychanalyse, Payot, 1927, 3
p. 266. c Pl
34- c Communicatitm prlliminaire •, Studa mr l'hystnw, G. W., 1, p. 86; S. E., que

u, p. 7, tr. fr., p. s. mtc
35· Sur le passage de la c tension sexuelle physique • à la c libido psychique •, Qua
Lettres à Fliess, o. c., p. 83. C'est principalement le fait de l'angoisse qui contraint d'or
à considérer •l'élaboration psychique • (ibid., p. 84) et plus précisément la 1 trans- des
formation en affecta • de la 1 tension sexuelle •. On trouvera dans les notes de mat:
1 lit
Kris au Manuscrit G. du 7 janvier 1895 un extrait important du premier dea deux
articles de Freud sur la névrose d'angoisse (1895); le rôle de lac représentation •, relie:
sur lequel nous insisterons dans le chap. 111 de cette 1ro partie de l'Analytique, .Y bien
est expressément mis en place : dès que l'excitation est devenue stimulus paycht· •exu
que • le groupe des représentation& sexuelles présentes dans le psychisme va se Jj
charger d 'énergie et c'est à ce moment que s'instaurera un ~tat psychologique do rem,
tension libidinale qui va susciter le besoin de décharge •. La Naissance .•. , p. 91·3 • d' un
note ~· C'est dana le même sena que le Manuscrit G parle du c groupe •?,uel ' F/i~s
psychaque • (p. 95). Toute la théorie de la névrose d'angoisse repose sur 1 Jdée la trl
d'une entrave de l'~laboration paycruque de l'excitation. jonce, o. c., 1, P· 266· Lac
76, 284-5. 1 Pro v:

l1
1
{


• UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE

hypothèse anatomique; c'est déjà une topique, reliée souterraine-


ment au travail de déchiffrage des symptômes. Il y a déjà de l'hermé-
neutique dans ce texte.
D'abord la notion de quantité : nous nous sommes étonnés
qu'elle ne soit jamais mesurée; mais elle comporte dès le début un
caractère concret et sensible qu,elle doit à la clinique : a ce concept,
dit Freud dès le début de l'Esquisse, résulte directement des obser-
vations cliniques de pathologie, surtout dans les cas de u représen-
tations hyper-intenses » (comme dans l'hystérie et dans la névrose
obsessionnelle où, nous le verrons, le caractère quantitatif est plus
marqué que chez les normaux 36) » (316).
A cet égard, c'est peut-être l'angoisse qui donne le plus évidem-
ment une présence sensible à la quantité; l'angoisse c'est la quantité
mise à nu. L'aspect mécanique de la quantité est moins important
finalement que son aspect intensif.
Il faut aller plus loin : tous les ··« mécanismes » décrits à cette
époque sont déjà portés au niveaù· de ce qui sera appelé un peu
plus tard travail : travail de rêve, travail de deuil, etc. Tous les
concepts dynamiques : défense, résistance, refoulement, transfert 37,
sont déchiffrés dans le travail de la névrose, dans a l'élaboration
psychique de la libido », comme nous disions plus haut. Du même
coup les concepts énergétiques sont déjà corrélatifs de toute l'acti-
vité d'interprétation mise en jeu par l'étiologie des névroses.
Finalement, la théorie de la constance et sa transcription anato-
mique sont si peu le support de l'édifice que quand l'Esquisse,
à peine rédigée, succombera au doute, seule la clinique des névroses •

• ,
36. C'est dnns la deuxi~me partie de l'Esquisse {p. 358-69), ins~rée entre le
• Plan général • etc L'Exposé d'un processus normal 1 (processus secondaire, etc.),
9ue cette idée est reprise : ln • compulsion émanant de représentations hyper-
mtcnses •, montrle par l'hystérie, est en même temps la dbnonstratio" de la
Quantité : • Le terme • intensité excessive •, note Freud, désigne un caractère •
d'ordre quantitatif • {361). C'est sur les m~canismes de la né\-Tose {conversion 1
des affects dans l'hystérie, déplacement de l'affect dans l'obsession, transfor-
m~tion de l'affect dans les névroses d'angoisse), que Freud, un nn avnnt l'Esquisse,
•lat •la quantité : • Le terme • affect sexuel •, écrit-il (Lettre 18, p. 77), est natu-
r~llement pris ici dnns son sens le plus l11rge, comme une excitation en quantité
bten déterminée. • Le Manuscrit D montre en clair la corrélation entre l'étiologie
•exuelle des névroses et la théorie de la constnnce (La Naissa11u ... , p. 79). 1

37. La corrélation entre concepts cliniques et concepts économiques est tr~


~~marquable dnns les premières notations sur dc:uil, rancune, auto-reproches
~ne part, et défense, conflit, ~sistance, refoulement d'autre part (uttres à .,
Fir~ss, La Naissanc~ ... , p. 112.-116, t:u, 130, 1_.5). On remurqucru en particulier ï
lLaatrès belle définition du deuil : • Le regret amer de l'objet displlru 1 (ibid., p. 93).

l
corrélation entre deuil et mélancolie est déjà faite : c La m61ancolie est un deuil
Provoqué par une perte de libido. • (Ibid.)
i,. •

93 ..1 •

•1 j
1 1

- ---- ---· - .-------- - - - -·--- - - ----- - - - - - -· ------ - - - -···-.ottt.lllll•" --

ANALYTIQUE

lui survivra 88• En fait, l'étiologie sexuelle des névroses avait conduit
bien plus loin que tout mécanisme et que tout système quantitatif.
Freud avait dès le début << la nette impression d'avoir abordé l'un •

.. des grands secrets de la nature ,, (Lettre 18 de 1894).
Il ne faudrait pourtant pas conclure de ce deuxième groupe de
remarques que le principe de constance et l'hypothèse quantita-
tive soient liquidés avec la transcription pseudo-anatomique.

L'affect continuera d'être traité comme une cc quantité n, déplaçable 1
ou liée, jointe à la représentation; et la notion d'investissement
restera étroitement solidaire de cette étrange quantité qui ne sera
jamais mesurée. On peut même penser que la découverte et la
pratique de la méthode des associations libres, substituée à la Lf
méthode cathartique, a plutôt renforcé l'idée que le psychisme deutz
présente un certain agencement bien défini. Cette conviction que Esqu
le psychisme n'est pas un chaos, mais présente un ordre caché, bien
1,
en même temps qu'elle a suscité la méthode d'interprétation, a j
Et p

renforcé l'explication déterministe; comme le dit Jones au début • rn1er
1
de son livre, «jamais Freud ne devait abandonner le déterminisme que
• •
pour la téléologie 89 n. Le principe de constance fut le moyen par •

1
m•qt
lequel une théorie du désir, avec ses idées de « but ,, et a d'inten- ' thérr.
tion », resta subordonnée à l'hypothèse déterministe (L, 401). du ri
1
Nous rendrons compte de cette coïncidence entre l'idée d'interpré- • seme
tation, comme rapport du sens au sens, et celle d'ordre et de sys- c'est·
tème, à la fin du chapitre IV. C'est pourquoi le principe de cons- l'Intt
tance, conçu comme auto-régulation d'un système psychique, ne ur•

survivra à son expression en terme de neurones : le principe de • mom
'
réalité sera longtemps considéré comme une complication et un épist•
détour; seule la pulsion de mort mettra sérieusement en ~uestion que<
ce principe; face à la mort, la Vie s'annoncera comme Éros. On de l'
pourra se demander si, à cette ultime phase de la métapsychologie, schér
le freudisme n'aura pas restauré la Naturplzilosophie qu'avait voulu
liquider l'École de Helmholz, et la Weltanschauung gœthéenne
qui avait enthousiasmé le jeune Freud. Alors Freud aura réalisé ! 1. J
la prophétie prononcée sur lui-même : revenir à la philosophie i pro po:
Le titJ
par la médecine et la psychologie co. 1
etrc tl
La trt
38. ùttrtl à Fliess, La NaiJSance... , p. 118, 119, 122 : c Peut-!tre devrai-je est cel
finalement me contenter d'une explication clinique dea n~vrosea. • •
Parent
39· Jones, o. c., J, p. so. 2. (
40. • Pour moi, je nourris dans le tréfonds de moi-même l'espoir d'atteindr~ de lat
par la même voie [la médecine], mon premier but : la philosophie. C'est la quoi Il est
j'espérais originellement avant d'avoir bien compris pourquoi j'étais au monde. • caractè
ùttres à Flie11, La Naissanu..., p. 125. Sur Freud et Gœthe, cf. jonea, o. e., 1, la thèa
p. 48. 6a, cf.

94

1
.. - ·1\'ll,f.- -

••

: CHAPITRE II

ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE
DANS «L'INTERPRÉTATION DES R2VES »


Le difficile chapitre vu de l'Interprétation des Rêves 1 (Tratlm-
deutung) est incontestablement l'héritier de l'Esquisse de 1895; cette
Esquisse n'ayant pas été publiée par Freud lui-même, on peut
bien dire que c'est dans l'Interprétation des Rêves qu'elle est sauvée 2•
1

1
Et pourtant deux changements au moins sont intervenus; le pre- •
. mier est trop considérable pour qu'il ait échappé: l'appareil psychi- '
1 ••
que de l'Interprétation des Rêves fonctionne sans référence anato- ••


• mique, c'est un appareil psychique,· désormais le rêve impose une 1
1
1
thématique qu'on peut bien dire herbartienne: il y a une« pensée» ·1
1
du rêve; ce que le rêve réalise, ou mieux ce dont il est l'accomplis-
• sement (Erfüllung}, est un désir (ou plutôt un vœu, Wrmsch),
f c'est-à-dire encore une u idée », une « pensée ». C'est pourquoi .j
1'lnterprétatio1l des Rêves parle d'idées investies et non plus de ;t
neurones investis. Ce premier changement en entraîne un autre, i 1'


moins visible, mais peut-être plus considérable pour une réflexion 1/

• 1•
épistémologique sur les<<modèles»: le schéma de l'appareil psychi- •
• •1.
que oscille entre une représentation réelle, comme l'était la machine
de l'Esquisse, et une représentation figurée, comme le seront les :f
1
. schémas ultérieurs de la topique : nous essaierons de comprendre ' 11
i
:t
11

1
• 1. Je multiplie à dessein les citations de l'Interprétation tks Rlv~s. afin de ..!'
••
•1
proposer aux lecteurs français une transcription plus exacte du texte original.
l Le titre lui-même, qui concerne directement la tMorie de l'herm~neutique, doit
être traduit exactement : Deutmrg ne peut signifier science mais interpr~tation.
La trnduction française à laquelle je renvoie - sous réserve de correction -
est celle de 1. Meyerson, P. U. F. (rrnd. sur la 78 éd. ali.); en outre j'indique entre
• Parenthèses la pagination de l'~dition du Club français du Livre, 1963 .
. 2. On peut suivre dans les Leures à Fliess, postérieures à l'Esquisse, l'~volution
de la théorie ; voir en particulier les Lettres 39 et sa, encore proches de J'Esquisse•
1• Il est important pour la discussion ultérieure de remarquer que la théorie du
jractère hallucinatoire du rêve, déjà introduite dans l'Esquisse (p. JSS), a précéd~
a thèse plus générale que le rêve est une rtalisation do désir : Lettres n 01 28, .45,
6a. cf. Didier Anzieu, o. o., p. 8a·1a9.

95 1·
j

1 1

ANALYTIQUE
être
cette ambiguïté et peut-être de la justifier jusqu'à un certain point. de 1
Ces deux changements expriment , une. tr~nsforll!-ation plus c
radicale qui affecte les rapports entre 1 explzcatwn topique-écono- reste
mique d'une part et l'interprétation d'autre part. Ce rapport restait certt
dissimulé dans l'Esquisse: l'interprétation des symptômes, empruntée notr
aux névroses de transfert, guidait la construction du système sans par •
être elle-même thématisée à l'intérieur du système. C'est pourquoi au c
l'explication semblait indépendante du travail concret de l'analyste coor
et du travail du malade lui-même sur sa névrose. Il n'en est pas
appt
de même de l'bzterprétation des Rêves : l'explication systématique IV
est reportée à la fin d'un travail effectif dont les règles elles-mêmes
où l
sont élaborées; et elle est expressément destinée à transcrire gra- •
phiquement ce qui se passe dans le « travail du rêve >> qui n'est • . tlon
lui-même accessible que dans et par le travail de l'interprétation. - autr-
L'explication est donc explicitement subordonnée à l'interpréta- 3·
tion; ce n'est pas un hasard si ce livre s'appelle Traumdeutung, •
mter]
Interprétation des Rêves. être i
théor

restlt
(sich.
de gr
p.96
I. LE TRAVAIL DU Rt\TE ET LE TRAVAIL •
tton <
DE L'EXÉGÈSE à cell
a'écri
stehet
IV., p
La thèse que le rêve a un sens est d'abord une thèse polémique alors
(VoiJ
que Freud défend sur deux fronts :elle s'oppose d'un côté à toute •
tnteq
conception qui le tiendrait pour un jeu fortuit de représentations, sont
pour un déchet de la vie mentale, dont seul le défaut de sens ferait l'a co:
p~oblème: ~e ce premier point de vue, parler du sens du rêve, c'est tr. fr.
langu
~eclarer qu'1l est une opération intelligible, voire intellectuelle de S. E.
1homme; comprendre, c'est faire l'expérience de l'intelligibilité. .... .
La th~se s'oppose d'autre part à toute explication prématurément 1 cornn
orgarugue du rêve; elle signifie qu'on peut toujours substituer est es:
1 comp

au ré,clt du rêve un autre récit, avec sémantique et syntaXe, et 1'
1 paych
que 1o~ peu~ comparer ces deux récits comme un texte à un autre l sans c
texte; 1l arnve à Freud d'assimiler - avec plus ou moins .de •
1 et retl
b?nhcur - ce r~pport de texte à texte à un rapport de traductwn S. E.,
1 et du
d une langue on~male dans une autre langue; nous reviendrons de co
plus t~rd sur ~a JUStesse de l'analogie. Prenons-la, pour l'instant, 1 S. E.
pour 1 af!irm~tlon . 11:on ambigu~ que l'interprétation se meut d'un 1'• t6me
sens molns mtelhg1ble vers un sens plus intelligible; il doit en cf. ci-
1
1

96
1
''
ÉNERGtfiQUB ET HERMÉNEUTIQUE

être de même de l'analogie du rébus qui appartient au même cycle


de relations, celle de texte obscur à texte clair s.
Cette assimilation du sens à un texte permet de corriger ce qui
reste équivoque dans la notion de symptôme; le symptôme est
certes déjà un effet-signe et présente la structure mixte que toute
notre étude veut cerner; mais cette structure mixte est révélée
par le rêve mieux que par le symptôme 4 • Par son appartenance
au discours, le rêve révèle le symptôme comme sens et permet de
coordonner le normal et le pathologique dans ce qu'on pourrait
appeler une sémiologie générale. '

Mais peut-on maintenir l'interprétation à ce niveau non ambigu


où les rapports seraient des rapports de sens à sens? L'interpréta-
. . tion ne peut se déployer sans mettre en jeu des concepts d'un tout
- autre ordre et proprement énergétiques; en effet, il n'est pas pos-
3· c Je me suis proposé de montrer que les rêves sont susceptibles d'être
interprétés ( einer D eutung fiilzig sind)... En admettant que les rhes peuvent
être interprétés, je vais à l'encontre de la théorie régnante et même de toutes les
théories du rêve, sauf celle de Schemer; en effet, 1 interpréter un rêve • signifie
restituer son 1 sens • ( Sinn) ,le remplacer (ersetzen) par quelque chose qui s'insère
(sich... eitifügt) dans l'enchaînement de nos actions psychiques comme un chaînon
de grande importance et aussi valable que le reste. • G. W . u /m, p. 100; S. E. IV, 1
p. 96 ; tr. fr., p. 73 (53). Plus loin, au début du chap. m, Freud compare la situa-
tion de l'analyste, lorsqu'il a sunnonté les premières difficultés de l'interprétation,
à celle d'un explorateur qui accède à la pleine clarté au sortir d'un défilé, et il 1
s'écrie : 1 nous débouchons dans la clarté d'une connaissance soudaine • (wir
ste/zen in der Klarheit einer p/otzliclren Erlwmtnis). G. W. u/m, p . 127; S. E., t
l'
(
IV., p. 122; phrase omise dans la traduction française, p. 94 (77). Le rêve apparaît
alors comme c un phénomène psychique dans toute l'acceptation du tenne
_(Vollgü/tigcr), à savoir l'accomplissement d'un désir (Wutuch); il doit être
r

mterpolé ( eim:ureihen) dans la chaîne des actions psychiques de la veille qui nous
sont compréhensibles (uns fJerstànd/ichen); l'activité spirituelle (geistige) qui
l.

l'a construit est d'une extrême complexité. • G. W. n/m, p. 127; S. E. rv, p. 122; j.
1
1
tr. fr., p. 94 (69). Sur la comparaison de l'interprétation à la traduction d'une •t
1
langue dans une autre, ou à la solution d'un rébus, cf. G. W. ujm, p. a83-4;
S. E. IV, p. 277; tr. fr., p. 267-8 ( 1 53•4). .
l'
1
4- Au point de vue chronologique c'est certainement l'tdée de sympt~me,
1 commune à Breuer et à Freud, qui est première; mais le renversement de priorité 1
1
1 est essentiel au point de vue méthodologique : • Les points de vue nécessaires à la '.

i

l
compréhension du rêve m'avaient été donnés par mes travaux antérieurs sur la
Psychologie des névroses; je ne dois pas ~·y repof!er ici; et pourtant je suis
sans cesse obligé de m'y référer, alors que Je voudrws procéder en sens mvene
.r 1.
:• et retrouver, à partir du rêve, la psychologie des névroses. • G. W. n /m, p. 593; 1
1
s.E. v., p. s88; tr. fr., p. 480 (J:lO). L'identité st~cturale du ·~ptOme névro~que 1
et du rêve ne sera établie qu'au terme de la toptque, sous le ture de • formauona 1

~e compromis • (Traumbildurr.t~ und Symptombi/dung) G. W. u/ur, p. 611·13: 1
1 '
S. E. v., p. 6os-6o8; tr. fr., p. 493-5 (J29·JJO). Mais l'interprétation du symp-
'
1 t6me comme 1ymbou dans les Êtudu sur l 'Hystbù, est le c:hainon fondamental: 1

1
1
cf. ci-deaaous p. 104,' n. 15.
i
1
1 97
'1•
1 1
1• f
r
-- --- ::;:- ~·-..·~~!."&--
...- - - -· · - - · - - •u --

ANALYTIQUE

sible de réaliser la première tâche de l'interprétation, qui est de


retrouver quelle a pensée », quelle a idée », quel u désir » sont « rem-
plis » sur un mode déguisé, sans considérer les « mécanismes » qui
constituent le travail du rêve et qui assurent la << transposition >> ou
« distorsion » ( Entstellung} de la pensée du rêve dans le contenu
manifeste. Cette étude du travail du rêve constitue, selon un des
textes méthodologiques de l'Interprétation des Rêves, la deuxième
tâche 6. Mais la distinction de ces deux tâches n'a qu'une valeur
pédagogique : la mise au jour des pensées inconscientes du rêve
montre seulement que ces pensées sont les mêmes que celles de la
vie éveillée; c'est sur le travail du rêve, au contraire, que se concentre
toute son étrangeté; la transposition ou distorsion, en quoi consiste
très en gros ce travail, scinde le rêve du reste de la vie psychique,
comme la révélation des pensées du rêve rapproche celui·ci de la
vie de veille.
Bien plus, la première tâche, bien mal distinguée de la seconde
dans l'exécution du livre, ne peut même pas être menée bien loin
sans mettre en jeu des concepts économiques. En effet retrouver
les a pensées » du rêve, c'est faire un certain trajet régressif qui,
par-delà les impressions et les excitations corporelles actuell~,
par·delà les souvenirs de la veille ou restes diurnes, par-delà le
désir actuel de dormir, découvre l'inconscient, c'est-à-dire les
plus vieux désirs. C'est notre enfance qui remonte à la surface,
avec ses impulsions oubliées, réprimées, refoulées et, avec notre
enfance, celle de l'humanité en quelque sorte résumée dans celle
de l'individu. Le rêve donne accès à un phénomène fondamental
qui ne cessera de nous préoccuper dans ce livre : le phénomène
de la régression, dont nous comprendrons mieux tout à l'heure les
s.
Voir l'important texte méthodologique qui termine le chap. VI. • Le tra~ail
psychique dans la formation du rêve se divis.e en deux opérations : la productton
( Herstellung) des pensées du rêve et leur transformation en contenu de rêve •;
les pensées de rêve, ajoute Freud, ne sont pas d'une nature spéciale. Par contre,
le travail du rhe est propre au rêve; cette activité • est quelque chose de totale~ent
différent au point de vue qualitatif [de la pensée éveillée]; c'est pourquo~, au
premier abord, elle lui est incomparable. Elle ne pense, ni ne calcule, ni ne Juge;
elle ae borne à transformer •. G. W. u/m, p. 510-511; S. E. v, p . so6-7; tr. fr.,
p. 377 (2.75). Le thème eat repris dans le chap. vu : G. W . u/m, p. 597; S. E. v,
p. 592; tr. fr., p. 483-4 (32.1). La traduction du mot Entstcllung, par lequel Freud
désigne globalement le travail du rêve, et qui recouvre le déplacement, la conden-
sation et d'autres procédés, est difficile : il contient deux idées, ce11e d'un ch~­
gement violent de lieu, et celle d'une déformation, d'une défiguration, d'un dégus·
aement qui rendent méconnaissable. La traduction française trnditionnell~ pat
• transposition •, et la traduction anglaise par • distortion • (distorsion est .nusss .uno
bonne expression française) ne retiennent respectivement qu'une des. s.nt~uons
du tame original. C'est pourquoi j'écria : la c tranapoaition • ou c diatoraJon •·
rl,}:~~lil~M'SI " - .._. • ••..,.__
~~--~-------------------------- --------~
-·~ •·--~
· ··~·:mo~-~··----------.
1 - -

1
r
1

1
1

1 ÉNERGÉTIQUE BT HERMÉNEUTIQUE
1

1 '
aspects non seulement chronologiques, mais topiques et dynamiques.
1 Ce qui, dans cette régression, nous renvoie des concepts de sens
1 à des concepts de force, c'est ce rapport à l'aboli, à l'interdit, au
refoulé, c'est le court-circuit de l'archaïque et de l'onirique; car 1
ce fantastique est un fantastique du désir. Si le rêve est tiré vers 1 1

le discours par son caractère de récit, son rapport au désir le rejette


du côté de l'énergie, du conatus, de l'appétition, de la volonté de 1
puissance, de la libido, ou comme on voudra dire. Ainsi le rêve est-il, J.•
en tant qu'expression du désir, à la flexion du sens et de la • 1

force. j
L'interprétation (Deutung), qui ne s'est pas encore identifiée . l
~
1 au travail de déchiffrage corrélatif du travail du rêve et qui s'est ~
attachée au contenu psychique plus qu'au mécanisme, a néanmoins
commencé de recevoir sa structure propre; et cette structure est
t
t
une structure mixte; d'une part, en termes de signification, l'inter- •
1


prétation est un mouvement du manifeste au latent; interpréter, .,t 1

c'est déplacer l'origine du sens vers un autre lieu; la topique, du


1
moins sous sa forme statique, proprement topographique, figu- . !.
1
1
rera ce mouvement même de l'interprétation du sens apparent 1
1

vers un autre lieu du sens; mais, déjà à ce premier niveau, il n'est ' 1.
plus possible de tenir la Deutung pour un rapport simple entre f
1 discours chiffré et discours déchiffré; on ne peut plus se contenter
de dire que l'inconscient est un autre discours, un discours inintelli-
gible; la « transposition ,, ou « distorsion » (Verstel/ung) qu'opère :t
l'interprétation du contenu manifeste vers le contenu latent, 1
découvre une autre transposition, celle même du désir en images :1
et à laquelle Freud consacre le chapitre IV. Pour employer une 1


1
e~pression des Essais de Métapsychologie, le rêve est déjà une a vicis- l
1
Bltude de la pulsion ». l
Mais alors il n'est pas possible de thématiser avec plus de préci- 1
1
1
sion cette Verstellung, sans passer à la deuxième tâche, c'est-à-dire i
sans rendre compte des mécanismes du« travail du rêve » (Traum- 1
1
arbeit) qui fait l'objet du chapitre VI. Cette deuxième tâche, 1
plus ma!lifestement que la pr~mière, requiert la co~position de
deux umvers du discours, le dtscours du sens et le dtscours de la .1
force. Dire que le rêve est l'accomplissement d'un désir refoulé, 1
1.
c'est composer ensemble deux notions qui appartiennent à deux l
ordres différents l'accomplissement ( Erfiillwrg) qui appartient 1'

au discours du ~ens (comme la parenté avec Husserl l'atteste),


1
1

et le refoulement (Verdriingung) qui appartient au discours de la
force; la notion de Verstel/ung, qui les combine, exprime la fusion •
1
des deux concepts, puisque le déguisement est une expèce de 1
t 1 1
99 .
1
1 1
1 1
1 •
___..-.._
1
1

ANALYTIQUE

manifestation et, en même temps, la distorsion qui altère cette foi!


manifestation, la violence faite au sens. Le rapport du caché au éga
montré dans le déguisement requiert donc une déformation, ou
déJ
une défiguration, qui ne peut être énoncée que comme un compro-
mis de forces. C'est à ce même discours mixte qu'appartient le Lli,
e:
concept de « censure », corrélatif de celui d.e d.istorsion : la distor- 1
plu
sion est l'effet, la censure la cause. Or que stgntfie censure ?Le mot 1 sen
est fort bien choisi : car, d'une part, la censure se manifeste au de
niveau d'un texte auquel elle inflige des blancs, des substitutions d'il
de mots, des expressions atténuées, des allusions, des artifices mu•
de mise en pages, les nouvelles suspectes ou subversives se déplaçant 1
et sc cachant dans des entrefilets anodins; d'autre part, la censure • du
1
est l'expression d'un pouvoir, plus précisément d'un pouvoir 11 lan.
politique, lequel s'exerce contre l'opposition en la frappant dans me
son droit d'expression; dans l'idée de censure les deux systèmes dar
de langage sont si étroitement mêlés qu'il faut dire tour à tour psy
que la censure n'altère un texte que lorsqu'elle réprime une force des
et qu'elle ne réprime une force interdite qu'en perturbant son d'a-

express10n. . de,
Ce que nous venons de dire des notions de déguisement, de per
distorsion, de censure, qui caractérisent en bloc la « transposition » lon
opérée par le travail du rêve, est encore plus évident si nous consi- •
psy
dérons séparément les divers mécanismes qui constituent le travail tex·
du rêve; aucun ne peut être énoncé sans recourir à ce même lan- /
• qut
gage mixte. • tra,
D'un côté, en effet, le travail du rêve est l'inverse du travail de mt!1.
déchiffrage de l'analyste; à ce titre, il est homogène aux opéra- vi tt
tions de pensée qui le parcourent en sens inverse; c'est ainsi que rat1•
les deux procédés principaux étudiés au chapitre VI de l'Interpré- •
(ou
tation des Rêves, la« condensation n (Verdichtu11gsarheit) et le «dépla- de
cement >> (Versclziebungsarheit) sont des effets de sens tout à fait l
comparables à des procédés rhétoriques; Freud lui-même compare 1
1 qut•
la condensation à une tournure abrégée, laconique, à une expres- 1
1
1 us~
• sion lacunaire; c'est en même temps une formation d'expressions 1
con
composites appartenant à plusieurs chaînes de pensées; quant au (D~

déplacement, il le compare à un décentrement du pôle organisa-
teur ou encore à une inversion d'accent ou de valeur, les diverses
1
ahp
c r
représentations du contenu latent échangeant leurs « intensités
psychiques>>dans le contenu manifeste. Ces deux processus attesten~, •

sur le plan du sens, une « surdétermination ,, qui fait appel préci- 1 6.


sément à l'interprétation. On dit de chacun des éléments du contenu p,:z
du rêve qu'il est surdétcrminé, lorqu'il est « représenté plusieurs 1 1·
8.
100
ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE

fois dans les pensées du rêve 8 ». Cette surdétermination commande


également, quoique d'une façon différente, la condensation et le
déplacement; cela est clair pour la condensation : ici c'est la multi-
plicité des significations qu'il s'agit de déployer, d'expliciter, par
le moyen des associations libres. Mais le déplacement, qui porte
plutôt sur les intensités psychiques que sur le nombre des repré-
sentations, ne requiert pas moins la surdétermination : pour créer
de nouvelles valeurs, déplacer les accents, « mettre à côté J) le point
d'intensité, il faut que le déplacement suive la voie de la surdéter-
mination 7•
Mais cette surdétermination - qui s'énonce dans le langage

1 du sens- est la contrepartie des processus qui s'énoncent dans le
1 langage de la force : condensation veut dire compression; déplace-
ment veut dire transfert de forces: u On est conduit à penser que,
dans le travail du rêve, se manifeste une force psychique (eine
1 psychisclle Maclzt) qui, d'une part, dépouille de leur intensité
1 des éléments de haute valeur au point de vue psychique et qui,

d'autre part, à la faveur de la surdétermination, crée, avec des éléments
de valeur moindre, des « valeurs » (Wertigkeiten) nouvelles qui
pénètrent alors dans le contenu du rêve. Dans ce cas, il y a eu,
lors de la formation du rêve, transfert et déplaceme11t des intensités
psychiques des différents éléments, d'où résulte la différence de
1 texte entre le contenu du rêve et les pensées du rêve. Le processus
1
que nous supposons ainsi est vraiment la partie essentielle du
travail du rêve : il mérite le nom de déplacement du rêve : déplace-
t
ment et c01zdensation de rêve sont les deux maîtres-d'œuvre à l'acti- •
'
vité desquels nous devons attribuer à titre principal la configu-
ration {Gestaltung)du rêve 8 ». Il y a ainsi entre lau surdétermination» •'•
(ou« détermination multiple») et le travail de « déplacement », ou (

de « condensation », le même rapport qu'entre sens et force. '


l'
1

~e même discours mixte est requis par le troisième procédé 1


!1

qut donne au rêve son caractère spécifique de « scène » ou de 1


1
1
u spectacle ,, ; alors que la condensation et le déplacement rendaient !·
1
compte de l'altération des thèmes ou du « contenu », la « figuration » 1,


1
( Darstel/ung) désigne un autre aspect de la régression que Freud f
appelle régression formelle (pour la distinguer de la régression 1
chronologique dont nous avons déjà parlé et de la régression topique

! 6. M~llrfach in de11 Tramng~danlun vntreten, G. W. n/m, p. 289; S. E. IV,


p. 283; tr. fr., p . :ua (157).
l ~· G. W. n/m, p. JIJi S. E. rv, P· ,30'7·8: tr. fr., p . a3o (t69-r7o}.
• G. W. 11/111, p. 313; S.E. lV, p. 307-8; tr. fr., p. 230 (169-170}.
1 1

,.'' .
l


'
lOI 1 1
'
1

1'

ANALYTIQUE

dont nous parlerons plus loin 9). <?r, c~tte «. fi~ration » se, prête à la f
à une description en termes de srgmficatron; ams1, on notera 1effon- par 1
drement syntactique, le remplacement de t~utes les relations peuv
logiques par des équivale~ts figurés, la figurat!on de la négation Ct
par la réunion des contrarres dans un seul objet, le caractère de figur

mime ou de rébus du contenu manifeste et, en général, le retour à VISCe
1
l'expression imagée et concrète; laissons de côté pour l'instant la appa

question de la symbolique sexuelle, sur laquelle on a trop concentré t1rer
la discussion et dont nous verrons tout à l'heure la place exacte, desc.
et posons dans toute son ampleur le problème que Freud lui-même · n'est
appelle a la considération de l'aptitude à la figuration 10 ». Ce qui souv
paraît à cet égard caractériser le rêve, c'est la régression au-delà la tr:
de l'image-souvenir jusqu'à la restauration hallucinatoire de la 1 est a
.
perception. Freud peut alors écrire : a La structure cohérente
1

j l'im;
(das Gefüge) des pensées du rêve se désagrège, lors de la régression, 1
proF

en sa matière première 11 • » Mais cette régression à l'image, que SIOn
nous venons de décrire en termes de signification comme restau- du 1
ration hallucinatoire de la perception, est en même temps un phéno- cone
mène économique qui ne peut être énoncé qu'en termes de « chan- 1

u tra
gements dans les investissements d'énergie des divers systèmes 12 ». ' 1 dire1
On objectera, avant d'aller plus loin, que la Traumdeutung est ' Dan
ici grevée par une illusion que Freud devait abandonner peu après .1 et fi
• •
la publication de son maître livre; il n'est pas malaisé de recon- •
• qm .
naître, à l'arrière-plan de cette théorie quasi hallucinatoire du rêve, i •
t1ser
comme dans l'Esquisse de x895, la croyance dans la réalité de la •
mer.
s~ène infantile de séduction; ce sont en effet les traces de percep- Q
tlo?, correspondant à cette scène, qui aspirent à reprendre vie et , sur
qm exercent une sorte d'attraction sur les pensées refoulées, elles- l'bzi
mê~es avides à s'exprimer : u d'après cette conception on pourrait Cet1
décr~re le rêve com1M le substitut ( Erzatz) de la scène infantile, et d
modifié par transfert à des éléments récents 13 )), Selon ce modèle de 1 c
la scène in..fantile, que Freud tient pour exemplaire, le noyau rés!- d'ur
duel du reve consisterait dans un « total investissement hallucl· sym
~atoire des systè~es per~eptifs, et ce que nous avons dé~rit .dans dam
1 analyse du travail du reve comme u considération de 1 aputude du l
mt•sr
9· Sur les troia formes de r~gression : formelle, topique, chronologique, cf. hui<
G. W. 11/111, _P· ~54; S. E. v, p . 548; tr. fr., p . 451 (299) (nddition de 1914)•. •
&Ion
1.o. Du Ruckstcht a'!~ Darstellbarkût, G. W. u/m, p. 344 et suiv.; Cons!â': •

ra,t•on! of represt·ntabll~ty, S. E. v. p. 399 et auiv.; tr. fr.• p. 31 3 (185) ct aUJV. • sym
L aptJtude è Ja figuratson. de v.
• 1 1 • ~.dw. u/m, p. H9; s. E. v, p. 543; tr. fr•• p. ~7 (296).
12. 1VJ •
1
3· G. W. JI/m. p. 552; S. E. v, p. 546; tr. fr., p • .U9 (297).

102 1
1
.
1

·1
:1
• •
1 1
1
ÉNERGÉTIQUE BT HERMÉNEUTIQUE if
à la figuration» pourrait être rapporté à rattraction sAlective exercée
par l'évocation visuelle des scènes auxquelles les pensées du rêve
peuvent toucher u ».
Ces textes ne laissent pas de doute : la préférence donnée à la 1

figuration dans le travail de rêve est tenue par Freud pour la revi- '
viscence hallucinatoire d'une scène primitive qui a réellement '1
appartenu à la perception. Néanmoins l'objection qu'on peut en 1•
tirer porte plus contre la topique du chapitre VII que contre la ' .l
description de la figuration dans le cadre du travail du rêve. Il
n'est pas douteux qu'en interprétant la scène infantile comme un
t1
souvenir réel, Freud se condamne à confondre le fantasme avec '
la trace mnémonique d'une perception réelle; la régression topique ' .
1 est alors une régression à la perception et la dimension propre de
. 1
1

J
l'imaginaire est manquée. Nous y reviendrons plus loin. Pour notre
' propos actuel, il nous importe seulement de constater que la régres- 1
sion formelle, qui caractérise la u figuration », c'est-à-dire le retour

du logique au figuratif, pose un problème analogue à celui de la .
condensation et du déplacement : la figuration est, elle aussi, une •1

« transposition n, par conséquent un empêchement de l'expression


, '• directe, la substitution forcée d'un mode d'expression à un autre. . '
Dans les trois cas, par conséquent - condensation, déplacem·e nt
.,
1
• ' •'
et figuration - le rêve est un travail. C'est pourquoi la Deutung
. qui leur répond est, elle aussi, un travail qui requiert, pour se théma-

1 tiser, un langage mixte qui n'est ni purement linguistique, ni pure- •
, 1 •

ment energetique. :
'
t
Que l'interprétation soit un travail, c'est la clé d'une difficulté '

, sur laquelle je terminerai cette étude des concepts majeurs de
l'bzterprétation des Rêves, avant d'aborder la topique du chapitre VII.
Cette difficulté concerne l'usage par Freud de la notion de symbole
et d'interprétation symbolique. •
1
Cet usage est au premier abord assez déconcertant puisque,
d'une part, Freud oppose son interprétation à une interprétation
symbolique et que, d'autre part, il donne une place importante,
dans le cadre de la figuration précisément, à la symbolique sexueJle •

du rêve à laquelle on a tôt fait d'identifier le livre lui-même. Une
''
mise au point nous importe au premier chef puisque, dans le voca-
l b.ulaire de notre Problématique, le symbole couvre toutes les expres-
'
Sions à double sens et constitue le pivot de l'interprétation. Si le •

symbole est le sens du sens, toute l'herméneutique freudienne
, devrait être une herméneutique du symbole en tant que langage
' 1
'
14. G. W. 11/ur, p. 553; S. E. v, p. 546; tt. fr., p. 450 (a97).
'

1 IOJ
J

ANALYTIQUE

du désir. Or Freud donne au symbole une extension beaucoup tuer un


plus restreinte 16. • • • analogu
Lorsqu'il parcourt les théortes du rêve antérteures à la stenne, naturcll
il rencontre, parmi les interprétations populaires, l'interprétation •
1
préhens
symbolique à laquelle il, OJ?pose comme « es~entiellement diffé- i expliqu
1
rente » la méthode de dechtffrage : « Le premter de ces procédés de cett~
considère le contenu du rêve comme un tout et cherche à lui substi- plus ta.
• •
mrus at
15. Une étude systématique de la notion de symbole chez Freud reste à faire.
• déchiff1
M. Guy Blanchet, qui a entrepris cette étude, a attiré mon attention sur la pre- secret,
mière conception freudienne du symbole, celle des Études SUT l'Hystérie. Dès la de sign
Communication Préliminaire de 1892, (sous-titre du premier chapitre des Studes ••• ) mécanic
le lien symbolique désigne la relation cachée entre la cause détemûnante et le
symptôme hystérique; lien symbolique s'oppose ainsi à lien manifeste; le même '
et de h
texte établit, pour la première fois, un parallèle entre ce lien symbolique et le que la
1
processus du rêve. D'abord limité aux douleurs hystériques, ce lien est progres- 1 est déjà
sivement étendu à tous les symptômes hystériques à la faveur du rapport, pro- l'analys
gressivement dégagé, entre symbole et souvenir; le symbole prend alors valeur
de réminiscence de souffrance et Freud emploie l'expression de • symbole mnési- uconglc
que • (ttudes sur l'Hystérie, p. 71, 73-4, etc.). Le symbole est ainsi un équivalent des asse
de la mémoire pour la scène traumatisante dont le souvenir est aboli. S'il est vrai, et qui 1
comme le disait déjà la Communication priliminaire, que • c'est de réminiscences L'id(
surtout que souffre l'hystérique •(G. W. 1, p. 86, S.E. n, p . 7, tr. fr., p . s),le sym-
bole mnésique est le moyen par lequel le trauma se prolonge dans le symptôme. l'anal

ys
Le symbole mnésique, à la différence des • restes mnésiques • (fid~les), est s10n, e:
déformé, converti, au sens où l'on parle de conversion hystérique. La symboli- symbol,
sation recouvre donc tout le champ de la distorsion liée au refoulement (identifié poursui
lui-même à cette époque avec la défense). L'Esquisse de 1895 porte encore la mar-
que de cette première conception du symbole comme équivalent du souvenir la disct

d'un autre trauma refoulé (La Naissance de la Psycha11alyse, p. 361); la symboli- retaennc
sation tend donc à désigner toute formation de substitut dans les cas de résis- des thé
tance au retour du souvenir refoulé. de ce c
Ce premier usage par Freud du mot symbole est donc plus vaste que celui de
!"Interprétation des Rives puisqu'il recouvre tout ce qui sera alors appelé • trans· u libre
position • ou • distorsion • ( Entstellrmg). Toutefois, le rôle intermédiaire attribué de la v
à des expressions idiomatiques dans la formation du symbole hystérique annonce sont u
la future limitation du symbolisme au stéréotype culturel : • c'est comme s'il
Y av~t ~e .inten~ion d'exp~mer un état psychique par un état physique et qu'une
l ibid.). r
locut1on td1~mat1que s~rvatt de pont à cet effet • (Conférence de janv. 1893 sur point d
• le Mé~t~me psychtque .des Phénomènes hystériques •, publiée in S. E. Ill, reconm
p. 34). Ains1, l.a douleur facaale d'une malade traitée conjointement par Breuer ct à irréal
Freu~ symbohse un ~ro~t, ressenti comme un coup reçu en plein visage; les défaut ,
locuuo~s .u~uelles, affa1bhes par la banalité, retrouvent chez l'hystérique le~r
aens Pf!trutlf; tel autre malade qui souffre de • ne pouvoir avancer • dans ln Vl~
aymbobse dana aes douleurs de jambes - déj~ motivées par ailleurs, il est vras
- sa détr.esa~ morale. Dans les Studes sur l'Hystérie Freud a donc entrevu q~e 16. G.
la aymbohsauon est non s~ul.e!llent une transposition fantastique du corps ma•~ 17. G.
une résurgence du sens pnnuttf des mots, comme il essaiera de dire dans l'Essal 18. G.
de I?IO sur Ln mu opposif dans ks mots primitifs (tr. fr. in Essais de Psytluma/)111 19. Iln·
appliquk) que noua étudterona pl ua loin. ao. G.

IO.f.

1
1• •
1
ÉNERGÉTIQUE BT HERMÉNEUTIQUE 1•
1
f

tuer un autre contenu qui est compréhensible et à certains égards


analogue. C'est l'interprétation symbolique du rêve : elle échoue 1
1: .
naturellement devant les rêves qui ne sont pas seulement incom-
1

préhensibles mais encore embrouillés 18• » C'est ainsi que Joseph 1. :
1
1 explique les songes du Pharaon et que le poète Jensen, l'auteur
1
de cette Gradiva que Freud devait commenter quelques années
plus tard, attribue au héros de son roman des rêves artificiels 1

mais aisés à percer. La deuxième méthode, la Chiffriermethode, ou 1'


f l
'
' déchiffrement, « traite le rêve comme une espèce de document •

secret, dans lequel chaque signe est traduit dans un autre signe 1
'
de signification connue selon une clé fixe 17 ». Cette traduction 1
'1 •
mécanique terme à terme ignore absolument tout du déplacement '•
1
, et de la condensation; du moins ce déchiffrage est-il plus proche •
1;
••
que la méthode symbolique de la méthode analytique en ce qu'il l•
1
1 est déjà une analyse << en détail » et non « en masse » 18 ; comme lui, •

l'analyse traite le rêve comme un tout « composite », comme un 1


1'
uconglomérat de formations psychiques 19 ». C'est donc la méthode 1
des associations libres qui rapproche l'analyse du Chiffrierverfallren 1•
et qui l'éloigne de la méthode symbolique. J
1• 1
L'idée de symbole est-elle pour autant exclue du champ de 1 1

l
1
l'analyse avec celle de méthode symbolique? Une deuxième allu- •
1•
sion, encore négative, annonce néanmoins la mise en place du '
.' 1
1 •
• •
symbole que les éditions successives de l'Interprétation des Rêves •

poursuivront de façon très cohérente. Cette allusion accompagne 1


la discussion de Scherner, dont Freud dit qu'il est le seul dont il 1
'

retienne quelque chose. Cette discussion se situe dans le cadre 1
!
des théories somatiques du rêve. Schemer est encore prisonnier 1

1

de .ce cadre étroit, mais il a bien vu que le travail du rêve est un •


'
« hbre exercice de l'imagination ( Phantasie) libérée des entraves .•
1

de la veille 20 », où la nature de l'organe et le mode de l'excitant


~o?t « représentés symboliquement » (symbo/isch darzustellen, 1•
.
tbz~.). Nous sommes donc déjà dans la figuration; en dépit de son .
1
l


pomt de départ étroit (excitant et organe corporel), Schemer a 1

re~onnu sous le nom de symbole le travail de figuration qui tend •


1 •
••
à trréaliser le corps, à le rendre, au sens propre, fantastique. Le
défaut de cette interprétation est d'abord celui de l'interprétation 1 '
1

z6. G . W. 11/m, p. zot; S. E. IV, p. 97; tr. fr., p. 74 (54).


1
~· G. W. 11/ ZU, p . 102: S . E. IV, p . 97·8: tr. fr., p. N (54).
1 • G. W. 11/JU, p. Jo8: en françaja dana le toxto. •
1 9· Ibid., tr. fr., p.
79 (s8). .'
ao. G. W. u/m, p. a3o; s. E. IV, p. aas; tr. fr., p. 170 (us).

105 •
,,.
.• •• ,.,.
\ )~\ .
·" ~' '
,, ,. _
• •

ANALYTIQUB

des Anciens avec ses correspondances globales; mais, surtout, .


cette manièr; de cr fantasmer » (phatztasieren) le corps fait du rêve et .
une activité inutile. Il faut articuler la symbolique du corps sur 1
en
l'activité de u libération de l'excitation >>et donc sur le jeu complexe 1 qu
des forces profondes qui sont les sources véritabl.es du rêve. se
Au fil des rééditions 21 , la place du symbohsme n'a cessé de po
croître, mais toujours dans ~n cadre subordonn~; ce fut d,'abord tyi
dans le cadre des « rêves typiques » (chap. v), pms sous le titre de tio
la« figuration» (chap. VI), après 1914; ce sont les« rêves typiques, COl
(rêves de nudité, rêves de mort concernant des ê~res. chers, etc.) ffi(
qui ont attiré l'attention de Freud sur le sens part1cuher du sym- Fr
bolisme; très tôt, Freud remarque que ce sont ces rêves qui offrent '
ho
le moins de prise à la méthode d'interprétation; peu à peu s'est 1• un
dégagée la conclusion que le symbolisme pose un problème spéci- d'(
fique, bien qu'il n'y ait pas de fonction symbolique propre, digne dé.
1
de figurer parmi les procédés du travail du rêve : tous les exemples ••
frc
'
de symboles dans le rêve u m'ont conduit à la même conclusion : il
1

de
n'est pas nécessaire de postuler l'existence, dans le travail du rêve, 1 st(
d'une activité symbolisante spéciale de l'âme; le rêve se sert des liq
symbolisations qui sont déjà toutes prêtes dans la pensée incons- 1• les
ciente; en effet, leur ar, ti tude à la figuration ( Darstel/barkeit) et 1
les
••
surtout leur liberté à 1égard de la censure font qu'elles satisfont 1
co·
'
mieux aux exigences de formation du rêve 22 ». qu
21. Jusqu'Il l'~dition critique de la Standard Edition par Strachey, il ~tait su.
impossible de distinguer du texte de 1900 les additions successives. Il est ret
important de savoir que, pour l'essentiel, la sect. E du chap. VI, conaac~e l liq
• La figuration par symbole dans le rêve • a été ajout~e en 1909, 19 II, 1914, et
q.ue Freud Y a encore ajouté des paragraphes ou des notes dans les éditions ulté·
neu.rc:s (1919, 1921, 1922, 1930). Dans les 2° et 3o éditions, ces additions. ~nt eor
été JOmtes à la sect. D du chap. v (Rêves typiques). C'est seulement dans l'édition
tou
.'• de 1914 que le symbolisme a été traité à la suite de la théorie de la figuration,
déJ
d~placement qui lui donne aa véritable signification. Dans le premier paragraphe 1
' ~.
(1925) de cette nouvelle section, Freud déclare sa dette à l'égard de Steckel : di• 1 dé,
Spracl&e d~s Traurrus (1911); il l'avait déjà fait dans la préface Il la 3o édition. Une œt
ttude séneuse du développement de la pensée de Freud devrait tenir compte av~
~gaiement de l'influence de Silberer, de Havelock Ellis, de sa collaboration étroite,
efft
~cette époque, avec Otto Rank qui avait publi~ en 1909 Le Mythe de la NaissatrCI d'a
du Héros et .dont Freud incorpora, en appendice au chap. IV, deux essais sur
Rêve tt Poésre, et sur !léve e~ Mythe dana les 4•, s•, 60 et 7o éditions. L'influence ••
rer.
de. Karl Abr:~ham qu1 publia Rives el Mytl&es en 1909, et de Ferenczi, dont Ica •
llO
arttcles aur le ~êve •?nt nombreux entre les années 1910 et 1917, apparaîtrait ch,
aans doute ~uasJ co_nstdérable. Enfin c'est tout le d ossier des rapporta entre Freud cor
~ 1un~ qui devratt ê~~e ver~ à ce procès. Ce conflit est aussi imporumt pour p,.
1 mtelhgen~ des rééduaona de la Traumdeutung que pour l'intelligence do Totem dat
~

•t Tabou qua parut en 1913, l'année même de la rupture avec jung. • tati
aa. G. W. n/m, P· 354; S. E. v, p. 349; tr. fr., p. a6o (191). Cetto notauon, ••

106

L
ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE

Cette phrase donne la clé du reste : la figuration fait problème


et Freud a construit toute une métapsychologie de la régression pour
1 en r~ndre compte; la symbolisation ne fait pas problème, parce
l que, dans la symbolique, le travail est déjà fait ailleurs; le rêve
se sert de la symbolique, il ne l'élabore pas; on comprend aJors
pourquoi le rêveur ne trouve pas de souvenir au sujet de ses rêves
typiques : il a seulement utilisé dans son rêve, comme d'une locu- 1
tion usuelle, des fragments symboliques tombés dans le domaine 1

commun, usés par l'usage, des fantômes qu'il a animés pour un


moment; on songe à la notion husserlienne de « sédimentation »;
Freud l'accorde : « on peut se demander si beaucoup de ces sym-
'
boles ne sont pas anaJogues aux sigles sténographiques, pourvus
1 une fois pour toutes d'une signification précise, et on est tenté
d'esquisser une nouvelle clé des songes d'après la méthode de
1
déchiffrage 23 ,,_ Voilà donc le symbole passé de l'autre côté de la
J
1•
frontière qui séparait au début méthode symbolique et méthode
· de déchiffrage. Mais il y reçoit une place précise, à titre de chiffre
stéréotypé; c'est pourquoi il n'est plus étonnant que cette symbo-
lique générale ne soit pas propre au rêve, mais se rencontre dans
1 les représentations inconscientes des peuples, dans les légendes,
•' les mythes, les contes, les dictons, les proverbes, les jeux de mots ••
l• courants; la symbolique y est même « plus complète (vollstiindi'ger)
que dans le rêve~ ». Le rêveur, en les reprenant à son compte,
..
•1
suit seulement les voies tracées par l'inconscient. C'est ici que nous
.• retrouvons la symbolique de Scherner et les extravagances symbo-

.•
liques des névrosés : « Chaque fois que les névroses se dissimulent ••


• 1
• •
1 concernant le rapport entre figuration et symbolisation, est la plus ancienne de
toute la Traurndeutu11g (on la trouve dans la 1ro éd. de 1900) ; elle peut être consi-
••• dérée conune le noyau initial de tous les développements ultérieurs consacrés
••
à • La figuration par le moyen des symboles dWls le rêve •; le déplacement de co
'•

développement, à partir de la 4o édition (1914), llo suite de l'étude • Les pro-
œdés de figuration • (sect. E du chap. VI) est la con~quence logique de ce qui
-,• • avait été aperçu dès le début; la phrase que nous venons de citer tenninuit en
~
effet la section du cha p. VI sur la Figuration, aect. D; eUe a Binai servi de point
r d'appui pour la nouvelle sect. E du chap. VI l paMir de 191 ...

~
23. G. W. u/m, p. 356; S. E. v, p. 351; tr. fr., p. 261 (192). Lo texte do 1909
il r~oue avec les notations des études sur l'hystérie concernllllt le rôle des expres-
t llona idiomatiques dans la constitution du lien symbolique. Il faut sans doute
1 chercher de ce côté, comme nous le suggérons dans Ill note r s. la continuite! de la
r • ~nception freudienne du aymbole. L'étude du chap. x d'Introduction à la
'1 sychanaly11 (Le symbolisme dans le rhe) (1917), auquel nous reviencJroM
d~ lo chap. av do la demi~re partio do notre ouvraac. confinnera notro interp~­ •
tataon.
·• a4. Jb;d,

IcYJ
··· ·· ..
.. - ·~··· ~ - . ----- ____._
---:":"'--·....
-••· •mu•·= n ................
~a• ... r - - ·-·
• ·- -· --·---·~- .. ... -~••;Jill..-

ANALYTIQUE

sous ces symboles, elle suivent à nouveau les voies qui furent
jadis celles de l'humanité entière, dans les périodes anciennes de
la culture, et dont témoignent encore, sous un léger enfouisse-
ment, notre langage ordinaire, nos superstitions et nos mœurs 25 ».
C'est pourquoi l'interprétation analytique doit ici être relayée
Con
par une interprétation génétique : le symbole a une surdétermina- 1·
tion spéciale qui n'est pas le produit du travail du rêve, mais qui 1 à son ·

est un fait préalable de culture : ainsi est-il souvent le vestige qutse
d'une identité conceptuelle et verbale aujourd'hui perdue. D'où Son
part l'
l'avertissement au lecteur, ou à l'utilisateur zélé de la psychanalyse,
de ne pas réduire la traduction du rêve à une traduction de sym- de ce<

bole et à reléguer la symbolique au rang d'auxiliaire: la voie propre

mats<, .
1
de l'interprétation, ce sont les associations du rêveur et non les
• 1 exterH
liaisons toutes faites dans le symbole lui-même. Finalement, 1
pourq·
1 •
interprétation symbolique et interprétation analytique restent 1
nomtq
deux techniques distinctes et la première est subordonnée à la
1 avons
1

seconde « à titre auxiliaire 26 ».



1 La
Freud a-t-il eu raison de limiter la notion de symbole à ces épisoè
embrc
signes sténographiques ? ne faut-il pas distinguer plusieurs niveaux
d'actualité du symbole? Outre les symboles usuels, usés par l'usage, fois 28.
progrc
en fin de course, qui n'ont qu'un passé, et même outre les sym-
boles en usage, utiles et utilisés, qui ont un passé et un présent psych
et qui, dans la synchronie d'une société donnée, servent de gage à dîmer
l'espa·
l'ensemble des pactes sociaux, n'y a-t-il pas aussi des créations
symboliques nouvelles qui servent à véhiculer des significations Cet
au m,•
neuves? Autrement dit, le symbole est-il seulement vestige?
L'i1
n'est-il pas aussi aurore de sens? Quoi qu'il en soit de cette discussion . pensé
que nous reprendrons le moment venu, on comprend pourquoi, •
excita
dans le vocabulaire freudien et aussi dans le cadre de l'explication désir
économique, il n'y ait pas de problème de la symbolisation, alors 1 être t
/ qu'il y a un problème de la figuration. Mais, même dans les limites 1

C'est
étroites dans lesquelles Freud confine le symbole, le problème Statiq
n'est pas épuisé, puisque la psychanalyse des mythes, que nous
ret!~uyerons dans la deuxième partie de cette Analytique, s'articul~ aymbo
prectSement au niveau symbolique. Ce n'est pas par hasard s1 lyse dt
l'interprétation d'Œdipe roi et de Ham/et, que nous discuterons de mot
~tait e
en détail par la suite, s'articule sur l'analyse des« rêves typiques '1:1 J>.
(ce qui
que po
••
as. G. W. n/m, p. 352; s . E. v, p. 347; tr. fr., p. 259 (191). l dai re.
26. G. W. u/nr, p. 365: S. E. v, p. 36o: tr. fr., p. 267-8 (197) (texte de 1909). aS.
2.7. Il eat remarquable que l'interprétation du mythe d'Œdipe soit reatéc, 39.
dana les éditions ultérieures, rattachée à la section des • rêves typiques • du 1 30.
chap. v (Section D) et n'ait paa rejoint la section consacrée à la • figuration par

Io8
1
1
1

1
.
ÉNERGÉTIQUE ET IQUE 1
1

••

••
~
2. LA « PSYCHOLOGIE » DU CHAPITRE VII {


l•


Comment la systématisation du chapitre VII s'articule-t-elle 1
1• 1
1 à son tour sur le jeu des concepts économiques et herméneutiques 1

qui se déploient en deçà de ce difficile chapitre terminal ? ,••


1

Son rapport au reste de l'ouvrage est complexe : c'est pour une '
part l'explicitation, par le moyen d'une <<représentation auxiliaire», 1
de ce qui a déjà été élaboré et énoncé en termes implicites ou confus;

mais c'est aussi l'imposition d'une théorie qui reste quelque peu 1

• 1 extérieure aux matériaux qu'elle rassemble et coordonne. C'est


r
pourquoi la théorie s'ajoute elle-même à la conceptualité mi-éco- r
nomique, mi-herméneutique, plus opérée que réfléchie, que nous •
avons dégagée de l'œuvre elle-même. •

La topique du chapitre VII est habilement répartie en trois
épisodes, interrompus par des thèmes descriptifs et cliniques qui
1
embrouillent la lecture plus qu'ils ne la soulagent. La première
•• fois 28, c'est un schéma orienté qui permet de distinguer un sens
i
progressif et un sens régressif dans le fonctionnement de l'appareil '
psychique; la seconde fois 29, c'est un système évolutif, doté d'une t
1
dimension temporelle; la troisième fois 30, l'appareil reçoit, outre !

l'espace et le temps, la force et le conflit. 1
1
.••
Cette progression jalonne celle que nous avons tenté d'opérer .1• j

au niveau de l'interprétation. 1
L'interprétation, disions-nous, vise en premier lieu à situer la 1
!
· pensée véritable du rêve que nous cherchons d'abord dans les 1

excitations somatiques, puis dans les restes diurnes, puis dans le 1


1
désir de dormir; la topique sert à déterminer la région qui peut •

être tenue pour le lieu originel des véritables pensées du rêve. 1



C'est la première fonction de la topique, sous sa forme purement
!'
statique. 1
1
1 l

symbole 1 (Section E du chap. VI) après le grand remaniement de 1914. L'ana- 1
lyse du thème œdipien continue de faire suite aux rêves typiques de souhait 1
de !llOrt et plus particulièrement du désir de m~~ du père chez J'enfant. Freud
.
1

~tnat en effet plus intéressé, dans le mythe œdapaen, par les • sources du rhe 1
(ce qui est le titre du chop. v), à savoir son enracinement duns les désirs infantiles,
'' qu.c par le rôle de la figuration ou de la symbolisntion dans le d~guisentcnt l~gen­ 1

dalrc.
.11• z8, G . W. u/ru, p. S..JI·SSS; S.E. v, p . 536-549: tr. fr., p. +Jo-.u:a (291·299)•
! :19, G . W. n/m, p . 570-78; S. E. v, p. s6..-7a; tr. fr., p. 463-..68 (307-311).
••
1 JO, G. W. 11/111, p . 6o4-6J4; S. E. v, p. 598-6o8; tr. fr., p. 48~-497 (J:tS·JJO). •

109

'
'
1

1
ANALYTIQUE
1 •
La situation topique du d~i.r de d?nnir, par ~pport au désir 1 aen1
assigné au rêve comme son ongme véntable, fera bten comprendre A
le problème. Comme on sait, Freud lui~mê,me assi~e au rêve ~ne figUJ
1
certaine fonction par ra~port au ~om.metl; 1. accomphssement q~t le Nou
caractérise est un substttut de 1actton qUI protège le sommetl 81. met;
1


Le. désir de dormir est si important qu'il faut lui rapporter la ct en
transformation des excitations externeS en images et toute la 1 déjà
déréalisation du corps, dont la transposition symbolique décrite le tt
par Scherner est la contrepartie. Certains textes donneraient même lV
à penser que ce désir.est le dési! domin~t, J?Uisque l.a ~ensure ne '
1
le p
laisse passer que les mterprétat10ns de 1 excttant qUI s accordent '
1
coru
avec le désir de dormir a2. Il semble donc que nous soyons ramenés de ~
à Aristote, selon qui u le rêve est la pensée de 1'homme endormi cette
en tant que telle 33 ». La solution de cette difficulté est une solution 1 mm •

topique : le désir de dormir est rapporté au système préconscient à la
et les désirs de la couche instinctuelle profonde qui engendrent 1 de :
le rêve appartiennent au système inconscient 84 • C'est pourquoi régr
le rapport exact entre le désir intermittent de donnir et les désirs 1 gen1
permanents qui cherchent une issue dans le rêve, reste en suspens 1
l'iss
jusqu'au fameux chapitre VII 85• 1 cep1

La thèse sous-jacente à cette discussion c'est que nul désir, 1
8100
même celui de dormir, n'est efficace s'il ne s'adjoint aux désirs 1 qut•
• indestructibles » et • pour ainsi dire immortels » de notre incons- r tion
seul
F
31. c En un sena, tous les rêves sont des rêves de commodité (Bequnnlichkeits· don
tl'aume); ila servent l'intention de prolonger le sommeil et non de l'interrompre. ' s'in
1
Le rh.Je est le gardien du sommeil tt non son destructeur. • G. W. n/m, p. :ZJ9i
S. E. IV, p. 233; tr. fr., p. 177 (130). mai
32. 'Quant au disir t:le dormir, sur ltqutls'est concentri le moi conscient et qui, est .
•'
en conjonction avec la censure du rêve et avec le c remaniement Jecondaire • (qui un
ltra t~ait~ plus loin), représenu la contribution de celui-ci [i.-e. le moi conscitnl] au 1
le Ji
rh.Je,~l ®rt être c~ptl ~chaque ccu au nombre t:les motifs qui contribuent àjonner l1
rive, tout rhlt qua rlumt est un cucomplinement de ce disir. • G. W. n/111, p. 240;
S. E. lV, p. 234; tr. fr., p. 177 (130). 3t
33· G . W. u/u.r, p. ~ss; S: ~· v, p. 551; tr. fr., p. 452 (299). . •Ce
34- ' Je ne pu1a mdtquer tCI quelles modifications exactes J'~tat de sommerl du 1
provo~ue dana le aya_tèm~ Pca; mais il n'est pas douteux que la caractéristique désir
P~.yctuq~e du aommeel do1ve ~tre cherchée essentiellement dans les changements (Jos
d mvcsusaementa ( Beutzungsverc'inderung) précisément de ce système, lequel p. 5!
C?mmande égaler:nent l'accès de la m otilité paralysée dana le sommeil. Par contre, Jj
nen, à ma con!'au;sanc~, dana la psychologie du rêve ne nous autorise à supposer 3f
~ue le som~erl produese dea modifications autres que secondaires dana les rda· (a91
tlona du ayateme Ica. • G . W. ujm, p. s6o; S. E. v, p. SSS; tr. fr., p. •U6 (3oa)•• Phys
35· Zur Wunscherfllllu.ng, G. W. 11/nt, p. 555 et auiv.; S. E. v, p. sso et aUJV,; bien
tr. fr., p. 543 (a99) et awv. p. 5·
1
llO

L

! ••

ÉNERG:kfiQUE ET HERMÉNEUTIQUE

1
1 cient et dont les névroses attestent le caractère infantile 88•
Ainsi la première fonction de la topique est de répartir de façon
1 figurée les degrés de profondeur du désir, jusqu'à l'indestructible.
f Nous pouvons peut-être dire déjà que la topique est la figure
1 métaphorique de l'indestructible en tant que tel : « Dans l'incons-
cient, rien ne finit, rien ne passe, rien n'est oublié 37 ». On songe
déjà aux formules de la Métapsyclzologie: l'inconscient est hors
le temps. La topique est le lieu qui figure le u hors le temps ».
Mais cette représentation figurée est en même temps un piège :
le piège de la chose. C'est pourquoi, dès la première séquence

1
consacrée à la topique, Freud s'emploie à atténuer l'aspect spatial
1 de son schéma et à en accentuer l'aspect orienté. L'occasion de
cette rectification est fournie par la reprise du problème bien déter-
miné de la régression. On se rappelle que la régression désigne
à la fois le retour de la pensée à la représentation figurée et le retour
de l'homme à l'enfance; à cette régression formelle et à cette
' régression chronologique, Freud ajoute une régression d'un autre
1 genre, la régression topique, à savoir le reflux d'une idée, dont
1
l'issue motrice se trouve barrée, du pôle moteur vers le pôle per-
1. ceptif sur le mode hallucinatoire. Cette troisième espèce de régres-
sion est donc inséparable des deux autres modes de régression
qui n'ont pu être dévoilés que par le déchiffrage du rêve. Laques-
• tion est de savoir si elle s'ajoute aux précédentes ou leur fournit
seulement une représentation graphique.
Freud est en train d'interpréter le rêve fameux de l'enfant mort
• dont le cadavre brûle et qui vient éveiller son père. C'est alors qu'il
1 s'interroge sur la nature du u lieu psychique 38 •, non anatomique
mais psychique, de la scène du rêve; cette idée de lieu psychique
est dès le début analogique : l'appareil psychique fonctionne comme
'• un microscope compliqué ou comme un appareil photographique;
1
le lieu psychique est comme le lieu de l'appareil où se forme l'image;

l 36. Un entrepreneur, rappelle Freud, ne fait rien sans capital ni capitaliste-:


• Ce capitaliste qui engage la mise de fonds psychique nécessaire pour le lancement
du _r&ve est, toujours et irréductiblement, quelle que soit la pensée diurne, 1111
dis, venant dt /'inconsûmt •. G . W. 11/111, p. 566; S. E. v, p. 561; tr. fr., p . 46o
(305), Sur la notion de l' c indestructible • et de l' • immortel •, cf. G. W. U/111,
p. 559 et p. 583; S. E. v, p. 553 et p. 577; tr. fr. , p . 455 (301) et p. 572 (314).
37. G . w. u/m, p. 583; s. E. v, p. 577; tr. fr., p. 572 (314).
38. Dit psychiulte Lokalitlit, G. W. 11/111, p . 541: S. E. v, p . j36: tr. fr.• p. 530
(291~ . Il est remurquable que l'expression vienne de Fechner: cUments tk psy(llo-
1 t?Ystque, deuxième Partie, p. sao : • La acène ol) le rêvo ae meut est peut-être
•en autre que ceUe de la vic 6veHléo de rcp~entation. • Cit6 in G. W. u/m,
1 p. 541 i S. E. v, p. 536; tr. fr., p. +40 (a91).

III '
...· ~ ' .. ..
' ·' ·' '' ~"\

ANALYTIQUE

ce point est déjà lui-même un p~int idéal auq':lel ne corr~spond ye


aucune partie tangible de l'appare~; la C?mpanuso!l condmt donc m
au paradoxe d'une série ~e lieux qut ~onstttuent motns une ét,endue so
réelle qu'un ordre réguher : « A strtcte.ment ~arler nous n avons p(
pas besoin de supposer un ~rdre spatla!- véntable des systèmes cc
psychiques. Il nous s~ffit .9u une ~uccesston constant~ ( etne feste $Cl
Reihenfo/ge) soit étabhe grace au fa1t que, lors de certains processus sc
psychiques, les systèmes sont parcoui"?s. dans un ordre t~mp?rel e[
déterminé par l'excitation 39 ». La spattalité proprement dite n est qt
donc qu'une a représentation auxiliaire>>: ce qu'elle veut représenter q1
c'est non seulement la composition en systèmes distincts, mais la
direction du fonctionnement.
Maintenant il faut bien avouer que l'exécution de ce programme

porte la marque de l'illusion dont nous avons ajourné l'examen tl:
jusqu'à présent. Freud est encore sous l'empire de la théorie «
de la séduction réelle de l'enfant par l'adulte; c'est cette illusion • ea
qui nourrit l'interprétation de la régression comme une attrac- dt
tion par des traces mnémoniques proches de la perception et p;
issues de la perception; c'est pourquoi les deux u extrémités » de qt
l'appareil sont définies d'une part par la motilité et d'autre part par
la perception. Les traces mnémoniques sont placées « près de » à
l'extrémité perceptive et l'instance qui critique a près de » l'extré- le:
mité ~otrice; la trace est proche de la perception comme le pré- fo
consctent est proche de la motilité. Enfin l'inconscient est « placé er
plus en arrière », en ce sens qu'il ne saurait accéder à la cons- le
cience, si ce n'est en « passant par le préconscient ». La direction ne
progrédiante, caractéristique du fonctionnement de la veille, est
u~e. marche vers le pôle moteur, tandis que la direction régrédiante •
811
destgne le ~ouvemen.t par lequel « la représentation (Vorste/lung) d'
retourr:te à l'Image (Btld) sensorielle d'où elle est sortie une fois 40 ».
••
•• Ce. qUI rend ..sans dout~ caduque cette topique, c'est la caractéri-
~att~n du po~e régresstf, c?mme pôle perceptif. Ce schéma est
~trotte!llent hé à la theone hallucinatoire du désir héritée de au
• l.Esquzsse. de 1895 et entretenue par la théorie de la séduction infan- t (nt
••
tile constdérée comme souvenir réel. Le phénomène décisif, aux r• vu
4-:
39· G.
G
W. 11/m• p • SA:t•
w ~ '
S • E • v • p. 537; tr. f r., p . 441 (292). l•

de
ter
ngrédi~te ' te /tra! ~· J48 ! S.E . v, p. 543; tr. fr., p. 446 (295). Dons cette marche
40 11 111
r dé
cientes '1 Je cs mvesttssementa rebrousse lt partir des couches incons· le
aystèm/~: es trac~ ~~moniques de la perception de manière à • investir Je illl
che inverse tp~~p~ona JUsqu'à la pleine vivacité sensorielle en suivant une mar• ·qu
tr. fr., p. 446 (z~;), es pena~ea (Gedankm) •. G . W. n/ur, p. 548; S.E. v, p. 543i mt

Cl•

li2
~GttiQUE ET HERMÉNEUTIQUE

.d yeux de Freud, n'est pas que la voie vers la motilité soit fermée,
lC mais que les pensées du rêve, ainsi repoussées de la conscience,
te soient attirées par des souvenirs d'enfance restés proches de la
lS perception en vertu de leur vivacité sensorielle : « D'après cette
!8 conception, on pourrait décrire le rêve comme le substitut de la
te scène infantile, modifié par transfert à des éléments récents. La
IS scène infantile ne peut se frayer la voie de sa propre rénovation;
el elle doit se contenter de revenir comme rêve 41 • » On comprend
~t que Freud, en découvrant finalement son erreur, ait cru un moment
:r que tout son système s'effondrait 42.
la On peut se demander en effet si cette confusion des deux scènes,
celle de la perception et celle du fantasme, n'empêche pas la topique
:e de l'Interprétation des Rêves de se dégager entièrement de la spa-
.n tialité naturelle et de tirer toutes les conséquences de l'idée de
.e « lieu psychique >>; c'est pourquoi cette topique flotte entre deux
n
:- ' eaux, entre la représentation d'une série de places homologues à
des lieux physiques et une << scène >> qui n'est plus du tout une
:t partie du monde mais la simple représentation graphique de ce
.e qui a été décrit comme« aptitude à la figuration» (Darste/lbarkeit) .
li' 1
Je ne crois pourtant pas que l'essentiel de cette topique succombe
J)
'
à l'objection; la théorie de la séduction réelle explique seulement
·-


.
:-
les équivoques de la topique, mais non point sa raison d'être
fondamentale. C'est celle-ci que j'ai commencé de porter au jour
:é en désignant le lieu de l'inconscient comme le symbole du a hors
i•
le temps ». C'est ce que les épisodes suivants de Ja topique vont
n nous permettre de dégager.
;t . C'est pour rendre compte de l'aspect chronologique de la régres-
:e Sion que Freud introduit le temps dans le système, sous la forme
) d'une histoire de son fonctionnement. « Le rêve, rappelle-t-il,
1),

-

lt 41. G. W. n/m, p. 552; S. E. v, p. s-.6: tr. fr., p. 449 (297).


e 42, On peut suivre dans les Lettres à Fliess, les phases de cette dissolution et

-x
• t
••
r
aussi la résistance de i•hypothèse initiale: p. 67, 112, 113, 117, 145-6, 162-3, 165
(note 2), 170, 173, 174-5· Et pourtant, dès r895, Freud parlait de ces • choses
vues et à moitié comprises • (p. 67). Cf. aussi l'allusion à la sublimation, p. 173•
4~s. C'est par son auto-analyse que Freud a découvert le cnractère de pur fantasme
l•

de la scène infantile : Jones, o. c., tr. fr., r, p. 313: Anzieu, o.c., p. 6 r. En même
temps, le folklore et l'histoire des religions, en particulier l'étude des possessions
10 r f émoniaques, lui con fi nuaient l'irréalité de la scène infantile (p. 165, 166, 168). Sur

.e fa!ltasme : Lettres à Fliess, p . a8o. On peut se demander si ce n'est pas la même


allusaon tenace qui reparaîtra dans l'interprétation freudienne de la religion, lors-
r-
. que l'on cherchera, à grand renfort d'histoire et d'ethnologie, à reconstituer un
J;
~eurtre réel du père de la horde, puis un mcurtro réel du Moiao égyptien (cf.
ca-dessous, liv. JI, uo partie, chap. m).

IIJ
tlli:.}\~J.üi~U"'

( j


1

1•
ANALYTIQUE •

1
est un fragment de la me psy~hique i~fantile, a~jourd'hui dépas_sée ~. )) 1
1 ch'
Pourquoi cette ~econ~tructlon t~p.tque-gene~tque ? ~our e!uctder reç
1
un caractère émgmauque du des1:, à s~vo!~ son :mpuls~on au 0
0

lm)
remplissement. Il faut supposer un etat pnm1t1f de 1appareil psy- et ,
chique - où l'on reconnaît le processus primaire de l'Esquisse - me
dans lequel la répétition des expériences de sat~sfaction crée une éta

liaison solide entre l'excitation et l'image mnémomque : (( Dès que le ete:
besoin se manifestera à nouveau, il y aura, grâce à la relation établie, '
1
liet
l
0

déclenchement d'une impulsion psychique (psychische Regung) 0


un1
qui investira à nouveau l'image mnémonique de cette perception fro
et provoquera à nouveau la perception elle-même, c'est-à-dire 1
pla
reconstituera la situation de la première satisfaction; c'est cette '
1
1
Ien
impulsion ( Regung) que nous appelons « désir » ( Wunsclz); la mo
réapparition de la perception est l'accomplissement du désir dyr
{ WutZscherfüllung) et le complet investissement de la perception un
par l'excitation du besoin est le chemin le plus court vers l'accom- 1 sec

plissement du désir. Rien ne nous empêche de supposer un état mv
1
primitif de l'appareil psychique, dans lequel ce trajet est effecti- fan
vement parcouru et où le désir se déroule par conséquent sur un « Cl
mode hallucinatoire. Cette première activité psychique tend donc 1
• me:
à une identité de perception, c'est-à-dire à la répétition de la percep- (
tion qui se trouve être liée à la satisfaction du besoin 44 , )) Tel est le f par
plus court chemin du remplissement. Mais ce plus court chemin tan·
n'est pas celui que la réalité nous a appris; la déception et l'échec dai:
nous. ont enseign~ à .arrêter la ré~ression à l'image mnémonique rec1
et .à mventer le detour de la pensee ( Denken). Ce système secon- 11 par
dat~e est, a~ po.int de vue génétique, le substitut ( Erzatz) du de l
dés1~ hall':lcmat01~e. Nous comprenons maintenant en quel sens dun
la re~r~s1?n toptque du rêve est aussi régression temporelle : de v

c~ qua. 1amme, c'est la nostalgie du stade primitif du désir hallu- 1

mte
cmatOire; ce. retou~ au système primaire est la clé de la figuration 45• l'in:
~ne dcrmère f01s -sous le titre «Processus primaire ct secon- t réw
daire. Le refoulement » - l'Interprétation des Rêves remet sur le daiJ
1
43· g. ~· u /m. p. 573; S. E. v. p. 567; tr. fr., p. 464-5 (3o8).
44· · · n 1Ill! p. 5~1; S. E. v, p . s6s-6; tr. fr .• p . 463-4 (307-8).
1

f con
B
4 5·. c La . théone qu1 embrasserait tous les symptômes psychonévrotiques
cu1ms ne. vrasment en cette un·sque proposstson
·· : 0 n doat. pouvoar
· 1es coruw~r
·.n d • 4E
eux au~s~ c~mme l'accomplissement de dêsirs appartenant à l'inconscient. • G. W. 11/lll. 47
P; 574 • · ·v, P· 569; tr. fr., p. 466 (309). - La référence à Hughlings Jackson ..a
~t P.aa 5 ~8 tnt~rêt f(*ïnd out ali about dreams. and you will hav e j ound ali 4~
." 1 '"~cz.mty)j. c est b1en le schéma jacksonien de la libération fonctionnelle la cl~
q~d est act gl~cué sur le aché a purement topique de l'appareil psychique (cf. lerthl
Cl• ChOUI• IV. 111. cbap. l). G. '\1
~i-~)~~J.uiJjiiJA~
·fNIOIIU... J!J!IWW:.4.1-----•••-•--·--···-·---
• _....,.-.
........... a ••• _...._._ .......,... . . . . . . . . .- - - - - - - -- -


,•

1• ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE
j
1 chantier la théorie de l'appareil psychique; maintenant l'appareil
' reçoit, outre l'espace et le temps, la force et le conflit; ce qui
1• impose ce remaniement, c'est la considération du travail du rêve
.
et principalement le refoulement auquel sont rapportés tous les
mécanismes du rêve. Le point de vue purement topique du début
était lié à la question de l'origine des pensées du rêve dans l'incons-
cient; il était donc naturel de représenter cette origine comme un
1' lieu et la régression vers la perception comme une régression vers
l. une extrémité de l'appareil. Maintenant ce sont les rapports aux
frontières du système qui importent; c'est pourquoi il faut rem-
1
placer les lieux par des processus et des espèces différents « d'écou-
1

1
lement de l'excitation » : « Ici de nouveau nous remplaçons un
1
mode de représentation topique par un mode de représentation
dynamique 40• »De ce point de vue, le processus primaire présente
l
un libre écoulement de quantités d'excitations et le processus
secondaire un arrêt de cet écoulement et une transformation en
investissement quiescent ( ruhende Besetzung) ,· ce langage nous est
familier depuis l'Esquisse,· ce qui est donc en question ce sont les
u conditions mécaniques » (mechanische Verhâ1tmsse) de l'écoule-
ment de l'excitation, selon que prédomine l'un ou l'autre système.

Que signifie ce problème? l'enjeu, c'est le destin de la régulation
par le déplaisir et, ultérieurement, le destin du principe de cons-
tance. Tout l'effort de Freud est de faire tenir le processus secon-
daire dans le cadre de la régulation par le déplaisir; à cet effet, il
reconstruit le refoulement sur le modèle de la fuite provoquée
par un danger extérieur et réglée par la représentation anticipée
de la douleur; le refoulement est une sorte d' a évitement ( Abwen-
dung) du souvenir, qui n'est que la répétition de la fuite initiale
devant la perception 47 »; c'est là, dit Freud, cc le modèle et le pre-
! mier exemple de refoulement psychique cs ». Cet abandon de
l'image souvenir se laisse interpréter économiquement comme une
r régulation par épargne de déplaisir; on appellera processus secon-
daire ce qui se produit sous ces conditions d'inhibition 48•
1
Rien de nouveau par conséquent par rapport à l'Esquisse. Au
contraire, un lecteur attentif sera surpris par l'avance de l'Esquisse
46. G. W . n/m, p. 615; S . E. v, p . 61o ; tr. fr., p. 497 (331).
47· G. W. u/m, p. 6o6; S. E. v, p. 6oo; tr. Cr., p. 490 (326).
48. Ibid.
49. Dans les tennes de Jo Traumdmtung : • Maintenons solidement- c'est
la clé de ln théorie du refo ulement - qu~ /~ u cond systèm~ n6 peut inv~stir une repr6-
sentation que s'il est en ~tal d'inlliber h déploiement du déplaisir qui peut et~ v~nir. •
G. W. u/m, p. 6o7; S. E. v, p. 6o1; tr. fr., p. 491 (Ja7).

us
-·....... ,_

ANALYTIQUE
'
sur l'Interprétation des Rêves e~ ce q~i concerne _la descrii:tion du pense•
processus secondaire; ce retrmt de 1I~terprétat~on des Reves . par se' men

rapport à l'Esquisse nous do~ nera peut-etre la cie de cette top1que tOUJOt
et de ce qui mérite d'en surv1vre. . A •
dép lai
Il est frappant en effet que r!tzterpr~tatton des R~ves SOlt .avare ment
d'expJication sur le processus secon~aire, '?~mze st !e fonctzomze- signal
ment de tappareil dans le sens progrédza:zt ne!
mtéressazt pa~. Certes! la « cc

on trouve quelques no~~ions ~parses sur. le role de la co!'lsc1ence q~1 tiSsern
confirment l'Esquisse · tCl auss1, la conscience est access1ble à la fms par l'.

aux excitations périphériques et au plaisir-déplaisir; elle est appelée cog1ta.
u l'organe du sens des qualité~ psy~hiques !'; ici ,aussi, c'est aux avec c
images verbales, !'loyau du. . preconscient, qu est .devolu le sor~ ~e Si l'
la prise de conscience; grace à elles, la regulat10n par le plaiSir- dans J
déplaisir se complique; le cours des investissements n'est plus tout ê
réglé automatiquement par le principe de déplaisir; la conscience l'usag·
est maintenant attirée par d'autres signes que ceux du plaisir- comp1
déplaisir; ce qui est possible, parce que le système des signes du travail
langage constitue ce que Freud appelle une seconde << surface le sen
de sens n ( Sinnesoberfliiclzen). La conscience n'est plus seulement ri1lter.
1
tournée vers la perception, mais vers les processus préconscients u pen~

de pensée. On reconnaît les deux degrés de l'épreuve de réalité secon<


de l'Esquisse. Mais il est frappant que ce ne soit pas cet aspect que sur ce
l'Interprétatioll des Rêves développe; sur ce trajet progrédiant, « dès
c'es~ encore un d~ processus du travail du rêve qu'on rencontre, tardif
celUI d~nt nous n avons pas encore parlé et que Freud appelle Voi

« r~m~n!ement... ( Bearbeitung) secondaire ,, ; ce processus constitue, prnna
à 1 !nt~neur m~m~ du rêve, une première interprétation, une ratio-
nalisatiOn, qm d une part met le rêve sur le trajet du réveil,
d'autre part l'apparente à la rêverie. sr. <
. 52. 1
Cette brièveté de l' ~1ltcrprétation des Rêves est encore plus frap- d'un b
pante lorsque l_a que~ti~n porte expressément sur la nature du pro- 1 l'attcnt

cessus secondaue. /~tn~t . 1~ problè~e, si important dans 1'Esquisse, • • surin•
du rapport en~r~ 1mhtbttton par 1 instance du moi et le discerne- tr. fr., 1
53 · (
m~nt de.s quahtcs .rerçues, n'est pas développé : d'où le caractère 54· 1
é_mg~at1que ~.es h~r:cs consacrées à u l'identité de pensée )), dis- daircs 1
~ng~ee de 11 l1dent1te de perception 60 », et empruntée à la théorie (H'um1
du prée
l'~ JUgc~cn~ que nous avons exposée plus haut. C'est pourquoi aux im
nterpreta~ton des Rêves paraît s'approcher beaucoup moins près mieux
qu~ l' Esquzsse elle-même de ce qui nous était apparu comme le 1

J psychic
pourrot
pomt de rupture du système, à savoir l'affranchissement de la plus élt

de ce r•
so. G. W. 11/UI p 6o7· S E v 11/111, p
' • ' · • ' p. 6o~; tr. fr., P· 491 (3~7).

116

'
---·--
l


l
l

ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE 1

pensée à l'égard du principe du plaisir; certes Freud dit expres- •


sément : « La tendance de la pensée doit donc être de s'affranchir !
1

toujours davantage de la régulation exclusive par le principe de



déplaisir et, grâce au travail de la pensée, de réduire le développe-
ment des affects au degré infime qui pourrait être utilisé comme .•
signal 51 ». Et Freud, en termes énigmatiques, évoque cette tâche de
la « conscience », comme un « affinement », obtenu par u surinves-
tissement » (Ueberbesetzung) 52• On reconnaît le problème, posé
par l'Esquisse, du passage de la pensée observante au processus
cogitatif, qui n'opère plus avec des indices de réalité perçue mais
avec des indices de réalité pensée.
Si l'Interprétation des Rêves ne pénètre pas aussi loin que l'Esquisse
dans l'étude du processus secondaire, c'est que son problème est
tout autre : l'Esquisse voulait être une psychologie complète à
l'usage des neurologues : l'bzterprétatiotz des Rêves veut rendre
compte du phénomène étrange, surprenant ( befremdendes) du
travail du rêve. Pourquoi l'appareil fonctionne-t-il si souvent dans
le sens régressif plutôt que progrédiant ? Voilà le problème de
l'Interprétation des Rêves; c'est pourquoi l'investigation de la
u pensée » lui importe moins que le retard pris par le processus
secondaire sur le primaire et que la contrai12te exercée par celui-ci
sur celui-là. Le processus primaire est bien primaire : il est donné
u dès le début » (von A1zja12g a11) 63 ; le processus secondaire est
tardif et jamais définitivement établi 54•
Voilà la pointe de ce chapitre vu; l'indestructibilité du système
primaire est son vrai problème. C'est parce que le principe du

sr. w.
G. s.
II/Ill, p. 6oS; E. v, p. 6o2; tr. fr., p. 491 (327).
. 52. Un peu plus hout, Freud ovoit écrit : • Le cours des pensées investies
:
d'un but ( Zielbesetze) peut, dons certaines conditions, attirer sur lui-mt!me
1 l'attention de Jo conscience; elles reçoivent, por l'intermédiaire de celle-ci, un

• • surinvestisscment • ( Ueberbesetzung). • G. W. n/m, p. 599; S. E. v, p. 594;
tr. fr., p. 485 (323).
53· G. W. u/m, p. 609; S.E. v, p. 6o3; tr. fr., p. 492 (327).
54. • Cette apparition tardive - verspt'itelm Eittlrt:ffms - des processus secon-
daires foit que le fond meme de notre être, constitué por des impulsions de d~sir
OVtmsr.ltrt·gtmgt:ll) inconscient, reste à l'abri des atteintes et des interdictions
du préconscient; le rôle de cc dernier est réduit une fois pour toutes à indiquer
nux impulsions dca désirs venus de l'inconscient lt:S voies qui ll'S m èneront Je
mieux à leur but. Ces désirs inconscients représentent pour tous nos clforU

;
)
psychiques ultérieurs une contrainte à laquelle ceux-ci devront sc plier et qu'ils
1
pourront tout nu plus tenter de détourner ct d'C.:Ievcr vers des buts d'un degré
plus éh!Vé. Une grnndc partie du matériel mnémonique demeure donc, à cause
de ce retord ( Verspiitu11g ), inucccsKible à l'investissement préconscient. • G. \V.
11/lll, p . 6o9; S. E. v, p. 6o3; tr. fr., p. 492 (328).
.. _
. . ......-.
~·.
.
llc'7,;,*1.\}_:.:.~~~:l~l!~\B'~:.tm~~!!!f. tü~!Lt.w ...•==··--··~·~·-------· ........
,"..,...ri.t~·--l&<lo•• -

' .
,

ANALYTIQUE

plaisir-déplaisir n'est jamais remplacé, ni complètement,, ni dé~­ de


nitivement, que le principe .de cons~~mc~ re~te notre vénté ordt- mo<
naire. Voilà pourquoi ce qu~ pourrait fat~e eclater 1~ système est t effc·
moins important que ce qui le confir?'le, et c~ q~.u le confi~~e,

pttr

c'est l'échec de l'homme à se soustraire au prmcipe du platstr- Stm
déplaisir; aussi bien n'avons-no1_1s parlé pl~s .haut que de lau ten- au tt
dance de la pensée D à s'affranchir de ce prmctpe. nan
Que ce soit bien là rintention la plus fondamentale de ~ette mer
« psychologie », la place donnée au refoulement dans les derm~res exp:
pages le confirme 65• La place n'est pas quelconque. Freu~ .situe à la
la dernière analyse qu'il en donne dans cet ouvrage au v01smage plm
de ses remarques pessimistes sur le retard du système secondaire de :

par rapport au système primaire : le refoulement est le régime pnn

ordinaire d'un psychisme condamné au retard et toujours en trot:
proie à l'infantile, à l'indestructible; le désir montant de ce fond Cho
invincible ne peut être arrêté sur la voie du déplaisir que par une
transformation, une conversion d'affects - une Affektverwandlung
-qui est précisément le refoulement 56• C'est le système secondaire, •

certe.~, qui produit ces effets, mais non par accès à ce que nous
appehons tout à l'heure la « pensée »; le système secondaire est
!ciré~uit ~ opérer à l'!ntérieur même du plaisir-déplaisir, par
mverstOn d accent affecttf. Alors, le préconscient se détourne de
ses p~n~ées deve~ues déplaisantes et le principe du plaisir-déplaisir
est amsi confirme. Et Freud peut conclure -et cette conclusion
es~ là pour confirmer l'~dée antéri~ure du retard du système secon- •

daire. ~t du caractère mdestructible du système primaire : a La


co.ndltt~n préalable du refoul~me~t, c'e.s t la présence ( Vorhanden-
sezn) dune .masse de souvenars mfantlles soustraits dès le début
au préconsctent 57 ».
Du
. "
meme coup nous comprenons ensemble deux caractères •

jt} nous ont étonnés séparément. D'une part l'Interprétation des
J

eves nous a paru en retrait par rapport à i' Esquisse en ce qui


concerne le dépassement du principe de constance et du principe

55· G. W. 11/111 p. 609-14 . S E v 6 60


s6. • Now y av~ recon ' • · ! p. ?4· 9; tr. fr., p. 492-5 (327- 330).
e'tst-à-dire du jugmaent tkij le .stad(Ve anfantrle ck la condamnation (Verurtcilung),
de phrase n'existe ni dan: tron erwerfung dure~ das Urteilen) • Ce mc~~ro
0
p. 604, mais dans lea prem'è · ~: .11 /lll, p. 6o9, m dans la Standard Edtlton,
.•
çajse, p. 492 (Ja8), a cona~:VC: tttons allem~nd~, P: 446 ; la traduction fran·
n jection, cf. le Rejoui • ce texte très sagntficauf. - Sur le jugement de
réjection, quelque cho:::I![nte~· r~foulement cs! un degr~ p~élinünoire de
57. G. W. uJm, p. 6ro · S E aau6ocentre la futte et la réJectaon. •
• • · v, p. 4; tr. fr., p . 493 (3a8).

118

'
1
···--..-· .... ______________

ENERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE

de déplaisir; mais la régression dont le rêve est le témoin et le


modèle atteste précisément l'impuissance de l'homme à opérer
t effectivement ce dépassement. D'autre part, la topique du cha-
pitre VII nous a paru osciller entre un réalisme de la chose et une
simple représentation auxiliaire de processus qui requièrent une
autre scène que l'espace de la nature. L'illusion de Freud concer-
nant le souvenir réel de la scène infantile n'explique que partielle-
ment cette oscillation; la spatialité de la topique, en dernier ressort,
exprime l'impuissance même de l'homme à passer de l'esclavage

à la liberté et à la béatitude ou, en termes moins spinozistes et
plus freudiens (quoique foncièrement équivalents), l'impuissance
de l'homme à passer de la régulation par le plaisir-déplaisir au
principe de la réalité. « L'appareil >> que le chapitre vu cerne en ses
trois essais successifs, c'est l'homme en tant qu'il a été et reste
Chose.

'



.•

• •

•o
'

dan
ven
CHAPITRE III rep1
en •
PULSION ET REPRÉSENTATION sem
Le
DANS LES ÉCRITS DE MÉTAPSYCHOLOGIE et le
• de 1

chol

les c
,•, N
L'Interprétation de~ Rêves n'a, p~ rél!s.si à fond,re d~ manière rem
entièrement harmomeuse la theone hentée de 1 Esqmsse et la dus
conceptualité mise e.n œuvre _par le travail même de l'intel'l?r~ta­ fois
tion. C'est pourquoi le chapitre vn reste quelque peu exteneur ..
celu
au développement organique de l'ouvrage. Cette discordance dans reste
l'exécution est le signe que le langage du sens, impliqué par le M

travail de l'interprétation, et le langage quasi physique, impliqué e_ffet
par le langage de la topique, ne sont pas encore parfaitement corn
coordonnés. ' la re
puis
C'est dans les écrits de Métapsychologie t, presque tous T
composés dans le jaillissement des années de guerre, que cette discc
problématique atteint son point de maturité, en même temps que
les deux exigences du discours analytique atteignent leur point 2.
d'équilibre. D'un côté, ces écrits thématisent de façon cohérente 1

trndu
lung (
le po!,nt de yue topique-é~onomique dans ce que l'on appelle la of a11
premtere toptque : Inconscient-Préconscient-Conscient· de l'autre Les J
ils mo':ltr~nt comment l'inconscient peut être réintégré'dans la cir~ dépit
c,~nscnp~1on du sens par une nouvelle articulation - « dans » 1 les rn
Hum•
1mconsc1ent ~ême - .e ntre pulsion ( Trieb) et représentation di ffi ct
(Vorstellung) • une pulston ne peut être présentée (repriisetztiert} • de ln
pro po
1• Cin~ text~ écrits en 1915 - Lts Pulsions et leurs Destins Le Refou- , Repra
J.
0

leme?t• 1/nconsCie!'t• Compléments Métapsycltoloniques à la TJ1éo;ie du rêve 0

Dt·uli ct Mélancol
. . . ae - sont ce QUI· su bs1ste · de douze
tt.
textes destinés à constituer' v emet
1es c P rél1mma1res pour un e M ctapsyc · h o1og1e
· •, S. E. XIV p 105-7 Ils se trou- sern t
l'illu~:
vent
. au { t. x.. d es Gesamm.t!lte ~erlu • et au t. XIV de ln Sta11dard
' · Editio"
' · ln trnduc-
est cc
tC100011 ranLesçatEse ~t rassc:m)h1ée sous le titre Métapsychologie (Paris, Gallimard, ) •
arnve
. ssats, 1952 . 0 n peut y • · d 1 Q · 1
Co11c•·Pt d'Inconscient rr~ Ps cha Jom re es uc:lques obsavatwm stlr e •
c1cnt
z66· Métapsycholo ie y r~a1ysr, G. W. VIl!, P· 431-9; S . E. Xli, p. 259- désir ·
19;") (G W x 'Il • P· 9-z4S,et surtout, l'easat Pour i11troduire le Narcissisme en •mt
( 'T • • p. IJ 8•170 . E XIV p 7 f d bl' .
non <:Onunercialc de laS ~ · .J: P. • • 3-10~; tr. r. ans une pu 1cnuon •
• •
mcorro
oc. r. '" 1ychan. Pans 1957).

120
• PULSION ET REPRÉSENTATION

dans l'inconscient que par la représentation (Vorstellung 2 }. C'est


vers cette notion de Vorstellungs Repriisentanz ou de présentation
représentative que nous allons faire converger toute la discussion;
en elle se recoupent et coïncident l'interprétation du sens par le
sens et l'explication par des énergies localisées dans des systèmes.
Le premier mouvement sera donc un mouvement vers la pulsion
et le second sera un mouvement à partir de l'indice représentatif
de la pulsion. La question est de savoir si les écrits de Métapsy-
chologie réussissent mieux que l'lnterprétatùm des Rêves à fusionner
les deux points de vue, celui de la force et celui du sens.
1
Nous allons donc parcourir deux trajets : le premier nous fera
remonter de la prétendue évidence de la conscience à l'origine
du sens dans la position du désir; ce premier mouvement sera à la
fois celui de la conquête du point de vue topique-économique et
celui de la conquête du concept de pulsion (Trieb), dont tout le
••
reste est le destin ( Schicksal) .
Mais il nous faudra ensuite faire le trajet inverse; la pulsion en

e.ffet est comme la chose du kantisme - le transcendantal = X;
comme elle, elle n'est jamais atteinte que dans ce qui l'indique et
la représente. Nous serons ainsi renvoyés de la problématique de la
pulsion à la problématique des représentants de pulsion 3 •
Toute incohérence sera-t-elle abolie ? Toute distance entre le
discours énergétique et le discours du sens sera-t-elie supprimée ?

2. Les mots Vorstellung et Reprlisentau posent de grands problèmes aux


1
• trnducteurs : comment traduire l'expression den Trieb reprasentierende Vorsul-
lung (G. W. x, p. 264)? Coll. Pap. IV, p. 98 traduit : The ideatiot~al presentation
of au instinct; S. E. XIV, p. r66 traduit : The idea U.'hich represents an instinct.
Les Anglais ont donc renoncé à traduire Vorstt•llut~g par Représentation, en
dépit de ln solide tradition qui remonte au moins à Kant et à Schopenhauer;
1 les mots idea, ideational ont des titres sérieux dans ln tradition de Locke et de
Hume. En français, Vorstt:llut~g ne peut être traduit que par Représentation. La
difficulté est alors de traduire Reprlisentam:: qui désigne l'expression psychique
• de la pulsion, qu'elle soit de l'ordre représentatif (idéationnel), ou affectif; je
propose de suivre la suggestion des traducteurs des Col/. Papns et de traduire
•.
Reprlise11tan:: par Présentation .
J. Nous tenterons, dans la Dialectique, chap. n, de reprendre ce double mou-
vement dnns le cadre d'une philosophie de ln réflexion; le premier mouvement
sera celui du dessaisisseme11t, par lequel la réflexion se dissocie entièrement de
l'illusion de ln conscience, du cogito immédiat et trompeur; le second mouvement
est celui de la réappropriatioll, de la reprise du sens par l'interprétation. Pour
a~river à la racine du désir, la réflexion doit se laisser déposséder du sens cons-
Cient du discours et se décentrer duns un autre lieu du sens; mais comme Je
désir n'est accessible que dans les déguisements où il se déplace, c'est seulement
~n interprétant les signes du d~sir que lu position du désir peut ~trc eUe-même
mcorporée à 111 réflexion.

121

ANALYTIQUE •

. qur,. sans doute, res t e ra posée à dla fin de ce cha-


C'est la question . 1
1

pitre. Mais ~u . moins pourrons-nous compren re pourquot t •

doit en être amsr. •

1
I. LA CONQUtfE DU POINT DB VUE •

c
TOPIQUE-ÉCONOMIQUE BT DU
.. 1
CONCEPT DB PULSION 1
!
1 J
On peut prendre pour guide, au début de cet, !tinérai.re, l'article 1
de 1912 Quelques observations sur le concept d tnconsczent en psy- •
(

chanalys~ •, et les deux premiers chapitres du grand Essa1 de !•


1915 sur l'Inconscient. . 1
Ils sont intéressants d'abord pour ce qu'on pourrait ~ppeler (

rapologétique freudienne : ils s'efforcent ~e rendre plau~lb}e le (


concept d'inconscient, l'un pour un pubhc de non-spécrahstes, (
l'autre pour un public sci~ntifiq~e (l'un ~t l'autre renon~ent à (

convaincre les philosophes mfectes du préjugé de la consc1ence 1) (


Mais, surtout, la topique y apparaît comme le résultat d'un renver- é
sement de point de vue, d'une anti-phénoménologie, déjà opérée )
~
sans être réfléchie dans le travail de l'interprétation. C'est ce ren-
versement que nous allons thématiser sous la conduite de Freud. 'c
Le mouvement de pensée conduit d'un concept descriptif, où l
l'inconscient est encore adjectif, à un concept systématique, où il l
est devenu substantif; la perte de son sens descriptif est marquée }
par le sigle Ubw que nous transcrivons en les. Accéder au point r
de vue topique, c'est passer de l'inconscient adjectif à l'inconscient a
substantif, de la qualité inconsciente au système inconscient. a
Il s'a~it d?n~ . d'une réduct!on, d'une epochè retournée, puisque 1
ce qur. est mrtral~ment le mieux connu, le conscient, est suspendu t
e~ devrent le moms connu. Au départ, en effet, la qualité incons- c
Ciente est encor~ comprise par rapport à la conscience : elle désigne ((

seulement l'attnbut de ce qui a disparu, mais peut apparaître à d


nouveau; le non-su est bien du côté de l'inconscient· nous admet- v
tons ce der!lier et le ~econstruisons à partir d'indices t~us empruntés
à la conscr~nce, pur~que. c'est d'elle que le souvenir disparaît et
en elle qu d reparait; bten que nous ne sachions pas comment
4· Publi~ d'abord en anglais dans les Proc. of tlut Soc. for Psychic. Research,
s
1
1912, nP:n r
1913, 1. 66, vol. 26, puis en allemand dans l'lntem. Ztschft j. Psychoanalyse, 1,••

1


t
••

.• PULSION ET REPRÉSENTATION

une telle représentation inconsciente peut persister et demeurer


' dans cet état d'existence non perçue, c'est néanmoins par rapport
à la conscience que nous définissons ce premier concept d'incons-
cient comme état de latence 6•
Le tournant du point de vue descriptif au point de vue systé-
matique que requiert la psychanalyse est pris dès que l'on consi-
dère les attributs dynamiques de cet inconscient : les faits de sugges-
.. tion post-hypnotiques, la terrible puissance des thèmes hysté-
riques, la psychopathologie de la vie quotidienne, etc., contrai-
gnent à attribuer une efficacité à << ces pensées inconscientes fortes 8 ».
1
Mais l'expérience de la psychanalyse nous contraint à aller plus
loin et à former la notion de « pensées >> ( Gedanken) exclues de la
conscience par des forces qui en barrent l'accès; c'est ce schéma éner-
gétique qut motive le renversement : il y a d'abord la modalité
inconsciente (Freud parle désormais « d'actes psychiques incons-
cients»); puis le devenir conscient est une possibilité qui s'adjoint
ou non. La conscience n'est pas de droit mais advient à l'incons-
cient. La barre de la résistance impose de se représenter le devenir-

conscient comme un franchissement, une transgression; devenir-
conscient c'est pénétrer-dans... ; être inconscient, c'est être
éloigné du... conscient 1 • La représentation topique n'est pas loin;
) à son tour en effet, ce devenir-conscient a deux modalités; sui-
vant qu'il est possible et facile, on parlera seulement de précons-
cient; suivant qu'il est interdit, «coupé », on parlera d'inconscient.
• Nous avons ainsi trois instances : les, Pcs, Cs. On voit déjà com-
bien sont liées les considérations énergétiques et topiques : il
y a des lieux, parce qu'il y a des relations d'exclusion qui sont des
relations de force (résistance, défense, interdiction). Nous avons
ainsi rejoint le niveau du chapitre vu de l'Interprétation des Rêves,·
aussi bien est-ce le rêve qui fournit à Freud la preuve ultime de

l'inconscient : c'est le travail du rêve, son activité de « transposi-
tion » ou <<distorsion », qui nous contraignent d'attribuer à l'incons-
• cient non seulement une localité distincte, mais une légalité propre :
« Les lois de l'activité psychique inconsciente diffèrent notablement
de celles de l'activité psychique consciente 8 »; à son tour la décou-
verte de processus, de lois elles-mêmes inconscientes, nous invite

!
s. G. W. vm, p. 433; S. E. xn, p . a6a; t:r. fr., p. 1a. - G. W. x, p. a66;
S. E. XIV, p . 167; tr. fr., p. 94·
1 6. G. W . vm, p. 434-s; S. E. xn, p. 263; tr. fr., p. 17.
1· G. W. VUI, p. 434; S. E. Xli, p. 263; tr. fr., p. 15·16.
t 8. G. W. vm, p. 438; S. E. xu, p. a6s-6; tr. fr., p. aa-3•

r 123
l

'

ANALYTIQUE

1. ~ l'"dé d'appartenance à un même système >>, qui est le tlO!
" ,ormer I e « d l'" · t Ce point de top
véritable concept psychanalytique e .mconscien .
vue est entièrement non-phér~lOm.énologique!. ce. ne .so~t plus .des
des
éni es de la conscience qUI lUI servent d mdices, l mconsc1ent on
n'~plus du tout défini comme« latence» par rapport à une cc pré- sys

sence » à la conscience; a l'~pp~rten;nce à un système » permet tlql
ne
de poser l'inconscient pour lui-meme .
Le grand texte int~tulé ~'incons,ci~! (Das U1zhewusste) sup- rap

pose déjà atteint le ruveau mtermediaire, que nous avons appelé pot
tout à l'heure dynamique; l'inconscie~t, c'~t le mo.de d'être de ce plu
qui, ayant été refoulé, n'.e st pas ~upprtmé ~ anéanti. ~tr~ ~x~lu de
]
'
la conscience et devemr-consc1ent sont des lors deux VICISSitudes de'

corrélatives et inverses, qui s'inscrivent déjà dans une perspective
1
tan
qu'on peut dire topique, puisqu'une barre décide de l'exclusion qu<
de... ou de l'accès à... la conscience : c'est la barre qui fait la par
topique. C'est à ce niveau que la justification de l'inconscient 1
prend un caractère de nécessité scientifique : le texte de la cons- dyr
1 •
cience est un texte lacunaire, tronqué; admettre l'inconscient fiSC
équivaut à un travail d'interpolation qui introduit sens et cohé- est
rence dans le texte 10• Nécessaire, l'hypothèse est en outre légi- dar

time, puisqu'elle ne diffère pas foncièrement de la reconstruction tJOJ
que nous faisons de la conscience d'autrui à partir de son compor- dar
tement, quoique ce ne soit pas une seconde conscience que nous LoJ
d~duiso~. en psyc~analyse, mais ~ien un psychisme sans cons- mê·
CI~nce~4L 1dée sous-J.~cente à. cette discussion est que la conscience, avo
lom d .e~re la premiere certitude, est une perception, qui appelle le 1
une, ~nt1que semblable à celle que Kant applique à la perception ne
exteneure. En .appelant la conscience une perception, Freud la lisa
rend problématique, en même temps qu'il prépare son futur trai- mo
tement.comme. phénomène « superficiel ». A la limite, être conscient pas
et être l~consctent sont des car~ctères seco~daires : seules comptent me:
..
les relattons que les ac~es psychtques entretiennent avec les pulsions abs
et leurs buts, en fonction de leur connexité et de leur appartenance ana
., au syst~~ psychique auquel ils se subordonnent. • meJ
A vra1 d1re, Freud ne réalisera ce vœu de faire entièrement abstrac- dan
mu
9· • Faute d'un terme meilleu t · é · · sen
cient •le système ui ae rév . r e moma q~tv?q~e, !lous appel.ons • l'mcons-
qui le composentqsont inc!le a.nous par le tratt dastmctt~ que les dtvers processus
lettres • les • abré . . dnsctents. je prop?se de déstgncr cc système par les t 1
plus import~t du vtteartmtoen 1 u mot. • Inconsctcnt •. Tel est le troisième sens, le 1 ·~
nconacaent •. G ' W • VIII • p . 439,• S · E · Xli, p. 2 66 ·• auas
tr. fr., p. 24. • 1
· •~
1
••
10. G. W. x, p. a6s; S.E. Xlv, p. 166-7; tr. fr., p. 92·3· i• 14
1
••

1
•1

l•
,

PULSION ET REPRÉSENTATION

tion des caractères conscient et inconscient que dans la seconde


topique dont nous parlerons plus loin; en dépit du double sens,
descriptif et systématique, des mots conscient et inconscient,
on gardera ces termes dans la première topique, pour désigner les
systèmes eux-mêmes et l'on se bornera à désigner le sens systéma-
tique par les abréviations les, Pcs, Cs. Il est remarquable que Freud

ne donne qu'une seule raison en faveur d'un vocabulaire qui
rappelle encore la conscience : à savoir que celle-ci u constitue le

point de départ de .toutes nos recherches 11 >>. Nous reviendrons
plus loin sur cet aveu.

Du moins la conscience est-elle devenue le moins connu, puisque
devenir-conscient, c'est devenir objet de perception sous cer-
1
taines conditions. La question de la conscience est devenue la
question du devenir-conscient et celle-ci coïncide pour une grande
part avec la suppression des résistances.
Pour rendre sensible ce passage d'un point de vue simplement
dynamique à un point de vue topique, Freud accepte de courir les
1
risques d'une question en apparence absurde: si devenir-conscient
est une u transposition » ( Umsetzung) du système inconscient
dans le système conscient, on peut se demander si cette transposi-
tion n'équivaut pas à une seconde inscription (Niederschrift)
dans une nouvelle localité psychique (in einer neuen psyschichen
Loka/itiit 12}, ou s'il s'agit d'un changement d'état concernant les
mêmes matériaux et dans la même localité. Question abstruse,
avoue Freud, mais qu'il faut poser si l'on veut prendre au sérieux
le point de vue topique 13• La question n'est sérieuse que si l'on
ne confond pas cette localité (Lokalitiit) psychique avec les loca-
lisations (Ortlichkeiten) anatomiques 14• Et Freud propose, au
moins provisoirement, d'assumer l'hypothèse naïve, grossière, du
passage d'un lieu dans un autre et d'une double inscription de la
même représentation en deux endroits différents. Pourquoi cette
absurdité? Il est remarquable que Freud invoque ici la pratique
analytique, comme si l'explication la plus naïve, la plus grossière-
ment naturaliste, était la plus fidèle à ce qui se passe effectivement
dans l'interprétation. Supposons, dit-il, un malade auquel on com-
munique ( mitteilt) le sens de son trouble en lui nommant la repré-
sentation jadis refoulée par lui : - il n'est pas soulage!, ni guéri,
11. G. W. x, p. 271: S. E. XIV, p. 172: tr. fr., p. 10...
12. G. W. x, p. 273; S. E. XIV, p. 174-; tr. fr., p. 107. On pourrait traduire
1 aussi par : un second • enregistrement •·
1
•• IJ. Ibid.
t 1... G, W. x, p. 273; S. E. XJV, p. 175; tr. fr., p. 108.
1

' 125
t1

l•
1



ANALYTIQUE 1

dans
parce qu'il reste séparé de cette repr~entation par ses rési~tanc~,
qui d'ailleurs la lu! ~ont à no~veau reJeter. Ell~ est d?r:c mscnte systc:•
'•
à la fois dans la reg10n consciente des souvemrs ~ud1t1fs et dans 1
plus
l'inconscient où elle reste enfermée tant que les réststances ne sont
1
Cett1
pas dissout~. La u double inscription ,, est dor:c la mani,ère pr?vi- (défi:
soire de noter la différence de statut de la meme representation, hypc
à la surface du conscient et dans la profondeur du refoulé. On •
retro
verra plus loin comment et pourquoi cette théorie de la double 1

au tot
' laque
inscription pourra être dépassée.
Nous venons de motiver le renversement de point de vue qui déph
conduit d'un concept simplement descriptif de latence au concept sur 1:
systématique de système topique; il faut maintenant réaliser ce de la
renversement de point de vue. Alors que /'epoclzè husserlicnne l'Esqi
était une réduction à la conscience, l'epochè freudienne s'annonce Av
comme réduction de la conscience; c'est pourquoi nous parlons
1
nom1•
• •
ici d'epochè retournée 16• Or le retournement n'est achevé que pomt
lorsque nous posons la pulsion (Trieb) comme concept fondamental duc<

(Grundbegriff) dont tout le reste est compris comme le destin \ tOUJO

(Sclzicksal). J'essaierai de faire comprendre cette substitution Sion<
en c?ntinuant de dé~ager les, caractères anti-phénoménologiques l'obje
de 1approche fre~dtenne. L epoclzè retournée implique, d'une 1 « L'o
p~, q~e nous cessao.n s de prendre pour guide« l'objet n, au sens de la pu.
V1s-à-v1s d.e la cons~1ence, et que nous lui substituions les u buts »

factet
d~ la puls1o!l, - d autre part q~e nou~ cessions de prendre pour ne s''
pole le. « SUJ~t », a~ sens de celUl à qu1 ou pour qui les ex objets » satisf:
apparatssent, bre~ 1l f~ut renoncer à la problématique sujet-objet '
stand
en tant que problematique de conscience 10 ' bute·'
L'abandon de« Pobjet »comme guide p~ychologique est opéré Trois
rar Freud d~ns l'article intitulé Les Pulsions et leu~s Destins C'e
S equel ~héématJse les conquêtes antérieures des Trois Essais sur 1~
1
exua tt . 17. 1
de mét
En posant la pulsion comme concept fondamental, chargé comme rappon
psycho
15. C'est seulement en prem'è . . , nature ;
de la conscience caractéristi redap~roxnnatton qu on peut opposer l'epoclù
1
18, (
husserlienne; no~ pousseronqub e a psychan~lyse freudienne, ~ l'epoch~
Dialectique, chap. 1• Une diffé;e eaurups:lus lom la confrontation dans la • 19. 1
16. C'est à dessein que j'em 1~c~ Pus e scr~ alors découverte.

ac. j
qui rappellent le vocabulaire pdotel cs ~ots : • gutde de l'objet •, • pôle du sujet '• tT. fr., 1
21 . 1
qui est ainsi ruinée serait seuleme ta P noménol~gie. Mais ln phénoménologie
l'objet comme vis-à-vis de co e~ une psychologte de conscience; il faut perdre aa. 1
ZJ . 1
pour reconquértr 'd et le sui~c t 1ut-meme
. l'objet commnsctence · A •
comme consctcnce, sexuel l'
réflexif et méditant. Noua e gut~ transcendantal ct le sujet comme le • Je • •
1
Diakctique, chap. 11,' repren ona ayatématiquement c:e thème dana la tr. fr. ~
déviatio


126 l1
l
• 1
1
....
~.\_.-... -
1

• PULSION ET REPRÉSENTATION
1

dans les sciences expérimentales de procurer un enchaînement ••


systématique aux faits empiriques, Freud est conscient de n'être
1,
plus sur le terrain descriptif, mais bien sur celui de la systématique 17•
Cette systématisation implique non seulement des conventions
(définitions de l'excitant, du besoin et de la satisfaction), mais des
hypothèses ( Voraussetzungen), au premier rang desquelles nous
retrouvons l'hypothèse de constance, c'est-à-dire « la régulation
,

automatique par les sensations de la série plaisir-déplaisir 18 »;

' laquelle suppose la correspondance entre les qualités de plaisir-
• déplaisir et les « grandeurs d'excitant ( Reizgrossen) qui agissent
1
sur la vie psychique 19 ». Nous sommes donc sur le terrain connu
t
• de la théorie quantitative et ne l'avons aucunement quitté depuis
l'Esquisse.
Avec la pulsion, nous imposons à la topique de se muer en éco-
1
nomique : « Toute pulsion est une fraction d'activité 20• » Or le
point de vue économique s'exprime d'abord par la prévalence
du concept de but sur celui d'objet : « Le but d'une pulsion, c'est
1 toujours la satisfaction qui ne peut être atteinte que par suppres-
sion de l'état d'excitation dans la source pulsionnelle 21 >>; désormais
l'objet est défini en fonction du but et non réciproquement :
« L'objet de la pulsion est ce en quoi, ou par le moyen de quoi
la pulsion peut atteindre son but. Par rapport à la pulsion, c'est le
facteur le plus variable qui ne lui est pas primitivement lié et qui
ne s'y rattache qu'en vertu de son aptitude à rendre possible la
satisfaction 22 »; comme tel, ce peut être un objet du monde ( Gegen-
j stand) ou une partie du corps propre. C'est cette dialectique du
1
but et de l'objet que Freud avait découverte et explicitée dans les
Trois Essais sur la Sexualité 23•
C'est à partir de cette problématique nouvelle du but et de
17. C'est à cette occasion que Freud écrit un de ses plus importants textes
de méthodologie : G. W. x, p. 210-1; S . E. Xtv, p. 117-8; tr. fr., p. 25-6; les
rapports entre définition, concepts fondamentaux, convention et expérience en
psychologie sont construits sur le modèle des sciences expérimentales de la
nature; cf. ci-dessous Dialectique, chap. J.
18. G. W. x, p. 214; S. E. XIV, p. 120; tr. fr., p. 32.
19. Ibid. 1
.' 20. J edcr Trieb ist ein Stfkk A.ktivilâl, G. W. X, p. 214; S. E. XIV, p. 122; •
1 tr. fr., p. 34·
l 21. Ibid.
a:t. Ibid.
2J. « Appelons objet sexuel la personne d'oi'l procMe l'attrait sexuel et but
sexuel l'acte auquel pousse la pulsion •, G. W. v, p. 34; S. E. vu, p. lJS·lJ6:
tr. ~r. Trois Essais.•. , p . 20. La distinction entre d~viationa • quant l l'objet • ct
dévaationa c qu11nt au but • commande le Premier Eaaai.

127
!
l
1
1 •
1
••

.1••
.. ANALYTIQUB 1•

l'objet qu'il y a des cr destins de pulsion ». L'~tude. des sour~es éno



.


(Quelle) de l'excitation étant du ressort de la btologre! la pulston •
le 1
ne nous est connue que dans ses buts.: eux s~uls rel~vent de la •
con
psychologie. C'est une autre façon de dtre que 1appareil. que nous •
1 plat
considérons est un appareil psychique et qu~ la regulat10n. pa~ le .'• deSI

plaisir-déplaisir est d'ordre psych.ologique, bten que quant1tat1v~. r•

en c
Dans Les Pulsions et leurs Destms, Freud donne une ~e syste- •
. de

matique, quoique volontairement limitée, de ces « destms. ,, ;, en •
rn1q
effet il faut se donner encore une hypothèse préalable : la dtstmc- 1\
tion ~ntre pulsions du moi (ou de conservation) et pulsions sexuelles. .
1
cho
Mais cette hypothèse n'est pas sur le même p}a~ que l'hyp?t~èse. de '• l'au
constance : celle-ci était une hypothèse generale; la drstmct10n 1 aus~
des deux sortes de pulsion est une hypothèse de travail qui sera
précisément remise sur le chantier ultérieurement; elle correspond
l
1
rem
cone
en gros à la distinction des biologistes entre soma et germen et 1
•• La
se révèle être un bon outil pour la pratique psychanalytique, puisque 1
1
i
mtq•

c'est la clinique qui a permis d'isoler les pulsions sexuelles des •1


• « l'o
autres. Or c'est avec elles que le primat du but sur l'objet est le 1 mas
plus manifeste : Freud les dit mutuellement vicariantes ( vika- •••
• Pari
rierende 24) en ceci qu'elles peuvent aisément échanger leurs objets. j

tout
C'est sous la réserve de cette limitation aux pulsions sexuelles !1
i
dé fil
que le tableau des destins de pulsion peut être considéré comme •
le n

systématique; en effet le refoulement, seul considéré dans l'Inter- non
prétation des Rêves, se trouve maintenant intercalé entre, d'une 1
et de
part, le renversement (Verkelzrung) des pulsions en leur contraire, 1
des
et le retournement (Wendung) contre la propre personne - et, actif
d'aut.re ~?art;, la sublimatio~. ,(De celle-ci il ne sera pas traité dans l'aut
cet Essax ou seuls sont trattes le retournement et le renversement·
un E~sai distinct est consacré au refoulement.) , écha
Or 11 est remarquable que ce ne soit pas en termes d'objet visé que il re
r~to~rne~~nt e! renv~rsc~cnt P.euvcnt être compris; au contraire
1
ru•mc
1 ~bjet vrse va e~re lu1-meme remterprété en termes économiques. narc
C ~t le b!lt qut ~hange, lorsque le renversement se fait du rôle 1
i•
c
a~f .au role passrf, dans la paire contrastée voyeurisme-exhibi- ter 1
ttonmsme! par contre c'est l'objet seul qui change mais par rapport suce
à un. but mchangé - faire souffrir - , lorsque ' le renversement la pt

se far~du contenu autre au contenu moi-même (inhaltliche Verkeh- ..' rieUl
rung ), dans le couple sadisme-masochisme. Mais on peut aussi '• de J',
l
der-
24. G. W. x, p. 219; S. E. XIV, p. 126; tr. fr., p. 42•
oCJ2i.~e~d ~~ :::~~;es;e:~ Xl~, fi··~~6;Jr.
economique du Masoch' 1
(on r)
fr., p. 43·Le texte date d'une époque
G eWe masochisme primitif; cf. le Prublèttu
17o; 1
aml4 1924 • • • xm, p. 371-a3: s. E. xrx, p. 159- loin, 1

a6.

1
128

'

__.....___
1

. ·---····- -

•••
.•
(
1 PULSION ET REPRÉSENTATION
1 •

énoncer le « renversement » en tet mes de cr retournement », puisque


le masochisme peut être considéré comme un sadisme tourné
contre le propre moi et que l'exhibitionnisme retourne la contem-


1 plation vers le corps propre. L'étude particulière de ces divers
.'• destins ne nous intéresse pas ici, mais le principe structural mis
•• en œuvre. Le point le plus remarquable à cet égard est la refonte
1

. de la notion même d'objet, en fonction des répartitions écono-

1
• miques de la libido•
. Mais cette refonte économique de là notion d'objet entraîne par
'' choc en retour celle de sujet. L'échange des rôles entre le moi et
(
• l'autre, non seulement dans la paire sadisme-masochisme, mais
1 aussi dans la paire voyeurisme-exhibitionnisme, force déjà à
1 remettre en question globalement toutes les soi-disant évidences
1

! concernant le rapport entre un pôle sujet et son vis-à-vis objectif.


1 La distribution sujet-objet est elle-même une distribution écono-
1

! mique. C'est pourquoi Freud n'hésite pas à parler de retour à


l «l'objet narcissique 26 »dans le cas du retournement du sadisme au

1 masochisme, comme contrepartie de la permutation des sujets.
:
.• Parler d'objet narcissique, à propos du narcissisme primaire et de

i
1
tout retour au narcissisme, c'est tout simplement appliquer la
1
1 définition de l'objet comme moyen du but pulsionnel. A cet égard

le narcissisme rentre dans une vaste économique où s'échangent
1 non seulement des objets mais les positions respectives du sujet
1 et de l'objet. Non seulement le ceci et le cela s'échangent, en fonction
des mêmes buts, mais le moi et l'autre, dans le passage du rôle
actif au rôle passif, du regarder à l'être regardé, du faire souffrir
l'autre au faire souffrir soi. Par rapport à ces permutations, à ces
~changes économiques, le narcissisme sert de repère primordial :
1
il. représente la confusion originaire entre aimer-quelque chose et
2lmer-soi. Pour la désigner, Freud parle équivalemment d'objet
narcissique ou de moi investi.
1 C'est cette structure de permutation qui permet à Freud d'adop-
1
., ter une expression empruntée à Ferenczi et promise à un grand
succès, et aussi à de grands abus, celle d'introjection, à quoi s'oppose
1~ projection. Si on admet un stade narcissique, où le monde exté- ·
r1eur est indifférent et le sujet seul source de plaisir, le départage
••• de l'extérieur et de l'intérieur, du monde et du moi, est un processus
1
de répartition économique entre ce que le moi peut s'incorporer

1oan, hv.fr.,
1
~0 : t~. in Rev. fr. de Psychan. n, :a, 19a8, p. 212-a:a3. On y reviendra plus
Il, mo partie, chap. r.


a6. G. W. x, p. aa 4 : s. E. xrv, p. 13a; tr. fr., p. sa •

129
••
1

_....__ ~
1

ANALYTIQUE
0
--
1
1

à lui-même et traiter comme le trésor du « moi (d.e) plaisir» (Lust- psy



Ich 21) et ce qu'il rejette comme source de ,dép!a!str, comme m~sse
0

1 Jam

hostile. Ce départage de l'intérieur et de 1ex~erteur, selo.n la hgne mn
de l'amour (si on entend par amour ~a relauon du mot avec les dés
sources du plaisir) est e~ outre comhp~tqué p,ar un autre pr~cessus obj.
de répartition selon la hgne de ,la . ~ne : 1 ~our ~ ~n e et un aux
, second contraire 28 »:outre le deplatstr, contratre de 1 atmable pour réal
le moi de plaisir, il y a tout ce qui est haïssable au ,reg~rd. des p~l­ libi
sions de conservation. Ce que nous appelons d ordmatre obJet tas1
-objet aimable objet haïssable - n'est rien moins que donné; les

c'est le résultat' d'une double série de scissions entre l'intérieur SUJf
et l'extérieur et nous pouvons parler, pour opposer ce résultat Da1
terminal au stade initial du narcissisme, de stade objectal 29• sen 0

On pourrait dire que ce qui est reconstruit économiquement 0


ma1
au tenne de ce processus, c'est précisément « l'objet » au sens 1 thé•
phénoménologique; à la fin de l'Essai sur les Pulsz'ons et leurs 1
pot
. Destins, Freud rejoint le langage ordinaire : nous parlons de l'objet à r:
qui attire; nous déclarons que nous aimons cet objet; nous disons • cell
1
que c'est nous- moi entier face à l'objet-, qui aimons, mais nous J pul
ne disons pas que la pulsion hait ou aime; l'usage linguistique, qui '•
0
les
fait de l'objet le régime des verbes aimer et haïr, n'est justifié '
1
de v
qu'au terme d'une genèse de la fonction objectale, à une époque sor:
du désir où l'amour et la haine ont, si l'on peut dire, constitué SOI"1
leurs objets contraires et constitué leur sujet. L'histoire de l'objet, (
c'est l'histoire de la fonction objectale, et cette histoire est l'his- théo
toire même du désir. Ce n'est pas cette histoire qui nous intéresse nar
ici - la fameuse théorie des stades 30 - mais sa signification de
~éthodologiq~e; l'objet, chez Freud, n'est pas le vis-à-vis immé- sel<
da.at d'un mot doté de conscience immédiate· il est une variable con
dans une fonction économique. ' ' phr
Cette P~~utati?n éc~nomique entre le moi et les objets doit 1 fén
ê~re poussee JUsqu a~ pomt où non seulement l'objet est une fonc- forJ
tton. du but de pulsaon, mais où le moi lui-même est un but de
81
pulston • C'est ce que signifie l'introduction du narcissisme dans la 1
aupt
&VOJ
dam
z7. G. W. x, p. za8; S. E. XIV p lJ6· tr fir P 59 la cr
z8. Jbid. ' ' ' ' ·• • •
3:
29. G . W. X, p. 2:19; S.E. XlV, p. 137' tr. fr. p . 6o l
0

8Bit
p. Freud
fr.,JO. , a donné une w e d' ensem
_ en ' bie dans
' les 'Nouvelles Confbencu, tr. l nouo
134 140 1
31. Zur Einfahrung du Nar•us G w les 1
P' 3
o-s • S E XlV P
9' • •
mw, tt. • S ·x, P· IJ8·I?o; tr. angl. Coll. Papers IV,
• • 73 - 102· ; tr• ,r· oc Fr de Psu h
l l'ho1
Pour une pruloaoplùe de la réftexion l'' t od. : d ,c a'~a1~se, 1957, p. l·J4,• une
• m r uctton u narcasaasme aera l'épreuve a'il

130

r
1
• t

1 •
1
-- PULSION ET REPRÉSENTATION

psychanalyse. Certes, ce narciss~sme primaire, je n~ le conn~s


jamais face à face : c'est pourquot, dans ~~rJntrodutre le J:la:cu·
sisme, Freud procède par convergence d mdtces : le narctsstsme
désigne d'abord une perversion, le corps propre est traité comme
objet d'amour; où le narcissisme est ensuite un complément libidinal
aux pulsions de conservation du moi; ajoutons: le désintérêt pour la
réalité chez le schizophrène, comme si celui-ci avait retiré sa
libido des objets, sans la réinvestir même dans des objets fan-
tasmatiques; la surestimation de la puissance de la pensée chez
les primitifs et les enfants. Il y a encore le repliement sur soi du
sujet souffrant et de l'hypocondriaque; enfin l'égoïsme du sommeil.
Dans tous ces cas, nous ne connaissons que des retraits d'investis-
sement; mais, en les concevant comme retour au narcissisme pri-
maire, comme narcissisme secondaire, nous illtroduisons dans la
théorie une nouvelle intelligibilité qui couronne la conquête du
point de vue topique-économique. Cette introduction équivaut
à radicaliser la notion même de pulsion, puisqu'il faut concevoir
1

celle-ci plus primitivement que toute relation sujet-objet; la
1 pulsion devient la réserve énergétique qui demeure à travers toutes ••
1
1

•• les distributions d'énergie entre le moi et les objets; le choix d'objet


devient lui-même un concept corrélatif du narcissisme, comme une
sortie hors du narcissisme; de ce point de vue, il n'y a que des
1 sorties du - et des retours au - narcissisme. 1
On en verra le moment venu une application considérable dans la
théorie de l'identification et de la sublimation. L'article sur le
narcissisme est à cet égard étonnamment en avance sur les écrits
de la période 1920-1924 et annonce la réorganisation de la topique
selon une nouvelle séquence : moi-ça-surmoi. En effet, après avoir
considéré quelques autres applications (mécanisme de la para-
' phrénie, choix d'objet narcissique, surestimation de l'objet sexuel,
1 féminité), Freud introduit l'idée considérable selon laquelle Ja
formation des idéaux procède par déplacement du narcissisme 3a.

• aupr~me : iJ faudra renoncer au sujet tel qu'il s'aperçoit inunc!diatement : un cogito


avorté a pris la place de la première vérité: je pense, je suis. Avec Je point extr~mc
dans Ja réduction de toute phénoménologie est aussi atteint le point extrême dana
1
, la crise du cogito. Cf. ci-dessous Dialectique, chap. u.
't 32. • C'est à ce moi idéal que s'adresse maintenant l'amour de soi dont jouis-
• sait dans J'enfance Je moi effectif. Il apparaît que le narcissisme est déplacé sur ce
1 nouveau moi idéal qui sc trouve, comme Je moi infantile, en possession de toutes
1 les perfections. Comme c'est chaque fois Je cas dans le domaine de la libido,
1 l'homme s'est ici m ontré incapable de renoncer à lo satisfaction d ont il a j oui
une fois. Il ne veut pu se passer de la perfection narcissique de son enfance·
a'il n'a pas pu la retenir, car pendant aon d6veloppement, les avertiasemen~

l 131
.
r
1

t
-- --··---·- --

,.
····-

PULSION BT REPRÉSENTATION
'!
1
introduisant également le masochisme comme phénomène pri-
maire; la sublimation serait, par contre, une sorte de conversion
douce... Si nous le comprenions, nous comprendrions qu'elle est
'( bien un autre destin que le refoulement : « La sublimation repré-
sente l'issue qui permet de satisfaire à ces exigences du moi sans

! amener le refoulement 35• »

Mais tout cela ne prendra sens que dans le passage de la première
à la deuxième topique et par l'introduction, déjà proposée dans Pour
Introduire le Nardssisme, d' << une instance psychique particulière».
Ce sera le surmoi. Il faut même dire plus : avec la question du

surmoi, c'est la question du moi qui est posée et cette question ne
coïncide déjà plus exactement avec celle de la conscience, seule ..!
1
r thématisée dans une topique d'abord soucieuse d'affranchir la !
.1
'.
1.
position de l'inconscient par rapport aux évidences de la cons-

'1
Clence.
Nous pouvons pousser un peu plus loin l'investigation des
rapports entre narcissisme et libido d'objet, sans trop anticiper

1
sur la seconde topique et sur les problèmes nouveaux qu'elle sou-
lève, en évoquant un dernier exemple, le plus saisissant peut-être,
l'exemple du travail du deuil, auquel Freud a consacré un de ses
admirables petits Essais : Deuil et Mélancolie 38• Le deuil est
• '
1
un travail : « Le deuil est toujours la réaction à la perte d'une per-
sonne aimée, ou d'une abstraction qui a été poussée à sa place,
telle que patrie, liberté, idéal, etc. 37• >> Le travail absorbant du
deuil, l'abandon exclusif à ce travail, dont quelques signes sont
bien connus - la perte d'intérêt pour le monde extérieur, le recul
devant toute activité non en rapport avec Je souvenir de l'être
1 disparu - posent un énorme problème, qui n'est rien moins que
'' •
celui de l'économie de la souffrance (Sclzmerz) (laquelle, soit dit
en passant, est bien autre chose que le déplaisir du couple Lust-
Unlrut). C'est cette économie de la souffrance qui nous conduit au
' cœur des rapports entre narcissisme et libido d'objet. L'épreuve
de la réalité, en effet, a montré que J'objet aimé a cessé d'exister •

.1

et la libido a dû renoncer à tous les liens tissés entre elle et J'objet
disparu; la libido se révolte; et ce n'est que peu à peu et à grands
frais d'.énergie d'investissement qu'elle exécute, en détail et sur
chacun des souvenirs de l'objet perdu, l'ordre donné par la réalité.
•.'
35· G. W. x, p. r6z; S. E. xrv, p. 95; tr. fr., p. 35.

36. Trarur u11d M··lancllolie. G. W. x. p . ..p8-.uo; S. E. XlV, p. 3..p-as8; tr. &.,
Mltapsycl1o/ogie1 p . 189-U.
.1 W. 31· G. W. x, p. 438-9; S. E. XlV, p. 3•ll: tt. fr., p. 189•

XJJ
••
J

ANALYTIQUE

C'est ce travail qui absorbe le m?i. et _l'inhibe; quand il c;st tef!lliné


le moi est à nouveau libre et desmh1bé. Or le mélancolique aJoute
à ces traits quelque chose de décisif. : l'abaisse~~nt du . se~­
timent de soi (Selbstgefühl 38), à c~t abaissement se JOtnt une Jmp!-
toyable critique de soi-même qm .nous am~ne une nouvelle fo~
au seuil problématique du surmoi : cette mstance (Instanz) qm
observe et critique est en. effet !e fonde~ent ~e la consctence
morale (Gewissen 39). Ce qut nous unporte tct ce n est pas la st~c­
ture de cette instance, mais que le moi prenn~ 1~ .place de l'objet
d'amour contre lequel les reproches ~taie~t prtmttiveme~t tournés
(lhre Klagen sind Anklagen). Que s est-il passé? Au heu de se
déplacer sur un autre objet, la libido s'est retirée dans le moi et là
elle s'est employée à identifier le moi avec l'objet abandonné, pour
porter contre ce moi les coups destinés à l'autre: c'est le moi qui
est perdu et c'est lui qui est maltraité.
Nous avons ainsi fait paraître quelque chose de nouveau que
Freud appelle identification narcissique avec l'objet, à savoir ce
remplacement de l'amour objectal par l'identification 40• L'iden-
tification comme telle posera plus tard de graves problèmes :
elle nous sert ici d'indice pour découvrir un rapport plus dissi-
mulé entre choix objectal et narcissisme. Pour que ce processus •
soit possibl~, il faut en effet: 1o que le choix objectal puisse régresser,
dans certames. con~~tio!l.8, au narcissisme primitif; pour cela il
f~ut, s~mble-~-tl,. qu .•1 ait eu un fondement narcissique; c'est cette
regresston qUt_fa1t defaut au deuil; zo il faut aussi que les relations
amoureuses a1ent. comporté une grande ambivalence pour que la
composante de hame, en quelque sorte libérée par la perte de l'objet

. 38. iette expression se rencontre aussi l la fin de Pour Introduire k Narcù-


sumc, ans le cadre de la discussion des théories d'Adler. G. W. x, p. x66-170;
S. E. XIV, p . 98-ro:t; tr. fr., p. 29 _34-
39· c ~vec la censure du conscient et !'~preuve de la r~ali~ nous rangerons
Ja consctence morale parmi 1
quelque P rt • d es grand es ·mstttuttons
. . du moa. et ' nous trouverons
par la mal:diea~G ,:: ireuves dS c~ qu'elle peut en même temps être affectée
,.o. Dans c~ tex~e F' p . ,.33; . . XIV, p. 247 ; tr. fr.• p. 199·
idcnrification . ce pontreud .8 ufgère dun passage possible entre choix objectal et
G. w. x p ~ . S E seratt e sta e oral, du temps où aimer c'était dévorer.
36
d'objet a'u ~tade ·na;cis..xlv, p. 2 .49-so; tr. fr., p. 204. La régression du choix
orale de la libido . ccl:·~~edse~a·~ .alors relayée par la régression vers la phase
encore au narcissi~me JI es~ àraat •rd~ue ~a phase orale elle-même appartient Arr'
rimé ses explications de l'ide try~ter. . mamt~nant q~e Freud n'a jamais sures- libido
la chair pour la psychanalys~ 'ccatl~n, cellc-c1 est véritablement l'écharde dant
accorde que l'économie du de~il l~i ~c'h! paa
p. 245, 252, 255, tr. fr., p. 193 , 210,
G hasard si, par trois fois, Freud
.PPC. ·W. :r, p. •UO, 439, 142; S.E. XIV,
41. (
~. (
215 43· (
1

IJ4
..
.:~J·11U- I"a.-Pm1Uft
.ft..
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_,.S _.ol..,.--.
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__________________ . ........ ,
.. ,} ·-,=·-··---.. .- ·
- ----·
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•1

•1•
1

l'
1 PULSION ET REPRÉSENTATION
1
aimé puisse se réfugier dans i'identification narcissique et se tour- ••
t
ner ;n auto-reproche à la faveur de l'identification; il y a donc •
i
une seconde régression, un retour au stade sadique; cela aussi
' sera d'une grande importance pour le mécanisme de la conscience
morale, du remords et de l'auto-punition. ,.,.
Mais, dira-t-on, le deuil, précisément parce qu'il n'est pas la •
• 1
1•

mélancolie, ne présente pas cet ensemble de rapports au narcis-


sisme. Il n'en est rien : revenant au deuil, après le détour de la ~
mélancolie, Freud note : « Dans chacune des situations qui nous
rappellent l'objet ou qui le laissent espérer et qui montrent la
libido liée à l'objet perdu, la réalité prononce son verdict : elle
• nous dit que l'objet n'existe plus. Et le moi, pour ainsi dire obligé
de décider s'il veut ou non partager le sort de l'objet perdu, consi-
dérant l'ensemble des satisfactions narcissiques qu'il y a à rester
en vie, se détermine à rompre son lien avec l'objet anéanti ü ».
Trait cruel, mais pénétrant : le travail du deuil est un travail en
vue de survivre à l'objet; c'est l'attachement à soi-même qui mène
le jeu du détachement de l'objet. Mais ce n'est peut-être pas la
seule fonction du narcissisme dans le travail de deuil : une notation '
antérieure est restée inaperçue : l'ordre donné par la réalité, a-t-on
dit, ne se réalise que peu à peu et à grand frais de temps et
d'énergie d'investissement; or Freud ajoutait : « ••• cependant que
l'existence de l'objet perdu se poursuit psychiquement u ». Cette
intériorisation, cette instaliation en nous-mêmes de l'objet perdu
rapprochent à nouveau deuil et mélancolie; le lien du deuil au nar-
cissisme paraît alors moins monstrueux; ce n'est plus seulement
le sauve-qui-peut du survivant, mais la survie de l'autre en moi
que le narcissisme poursuit; et l'on peut dire avec Freud:« L'amour
en fuyant dans le moi a ainsi échappé à sa suppression 43• » En outre,

les reproches obsédants qu'on s'adresse à soi-même après un décès
attestent que le deuil présente aussi à quelque degré des caractères
d'ambivalence, entre amour et haine; d'où la régression de cette
libido ambivalente dans le moi sous forme d'auto-reproche. Si
bien que la régression de la libido au narcissisme se dresse, à la
fin de cet essai, comme la condition fondamentale commune au
deuil et à la mélancolie.

Arrêtons ici l'investigation des rapports et des échanges entre


libido d'objet et libido du moi. Nous avons seulement voulu montrer
~~. G. W. X, p. 442; S.E. XIV, p. 355; tr. fr., p. *1$. •
1

-+2· G. w. x, p. ~JO; s. E. XIV, p. 345; tr. Er., p. 193·


~3· G. W. X, p. 445; S. E. XIV, p. 257; tr. fr., p. 319.
:

IJS
. 4,., .....,1&'1
..... ...._.•• ..
-·~)i'iitoiltii~~~·····'J 1
QMrtï.e••·•• --·-f'- ---- . --·- ....._.___

ANALYTIQUE

que l'Ego de la psychanalyse. n'~t pas ce qu~ se ~ontre ~'abord ten


comme sujet dans une descnpt10n d~ consctence, la notion . de l'ar
a pulsion de moi n (lchtrieh), symétnque de ~elle de « pulston 1
• pla·
d'objet ,, (Objekttrieh), fait de la pulsion ~lle-m.eme une stz:ucture ((

antérieure à la relation phénoménale. sujet-objet. La !lot10n de sen


pulsion apparaît alors comme le qzud yers lequel pom~e to~te l'Je.
remontée au-delà du symptôme « consc!e?ce ». L~ p~ls10n .s est •
1 sys1
en effet affranchie non seulement de la reference à 1objet, mats de des·
la référence au s~jet, puisque le « moi » est lui-même passé de terr:
l'autre côté : dans la notion de lchtrieh, le lch n'est plus le « ce pnr•
qui n, mais le « ce que n; il se tro~ve rapport~ à la p~lsion comme tère

objet, au sens que nous avons dtt de fonctiOn vanable du but; 1
ct er
le moi est maintenant dans une position telle, par rapport à la cess ,..
pulsion, qu'il peut lui-même être échangé avec les objets, par substi- pre1
tution, par déplacement d'investissement. Pour emprunter un 1
loin
autre langage, que la querelle avec Adler contraint d'introduire ici, 1
ave<
le soi (Selhst) et le sentiment de soi (Selhstgefühl) (sentiment d'infé- nou
riorité, etc.) n'échappent aucunement à l'économie de la libido; • choi
,
le sentiment de soi rentre dans une « érotique n (Erotik) généralisée, erna
à la faveur de ces grandes redistributions des investissements heit
amoureux«. topi
Je pense qu'il faut avoir présente à l'esprit la double destruction
de l'objet visé, comme prétendu guide, et du sujet, comme pré- .
t~ndu pôle de référe!lce de toutes les visées de conscience, pour
~tcn entendre la ~optque. On pourrait dire que la topique est ce
heu !lon anatonuq~e, psychique, qu'il faut introduire dans la •
théone psych~nalyttque . comme la condition de possibilité de Il
tous les « destms de pulsrons »; c'est le marché des investissements page:,
où s'échangent pulsions du moi et pulsions d'objet. acce
u N:
Au term~ de cette epochè retournée, la conscience est mainte- une
nant le mmrui connu; ~Ile est ~cvenue pr~blème et non plus évi- une
~en.~e. c.e problème, c est celut du devemr-conscient : à son tour Et l
tl s mscnt dans la topique.
faire
Te! est, rn:
se~bl~-t-il, le sens du difficile chapitre v de l'Essai ''
poss
sur 1~nconsat;nt, tnt1tulé u Caractéristiques particulières du sys- E1
tè'"?e. mconsc1ent n, dont n?u~ avons ~journé l'examen; Freud le
préscn_te comme une dcscnptton, mats son sens est précisément 45·
conquiS contre toute description; c'est plutôt la transcription en 1 46.
47·
.s.
p. -n·. G. W. X, P· 167; S. E. XIV, p. 99; tr, fr. Pour Introduir• 1• Narciuilm4, l
1 49·
1
so.

.'
·-·.-

c PULSION ET RBP~BNTATION

termes descriptifs, quasi phénoménologiques, du résultat même de


l'anti-phénoménologie. C'est pourquoi je le présente ici à cette

1
place, comme résultat et non comme donnée :
« La distinction entre les deux systèmes psychiques prend un
sens nouveau quand nous observor.s que les processus de l'un,
l'les, ont des caractéristiques qui ne se retrouvent pas dans le
(
système immédiatement supérieur 45• » C'est en termes pseudo-
descriptifs que nous dirons de même : l'inconscient est hors le
temps; l'inconscient ignore la contradiction; l'inconscient suit le
principe de plaisir et non le principe de réalité, etc. Mais ces carac- •
tères ne sont aucunement descriptifs; en effet, u le caractère cons-
l
cient [le conscientiel] (Bewusstheit), le seul caractère des pro-
cessus psychiques qui nous soit donné immédiatement, ne se
prête nullement à une distinction entre les systèmes 48 ». Et plus
1
Join : (( II n'est même en rapport simple ni avec les systèmes, ni
1
avec le refoulement 47• >> D'où la conclusion : « Dans la mesure où
nous voulons nous frayer une voie vers une considération métapsy-
' chologique de la vie psychique, nous devrons apprendre à nous
émanciper de la signification du symptôme« conscientiel » (Bewusst-
heit 48) ». C'est cette émancipation que nous transcrivons dans la
topique. 1
1
1

2. PRÉSENTATION ET REPRÉSENTATION

'
Il nous faut maintenant refaire le trajet inverse; dès les premières
pages de l'Essai sur l'Inconscient, la question se pose : comment
accédons-nous à la connaissance de l'Inconscient? Et voici la réponse:
u Naturellement nous ne le connaissons qu'en tant que conscient,
une fois qu'il a été soumis à une transposition (Umset:.:ung) ou
une traduction ( Obersetzung) dans quelque chose de conscient''· »
Et Freud ajoute : « Le travail psychanalytique nous permet de
1 faire quotidiennement l'expérience que cette transposition est
possible 50• »
En quoi consiste une telle possibilité? C'est ici que nous accé-
45· G. W. X, p. 285, S. E. XIV, p. r86; tr. fr., p. 129.
46. G. w. x, p. 291i s.E. XIV, p. 192; tr. fr., p. 139·
47· Ibid.
1 48. Ibid.
c 49· G. W. X, p. 264; S. E. XIV, p. 166; tr. fr., p. 91-a,
so. Ibid. •
1
1
J37 1

1
ANALYTIQUE .•

dons à la problématique la plus difficile, cel1~-là même que d~sign~ .. cess·


le titre de ce chapitre : Pulsion et représenta/ton. I} Y. a un pomt .ou d'ur
la uestion de la force et la question du s~ns comczdent; ce .pomt rem·
estq ce1u1• ou' la pulsr'on se désigne elle-meme,
. ,se rend
• d · marufeste,
d enfii
se donne dans une présenta~on psychtque, c c:st-a- 1re ans un que
quelque chose psychique qui a vaut pour» la pulston; .t?us les affieu- repr
remen ts dans le Conscient ne sont que .des transpositions. . . de pcette gran
présentation psychique, de ce « val01r pour. » ortgmatre. our que

désigner ce point, Freud a forgé une express1?n exce}lente, celle setns
de Repriisentanz. Il y a quelq~e cho~e ~e psychtque,.qUI « présente Ct
la pulsion n en tant qu'énergie; mars d ne faut meme pas pa.r ler Fret
de a représentation », puisque ce que nous appelons represent~t!on, '

pern
c'est-à-dire l'idée de quelque chose, est déJà une forme denvée ense
de cet index qui avant de représenter quelque chose - monde, pout
corps propre, irréel, - annonce la pu~sion comr;te tell~, la présente puis:
purement et simpleme~t. Cette f~nct10n de pr~ent,atlOn est ~vo­ •
alfiSJ

quée, non seulement des la prerruère page, mais des la prem1è~e les I
ligne de l'Essai sur l'Inconsdent : cr La psychanalyse nous a appns en s•
que l'essentiel du processus du refoulement consiste non à sup- "
rnerr
primer, à détruire la représentation (Vorstellung) qui présente la réali-
pulsion (den Trieh repriisentierende Vorstellung) mais à la sous- d'act
traire au devenir-conscient 61, » pous
En quoi consiste cette fonction de présentation qui commande de c
'
non seulement la représentation mais, comme on le verra, également 1 non
l'affect?
des<
Si le pro~lème que nous abordons ici n'est pas nouveau quant de la
au fond 62, d l'est quant à la position. L'originalité de Freud est limit
de reporter dans l'inconscient même le point de coïncidence du (Rej.
se~ et de la f~rce. Il présuppose cette articulation même comme ce du Cl
qUI ~end poss1~le tout:s les a transpositions n et toutes les « tra- tère
du~t?ns » de 1mconsctent dans le conscient. En dépit de la barre où r
qUI separe les systèmes, il faut admettre entre eux une communauté co mi
de structur~ qui fait que le conscient et l'inconscient sont égale- l'exi~
ment psych1q~es. Cette ~?mmunaut~ de structure, c'est précisé- au p~
ment la fonctiOn ~e Repr.asentanz; c est elle qui permet « d'inter-
poler » les actes mconsc1ents dans le texte des actes conscients· 54-
c'est elle qui assure l'étroit u contact » (Berührung 68), . entre pro~ ss.
s6.
51. G.
2
W.· x,~· 264; S. E. XIV, p. 166; tr. fr., p. 92. 57·
min ole
ch5 • La discussion que nous ferons de ce concept freudien dana la Dialectiqu1, la mêr
~P· . n, r~v~lera •• paren~ avec dea concepta aemblablea chu Spinoza •t
Lelbntz. d'une
mes ur
53· G. w. x, p. 267; s. E. XIV• p . I68·• tr. ~-
u., p . .J..
~· •Par ,
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-·-··-----···--·~-----
...., .,__ - -


0 PULSION ET REPRÉSENTATION
• • • •
cessus psychiques consctents et mconsc1ents et permet, « au prlX
d'un certain travail, de transposer (umsetzen) ceux-ci et de les
remplacer (ersetzen 64) » par des processus conscients; c'est elle
enfin qui nous« autorise à les décrire à l'aide de toutes les catégories
que nous appliquons aux actes psychiques conscients, tels que
représentations, tendances, résolutions, etc. Oui, il faut le dire, un
grand nombre de ces états latents ne diffèrent des états conscients
que justement par le défaut de conscience (wegfall des Bewusst-
seins 65) ».
Cette fonction de Repriisentanz est certainement un postulat;
Freud n'en donne aucune preuve; il se la donne, comme ce qui
' permet de transcrire l'inconscient en conscient et de les tenir
ensemble pour des modalités psychiques comparables; c'est
pourquoi il inscrit cette fonction dans la définition même de la
pulsion. II dira un jour : u La doctrine de la pulsion est, pour 1
ainsi dire, notre mythologie 66• » Nous ne savons pas ce que sont 1
1
les pulsions dans leur dynamisme. Nous ne disons pas la pulsion •'
en soi; nous disons la pulsion dans sa présentation psychique; du
même coup, nous la disons comme réalité psychique et non comme
réalité biologique. Certes, nous avons pu l'appeler « une fraction
d'activité» : par là, nous l'avons désignée comme énergie, comme
1 poussée, comme tension, etc... Mais la qualification psychologique
de cette énergie fait partie de sa définition, en tant qu'elle est,
1 non pas même présentée par... , mais présentante de... à l'égard
des énergies organiques : « Si nous abandonnons le côté biologique
de la vie psychique, la « pulsion » nous apparaît comme un concept-
limite entre le psychique et le somatique : elle est la présentation
( Repriisentant) psychique des excitations émanées de l'intérieur
• du corps et parvenues au psychisme »; et, pour accentuer le carac-
tère mixte de ce concept, Freud lui applique la notion de travail,
où nous avons reconnu une expression privilégiée du langage
composite que requiert la psychanalyse : elle est << une mesure de •
l'exigence de travail (ein Mass der Arheitsanforderung) imposée
0
0

l
au psychique par suite de sa connexion avec le corporel 67 ». 11 ne 1
,
1

54- Ibid.
55· Ibid.
s6. Nouvtllet Con/bnrcet SUT la Ptychana/ys•. tr. fr.• p. fJO.
57· G. W. x, p. 214; S. Eoxrv, p. 121-2; tr. fr., p. 33. Dnns la discussion ter-
minologique qui suit, Freud reprend, à propos de chacun des termes connexes,
la meme réf~rence à la fonction indicative ou présentative. • Par po~e (Drang)
d'une pulsion on entend le facteur de motricit~. la somme énergétique ou la
mesure de l'exigence de travail que la pulsion pr~sente (reprdsentiert) •. ( Jbid.)
1
Par eoun:c (Quelle) de la pulsion, on entend le proccaaua aomatiquo dana un

IJ9

\
ANALYTIQUE

faut donc pas dire seulement que la pulsi?n s'exprime pa~ des repré- •
est e
sentations- c'est là un des aspects dénvés de la fonction présen- l'inc<

tative de la pulsion. Il fau.t dire plus radicalem~flt que la pulsion •
presc:
elle-même présente, expnme, le corps dans l ame, sur le plan non .
psychique (in die See/e). C'est un postulat, peut-être le plus fon- nom1
damental de la psychanalyse, celui qui la qualifie comme psycho- ultéri
analyse. On ne peut que le déployer dans toutes ses conséquences. M:
Tous les destins de pulsùm sont des destins des « présentations direc
psychiques » de pulsion; c'est évident dans les cas du a renverse- bien
ment » et du a retournement », seuls traités en détail dans l'Essai des e
consacré aux pulsions et à leurs destins : le renversement du à son

regarder au être-regardé, le retournement du faire-souffrir- gme;
l'autre au faire-souffrir-soi, s'expriment dans des représentations propr
et dans des affects qui présentent les déplacements purement secon
énergétiques dans un champ psychique où ils sont susceptibles gung),
d'être signifiés, reconnus, et ainsi, au prix d'un travail spécifique {repr(
de devenir conscients. ' 1
senta1l
. Le d~stin des u présentations psychiques ,, est beaucoup plus •1

mstru.c~af dans le .cas du refoul~ment ,qui constitue, on s'en souvient, s8. <
le tr01saèm~ desta~ de la p~ls10n. C est lui,. en effet, qui introduit •
du con
dans la prese.n~taon psych1que de la pulsion toute la complexité de Pett
observa.
que Fr~ud ~esagne par les mots « d'éloignement » (Entfernzmg) et les pré•
de cr dis~o!saon » (Entste/lung) (ce dernier terme ayant déjà servi le conc·
à ca~actens~r l'ensemble des procédés qui constituent le travail observa
du reye ). ~ est ~e ~efoule~ent, en effet, qui scinde la pulsion de la '. tations ,
conscaenc~, mais I!
ne s~mde pas pour autant la pulsion de sa
1
les struo
de cette
présentation psychique; tl ne saurait le faire, puisque la pulsion dans sc
' (Etudes

lllCOnSCJ
organe ou une partie du corps d t l' · · .
d · h' •. on excttatton est présentée (reprllsentrert) sie hystc
ans 1a VIe psyc lque par la pulston • G W x 1 S E dans l'i
p. 35-6). Ces textes refiè b' ·, : · • .P· 2 S; · . XIV, p. 122; tr. fr., ••
tantôt elle dési e ce . tent •en J ulttme équivoque du concept de pulsion : et refou
elle est elle-ml:e la .qur :St •
p~ésenté • (p~ l'affect et la représentation), tantôt

dire le r
mal connue L'éditeut~ setnta~lon • psychtque d'une énergie organique encore a d'autr·
us Pulsions. et leurs Des/ (s·EE. confronte, dans l'Introduction à l'Essai sur sion, la
paux sur ta question: Tr~"/s E;sa: XIV, p. 111 ·116), les textes freudiens princi- • laisse la
(1911}, Pour introduire le Narcissr~:~.. (Préface ~e 1914).; sect. nr du Cas Sclmber ment en
Au-deld du Principtt de Pl · . ( ') (l9!4), L 111conscarnt, Le Rtjoulemt•nt (1915), et cède t
Je suis bien d'accord av:~~~et
1920 Je rcfoul
• arttcle de I'Ifncyclopétlie Britattnique (1926). •
équivoque; l'essentiel pour no~~t:; pour consl~érer com~e négli~eoble cette "1
f aisnplem
dans Sa présentation psychique C' que ~~ pUISIO~ ne SOit COnnatssoble que . concept
Ouant à la solution de l'é ui. est ce qui détenmne &a teneur psychologique. ) di\'crs, n
dans Jo notion de refoulemer?t ;f1~:. elle-r:n~m~, sana doute faut-il Jo chercher
0 .,.
lemc:nt c
de la présentation psychique l ra ~ .CJUI InStitUe ~~ tOUte première c fixatio~ • f

donc COl
(o. 46). P 100• Noua d11cutons plus loin cc. pomt •
t.ubatitul
~ P ratiquCJ


PULSION ET REPRÉSENTATION

est elle-même présentation de l'organique; c•est bien pourquoi


rinconscient freudien est un inconscient psychique; il est fait de

présentations psychiques (étant entendu que cette expression couvre
non seulement les « représentations » - ce que la Traumdeutung
nommait les « pensées ,, du rêve - mais les affects qui susciteront
ultérieurement une difficulté considérable).
Mais c'est le refoulement qui nous interdit d•autre part de saisir
directement l'expression psychique primaire de la pulsion : c'est
bien pourquoi nous ne pouvons que la postuler. u L'éloignement»
• des expressions connues et reconnues de la pulsion, par rapport
à son expression prime, est toujours plus grand que l'on ne l'ima-

gine; c•est ce que Freud exprime en disant que le refoulement '
''
proprement dit (eigentlich) est lui-même déjà un refoulement j
secondaire par rapport à un refoulement originaire ( Urverdràn- .1 '
gung), a lequel consiste en ceci que la présentation psychique 1
(représentative) de la pulsion (die psychische (Vorstellzmgs) Reprii- ' '

1
sentanz des Triebes) se voit refuser l'admission dans le conscient 58 ».
s8. G. w. x, p. zso; S.E. XIV, p. 148; tr. fr., p . 7I. Toute étude systématique
du concept freudien de refoulement doit aujourd'hui tenir compte du travail

de Peter Madison, Freud's concept of repression and defense, its theoretica/ a11d
observationallat1guage, Minnesota University Press, 1961. L'auteur y applique
t les préoccupations épistémologiques de l'école de Carnap et tente de clarifier
le concept freudien en distinguant et en articulant les deux niveaux du • langage
observationnel • et du • langage théorétique •. Du premier relèvent les manifes-
••1 tations observables du jeu entre la pulsion et le contre-investissement, du second,

les structures non observables de ce jeu de forces. La diversité des manifestations
de cette interaction hypothétique explique les variations apparentes de Freud
/ dans son vocabulaire même : dans la Communication Préliminaire, de 1892
1

• . (lttudes sur/' Hystérie, cha p. 1), le refoulement désigne l'oubli intentionnel, motivé
inconsciemment, qu'on peut observer dans les cas d 'hystérie; or, tandis qu'amné-
sie hystérique et refoulement se recouvrent, comme Freud lui-même le rappellera

• dans l'important chap. Xl d'Inhibition, Symptôme et Angoisse ( 1926), défense

et refoulement sont tenus également pour des synonymes : • ln défense, c'est-à-
' dire le refoulement des idées hors de la conscience •; seconde complication : il y
a d'autres mesures défensives que l'amnésie hystérique : par e.'Ccmple la conver• 1
1

.' sion, la projection, la substitution, l'isolement (qui, selon l'Homme atL~ Rats. '

• laisse la représentation \'enir A la conscience, mais dépouillée de son investisse-


ment en affect). Puis le concept de défense disparaît de la terminologie freudienne 1
et cède la place à celui de refoulement, cela jusqu'en 1926; dnns l'c..'Ssai de 1915,

le refoulement est expressément défini ainsi : • L'essence du refoulement consiste

j
simplement à détourner quelque chose du con!'cic:nt, à l'en tenir à distance. • Le
concept est ici pris dans su dimension théorique : il couvre des mécanismes
••• divers, mis en œuvre par lea trois névroses considérées; mais, à son tour, le refou-
lement est seul&:ment "" des destins de pulsion; la fonction défensive semble
•i
1 donc couvrir l'ensemble de ces destins. On ne peut donc parler exactement d'une
'
• •ubstitution du concept do refoulement à celui de défense, bien que celui-ci uit
~

' Pratiquement iliapiU'U du vocabulaire freudien jusqu'en 19a6. La restauration


1:%'!0

ANALYTIQUE •

, . .. . l
c·est pourquoi ce que nous prenons pour 1.expresston ortgmatre j port 1'
de la pulsion est déjà le produit d'uAne. fixa.tzon ,· le rapport entre âelà c
expression et pulsion ne nous apparatt Jamats que comme un rap- 1
1 la ré~
1
1


du concept de défense dana Inhibition, Sympt6me et Angoisse, pou.r d~igner la les fon
totalité des procédés d~nt use le moi dans les conflits qui peuvent condutr~ à une contre
névrose, n'est donc pas inattendue: sont de nouveau évoqués, à côté de 1e.~clu­ la résis
aion de la conscience, parfaitement illustré~ p~r le ref~ulement hysténque, ,
1 vables
•l'isolement 1 et la c régression 1 à un stade hb!dmal.anténeur, o~servable .dana 1
1
tancee
la névrose obsessionnelle, et une procédure qu1 constat~ à c défatre 1 mag~quc­ analyti•
ment ce qui a été fait; toutes ~es mesures. sont défenst':es,,en ce sens qu eJles sert ex
protègent le moi contre des extgences pulstonnelles. Mats c est seulement dans usant c
le chapitre appelé c Additif 1 que le concept de refoulement est non seule~ent nel (r•
subordonné à celui de défense, mais restreint à nouveau à l'amnésie hysténquc; opère à
dans le corps de l'ouvrage, les autres mesures défensives sont quelquefois traitées 11 Jement
comme des formes de refoulement. Madison suggère que • défense et refoulement jeu dar
sont inextricablement liés à la conscience d'une manière qui ne permet pas de contre-
les s~parer par une simple convention de terminologie • (o. c., p. 27). La première par les•
tAche qu'une épistémologie peut se proposer est de mettre en ordre lu diversit~ plus pt
des faits observables, témoins du conflit intrapsychique non observable, et de comme
réserver le concept de défense pour le motif fondamental commun : à savoir porte n
1
la protection préventive du moi contre l'angoisse. C'est cette mise en ordre qui • systèm•
occupe la première partie du travail de Madison. La psychanalyse a, pour l'essen- '
' a lui-rn
tiel, à faire à des défenses qui échouent; les autres, dit-il en 1915, échappent à de la tl
1
notre examen. Parmi les mesures réussies de la défense, Freud cite la c démoli- 1 La forr.
tion du comple.xe d'Œdipe • qui est c plus qu'un refoulement •, en ce sens que lement
l'impulsion elle-même est détruite dans le Ça, la répudiation par le jugement, et dit •). 1
surtout la sublimation dont nous discutons par ailleurs la nature dans son rapport
avec la désexualisation. Dans Malaise dans la Civilisation, Freud pose que les
~ tiles rel
1 mau• on
pulsions elles-mêmes peuvent être modifiées par absorption, sublimation ou 1 mais dt
refoulement; la formation des traits de caractère est un exemple d'absorption. {191 1),
Quant aux défenses qui échouent, on peut les répartir en défenses répressives 1
'
1
le texte
et défenses non répressives : les premières obtiennent l'effet de protection en 1 propre
alté~t la représentation fixée à l'impulsion dangereuse; l'amnésie n'en est qu'une 1 se déco
mod~ltté à côté de,!a conversion, du déplacement, de la projection, de la formation 1
' d'attrac
réacttonnelle, de ltsolement, du • défaire •, de la dénégation. Le critère du degré 1 a été a
d~ refoulem~~lt est d~nné par le degré de • distorsion 1 et d' • éloignement 1 des l
1 Je carac
rejetons de 1 tncons.ctent, dans les rêves, les symptômes ct les divers signes et .• elle-me.
masques de la pulston refoulée. On peut parler de défense non répressive dana d'appar
le cas de la r~gression, qui procède par substitution de pulsion (par exemple 1' mentto
!e retour à un tntérêt pré-génttal) et non par altération de la représentation. Maia tout le
il Y a des mesures défensives qui ne paraissent pas tomber dans cette alternative
'
(libidin:
~es défenses répressives et non répressives : ainsi les inhibitions purement affec· 1
l'ungois
~~es, é":oquées par Freud comme exemples de destins séparés de l'affect : ici, 1 destins
1 tmpulston est empêchée d'aller jusqu'à la manifestation affective entière. Freud J rôle d'n
parle .encore dans ce cas ~e re~oulement (1915), bien que l'inhibition affective l'estima
ne sott pas ob!enue par dtstorston du contenu représentatif. Que dire enfin du •
.
pusse sc
concept de réststan~e? Commen~ vient-il se placer par rapport à celui de refou·
1
traumat
len:tent? On peut dtre, avec certatns textes, que la résistance est une des manifes· ' dans l'c
tattons du refoulement, celle que le travail thérapeutique rencontre comme un 1 ralt soli
obstacle à aon progrèe; cette manifestation est l mettre sur le même pied quo 1' Principe

142
.••
..
l.:~.gu.-:u--- ------------- -·--·---··•~·~·- *'-"' ""·•••-•••=-•·,........__..-...
w.a••;,:,ar.,....,••-------,;1z:
.

PULSION ET REPRÉSENTATION

port institué, sédimenté, a fixé »; il faudrait pouvoir remonter au-


âelà de ce refoulement primaire (dont nous ne discutons pas ici
: la réalité clinique, mais les implications épistémologiques) pour
1 •
• 1
les formations de symptômes; le malade la met en œuvre comme une défenae 1

contre la guérison, traitée par le moi comme un nouveau danger. Mais à son tour
la résistance couvre une diversité de mesures qui seules sont directement obser-
vables (silence, élusion, répétition, etc.); à titre de force hypothétique, la résis-
tance est du côté des concepts théoriques; c'est la contrepartie, dans la situation
analytique, du contre-investissement; or la notion de contre-investissement
sert expressément à définir Je refoulement primaire (le refoulement secondaire
usant en outre du retrait d'investissement Pcs). GrAce à cet enchninement notion-
nel (résistance-contre-investissement-refoulement), le concept de résistance
opère à plusieurs niveaux: en un sens indifférencié, c'est le nom donné au refou-
1
•1 lement dans la situation analytique; au niveau théorique, la contre-force mise en
jeu dans cette situation est identifiée à ce que la théorie du refoulement appelle
contre-investissement; au niveau de l'observation, il recouvre toutes les mesures
par lesquelles le patient cherche à échapper à la règle théorique; à cet égard, la
plus puissante de toutes les formes de résistance, c'est celle qui use du transfert
comme d'un obstacle au travail de l'~alyse. - La théorie du refoulement com-
porte ainsi non seulement un réseau très compliqué de faits observables, mais un
système de forces opposées dont les termes ne sont pas observables; ce système
•• a lui-même beaucoup varié dans la doctrine freudienne, puisqu'il est inséparable
1
de la théorie des organisations sexuelles et des théories successives des pulsions.
1 La forme la plus abstraite de la théorie a été atteinte avec la distinction du refou-
lement • primaire • et du refoulement • ultérieur • (ou refoulement • proprement
' dit •). Le premier met à la disposition du second une masse d'expériences infan-
( tiles refoulées; g:Ace à lui, tout refoulement consistera en une véritable transfor-
1 mation d'affects, en vertu de laquelle ce qui engendrait du plaisir engendre désor-
1 mais du déplaisir sous forme par exemple de dégoOt; c'est dans le c cas Schreber •
1 (1911), sect. m, que la théorie du refoulement primaire est Ja plus complète;
le texte bref de 1915 n'en est que le résumé; dans ce premier texte, la fixation
1

propre au refoulement primaire est la condition du refoulement secondaire qui
j

se décompose en un double processus de r~pulsion par le système conscient et
1 d'attraction exercée par l'inconscient. La forme la plus abstraite de la théorie
1
1•
a ~té atteinte en 1915 avec Je concept de contre-investissement, qui suppose
• Je caractère constant de la pression pulsionnelle et de Ja cont.re-pres.sion, définie

• elle-même par sa seule énergie et sa seule direction nntipulsionnclle. Ce système
d'apparence mécaniste est en réalité un système • motivntionncl •. C'est là finale-
1 )
ment tout l'intérêt d'une discussion sur les rapports entre refoulement et défense:
r tout Je système est orienté vers l'idée de protection contre Je danger intérieur

1 (libidinal ou moral) plus encore qu'extérieur et physique. On comprend que
l'u.ngoisse, longtemps tenue pour un effet du refoulement (en 191 s. c'est un des
1 destins séparés de J'affect, ln conversion en angoisse) nit pu, en J 926, assumer lo
J rôle d'anticipation et de signal; alors que l'angoisse traumatique consisto dQI\S
. l'estimation toute passive de l'impuissance du moi affronté à un danger qui sur-

1 pusse ses forces (situation traumatique), l'angoisse-signal anticipe cette situation
traumatique; elle répète activement le trauma lui-même sous une forme mitigée
,
j

dans l'~poir d'en orienter le cours. Par contraste, Je refoulement primaire appu-
rait solidaire de ce qu'on appelle mui.ntenant angoisse traumatique; Au-delà du
Principe tk Plaisir avait déjè appelé traumatique toute rupture du bouclier pro-

••

•••


··· - .. -- . -·.. ...... -
~


ANALYTIQUE

atteindre une expression imméd.i~te. Mais Fre.ud n'a jamais dit,


des
au c
à ma connaissance, à quelle condttton on pourratt remonter au-delà
au 1
du refoulement primaire. · d ''à men
Le refoulement primaire signifie que nous so~me~ toujours eJ sous
dans le médiat, dans le déjà-exprimé, dans le deJa-dtt. A (>lus forte
corn
raison le refoulement proprement dit nous condamne-t-tl à nous
mouvoir parmi de simples dérivés; « le second ~tade du ref?ule· •
c
prés
ment, le refoulement proprem;nt dit, ~oncern~ les rejeto~ psrchtques
(

l'her
de la présentation refoulee » (dze P,syclusche Abkommlmge der
•• de 1:
verdriingten Repriisentanz) ou les chames de pensées (Gedank:n-
züge) qui, émanant d'aille~rs, s~nt entrées,. dans ~ne relatlO_!l l'lnt.

d'association avec ladite presentation 69 ». L mconsctent apparatt dell
alors comme un réseau ramifié, constitué par les arboresccnce.s
indéfinies de ces « rejetons >>; c'est par là qu'il ~ait sy~tè~e ct. qu'li Et

81 fi()
se prête à ce que les analystes appellent une mvesttgatt~n mtra-
systématique. !VIais c'est toujours un système d'expressiOns psy- •
(Rep;

chiques et toute l'analyse consiste dans l'art d'interpréter ces reje- aux, 1
tons dans leur rapport à des expressions toujours plus primitives 1 categ
de la pulsion, selon le degré de leur « éloignement » et de leur qu'il
ex distorsion eo ». Les rapports d' << éloignement >> et de << distorsion » destÎJ
des rejetons sont alors le répondant, du côté du psychisme analysé, pour
Ne
..
pas, el

tecteur contre les stimuli: avant de disposer de l'angoisse anticipatrice, le moi •• preta1
n'a de recours que dans l' impulsion à restaurer l'état de repos antérieur: le refou- l'intel
lement primaire, qui ne parait présupposer que la non-satisfaction du besoin
infantile, est désormais nettement distingué de toutes les mesures qui succèdent •
que d
à la format.ion du surmoi et que Freud caractérise maintenant comme déclen- le mo
chement d'une • angoisse-signal •, qui fonctionne comme avertissement d'anti- affcc~
cipation par rappel d'une situation dangereuse antérieure. Tel est l'extraordinaire
enchevêtrement de faits et de théories qui caractérise le concept freudien de Re"
refo~lemen~.- Nous parlerons dans la Dialectique, chap. 1, p. 348, de la seconde
1
·1 Il fi
• entre
Parue du hvre de Peter Madison et de son essai d'appliquer au freudisme lea
règles de Carnap. !• des co
59· G. W. X, p. 250; S. E. XIV, p. 148; tr. fr., p. 72. •
6o. • La Psy~hanalyse peut encore nous montrer autre chose d'important pour 1. stons 1
la compréhension des effets du refoulement dans les psycho-névroses : le fait, 1 Jung);
par exemple, que les prés~ntations de pulsion se développent plus librement, est pa
plus abo~damment lorsqu elles échappent, grAce au refoulement, à l'influence 1
du consc1ent. En ce cas, elles foisonnent, pour ainsi dire, dans l'obscurité et
tr<?uvent des formes d'expression extrl!mes qui, traduites et présentées au névrosé,
l 61. F
lu1 semb~ent forcément non s~ul~ment étrangères mais effrayantes, du fait qu'il r• et sui v.;
Y aperçoit comm~ dans un ~1ro1r (dureil die Vorspirge/rmg) une extraordinaire • p. a1s-;
et dangereuse putssance pulsionnelle (TriebsUirke). Cette puissance pulsionnelle , 6a. c
é~arante (tausc~cnde) r~ulte d'un déploiement sans entraves dans l'imagination n avons
(rn der Phantane) et dune stase (Aufstauung) par refus de satisfaction (i11jolg• l envisage

tJtrsagter Befriedigung) ·' G. w.
x, p. asl i s . E. XIV, p. IS9i tr. fr., p. 73· •
1
cet autre
1

I-t-4

. .. . ... ' ... . .. '


.• ..~ ,.~, 1. ... , j
.... . -

PULSION BT REPRÉSENTATION

des rapports de cr traduction» (Uebersetzung), que nous évoquions


au début, du côté de l'analyse elle-même. Grâce à cette corrélation,
au niveau des expressions psychiques, entre le travail du refoule-
ment et le travail de l'analyse, tout ce que nous avons pu traiter
sous le titre de ((destin (énergétique] des pulsions» vient au langage
comme destin de leurs expressions psychiques.
C'est donc bien dans cette notion d'expression psychique, de

t présentation psychique, que viennent coïncider l'économique et
l'herméneutique; la distance entre les deux univers du discours
de la psychanalyse, qui nous avait paru invincible au niveau de
l'Interprétation des Rêves, semble s'être évanouie dans les Écn'ts
•• 1 de Métapsychologie.
Et pourtant nous ne sommes pas encore quittes : tout irait bien
si nous pouvions assimiler simplement les expressions psychiques
(Repriisentanz) aux représentations ( Vorstellungen ), c'est-à-dire
aux idées de quelque chose. Or les représentations ne sont qu'une
1 catégorie d'expressions psychiques et nous avons ftint d'ignorer 1

1
qu'il existe une autre catégorie, celle des affects, que ceux-ci ont un
t'
destin différent et que ce destin propre est peut-être plus important lj
.
pour la psychanalyse que celui des représentations. 1
1
Ne sommes-nous pas rejetés en pleine mer? L'affect ne va-t-il 1


pas être le refuge d'une explication économique dissociée de l'inter- •
'
• 1
• prétation exégétique? l'affect n'est-il pas le quantitatif pur? Bref, 1

l'interprétation et l'explication économique ne coïncident-elles .1 .


que dans le destin des représentations, c'est-à-dire dans le destin
le moins important, pour se dissocier à nouveau avec le destin des
affects?
Revenons donc aux textes 61.
.! Il faut d'abord observer que Freud a pris grand soin de mettre
' entre parenthèses la question de l'affect et d'élaborer sa théorie
1• d.es contenus inconscients sur la base de l'équivalence entre expres-
1. Sions psychiques et représentations (entre Repriisentanz et Vorstel-
lung); à cet égard la démarche initiale des deux textes considérés
l
' est parallèle 63• C'est seulement dans un second temps que l'on
1 6r: Fin de l'Essai sur u R~foul6rnntl, G. W. x, p. 254 ct suiv.; S . E. XlV, p. rsa
1• et auw. ; tr. fr., p. 79 ct suiv. et chap. Ill do l'Essai sur L'J,coluci~nt. G. W. x_
• p. 275·79; S. E. XlV, p. 176·9: tr. fr., p. III·U8•
6a. • L'observution clinique nous oblige maintenant à dissocier co que noua
n'a~ons consid~ré jusqu'ici que dans l'unicité, car elle nous montre qu'il faut
l env1aager, outre la représentation, quelque chose d'autre qui présente lm pulsion;
•:'' cet autre ~~~ment est soumis l un destin do refoulement qui pout différer cntièro-
)


ANALYTIQUE

réintroduit tout ce que l'on a tenu en suspe~s dans le premier son


• précède nous avons tratté du refoulement crN
D
temps : « ans ce q Ul , •'
d'une présentation de pulsion et entendu sou~ ce n?m u~e represen- ' pas
tation, ou un groupe de représentations, qm est !nves~t, de p~r la de 1
ulsion (t~om Triebher), d'une charge (Betrag) determmée d ener- plm
~ie psychique (libido, intérêt 63) ». <?r cette « ch~~ge. en affect.» déci
(Affektbetrag) constitue un cr autre élement .» de 1~ndtce , psychi- der,
que H; et c'est le refoulement lui-même ,qm,. en lus conferan~ un pret
destin différent, nous contraint de la themattser pour ell~-m~me. duc

Cet « autre élément •, Freud l'appelle « le facteur quantstatlf de ttve
la présentation de pulsion », ou ,encor~ la « ~barge en affec: de la r
lisat:
présentation psychique », ou u 1énergse p~ls10nnelle a~tachee ~ la •
cr ret
représentation ». Il parle ~ême quelqu~fms de la « partie quantita- ' L'
tive » opposée à la u parue représentative 65 ». Ce second moment l la u
n'est-il pas le moment énergétique pur? Ne sommes-nous pas affec
renvoyés par lui à la physique?. Nullement.: car cette quanttt~, sen~
même dissociée de la représentation, ne se fatt remarquer et sentir si l'c
que dans des affects qui sont comme « l'expression proportionnée l'inte
à sa quantité ». Ces destins de la quantité sont des destins d'affects; } l'inte
Freud en distingue trois : affect nul (comme dans la « belle indif- ' écon<
férence » des hystériques, selon le mot de Charcot); affect « quali- Conct
tativement coloré »; enfin « angoisse »; seuls ces deux derniers l du re
méritent d'être appelés une u transposition • (Umsetzung) des préta1
énergies pulsionnelles en affects. Le
Voilà bien la quantité qui nous embarrasse depuis l'Esquisse 1 •
sens,

Combien nous avions raison de dire que la quantité relève non de la COnSH
mesure, mais du diagnostic et de l'interprétation puisque, en dehors 1 a été :
des destins de représentation, elle ne nous est saisissable que dans ' exp re:
des destins d'affect. Aussi bien avions-nous déjà remarqué que le
principe de constance, dans lequel se concrétise la notion de quan-
tité, n'est. rien d'autre que la régulation par le plaisir-déplaisir.
l
j
puren
au dél
:1 de la c
Or le destm dissocié de l'affect met à nu le sens de cette régulation; -~ et [qu
c'est lorsque le refoulement est aux prises avec l'affect qu'il découvre ? ment
•l• • pose t

1
..1
cessus
ment de .celui de l.a repr~sentation. On a réaeM! pour cet autre élément de la
prbentauon psychiqu~ le tenne de charge m affect ( Af!ektbetrag; S. E. traduit 1

par quota of affect); d c~rreapond à la pulsion, pour autant que celle-ci s'est 1'
détachée de la repr~sen.tauon et trouve une expression proportionnée à sn quantité ! 66. G
dana des processus dtacemablca en tant qu'affects sensibles (a/s Affekte d" •• 67. o •
Empfindung). • G. W. x, p. ass; S. E. XlV, p 15a • tr fr p 79 eelon lel
63. Ibid. ' ' ' ., ' ' /Pmge11),
64- Ibid. 68. G

65. Toutet eea expreaaiona te litent dana le chap. m du Refoulmunt. 69, G.


PULSION ET REPRÉSENTATION

son véritable sens en relation avec le principe du plaisir-déplaisir :


u Nous nous rappelons que le refoulement n'a pas d'autre motif,
pas d'autre visée, que d'éviter le déplaisir. Il s'ensuit que le destin 1
de la charge en affect de la présentation (pulsionnelle] est beaucoup l

plus important que celui de la représentation et que c'est là ce qui ....
1

décide de notre jugement sur [le succès ou r échec] du processus •'

de refoulement 66• » C'est pourquoi Freud entreprend de réinter-


préter à nouveau la théorie des névroses dans la double perspective
du destin de la « partie représentative » et de la a partie quantita-
tive»; l'exécution ne nous importe pas ici, sinon pour la conceptua-
lisation mise en jeu : « formations substitutives », cr symptômes »,
• cr retour du refoulé », etc.
n •
• L'article sur le Refoulement nous permet sans doute de dire que
l la « partie quantitative » ne se laisse reconnaître que dans des
affects; mais, en distinguant les deux destins, celui de la repré-
sentation et celui de l'affect, il laisse ouverte la question de savoir
si l'explication économique des affects n'est pas irréductible à
l'interprétation des représentations ou, en d'autres termes, si •
l'interprétation ne se fixe pas sur les représentations et l'explication
• économique, sur les affects. Si u la tâche véritable du refoulement »
1 concerne « la liquidation de la charge en affects », l'économique
du refoulement n'est-elle pas finalement irréductible à toute inter-
prétation du sens par le sens ?
Le chapitre III de l'article sur l'Inconscient semble aller dans ce
sens, puisqu'il lie expressément le point de vue économique à la
considération des affects 67 ; le point de vue topique, au contraire,
l 1
a été introduit dans le chapitre II à la faveur de J'identification des
expressions psychiques aux représentations. C'est en un sens
purement topique et non encore économique que Freud rappelle,
1 au début du chapitre III, qu' « une pulsion ne peut devenir l'objet
de la conscience, mais seulement la représentation qui la présente;
et (qu') elle ne peut même être présentée dans l'inconscient autre-
ment que par la représentation 68 ». Le triple destin des affects
pose un problème spécifiquement économique, celui des <1 pro-
1
.1
cessus de décharge » (Ahfuhrvorgiing~ 69). En ce sens il faut parler

1 66. G. W. x, p. 256; S.E. XIV, p. 153; tr. fr., p. 81.


67. On trouve dans cc chapitre une énum~ration assez systématique des nffects
'' selon leur degré de décharge; à une extrémit~ on a les • impulsions • (1'rit:bre-
6tmget1), à l'autre les • impressions sensibles • (Empfindungm).

68. G. W. x, p. 275-6 >S. E. XJV, p. 177; tr. fr., p. 112.
1 69. G. W. X, p. 271; S. E. XIV, p. 179; tr. fr., p. 115•


'

! '· '
ANALYTIQUB

de •l'accès à l'affect,, comme no~ parlons de l'accès~ la motilité; affi


dans les deux cas, il s'agit de d~charge. et 1~ c ondscter:tced~n ~~ét
1
l'at

c · 1 gardien Cela est bten vra1; mats e estm tssoct '•. sul.
ch aque 101S e · bi' l' ff t te affect qu1
de l'affect ne saurait nous faire ou te~. que.. a ec. res .
d'une représentation; c'est bien pourqum .•1 a et~ posstble et neces: • c'e

saire de le mettre d'abord entre parentheses;. c est le !a.ngage qut qUJ
nous dupe lorsque nous croyons établir un stnct par~llehsme. entre ..••
l

représentation et affect; ainsi, quand nous parlo?s d un ~enument • tati
inconscient - d'une angoisse incons~iente, dun ~enument de C'e
culpabilité inconscie~t - nous ~ubhons que, strteto sen!!J, . le top

sentiment est ressenti, donc consctent :. « Nous ne pouvons, nen cte1l
••.
signifier d'autre qu'une .impulsi.on (Tn_ebregung) ~ont la pres..en- ' par
tation représentative est mconsctente.: . 11 ne saur~1t en ,effet etre •' Il v
question de rien d'autre 70• • Nous destgno~ tOUJOUrs 1 affect par

'

pou
la représentation dont il est l'affect; mats comme nous nous ~ topi
1
méprenons sur cette représentatio~ et p~enons l'affe~t lui-même t
tati•
pour l'expression d'une autre representation que la stenne, nous 1
'
.'
mer
parlons en termes impropres d'affects inconscients. psy'
Mais, dira-t-on, cette rigueur du vocabulaire ne concerne que 1 unf
le point de vue descriptif; le destin du facteur quantitatif reste, au !' psyt
point de vue systématique, un destin distinct : la notion d'affect •
; Dise
inconscient s'impose à nouveau, dès que l'on considère les effets •• n'y
.1
spécifiques du refoulement sur la décharge en affects et le triple c
destin de cette dernière déjà évoqué plus haut. Or qu'est-ce qu'un ( repr
affect inhibé? Une représentation refoulée reste u une formation J l'art
1
réelle (reale Bi/dung) dans Je système les 71 » : un affect refoulé, on dcst.
ne sait pas très bien ce que c'est, sinon une puissance d'intervention une
(Ansatzmôglichkeit), qui n'a pas la permission de se développer 71•
1 1
l diffé
Nous ne savons rien de ces u processus de décharge » ( Abfuhrvor- n'en
giinge) en dehors de leurs expressions psychiques, les « impressions • •
sensibles • (Empfindungen). Tout au plus pouvons-nous repérer 1 ICI
lang;
p
un certain trajet, jalonner un certain développement, depuis ces 1
l écon
germes affectifs dont nous ne savons pas grand-chose en passant pJac(
par les imJ?~lsions, j~squ'à l'affect exprès; c'est sur de trajet que men1
nous nous euons places plus haut, lorsque nous parlions de l'empire l'inv,
du système conscient sur la libération de l'affect, dans les termes •
ctent
où nous parlons de l'empire de la conscience sur la motilité. •
mvcs
Mais, même alors, nous ne devons pas perdre de vue qu'un table
••

70. O. W. x, p. 276; S. E. Xtv, p. 117; tr. fr., p. 112.


71. ~id
: W. x, P· 277; S. E. XlV, p. 179 (actual rtrueturu): tt.
?2. "" •
fr., p. 115.

,...
?J.
15·
148

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. . ""· .J . .. .. ; ~·
• •
• • • • ' ' '· ' 0 • • , . , . · :• • • •• •
PULSION BT REPmENTATION

affect pur, un affect directement émané de l'inconscient - comme
l'angoisse sans objet- est un affect en attente d'une représentation
.'•
• substitutive à laquelle il pourra lier son sort. Finalement, un affect

~
qui nous apparaît descriptivement comme un affect dissocié,

c'est un affect à la recherche d'un nouveau support représentatif
' 1
qui lui frayera la voie de la conscience. ••
Nous ne pouvons donc ni réduire l'affect et son facteur quanti- l
tatif à la représentation, ni le traiter comme une réalité distincte.
C'est du moins sur cette différence que se joue la distinction entre
t
topique et économique. Le chapitre IV de l'article sur 1'/nums-
cient va à l'extrême limite des possibilités d'autonomie offertes 1
par la théorie précédente de l'affect au point de vue économique. ;f
f
Il va même jusqu'à présenter ce point de vue comme un troisième

,
.'
1
point de vue qui vient s'ajouter au point de vue dynamique et
topique; il prétend « poursuivre les destins des grandeurs d'exci- ~.
~

l
1
tations et atteindre à une estimation au moins relative de ces der-
nières 73 ». C'est là, dit Freud, le couronnement des recherches
a
1
'
psychologiques : « Je propose de qualifier de métapsychologiqut
un exposé dans lequel nous aurons pu réussir à décrire un processus

;r.••
1 1
1
.!' psychique d'après ses rapports dynamiques, topiques et économiques. ••

. Disons par avance qu'en l'état actuel de nos connaissances, nous ..1•
1
• n'y réussirons que sur des points isolés 7•. »
j

Cet a essai timide » et ces a points isolés •, c'est une nouvelle
reprise systématique de la théorie des névroses, dans la ligne de
1
1
l'article sur le Refoulement; mais, cette fois, au lieu de suivre le
destin séparé de la représentation et de l'affect, Freud construit
l une sorte de typologie ou de combinatoire, en composant de
différentes façons les deux ordres d'expressions psychiques. Je
n'entre pas dans cette esquisse du tableau clinique des névroses,
ici pas plus qu'ailleurs; je remarque seulement le glissement du
langage et de )a conceptualité dans ce chapitre. C'est bien vers une
économique pure que tend cette analyse; il n'y est question que de
placement et de déplacement de charges, de retrait d'investisse-
ment et de contre-investissement : • Nous avons ainsi : retrait de
l'investissement préconscient, maintien de J'investissement incons-
cient ou remplacement de J'investissement pré-conscient par un
investissement inconscient 76• » Que Freud envisage ici une véri-
•' table substitution de l'explication économique à l'e.xplication .•1

73. G. W. x, p. a8o; S. B.
74· Ibid.
XJV, p. 181: tr. & .• p.

75· G. W. X, p. a79; S. E. XJV, p. z8o; tr. fr., p. 119.


sas.
!1
!
1


1
:

..
. . ' •. . .

.
u,•••, •t~!U!W'Wt:, . t.!tP - ot.f~,,u.;.u
. •. ..,..
.- ..,. ..~•a~·--..·~' ..'"""·-•••-••--•••-----···--•'Mit~~..tW~'
•.,.•.._.,r.&.",.&.;'"~&e••,,..
--• ~IR;JtylHtij


ANALYTIQUE •

·
toptque nous en avons un signe certain dans labisolution · · qu'il
·
• 0

a orte' à l'h othèse purement topique de la dou e m~cnptJ?n; pt


c~l)e-ci est re~placée par l'hypothese pur~m~nt écono~tque dun 80
h ment de l'état d'investissement; et il a.~oute : u L hypothèse
c ange
fonctionnelle a ici expulsé sans peme . l'hypothèse t ogtque
· 76
.· D es·
A cette séquence (retrait, maintien, r~mplacement ?e 1 mvest.tsse- qu
ment) Freud ajoute un au~re .mé~~tsme ,éc~nomtque, ~elut du co
contre-investissement, dont 11 dtt qu Il est 1 uruque !llécamsme du un
refoulement primitif, par lequel le systè!De pré~onsctent se protège !

contre la poussée de la représen~tton mcon~c1ent~. Un peu plus pr~


loin, il ajoutera en~ore le .mécamsme d~ s~rmv~ttssement. mt
, La théorie de l'mconsctent semble amst avOir basculé du côté Crt

••
d'une économique pure; ce n'est plus le destin de la repr~entation, le
dans une histoire du sens, qui mène le jeu; la représentatiOn sembi~ ce
n'être plus que le point d'ancrage des véritables processus, qut 1
tOf
sont d'ordre économique et que Freud schématise en quelque sorte '
dans le jeu réglé de l'investissement. 1
Ne faut-il pas aller plus loin et dire que finalement l'inconscient •
1 par
freudien porte davantage la marque de l'énergétique que du signi- Au
fiant ? Le chapitre v (« Les propriétés particulières du système les »), de
auquel nous avons déjà fait allusion en tant que thème antiphé- par
noménologique, mais dans lequel nous ne sommes pas vraiment de
entrés, caractérise ce système inconscient en termes de décharge ,J
et t
d'affects beaucoup plus qu'en termes de représentation : u Le noyau nou
de l'inconscient est formé de présentations de pulsion qui veulent etc
décharger leurs investissements, donc aussi d'impulsions de désir vue
(Wunsclzregungen) 11. D •
mvt
C'est pourquoi les caractéristiques de l'inconscient que nous
J~
avons déjà énumérées portent toutes la marque du non-signifiant 78 :
0 s:
« il n'y a dans ce système ni négation ni doute, ni degré de
. c~rt•.tude ,, c'est, parce que,.les pulsions coexistent sans rapport
1

..
1
deu:
1.
stgr:ufiant : « Il n .Y a d~ns 1•!!conscient que des contenus plus ou \

moms f~rteme.nt mvestts. » St le processus primaire domine, c'est


••

'• 81 n<
que les mvesttssements y sont plus mobiles les déplacements et •
pztrc:
condensations plus aisés. '
Si l'inconscient est intemporel (zeitlos), c'est qu'il n'a pas pro-
••
0
• des 1
dus
~rement rapport au temps : nous sommes en deçà d'une Esthé- précl
tJqu~ Transce~dentale; cr le rapport temporel, nous dit Freud, natu1
est hé au travail du système conscient ».
76. G. W. x, p. 279; S. E. XlV, p. t8o; tr. fr., p. 119.
?7· q.
W. x, .P· 285; S. E. XlV, p. t86; tr. fr., p. 12 •
78. L Inconmmt, chap. v. 9 ?9.
8o.
ISO

. .' . ,. .. .

.• '

PULSION BT REPRÉSENTATION

•• Enfin le règne du principe du plaisir signifie que le destin des




processus inconsci.ents « ne dépend q!-le de leur fo.r~e e~ de. ~eur
1
1
soumission aux exigences de la régulatiOn par le pl3.1SJr-deplrustr ».
• Quant à la prise de conscience - au « devenir-conscient » - elle
' est elle-même définie économiquement, dès que nous considérons
qu' « elle ne se réduit pas à un simple acte de perception, mais
consiste vraisemblablement aussi dans un surinvestissement, dans
un progrès supplémentaire de l'organisation psychique 79 ».
' Toutes ces caractéristiques des systèmes nous ramènent au plus
près de l'Esquisse, à savoir aux deux états de l'énergie d'investisse-
ment : état toniquement lié et état mobile. Le report de la frontière

•'
critique entre l'inconscient et le préconscient (et non plus entre ....' '
le préconscient et le conscient) est la consécration ultime de 1

ce triomphe du point de vue économique sur le point de vue ••



1 topique 80• 1
1

• .'
'
1
'
Arrêtons-nous ici pour faire le point de la difficulté; le trajet
1 parcouru a consisté en un renversement progressif des priorités.
1
Au départ nous avons posé le problème de la présentation psychique
de la pulsion; nous avons mis l'affect entre parenthèses et sommes
partis du primat de la représentation dans la constitution topique
J
de l'inconscient; puis nous avons levé la parenthèse de l'affect •
et tenté de subordonner la charge en affects à la représentation; 1
1
nous avons alors considéré le destin propre de ce facteur quantitatif 1

et c'est cette considération qui nous a amenés à ajouter le point de r



vue économique au point de vue topique et à donner au jeu des l
1
investissements le primat sur la signification.
Je crois être équitable avec la systématique freudienne en tirant t

deux conclusions de toute cette discussion : f'


x. Le caractère irréductible de l'affect, du point de vue écono- ...

\ mique, - c'est-à-dire au point de vue du jeu des investissements - ,


traduit une situation dont les traits se précisent progressivement,
• si nous rapprochons de la présente conclusion celle de notre cha-
pitre sur l'Esquisse et celle de notre chapitre sur l'Interprétation
••
• des Rêves : le langage de la force est à jamais invincible au langage J
1

du sens. Nous ne disions pas autre chose à la fin des chapitres .'
f
précédents, lorsque nous posions que la topique et sa naïveté 1

j
naturaliste conviennent à l'essence même du désir en tant qu' « il •
-'
tr
79. G. W. x, p. 292; S. E. Xtv, p. 194; tr. fr., p. 143. ~
8o. G. W. x, p. 291; S. E. xrv, p. 193; tr. fr., p. 1,.1.

.JSI l
1

• 1
t. .'
-.


ANALYTIQUE •


est indestructible ,, cr immortel », c'est-à-dire toujours préalable •
qu'c
au langage et à la culture 81• • mer

2 • 11 n'est pas possible de ~~~liser cette écononuque pure !!n non

marge du représentable et du dictble; nous ne pouvons hypostaster ces
l'innommable du désir sous peine de tomber en deçà d'une sont
• psycho-logie ». C'est bien ce que nous interdit de faire la théorie fom
de la Repriisentanz. Certes, elle ne saurait se réd~ire à une théorie. de assu
la représentatùm, puisque l'affect présente la pulston et que la puls10n ''

daru
elle-même présente le corps.« dans l'âme ». Mais l'assonance tout.e l le «
verbale - celle-là même qu1 embarrasse tant le traducteur - trah1t l'inc
une affinité profonde entre Repriisentanz et représentation. Aussi mett
bien nulle économique ne peut effacer cette constitution de l'affect ce q
d'être charge de la représentation(la dissociation de l'affect est Q
encore un aspect de cette relation intentionnelle, qui peut être Cc

indéfiniment distendue, mais jamais annulée; c'est pourquoi l'affect nuqt
se cherche un autre support représentatif pour forcer l'accès de la •
1 par 1

consctence. • •
mats
Freud a si peu réduit l'interprétation du sens à l'économique de •
force
la force que son essai sur l'Inconscient ne s'achève pas sans un . ou, f
mouvement circulaire significatif qui nous ramène au point de départ, ,,'• et dt
c'est-à-dire au déchiffrage de l'inconscient dans ses u rejetons ». le li(
Ce retour au point de départ mérite qu'on s'y arrête pour la struc- l'affe
tur~ de ~'~rgume.ntation ~ c'est la topique, qui a. séparé les systèmes •'
1.
choie
etc es~ 1economtque qut a achevé cette separation dans une théorie •
1 que
des lors propres à chaque système (relations intra-systémiques) · analy
ma~s c'est l'éco~onùque qui exige que l'on en vienne à la considé~ 1
r;:tt•on d~ relataons mt.er-systémiques; c'est pourquoi l'essai sur 1•
!lncons:zent ne se. termme pas p~ ~es ~ particularités du système •

1
84.
ss.
mconscrent », mats par la u constderatton des relations entre sys-
82 1
tèmes ». Alors seulement l'inconscient sera véritablement '.
u .reconnu ». Or la ,relati.on entre l~s systèmes ne peut être déchiffrée
83 ••
a~lleurs que dans 1archttecture stgmfiante des rejetons : u Il faut
dire en bref que l'inconscient se continue dans (setzt n·ch in) ce ..
l

81 •. Nous reviendrons dans la Dialectiqw, chap. n, sur la situation du dl!air·


ce qu1. se pr~ente dans . l'ancet et qu1· ne passe pas dans la représentation c'est' 1.
let~~~ ~mm~ dédlr; ~~ psy~hannlyse est la connaissance frontière de cet i~nom­
:ra 1 e . a ~cme u dire; ~est là que nous chercherons la justification dernière
...ufl pomt c vue ~conomtque •, dana le cadre même d'une philosophie de la
r~: CXIOn .

vr.
82. L'Inconscient, chap.
A 83. Die Agnos:~immg ~~ Unbewusskn, chap. vu de l'Inconscient. S. E. traduit :
&:~~::~~ o~t:he l[;:::,:,~;:;.s. E. XlV, p. 196; CoU. Pap. Jv, p. 1a7 traduiaait: .;
....~•.~• .,..... ,....... . --------....,.-,..a•r411Mm:lfDI'~
'


PULSION ET REPRÉSENTATION
1

qu'on appelle ses rejetons~· » Freud s'arrêt~ plus particuli~re­ ...
1•
1•

ment à c·eux d'entre eux qUI présentent à la f01s la haute orgarusa- 1

• tion du système conscient et les caractéristiques de l'inconscient;



ces espèces de métis, ces sangs mêlés, nous les connaissons bien, ce 'l
sont les fantasmes du normal et de la névrose; ce sont aussi les .; J
'· ~
J

formations substitutives. Ce caractère composite du fantasme nous 1

assure que l'inconscient doit toujours être déchiffré, diagnostiqué,


. dans ce que nous avons appelé, au terme de l'analyse antérieure,
1

l le « symptôme conscienciel ». Bien plus, ce sont les rejetons de
l'inconscient, u intermédiaires entre les deux systèmes », qui per-
mettent non seulement d'atteindre l'inconscient, mais de l'influencer,

ce qui est le propre de la cure psychanalytique 85•
Que signifie ce mouvement circulaire de l'argumentation?
Ce mouvement serait incompréhensible si le point de vue écono-

mique devait s'émanciper entièrement de l'interprétation du sens
J
• par le sens. La psychanalyse ne met jamais en face de forces nues,
• mais toujours de forces en quête d'un sens; c'est ce lien de la
force au sens qui fait de la pulsion elle-même une réalité psychique
.' ou, plus exactement, le concept-limite à la frontière de l'organique

•l et du psychique. On peut donc distendre autant qu'il est possible
le lien entre herméneutique et économique, - et la théorie de
l'affect marque le point extrême de cette distension dans la métapsy-
'.j,.
1
chologie freudienne - , ce lien ne saurait être rompu, sous peine
que l'économique elle-même cesse d'appartenir à une psycho- •
analyse. .!
1

1
1
\ '
'
' 84. G. W. x, p. 289; S. E. XIV, p. 190; tr. fr., p. 136. '
.' 8s. G. W. x, p. 293; S. E. XIV, p. 194; tr. fr., p. 143.
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DEUXIÈME PARTŒ

L'INTERPRÉTATION
DE LA CULTURE
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'

~l La première partie de notre Analytique a été consacrée à une


• épistémologie de la psychanalyse, c'est-à-dire à une investigation
des u énoncés » de la psychanalyse et de leur situation dans .1•
11
le discours. La deuxième partie sera consacrée à l'interprétation de
1 la culture. Nous avons dit dans la Problématique son importance par
' '
rapport à une phénoménologie de la religion et du sacré en général '•
l
et nous l'avons placée du côté de Marx et de Nietzsche, parmi les 1
formes de la destruction du sacré et les entreprises de démystifica-
tion. C'est cette place que nous allons justifier, sur la base de notre 1
Analytique ; nous allons donc nous enfoncer désormais dans la
grande antinomie de l'herméneutique - antinomie de l'instau- I
ration et de la destitution -, nous réservant de remettre à nouveau !
1
!
le problème sur le chantier dans la Dialectique. 1

L'analyse que nous pouvons faire du phénomène culturel, r


l

1

dans cette deuxième partie, présente un triple caractère :

1. L'exégèse de la culture est d'abord, simplement, une u appli-
1 cation » de la psychanalyse et une analogie de l'interprétation des
l rêves et de la névrose. Par ce premier trait, nous caractérisons à la
•'• fois la validité et les limites de validité de l'interprétation psychana- •

lytique de la culture. Cette validité et ses limites ne sont pas du '


1

tout à chercher du côté de l'objet, c'est-à-dire de la thématique,


i'
mais du côté du point de vue, c'est-à-dire des concepts opératoires. f
1
•'
• ' Le champ d'application de la psychanalyse est sans frontière; en i

ce sens, il n'a pas de borne; mais l'angle de vision est déterminé i


1 par le point de vue topique-économique qui lui donne son bon 1
'.
droit; en ce sens, iJ a des limites et ces limites sont, comme ailleurs, ••
.
fonction de la validité du point de vue. Tout ce que l'on peut dire •
1

en psychanalyse sur l'art, la morale, la religion, est doublement


~éterminé : d'abord par le modèle topique-économique qui cons- .
••
titue la u métapsychologie » freudienne, ensuite par l'exemple du e'
r~ve qui fournit le premier terme d'une suite d'analogues, suscep- 'l
tible d'être étirée indéfiniment, de l'onirique au sublime. ~

~
157
r
f
1
r

'
• 1
ANALY"fiQUE

Insistons sur cette double limitation : limitation par le modèle, L'.


limitation par l'exemple. La premi~re sirufi~ qu'i~ ne faut pas exc
demander à la ps~ch~alyse ce, q~ ~lle. s est mterd1t ~e donne~~ •
sec
à savoir une problematique de 1on~ma~re. Tout ce qut est.« ~n cul
maire » en analyse - processus pnma!re, re~oui:ment ,pnmatre, de~
narcissisme primaire et plus tard masochtsme pnmatre - 1est en un La
tout autre sens que ~ranscendantal: il ne s'agit pas de c~ qui justifie l'ar
ou fonde, mais de ce qui précède, da_ns l,'ordre d~ la dtstorsiOn_, du
1 ess:
déguisement. Ainsi le processus pnmrure expnme le remphs~e­ seu
ment hallucinatoire du désir qui précède toute autre constructiOn not

fantasmatique; le ref?ulem~nt primaire déc.ide des tout~ ~remièr~s rnru


fixations d'une representation à une puls10n; le narcissisme pn- dan
maire désigne, à l'arrière de tous les investissements objectaux, le 1

réservoir d'où toute pulsion procède. Mais jamais ce premier mte
pour l'analyse n'est un premier pour la réflexion; le primaire n'est mèr
pas fondement. C'est pourquoi il ne faut pas demander à la psycha- 2.
nalyse de résoudre des questions d'origine radicale, ni dans l'ordre cett
de la réalité, ni dans l'ordre de la valeur. Il sera entendu que l'on app.
ne considérera jamais les idéaux et les illusions que comme des à ur
destins de pulsion, des « rejetons » plus ou moins u éloignés », plus ont
ou moins u déformés » des expressions psychiques de la pulsion; mao'
création et plaisir esthétiques, idéaux de la vie morale, illusions C'es
de la sphère religieuse ne figureront que comme des éléments du une
bilan économique de la pulsion, comme coût en plaisir-déplaisir; de 1
on n'en parlera et on ne pourra en parler qu'en termes d'investis- rêve
sements, de désinvestissements, de surinvestissements, de contre- '• de s•
investissements, selon la combinatoire économique esquissée plus 1
L<

haut (p. 149). En ce sens la théorie analytique de la culture est une ffi01,
« psychanalyse appliquée ». •
1
car c
• dire
En même temps qu'elle u applique, le modèle conceptuel élaboré 1

da~ lc:s Écrits de. Métapsychologie, cette exégèse de la culture ' cone•
génerahse le prcmter exemple du rêve; il faudrait dire plutôt distÎI
~u'clle gé~éralise le couple form~ ~ar le rêve et la névrose, tel que 1 de la

llntroductzon à la Psychanalyse 1a mstallé de façon magistrale à la ete nt•
tête de toutes les applications de la psychanalyse. Or, ce que le 1
fait j
r,êve propos: à la psychanalyse appliquée, c'est cette structure que .
• psycl
1
1bz~erprétatwn des Rêves a défendue jusqu'à l'intransigeance sous 1
du m

le tttre de cr Remplissement de vœu J) (Wunsclzerfüllung). C'est nous
pour rendr.e compte ?e ce remplissement et de sa triple régression afin ci
bien
que ,la tOJ,>Ique, on sen souvient, a été élaborée depuis l'époque
de 1Esqutsse. La psychanalyse offre ainsi, à l'interprétation de la partie
culture, un sous-modèle : celui du " remplissement de vœu ». que la

158
. - ........... _..w.l:a.ou~·~M.:..ï,tEl
·---·---
. ....... -- ~
·· ~

. 1 L'INTBRPRtrATION DE LA CULTURE

L'interprétation psychanalytique de la culture généralise cet


exemplaire de toutes les représentations culturelles; c'est en ce
second sens qu'elle est limitée; elle ne connaît les phénomènes de
culture que dans la mesure où ils peuvent être considérés comme
des analogues du « remplissement de vœu » illustré par le rêve.
La meilleure manière de rendre justice aux essais freudiens sur
l'art, la morale et la religion, c'est de les considérer comme des
l essais de psychanalyse « appliquée », et comme une interprétation
seulement u analogique »; nous ne sommes pas - ou du moins
nous ne sommes pas encore - confrontés à une explication totale,
••
mais fragmentaire, quoique extraordinairement pénétrante, jusque
dans l'étroitesse de son attaque. 1

Telle est, me semble-t-il, la double limitation interne de cette


interprétation - pourtant sans bornes extérieures - des phéno-
••
mènes de culture.
2. Mais on n'a pas dit l'essentiel tant que l'on a caractérisé
cette exégèse de la culture simplement comme une psychanalyse !
•'
appliquée et comme une interprétation analogique. Il apparaît •

à une lecture soigneuse que ce~te application et cette transposition 1


.
ont transformé, comme par choc en retour, le modèle lui-même, le t

1
modèle formel de l'économique et le modèle matériel du rêve. 1
t
C'est bien pourquoi nous pouvons tenir cette seconde partie pour 1
une nouvelle coupe en profondeur, une nouvelle lecture, au cours t

de laquelle la psychanalyse, débordant le domaine originel du 1


rêve et de la névrose, va découvrir son propre sens, et s'approcher •
•' de son horizon philosophique initial (cf. ci-dessus, p. 94).
1
Le point critique essentiel, c'est le passage à la seconde topique:
moi, ça, surmoi. Ce passage présente des difficultés particulières;
car cette nouvelle triade n'abolit pas la première; on ne peut pas
'• .
\

1 dire non plus qu'elle s'y ajoute, du moins dans le même cadre ,
1
conceptuel. La considération des rôles ou des institutions qui la t
distingue de la première topique ne dérive pas, par simple correction, :
de la théorie des trois systèmes (inconscient, préconscient et cons- r
1 (
cient). Elle est d'un autre ordre. C'est pourquoi nous n'avons pas 1

1
fait paraître la seconde topique sous le titre de l'épistémologie •
1
psychanalytique, que l'on peut considérer, sinon comme achevée,
1 du moins comme suffisamment motivée par la première topique;
nous avons préféré la coupler avec l'interprétation de la culture,
a~n de souligner, d'une part que l'interprétation de la culture est
bten plus qu'un sous-produit de la psychanalyse, puisqu'elle a
partie liée avec la conception de la seconde topique, d'autre part •
~
que la seconde topique est autre chose qu'un remaniement de la .

159 •
l

1
,

• ··--
.. . ... -. .
1•
.••


ANALYTIQUE
.

première puisqu'elle procède d'une confr?ntation de la libido


avec la irandeur. non libi~in~e qui se mamfe~te comme cult·~re.
La première top1que resta1t hée à une économique, ?e .la puls10n,
considérée comme unique concept fo~d~men~l; c et~1t par rap-
port à la libido seule que la topique. s arttc,ulatt en trms systè~es;
la seconde topique est une économique d un" nouveau genre • la
libido y est en proie à autre chose qu'~lle-~eme, à un~ denza~de
en renoncement qui crée une nouvelle s1tuat1on éconormque; c est
pourquoi elle met en jeu, non plus une suite d~ systèmes pour une
libido solipsiste, mais des rôles - personnel, tmpersonnel, supra- •f
.'
personnel - qui sont ceux d'une libido en situation de culture.
C'est pour marquer cette solidarité de la seconde topique avec
l'exégèse de la culture que nous la ferons paraître au terme de cette 1
seconde partie. On pourrait dire que la théorie de la culture, en
tant qu'u application » de la psychanalyse, procède de la première
topique, mais que, par choc en retour, elle suscite une nouvelle L
topique qui la couronne; l'Essai intitulé Le Moi et le Ça est le pas
témoin considérable de cet élargissement de la psychanalyse. illus
3· On n'a pourtant pas encore rendu pleine justice à l'interpré- avan
tation de la culture en la liant à la seconde topique; seule une des .
refonte beaucoup plus radicale de la théorie même des pulsions forrr.
permettra de passer d'une vue fragmentaire, latérale et simple- I.
ment analogique des phénomènes de culture, à une vision elle- ne d
même systématique de la culture. C'est en effet avec la pulsion qu1• r
de mort et la réinterprétation de la libido comme Éros, face à la que .
m~rt,, que le p,roblème de la culture sera élaboré, comme problème 2.
umta1re. Ce n est pas dans Le Moi et le Ça qu'il faudra dès lors cette
chercher l'interprétation dernière, mais dans Au-delà du Principe l'hen
de Plaisir. Entre Éros et la Mort, la culture figurera le théâtre le désir
plus ~aste de la a lutte des géants ». 1•
à la t
Ma~s nous aurons atteint en même temps le point où la psychana- • à la 1
lys~ vue de la science ~ la philosophie, pe~t-être même à la mytho- ' préta
lo~Je. La ~econde parue de notre Aualytrque restera en deça de ce 1
1

pomt, à mt~pente entre les.côteaux encore rassurants de la << psycha- •
dont
nalyse app}•quée » et les c1mes- ou les abîmes - d'une nouvelle auggé
dramaturgie dont tous les u personnages » sont mythiques : Éros, '• un a1
Than~to~ et Ananké. Cette dramaturgie mythico-philosophique Nietz:

fera 1objet de la III8 Partie de l'Analytique. · tionsc:
struct
peut E
1
rêve e
/ 4· ]

-' ..
. ·- - -------
••

CHAPITRE PREMIElt

L'ANALOGIE DU ~VE

J
1
• l
. •'
1

I. LE PRIVILÈGE DU Rftw
1

.

Le privilège du rêve dans la série des analogues culturels n'est
pas fortuit. Il y a entre le style de l'interprétation et sa première
illustration un rapport de convenance qu'il importe de rappeler
avant de s'étonner du caractère paradigmatique de l'interprétation
..
••
'
\
1
des rêves. Ce qui fait du rêve un modèle peut être résumé dans les
'• .' 1
formules suivantes :
r. Le rêve a un sens : il y a des « pensées » du rêve et ces pensées •
l
ne diffèrent pas fondamentalement de celles de la veille. Tout ce 1
qui met le rêve dans le même courant que le reste de la vie psychi-
que le rend apte à la transposition dans des analogues culturels.
2 . Le rêve est l'accomplissement déguisé d'un désir refoulé;
cette seconde thèse oriente vers un type précis d'interprétation,
l'herméneutique du décryptage. C'est parce que, dans le rêve, le
désir se cache que l'interprétation doit substituer la lumière du sens
• à la ténèbre du désir. L'interprétation est la réponse de la lucidité •

.•
1 .•

• à la ruse. Nous sommes ici à la source de toute théorie de l'inter-
' prétation, conçue comme réduction d'illusion. 1•

1
3· Le déguisement est l'effet d'un travail, le « travail du rêve », •
1

dont les mécanismes sont beaucoup plus complexes que ne le
suggéreraient une généralisation de l'exégèse scripturaire, ou même
' un approfondissement de la « généalogie de la morale » selon
~ietzsche; déplacement, condensation, figuration sensible, élabora-

1 tionsecondaire, ces procédés bien précis ouvrent la voie à des analogies
structurales jamais entrevues. Si en effet J'interprétation du rêve
peut servir de paradigme à toute interprétation, c'est parce que le
rêve est lui-même le paradigme de toutes les ruses du désir. !
4· Le désir représenté par le rêve est nécessairement infantile.
161


ANALYTIQUE

Le rêve marque la régression de l'appareil .psychique, au triple


SI
sens formel : de retour à l'image, chronolo~tqu;, - de ;etour à
d
l'enf ance toptque,
· - de retour au
. court·ctrcUlt
h 11 ·du déstr
· et dulé tl
· · se
p 1atstr ' 1on le type d'accomplissement a1 ucmat01re
è à appe
h'
' · · Ainsi le rêve nous donne·t-t ace 1s un c'
processus pnma~re. , h , p eno-
è pé
mène général qui ne cessera de nous preoccupe,r, e p. enom. ne
d e 1a r égresst·on·, c'est lui aussi qui nous permet den ésatstr lal''trtple qt
· il
articulation. Dès maintenant nous pouvons ~ract rtser mter- •
prétation analogique non seulement comm,e ~ecryptage, c~mme ta
lutte contre les masques, mais comme révelat10n des archatsmes la
de toute nature; on en verra l'importante conséquence pour dt
cu
l'éthique. ,. b bi • pr
5· Enfin le rêve nous permet d'élaborer, par d mn?m ,ra es

;J-
recoupements, ce qu'on pourrait ap~eler la lan~ue du déstr, c es,t-à- rét
dire une architectonique de la fonctiOn sy~bohque, d~ns ce qu en: la
a de typique, d'universel. Comme on sa!t, la sexuahté est ce q'-!1 pe1
alimente fondamentalement cette symbohque; elle est le symboh- • del
sable par excellence; en elle culmine la Darstel/barkeit, l' «aptitude et
à la figuration». Ce que le rêve rencontre comme langue sédimentée,
sus"


usagée, comme u symbole » au sens précis et même étroit que
Freud dl')nne à ce mot, est comme la trace, dans le psychisme de de
,
l'individu, du grand rêve éveillé des peuples qui s'appelle folklore • thè
et mythologie. tou

Il ne faudrait pas néanmoins se représenter cette généralisation on
du modèle onirique comme une répétition monotone. Son extcn- et 1
sion à la veille constitue en même temps un problème. Chacun • onu•
des traits que nous avons rappelés demande à être dégagé de la 1 tiqu

particularité nocturne du rêve, pour que le rêve devienne, si j'ose •
1

aba1


dire, l'onirique en général . cme
I. Pour que le rêve s'ouvre sur une théorie générale du sens il de 1
f~ut que l'expression de la vie. instinctuelle, sous la forme narcis- 5·
stque que IUJ donne le sommet!, se compose avec l'expression du • frais

monde, qui caractérise la vie de veille. décl
. 2. Si la Wunscherfüllung d~ .rêve doit avoir une valeur exemplaire, dans
,
11 faut que, dans sa transposttlon à la veille, soit surmonté le carac- pree
t~re circonstanciel du sommeil, du désir de dormir qui paraît re be.
~ten être le noy~u non transposable du rêve. FautMil aussi généra- tiqu<
hser le a sommeil », comme métaphore d'un nocturne interne à la de d
loi du jour? • dans
3· .. Plus ~ortemen~ en~ore les procédés par lesquels le travail culat
du reve obtient la dts~orst~n du se,ns ont une singularité, une étran-
geté, que Freud souhgnatt dana llnterprétatwn des Rêves et oppo- 1. (
• a. <
162

'

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.. .'t.·.\. .' (.
··.l

L'ANALOGIE DU dYE
sait à la pensée éveillée 1• Ce sera donc une des tâches de la théorie
de la culture d'extraire du travail de rêve un ensemble de struc-
tures, rapportée3 à la fonction générale de << tromper la censure »;
c'est ce rapport de la structure à la fonction qui peut être retrouvé
par le mot d'esprit, les contes, les légendes et les mythes, et en
quelque sorte formalisé par delà le rêve proprement dit. Mais
il faut alors étendre la notion de régression au-delà de la représen-
tation élémentaire qu'en donnait encore l'Interprétation des Rêves,·
la régression topique vers la perception ne paraît pas caractéristique
du fantastique dans son ensemble; à cet égard l'interprétation de la
culture sera de bout en bout une lutte avec le thème de la « scène

primitive >>que Freud tentera toujours de tirer du côté du souvenir
réel, même après qu'il aura renoncé à sa première expression dans .,
la prétendue scène de séduction de l'enfant par l'adulte. Il paraît ·i1
peu probable qu'on puisse édifier une théorie topique-économique
des phénomènes de culture sur le modèle du processus primaire
et de u l'investissement hallucinatoire des systèmes perceptifs ».
• 4· C'est la même difficulté, dans des termes différents, que

• suscite le thème de l'infantilisme du rêve. L'aspect chronologique •
de la régression passe ici au premier plan. Comment introduire des •

, thèmes de << progression » dans une interprétation attentive avant •



tout à la marche u régrédiante » de l'appareil psychique? Freud,
on le verra, refuse, autant qu'il est possible, d'opposer progression
et régression afin de maintenir l'universelle validité du modèle
• onirique; sa théorie du surmoi a pour but d'établir que le fantas-
tique de rhomme est foncièrement une restauration des positions
• •
1 abandonnées de la libido, un mouvement d'arriération. Là s'enra-
cine un certain pessimisme culturel de Freud que la découverte
de la pulsion de mort renforcera encore.
•• 5· La théorie de la culture permettra de reprendre à nouveaux
'
• frais le problème de la symbolisation, que l'Interprétation des Rêves
• déclarait extérieure au travail proprement dit du rêve. Si Freud
dans cet ouvrage recourait à l'interprétation des mythes, c'était
précisément pour venir au secours de rinterprétation des symboles
rebelles à la méthode des associations libres. Une méthode géné-
tique, au niveau de l'histoire de la culture, doit ici relayer Ja méthode
de déchiffrage au niveau du psychisme individuel'. C'est même
dans une interprétation de la culture que peut être aperçue J'arti-
culation du point de vue génétique, évoquée dès la distinction

1. Cf. ci-desaua, p. C)8 et n. s, ainsi que p. ll7•


z. Cf. ci-deaaua, p. 108,

J
.

(
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~
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. '

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.... .
• • l'o. \ ~ t
-.....-.-.... _..
ANALYTIQUE

entre processus primaires et processus secondaires, sur le point


de vue topique-économique•.
•.
Pour toutes ces raisons l'interprétation de la cul~re. sera. le •
grand détour qui révélera le modèl~ du rêve selon ~ stgmfi~tl?n
universelle. Le rêve s'avérera être bten autre chose qu une cunosité • au:
de la vie nocturne ou qu'un moyen d'accéder aux conflits de la
névrose. Il est le porche royal de la psychanalyse 8 • Il a cette fonction
pOl
•' bit
de modèle, parce qu'en lui sc révèle tout le nocturne de l'homme, le
nocturne du jour, si j'ose dire, aussi bien que celui du sommeil. -ran

L'homme est cet être qui est capable de réaliser ses désirs sur le •
mode du déguisement, de la régression et de la symbolisation ce .
.1
, la p
stéréotypée. En l'homme et par l'homme le désir avance masqué.
La psychanalyse vaut dans la mesure où l'art, la morale, la religion 1 une
sont des figures analogues, des variantes du masque onirique. 1

put
Toute la dramatique du rêve se trouve ainsi généralisée aux dimen-
1
j épr1
sions d'une poétique universelle. enfi
Si la méthode de la Traumdeutung n'a jamais été trahie, mais pere
seulement élargie et approfondie, c'est que le thème même du psyc
«déguisement », thème central de la Traumdeutung, s'est lui-même L
trouvé élargi et approfondi dans tous lrs registres où les pulsions pas
pou~e!lt leurs représen~ts et leurs r~jetons. Parmi ces masques z now
1 défe
du destr, analogues aux reves de nos nUits, nous devrions retrouver 1

les idoles qui encombrent nos faux cultes. De l'idole comme rêve i cons
! éveillé de l'humanité, tel pourrait être le sous-titre de l'herméneu- que
1
tique de la culture. '
1
!
sédUt.
U~e première confrontation, qui ne met pas encore en jeu de ' et dt
• mantere apparente les redoutables difficultés attachées à la notion
1 s'att<

du , surmoi, attestera ce style original de la u psychanalyse appli- 1 gratu
9uee »: l'œuv~e d'art sera la première figure du nocturne de plein ~ à la
JOUr, le p~emter analogue de l'onirique; elle nous mettra en outre place
sur le traJet du subl_ime et de l'illusion que les chapitres suivants la fo
nous feront parcourU'. 11 • subst
•l retou.

'
et Je
1 suspc.
.
l
Ce
1 systén

1

C'est
renfor
3·. L'luterpritation des /Uves, G. W. u/m p. 613 · S E v 6 8 f: • •
• L'tnterp é•nt' d a 1 . ' , . . ' p . o ., tr. r., p . JJO.
r ... ton es rçves est a vote royale pour conna•tr l'' · d 1 '• des œ1
vie psychique. 1 • c mconactent e a • peutiq
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. pas de
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L'ANALOGIE DU RivE

2. L'ANALOGIE DE L'ŒUVRE D'ART


••

L'application par Freud du point de vue topique-économique



)
aux œuvres d'art sert plus d'un dessein; ce fut un délassement
pour le clinicien, qui fut aussi grand voyageur, collectionneur et 1
1
• 1
• bibliophile passionné, grand lecteur de littérature classique,
- de Sophocle à Shakespeare, à Gœthe et à la poésie contempo-
raine- amateur éclairé d'ethnographie et d'histoire des religions; r
• ce fut, pour l'apologète de sa propre doctrine, - surtout durant t'
1 la période d'isolement qui précéda la Première Guerre mondiale-
1
1
't

i une Défense et Illustration de la Psychanalyse, accessible au grand 1


1

\ public non scientifique; ce fut encore plus une preuve et une
l 1
••1
1
épreuve de vérité pour le théoricien de la Métapsychologie; ce fut 1
enfin un jalon en direction du grand dessein philosophique, jamais
perdu de vue et autant masqué que manifesté par la théorie des
psychonévroses. :
La place exacte de l'esthétique dans ce grand dessein n'apparaît 1.


1
1
j
pas tout de suite, en raison même du caractère fragmentaire que
nous allons non seulement avouer, mais revendiquer, pour la
r'.
1
1
défense des exercices d'esthétique psychanalytique; mais, si l'on
considère que la sympathie de Freud pour les arts n'a d'égale 1
1
que sa sévérité pour l'illusion religieuse et que d'autre part la 1
1 séduction esthétique ne satisfait pas pleinement l'idéal de véracité 1

! et de vérité que seule la science sert sans compromission, on peut



1

.•
1 •

! s'attendre à découvrir, sous les analyses en apparence les plus
gratuites, de grandes tensions qui ne seront tirées au clair que tout •
1
t à la fin, quand la séduction esthétique aura elle-même trouvé sa
place entre l'Amour, la Mort et la Nécessité. L'art est pour Freud
!
.
1
J
l
la forme non-obsessionnelle, non-névrotique de la satisfaction i•
1
l
substituée : le charme de la création esthétique ne procède pas du •
1
~

i retour du refoulé; mais où est sa place, entre le principe de plaisir •


1
1
A
et le principe de réalité ? Voilà la grande question qui restera en •

1

t
suspens, à l'arrière des « petits écrits de Psychanalyse appliquée ».
! Ce qu'il faut d'abord bien entendre, c'est le caractère à la fois •
1 systématique et fragmentaire des essais esthétiques de Freud. •••
1•
!
C'est précisément le point de vue systématique qui impose et •
renforce le caractère fragmentaire. En effet, l'explication analytique •

1 des œuvres d'art ne saurait se comparer à une psychanalyse théra-


.• peutique ou didactique, pour la simple raison qu'elle ne dispose •
'
.1 pas de la méthode des associations libres et qu'elle ne peut placer

.
! I6S
:

'
'
• '
1

'
ANALYTIQUE •'
'

ses inte rétations dans le champ de la relat~on due~le entre méde-

ra1s
cin et p~icnt; à cet égard, les documents btogra.plu.ques. auxquels n'a
l'interprétation peut recourir ne sont pas pl~s stgn!fic~ttfs que ~es • .

mèr
renseignements des tiers lors d'une cure. L'u~terpretatt~n psyc a- 1
• en 1
nalytique de l'art ~t fragmentaire parce quelle est s1mplement ' .
1
mor
dot<
analogique. · ·1 •
C'est bien ainsi que Freud lui-même a conç'! ses essat~; 1 s tmg
ressemblent à quelque reconstitution archéologtque, esqU1ssa~t pass
,
le monument entier à la manière d'u~ con~ex~e probable ~ parttr '
pres
d'un détail architectural. En retour, c est 1umté systémattque du reno

1'
point de vue qui fait tenir ensemble ces fragments, .en attendant en c
i•
l'interprétation globale de l'œuvre de ~uln;re qu'on dtra plus, tard. l
se Ii"
Ainsi s'explique le caractère très part1cuher de ces es.sats, 1éton- oJ
' du j
nante minutie du détail et la rigueur, et même la ratdeur, de la 1 seuil
théorie qui coordonne ces études fragmentaires à la grande fresque c'est
1
du rêve et de la névrose. Considérées comme des pièces isolées, darts
chacune de ces études est bien circonscrite; le Mot d'Esprit est les a
une brillante mais prudente généralisation au comique et à l'humour par 1
des lois du travail de rêve et de la satisfaction fictive; l'interpréta- Ai:
tion de la Gradiva de Jensen ne prétend pas donner une théorie l'onit
générale du roman, mais recouper la théorie du rêve et de la névrose les d
par les rêves fictifs qu'un romancier ignorant de la psychanalyse l'un
prête à son héros et par la guérison quasi analytique vers laquelle l'hon
il conduit celui-ci; le Moïse de Michel-Ange est traité comme une les re
œuvre singulière, sans que soit proposée aucune théorie d'ensemble est 1':
du génie ou de la création. Quant au Léonard de Vi11ci, il n'outre- i dissat
passe pas, en dépit des apparences, le titre modeste : Un Souvetzir Est
d' Ettjarzce de Léonard de Vinci; seules sont éclairées quelques singu- 1 Rêves
larités de la destinée artistique de Léonard, comme des traits de •
Il n'e:
lumière dans un tableau d'ensemble qui reste dans l'ombre; traits ' le jeu
de lumière, .trous de luf!1ière, qui ne sont peut-être, comme on 1 plus t
t
verra plus lom, que des tenèbres parlantes. l'abse1
Jam~is n'est tra~sgressée la simple analogie structurale de travail accom

à tr~vatl, de .travatl de rêv~ à travail d'art, - et, si j'ose dire, de n'est 1
dest!n à destu~, -.de destm de pulsion à destinée d'artiste. une u ,
. C est cett~ mtelh~ence oblique que nous allons essayer d'expli- hure r
Citer, e? sut~ant dun peu près quelques analyses freudiennes. ors 1<
s~ m ~tremdre à un ordre historique rigoureux, je P.artirai du •

peut écnt de 1908 La Création littéraire et le Rêve évetllé •. Deux t


s. G.
4· Der Dich~er und dar Phanttuieren, G. W. vu, p . :u l·UJ; Cr~ative write1'1 6. G.
• •
and tfay -drcammg, S. E. IX, p. 143-lSJ: tr. fr., Euais th Pl)'clumalysl Appliqu/1, CUrutne,
Galhmard, Coll. • La Euaia •, p . 69-81. 1· G.

166

.. t ·· ~ <o' '!' .
f •• •
' \ •• l

1
1'

1'
L'ANALOGIE DU RaVE '
•1

raisons justifient de le mettre en tête : d'abord ce petit essai, qui


1
n'a l'air de rien, illustre parfaitement l'approche indirecte du phéno-
'
1
mène esthétique par le biais d'un habile apparentement de proche '
•'
,

1
en proche; le poète est pareil à l'enfant qui joue : cc Il se crée un 'i .:J \

• ., monde imaginaire qu'il prend très au sérieux, c'est-à-dire qu'il "!

dote de grandes charges en affect ( Affektbetriige), tout en le dis- :~


tinguant nettement de la réalité ( Wirklù:hkeit) 5 • » Du jeu, nous
passons à la « fantaisie »; non par ressemblance vague, mais par la
présupposition d'un lien nécessaire : à savoir que l'homme ne
renonce à rien, mais échange seulement une chose contre une autre
\ en créant des substituts; c'est ainsi que l'adulte, au lieu de jouer, ••
~ '
'
• se livre à la fantaisie; or la fantaisie, dans sa fonction de substitut •
1

du jeu, c'est le rêve diurne, le rêve éveillé. Nous sommes ici au


1 seuil de la poésie; le chaînon intermédiaire est fourni par le roman, l
c'est-à-dire par les œuvres d'art en forme de récit; Freud discerne '
1
dans l'histoire fictive du héros, la figure de «sa majesté le moi 6 »; '

1
les autres formes de la création littéraire sont supposées reliées,
par une série de transitions continues, à ce prototype. 1
Ainsi se dessinent les contours de ce qu'on pourrait appeler
l'onirique en général. Dans un raccourci saisissant, Freud rapproche
les deux extrémités de la chaîne du fantastique : rêve et poésie;
l'un et l'autre sont les témoins d'un même destin : le destin de
l'homme mécontent, insatisfait : « Les désirs non satisfaits sont
les ressorts pulsionnels des fantasmes ( Plzantasien) ,· tout fantasme '
est l'accomP.lissement d'un désir, la rectification de la réalité qui 1
dissatisfait Ll'homme] 7 • »
Est-ce à dire qu'il reste seulement à répéter l'Interprétation des

1
Rêves? Deux touches légères nous avertissent qu'il n'en est rien. 1
1
'
Il n'est pas indifférent d'abord que la chaîne des analogies passe par 1
••
le jeu; l'essai Au-delà du Prir~cipe de Plaisir nous apprendra 1
, plus tard qu'on peut déjà discerner dans le jeu une maîtrise de
1
1

' l'absence; or cette maîtrise est d'une autre nature que le simple 1

••'

accomplissement hallucinatoire du désir. L'étape du rêve ét:ei/11 •
; n'est pas non plus sans signification; le fantasme s'y présente avec 1
une « estampille temporelle » ( Zeitmarke), que ne comporte pas la
pure représentation inconsciente que nous avions dite au contraire .
hors le temps; la fantaisie, à la différence du pur fantasme incons- '•

••
t
s.
G. W. vu, p. a14i S.E. IX, p. l#i tr. fr., p. 70. 1 '
'· 1
. 6: G. W. vu, p. uo; S. E. IX, p. aso; tr. fr., p. 77. cf. Pour lntroduir•l- Nar-
cusume, G. W. x, p. 157; S.E. XIV, p. 91 i tr. fr., p. ~u.
1· G. W. vu, p. at6i S.E. IX, p. 146; tr. Cr., p. 73.

.•

••

....•. ..
.
. ..., .
. '.
ANALYTIQUE

cient, a le pouvoir d'intégrer l'un à l'autre le pr~en~ de: l'impress!on Étt


actuelle le passé de l'enfance, et le futur de la reahsat10n du projet. retrot
Ces de~ touches restent isolées, comme de~ notes d'a~cnte. repré:
D'autre part, cette brève étude contient, zn fine, _une ti?,porta!lte sans •
suggestion qui nous ramène de yaspe~t fragmcnt~tr~ à 1 mtcnt10n et la :
systématique. Faute de pouv01~ pénctrer,. la c~eatton dans son { que 1,
dynamisme profond, nous pournons peut-etre dtre. quelque chose le rê\
du rapport entre le plaisir qu'eU~ ~uscite et la techmque qu'elle met
1
1 du co
en œuvre. Si le rêve est un travatl, il est naturel que la psychanalyse 1 Théo
prenne l'œuvre d'art par son côté en quelque sorte arttsanal, afi_n nous
de dévoiler à la faveur de l'analogie structurale, une analogte i effet,
fonctionnell~ beaucoup plus importante encore. Dès lors, c'est du
côté de la levée des résistances qu'il faudrait orienter les recherches;
l décon
techn
que nous puissions jouir de nos propres fantasmes sans scrupule ru et qu
honte, telle serait la visée la plus générale de l'œuvre d'art; cette
intention serait alors servie par deux procédés : masquer l'égoïsme
l'
1
au pr•
sur le

du rêve diurne par des altérations et des voiles appropriés, -séduire 1
1 freudi
1
par un gain de plaisir purement formel, attaché à la représentation 1 Si not

des fantasmes du poète. << On appelle prime de séduction ou plaisir 1 nous c
1
préliminaire un pareil bénéfice de plaisir, qui nous est offert afin r' lié à l
1
de permettre la libération d'un plaisir plus grand, émanant de le dép
sources psychiques bien plus profondes 8• » 1 des re
'
Cette conception globale du plaisir esthétique comme détonateur de to1
de décharges profondes constitue l'intuition la plus audacieuse de • •
mmm:
toute l'esthétique psychanalytique. Cette connexion entre technique pouvo
et hédonistique peut servir de fil conducteur dans les recherches ••
! aux t(
les plus pénétrantes de Freud et de son école. Elle satisfait à la ' une d
fois à _la modestie et à la cohérence requises d'une interprétation plaisir
analyuque. Au lieu de poser la question immense de la créativité, 1 la libc!
l
on explore le problème limité des rapports entre l'effet de plaisir Cctt
et la. te.chnique de l'œuvre. ~ette question raisonnable reste dans t d'un c
les hmttes de compétence dune économique du désir. le fil
C'est dans le Mot d'Esprit et ses Rapports avec l'Insconcient 1
1 départ
(1905) que Fr~ud avait posé quelques jalons précis en direction r
1 fidèles
de ~ett~ théone éc~!lomique du plaisir préliminaire. Ce que cet 1
' de Mi.
~at brillant et mettculeux propose, ce n'est pas une théorie de 1 Souve1.
1art dans son ensemble, mais l'étude d'un phénomène précis et ! (Nous
d'un. effet p~écis de plais!r, .puisqu'il est sanctionné par la décharge •
1 c'est p
du nre. Maœ, dans ces lmutes étroites, l'analyse sc déploie en pro- 1
fondeur. :
1
9. De
:/okes a 11
8. G. w. vu, p. 2:13; s. E. IX, p. 153; tr. fr., p. 81. ' d'Esprit
1

168 \'
'
1

..
L'ANALOGIE DU RtvE

Étudiant d'abord les techniques verbales du Witz, Freud y


retrouve l'essentiel du travail du rêve : condensation, déplacement,
représentation par le contraire, etc. -vérifiant ainsi la réciprocité
.•
i sans cesse postulée entre le travail qui relève d'une économique 1 ,.
et la rhétorique qui permet l'interprétation. Mais, en même temps f ~
que le Witz vérifie l'interprétation linguistique du travail du rêve,
.,1
le rêve fournit en retour les linéaments d'une théorie économique
du comique et de l'humour. C'est ici que Freud prolonge et dépasse '
1
, 1
Théodore Lipps (Komik und Humor, 1898); c'est ici surtout que
1 nous retrouvons r énigme du plaisir préliminaire. Le Witz, en 1' 1

l effet, se prête à une analyse, au sens propre, c'est-à-dire à une




1

1
décomposition qui isole la mousse de plaisir dégagée par la pure
1 technique du mot, du plaisir profond que le précédent déclenche,
et que les jeux de mots obscènes, agressifs ou cyniques portent
1 au premier plan. C'est bien cette articulation du plaisir technique
1
! sur le plaisir instinctuel qui constitue le cœur de l'esthétique
freudienne et la relie à l'économique de la pulsion et du plaisir.
1
1
1
1
1
1
Si nous admettons que le plaisir est lié à une réduction de tension, 1

nous dirons que le plaisir du travail technique est un plaisir minime, 1


1

1 •
''
lié à l'épargne de travail psychique que réalisent la condensation, •
1'

l le déplacement, etc ... ; ainsi, le plaisir du non-sens nous affranchit


des restrictions que la logique inflige à notre pensée et allège le joug
.

1
1 de toutes les disciplines inteJlectuelles. Mais, si ce plaisir est
.' minime, comme sont minimes les épargnes qu'il exprime, il a Je

; pouvoir remarquable de s'ajouter en appoint, ou mieux en prime,
••
1 aux tendances érotiques, agressives, sceptiques. Freud utilise ici
''
•'
une théorie de Fechner~sur le u·~ concours ·» ou l'accumulation de
plaisir et l'intègre à un schéma plus jacksonien que fechnerien de
J
la libération fonctionnelle 9 •
Cette liaison entre la technique de l'œuvre d'art et la production '
~• d'un effet de plaisir constitue le fil conducteur et, si l'on peut dire,

le fil de rigueur de,.l'esthétique analytique. On pourrait même 1

1
1 départager les essais esthétiques, selon qu'ils sont plus ou moins
l
1 fidèles au modèle de l'interprétation du Mot d'Esprit. Le Jllloïse
1
.' de Michel-Ange serait l'exemple de tête du premier groupe, Un 1
1
•• Souvenir d'enfance de Léonard de Vinci, celui du second groupe.
1 (Nous verrons que ce qui nous égare d'abord dans le Léonard... ,
c'est peut-être aussi ce qui donne ensuite le plus à penser concer- 1 1
1

l
9. Der Wita und sûne Be:ziehung :zum UnbetuuSitm (1905), G. W. VJ, p. 53-4;
Jokes and their R elation to the Unconscious, S. E. vm, p . 136-8; tr. fr. Le Mot
d'&prit et us Rapports avec l'lnconscimt, Gallimard, Coll. • Lea Essais •. p . 157·8. 1
1

• 1

'
1


1
!
.


'
···- -= .........


'
ANALYTIQUE

nant la véritable explication analytique dans le domaine de l'art J


;
et dans d'autres domaines.) . 10 ,
Ce qui est admirable dans le Moïse de Mtchei-Ange ! c est, que
l'interprétation du chef-d'œuvre est menée à la mamère d une
interprétation de rêve, à partir du détail; ce~te méthode proprc:-
ment analytique permet de superposer .travatl de . rêve et ,travasl
de création, interprétation du rêve et mterprétataon de 1œu~re
d'art. Plutôt que de chercher à expliquer, sur le plan de la généralité ~
la plus vaste, la nature de la satisfaction engendrée par l'œuvre IV
d'art- tâche dans laquelle se sont pe~dus trop d~ psycha~alystes - m
c'est par le détour d'une œuvre singuhère et des sagmficat1ons créées fil
par cette œuvre que l'analyse ten.te de résoud:e l'.énigme gé~érale p:
de l'esthétique. On connaît la patience et la mmut~e de cet~e mte~­ es
prétation. Ici, comme dans une analyse de rêv~, c est ~e fas~ précts
et, en apparence, mineur qui compte et non une tmpressson d ensem- 0(
ble : la position de l'index de la main droite du prophète, ~e cet C(
index qui est seul en contact avec le fleuve de la barbe, tandas que p!
le reste de la main se porte en arrière, la position basculée des p:•
tables, près d'échapper à la pression du bras. L'interprétation tlt
reconstitue, dans le filigrane de cette posture instantanée et comme V<
figée dans la pierre, les enchaînements de mouvements antagonistes de
qui ont trouvé, dans ce mouvement arrêté, une sorte de compromis pé
instable; dans un geste de colère, Moise aurait d'abord porté la -
main à la barbe, au risque de laisser tomber les tables, tandis que M
son regard était violemment attiré de côté par le spectacle du peuple de:
idolâtre; mais, un mouvement contraire, réprimant le premier et •
qt
suscité par la conscience vive de sa mission religieuse, aurait he
ramené la main en arrière. Ce que nous avons sous les yeux, c'est Li
le résidu d'un mouvement qui a eu lieu et que l'analyste s'applique ..
pc
à r~constituer, de la. même manière qu'il reconstitue les représen- de
11
tatiOns opposées qUJ engendrent les formations de compromis du le1
rêve, de la névros~, du lapsus, du mot d'esprit. Creusant encore A1
sous cette for~at1?n de compromis, Freud découvre plusieurs de
couches .dan~ 1epaass~ur du sens apparent! Par-delà l'expression , A
1 to·
exemplatr~ d un con.flat surmonté, bien digne de garder le tombeau re1
du p~pe, 1analyse dascerne Wl secret reproche adressé à la violence • tis
du defaut et, par-delà encore, un avertissement que l'artiste for- •
mule contre lui-même.
'•
21 :
Jo•. Der M oses du Micluumgelo (1914), G. W. XIV, p. 172-20I • The Moses •
of Mrcltc/angelo, S. E. xm, p. 211-236·
lU P«~tJuuralvse AP•"I' .t
u,
Morse de M 'c' l-A ' · E ·
' ,,e 11ge, m ssau
1
'
Un
J
•., " r rqu~e, p. 9·42· 1

1 l

1
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1 •
1
1
l
L'ANALOGIE DU R~VE

Par ce dernier trait, le Moïse de Michel-Ange sort déjà des limites •


d'une simple psychanalyse appliquée; il ne se borne pas à vérifier
la méthode analytique, il pointe vers un type de surdétermination
que le Léonard... fera mieux voir, en dépit ou par le moyen des
méprises qu'il paraît encourager; cette surdétermination du sym-
bole érigé par le statuaire laisse entendre que l'analyse ne boucle •

pas l'explication, mais l'ouvre sur toute une épaisseur de sens; le


Michel-Ange déjà dit plus qu'il ne dit; sa surdétermination concerne
Moise, le défunt pape, Michel-Ange - ct peut-être Freud lui-
même dans son rapport ambigu à Moise ... Un commentaire sans
fin s'ouvre, qui, loin de réduire l'énigme, la multiplie. N'est-ce
pas déjà avouer que la psychanalyse de 1'art est interminable par
essence?
J'arrive au Léonard 11• Pourquoi Pai-je d'abord appelé une
occasion et une source de méprise? Tout simplement parce que
cet essai, ample et brillant, paraît bien encourager la mauvaise
psychanalyse de l'art, la psychanalyse biographique. Freud n'a-t-il
pas tenté de surprendre le mécanisme même de la création esthé-
tique en général, dans son rapport d'une part avec les inhibitions,
voire les perversions sexuelles, d'autre part avec les sublimations
1
de la libido en curiosité, en investissement scientifique? N'a-t-il

pas reconstruit, sur la seule interprétation du fantasme du vautour
- qui n'est d'ailleurs pas un vautour! - l'énigme du sourire de
Monna Lisa? Ne dit-il pas que le souvenir de la mère perdue et
de ses baisers excessifs se transpose à la fois dans le fantasme de la

queue du vautour dans la bouche de l'enfant, dans le penchant
homosexuel de l'artiste et dans le sourire énigmatique de Monna
Lisa ? <( Ce fut sa mère qui posséda ce mystérieux sourire, un temps
••
pour lui perdu, et qui le captiva lorsqu'ille retrouva sur les lèvres
1 de la dame florentine 12. ,, C'est le même sourire qui se réitère dans
' les images dédoublées de la mère dans la composition de la« Sainte
Anne» : << Car, si le sourire de la Joconde évoqua, hors des ombres
de sa mémoire, le souvenir de sa mère, ce souvenir le poussa aussi-
tôt à une glorification de la maternité restituant à sa mère le sourire
retrouvé chez la noble Dame 13• » Et d'ajouter : a Ce tableau synthé-
tise l'histoire de son enfance; les détails de l'œuvre s'expliquent

1
1
n. Eine Kindheitserinnerung des Leonardo da Vinci {1910), G. W. vm, p. 128·
211; Leonardo da Vittci and a Mcmory of his Childhood, S. E. xr, p. 63-137; tt. fr.
, Un Souvenir d' Erifance d1 Uonard th Vinci, Paris, Gallimard, CoU. • Les Essaia •·
ra. G. W. vm, p. 183; S. E. xt, p. 11 J; tr. fr., p. 147.
! ..
1 13. G. W. vm, p. 183; S. E. XI, p. JJJ•Ja; tr. fr., p. 148.
i

ANALYTIQUE
de
par les personnelles impr~io~ de la vi~ de Léonard
14
» « La
• de
figure maternelle la plus elmgnée de 1enfant, la grand-mère, en
correspond, par son appa!ence et s~ situ~tion dans .le table~u par cl~
rapport à l'enfant, à la vraie ~t premiere mer~: Caterma ..Et 1 artiste no
recouvrit et voila, avec le bienheureux sounre de la samte Anne, l'a
la douleur et l'envie que ressentit la malheureuse, quand elle dut tn
céder à sa noble rivale, après le père, l'enfant ~ »••
1
ce
Ce qui rend suspecte cette analyse- selon les.critères que nous inJ
avons dégagés du Mot d'Esprit - c'est que Freud semble aller àl
bien au-delà des analogies structurales que seule une analyse de la un
technique de composition autoriserait et qu'il s'avan~e jusqu'à la no
thématique pulsionnelle que l'œuvre recouvre et votle. N'est-ce a]
pas cette prétention même qui nourrit la mauvaise psychanalyse, à1
celle des morts, celle des écrivains et des artistes ? art
Regardons d'un peu plus près les choses : il est d'abord remar- Et
quable que Freud ne parle pas véritablement de la créativité de qu
Léonard, mais de son inhibition par l'esprit d'investigation : << Le les
but que notre travail se proposait, était d'expliquer les inhibitions
de Léonard dans sa vie sexuelle et dans son activité artistique 16 »; tai
ce sont ces déficits en créativité qui constituent le véritable objet ,
• en:
du premier chapitre du Léonard et qui donnent lieu aux plus là
remarquables observations de Freud sur les rapports entre la ffi(
connaissance et le désir. Bien plus, à l'intérieur même de ce cadre •
tlo
restreint, la transposition de l'instinct en curiosité apparaît comme tat
un destin de refoulement irréductible à tout autre; le refoulement, à (
dit Freud, peut conduire, soit à l'inhibition de la curiosité elle-
ho:
~êm.e,. qui p~rtag~ ainsi 1~ sort de la se~ualité, - c'est le type de érc
1 mhibttton nevrottque; so1t à des obsessions à coloration sexuelle,
na1
où ~a pensée ~l!e-même est sexual.isée, .: - c'est le type o~sessionnel;
Obj
m~s a le trotst~me o/Pe, le pl!ls ·~are· et le plus parfait, échappe,
de~
grace à des dtspostttons parttcuhères, aussi bien à l'inhibition
qu'à l'obsession intellectuelle... La libido se soustrait au refoule- my
~cnt, elle se sub.lim~ dès l'origine en curiosité intellectuelle et
log
u I
vtent renforcer l'mstmct d'investigation déjà lui-même puissant
d'o
... Les caractè~es. ?e la név~?se ~anquent, l'assujettissement aux
complexes ,pnr~unfs de ~ mvesttgation sexuelle infantile fait teil
défaut, et 1 msttnct peut hbrement se consacrer au service actif d'e
l'
I:
14- G. W. vm, p . 184; S.E. XI, p. uz; tr. fr., p . 151 •
d " 15· G. wd. vm, p. J8S (verleugnet und üherdeckt); s. E. Xl, p. 113-14 (to 1
uavow an to c/oak the envy... ) ; tT. fr., p. 153• 4 .
J6. G. W. vm. p. ao3-4; S. E. Xl, p. 131; tr. fr.• p. 199-aoo. 1
l

/

t
1
1 L'ANALOGIE DU RftVE
1

1
des intérêts intellectuels. Mais~le refoulement sexuel qui, par l'apport
de libido sublimée, les avait fait si forts, les marque encore de son
empreinte en leur faisant éviter les sujets sexuels 17• » Il est bien
clair que nous ne faisons par là que décrire et classer et que
nous renforçons plutôt l'énigme en l'appelant sublimation. Freud
l'accorde volontiers dans sa conclusion. Nous disons bien que le
travail créateur est une dérivation des désirs sexuels et que c'est
ce fond pulsionnel qui a été libéré par la régression au souvenir
infantile, favorisée par la rencontre de la dame florentine : « Grâce
à ses plus anciennes impulsions érotiques il peut célébrer encore
une fois le triomphe sur l'inhibition qui entravait son art lB ». Mais
nous ne faisons par là que discerner les contours d'un problème :
u Le don artistique et la capacité de travail étant intimement liés
à la sublimation, nous devons avouer que l'essence de la fonction
artistique nous reste aussi, psychanalytiquement, inaccessible 19 ».
Et un peu plus loin: «Si la psychanalyse ne nous explique pas pour-
quoi Léonard fut un artiste, elle nous fait du moins comprendre
les manifestations et les limitations de son art 20• »
C'est dans ce cadre limité que Freud procède, non à un inven-
taire exhaustif, mais à un forage limité, sous quatre ou cinq traits
énigmatiques, traités comme des débris archéologiques. C'est
là que l'interprétation du fantasme du vautour - traité précisé-
ment comme débris - joue le rôle de pivot. Or cette interpréta-
tion est purement analogique, faute d'une psychanalyse véri-
table; elle est obtenue par une convergence d'indices empruntés
à des sources disparates : il y a d'une part la psychanalyse des
homosexuels et son enchaînement propre de motifs (relation
érotique à la mère, refoulement, identification à la mère, choix
narcissique de l'objet, projection de l'objet narcissique dans un
objet de même sexe, etc.); il y a d'autre part la théorie sexuelle
des enfants concernant le pénis de la mère; il y a enfin les parallèles
mythologiques (le phallus de la déesse Vautour attesté par l'archéo-
logie); c'est dans un style purement analogique que Freud écrit :
« L'hypothèse infantile du pénis maternel est la source commune
d'où découlent et la structure androgyne des divinités maternelles
telle Mout l'égyptienne et la « coda» du vautour dans le fantasme
d'enfance de Léonard 2 1• »
17. G. W. VIII, p. 148; S. E. XI, p. So; tr. fr., p. 6r.
18. G. W. VIII, p. 207 ; S. E. xr, p. 134; tr. fr., p. 207.
19. G. W. VIII, p . 209; S. E. Xl, p. 136; tr. fr., p. a 12.
20. Ibid,
11 :u. G. W. vm, p. 167; S.E. XI, p. 97; tr. fr., p. 1o6.
:

, 173
.

1•

ANALYTIQUE 1

0 ~uelle intelligence de l'œuvre d'art nous est-elle ainsi commu-


1
' une:
(
. r! C'est 1·c1• que la méprise sur le sens du Léonard de Freud
mquec . l'' , . d M .. de -J
peut nous conduire plus lom que mterpretatlon u oue No1
Mie/tel-Ange. . . •
tell1
En première lecture, nous pefi!~ons avOir dé~asqué le sounre
de Monna Lisa et montré ce qm. se, cache .dernère; nous avo~s dan
fait voir les baisers. que la mè~e. évmcee prod1gua à Léonard. M~t~ trib
écoutons d'une oreille plus cnt1que une phrase telle que celle-ct •
1
'
1
pul!
u Peut-être Léonard a-t-il désavoué et surmonté, par. la force de
1
sur
l'art le malheur de sa vie d'amour en ces figures qu'li créa et où
'
i forr
une' telle fusion bienheureuse de l'être mâle avec l'être féminin
1
' tom
figure la réalisation des désirs de l'enfant autrefois fasciné par la 1
pret
mère 22. n Cette phrase sonne comme celle que .nous d~tachio~ fant
plus haut de l'analyse du Moise. Que veut donc d1re : «desavoue» du
et a surmonté »? Cette représentation qui accomplit le vœu de est
l'enfant serait donc autre chose qu'un doublet du fantasme, qu'une lam
exhibition du désir, qu'une simple production au jour de ce qui offe1
était caché? - Interpréter le sourire de la Joconde ce ne serait 1
ne r
pas montrer à notre tour, sur les tableaux du Maître, le fantasme
1
• C'es
dévoilé par l'analyse du souvenir d'enfance? Ces questions nous et s1
ramènent d'une explication trop sûre d'elle-même à un doute de 1 en<
second degré. L'analyse ne nous a pas conduits du moins connu 1 sym:
vers le plus connu. Ces baisers que la mère de Léonard écrasa ' e
sur la bouche de l'enfant ne sont pas une réalité dont je pourrais uns

partir, un sol ferme sur lequel je pourrais construire l'intelligence • tlqUI

de l'œuvre d'art ; la mère, le père, les relations de l'enfant avec 1.
eux, les conflits, les premières blessures d'amour, tout cela n'existe .me tt
plus que sur le mode du signifié absent; si le pinceau du peintre l'am·
recrée le sourire de la mère dans le sourire de Monna Lisa, il faut au s<
dire que le sourire n 'existe nulle part ailleurs que dans ce sourire, COffil
lui-même irréel, de la Joconde, signifié par la seule présence de la d'art
couleur et du dessin. Le« souvenir d'enfance de Léonard de Vinci» nouv
-pour reprendre le titre même de l'essai - est bien ce à quoi pouv
renvoie le sourire de la Joconde, mais il n'existe à son tour que 1
• d'un
comme absence symbolisable qui se creuse sous le sourire de Monna comr
~isa. Perdu co,m!lle s~uvenir, 1~ sourire de la mère est une place COmf
v1de dans la reahté; c est le pomt où toutes les traces réelles se valeu
p~rdent, où l'aboli confine au fantasme; ce n'est donc pas une chose .
' qu,el
'
Irueux connue qui expliquerait l'énigme de l'œuvre d'art; c'est est a

22. G. ~· vur, .P· 189 (verlcugnet und künstlerisch aberwunden); S. E. xr, • 2J .


p. u 1 ( demed••• trzumphed over••• ); tr. fr., p. 163. de no1

174 .



1
1'
L'ANALOGIE DU Rftvl!
1
1 une absence visée qui, loin de dissiper, redouble l'énigme initiale.
'
C'est bien ici que la doctrine- je veux dire la« Métapsychologie,
_ nous protège contre les outrances de ses propres << applications ». •
Nous n'avons jamais accès, on s'en souvient, aux pulsions comme
telles, mais à leurs expressions psychiques, à leurs présentations
dans des représentations et des affects; dès lors l'économique est
tributaire du déchiffrage du texte; le bilan des investissements
1
• pulsionnels ne se lit que dans la grille d'une exégèse portant
1
1 sur le jeu des signifiants et des signifiés. L'œuvre d'art est une
forme remarquable de ce que Freud lui-même appelait les « reje-
1

tons psychiques ,, des présentations pulsionnelles; ce sont, à pro-
prement parler, des rejetons créés,· nous voulons dire par là que le
fantasme, qui n'était qu'un signifié donné comme perdu (l'analyse
du souvenir d'enfance pointe précisément vers cette absence),
est annoncé comme œuvre existante dans le trésor de la culture;
la mère et ses baisers existent pour la première fois parmi les œuvres
offertes à la contemplation des hommes; le pinceau de Léonard
ne recrée pas le souvenir de la mère, ille crée comme œuvre d'art.
1
• C'est en ce sens que Freud a pu dire que « Léonard a désavoué
et surmonté, par la force de l'art, le malheur de sa vie d'amour
en ces figures qu'il créa .•• ». L'œuvre d'art est ainsi à la fois le •
1
1 symptôme et la cure. .i'
1 ••
Ces dernières notations nous permettent d'anticiper quelques- ·~
'
uns des problèmes qui nous occuperont dans notre examen dialec-

t1que. j
x. Jusqu'à quel point la psychanalyse est-elle justifiée de sou- 1
1

.mettre au point de vue unitaire d'une économique de la pulsion i'


r
l'œuvre· d'art qui est, comme on dit, une création durable - et, ••

au sens fort du mot, mémorable - de nos jours, et le rêve qui est, .'.
••.•'

• comme on sait, un produit fugitif et stérile de nos nuits? Si l'œuvre ••


1

d'art dure et demeure, n'est-ce pas qu'elle enrichit de significations '•



nouvelles le patrimoine de valeurs de la culture? Et si elle a ce
pouvoir, n'est-ce pas qu'elle procède d'un travail spécifique, .. •

• d'un travail d'artisan, qui incorpore un sens à un matériau dur,


communique ce sens à un public et ainsi engendre une nouvelle
compréhension de l'homme ~ar lui-même ? Cette différence de .• . '

valeur, la psychanalyse ne 1 ignore pas; c'est elle précisément •


.

qu'elle aborde de biais par la sublimation. Mais la sublimation
• • .
est autant le titre d'un problème que le nom d'une solution 18•

a3. Noua réservons la discussion d'ensemble de la sublimation pour le chap. IV


de notre Diolectique. Noua justifierons alon l'ajournement de cette discussion.
-


-•

175 •


, -...-·c-zu.;
.
••a ;~·- ~~

ANALYTIQUS

On eut dire toutefois que c'est la raison d:ê.tre de 1~ psychana.ly~e C<


de n~ pas se donner la différence entre la sténhté d? reve et la c~eatl.­ po
vité de l'art, mais de la traiter . comme une. d1fférence <J.Ul fazt loi
problème à l'intérieur d'une umqu~ s~mantrq~e du désrr.. Par ex·
là, elle rejoint les vues d~ Pl~ton sur 1umté ~on~rère de la poéttq.ue La
et de l'érotique, celles d Anstote sur la contmu.rté de la purgat10n sa
à la purification, celles de Gœthe sur le démomsme. . ce
2. Cette frontière commune à la psychanalys~ et à, une ph!lo-
sophie de la création se découvre en un autre pomt : 1œuvre d art
Je
pre
• n'est pas seulement socialement ~alable, mais, c?mme .l'exemple av<
du Moïse de Michel-Ange et celui du Léonard 1ont larssé aper- arc
cevoir et comme la discussion de l'Œdipe-Roi de Sophocle le la
montr~ra de façon éclatante, si ces œuvres sont des créations, c'est ten
dans la mesure où elles ne sont pas de simples projections des ser:
conflits de l'artiste, mais l'esquisse de leur solution; le rêve regarde •

en arrière, vers l'enfance, vers le passé; l'œuvre d'art est en avance PUI
A

me
sur l'artiste lui-même : c'est un symbole prospectif de la synthèse
personnelle et de l'avenir de l'homme, plutôt qu'un symptôme Lér.
régressif de ses conflits non résolus. Mais peut-être cette oppo- ver

mu
sition entre régression et progression n'est-elle vraie qu'en pre-
mière approximation; peut-être faudra-t-il la dépasser, en dépit chi·
de sa force apparente; l'œuvre d'art nous met précisément sur la est
voie de découvertes nouvelles concernant la fonction symbolique lisa
•' pre
A

et la sublimation elle-même. Le sens véritable de la sublimation •


ne serait-il pas de promouvoir des significations nouvelles en gtq:

mobilisant des énergies anciennes d'abord investies dans des 1
1
vru
figures archaïques? n'est-ce pas de ce côté que Freud lui-même d'êt
nous invite à chercher, lorsqu'il distingue, dans le Léonard, la Le .·
sublimation de l'inhibition et de l'obsession, et lorsqu'il oppose, par
plus fortement encore, dans Pour introduire le Narcissisme la subli- app
mation au refoulement lui-même 24 ? ' bi er

M~, P.our dép:We~ cette opposition entre régression et pro- JOUr
gressiOn,, il faut 1av?1r élaborée et conduite jusqu'au point où lyse
e!le se detrwt elle-meme. Ce sera un des thèmes de notre Dialec- rédt
ttque. '

' la t:
3· Cette invitation à approfondir la psychanalyse elle-même 1
refo
par le ~oyen ~e son affrontement avec d'autres points de vue qui 1 que~

appararsse~t ~ramétralement opposés, laisse entrevoir le sens véri- •'• la r1


table .d~ hm1tes de la psychanalyse. Ces limites ne sont nullement
l

'
mèr«
des hmttes fixes; elles sont mobiles et indéfiniment dépassables. à ur
l'œu
2.J. Cf. ci-dessua, p. 13a. la ré
au s•
'

L•ANALOGIE DU R!VE

•• Ce ne sont pas, à proprement parler, des bornes, à la manière d'une


• porte fermée sur laquelle il serait écrit : jusqu'ici, mais pas plus
.
1
loin. La limite, comme nous l'a enseigné Kant, n'est pas une borne

extérieure, mais une fonction de la validité interne d'une théorie.

• La psychanalyse est limitée par cela même qui la justifie, à savoir
sa décision de ne connaître dans les phénomènes de culture que

ce qui tombe sous une économique du désir et des résistances.
Je dois dire que c'est cette fermeté et cette rigueur qui me font
préférer Freud à Jung. Avec Freud je sais où je suis et où je vais;
avec Jung, tout risque de se confondre : le psychisme, l'âme, les
archétypes, le sacré. C'est précisément cette limitation interne de
la problématique freudienne qui nous invitera, dans un premier
1
temps, à lui opposer un autre point de vue explicatif, plus approprié, '
1

semble-t-il, à la constitution des objets culturels en tant que tels,


puis, dans un second temps, à retrouver dans la psychanalyse elle-
.. même la raison de son propre dépassement. La discussion du
Léonard de Freud nous laisse entrevoir quelque chose de ce mou-
vement : l'explication par la libido nous a conduit, non à un ter-
minus, mais à un seuil; ce n'est pas une chose réelle, même psy- ••
.'
chique, que l'interprétation dévoile; le désir auquel elle renvoie ''
,'
est lui-même renvoi à la suite de ses « rejetons » et indéfinie symbo- .


lisation de lui-même. C'est ce foisonnement symbolique qui se •
L

•' prête à une investigation par d'autres méthodes : phénoménolo- ' ;'
~

gique, hégélienne, voire même théologique; il faudra bien décou- .1.


1 vrir, dans la structure sémantique du symbole lui-même, la raison ' '1
·.:
' d'être de ces autres approches et de leur relation à la psychanalyse. l•
Le psychanalyste lui-même, soit dit en passant, devrait être préparé :·1:
par sa propre culture à cette confrontation; non point certes pour .:!
"' :
apprendre à borner extérieurement sa propre discipline, mais -J1
bien pour l'élargir et retrouver en elle les raisons de reporter tou- ~
••
d•
jours plus loin les bornes déjà atteintes. C'est ainsi que la psychana- •

lyse invite d'elle-même à passer d'une première lecture, purement


réductrice, à une seconde lecture des phénomènes de culture; •

'
•1
la tâche de cette seconde lecture serait moins de démasquer le ·"-
'
11 refoulé et le refoulant, pour Jaire vqir ce qu'il y a derrière les ~as-
1 ques, que de libérer le jeu des renvois entre les signes : parus à
••' la recherche des signifiés absents du désir - le sourire de la . ft •

l

'
mère perdue, - nous sommes renvoyés, par cette absence même,
à une autre absence - au sourire irréel de la Joconde. Seule '•'.
• ••
• l'œuvre d'art donne 'une présence aux fantasmes de l'artiste; et 1

la réalité qui leur est ainsi conférée est celle même de l'œuvre d'art '..

au sein d'un monde de culture. •••


'
177 •
1
1
j

1
'
1
rn•
1


pa

1
• ve
CHAPITRE II 1 po
po
• IDI
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME à
ét~
qu

pa
Le sublime désigne moins un problème qu'un nœud de d~ffi~ pr1
1 ca1
cuités extrêmement ramifiées; Freud ne parle pas du subhme 1

mais de la sublimation; toutefois par ce mot il désigne le processus n'~


par lequel, avec du désir, l'homme fait de l'idéal, du suprême, lar
c'est-à-dire du sublime. 1 l'e:
1 toi
x. Le mot annonce d'abord un certain déplacement du centre l
de gravité de Pintcrprétation du refoulé vers le refoulant. Ce « dépla- • dé·
.•
cement thématique D introduit inéluctablement l'interprétation 1 pa:
dans le champ des phénomènes culturels; l'instance refoulante mc
:
s'annonce comme l'expression psychologique d'un fait s?cial ge1
antérieur, le phénomène de l'autorité, à travers des figures h1sto~ tait
riques constituées : la famille, les mœurs comprises comme morale 1 ce

effective d'un groupe, la tradition, l'enseignement explicite ou ellf
implicite, le pouvoir politique, ecclésiastique, la sanction pénale 1 log
et en général sociale. Autrement dit, le désir n'est plus seul; il plu
a son Autre, l'autorité. Bien plus, il a eu dès toujours son autre t
1
n'e
dans le refoulant, et dans un refoulant qui lui est intérieur. Dès écr
lors, la psychanalyse de la culture pourra moins que jamais être gér
tenue pour une simple application de la théorie des névroses et qu'
des ~êvcs; certes, la psychanalyse reste liée par ses hypothèses pre 1

anténeures; tout événement et toute situation, y compris les phéno~ • gér


mènes. ~e cultu~e! seront considérés du seul point de vue du coût me·
en plaJsir-déplaisJr; la culture elle~ même ne rentre dans le champ des
de la psychanalyse qu'en tant qu'elle affecte le bilan des investisse~ 1 ma:
ments libidina~x d'~n individu; la question des idéaux, en psycha- l
1
ner
nalyse, e,st ~etermmée très précisément par cette inscription .l
.
tu ti,
de .la thcmauqu~ cu~turelle dans la problématique économique; rtte
ma1s cette problematique ne sort pas si l'on peut dire indemne s'cs
de cet~e co!l~ro~tati,on; ce 9ue l'on ~ppelle la second~ topique, • tai .
dont 1 Essa1 mt1tule le Mo1 et le Ça (1923) donne l'expression lyse
la plus remarquable, énonce, au niveau de la théorie, les change- entJ

I78 •

.'•

h
~! ..;1••" ..t:~ai.M..:rw••"s C4ae.·.w.,u •. >1>\.lsn..... • ~ Z~fN ww q.a• '?Uli,·mss.~., ~izti~..-:-..;!i;~~:i
:

' :

DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME

1
1
ments profonds imposés à l'interprétation. La seconde topique, :

1
pourrait-on dire, exprime le choc en retour de la thématique nou-
1
:

. velle sur la problématique antérieure; c'est bien pourquoi nous ne


pouvons pas partir de la seconde topique mais devons la prendre •

pour point d'arrivée; elle résume tous les remaniements de la



métapsychologie exigés par les « applications » de la psychanalyse
à la culture; ces remaniements, d'abord réglés par le premier
état du système, ont véritablement créé un nouvel état de système 1
1
qui est précisément la seconde topique.
2. Mais l'impact du phénomène culturel sur la u théorie » n'est 11
pas lui-même direct; pour intégrer ce matériel nouveau à l'inter-
prétation, la psychanalyse doit faire un usage massif de l'expli- :j
! cation génétique. La raison en est claire: le refoulé, nous l'avons dit, ·1
' n'a pas d'histoire (c<l'inconscient est hors le temps »); c'est le refou- .,!
:J
lant qui a une histoire; il est histoire : histoire de l'homme, de ,;
'
1 l'enfance à l'âge adulte, et histoire des hommes de ... la pré-his- :!
l toire à l'histoire; au déplacement thématique s'ajoute donc un
1
1
Il

:
déplacement méthodologique; l'interprétation doit maintenant j
'
passer par la construction de modèles d'un nouveau genre, les
1

modèles génétiques, destinés à coordonner entre elles une onto- ~:1'
genèse et une phylogenèse, au sein d'une unique histoire fondamen- '.
l
tale, qu'on pourrait appeler l'histoire du désir et de l'autorité; ~
::
1

ce qui importe, en effet, dans cette histoire, c'est la manière dont 'i ;
elle affecte le désir; Totem et Tabou n'est pas un livre d'ethno-
! logie; l'Analyse du Moi et la Psychologie Collective n'est pas non .1
plus un livre de psychologie sociale; l'histoire du complexe d'Œdipe 1'
:
'
:

t
1
n'est même pas un chapitre de la psychologie de l'enfant. Tous ces : 1

écrits relèvent de la psychanalyse, dans la mesure où la méthode


génétique et les documents ethnologiques ou psychologiques ••
qu'elle incorpore ne sont eux-mêmes qu'une étape dans l'inter- !

prétation psychanalytique. Il faudra donc comprendre ces modèles
• génétiques - formation et dissolution du complexe d'Œdipe,
meurtre du père et pacte des frères, etc. - non seulement comme •j
des opérateurs destinés à coordonner ontogenèse et phylogenèse, ,.
1 mais comme des instruments d'interprétation destinés à subo~do~­
1' ner toute histoire, - celle des mœurs, des croyances, des mstl-
l tutions, - à l'histoire du désir dans son grand débat avec l'Auto-
:
~ .
1 '

rité. On comprend, dès lors, que ce soit à travers ce débat que :

s'esquisse et, si l'on peut dire, se médiatise un débat plus fondamen-


• tal encore, celui qui avait été aperçu dès les débuts de la psych~na­ .'•,
'1
lyse et qui ne sera entièrement formulé qu'à son terme : 1~ debat 1

entre le principe du plaisir-déplaisir et le principe de réahté. On ..

: 179
'
l'


br
1
1
1

ANALYTIQUE

peut présumer que la situation. véritable ~e I'et~nologie dans


l'œuvre de Freud ne sera pas facrle à détcrmmer; c e.st une étape

nécessaire mais dénuée de signification propre. Ausst ne sera-t-il
pas non plus aisé de dire jusqu'à quel p~int la psychanalyse est th
affectée par la fragilité - voire la caducité - de ses hypothèses rn
ethnologiques. . M
3· Le déplacement thématique et 1~ dép.lacement méthodolo- su
gique imposés par la prise en ~or:stdératton d~s .Phé~om~nes
éthiques (au sens large où ethos stgntfie mores, Stttltclzkett, c est-
à-dire mœurs, ou morale effective) ne sont donc que des étapes l
!
1
'
dt
ra
sur le chemin d'une nouvelle formulation de la '' théorie ». Il faudra 1
cu•
comprendre comment la seconde topique consacre ces déplace-
de
ments de tous ordres; qu'est-ce qui est le plus important, dans
Ct
cette nouvelle expression de la topique : la réduction de tous les
ne
processus décrits cliniquement ct expliqués génétiquement au
et
point de vue topique-économique antérieur? ou bien le boule- •
da
versement de la topique, sous la pression des faits nouveaux? Il
est aisé de prévoir que la sublimation, décrite ou plutôt annoncée (a'
jusqu'à présent sous le titre de << destin de pulsion », marquera (à :
le point de cristallisation de toutes les discussions.
• qu
de·

atr
set
I. LES APPROCHES DESCRIPTIVES ET CLINIQUES de
de
DE L'INTERPRÉTATION
me

êtr
N~us avons gro;SSièr~ment ~ractér!sé le thème nouveau par Ce
un deplacement themattque de 1 attentiOn du refoulé sur le refou- est
lant. A vrai dire, ce point de vue n'a jamais été absent· il est même qu'
c~ntempo!ai~ de la. naissance de la psychanalyse, da~ la mesure pot
0 ?.celle-ct, dcs le deb':lt, a été comprise comme une lutte contre les l'éJ
resistances.1· Ce dont Il va être question sous le titre du cc Sublime» de,
a doncA tOUJours ét._é affronté, à l'intérieur de l'expérience analytique •• s'~
~~ejmeme. Le meme thème s'est c!l outre signalé, dans la théorie une
, a n~vrose et du rêve, sous le titre de défense ou de censure· 1 ph<
c est I_u 1 p~r co~séqucnt qui était à l'origine de ce que nous avon~ de
appele DistorsiOn ( Entstelilmg). Enfin toute la métapsychologie de
dans la mesure où elle s'organisait autour du destin de pulsio~ sur.


a.
1. Lettre n° 72 du '-7 octobre 1 8 97, tn
· LU
r - a.r • text<
p. 200• Hamame tk la psychanalyse, tr. fr., 1

rJSe
'
1
Jettr.
180 1
. ·- --- ••_ .... , ..,.,. rl'" U.- " f t 'M'±' *' M WYMM~•.:.,

.
1
'

1
1
.
1 DE I}ONIRIQUE AU SUBLIME

nommé refoulement, était moins une théorie du refoulé qu'une


1 théorie du rapport entre refoulant et refoulé.

Néanmoins, c'est à bon droit que nous parlons de déplacement
thématique. Les « instances » dont il sera désormais question sont
moins des cc places » que des « rôles » dans une personnologie.
Moi, ça, surmoi, sont des variations sur le pronom personnel ou .•
sur le sujet grammatical; ce qui est en question, c'est le rapport
1
du personnel à l'anonyme et au supra-personnel dans l'instau-
1 ration de la personne 2• !
1
La question du moi, en effet, n'est pas la question de la cons- •

!
' cience, parce que la question du devenir-conscient, thème central
de la première topique, n'épuise pas la question du devenir-moi.
Ces deux questions n'ont jamais été confondues par Freud et l'on
ne saurait prendre l'un pour l'autre les deux vocables de conscience
et de moi. La question du moi nous est apparue jusqu'à présent
'
'

dans une série de polarités : pulsions du moi et pulsions sexuelles
(avant Pour introduire le Narcissisme), libido du moi et libido d'objet '
(à partir de Pour introduire le Narcissisme). Dans cette dernière théorie, ~
qu'on peut appeler la théorie de la libido généralisée, le moi est '*


devenu thème et terme d'échanges avec l'objet; l'Ego s'annonce
ainsi comme susceptible d'être aimé ou haï. On peut parler en ce •
• sens d'une fonction érotique de l'Ego. La véritable problématique ~
1
de l'Ego n'est pourtant pas encore déterminée; elle est au-delà ••

de l'alternative : être aimé ou être haï, et s'exprime fondamentale- - 1
.•
1

ment dans l'alternative : dominer, être dominé, être maître ou ~1• '

être esclave. Or, cette question n'est pas la question de la conscience. •

Celle-ci, de plus en plus traitée selon un modèle embryologique, ..' 1

• '.
'• est le siège de toutes les relations avec l'extériorité; Freud dira ••
.
• qu'elle est un phénomène de u surface» . La conscience, c'est l'être i
.••
pour le dehors; on l'avait aperçu déjà dans l'Esquisse : c'est dans ~•
l'épreuve des indices de réalité que la conscience s'exerce. Certes, •
~
1•
devenir conscience est bien autre chose; mais précisément Freud :,
s'est toujours efforcé de comprendre le devenir-conscient comme '•••• ••
une variété de perception, par conséquent sur le modèle d'un •
•,.••
1 phénomène de surface; pour lui, la perception interne est l'analogue ~l
de la perception externe; c'est pourquoi il parle, en généralisant, •
1
de la conscience-perception (Cs-Pcpt). C'est à cette fonction de

~ .
1 ..:·
1

surface que se rattachent toutes les modalités de la conscience r.


~. •

2. La plus ancienne allusion 1 Jo future thc!orie du surmoi se trouve dlllls un .j
t~xte de 1897 : • Pluralité des persomres psyclriqut's. ~e fuit de l'idt!n~ificutfo!' nuto-
nse peut·être un emploi littéral de cette exprcssaon • (Manuscnt L, JOUlt 1 Ja •1

1 lettre n° 61 du 2 mai 1897). Naissance de la psychanalyll, p. 176•
'!.

l

1 ..
·,
ANALYTIQUE

osées aux caractéristiques de l'incon.sci~nt dans le gran~ artic!e u


s~iL'Inconscient; d'elle relèvent l'orgamsataon t<:mporelle, 1 en~hat­
0 n'est
1
d: pas r
1

nement de r énergie, etc. Le réseau, de cc:s fo~ct10ns consc1ence


constitue, dans l'œuvre de Freud, 1 esqUisse dune v~ntable Esthé- éthic

tique Transcendantale, tout à fait comparable à celle ~e. Kant, ttqU(
d'ailleurs, dans la mesure où elle regroupe toutes les cond1t10ns de l'hor
l' « extériorité ». • • • .
faibl·
mite
,
Toute autre est la question du moi, c'est-à-due de la dorrunation.
On peut l'introduire par le thème du danger, de la me~ace,
1
1 c(
phénomènes originels de non-mait~ise. ~'Ego, c'.est ~e qux, est cons
menacé et qui, pour se défendre, ~Olt dorruner !a, s1tuat10n. Des le
début Freud l'avait remarqué : il est plus a1se de se défendre Ct
contr~ un péril extérieur que contre un péril intérieur; non seule- Moi
ment la fuite peut être une ressource à notre portée, mrus la percep- term
tion peut être interprétée comme un filtre ou mieux comme un est 1
bouclier contre les excitations du dehors. L'homme est un être desc
essentiellement menacé par le dedans; c'est pourquoi au danger le st:
extérieur, il faut ajouter la menace des instincts, source d'angoisse, 1
cons
et la menace de la conscience morale, source de culpabilité. Ce écor
triple danger et cette triple peur constituent proprement la problé- no ru
matique d'où est née la seconde topique. Comme Spinoza, Freud nant
aborde le moi par sa situation initiale d'esclavage, c'est-à-dire de que
non-maîtrise. Par là aussi, il recoupe le concept marxiste d'aliéna- déni
tion et le concept nietzschéen de faiblesse. Le moi, c'est d'abord une
ce qui est faible en face de la menace. On connaît la description Con
célèbre que le Moi et le Ça (chap. v) donne de la cc pauvre créature», l'id~
menacée par trois maîtres, la réalité, la libido, la conscience morale. dus
La distinction que nous faisons entre devenir-conscient et devenir- 1
(Ge
moi est sans doute trop schématique; les deux processus de vigi- •'

OU tl
l~ce et de domination ne peuvent être distingués que par abstrac- pro1
tiOn; cela est d'autant plus vrai que des traits attribués à la cons- app.
cience d~ns la première topique passent au moi dans la seconde, •
pou
de _la meme façon .que des traits attribués à l'inconscient le sont mèr
m~mtenant au cr ça »; s~n.s que inconscient et ça coïncident, dre :
pUisque « de grandes part1es du moi et du surmoi sont incons- peu
cientes. 8 ». Tout;fois il. est bon de tenir ferme ce fil conducteur :

• t10n
être soa-mêm;, c est te~1r son rôle, êt~e maître de ses actes, dominer. une
Le .névrosé c est essen.tlellemen~ celut qui n'est pas u maître dans sa 1 ren,
ma1son .o, comme le dJt un essat que nous ferons paraître plus tard,
« une d1fficulté sur le chemin de la psychanalyse 4 ».
s.
3· Nouv.elks Confbn_rces, .G. W. xv, p. 7s; S. E. xxn, p. 69 ; tr. fr., p. 97· cons
-i· Cf. a-dcaaous, DiakctUJUe chap. u, p. oiiJ. Nou·

18a
l.
'1 .
/
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME

Le plus remarquable, et au premier abord le plus déconcertant,


n'est pourtant pas là : ce n'est pas seulement le névrosé qui n'est ' 0

pas maître che~ lu!, c'est,. d'abord, l'hom!De de. la z:norale, l'homme
éthique. Ce qUI fait le prtx de toutes les mvestigatiOns psychanaly- 0

tiques concernant le phénomène moral, c'est que la relation de


l'homme à robligation est d'abord décrite dans une situation de :1
1
faiblesse, de non-domination. C'est là, évidemment, que la proxi- 1
mité entre Freud ct Nietzsche est saisissante.
Cette condition de faiblesse, de menace et de peur, Freud l'a
consignée dans la relation du moi au surmoi. :1
' 1

j

Commençons par les mots : dans le troisième chapitre de le 1


0
0

Moi et le Ça, Freud dit : (( ridéal du moi ou surmoi ». Ces deux 1 !


termes sont-ils des synonymes? Pas exactement. La différence 1
1
est même double : alors que ridéal du moi désigne un aspect ''
descriptif, une manifestation sur laquelle on déchiffre le surmoi, !
le surmoi n'est pas du tout un concept descriptif, mais un concept !
0

construit, une entité de même rang que les concepts topiques et


0


0

l
économiques considérés dans la première partie; c'est pourquoi 0

nous ajournerons la question du surmoi et traiterons dès mainte- !


1
nant de l'idéal du moi. Mais ce qui complique les choses, c'est 0

que l'idéal du moi et le surmoi ne sont pas seulement des concepts '
0

:
dénivelés au point de vue épistémologique, ils n'ont même pas :•

une extension identique à leur plan respectif. Dans les Nouvelles 1'
••
0

' Conférences, où Freud a mis le plus d'ordre dans sa term.inologie,


l'idéal du moi n'apparaît que comme la troisième des fonctions 1
du surmoi, à côté de l'auto-observation et de la« conscience morale»
0

1
0

1
(Gewissen) 6 • Ce flottement dans la terminologie n'est pas étonnant: • 0




• 0
outre que ces concepts ont tous un caractère exploratoire, le genre
propre de la psychanalyse implique que ces concepts restent 0

approximatifs. D'abord il ne désignent aucune fonction originaire:


pour la psychanalyse il n'y a pas d'intelligibilité propre du phéno-
mène éthique; comprendre la naissance du surmoi, c'est le compren-
dre; il n'est que ce qu'il est devenu; c'est bien pourquoi on ne •'
l peut avancer bien loin dans la description elle-même de ces u fonc-
• tions du surmoi » sans recourir à l'histoire de leur constitution;
l une certaine inconsistance de la description est même ce qui nous
renverra à l'explication génétique. Pour une seconde raison les . 1
; 1
0

s. • Revenons au aunnoi. Nous lui avons attribu~ l'auto-observation, la


1'
C:Onscience morale (das Gewissm) et la fonction de l'id~al ( das ldealjunktion) •· 0

1
Nouvelles coriflren&41, G. W. xv, p. 73; S. E. XXII, p. 66; tr. fr., p. 9+
ANALYTIQUB
r
••
hénomènes qui tombent sous la descr!ption doivent se .prése~ter
1
pou:
p d d' é· ce qui peut les umfier - le surm01 - n est ress•
en or re aspers , · · . ' t •
exrg
as une réalité qui tombe so':ls la desc~tptron, c es un . concept
~éori ue. Aussi rassemble-t-d des phcnomènes très dtspa~at<;s

gtqu
qd · ta'on distingue ou même oppose et que la theone pas
que 1a escrap . ·
réunit ou même identifie. Enfin, d~rmère ratson~ p us~eurs,
1 · d
f à... ,
qu't
phénomènes que nous allons parcou~IC sont ef.'-me_.mcs cs hC;SU -
tats interprétés : ainsi la rés~stance n e~t !?as e ~-~erne un p ,.ena- tout
mène simple ; elle se marufeste auss1 bten par 1 absence d tdée, spor
par l'amnésie, ou par la fuite vers un ~utre thème ou par la produc- m01,•
tion de sentiments pénibles; la réststance est don~ con~lue au des
même titre que le refoulé. Il en est de même du « s~~ttment mcons- colo
cient de culpabilité», qui n'est~~ du ~o':lt. u~e réahte phénomén.ale, et at
mais inférée (je ne discute pas ICI .la legat1m1té de cette exp~cs~r?n, Fret
que Freud lui-même met en question 6). Or, Freud place à 1on~I?e l'ob!
de la théorie du surmoi les deux grandes découvertes de la rcsrs- R·
tance à la prise de conscience et du sentiment de culpabilité, ren- à la
contrés en analyse comme des obstacles à la guérison. grillt
Ces réserves faites, considérons les trois fonctions du surmoi aeco
énumérées par les Nouvelles Conférences : observation, conscience a pc
morale, idéal. s'att

Par observation, Freud désigne le dédoublement lui-même, mqu
éprouvé comme sentiment d'être observé, surveillé, critiqué, then
condamné: le surmoi s'annonce comme œil et regard. logie
La conscience morale, à son tour, désigne la rigueur et la cruauté une
de cette instance; elle est ce qui s'oppose dans l'action, comme le du è
démon de Socrate qui dit« non)), et ce qui réprouve après l'action; • seco1
1 •
ainsi le moi n'est pas seulement regardé, mais maltraité, par son 1 sttua
autre intérieur et supérieur; ces deux traits de l'observation et de la
condamnation sont empruntés, est-il besoin de le souligner, non
l
.•
ffiOl
d'ah

point à une réflexion de style kantien sur la condition de la bonne COIDI


volonté, sur la structure a priori de l'obligation, mais à la clinique. dissi-
C'est dans la folie de surveillance que se montre, sous un grossisse- et dt
ment monstrueux, la scission entre l'instance observatrice et le
reste du moi:. e~ c'~t dans .la !llé!ancolie que se déclare sa cruauté.
et rtl
1
.
Quant à ltdeal, 11 est amsr dJScerné : u Le surmoi représente peut
à-dir
6. Sur le d~oit de parler de sen~ment inconscient, cf. L'i11co11scient, chnp. m. c'est
~oua a~ona dsscuû le p~oblème ct-dessus p. 148. V expression de c sentiment 1
an~~scsent de culpabthté • est très ancienne (Actes obsédants et exercices •
~tltçgteux, JC)O?, G. W. vu, p. 135; S. E. IX, p. 1~3) et réapparnît dans le Moi et .1 7· •
t a, à la fin du chap•. n; elle est longuement discutée dana Je chap. v, 8. •
• lr. fr .
dana le contexte de la pulaton de mort. •.
'
'
1
~ .. ~


~ .
j :
l 1

-'

(

DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME }:
i
• pour le moi un idéal; le moi tente de se conformer à cet idéal, de lui

~

j!
ressembler... ; en cherchant à se perfectionner sans cesse, c'est aux .1
exigences du surmoi que le moi obéit 7• » Aucun modèle patholo-
gique ne semble, à première vue, présider à cette analyse; ne s'agit-il !
pas ici de l'aspiration morale, comme désir de se rendre conforme l

à... , de se former à l'image de ... , de s'emplir du même contenu 1'


• r

qu'un modèle? Le texte précédent permet cette interprétation;


toutefois Freud est plus attentif au caractère contraint qu'à la l·
,1
spontanéité de la réponse que le moi donne aux exigences du sur- ·1 '
moi, à la soumission qu'à l'élan. De plus, replacé dans le voisinage
i:
~ '
• des deux traits précédents, ce troisième caractère en reçoit une 1• i•
'
coloration qu'on peut bien dire cc pathologique », au sens clinique .••
;l
et au sens kantien du mot. Kant a parlé de la u pathologie du désir»; ~.
Freud parle de la « pathologie du devoir », sous les trois modes de <
J
l'observation, de la condamnation et de l'idéalisation. •

Récusera-t-on une telle analyse parce qu'elle ne reconnaît l
1

à la conscience morale aucune originalité et la déchiffre dans la J.


grille de la clinique? Le<<préjugé >>freudien a l'avantage de ne rien {
j
accorder au départ : en traitant la réalité morale comme une réalité '
a posteriori, constituée et sédimentée, elle rompt la paresse qui .J.

s'attache à toute invocation de ra


priori. Quant à l'approche cli- J• .•
.''
nique, elle permet, par le moyen de l'analogie, de dénoncer l'inau- t• 1
thenticité de la conscience morale ordinaire. L'entrée par la patho- J
••' •
logie révèle la situation d'abord aliénée et aliénante de la moralité; l
1
une « pathologie du devoir)) est aussi instructive qu'une pathologie •

du désir : la première n'est finalement que le prolongement de la .



seconde; en effet, le moi opprimé par le surmoi, est dans une ï•
l
situation analogue, vis-à-vis de cet étranger intérieur, à celle du < '•
l
.•
moi affronté à la pression de ses désirs; par le surmoi, nous sommes
d'abord « étrangers >> à nous-mêmes : ainsi Freud parle du surmoi 1
•'
'•
• .
comme d'un cc pays étranger intérieur 8 ». C'est cette proximité !
dissimulée du désir et du sublime - en langage topique, du ça .1
'
et du surmoi - que l'interprétation génétique tentera d'expliciter 1
.
1
et que l'économique des idéaux s'efforcera de systématiser. . .1.
1
Il ne faut certes pas demander à la psychanalyse ce qu'elle ne 1

peut pas donner : à savoir l'origine du problème éthique, c'est- 1.
à-dire son fondement et son principe; mais ce qu'elle peut donner, 1
!

c'est la source et la genèse; le difficile problème de l'identification 1'
1
1
1
l
l 7. Nouvelle~ Conférences, G. W. xv, p. 71; S. E. XXII, p. 64-5; tr. fr., p. 92. !
8. Nouvelles Cot~j8retlttJS, G. W. xv, p. 6a (innertl Awland) ;S.E. xxu, p. 57; 1
1
tr. fr., p. 81. 1

j 185
1 •
1 • •
••
ANALYTIQUE

s'enracine ici; la question est celle-ci : comment à. p~ir d'u!l r,tus


autre_ le père, peu importe pour le m?m~nt - pms-Je devemr ...] 1
moi-même? le bénéfice d'une pensée qUI, d abord récus~ le ca.ra- ceux-
tère originaire du moi éthique est de deplacer t~ut~ 1attentton tradit
vers le processus d'int~rior~satio.n par lequel ce qm d abord nous traVel
était extérieur nous devient mténeur. P~r là se .découvr~, ~?~ s~ule­ l'exp!
ment la proximité avec Nietzsche, mrus ausst la posstbdite d une du v~.
confrontation avec Hegel et s~n concep~ du dou~lement de l.a mo ne
conscience par lequel la conscience devtent conscience de sot. mène
Certes récusant le caractère originaire du phénomène éthique, la ge
Freud' ne peut rencon~rer la moralité que co!D~e humi~iatio~ d~ • qu'ur
désir comme interdiction et non comme asptration; mats la hmt- pars·
tatio~ de son point de vue est la contrepartie de sa cohérence : en ta
si le phénomène éthique se livre d'abord dans une blessure du la qu
désir, il est justifiable d'une érotique générale et le moi, en proie probl
à ses divers maîtres, tombe encore sous une interprétation soli- Pot

daire d'une économique. canot
descr
d'un(
d'un(
2. LES VOIES GÉNÉTIQUES
comp
DE L'INTERPRÉTATION méca:
..
chact

«C'est en nous tournant vers les sources d'où découle le surmoi mtact
que nou~ parv~endrons plu~ aisément à connaître sa signification. , comn
~tte declara!Ion em~runt.ee ~ux Nouv_elks Conférences 9 exprime
expli(

bten la fonction de 1explication génét1que dans un système qui tutlOI
• •
ne ~econnait pas le ~ractè:e. originaire du Cogito, ni la dimension a.mst
éthtque ~e c~ Cogtto 10 ; tct la genèse tient lieu de fondement. trou v
Il ~eratt v~n de contester que, dans son intention foncière, le •• dans
freudts~e SOit autre chose qu'une variété d'évolutionnisme ou d'Œd
de génét1~me moral. Toutefois, l'étude des textes permet d'affirmer aisém
q~e, parti ?'un. pas dogmatique, le freudisme ne cesse de rendre logie
plus problemattque sa propre explication, à mesure qu'il la met secon
en œuvre. au m
D'abord, .la, gen~e .prop~sée~ne-constitue-· pas · une~ explication preu\
sans reste · l exph~uon ~enéttque révèle une source d'autorité exp li<

-~~parents- qui. ne fatt elle-même que transmettre une force scaan1
anteneure de contramte et d'aspiration; le même texte évoqué cette
exp li<
9· Nouvelks Con/bences. G. W xv p 7a · S E
Jo, Cf. ci-deaaua Probl.~-- 1 • • • • ·3 • · · xxu, P· 67; tr. fr., P· 94-
, ~ UJUI. p. sa-sJ. J z.

186

'
-- - -···- - - - • •1.6#.._., _,2-AJ... UW'' ··d~tii.'JW;~f._. I"..f. ,..
. ..,_

. 1 •

1:
lf 1i

DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME j1
} 1
1•
lus haut continue ainsi : « Le surmoi de l'enfant ne se forme 1!
r. ..] pas à l'image des parents, mais bien à l'image du surmoi de
ceux-ci; il s'emplit du même contenu, devient le représentant de la
J1
!
tradition, de tous les jugements de valeur qui subsistent ainsi à 1!
1•
travers les générations 11 • » Il serait donc vain de chercher dans ii
l'explication génétique une justification de l'obligatoire comme tel,
du valable comme tel : celui-ci est en quelque sorte donné dans le r
monde de la culture. L'explication circonscrit seulement le phéno- '. '.
1 '
• 1
•• •
mène premier de l'autorité, sans vraiment l'épuiser. En ce sens,
la genèse de la moralité selon la psychanalyse freudienne n'est ·;1!
qu'une paragenèse. C'est bien pourquoi elle renvoie à son tour, 1!
par son caractère infini, à une explication économique du surmoi, i
en tant qu'institution appartenant au même système que le ça;
.••
., .
la question sera de savoir si l'explication économique épuisera le 1•
•• •
problème légué par l'histoire individuelle et collective du surmoi. .•
l
Pour une seconde raison, il ne faut pas tout attendre de l'expli-
cation génétique. Même réduite à un rôle d'intermédiaire entre la l •.
•• 1
description clinique et l'explication économique, la genèse s'avère .
! 1
1
d'une complexité surprenante et finalement décevante. S'agit-il ' '
••
d'une explication psychologique? Oui, si l'on considère que le
complexe d'Œdipe est la crise décisive d'où sort, en vertu du fameux
, 1
1
c
mécanisme de l'identification, la structure personnelle du moi en .' ••'
• ~
11
chacun. Mais cette ontogenèse du surmoi - outre qu'elle laisse
intacte, comme on vient de le dire, le problème de l'obligatoire (

comme tel - fait appel, au plan historique qui est le sien, à une
explication sociologique : le complexe d'Œdipe met en jeu l'insti- f
tution familiale et en général le phénomène social de l'autorité; \
1

ainsi Freud est-il renvoyé de l'ontogenèse à la phylogenèse, espérant .•


trouver dans l'institution de la prohibition de l'inceste et en général •••
..
•• dans l'institution tout court, le répondant sociologique du complexe 1'
d'Œdipe; mais, comme l'examen de Totem et Tabou le montrera
aisément, la psychanalyse est condamnée à recourir à une ethno- !
logie fantaisiste, parfois fantastique, et en tout cas toujours de 1
seconde main, et se borne à psychologiser le phénomène social; 1.




au moment même où elle cherche dans le phénomène social la t

preuve qui lui fait défaut du caractère dérivé du surmoi, c'est une •
explication psychologique du tabou qu'elle est réduite à élaborer, •
sciant ainsi la branche sur laquelle elle a assis sa créance. Pour
cette raison aussi il faudra en appeler d'une genèse infinie à une
explication économique. Comme on voit, bien des surprises et

u. Noemell~t COtifbemu, G. W. xv, p. 7:1·3; S. E. un, p. 67; tr. fr., p. 94-


ANALYTIQUE

des déceptions nous attendent au détour de l'explication géné~que. Mai:


Tentons donc de retracer cet aller et retour entre ontogenese et aussi l;
dit en1
phylogenèse. du tOUl
Une première chose frappe tout lecteur ~es premiers é~rits. de L'éton
Freud; c'est le caractère fulgurant de la decouverte. de. l_Œdipe, de la c.
atteint d'un seul coup et en bloc~ comme dra~e mdividu~l et exemp.
. '
comme destin collectif de l'h~maruté, comr_n~ fa~t psychologique primitJ
et comme source de la morahté, comme ongme de la névrose et grec d:
comme origine de la cul~re.. , . . l'appré
Individuel, personnel, mt1me, le complexe d Œdrpe reço1t son l'auto-:
caractère de a secret» de la découverte que Freud en fit dans son de la J,
auto-analyse. Mais, en même t~~ps, son caractère ,d.e géné.ralité veux d
est tout de suite aperçu dans le f1hgrane de cette expenence smgu- rexpér
liére. D'abord l'Œdipe vient tout de suite prendre sa place dans baie d

l'ètiologie des névroses, parce qu'il y remplace une ~1ypothèse uruven
antérieure dont il est le revers : on se rappelle le crédit accordé enquêt
par Freud à la théorie de la séduction de l'enfant par l'adulte, freudie
suggérée par les récits mêmes que ses patients lui en faisaient en individ
analyse; or, le complexe d'Œdipe, c'est la théorie de la séduction versellc
retournée; ou plutôt, la séduction par le père s'avère après coup L'an
être la représentation distordue du complexe d'Œdipe : ce n'est elle est
pas le père qui séduit l'enfant, c'est l'enfant qui, en voulant posséder prétati•
la mère, souhaite la mort du père; il faut comprendre que la scène l'aman·
de séduction n'est qu'un u souvenir-écran » à l'égard du complexe d'avoir
d'Œdipe; celui-ci vient tout naturellement prendre la place du son pè1
fantasme antérieur u.
13. L
14.•
12. Les ùttru à Fliess de 1897 constituent à cet égard un document considé· J 'w. trot
rable : alors qu'auparavant • il fallait accuser le père de perversion • (lettre 69), mère, dt
le CC?m~lexe d'Œù.ipe représente maintenant • l'innocence du père •; en contre· tous les
parue, tl faut ~ttrtb~er. ~e sexualité à l'enfant; c'est cela que masquait le fan· chez les
tasme de la sccne prtmttlve (cf. également Contribution à l'Histoire du mouvement • •
tasatton 1
psyc/';'l"alytique, 1914, G. W. X, p. 55-61; S.E. XlV, p. 17-18; tr. fr. in 1'0 éd. des S'il en es
Essats de Psyclwnalyu, Paris, Payot, 1927, p. 274-6)., sur l'auto-analyse de Freud qui s'op 1
et so? propre compl,exe ù'Œ~ipe, cf. Lettres 69, 70, 71. L'absence du rôle actif Roi. On
du pe~e, .la bonne d enfant pteuse et voleuse (• mon professeur de sexualité •), devaient
1~ cunost~é s~xuelle à l' égard de la mère, la jalousie à l'égard du frère, la posi· individu,
bon ambtgue du neveu plus Agé, etc. Sur tout ceci, cf. Jones o. c. 1, chap. XIV. de Grill1
En outre, sur .1~ transfert de la tendresse du jeune Sigmund sur son ami Flieaa • reconnui:
et d~ son hostdtté sur son collègue Breuer, cf. Joncs o. c., tr. fr., 1, p . 336-9, en imug
:nueu, 0 • c. p. ~9-73 · 0~ trouve la première allusion au complexe d'Œdipe transpos1
an.s le manuscrt! N qu1 accompagne la lettre no 64 du 31 mai 1897. La sépare a<
GtWn de • souventr-écran • est traitée systématiquement dans un article de 1899, La NaisJ
• • J, p. 531-4; S. E. lU, p. 303-3:22. rs. M

188

DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME

Mais, en prenant sa place dans l'étiologie des névroses, il trouve


aussi la sienne dans l'édifice de la culture : << Un pressentiment me
dit encore, comme si je le savais déjà - alors que ne je sais rien
du tout- que je suis en train de découvrir la source de la morale 13, • •
L'étonnant de cette découverte est qu'elle est aussitôt accompagnt .!
de la conviction que cette aventure singulière est aussi un destin .H i 1' !•
exemplaire. C'est ainsi que j'interprète le parallélisme tout à fait tl .
: l'

primitif entre l'auto-analyse de Freud et l'interprétation du mythe ql ; i•


grec d'Œdipe. La sincérité avec soi-même coïncide ici avec
'1 i
l'appréhension d'un drame universel u; le rapport est réciproque :
l'auto-analyse dévoile « l'effet saisissant », « l'aspect compulsif »
il •
de la légende grecque; en retour, le mythe atteste la fatalité -je !' 1,.
J !
veux dire le caractère de destinée non-arbitraire - qui adhère à l
• 1
1
'
l'expérience singulière. Peut-être est-ce dans cette intuition glo- 1• '
• 1

bale d'une coïncidence entre expérience singulière et destinée •1 .'


universelle qu'il faut chercher la motivation profonde, qu'aucune '' ;' ~
1 ; j(
enquête ethnologique ne saurait épuiser, de toutes les tentatives 1f
freudiennes pour articuler l'ontogenèse - autrement dit le secret
individuel - sur la phylogenèse - c'est-à-dire la destinée uni-
1

1•

.,' .;
'•

''
1
verselle. 1' .
'
• i
~••
L'ampleur de ce drame universel est, dès le début, aperçue; 1 1
••
elle est attestée par l'extension au personnage d'Hamlet de l'inter- ''

prétation d'Œdipe-Roi : si « l'hystérique Hamlet » hésite à tuer :1 •t


l'amant de sa mère, c'est qu'en lui sommeille « le vague souvenir 11
1
d'avoir souhaité, par passion pour sa mère, de perpétrer envers '
t

••
son père le même forfait 16 ». Rapprochement fulgurant et décisif : ..
'

:
~
IJ. Lett.re 64 du 31 mai 1897, in La Naissa11ce•.• p. tSa. 1.
14. • Il ne m'est venu à l'esprit qu'une seule idée ayant une valeur générale. .
• •

J'ai trouvé en moi comme partout ailleurs des sentiments d'amour envers ma • •
• ••

.! '
mère, de jalousie envers mon père, sentiments qui sont, je pense, communs à
toua les jeunes enfants, même quand leur apparition n'est pas aussi précoce que
c?ez.les enfants rendus hystériques (d'une façon analogue à celle de la • ~o.man­ J ••
tas.atlon • de l'origine chez les paranoïaques - héros, fondateurs de rehg10ns).
• •
S'1l en est bien ainsi, on comprend, en dépit de toutes les objections rationnelles .
1
qui s'opposent à l'hypothèse d'une inexorable fatalité, l'effet saisissant d'Œdipe- l l
Roi. On comprend aussi pourquoi tous les drames plus r~cents de la destin~e .
1

1
devaient misérablement échouer. Nos sentiments se révoltent contre tout destin .
individuel arbitraire tel qu'il se trouve exposé dans l'ACc'Uie (titre d' une pièce '• •
de Grillpar:ter], etc. Mais la légende grecque a saisi une compulsion que tous .• '
rec~nnui~scnt parce que tous l'ont ressentie. Chaque auditeur ~ut t;m jour en genne,
en lmugmution, un Œdipe et s'épouvante devant la réahsuuon de son rêv~
transposé dans la réalité il frémit suivant toute la mesure du refoulement qw •
sépare son état infantile 'de son ~tat actuel. • Lettre 71, du 15 octobre 1897, in '•
LaN,OISIQIICt!
. • •• , p. J 98.
i


1 5· M~me Lettre 71 (ibid.). 1

l
••
189

_____________ .....____,
.~- . . - ·--
-------- -- -· -

l

ANALYTIQUE

car si Œdipe révèle l'aspect de destin~e, Hamlet révèle l'~pect de 1


1
que 1
cul abilité attaché au complexe; ce .n est. pas un hasard st. Freud 1
Œdip
· p dès 8 le mot de Hamlet qUl revtendra dans Ma/aue dans 1 qu'ac
clatte,. .l. It' 97•. 'PLus conscience does make cowards of us ail.•• ». accon
czvz ua ton • « .1 n • d lâ h ) · 1'
(C'est ainsi que la conscience fatt de nous t?us es c es , c~ que 1 somrr
Freud commente en ~s. te~~es: «La conscience est son sentunent 1 ment

inconscient de culpabll1té . » • • • • • • ces de
Or, qu'est-ce qui fait du. secret. mdtv1duel un dest!~ u~v~rsel l est p
et, en outre, de caractère éthique, smon.. le passag~. par 1 mst1tut10n.? 1 l'écra:
Le complexe d'Œdipe, c'est l'inceste ~e~~; o! « 1 mc<7te est un fatt 1

matiè
antisocial auquel, pour exister, la ctv.dtsatton. a du ,P~u ~ peu
renoncer 11 ». Ainsi le refoulement, qu1 appartient .à 1 hist?Ire. du
1
• ..
doulo
mie re ,
désir en chacun, coïncide avec l'u~e des plus. fonm?ab1es ,mst!tu- trage<
Y
tions culturelles, la prohibition de 1 mceste. o1!à pose, par 1 Œdipe, elle-n
le grand conflit de la civilisation et des mstmcts que Freud ne typiqt
cessera de commenter, depuis Morale culturelle sexuelle et nervosité
nwderne (1908), en passant par Totem et Tabou (1913) jusqu'à !
.
parta!
atsem
,
1
Malaise dans la Civilisation (1930) et Pourquoi la guerre? (1933). la réa
Ainsi refoulement et culture, institution intrapsychique et insti- de la
tutio~ sociale coïncident en ce point exemplaire. accorr
De ce nœud d'intuitions procèdent, d'une part, la genèse psycho- l1 . '
mtegr
logique et, d'autre part, la genèse sociologique. La première ligne j
meme
.
est inaugurée par l'lnterprétatian des Rêves et les Trois Essais sur la Pou
sexualité, la seconde par Totem et Tabou. • cornpl
L'Interprétation des Rêves transcrit à peu près textuellement les de Frc
grandes découvertes des années précédentes, que les Lettres à la mo1
Fliess nous font aujourd'hui connaître; mais en même temps, la •
cucon
portée culturelle en est dissimulée; l'interprétation du complexe quer
d'Œdipe est en effet reléguée parmi les exemples de rêves de mort J'antiq
1
de personnes chères, lesquels rentrent sous la rubrique des rêves • bourg
typiques, qui, à leur tour, paraissent dans le chapitre consacré pas se
aux ~léments et Sources du Rêve - par conséquent avant le grand sémen

chap1tre sur le Travail du Rêve 18• Cette disposition est très éga- constt•
r~te et, plus e?~ore, le traitement du complexe d'Œdipe comme
SJmpl~ thème omnque : la légende grecque sert seulement à confirmer
« l'umverselle validité de l'hypothèse mise en avant à l'occasion zo. (
de la psychologie des enfants lfl »; ce sont nos rêves qui témoignent zr. <
22. (
ZJ, 1
secours
16. Même Lettre 71. pcrson11
17. Manuscrit~· 31 mai 1897, in La Naissance... , p. t86. aomm~
18. Cf. notre discussion, ci-dessus, p. 108 et la note (27). souhait~
19. G. W. u/m, p. 267; S. E. lV, p. a6r; tr. fr., p. 197 (144). p. 26J;


--~'!!.i .t ..
-- ---·----............ .•.,.,---·
, __ -W-- ""'\.. . •
--....-..~---
. ·~ ···-~·
~·~


DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME

1 que l'explication de la tragédie est en chacun de nous : «Le Roi-


: Œdipe qui a tué son père Laïus et épousé sa mère Jocaste ne fait
1 qu'accomplir le souhait de notre enfance.•. A la vue de celui qui a
1
accompli le souhait archaïque (urzeitlich) de notre enfance, nous
1 sommes pris d'une épouvante qui a toute la charge du refoule-
1
1 ment qui depuis lors s'est exercé à l'intérieur de nous-même contre
;
ces désirs 20• >>Ainsi le grand conflit de la civilisation et de l'instinct
1•
est projeté sur le plan intrapsychique et plus précisément sur -
l'écran du rêve : a Le fait que la légende d'Œdipe a jailli d'une
matière de rêve archaïque ( uralt) qui a pour contenu le désordre
douloureux introduit dans les relations aux parents par les pre-
'
' mières impulsions de la sexualité trouve dans le texte même de la
tragédie de Sophocle une indication incontestable 2t. »C'est Jocaste
elle-même qui explique à Œdipe sa propre histoire comme rêve
1 typique et universel : u Bien des gens déjà dans leurs rêves ont 1•
1
partagé la couche maternelle. Qui méprise ces terreurs-là supporte .~ !
1 1 l'
l aisément la vie. » Freud de conclure : « La légende d'Œdipe est •
!
1
la réaction de notre imagination à ces deux rêves typiques (désir
1

., '1
de la mère, mort du père) et, comme ces rêves sont chez l'adulte •
1
,1
accompagnés de sentiment de répulsion, il faut que la légende
intègre à son contenu 1'épouvante et le châtiment infligé à soi- ,
1•
••
' même 22• » ~
Pourquoi cette apparente réduction de la portée culturelle du
complexe d'Œdipe dans l'Interprétation des Rêves? Outre l'habileté
de Freud qui, dans ce livre, distille la vérité et la cache autant qu'il
la montre, j'invoquerai son souci principal de ne pas s'arrêter aux .•
circonstances culturelles contingentes; ainsi serait-on tenté d'expli-
:
quer certains traits de l'inimitié père-fils comme un résidu de
1
l'antique potestas du pater familias romain dans notre culture l•
1
bourgeoise, comme Freud le suggère en passant 23 ; si l'on ne veut ••
pas se borner à une explication socio-culturelle, à laquelle précisé-
sément sont revenus tant de néo-freudiens, il faut remonter à la .•
constitution archaïque de la sexualité. C'est pourquoi l'aspect

2o. G. W. n/m, p. 269; s.E. 1v, p. 262-3; fr. tr., p. 198 (144~5).
21. G. W. n/m, p. 270; S: E. IV, p. 263-4; tr. fr., p. 199 (145). .
22. G. W. u/m, p. 270; S. E. rv, p. 26_.; tr. fr., p . 199 (146). l

23. • Tous ces rapprochements sautent aux yeux. Mais ils ne nous sont d'aucun
secours dans notre entreprise d'expliquer les r~ves de mort de paren~ chez lea
personnes dont la piété filiale s'est avérée depuis longtemps sans fa11le. Nuus
sommes en outre préparés par Ica discussions antérieures à faire rc:monter les
souhaits de mort contre Ica parents à la toute premiùe enfance. • G. W. tr/111,
p. 263; S. E. rv, p. 257; tr. fr., p. 194 (14a) •

1

••
• •

d-'.!,1,1 .: _, _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _. ,. 1=-==--
---· .._ ... . - -- .

'

ANALYTIQUB

institutionnel est ici subordonné à l'aspect fantasmatique, et


thèm•
celui
celui-ci recherché dans les rêves communs aux névrosés et aux
Plu
sujets normaux zc. Néanmoins, dans ce con~cxte propre à l'bzter- •
prétation des Rêves, l'aspect d'univ_ersell~ destmée que seul le. mythe rau on
révèle - ce que j'appellerai la dtmenstOn hype~-psycholog1q'!e et de la
• •
hyper-sociologique du mythe - se trouve souhg~é par pluste~rs
1

1
petit
0

touches précises : c'est la communauté de destm entre Œdipe • préhis


ct tout homme qui, découverte d'un seul coup, atteste le caractère quclqr
universel de l'impulsion incestueuse; et c~est le 1c succès complet nous :
et universel » de la légende elle-même qut atteste à son tour cette de la E
communauté de destin. Le mythe est réduit à un fantasme de rêve, objets
0

certes· mais ce fantasme est universel, parce qu' « il constitue une sont o
1 capabi
matiè;e de rêve archaïque ». C'est pourquoi le complexe portera 1

à jamais le nom du mythe, lors même que la psychanalyse paraît stons ,
expliquer le mythe par le fantasme onirique; seul le mythe confère est tOI
d'un seul coup la marque du « typique » au rêve lui-même 25. de la
Les Trois Essais sur la Sexualité constituent un jalon important sexuel:
sur la voie de l'interprétation proprement psychologique du la mer
complexe d'Œdipe : la présupposition de toutes les thèses ulté- Freud
rieures sur le rôle du complexe d'Œdipe dans l'édification du sur- des f01
moi, c'est l'existence d'une sexualité infantile; en ce point réside sociale:
l'importance immense des Trois Essais. Plus précisément, les Trois C'es
Essais ont fourni à l'interprétation du complexe d'Œdipe deux part •acu
pas de
24. G. Y'·
u/m, p. 263-7; S. E. IV, p. 257-61; tr. fr., p. 194-7 (142-4). l'autre,
25. 1 Sa les modernes sont aussi émus par Œdipe-Roi que le furent les Grecs
1
Essais
de ce temps, la raison n'en est point que la tragédie grecque tire son efficacité morphc
du contraste entre ~csti.n et volonté humaine, mais que cette efficacité consiste tile, pr
dans la, .natu~e particulière de .la matière sur laquelle cc contraste s'exerce. Il
faut qu .•1 Y, aat ~n nous une v~ax pr~tc à reconnaître la puissance contnügnante culier c
du desun d Œdape... Son dcstan nous émeut parce qu'il aurait pu être le nôtre Mais
p~r~c qu'avant notre naissance l'oracle a prononcé contre nous cette même malé~ Trois E
d~~tJon. • G. W., n/m, p. 269 i S. E. IV, p. 262; tr. fr., p. 198 ( 14 5). Un peu plus ou des
1 an, à propos d Hf!mlet ct de Macbeth, Freud conclut : 1 De même que tous les
~ymptô.mcs névrotaqucs - et 1~ !l!vc lui-même -sont susceptibles d'être sur- complé:
anterpretés ( ~r Ucbcrdcutung fii!ug) et même exigent de l'être pour être pleine- différen
n;ent d~ompns,. de même aussa toute création poétique authentique procède de •

f ~ :;;'m~tlf et de plus d'une sollicitation dans rame du poète et sc prête
P us une mter~rétat10n. •. G. W. n/m, p. 272 ; s. E. JV, p. 2 66; tr. fr., p. 2 o1 26. 1 l
~~4~). Çett~ • sur-anterprétau~n • ne me paraît pas réductible à l'ordinaire 1 sur· diversion
qu ~~rmmauon • l?ar condensation ou déplacement; celle-ci ne conduit semble-t-il,
1
de nouve1
a une scu e mterprétation c JI
nation C' t . • e .e. précas· é ment, qua· exphque
· ' ·
Jo sur-déterrr••· Puissante
· . es unde • suDr-antcrprétataon • véritable que J. e tenterai d'élaborer dana formes. l'
1c c hapatre tV e 1a ial t ·
J'Œd'p d S h cc •que. D e nouveaux nspects du texte de Freud sur •
le dévelo1
1 latence sc
notio~ de: sU:~n:rper;~r~.nt8
encof re. ddécouverts .qui justifient pleinement cette p. 79; s. J
aon '· c · ca- essous, Dza/cctique, Chap. IV.

~. ::
1, ~(--tf~lit~~~h ~ .
._..
' 1
1

'
1

DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME ;l
1 i
1 •
0

thèmes fondamentaux : celui de la structure de la sexualité infantile 0


celui de son histoire ou de ses phases. ' \' l.
Plus que telle ou telle thès.e P.articu~ière concernant les u aber- 1
!
rations sexuelles », u la sexualité mfanttle )) ou ''les transformations 1 1
de la puberté » (ce. sont les titres de ces Trois Essais), ce que ce
0

'1 petit livre a essentiellement voulu montrer, c'est le poids de la


~ l
0

1' préhistoire dans l'histoire sexuelle de l'homme; préhistoire en \


quelque sorte oblitérée par une soigneuse u amnésie >) sur laquelle ••
nous reviendrons plus loin; levé l'interdit qui nous barre l'accès 0 '

de la sexualité de l'enfant, de grandes et terribles vérités se lèvent:


objets et buts, tels que nous les connaissons dans un état de culture, : 1.

sont des fonctions secondes d'une tendance beaucoup plus vaste, 1 •

1
1 capable de toutes les « transgressions » et de toutes les u perver-

'
sions )); un faisceau lâche de pulsions, parmi lesquelles la cruauté, Î
est toujours prêt à se défaire, constituant la névrose en négatif 01
de la perversion; la civilisation s'édifie aux dépens des pulsions j

sexuelles, à la faveur de leur défaut d'usage et en réaction contre : lt


la menace de perversion dont elles sont chargées (à cette époque, ''·
Freud couvre du terme général de sublimation tout détournement 1
11
des forces sexuelles de leur but et tout emploi à des buts nouveaux 0

l
socialement utiles 26).
C'est tout cet ensemble d'idées qui sert de fond à la psychologie
particulière du complexe d'Œdipe; il faut bien avouer qu'il n'y a 1
pas de discussion du complexe d'Œdipe qui, à un moment ou à
l'autre, ne mette en question l'ensemble des thèmes des Trois
Essais : l'existence de la sexualité infantile, sa structure poly- 0
1
0

morphe, sa constitution potentiellement perverse; l'inceste infan-


tile, présupposé par le complexe d'Œdipe, n'est qu'un cas parti- .l
culier de ce thème général. 1
Mais l'interprétation du complexe d'Œdipe doit encore aux
0

Trois Essais la première élaboration détaillée du thème des a stades »


ou des u organisations » de la libido; ce thème génétique est le
complément indispensable du thème structural; il est vrai que la 0

!
différenciation des stades n'est pas poussée encore très loin dans le 1
'

0

t
26. • Les historiens de la civilisation semblent d'accord pour dire que cette
diversion des forces pulsionnelles sexuelles de leurs buts et leur r~oricntation vers 1
de nouveaux but!t - processus qui m~rite le nom de sublimation- mettent de
puissantes composantes au service du progrès de ln civilisation sous toutes ses
formes. Nous ajouterons volontiers que le ml!me processus joue un rô!e dllllS
le développement de l'individu et que ses origines remontent l la pénode de
• hltcncc sexuelle chez l'enfWlt. • Trois Essa.U sur la Tlllom d4 la Sexumitl. G. W. v,
p. 79; S.E. vu, p. 178; tr. fr., p. 8J.

193 '

.... 11
.. 1
1

1
ANALYTIQUE

dE ·.la section consacrée, dans l'édition de 1915, a~ phases •

secon. ssru, de l'or anisation sexuelle ne connatt encore b~yc.


du developpemen~ . g , , "tales » • l'organisation orale et ten
que deux ex orgamsauons pregent . .. . r d l l à cel
· · sadt'co-anale·' mais la dasuncttond 10n am· enta
1,orgamsauon e
'fi · du entre
1 d é 'tai
l est acquise non seulement ans sa stgm cation estd
sexue et u g n
dans son
' . hi
élaboration
·
stonque,
. '
c est
1a cond't-
1
structura1e, m318

u1 , · • tt d" · ! dans
ti on fondamentale de toutes les analyses te~t~ures, c~ .e tstmc- •' là po
.
uon perme ttra plus tard (1923) ' dans les
d édttlons
, ·· ulteneures
1 1des \ les a
r; is Essais de rattacher avec plus e prectston e comp exe ' •
d~dipe à ~ne autre organisation pré~énitale, au stade phall~q~e, 1 tOUJO
des z
donc à un stade postérieur à l'auto-érottsme, ~un stade~~ la hbtdo ' •
gemt;
a déjà un vis-à-vis, mais en retour à un stade ou la s.exu_ahte a éc~oué 1 , .
temo1
par défaut d'organisation; c'est sur. cette or~amsatton phalltque Fixat.
,. que s'articulera ~a men.ace de ~astr~tton, ce qu.• permettra en 1924 1
J spécif
'
d'expliquer la dtssolutJOn ~e 1 Œ~ilp~, à la fms par 1~ menace de •
de ce1
1
castration et par le défaut d orgarusatton et de maturation du stade ••
Voi
correspondant. Tout cela est en germe dans la théorie des stades 1
1 ne s'
des Trois Essais; il n'est pas jusqu'au thème de l'identification
l1 a abar
qui ne trouve ';ln a~pui dans cette thé?rie d~s stades, ~ans la me~ure contn
où cette ident.tficauon a pour u modele et 1mage » 1mcorporatton, 1
la dévoration du stade oral ou cannibale 27• 1
que l'
•' s'atta1
On voit l'importance de ce petit livre - apprécié entre tous par
son auteur- pour l'explicitation du complexe d'Œdipe; il va dans conflit
1
le sens d'une des tendances les plus tenaces du freudisme, à savoir •'
ou un
son insistance sur la u préhistoire 28 a, - thème commun à Marx •

ne pe
1
et à Freud - sur une préhistoire qui a ses lois propres et, si ' II y a
l'on peut dire, son histoire propre. destin..
'
1 bilité
.Ce poids de la préhistoire alimente une sorte de pessimisme 1

très caractéristique de Freud et que toutes les variétés de néo- 29. (


freudisme ont tenté d'atténuer et d'éliminer; il nous est déjà JO, I
apparu sous des formes différentes : u indestructibilité du désir », psychiq

msmen
selon l'l11terp~étation des Rêves, a intemporalité >> de l'inconscient, 1
tr. fr., l
selon les Essats ~e Métapsychologie,· ce que les Trois Essais ajoutent perversi
à ce thème !llaJeur, c'est d'abord l'idée d'une errance originelle zones à
de la ~cxu~~té, errance quant à l'objet, errance quant au but : aubit ur
•.~a diSposatton à l.a .Perversion, dit la conclusion, est bien la dispo-
conduit
lisation

Sition générale onganelle de l'instinct sexuel lequel ne devient ttque, e1
normal qu'en raison de modifications organiques et d'inhibitions de ceux
proporti
1 névrose
27. G . W. v, p. 98 (Vorbi/~): S.E. vu, p. 198 (protatype) ; tr. fr., p. no. 1 p . 14o;:•
1
a8. G. W . v, p. 73 (Vor:.eat); S.E. vu, p. 173 (lM prirfiQ4NQ/ pen·011); tr. fr., de réncti
1
p. 75· thap. Ill
1 nommorJ
...~f~Ol--~-----
.
1

..1
'•
DB L'ONIRIQUE AU SUBLIMB 1
1

1•
psychiques survenues au cours de son développement n. , C'est
bien pourquoi la sexualité humaine est le siège d'un débat analogue
à celui que les sophistes ont ouvert à propos du langage, le débat
entre physis et 11()71UJS ,· la sexualité humaine, comme le langage,
est d'institution autant que de nature; le thème de la perversion,
dans lequel on a vu parfois un reste de moralisme bourgeois, est
là pour rappeler que « par nature » la libido tient en réserve toutes ''
, les u infractions » de la moralité ordinaire. L'union génitale est
toujours une victoire sur la dispersion originelle de la libido vers
des zones, des buts, des objets décentrés par rapport à l'axe de la
1
génitalité hétéro-sexuelle. Le pervers et le névropathe sont les
témoins humains de cette errance originelle de la sexualité humaine.
1
Fixation et régression à des stades dépassés sont des possibilités
1 spécifiquement humaines, inscrites dans la structure et l'histoire
'
1 de cette u préhistoire ».
Voilà pourquoi l'institution est nécessairement pénible: l'homme
1
1 ne s'éduque qu'en « renonçant » à un exercice archaïque, en
1
u abandonnant » des objets et des buts dépassés; l'institution est la
! contrepartie de cette structure « perverse polymorphe ». Parce
f,
i'
1
que l'adulte reste la proie de l'enfant qu'il a été, parce qu'il peut l.
l
1
1 s'attarder et régresser, parce qu'il est capable d'archaïsme, le t
conflit n'est pas un accident qu'une meilleure organisation sociale
1
ou une meilleure pédagogie pourrait lui épargner; 1'être humain j
t


ne peut vivre l'entrée en culture que sur un mode conflictuel. • !
1
1 Il y a une souffrance qui adhère à la tâche de culture comme un
d~ti.n, comme ce destm que la tragédie d'Œdipe illustr~. ~ossi­
bihte de l'errance et nécessité de refoulement sont correlatifs 30 ; - 1
'•

1 29. G. W. v, p. 132; S. E. vn, p. 231; tr. fr., p. 164-


30. Dans les Trois Essais on rencontre f~quemment l'expreasion de • digue~
p~ychiqucs • (tr. fr., p. 8o, 99, 100, 171). Cette notion ne préjuge pas le mc!ca-
'
1
.

••

1 ntsme mis en jeu; trois • élaborations • (G. W. v, p. 138·141; S. E. vu, p. 237-9;


tr. fr., p. 174 et auiv.) sont prises en considération : la première conduit à la
perversion :elle est liée à l'échec de la subordination des autres buts et des autres
zon~ à la dominante génitale; ln seconde conduit l la nc!~se, lorsq~e..Ja pulsion
aubtt ~n refoulement et poursuit son existence souternune; .ln !fOtsteme enfi:o
C~>n~utt à ln sublimation, lorsque la tendance trouve une déravatl?n ~t. une U!l•
lisauon dans d'autres domaines · c C'est Il une des sources de 1actiVIté artlS·
tique, et l'analyse du caractère d'individus spécialement doués, en particulier
de ceux marquant des dispositions artistiques, indiquern un mc!lange, ~elon des
proportions variables entre l'efficience (ùistungsfâhigluil), la perversion et la
névrose, selon que ta' sublimation aura été complète ou incomp.lète. ' G. W.. v.
p. 140; ~· E. vu, p. 238; tr. fr., p. I77· Refoulement, s.ubl~auon et ~onna.uon
de rc!nct1on (traitée ici comme c sous-espèce • de la subhmauon) (cf. Dtalecttf/Wt •
chap. Ill) aont dee ~canismoa anoz prochee et 10 composent dant co quo nous
nornrnon• • canotke • (ibid.).

195
-
- _________
--~--- ---..
.

• •

ANALYTIQUE

lturel Semblable au travail de deuil évoqué D


1e renoncement cu ' 1 d. J • hé él. acqu
1 h t ti t la place de la peur dans a 1a ecuque g 1enne
~uusM~~r~ e:nde l'Esclave; l'identification au J?ère permettra tout s'il r
à l'h d ousser plus loin cette comparaison avec la recon- donc
. cure hée Pl.enne La découverte de rinstinct de mort est déjà •
na1ssance ge 1 • • à1 '
dans les Trois Essais; toutes les a!lus10ns a cruaute permettront ' L~
de pousser plus loin cette comparaison entre, H~gel et F~e';ld. C'
C'est sur ce fond sombre que se déta~he 1 ép1sode œd1p1en. Nou:
Pourquoi cette crise est-elle plus .•mport3:nte que les autr~s, de r
si importante même que Freud lui attnbue, à tttre presque exclusif, /
I'exis
à la fois l'entrée dans la névrose et l'entrée dans la cu~ture .31 ? tutio.
On pourrait légitimement opposer à cette apparen~e maJoratiOn 1. le tal
de l'incident œdipien que tous les passag~ - dans 1ordre du but à tir
et dans l'ordre de l'objet - sont des cnses et des renonce~ents,
et que le drame œdipien n'est qu'un segment dans le drame genéral
!
1
et à :
mem
..
que Freud lui-même appelle « la découverte de l'objet 32 » et qui, l
mom •

depuis l'allaitement et le sevrage, en passant par répreuve de l men



l'absence de l'être aimé, n'est qu'une longue histoire de « choix savo11
d'objets n et « d'abandons d'objets », d'élections ct de déceptions; être ·
l'inhibition de l'inceste n'est, après tout, qu'une de ces émonda- Soph1
tians du désir, très comparable aux autres (sevrage, absence, retrait l'arrit

d'affection). Ce qui, pourtant, donne à l'inhibition de l'inceste pat1e1
une position unique dans ce dur écolage du désir et plus précisé- Si
ment dans cette éducation du choix d'objet, c'est précisément sa fi que
1
dimension culturelle. Les Trois Essais le disent très clairement : •• de Tc
«Une telle inhibition est commandée par la société, obligée d'empê- l'amb:
cher que la famille n'absorbe toutes les forces dont elle doit se Tabou
servir pour fonner les organisations sociales de caractère élevé; transp
la société fait alors usage de tous les moyens, afin que, en chacun dans'
de ses membres, et particulièrement chez l'adolescent, se relâchent lyse G
les liens familiaux qui existaient seuls pendant l'enfance aa. »
, 31 •. Une note ajoutée en 1920 précise: cOn a raison de dire que le complexe • entre le
d Œdtpe ~t le noyau ( Kerncomplrx) des névroses, qu'il constitue la partie la du pren
1
plus csscnt•elle d~ leur contenu. C'est en lui que la sexualité infantile, qui, par 34· F
ses ~cts scco'_lda•res, ~xcrccra une influence décisive sur la sexualité de l'adulte, qui ont
attemt son ~omt culmmant. Tout être humain nouveau venu se voit imposer la de lam~
tache de vamcre le co~plcxe d'Œdipe; qui faillit à cette tâche succombe à la absolurr
n~vro~e. Avec le progrcs. des études psychanalytiques l'importance du complexe
• •
VOlCl ce
d ~d•pe est .de~e~u touJours plus évidente; le reconnaître, c'est maintenant lo cidation
shtbbo/eth qut d1stmgue de leurs adversaires les partisans de la psychanalyse. • L'interd
G. W. v, p. 127-8 (note); S. ~· vu, p. 226 (note); tr. fr., p. 220. 1 temps e·
32. G. W. v, P· 123 et. sutv.; S.E. vn, p. 222 et suiv.; tr. fr., p. 151 ct auiv. moment
33· G. W. ~· P: 127 ( d~e lt~zestschranke) ; S.E. vu, p. 155 ; tr. fr. p. 225. Une matrimo
noto de 1915 mdtque clairement que c'eat l ce niveau que la corrélation a'étRblit 1
p. IJ,
l
1
l
1
1
1

Di L'ONIRIQUE AU SUBLIME


Dans ce texte, la prohibition de l'inceste apparaît comme un '
acquis de civilisation que chaque individu nouveau doit assimiler 1
s'il n'est pas déjà fixé par hérédité; l'explication de son origine est 1

1
donc renvoyée de la psychologie à l'ethnologie.
'l

' •
La phylogenèse conduit-elle plus loin que l'ontogenèse?
C'est ce que l'examen de Totem et Tabou nous permettra d'établir.
Nous laisserons de côté, autant qu'il est possible, le problème précis
de l'origine de la croyance religieuse, à savoir la croyance en
/
l'existence des dieux, que Freud dérive, comme on sait, de l'insti-
tution totémique; certes, nous ne pourrons pas séparer longtemps
1. le tabou du totem, puisque la thèse de Freud consiste précisément
• à tirer l'interdiction morale de la prohibition-tabou primitive,
!
1
et à fonder celle-ci sur la descendance totémique, interprétée elle-
même comme complexe d'Œdipe historique et collectif. Néan-
1

moins il est légitime 34 de mener aussi loin qu'il est possible l'exa-
1
men de ce livre, sans faire intervenir ce qui y est le plus fragile, à
savoir précisément l'Œdipe historique des sauvages, qui n'est peut-
être qu'un mythe scientifique, substitué au mythe tragique de •
Sophocle, et projeté, à la manière « d'une scène primitive », à
l'arrière de l'auto-analyse de Freud et de la psychanalyse de ses
patients.
Si donc nous nous tenons d'abord en deçà du mythe scienti-

fique du totem, c'est-à-dire au niveau des deux premiers chapitres
de Totem et Tabou (cc Prohibition de l'inceste » - << Le tabou et
l'ambivalence des sentiments »), que trouve-t-on dans Totem et
Tabou? Guère plus qu'une cc psychanalyse appliquée »,c'est-à-dire '
1
••
1
transposée du rêve et de la névrose au tabou; ce que Freud propose
dans ces deux chapitres, c'est une interprétation par la psychana- f

lyse d'un matériel ethnologique assez limité; il serait vain d'y
1
1 .
entre les Trois Essais et Totem et Tabou. Ln notion de • barrière contre l'inceste • 1

1 du premier ouvrage coïncide avec celle de • tabou • du second. r


1
~4· Freud autorise cette relative disjonction : • Les deux ~èmes princip~ux
qua ont donné leur nom à ce petit livre, le totem et Je tabou, n Y s~nt pas tra~tés '
de ln m~me manière. Avec l'analyse du tabou est propos~e une tentauve de sol~taon
absolument sOre et exhaustive. L'étude du totémisme se borne à cette déclaration:
'.
~
1


v?ici. ce que, pour le moment, le point de vue psychanalytique apporte à. l'élu-
CI~ataon du problème du totem. • (Préface). Au début du chap. 1, Freud llJOUtc: '
L'anterdiction de l'exogamie • n'a originellement - au commencement d~ 1
temps et quant au sens - rien à voir avec le totémisme et lui a été à un ~er,tam 1

mom.ent nttuché, sans qu'il ait de lien profond avec lui, quand les restrzcuons
matnmoniales s'avérèrent néccasairca •. G. W. a, p. 8-9; S. E. XJU, P· <4i tr. fr.,
p. IJ,
,
1
1


1
l
1 97
1

'
1

C:~ }J;: .....________ _


ANALYTIQUB

chercher une élucidation par l'ethnologie du problè,J?e de l'iJU;~ti­ qua• pc


tution, mis à jour - mais laissé en suspens -:- par 1 mtcrprétatlon cons id
,.
psychanalytique. Ce sera précisément la fonct1on du myth~ ethno- meme
logique final de passer d'une simple cr psychanalyse apphquée », ou d'a
où le modèle du rêve et de la név!ose est étendu au tabo~! ~ un du • n
fantastique du totem, où _l'ethn?log~e sera censée résoudre 1emgme le mo
suscitée par la psychologse de 1 Œd1pe. . . dit, la
Si la psychanalyse du tabou, dans les deux premtcrs chapitres de la
de Totem et Tabou, ne va guère plus loin qu'un~ psychanalyse prohit
appliquée, c'est en raison des deux pos~lats de ce hvre -lesquels •
tatlon
d'ailleurs ne lui sont pas propres - : dune part le sauvage est le L'al
témoin attardé d'une phase antérieure de notre propre développe- de Toi
ment et à ce titre constitue l'illustration expérimentale de notre sens tr •
pré-hist~ire; d'autre part, par s~ grande ambivalence •a~cctive, de la
il est le frère du névrosé. En apphquant la psychanalyse a 1 ethno- 1
de l'in:
graphie, Freud pense faire coup double : d'un côté il explique à •
tu taon
l'ethnologue ce que celui-ci décrit mais ne comprend pas, de que fl(
l'autre il fournit au public - et aux collègues incrédules 1 - la cramte•

preuve expérimentale de la vérité de la psychanalyse. La contre- et s'act


partie de l'opération, c'est que, sans le mythe totémique, l'expli- Vle•
pS}
cation psychanalytique du tabou ne va pas plus loin que celle de •
mcestu
la névrose et du rêve et butte sur le fait de l'interdiction et, derrière •
de l'in
l'interdiction, sur celui de l'institution ou de l'autorité. l'existe
Suivons donc la marche de la preuve, sans nous attarder au •
aUJOUr<
détail des arguments qui ne nous intéressent pas ici. Le noyau
initial, c'est la prohibition de l'inceste : les sauvages les plus
37. F1
sauvages - • ces misérables cannibales nus , - « s'imposent de ces r.
l'interdiction la plus rigoureuse des rapports sexuels incestueux. Il 1 deux cl
semble même que toute l'organisation sociale soit subordonnée à présente
cette intention ou soit en rapport avec sa réalisations&.» L'instrument donc d't
social de cette prohibition est la fameuse loi d'exogamie, exposée , leurs sul
d'une lé1
par Frazer dans Totem and Exogamy, selon laquelle u les membres Ja prohil
~'un seul et même totem ne doivent pas avoir entre eux de rela· commenc
fication e
tion sexuelle, par conséquent ne doivent pas se marier entre eux 86 ». d'origine
Le support de la prohibition est donc l'appartenance au totem; • différenco
c'est pourquoi, en dépit de notre effort pour mettre entre paren· seconde 1
!bèses I.e mythe totémique et ne considérer que le tabou, il faut pas être
Je fait de
11,1trodu1re to~t d~ suite le lien totémique qui supporte l'interdit; spontnnéc
c est la substitution de la parenté totémique à la parenté réelle par rnppc
38. G.
~paré me
35· ç : W. IX, p. 6; S. B. xm, p. a; tr. fr., p. Jo-u. pour titre
36. Ibid.
dea oévrc

.C'·:i :..~; - - - - -
--- - - --·--··· ·zJJa:. ,~•·A.V.fl!f!"j.l".:-..2~ilW$~ .• ~..~ ·
~··

••
'•
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIMB
1
qui porte tout l'é~ifice. On peut toutefois, à ce niveau de l'analyse,
considérer que r·.mportant n'est pas la croyance dans le totem, ni
même la croyance dans la nature mystique du lien de descendance
ou d'appartenance, mais le fait social lui-même de la substitution
du« mariage de groupe >> à la promiscuité sexuelle. L'exogamie est
le moyen par lequel cette substitution est obtenue; autrement
dit, la prohibition est la contrepartie du changement de niveau 1
de la sexualité 37 ; réduite à ce minimum, l'interprétation de la
prohibition de l'inceste dans Totem et Tabou recoupe l'interpré-
tation du complexe d'Œdipe des Trois Essais sur la Sexualité.
'
L'apport proprement ethnologique des deux premiers chapitres
de Totem et Tabou se borne là. La pointe du livre est tournée en ~
sens inverse; toute la suite est une explication par la psychanalyse
de la crainte de J'inceste, plutôt qu'une explication sociologique
1
de l'institution dont la prohibition est le négatif; Pénigme de J'insti-
tution est renvoyée au mythe scientifique ultérieur : « Tout ce
que nous pouvons ajouter à la conception régnante, c'est que la ~
~
crainte de l'inceste constitue un trait essentiellement infantile !•••
et s'accorde d'une façon étonnante avec ce que nous savons de la
vie psychique des névrosés 38• » C'est alors la découverte du thème
~
~
incestueux de la névrose qui fournit le fil conducteur; la phobie r
~
de l'inceste chez les sauvages apporte seulement la preuve de
~
l'existence, en quelque sorte à l'air libre, de ce complexe central ~
l
aujourd'hui perdu dans l'inconscient. La fonction proprement 1
{ ·.
1
37· Freud a bien w, apr~ L. H. Morgan, que ta • classification IJ est Je langage l

de ces nouvelles relations; parlant des classes matrimoniales dans un système •
t
~deux classe.~ et trois sous-classes, il note : • Mais alors que l'exogamie tot4!miquc L
présente toutes les apparences d'une institution sacrée, née on ne sait comment,

.••
1 /

donc d'une coutume, l'institution compliquée des classes matrimoniales, avec


leurs subdivisions et les conditions qui s'y rattachent, semble être le produit
d'une législation consciente et intentionnelle qui se aerait propos~ de renforcer
la prohibition de l'inceste, probablement parce que l'influence totémique a~t
commencé à fniblir. • G . W. ne, p. 14; S. E. xm, p. 9; tr. fr., p. 20. La classa·
fication est ainsi un renforcement et éventuel!ement un substitut de la prohibition ••
d'origine sacrée. Freud est ici proche du structuralisme contemporain, l la '
• différence près - qui est évidemment considérable - que la classification ~t •
seconde par rnpport au lien mystique du totem. Toutefois la différence ne doat

pas être exngérée : même dans ce recours au lien totémique, ce qui compte c'est •
le fait de culture, consistant dans la substitution d'un rapport social à la sexunl!té •
spontanée; ce changement de niveau biologico-social est le fait positif et prenuer
par rapport au fait n~gntif ct second de la prohibition de l'inceste.
'f 38. G. W. rx, p. 2 4 ; S. E. x rn, p. 17; tr. fr., p. JO. Lorsque t:reud publia
~parément les quntre parties de Totem et Tabou dans la revue Imago, alleur donna \
pour titre : • Quelques concordances entre la vic psychique dea aauvagce ot cello
dea névrosés, •

199

1

ANALYTIQUE

institutionnelle et structurante de l'interdi~tio~ est per~ue de de ce


vue. J'explique ce glissement de deu~ façon~ • d abord, à 1 époque affecti
où se constitue la première topique, c est-à-dtre avant la déc~u~erte sert de
du surmoi Freud ne dispose pas encore du conc~pt theonque cette c
d'identification mais seulement de l:idé.e encore ~asstve de la cc for- éclaire
mation par réaction » d'une orgamsatlon psychtque ~e caractère saint f
élevé 39; on verra le rôle décisif à cet é.g ard de l' Essa1 de I 92 I la place '
Psychologie Collective et l'Atzalyse du Mot; en outre, Freud est beau- où la l
coup plus préoccupé de justi?er le r~le p~thogène du comple~e vers le
d'Œdipe dans la névrose que den é~bhr .le role st~ucturant et mstt- Ap~
tuant; I'ethnologiejoue le rôle de vénficauon ,expénme.ntale; c~est ce •
le phé1
'
qu'on peut dire de mieux pour la défense de 1ethnologtc freudtenne: posé s
ce n'est qu'un échafaudage annexe de la théorie des névroses. A Trois .
cet égard, Totem et Tabou app~ient encore au cycl.e des interpré- déjà d
tations« analogiques» par qu01 nous avons caracténsé la « psycha- '
de rex
nalyse appliquée ' 0• » prétati
• •
Le fil conducteur de l'analogie est fourni par la parenté structu- pos1t1o
rale du tabou et de la névrose obsessionnelle : celle-ci fonctionne à englc
comme tabou individuel, celle-là comme névrose collective; l'ambi,
l
quatre caractères assurent le parallélisme:« 1° absence de motiva- plupai'l
tion des prohibitions; 2° leur fixation en vertu d'une nécessité ambiva
interne; 3o leur facilité de déplacement et la contagiosité des objets roi, à l'
prohibés; 4° existence d'actions et de commandements cérémoniaux patholc
découlant des prohibitions 41• » Mais le point le plus important propre!
psycho
39· Trois Essais.•• , G. W. v, p. 78-9; S. E. vn, p. 178; tr. fr., p. 81-2. Dans une
.
' monial
note de 1915, Freud distingue sublimation ct formation de r~action que le texte cérémo
de 1905 mettait toutes deux au compte des • cligues psychiques (dégoOt, pudeur,
moralit~} • (ibid.). du res
40· Il faut aaru doute attacher une certaine importance l la contestation avec
Jung, qui public en 1912 ses Wandlungen und Symbole der Libido ct en 1913 son 42.G
V~suc? einer Darstellung der psychoanalytischen Thl'orie : • Les quatre chapitres 43· St
qua suavent offr~t un contraste m~thodologiquc, d'une part, au grand ouvrage +4· N
de W. ~undt qua a voulu appliquer au même sujet les hypothèses et les méthodes • project
de travaal de la psychologac non analytique et d'autre part aux travaux de religieuse
l'école psychanalytique de Zurich qui tente.' au 'contraire de ~ésoudre les pro- une sour
blèm~ de psychologie individuelle en re<:ourant aux don~ées de la psychologie •
nasme dt
collec~vc. • G. W. IX, p. 3; S. E. xm, p. xm; tr. fr. Paris, Payot, p. vm . Dana dans des
Ma tne ~~ la Psyclwnalyse (1925), Freud sera plue soucieux de reconnaître sa destinée
dette à l ~~ard de Jung : • Plus tard, en 1912, les remarques convaincantes de transcen<
Jung relataves aux analogies étendues existant entre les productions mentales il l'existe

des névrosés et celle des primitifs, m'incitèrent à porter mon attention sur ce moyen é<
thème. • (Se/bs.tdarstellung, G .YI· XIV, p. 92; S. E. xx, p. 66; tr. fr., Gallimard,
1
aoulagé;
coll. •. Ica Essaas •, P·. 104). Mats cette dette conaisto précisément en une inter- par la d~
prétation • psychologaquc • de l'ethnologie. '•
1
(ura/tes)
l les plus p
41, G. W. IX, p. 38-9; S.E. XIII, p. 28-9; tr. fr., p. 46,

200


ii~•· ~~~!.,.aM· .. - -- - - --·-·_.,•·-= w ·n••..~tit 1 ~t\ ~
~ . . . .. 1
~· ~:;_
' ..
1
1
DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME

de ce rapprochemen~ est c~n~ti~é p~ l'anal,yse. de l'ambivalence


• ••
affective; on peut dtre qu tct c est 1 mterpretatton du tabou qui •

sert de fil constructeur; le tabou est à la fois l'attirant et le redouté·


cette constitution affective double, comme désir et comme crainte'
éclaire étonnament la psychologie de la tentation et rappell~
saint Paul, saint Augustin, Kierkegaard et Nietzsche; le tabou nous
place e~ un .point où le ~éfendu est attrayant parce que défendu,
où la l01 exc,t.te la co.ncuptscence : a Le tabou est un acte prohibé,
vers lequel 1 mconsctent est poussé par une tendance très forte t2. ,
A partir de là tout le poids de la preuve reste du côté de la névrose :
't
1
le phénomène de l'autorité, auquel est confronté le désir, est présup-
posé sans être explicité; des « digues » (pour parler comme les
Trois Essais) sont déjà imposées et opposées au désir, lequel est


déjà devenu désir de transgresser; c'est pourquoi, dans la suite
t de l'explication du tabou 43, Freud descend la pente de son inter-
prétation, plutôt qu'il ne remonte à ses conditions et à ses présup- ~

positions. L'interprétation s'étale, en quelque sorte, de manière {


à englober des traits de plus en plus éloignés du noyau central de
l'ambivalence du défendu et du désiré, et empruntés pour la
l
plupart à la collection du Golden Bough de Frazer (sentiments
l
••
~
!

f
ambivalents à l'égard de l'ennemi, à l'égard des seigneurs et du
roi, à l'égard des morts). C'est une psychologie et même une psycho- i
pathologie du tabou qui se ramifie, sans que jamais le moment
proprement institutionnel de l'interdiction soit élaboré"· La l
.

psychopathologie va souvent très loin : ainsi, dans le cas du céré-
monial royal, le rapprochement avec le cérémonial tabou et avec le
'
r
•~
cérémonial obsessionnel permet de découvrir, sous l'apparence i•
t

1
du respect, l'accomplissement figuré du défendu, c'est-à-dire 1

1

42· G. w. IX, p. 42; s. E. XIII, p. 3Z; tr. fr., p. so. 1
~
1 43· Second Essai. 1

' 44· Nous verrons, dans le chapitre suivant, comment le m~canisme de la 1


1
~r~jection • explique l'apparence de transcendance qui s'attache A la source
rehg1euse du dUendu et du redout~; Je mécanisme de l'introjection, par lequel 1
une source d'autorit~ est installée dans le moi est ainsi compliqué par le méca- 1
nisme de la projection, pnr lequel la toute·p~issance de la pensée est projetée 't
1
dan~ des puissances réelles : démons, esprits ct dieux; la projectio~ n'~st pas {
destmée à rendre compte de l'institution comme telle, mais de I'Jilus1on de
tr~sc~ndancc qui a'nttache à ln croyance aux esprits et aux die~, c:est·à-dire 1
l 1 ex1stence réelle de puissances supérieures l l'homme; la proJection est. le 1
1
tnoyen ~conomique par lequel un conflit intrapsychique est sinon résolu du moms 1
1 aoulagé; l'extériorité de l'autorité paraît bien irréductible; elle est présupp_?sée 1

1 par la d~finition meme du tabou : • Le tabou est une prohibition archalq~c .'
'
t

l
(ura/tes), impoa~e du dehors (par une autorité) ot dirigée contre Ica appéuta •
les plus puiaaanta de l'homme. • G. W. IX, p. 45; S. E. xm, p. 34--5; tr. fr., P· 54· i

t

201

,

- ·-·--- -

ANALYTIQUE

l'auton
l'hostilité et de ramener celle-ci au complexe paternel de l'enfance. éclairé
Le primitif est le témoin attardé ~e l'ambivalen~e de 1~ vie psychi.. Laps}
que· ce qui finalement transparatt dans la cramte, c est la force
des 'désirs et cr l'indestructibilité et l'incorrigibilité des processus l l'ambh
inconscients u. , C'est parce qu'il est un gran~ enfant que le d'une <
sauvage montre en clair, et.. comme dans un grosstsse~e~t ~an tas- de ces
tique, ce qui ne nous apparatt .plus que sous la figure tr~s d1~1mulée
et très atténuée de l'impératif moral, ou sous les tra1ts d1stordus C'est
de la névrose obsessionnelle. L'ambivalence affective apparaît l'humai
alors comme le cr sol », commun d'une part à la conscience-tabou toute l'
(et au remords tabou), d'autre part à l'impératif moral, tel qu'il de Tott
a été formalisé par Kant 46• prunts ·
Freud a-t-il pensé expliquer la conscience morale par l'ambi- lui-mêr.
valence ? Certains textes le laisseraient croire, qui transforment Frazer
subrepticement l'analogie en filiation 47• Mais l'ambivalence est il empr
seulement la manière dont nous vivons certaines relations humaines, de la fe
une fois posée J'interdiction qui découle du surgissement d'un lien de la p~
supérieur au désir: la figure du père dans le complexe d'Œdipe, le tions d

passage des relations biologiques à la « parenté de groupe » dans mamts
l'organisation totémique, renvoient au phénomène premier de Freud,
pas tue1
45· G. W. IX, p. 88; S. B. xm, p. 70; tr. fr., p. 101. dumên
46. A cette occasion, Freud rapproche Gewissen de Wisstn : • Qu'est-ce que du corn
• la conscience • (Gewissm) 1 D'après le témoignage même de la langue la père da
con~cience s'applique à ce que l'on sait (weiss) de la façon la plus certaine {am plexe d
gnDmestm) . IJ y a pas mal de langues oil il existe à peine une distinction entre
la c:onsci~nce morale et la conscience [au sens de laconnaissance] (Bewusstsein): Le cl
La .conscaence morale, c'est la perception interne de la répudiation de certains
d6u~ q~e nous éprou':ons, étant bien entendu que cette répudiation n'a pas
besom d mvoquer des ratsons quelconques, qu'elle est sQre (gewiss) d'elle-même •· 48. Frc
G. W. tx,_p. Ss; S.E. xm, p. 67-8; tr. fr., p. 97· névrose, 1
.47· • S~ nous ne nous trompons, la compréhension du tabou projette une cer- des jacte~;
~me lunuère sur.la nature et l'origine de la conscinue morale. On peut, sans fairo tique de le

~o.lence aux notaons, parler d'une conscience-tabou, d'un sentiment de culpa- pour aJOU
~thté-tabou, résultant de la transgression d'un tabou. La conscience-tabou cons- reposent :
titue probablement la f~rme la plus ancienne sous laquelle nous rencontrons lo et de (net
~h~nomène de la co!lsc1ence ~orale • (ibid.). Et plus loin : • En fait , on peut névrosé, t
~uq ucr cett~ affirmatton que, s'Il ne noua était pas possible de découvrir l'origino mun au té
1
e ~ c:onsc1ence de culpabilité par l'étude de la névrose obsessionnelle nous (ibid.), e:
devno.nsdreno ncer à tout espoir de jamais la découvrir. Cette tAche pe~t euo détourné
remp1te ans 1e C:SS d e l''tn d"lVI"du névrosé; en ce qui concerne les peuples, noua découlent
r~vons es~érer tn!érer un r~sultat analogue • (ibid. ). Toute l'histoire ultérieuro plaisir? c•
le a moralité paratt se réduare ll une histoire de l'ambivalence elle-même · • Si 49· G.
~ coMd~ment moral n'affecte plus la forme du tabou, la cause doit ~ être la n. 1 ), 1
totémique
c erc 0 un!qu~ent daru un changement survenu dana les conditiona qui
::~~~cat 1ambtvalence aoua-jacente. • G. W. 1:1, p. 88; S.E. sm, p. 71; tr. fr,,
corrélatiot
tanéc. •

aoa
. .
--•••--•..._.~ .&U&.'UM~! .'Y..l"';~~l ' '; .
,;. \'

••

1
DE L'ONlRI.QUE AU SUBLIM!

l'autorité o~ de l'insti~tion, dont, T~t~ et T_a~ou a jusqu'ici


éclairé I'inctdence affecttve plus que 1 ongme « exteneure , au désir.
La psychologie de .la tentati?n, à laquelle ressortit. le thème de
l'ambivalence affective, ne fatt que rendre plus senstble le défaut
d'une dialectique plus originelle du désir et de la loi. Le non-dit
de ces deux chapitres, c'est l'institution elle-même 48.

C'est pour combler cette lacune que Freud pose à l'origine de


l'humanité un complexe d'Œdipe réel, un parricide originel, dont
toute l'histoire ultérieure porterait la cicatrice. Le dernier chapitre
de Totem et Tabou élabore une théorie du totémisme, faite d'em-
:• prunts divers, dont le ciment est constitué par le complexe d'Œdipe
lui-même, mais projeté dans la préhistoire de l'humanité. A
Frazer- du moins dans Totemism and Exogamy- et à Wundt,
il emprUnte la conviction que la fonction sociale du tabou dépend
de la fonction religieuse du totem, que la loi d'exogamie procède
de la parenté totémique, -et cela en dépit des hésitations et varia- •1•
tions de Frazer lui-même et de la tendance, déjà exprimée par
maints ethnologues, à dissocier totémisme et exogamie 49 ; selon 1
Freud, c'est parce que le sauvage descend du totem qu'il ne doit
pas tuer le totem (ou ce qui le représente), ni épouser les femmes 1.
du même groupe; on reconnaît déjà les deux interdictions majeures l
du complexe d'Œdipe. Il ne reste plus qu'à retrouver la figure du
père dans le totem, pour tenir enfin l'origine historique du com-
l
1
1

plexe d'Œdipe. ~

Le chaînon décisif est fourni par la psychanalyse elle-même :


, 1

·\•
48. Freud lève un coin du voile, lorsqu'il accorde que • le tabou n'est PB;' une .
1


névrose, mais une formation (Bi/dung) sociale 1 (ibid.) , et que c la prédomman.c•
des facteurs pu/siormels sexr1els sur les facteurs sociaux constitue k trait caractbis- ..
tique de la névrose 1, G. W. IX, p. 91; S . E. xm, p. 73i tr. fr., p. 104. Mais c'est
pour ajouter aussitôt que c les formations sociales dont il a été question plus haut •'•
reposent sur des pulsions sociales, issues de la combinaison de facteurs ~goistcs •
t
et de facteurs érotiques • (ibid.) . La différence resurgit d'une autre mamère : le J
névrosé, en proie au principe de plaisir, fuit la ~alité qui le blesse; or • la com- •
~u~auté humaine, avec toutes les institutions créées coJiectivement par el~e 1 '

(rbrd.) , est un des traits fondamentaux du • monde réel • dont le névrosé s est 1

détourné et exclu. Comment cette création collective et les institutions qui en ;

déc.o~lcnt se rattachent-elles au principe de réalité plutôt qu'uu principe de 1
Plllls&r? c'est la question qui resto sans ~ponse dans T otem et Tabou. '!
49· G. W. IX, p. 132, 146, 176; S. E. xm, p. 108, 120. 146; tr. fr., p. 151 (et
la n. ~), 167, zot : • Contrairc:ment aux plus récentes conception•. du systè~o •

totém&q~e et en accord avec les plus anciennes, la psychunalyse établi~ ~ne étroite '•
corrélation entre lo totémiamo ot l'cxogo.mie et leur aaaigne uno ongUlo aimul· \

tanéc. •

(d l (..._____ _ •

1

' f
ANALYTIQUll

le cas du cr petit Hans» et celui d'un malade de Ferenczi conv~n- boud


uirent Freud que le père est le thème masqué, des zoophob1~ sur r
des enfants : 1 Le fait nouveau que nous a rév~lé 1 ~nal.yse du petit s'agtt•
entièr
Hans est très intéressant au point de vue de 1expl!cat10n du toté- •
misme : l'enfant a notamment déplacé sur un ammal .une partie anc1er
des sentiments qu'il éprouvait po~r le père~- ,,_Ce deplac~ment défen••
du thème du père sur une figure ammale, déchiffre dans la nevrose l'ancu
infantile va désormais fournir le fil conducteur dans le dédale c pret
des explications ethnologiques; Fre~d est en ~utre. encouragé dance

en ce sens par le parallélis~e déJà souhgné entre 1 ambtvalenc~ de très SI
sentiments du sauvage à 1égard du tabou _et celle des relat1?ns d'aboi
avec le père le déplacement sur la figure ammale étant la solutton avant
manquée d;. cett~ ambivalence. Il ne reste plus. qu'à tr~uver un Les
équivalent htstortque du déplacement ~antasmat1quc: reperé da~s Frazet
le cas du petit Hans; ce que ce cas presente en peutes lettres, Il l'histo
s'agit de le trouver écrit dans les grandes lettres de la préhistoire. tué et
C'est la découverte du complexe paternel des zoophobies qui a, patern
semble-t-il, poussé Freud à amalgamer au premier noyau de la •
pu réa
théorie du totem - au noyau Frazer-Wundt - deux traits mcapa
décisifs et fort aventureux. A Darwin et à Atkinson 61 , il emprunte civilis~

une théorie de la horde primitive qui fait jouer un rôle, d'ailleurs sent1m
incertain, à la jalousie du mâle, monopolisateur de femelle~, à leur pt
l'égard des jeunes mâles exclus du partage, sans que l'on voie de pau
clairement du moins, chez Darwin, comment la force se transforme le moc
en droit et la jalousie en loi d'exogamie 62 • Mais c'est surtout à •
ciation
Robertson Smith, auteur de la Religion des Sémites (1889}, qu'il leur ic
emprunte une théorie du repas totémique qui va permettre de sa fore
l'huma

so. G. W. rx, p. 157; S.E. xur, p. 129; tr. fr., p. I79· L'apport de Ferenczi ratIVe
es~ capital : c'est à lui qu'est emprunt~e la menace de castration qui jouera par la départ
~ut~e un grand rôle, • non en rapport direct avec le complexe d'Œdipe, mais religiot
mdtr~ement, e~ rapport avec l'élément narcissique de ce complexe, avec la
phobte de castrauon • (ibid.). C'est ce thème qui aera repris dans l'Essai Le dlclin Il CE
du comple:u d'Œdipe (1924). compl(
sr. Prima/ Law, de 1903. permis
• 52. La seule .atl~si~n ~ui oriente ven l'explication de Freud est celte-ci: • J..es ceux q1
Jeunes mAles, amst éhrrunés et errant d'endroit en endroit· veilleront lonqu'Hs de l'ht
auront e~fin r~ussi à trouver un partenaire, à emp{!cher tes' unions co~sanguines
trop étrot.tes entre les membres d'une seule et même famille. • c The youttger , réel, st

'!'4/es, .bemg titus expclled and wonden'ng about, would, when at fast successful et amb

'" fi~dmg a pa~tner, prevent too close interbrceding tuithin the limits of the sarn4 mterpr
famtly. • Darwm, The Descent of Man (1871), t. 11, p. 362, cit. G. W. JX, p. 153;
S. E.. xu_r, ~· 125; tr. fr., p. 174·5· On peut, à la rigueur, trouver dans cc texte
une mdacataon en faveur de c:o que noua appellerons plus loin le pacte dct 53· G
frères. S+ G
ït ·
li.~ 1


1 •

f DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME

boucher les trous de l'explication. Il faut admettre que le sacrifice


sur l'autel a toujours joué le même rôle dans les religions, qu'il
s'agit chaque fois d'un rite de commensalité entre la communauté !

1
• entière et la divinité, que les sacrifices des animaux sont les plus ••
anciens, que la mise à mort de la victime est permise au clan et 1

défendue à l'individu, enfin que l'animal sacrifié est identique à
l'ancien animal totémique; le repas totémique fournirait alors la
1 preuve » ethnologique, toujours fuyante, de la fameuse descen-
• dance totémique; mais il faut encore ajouter à ce schéma, déjà
très simplifié, " quelques traits vraisemblables 63 » : que le totem a
d'abord été tué cruellement, consommé cru, puis pleuré et regretté,
avant qu'éclatât la Fête.
Les matériaux sont maintenant rassemblés : si l'on amalgame
Frazer, Wundt, Darwin, Atkinson et Robertson Smith, on a
l'histoire suivante : « Un jour, les frères chassés se sont réunis, ont
tué et mangé le père, ce qui a mis fin à 1'existence de la horde
paternelle. Une fois réunis ils sont devenus entreprenants et ont
pu réaliser ce que chacun d'eux, pris individuellement, aurait été
mcapable de faire. Il est possible qu'un nouveau progrès de la
civilisation, l'invention d'une nouvelle arme, leur ait procuré le

sentiment de leur supériorité. Qu'ils aient mangé le cadavre de - 1
leur père,- il n'y a à cela rien d'étonnant, étant donné qu'ils sont
de pauvres sauvages cannibales. L'aïeul, violent, était certainement

le modèle envié et redouté de chacun des membres de cette asso-
ciation fraternelle. Or, par l'acte de l'absorption, ils réalisaient
leur identification avec lui, s'appropriaient chacun une partie de
sa force. Le repas totémique, qui est peut-être Ja première fête de 1

l'humanité, serait la reproduction et comme la fête commémo-
ra.tive de cet acte mémorable et criminel qui a servi de point de 1


depart à tant de choses: organisations sociales, restrictions morales, '
•••
religions M. » 1
1
Il est difficile de se défendre contre l'impression que c'est. le ,1
.1
comp.lexe d'Œdipe, déchiffré dans le rêve et la névro.se, q~ll a
permts .de trier parmi les matériaux ethnologiq~es ~hspombl~s 1.
.•
ceux qut permettaient de reconstruire un complexe d Œdrpe collectif 1

.
d~ l'humanité et de le conjecturer à la manière d'un événement 'l .

, reel, survenu à t•origine de l'histoire; identification avec le totem •
~t ambivalence à son égard sont en quelque sorte réifiées dans une
1



Interprétation littérale et non plus symbolique : si l'animal des !
1
1
l
•.
53. G. W. 1x, p. 169; S. E. xm, p. 140> tr. fr., p. 193.
S4- G. W. DC, p. 17J·Z; S. E. Xlii, p. 141-a; tr. fr., p. 195-6.

''
1

1
.•1
ANALYTIQUE 1

rêves de zoophobie vaut pour le p~re, .le mythe ethnologique permet c'est 1
de remettre le père à la place de 1~!?al : le déplacement symbo- positi
lique du rêve et de la névrose est ams1 doublé et compensé par un du rn
déplacement réel qui aurait eu lieu dans l'histoire : a Tout ce que Freuc
nous avons fait, c'est d'attribuer un sens littéral à cette désignation auto-~
dont les ethnologues ne savaient que faire et qu'ils ont pour cette l'hom
raison refoulée à l'arrière-plan. La psychanalyse nous engage au constt
contraire à relever ce point et à y rattacher un essai d'explication philos
du totémisme 55• » avec s
L'interprétation psychanalytique du complexe d'Œdipe s'est ses tr•
ainsi projetée dans une archéologie réaliste; elle se mire elle-même 1 Tabo~
dans une interprétation littérale du totémisme. Le sens du com- 1

déchif
plexe d'Œdipe, déchiffré dans le filigrane du rêve et de la névrose,
se fige dans une équivalence réelle : le totem, c'est le père; le père
i violen
l'amb:
1 •
parttc
a été tué et mangé; les fils n'ont jamais fini de s'en repentir; pour
se réconcilier avec le père et avec eux-mêmes, ils ont inventé la 1
jusqu'

morale : nous avons maintenant un événement réel et non plus un •1 mau~

fantasme; sur cette première pierre, il est possible d'édifier toutes de, tot
les autres situations conflictuelles seulement déchiffrées; malheu- retros
reusement, la vérité est que le premier parricide est seulement un

1 souffr.
événement construit avec des lambeaux ethnologiques, sous l'égide ! myth<
du fantasme déchiffré par l'analyse. Pris comme document scien- du cri
tifique, Totem et Tabou n'est qu'un vaste cercle vicieux, dans lequel sur u1
1
un fantasme d'analyste répond au fantasme de l'analysé. .• culpa1
.'
SOCtett
Je pense donc que rendre service à la psychanalyse, ce n'est pas
défendre son mythe scientifique comme science 66, mais bien ti men
l'interpréter comme mythe. A la fin de Totem et Tabou Freud Par
croit pouvoir dériver la tragédie grecque du réel repas totércique 67 ; avec 1

appel'
55· G. W. IX, .P· 159-60; S. E. xm, p. 131; tr. fr., p. 182. n'est 1

. 56. Freud a ~1en aper!u toutes les difficultés que comporte le recours à l'héré- cnme
dité psycho!ogtque, vanante embarrassante de l'hérédité des caractères ncquis la ble
(Toum e,t 1 abo11, .P· 213, :u6). Avec une obstination croissante, Freud en assumera célébr
tous les mco~vémen!-S dans Morse d le Monothiisme. Pour la critique des ethnolo-
gues, cf. Mahnowskl, .Sex and Repression in Savage Society ( 1927), surtout 111, 3; Du
Kro~ber, An eth~?log~e .Psychoanalysis, in Am. Anthropo/ogist XXII, 1920, p. 48· sa for

57, Totem a11d '/ aboo an rctrospect, Am. J. of Socio/ogy XLV, nov. 1939, 446-so; BOrtlr
AniTopol~gy, 1 948 (éd. revue), p. 616-7. Claude Uvi-Strauss Les StTucturu
É lbnentaares de la Parenti, 1949. ' père<
57· • Ma!s pourquoi le héros de la tragédie doit·il souffrir et que signifie sa 1
faute · • tragtque
uff · •? Noua' '1allons trancher la discu 881·0 n pa r une rapt'd e r\:po ... nse .
Il .d o.tt. so rlr parce qu 1 est 1e père primitif, le héroa de la grande tragédie Cette i:
prtmJUve dont nous avons parlé et qui trouve ic1· une _... é · · de lui·m~r
·
tendanc1ewc; quUlt
à 1 Ca • , n:p uuon sur un mo
a ute tragtque, c eet celle dont 1·1 d ' t ch pour ' min du
d ç.l.l JVrer
' 1e c h œur d e ta s1enne.
· • G . w. IX, p. t88·• S. E · Xlii , p01. 15ac6·, tr.arger,
( r., p.:u.,..
,. sB. <
206
. . . . =--~..a ---·11 _.__.......,.......----· ........
·-· l·····~~ . ..
··-~· .-:l.\.~·--2' ~·

1
!!


DE L'ONIRIQUB AU SUBLIME
1
'
c'est l'inverse qui est vrai : le mythe freudien est la transposition
positiviste, dans les termes de l'ethnographie du début du xxe siècle,
du mythe tragique lui-même. Par cette transposition positiviste,
Freud croit préfacer les fantasmes de ses malades et ceux de son
auto-analyse par une histoire vraie. Mais ce fantasme rationnel de
l'homme Freud, adopté ensuite par son école, est comparable à la
construction de Platon au Livre IV de la République, lorsque le
philosophe entreprend de lire les u petites lettres>' de l'âme humaine,
avec ses trois puissances, sur les u grandes lettres » de la Cité, avec
ses trois classes sociales. Il n'en va pas autrement dans Totem et
r Tabou: sur le père et le fils de la horde darwinienne, Freud

déchiffre la jalousie du père et la naissance de l'institution dans la
violence; sur le repas totémique selon Robertson Smith, il déchiffre
1
l'ambivalence de l'amour et de la haine, de la destruction et de la
1 participation, qui anime la symbolique du repas, en descendant
jusqu'à son expression cannibaliste Ia plus brutale; sur le deuil
inaugural de la fête, il déchiffre la perte de l'objet, porte étroite
.• .1
de toute métamorphose de l'amour; sur le remords et l'obéissance
•• rétrospective, il déchiffre le passage à l'institution, dans la double

1 souffrance du crime et du renoncement; bref, par ce nouveau
1

mythe tragique, il interprète l'histoire entière comme héritière
du crime : u La société repose désormais sur une faute commune,
sur un crime commis en commun; la religion, sur le sentiment de

.'• culpabilité, sur le repentir; la morale, sur les nécessités de cette
société, d'une part, sur le besoin d'expiation engendré par le sen-
timent de culpabilité, d'autre part 68. »
Par ce nouveau mythe, d'apparence scientifique, Freud rompt
avec toute vision de l'histoire qui en éliminerait ce que Hegel
appelait le « travail du négatif »; l'histoire éthique de l'humanité
n'est pas la rationalisation de l'utilité, mais la rationalisation d'un
crime ambivalent, d'un crime libérateur qui reste en même temps

la blessure originelle; c'est ce que signifie le repas totémique,
célébration ambigui! du Deuil et de la Fête.
Du même coup, le problème de l'institution resurgit dans toute
sa force; en termes mythiques : comment d'un « parricide » a pu
sortir l'interdiction du « fratricide »? En démasquant la figure du
père dans le prétendu totem, Freud a seulement rendu plus aigu
i
Cette interp~tntion du h~ros tragique comme ~dempteur du chœur, identifi6
1 lui-m~me à la bande des frères, permet de placer la trag~die 1recquc 1 mi-che-
min du repas to~miquc ot de la Passion du Christ.
sB. G. W. IX, p. J76i S.E. Xlii, p. 146i tr. fr., p. 101.


'
1•
'
1 '
ANALYTIQUE

le problème qu'il voulait résoudre, 1:adop~on par 1~ moi de l'inter-


diction extérieure; certes, sans la « ;alo~~te » ~u ~ere de la horde,
il n'y a pas d'interdiction;.sans 1~ a parnctde »! tl n y a pas .non P.lus
d'interruption de la jalouste; mats les .deux chiffre~ de la« Jalousre., '
et du a parricide » ~ont e!'lcore ?es c?Iffres de .1~ vwlence : le parr!-
c!de interromp~ la Jalous!e.;.mats q,~ ~t-ee. qUI mterr?mpt !e. parn-
c1de comme cnme à répeutzon ? C eta1t déJà le probleme d Eschyle •
No
dans l'Orestie. Freud le reconnaît volontiers: le remords et l'obéis- les de
sance rétrospective permettent de Pa;.ler d'l!n .« pacte avec le ~;>ère », portat
mais celui-ci explique tout au plus ~ mter~tctlon de tuer, mats non logiqt
la prohibition de l'inceste; celle-ct reqUJert un autre pacte, un •
1
• Le st:
pacte entre les frères; par ce pacte on décid.e de ~e pas rép~ter ~a même
jalousie du père on renonce à la possessiOn vwlente qlll étatt
pourtant le motif du meurtre : « Aussi les frères, s'ils voulaient '
l la pre
parab:
vivre ensemble, n'avaient-ils qu'un seul parti à prendre : après les, 01
avoir, peut-être, surmonté de graves discordes, instituer la prohi- à cett•
bition de l'inceste par laquelle ils renonçaient tous à la possession « loca:
des femmes désirées, alors que c'était principalement pour s'assurer •
• perso1
cette possession qu'ils avaient tué le père 69• » Et un peu plus loin : d'ord1
a En se garantissant ainsi réciproquement la vie, les frères s'enga- che d•
gent à ne jamais se traiter les uns les autres comme ils ont tous et des
traité le père. Ils excluent les uns pour les autres la possibilité du ••
écono
sort qui avait frappé le père. A la prohibition de tuer le totem, qui •
mzqU<
est de nature religieuse, il s'ajoute désormais la prohibition, d'un • •
Jamal~
caractère social, du fratricide 60• »Avec ce renoncement à la violence, ment;
sous l'aiguillon de la discorde, on se donne tout ce qui est nécessaire ments
à la naissance de l'institution : le vrai problème du droit, c'est le •
ctence
fratricide et non le parricide; sous le symbole du pacte des fils, , sous d
Freud a rencontré le véritable requisit de l'explication analytique, 1 la SeC(
ce qui fut le problème .de Hobbes, de Spinoza, de Rousseau, de pomt•
Heg~l : ~ savmr la m';ltatwn,de la guerre en droit; la question est ~e •
1
de vu(
savotr sa cette ~utat.IOn releve enco~e d'une économique du déstr. le titr•
Toute la problemattque du surmor, que nous allons maintenant a pou:
considérer, se noue en ce point : non plus comment est né le com- 1 Ces re:
plexe d'Œdipe, mais comment il périt dans l'édification du sur- ' esclav•
• 1
m01. dépen'
1
que se
1•
'
6t. s
59· G. w.IX, p. J74; s.E. XIII, p. 144; tr. fr., p. tC)8. distrihtJ
6o. G. W. rx, p. 176; S.E. xm, p. t-46; tr. fr., p . aor. Conjbe,
1 '
1
DE L'ONIRIQUE AU SUBLJME


'

3· LE PROBLÈME MÉTAPSYCHOLOGIQUE :
• LA NOTION DE SURMOI

Nous avons proposé, au début de ce chapitre, de distinguer


les deux concepts freudiens d'idéal du moi et du surmoi en les rap-
portant, le premier au plan descr!ptif, phénom~nal, symptoll!ato-

logique, le second au plan théorétique, systématique, écononuque.

• Le surmoi, en· effet, est une construction métapsychologique de
même rang que celles que nous avons considérées dans le cadre de
la première topique. Mais, si la séquence moi, ça, surmoi, est com-
parable du point de vue épistémologique à Ia séquence Cs, Pcs,
les, on peut légitimement se demander comment elle se superpose
à cette dernière. Dire que dans la première topique il s'agissait de
u localités psychiques » et dans la seconde de « rôles », de fonctions
personnologiques, n'est guère éclairant, car la distinction reste •
d'ordre métaphorique 61• Toutefois la métaphore oriente la recher-
che dans la bonne direction. En effet la différence entre des a rôles »
1

et des <( localités >>désigne une différence de traitement des problèmes
économiques. Certes, de part et d'autre, le problème reste écono-
mique; dans la seconde topique, comme dans la première, il n'est
jamais question d'autre chose que de changements d'investisse-
ment; mais alors que la première topique traite de ces change- -
ments d'investissement du point de vue de l'exclusion de la cons-
cience ou de l'accès à la conscience (que cet accès se produise
• sous des formes déguisées ou substituées, reconnues ou méconnues),
1 la seconde topique traite de ces changements d'investissement du
point de vue de la force ou de la faiblesse du moi, donc du point
'
1
de vue du régime de domination ou de soumission du moi. Selon
' le titre de l'un des chapitres de le Moi et le Ça, la seconde topique
a pour thème a les relations de dépendance du moi » (chap. v).
1 Ces relations de dépendance sont d'abord des relations de maître-
• esclave : dépendance du moi au ça, dépendance du moi au monde,
l dépendance du moi au surmoi. C'est à travers ces relations aliénées
que se dessine une personnologie : le rôle du moi, le pronom per-
1

61. Sur 111 métaphore des trois territoires occupés par trois populations dont la
distribution tllDtôt leur correspond, tantôt ne leur correspond pas, cf. Not1WIÛ1
Conjbcnce1, G. W. xv, p. 79; S. E. xxn, p. 7a-3; tr. fr., p. 1oa-3 • '

ANALYTIQUE

aonnel se constitue en relation avec l'anonyme, le sublime et le
réel, c~est-à-dire des variations sur le pronom personnel.
Quelle est la tâche de cette éco.no,rruq~e ~ .
Faire apparaître comme une « di~erer:c~atlOn »du .fond pulsion-
nel ce qui, jusqu'à présent, est reste e~ten~ur au d~tr. ~utr~ment
dit, faire correspondre au process.us histon~ue d~ .1 mtr?JCCtlo~ de

l'autorité un processus économtque de repartitiOn d mvesttsse-
ments. Une nouvelle connexion s'établit ainsi entre herméneutique
et économique : le complexe d'Œdipe a été déchiffré .dans 1~ mythe •
et dans l'histoire dans le rêve et dans la névrose : 11 s'agit main-
tenant d'énoncer' en termes topiques et économiques la distribution
énergétique correspondante. Les deux topiques expriment alors
deux types de différenciation du fond ~ulsionn~l. Parallèlement à la
différenciation du moi, que Freud attnbue à l'mfluence du monde f
extérieur et qu'il assigne au système Pcpt-Cs, il faut considérer
une autre différenciation, « intérieure » et non plus « superficielle •, f
sublime et non plus perceptive : c'est cette différenciation, cette ]
modification des pulsions, que Freud appelle «surmoi ». A ce titre, c
cette nouvelle économique est bien plus que la transcription dans J
un langage conventionnel du matériel clinique, psychologique et J
ethnographique rassemblé. Elle a la charge de résoudre un pro- (
• blème resté insoluble, non seulement au plan descriptif, mais I
même au plan historique; le fait de l'autorité est constamment 1
apparu comme la présupposition de l'Œdipe individuel ou collectif; 1.
il faut se donner l'autorité, l'interdiction, pour passer de la pré- c
• histoire, individuelle ou collective, à l'histoire de l'adulte et du
••
civilisé. Tout l'effort de la nouvelle théorie des instances est d'ins- lJ
crire l'a~to.rité dans l'hist?i.re d~ désir, de la faire apparaître comme d
u!le ~ da!ference • du. desir; c est à cette exigence que répondra li
l'mstttutton ~u sunno1. Le rapport entre génétique et économique 81
est donc réc1proque : d'un coté la nouvelle théorie des instances n
marque le choc. en retour du point de vue génétique et de la décou-
verte .de l'Œd1pe sur la ~remière systématique; de l'autre, elle
fourmt à .la genèse elle-meme un~ structure conceptuelle qui lui
~ermet, smon de résoudre, du moms de poser en termes systéma-
tl~u~s s~n problème ~e~ural : la promotion du Sublime au cœur du
1
Denr. SI le drame œd!pten est le piv?t. de cette institution, il s'agit 1•
de mettre en rapport 1événement œd1p1en et l'avènement du surmoi 1' ; Jy
et d'énoncer en termes économiques ce rapport. {• fic

ln

La solution de ce problème- ai l'on peut dire que la psychanalyse ,,·1



,, . 1
lU

l'a résolu- est énoncée en termes très concis dana le célèbre Essai ••.
'
210 /
~
1
1
J
l
OB L'ONIRIQUE AU SUBLIME

... de 1923, le 1\fQÏ et le Ça. ~n en .compre~dra mieux le caractère


laborieux, vmre problématique, st on tratte ce texte comme la
synthèse d'une série d'esquisses métapsychologiques encore
- contemporaines de la première topique. Nous poserons trois ou
t quatre jalons sur le trajet de cette synthèse.
.
... Une note ajoutée en 1920 au troisième des Trois Essais sur la
-.,.. Sexualité indique dans quelle direction la solution a été cherchée :
a Tout être se voit imposer la tâche de vaincre en lui le «complexe
e • d'Œdipe »; s'il faillit à cette tâche, il sera un névropathe 82• »Une
-l flèche est lancée en direction du thème du déclin de l'Œdipe en
tant que clé de l'instauration du surmoi. Ainsi, le problème écono-
s mique du surmoi déplace l'intérêt de la formation du complexe
a d'Œdipe à celle de son déclin (pour anticiper le titre d'un article
e de 1924).
r Un premier jalon est posé dans Pour Introduire le Narcissisme 88 ;
., cet Essai laisse entendre que le concept ultérieur d'identification
e ne concentre pas en lui toute l'économique du surmoi; il propose
.•, en effet un schéma de différenciation qui n'a été, me semble-t-il,
s ni absorbé, ni aboli par la théorie ultérieure. Selon ce schéma, la
:t formation d'idéal, ou idéalisation, est une différenciation du nar-
- cissime. Mais comment? Le refoulement, note Freud, provient du
moi, comme pôle des représentations culturelles et éthiques de
l'individu. Mais, si l'on considère que ce moi est en même temps

•• l'amour-propre ( Selbstaclztung) du moi, il n'est pas impossible
·-'
'
de soumettre la condition du refoulement à la théorie de la libido :
a Nous pouvons dire que l'individu a établi en lui un idéal auquel
u
;- il mesure son moi actuel... La formation d'un idéal serait, du côté
.e du moi, la condition du refoulement 64• »Mais qu'est-ce que l'idéa-
·a lisation? u C'est à ce moi idéal que s'adresse maintenant l'amour de
.e soi dont jouissait dans l'enfance le moi effectif. Il apparaît que le
!S narcissisme est déplacé sur ce nouveau moi idéal qui se trouve,
l- comme le moi infantile, en possession de toutes les perfections a. •
.e Incapable de renoncer à l'ancienne satisfaction, à la cr perfection
11
• narcissique de son enfance », « il cherche à la regagner sous la
1-
'u• 62. G. W. v, p . 127 (note ::a); S.E. vn, p. 226 (note r, de 1920); tr. & .• p. ::a::ao.
lt

' 63. On se rappelle comment Freud • introduit • le narcissisme en psychana-
lyse, cf. ci-dessus p. 130 et n. JI. Noua montrerons, dans la Di'al~ctique la signi·
)1
1 ~cation philosophique du narcissisme, compris comme Cogito avortl. Ii est donc
unportant de saisir de quelle ma.niùe Freud tente de dmver lo aublimo, le moi
Il aupérieur, de ce Cogito avorté.
ae• •
Il 6•• G. w. z, p. 161; s. E. XIV, p. 93•4; tr. & .• p. 24- 1
lU
'l' 6s. Ibid.

211

•t
1

l'
J
1
••

.


ANALYTIQUE '

nouvelle forme de l'idéal du moi : ce qu'il projette devant lui comme ••


son idéal est le substitut du narcissisme perdu de son enfance· en
ce temps-là il était à. !ui-même so~ propre idéa~ 68• » Ai~si .l'idéali-
sation est une mamere de retemr la perfectton narctsstque de •

l'enfance, en la déplaçant sur une nouvelle figure.


Que peut-on construire sur cette base si étroite? Freud lui-même
n'est guère explicite; il se contente d'ajouter deux traits; l'idéali- 1
sation n'est pas la sublimation, laquelle change le but de la pulsion, 1

donc la pulsion elle-même dans son orientation, alors que l'idéali-


sation n'en change que l'objet, sans que la pulsion soit affectée 1

dans son orientation foncière; c'est pourquoi l'idéalisation « aug-


mente... les exigences du moi », donc le niveau de refoulement, !

alors que la sublimation est un autre destin que le refoulement, t
1
une vraie conversion intime de la pulsion; cette première addition •

permet d'affirmer que l'idéalisation est seulement une des voies



de la formation du surmoi, la voie narcissique 67• 1

• Une seconde notation indique que cette méthode doit être


coordonnée à une autre; Freud écrit un peu plus loin : « Il ne
•.. serait pas étonnant que nous trouvions une instance psychique
..

particulière qui accomplisse la tâche de veiller à ce que la satisfac- •'
1
tion narcissique soit assurée de la part de l'idéal du moi, et qui dans
cette intention observe sans cesse le moi actuel et le mesure à •

l'idéal 68• » Cette instance qui observe, Freud l'a déjà discernée
.. non ~eulement dans le délire de surveillance, mais jusque dans le '
travatl du rêve, du moins dans ceux où le rêveur s'observe rêvant,
••

• dorman~ et s'éveillant; à cette occasion, Freud suggère que l'auto- •
t

• perception du sommeil et de l'éveil la censure du rêve l'idéal
du moi, la conscience morale, doiv~nt constituer une ;eule et


.1 mêr:ne instanceA; mais les manife~t.ations de cette unique instance •
déstgnent plutot une source exteneure au narcissisme 69, la source
1
. l ~

66. G. W. X, p. t6t;-_S. E. Xtv, p. 93-4: tr. fr. p. 24·


67. Cctt~ découv~rte, Il est vrai, est à elle seule immense : elle signifie que
notre • .mctllcur mo1 • est, d'une certaine fal'nn dana 18 •: d f Cogito ••
du Cogtto avorté. 7"' • ugne u aux • •.

68. G. W. x~ p. 1~2.; S .. E. XIV, p. 4Si tr. fr., p. 2.6,
6?. • Ce qut a;ta•t anctté le s~jet. à . former J'idéal du moi dont la garde est 1
rermse à la consctcnce morale, c étatt JUStement l'' ft ·· d ta
• 1 • •d m uence crtuque es paren •
.
a exerçant par eur votx, ana le coura des temps t , d' · d J-
~d 1 t:
~~: ucatcurs, cs pro,esscura et 1a troupe mnombrabl
' )' (1
autres personnes d u mt •cu e ptochum l'oninion
.
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1a consctcnce mora e tatt au aon 1 tncamation tout d' bo d d
t: pu tque ... tnstttuuon
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parents, puts · second atrcment
· d e 1a entaque
· · de la aoc' ..t.t..t.Il 1r .ae 1a cnuque Cl 1
.1. è 1o • d t: tc or;: i e mor;:me processua ac
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.

DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME

ne •
i parentale. Il y a tout lieu de penser que si une part de l'énergie
~n
narcissique se « déplace D vers un moi plus idéal que réel, c'est
li- qu'elle est « attirée » par le noyau dérivé du complexe parental.
fe En un autre langage, il faut que le narcissisme soit médiatisé par
l'autorité, pour qu'il puisse être à la fois déplacé et retenu sous
1e forme d'idéal. L'idéalisation renvoie donc à l'identification.

.1• Toutefois, c'est peut-être le fond narcissique de l'idéalisation
n, 1
qui donne un sol à l'identification et explique que les emprunts à

.1- ' l'autre deviennent moi-même; peut-être faut-il que les lambeaux
~ 1
~e d'autrui qui forment l'idéal du moi s'agrègent à un moi idéal,
l'-
:1 enraciné dans le narcissisme, pour que l'identification réussisse.
.t, 1 Cette notation donnerait quelque crédit à la distinction entre moi
.t, 1 idéal et id!al du moi qui n'a, chez Freud lui-même, qu'un maigre
1
•n •
support 70• Si Freud ne l'a pas développée, c'est pour aller jusqu'au
~ bout de son radicalisme : le surmoi est greffé de l'extérieur vers
j
l'intérieur.
:e Le processus d'identification, auquel l'idéalisation renvoie, a
\e lui aussi une longue histoire : dans la section ajoutée en 1915
te au second des Trois Essais ... et consacrée aux organisations succes-
._
~
sives de la sexualité 71, Freud montre le lieu de l'identification avec
lS l'organisation prégénitale dite orale ou cannibale : mais toute la

à • question sera précisément de savoir si l'identification requise par
:e 1
la théorie du sunnoi est dans la ligne de la possession, de l'avoir, ou
le si le désir d'être comme... n'est pas radicalement différent du désir
t, d'avoir, dont la dévoration est l'expression la plus brutale. C'est
,_
t

dans l'Essai sur le Deuil et la lliJélancolie que Freud a commencé
ù
:t
obstacle qui étaient tout d'abord extérieurs. • G. W. x, p. 163; S. E. XIV, p. 96;
:e tr. fr., p. 26-7.
:e . 70, L'expression •ldealich- moi id~ al•- est rare. Nous 1'avons rencontr~e dans
1


1 Pour i"troduirc le Narcissisme (G. W . X, p. 161); elle rénppnrait dnns k :M oi et
le Ça, orthographiée Idéal-Jch ,·~mn connaissance, on ne la rencontre pas ailleurs.
Par contre l'expression Jchideal- • idéal du moi • - se trouve près de cent fois
1e
•• (à cet égard, les traductions françaises font illusion, en rendant très souvent
>, • lclzidcal par moi idéal). En dépit de sa rareté, l'expression ldt•a/ich doit être
•• tenue pour intentionnelle : le contexte indique que c'est en opposition au • moi
effectif • ou réel que Freud parle de moi idéal. Le • moi idéal • c'est le moi narcis-
sique déplacé. L'expression est rigoureusement synonyme de celle de • idénl
• du moi narcissique •; il faut donc conserver strictement son contexte narci ~s iquc
. l cette expression. Cela n'empêche point de consolider la différence, en prenant

1
1 appui sur les notations de Freud concernant le caractère d't.'s time qui s'attache
1
originairement au narcissisme, et que Freud appelle Sabstachtung et qui est
précisément le propre idéal du narcissisme : • en cc temps-là il était à lui-memo
1 aon propre idéal•. G. W. X, p. 161; S. E. XIV, p. 97, tr. fr., p. :z4.
1 71. G. W. v, p. 98; S.E. vu, p. 198; tr. fr., p. uo.

1 213


·- · •u-. . q~ttnv
.
'
•'

ANALYTIQUE

de reconnaître l'ampleur de ce processus;, pour la première fois,


l'identification est conçue comme une réaction à la perte de l'objet· c
cette fonction apparaît dans le contraste entre la mélancolie et 1~ r.
t
deuil· dans le travail du deuil, la libido obéit à la réalité qui lui
com~ande de renoncer à tous ses liens ~n ~ un, de se rendre libre 1·
t
par désinvestissement; dans la mélancohe, tl en va tout autrement.
Une identification du moi avec l'objet perdu permet à la libido ; d
de poursuivre ~n i~vestiss<:ment ~ns l'intériorité; le moi devient

1 c
d
ainsi par idenoficatton l'obJet ambtvalent de son amour et de sa t•
haine; la perte de l'objet est transform~e en une pert~ dans l'Ego, s
et le conflit entre l'Ego et la personne atmée se poursmt à travers le ,
nouveau clivage entre la faculté critique de l'Ego et l'Ego lui-même 1
1
altéré par l'identification 72• ; t•
Ce texte sur l'identification jette un pont entre le narcissisme d
1
et l'introjection des modèles idéaux dont nous aurons besoin par 11
g
la suite; en effet, en termes économiques, l'identification - du d
moins dans la mélancolie - est une régression de la libido objectale I
au fond narcissique; suivant une suggestion d'Otto Rank, Freud 1(
forge à cette occasion l'expression d'identification narcissique : h
• La mélancolie emprunte... une partie de ses caractères au deuil, •
a:
l'autre au processus de régression qui ramène du choix objectal
r c
au narcissisme 78• n Il est vrai que cette a identification narcissique» 1
j
est une identification pathologique; sa parenté avec la dévoration, 1
l
d
qui représente elle-même un stade encore narcissique de la libido, 1 (
atteste qu'elle appartient aux organisations archaïques de la libido; •
1 F
néanmoins, à .travers cette figure pathologique, un processus j

1 p
général se dessme : la prolongation de l'objet perdu dans le moi.
~us~i, à l'époque de la ~remière topique, le problème est extra-
ordmatrement complexe; d une part, Freud parle de la sublimation
d
l
1
d
comme d'un destin de pulsion distinct de tout autre et principale- q·
ment du ~efou~em~nt; d'autre part, il a commencé d'élaborer le .'
•'
1
concept d 1déahsauon à partir du narcissisme; enfin il a esquissé le 1 t~
1
• J le
J
7~· .• L'~vestiasement objectal s'est av~r~ peu résistant et a été levé· cependant
la bbtdo n a pas ~té d~plaœe sur un autre obiet · -~. é 'é d le •
moi N'y ayant paa trou é d' r . ~ , masa a ct ramen e nns !1
· •
d u mot l' b' b vd app tcatton, elle a servi ll ~tnblir une itlentlifiteation tr
avec o Jet a an onn~ Ai · l' b d · · •
et celui-ci a pu être mis en · · nat om re ~ l'obJet s'est étendue sur le ~01 •
••
obiet de l'obiet perdu De ceJUttgemen!1.pnr une tnatnnce spéciale à la façon dun é(
~ •
pene du moi~ et le conAit
· entree1mantcre. • la •·nene d e l'o b'Jet a•est trans,orm
t é e en Ct
une sciaaion entre l'activit~ c 't' e ~~ et 10• personne aimée a' est transformé en ·l Pt
fication .. G W x p 435 . s "Eque u mot et le moi ainsi modifié par l'idcnti· t .. à:
til
• • • ' ·• ' · · XIV, p. 249; tr. fr., p. aoz.
73· G. W. X. p. 437, S. E. xav, p. aso·' tr• fr.• p. aos• 1
• G
J


• •


• -

/

DB L'ONJRIQUB AU SUBLIMB

concept d'identification à partir du stade oral de la libido et com-


mencé de relier narcissisme et identification sur le modèle de l'iden-
tification narcissique de la mélancolie; mais on ne voit pas encore
le rapport entre ces trois thèmes : sublimation, idéalisation, iden-
tification; on ne voit pas non plus leur rapport commun au complexe
d'Œdipe; en particulier, on ne voit pas le passage entre l'identifi-
1•
1
cation de l'objet perdu dans la mélancolie et l'identification au père
dans le complexe d'Œdipe : comment le caractère régressif de
l'identification narcissique peut-il s'accorder avec la fonction
structurante de l'identification qui aboutit au surmoi?
,
1
1 Un pont est jeté, entre ces textes contemporains de la première
1
1
topique et la synthèse créée par le Moi et le Ça, dans le chapitre VII
l de Psychologie collective et Analyse du Moi (1921). Dans ce dernier
1
1
1
grand texte avant le Moi et le Ça, Freud s'interroge sur la nature
des u liens libidinaux qui caractérisent une collectivité (Mass) 7' ». •
De même que Totem et Tabou reprenait en termes psychanalytiques
le problème, posé par Wundt et Frazer, de l'origine totémique de
la prohibition de l'inceste, cet Essai important et relativement

ample reprend le problème de la cr psychologie des foules • selon
1 Gustave Lebon et de l'imitation et de la contagion affective selon
Theodor Lipps. C'est pour porter sa propre analyse au niveau
1
•• des concepts d'imitation, de contagion affective, « d'empathie •
( Einfühlung), alors en vogue dans la psychologie sociale, que
1
• Freud remet sur le métier son concept d'identification et lui donne
:1
pour la première fois une portée beaucoup plus considérable
que dans les essais antérieurs; mais, du même coup, l'identification
devient le nom d'un problème, plutôt que le titre d'une solution,
dans la mesure où ce concept tend à recouvrir le même champ
que celui de l'imitation ou de l' cr empathie » ( Einfühlung) 76 :
.'
1
'1 « La psychanalyse voit dans l'identification la première manifes-
1 tation d'attachement affectif à une autre personne»; ainsi commence
. l le chapitre vu, placé sous le titre de l'identification.
1
•1
74- Mauenpsychologie und /ch-Analyst. G. W. xnr, p. 110; S. E. XVIII, p. 101;
1 tr. fr., in Essais de Psychanalyse, Payot, 1951, p. 112.
1

• 15· • Nous pouvons en outre soupçonner que nous sommes bien loin d'avoir •
• ~puisé le problème de l'identification et que nous sommes en prben"e du pro-
cessus, appelé par la psychologie • empathie • ( Eirifühlung), qui tient le rôle
principal dans la compréhension que nous avons de ce qui chez autrui est étranger
l notre moi. Mois noua nous limiterons ici aux effets affectifs inunédiats de l'iden·
tification et hüsscrons de côt~ sa signification pour notre via intellectuelle. • ••
'
G. W. xm, p. 118-9; S. E. xvm, p. xoS; tr. fr., p. aao-1 •
• •

1
AKALYTIQUB .
• 1
.
- Entrons dans ce texte important. Pour la première fois, l'identi- e
fication est rapprochée du complexe d'Œdipe; mais, à notre grand 1
étonnement nous apprenons que ridentification précède le complexe
d'Œdipe a~tant qu'elle lui succède. A~ premières ph~es de sa •
1
formation le père représen~e ce q~e 1enfant a vou~ratt .devenir 1
1
et être »; vient alors - u stmultanement avec cette tdenttfication )
avec le père ou un peu plus tard » - le mouvement de la libido f
• vers la mère : cr Il manifeste alors deux sortes d'attachements ]
psychologiquement différents : pour sa mère, un i~vesti~em~nt 1

• objectal franchement sexuel, pour son père, une IdentificatiOn (.
comme à un modèle ( vorbildliche). Ces deux attachements demeu- •


rent pendant quelque temps côte à côte, sans influer l'un sur l'autre, '
(
.
sans se troubler réciproquement. Mais à mesure que la vie psychique (
progresse irrésistiblement vers l'unification, ils finissent par se s•
rencontrer, et c'est de cette confluence que naît le complexe c
• d'Œdipe normal 7•. , Il semble donc que ce soit le désir tourné 1
vers la mère qui force l'identification à se colorer de jalousie; c'est I1
alors que l'identification se mue en désir de remplacer le père, en 8
• désir de mort; à ce stade l'identification est le résultat du complexe d
d'Œdipe et non plus son origine. Mais, si on remonte de cette p
identification-résultat, à l'identification-condition, elle se pose é
comme une grande énigme. Freud lui-même l'énonce avec beau- d
coup de force : u Il est facile d'exprimer dans une formule la d
différence entre l'identification avec le père et le lien au père '
par_choix objectal : dans le premier cas, le père est ce qu'on vou- q
dra1t être; dans le second, ce qu'on voudrait avoir. La différence • n•
'
est donc 9ue dans un~ le lien attache au sujet du moi, dans l'autre ••
1
al
à son obJ.et. ~ prem1~r type de lien peut par conséquent précéder • l'

tout cholX ObJectal d ?r~re sexuel. Il est beaucoup plus difficile .) r<
d~ donner de cette dtfference une représentation métapsycholo- '' u
~que .transparente. Tout c~ qu'on constate, c'est que l'identifica- • Je
bon v1se à façonn:r le mot propre à l'image de l'autre pris pour de
77 sa
modèle ». Jama1s. Freud n'exprimera avec plus de vigueur le
caractère problémataque ~t non d?gmatique de l'identification. .
pt
Com.ment, en .effet, reher cette Identification à une économique pl
du dés1r? I:es daffi~ult~ sont plus n?~breuses que les problèmes 1
résolus. Qu en est-~ d abord de l'ongme orale de l'identification?
1
1
ca
Il, semble que ce so1t s7ulen;ent le désir d' u avoir >> et non le désir et
d u être-comme », qw dénve de la phase orale de l'organisation 1
• d<

i•

76. G. W. xm, p. 115; S. E. xvm, p. 105; tr. fr., p. 117. "•
77· G. W. xm, p. n6; S. E. xvm, p. 1o6; tr. fr., p. uS. ••

ZI6 ~
1

• ..

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U ....... ,.mt ''\Cl&•· ·!:tJ§tr•-'...,, _ _ _ _ _

1
. DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME

de la libido («de la phase pendant laquelle on s'incorporait l'objet


désiré et appréciée en le mangeant, et, par là, en l'annihilant en tant
•• <{Ue tel n). Qu'en est-il en outre de la racine narcissique de l'iden-
tification? L'identification névrotique, dont il est question dans
la suite du chapitre, paraît greffée sur le penchant névrotique pour
le père, plutôt que sur le désir de se rendre semblable à lui; la

filiation est manifeste dans le cas Dora, imitant la toux du père :
Freud résume en ces termes cette analyse:« Nous pouvons décrire
la situation, en disant que l'identification a pris la place du choix
objectal, que le choix objectal s'est transformé, par régression, en une
• identification 18 •; il s'agit donc ici, non de l'identification primor-
diale, antérieure à tout choix d'objet, mais d'une identification
dérivée, issue du choix d'objet libidinal par régression au narcis-
sisme; nous sommes sur le terrain de l'identification narcissique
décrite dans le Deuil et la Mélancolie et dans Pour introduire le

Narcissisme. Il y a donc au moins deux· identifications, peut-être
même trois, note Freud, si l'on admet qu'une identification peut
se produire indépendamment de toute relation d'objet à l'égard
de la personne copiée, comme dans les phénomènes de contagion
psychique, bien connue sur le terrain de l'hystérie et illustrée
également par tous les faits où l'imitation a lieu indépendamment
de toute sympathie; cette troisième forme rejoint l' u empathie »
des psychologues.
' Le tableau de l'identification est finalement plus complexe
• que nous ne l'avions escompté; Freud le résume ainsi : « Ce que
•• nous venons d'apprendre de ces trois sources peut être résumé
l
1 ainsi : 1° l'identification constitue la forme la plus primitive de
: l'attachement affectif à un objet; 2° à la suite d'une transformation
''
•1 régressive, elle devient le substitut d'un attachement libidinal à
•1 un objet, et cela par une sorte d'introjection de l'objet dans le moi;
3° l'identification peut avoir lieu chaque fois qu'une personne se ·
découvre un trait qui lui est commun avec une autre personne,
sans que celle-ci soit l'objet de ses pulsions sexuelles 79. , Tout
porte à croire que l'identification qui termine le complexe d'Œdipe

i présente les traits de cette multiple identification .
J
j
A la fin du chapitre, Freud intègre à son analyse de l'identifi-
t
cation les deux descriptions antérieures, celle de Deuil et M é/ancolie
et celle de Pour i11troduire le Concept de Narcissisme,· la manière


' dont la mélancolie intériorise la vengeance contre l'objet perdu

:1•
. 78. G. w. XIII, p. Il?; s. E. XVIII, p. lo6-?; tr. fr., p. 119·
.• 79· G. W. xm, p. uS; S.E. xvm, p. 1o8; tr. fr., p. 1ao•


'
ANALYTIQUE

apparaît comme une !'ouv:lle ':ariant~ d: l'identifica.tion; le moi


ainsi transfonné, par 1denttficat1on à 1objet de sa ~ame, en foyer de
au
de haine contre soi-même:. n'est pas. ~ans analog~e av~c ce que se1
nous avons décrit comme 1 mstance cnt1que du moz, qUI observe de
juge, cond~mne. Mais. Fre~d n: ~it pas,,d.ans ce ,texte, comm~nt 0 ~ •
de
peut assimder l'adoptiOn d un 1deal exteneur, d u~e part. à 1:ntro- su:
jection d'un objet f;le~du selon 1~ tl}odèle de la melanc?l.1e, d ~utre sy!
part à une différenc1at10n du narc1ss1sme. Par sa compos1t1on meme, ce!
ce texte procède plutôt par rapprochements successifs que par cons-
truction systématique. Ce sera seulement l'économie du déclin su:
de l'Œdipe q':'-i pe.nnettra de. rapproche! ces .thèmes . encore dis- • dé.
joints : ide~ttficat10n à. un 1d.éa! exténeur,. I~stallat10n dans. le COl
moi d'un objet perdu, différencmtton du narcissisme par formatJOn •
Cla
d'idéal. de1
Le Moi et le Ça ao marque un progrès décisif dans l'intégration rn~
de ces matériaux, en raison de son caractère résolument topique- de
économique 81 : c'est d'ailleurs ce qui fait l'extraordinaire difficulté pu
C',
• me
8o. DtU !ch und das Es (1923). G. W. xm, p. 237-289, Tlu Ego and the Id,
lit~
S. E. XIX, p. 12-66; tr. fr.u Moi et le Soi (sic), in Essais de Psyclumalyse,
de
Payot, p. t6J-2t8. Freud emprunte expressément le terme Ça à Georg Groddeck, •
auteur d'un livre intitulé DaJ Buch vom Es (1923) et, à travers lui, à Nietzsche. COJ
Le pronom neutre est fort bien choisi pour désigner les aspects anonymes, au
passifs, inconnus et incontrôlables des forces jadis désignées du terme d'incona• ab~
cient. Dans les Nouvelles conférences, Freud écrit : c C'est la partie obscure,
inaccessible de notre personnalité; le peu que nous en savons nous l'avons fic~
appris en étudiant le travail du rêve et la formation du symptôme névrotique; •
'
dis
il a. pour l'essentiel, un caractère négatif et ne se peut décrire que par contraste Ils
avec le moi. Seules certaines comparaisons nous permettent de nous approcher au
du ça; noua l'appelons : chaos, mannite pleine d'excitations bouillonnantes. 11
G. W. xv, p. 8o; S. E. XXII, p. 73; tr. fr., p. 103. La suite du texte indique clair~ l'al

m-:nt.que le ça~ .P~ toutes les. caractéristiques jadis attribuées à l'inconscient: cor
pnncape de plaJsar, mt~mp~ral.at~, indestructibilité des processus primaires, et<?- qu'
8r. Juaqu.à quel poant a agu-al encore d'une topique? Le caractère figuratif des
et m~taphonque de la • seconde topique , est plus accentué que celui de la
prenuère do!'t no~ a;-ro~a justifié jusqu'à un certain point le réalisme. Avec la pla
seconde toptque, il s agtt b~ucoup plus évidemment d'un diagramme (cf. 1~ un
figure du chap. Il dans~ Moa et le Ç~). 11 est d'ailleurs remorqua ble que le surmoi dor
ne figure pas dans ce dtagrnmme qut essaye de combiner les deux topiques en Y j
représentant 1~ b~rre du rt!~oulcmcnt, entre le ça et le moi, dans tn profondeur
d~ la sphère d extstence, puas le préconscient et les traces acoustiques, à mi-che- COll

-
mm de .ta surface, enfin le ay~tème Pcpt-Cs à ta superficie. Cc diagramme est • SIOI

donc l~t-mêm~ un ~mp.~oma~ entre deux systèmes de représentation, dans net
lequel 1 autre damenaton d mt~raorité, celle du sublime, ne trouve pas sa place. •• d'u
Vers la fin ~~ la trente et umèmc. conférence, dana tes Nouvelles confirmees de -
1933 (la tro tatèmc dana la traducu~m française), Freud tentera d'élaborer un dia-
aranune plua complet o~ le aunnot aera englobé. e~: 8;
·~·
1

218
DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME

de ce texte. Il faut une fois pour toutes se convaincre qu'il ne s'agit


aucunement d'entités phénoménales, mais u systématiques », au l•
1

sens qu'on a dit au chapitre premier; le Moi et le Ça porte la synthèse 1


1
des matériaux antérieurs au niveau métapsychologique de l'Esquisse

de 1895, du vu 0 chapitre de l'Interprétation des Rêves et de l'Essai 1
)

sur 1'/nconsdent de 1915. C'est donc dans le jeu des relations entre
systèmes que doit être cherché le principe d'unification des pro-
cessus décrits plus haut.
'

~

La question qui domine le chapitre III est celle-ci : comment le J



surmoi, hérité au point de vue historique de l'autorité parentale,
dérive-t-il ses énergies, au point de vue économique, du ça?
comment l'intériorisation de l'autorité peut-elle être une différen-
ciation d'énergies intra-psychiques? C'est le recoupement de ces
deux processus appartenant à deux plans différents au point de vue
méthodologique, qui explique que ce qui est sublimation du point
de vue des effets, introjection au point de vue de la méthode,
puisse être assimilé à une « régression » au point de vue économique.
C'est pourquoi le problème du « remplacement d'un investisse-
• ment d'objet» par une identification est pris, dans toute sa généra-
lité, comme une sorte d'algèbre de placements, de déplacements, ••
de remplacements. Ainsi présentée, l'identification apparaît plutôt
'
comme un postulat, au sens fort, une demande qu'il faut accepter
au départ. Considérons le texte : • Quand il arrive qu'on doive
abandonner un objet sexuel, il en résulte bien souvent une modi-
fication du moi que nous ne pouvons décrire autrement qu'en


' disant qu'on a installé l'objet dans le moi, comme dans la mélancolie•
Il se peut que par cette introjection, qui est une sorte de régression
au mécanisme de la phase orale, le moi facilite ou rende possible
l'abandon de l'objet. Il se peut aussi que cette identification soit la

condition sans laquelle le ça ne saurait renoncer à ses objets. Quoi
qu'il en soit, il s'agit là d'un processus très fréquent, surtout à •

des phases prévues de développement, et de nature à rendre


plausible l'hypothèse d'après laquelle le caractère du moi serait
un précipité ( Niederschlag) des investissements objectaux aban-
donnés et recélerait l'histoire de ces choix d'objets 8 ll. »
Ainsi l'abandon de l'objet de désir, qui amorce la sublimation,
coïncide avec quelque chose comme une régression: c'est une régres-
sion, sinon au sens d'une régression temporelle à un stade anté-
rieur de l'organisation de la libido, du moins au sens économique
d'une régression de la libido d'objet à la libido narcissique, consi-

~:.sa. G. W. xm, p. as7; S. E. xrx, p. ag; tr. fr., p. zS.


,
219
ANALYTIQUB

dérée comme réservoir d'énergie; en effet, si la transformation qUI•


d'un choix d'objet érotique en une alt~ration du moi est bien une père
méthode a pour domi~er .le ça, le p~ à payer est celui-ci : a en mod
adoptant les traits de 1obJet, le m01 s tmpose au ça comme objet l'éco
d'amour; pour réparer la perte dont souffre le ça, il lui dit: regarde le sc
tu peux m'aimer aussi, je resse~b}e ~ant. à l'objet 84••» ' iden·
Nous sommes prêts pour la generahsatton qUI domme désormais qu'il
le problème : a La transformatio.n de la. lfbi?o o?jecta~e . en libido par
narcissique à laquelle nous asststons tct, 1mphque evtdemment Freu
rabandon des buts purement sexuels, une désexualisation - donc c'est
une sorte de sublimation. A ce propos, la question se pose et mérite d'Œ•
une discussion détaillée, de savoir si ce n'est pas ici la méthode •
en 1•

générale de la sublimation, si toute sublimation ne s'effectue pas chob
par l'intermédiaire du moi, qui commence par changer la libido de rr.
sexuelle objectale en une libido narcissique, pour lui proposer COIDI
ensuite éventuellement un but différent 85 1 » par 1•
Nous comprenons maintenant, une fois posée l'hypothèse prin- qUI• J
cipale - qui n'a sa justification que dans son pouvoir de faire lui <:
comprendre - la séquence : sublimation (quant au but), identifi- dem~
cation (quant à la méthode), régression au narcissisme (quant à relati
r économie des investissements). fille;

catiOJ
Appliquons le schéma à la situation œdipienne; l'identification la m1
prend un sens concret, historique : celle de l'identification u au père Av
de la préhistoire personnelle as ». l'ider
Jusqu'à quel point Freud réussit-il à faire entrer l'identification l et le
a~. père. dans le sch~ma théorique de l'identification par abandon Je SU<
d mvestlssement obJectal? sexue.
d'un .J·
Dès le début, Freud se retrouve en face de la difficulté élaborée
~ans ~syc~ologie collective et Analyse du Moi, à savoir que l'iden· de qu.
~tfica~aon ~ssue d~ l'investissement d'objet est précédée par une une p
•1
d'idét
l~enttficatto~ ~ dtrecte,, immédiate, plus précoce que tout inves- i d'obj.
tiSsement d obJet fl7 ». Bten plus, c'est cette identification antérieure •
modi:
' {Selh
83· .~;7~loie la ~ot m~thode au sena où Freud l'emploie dans le chap. 111, '
••
••
1oUrsqu ' crJtt d: ,• D unh .autre point de vue, on peut dire que cette transposition .•• propz
( mse1zung •
éth d un
. ~c OlX d' 0 b'~et crottque
,~_ ·
en une modification du moi est aussa· cattor
une ~ d~ e ( em ~g) par laquelle le moi peut prendre le contrôle du ça ct
appro,on tr ses re1attons avec 1 · • '1 · '11'
mit~ à tout ce qu'il ~ Gut, au pnx, a est vraa, d' un accommodement a a-
84. Ibid. prouve. • . W. Xlll, p. 258; S. E. XIX, p. 30; tr. fr., p. t84- 88.
•• un év~
8s. G . w. xm, p. zs8; s.E. xcc P 30' tr fi 8 ..•1
86. G. w. Xln 2 • s E • · • · r., p. 1 4-s. ...:.
p. 257·
87. Ibid. ' p. 59' . . XIX, p. 31; tr. fr., p. I8S. • 89•
•1
!
1

- 1
1
\•
• •

DE L'ONffiiQUE AU SUBLIME

qui explique l'ambivalence d'amour et de haine du rapport au


père. Le père est à la fois l'obstacle sur le chemin de la mère et le
modèle à imiter. Si l'on ne dédouble pas ainsi l'identification,
l'économie du complexe d'Œdipe est inintelligible. En effet, selon
le schéma de l'identification par abandon d'objet, ce n'est pas une
identification avec le père, mais une identification avec la mère
qu'il faudrait attendre; c'est la mère qui est l'objet abandonné
par le jeune garçon; c'est donc à elle qu'il devrait s'identifier.
Freud l'avoue: les faits ne paraissent pas s'accorder avec la théorie;
c'est pourquoi on ne peut rejoindre ce qu'il appelle u le complexe
d'Œdipe complet », qu'en dédoublant l'identification, c'est-à-dire
en introduisant, dans le conflit lui-même, l'affrontement d'un
choix d'objet ct d'une identification antérieure à tout choix d'objet,
de manière à ce que l'identification au père se présente elle-même
comme une identification double, négative par rivalité, positive
par imitation; enfin il faut encore introduire la bi-sexualité, thème
qui remonte au temps de l'amitié avec Fliess 88, si même il ne
lui est pas purement et simplement emprunté; la bi-sexualité
demande que l'on dédouble une seconde fois chacune de ces
relations, selon que le garçon se comporte comme garçon ou comme
fille; cela fait « quatre tendances » qui engendrent deux identifi-
cations, une identification avec le père et une identification avec
la mère, chacune d'elles étant à la fois négative et positive. •

Avons-nous réussi à faire coïncider la genèse du surmoi avec


l'identification par abandon d'objet? II le semble à première vue; •

• et le texte suivant, souligné par Freud lui-même, paraît consacrer


le succès de l'interprétation : « Le bénéfice le plus général de la phase
sexuelle dominée par le complexe d'Œdipe paraît bien être la formation
d'un précipité dans le moi, consistant en ces deux identificatiotzs, unies
ï. de quelque manière l'une avec l'autre. Cette modification du moi assume
une place à part; elle s'oppose aux autres contenus du moi, à titre
\
d'idéal du moi, ou de surmoi 88• » Ce précipité des investissements
•1
d'objets abandonnés, par lesquels un choix d'objet devient une

modification du moi, n'est pas sans rappeler l'auto-affection
,
1

(Selbstaffektion) de Kant. Le moi s'affecte lui-même par ses


••
·~ •
• propres choix d'objets devenus des renoncements. Cette modifi- •
J;
1 cation du moi, est, tout à la fois, une perte pour le ça - le ça
j

~ •
88. Lettre 113 : c Je m'hubituc aussi l consid~rer chaque acte sexuel comme
., \

un événement impliquant quatre penonnea. • La Naissanc~ tk 14 psyclulnaly11,


1 p. 257·
~
89. G. W. xm, p. 262; S.E. XIX, p. 34; tr. fr., p. 189• '
••
1
1
i

221
1
\
1

ANALYTIQUE 1

lAche prise, se déprend de ~es objets pour que 1~ moi advienne - et


en même temps un élargissement du ça, pmsque cette nouvelle • fo1
formation ne peut être adoptée par le ça _qu'~n se faisant aimer cara1
comme naguère l'?bjet _perdu. « L~ dénvauon (du surmoi] à mot•
partir des premiers mvestls~ements obJectaux dt_l ça, par conséquent u•
entH
à partir du complexe d'Œdtpe ... le me.t en relat:ton avec_ les acquisi- •
tlon
tions phylogénétiques du ~a ~t en f~t une rémcar~~tlon des for- plex1
mations antérieures du mot qw ont deposé leur préctptté dans le ça. •
• orga
Ainsi le surmoi reste de manière durable en contact étroit avec le ça 1
1 garç1
et peut agir comme son représentant (Vertretung) vis-à-vis du moi. CO m l
Il plonge profondéme~t dans le ça e~, de c~ ~ait, est be~ucoup (pro,
' plus éloigné de la conscience que le mm 90• » Amst tous les élements s'éte
encore épars sont rassemblés : identification au semblable, modi- est c
fication du moi par l'objet abandonné, agrandissement du narcis- 1 démG
sisme primaire en un narcissisme secondaire. 1

estp
Aussi compliqué que soit ce schéma, il est pourtant loin de •
rauo
satisfaire à toutes les exigences du problème : outre qu'il laisse elle 1
intacte la distinction de l'identification au semblable et de la rela- COnC·
tion d'objet (ou encore de l'identification comme désir de ressembler emp1•
et de l'identification comme désir d'avoir), l'identification secon- Er
daire elle-même pose encore bien des problèmes : comment un pare1
u précipité » d'identification peut-il se comporter comme « oppo- D'ur
sition» au moi? Comment le surmoi peut-il à la fois dériver du ça l'inv•
et s'opposer à lui et à ses premiers choix d'objet? Il nous faut SaUV4
intro~uire une nouvelle complication, celle de u formation de co• mt•
réact1on »; ce processus remonte aux Trois Essais... et avait été amst
repris, dans l'essai sur le Narcissisme, contre Adler, afin de faire placé
l'_écon?mie de sa notion de protestation virile et de surcompensa- don .
tlOn; 11 a pour fonction d'expliquer le double rapport du surmoi l'exp
à l'~gard du complexe d'~dipe: il en dérive par emprunt d'énergie
• •
VlClS~
et tl se retourne contre lua; le surmoi est alors l'héritier du com- que .
P!cxe d'Œdipe au double sens qu'il en procède et qu'ille réprime; ( entl.
c est ce double sens que C?nccme l'expression de u déclin» (Unter- prohi

gang). du_complexe d'Œd1pe : le déclin désigne rexhaustion d'une StSm«:
orgam~~tlon ca~uque de la libido (stade phallique), mais aussi la mena
d~mo!ttton, .le demantèl~ment, la mise en ruines ( Zerstrümmenmg} » de l'i
dun mvesussement obJectal 81• C'est pour rendre compte de cette perm

90· G. W. xm, p. 278; S. E. xrx p .... g.9 . tr f 6 92·


Lo d 1 d~ r . , "T , • r.' p. 20 •
de9~ ~ère doit e~o .;::~taon du c:omplexe d'Œdipe l'inveatiasement objectal
6
lution 1

p. 1 s • ono ·• G. W. xm, p . a6o; S. E. XIX, p. 3:1; tr. fr,, the pa:


7 p. 394•

••

'
1

~
DB L'ONIRIQUE AU SUBLIME


• formation de réaction » que Freud a été amené à souligner le
caractère agressif et punitif de la figure parentale avec laquelle le
• moi s'identifie.
Un an après le Moi et le Ça, Freud devait consacrer un article
entier au Déclin du complexe d'Œdipe ~ 2 et y souligner la fonc-
tion répressive de ce a précipité d 'identification ». Certes, le com-
plexe d'Œdipe est appelé à une mort naturelle : il appartient à une
organisation de la libido condamnée d'abord à la « déception » (le
garçon n'aura pas un enfant de sa mère et la fille est repoussée
comme amante par le père), puis à un« dépassement selon l'ordre»
(programgemiiss); de ce point de vue, le complexe d'Œdipe,
s'éteint, parce que l'organisation de la libido à laquelle il correspond
est dépassée. Mais c'est la menace de castration qui précipite la
1
1
démolition de l'organisation phallique elle-même; cette menace
i est précédée et préparée par toutes les autres expériences de sépa-
t
1
ration; elle a pu aussi être proférée avant le stade phallique; mais
elle ne produit son effet retardé qu'à J'époque où la théorie infantile
concernant la perte du pénis chez la fille donne un support quasi
empirique à cette menace.
En accentuant ainsi le caractère agressif et punitif de la riposte
parentale, Freud améliore sur plusieurs points son interprétation.
D'une part il rattache plus fortement au narcissisme l'abandon de
l'investissement libidinal de 1'objet parental; en effet, c'est pour
sauver son narcissisme que le moi de l'enfant a se détourne » du
complexe d'Œdipe (wendet sich vom Œdipuscomplex ah). C'est
ainsi que cet investissement objectal est u abandonné • et a rem-
placé» par l'identification. En rattachant ainsi au narcissisme l'aban-
don de l'objet, Freud renforce son thème : « l'Idéal du moi... est
l'expression des plus puissantes pulsions et des plus importantes
vicissitudes libidinales du ça». D'autre part, on comprend mieux
que le surmoi s'oppose au reste du moi, puisqu'il « emprunte»
( entleht~tJ la sévérité du père et perpétue à l'intérieur du moi la
prohibition de l'inceste; on peut même dire que l'intérêt du narcis-
sisme et la voix du surmoi s'accordent en ce point, puisque la
menace du surmoi « assure » ( versichert) le moi contre le retour
de l'investissement libidinal objectal. Enfin, cette « démolition •
permet de rapprocher, jusqu'à un certain point, sublimation et

92· Du Unt~Tgang des Œdipuscomp/cx. G. W. Xnt, p. 393-•oz; TM diuo-


lution of th~ Œdipus compltx S. E. XIX, p. 173-9; (Coll. Papers u, z69, traduisait
the pauirrg of lM Œdipus eomp/~x) ; tr. fr. in Jùv. Fr. Pr,oehmtal., 1937, uo 3,
p. 394·9·

(
223



'' ·-
~
.•'•

1
ANALYTIQUB .•

refoulement que les textes a~térieu~ <?PPOSaient; d'un côté la


démolition est une e~pèc~ de de~exuahsat10n; . elle répond donc à la b
définition de la subhmauon (qm est, on le sa1t, un changement du 1 a
but et non pas seulement de l'objet); la pul~ion e~t << in~ibée quant d·
l
r(
au but , ( zielgehemmt) ~ elle est transformee, en .1mpuls10n tendre; '1

alors commence la pénode de late!lce;. ~énerahs~nt ~es relations dt


tr
économiques découver:tes par la. de~oht10n de l.Œd1pe, on peut
pl
dire que « désexualisatJon et subhmau~n se prod~Jsent ch,aque fois '
ca
que la libido se tran~forme en une 1d~nuficauon »; d un autre av
côté, il n'y a pas de ra1son de refuser le titre de refoulement à cette ch
opération du moi qui se « détourne » du complexe d'Œdipe, bien rn
que les refoulements ultérieurs procèdent du surmoi que ce refou-
lement a eu pour fonction d'installer; toutefois il faut dire que, !
l

ré-
dans le complexe d'Œdipe normal, ce refoulement, en quelque la
sorte réussi, est indiscernable d'une sublimation, puisqu'elle •
SIC
u détruit » et u supprime » le complexe 83• 1 qu
1 Et
Avons-nous atteint le but ? Avons-nous réellement fait apparaître silt
l'autorité a extérieure » comme une différence u intérieure »? rel
Dans le Moi et le ça, les derniers chapitres {chap. IV et v) ne laissent 1
\ sac
1
aucun doute sur l'insuffisance des résultats acquis. L'identification cn1
ne peut porter à elle seule la charge de l'économique du surmoi. 1• pd
Il faut non seulement renforcer la différence advenue dans le ça chi
par une opposition ou a formation de réaction », mais introduire che
un facteur de 11égativité, emprunté à une autre source pulsionnelle, te/J
do~t nous n'avons pas du tout parlé jusqu'à présent et que Freud •
• a1on
dés1gne du nom de a pulsion de mort ». Dès lors il faut avouer
pla~
qu'une économique du surmoi requiert non seulement une révi- Tro1
sion d~ l.a prcm~ère topique et un nouve~u genre de différenciation du s


de la hb1do, mats une révision de la théorie des pulsions, au niveau 9!
m~me de ses fo~dements. Nous arrêterons donc la genèse écono-
mtque ?u su"!lo~ à ce seui.l.où Le Moi et le Ça doit être relayé par
Au-dela ~u pn~crpe de plamr ,· nous nous contenterons d'esquisser
cette c~nJoncuon pour donner une idée du chemin qui reste à
pa.rcounr.: n~ms. admettrons que cette pulsion de mort peut opérer
sott en "mtncatton » avec Éros, soit en état de u désintrication 84 »;
J'4
93 ·
1
oFmis dde rendre compte de la discussion du complexe d'Œdipe f~minin,
aur equc reu est revenu sana cesse dan le M · •- ç h ,. 1 fin
de l'essai sur le D . r d
i: '
1 exes (t 9zs)· danss
confére,ut (~de la tradx:fr.)~
• . • OJ et ~ a, c op. Ill; • Il
u ~?7)/ex~ .d'Œdrpe; dans Distinction a,atomique des
hnmrne de 1931; ct dana la xx.xmo dca NoufJel/tl
94 Ces concepta d' • int · ·00 (M
catio~ • ( Entmùchung anal r:c;:~ . •) ite~urrg ~anal. :f~ion) et de • désintri·
' • • ..,wum ne a appliquent atnctement qu'aux: pul·

,• ., ~ . '
'
..•'

• DE L'ONIRIQUE AU SUBLIME
'
a la composante sadique de la libido serait un exemple du premier
a 1
J
''
mode d'opération ct le sadisme, en tant que perversion, un exemple •1•
tl du second mode; nous serions ainsi amenés à conjecturer que la l

tt régression à un stade dépassé repose sur une telle « désintrication »
.,
1 •
de pulsion. Si maintenant nous combinons la différenciation des i
.s
\t

18
trois instances - moi, surmoi, ça - et la désintrication des deux
pulsions - Éros et mort-, nous entrevoyons une nouvelle compli-
cation dans la genèse du surmoi. La cruauté du surmoi, que nous
'
·e avons soulignée dès l'étape descriptive et clinique de notre recher-
:e •
che, ne serclÎt-elle pas un autre " représentant » de la pulsion de
n mort?
l- Nous ne sommes pas encore en état de saisir la portée de cette
., 1
1 révolution de fond en comble de l'édifice psychanalytique; face à
l
.e la pulsion de mort, la libido elle-même révèle de nouveJJes dimen-
!e sions et change de nom; on parlera désormais d'Éros. Qu'est-ce
1
que cela signifie pour le principe de plaisir, pour le narcissisme?
Et puis : quel est le rapport entre la pulsion de mort, « par nature
'
• silencieuse 96 ,, et tous ses u représentants ,, en particulier ses
J représentants culturels ou anticulturels ? Quel est le rapport entre
tt 1
1 sadisme et masochisme et, à l'intérieur même du masochisme,
n

J.
~• entre le masochisme « moral » dont parlera l'Essai consacré Au
principe économique du masochisme et les autres formes du maso-
~
1 chisme ? Il nous faut bien avouer que la théorie du surmoi reste ina-
...., i..
chevée tant que nous n'en avons pas compris la composante mor-
telle•
d
:r.
' aions de vie et de mort, et à leurs combinaisons selon Au delà du principe de
.
-n 1 plaisir; ils ont toutefois une base dans la conception de la libido, héritée des
Trois Ersais ... , comme faisceau de tendances prêtes à se dissocier: la dissociation
du sadisme y est nettement préfigurée.
ll • 95· G. W. xm, p. 275 et 289; S. E. XIX, p. 46 et 59; tr. fr., p. 203 et 218.
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CHAPITRE III • se
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L'ILLUSION 1

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• de
~p:

Il n'est pas aisé de dégager ce qui est proprement psychanaly-


tique dans l'interprétation freudienne de la religion. Il est pourtant
essentiel de circonscrire avec rigueur ce qui mérite d'y être pris •
en considération aussi bien par les croyants que par les incroyants.
Le danger est en eff~t que les premiers éludent la mise en q~estio~
radicale de la relig10n, sous le prétexte que Freud expnmeratt J
seulement l'incroyance du scientisme et son propre agnosticisme; COl

mais le danger est aussi que les seconds confondent la psychana- Sltt
lyse avec cette incroyance et cet agnosticisme. Mon hypothèse et 1
de travail, énoncée dès la Problématique, est que la psychanalyse cor
est nécessairement iconoclaste, indépendamment de la foi ou de • c'e:
la non-foi du psychanalyste, et que cette « destruction » de la reli- reli
.1 fon
gion peut être la contrepartie d'une foi purifiée de toute idolâtrie.
La psychanalyse comme telle ne peut aller au-delà de cette néces- reli
sité de l'iconoclasme. Cette nécessité ouvre sur une double possi- • I
bilité : celle de la foi et celle de la non-foi, mais la décision entre ' tra'
ces deux possibilités ne lui appartient pas. la r
, peu
Nous procéderons ici comme avec l'analyse du sublime; à un •
premier niveau, .co!responda!lt. à ce que nous avons appelé « les J CleU
' enc'
approches descnptaves et chmques du sublime ,, nous tenterons
de délin:iter ce qui est .proprement du ressort de ia psychanalys~; l'ou
• et d
deux themes nous retaendront : l'observance et l'illusion. Puas,
~ous nous engagerons sur les « voies génétiques de l'interpréta· •
de '
tton »et reprendrons la genèse des dieux au point où nous l'avons nagt
laiss~e a~ chapitre précédent; nous tenterons alors d'évaluer la Cet1
portee d u~e phylogenèse de la religion qui soit proprement anal
psychanalyuque. Enfin s'ouvrira le thè~e proprement écono- 1.
~tque du « r~tou~ du refoulé • : toute la psychanalyse de la reli- ObseJ
g.ton en e~et s éputse dans cette mise à jour de son caractère régres- danls
stf. En. meme te~ps se fermera le cycle du fantasme : du rêve à la
183.
• 2.
séductton esthétique, de la séduction à l'idéalisation éthique, du do la

226


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1
•j


• L'ILLUSION

sublime k l'illusion, nous serons revenus k notre point de départ,


le remplissement quasi hallucinatoire du désir. Toutefois, ce ne
•1 sera pas au même niveau, puisque la religion en tant qu'illusion
ne sera plus un fantasme privé, mais une illusion publique; entre
!
le rêve et l'illusion, il faudra intercaler la culture elle-même et
comprendre comment le remplissement illusoire du désir peut
l opérer à deux ni~eaux aussi différents que le rê~e privé de. nos
nuits et le rêve évetllé des peuples; ce sera la tâche d une économtque
de la culture de rendre compte de ce retour au point de départ de la
~pirale du fantasme.

I., L'ILLUSION ET LA STRATÉGIE DU DÉSIR



1

Freud n'a jamais fait autre chose, k propos de la religion, que


commenter indéfiniment deux thèmes; et ces deux thèmes se
situent tout de suite dans le champ de l'analogie avec la névrose

et le rêve : le premier concerne la pratique, l'observance, le second
concerne la croyance, c'est-à-dire des énoncés portant sur la réalité;

c'est le second, ttillusion, qui constitue la thématique propre à la
religion; mais c'est le premier qui atteste le mieux Je caractère
1
• foncièrement analogique de l'approche psychanalytique de la
religion; c'est pourquoi nous commencerons par lui.
La chronologie nous donne également raison, puisque le premier
', travail consacré par Freud à la religion et datant de 1907 porte sur
• la ressemblance entre Actes obsédants et exerdces religieux 1. On
'1 peut dire que cet article tient en germe toute la théorie ulté-
i rieure de la religion, bien que le thème de l'illusion ne soit pas
encore posé. Le niveau exact de la comparaison, il ne faudra pas
l'oublier dans la discussion ultérieure, est ccJui du comportement
et du mime, de la mise en scène (le titre même le consigne). C'est
• de cérémonial à cérémonial que la parenté est instituée, comme
naguère entre le travail de rêve et les mécanismes du mot d'esprit.
Cette première approche ne peut aller au-delà de la simple
analogie 1 ; ce sera précisément l'ambition des grandes construc- .1
• t. Zwtmgshandlungen tmd Re/igionsilbungen (1907), G. W. vu, p. 129-39; l
Obscssive actions and religious pratiets, S. E. IX, p. 117-127; tr. fr. : Actes obsl· 1
dants et exercices religieux, in L'Avenir d'uM Illusion, Deno~l ct Steele, p. 157•

J8J. •
1
:z. Philip, Freud and re/igious be/ief, a fortement aoulign6 le caractùe analogique
de Ja description psychanalytique de la religion.

.....

'
.

•'1 . .
~~.ft',a:tP!!O'e31
• •

~


i
ANALYTIQUE l'

tians ethnologiques et historiques, dans Totem et Tabou et dana •


·~•
Moïse et le Monothéisme, de fonder la ressemblance dans l'identité et
Mais il importe de séjourner d'abord a'! niveau de l'analogi~ .j p:
• et de considérer qu'elle est à double sens; d ne faut pas perdre de ~ rr.
vue que Freud est aussi celui qui a découvert que la névrose a di

un sens que le cérémonial de l'obsédé a un sens. C'est donc de re
sens à s~ns que la comparaison opère. Il est dès lors non seulement q
''• ce

légitime mais éclairant de repérer les nœuds multiples de ressem-
blance : tourments de conscience consécutifs à une omission dans le .• pr
U l
rituel, - besoin de protéger le déroulement du rituel contre toute • •
perturbatio~ extér~eure, - scrupu!e du détail! - gli~sement v~rs tl<
un cérémomal tOUJOUrs plus comphqué, ésoténque, votre mesqum. re
1
fe:
En outre, par le biais du cérémonial, un premier regard peut être ••

jeté dans l'intimité du u sentiment de culpabilité » : le cérémonial, i


en effet, - et on peut y inclure les actes de pénitence et d'invo- •
c ch
cation - a valeur préventive au regard d'une punition anticipée thl
et redoutée; l'observance prend ainsi la signification d'une« mesure •
ly~
défensive et protectrice ». • •
lCl
Ces analogies sont d'autant plus instructives que leurs signi- • su

fications multiples restent en suspens; certes, l'homme Freud 1
~
1
ne doute point que le sens de la foi ne s'y épuise; mais cela ne doit le
pas nous arrêter. Même la fameuse formule, qui sera l'unique the
leitmotiv de toute la psychanalyse de la religion, a plus d'un sens; 1
COl
Freud écrit: uA la vue de ces similarités et de ces analyses on peut ~• le
se risquer à considérer la névrose obsessionnelle comme la contre- •t• la 1
partie d'une religion, à décrire cette névrose comme un système

religieux privé et la religion comme une névrose obsessionnelle
universelle 3 •. Oui, cette formule ouvre autant qu'elle ferme.
':•
l
1
la 1
cel
pU!•

C'es~ d'abor~ .une chose étonnante que l'homme soit capable .à 1 tiql
la ~o1s de rel!gton et de névrose, de telle manière que leur analogte J des
pu!sse. const!tuc~ une ~éritable imitation réciproque. C'est cett~ ï•• cel)

lf!Utatton q~u. fa1t que 1homme est névrosé en tant qu'homo relt- ! r101
g~.osus et rehgtcux en tant que névrosé; une autre formule de Freud, l'in
rap~rochée de la précédente, en découvre le caractère problé- retc.
matt.que : u La névrose obsessionnelle offre la caricature tragi- .11 mat
comlque d'~ne religion privée 4 • » Ainsi, la religion, c•est ce qui •
. illu
peut se canc~turer. en cérémonial névrotique : en est-il ainsi en au 1
vertu de son mtentton profonde, ou sur le trajet de sa dégradation .
j
!. J
•' une
3· Actes obsUants d curciccs religieux G w s • E•. 1x' diffi
p. 126-7; tr. fr., p. 181. • •
8
• vu, p. 13 -9;
1 nali
J
+ Ibid., G. W. vu, p. 13a; S. E. IX• p • 119 .... ~-
• w. u., p. 1 6....
~ selo
1• 1

1
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• •# 4
-
~ L ...L. A ~--


i
·J'
• L'ILLUSION

J
• et de sa régression, lorsqu'elle commence de perdre le sens de sa
l propre symbolique? Et cet oubli du sens dans l'observance, com-
'
ment appartient-il à l'essence de la religion? Appartient-il à une
dialectique plus fondamentale encore, qui serait la dialectique de la
religion et de la foi ? Voilà ce qui doit rester en suspens, même si
cela ne fait pas question pour Freud.
• '•• Une seule chose a inquiété Freud : l'écart entre le caractère
privé de la <( religion du névrosé » et le caractère universel de la
••
« névrose de l'homme religieux ». La phylogenèse aura pour fonc-

tion, non seulement de consolider l'analogie en identité, mais de
• rendre compte de cette différence au niveau des contenus mani-
1 festes .
••

Le second thème clinique de la psychanalyse de la religion,


c chez Freud, est celui de l'illusion. Plus encore qu'avec le premier
thème, il est difficile de discerner Papport spécifique de la psychana-
lyse des convictions propres de Freud. Ille faut pourtant, car c'est
ici que la problématique de la religion se distingue de celle du


sublime.
1
~
1
Certes, éthique et religion ont pour Freud un tronc commun,
!.
le complexe paternel qui est d'origine œdipienne. En ce sens, la
théorie de l'illusion est une rubrique de la théorie des idéaux et
4l constitue ce qu'on pourrait appeler un fantastique du surmoi; c'est
1
''
~
le moment de l'affabulation lié au moment de la prohibition. Mais

•• la bifurcation à partir du tronc œdipien de la branche éthique et de
~ •
la branche religieuse commande la distinction des deux processus :
1
·! celui de J'introjection de l'idéal, et celui de la projection de la toute-
/
• •
puissance qui sera tout à l'heure au cœur de l'explication géné-
~ tique. Il importe donc de saisir le sens de cette distinction au plan
1• descriptif et clinique. Il y a en effet deux problématiques distinctes,
ï celle de l'idéal et celle de l'illusion. L'idéal représente une inté-
• riorisation de l'autorité sur le mode impersonnel de l'impératif;
'1
,.,
• 1 l'indice existentiel de la source d'autorité est tombé; seul a été
retenu l'indice impératif, à l'exclusion de l'indicatif. Ce qui fait
l. •
~
maintenant problème, avec la croyance religieuse considérée comme
illusion, c'est cette position dans la réalité de figures semblables
.•

au père.

i • ! · Je n'ignore pas que cette problématique de l'illusion, pour

1

1
i• une grande part, n'est pas propre à la psychanalyse. Il n'est pas •



• •
difficile· de retrouver dans les formules de Freud l'écho d'un ratio- 1
•'
\ nalisme et d'un scientisme qui est de son époque et de son milieu;
1•
selon ce rationalisme, tout langage qui n'informe pas sur des faits
~•
l

,
.. -
~ .:
.... '
. .. .. .... . •

ANALYTIQUE

est dénué de sens; l'incompatibilité du dogme religieux et d


l'esprit scientifique condamne sans appel la religion : « II
pas de recours contre la raison », dit l'Avenir d'une Illusio71 &
n'y:
Freud en convient; ce procès de la religion, instruit avec beau:
coup de dureté, n'a rien d'analytique 6• Et pourtant il y a un pro-
blème proprement analytique de l'illusion; il concerne le déchif-
frage des rapports cachés entre la croyance et le désir; la critique
analytique de la religion a pour objet propre la stratégie du désir,
dissimulée dans l'assertion religieuse proprement dite.
C'est ici que notre second problème s'avère d'une même texture

analogique que le premier, celui de l'observance. Ce qui appartient
en propre à l'illusion, ce n'est pas ce qui l'assimile à l'erreur,
au sens épistémologique du mot, mais ce qui la rapproche des
autres fantasmes et l'inscrit dans la sémantique du désir. Cette
dimension proprement analytique de l'illusion, Freud l'a très
exactement délimitée à la fin du chapitre v de l'Avenir d'une
Illusion: • Il est caractéristique de l'illusion de dériver des désirs
1
• de l'homme... Nous appelons une croyance illusion, quand l'accom-
• plissement du désir est un facteur dominant de sa motivation, 1 j

'
tandis que nous ne tenons pas compte de son rapport à la réalité, l
tout comme l'illusion elle-même renonce à être confirmée par le 1 '
réel 7 • , Cette complicité entre remplissement de désir et invéri- 1
1

fiabilité constitue l'illusion. La différence entre l'illusion et le 1


d~li~e n'est plus alors que de degré : le conflit avec la réalité est 1
~
l
d1sstmulé da~s. l'illusion, il est ouvert dans le délire; quelques •
1
1
•1
croyances rehgteuses, remarque Freud, sont délirantes dans ce •
c

sens. 1 1
1' j
U!le seconde trame analogique se découvre ainsi : de la même 1
maruère que l'observance religieuse évoquait le cérémonial de J
J. (

5·. Da'e Zukunft einn Illusion (19~7). G. W. xtv. p . 325-380; The Future of an ! f
!!!usz~ï· ~· E: XX1• p. 5-56; tr. fr. V Avenir d•ame Illusion 0 Denoël et Stecle. • Le • c
d ~ ;~•.e~tt6~~ est pour noua la seule voie qui puisac mener à la connaissance
8 81
l •
e a r !t ~xu:dne~re... Vignorance est l'ignorance • aucun droit de croire quoi/ '

que ce soit n en ~rtve • G W XIV
6. • J'ai seuleme ·. • •
s E • f 8 6
• P·. 345-5i • • XXI, p. 31-32; tr. r., P· ..5· •
de mes grand5 ~d~t aJout~ un ~nam fondement psychologique à la crtttq~e

' -
de ta religion n~:vaitc~se':lnd ... Rten de ce que j'ai dit contre la valeur de vérat~ 1

d'autres bien avant qu':loln uhsecoun de la psychanalyse; cela avait été dit pat
. ·•· s·t on peut trouver un nouvel
8 psyc analyse n'existAt
argument contre la v~rité de 1 . . . 1
• tant pis (en franç.) pour 1 ~.r~hgton e!' apphquant la méthode psychnnalyttque, '.l
droit égal à se servir de 1a re sgton i mats les défenseurs de la religion Auront un s
affective des doctrines retiafsychanagse pour apprécier à aa valeur l'importance
37; tr. fr., p. 95 et too. euaes. • ·W. XIV• p. 358 ct 360; S . E. xxa. p . 35 et ~
1 1
1
:

7• G. W. xtv. p. 353·4; S. R. XXI p 31' tr fr p 8 "
' • t • •• • 2·4·
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• 1

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.........' -~·-· :=···-··- --------- ---·- -- ..........,.._.. ,. . . . ._... .- ,~. --.~-,-- .
1

1
l•j L'ILLUSION

'1 l'obsession, la croyance mue par le désir renvoie au remplissement


l 3 de désir dont le rêve est le modèle. L'Avenir d'une Illusion le dit
• •1 avec force: a Ici aussi, comme dans la vie onirique, le désir trouve

1 son compte (came into its own 8). » L'illusion marque le point de

~• rebroussement du fantasme vers son expression primaire.
• ~ La relation de la religion avec le désir et la crainte est certes un
.... ~

n
vieux thème: ce qui est propre à la psychanalyse, c'est de déchiffrer '
t
1

1
cette relation en tant que relation dissimulée et de rapporter ce •1
1
• déchiffrage à une économique du désir. L'entreprise est non seule-
1

1

e ment légitime, mais nécessaire; la psychanalyse ne s'y comporte


lt pas comme une variété de rationalisme; elle remplit son office
, propre. La question reste posée pour chacun de savoir si la destruc-
11

:s ~ tion des idoles est sans reste; cette question n'est plus de psycha- .
:e l1
nalyse. Freud, a-t-on dit, ne parle pas de Dieu, mais du dieu et
des dieux des hommes 8 ; ce qui est en cause, ce n'est pas la vérité
1
1
~ • 1
1
le du fondement, mais la fonction des représentations religieuses
rs dans la balance des renoncements ct des satisfactions par lesquels 1
l-
1 l'homme tente de rendre supportable sa dure vie. 1
n, 1 j


é, 1
Ce qu'il faut maintenant comprendre, c'est pourquoi l'écono-

le 1

1
mique de l'illusion requiert, plus encore que celle du surmoi, '1
1

'1- l'étape intermédiaire d'un modèle génétique et plus précisément
le 1 phylogénétique. Nous avons déjà souligné l'écart entre la religion
:st privée du névrosé et la névrose universelle de la religion; or la
es psychologie individuelle ne nous permet pas non plus de rendre
ce compte d'un autre écart; un abîme de sens sépare un fantasme
onirique - disons le rêve de zoophobie du petit Hans - et la
ne figure immense des dieux; l'Œdipe individuel n'y suffit pas. Il
de faut un Œdipe de l'espèce. Il faut le temps de J'histoire et la longue
l• enfance de l'humanité pour rendre compte de la puissance, de la
on ! solennité et de la sainteté du phénomène religieux, c'est-à-dire,
Le • dans le langage du Moïse 10... , du u caractère obsessionnel propre
lCe

1 au phénomène religieux 11 ».
UOI/

-6.
}Ue
' -
rit~ 8. G. W. XIV, p . 338; S. E. xxr, p . 17; tr. fr., p. 45·
par 9· Ludwig Marcuse, Sigmund Freud. Rowohlta deutscbe Encyklopldie,
.vel 1956, p. 6J.
ue, • 10. Dtr Mann Moses und dit monotl~istischt Religion, G. W. XVt p. 101•246;
un • S.E. XXIII, p. 7-137 ; tr. fr., Moise tl le Mo11otltéisme, Gallimard, Coll. • Les Esstùs •.
nee 1 La 1 ro ct la 2° parties parurent avant la Se~ onde Guerre mondiale dana la revue
,
• et t Imago (1937); la 3° partie parut A Londres en 1939.
:!
1
' 11. G. W. XVI, p. 208-9; S.E. XXUI, p. JO! j tr. fr., p. 155·
1

2JI

~

••
\

.......


ANALYTIQUE
• '
C'est pourquoi le même thè~e ne garde pas, de 1907 à 1939
le même coefficient épisté~ol~gtqu~; en 1 907, c'est une analogi~ fi gu
dont le sens ultime reste mdetermmé; en 1939, prétend Freud, • 1
est
c'est une identité historiquement démontrée. Toutes les recherches i. la c

tiOil
ethnologiques et historiques. qui. séparent les deux .textes n'ont
une
qu'un but : transformer en tdenttté la double analogte de la reli-
asse
gion avec la névrose, d'une part, avec l'accomplissement onirique moi

du désir, d'autre part. pos.
1
.
1 •
unp
• •
mqt
est ·
2. L'ÉTAPE GÉNÉTIQUE DB L'EXPLICATION : ~
mag
TOTÉMISME ET MONOTHÉISME l
·~
1
des .
de d
• mat:
La genèse de la religion di~ère de la. genèse de l'interdi~ti?n, le p
t •
en ceci qu'elle est la genèse d une assertiOn portant sur la reahté, • amn

et non plus seulement la genèse d'une institution psychique. mqt •
C'est pourquoi le concept de projection y tient la même place que qlll
celui d'introjection dans la genèse du surmoi; c'est aussi la raison des J

pour laquelle il faut remonter au-delà du totémisme lui-m~me facti


pour retrouver le point initial de ce processus de la projection. men
•• sera
Dans le chapitre III de Totem et Tabou, Freud applique à l'his- 1
toire des religions une grille de lecture qui n'est pas sans rappeler Ct
i• •
CISm
la loi des trois états d'Auguste Comte : u A en croire les auteurs, l
l'hl;lmanité aur~t, da~ le cours des temps, connu success~vement il y

trotS [...] systemes mtellectuels, trois grandes constructaons d~ ma1s
~onde : conception animiste (mythologique), conception reh-
J' J
l'acti
rapp•
.~
gacuse et conception scientifique 12. » Pourquoi ces trois étapes?
magJ
Il .n'est. p~ douteux que le choix de cette séquence historique ne est e
SOit gu~de, dès le début, par des considérations psychanalytaq~es;
sance
ces tr~ts ~tats correspondent en effet à trois moments exemplrures •
mtua •
de l'hastoare du désir : narcissisme - choix d'objet - principe prob
de réalité. ' '
sance
L'inte~ention de la psychanalyse, dès la sélection des matériaux
e~hnologaqucs, est si manifeste que, pour établir à son prem~er
mveau _la correspondance entre histoire de la religion et histoare IJ.
du ~és~r, _Freud est ~bllg~ de privilégier une phase pré-animiste
14.
IS.
de 1antmisme, ou ammatlsme, où ne se discerne encore aucune rats q
croyance expresse aux esprits, donc aucune projection dans des obsessi
Psych•
J6.
Totem et tabou, G. W. ur, p. 96; S.E. xm, p. 77; tr. fr., p. 109.
j •

--
L
••
L'ILLUSION

figures transcendantes. Freud avoue que le support ethnologique


.
'1
est mince; mais cc premier stade lui permet d'assurer au départ
.' la correspondance entre les deux séries : a Cette première concep-
i•

tion du monde par l'humanité, écrit-t-il audacieusement, est
une théorie psychologique 13• >> Pour donner quelque crédit à cette
assertion, il faut admettre que c'est cette première conception du
• monde qui s'exprime encore aujourd'hui dans la magie; Freud
l
f pose que « la magie constitue la partie la plus primitive et la plus
.
1 importante de la technique animiste 1t >> ; or la magie est une tech-
i
l nique du désir. Cette technique, dont la description principale
est empruntée à Frazer, montre en clair, sous sa double forme de
~
magic imitative et de magie contagieuse, ce que l'Interprétation
( des Rêves et la théorie de la névrose obsessionnelle avaient permis
•• de désigner du non de « toute-puissance des idées » ou de a suresti-
\ mation du processus psychique » : « En résumé nous pouvons dire :
1,
le principe qui régit la magie, la technique du mode de pensée


animiste, est celui de la toute-puissance des idées 16• » Cette tech-

•• nique, on l'a compris, est le témoin attardé du processus primaire
• qui était seulement postulé dans le chapitre vu de l'Interprétation
des Rêves. C'est ici que le désir interfère avec la réalité : la satis-
••. faction quasi hallucinatoire du désir marque le primitif empiète-

ment du désir sur la réalité; désormais le sens vrai de la réalité


•• sera conquis sur cette fausse efficace du désir.
l Ce parallélisme ne va pas sans difficultés: le rapport entre narcis-
cisme et toute-puissance des idées n'est pas très convaincant;
il y a bien surestimation de la valeur du moi dans le narcissisme,
mais non à proprement parler surestimation de son efficacité;
l'action magique, de son côté, est un rapport au monde plus qu'un
rapport à soi; en sens inverse, on ne voit pas quels traits de l'action
magique justifient l'affirmation que « chez le primitif, la pensée
est encore fortement sexualisée, d'où la croyance à la toute-puis-
sance des idées 16 ».Par contre, ce qui me paraît très fort dans cette
intuition initiale de Freud, c'est d 'avoir aperçu que la première
problématique religieuse est une problématique de ]a toute-puis-
sance; il était naturel qu'une psychanalyse de la religion cherchât
.1
1 13. Ibid.
14. G. W. JX, p. 97; S.E. xnr, p. 78; tr. fr., p. ru .
1 15. G. W. JX, p . Jo6; S. E. Xlii, p. Ss; tr. fr., p. 120. C'est l'Homnu ara
rats qui a suggéré à Freud cette expression (cf. Remarqru-s sur un cas de nlvros•
obsessionnelle, 1909), G . .W. vu, p. 450-3; S. E. X, p. 233-6; tr. fr. in Cinq
Psyc,analyses, p . as1-3. ·. •
r6. G. W. JX, p. 109; S. E. xm, p. 90; tr. fr., p. 126-7.

1
• 233


--·-- ------ -·-···- -··- --.. -- ---·- .

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ï
ANALYTIQUE .J •
1
.f
dans un régim~ du d~ir !'_éq~ivalent de cette l?ro.blématique. •!
Une fois admtse la séne d eqUJvalences- pré-ammtsme, toute- '1

n•
1
pl
puissance de la pensée, narcissisme - qui fou~nit la première , i

assise de la théorie, la loi de développement est cla1re : elle consiste ..••


tl (s
essentiellement en un déplacement de cette toute-puissance qui 1 di
d'abord appartient. ~u dés.ir; ~sprits de l'animi~~e pr?pr~ment ta
le
dit dieux de la rehg1on, necess1te nue selon la VISIOn sctenttfique 1 tJC

du' monde, jalonnent une autre his~oi~e, ~ell~ de la libid?,, qui du '
j rn
1
narcissisme s'élève vers le stade d obJectivatiOn caracténse par la l'i
fixation aux parents, pour s'accomplir dans la maturité génitale, l
de
1 ti•
où le choix de l'objet est subordonné aux convenances et aux J
:• qt
exigences de la réalité 17• Ce parallélisme permet de considérer l'his- 1 ce
toire correspondante de la religion comme celle d'un dessaisissement, er.
1 tu•
d'une renonciation à la toute-puissance. En ce sens, cette histoire 1
• UJ
marque le cheminement de l'Anankè, de la Nécessité opposée au rn
narcissisme humain. Mais pourquoi cet abandon n'est-il pas un le
dessaisissement au profit de la nature, au bénéfice de la réalité? til
qi
C'est ici qu'il faut introduire un nouveau mécanisme, celui de •
a'
la projection 18, dont le modèle est fourni par la paranoïa. Freud '
cc
• ea

1
• es
17. G. W. IX, p. 109; S. E. xm, p. 90; tr. fr., p. 126 ~7. i. d~
18. G. W. IX, p. IIJ~Is; S. E. xm, p. 92~94; tr. fr., p. 129~132. Freud a 1 n• •
~laboré, dans la 38 section du Cas Sclm:ber, la théorie de la projection. Cf. ' de

R emarqzas Psychanaly tiques sur le récit autobiographique d'un cas de paranola ) el!
(démmtia paranolik) (1911), G. w. VIII, p . 294~JI6; s . E. XII, p. s8~79: tr. fr. in
:i•

• •
pi
Cinq Psychanal)•ses, p. 304~321. Ce texte représente sa plus importante contribu- ét
tion à l'~tudc de la projection, et plus précisément de la projection dans un thème ~ (i
religieux. Mais, dans le schéma qui est ici proposé de la genèse de la paranoïa. 1 rn
la fonction de la projection est mieux élucidée que son mécanisme, lequel reste. J lo
pour Freud lui-même, énigmatique. Sa foncti on, en effet, est claire : si l'o n admet •
C'
que le noyau initial du cas Schreber est une impulsion homosexuelle d irigée 8'1
vers le père, puis, par transfert, vers le médecin traitant, les deux principaux pl
mécanismes mis en jeu sont le • retournement dans le contraire • qui transforme 1 rn
l'objet aimé en objet de haine et remplace l'impulsion homosexuelle par le délire •1
• et
de persécution sexuelle (fantasme d'émasculation) et la • projection • qui consiste 1 nJ•
dans le remplacement de Flechsig (le médecin) par • la plus haute figure de Dieu • l
è.
Ct.r. fr.• p. 295). La fonction ~conomi que de ce remplacement est claire : la • théo-- '
•' tô
dicée 1 que cette figure engendre transfonne le fantasme d'émasculation en fon- bi
t
t~"!e de fé~inisation et fait du sujet lui~même un rédempteur par la volupté : P<
amst • le mo1 est dédommag~ par le délire des grandeurs, cependant que le fon- LI
~me de désir.fé~inin se fait jour et devient acceptable • (o. c., p. 296). La fonc- • qt
tJon de la proJ«:ctJon eat donc de rlconciliation : • l'ascension de Flechsig 1 l J q\

Dieu, lui pennet de • se réconcilier avec la persécution • • d'accepter le fantasme ' C<l
de désir qui avait d~ ~tre refoulé 1 (ibid. ) . Mais le mé~nnisme de ln projection p.
eat ai~Rulièrement. plus obscur que son rôle : l'appartenance de Flcschsig et C()

d~ .• ~1eu schrebenen • l une même série suppose une identification suivie d'UJ?C pe

div&Ssoo, par laquelle le pemcuteur se scinde en deux personnes. Dieu et FlechaJB 1 IJC

234 •

1
1
-•••~'-'..iëa4.atf",.,I'Ot• --.--··--·...··-·• .,......,.....-····---·--··------· - - -
....... ..~.Aa-.•··-=--···
Laa-..-..-

'
·i
!
ï
1
J o ' L'ILLUSION
.f
' 1!
•• ne nous donne pas ici une théorie totale de la projection; il la

• 1

prend au moment où elle fournit une solution économique à un '
\ 1
;

'•
1
(sans compter les ~i-partitio'!s .des figures divines elles-!_'l!mes) : c 'f:Jn~ .telle '!
1\ division est tout à fatt caracténsttque des psychoses paranosdes. Celles-cs dsVJsent
1 tandis que l'hystérie condense. Ou plutôt ces psychoses résolvent à nouveau en •
1

1 leurs éléments des condensations et des identifications réalisées dans l'imagina- 1 0

l 1
tion inconsciente. • (p. 297). Or la suite de l'étude ne permet pas d'élucider ce '
1
1

l mécanisme. Le chapitre III est animé par une préoccupation différente : établir
1
• l'étiologie sexuelle de la paranoïa; il faut donc mettre à nu la composante érotique 1
des facteurs sociaux (humiliation sociale, etc.), rattacher cette composante éro- •
~ tique au stade narcissique du choix objectal et ainsi découvrir la c proposition •
.,•
J 0 que le délire de persécution vient • contredire •; cette proposition initiale est
! celle-ci : c Moi (honune), j'aime lui (homme) •; dans la persécution, elle s'inverse
i
·1
1
en : • Je ne l'aime pas, je le hais •,- proposition qui est une des trois ou quatre solu·
tions possibles par lesquelles la proposition initiale peut être contredite; avec
une habileté merveilleuse, Freud place ainsi la persécution parmi les autres 1
'' modes de contradiction de la proposition initiale : le délire de jalousie contredit
" le sujet, le délire de persécution le verbe, l'érotomanie le complément, la sures- '•
timation sexuelle Ja proposition entière. Mais, au moment de nous dire enfin en
quoi consiste la projection qui se joint au retournement dans le contraire, Freud
'1
avoue son embarras; certes, nous pouvons décrire la projection : • En ce qui 1
'
concerne la formation des symptômes danlt Ja paranoïa, le trait le plus frappant
0
:
est cc processus qu'il convient de qualifier de projection. Une perception interne
1
0 est réprimée et, en son lieu et place, son contenu, après avoir subi une certaine •

"'
0

1
déformation, parvient à la conscience sous forme de perception venant de l'exté-
rieur. Dans le délire de persécution, la déformation consiste en un retournement
de l'affect; ce qui devrait être senti intérieurement conune de l'amour, est perçu
''

'
0

)

extérieurement conune de la haine. • (p. 311). Mais la projection ne coïncide
•••
~
pas avec la paranoïa ; son concept est tantôt plus étroit, tantôt plus large; plus

,• étroit, car • elle ne joue pas le même rôle dans toutes les formes de paranoïa •
.• , (ibid. ); plus large, car • elle n'apparaît pas seulement au cours de la paranoïa,
1 mais dans d'autres conditions psychologiques encore • (ibid. }, par exemple
lorsque nous attribuons une cause: extérieure à nos impressions subjectives•
•\ C'est pourquoi Freud dit textuellement : • Ainsi rendus attentifs à ce fait qu'il
s'agit, si nous voulons comprendre la projection, de problèmes psychologiques
plus généraux, nous remettons à une autre occasion l'étude de ln projection et du
même coup celle du mécanisme de la formation des symptômes paranoïaques
•1 et en reviendrons à cette question : quelle idée pouvons-nous nous faire du méca-
1 nisme du refoulement dans la paranoïa? Je dirai dès maintenant que nous avons
l
: à juste titre renoncé temporairement à l'investigation de la formation des symp-
' tômes car nous l'allons voir : le mode qu'affecte le processus du refoulement est
bien plus intimement lié à l'histoire du développement de la libido et à la p~dis­
position qu'elle implique, que le mode de la forrru1tion des symptômes. • (p. 311.)
La psychanalyse est en effet plus à son aise avec le mécanisme du refoulement
qu'avec la formation des symptômes par projection. C'est même à cette occasion
que freud donne la plus claire analyse des trois étapes du refoulement : fixation,
contre-investissement, régression au point initial de la fixation (voir ci-dessus,
p. 127). C'est pourquoi le résultat le plus clair de l'analyse du ras Sdmb<-r
concerne • le mécanisme de la régression proprement dite qui p~vaut dans la
0


1
paranoïa • (p. 313), à savoir la fixation p~alable au stade narcissique et la ~grea­
•' sion dont lo degré est • meaur~ par lo chemin quo la libido doit parcourir pour


\
235 1
'

•1

.,
··-- ···....__- . __ _,.
. ·- -· --·- ------···..--~U.oàl~

.• 'l

1
ANALYTIQUE
1
. l•
conflit d'ambivalence comparable à celui que nous avons décou- i
tue
vert dans la conduite du deuil. Mais alors que la méJancoJie intro- de
jctte la haine jadis mêlée ~ l'a~our et la retourne contr.e le moi, '



SlO:
la para~oï~ pr?jette vers 1ex~éneu~ les pr?cessus psychtqu.es .du 'J
1 r

moi. Amst natssent les espnts : tls procedent de la proJeCtion 1
de
1
dans ]a réalité de nos propres processus psychiques, tant présents •' sur
i
que latents, tant conscients qu'inconscients 19• •. por
Il est vrai que la projection ne rend pas compte du caractère • 1•
l en
systématique de l'animisme, en tant que première théorie complète j
1 noy
du monde : nous invoquerons alors 20 un mécanisme annexe, et :
emprunté cette fois à Ja théorie du cc travail de rêve », mais illustré î con
aussi par Ja paranoïa, celui de l'élaboration secondaire, ou mieux • cell
du u r~maniement » ( Bearbeitung) secondaire; cette rationalisation mOJ
interne au travail du rêve, de~tinée à lui donner une apparence cett
d'unité, de cohérence et d'intelligibilité qui le rende acceptable, tibl
a son pendant, du côté de la religion, dans le travail de justification Esg,
que nous appelons superstition. Dans les deux cas, il s'agit d'un d'O
écran interposé entre la connaisance et la réalité, d'une construc- l'in:
tion provisoire qu'il faut percer à jour pour atteindre le fond conflic- mot
1 reli1
1 défi
revenir de l'homosexualité sublimée au narcissimze • (p. 316). Quant à la formation
des symptômes, Freud lui-même nous avertit que nous n'avons pas le droit de
supposer qu'elle c suive nécessairement la même voie que le refoulement • (p. JIO).
·! prol
obt(
On le comprend: le retour du refoulé est une chose, la projection en est une outre;
1
c ce que 11ous prcno1u pour de la productio11 morbide, la fonllation du délire, est en ' 21
'•
rlalité la tmtative de guérison, la reconstruction • (p. 3 1 s). Ce processus 1 supprime quel•
le refoulement •, en restaurant par le dehors, par le détour de l'extériorité, de la ' • •
tl tl el
transcendance, les objets perdus. Et Freud de conclure : ce processus 1 s'accom- et d'
plit dans la paranoïa par la voie de ln projection: il n'était pas juste de dire que le ' •
&Jonr
. •
ratio .
sentiment réprimé au-dedans fût projeté au-dehors; on devrait plutôt dire, noua '
le voyons à présent, que ce qui n été aboli au-dedans revient du dehon . L'inves- •' di ver
tigation approfondie du processus de ln projection, que nous avons remise lt une 1 22
autre fois, noua apportera sur cc point des certitudes qui noua manquent encore • aeul•
(J rs). - On ne saurait donc dire que le cas Schreber explique la projection; il Cett<
la circonscrit seulement. En outre il laisse intacte ln question de savoir si la genèse der J
de cette caricature de Dieu qu'est le 1 dieu schreberien • livre le secret complet p. 1(

des .• forces édificatrices des religions •, comme le prétend l'Appt:ndice A cet Petit
essas. L'honune est capable de religion, comme de névrose disions-noua; ajou- 1 peuvc
.•
tons : il est capable de religion, comme de paranoïa. Cette ~roposition, - consi- •
plusic
dérable, en vérité, - est une question qui ouvre, plutOt qu'une réponse qui attest
ferme. du co
19. Le rapprochement est accrédité, d'une part par le rOte attribué A t'ambi- i• PUÎSS!
est p:
valence, dont l'interprétation du tabou nous a révélé l'importance, d'outre part l

par la parenté entre les • esprits • et les morts i or noua connaissons aussi ln gravité Ainsi
des conflits affectifs sur fond d'ambivalence que la mort dea êtres aimés révèle
chez les survivants.
1 :&J,
~.

ao. G. W. IX, p. 116-9; S. E. xm, p. 94·7; tr. fr., p. 13:1-6. vue d


1
••
. i


. •! •
\

J L'ILLUSION 1

l
tuel· car cette rationalité apparente est elle-même un instrument
J de 1~ stratégie du désir, un facteur supplémentaire de la distor-

sion 21• •

j Tels sont les mécanismes fondamentaux - toute-puissance
1 •
de la pensée et projection de cette puissance dans la réalité -
sur lesquels viennent s'articuler les nouveaux mécanismes contem-
porains du complexe d'Œdipe 22• Ce que le totémisme apporte
. l• ~ en propre, c'est le thème de la réconciliation. On se rappelle que le
j
:
noyau proprement ethnologique, selon le chapitre IV de Totem

et Tabou, est constitué par le repas totémique, expression de la
1 commensalité du dieu et du fidèle. Or, nous dit Freud, c'est la
• cellule initiale d'où procèdent u organisation sociale, restrictions
morales, religion 23 )), Qu'est-ce qui est proprement religieux dans
cette institution, dont nous n'avons considéré que les aspects suscep-
tibles d'être intériorisés sous forme d'instance intrapsyehique?
Essentiellement le sentim~nt de culpabilité, hérité du complexe
d'Œdipe. De la nébuleuse initiale, trois foyers se sont détachés:
l'institution sociale procède du pacte entre les frères, l'institution
morale de l'obéissance rétrospective qui en résulte; quant à la
1 religion, elle a pris pour elle la culpabilité: désormais nous pouvons
1
définir la religion comme la suite des tentatives pour résoudre le
'l problème affectif posé par le meurtre et la culpabilité et pour
obtenir la réconciliation avec le père offensé 24•
1 21. Dana les dernières pages du 3e Essai de Totem et Tabou Freud atténue

quelque peu son interpr~tation pathologique de l'animisme: la motivation supers-
titieuse offre aussi un c déguisement • pour d'authentiques facteurs de culture,
l
et d'abord pour l'interdiction, • ai [du moins], nous prenons le refoulement pul-
' sionnel pour mesure du niveau de culture atteint •; de la même manière, la
. rationalisation magique recouvre des intentions esthétiques et hygiéniques
••
diverses .
i 22. • Dans cette obscurité, l'cxp~rience psychanalytique ne projette qu'un
i seul et unique rayon de lumière. • G . W. IX, p. 154; S. E. Xlii, p. 126; tr. fr., p. 176.
} Cette fois, c'est le petit Ham qui fournit le chaînon indispensable; cf. c A11alyse
(
der Phobie ei11es fünfjtilm"gcn Knabcn (1909). G. W. vu, p. 243·377: S. E. X,
p. 100·147: tr. fr. Analyse d'une phobie che:: un petit garço11 de citrq ans (ù
4 petit Hans), in Cinq Psychanalyses, p. t6S·I97· Les matériaux psychanalytiques 1
• peuvent paraître dispiU'lltes : paranoïa d'une part, phobie de l'autre; mais il y a 1
1
•• plusieurs symptômes qui font transition; la zoophobie du malade de Ferenczi 1

• atteste le rôle de la peur de castration, laquelle porte sur l'élément narcissique


du complexe d'Œdip c; or le narcissisme a été trouvé associé au thème de la toute-
~ puissnnce des pensées dnns l'animisme: d'autre part, l'ambivalence œdipienne
1 est parente de l'ambivalence dont la projection paranoïaque est une solution.
'l• Ainsi est assurée la transition entre le 111° et le lvi' Essai de Totlm ft Tabou.
1
23. G . W. lX, p. 171; S.E. Xlii, p. 142; tr. fr., p. 196.
a4. • Toutes les religions ultérieures oc sont qu'autant de tentatives fwtes en
l vue de résoudre le meme problème... toutes repréaentent dea ~actions, viaant
1
237
. 1


- - · -.. .... - -... -a ,.À.,...._ ............-.,............
.................... y ....... w..................................:.aww-oa--.t.,-_w;.a~:~aM.ti'Ai!\i

ANALYTIQUE

Ce n'est pas encore tout. Le repas totémique nous permet fan·


d'ajouter un trait supplémentaire à ce tableau : toute religion n'est cet l
pas seulement repentir, mais commémoration déguisée du triom- •
.,• pré
phe sur le père, donc révolt~ filiale diss!~ulée; ~ett.e révolte filiale •
Fre
se déguise sous d'autres traits de la rehg10n, prmc1palement dans
a la tendance du fils à prendre la place du dieu père ». a Parmi
1 reli•
dép
toutes ces religions du fils, le christianisme a évidemment une du
place de choix; le Christ, c'est 1~ ~ls qui en sacrifiant .sa propre vie de :
libère tous ses frères du péché or1gmel. » Dans ce sacnfice, les deux • rep:
1 •
1
traits de l'ambivalence se retrouvent : d'un côté la culpabilité 1 ra ti•
du meurtre du père est avouée et expiée; mais en même temps le satt,•
{
fils devient lui-même dieu, substituant sa religion à celle du père; de 1
la résurgence du repas totémique dans l'eucharistie exprime bien J
cette ambivalence : ce qui est signifié, c'est à la fois la réconcilia- .,1 •
c
tion avec le père et la substitution du fils au père dont le fidèle • att 1
goûte la chair et le sang 26• •• non
Ce qui est frappant, dans cette histoire, c'est qu'elle ne constitue • pré<

pas une avance, une découverte, un progrès, mais la sempiternelle ••



pou
• de .
répétition de ses propres origines; à proprement parler, pour Freud, 1 '
il n'y a pas d'histoire de la religion : son thème, c'est l'indestruc- 1 de ~
tibilité de ses propres origines 26 ; la religion est précisément le 1

d'ex
lieu où les constellations affectives les plus dramatiques se révèlent J à la
indépassables; sa thématique est par excellence archaïque : elle ' celi<
1
parle de père et de fils, de père tué et regretté et de fils repentant J mor
J ]ah1
et révolté; elle est à ce titre le lieu du piétinement émotionnel. 1
1

C'est pourquoi les lacunes de cette histoire sont par principe !


'1•
il n'
inessentielles. Totem et Tabou en avoue deux : Freud admet que •
prét
1
le passage du totem au dieu enveloppe « d'autres origines et J
• faud
significations sur lesquelles la psychanalyse est incapable de pro- une
jeter une lumière quelconque 27 »; ce passage sera en partie comblé J l à l'
dans Moïse et le Mo11othéisme; d'autre part le rôle des divinités 4 glori
maternelles, aperçu pourtant dans le Léonard, à l'occasion du j relig
,1
fiert•
Je même but, dirig~es contre Je grand ~vénement (Begebenhût) par lequel la • ou' sc
civilisation a débuté et qui depuis lora n'a pas cessé de tourmenter l'humanité. 1
G. W. IX, p. 175; S. E. xm, p. 145; tr. fr., p. 199-200.
,1
'
auss:
tout

25. G . W. IX, p. 184-6; S.E. xm, p. 152-5; tr. fr., p. 209-213. ,1 de d

26. • C'est ainsi que le souvenir de ce premier grand acte de sacrifice s'est •
avéré indestructible. 1 G. W. JX, p. 182; S.E. xm, p. 151; tr. fr., p. 208.
27. G . W. IX, p. 177-8; S. E. xm, p. 147; tr. fr., p. 203; l'humanisation de la ••• ' 28.
figure du dieu, d'abord dissimul~e dans les traits animaux, est déjà un retour do 1
29.
, its D1
la figure du père qui pose un problème fort complexe : Freud y voit un effet du • Steclc
renforcement de l'amour du père, lorsque le clan fraternel, pour survivre, doit ""J JO.
dder la place à la socié~ patriarcale. •

l
•.
,.
~


l

L'ILLUSION
1
~ fantasme de la mère phallique, reste obscur : « Où se trouve dans
l
0
0

0'
cette évolution la place des divinités maternelles, qui ont peut-être
précédé partout les dieux pères, c'est ce que je ne saurais dire 28• o

Freud est beaucoup plus intéressé par l'aspect répétitif de la
'1

religion. Toute-puissance de la pensée, projection paranoïaque,
déplacement du père sur l'animal, répétition rituelle du meurtre
du père et de la révolte filiale constituent le fonds « indestructible »
1 de la religion. On comprend pourquoi Freud a déclaré à maintes
1 reprises que la religion naïve est la vraie religion; la théologie
j
l
rationnelle et la dogmatique ne peuvent être que des « rationali-
• sations » qui ajoutent à la distorsion, loin de rapprocher la religion
i 1
de la raison et de la réalité 29•
J
1 1 On peut s'étonner dès lors que Freud ait passé tant de temps,
·1• ait pris tant de soin à composer une nouvelle histoire des origines,
••
1
••
non plus au niveau du totémisme, mais du monothéisme, plus

précisément du monothéisme éthique du peuple juif. Il ne faut
••
pourtant pas attendre de ce livre une rectification quelconque
0
• de Totem et Tabou, mais un parachèvement et un renforcement
t
\ de sa théorie répétitive et régressive. Bien plus, ce livre a valeur
1 d'exorcisme. Il marque le renoncement du Juif Sigmund Freud

1
à la valeur dont pourrait encore se prévaloir son narcissisme,
1
celle d'appartenir à une race qui a engendré Moise et transmis au
1
i monde le monothéisme éthique. Mais si Moïse est Égyptien et si
J
lt
Jahvé n'est que la sublime résurgence du père de la horde, alors
'•
il n'y a plus rien que le consentement à la dure nécessité, face aux
prétentions du narcissisme et du principe de plaisir. Peut-être
ll' faudrait-il ajouter que Moise représentait pour Freud lui-même

une image de père, cette même image qu'il avait déjà affrontée
à l'époque du Moïse de Michel-Ange,· ce Moise, il fallait le
glorifier comme fantasme esthétique et le liquider comme fantasme
religieux. On peut deviner ce qu'il en a coûté à Freud de heurter la
fierté juive, au moment même où la persécution nazie se déchaînait,
où ses livres étaient brûlés et sa maison d'édition ruinée, au moment
1 aussi où lui-même devait fuir Vienne et se réfugier à Londres : •
!:
1 tout cela a dû représenter pour l'homme Freud un terrible u travail J

J de deuil 30 »• 0 •

• • •'
1

• a8. G. W. IX, p. 18o; S. E. xnr, p. 149: tr. fr., p. aos.


' 29. Das Unbeltagen in der Kultur (1930), G. W. XIV, p. 431: Civili'~alion and
, 1
its Discontetlts, S. E. XXI, p. 74; tr. fr. il1alaise datu la civilisation, Denoël ct
• Steele, p. 12. '
01 30. Lo Mols•... commence par cette grave d~claration : c D~posa~der un peuple


2J9

1

ANALYTIQUE

Quel est le thème du Moise ? Il s'agit « de se faire une opinion ,


erne
bien fondée sur l'origine des religions monothéistes en général 31 >>. mo<
Il faut donc reconstituer avec quelque vraisemblance l'événement 1•
s,ali
d'un meurtre qui serait au monothéisme ce que le meurtre du père tem
primitif avait été au ~otémisme, et qui jo~erait .à l'~gard de ce c
dernier le rôle de re1ats, de renforcement, d amphficat10n. pre1
Le nombre des hypothès~ hasardeuses de ce livre est impres- null
sionnant. La première hypothèse est celle d'un Moise égyptien · l'int
sectateur du culte d'Aton, dieu éthique, universel et tolérant. ou (
Malheureusement, ni les présomptions tirées du nom de Moïse, ••

'
rela·
ni celles que suggère le récit de sa naissance, ni même l'origine dou
égyptienne de la circoncision ne donnent beaucoup de crédit à ' 1
refo
l'hypothèse d'un Moise égyptien. d'ur

Deuxième hypothèse : celle même du monothéisme d'Aton, psyc
qui aurait été construit sur le modèle d'un principe pacifique, le tiqu
fameux Pharaon Ikhnaton, et que Moïse aurait imposé aux tribus •
l'en1
sémites. Or, à supposer que la religion d'Aton et la personnalité reco,
fascinante d'Ikhnaton ne soient pas l'une et l'autre surestimées, spec
il est douteux qu'elles aient un rapport quelconque avec la reli- 1 frag.
1
gion hébraïque. la rn
Troisième hypothèse : leu héros» Moise, au sens d'Otto Rank requ
- dont l'influence est considérable ici - , aurait été tué par le théü
peuple et le culte du dieu de Moise se serait fondu dans celui de fût 1
••
Jahvé, dieu des volcans, sous le déguisement duquel le dieu de ' bilit·
Moise aurait dissimulé son origine, et le meurtre du héros tenté ! chri~
'
de se faire oublier. Malheureusement, l'hypothèse d'un meurtre i L•
de Moïse, suggérée par Sellin en 1922, dans un contexte géogra- cette:
phique et historique tout différent, a été abandonné ultérieurement t sur .
1 •
par son auteur. Elle contraint en outre à dédoubler Moise, celui '
l pnm
1 •
du culte d'Aton et celui du culte de Jahvé, hypothèse qui ne ntr •
J.
trouve aucun appui chez les spécialistes. 1
relig
Quatrième hypothèse : les prophètes juifs auraient été les arti- SOUr•
sans du retour du dieu mosaïque; sous les traits du dieu éthique ' un c
aurait resurgi l'événement traumatique lui-même; le retour au le r (

dieu mosaïque serait en même temps le retour du traumatisme ancH
refoulé; nous tiendrions ainsi le point où coïncident une résurgence coup
sur le plan des représentations et un retour du refoulé sur le plan {
• re bel

• • pr1m
de l' homme qu'il célèbre comme le plua grand d'entre aea fila est une tAche sana
agrément et qu'on n'accomplit pas d'un cœur l~ger, surtout qunnd on appartient
soi-meme à ce peuple. • G. W. XVI, p . 103; S. E. xxm, p. 7; tr. fr., p. 9
.• ,

33•
notre
(dernier membre de phrase omis), aurve1
31. G. W. XVI, p. 113; S.E. xxm, p. z6 tr. fr., p. aa. t rcligi(



1
\

l
1 L'ILLUSION

émotionnel : si le peuple juif a fourni à la culture occidentale son



modèle d'auto-accusation, c'est que son sens de la culpabilité
s'alimente au souvenir d'un meurtre qu'il s'est employé en même
temps à dissimuler.
j
C'est peut-être avec cette quatrième hypothèse que l'on sur-
• prend le mieux le mécanisme de pensée de Freud : Freud n'est
nullement intéressé par le progrès du sentiment religieux. Rien ne
l'intéresse dans la théologie d'un Amos ou d'un Osée, d'un Isaie
ou d'un Ézéchiel, ni dans la théologie du Deutéronome, ni dans la

''• relation entre le prophétisme et la tradition cultuelle et sacer-
'• dotale, entre le prophétisme et le lévitisme. L'idée du u retour du

refoulé >> l'a dispensé d'une herméneutique qui ferait le détour
• d'une exégèse des textes et l'a précipité dans la voie courte d'une
psychologie du croyant, bloquée dès le début sur son modèle névro-
tique; mais le plus étonnant est sans doute l'idée directrice de

l'entreprise elle-même : si Freud s'est engagé dans la voie de la
reconstruction historique, en un domaine où il n'était aucunement
spécialiste (Moïse et le Monothéisme représente seulement le
fragment d'une œuvre immense où Freud projetait d'appliquer
la méthode psychanalytique à la Bible entière!) c'est que la doctrine
(
requérait à ses yeux un meurtre réel; pour lui, le passage au mono-
théisme exigeait 32 la rénovation du meurtre lui-même, afin que
fût renforcée et sublimée la figure du père, augmentée la culpa-
•'
' bilité, exaltée la réconciliation avec le père, et, plus tard, avec le
l christianisme, magnifiée la figure substituée du fils.
1 Le monothéisme juif prend ainsi la relève du totémisme dans
cette histoire du retour du refoulé. Le peuple juif a renouvelé
j
sur la personne de Moïse, éminent substitut du père, le forfait
; primitif. Le meurtre du Christ est un autre renforcement du souve-
1 nir des origines, tandis que Pâques ressuscite Moise. Enfin, la
J,
1
religion de saint Paul achève ce retour du refoulé, le ramène à sa
source préhistorique, en lui donnant le nom de péché originel :
f
• un crime avait été commis envers Dieu et la mort seule pouvait
j'
le racheter. En même temps Freud reprend ici son hypothèse
ancienne de la révolte des fils : le Rédempteur a dû être le principal
coupable, le chef de la horde des frères, le même que le héros

'{
' rebelle de la tragédie grecque. u Avec lui faisait retour le père '
• primordial de la horde primitive, transfiguré, il est vrai, et ayant,
• 3:1. • Le meurtre de Moïse plU' son peuple•.. est une pièce indispensable de
••
notre construction et cunstituc un lien important entre l'événement oublié
survenu à l'époque primitive et sa réapparition ultérieure sous la fomte des
religion a monothéistea. • G. W. xvr, p. 196; S. E. XXIII, p. 89; tr. fr., p. 137•



- ........
....,,~~

J
1

1 •
ANALYTIQUE i
l•

33
en tant que fils, pris la place de son père » Seule la réitération
• '1
1 d
d'un meurtre réel permettait d'obtenir cet effet de renforcement . V•
auquel Freud attribue le passage du totem au. dieu. . . . l
•!• n
C'est pourquoi Freud n'est aucunement d1sposé à mmimtser la •
>
• p.
réalité historique de cette chaîne d'événements traumatiques : J
c
u La collectivité, comme l'individu, admet-il, garde sous forme de
1
et
traces mnésiques inconscientes les impressions du passé 34 »;
u l'universalité du symbolisme du langage» est, pour Freud, beaucoup
1 re
pl
plus une preuve des traces mnésiques des grands traumatismes de •
' rn
l'humanité 36 que l'incitation à ~xplorer d'autres dimensions du ..: pt
langage, de l'imaginaire, du mythe. La distorsion de ce souvenir !
siJ
est la seule fonction de l'imaginaire qui soit explorée. Quant à
",1 '1 dé
cette hérédité elle-même, irréductible à toute communication j et
directe, elle est certes embarrassante, mais elle doit être postulée, l'
1

reJ
si l'on veut franchir« l'abîme qui sépare la psychologie individuelle •
m~
de la psychologie collective [... et] traiter les peuples de la même en
manière que l'individu névrosé ... S'il n'en est pas ainsi, renonçons rel
donc à avancer d'un seul pas dans la voie que nous suivons, aussi éc<
bien dans le domaine de la psychanalyse que dans celui de la j do
psychologie collective. L'audace est ici indispensable 36 >>. On ne • pu
saurait donc dire qu'il s'agisse là d'une hypothèse accessoire; Freud la 1
y voit un des tenons qui assurent la cohésion du système : •
et ·:
• Une tradition qui ne se fonderait que sur des transmissions orales 1
ne comporterait pas le caractère obsédant propre aux phénomènes dar
religieux 37 »; il ne peut y avoir un retour du refoulé que si un évé- not
nement traumatisant a eu lieu. pro
ceh,
me,
3· LA FONCTION ÉCONOMIQUE DE LA RELIGION mo:
con
L'interprétation freudienne de la religion va nous offrir une ce<
dernière occasion de montrer comment herméneutique et écono- • c
mique s'articulent dans la métapsychologie freudienne. Les ' n'y
33· G. W. XVI, p. 196; S.E. XXIII, p. 90; tr. fr., p. 138. dan:
34· G. W . XVI, p. 201; S. E. XXIII, p. 94; tr. fr., p . 144. très
35· • Ces faits &emblent assez convaincants pour mc permettre d'aller plus dorr
loin encore en prétendant que l'hérédité archaïque de l'homme ne comporte
pas que des prédispositions, mais aussi des contenus des troces mnésiques
qu'ont lais!lées les expériences fajtcs par les génératio~s nntérieures. De cette 38
manière, la pof'We aussi bien que la signification de l'hérédité archaïque se trou- to diJ
veraient accrues de façon notable. • G . W. xvr, p. 206; S. E. xxm, p. 99; tr. fr., de sé
p. l 52. fin dl
36. G. W. xvr, p. 207; S. E. XXIII, p. 100; tr. fr., p. J 53. 11/IISio
37· G. W. XVI, p. 208; S.E. XXIII, p. so(; tr. fr., p. 155. balen
.•

~•

L'ILLUSION

'l derniers écrits de Freud marquent l'apparition d'un thème nou-


ll veau, celui de la culture, sous lequel Freud rassemble les diverses
1
'
-~
représentations - esthétiques, éthiques, religieuses - qu'une
• phénoménologie disperserait en régions selon la visée de l'objet. .•
~

11 C'est à travers l'élaboration de ce concept de culture que Freud 1


entreprend de rendre compte de la fonction économique de la .
religion. En effet, la différence entre la névrose comme religion '
l
• privée et la religion comme névrose universelle réside essentielle- .
i
1

ment dans ce passage du privé au public qui nous est resté jusqu'à
••! présent incompréhensible. D'autre part, les déplacements succes- 1
l
j sifs de la figure du père sur le totem, puis sur les esprits et les
l démons, puis sur les dieux et enfin sur le Dieu d'Abraham, d'Isaac
et de Jacob et sur le Dieu de Jésus-Christ, nous contraignent de 1

i replacer la production des fantasmes dans un cadre historique, .1


' 1
institutionnel, linguistique et littéraire, qui marque la distance 1
•t

entre un simple fantasme onirique et un objet culturel. Si donc le



retour du refoulé, pris à l'échelle de la collectivité, a une fonction 1
l
économique, c'est à travers cette fonction culturelle; il nous faut
) donc élaborer le cadre dans lequel les déplacements de la toute- ' '
1 •

l puissance, la projection quasi paranoïaque, la réconciliation avec
. ~
la figure du père et la secrète vengeance des fils viennent s'inscrire ~ ~
et prendre sens.
Nous ne pouvons aller jusqu'au bout de ce problème de la culture
dans ce chapitre. Fidèle à notre méthode des lectures successives,
nous allons en dire ce qui est suffisant pour rendre compte de la

problématique religieuse au niveau qui est encore le nôtre ici,
celui d'une stratégie du désir. On verra plus loin tout ce qu'une
méditation sur la pulsion de mort et sur la lutte d'Éros contre la
mort signifie pour la culture elle-même, située au carrefour de ce
conflit des géants, Éros et Thanatos. Restons donc ici à mi-pente,

• ce qui est précisément le niveau de l'Avenir d'une Illusion .
Qu'est-ce que la culture? Disons d'abord, négativement, qu'il
n'y a pas lieu d'opposer civilisation et culture 38 ; ce refus d'entrer
dans une distinction en passe de devenir classique est par lui-même
1

très éclairant; il n'y a pas d'un côté une entreprise utilitaire de
domination sur les forces de la nature, qui serait la civilisation, 1 •

38. L'Avenir d'une Illusion, G. W. XIV, p. 326; S. E. XXI, p. 6; c and 1 scom


to distinguilh between culture and civi/i::ation • ,· tr. fr., p. 11-2 : c et je d édaigno
de séparer ln civilisation de ln culture •: on trouve une remarque similaire à la
fin de Pourquoi la gru"e1 (1933), Les deux premiers chapitres de J'Avmir d'utttl
11/usio" sont consacrés à cetto c économique • du phénomène culturel, pria glo-
blllement.
l
l
ANALYTIQUE
~
et d'autre part une tâche désintéressée,. i~éal~ste, d~ réalisatio.n
des valeurs qui serait la culture; cette dJstmct10n, qm peut av01r ph
un sens d'u~ autre point de vue que celui de la psycha.nalyse, n'en a '
plus dès lors qu'~:m décide d'aborder ~a cult_Ure du pomt de ~e. du ~j ph
en
bilan des investissements et contre-mvest1ssements de la hb1do.
C'est cette interprétation économique qui domine toutes les consi- l1 ég:
dérations freudiennes sur la culture. '

rel
Le concept de culture, chez Freud, représente pour une part ..·1
far
la même chose que celui de surmoi, pour une part quelque chose
de nouveau et de plus vaste. La culture n'est qu'un autre nom du ~

à 1
J'h-
surmoi, aussi longtemps qu'on lui assigne pour tâche première l
; à l
l'interdiction des désirs sexuels ou agressifs incompatibles avec 1' pa1
.. un ordre social; en langage économique, la culture implique un ~
hot
renoncement instinctuel : il n'est que de rappeler les trois inter- 1 tra-
1

dictions les plus universelles, celle de l'inceste, celle du canni- •
1
de
balisme, celle du meurtre. Que culture et surmoi soient ici deux 1 •
Sltl
noms d'une même réalité, le mécanisme de l'introjection nous •.
Je :
l'assure. la
Freud ajoute en passant deux traits complémentaires : d'une 1 pet
part, la satisfaction esthétique assure une meilleure intériorisation 1 un

de la culture, ressentie comme désir sublimé et non comme simple qu'
J•'
interdiction; d'autre part, l'identification orgueilleuse et belli- • et

queuse de l'individu avec son groupe, dont il épouse· toutes les • me·
1 •
haines, lui procure une satisfaction de nature narcissique, qui est1

contrecarre sa propre hostilité à l'égard de la culture et renforce ~ '

VleJ
l'action corrective des modèles sociaux; mais ces deux satisfactions 1 ver.
1
- esthétique et narcissique - ne nous font pas sortir du cadre 1
pro
1 }.
maintenant connu des pulsions qui se cachent derrière toute for-
mation idéale. 1
1
con
Nous faisons un pas nouveau au-delà de l'analyse désormais 1
j elle
mer"
classique du surmoi, si nous considérons que la culture, outre sa
tâche d'interdire et de corriger, a aussi celle de protéger l'individu
1 qu't
1
contre la suprématie de la nature. C'est sur cette tâche que nous 1• son
1
aurons tout à l'heure à articuler l'illusion. Cette tâche s'analyse inél
en trois thèmes : diminuer la charge des sacrifices instinctuels i pas~

imposés aux hommes; réconcilier les individus avec ceux des car
renoncements qui sont inéluctables; lui offrir des compensations ma[

satisfaisantes pour ces sacrifices. C'est là ce que Freud appelle le
cr patrimoine psychique de la culture so »ct c'est dans ce patrimoine table
S.E.
qu'il faut chercher le véritable sens de la culture. .JO
.
39· Der seelisch~ Btsit:r tkr Kultur, G. W. XIV, p. 331; S. E. XXI, p. JOi t~.
fr., p. 24; de meme, plua loin : c Car la principale tAche de la culture, aa ' 'cSrt·

"'
G.V

1
..

•' ~ ..

11 • •

1
~


1
L'ILLUSION

L'Ave11ir d'une Illusion ne pousse guère plus loin l'analyse du


phénomène de culture; Malaise dans la Civilisation va beaucoup •

plus loin, sous le signe de la pulsion de mort; nous y reviendrons,


en même temps que nous reprendrons l'analyse du surmoi laissée
également en suspens.
La signification proprement économique de cette fonction cultu-
relle se découvre si on la met en relation avec un autre thème
familier de Freud, celui de la dureté de la vie. Ce thème se déploie
à plusieurs étages; il désigne d'abord Ja faiblesse naturelle de
l'homme face aux forces écrasantes de la nature, face à la maladie et

l à la mort; il concerne ensuite la situation menacée de l'homme
'
1 parmi les hommes (Malaise ... ira assez loin dans le sens du fameux
.l homo homini lupus,· l'homme fait souffrir l'homme, l'exploite comme
l
:
1'•
travailleur et l'asservit comme partenaire sexuel). !VIais la dureté

1 de la vie est encore un autre nom de la faiblesse du moi, dans sa
situation première de dépendance, face à ses trois maîtres : le ça,
.•
· le surmoi, la réalité; la dureté de la vie, c'est ce primat initial de
.• la peur co. A cette triple peur - peur réelle, peur névrotique,
1 peur de conscience- Malaise dans la Civilisation ajoutera encore
1 un trait : l'homme est un être foncièrement « mécontent », parce

qu'il ne peut à la fois réaliser le bonheur sur un mode narcissique
J'•
et remplir la tâche historique de la culture que son agressivité
met en échec; voilà pourquoi l'homme, menacé dans sa propre
estime, est si épris de consolation 41• C'est alors que la culture
~
'

vient au-devant de cet appétit. Le nouveau visage qu'eUe tourne
1 vers l'individu n'est plus celui de l'interdiction, mais celui de la
l
l protection; et ce visage bienveillant est celui de la religion.
1
1
Ainsi la religion se distingue, au point de vue économique
t comme au point de vue descriptif et génétique, de la morale;
{ elle atteint l'homme au-delà du renoncement instinctuel, au niveau
!
même des trois tâches que nous avons assignées à la culture; ce
1 qu'elle promet à l'homme, c'est effectivement le soulagement de
1 son fardeau instinctuel, la réconciliation avec son sort le plus
i inéluctable et la récompense pour tous ses sacrifices. Mais ce
j passage au-delà du renoncement est aussi un retour en deçà :
car c'est encore au désir que s'adresse la consolation. De la même
• manière, en effet, que toutes les situations d'impuissance et de
1 '

table raison d'6tre, c'est de nous pro~ger oontto la nature. • G. W. XlV, p. 336;
S.E. xxr, p . 15: tr. fr., p. 39·
40. ù Moi et le Ça, chnp. v. NoutJdltl cotifbencet, XXI (Ill).
.
• 41. Sur cc thème de lu • duret~ ùc la vio •, cf. aussi l'Awnir d'uM 11/r.uion:
G. W. XlV, p. 337; S.E. XXI, p. 16; tr. fr., p. <ll.

........
1


• • •• •
• ..... -~ r
~..-....~- - -

ANALYTIQUE

dépendance répètent la situation infantile de détresse, la conso- p


lation procède elle-même en répétant le prototype de toutes les
figures de la consolation, la figure du père. C'est parce qu'il est à
jamais faible comme un. enfant que l'homme res~e en proie à la
tto
nostalgie du père. Or, st toute détresse est nostalg1e du père, toute dt
consolation est réitération du père. L'homme-enfant, face à la re
nature se forge des dieux à l'image du père. qt
C 'e;t en effet une telle figure bienveillante qui peut remplir as:
la tâche économique que nous venons de décrire. En représentant dé
sous une forme humaine la présence hostile de la nature, l'individu inl
la place en face de lui comme un être susceptible d'être apaisé et al<
influencé; en substituant la psychologie à la science de la nature, la de
religion remplit le vœu le plus profond de l'homme. En ce sens,
on peut dire que c'est le désir qui fait la religion, plus encore que rel
la peur 42• DO:
C'est donc une psychanalyse de la Providence que la fonction
économique de la culture nous a permis d'édifier; le dieu suscep-
tible de remplir cette tâche ne peut être qu'une figure bienveil- qu
lante, par delà toute sévérité; seule une nature réglée par une l'a
telle volonté favorable, juste et sage, reste proportionnée au désir de
de l'homme. ce
Cette déduction directe de ce que Freud croit être la forme sor
suprême de la religion a un avantage manifeste : elle fait appa- ce
raître, dans un raccourci saisissant, le moment terminal de la plu
religion comme un retour aux origines historiques de l'idée de est
Dieu. Le dieu est redevenu une personne unique; désormais la éco

relation de l'homme avec lui peut recouvrer l'intimité de la relation lffiJ
de l'enfant avec le père. En outre, elle place d'emblée la religion ten
dans un contexte culturel et l'arrache au cercle privé de la névrose ace·
individuelle; la religion procède du même besoin que les autres de
fonctions de la culture: de la nécessité de défendre l'homme contre n'a
la suprématie de la nature. s'il
En revanche, cette déduction directe du monothéisme, qui cult
paraît épargner le long détour par les figures antérieures, de l'ani- a fir
mal totem aux esprits et aux dieux du polythéisme, pourrait faire dési
croire que Fr~ud a subs,t itué au cort~plexe paternel de Tot~ et dan
Tabou le mot1f de la detresse humame; or ce motif cons1déré
~eul, est « moins profondément caché .a )) que le comple;e paternel;
il faut donc sans cesse rétablir les liens u entre la motivation la
42· Ibid., G. W. xrv, p. 352; S. E. xxr, p . 30; tr. fr., p. 79·
43· Sur cette confrontation avec Totem et 7'abou, cf. G. W. XIV, p. 344-6;
S. E. XXI, p. 22-4; tr. fr., p. 61-+
- ~--·-

L'ILLUSION lexe du
. entre le comP. " •
. u·on malllfeste, . de protectiOn •
la mottva n besotn lture est

lus profon~e ete de l'homme a~ec soéneutique de la cu. ue du
père et la detreSS ''ai adopté, 1herm . d'une économ,tq 1
b~s le lan;apg:y~~=jalyse, la clolntd7f:~~nsolation, pêortee:parpo~
!S
à
la touJours, e ~ tion culture e , 1 a le m me .
:e désir : entrella on~lgie cachée du pere, 1 l~tent du rêve. Ce qult
la religion, et a ~~u manifeste et le conten~ t le sens même de a
qu'entrle 11~ ~oonnedes deux points de vue,. c ese et répète la détresse

tr assure a taiS t u'elle conunu f t .as »•
détresse de ttadulte, en àan . q, à demeurer à jamais un en an . ,
.t
u infantile; l'hoJ?me est~ estmeinconnues et redoutables des tralts
:t
alors il investit les putssances .
a de l'image paternelle. . é 'fi ment psychanalytique de la
1,
Telle est l'interprétatto~ sp ct lque, . étition sempiternelle de la
religion : son sens u cache J) est a rep
e
nostalgie du père.
• •
l
Nous pouvons mainte~t replace~ d:ms le cadre d~ c~tte ec~~omt:
que la double analogie qm nous ~ gmde d~s la descnptton clm~que •
• •

-"'
, l'analogie onirique et l'analogte névrouque ' 8 ; cette analogte est
r devenue une identité; si la religion n'a pas de vérité propre, qu'est-
ce qui lui donne force et efficacité? Les « idées de la religion ne
sont pas le résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion;
• ce sont des illusions, des réalisations des désirs les plus anciens, les
L plus forts, les plus tenaces de l'humanité; le secret de leur force
•• est la fo~ce de ces,.dési~s ' 7 ». Cette identité foncière du point de vue
L ~cononuque de ltllust?n et du fantasme onirique a un corollaire
l tmportant dont nous ttrerons les conséquences quand nous discu-
l terons d~ sens du principe de réalité chez Freud Si la l' .
•• accomphssement de désir elle n'est as . re tgton est
de la moralité· aussi bie'n l'ht'st . p par essence le support
1
, , , . otre prouve que r· l' •
•• n .a pas trouve moms de support dans 1 1 . . « ttnmora tte
s'tl en est bien ainsi, une révision t ~ re tg10n que la moralité .as ».
culture et religion s'impose : si la r~? tmentale des rapports ent~
a fi~ale_ment plus de rapport avec led~ ?n, e~ tant que consolation
~és•r, 11 devtent concevable que la esltr qu avec. la prohibition d~
ans cette culture post l' . cu ture sun'tve à la l' .
.. -re tgteuse, la prohib. t. . re tg tOn :
t ton culturelle aurait
44· Ibid.
45- Ibid.
46. G. W XlV 6
47. G W •p. 3 7-8; S. E. XXI
48, G: w:
~~:~·.~~a;. s. E. xx1,·:.· ::~~-t~. fr., p. 119-laa.
1 • 8 • E. XXI, p. J8• r., p. 79.
• tr. fr., p. 103.

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1

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ANAI.YTIQtrn
l
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j
)
seulement une justification sociale; lois et institutions auraient ·une 1
• 1
origine seulement humaine: . , . . . i E
Mais, d'autre part, la rchgt?n .n _est pas pu~e tll~ston, puasqu'elle t•
comporte « d'importantes remmtscences htstonques 49 ». Moïse '
1
(
et le Monothéisme parle en ce sens de la « part de vérité dans la 1
1
1 t
religion 60 ». Pourquoi cette insistance sur la réalité du souvenir? 1

Pour fonder en vérité l'analogie de la religion ct de la névrose 1


obsessionnelle. En effet, si l'analogie de l'illusion et du rêve est 1
1
fondée dans le caractère infantile du complexe paternel, l'analogie
de la religion avec la névrose a la même base, s'il est vrai que 1
1
u l'enfant humain ne peut accomplir son développement culturel
sans traverser une phase plus ou moins distincte de névrose 51 ». 1
11
Ce thème, nettement indiqué dans l'Avemr d'une Illusion, •

forme l'idée directrice de Moïse et le Monothéisme. L'occasion


1
principale en est donnée par la correspondance découverte par
Freud entre le phénomène de latence propre à la névrose ct le
a phénomène de latence » que Freud croit avoir découvert dans 1
l'histoire du judaïsme, entre le meurtre de Moïse et la résurgence 1

' - de la religion de Moise à l'époque des prophètes; on surprend ici


l'entrecroisement de la description clinique, de l'explication géné- 1
tique et de l'explication économique: « Il y a, sur un point, concor- l•

dance entre le problème de la névrose traumatique et celui du mono- 1•


théisme juif. Cette analogie réside dans ce qu'on appelle la latence»: ''
1
••
t
Cette analogie, note Freud, a est parfaite: elle confine à l'identité 52 ». '
Une fois admis le schéma de l'évolution de la névrose- traumatisme 1
précoce, défense, latence, explosion de la névrose, retour partiel 1
1
••
du refoulé-, le rapprochement entre l'histoire de l'espèce humaine •

et cc:lle de l'individu fait le reste : « L'espèce humaine subit, elle J


ausst, des processus à contenu agressivo-sexuel qui laissent des
trac~~ permanentes bien qu'ayant été, pour la plupart, écartées et
o~bhees. Plu~ tard, après une longue période de latence, ils rede· •
v1ennent act1fs, et produisent des phénomènes comparables, par
leur structure et leur tendance, aux symptômes névrotiques 68• »
Telle est l'analogie bien fondée sur laquelle s'achève la psycha· 1

1.
49· G. W. xrv, p. 366; ~· E. xxr, p. 42; tr. fr., p. u6. l
5°· ~?fse tt le Mo,otlliume, G. W., XVI, p. 230 et suiv. Der Wahrlleitsgeluzlt
IÜ•r Re/rgron ,· tr. fr. , p. J 83 et au iv.
~
51. L'Avenir d'une illusion, G. W. xav, p. 366.7 ;s. E., xxr, p. 42• 5 ; tr. fr., p. 116·
1 8•
l
52. Morse et le Mo11otlliisme, G. W. xvr, p. 1 76-7; tr. fr., p. J u .
53· G. W. xvr, p. 186; tr. fr., p. 123. j

l

l ,
-
• •
1
1

1
l L'ILJ.USJON

me l'
nalyse de la religion : elle constitue sans doute l'exemple le plus
~ saisissant de l'action réciproque, dans l'œuvre de Freud, entre
~ue l• l'interprétation du rêve et de la névrose, et l'herméneutique de la
"
'tse •
1 culture. Nous en discuterons la validité au terme de notre Dialec-
da 1
1 tique.
ir? 1

lse 1

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TROISIÈME PARTIE

tROS, THANATO~ANANKÉ

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1

Notre lecture antérieure des écrits de Freud a été maintenue


à dessein en deçà du grand bouleversement dont témoigne le
célèbre essai de 1920: Au-delà du principe de plaisir 1• Ce rema-
niement dépasse en ampleur celui que, vers 1914, Pour Introduir~
Je Narcissisme avait imposé aux notions d'objet et de sujet et à

l'économie d'ensemble du psychisme humain. L'introduction de la
pulsion de mort dans la théorie des pulsions est, au sens propre du
mot, une refonte de fond en comble. Cette révision affecte d'abord
••
le discours psychanalytique lui-même, tel que nous avons tenté
d'en faire l'épistémologie dans la première partie, puis, de proche
en proche, l'interprétation de tous les signes qui constituent la
l
sémantique du désir, jusqu'à la notion de culture dont nous avons,
dans la deuxième partie, composé provisoirement le tableau
• d'ensemble.

·1 La pulsion de mort concerne Je discours analytique en ceci que
la nouvelle théorie des pulsions remet en question les hypothèses
de départ du freudisme et principalement la conception d'un appa-
reil psychique soumis au principe de constance. En postulant
J'équivalence entre principe de plaisir ct principe de constance,
Freud, on s'en souvient, pensait inscrire la psychanalyse dans la
' tradition scientifique de Helmholtz et de Fechner. La psychanalyse
pouvait se faire accréditer comme science grâce à cette quasi-
physique de l'appareil psychique et à la transcription quantitative
des phénomènes économiques sous-jacents à l'interprétation.
Nous avons montré dans notre première partie que le génie propre
de la psychanalyse était ailleurs et reposait sur la réciprocité
entre l'interprétation et l'explication, entre l'herméneutique et
1
l'économique; mais en même temps nous avons dû reconnaître
j
1. Jenseits des Lustprim.n'ps, G. W. xm, p. 3-69. Btyond the P/easure Prit~dple,
S. E. xvm, p . 3-64, tr. fr., Au-delà du principe de plaisir, in Essais tle psydumal,·se,
p. s-78.

j 253 •
.

••
ANALYTIQUE

que la spéculati~n fondée sur l'~ypothèse qua~titative résistait à


8
la pleine reconnatssance du caractere propre du dtscours analytique
r
Or la nouvelle théorie des pulsions est liée à une spéculation sur 1~ r
vie et la mort qui diffère grandement de la théorie quantitative 1:
et se rapproche des vues de Gœthe, et de _la pensée ~omantique, a
voire d'Empédocle et des grands Presocratiques. Le titre même: p
Au-delà du principe de plaisir, nous avertit assez que c'est à ce
niveau, au niveau des hypothèses les pl~s générales concernant le
fonctionnement de la vie, que la révolution conceptuelle doit être
portée. C'est pour rendre compte de cette substitution de tonalité, 81
de ce passage du scientisme au romantisme, que j'ai placé cette

troisième partie sous les grands titres emblématiques d'Éros, tl
de Thanatos et d'Ananké: c'est face à la mort que la libido change SI
de sens et reçoit le nom mythique d'Éros; et c'est face au couple c:
Éros-Thanatos que le principe de réalité, polairement opposé d
au principe de plaisir, déploie toute une hiérarchie de sens que fi
recouvre le nom également mythique d'Ananké. d
Notre tâche préalable sera de mettre en place la grande polarité n
qui se maintient d'un bout à l'autre de l'œuvre de Freud : la pola- tl
rité du principe de plaisir et du principe de réalité : ce sera l'objet q·
du premier chapitre. Cette antithèse est étroitement solidaire JT.
des hypothèses initiales du freudisme : hypothèse de constance p:
et hypothèse quantitative, représentation du psychisme comme .un at
Ul
appareil auto-régulateur, etc. La solidarité est telle, entre princ1pe
de plaisir et hypothèse de constance, qu'on peut à bon droit se te

tlo
demander si la mise en question des hypothèses initiales n'impliqu~
• Sl
pas non seulement un au-delà du principe de plaisir, mais aussi sc
un a~-de~à du principe de réalité. Il n'en est que plus importa~t lo
de h1en s1tu~r ~e sens du principe de réalité et de mesurer l'amph-
!U~~ des vanatto~s de sens qui lui sont accordées par les hypotheses h<
1mttales du freudisme : entre la fonction perceptive que nous avons fr·
souvent trouvée associée à l'institution de la conscience et du moi, le
et la résignation à l'inéluctable il y a sans aucun doute une marge d\
de sens ~ssez cons1"dérable. La ,question
, sera alors de savoir
, jusqu 'à
•• •
ne
quel pomt la .nouvelle théorie des pulsions réussit à déplacer le ne
centre de gravtté du con~ept de réa~ité d'un pôle vers l'autre. . se
Nous ne. pourrons. repondre definitivement à cette questiOn ffi.
avant u~e mterp~état10n détaillée de la pulsion de mort. C'est de
pourquOJ nous reserverons pour le troisième chapitre, où nous
regrouperons quelques-unes des questions critiques suscitées par •
ha
cette nou.velle lectu~e de la théorie, un nouvel et dernier examen ba
de la nouon de réabté dans la théorie freudienne. Disons tout de •

...
-

ÉROS, THANATOS, ANANKÉ

tait à suite qu'il ne faut pas trop attendre de cette relecture : pour des
tique. raisons tenant étroitement à la fonction critique du principe de
3ur la réalité à l'égard du monde du désir et de l'illusion, la formulation

tatlVe

la plus ancienne du principe de réalité est celle qui résistera le plus
~tque, au bouleversement suscité dans la doctrine par l'introduction de la
:!me: pulsion de mort.
à ce
mt le
t être Comment maintenant parler justement des grandes hypothèses
1alité, sur la vie et la mort? tel sera l'objet du chapitre II.
cette Notre première partie nous a appris que les hypothèses spécula-
Éros, tives du freudisme ne peuvent être justifiées en elles-mêmes; leur
tange sens se décide dans le jeu même de l'interprétation et de l'expli-
mple cation; les hypothèses spéculatives se vérifient par leur pouvoir
>posé d'articuler les concepts herméneutiques, tels que ceux de sens appa-
que rent, de sens caché, de symptôme et de fantasme, de représentant
de pulsion, de représentation et d'affect,- sur des concepts écono-
larité miques, tels que ceux d'investissement, de déplacement, de substi-
pola- tution, de projection, d'introjection, etc. Nous avions pu dire
objet que c'est finalement dans le rapport entre la pulsion, comme pre-
da ire mier concept énergétique, et la présentation de pulsion, comme
1
:ance premier concept herméneutique, que réside la spécificité du discours 1
e un analytique, lequel unit les deux univers de la force et du sens dans 1


1c1pe une sémantique du désir. Notre première question est alors main-

1t se tenant celle-ci : que devient ce discours, que devient cette séman- •
1

1que tique du désir, lorsqu'une spéculation de caractère plus romantique 1
• sur la vic et la mort s'adjoint à une spéculation de caractère plus
mss• scientifique sur l'hypothèse de constance et son équivalent psycho- •
rtant 1
1

:tpli- • logique, le principe de plaisir?


J

' La première partie de notre Analytique nous fournit donc un •


'
teses bon fil conducteur: une pulsion n'est jamais qu'une réalité déchif- 1
vons frée - déchiffrée dans ses « présentations » de pulsion. Quelles sont
1

m01,• les « présentations » de la pulsion de mort? Une nouvelle étape


arge
du travail de déchiffrage s'ouvre avec cette question; et aussi une
qu'à nouvelle relation entre le désir et ses signes. C'est à partir de cette 1
~r le • •1
nouvelle connexion entre herméneutique et économique que nous l
'

• serons en mesure d'apprécier l'ampleur de la révolution au niveau 1


.twn .
1
même des hypothèses fondamentales concernant le fonctionnement
~·est 1
de la vie.
lOUS La révision imposée à la théorie des pulsions, disions-nous plus j.
par •
haut, est une refonte de fond en comble : le remaniement de la
men base, dont nous parle Au-delà du principe de plaisir, a son répondant
t de •

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ANALYTIQUE •

au faîte de l'édifice dans la théorie de la culture dont nous avons ras:


commencé l'exposition dans la seconde p~rtic de l'Analytique et que
qui trouve, sinon son achèvement, du moms son épanouissement réa
dans Malaise dans la Civilisatio11 2•
C'est au niveau de la culture que la pulsion de mort, pulsion 3
phil
a muette» par excellence, accède à la « clameur» de l'histoire. Ainsi, tun~
la connexion entre l'économique et l'herméneutique de la pulsion qua•
de mort se fait, pour l'essentiel, entre les hypothèses méta-biolo- • offrt

mac
giques de l'essai de 1920 et la théorie méta-culturelle de l'essai ~vit
de 1929. Cette connexion est à double sens: d'une part, c'est en me a•
achevant une théorie de la culture au niveau manifeste de la guerre, •
que Freud porte au jour le sens de la pulsion de mort. D'autre
part, c'est en introduisant la pulsion de mort dans la théorie des
pulsions qu'il se met en état d'apercevoir le sens de la culture
comme une tâche unique, sous laquelle s'ordonnent les phéno-

mènes partiels de l'art, de la morale et de la religion : c'est par rap-
port à la « lutte des géants » - Éros et Thanatos - que l'entre-
prise de la culture prend son sens à la fois radical et global. •
1
La nouvelle lecture de la théorie des pulsions appelle donc une
nouvelle lecture de l'ensemble des phénomènes que nous avons
considérés en ordre dispersé dans la seconde partie : phénomènes
esthétiques, éthiques, religieux; la lecture précédente procédait
de l'extension progressive à toutes les représentations culturelles
du modèle du rêve et de la névrose; c'était donc une lecture ana-
logique, avec tout ce que l'analogie a de fragmentaire et de non
concluant : la question demeurait en effet de savoir si les diffé-
rences étaient plus significatives que les ressemblances. Replaçant
la tâche de culture dans le champ de la lutte entre Éros et Thanatos,
~reud élève son interprétation de la culture au rang d'une idée
• s•.mple et forte . ~utant la première lecture, fragmentaire et analo-
gique, caracténsa~t la psychanalyse comme discipline de pens~e,
autant la. ~econde lecture, globale et souveraine, la caracténse
comme VISion ~u monde. Après l'analogie de proche en proche,
le regard de l'a1gle...
Ma_is, du même coup, la doctrine freudienne ouvre la voie à un 1
q~est10nnem~nt plus radical, qui revient sur les certitudes les
mteux assurees; ce sont ces questions non résolues que j'aimerais

2 . Das Unbehagen in tkr Kultur G w x . .. . d ·u


· s E 6 ' · · IV, p. 421-so6 Cwr/r~atron
Duco,ltmts, · '· XXJ, p. 0-145 i tr. fr Malaise dan 1 c: 'l' :· 0
an"l 'et
Steele. ·• s a nn uatro11, cnoc ·




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ÉROS, THANATOS, ANANKÊ

rassembler dans le chapitre III et placer sous trois titres: Qu'est-ce


1118
que la négativité? Qu'est-ce que le plaisir? Qu'est-ce que la ' '. 1
et
réalité 3 ?
1 :

:nt • 1

' .
1

on 3. c Nous ne marchanderions pas notre gratitude à toute théorie philoso-



phique ou psychologique qui renseignerait sur les significations (die Betku-
Sl 1
. tungen) des sensations de plaisir et de déplaisir (Lwt u~rd Un/ustempfindungm) 1

on qui exercent sur nous une action si impérative. Malheurtusement, on ne nous • 1

'
.0- • offre à cet égard rien qui soit utilisable. C'est la région la plus obscure et la plus
• inaccessible de la vie psychique, et comme nous ne pouvons absolument pas :1
)at éviter d'y toucher, l'hypothèse la plus souple (lockerste), me semble-t-il, aera la •
en meilleure. • G. W. xm, p. 3-4; S. E. xvm, p. 7; tr. fr., p. 5·
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1

CHAPITRE PREMIER

PRINCIPE DE PLAISIR
ET PRINCIPE DE RÉALITÉ

Au-delà du prindpe de plaisir... _cela veut dire, en 1920 : intro-


duire la pulsion de mort dans la théorie des pulsions. Et pourtant,
il y a toujours eu, dans la doctrine de Freud, un au-delà du prin-
cipe de plaisir, lequel n'a cessé de s'appeler principe de réalité.
Il est donc impossible d'apprécier la portée de la révolution imposée:
par la pulsion de mort à la théorie des pulsions, sans avoir au préa-
lable mis en place la toute première polarité, celle du plaisir et de
la réalité. .
Or le concept de réalité, chez Freud, est moins simple qu'il ne
paraît. On peut en schématiser de la manière suivante le dévelop-
pement :
I. Au point de départ, les deux principes du «fonctionnement
psychique », pour parler comme un important petit article de 1911, l
recouvrent à peu près ce que nous avons appelé u processus pri-
maire » et « processus secondaire »; nous avons exposé plus haut
le sens de ces expressions et nous nous contenterons de transcrire
cette analyse dans les termes de l'opposition qui nous intéresse
ici. C'est donc d'abord dans un contexte clinique - celui de la

théorie de la névrose et du rêve - que ce premier concept est
élaboré; les écrits métapsychologiques de 1914-1917 consacrent
• un premier élargissement du concept de réalité en lui donnant un
sens économique, homogène à celui que la première topique

confère par ailleurs aux notions d'inconscient, de préconscient
et de conscient; la réalité sera en gros le corrélat de la fonction de
conscience. En passant ainsi d'un sens descriptif et clinique à un •
1
sens systématique et économique, nous aurons transcrit dans un 1'
nouveau registre, mais n'aurons pas vraiment transformé, le concept p
initial. !
..,.•
2. Un second enrichissement du principe de réalité est à cher-
..'
cher du côté de l'investigation de la relation objectale; nous restons
encore au niveau non seulement de la première théorie des pulsions
, • 259
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ANALYTIQUE
,
1



l
1
(opposition des pulsions sexuellc:s et de~ pulsio_ns du ~oi) mais de
la première topique (représentation de 1apparetl psych1que comme
les
pre
une série de places : _inconscient, p~éconscient, co.nscient). •
c'e:
••
3 Une transformation plus décts1ve de la notiOn de réalité 1
0
difl
est Îiée aux deux formes plus importantes de la théorie que nous 1 dét
avons considérées dans les chapitres antérieurs : l'introduction •
SOf
du narcissisme d'une part; le passage à la deuxième topique d'autre '
rea
part. Pour des raisons différentes, mais convergentes, ces deux l'h·
réformes se traduisent par une dramatisation croissante de l'oppo- ph:,
sition entre principe de plaisir et principe de réalité : le réel, ce
n'est plus seulement le contraire de l'hallucination, c'est la dure car
nécessité, telle qu'elle se découvre au-delà de l'abandon de la posi- rer
tion du narcissisme et au-delà des échecs, des déceptions et des de
conflits qui culminent à l'époque de l'Œdipe. La réalité s'appelle la
alors nécessité et, parfois déjà, Ananké. le :
La grande u remythisation » de la théorie des pulsions, que nous «J
considérerons dans le chapitre suivant et que symbolisent Éros et • fra
la mort, ne manquera pas de retentir sur ce processus de dramati- d',
sation; nous abandonnerons la notion freudienne de réalité à ce 0 •
thè
seuil, pour la retrouver au terme de notre étude sur la mort. Nous 1
• le
parlerons donc deux fois du principe de réalité : avant la pulsion mi
de mort ct après la pulsion de mort. Le passage d'une représen- qu
tation « scientifique » de l'appareil psychique à une interprétation dé
plus« romantique>> du jeu de l'amour et de la mort ne pourra pas à:

ne pa~ affecter le sens même que prend la notion de réalité dans le 81!
freudisme : avant la pulsion de mort, la réalité est un concept régu:
!ate,ur de mêm~ rang que le principe de plaisir; c'est pourq~o1 ha
il s ~p~e~le ausst « pri~cipe »; après la pulsion de mort, la nouon l'é
de realite se charge d un sens qui le porte au niveau des grandes a
forces quasi. mythiques qui se partagent l'empire du mon~e: cette ra·
transfi~urat10n s_era symbolisée par le terme d' Ananké, qui rapp~lle ce
à la !ois le dcstm de la tragédie grecque, la nature dans la phllo·
sophie de la Renaissance et chez Spinoza, 1'éternel retour de
~1etzsche. _Bref, ce qui n'était d'abord qu'un principe de« ~égula· Go
non psychique » sera devenu le chiffre d'une sagesse posstble. s.
A:
l'iJ
la
1 • PRINCIPE DE RÉALITÉ ET u PROCESSUS SECONDAIRE » po
R~
pa
, Le point de départ clinique des notations de Freud sur la réalité
n est pas douteux; le petit essai de 1911 : Formulations conc11nant

a6o 1
'•


'•
1
1

PRINCIPE DE RÉALITÉ

les deux principes du fonctionnement psychique 1 le rappelle dès les


premières lignes : comme chez Pierre Janet, la « fonction du réel »,
.• c'est ce que le névrosé a perdu; ou, pour marquer tout de suite la
• différence entre Freud et Janet, c'est ce dont le névrosé s'est
'
détourné, parce que la réalité est insupportable. Aucun sens philo-
sophique particulier n'est donc initialement attaché à ce concept de
• réalité; la réalité ne fait pas question, elle est supposée connue;
l'homme normal et le psychiatre en sont la mesure; c'est le milieu
physique et social d'adaptation.
Toutefois, dès ce niveau élémentaire, il importe de s'étonner du
caractère peu homogène de l'opposition : plaisir-réalité. Pour la
rendre homogène, il faut admettre dès le début que le principe
de plaisir interfère avec la réalité à titre de source des fantasmes;
la psychose hallucinatoire aiguë ou amentia de Meynert a fourni
le schéma initial 2 ; c'est Freud qui l'a étendu à toutes les névroses :
« En fait, pose Freud, tout névrosé en fait autant avec quelque
fragment de la réalité 3 • ,, Cette extension à la névrose d'un schéma


d'abord destiné à l'interprétation de la psychose repose sur une
•• •• thèse ancienne, que nous avons exposée en son temps, selon laquelle
1
1 ' le remplissement du désir, dans la névrose et le rêve, obéit lui-
1 même à un modèle hallucinatoire. C'est à partir de ce noyau initial
• que l'on peut légitimement se proposer « d'examiner quant à son
1 développement la relation du névrosé et de l'humanité en général
J à la réalité et ainsi d'incorporer à la structure de nos théories la
,• signification psychologique du monde extérieur réel 4 »•


Cette assimilation du principe de plaisir à la fonction quasi
1 hallucinatoire du désir est la base du processus que Freud, à
1 l'époque de l'Esquisse et du chapitre vn de l'lnterpritation des Rêves,
3 a appelé u processus primaire »; elle permet, en contrepartie, de
e rapprocher le principe de réalité du processus secondaire. C'est
e cette double assimilation qui sert de fil conducteur dans la suite
·•
e r. Formulimmgen aber dù ncei Prt'mri'pien tks psychischm Gtschthnu (1911),
•• G. W. vm, p. 230-238. Formulations on the ttuo pn·nc,'ples of mental functioning,
S.E. xn, p . 218-u6, C. P. IV, p. IJ·2I. Cf. Jones, o. c. 11, p . 332-5.
2. On trouve la premi~re formulation des deux principes dans la Lettre 105
A Fliess : • Lo derni~re généralisution tient bon et semble vouloir progresser A
l'infini. Ce n 'est pas seulement le r!ve qui est une réalisation de d~sir, mois aussi
la crise hystérique. C'est exact pour le symptôme hystériqu~. et sans doute aussi
pour tous les fuita n~vrotiques, cc que j'avais déjà reco.mu dans la folie aigu!.
R~nlité, réalisation d'un désir, telle est la paire contrastée d'ol) émane notre
psychisme... • La Naiuance de la P1ychana/yse, p. 346. Cf. Jones, o. c. 1, p. 396.
:é 3· G. W. vm, p. 3Jo; S. E. xu, p. 319.
~~ of· Ibid. •


1
'•

ANALYTIQUE

de l'essai de 191 I, non sans que l'~n pouss~ une pointe vers des pl~

thèmes qui vont beaucoup plus lom et qut ne se comprennent sat
que par rapport à la seconde topi.quc:. . rail

Le rapport entre processus ~nmaue. et, processus secor;d~re •
• pn
n'est pas lui-mêm~ ~n rappo~t ~~pie; 11 revèle entre !e prmc,Ipe 1
1
1

de plaisir et le pnnc1pe de realite deux sortes de relattons. D un 1 ..
(

côté le principe de réalité n'est pas vraiment l'opposé du principe 1 dai


de plaisir, mais un ~étour o.u un allongem~nt .du ~hemm ~e la àf
satisfaction; l'appareil psychique en effet na Jamais fonct.lonné ]
selon le schéma simple du processus primaire; à la limite, le prin- sec
cipe de plaisir, considéré à l'état pur, est une fiction didactique; ma

le principe de réalité, corrélativement, désigne le jeu normal d'un 1 rus
appareil psychique régi par les processus secondaires. Mais, d'autre 1 dai
1 •
part, le principe de plaisir prolonge son règne sous toutes sortes t
pn
de déguisements; c'est lui qui anime toute l'existence fantasma- ! aff(
tique, considérée dans ses formes normales et pathologiques, ·t'hi
depuis le rêve jusqu'aux illusions de la religion en passant par les vea
idéaux; ainsi considéré dans ses formes déguisées, le principe de mo
plaisir paraît bien être indépassable; dès lors le principe de réalité pet
désigne un régime d'existence difficile à atteindre. pei
Que le principe de plaisir, pris absolument, soit une fiction dot
toujours déjà dépassée, nous en avions dit les multiples raisons de
dans notre étude de l'Esquisse : d'abord les pulsions internes pré
rompent toujours l'équilibre et rendent la décharge intégrale pre

des tensions impossible; l'appareil psychique est ainsi détourné ral!
1
du régime énergétique le plus simple, représenté par le principe 1
1
l'E
de constance. Ensuite l'épreuve de satisfaction elle-même met c
inéluctablement en jeu le secours d'autrui, la relation objectale et, reF
par conséquent, tout le circuit de la réalité. On se rappelle ce texte • pn•
•1
étonnant de l'Esquisse: u L'organisme humain, à ses stades précoces, ad~
est incapable de provoquer cette action spécifique qui ne peut être du
réalisée qu'avec une aide extérieure et au moment où l'attention qu:
d'une personne bien au courant se porte sur l'état de l'enfant..• COI
La voie de décharge acquiert ainsi une fonction secondaire d'une ou

extrême importance: celle de la compréhension mutuelle. L'impuis- l'E
sance originelle de l'être humain devient ainsi la source première ]
de tous les motifs moraux 6• »Enfin, le déplaisir est, selon une autre res
formule de l'Esquisse, u la seule mesure éducative e » : c'est lui qui res
donne au principe de réalité lui-même un sens hédonistique et le m<J
• ind
1

s. lA Naiuanee de la Psychanalyse, p. 336. l


.••• 7
6. Ibid., p. 381. 1

1. •

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1
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' PRINCIPE DB RÉALIT:é
!.
11:·1
place d~ns le prol.onge!Dent du pr!ncipe de .Piais.ir. A vrai dire, la n
! l
satisfactwn hallucmatmre est une 1mpasse bwlogtque; elle condui- :!
q
rait immanquablement à l'échec; c'est pourquoi l'institution du 1•
li
principe de réalité est une exigence du principe de plaisir lui- •1
même.
Si donc le principe de réalité coïncide avec le processus secon-
l',1'
!
1 daire, tout psychisme humain lui obéit, pour autant qu'il échappe <11
à l'hallucination. t

La troisième partie de l'Esquisse fournit un schéma du processus ~~


il
secondaire ainsi entendu; à travers lui, le principe de réalité est
maintenu dans les limites de ce que l'on pourrait appeler un hédo- •
!l
11
nisme calculé ou raisonnable; or ce schéma du processus secon- .
1 1
1 daire ne sera jamais profondément remanié. On en connaît les ':
1
principaux thèmes : épreuve qualitative de la réalité (à quoi l'Esquisse 11
'
affectait un groupe spécial de « neurones »), discrimination de
·l'hallucination et de la perception, exploration attentive des nou- 1
'1•
i
veaux stimuli; identification des nouveaux aux anciens par le
moyen du jugement (selon un schéma proche du jugement de '
perception chez Kant); passage de la réalité observée à la réalité Il

pensée, sur la base des traces mnémoniques de la parole entendue; 1

domination motrice, musculaire, sur la réalité; maîtrise du délai


de décharge en vue de l'idéation, etc. Le chapitre VII de l'Inter-
prétation des Rêves n'ajoute rien à cette analyse schématique du
processus secondaire; nous avons même pu dire que, pour des
tl·!'1
' raisons de structure tenant à l'intention de ce dernier ouvrage, r.
j
1 l'Esquisse va plus loin que l'lnterprétatiot~ des Rêves. :j
' j,
Ce sont les thèmes principaux de l'Esquisse que l'article de 1911
reprend, dans le premier de ses huit paragraphes consacrés au 1t•
principe de réalité 1. L'attention y est également conçue comme ')
J
1
adaptation anticipée; la mémoire, comme intégration des notations ~
du passé; le jugement, comme comparaison et identification entre t~·
qualités nouvelles et traces mnémoniques; la domination motrice, 14
lt
comme liaison tonique de l'énergie; enfin l'inhibition motrice 1 ~!
ou pensée y tient le même rôle; on peut même dire que le texte de ~• 1·

r Esquisse reste, à tous égards, le plus explicite. :1

•' L'analyse du principe de réalité tournerait court si nous en


~

1•.
restions à cette conception du processus secondaire, dont t•opposé 1::
reste une construction théorique. Mais r l11terprétation des Rêv~s .1 .
'1
'
• 1.

J?ontrait déjà, en sens inverse, pourquoi le principe de plaisir est 1

•• Indépassable. L'appareil psychique, on s'en souvient, était repré- q;


!
• '.
1:

l 7· G. W. vm, p. a30-1; S. E. xn, p. a19-a1. !1l'!


,
• 1!

'1
1f
• '.
11 ' •

ANALYTIQUE

senté à la façon d'un appareil physique, ~ouva~t fonctionner


dans un sens progrédiant ou dans un .sens regres~1f; ~~ ~chér;na, l':
égarant sous bien des rapports, sugge~~ d~ . m01ns l1de~ d .un gt
psychisme travaillant à rebo~rs! parce q~ 1~ resiste ~ 1~ subst1tut!o.n at
du principe de réalité au prmc1pe de pla1s1r. I:e
pnnc!pe de p~a1s1r s'
ne désigne plus alors se~lement. un stade fictif an.téneur, mats I.e s<
mouvement inversé de 1appareil, ce que le chapitre vu appelait la
régression topique ou tendance de l'appareil psychique à restaurer r(
la forme primitive de r~mp~issc:ment hallucinatoire du désir; .c'est A
• • ainsi que Freud pouvait defimr le Wunsch, que nous tradmsons dt
approximativement par désir, par cette tendance à restaurer la c•
forme hallucinatoire de remplissement : u Dès que le besoin se f
n.
manifestera à nouveau, il y aura, grâce à la relation établie entre 1
pl•
l'excitation et l'image mnémonique de la satisfaction, déclenche- 8<
ment d'un mouvement psychique qui investira à nouveau rimage n•
mnémonique de cette perception et provoquera à nouveau la di
perception elle-même, c'est-à-dire reconstituera la situation de la dr
première satisfaction; c'est ce mouvement que nous appelons br
désir (Wunsch) ,· la réapparition de la perception est l'accomplisse- le
ment du désir ( Wunscherfüllung) et le complet investissement de B
la perception par l'excitation du besoin est le chemin le plus court d:
vers l'accomplissement du désir. Rien ne nous empêche de sup- p:
poser un état primitif de rappareil psychique, dans lequel ce trajet
est effectivement parcouru et où le désir se déroule par conséquent dl
• sur un mode hallucinatoire. Cette première activité psychique rn
tend donc à une identité de perception, c'est-à-dire à la répétition ~
de la perception qui se trouve être liée à l'apaisement du besoin 8 • » e1
Ce chemin le plus court du remplissement nous est sans doute de
fermé, mais c'est lui que nous suivons sur un mode figuré, substitué,
dans tous les registres du fantasme; symptômes névrotiques, rêves d.
n~cturnes e.t .diurn~s sont les témoins de cette suprématie du prin- OJ
ctpe de plaisir et 1épreuve de son pouvoir s. rn
De ce s~cond poi!lt de vue où le principe de plaisir représente rn
u!le ~onction effective, le principe de réalité exprime plutôt la c
dtr~cti?n d'~ne tâc.h e que la description d'un fonctionnement
ordmaue. C est la d1fficulté de cette tâche que la suite de l'analyse le
ne c~se~a d'accen~er; .le p~incipe de plaisir est le moins coû~eux;
le prmc1pe de réahté tmphque renonciation au court-circuit du
désir et de l'hallucination. •
lll

.,~
1
dt
8. G. W. n/m. p. 571; S.E. v.• p. s6s-6; tr. fr., p. 463-4 (3o8). .!•' p.
9· G. W. vm, p. 234; S. E. xn, p. ::ta::t.


PRINCIPE DE RÉALITi

er C'est cette relation dramatique que le second paragraphe de


a, l'article de 1911 résume en quelques mots : «II existe une tendance
m générale .de notre appareil psy~~ique que nous pouvons ramener
m au princtpe économique. ~e 1epargne de dépense; elle semble

ar s'exprimer dans la ténactte avec laquelle nous restons fixés aux
le sources de plaisir dont nous disposons et dans la difficulté avec

ut laquelle nous y r~nonçon~.. Avec l'introductio~ d? principe ~e

er réalité, une modahté d'acttvtté pensante s'est scmdee (utUrde eme
st Art Denkbarkeit abgespalten) ,· elle s'est affranchie de l'épreuve
lS de la réalité et est restée subordonnée au seul principe de plaisir.
la Cette activité consiste en la production des fantasmes ( Phanta-
se sieren) qui commence déjà avec le jeu infantile et qui, poursuivie
re plus tard, se poursuit sous la forme du rêve éveillé et abandonne toute
e- soumission aux objets réels 10• >>Il faut replacer derrière ces brèves
,7e notations tout ce que le chapitre VII de l'Interprétation des Rêves
la dit de l'indestructibilité des plus vieux désirs, de l'impuissance
la de l'homme à passer d'un régime de fantasme à un régime de réalité,
)8 bref tout ce qui fait du psychisme humain une Chose et qui justifie
e- le recours à une topique. Oui, la voie de la réalité est la plus difficile.
ie Bien des allusions, dans l'Esquisse et dans le présent essai, permettent
rt d'affirmer que seule la pensée adonnée au travail scientifique y

.J- parvtent.
et Telle est, de l'Esquisse de 1895 à l'article de 191 x, la conception
nt du ~ouble fonctionnement de l'appareil psychique. Freud ne la
Je modifiera pas profondément, il ne fera qu'y ajouter. Les Essais
m de Métapsychologie se bornent à en donner une transcription topique
.» et économique qui l'harmonise avec la première représentation
te de l'appareil psychique que nous avons appelée première topique.

e, C'est ainsi que l'opposition entre principe de plaisir et principe
es de ré~i.té est mtégrée, dans l'Essai sur l'Inconscient, aux gr~n?es
l- opp?sttton~ entre « systèmes ,, (les, Pcs, Cs); cette t~anscrt~tlon
ménte qu on s'y arrête, car elle permet pour la première fots de
te mettre en rapport le principe de réalité avec le système appelé
la Cs et de définir la réalité comme corrélat de la conscience.
nt C'est dans le paragraphe consacré aux cr particularités du système
se les » que cette transcription cr systémique » se trouve 11 ; le principe
";
lu 10• G. w. VIII, p. 234: s. E. Xli, p. 222.
• 11 • .• En résum~ : absence de contradiction, proctsnu primaire (mobilit~ des
~~V~tassements), intemporaliti ct remplacement d1 la rla/itl extérieur~ par la
d al, ti psychique, tels sont les cllnlct~res que nous pouvons nous attendre à trouver
an~ Ica processus relevant du ayst~mo Ica. • G. W. x, p. a86; S. E. XlV,
J
• p. 1 7; tr. fr., in Mlt4psychologie, p. 131 •

~~~.. 1.& - - - --
_ ...

'

ANALYTIQUE

de plaisir-déplaisir est placé du même côté que l'abse~ce de contra- accc


diction (de négation, de doute, de degré dans la cert.ttude), que la syst
mobilité des investissements et que l'absence de relatiOn au temps; elle:
• inversement, le princiP.e ?e réalité est. ~lacé du .même côt~ qu~ la •
• (Al

négation et la contrad1ctron, que la ha1son tomquc des energies, c1at
que le rapport temporel. narc

C'est sans doute dans le Complément métapsyclzo/ogique à la tlSSi
doctn'ne des rêves, de 1916 12, que cette corrélation entre le système 'l

Cs et le principe de réalité reçoit la formulation la plus exacte de bon
toute l'œuvre théorique de Freud. Ma
Corrigeant le chapitre vu de l'l11terprétation des Rêves, Freud du :
accorde que la régression topique - c'est-à-dire la dissolution les
de la pensée de désir dans les images mnémoniques issues de l'expé- Tot
rience antérieure de la satisfaction, ct la reviviscence de ces images- • sr
ne suffit pas à rendre compte du sentiment de réalité qui s'attache k 1
à l'hallucination; il y faut en outre l'abolition de la fonction discri- Pep
minante du jugement de perception; il faut donc relier cette fonc- de ·
tion discriminante à une institution psychique particulière, à une syst
cr organisation ( Einrichtung) propre à nous permettre de distinguer de J

une semblable perception de désir d'un remplissement réel (von tl on
einer rea/en Erfüllut~g) et à l'éviter par la suite 18 n. Ce qui est ainsi tant
aboli, Freud l'appelle cr l'épreuve de la réalité » ( Realitiitsprüfung, duit
testing of reality 14). dire
Or l'investigation de cette fonction nous amène à dire que c'est le r
le même cr système» qui règle le cr devenir-conscient » et cc l'épreuve le s
de la réalité»; la double constitution d'un intérieur et d 'un extérieur (At
relève d'une unique fonction, manifestement liée à l'action muscu- l'id<

laire, seule capable de faire apparaître ou disparaître l'objet. C'est nan
pourquoi on peut parler d'un unique système Cs-Pcpt, doté d'un cee

investissement propre, d'une charge capable de résister à l'invasion r1eu
libidinale. L'épreuve de la réalité est ainsi solidaire du système Cs et
' de son investissement propre. Et Freud de dire: a Nous considére-
rons l'épreuve de la réalité comme une des grandes itutituti()IU
(lnstitutio._nen) du moi, à côté des censures que nous avons appri~
à reconnartre entre les systèmes psychiques 1s... » Ces censures qUl
l
12. Metapsychologisclu Ergan:mng zur Traumlehr~, G. W. x, p. 412-26. A régr
Metapsycho/ogical Supplement to the Theory of Dreams, S. E. XIV, p. 2%2·235·
C. P. IV, p. IJ7·JSI. Tr. fr. Comp/émenu mitapsycllo/ogiqull d la d«trine du
rluu, in Mltap•ychologie, p. s6z-188.
dela
.,
16

13. G. W. x, p. 422 ; S. E. XIV, p. a3s; tr. fr., p. 181.


14. lbrâ. G, V
15. G. W. x, p. 424; S.E. XlV, p. 233; tr. fr., p. 18+ 18

-~A'!v a.1
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PRINCIPE DE RMLITÉ •
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j •1
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ccompagnent l'épreuve de la réalité sont celles qui protègent les
la :ystèmes Pcs et Cs contre les investi~~me~ts libidi~aux; ce sont ih·l
l'
elles qui cèdent, dans la psychose de des1r, so1t par a detournement» l ;l
la' ( Abwendung) et u retrait » ( Entziehrmg) du réel, soit par« renon- 1

ciation volontaire», comme dans l'entrée dans le sommeil. La fuite hi


s, 1: !
narcissique dans le sommeil équivaut ainsi à une perte de l'inves- 1' ••.
,..
~ tissement propre du système Cs 14• i 1
1e Toute régression topique, caractéristique de la perte de la fonc- (1
le tion du réel, suppose donc une altération du système Cs lui~même. 1

Mais Freud avoue sans peine que la théorie topique-économique 1 :~


ii
t •j
d du système Cs-Pcpt reste à faire. Ici encore, la doctrine fixe plutôt 1; r
n

les cadres d'une recherche qu'elle ne tranche sur des résultats. l!

~ Tout ce que nous avons dit ci-dessus de la conscience comme •1
1'
-te 1 surface » de l'appareil psychique (dans la ligne du cha p. II de
k Moi et le Ça) ressortit à cette investigation du système Cs-
11
l :


1- Pcpt, dont nous savons maintenant qu'elle est la contrepartie 111•
1
: :1
~­ de toute étude du principe de réalité; lorsque Freud dit que le
~

te système Pcpt est le noyau du moi 17, il énonce, en fait, le principe i;1
11
••
:r de réalité. Ainsi pouvons-nous maintenant dresser la grande fonc- 1i
:r


tion de a l'extériorité », face aux requêtes du monde intérieur, i1
{ 1
31 tant éthique que pulsionnel; plus tard, lorsque nous aurons intro-
duit le surmoi dans la confrontation avec la réalité, nous pourrons ' 1

1
dire avec le Moi et le Ça :a Tandis que le moi est essentiellement •
! 1•
~t f
le représentant ( Repriisentant) du monde extérieur, de la réalité, •1 •• 1
1 :

•e Je surmoi se dresse par contraste avec lui, comme le mandataire 1. '11·


ar ( Anwalt) du monde intérieur, du ça. Les conflits entre Je moi et !~ 1
,_ 1 :.
l'idéal refléteront, à titre ultime, comme nous sommes mainte- '• .1
>t nant préparés à le reconnaître, le contraste entre ce qui est réel et
.n ~ qui est psychique, entre le monde extérieur et le monde inté-
l':'1
1
l 1·
rieur 18. » !:!
l;
I1 •
i. .


2. PRINCIPE DE RÉALITÉ l'<
lS

Jl
ET « CHOIX D'OBJET » ii!.. ,.
• 1

\' 11 1
Le P.rincipe de plaisir est ]a voie courte et facile; tout ce qui est ••
1

A régressaf y ramène. Le principe de réalité est la voie longue et j.


1

S· •
••
'es a6. G. W. x, p. -.as; S. E. x1v, p. aH; tr. fr., p. •8s-6. ! •
d 7· Dnns le même sens Deuil et milaruoli~ : • A\'ec Ja censure et l'~preuvo
1 I. '
l '

G la ~alité, nous rangero~s (la conscience] parmi les grande:~ institutions du moi. • •. •

1

• ~· ~· p . <JJJ i S. E. XlV, p. 2~7; tr. fr., p. 199· •


1 1 •
1
• W. xm, p. a6.H S. E. xax, p. 36; tr. fr., p. 191.
\ 1

'•.
1 \

! •

-•~t;a i . • 1_ ,_ _
. -. _ ...
ANALYTIQUB

difficile; il ne va pas sans renonciation et sans deuil des objets moyen


archaïques. il étab
Ce schéma simple s'est enrichi, sans être fondamentalement '
et Je «
altéré, de toutes les analyses portant sur ce que n<;>us avons appelé ' Cett
1
bien des fois histoire du désir. Cette « chronologie » schématique J nous a
''
du désir va faire apparaître des relations nouvelles entre principe second
de plaisir et principe de r~alité. . . . ,. . . Le]
En limitant, dans sa premtère théorie de la hbtdo, 1mvesttgat10n Trois e
des pulsions au domaine des pulsions sexuelles, provisoirement maisd
opposées aux pulsions du moi, Freud a délimité le champ d'élection 1. qUl• re1
pour l'histoire du conflit entre les deux principes de fonctionnement; à l'obj.
en effet le remplacement du principe de plaisir par le principe de que la
réalité ne se fait pas tout d'une pièce, ni simultanément sur tout le de« d
front des pulsions : le domaine de la libido est par excellence stades
celui où le changement de régime est difficile à acquérir. Si la libido Repl
reste plus longtemps qu'aucune autre pulsion sous le régime du •' -
comctc •

principe de plaisir, c'est parce que l'auto-érotisme primitif lui encore


permet d'échapper longtemps à l'épreuve de la frustration et donc Sur ce
à l'éducation par le déplaisir, et que la période de latence ajourne • corresJ
'
encore à la puberté cet affrontement avec le réel. La sexualité ' « l'org
est ainsi le siège de l'archaïsme, alors que les pulsions du moi sont la fonc
tout de suite aux prises avec les résistances du réel 19• C'est prin- '
'
Essais :
cipalement dans la région du fantasme que le principe de plaisir u Tanc
poursuit son règne; c'est là que la structure du Wunsch se maintient en un
Je plus longtemps, peut-être même indéfiniment. Nous avons ments
souvent souligné cette spécificité de la sémantique du désir sexuel; de l'at
à la différence de la faim ou même de la défense du moi, la sexualité la pro<
donne à imaginer et à parler, mais sur un mode déréalistique; la non se·
sémantique du désir est ici une sémantique du délire. C'est pour- mais à
quoi le principe de réalité apparaît comme le fruit d~ne bataille •
regtstr•
qui se poursuit, non plus seulement dans les substructures du avec u
désir, mais dans les arborescences du fantastique, au plan de ce de l'in
que les Essais de Métapsyclwlogie appellent les « rejetons » de la du pri
pulsion, dans tous les registres de la représentation, de l'affectivité, à cet él
des expressions parlées du désir. la plu~
Cette histoire du désir, siège de la bataille entre fantasme et conditi
réalité, Freud a essayé de la jalonner par sa théorie des cc stades • ce qui
de la libido; en rapprochant ainsi d'une part, ce qu'il appelle dans difficu:
l'Essai de 1911 la u décomposition du principe de plaisir par le
ao. 1
at. 7
19. Formulation~ concernant /tl deux prineip61••• G. W. vm, p. 234, S. E. xu, 237 (19•
p. ua. aa. (

268
••
ji ~
.f: i
·~
PRINCIPE DE RÉALITÉ 'l l
1·~
••
'
1

1 ~;
moyen du principe de. réal.ité 20 »,d'autre part, la tJ:téo~e des stades, 1 'i~~
••• .
1 •'' •
il établit une connex10n mtéressante entre le pnnctpe de réalité '
et le « choix d'objet », thème central de l'histoire de la libido. ,,.·l!·~
tl

' Cette connexion est plus précise et plus éclairante que celle que •l
,. r
1 nous avons établie plus haut entre principe de réalité et processus '
f, 1
.
1
secondaire.
Le point de départ se trouve dans cette notation capitale des
"'
• .1
)
Trois essais sur la sexualité, que la pulsion a un « but » déterminé,
:dt 1

mais des « objets »variables. C'est cette errance originaire du désir 1


1 .i
':1
1. qui rend durable le règne du principe de plaisir. Puisque le lien 1 ••

l
1
à l'objet n'est pas donné, il doit être acquis; c'est ce problème
que la doctrine analytique désigne par le terme de Objektwahl,
r:.1
••

~
de a choix d'objet»; il constitue le thème central de la théorie des .'
stades libidinaux.
•'
Replacé dans cette perspective précise, le principe de réalité
coïncide avec l'installation du stade génital et, plus précisément
1iltl :
1
! i1
1
'
1
1
encore, avec la subordination de l'amour objectal à la procréation. ' '
1
Sur ce point, Freud n'a jamais varié; au principe de réalité il fait 1

1• fl 1
correspondre une organisation intra-psychique déterminée : • ' l
« l'organisation et l'assujettissement des tendances partielles à
la fonction de procréation ». A cette affirmation réitérée des Trms 1 f
~
Essais 21 correspond une affirmation semblable de l'article de 1911 : 1•
cr Tandis que le moi poursuit sa transformation d'un moi de plaisir
1
en un moi de réalité, les pulsions sexuelles traversent les change- 1

ments qui le conduisent à travers des phases intermédiaires variées J
'
1

de l'auto-érotisme primitif jusqu'à l'amour objectal au service de l .!


.• .1
la procréation 22• >> Ainsi, la réalité réside dans le rapport à l'autre, 1
'
' Ir
no~ seulement à un autre corps comme source extérieure de plaisir, !1
m~s à un autre désir et finalement au destin de l'espèce. Dans le l1 1'1
registre de la libido sexuelle, c'est la réciprocité d'un rapp.ort i•
1
'•
' avec un partenaire complémentaire et semblable, et la soumiSSlon l 1
••
de l'i~di~idu à l'espèce, qui fournissent le critère de la suprématie •

r
1

du prmc1pe ,de réalité. L'apport fondamental ~e la psycha:naiyse


••
1
à cet égard, c est d'avoir montré que cette canquete de 1 org~satton 1
'•
la pl~~ complexe est difficile et précaire, non par un acctdent du •.

condt!Ionnemcnt social, mais par une nécessité structurale ; c'est
c~ qu1 oppose Freud à tous les culturalistes soucieux de ramener.la :
difficulté de vivre aux circonstances de l'environnement soc1al .
20• •l1
Die AbliJsung des Lwtprin:rips durc/1 das R ealitdtsprin:ri'p, ibid.
21(· 1'rois Essais... G, W. v, p. 99, 109, 139; S.E. vu, p. 199 (1915), 20'/ (I90S), l •
2 • •1

J7 1905) ; tr. fr., p. 111, 128, 175.


2 2 , G. W. vm, p. 237; S. E. xu, p. aa4.
'
.
1

1 '"

1

1
!
.
• 1

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• •

1

ANALYTIQUE •
.
1

actuel; pour Freud, les positions succ~i~es de la. sexualité sont 1



rn
tenaces et difficiles à « abandonner »; atnst le chemm de la réalité 1 de
est jalonné d'objets perdus 23 ; le premier d'entre eux est le sein •
i {ai
1
maternel· l'auto-érotisme lui-même est partiellement lié à cet '•
qt
objet perdu. C'est pourquoi le « choix d'objet , a tout à la fois un 1
• Ft
caractère prospectif et nostalgique : u Le fait de trouver un objet de

sexuel n'est en somme qu'une manière de le retrouver 24• » Pour la ka
libido le futur est en arrière, dans « le bonheur perdu 26 D, Il est •
ré:
arrivé' bien souvent à Freud de dire que le choix d'objet n'a, si de
j'ose dire, pas de choix; par une sorte de fatalité intérieure, il se tic
fera sur Je modèle du corps propre ou sur celui de l'être qui jadis av
a prodigué ses soins : il sera narcissique ou anaclitique 26• d'l
· Cette interprétation dramatique de l'histoire du désir atteint su
son point critique avec le complexe d'Œdipe; celui-ci concerne bit
notre investigation présente en raison de la prolifération fantas- du
matique qu'il suscite; la crise œdipienne, en effet, n'est pas localisée 1
ne
dans le temps; elle se prolonge en fantasmes incestueux dont Je 1
sa·

rêve et la névrose sont les témoins. On sait avec quelle insistance taJ


Freud affirme le noyau incestueux de la névrose : c'est là, dit-il, de
• que la psychanalyse tient ou tombe; mais l'essentiel du drame œdi- 80
pien est lui-même fantasmatique; c'est un drame joué et rêvé;

il n'en est que plus sérieux, car il procède d'une requête impos- co
sible du désir; le désir a d'abord voulu l'impossible (ce que la d'i
doctrine exprime sous des formes qui ont étonné et scandalisé : dé
le garçon veut avoir un enfant de la mère ct la fille du père); parce da
qu'il a voulu l'impossible, le désir a été nécessairement déçu et blessé; da
dès lors le chemin de la réalité est non seulement jalonné d'objets
.
; . perdus, mais d'objets interdits et refusés. On a assez dit l'impor- l'h
tance de ces abandons, de ces renonciations, pour la constitution où
du surmoi, il faut en dire maintenant l'incidence sur le principe à
de réalité. te1
Dans l'article de 19II, Freud oppose le moi de réalité au moi trc•
de plaisir ( Lustich 27 ) ; si le désir ( Wunsch) est le motif central du du
co
au
23. Trois .Essais.... G. W. v, p. 123 et auiv. (die Objcktfindung); S. E. vu, de
p. 222 et su1v.; tr. fr., p. 151 et suiv.
24- Ibid.
de
zs. Ibid. fru
. 2~. Ibid. Note ajoutée en 1915 (note 67 de la tr. fr., p. 2t7)i Freud harmonise
amaa aon texte avec les découvertes de l'essai sur le Narcissisme deuxième
partie, où ont été distinguées les deux • méthodes • - anaclitique et na~cissique­ ••
pour • trouver un objet •. ••

27. G. W. vm, p. 235; S. E. xu, p. 2a3. •

l
PRINCIPE DE RÉALITÉ

.

oi de plaisir, la recherche ~e l'utile est 1~ motif. c~ntral du ~oi


1

ont l
• ~ éalité : cr De la même mamère que le mot de platstr ne peut nen
1
lité


1 /3 ~ d'autre que désirer ( wünschen) ..• le moi de réalité ne peut
letn
~~ tendre ver~ ?e qui est uti0 ct .se protéger ~e tous do~m~ges ~· ,
1
1
cet
~reud se tient ICI sur un terram bten connu. C est sur la stgmficatton
1

un 1


)Jet de l'utile que roulent les premiers dialogues socratiques. La critique
r la kantienne ne doit pas cacher la signification positive de cette
est réflexion sur l'utile; Freud, précisément, restitue à l'utile son indice
, SI
• de réalité en r opposant à la tromperie du Wunsch. Cette opposi-
! se tion reprend, à un niveau plus élaboré de complexité, celle que nous
Ldis avons trouvée plus haut entre processus primaire et sel'ondaire :
d'un côté l'utile est la vérité de l'agréable; c'est l'agréable vrai

!tnt substitué à l'agréable rêvé; le principe de réalité, en ce sens, est
rne bien la sauvegarde du principe de plaisir : u En fait, la substitution
tas- du principe de réalité au principe de plaisir ne marque aucun détrô-
• •
tsee 1
nement ( Absetzung) du principe de plaisir, mais seulement sa
t le • sauvegarde ( Siclzerung 29). » D'un autre côté, le moi de plaisir a
nee tant de tours dans son sac, tant de ramifications au plan des rejetons
t-il, de l'inconscient, que le respect de l'utile, aussi modeste que soit
~di- son ambition aux yeux de l'éthique, fait déjà figure de discipline.
:vé; L~ valeur corrective de l'utile devient manifeste dès que l'on
lOS- constdère que le désir est source infinie de fantasmes et ressort
: la d'illusi?ns : le désir mystifie; le principe de réalité, c'est Je désir
.
,·é . démystifié; l'abandon des objets archaïques s'exprime maintenant
trce dans l'exercice du soupçon, dans le mouvement de la désillusion,
;sé; dans la mort des idoles.
jets , ~ci ~'histoire u ethnographique » du désir recoupe et enrichit
•or-
• 1?ts!o•re cc psychologique» du désir; elle la recoupe dans Ja mesure
1on
• ~u 1on I?eu~ faire coïncider une histoire exemplaire de la croyance
:1pe une htsto1re des stades de la libido; on se rappelle dans quels
t~rmes Freud l'a tenté dans Totem et Tabou 30 : au stade auto-éro-
:nOl• ~que cor~espondrait la toute-puissance de la pensée, caractéristique
du u préammtsme et des techniques de la magie; au choix d'objet,
corbespondrait Je dessaisissement de la toute-puissance de la pensée
V11 1 ~u é~é~ce des démons, des esprits et des dieux; au stade génital
de !a hbtdo, correspondrait la reconnaissance de Ja toute-puissance
f: e a. ~ature. Mais cette histoire • ethnographique » du désir, pour

ntso
antats•ste qu'elle soit, ne recoupe pas seulement celle des u stades •
ème
e- 28. Jb,'d.
a9. Ibid.
3o. Cf• ca'-d--...
- .... p. 333 Ot ·
IUIV•

.-Altos
• •

ANALYTIQUE

de l'organisation d~ la libid?, elle y ajoute ';1~ thème essentiel, du fa1


celui de la toute-pmssance. C est le noyau a rehgteux » du principe vers c
de plaisir; il y a du « ~~uvais infini » dans le dé~i.r; .le principe de D'a
réalité - même sous 1enoncé apparemment ph1hstm du principe devaic
de l'utile - exprime fondamentalement la perte du « mauvais
infini » la reconversion du désir au fini.
C'est pourquoi Totem et Tabou pouvait dire que le dessaisisse- 1
ment de la « toute-puissance » du désir au profit de celle des dieux
exprime déjà la première vi~toire du pri~cipe de r~alité. De ce 1
point de vue, le mythe fourmt une express10n fantast1que de cette 1
substitution, ou, comme dit l'article de I9II au paragraphe IV,
a une projection mythique de cette révolution psychique 81 ,,
On pourrait dire en termes paradoxaux que, pour Freud, la reli-
gion marque la victoire du principe de réalité sur le principe de plai-
l
.
La
et le J
1
si la 1
sir, mais sur un mode mythique; c'est pourquoi elle est à la fois la 1 qm <•
figure suprême de l'abandon du désir et la figure suprême de •
prmc
l'accomplissement du désir. 1 Ri:
Pour Freud, l'analyste et le scientiste- je ne reviens pas sur la da nt
difficulté de discerner ce qui est u préjugé » personnel de Freud et 1
! la di
acquis de la psychanalyse dans cette critique de la religion-, seule COm(
la sdence satisfait entièrement au principe de réalité et assure le 1
l corre•
triomphe de l'utile sur l'agréable, du moi de réalité sur le moi de ••
senta
plaisir. Seule la science triomphe des figures substituées, toujours .
:
01
plus retorses et sublimées, sous lesquelles le moi de plaisir poursuit 1
1
l'int~
son rêve de toute-puissance et d'immortalité. de h
1
Le principe de réalité ne triomphe donc que lorsque l'adulte • •
SlSffit
est capable de renoncer non seulement aux objets archaïques 1
ça, s·
pe~dus,, de type narcissique ou anaclitique, non seulemen~ aux 1
l1 les p
obJets mterdtts, de type mcestueux, mais aux objets myth1ques, 1
tisé 1

par lesquels le désir poursuit la satisfaction sur le mode substitué
de. la. compen~at~o? ou de ~a co,nsolation. On pourrait dire que le '•
.•
Le

p~mc1pe de re~hte symb.ohse 1 accès à l'utilité vraie, par le long poUl
detour du u de.Ull ~ des obJets perdus, interdits ct consolants. . lang.
Que le u SCientisme » de Freud ait réduit sa vision de la réahté s'ex1
au fait constatable, que la critique des idoles lui ait caché d'autres Selo

dimcnsio~ de 1~. réalité, je ~e le conteste pas ici; cette étroitesse • est 1
d~ freu,~ISme. rn tm porte .moms,, à. ce stade de la réflexion, que le
role qu tl asstgne au deutl de 1obJet archaïque et de ses rejetons;
l hain
indi.
c'est cette perte, en effet, cette renonciation, et toute l'émondation 1 figu:
s'en
que
31. G. W. Vlll, p. a36; S. E. xn, p. aa 3• •
VOnl



PRINCIPE DE RÉALITÉ

du fantastique qu'elle entraîne, qui fait virer le thème de la réalité


vers celui de la nécessité.
D'autres traits de la théorie, et tout son développement ultérieur,
devaient resserrer cette alliance entre réalité et nécessité•
••
1

3.
LE PRINCIPE DE RÉALITÉ
ET LA TACHE ÉCONOMIQUE DU MOI

La connexion que nous avons établie entre l'instance du moi


et le principe de réalité nous ouvre un dernier champ d'exploration:

si la réalité est le vis-à-vis du moi, au sens topique du mot, tout ce 1
• qui concerne la << tâche économique du moi » concerne aussi le !•
i
principe de réalité. lt•
Risquons-nous alors de dissiper le concept de réalité en l'éten- 1
.!
1 dant inconsidérément? Non, si nous gardons pour fil conducteur 1
1 la discrimination de u l'intérieur » et de cr l'extérieur »; à toute •
1

complexité nouvelle du u monde intérieur » correspond alors, !'


1 •
1

1 corrélativement, une tâche nouvelle pour le moi, en tant que repré- 1


1
sentant du monde extérieur.
Or Freud a enrichi de deux manières différentes ce monde de f~
l'intériorité; ces deux manières correspondent, l'une à la refonte J~
de la théorie des pulsions, c'e.st-à-dire à l'introduction du narcis-
••
1

1
sisme, l'autre au passage de la première à la seconde topique (moi, f'
1•
•• ça, surmoi). Par ces deux côtés, Freud s'est avancé plus avant dans 1



1 1.

1 les profondeurs abyssales de l'intériorité; il a du même coup drama- 1
'

,~
1
• tisé toujours plus le rapport à la réalité.
,,. ''

Le narcissisme concerne de façon directe le rapport à la réalité,
,
)
1

pour autant que l'attention à soi est inattention à l'autre. Dans le
langage de la métapsychologie, cette indisponibilité à l'autre
'
.,
9
s'exprime ainsi : le narcissisme est le cr réservoir » de la libido.
Selon cette économie du narcissisme, tout investissement objectal
e •
( est une sorte de placement affectif provisoire : nos amours et nos

e 1 haines sont les figures révocables de l'amour prélevé sur le fond •
,
• indifférencié du narcissisme; comme les vagues de la mer, ces
Il l
figures peuvent être effacées, sans que le fond soit altéré; c'est, on
s'en souvient, grâce à cet incessant retour au fond libidinal« égoïste • /. i
tl
1 que la sublimation elle-même est possible; grâce à lui, nous pou-· 1

• vans abandonner les buts et transformer les choix d'objet aban- 1

i

ANALYTIQUE
1
0

donnés en u Il!odifications .du moi »; grâce à lui, p~ conséquent,


0

nos identifications succe~•.ves forment .un « pré~1p1té » que l'on , Le:


peut assimiler à un ~arct~stsm~ second~1rc, .en ra1~on des. rapports des
économiques entre ldenttficat:lOn, subhmat:lon, desexuahsation et la
• •
narCISSisme. 0
0
son
Ainsi se creuse une intériorité toujours plus riche et plus arti- fa iL
culée : la contrepartie de ce renf~rce~ent indirect du narcissisme le c
1 lité
lui-même, c'est assurément une maptltude à nous déprendre de 0

nous-même dans la considération du monde. Nous accédons ici me:


à une analyse saisissante de Freud que nous empruntons au petit 1 fiqt
essai : Une difficulté de la psyclzanalyse 82 ; c'était déjà le narcissisme l'es
1 (
qui faisait obstacle aux découvertes de Copernic, parce qu'elles
nous dépouillaient de l'illusion d'occuper le centre du monde; 1 dor

0

tlOJ
c'est lui qui s'opposa aux théories évolutionnistes de Darwin qui 1
ent
nous replonge dans l'immense flux de la vie; c'est lui, enfin, qui
résiste à la psychanalyse, parce qu'elle ébranle le primat et la souve- 1 la F
0

et :
raineté de la conscience. Un nouvel aspect du conflit entre principe à Cc
de plaisir et principe de réalité se découvre 33 : le narcissisme 1
est
s'interpose entre la réalité et nous; c'est pourquoi la vérité est se l
toujours humiliation pour notre narcissisme. 1
les
Ces remarques sur le pouvoir du narcissisme de résister à la tcrr
vérité sont singulièrement renforcées par tout ce que nous savons dra
de ce monde intérieur que nous avons appelé le surmoi (aussi 1 dor
bien le concept de narcissisme secondaire rapproche-t-ille surmoi 0

t
du monde intérieur primordial ou narcissisme primaire). 1
sérr
Freud n'a pas explicitement traité des rapports du surmoi et de en
la réalité; toutefois il nous engage à explorer cette voie lorsqu'il du
!'
atteste, dans le Moi et le Ça, que u le surmoi est toujours proche du enfl
ça et peut opérer comme son représentant face au moi : il plonge 1 (
plus profon.dément dans le ça et, pour cette raison, est plus éloigné 1
1 ava
de 1~ consctence que le moi ne l'est a. »; les dernières pages de cet 1 0 de .
essat, consacrées aux u relations de dépendance du moi », sont une 1
me1
'
première contribution à cette recherche et annoncent ce qu'une 1 mo:
école post-freudienne appellera e~l'analyse du moi» (Ego-A11alyris). u
32. Eine Schwier_igkût ~er Psyclroanalyse (IQ17), G. W. xn, p. 3-12; S. E. >.'VU, 1 d'u
p . 137·14-J; tr. fr., m Essau tk Psychanalyse appliqule, p. 173·181. 1 qu',
obj,
0

33· D~s le _ la~gage qui sera le nôtre dans la Dialectique (chap. n) : c'est le 1
faux cog~to qua 11 mterpo~e entre la r~alit~ et nous; il obture notre relation a.u 1 du
mo~de, al e~pl!che de laasser ~tre la rtalitt telle qu' elle est. S'il y a, comme JO ''
0 con
c:ro•s, un cogito fondamental , il faut d'abord abandonner la position de ce cogito-
tc.ran, de ce cog•to-rtaiatance, afin d'acdder ~ celui qui ne fonde qu'autant qu'il •
la1ase être. 1
• 3!
34· ù Moi et le Ça, G. W. xm, p. a78; S.E. XIX, p. ,.s. 9 ; tr. fr., p. ao6. 0 •
Jf
••
1
'
l1

.1
••

.1
1

PRINCIPE DE RÉALITÉ

Les analyses succinctes de Freud commencent par un rappel


'l ~ des fonctions désormais classiques : ordre temporel, épreuve de
s la réalité, inhibition et régulation motrices; mais ces fonctions r ,.
4
1

t sont désormais considérées du point de vue de la force et de la t


.j 1

faiblesse du moi. II est dès lors tentant de considérer la réalité comme f


• Je corrélat, non seulement du moi, mais de la force du moi : Ja réa- .

lité, c'est ce qui fait face à un moi fort. Nous donnons ainsi pleine- 1

• ment droit à ce qui nous a paru constituer la problématique spéci·


1 fique du moi, à savoir la problématique de la domination et de
t l'esclavage, comme dans l'Ethique de Spinoza.
..
... Or la force du moi, à l'opposé de l'illusoire « toute-puissance »
1
dont parle Totem et Tabou, consiste essentiellement dans sa posi·
,•• tion concordataire ou diplomatique. Cette tâche de médiation
1

'
1
entre le ça et le surmoi, entre le ça et la réalité, et entre la libido et
1
la pulsion de mort, a l'expose à devenir sycophante, opportuniste
-.. '. et menteur, comme un politicien qui voit la vérité, mais aspire
... à conserver sa place dans l'estime publique 35 ». !VIais cette tentation
1
est propre à un être de frontière, plus courtier qu'arbitre, qui doit
t se faire aimer du ça pour le ployer à J'ordre du monde, courtiser
1
les amours de son maître, comme un valet de comédie, pour les 1
l
1
l tempérer. Sinon il retomberait sous les coups du surmoi et devien-
s drait à nouveau la proie des pulsions de mort, sous prétexte de

1 dominer la libido.

1
1
'
1:
Un nouveau sens du principe de réalité, plus conjecturé qu'expres-
1 1
sément formulé, se propose: je l'appellerai le principe de« prudence», 1
e • en un sens tout à fait aristotélicien; il s'oppose au faux idéalisme
l

.1
l 11
du surmoi, à ses exigences destructrices et en général à toutes les
1

J
j 1 1
enflures du sublime et à Ja mauvaise foi de la bonne conscience.
e 1
Ce principe de « prudence », où je verrais volontiers la pointe
e• 1
1 avancée du principe de réalité, est, à tout prendre, l'éthique même
:t 1 de la psychanalyse. Dans le texte même que nous venons de com-

e menter, Freud rapproche expressément la tâche économique du
e moi de celle de l'analyste :
1
• « A la vérité le moi se comporte comme le médecin au cours
1,
d'un traitement analytique : il s'offre lui-même, avec l'attentt'o11
qu'il prête atl monde réel (c'est nous qui soulignons), comme un
.e 1 objet libidinal pour le ça et vise à attarcr sur lui-même la libido
u j du ça sa. » Dans le même sens, à la fin de !VIa/aise... , après a\'oir
1
.1

••
contesté que les requêtes excessives du surmoi puissent effective· i. .
jJ •
l'
1 1
,•
. 1:
1
35· lbiJ., G. W. xur, p. a86-7; S.E. XIX, p. 57: tr. fr., p. a a,s.
36. Ibid. r

i 275
l
.1
1
ANALYTIQUE 1
1

ment changer le moi, Freud ajoute :. « Aussi sommes-nous très


souvent obligés, dans un but thérapeutrque, de combattre le surmoi
et nous efforçons-nous de rabaisser ses prétentions 8 7• ,
Ce rapprochement entre la tâche économique du moi et la .••
tâche de la psychanalyse elle-même est instructif. On peut dire 1
1
que le psychanalyste rcprése~te pour le patient le principe de 1

réalité en chair et en acte. Or tl le représente dans la mesure où il 1


ne juge pas et ne prescrit pas éthiquement : cette abstention à
l'égard de toute prédication morale, ce détachement analytique
ferait d'abord croire à une absence d'éthique; il retrouve un~ 1.
signification profonde quand on le replace dans le champ de l'oppo-
sition entre principe de plaisir et principe de réalité; le surmoi
attaque l'homme comme être de plaisir, mais il présume trop de 1
l'homme et ne cache ses excès que sous la satisfaction narcissique J
~u'il offre au moi de se croire meilleur qu'autrui; le regard de •
1
1

1 analyse, c'est au contraire le regard éduqué à la réalité et retourné


vers le monde intérieur. L'epochè du <<parler-valeur» devient ainsi 1 dt
• l l'étape fondamentale de la connaissance de soi,· grâce à elle le re
principe de réalité devient la règle du devenir-conscient. co
Toute éthique est-elle abandonnée? L'analyste, plus que qui- éc
conque, sait que l'homme est toujours en situation éthique; ille Ci
présuppose à chaque pas; ce qu'il dit de l'Œdipe atteste avec •
• cc
p~
• force la destination morale de l'homme; mais, en présence des mal-
façons de la conscience morale et de son étrange complicité avec rn
la pulsion de mort, le principe de réalité propose la substitution la
du regard neutre à la condamnation. Ainsi s'ouvre une clairière pl
.1 dt
de véracité, où se trouve porté au jour le mensonge des idéaux
et des idoles et démasqué leur rôle occulte dans la stratégie du 1• et

l1 d'
1
désir. Cette véracité n'est sans doute pas toute l'éthique. Du moins
cc
en es~-e1le le seuil. Certes la psychanalyse donne seulement la 1
de
1
co.nnaissance, non la vénération is, Mais pourquoi le lui demande· 1 th
•• rait-on? Elle ne l'offre pas.
n<
37· G. W. xsv, p. 503; S. E. XXI, p. 143; tr. fr., p. 77. 1 de
~8. Jean Nabert, Stémenu pour une éthimu• chap. Xl • Ica sources de Ja vb16- 1
rauon •· .,-, '
et
Il
' de
s.
. m'
1 l'l
. p•

'
.''
1 •
1 1.

101

CHAPITRE II

la .1

re LES PULSIONS DE MORT :


de 1 SPÉCULATION ET INTERPRÉTATION
il 1
à
te, 1
ne .
~
0• • •'
.01
• 1. LA « SPÉCULATION » FREUDIENNE
~e 1 SUR LA VIE ET LA MORT
:
ue 1
je 1
•i
lé Quels sont, demandions-nous, les représentants de la pulsion
LSl

.1 de mort? La question s'impose pour deux raisons: il est d'abord
le remarquable que la pulsion de mort a été introduite pour rendre
•1 compte non de la destructivité, comme le laisseraient croire les
• écrits culturels postérieurs, et principalement Malaise dans la
11-
le Civilisation, mais d'un ensemble de faits groupés autour de la .•
ec •
• compulsion de répétition; c'est après coup seulement qu'elle est .
J- passée de considérations méta-biologiques à des considérations
!C 1
méta-culturelles. L'enchaînement des divers représentants de 1:
m 1 la pulsion de mort fait donc question. Mais surtout le lien de cette '
re 1 pulsion à ces représentants n'est pas la première préoccupation 1
.
lX
1
• de Freud : Au-delà du principe de plaisir est Je moins herméneutique l·

lu J et le plus spéculatif des essais de Freud; je veux dire que la part 1'

l8 1

1
d'hypothèses, de constructions pour voir, poussées à leurs extrêmes •

la 1
1 conséquences, y est énorme 1• La pulsion de mort n'est pas d'abord
e· j déchiffrée dans ses représentants, mais posée au niveau des hypo-
thèses ou u présuppositions spéculatives » concernant le fonction- 1
nement et la régulation des processus psychiques. C'est seulement 1
r
dans un second mouvement que cette pulsion est reconnue et 1
l.

1. • Ce qui auit, c'eat de la ap~culation, sp~cuJation qui va parfois à perte de vue
et que chacun suivra avec sympathie ou répudiera selon sa propre disposition. l:
Il ne f'aut en outre y voir qu'un essai de poursuivre jusqu'au bout une idée, afm 1•
1
t
'
de voir par simple curiosité jusqu'où elle peut conduire. • G. W. Xlii, p. 23;
'
1 S. E. xvm, p. 24; tr. f'r., in Essais de Psydmnalyse, p. :z6. Plus loin : • ... pour lo •
moment, il peut être tentant do poursuivre jusque dans ses ultimes conséquences ,.
1 l'hypoth~e que toute pulsion veut restaurer un ~tat ~e chose antérieur. • G. W. xm, 1 •
• p. 39; S. E. XVUI, p. 37; tr. f'r., p. 43· 1
i
l
.'• •,
277
.1

ANALYTIQUE

•• déchiffrée dans un certain nombre de phénomènes cliniques, puis 1


dans un troisième mouvement, qu'elle est reconnue et déchiffré~
comme dcstructivité, au plan individuel et au plan historique et l
1
t
1
t
culturel. Il y a donc un surplus de l'hypothèse par rapport à ses (
vérifications fragmentaires et partielles qu'il ne faudra jamais (
perdre de vue. ,. . 1
Suivons donc de près les étapes de 1mtroduct10n du concept de (
•' mort dans Au-delà du prbzcipe de plaisir.
Le côté spéculatif de la notion éclate dès les premières lignes,
I
et même dès le titre. Ce n'est aucunement face à Éros que le concept (
est posé; au contraire, Éros sera lui-même introduit comme un (
remaniement de la théorie de la libido, imposé par l'introduction .
c
de la pulsion de mort; comme le titre lui-même le suggère, l'hypo- c
.
1
• thèse de la pulsion de mort concerne les limites de validité (Jenseits..., r,
.' Beyond... , au-delà de... ) du principe de plaisir. Du même coup
cet essai se rattache au faisceau des hypothèses les plus anciennes, ••
I
celles de l'Esquisse de 1895; autant la notion de libido appartient F
à un style de déchiffrage de la pulsion dans ses représentants, p
1 autant le principe de plaisir relève d'un autre type d'hypothèses a
1
1 que Freud lui-même appelle la « théorie de la psychanalyse >>. I
1
• On se rappelle ces hypothèses; elles concernent la régulation d
• 1
automatique des processus psychiques; elles se réfèrent par consé- f:
quent à la conception d'un appareil fonctionnant à la manière
~
1
'
!. d'un système énergétique mis en mouvement par une production
de tensions et tendant à l'abaissement général de ces tensions. c
•• Cette hypothèse est une hypothèse quantitative, en ceci que ~es
.1 phénomènes de plaisir et de déplaisir se rapportent à la quantité r.•
1 d'excitation présente dans l'esprit, le déplaisir correspondant à d
•• un accroissement de la quantité d'excitation et le plaisir à sa dimi- re
nution 2• Il y a donc deux hypothèses : la première concerne la e:
correspondance entre les sensations de. plaisir et de déplaisir et lt
'•. l'augmentation d'une quantité d'excitation; la seconde concerne 8<
lt
1
2. Cf. ci-deasus, A.nalyti~, s'0 partie, chap. r. Dans le premier chapitre de u
A.u.~del~ d!" principe de pl~isir, .après avoir rappelé ces hypothèses, Freud ajoute rt
qu d !' .cxaste pas de. rela!aon sample entre la force des sensations de plaisir et ~~ al

déplaa~ar et .les modific~taons correspondantes de la quantité d'excitation et q~ al u
faudra at tenar compte d un ~acteur temporel : • Le degré de diminution ou d'accroiS-
sement dans le temps seralt probablement le facteur décisif pour la sensation. '
G. W : Xlll1 P · :4; ~· ~· co~prend :. • 1'he amount Qj incr~ase or dimitmtio11 in the 01
quan~IIY of exCitatr"'! m a gnum pertod of time, , S. E. xvm, p . 8. De même, tra·
ductson S. Jankélcvatch : • Le degré de diminution ou d'augmentation de )a quan·
tité d'.énergie dans u!'e fraction de temps donnée '• tr. fr., p. 6. Ll dessus cf.
l'Etqume de 1895, Namanct1 t.k la Psychanalyse, p. 329 •
1'

1
.
'
'

LES PULSIONS DE MORT •


'
.

·Uts l'effort de l'appareil psychique pour maintenir la quantité d'excita- !
frée' tion présente au niveau le plus bas ou du moins à un niveau cons- i'
! et tant· c'est une hypothèse concernant le travail de l'appareil psychi- • ••1

ses
• que ~t sa direction; c'est elle qui constitue proprement l'hypothèse 1
1318 1
de constance; la première hypothèse permet de la transcrire en
principe de plaisir et de dire que « le principe de plaisir dérive
de du principe de constance 3• »
Comment dès lors peut-on parler d'un au-delà du principe de
tes, plaisir, si l'hypothèse de constance est l'hypothèse la plus générale
cpt que l'on puisse former à propos de l'appareil psychique? D'abord,
un que désigne l'expression « au-delà du principe de plaisir ? » Elle

:on dé$igne « l'opération (~Virhsamkeit) de tendances... plus primitives
)0~

..., que le principe de plaisir et indépendantes de lui 4 ». Toute la


marche de l'essai est un long et habile mouvement en vue de dévoi-
up ler de telles tendances. Je dis un long et habile mouvement. Car
es, Freud, contournant les résistances de son lecteur, et investissant
:nt prudemment son siège, ordonne des faits qui pourraient s'expliquer
ts,
par le principe de plaisir, mais qui, aussi, pourraient s'expliquer
.es autrement. Il est remarquable que c'est au moment même où
Freud dit que ces faits s'expliqueraient à la rigueur par le principe
>n 1 de plaisir qu'il en sape de façon décisive le rôle prépondérant. Il 1
e~ ••
faut considérer que l'on ne peut rendre compte du cours de la vie
re psychique de l'homme sans parler de ce qui contrarie ce principe
•n de constance, donc de ce qui l'empêche d'être dominant et le f• '
s. contraint de rester tendantiel (chap. n). 1
1
!S 1
L'étonnant, en effet, c'est que le principe de plaisir ne peut

à
r.égir que les processus primaires, c'est-à-dire, selon le chapitre vu
de l'lt~terprétation des Rêves, le court-circuit du désir et de son l '1

-a remplissement quasi hallucinatoire; face aux difficultés du monde


1

•1•

extérieur, il est non seulement inopérant mais dangereux; ce sont (.


:t les instincts de préservation du moi qui requièrent d'eux-mêmes 1•
e son remplacement par le principe de réalité. Situation étrange : /
le principe le plus général du fonctionnement est en même temps '•
1
1
e un des termes d'une polarité : principe de plaisir - principe de •
e
e réalité. L'homme n'est homme que s'il ajourne la satisfaction, 1

1 abandonne des possibilités de jouissance, tolère provisoirement 1


••
• un certain degré de déplaisir sur la route détournée du plaisir. ••
•• Voilà la première brèche que Freud s'empresse de colmater : •• •
• on ne peut encore, dit-il, parler d'un au-delà du principe de plaisir, ''
1
1
'

• 1'
•• •
J. G. W. XVIII, p . 5; S. E. XVIII, p. 9i tr. fr., p. 7. 1•
4- G. W. XVIII, p . 15; S. E. XVIII, p. 17; tr. fr., p. 17. .•
,' •
1

•'

1
1
1


/
ANALYTIQUE •
••

d'abord parce que la sexualité _atteste que toute une part du F


psychisme humain ne cesse de réstster à l'éducation; ensuite parce rr.
que Pon peut considérer cette admis~ion du déplaisir dans toute •
1


conduite humaine comme le lon~ detour que prend le principe d·
t
de plaisir pour s'impose~ en dern~er ressort. Cl

Voilà ce qu'on peut dtre à la Tigueur. 1'•
On peut, à la rigueur encore, dire la même chose d'une autre ti
sorte de contrariété imposée au principe de plaisir. L'Esquisse
. .

de 1895 déclarait déjà : c'est le déplaisir qui éduque l'homme. Or d·
• le cours le plus remarquable de cette éducation consiste dans le d·
remplacement d'une organisation libidinale par une autre de à
degré plus complexe : les organisations successives de la sexualité, tr
étudiées dans les Trois Essais... et toujours mieux différenciées n•
.' • et articulées dans l'école freudienne, constituent l'illustration la q·
plus considérable de cette loi de développement; or, c'est l'un des rr
enseignements majeurs de la névrose, que les organisations anté- aJ
rieures ne sont pas purement et simplement remplacées par les P'
'1
suivantes et que les conflits naissent entre les vestiges des précé- r<
• t

dentes et les exigences des suivantes; les parties de la pulsion ainsi
1 exclues de la satisfaction cherchent des modes substitutifs de t2
satisfaction que le moi ressent maintenant comme déplaisir. Voilà p
1

''
donc du plaisir qui ne peut être ressenti comme tel parce qu'il el
appartient à des organisations dépassées de la libido; c'est à cette t-

catégorie de déplaisir, on le sait, que ressortit la souffrance du al
névrosé. Mais, précisément, la psychanalyse nous apprend à dis- r.

•r cerner le principe de plaisir dans ce que le moi ressent comme Jf
1 déplaisir. el
Les deux exceptions au principe de plaisir qui viennent d'être cc
1
évoq_u écs . peuvent donc, chacune à leur manière, passer pour des 31

1 mod•fi.cat10ns du principe de plaisir : le principe de réalité peut,
à 1~ _ngucur, ~tre tenu pour le détour que prend le princip~ de q
• platstr pour 1emporter finalement, et la souffrance névrotique t~

• pour le masque que pr~nd le pl~isir le plus archaïque pour s'im~o- 81
ser m~l~ré tout. ~aas tl est clatr que ce qui confirme le princtpe c
de ,rlatstr es~ ~usst ce qui l'ébranle, puisqu'il ne peut être conçu •
qu en opposttton avec. ce qui le contrarie.
Poursmvant son hab.tle trav~il de sal?e (chap. tn), Freud met en c:
place u~e ~ouvelle séne de fat~ dont d nous assure qu'ils présup- p:
n:
posent 1 ext.s tence ct la prédommance du principe de plaisir et ne il
nous fourmssent P.as. ~ncore la hrcuve évidente de l'existence de tc
tendances plus pr~mtttves que ui et indépendantes de lui. Les p
uns sont pathologtques, les autres normaux. Parmi les premiers, p

280

~- \
.
l

1
i
1

LES PULSIONS DE MORT '.




du 1
Freud considère le cas de la névrose traumatique et plus précisé- •
~

1
rce ! ment un thème onirique fréquent dans les névroses de guerre, '1

ute 1
• qui montre le patient sans cesse ramené à la situation de son acci-
• l
tpe dent et fixé à son traumatisme. Nous voilà déjà sur le terrain de la
compulsion de répétition qui va devenir la référence centrale de f
l'essai. Mais Freud se replie habilement et fait une nouvelle sugges-
tre

tion tirée du jeu. 1
'.Sse Voici un enfant de dix-huit mois; c'est un bon garçon qui laisse
Or dormir ses parents; il est obéissant, ne touche pas aux choses
le défendues et surtout ne pleure pas quand sa mère le laisse; il joue 1
de à faire disparaître et reparaître une bobine et ponctue son jeu d'un t
1.
.té, triomphant fort-da (parti 1 Voilà 1). Que signifie ce jeu ? Il a certai-
i(
-es nement rapport à ce renoncement pulsionnel qui nous a fait dire
la que c'était un bon garçon; c'est une répétition du renoncement,
Jes mais non plus subie, passive; l'enfant met en scène le disparaître-
té- apparaître de sa mère sous la figure symbolique de robjet à sa 1
les portée. Ainsi le déplaisir lui-même est maîtrisé par le moyen de la
:é- répétition ludique, de la mise en scène de la perte de l'être aimé.

OSI Cet épisode, cher à quelques psychanalystes français, n'est pour-
de tant pas décisif aux yeux de Freud; une fois encore, il minimise sa
·ilà propre trouvaille, à la faveur de cette stratégie de conférencier t
!• .
l'il et d'écrivain qui ne cesse d'étonner le lecteur; ne peut-on, insinue- t
tte t-il, recourir à un penchant à la domination, indifférent au caractère
du l'

agréable ou non du souvenir? Ne peut-on encore penser que •
IS- !'enfant se venge de sa mère, en la jetant dehors, comme fit le ~

••
ne Jeune Gœthe, jetant la vaisselle par la fenêtre ? Ainsi domination •

et vengeance ne nous inclinent pas nécessairement à chercher, dans
tre cette impulsion à répéter une expérience désagréable, quelque
les au-delà du principe du plaisir 5•
••
ut, Mais pourquoi Freud s'est-il attardé à cet exemple, sinon parce .
de que, mêlée aux motifs de domination et de vengeance, se manifes-
ue t~t une tendance plus essentielle, poussant à la répétition du déplai-
JO• str sous forme symbolique et ludique? Suggestion inappréciable,
pe car l'exemple du fort-da ne se borne pas à confirmer celui du rêve
.çu
. s. • C'est la preuve convainc11nte que, m~me soue la pr~dominance du prin-
en cape de plaisir, il se trouve encore des voies et des moyens pour faire, de cc qui ••

rp· par aoi-mamc produirait du d~plaisir, l'objet du souvenir et le thème d'un rema-
ne !'Ïemcnt psychique... [ces cas et ces situations] sont inutiles à notre dessein, car •
ils présupposent l'existence et la pr~dominllllcc du principe de plaisir ct n'attcs• •
de tcnt pas avec évidence l'opération de tend11nces situées au-delà du principe de

..es plaisir, c'est-à-dire do tend11nces qui acruient plus primitives que lui ct indé·
rs, pendantes de lui. • G. W. xm, p. rs; S.E. xvm, p. 17; tr. fr., p . 17.

,/
-
.•
1
.•
..

ANALYTIQUE

de la név!ose traun:a~ique; ce dernier donn~ à .P.enser que Pau-delà le 1


••
du princtpc de platstr, la tendance plus pnmtt1ve que nous cher- aux
!
chons, s'exprime dans la seule compulsion de répétition; or tout le rerr.
symbolique, tout le ludique, répètent aussi le déplaisir, mais sous se !

une forme non compulsive, en créant du symbolisme avec de des

'
l'absence. Le fort-da de l'enfant invite à réserver, pour la pulsion l'én

de mort, un autre champ expressif que la compulsion de répétition pro
et même que la destructivité :.cette. autre face non pathologique exp
•1. de la puls10n de mort ne conststeratt-elle pas dans cette maîtrise • st

• du négatif, de l'absence et de la perte, impliquée dans le passage fon

t
au symbole et au jeu? Il faut bien l'avouer, ce n'est pas dans cette des
direction que Freud a développé la théorie de la pulsion de mort, extc
.• mais seulement dans celle de la compulsion de répétition d'une par
1
part, de la destructivité d'autre part; peut-être faut-il dire qu'en la 1

donnant à cette pulsion silencieuse une figure voyante et bruyante, lm{
ces deux représentants en ont aussi limité la portée. un
. 1
' L'expérience décisive qui a mis Freud sur la voie des pulsions C'e
' ••• de mort, c'est une péripétie de la cure analytique, plus précisément not
. i.. brè
une difficulté liée à la lutte contre les résistances, à savoir la tendance

. 1• du patient à répéter, à la manière d'une expérience contempo· - reil

•' raine, le matériel refoulé, au lieu de l'évoquer comme un souvenir n'e
.. • passé; cette compulsion est à la fois l'alliée et l'adversaire du l'ér
1
médecin : son alliée, puisqu'elle est inhérente au transfert, son fair
• Vo
adversaire, puisqu'elle empêche le malade d'y reconnaître l'expres·
sion du passé oublié. Or si la résistance du moi à la réminiscence Ilt
s'accorde bien avec le principe de plaisir, en raison du déplais~r du
• ••. pn•
qu'il y aurait à libérer le refoulé, et si l'aptitude à tolérer le dépl:u·
(
• sir de l'évocation peut s'autoriser du principe de réalité, la compul·
sion de répétition paraît bien s'inscrire en dehors de l'un et de qu'
.' dar
l'autre pri~cipe~. Ce qu~ le malade répète, ce sont préc~sément
toutes l~s s~tuatto~ de detresse et d'échec traversées par 1enfant, pla

en parttcuher à 1époque du complexe d'Œdipe. Cette tendance, qu1


••
corroborée par la destinée étrange de ces personnes qui semb!ent
appeler sur elles les coups répétés de la foudre, paraît bien justtfier
1, ~ypoth~e d'une compulsion de répétition, « plus primitive, r.tus
ele!Dentalre, plus puls10nnelle que le principe de plaisir qu elle 1ro

'
8
échpsc 8 ». tntc
lon
Telle est la, b~e de fait - assez étroite, on peut bien le dire - ten
sur laq~elle s éd1fie la spéculation ultérieure (cha p. IV) concernant ce 1

.. ,
la pulston de mort. Freud, avec une habileté consommée, prépare d~f

p. :
6. G. W. xm, p. za; S. E. xvm, p. a3; tT. fr., p. as.

-
-
LES PULSIONS DE MORT

le lecteur aux nouveautés de sa spéculation, en les rattachant


aux plus anciennes parties de la métap~chologie, à celles qui
le remontent à l'époque de l'Esquisse et des Etudes sur l'Hystérie; on
us se souvient que Freud avait déjà emprunté à Breuer l'hypothèse
de des deux régimes de l'énergie psychique, l'énergie « libre » et
Jn l'énergie u liée ,; il incorpore maintenant cette conception à sa
Jn propre spéculation, en la rattachant à la théorie que nous avons .,.
ue exposée plus haut, selon laquelle la conscience est une fonction ~~
.t
se • superficielle , en un sens quasi anatomique; cette comparaison, .••·'
••
ge fondée sur des raisons d'ontogenèse, permet de comparer les ,1

:te destins divergents de la perception interne et de la perception ••t



rt, externe; en effet, la réception des stimuli externes est conditionnée .
' ''

•...•
ne par l'édification d'un bouclier protecteur: u pour l'organisme vivant, .' ..
en la protection contre les stimuli constitue une tâche presque plus .'
te, importante que la réception des stimuli 1 »; or, «il ne peut exister
un tel bouclier vers l'intérieur 8 », c'est-à-dire vers les pulsions.
ns C'est à ce défaut de bouclier anti-stimuli que Freud rattache la
nt notion de Breuer de l'énergie liée; en même temps, il ouvre une 1

ce
- brèche dans sa propre conception d'une auto-régulation de l'appa- r
0• reil psychique par le seul principe de plaisir; celui-ci, en effet,

ur n'entre en jeu qu'une fois assurée une tâche préalable, celle de lier ..1'
1

Ju l'énergie qui afflue dans l'appareil psychique, c'est-à-dire de la 1·


••
ln faire passer d'un état de libre écoclcment à un état quiescent. 'l \
1 '1

;S• Voilà, déclare Freud, la fonction antérieure au principe de plaisir.


ce Il est vrai que nous n'avons encore rien dit de la pulsion de mort; 1
!
• •
;1r du moins avons-nous, sur un point important, limité le règne du i•

U•
•l·
principe de plaisir; ce point, c'est celui de la défense.
Cette fonction, irréductible et préalable, se découvre à nu lors-
'.
de qu'elle échoue. Qu'est en effet un traumatisme, sinon une brèche i
••
nt dans une barrière an ti-stimuli ordinairement efficace ? Avant le i.
lt, plaisir, il y a donc les procédures destinées à maîtriser les énergies
:e, qui ont rompu les digues, la réaction à l'invasion énergétique, soit, .1
nt •

.er 1

us 7. G. W. xm, p. :&7: S.E. xvm, p. 27; tr. fr., p. JO.


8. G. W. xm, p. :&8; S. E. XVIII, p. 29; tr. fr., p . J:&. (Cf. Esquiue, 1,. partie, ••
:le t'0 section, par. 10). Le parallélisme entre protection externe et protection '
interne pennet, nu pnssage, de risquer une hypothèse concernant la projection :
-
nt
lorsque les stimuli internes produisent un excès de déplaisir • il apparaît une
tend110ce à les traiter comme s'ils agissaient non du dedans mais du dehors,
re
ce qui pennet de mettre en action le bouclier ami-stimuli comme un moyen de .••'
dUenae contre eux. C'est Jè l'origine de la projection, qui est destinée à jouer un
ai gr110d rôle dana la production dca processus pathologiques. • G. W. xm.
p. 29; S. E. XVIII p. 29; tr. fr., p. 3:1,
'·•·~··

• 1

1
ANALYTIQUE 1•

1
1

1
en langage économique, le contr~investissement et le surinveatis- •


sement.
Ces spéculations sur le bouclier anti-stimuli et les brèches dans
!

de
m

le bouclier ne sont pas vaines, car elles permettent d'explorer les
1
\
êt

rapports entre défense et an~oi~e. ~reud propose d'appeler
• re
angoisse ( Angst) « un état particulier d attente du danger et de

t
se
. qt
. préparation au danger, même inconnu 0 », alors que la frayeur 1


(Schreck) désigne l'état qu~ provoque un danger ~uque! on a été

a
exposé sans y être préparé; c est le facteur de surpnse qw la carac- be
• •
1
Ot
térise.

Quant à la peur (Furcht), elle procède de la rencontre actuelle à
d'un danger déterminé. La préparation au danger, qui donne une
.•• fonction positive à l'angoisse, est ainsi l'équivalent d'un bouclier
• •
anti-stimuli et c'est cette préparation au danger, propre à J'angoisse,
qui est prise en défaut dans ce que nous avons appelé la rupture
du bouclier ou traumatisme. Nous pouvons maintenant réinterpré-
•1 ter, en fonction de ces considérations sur les rapports entre défense
• et plaisir, les rêves de la névrose traumatique. On ne peut les r:
Il
.

ranger parmi les rêves de remplissement de désir, donc les placer g:
! sous le principe de plaisir, parce qu'ils ont à faire avec la tâche p:
1
de défense qui précède le règne du plaisir : a Ces rêves tâchent de 1 d
•• dominer rétrospectivement les stimuli, en développant l'angoisse
dont l'omission a causé la névrose traumatique 1°. » La compul- p
sion de répétition se trouve ainsi confirmée comme exception au cl
principe de plaisir, dans la mesure où la tâche de lier les impres- rJ

• '• sions traumatiques est elle-même antérieure à celle de procurer d


du plaisir et d'éviter le déplaisir 11. n
Mais, dira-t-on, cette priorité des mesures défensives, destinées Ct
.
1 à a _lier» l'énergie libre, sur le principe de plaisir (et sur sa modifi- v
cau~n, le principe de réalité) n'a pas de rapport avec une éventuelle d
puls1o!l de ~ort. C'e~t ici que l'habile manœuvrier découvre Si
~uda1!lson J~U: ce qUI, dans la compulsion de répétition, dcm~ure q
me~phq~é, c est son ~ractère cc pulsionnel » ( trieblzaft) et meme e
« demom9ue , (demonzsch). Il faut citer intégralement le pa.ra· le
graphe ou Freud opère la percée décisive, hors de proportion p
avec t?utes les Pr:udentcs préparations antérieures : « Mais co~­ p
ment 1aspect pulsionnel ( das Trieblzafte) est-il relié à la compulsion
9· G. W . xm, p. to; S.E. XVIII, p. 12 ; tr. fr., p. 12•
10. G. V:'· X Ill, p . 3a; S. E. XVIII p 32 • tr ( 6 1:
u,. • • S'li y a. un " a u- d e1).Il d u prmctpe
· ' · · de• plaisir
· r., P·
•, il3 est
• logique d'adrnettro
. c
qlu ~.._!.eut aGussWtun temps antérieur (Vor•eit) à la tendance du rCvc A accornpbr
ca ~tn. • • • xm, p . 33; S. E. xv1u • p • 33 ••• r
, w. r., p. 3 •
6 •


1
1•
1
1
1
LES PULSIONS DE MORT
1

tl a- de répétition? On ne peut échapper ici à l'idée que nous sommes
1 maintenant sur la piste d'un caractère universel des pulsions, peut-
ans 1 être de la vie organique en général, qui n'a pas été jusqu'ici clai-
les •
1 rement reconnu ou du moins explicitement souligné. Une pulsion
!ler 1
• serait alors une exigence (Drang) inhérente à l'organisme vivant,
de 1
• qui le pousse à rétablir un état de chose antérieur, que le vivant
eur 1

a été contraint d'abandonner sous la pression de forces pertur-
été .
1 batrices extérieures, autrement dit, une sorte d'élasticité organique
·ac- 1

1
ou, si on préfère, l'expression de l'inertie (Triigheit) inhérente
à la vie organique 12. ,
elle
On n'a donc monté tous ces préparatifs que pour isoler le carac-
me
lier tère pulsionnel de la compulsion de répétition, préalablement
;se, traitée comme une péripétie de la défense et soustraite par ce
ure biais au règne du principe de plaisir. C'est ce caractère pulsionnel
•ré- qui autorise, de façon décisive, à hisser l'inertie sur un pied d'éga-
nse •
lité avec la pulsion de vie.
les
t Toute la suite de l'essai consiste, d'une part, à pousser à l'extrême
' l'hypothèse, ou plutôt à la laisser se porter à l'extrême, comme un
cer 1
••

:he gaz auquel on laisserait toute la place pour se détendre, d'autre


de ! part, à la rendre plausible par une méthode de convergence
1 d'indices.
.sse 1

~u}­
Allons donc à l'extrême! L'extrême, c'est ceci : le vivant n'est
au pas mis à mort par des forces extérieures qui le surpassent, comme
·es- chez Spinoza .13; il se meurt, il va à la mort par un mouvement inté-
rieur : « Tout être vivant meurt pour des raisons internes... le but
rer 1
de toute vie est la mort 14• » Mieux - pire ? - la vie elle-même ' .
n'est pas volonté de changer, de se développer, mais volonté de se .

ées ''
conserver : si la mort est le but de la vie, toutes les novations de ]a
ifi- vie ne sont que des détours vers la mort et le soi-disant instinct
!lle •
de conservation n'est que la tentative de l'organisme pour défendre
vre sa manière propre de mourir, sa voie singulière vers la mort. Ce )
ure qui impose le changement, ce sont les facteurs extérieurs, la terre • '•
me et le soleil, c'est-à-dire l'environnement pré-organique de la vie;

.ra·
• le pro~rès est trouble et dive~sion, à quoi ~a vie s'adapte afin de
lOD poursu1vre à ce nouveau paher son dessem conservateur. C'est
• pourquoi il devient de plus en plus difficile de mourir, tant le
100

12, G. W. Xlii, p. 38; S. E . XVIII, p. 36; tr. fr., p. 42.


13. Spinozn, Sthique m, proposition 4 : • Nulle chose ne peut être détruite
ainon par une cnu~tc extérieure •; ct la démonstration de la proposition 6: • Chaqu~
:ttro chose, selon aa puieaanco d'~tro (quantum in 111 ut), s'efforce de p~vércr dana
.plir aon être. •
1-4. G. W. XIU, p ...o; S. E. XVlU p. 38; tl', fr•• p. +4•

. ..' ..• ..
~
• ••
.... .
. . . . Y • .............. _ . . . ,. s-.a~· ···~--.
0

.
. ..
... ...:. .,. . .
--···--·-·~'+-----~ ~M18'W
·illll'tW•Iriiir"~·uai•:=a
••••lll!A!!~2 · .t~~s.
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!il·''.,. ,,. ..
·t~~·, '
...
· ' 'L'·· ~ ""' '
:' .... ,~"'.""'"~
, • '\' <.: 1
~
·,;~

ANALYTIQUE
1

• 1
chemin vers la mort s'est allongé et compliqué, en même temps 1 pre!
qu'individualisé ct singularisé. Quant au soi-disant u instinct de mo
perfection », il faut y voir une conséquence de cette adaptation pas
contrainte; si toutes les voies sont barrées en arrière par le refou. 1 mo
lement, il ne reste que la fuite en avant, la voie du progrès intellec. de
tuel et de la sublimation éthique; mais rien de tout cela ne demande c'e
un u instinct de perfection » distinct des tendances conservatrices cor
de la vie.

~
dét
••
ch~
• 1

Voulez-vous des preuves? Considérez les migrations des pois· •1•


sons et des oiseaux, retournant aux anciens sites de l'espèce, -la CUI,
récapitulation par l'embryon des stades antérieurs de la vie, -les 1

faits de régénérescence organique : tout cela ne témoigne-t-il pas 1 ver
0

'
0

de la nature conservatrice de la vie, de la compulsion de répétition 1 l'es


1 rap
inhérente à la vie ? 1
1

Le lecteur dira: pourquoi tout cela? D'abord pour nous accou- ble
!
•1 tumer à reconnaître dans la mort une figure de la nécessité, pour celi
nous aider à nous soumettre, à la sublime Ananké, u à la loi inexo- l'ar
,.• rable de la nature 16 »;mais, surtout, pour nous permettre d'enton·
1


etr•
1
'

ner maintenant le péan de la vie, de la libido, d'Éros 1 Parce que

libi
la vie va à la mort, la sexualité est Ja grande exception 16 dans la •
1
1 une
1

marche de la vie vers la mort. C'est Thanatos qui révèle le sens



1
pet
•1 l
de
d'Éros comme ce qui résiste à la mort. Les pulsions sexuelles sont
u les véritables pulsions de vie; elles opèrent à l'encontre du dessein
phi
(
des autres pulsions, dessein qui, en raison de leurs fonctions, mène
plie
à la mort; ce fait indique qu'il y a entre elles et les autres pulsions
' 1 '• dar
• une opposition dont l'importance a été depuis lontemps reconnue une
par la théorie des névroses 11. » pui
. C'cs~ do~c un franc .dualisme des pulsions qui ressort de cette cha
'

0
discuss1on smucuse. Ma1s quel dualisme? Et comment se comporte-
t:il à l'égard des expressions antérieures du dualisme des pul-
SIOns?
Le remplacement de libido par Éros signale une intention très

1 5·G. W .. xm, P; 45; S. E. XVIII, p. 45: tr. fr., p . 51. Nous reviendrons sur c:e
• tenne mythaque d Ananké. Freud, amorçant sa propre critique, observe : ,. 11
ac p~ut ~ue cette croyance en la nécessité interne du mourir ne soit encore qu'une
des al\usaons ~ue no~ nous sommes forgées um die Schwcre des Dasûns zu
• •
ertr'!gen (Schaller, D1e Braut von Messina 1 8) (pour supporter le fardeau de IIUC
l'extstence). • Ibid. • ' m~r
~~· • Faut-il dire qu.e, cl l'exception cks pulsion~ sexuelles, il n'existe pu d'outres au

tt
pu. aaona que celles .qua cherchent ~rétablir un état de choses antérieur, qu'il n'en unp
c·~ m~e pu qua tendent vera un état qui n'aurait ~core januûa été atteint?. c réj
· • xm, P· 43; S. E. xvm, p. 4 1; tr. fr., p. 47 . 1
• '7· G. W. Xlii, P· 43; S.E. XVIII, p. ,.o; tr. fr., p. 47•

286
••

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·~. ~• ~l~fM.jjijüfi.t>il.UW5t::t._.ZI"t.U.WMI•itEZ'M ~llfll"'rJ:UMMU~M ,,.,-f.••~--·•• \
~ 1
)
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•f

1
LES PULSIONS DE MORT 1
1


' J

nps
1 récise de la nouvelle théorie des pulsions : si le vivant va à la .-
de ~ort par un mouvement interne, ce qui lutte contre la mort n'est

tl on pas quelque chose d'intérieur à la vie, mais la conjugaison d'un

:ou- mortel avec un mortel. C'est cela que Freud appelle Eros; le désir j
lee- de l'autre est immédiatement impliqué dans la position d'Éros; 1
nde c'est toujours avec un autre que le vivant lutte contre la mort, •
1

1ces contre sa mort, qu'il poursuit isolément, séparément, par les longs .••
'1 détours de l'adaptation au milieu naturel et culturel. Freud ne 1

•OlS•
'
••
1
cherche pas l'impulsion dans quelque vouloir vivre inscrit en cha'- l
1

-la cun : dans le vivant seul, il ne trouve que la mort lB.


·les 1
Telle est l'intuition qu'il extrapole vers les grandes unités et •

pas • vers les petites unités; vers les grandes unités, d'une part : dans

tlon t l'essai de 1921, Psychologie collective et A11alyse du moi, Freud
1
1 rapporte expressément à Éros, au lien libidinal, la cohésion d'ensem-
:ou- 11 bles humains de plus en plus étendus et plus particulièrement
l
)OUf celle des collectivités organisées et artificielles comme l'église et
exo- l'année; vers les petites unités, d'autre part : la copulation des
1 êtres monocellulaires suggère que l'on cc applique »la théorie de la
ton-
que libido aux rapports des cellules elles-mêmes; il faudrait alors prêter
1s la ' une sexualité aux cellules, par quoi chacune neutraliserait quelque
1 •
sens • peu la pulsion de mort des autres : « De cette manière la libido
1
sont de nos pulsions sexuelles coïnciderait avec l'Éros des poètes et des l


JSem philosophes qui fait tenir ensemble toutes les choses vivantes 111• » 1
1
nène l
Cette généralisation de la sexualité ne simplifie pas, mais com-

ttons plique la situation : le dualisme d'Éros et de Thanatos apparaît
'
mue dans un dramatique retzversement du pour ou contre, plutôt que dans 1
1

une nette délimitation de deux domaines: en un sens tout est mort,


cette puisque la conservation de soi est 1a voie détournée sur laquelle •
••

)rte- chaque vivant poursuit sa propre mort; en un autre sens tout est .
pu!- vie, puisque le narcissisme lui-même est une figure d'Éros : dès ,,"
l?rs qu'Éros est ce qui conserve toutes choses et que la conserva-
très tion de l'individu dérive de l'attachement mutuel des cellules

sur co 18. Freud ne manque paa de rapprocher (chnp. VI) sn théorie de celle do
.• dl Weiasmnnn, qui identifie les parties mortelles de ln substance vivante au soma
u'unc ct la pllrtie immortelle au gtrmetJ. Mais Freud se sépare de Wcissmann lorsque •
ns zu celui-ci conclut à l'immortalité des protozoaires ct tient Ill mort pour une acqui-
au de aition ultérieure de l'organisation. Si la pulsion de mort est primitive, il ne faut
meme pns accorder l'immortalit~ aux protozoaires. Freud se rapproche dO$
11utres auteura qui ont soutenu que la sénescence eat un fnit universel de la vic, par
il n'en impossibilité d'éliminer Ica déchet& du métaboliamo, ct qui ont spéculé aur Ja
~int l• c réjuvénation "des protozoaires parc conjugaison "·
19. G. W. xur, p . S4i S. E. xvm, p. so; tr. fr., p. $8•

.. \ ~ ..
·-·~
. -. . . . . . .

1
ANALYTIQUE

du soma. Le nouveau du:ùisme exprime plutôt rempiètement 1


• (
mutuel de deux règnes qUI se recouvrent exactement. I
• La confrontation avec les expressions antérieures du dualisme 1
pulsionnel confirme cet embarras. Freud a toujours été dualiste a
mais c'est la répartition des termes opposés et la nature même d~
l'opposition qui. a sans ces~e va~~· ~orsqu'il distin~ait pulsions
sexuelles et pulsiOns du m01, ce n eta.tt pas un antagomsme pulsion- 1
nel qui le guidait, mais la distinction populaire de l'amour et de la 1
• faim, ainsi que la polarité de l'objet et du moi. Lorsque le narcis-
sisme fut introduit dans la théorie, la distinction devint topique- .1
économique et désigna un conflit d'investissements 20• Le nouveau t

dualisme ne se substitue pas au précédent, puisque d'abord il le
.• renforce : si, en effet, la libido narcissique du moi est une figure 1:
d'Éros, elle est du côté de la vie. Et pourtant nous avons dit que c•
les pulsions du moi s'opposaient aux pulsions sexuelles comme 1
(]'

les pulsions de mort s'opposent à celles de la vie 21• Cette assimila- c


,
1

tion n'est pas annulée. C'est pourquoi il faut porter le nouveau e
••• dualisme non plus au niveau des directions, des buts, des objets, e
1 mais des forces elles-mêmes; dès lors il ne faut pas essayer de faire
coïncider la dualité : pulsions du moi - pulsions sexuelles, avec la
i
1
F
q
•• •

dualité : pulsions de vie - pulsions de mort. Celle-ci traverse 1 r.
' chacune des formes de la libido; c'est ce que vérifiera notre étude '
1 n
des 11 représentants » de la pulsion de mort. L'amour objectal est 1•
pulsion de vie et aussi de mort; l'amour narcissique est Eros qui [ s·
s'ignore et culture clandestine de la mort. La sexualité est à l'œuvre F

'.
1
partout où la mort est aussi à l'œuvre. Mais c'est alors que le dua- p
1 p
lisme pulsionnel est vraiment devenu antagoniste· précisément 1

parce q~'il ne s'açit plus de différences qualitatives: comme dans 1
p
. la première théorte des pulsions entre ramour et la faim, ni de • n

d
2.0.G. W. xm, p. s6; S: E. xvm, p . 52; tr. fr., p . 6o. 1
1
d

2J. ~Il résulte d~ ce qut pr~cède une opposition tranchée entre les c pulsions C1
du mo~ • ~t les pulsao~ ae:x':'clles, les premières poussant à la mort et les demi~res •
t~
au maantten de 1~ vt~; nuus cette conclusion, à bien des égards, n'est plus do .

nature à noua aatasfatre •. G. W. Xlii p A6 · S E . f p so Et
un peu plus loin· • C ~ 1
.
au contraarc
·.
partas
, ' · ... • · ·XVIII, P· 44, tr. r., · ·
e r au tat n est pas conforme à nos a'ntentt' ons Nous sommes
d'une d'asunctaon
· · tranchée entre pulsions du moi ' ·
c•
. d identafi~es j\
aux pula1ona e mort ct puls' 1 • · ·' ·
Noua ~tiona même di~po~1 à tons sexue les, adenttfi~es aux pulstons de VIC. c
. ; 0 n du moi parmi , .... pul · dranger ~gaiement les instincts dits de conserva· e:
...
noua y avons renonc:6 - Not · amen éa par 1a suite
11ona e mort. ·• m aas, • à noua corn'ger•
aujourd'hui de façon 'plus ~~=~~epuo? a été dèa le début dualiste et elle l'est
d
l'opposition, non plus c:ommc c~l~ qu nup~ravant, depuis que n'?us d~signons
mais des pulaiona de vio ct dea ul .ca pulstona du mot et des pulaaona sexuelles,
p. 53; tr. fr., p. 61. p Ilona de mort. • G, W. Xlii, p. 57 t S.E. XVIII, Dl


288

\
.


1

LES PULSIONS DE MORT


~ment
différences d'investissement, selon que la libido se porte vers le
moi ou vers l'objet, comme dans la seconde théorie des pulsions; •
..

Llisme le dualisme est vraiment devenu ce que Malaise dans la Civiüsation


aliste, appellera u une lutte de géants ». ·
ne de
.lsions
.lsion-
: de la 2. LA PULSION DE MORT
• '
l3rClS•

ET LA DESTRUCTIVITÉ DU SURMOI
Jtque- 1•
uveau l

:t il le ' Nous avons insisté plus haut sur le surplus de sens que la « spécu-
figure lation » confère à la pulsion de mort par rapport à tout déchiffrage

1t que de cette pulsion dans les « représentants », de quelque niveau ou
omme 1
de quelque ordre soient-ils. Cette discordance nous est apparue '
1

ïimila- comme une donnée irréductible de la théorie. Il faut maintenant
mveau f essayer de la comprendre. Pourquoi cette absence de symétrie
objets, entre l'herméneutique de la vie et l'herméneutique de la mort?
e faire 11
Pourquoi la conjecture l'emporte-t-elle sur l'interprétation, lors- 1
'
IVeC la qu'on passe de la théorie de la libido, prise à ses deux stades anté- ••
·averse 1 rieurs d'élaboration, à la théorie des pulsions de vie et de mort? •
1
étude Une remarque insistante de Freud lui-même peut amorcer
1
:tai est notre réflexion : à plusieurs reprises - déjà dans Au-delà... , mais <
• 1 ••.
os qut 1 surtout dans le Moi et le Ça et dans Malaise dans la civilisation- •
'œuvre Freud parle de la pulsion de mort comme d'une énergie« muette», ;

1
e dua- par opposition à la « clameur » de la vie 22• Ce décalage entre la
j •
.,•'•
iément 1
1
pulsion et ses expressions, entre le désir et la parole - signifié J
e dans par l'épithète« muet))-, nous avertit que la sémantique du désir '1
~
1
ni de n'a plus ici le même sens. Le désir de mort ne parle pas comme le 1
désir de vie. La mort œuvre en silence. Dès lors, la méthode de .1
déchiffrage, basée sur l'équivalence de deux systèmes de référence, •·J
pulsions celui de la pulsion et celui du sens, se trouve en difficulté. Et pour-
.emières •
tant la psychanalyse n'a pas d'autre ressource que d'interpréter, • '
plus de c'est-à-dire de lire un jeu de forces dans un jeu de symptômes•
.. so. Et C'est pourquoi Freud se borne, dans ses dernières œuvres, à
sommes
entifi~es juxtaposer une spéculation aventureuse à un déchiffrage partiel.
de vie. Ce sont seulement des u parties » de la pulsion de mort qui sont
onserva· exhibées par tel ou tel « représentant ». Mais il n'y aura pas équi-
corriger,
elle l'CSI
~signons
exuelles, aa. • Les pulsions .de ~ort sont. par nature. muettes et la clAmeur de la vio
E. xvur, oro~do pour l'eaaentael d ~roa. • G. W. xm. p. a75; S.E. xrx, p . 46; tr. fr.• p. ao3.

1
~------
\.
t.
1
... •
. <>: ··· -. .
• \

ANALYTIQUE .
..
valence entre ce qui est déchiffré et ce qui a été conjecturé 1
se:
'•
• Ce point doit être gardé en mémoire lorsque l'on s'engage d~ 1 an

.

la suite des écrits qui ont exploité la ~ercée opérée par Au-delà..• 1 et
• On observe un double déplacement d accent : d'abord de la ten- . au


dance à répéter à la tendance à détruire ; ensuite des expressions pt
plus biologiques à des expressions plus culturelles. Mais cette suite • •
ICI
.

des manifestations de la pulsion de mort n'épuise sans doute pas qt
• la charge de sens fournie par la spéculation; une signification dt
) .
. . essentielle est peut-être même perdue, lorsque ce mutisme est de:
<
..• lui-même transcrit en clameur. Aussi bien Freud parle-t-il des su•
;· pulsions de mort, plus volontiers que de la pulsion de mort (nous dt
n'en avons pas tenu compte dans notre reconstitution de la spécu- . re'

.• lation freudienne}, réservant ainsi la possibilité d'une grande pl
!
diversité d'expressions et d'une énumération non exhaustive de
.•
• ses manifestations. d<
Le premier déplacement d'accent est déjà très sensible dans i à
'
1 Au-delà du principe de plaisir : c'est la compulsion de répétition C;
. qui introduit la pulsion de mort; mais c'est l'agressivité, sous la 1 la
1
~

'. double figure du sadisme et du masochisme, qui la confirme et la et
1
f vérifie. Ces deux derniers exemples n'ont d'ailleurs pas la même .
• •
. •
•, signification : le premier est simplement incorporé à la nouvelle 81

'1
théorie, le second est proprement réinterprété à sa lumière. a\
La théorie du sadisme est en effet très ancienne; depuis les C<
Trois Essais sur la Sexualité, elle couvre trois groupes de phéno- . 1':
mènes : elle désigne d'une part une composante plus ou moins dl
• perceptible en toute sexualité normale et intégrée, d'autre part 1 dl
•.

• une perversion, le sadisme proprement dit c'est-à-dire une manière dl
d: êtr~ indé~enda_nte de cette composante ~exuelle, enfin une o~ga­
l

rusatlOn pre-gérutale, le stade sadique où cette composante JOUe rr.
..' un rôle dominant. ' à
' d·
- Le cas du masochisme est assez différent, puisque jusqu'à
prés~nt - dans les. Trois, Essais... et dans Les pulsions et leurs 3!
1
destzns_ -, le. masochtsme n était qu'un sadisme a retourné » contre Cl
le mot : mamtenant Freud voit dans ces formes de masochisme p·

un phén~mène dérivé; elles marqueraient seulement le retour, u
1~ régresston à un masochisme primaire. On en verra tout à l'heure
1
1 tmportance pour achever une théorie du surmoi de )a conscience 1

morale et de la culpabilité. ' 1


Tout c;eta est seulement esquissé en quelques lignes; en 1920, .1 V1
ti
F~eud na pas encor~ él~bo!é les concepts d'intrication (Ver: 1
p
muchung) et de désmtncatt~n ( Entmischung) par lesquels il .•1
• rendra compte de la coopération de la pulsion de mort avec la tc
'
t

j
1
;

....:.'' \"'_.,.,.
'.... ""' ...
''
\

'·' ··'l
11
1
1

• li:!
LES PULSIONS DB MORT
1 28• .
ré. 1
1

sexualité et de son fonctionnement dissocié Du moins ces deux
lilS 1 amorces montrent en clair le décalage entre la pulsion de mort
2••• 1 et ses manifestations; celles-ci marquent l'émergence de la pulsion ii
~n .. . au niveau d'une relation objectale; à première vue, le cas de la '·
[f .
ms pulsion de mort ne paraît pas différer de celui de la pulsion de vie :

:.te ici aussi sadisme et masochisme se laissent interpréter, parce ~~
)38 qu'ils ont un « but >> particulier - détruire - et des « objets » lili
.on déterminés - le partenaire sexuel ou le moi. Mais rien ne permet
est de dire que la pulsion de mort passe entièrement dans ces expres- 1t
da sions comparables aux représentants de la pulsion de vie; ni le jeu ;l•
·~
ms du Fort-Da, ni même la compulsion de répétition ne se Jaisssent
:u-
lde

• réduire à la destructivité. La destructivité est seulement une des
pulsions de mort 24•
;l ••
de Ce double mouvement - le remplacement de la compulsion
fl
de répétition par la destructivité, Je passage d'une métabiologie 1!
1•
ms à une métaculture - ne sera achevé que dans Malaise dans la
.on
i
Civilisation,· mais les chapitres IV et v de le Moi et le Ça fournissent il!1
la ,1 la transition indispensable entre la métabiologie de Au-delà... Il
1·•
la et la métaculture de Malaise dans la Civilisatimz. li
me 1 Le trait de génie, dans le Moi et le ça, fut de mettre en prise, t

~


:Ile si j'ose dire, la théorie des trois instances - moi, ça, surmoi -
l avec la théorie dualiste des pulsions empruntée à Au-delà... Cette
1 l',•
les confrontation permet de passer d'une spéculation qui restait en ,.,.. (

10- 1

l'air à un véritable déchiffrage: c'est dans l'épaisseur du ça, du moi, ••

ms du surmoi, que nous allons désormais désimpliquer les pulsions ....••
1•

art 1 de mort, au lieu de les considérer face à face dans une mythologie •••
1)

ère !
dogmatique.
?a• Absolument parlant, le dualisme des pulsions concerne seule- • ,,!1
;:) 1
.
lUC ment le ça : c'est une guerre intestine du ça 26• Mais elle diffuse 1
à partir du fonds instinctuel pour éclater dans les parties hautes .r:
u'à du psychisme, dans le cc sublime »: Ce proc~ssus de ,~ésintri,ca~on •1
i
•1

urs assure la transition de la spéculation btologtque à 1 mterpretaoon •

tre culturelle, et perm~t de ,déploy~r tous les « r.cprés~ntants ..» .de la .1


1

me pulsion de mort, JUsqu au pomt où celle-ct dev1ent chatunent 1

1•
ur, intérieur.
l'
Jre 1'

lCC 23. Le Moi et le Ça, chap. IV : • L~ d~~ c!asses. de puls~on.s. • . .


24. • La pulsion de mort semblenut ams1 s expnmer - 1l est vnu, selon toute
.,
1 vraisemblance de manière seulement partielle - comme une pulsion de dutruc-
20, •
tio" dirigée co~tre le monde ext~rieur et les autres êtres vivants. • G. W. xm •

1 1,
er- 1
p. 269; S. E. XIX, p . •p ; tr. fr. , p . 197·
1

il 25 . C'est en c~ tenn~ . que les No~~l/es Conférences combinent la seconde


topique ct la th~onc duahsuquo des puls1ons.
la '

i

1•
!
1


'
;. • 0 • •
1

ANALYTIQUE

Il est donc nécessaire d'élaborer ces concepts d' « intrication 1


et de , désintrication »; ce sont ass':lréme!lt des concepts écono-
miques, au même titre que ceux d'mvesttssement, de régression

et même de perversion. Pour, leur ~o?ner une base énergétique,
Freud a recours à une hypothese qm n est pas sans parenté avec le
concept jacksonien de cr libération fonctionnelle » : la désintrication
d'une pulsion libè~e « une éne~gie dé~laç~ble. qui, neutre en elle-
même, peut être aJoutée à une 1mpuls10n erottque ou destructrice,
qualitativement différenciée, et en augmenter l'investissement
total 2G ». Sommes-nous retournés purement et simplement à la
spéculation sur le quantitatif, sur l'énergie libre et liée? Le carac- 1
tère conjectural n'est pas niable; Freud lui-même observe : «Dans
la présente discussion, j'avance seulement une hypothèse; je n'ai 1 -
pas de preuves à offrir. Ce semble une vue plausible que cette
énergie déplaçable et neutre, indubitablement active tant dans le
moi que dans le ça, procède de la réserve narcissique de la libido,
donc de l'Éros desexualisé 27• »Signe en est la mobilité requise par l

t •
les « déplacements n caractéristiques des processus primaires.
••• Ces concepts d' cr intrication » et de « désintrication » sont donc
t t des concepts construits en vue d'énoncer en langage énergétique
.

'

ce qui se passe quand une pulsion met son énergie au service

• des forces travaillant dans des systèmes différents. C'est bien t


pourquoi ils ne reposent sur rien qu'on puisse vérifier au niveau

même des énergies, où ils sont censés opérer : intrication et désin- 1
trication ~ont simplement le corrélat, en langage énergétique,
1
de ce qut apparaît dans un travail d'interprétation appliqué au
• '•
plan des « représentants » de pulsions.
• Si l'on yeut mettre ~e l'ordre dans la suite des « représentants D ••
de la puls10n de mort, tl faut les parcourir de bas en haut, du plus !
• 1
.•

biologique au plus culturel.
:'-u plus bas. ~egré, nous rencontrons la forme érotique du maso· !

• chtsme, le ~latstr de souffrir ( Sclzmerzlust). Il en est peu question l

dans k Mot e~ le Ça,· on y revient plus longuement dans le Pro: 1


• •

blème .écon.om!qzu du Masochisme 28. Comment l'homme peut-tl •
en v_emr à J.outr de so,uffrir ? Il ne suffit pas de dire, comme dans les
Trou .Es~ats... ,. q.u~ 1excès de douleur ou de déplaisir dégage une
coexcttaUon hbtdmale (libidin.Ose Mite"egung), à titre d'effet
.
1
26. G .. W. xm, p . 272·3; S.E. XIX P .otA. tr f 1
27. Ibid. • · TT • • r., p. 200.
28. DIU 6konomiscM Problnn IÙI M 1 · 83 • \
S. E. XlX, p . 159·170 ' tr. fr · n __ ç_ IUOC mmw, G. W. Xlll 1 P• 371· •
' ., m 4Wli. Jr.tk Pt)•cl~at~alyse 11, a, 1928.

1

1

• •
1

. '1 1
•• 1 •

~ •'
1

••

l '

1 \
1 j
LES PULSIONS DE MORT '•
1

IOn 1 1
i
:ono.. secondaire (Nebenwirkung) ,· à supposer que ce mécanisme existe, 1

• il ne fournit qu'un substrat physiologique; l'essentiel se déroule ,•


SSJon 1

••

1que, ailleurs, au niveau proprement pulsionnel. Il faut supposer que li

·ec le la pulsion destructrice se partage en deux tendances : l'une, sous 1



ation la pression de la pulsion de vie qui veut la rendre inoffensive, est 1

elle- déversée vers le dehors, sur les voies de la musculature; c'est ce '!
1

triee, courant de destructivité qui se met au service de la sexualité et '•'
ment constitue le sadisme proprement dit; mais la partie non déversée t1
à la extérieurement, « garrottée qu'elle est libidinalement par la coexci- • •

arac- tation sexuelle dont il a été parlé plus haut », constitue le maso- 1
•••
1 chisme érogène, le plaisir de souffrir. Le masochisme érogène 1
Dans 1
;

! n'ai
1 _ est donc le « résidu », resté à l'intérieur, d'une destructivité qui 1

1
cette est équivalemment sadisme primitif ou masochisme primitif. '•
ns le On le voit, les énigmes abondent : nous ignorons comment se !
J•
bido, produit la « domestication » ( Bandi'gung) de la pulsion de mort par f.

epar la libido qui est à l'œuvre non seulement dans le sadisme, c'est- •
1
à-dire dans la partie de la pulsion de mort déversée sur les objets ·' .

donc extérieurs, mais dans le « résidu », resté à l'intérieur, donc dans le •


f
''

tt que masochisme lui-même, qui apparaît ainsi comme le plus primitif 1
t
• .1 u alliage • (Legi'enmg, coalescence) de l'amour et de la mort. l
rv1ce 1.
bien C'est lui qui transparaît dans des a habillages » {Umklei'dungen)
)

veau successifs, aux divers stades de l'organisation libidinale : peur 1


, . •
es m- 1 d'être dévoré (stade oral), désir d'être battu (stade sadico-anal), t

•••

tque, fantasme de castration (stade phallique), fantasme de coït passif
(stade génital). Intrication et désintrication sont donc plutôt le 1
é au '1

nom d'une difficulté que la solution d'un problème. •

nts »
il Dans le Moi et le Ça (chap. v), c'est fondamentalement la théorie •1
du surmoi qui bénéficie de cette relecture des instances sous le 1

plus signe de la mort. On se souvient que le surmoi est, pour la psycha-


1 •

nalyse, un dérivé du complexe paternel et, à ce titre, une structure


1380-
• 1' plus proche du ça que n'est le moi perceptif. Mais un trait du sur-
;taon moi était resté inexpliqué : sa cruauté. Ce caractère étrange rejoint
Pro- d'autres phénomènes déroutants qui au premier abord paraissent
:ut-il ••
• sans rapport avec lui, tels que la résistance à la guérison. Mais, si
ts les • l'on considère que cette résistance a un aspect u moral », qu'elle
: une est une manière de se punir par la souffrance, donc qu'elle enve-
'effet loppe un sentiment inconscient de culpabilité qui trouve satis-

1 faction dans la maladie, un réseau cohérent se dessine, qui inclut,
1 d'une part, la névrose obsessionnelle ct la mélancolie, d'autre part,
la sévérité de la conscience morale nonnale, en passant par la
1 résistance à la guérison. Ne revenons pas sur le droit que l'on peut
l avoir de parler d'un « sentiment inconscient de culpabilité •·

293
'•
1

1
1
'

....
•• -· --·... ··--- -~ -------
~ .

'
ANALYTIQUE '•
'
1'
.
L'important est la liaison découverte entre la Faute et la Mort 1
1 qu'
C'est ici la plus extrême conséquence de la parenté entre le surmoi pas
et le ça. Le caractère puls!o?nel ~u. ~unnoi implique non seule- 1 1
ment qu'il c~mpo~~e d~ res1dus hb1dmau."< à trav~rs le complexe rés

'
• d'Œdipe, mats qu Il s01t chargé de rage destructnce à la faveur bes
1 de la u désintrication » de la pulsion de mort. Cela va très loin mu
• .
l
jusqu'à diminuer l'importance de l'instruction, de la lecture, d~ de
« choses entendues », bref des représentations verbales dans la qu'
conscience morale, au bénéfice des grandes forces obscures qui av(
'•
•• montent d'en bas. Comment se fait-il, demande Freud, que le '•• le
\
surmoi se manifeste essentiellement par le sens de la culpabilité lib.
1 et déploie une telle cruauté à l'égard du moi, au point de se montrer 1
pal
«aussi cruel que seul peut l'être le ça 29 ». Le cas de la mélancolie ' et
nous invite à penser que le surmoi s'est emparé de tout le sadisme du
disponible, que la composante destructrice s'est retranchée dans 1 re~
. 1 le surmoi et retournée contre le moi : « Ce qui règne maintenant
1
1


• dans le surmoi, c'est, dirait-on, une culture pure de la pulsion de d'i
1 1'
mort... 80 » et
·•
• • En émergeant ainsi au niveau du surmoi, la pulsion de mort ch
1 t découvre tout d'un coup l'ampleur de ce que nous venons d'appeler no
• 1
\
la culture pure de la pulsion de mort : pris entre un ça criminel qu
WL
'1
et une conscience morale tyrannique et également mortifiante,
1 '
le moi paraît ne pas avoir d'autre ressource que de se torturer êtJ
• 1
rai
ou de torturer les autres, en détournant sur eux son agressivité. pl;
D'où le paradoxe : u Plus un homme domine son agressivité vers
~e dehors, p~us il devient sévère, c'est-à-dire agressif, dans son
ex
' dt
•' •
• 1d.éal du mot 31 », - co~me si l'agressivité ne pouvait être qu.e dé

detournée contre autrut ou retournée contre soi. On aperço1t c'c
• immédiate~en~ le prolongement religieux de cette cruauté éthique, tn
da~ la proJeCtion d'un être supérieur qui punit sans pitié. . .

i
• Uf
St !lous rapprochons cette cruauté du surmoi de la descnptton
anténeure ~~ « masochisme érogène », il semble à première yue n(

que toute ha18o~ .avec 1~ sexualité fasse défaut et que l'on pUisse d
suppo~er ~e hatson d1recte entre destructivité et surmoi, sans d<
étape erottque. ~ans le Pro.blème économique du Masochisme, Freud rn
tente de reconstituer les hens dissimulés entre l'érotisme et ce ta
• te
a9. G. W. Xlii, p. ~84; S. E. XIX, p. 54; tr. fr., p. asa.Ileatremorquableque bi
Freud appelle nLle aenttment de •culpab'tlt' té d o cer t 111nes
· ...
nevroses o b sess1·annelles
• tapageur » ( .wer1a ut, over-11ouy) • c'est bi d · t 1 de la
pulsion par elle-même • muette •. • 1
en une ea • VOlX c aman ca di

JO. G. W. XUI, p . a83; S. E. XIX .,. Sl. tr f
31. Ibid. ',.. • • r., p. 211 •
il
1



••


'


i
'•
•. LES PULSIONS DE MORT

1
•rt. 1 qu'il appelle le « masochisme moral », lequel, il est vrai, ne recouvre
lOt• l pas tout le domaine du surmoi.
le.. l
1
Le sentiment inconscient de culpabilité, découvert dans la
:xe résistance forcenée à la guérison et appelé plus correctement •
:ur besoin de punition { Strafbediirfnis), laisse apercevoir ce lien dissi-

an, mulé entre masochisme moral et érotisme. Le lien que l'angoisse '
les de conscience trahit avec l'érotisme tient à la parenté profonde 1
la que le surmoi conserve avec le ça en raison des liens libidinaux 1

lUI

!
.

avec la source parentale de l'interdiction; c'est le lieu de le répéter:
1
1

.1tele, •

le surmoi est le « représentant du ça » (Vertreter des Es). Ce lien
libidinal peut se détendre indéfiniment, à mesure que u l'image »
1
rer 1
paternelle est remplacée par des figures de plus en plus lointaines
lie ' et de plus en plus impersonnelles, jusqu'à la sombre puissance
ne du destin que bien peu d'hommes arrivent à couper de toute
IDS 1 représentation parentale. •
tnt Mais ce rapprochement nous donne en même temps J'occasion f
de d'introduire des nuances qui paraissaient négligées dans le Moi ea
et leça. D'abord une nuance entre sadisme du surmoi et maso-
Jrt chisme du moi, ou u masochisme moral » proprement dit : ce que • 1
l
Jer nous avons décrit dans le Moi et le Ça, c'est le sadisme du surmoi, 1

1el
te,
qui « prolonge la morale dans l'inconscient » (eine solche unbe-
wusste Fortsetzung der Moral),· l'aspiration du moi lui-même à •
'
1
••
1
'
1
:er être puni n'est pas exactement la même chose; c'est lui qui se 1

,
rattache au désir d'être battu par le père, dont nous avons vu la t
te. 1
:rs place parmi les expressions du u masochisme érogène »; ce désir :
\
on exprime donc une resexualisation de la morale, en sens inverse
••
ue • du mouvement normal de la conscience morale, qui procède de la •• .1
:ut• démolition, donc de la désexualisation du complexe d'Œdipe;
te, c'est donc une moralité resexualisée qui peut produire cette mons-
trueuse u intrication » de l'amour et de la mort qui répond, au plan
on • sublime ,,, à ce qu'était la jouissance de souffrir au plan « pervers. »
ue On voit combien il serait périlleux de tout confondre : moralité •

.se normale, cruauté (sadisme du surmoi), besoin de punition (maso-


ns chisme du moi). Certes, ces trois modalités, répression culturelle
:~d
des pulsions, retournement du sadisme contre le moi, renforce-
ce ment du propre masochisme du moi, sont des tendances redou- •
tablement concourantes; mais, en principe au moins, ce sont des
tendances distinctes. Ce que nous appelons sentiment de culpa-
fUO

.
les bilité est fait de tout cela, mais selon des proportions variables.
Si l'on reprend les analyses de le Moi et le Ça à la lumière des
distinctions proposées dans le Probleme économique du Masocllisme
il faut dire que ce qu'on a décrit plus haut concerne le sadisme d~

• 295


- ----·--~---- -- ·· •
.

,.


• •

1 •
ANALYTIQUE

1
surmoi plutôt que le masochisme du moi ou « masochisme morat •
• Ce sadisme du surmoi est-il a~ssi nettem~~t , opposé à la con:~ la 1
denee normale que le masochtsme caractense plus haut par la

vol•
resexualisation du complexe d'Œdipe ? Il est pl~s difficile de le dire: con
toutefois il est remarquable que, dans le chapttre v de le Moi elit (ret
pell
••
• ça, Fr~';ld se soi~ borné à dé~rire deux malad,ies du. sentiment de ren
culpab1hté : la ne":rose ..obsessiOnnelle e~ 1~ melancohe, et. qu'il ait qut•
manifesté plus d'mtéret pour leurs differences respectives que ang
pour leurs ressemblances communes avec la moralité ordinaire. l'an
1
.
f C'est dans la mélancolie que le surmoi se révèle comme culture per
pure de la pulsion de mort, jusqu'au point du suicide. Dans la j
. 1
névrose obsessionnelle, au contraire, le moi se protège contre sa • des
.
1 propre mise à mort en transformant ses objets d'amour en objets (G.
1!
de haine; c'est contre cette haine, tournée vers l'extérieur et que le mo.
moi n'a pas adoptée, que le moi lutte tout en subissant les assauts 1.
• 1 du surmoi qui le tient pour responsable; d'où les tourments sans •
t
• •
fin du moi en lutte sur deux fronts. Ces tourments de l'obsédé,
..
' 1
:
1
ce culte de la mort du mélancolique sont-ils aussi nettement opposés
à la désexualisation de la conscience morale normale que l'était
t .t le masochisme? Il ne le semble pas. Mais le tableau n'en est que
.1 • I
1
• plus inquiétant; en effet, même si le sadisme du surmoi ne comporte sur

'
1

1
pas d'étape érotique, il représente une inclusion directe de la en
•1
.

pulsion de mort dans le sadisme du surmoi et réalise ce qu'on pour- san
rait appeler une sublimation mortelle. C'est ce que suggère un et 1

1 rapprochement entre désintrication, désexuali~ation et sublimation. pré
• •
•• .• Le sadisme du surmoi représente ainsi une forme sublimée de la nt tl
.' destructivité; c'est dans la mesure même où elle est désexualisée, les

1 par désintrication, qu'elle devient mobilisable au bénéfice du sur- mc1-
.' moi; c'est alors qu'elle devient a pure culture de la pulsion de sati
mort». La désexualisation du sadisme n'est donc pas moins dange- not
.' 1

1 reuse que la resexualisation du masochisme a2. • (


Telle est ~'effrayante dé~ouverte : la pulsion de mort elle ausst 1 sou
• peut s~ subhm~r; pour achever ce sinistre tableau, il faudrait peu~­ pur
être dtre que c est essentiellement la peur de castration qui fourrut pht
rap
(
~2.. Mais CC?rnme le travail de sublimation [du moi] aboutit à une désintri:
• de :
cataon db pulsaons et à une libération des pulsions agressives dans le surmor,
son corn at contre la libido l'expose au danger d'~tre maltraité ct mis à moJ!· E
1 En souffrant sous ~es coups du surmoi, voire en y succombant il subit un destlll dire
• co~parable à celui des protozoaires détruits par les produits 'de désassimilation peu
qu liS ont eux-mêmes créés c· 1 . . . _... •
,. · d · est en un te produat de décomposataon, au ,,...... 1
c;COnomtque u terme que p • · · • 1
• araat constater la morale
G · W · xm, p. :l.87t S.E. xrx, p. s6-7; tr. fr., p. 215, à l'œuvre dans le surtn° 1•
l



LES PULSIONS DB MORT


1
• :·
. J, la base pulsionnelle à tout ce processus. Je rapprocherai en effet "
lS·
la
volontiers du dernier texte cité une remarque incidente de Freud
concernant la filiation entre castration et angoisse de conscience
,
.,ï.
e: (remarque considérable, si l'on se rappelle le rôle attribué à la -- l
1
lt 1
peur de castration dans Le déclin du complexe d'Œdipe) : cette
de Il. remarque se trouve à la fin de le Moi et le Ça : u L'être supérieur
. j·
• 1
illt 1. qui se changea en idéal du moi menaça jadis de castration ; cette 1
ue angoisse de castration est probablement le noyau autour duquel t'
re. l'angoisse ultérieure de conscience s'est déposée; c'est elle qui se
l:
1
:re perpétue en angoisse de conscience 33. » '
la Ainsi la peur elle-même à laquelle nous avions rattaché la genèse
sa '• des illusions, la peur proprement humaine, l'angoisse de conscience
!ts Il •
(Gewissenangst), demeure incompréhensible sans la pulsion de ·1
Je mort. . . 1

lts 1
ns • 1
l
lé, 3· LA CULTURE ENTRE ÉROS ET THANATOS !
'
.es 1•

lit 1
1
ue • La plus considérable incidence de la nouvelle théorie dts pulsions • 1

te sur l'interprétation de la culture n'a pourtant pas encore été prise 1
.•
la en considération : la destructivité du surmoi n'est qu'une compo- .'••
.r- sante de la conscience morale individuelle, à la frontière du normal •

1
m et du pathologique. Or la pulsion de mort entraîne une réinter- .•
n. prétation de la culture elle-même; la confrontation entre la défi- '
la nition de la culture que nous avons donnée plus haut, en suivant

:e, les premiers chapitres de l'Avenir d'une Illusion, et la reprise de la
.r- même définition dans les chapitres 111 à v de Malaise dans la Civili-
~e sation, atteste un approfondissement et aussi une unification de la
e- notion de culture face à la pulsion de mort.
Certes, dans A/alaise dans la Civilisation, Freud n'est pas moins
• soucieux que dans l'Avenir d"une Illusion de donner une définition
iSI
.t- purement économique de la culture; mais !"économie même du

ut 1
phénomène de culture se trouve profondément renouvelée par son
rapport à une stratégie globale, celle d'Éros face à la mort.
Considérons ce rebondissement de !"interprétation économique
n·•• de la culture dans Malaise dans la Civilisation.
011
rt. Elle se déploie en deux .t emps : il y a d'abord tout ce qu'on peut

:m dire sans recourir à la pulsion de mort; il y a, ensuite, ce qu'on ne
on peut dire sans faire intervenir cette pulsion.
ns
• f
33· G. w. xm, p. 288; S. E. XIX, p. 57; tr. Cr., p. az6. '
.
297

...
. --·-- - - - - .
·-

~ . . ..
'
.'

LES PULSIONS DE MORT 1


1
le
l8 1
1 • canalisation sourcilleuse de la sexualité dans les voies étroites de la
1
1

tlée; légitimité et de la monogamie, imposition de l'impératif de pro- r
rra•tt création, etc. Mais, aussi pénibles que soient ces sacrifices et inextri-
1•
1
ndi.. cables ces conflits, ils n'engendrent pas encore un véritable anta-

1
1
des 1

1
gonisme. Tout au plus peut-on dire : d'une part, que la libido • •
1 '•
·os : résiste de toute la force de son inertie à la tâche que la culture lui 1
j

• 1
P.ro.. 1 impose d'abandonner ses positions antérieures; d'autre part, que -
~ros le lien libidinal qui constitue la société prélève son énergie sur la 1
ru•on sexualité privée, jusqu'à la menacer d'atrophie. Mais tout cela est
eurs
.ême
si peu« tragique,, que nous pouvons rêver d'une sorte d'armistice
ou de composition entre la libido individuelle et le lien social.
'
1
1
ndi.. .. 1
f
Aussi la question resurgit : pourquoi l'homme échoue-t-il à r1 •
ouf.. être heureux? Pourquoi l'homme est-il insatisfait en tant qu'être .•
mes. 1 '
1
1
de culture? 1
: de C'est ici que l'analyse prend son tournant; voici que se pose, face 1
nké, à l'homme, un commandement absurde : aimer son prochain


1
que
• comme soi-même, - une exigence impossible : aimer ses ennemis, 1
:uter - un ordre dangereux : ne pas résister au méchant; commande- !1
t les ment, exigence, ordre qui dilapident l'amour, donnent une prime
1
1

it le au méchant, conduisent à la perte l'imprudent qui leur obéit. 1
• •
. qw Mais la vérité qui se cache derrière la diraison de l'impératif, c'est
1


stes. la déraison d'une pulsion qui échappe à une simple érotique :
·e la « La part de vérité que dissimule tout cela et qu'on nie volontiers
aux se résume ainsi :l'homme n'est point cet être débonnaire, au cœur
ut : assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque,
mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données
éro- pulsionnelles une bonne somme d'agressivité... L'homme est en 1

ndi· effet tenté de satisfaire son besoin d'agression contre son prochain,

1que

d'exploiter son travail sans dédommagement, de l'utiliser sexuelle-
lffil• ment sans son consentement, de s'approprier ses biens, de l'humi-
tque lier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer.
nent Homo homini lupus 36••• »
,• on La pulsion qui pert~r~e ainsi la relat!on de l'hof!Ull~ ~ l'ho~me
siste et requiert que la soctete se dresse en 1mplacable JUstlctère, c est,
lien on l'a reconnu, la pulsion de mort, identifiée ici à l'hostilité pri-

:IOnS mordiale de l'homme à l'égard de l'homme.
ùes; Avec la pulsi~n de ~ort se fait jour ce que Fre.ud app.elle désor-
oute mais une u pulston anttculturelle ». Dès lors, le hen soctal ne peut
1tile, plus être tenu pour un.e simpl~ extension de la li~ido indiv.iduelle,
comme dans Psychologze col/ecttve et Analyse du mot. Il est lw-même
r. !r., •
35· G. W. xav. p. 470-1 ; S. E. XXI, p. 1 n ; tr. fr., p. 47• {


....

ANALYTIQUE

.. l'expression du conflit des p~~sions : «La pulsion naturelle d'agrea. d


sivité dans l'homme, l'host1hté de chacun contre tous et de tous S<
contre ~h~~un, s' o~p~se à cette. tâche de ~ul~re. Cette pulsion
• 1

d'agressiVIte est le denvé et le représentant prmcpal de la pulsion de l


1
a!
.
v:
•• mort que nous avons trouvé côte à côte avec Eros et qui partage sc
avec lui la domination du monde. Dès lors, me semble·t·il, le d
sens de l'évolution de la culture est pour nous sans énigme; elle o·
• 1
doit nous présenter la lutte entre Éros et la mort, entre les pulsions lt
1 al
de vie et les pulsions de destruction, telles qu'elles se frayent une

voie dans l'espèce humaine. C'est en cette lutte que consiste essen- 1
!1
c
.1•• •
tiellement toute vie; on peut désormais décrire l'évolution de la •
.f civilisation comme la lutte de l'espèce humaine pour l'existence. 1 SI


. .'

Et c'est cette lutte de géants que nos nourrices veulent apaiser
en clamant : Eïapopeia du Ciel 36 • »
l
1
la
f<

l1 à
' Voilà donc la culture elle-même transportée sur la grande scène
'.
• cosmique de la vie et de la mort 1 En retour, la pulsion « muette • .. d
!

parle dans son « dérivé » et son << représentant ,, principal. En deçà .1'•
.•! d'une théorie de la culture, la mort n'est pas encore manifestée : •
/

ti
..

; la culture est son espace de manifestation; c'est pourquoi une 1 Sl
l'' théorie purement biologique de la pulsion de mort devait rester
1 v

spéculative; c'est seulement dans l'interprétation de la haine et ~e e.
la guerre que la spéculation sur la pulsion de mort devient déchif- d

.•
frage. '
• g
..•! Il y a ainsi une révélation progressive de la pulsion de mort à d
. tr~v.ers , les trois niveaux biologique, psychologique, culture~; 1 é
.. '
• 1•
satste ~ abord dans le filigrane d'Eros, la pulsion de mort r~s?tt 1
p
• m~quee dans sa composante sadique; tantôt elle doublait la hbtdo n
l. obJ~ctale, ta~tôt elle surchargeait la libido narcissique; son anta- a
gomsme devtent de moins en moins silencieux à mesure que •
1 St


l'É.ros se déploie! UJ?-Ï~sant le vivant à lui-même, puis le moi à son e:
' objet, enfin les mdtv1dus dans des groupes toujours plus vastes. Ct
C'est à c~ der~ier niveau que la lutte entre Éros et Thanatos devient d
guerre declaree; paraphrasant Freud, on dirait que la guerre est la n
clameur de la mort. L'aspect mythique de la spéculation n'est n
p~ pour a~tant atté.nué; la mort n'apparaît plus seulement dé~o­ d

mque, mats démomaque : c'est maintenant la voix de Méphts· 81

!ophélès gue Freud emprunte pour parler de la mort, comme
il mvoquatt le Banquet de Platon pour illustrer Éros. q
Le choc en retour de l'interprétation culturelle de la pulsion p

36. G. '"!V·.Xtv, P· 48_1; S. E. XXI, p. 121; tr. fr., p. 57. Eiapopela vom Himnttl
est une cttnuon de Heme, dana Dt:Utschland, chant 1 , etrophc 7 •
• •

' 300

... ... ..
~ · #" ., • •
~ ~
' .' ' r .

' 1
,•
• 1
LP.S PULSIONS DE MORT 1
1 '
1, • 1

tgres.. de mort sur la spéculation biologique a des effets considérables : •


.1 •
tous son dernier fruit est une interprétation du sentiment de culpabilité ..
dsion assez différente de l'interprétation en termes de psychologie indi- •
• 1

onde viduelle donnée dans le Moi et le Ça. Alors que dans cet essai le • •
l
.rtage sentiment de culpabilité était tiré du côté de la pathologie, en raison '
·il, le
; elle
de la ressemblance entre la cruauté du surmoi et les traits sadiques
ou masochistes de la mélancolie et de la névrose obsessionnelle,
'
• 1 les chapitres VII et VIII de Malaise dans la Ci'lJi/isation accentuent .
.stons 11

1 au contraire la fonction culturelle du sentiment de culpabilité.
tune • 1


ssen- 1 Ce sentiment apparaît maintenant comme le moyen dont Ia culture .
i 1

de la se sert, non plus contre la libido, mais précisément contre l'agres-


ence. 1 sivité. Ce changement de front est important. C'est maintenant

)atser l
1
la culture qui représente les intérêts d'Éros, contre moi-même,
foyer de l'égoïsme mortel; et elle se sert de ma propre violence
''

~cène à l'égard de moi-même pour mettre en échec ma violence à l'égard 1


1 d'autrui. ••
ette • •• •

deçà 1

Cette nouvelle interprétation de la culpabilité déplace tous les
, • .. accents : vue du point de vue du moi et dans le cadre de ses « rela- '1
;tee : •

une tions de dépendance ». (Le Moi et le ça, chap. v), la sévérité du
·ester surmoi apparaissait comme excessive et dangereuse; cela reste •

vrai et la tâche de la psychanalyse demeure à cet égard inchangée:


et de
elle consiste toujours à atténuer cette sévérité. Mais, vue du point
:chif- de vue de la culture et de ce qu'on pourrait appeler les intérêts .•
généraux de l'humanité, cette sévérité est irremplaçable. Il faut
ort à donc articuler les deux lectures du sentiment de culpabilité. Son
urel; 1 économie, du point de vue de la conscience isolée, et son économie du
• 1
~Stalt ' point de vue de la tâche de la culture sont complémentaires. La pre- ,
ibido mière lecture est si peu annulée par la seconde que Freud la rappelle
1nta- au début du chapitre vu de Malaise dans la Civilisation. Mais,
que selon la seconde lecture, Je renoncement principal que la culture
a son exige de Pindividu n'est pas celui du désir en tant que tel, mais
lStes. celui de l'agressivité. Il ~e suffira plus ~lors de défi!Ù~ l'angoisse
vient de conscience par la tenston entre le mot et le surmot; tl faut elle-
!st la même la transporter sur la scène plus vaste de l'amour et de la
n'est mort : cc La culpabilité (dirons-nous maintenant) est l'expression
!mo- du conflit d'ambivalence, de l'éternelle lutte entre Éros et Ja pul-
Jhis- sion de destruction ou de mort 37• »
mme Les deux lectures sont non seulement superposées, mais imbri-
quées l'une dans l'autre : la fonction culturelle de la culpabilité
Ision passe par la fonction psychologique de l'angoisse de conscience;

37. G. W. XJV, p. 49a; S.E. xxr, p. 13a; tr. fr., p. 67.


301

1 •
'

t
'
'
. ..
.... . a , n ·r• ••·mt• . -·-
- - - •=flll-.t;.-.a..t•--· ••


• 1

••
1

• 1

• ANALYTIQUE

du point de vue de la psychologie individuelle, le sentiment d œc


culpabilité - du ~oiQs sous .s~ fo!me 9u~i pat,hologique - parai~
• 1
1
1 d']
r•

n'être que l'effet dune agress1v1té mténonsée, dune cruauté reprise vo
au compte du surmoi et retournée contre le moi. Mais son économie 1
•1
entière n'apparaît que lorsque le besoin de punition est replacé de
.• .. dans une perspective culturelle : « La civilisation maîtrise donc le

1

pll
• dangereux appétit d'agression de l'individu en affaiblissant celui-ci SU·
en le désarmant, et en le faisant surveiller par l'entremise d'un~
l
ffil
1
instance instaurée en lui-même, telle une garnison placée dans une et
1
• ville conquise 38• » du
1
• Nous sommes ainsi au cœur du « malaise » propre à la vie de • •
1
pu
' culture; le sentiment de culpabilité intériorise maintenant le conflit 1 l'o
.l 1 d'ambivalence enraciné dans le dualisme pulsionnel; c'est pourquoi 1
1 de
il faut aller jusqu'à ce conflit, le plus radical de tous, pour déchiffrer M
• le sentiment de culpabilité : tt Aussi conçoit-on aisément que le na
• sentiment de culpabilité, engendré par la culture, ne soit pas reconnu qu
. .•

• .•.
comme tel, qu'il reste en grande partie inconscient ou se manifeste pr
' comme un malaise (Unbehagen), un mécontentement (Unzu- la ·
~.l• friedenheit) auquel on cherche à attribuer d'autres motivations 39• • es1

'1
1 Ce qui fait l'extraordinaire complexité de ce sentiment, c'est que le

1
conflit entre pulsions s'exprime par un conflit au niveau des instances; du

l
• ~'est pou,rquoi la lecture de le Moi et le ça n'est pas abolie mais s'e
1 mcorporee. àl
r1
' •
•• On peut en dire autant de l'interprétation œdipienne, à l'échelle • de
.. ffi4

de l'individu ou de l'espèce; le jeu d'ambivalence propre à la
situation œdipienne - amour et haine à l'égard de l'instance • de
• ••
parental~ - fait l.ui aussi partie du jeu plus vaste de 1'3m:biyal~nce do
•••
... ce
~ • des P"?lstons de .v1e et de mort; prises isolément, les cons1derauons
•1
. généttques parttelles, élaborées à différentes époques par Freud,
.• • concernant le meurtre du père primitif et l'institution du remo!ds, illl
gardent q~elque chos,~ de pr~blématique, ne serait-ce qu'en r~son du
• de la contmgence qu mtrodUit dans l'histoire un sentiment qua en us
1 1 même temps se présente avec des traits d' u inévitabilité fatale 40 ». lâc
l'a
~ ca~c~ère c~nti~gent ~e c~ cheminement, tel que le reconsti~e

l.exphcatton genéttque, s attenue dès lors que l'explication ~éne· en


t1qu~ elle-même est subo~donné~ aux grands conflits qui d?m~nent
ca
ccl
le fatt de culture; la fanulle qw sert de cadre culturel à 1 ép1sodc
•• 1


l 38. G. W. XIV, p. 483 ;. S. E. nr, p. 1a4 ; tr. fr., p. 5s.9•
• 39· G . W. XlV:. P· ~95 ; S. E. XXI, p . 135; tr. fr., p . 70•
40. Du! verha11gmsvolle Unvermeidlichkeit del Schuldgcfilhll G. W. XIV,
p. 492.; S.E. XXI, p. 13a; tr. fr., p. 67. '


JOZ



1
l LES PULSIONS DB MORT ••

de 1 œdipien n'est elle-même qu'une figure de la grande entreprise



,·'
rait '
1
d'Éros de lier et d'unir; dès lors, l'épisode œdipien n'est pas la seule

nse

n1e
1
l


voie possible de l'institution du remords.
Ainsi, la réinterprétation du sentiment de culpabilité, à la fin •
1
J
acé
'
1
' de Malaise dans la Civilisation, apparaît bien comme la pointe la '• 1

: le 1 plus avancée de la pulsion de mort, dont nous avons considéré la
·Cl ,
• 1

l
succession des figures. En mortifiant l'individu, la culture met la ..
me mort au service de l'amour et renverse le rapport initial de la vie •

me et de la mort. On se rappelle les formules pessimistes de Au-delà


du pn'ncipe de plaisir : « Le but de toute vie est la mort » ••• « Les
de 1 pulsions conservatrices... ont pour fonction de veiller à ce que
Rit l'organisme suive son propre chemin vers la mort... ces gardiens
JOJ
• l de la vie étaient donc aussi à l'origine les myrmidons de la mort. »
rer Mais le même texte, après avoir atteint ce point critique, se retour-
le nait : les pulsions de vie luttent contre la mort. Voici maintenant
nu que la culture apparaît comme la grande entreprise pour faire
ste prévaloir la vie contre la mort: et son arme suprême est d'user de
ru- '
1 la violence intériorisée contre la violence extériorisée; sa ruse suprême
'· 1 est de faire travailler la mort contre la mort.
le Cet achèvement de la théorie de la culture par la réinterprétation
es; du sentiment de culpabilité est expressément voulu par Freud :

atS s'excusant pour les longueurs inattendues de la discussion consacrée
à ce sentiment, il déclare : « Cela peut avoir gâté la composition
lie de l'ouvrage; mais mon intention était bien de présenter Je senti-
la ment de culpabilité comme le problème capital du développement
.ce 1
de la culture et de faire voir en outre pourquoi le progrès de celle-ci
.ce doit être payé par une perte de bonheur due au renforcement de
ns ce sentiment u. •
.d, C'est bien cette ruse de la culture que Freud veut finalement
ls, illustrer en citant à J'appui de son interprétation le mot fameux
)n du Monologue de Hamlet : Thus conscience does make cowards of
en us ail (c'est ainsi que la conscien,ce [mor~Ie] fait de nous tous ?es
.t. lâches); mais cette « lâcheté », c est auss1 la mort de Ia mort; c est
LlC l'œuvre de J'espion que la culture, travaillant pour Éros, a placé

e- en cr garnison» au cœur de l'individu, comme dans une ville conquise;
nt car en dernière analyse, le « malaise dans la civilisation » c'est
1e u 1~ sentiment de culpabilité engendré par la civilisation •2 ».

.
• 41, G . W. xrv, p. 493·4: S. E. xxr, p. 134: tr. fr., p. 68•
.p. G. W. XJV, p. 495; S.E. XXI, p . 135; tr. fr., p. 70.

v,

303
.••

• •
1



• '

J
(
1
• .. CHAPITRE III ]
• 1
1
INTERROGATIONS •
1
1
.• 1

1
1

1
J'aimerais rendre hommage à Freud en rassemblant dans ce
chapitre quelques-unes des questions qu'il ouvre beaucoup plus • c
• qu'il ne ferme. En dépit du ton tranché et même de l'intransigeance
du maître qui supporta rarement la dissidence et le dissentiment,
la dernière phase de la doctrine freudienne débouche sur un certain
'

1 •
1
'

• nombre de questions non résolues dont nous essaierons de faire {

un bilan provisoire : c
... : 1
1
,
'
1. Est-il bien sûr que nous connaissions mieux la pulsion de (

mort à mesure qu'elle devient plus manifeste, pour affleurer enfin


1 1
• •• au niveau de la culture sous forme d'instinct de destruction r N'y
(
a-t-il pas dans la spéculation biologique un surplus qui ne passe
pas dans le déchiffrage culturel, et qui donne encore à penser? t
1 Qu'est-ce, finalement, que la négativité dans la doctrine freu- t
dienne? t
2. Ne faut-il pas également douter de nos affirmations les. pl.~ • (

(
..

assurées concernant le plaisir? Nous l'avons sans cesse cons1dere
comm~ le << gardien de la vie »:peut-il, à ce titre, n'exprimer que la a
(
réduct1on des tensions? S'il doit avoir partie liée avec la vie, et non
~~ s.e ulement. avec la mort, ne faut-il pas qu'il soit autre chose que
(

1 md1ce psych1que de la réduction des tensions? Oui savons-nous, I


en dernier resso~, ce que signifie le plaisir ? ' . 1
t
3· Qu'en est-tl enfin du principe de réalité qui paraît b1en e
annoncer une. s~gesse par-delà l'illusion et la consolation? Com- 1 1·
ment cette luc1d1té, et l'austérité pessimiste qui l'auréole, s'accorde-
t-elle fina~ement ,avec l'amour de la vie, que paraît appel~r la
• dramaturgie de 1 amour et de la mort ? La doctrine freud1enne tl
d
trouve-t-ell~ ~nalement une unité de ton philosophique, ou reste-
t-elle ~é~!utlvement partagée entre le scientisme de ses hypo- n
thèses .mttlales et la N,atu~ph!losoJ?hie vers laquelle la ramène Eros

et qu1, . peut-êt~e, . n ava1t Jamais cessé d'animer cette tenace


exploration de 1wuvers du désir ?


1 ••
1 •

INTERROGATIONS .·
•'
Tel est le sens des trois questions sur lesquelles débouche à •

:

notre sens la dernière lecture de Freud : qu'est-ce que la pulsion
de mort et quel est son rapport avec la négativité? Qu'est-ce que le
: l, ;•
i plaisir et quel est son rapport avec la satisfaction? Qu'est-ce que !
la réalité et quel est son rapport avec la nécessité?
' j ~
l
1

1
1
1
1
~

1 •
I. QU'EST-CE QUE LA NÉGATIVITÉ?
1
1
1
ce La pulsion de mort est un concept problématique à bien des
us égards:
tee C'est d'abord le rapport entre spéculation et interprétation qui
:tt, fait problème. Aucun lecteur ne peut être insensible au caractère

un incertain, sinueux et proprement u boiteux 1 » de cette spéculation

1re et de son cortège d'hypothèses pour voir. Freud lui-même accorde
1 qu'il ne sait dans quelle mesure il y croit 1• Il parle une autre fois
de !
.
1
d'une équation à deux grandeurs inconnues 8• Il dit encore que la
fin supposition d'une tendance à rétablir un état de choses antérieur,
['y si elle est comparable à un rayon de lumière dans les ténèbres,
;se est u plutôt un mythe qu'une explication scientifique 4 ». Aucun
'1
r? traité de Freud n'est aussi aventuretL~. On comprend pourquoi :
u- toute spéculation directe sur les pulsions, hors de leurs représen-
tants, est mythique. Or la troisième théorie l'est plus que les précé-
us • dentes, dans la mesure où elle prétend atteindre J!UJ.!!P~!!~L~ê_me

:re
1
des pulsions. Le premier concept de libido, globalement opposé
la aux" pulsions du moi, était le concept unitif présupposé par les
on diverses vicissitudes ou destinées de pulsion; le second concept
ue 11 de libido qui rassemble libido d'objet et libido du moi, était
~1';18 vast~ que le l?remier, pu!s9u:il commandait les ?iverses rép~­

lS,
tltions des investissements hb1dmaux. La spéculation sur la v1e
1 et la mort vient se placer en arrière de ces deux concepts de libido;
en
n- 1 le réseau u d'analogies, de corrélations et de connections 6 », aux-
le-
la 1. Freud cite, en conclusion de 11f·rklù du Pr!nci'pe de plaisir, deux vers orien-
~ ê' taux tirés du 1\1aqdmdt de al-Hann : • Cc qu on ne peut atteindre en volllllt,
ne 1
doit l'~tre en boitunt •.• Il est dit dans l'Écriture : boiter n'est point p~chcr. •
:e-
2 , Au-delà... , G. W. xm, p. 64; S . E. xvm, p. 59; tr. fr., in Euaû rh Psyclw-
·~ nalyse, p. 68.
·os 3, G. w. xru, p . 62; S. E. xvur, p . 57: tr. fr., p. 66.
.ce 4· Ibid.
, G. \V. xur, p. 66; S. E. XVUI, p. 6o; tr. Cr., p. 70•
• 5

/ •

,'• •
•\
.
• •
. ..
. ... . "
' .

r '
ANALYTIQUE

quelles l'hypoth~e r~nvoie, est beaucou~ plus lâche que précé-


demment; la speculation est sans proportion avec le phénomène
qui lui sert de révélateur : Freud admet que l'hypothèse même
de la pulsion de mort a pu l'.induire à ~aJorer l'importance des
• faits se rattachant à la compulsion de répet1tton 6 ; on a vu que tous
•' les autres faits drainés par ce phénomène central pouvaient à la


rigueur être interprétés autrement.
C'est pourquoi toute la suite de notre étude a consisté dans une
reconquête, progressive et partielle, au plan de l'iP.terprétation
•• analogique, de ce qui a d'abord été posé au plan de la spéculation.
t
Mais il faut prendre conscience de l'excès initial de la spéculation
sur l'interprétation; c'est là, au point de vue épistémologique, le 1
.f •
caractère le plus marquant de cet essai. Ce surplus du sens spécu-
latif tient essentiellement au caractère directement métabiologique

des hypothèses mises en œuvre : « La biologie est vraiment le pays l
l
des possibilités illimitées 1• » Mais cette métabiologie est elle- j
•• même plus mythologique que scientifique, en dépit des discus~ions 1
• •• sur Weismann et la mort des protozoaires. Le nom mythique '
• 1
•1
•• d'Éros atteste déjà que nous sommes plus près des poètes que des '
• 1
1
••
1 savants, plus près des philosophes spéculatifs que des philosophes 1
1 1
1 critiques; ce n'est pas hasard si le seul texte philosophique cité 1

. est emprunté à la partie mythique du Banquet de Platon (le discours
.1 1
d'Aristophane sur l'androgyne primitif); c'est un « philosophe-
. ! poète » qui enseigne qu'Éros veut réunir ce qu'une divine mali- i

gnité a divisé et dispersé. Bien plus, ne croyons-nous pas entendre



un penseur pré-socratique, lorsqu'Éros est appelé << celui qui fait l
'. ' tenir ensemble toutes les choses vivantes », u celui qui conserve (
·h
toutes choses » s ? l
Pourquoi Freud s'est-il risqué, avec autant d'hésitation que J
~'intransigeance, sur le terrain de la métabiologie, de la spé~~­ (

tton et du mythe? Il ne suffit pas de dire que chez lui la theone ' f
a toujours excé~é l'interpré~tion pas à pas ct terre à terre.. C'e~t 8
la nature quast mythologtque de cette métabiologie qw fa1t 1
'• 1
problème. Peu~-être f~ut-il s~p~oser que Freud remplissait . un
?
de 8<!;5 plus an~.•en~ ~és!rs, ~el~1 a~ler de la psychologie à la philo-
aophte, et qu 1l h.ber~t ams1, 1 e~ugence romantique de toute sa
pen_.sée, que le sc1enusme mecamste de ses premières hypothèses
ava1t seulement masqué.

6. G. W. xm, p. 66; S.E. xvm, p. 6o · tr fr p 70 d


1· Ibid. ' ' '' • • s
8. G. W. xm, P· 54 et 56; S.E. xvm, p. so et 5a; tr. fr., p. s8 et 6o.



9· Nous proposerons, dans la Dialectiqu~. de rapprocher la libido freudienne
du conatus spinoûste et de l'appitition leibnizienne, voire de la vo/ontl aelon
Schopenhauer et de la volontl de puissanu chez Nieuac:he.
Jo. Cf. ci-dessus Attalytique, 1 10 Partie, chap. 1.

30'7


. ...... . .. . .
\
. , ..." .
' '( ~

'
,. 1
-- ..

...
ANALYTIQUE

tif, une ~ccolade h,é~é.roclit~ : inertie biologi9ue n'est pas obsession 1


pathologique, répet1t10n n est pas destruct10n.
• Notre soupçon augmente quand nous considérons d'autres

affleurements du négatif qui ne se laissent pas réduire à la destruc.
• • •
•• • tlvtte .
Le fameux exemple du jeu du Fort-da nous a déjà fort intrigués·
il faut y revenir; ce jeu de faire disparaître et reparaître symboli~
quement la mère, consiste lui aussi, certes, à répéter un renonce.
ment affectif; mais, à la différence du rêve dans la névrose trauma. 1
J:
' tique, la répétition ludique n'est pas une répétition contrainte Î
.••
obsédante; jouer avec l'absence, c'est déjà la dominer et se corn~
• i' porter activement à l'égard de l'objet perdu en tant que perdu· 1 ••
dès lors, comme nous le demandions en exposant l'analyse freu~
.•• dienne, ne découvrons-nous pas une autre face de la pulsion de


mort, une face non pathologique, qui consisterait dans la maîtrise
1 même du négatif, de l'absence et de la perte? et cette négativité
•1
• 1•

n'est-elle pas impliquée dans tout passage au symbole et au jeu?
••
••
1
1 Cette question rejoint celle que nous posions à propos des créa· '>
!
t
• 1 tions de Léonard; l'objet archaïque perdu, disions-nous avec
!
1 Freud lui-même, est à la fois <t désavoué et surmonté 11 »par l'œuvre
.• 1 1 d'art qui le recrée ou plutôt qui le crée pour la première fois en
1
••
l'offrant à tous comme un objet à contempler. L'œuvre d'art est
.

• ' • aussi un Fort-da, un disparaître de l'objet archaïque en tant que
' fantasme et un reparaître en tant qu'objet culturel. La pulsion
1 de mort n'a-t-elle pas alors pour expression normale, non patho·
logique, le disparaître-reparaître en quoi consiste l'élévation du .J
• •••
:1
fantasme au symbole ?

1 Cette interprétation n'est pas sans support chez Freud : nous

• avons réservé, pour cette post-face à la pulsion de mort, l'examen
1 d'~n des plus étonnants petits essais de Freud, intitulé ~lie ~~
n~~~zung 11, mot,qui désigne ordinairement en allemand le co~tratre
de BeJahung, 1affirmation, et qui est donc très bien traduit par
Négation, ~i~.9.~'il dé~igne purement e~ simplem~nt .l'usage d~ j•
Non par oppose au Out. Par une série de méandres Freud condUit
expressément à assimiler la négation, le non,
mort.
à
la pulsion de i
J

• ~ais de quelle négation s'agit-il? Très exactement de celle •
J
qu1 ne se trou~e pas ~ans l'inconscient; l'inconscient, rappelon~·le,
ne comporte m négatton, ni temps, ni fonction du réel; la négauon,
u . Cf. ci-deaaua, p . 174 , n. 22 ,
• 12 • Die Verminung (197.5), G. W. XIV, p. U•IS; S. E. XIX, p. ~35•9; tt. fr.,
RftJ. fr. Psychanal., 1934, n° a, p. 174·7·
'

'' INTERROGATIONS
ess1on
par conséquent, appartient au m~me système Cs que l'organisation
autres temporelle, le contrôle de l'action, l'arrêt moteur impliqué par
struc- tout processus de pensée et le principe de réalité lui-même. Nous
voici donc en présence d'un résultat inattendu : il y a une négati-

lgués; vité qui n'appartient pas aux pulsions mais qui définit la conscience,
nboli- conjointement avec le temps, la maîtrise motrice, le principe de
tonce.. réalité.
au ma.. La _première manifestation de cette négativité de conscience,
• c'est "précisémëilt la prise de conscience du refoulé ·: quand un
ramte,
patient, note Freud dans les premières lignes de son article, adjoint
com-
à une association d'idées, ou à un fragment de rêve, une protestation
>erdu; ••
telle que: "cette personne n'est pas ma mère», la négation n'appar-
freu- tient pas à la force qui porte la représentation vers la conscience;
.on de elle est plutôt une condition pour que l'idée refoulée pénètre dans
• •
.attnse la conscience : « La négation est une manière de prendre conscience
ativité du refoulé; elle est même déjà une manière de lever ( Auflzebung)
eu? le refoulement sans pourtant que soit accepté ( Annahme) le
' créa- refoulé 18• » Freud peut même dire: «il n'y a pas de preuve plus
, avec forte que nous ayons atteint l'inconscient que lorsque le patient
œuvre réagit par la phrase : u Ça je ne l'ai pas pensé, je n'y ai jamais
••
OIS en pensé.,., Le non est le certificat d'origine- le made in Germany -
art est qui atteste l'appartenance de la pensée à l'inconscient; grâce au
Jt que symbole de la négation (Verneinung symbol) la pensée s'affranchit
mlsion des limitations du refoulement et s'enrichit des contenus néces-
patho· saires à son déroulement. La négation pensée est ainsi le substitut
on du intellectuel du refoulement 14 ».
. {
Le second degré de la négation concerne l'épreuve de réalité;
: nous cettef'onctiôn- riouvellc êSt la süite''de.. la précédente : nous savons
xamen en effet que les conditions du u devenir-conscient >> et celles de
_
e Ver·
... ....-.'
ntratre
a l'épreuve de la réalité» sont les mêmes, puisqu'elles règlent la dis-
crimination de l'intérieur et de l'extérieur. Or, le jugement négatif
1it par - A ne possède r.as l'attribut B - n'est vraiment jugement de
1ge du réalité que lorsqu il dépasse le point de vue du moi de plaisir,
onduit pour qui dire oui c'est introjeter ce qui lui est bon, c'est-à-dire
ion de finalement le cr dévorer », et dire non c'est expulser ce qui lui est
mauvais, c'est-à-dire finalement cr recracher », Le jugement de
e celle réalité marque le remplacement du u moi de plaisir initial » ( anfiing-
ons-le, liches Lustic/1) par le cr moi réel terminal » (endgülti'ges Real-/ch).
• La question n'est plus de savoir si ce qui a été perçu, cr compris»
gauon,

,.1 tr. fr., 13. G. W. XlV, p. ta; S. E. XIX, p. 235·6; tr. fr., p. 175.
14. Ibid.

••

• . , ,., t .
• , • •
......, .. .......
.. "'. ' . . • t •""'.. ...,,. ' •

. ...
~
... . '!.. •• 1 . .1 • ' ..
1 • " ;
'.
••
'.
• ,
ANALYTIQUE

; 1
(wahrgenommen), peut être « pris ~ (~/getWmmen) dans le rnoi •

• 1 mais si ce qui est présent dans le mm à tttre de représentation peut


• 1 '
être r~trottvé ~ans la réalité. Ainsi s'opère le départage de la repré-
sentation, qut est seulement « au-dedans ,, et du réel, qui est
.. également « au-dehors ». Or, quel est le moment du non dans cette
• •
épreuve de la réalité? C'est dans l'intervalle entre u trouver , et
cr retrouver » (wiederfinden) que réside la fonction de la négation,
implicite à tout jugement, même positif; la représentation, en
effet, n'est pas une présentation immédiate des choses, mais une
l
: . •
reproduction, qui rend à nouveau présentes les choses absentes :
•• • cr La condition pour que soit mise en œuvre l'épreuve de la réalité,
c'est que les objets qui jadis procuraient la satisfaction réelle aient
1 été perdus)); c'est sur fond d'absence, de perte, que la représenta-
'
tion s'offre à l'épreuve de réalité : « Le but premier et immédiat
de l'épreuve de réalité n'est donc pas de trouver un objet corres- '
pondant à une représentation, mais de le retrouver, de se convaincre
; '
q_ ' ••
qu'il est encore présent 16 )); ainsi l'intervalle de négation qui sépare
la présence primitive de la représentation rend possible l'épreuve

t

Jl critique d'où émergent à la fois un monde réel et un moi réel.


' t Si l'on rapproche ces trois analyses- celle du Fort-da dans Au-tklà
i i•• du principe de plaisir, celle de la création esthétique dans le Léonard...
• •

11
' celle du jugement de perception dans l'article Négation -les traits
de la fonction de négativité commencent à se préciser. Nous avons
1 pu discerner une commune opération, entre le disparaître-rcpa· .•
• •

raître du jeu, le désavouer-surmonter de la création esthétique
1
' et le perdre-retrouver du jugement de perception. .
•1 Quel est maintenant le rapport de cette négativité avec la puls10n
•. 1

:1
l
de mort? Voici ce qu'écrit Freud à la fin de l'article sur la Nég~­
.• 1 tion : u L'étude du jugement nous permet pour la première foiS
1

peut-être d'accéder à l'origine d'une fonction intellectuelle par le

'1 jel!' dC:S impulsions primaires. Le jugement est la contin~ation,
·.' oraentee par un but ( zweckmassi'g-along lines of expedtenCJ)'
• 1 du . ~rocessus, d•inc~rporation dans le moi, selon le principe d.e
.• pla1s1r, ou d expuls10n du moi. La polarité du jugement para1t
correspo~dre à l'opposition des deux groupes de pulsions :
. l'affi~at1on, ~mme substi,tut de }a réunion, appartient à ~ros, la
' négation_, qut succ~~e à 1 expuls1on, appartient à la puls10n de
l
. l

destruct1on. Le platstr général de nier, le négativisme de tant de
.• ..
'.• '.. 1 S· .G. Vf· XIV, p.
S. E. XIX, p. 238: tr. fr., p . 177. On rencontre une !or~
14 i

t
1 mule tdcnttquc dana 1~ Trois &sais... : • trouver un objet c'est en fait te reuou·

• ver-, G.W.V, P 123; S.E. vu, p. au; tr. fr., p. 152 ,

310
l


.
1•


••

1
-r •• •
'\.~-. ,,
· ... .. ,. )'\ " '
li•·•· ..·•·••·• 't
' • ',
'
'
••

INTBRROGAnONS
• •••
~01 1
·eut 'i
psychotiques, est vraisemblablement l'indice de la désintrication •
,ré- (Entmischung) des pulsions par retrait des composantes libidi- 1

nales. Mais l'opération du jugement n'est possible qu'une fois que 1
est la création du symbole de la négation a permis à la pensée un
:tte !
premier degré d'indépendance à l'égard du résultat du refoule-
et
on,
ment ct, par là même, de la compulsion du principe de plaisir 16 ». it
• Freud ne dit pas que la négation est un autre représentant de la f
en pulsion de mort, il dit seulement qu'elle en dérive génétiquement
Jne 1' par u substitution », comme en général le principe de réalité se
!8!
~

1te,
ent
, 1t
, substitue au principe de plaisir (ou comme, dans J'analyse du
u caractère », l'avarice par exemple se substitue à une constitution
libidinale archaïque, telle que l'analité). Nous n'avons donc pas ..
.ta- J le droit de tirer de ce texte plus qu'il n'autorise et d'en donner
liat une transcription hégélienne immédiate. Nous pouvons le faire
es- pour nous-mêmes, à nos risques et périls, mais non en interprètes
cre de Freud. C'est un~ cc é~n~m~.ique_~.!l~ ~a_.':lé~tio~. que Freud arti-
are cule et_~Q!ll!ne_~c d1alc~tlque » de la .vérité et de la certitude, comme .
1ve
€el.


t
dans le premier chapitre de la Phénomhzologie de Esprit. Toutefois, r
mèïnë-âans -ces--finiitëS strictës; l'apport de ce petit article est
'elà considérable : la conscience implique la négation; elle l'implique
1... dans la « prise de conscience » de sa propre richesse enfouie et elle

uts l'implique dans la u reconnaissance » du réel.
ms L'étonnant ce n'est pas que cette négation dérive par substitu-
)3• tion de la pulsion de mort, c'est plutôt, en sens inverse, que la pul-
ue sion de mort soit représentée par une fonction aussi considérable
~ qui n'a rien à voir avec la de~tructivité, mais au contraire avec la
oJ
on symbolisation ludique, avec la création esthétique et finalement
ra- ' avec l'épreuve de réalité elle-même. Cette trouvaille suffit à remettre

:>JS
Je

1
.. 1
)
en flux toute l'analyse des représentants de pulsion. La pulsion de
mort ne se ferme pas sur la dcstructivité qui en est, disions-nous,
m, tl la clameur; peut-être s'ouvre-t-elle sur d'autres aspects du a travail
1), du négatif », qui demeurent u silencieux » comme elle-même.
de
ait 'l
i
•• 1
$
t 2. PLAISIR ET SATISFACTION
la J
de ~
••
de 1 Qu'est devenu le principe de plaiLJir au terme de l'essai qui pré-
' tend le dépasser ?
Poser cette question c'est demander : qu'est-ce qui, finalement,
16. G. W. xtV, p. 15; S.E. xtX, p. 238-9; cr. fr., p. 177•
311

" .! "
. .·· . '\. . · .. ..
#
,
... .~~~ • ' '
. : ..
• ; ,~·~ ..• . ''...
.. . ... ' ' .
• \. '\
. • 1• • ~ . . \

. 1'
'1

1

••
ANALYTIQUE
:
1
'•
1
est cr au-delà du principe de plaisir »? Or il n'y a pas de réponse •

• déterminée à cette question. Il y a de quoi être surpris, si l'on songe

11 au titre même du traité : à la vérité, l'au-delà s'avère introuva-
ble. Non seulement il n'y a pas de réponse finale, mais on a perdu
1
! en cours de ro~te u.nc réponse provi.soire. Ce n'est pas l'aspect '

• le moins « problematique » de cet essat .
..'
Rappelons ce qu'étaient, d'une part, la question initiale, d'autre \•
part, la réponse provisoire avant l'introduction de la pulsion de
~
\

.• mort. f•

. La question avait un sens déterminé, dans la mesure où ron i
\ J.
.
1
admettait l'équivalence entre principe de constance ct principe •
1'. de plaisir. Ceci admis - et Freud ne le mettra pas en question
1

:
1

• 1
1
1 sérieusement dans Au-delà... , mais seulement dans le Problèmt

1 économique du Masochisme -, chercher un au-delà du principe
• de plaisir c'est s'interroger sur l'existence de « tendances plus pri·

1 mitives que le principe de plaisir et indépendantes de lui 17 •,
• 1
1 l
·1
:\
••
c'est-à-dire irréductibles à la tendance de l'appareil psychique à
réduire ses tensions et à les maintenir au niveau le plus bas.
i
.•
••
J

Or cette tendance, nous l'avions trouvée avant même d'avoir


introduit les pulsions de mort : d'une part, en effet, elle avait été
,,.J' ' f
f

rendue manifeste par la compulsion de répétition qui opère en ·~ (


·J (
•1 •
dépit du déplaisir qu'elle ranime; d'autre part, elle avait pu être
\
i (
.!.
1 1
rattachée à une tâche antérieure à la recherche du plaisir, la tâche
.:
1
de a lier » r énergie libre. Sans doute cette tendance et cette tâche
ne sont pas opposées au principe de plaisir; du moins n'en dérivent- l
'l
:>

(

s
i• elles pas.
1 Mais voici qu'entrent en scène les grands rôles de la Mort et de
' s
: 1• la Vie. Loin de consolider le premier résultat, l'introduction de la (
pul~ion de mort I.e _défait. La pulsion de mort s'avère être l'ill~s­ 1
I
t~atlon la ~1';15 ws1ss~nte du principe de constance dont le pnn-
1
(


cape de pla1s1r est tOUJours tenu pour un simple doublet psycholo- ••
1.
gique. Il est impossible, en effet, de ne pas rapprocher la « tendance •
c
à restaurer un état antérieur » qui définit la pulsion de mort, et la e
1
te~dance de l'appareil. psychique à maintenir la quantité d'ex.citation !
li
prc~ente. en IU1 au mveau le plus bas possible ou du moms à la 1i E
mamterur co~t~nte. Faut-il aller jusqu'à dire que principe de ,•

constance et mstmct de mort coïncident? Mais alors la pulsion de ~
l
mo~, expressément intro~uite pour rendre compte du caractère .,1
pu.lst~nnel de 1~. comp.ulst~n de répétition, n,est pas au-delà du

pnncape du plaunr, malS dune certaine façon identique à lui. •

••
•••
17. Cf. ci-dessus, p. 2.79, n. 4· _,1
312
,,•

.. .
• . •• ~.,

..,.)· : ! ..; .• ~

INTERROGATIONS

se •
Ce nouveau pas, je pense qu'il faut le faire, du moins aussi long-
~e temps qu'on admet l'équivalence du principe de plaisir et du prin-
a- cipe de constance. Si le plaisir exprime une réduction de tension
lu f ct si la pulsion de mort marque le retour du vivant à l'inorganique,
ct il faut dire que plaisir et mort sont du même côté. Freud côtoie
plus d'une fois ce paradoxe : « La tendance dominante de la vie
re i
•• psychique et peut-être de la vic nerveuse en général est l'effort
ie pour réduire, pour maintenir constante ou pour supprimer la
tension interne due aux stimuli (Je « principe du Nirvana », pour
emprunter un terme à Barbara Low)- tendance qui trouve son
expression dans le principe de plaisir; c'est la reconnaissance de
ce fait qui est une des raisons les plus solides de croire en l'exis-
tence de pulsions de mort 18• » Et plus loin : « Il semble que le 1

principe de plaisir soit au service des pulsions de mort 19• '' La 1


• '.
l• parenté du plaisir sexuel avec une défaillance, avec l'extinction ~
•J
»,
à
.•
'•
'
l
momentanée d'une excitation intense, va dans le sens du même
paradoxe : le Moi et le Ça insiste sur le même thème 20•
Mais alors, demandera-t-on, qu'est-ce qui est au-delà du prin-
l
• cipe de plaisir? Tous les termes que nous avons jusqu'à présent
ar

,''
.~ opposés entre eux sont passés du même côté, le côté de la mort :
n .J constance, retour à l'état de choses antérieur, plaisir... , et si l'on
'•J

·e considère que la tâche de « lier » l'énergie libre est elle-même une
i opération préalable « qui introduit ct assure la domination du prin-
:e
.e cipe de plaisir 21 », cette tâche elle-même est au service du principe
t· de plaisir, donc de la pulsion de mort. Toutes les différences
.,•

~
s'annulent dans la tendance générale à l'annulation.
.e Reste une seule réponse possible : si le principe de plaisir ne
a signifie rien de plus que le principe de constance, ne faut-il pas
dire que, au-delà du principe de plaisir, il y a seulement Éros ?
·-• 1
Éros est la grande exception au principe de constance. Je sais bien
·- que Freud écrit que toutes les pulsions sont conservatrices 22 ; mais
·e


il ajoute que les pulsions de vie le sont à un degré plus élevé, en
ce qu'elles sont particulièrement résistantes à l'égard des influences
a extérieures, et, en un sens différent, en ce qu'elles conservent
n 1
la vie elle-même durant une période relativement longue 23•
a ii En outre l'hypothèse d'une a sexualité des cellules» permet d'inter-
·e ,•
e ~
e -
;
18. Au-tklà.••, G. W. xm, p. 6o; S. E. xvm, p . ss-6; tr. fr., p. 64.
..! 19. G. W. xm, p. 69: S. E. xvm, p. 57: tr. fr., p. 7+
u ~.,' ao. Le Moi d le Ça, G. W. xur, p. 276; S.E. XIX, p. 47i tr. fr., p. 203·+
21. Au dtdà ... , G. W, xm, p . 67; S. E. XVIII, p. 62; tr. fr., p. 72·3·
aa. G. W. Xlii, p. 4a-3: S. E. xvm, p. 40: tr. fr., p. 46.
~
. 23. Ibid•

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1
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1
4


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ANALYTIQUE ]
' '
j

préter la conservation de soi et le narcissisme lui-même comme u


• •

sacrifice u érotique » de chaque cellule au tout du corps donn
i comme une manif~tation d'Éro~: Enfin .et surtout, si Éros u c~nserv~
toutes ~hoses •, ,c est parce qu Il c< ~mt toutes choses n. Or cette
• •

• 1 '. entrepnse va à 1 encontre de la puls1on de mort : u L'union avec




la substance vivante d'un individu différent accroît les tensions
' .
1 '
introduit ce qu'on pourrait tenir pour de nouvelles dijjérenct;
vitales, à el.ploiter ensuite par la vie u. » Voilà donc l'esquisse d'une '
' réponse : ce qui échappe au principe de constance, c'est Éros 'lj
• 1
1
.•
• lui-même, le trouble sommeil, le c briseur de paix 1, Mais cette
.' .' proposition ne ruine-t-elle pas l'hypothèse même qui est à l'origine ·1
••
t' 1 de la théorie psychanalytique, à savoir que l'appareil psychique '' '
'' est réglé quasi automatiquement par le principe de constance?
• 1
i Sans doute faut-il reporter plus loin encore la mise en question 1 1

.1'
des concepts directeurs de la théorie initiale : ce qui, plus que tout,
devient problématique, c'est la signification même du plaisir.
l

11
: ~ Dans Au-delà.••, Freud ne remet pas explicitement en question j.
l l'équivalence la plus ancienne de toute la métapsychologie, celle ,

• du principe de plaisir et du principe de constance; maisles conclu- 1
i ~
1 1 sions qu'il en tire, après l'introduction des pulsions de mort, ont
••
.r
\
tout simplement rendu intenable cette équivalence. Ce qui est 'l
1 '

du côté de la mort, c'est le principe de Nirvana, seule transcrip~ion .·'J
• • fidèle du principe de constance dans l'affectivité humaine. Mm le ]
1 •.
: 1
principe de plaisir s'épuise-t-il dans le principe de Nirvana? La ,,'

supposition que le plaisir et l'amour puissent ne pas être du même
.1
' . côté, dans la lutte des géants que se livrent la vie et la mort, est 1
' 1
'
. difficile à tenir jusqu'au bout. Comment le plaisir pourrait-il rester
'i
~
.
!
.\ étranger à la création des tensions, c'est-à-dire à Éros? N'est-ce •
1 •
1'
pas .cette création qui est ressentie jusque dans la décharge ~~ ~
1
t~ns!o!lS? Ne faut-il pas dire alors, avec Aristote, que le pl~tstr l\

s adJ,omt ~mme u~ surcroît à l'accomplissement de la f?ncuon,

de 1opératton, de 1 acte ou comme on voudra dire ? Ma1s alors, l~
.•
. ce qui devient suspect,' c'est la définition du plaisir en te~es 1

purement quantitatifs, comme une fonction simple de l'accro~­ ~


•••
sef!lent ou de la diminution d•une quantité appelée tension d'exCl· J

tauon. Cette conclusion, Freud a commencé de la tirer da~ _le



J
'' •
• .• Problème é~ono~11ique du Masochisme, en 1924 : le principe de platstr,
•'•
• •
.' co~cède-t-tl, n est .Pas la même chose que le principe du N1rv::a,

• • qlll seul est a enttèrement au service des pulsions de mort 11' •


• •

a4. G. W. xm, p . 6o; ~· E. xvm, p . 55 ; tr. fr., p. 64. .


1 as. Le Problbne lconomrque du Masochisme, G. W. xm, p. 37a; S. E. xrx, p. r6o, •
tr. fr., Rev. fr. Prychan. u, a, 1928, p . ara.

.

·' ,.:· \"•, . . , .. ., -;. ., .. ., . ...


• • . .• • , . 0 . ~ ,\ ... .
<f•'·' "'''' . .. . . .
\ · ~· ·· ·· ·
' '
'

INTERROGATIONS

.eun 1 Il faut admettre que« nous ressentons directement l'augmentation


donc ou la diminution des grandeurs d'excitation àans la série des
1erve sentiments de tension (Zunahme und Abnahme der Reizgriissen 1
cette
avec
direkt in der Reihe der Spannungsgefühle empfinden) et il n'y
a pas à douter qu'il n'existe des tensions ressenties comme plaisir
!
1

tons, et des relâchements ressentis comme déplaisir 26 ,,. Le plaisir 1
1
.,ences serait alors lié à un caractère qualitatif de l'excitation elle-même, 1

! une '
\
1
peut-être à son rythme, à son déroulement temporel.
Éros 1 Freud, toutefois, limite l'ampleur de cette concession, en ratta- 1
•'

~1.
cette
• •
chant le principe du plaisir au principe de Nirvana, à la manière
•gme '
d'une modification imposée par la pulsion de vie. De cette manière

tque il reste incontestable que le principe de plaisir est le « gardien ,
e? de la vie. Son rôle de gardien exprime ses attaches au principe de


~t1on constance, mais c'est de la vie qu'il est le gardien et non de la 1
tout, mort.
• •
liStr. N'est-ce pas avouer que le grand dualisme de l'amour et de la

:»tlon mort traverse aussi le plaisir ? Et n'est-ce pas dire que nous ne
celle savons point ce qui est au-delà du principe de plaisir, parce que
lclU·
, ont
nous ne savons pas ce qu'est le plaisir?
Les raisons de douter de notre savoir concernant la nature du i

1 est
>tion
plaisir sont nombreuses dans l'œuvre même de Freud. D'abord,
il ne faut pas oublier que la formulation la plus ancienne du prin- t
Lis le cipe de plaisir est solidaire d'une représentation de l'appareil
? La psychique dont nous avons maintes fois souligné le caractère
tême solipsiste; l'hypothèse topique-économique est solipsiste par
:, est construction; mais les faits cliniques qu'elle transcrit ne le sont
jamais - relation au sein maternel, au père, à la constellation
ester l familiale, aux autorités - , ni non plus l'expérience analytique,
st·ce 1
'
· dramatisée dans le transfert, à l'intérieur de laquelle l'interpréta-
des J tion se déroule; la notion même de pulsion, plus fondamentale
• •
laiSJr • que toutes les représentations aux.iliaires de la topique, se dis-

tton, l
tingue de la notion ordinaire d'instinct, dans la mesure où la pul-
.lors, t sion s'adresse à un autre. Il ne se peut pas, dès lors, que la décharge
rmes 1
des tensions u dans , un appareil isolé puisse être la signification
••'
• dernière du plaisir; on n'a ainsi défini que le plaisir solitaire de la
:xCl· J sexualité auto-érotique. Dès l'Esquisse, Freud nommait satisfaction

1Slt j
( Befriedigung) cette qualité de plaisir qui requiert le secours
• • •
:JISif, d'autrui.
tana, J Mais alors, si nous introduisons autrui dans Je circuit du plaisir,
t6 Il. 1
d'autres difficultés apparaissent; la structure du Wunsch nous a

. s6oi a6. Ibid•


315

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1
ANALYTIQUE

. •: enseigné que le désir n'est pas une tension qui puisse être déchargée·

•• le désir, tel que Freud lui-même le décrit, révèle une constitutio~

proprement insatia~le; le drame ~dipien,. ne serait pas possible
••
si l'enfant ne voulait trop, ne voulait ce qu Il ne peut obtenir (avoir
''

la mère, ou avoir un enfant de la mère); le u mauvais infini » qui
l'habite l'exclut de la satisfaction.
• •
'
• D'ailleurs, si l'homme pouvait être satisfait, il serait privé de
• •
quelque chose de plus important que le plaisir et qui est la contre-
• partie de l'insatisfaction, la symbolisation. Le désir donne à parler
l ~
1• en tant que demande insatiable. La sémantique du désir, dont
nous parlons sans cesse ici, est solidaire de ce report de la satis-
1' .. faction, de cette médiatisation sans fin du plaisir.
'
t
Il est remarquable que Freud ait une conception plus déliée
• des maux qui sont << le fardeau de l'existence >>que du plaisir; alors
qu'il continue à parler du plaisir comme d'une décharge de tension,
il distingue parfaitement du déplaisir, simple contraire du plaisir,
1
tantôt la trilogie de la peur, de la frayeur, de l'angoisse, tantôt la
:., triple peur qu'engendre le danger extérieur, le danger pulsionnel,
.! '
.
le danger de conscience; il n'est pas jusqu'à la peur de la mort qui
' 1
. ne se différencie en peur biologique et en peur de conscience,
~
1 apparentée à la menace de castration; Freud distingue encore le
1 ;
. cr malaise » (Unbelzagen), inhérent à l'existence culturelle de
.1 • l'homme; l'homme ne peut être satisfait en tant qu'être de culture,
• •
parce qu'il poursuit la mort de l'autre et que la culture se. sert
:~ contre lui-même de la torture qu'il a d'abord infligée à autrui. La
:~
•• ••
tâche de culture porte quelque chose de contradictoire et d'impo~­
~
sible : coordonner l'égoïsme du moi, dont nous avons dit qu'tl
.t était biologiquement tourné vers la mort et l'impulsion vers la
fusio~ avec, les autres dans la communa~té, que nous apJ?e~ons

.•
altrulSte. C est finalement la lutte, sans résolution prévisible, .•

entre l'amour et la mort qui entretient une insatisfaction sans fin.
Éros veut l'union, mais doit troubler la paix de l'inertie; la pulsion 1
de mort veut le retour à rinorganique, mais doit détruire le vivant.
C:' est ce paradoxe qui se poursuit dans les étages supérieurs de la ~
v1e de culture : étrange lutte en vérité, puisque tour à tour la
culture nous tue pour ~ous faire vivre, en usant, pour elle-mêm~
• •
.' .' et contre nous, du senttmcnt de culpabilité, et que d'autre part il 1
·'•
nou~ f~u~ en ~csserrer l'étreinte pour vivre et pour jouir. . !

. At~SI,1 empire de la sou~rar:tce est plus vaste que le simple déplat-



1


atr : tl s ~te~d à tout cc qut fa1t la dureté de la vie. :J

O.ue s~gmfie donc. ce disparate, dans l'œuvre de Freud, entre '•


.

la diversité du souffnr et la monotonie du jouir? Faut-il compléter
316
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1

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f· .~ .,....
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1
1 INTERROGATIONS .
1
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•ée·
' l
i
Freud sur ce point? Faut-il discerner à tout prix autant de degrés
de la satisfaction qu'il y a de degrés de la souffrance? Faut-il
ible restaurer la dialectique du plaisir, aperçue par Platon dans le Plzilèbe,
lOU'
qu1•

'l l
·1
ou même la dialectique du plaisir et du bonheur à la manière de
l'Éthique d'Aristote? Ou bien le pessimisme du plaisir doit-il
•' nous faire avouer que l'homme est plus riche en capacité de souf-

~re-
de
-~
l frir qu'en puissance de jouir? Face à un souffrir multiple, n'a-t-il
de recours que dans un jouir simple et, pour le reste - c'est-à-dire

rler
ont 1 pour tout l'excès du souffrir sur le jouir - , n'a-t-il de recours
que dans le pouvoir d'endurer et de supporter avec résignation?

us- Je crois volontiers que toute l'œuvre de Freud penche du côté
• de la seconde hypothèse. C'est elle qui nous ramène vers le prin-
liée t
cipe de réalité.
1
.ors ~ •
1
j
on, !
• ~ l
s1r, l•• l
3· •
t la ..:, QU'EST-CE QUE LA RÉALITÉ?
1
:tel, t

qu1

ace,
~
il Qu'est-ce, finalement, que le principe de réalité? Nous avons
laissé la question en suspens au terme du premier chapitre, nous
'•
~ le 1
~

de ·1 1
réservant de découvrir une nouvelle dimension du concept de •
ue, réalité, qui correspondrait à la révision du principe de plaisir
;ert imposée par l'introduction de la pulsion de mort 27•
La 1 Récapitulons brièvement l'analyse antérieure. Nous sommes
~~ partis d'une opposition élémentaire, portant sur leu fonctionnement
tOS•
u'il
i de l'appareil psychique n. Dans la mesure où le principe de plaisir
; la j avait une signification simple, le principe de réalité était également
sans mystère; les interprétations directes et indirectes que Freud
ons en propose prolongent toutes l'unique ligne tracée par l'essai
Jle, l•
de 191 I sur les Deux pn'nci'pes du fonctionnement psychique,

fin. •
la ligne de l'utile; alors que le principe de plaisir est biologique-

JOn 1•' ment dangereux, l'utile représente l'intérêt véritable et bien compris
mt.
~• du vivant. Toutes les significations étagées du principe de réalité
da due nous avons considérées par la suite se tiennent dans les bornes
· la •
• e cette utilité; ainsi Ja réalité, c'est d'abord l'opposé du fantasme,
-me 11
le fait, tel que l'homme normal le constate; c'est l'autre du rêve,
til .•l•
•• 27. Ibid. : • Nous arrivons ainsi à une courte, mais intéressante série de rapports:
lai- l

le principe de t~iroâna traduit la tendance de la pulsion de mort ; le principe de
.:J plaisir plaide la cause de lu libido; ct le principe de rétditi, modification du préc::é-
dent, rep~~tente l'influence du monde extérieur. • G. W. xm, p. 373; S. E. xrx.
ttre '• p. x6o; tr. fr., p. :u3.
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317

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ANALYTIQUE

1
.,
•• 1f
• l'autre de l:h~lucinati~n;. en ~~ sens, plus SJ?écifiquement analy..

. tique, le pnnctpe .de reaht~, d,est~ne .1 adap~tt?n a~ temps et aux Ul

nécessités de la v1e en soc1ete; ams1 la reahte dev1ent le corrélat de
1
Ct
~e la conscience, puis du m~i; .alors que, l'i~~onsc,ient -: le ça _ d(

'• tgnore le temps, la contradtct.lon, et n obe1t qu au pnncipe de
\. at
.• plaisir, la conscience -: le mot - ~ une organisation temporelle d•
•• •
• et tient compte du posstble et du raisonnable. cô
Comme on voit, rien dans cette analyse ne comporte d'accent .l,
• •

tragique; rien n'annonce la vision du monde dominée par la lutte
1 "!
' l de


entre Éros et la mort. en
. La question se pose à bon droit : que devient cette opposition

.. : simple entre désir et réalité quand on la replace dans le champ de la et
. nouvelle théorie des pulsions ? Oui, la question est légitime : dans l'il
'î •
1 •
la mesure d'abord où le premier terme du couple, le plaisir, vacille Bal
dans sa signification la plus fondamentale; dans la mesure, aussi, pr.
r •
où la réalité contient la mort. Mais cette mort que la réalité tient fo1
1 1 en réserve n'est plus la pulsion de mort, mais mon mourir, la mort au

1
comme destin; c'est elle qui donne à la réalité le visage de l'iné- av•
.•' luctable, de l'inexorable; à cause de la mort-destin, la réalité da
.: ..l s'appelle nécessité et porte le nom tragique d' Ananké. Suivons si 1

donc cette piste et demandons-nous jusqu'à quel point le plus sal


.i 1 vieux thème du freudisme - celui du double fonctionnement de a ut
1
' '' l'appareil psychique- a été porté au ton de la grande dramaturgie leu
1 ! 1 do:
• 1 • des dernières œuvres. la ,
t Il faut bien avouer que la dernière philosophie de Freud n'a pas n'e
1 . .etr
véritablement transformé, mais plutôt renforcé, et, si j'ose dire,
!.
.
'\ endurci les traits anciens du principe de réalité. C est seulement ver
dans des limites très étroites, très strictes, que l'on peut dire que le • •
31-J
thème u romantique • d'Éros a transformé, par choc en retour, le a él
principe de réalité. Mais ce décalage entre la mythisation relative Te.
t• d'Éros ct la froide considération de la réalité mérite attention et ' de
réflexion : cette fine discordance révèle peut-être l'essentiel de
l'humeur philosophique du freudisme. l

'
quJ•
ter
l'
f
.
0

En même temps, en effet, que Freud accentuait le dualisme OJ


d'Éros et de la mort, il accentuait la lutte contre l'illusion, dernier ,j ne
retran~hement du principe de plaisir; il renforçait ainsi ce qu'on ' dan•

j

' .
poll!ratt appe.ler sa c conception scientifique du monde • dont la
devase pourra1t être : au-dcJà de l'illusion et de la consolation.
1
'.
ma1
Fin
.• ' •


Les derniers chapitres de l'Avenir d•un~ Illusion sont à cet 1
l Not

' :
égard t~ès ~i~nificatifs : la religion, déclare Freud, n'a pas d•avenir; ·.t
ell~ ~ epulSe. ae.s. ressources de contrainte et de consolation. Le
r 1
• 1 aS
1
pnnc1pe de reahte, dans lequel Totem et Tabou avait déjà reconnu

318
'\ ••
'
1

~/...
\ •

)
INTERROGATIONS

t,.
un stade de l'histoire humaine parallèle à un stade de la libido,
:x devient alors le principe qui préside à l'âge post-religieux de la
lt culture. A cet âge prochain, l'esprit scientifique prendra la relève
-.e ·l de la motivation religieuse et l'intérêt social seul donnera force
aux interdictions morales. Recoupant ses vues antérieures sur l'excès
.e .j d'exigence du surmoi, Freud suggère que ce qui sera perdu du
! côté de la sainteté du commandement, le sera aussi du côté de sa
lt :/
1 rigidité et de son intolérance; il est possible que l'homme, cessant
:e de rêver à son abolition, travaille à son amélioration, le trouvant
enfin raisonnable et peut-être même aimable.
n Tout ceci pourrait faire songer aux prophéties rationalistes
.a et optimistes du siècle passé; mais Freud lui-même s'objecte que
IS l'interdiction n'a jamais été fondée sur la raison, mais sur de puis-
.e santes forces émotionnelles, telles que le remords du meurtre
• primitif; n'est-ce pas lui, également, qui a révélé la puissance des
t,
lt forces destructrices qui travaillent contre l'éthique et, pire encore,
:t au cœur de l'éthique? Tout cela, Freud ne l'a pas oublié et le dira
...,


avec plus de force encore, quelques années plus tard, dans Malaise
:e dans la Civilisation. Son timide espoir s'accroche en un point unique:
lS si la religion est l'universelle névrose de l'humanité, elle est respon-
IS
sable pour une part du retard intellectuel de l'humanité; elle est
autant l'expression des forces puissantes venues d'en bas que
..e leur éducatrice. Le projet d'une humanité non religieuse comporte
.e
donc une chance, très exactement mesurée par le parallélisme entre .
la croissance de l'humanité et celle de l'individu : a L'infantilisme,
lS
n'est-il pas vrai, est destiné à être surmonté; les hommes ne peuvent
être des enfants à jamais; il leur faut enfin s'aventurer dans a l'uni-
lt vers hostile ». Nous pouvons appeler cela éducation à la réalité :
le
. ai-je besoin d'avouer que mon unique dessein, en écrivant ce livre,
ie a été d'attirer l'attention sur la nécessité de faire ce pas en avant 28 ? »
·e
!t
1 Tel est l'optimisme modéré et risqué qui soutient cette prophétie
' de l'âge positif. Freud, s'adressant à un adversaire hypothétique
;e qui suggère de conserver la religion à titre d'illusion efficace, se
1 pennet, dans sa réplique, de donner le nom d'un dieu- le dieu
tC l Logos - à l'idée force de sa prophétie sobre; mais je pense qu'il
:r i
• ne faut pas y voir autre chose qu'une fabulation ironique, insérée
n • dans un argument ad hominem : u La voix de l'intellect est faible,
.a mais elle ne se repose pas, tant qu'elle n'a pas conquis son audience.
(
Finalement, après d'innombrables rebuffades, elle se fait écouter...
:t ..! Notre dieu Logos accomplira tous ceux de nos désirs que la nature
••, ·.\
e
u
i a8. L'A.ve,ir d'un# Illusion, G. W. XIV, p. 373 i S. E. XXI, p. 49: tr. ft'., p. 135·
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. .

ANALYTIQUE

hors de nous autorise, mais il ne le fera que graduellement, 'l


seulement dan~ un futur impr~visible, ct pour une nouvelle gén~
ration d'humams; à nous qw souffrons gravement de la vie qU<
1 a va
ne promet aucun dédo~magement. .. Notre.. dieu ~gos n'est pe~L
nor
être pas très puissant; Il, ne pourra peut-et~e te!llr qu'une faible l'at
part de ce que ses prédecesseurs ont promts; st nous devons le iJiu
reconnaître, nous l'accepterons avec résignation 29, » : I
Cette parenté entre Logos et Ananké - les dieux jumeaux du :1 «ré
poète hollandais Multatuli - exclut tout lyrisme de la totalité. tou
Aussi bien la fière protestation finale veut-elle donner le ton à tout 1 t! de
le livre : « Non, notre science n'est pas une illusion. L'illusion ~ N'e
serait de croire que ce que la science ne peut nous donner peut ·j •
tl or
être trouvé ailleurs 30• » 1 I
Ce texte ne laisse aucun doute : la réalité, à la fin de la vie de { et r
Freud, a le même sens qu'au début; elle est l'abrégé d'un monde .4 en
sans dieu. Son sens terminal ne contredit pas, mais prolonge le J a pp
concept d'utilité, jadis opposé aux fictions suscitées par le désir. J le f
Cette cohérence entre le sens terminal et le sens initial est attestée f dan
(
par le plaidoyer· pour l'en deçà, par lequel Freud termine un des · •
ZJSt
derniers chapitres de l'Avenir d'une Illusion. C'est à Heine qu'il
emprunte ce trait sous forme d'un distique : « Alors l'homme du

pourra, sans regrets, dire avec un de nos compagnons d'incroyance ~
1ma
san1
( Unglaubengerwssen) : J
ya
den Himmel über/assen wir J cili~
. con
tkn Engeln und den Spatzen. ' •
Quant au ciel, nous l'abandonnons
Aux anges et aux passereaux at.»
iJ
81p
d'w
·' du
~ •
VJCt

1
L'i~ée de la r~alité qui ressort de tous ces rapproc~c~ents es
t
J! mot
la moms romanttque qui soit et paraît sans commumcataon avec E
le terme d'Éros; le mot même d' Ananké - replacé dans ce conte~t~ i pre1
- pa~aî~ bien désigner le visage de la réalité quand ~li~ . a ~te 1 cret

déJ?~Utllee de toute analogie avec la figure du père; st lallus!on 1 stm·
rehgteuse procède du complexe du père la « démolition » de l'Œd!~

1 me"
ne s'achève que dans la représentation d'un ordre des choses pn~e 1 veu:
de tout coefficient paternel, d'un ordre anonyme, impersonne · t que.
Ananké est alors le symbole de la désillusion. C'est en ce sens ~ seru
• et d
c
•••
29. G. W. XIV, p. 377·9: S. E . XXI, p. 53-... : tr. fr., p . •·U·9·
JO. G. W. XIV, p. J8o; s.E. XXI, p. s6; tr. fr., p . •54·
'r
••
p.
J:l
la

\
JI. G. W. XJV, p. 37-4; S. E. XXJ, p. so; tr. fr., p . 136.
i
320

.., .."'... :
'
.
.•
j
..

INTERROGATIONS
1
••• que le terme parut la première fois, je crois, dans le Léonard"... ,
il •
avant même Totem et Tabou. Ananké est le nom de la réalité sans

••
nom, pour qui a « renoncé au père ». C'est aussi bien le hasard,
.e l'absence de rapports entre les lois de la nature et nos désirs ou nos
le illusions.
• EstMce pourtant le dernier mot de Freud? L'expression même de
1

.u l c résignation », de « soumission » à l'Ananké, pointe vers une sagesse


é. totale, qui dit plus que le principe de réalité considéré d'un point
lt 1:! 1
de vue psychologique, comme l'épreuve sensorielle de la réalité.
m N'est-ce pas seulement quand la réalité est accueillie avec résigna-
ut
-

tion qu'elle devient l'Ananké?

L'Ananké, me semble-t-il, est le symbole d'une vision du monde,
:le 1 et non plus seulement d'un principe de fonctionnement psychique;
1
de • en elle se résume une sagesse qui réplique à ce que nous avons
le

1 {
appelé, bien des fois, la dureté de la vie. C'est un art « d'endurer
le fardeau de l'existence », selon le beau mot de Schiller, évoqué
11'. ••

:ee l dans le Moi et le ça.
les l
t'il
' On peut ainsi trouver chez Freud l'esquisse d'un sens spino-
ziste de la réalité, lié, comme chez le grand philosophe, à une ascèse
du désir borné à la perspective du corps et de la connaissance
11e imaginative qui en procède; la nécessité, n'est-ce pas la connais-
tee sance du second genre, la connaissance selon la raison? Et, s'il
y a chez Freud- nous allons en discuter -l'amorce d'une récon-
ciliation sous la forme de la résignation, n'estMce pas un écho de la
Jî connaissance du troisième genre ? Cette esquisse, il est vrai, est
si peu développée philosophiquement qu'on peut aussi bien parler
d'un amour du destin en un sens nietzschéen. La pierre de touche
1J du principe de réalité, ainsi interprété philosophiquement, serait la
est ''
1
victoire de l'amour du tout sur mon narcissisme, sur ma peur de
mourir, sur les résurgences en moi de la consolation enfantine.
vec
:xte ~1

Essayons cette « seconde navigation », comme eût dit Platon;
prenons pour guide l'écart que l'analyse antérieure n'a cessé de
éte' creuser - en dépit de la continuité de signification - entre la
a•on ' simple épreuve perceptive de la réalité et la résignation à l'ordre
1
li~ 1 inexorable de la nature. Sans aucunement forcer les textes, je
.
nve' 11 veux simplement rassembler quelques traits, quelques signes et
nel. r quelques ébauches, qui amplifient ce respect de la nature en un
,ens ~• -.. sens qui accorde mieux le principe de réalité avec les thèmes d'Éros
et de la mort.
•J
l C'est peut-être par la question de la mort, ou plutôt du mourir,
•• J:l. Un souvenir d'eff!ant6 th Llorrmd tk Yinei, G. W. vm. p. 197; S. E. XJ. '
r• p. •as: tr. fr•• p .• sa•
! 3~1
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1.
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.' ANALYTIQU:!
:
qu'il c:st le. plus ,légitime d'approcher ce thèm~ de la résignation.
i. . La réstgnatlon,, c es~ ~ondament:ùem~nt un trava1l s~r le désir, qui y

1
• incorpore la necessite de mounr. C est dans!~ dé~tr même que la
1• . réalité, en tant qu'elle annonce ma mort, va s mscnre.
• Dès 1899, Freud rappelait le mot de Sh.akespeare : « Tu es
'
•' •
,' débiteur d'une mort à la nature 33• » Il y fa.tt encore allusion au
début de la seconde conférence des Considérations actuelles sur Ja

guerre et sur la mort 84, écrites au début de la Première Guerre
•' •• mondiale.
. •• ,• L'exclusion de la mort propre hors des perspectives de la vie
•• explique-t-il, est la tendance naturelle du désir; le désir corn port~
11 1

.. 1
'
la conviction de son immortalité propre. C'est un aspect de l'absence
• •
•••
de contradiction dans l'inconscient. Aussi travestissons-nous de
1 mille manières la mort, convertissant sa nécessité en accident
Mais en retour, u la vie est appauvrie, elle perd en intérêt, lorsque
.. .r
• • l'enjeu le plus haut dans le jeu de la vie, la vie elle-même, ne peut

être risqué 36 ». Ainsi paralysés, quand nous excluons la mort de
la vie, nous n'entendons plus la fière devise de la ligue hanséa·
tique : na?Jigare necesse est, vivere non necesse! Nous nous contentons
.. de périr fictivement avec nos héros de théâtre ou de roman, afin de •

• • ••


survivre à chacun.
''
1 •
Quand Freud écrivait ces lignes, il avait présent à l'esprit le
. l .: 1 démenti que la guerre infligeait à ce traitement conventionnel de la
• 1 '
mort; et il osait écrire : u La vie, en vérité, a retrouvé son intérêt,
1. elle a recouvré sa pleine signification ae. » Certes, Freud savait ce
' 1' qu'un propos de l'arrière, une boutade de non-combattant, pouvait
:J avoir d'odieux. Ce qui lui importait, c'était, à travers la cruauté
·j du propos, la conquête de la véracité. Quand la mort est reconnue 1•
comme terminaison de la vie, la vie finie retrouve son relief. ,
.
Mais la reconnaissance de la mort n 1est pas moins obscurcie par

la peur de la mort que par l'incrédulité de notre inconscient dans l
1
'• notre propre mort; la peur de la mort vient d'ailleurs : c'est un
1 s~us-produit de la culpabilité 87, A la fin de le Moi et le ça, Freud
• •
dua plus fermement .encore : «.Je crois que l'angoisse àe _la mort
est quelque chose qut se produtt entre le moi et le surmo1 ... Ces

33· Lettre JO+ Shakespeare dit, en fait : • Thou owest God a death •,
Henry IV, v, t). •
. 34· Zeitgtmlisw aber Krieg und Tod, G. W. x, p. 324• 3ss; Thought for tM
trmes on war and ckath, S. E. XIV, p. 27S·JOO; tr. fr. in Essais de PsydumaiY11•
Payot, p. 218-aso. '
35· G . W. X, p. 342; S.E. XIV, p. 290; tr. tr., p. 238.
36. G. W. x, p. 343; S. E. XIV, p. 291; tr. fr., p. 2.39.
37· G. w. x, p. 350; s. E. XlV, p. 297; tr. fr., p. 2.46.
c

'•

> •
322

'• .•

INTERROGATIONS

tton.
• considérations permettent de tenir l'angoisse de la mort, au même
lW Y titre que l'angoisse de conscience, pour un ouvrage (Verarbeitung)
Je la
de l'angoisse de castration 38• »Cette peur de la mort n'est donc pas
ues un obstacle moindre que l'invulnérabilité de l'inconscient pro-
n au clamant : rien ne peut m'arriver. Si l'on ajoute enfin que nous
ur la mettons à mort aisément l'ennemi, l'étranger, il apparaît que le
nombre des attitudes inauthentiques en face de la mort est consi-
Jerre dérable; immortalité du ça, angoisse de la mort liée à la culpa-
• bilité, impulsion au meurtre sont autant d'écrans entre le sens
. vte, destinai de la mort et nous. On comprend dès lors qu'accepter
porte la mort soit une tâche : Si vis vitam, para martem. Si tu veux sup-
;ence porter la vie, sois préparé à la mort ae.
1s de
dent Dès lors, qu'est-ce que la résignation ?
~sque Cette intégration de la mort dans la vie nous est symboliquement
peut proposée par Le tlzème du choix des coffrets 40, cet admirable petit
rt de essai qui plut tant à Ernest Jones; le troisième coffret, qui n'est ni
nséa· d'or, ni d'argent, mais de plomb, contient le portrait de la belle;
ntons le prétendant qui le choisira aura aussi la belle en mariage. Mais
1n de si les coffrets sont des femmes, selon le symbole onirique bien
connu, ne peut-on rapprocher ce thème de comédie de l'autre
rit le thème, tragique cette fois, celui du vieux Roi Lear? Celui-ci, pour
de la sa ruine, ne choisit pas la troisième, Cornélia, qui seule pourtant
.térêt, l'aimait vraiment. De proche en proche, le folklore et la littérature

att ce proposent une série de u choix de la troisième » : la Vénus du juge-
>uvait ment de Pâris, Cendrillon, la Psyché d'Apulée ... Mais qui est cette
uauté troisième ? La plus belle, certes, mais aussi la sœur silencieuse. Or
mnue le mutisme, en rêve, signifie la mort. Les trois sœurs ne seraient-
elles pas alors les Moires, les figures du destin, dont la troisième
ie par s'appelle Atropos, l'Inexorable? Si l'assimilation est correcte, la
: dans troisième signifie que l'homme ne réalise tout le sérieux des lois
:st un l de la nature que lorsqu'il se sent contraint de s'y subordonner en
Freud acceptant sa propre mort.
mort • Mais, dira-t-on, on ne choisit pas Ja mort et Pâris n'a pas choisi
•. Ces la mort, mais la femme la plus bellet Substitution, réplique Freud:
notre désir a substitué à la mort son contraire, la beauté, à la
eatb •, faveur peut-être de la confusion des contraires dans l'inconscient;
• à la faveur, surtout, de l'identité ancestrale de la vie et de la mort,
for thl .!
lllalyse,

·1
l 38. u Moi et le Ça, G. W. xnt, p . 289; S.E. xa, p . .sS-9; tr. fr., p. 217.
39· Considérations actud/es••• ; G. w. x, p. JSS: s.E. XJV, p. JOO; tr. fr., p. aso.
40. Das Motiv der Ktistcl~mwahl, G. W. x, p. 24-37; Tlu Thmzt~ of the thru
~
caskcu, S.E. xn, p. 291-301; tr. fr., in &sais de Psych4na/JIIe App/iqule, p. 87·103.
1 323
J1
l

1

j
• ANALYTIQUE 1

conservée par le mythe de la grande déesse. Mais, si la femme 'la
• plus belle est le substitut de la mort, que signifie choisir la mort? 1
Substitution encore, sous l'empire du désir: à l'acceptation du pire 1

nous substituons le choix du meilleur. La réponse de Freud vau~ 1

• •
d'être citée : « Là encore s'est produit un renversement sous 1
1 l'influence du désir : choix est mis à la place de nécessité, de fata- j J
lité. L'homme vainc ainsi la mort qu'il avait reconnue par son •

• intelligence. On ne saurait imaginer un plus grand triomphe de la c•
réalisation du désir. On choisit, là où en réalité on obéit à la · J
contrainte et celle qu'on choisit ce n'est pas la Terrible, mais la
plus belle et la plus désirable"-.»
Si donc Shakespeare nous émeut profondément dans le Roi Lear, J J

l
(
c'est qu'il a su remonter au mythe primitif: on ne choisit pas la
1
plus belle, on tombe sur la troisième, sur le malheur et la mort. )
Mais ce n'est pas tout : le rapport de la Mort et de la Femme
t
• reste dissimulé; Shakespeare encore le dévoile: Lear, c'est à la fois {

.
l'amant et le mourant : Lear est voué à la mort et il veut encore 1
'
!. se faire dire jusqu'à quel point il est aimé. Quel est alors le rapport
entre la mort et la femme ? La troisième femme, disions-nous,
(

1
1
. ..


c'est la mort; mais si la troisième femme est la mort, il faut dire ·1' J
aussi, en sens inverse, que la mort est la troisième femme, la troi- 1

!
1 sième figure de la femme : après la mère, après l'amante, choisie
à l'image de la première, voici u la Terre-Mère qui le reprend à
t 1
nouveau u ». 1 s
Est-ce à dire que l'homme ne peut « choisir la mort, se familiariser (

avec la nécessité de mourir ~ n, que par régression à la figure de la -


mère? ou faut-il comprendre que la figure de la femme doit devenir 1
pour l'homme figure de la mort, pour qu'elle cesse d'être fantasme f
et régression? Les derniers mots de Freud ne permettent pas. ~e 8
1
• trancher : u Mais le vieil homme cherche vainement à ressrusar ·l t
l'arno~~ de la femme, telle qu'ille reçut d'abord de sa mère; seule s
la tr01s1ème des filles du Destin, la silencieuse Déesse de la Mort, 1 1•
le recueillera dans ses bras"· » c
S~ doute pourrait-on ajouter, dans la ligne de l'Avenir d'une 1 r
Illunon, que l'acceptation vraie de la mort ne se distingue d'un t r
•' t;
fantasme régressif de retour au sein maternel que si elle a traversé
l'épreuve d'une vision scientifique du monde. Je pense que c'est la
t
8'
41. G..dW . •·X, p . 34i s.E. XIJ, p. 299', ·-
w. fr•• p • 100•
42· Jb1 •
43· Ibid.
4-4· G. W. x, p. 36; S. E. Xli, p. 301; tr. {r•• p. 103.
1
..

,~- \
1
1

.J
.l
'

INTERROGATIONS

la véritable pensée de Freud. Toutefois la réponse, même dans une
t? perspective freudienne, n'épuise pas entièrement le problème;
~. la résignation à ttinéluctable ne se réduit pas à une simple connais-
ut sance de la nécessité, je veux dire à une extension purement intel-
JS lectuelle de ce que nous avons appelé plus haut épreuve de la
a- réalité, au niveau de la perception; la résignation est une tâche
>n affective, un travail correctif appliqué au foyer même de la libido,
la au cœur du narcissisme. C'est pourquoi la vision scientifique du
la · monde doit être incorporée à l'histoire du désir.

la
L'évocation des poètes, celle de Shakespeare dans le Roi LeaT,
nous invite à essayer une autre piste, familière à Freud également,
rr,
celle de l'art. Nous n'avons pas épuisé les ressources de l'esthé-
la tique freudienne, lorsque nous avons traité de l'œuvre d'art sous
rt.
l'angle de la création artistique 45 ; on se souvient que cette inves-
ne tigation du phénomène esthétique restait prudente et fragmentaire

>IS en raison de son caractère purement analogique : l'œuvre d'art
're n'entrait dans le champ de la psychanalyse que comme analogue
)rt
du rêve et de la névrose; toutefois la spécificité de l'œuvre d'art
lS, nous était apparue d'un double point de vue : par le plaisir préli-
'
tre i minaire (ou prime de plaisir) que la technique de l'artiste nous

)1-
• procure, des sources profondes de tension sont libérées; d'autre
ne part, les fantasmes du passé aboli sont recréés à la lumière du jour
.à sur un mode symbolique.
Si nous reprenons maintenant ces vues fragmentaires du point
1er de vue de la tâche de culture que nous avons définie plus haut
la - diminuer la charge pulsionnelle, réconcilier l'individu avec

ur l'inéluctable, compenser les pertes irréparables par des satis-
ne factions substituées - , la question se pose légitimement de savoir
de si l'art, considéré maintenant du point de vue de l'usager, de l'ama-

Slf teur, ne tire pas son sens de sa position intermédiaire entre l'illu-
.ùe sion représentée par la religion et la réalité représentée par la science.
rt, Ne serait-ce pas à cette fonction intermédiaire que pourrait être
dévolue la tâche de réconciliation et de compensation retirée à la
rne religion? L'art ne serait-il pas un aspect de cette éducation à la
1
un réalité dont parlait l'essai de 191 I sur les Deux Pn'ncipes du fonc-
rsé • tiomzement psychique ?
la Pour comprendre la fonction esthétique chez Freud, il faudrait
trouver la place exacte de la séduction, du charme de l'œuvre d'art,
sur le trajet du principe de plaisir au principe de réalité. Il eat

45· Cf. ci-dessus. Analytique. 11° Panic. chap. 1. p. l6S·Z77•

'
.....__,
1

ANALYTIQUE

certain que la sévérité de Freud pour la religion n'a d'égale que sa


sympathie poW' les arts. L'illusion, c'est la voie régressive c'est
«le retour du refoulé. »L'art, au contraire, est la forme non ~bses-
sionnelle, non névrotique, de la satisfaction substituée; le« charme, •
de la création esthétique ne procède pas du souvenir du parricide.
~
Rappelons-nous notre analyse anténeure du plaisir préliminaire
c
de la r.rime de séduction : la technique de l'artiste crée un plaisk
forme , à la faveur duquel nos fantasmes peuvent être exhibés 1
sans honte, en même temps que s'abaissent tous les seuils d'inhi- • 3
(
bition. Aucune restauration fictive du père ne vient ici nous faire j •
1
régresser vers la soumission infantile. Nous jouons plutôt avec les (
résistances et avec les pulsions et obtenons ainsi une détente 1
générale de tous les conflits. Freud est ici très proche de la tradi- •
(
tion cathartique de Platon et d'Aristote. 4 s
Qu'en est-il alors du rapport entre la séduction esthétique et I
le principe de réalité ? Freud traite explicitement ce point dans 1
l'essai de 1911 : l'art, dit-il au paragraphe 6 48, procure une récon- [
ciliation d'un genre spécial entre les deux principes : l'artiste, 1
comme le névrosé, se détourne de la réalité, parce qu'il ne peut c.
satisfaire à l'exigence de renoncement pulsionnel et transpose .j s
1 sur le plan du fantasme et du jeu ses désirs érotiques et ambitieux. s
Mais, par ses dons particuliers, il trouve un chemin de retour du é
monde fantasmatique vers la réalité : il crée une réalité nouvelle, rl
l'œuvre d'art, où il devient effectivement le héros, le roi, le créateur i e
1
qu'il a désiré être, sans avoir besoin de faire le détour d'une trans- e
formation effective du monde. C'est dans cette réalité nouvelle p
que les autres hommes se reconnaissent, u parce qu'ils éprouvent la d
même insatisfaction que lui quant au renoncement exigé par la d
réalité et parce que cette insatisfaction, résultant du remplace- d
ment du principe de plaisir par le principe de réalité, est elle-même d
une partie de la réalité 1. ti
Cl
On le voit, si l'art amorce la réconciliation des deux principes
de .P~aisir,.et de réal.ité, c'est plutôt sur le terrain du principe du
Cl


:hi
plaistr il la dépl01e. Je crois, en effet, qu'en dépit de sa ~rande
sympa e pour les arts, il n'y a chez Freud aucune complatsance
al
s'
S<
pour ce .q ue.l'?n pourrait appeler une vision esthétique du ~?nde. l'i
Autant. il ~lstingue la séduction esthétique de l'illusion rehgt_euse,
auta_n~ tl laisse ~ntendre que }'esthétique - OU, pour être plus JU~te, lU
• la vtston esthétaque du monde - reste à mi-chemin de la terrtble
'
.•• éducation à la nécessité que requiert la dureté de la vie, que rend
••
J',
~. G. W. vur, p. a36; S. E. xu, p. aa+

l26
. '... '. ·".. . .
.. '


INTERROGATIONS
:sa •

est émouvante la connaissance de la mort, que contrecarre l'incorri-


gible narcissisme et qu'égare notre soif de consolation enfantine.
es- J'en donnerai seulement un ou deux indices : dans son interpré-
te• ...
tation de l'humour, en 1905-à la fin du Mot d'Esprit - , Freud ~
.de.

:re, semblait faire beaucoup de cas de ce don de créer du plaisir aux


• • dépens des affects pénibles : l'humour qui sourit à travers les
lSlr
larmes, et même l'atroce humour de gibet (qui fait dire au condamné
Jés à mort mené à la potence un lundi matin : voilà une semaine qui .•
hi- commence mali) semblaient avoir quelque crédit à ses yeux;
••

Jre interprété économiquement, c'est un bénéfice de plaisir dérivé
les d'une épargne de dépense de sentiments pénibles; et pourtant, dès
nte le texte de 1905, une petite pointe nous avertit: « On ne peut dire
di- qu'une chose, c'est que, dans le cas où un homme triomphe de
ses affects douloureux, en comparant l'immensité des intérêts
et mondiaux à sa propre petitesse, ce triomphe n'est pas le fait de
ms l'humour, mais de la pensée philosophique; aussi n'éprouvons-
m- nous aucun plaisir à nous transporter au cœur de ces pensées 47••• »
.te, Or, en 1927, Freud a écrit une Note additionnelle sur l'Humour~,
!Ut
>se
lX.
l

qui est beaucoup plus sévère, et qu'il étend à tous les sentiments du
sublime. L 'humour ne nous porte au-dessus du malheur qu'en
sauvant le narcissisme lui-même du désastre : u Le sublime tient
du évidemment au triomphe du narcissisme, à l'invulnérabilité du
.le, moi qui s'affirme victorieusement. Le moi se refuse à se laisser
~ur entamer, à se laisser imposer la souffrance par les réalités extérieures
lS• et se refuse à admettre que les traumatismes du monde extérieur
:lie puissent le toucher; bien plus, il fait voir qu'ils peuvent même lui
la devenir occasion de plaisir... L'humour ne se résigne pas, il
la défie, il implique non seulement le triomphe du moi, mais encore
:e- du principe de plaisir, qui trouve ainsi moyen de s'affirmer en
ne dépit de réalités extérieures défavorables. » Et d'où l'humour
tire-t-il ce pouvoir de retrait et de démenti? Du surmoi qui condes-
)el '1
. cend à permettre au moi un petit bénéfice de plaisir. Freud conclut:
du ex Le surmoi, lorsqu'il provoque l'attitude humoristique, écarte
de au fond la réalité et sert une illusion... Finalement le surmoi
LCC s'efforce par l'humour de consoler le moi et de le préserver de la
!e. souffrance : il ne dément pas par là son origine, sa dérivation de
~e,
l'instance parentale. •
te, .• Je sais bien qu'on ne peut pas juger de tout l'art et de tous les
arta sur un sentiment aussi circonscrit que l'humour. Il reste que
>le
nd 47· u Mot d'e1prit, G. W. vu, p. a66; S.E. vm. p. 233; tr. fr.• p. a7a.
48. G . W. XIV, p. 383-9i S. E. XXI, p. 161-6; tr. fr•• en Appendice l :lA Mot
• tl'tJprit, p. a77-a8J•

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l

• •

INTERROGATIONS

•• . observe : « Le développement spirituel de Léonard s'est effectué



plutôt selon le mode de la pensée spinoziste 50 >> - ce qui laisserait
'l entendre que l'amour intellectuel selon Spinoza ne le satisfaisait
l · pas. Il continue: <t Accablé d'admiration, devenu vraiment humble,
••'
il oublie trop aisément qu'il fait lui-même partie de ces énergies
agissantes et qu'il doit essayer, dans la mesure personnelle de ses
•.. forces, de modifier pour une infime part le cours nécessaire du
monde, de ce monde en lequel les petites choses ne sont pas moins
admirables ni moins significatives que les grandes 51. D
., Cela signifie-t-il que la connaissance de la nécessité, séparée
e d'Éros, se perd elle aussi dans une impasse? La sublimation de la
.', libido en instinct d'investigation, comme chez Léonard, est-elle
e déjà trahison d'Éros? Quel est le vrai jumeau d' Ananké, est-ce
n Logos, comme dans la fin de l'Avenir d'une 1/Iusùm, ou Éros,
comme déjà le Léonard... le laissait entendre? Ne faut-il pas écouter
s à nouveau les vieux mythes androgynes, évoqués précisément dans
-e · le Léonard 52... , qui signifiaient la force créatrice primitive de la
nature? Ne disent-ils pas la même chose que le mythe du Banquet,

n longuement cité dans Au-delà du principe de plaisir, - le mythe


-.e

de la confusion primitive des sexes ? Bref Eros ne veut-il pas
toucher et convertir aussi le principe de réalité, comme il a bousculé
?• . le principe de plaisir? Citons une dernière fois le Léonard; .• : « Nous
avons encore trop peu de respect pour la Nature qui, selon les
~· paroles sibyllines de Léonard, paroles qui annoncent déjà celles
it
:e · d'Hamlet, « est pleine d'infinies raisons qui ne furent jamais dans
-
·--
• • l'expérience. (La natura è piena d'inji11ite ragioni che non furotzo
mai in isperienza.) >> Chacun des hommes, chacun de nous, répond à
.. • l'un des essais sans nombre par lesquelles « ces raisons » de la
:i,
• Nature se pressent vers l'existence 63• » C'était le dernier mot du
!S
Léonard...
)•
Si ces lignes ont un sens, ne disent-elles pas que ce qui est
plus grand que le principe de réalité, entendu comme vision scien-
:n tifique du monde, c'est le respect pour la nature et pour ces u infinies
la raisons » qui u se pressent vers l'existence »? Mais rien n'indique
lC que Freud ait finalement harmonisé le thème du principe de réalité,
,t, thème essentiellement critique, tourné contre les objets archaïques
te •
et les illusions, avec le thème d'Éros, thème essentiellement lyrique
». de l'amour de la vie, tourné contre la pulsion de mort. Il n'y a sans
ie
&d so. Ibid.
sr. Ibid.
s:t. G. W. vm, p. r6a-8; S. E. xr, p. 93-98: tr. fr., p . 97-107. \

a, S3· G. W. VIII, p. :uo-r; S. E. Xl, p. 137; tr. fr., p. ars-6.


1
l
...
ANALYTIQUE

doute pas d'au-delà du principe de réalité, dans le freudisme


comme il y a un au-delà du principe de plaisir; mais il y a concur:
renee du scientisme et du romantisme. L'humeur philosophique
de F~eud consiste peu~-~0:e en c~ dé.licat é~uilibre - ou ce subtil
confht? - entre la luc1d1te sans illus10n et 1amour de la vie. Peut-
être est-ce dans la résignation à la mort que cet équilibre trouve son

expression la plus fragile; car la mort y figure deux fois et avec des
sens différents: d'un côté la lucidité sans illusion m'invite à accepter
ma mort, c'est-à-dire à la replacer parmi les nécessités de la nature
aveugle; mais Éros qui veut unir toutes choses m'appelle à lutter
contre l'instinct humain d'agression et d'auto-destruction, par
conséquent à ne jamais aimer la mort, mais à aimer la vie, en dépit
dé ma mort. Freud, semble-t-il, n'a jamais unifié son ancienne
vision du monde, exprimée dès le début dans l'alternance du
principe de plaisir et du principe de réalité, et la nouvelle vision
du monde exprimée par la lutte d'Éros et de Thanatos. C'est
'
pourquoi il n'est pas Spinoza, ni même Nietzsche.
1
Laissons le dernier mot à Freud : c'est aussi son dernier mot •

:1' dans Malaise dans la Civilisation :
..
1 • u Et maintenant il y a lieu d'attendre que l'autre des u deux
'• ••
.•• puissances célestes n, l'éternel Éros, tente un effort afin de s'affirmer
' . dans la lutte qu'il mène contre son adversaire non moins immortel M. •
54· G. W . XIV, p. so6; S. E. XXI, p. I4Si tr. fr., p . So. En 193I,lorsque se pd·
eisa la menace hitlérienne, Freud ajouta cette phrase qui termine l'ouvrage dans
la 2 6 édition : « Mais qui peut prédire a'il réussira et ce que sera l'issue? • (ibid.)


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Notre lecture de Freud est presque terminée I. Notre débat


J
avec Freud commence. Que pouvons-nous légitimement en atten-
dre ? Une réponse aux questions laissées en suspens au terme du
Livre premier? Certes. Mais considérable nous apparaît mainte-
nant la question, et naïve l'attente d'une réponse facile et prompte.
Nous demandons à la philosophie deux choses à la fois : arbitrer
la guerre des herméneutiques et intégrer le procès entier de l'inter-

• prétation dans la réflexion philosophique. Deux choses donc :
remplacer une antithèse, qui laissait les parties adverses extérieures •


l'une à l'autre, par une dialectique, où chacune renverrait de soi à
l'autre; simultanément, et par le moyen même de cette dialectique,
aller de la réflexion abstraite à la réflexion concrète. Mais la grande

philosophie du langage et de l'imagination qui nous donnerait
d'emblée le principe de composition n'est pas à portée de main.
Il est trop vite dit que le symbole porte en lui, dans sa texture
• sémantique surdéterminée, la possibilité de plusieurs interpré-
tations, d'une interprétation qui le réduit à sa base pulsionnelle
et d'une interprétation qui développe l'intention complète du sens
symbolique; cette proposition détermine une tâche, plutôt qu'elle
•• ne montre une évidence. Pour en apercevoir la vérité, il faut
atteindre le niveau de pensée où cette synthèse peut être comprise.
C'est pourquoi j'ai conçu cette dialectique comme une progression
• patiente, à travers une série de points de vue hiérarchisés.
Premièrement, un chapitre sera consacré à l'examen du dossier
épistémologique de la psychanalyse freudienne. En effet, une inter-
prétation philosophique doit commencer par un arbitrage, e.xercé

r. J'ni réserv~ à dessein pou.r ln Dial•ctiqru l'étude de quelques textes impor-


tants, en particulier sur ln a tee/mique • psycllaualytiquc, et de qudquc:ll problèmes,
comme la sublimation, dans la pens~o que leur relief serait plu.s \'Îsibl" dana Je
contexte nouveau. do la Diaketiqw.

333

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•1 DIALECTIQUE
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1i

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• • au niveau d'une logique de l'expérience, et dont l'enjeu est la
•• •• • signification même des phrases de la psychanalyse, leur validit6
et leur limite de validité. Si les limites de l'explication analytique
• 1'
• • •
• sont données dans la structure de sa théorie et non dans quelque
.• d.écret qui l~i i!lt~rdirait d~ s'étendre à telle ou t~lle sph~re d'expé- •
'
''f . •
rience de 1act1v1té humame, la recherche du heu philosophique

. de la psychanalyse est subordonnée à l'intelligence de sa structure
. théorique. La comparaison que nous instituerons avec la psycho- ~
t '•

1 .•
• logie scientifique d'une part, la phénoménologie d'autre part, .1
1
1 '
1
. est destinée à déterminer par une méthode de différence la place ,
de l'expérience analytique dans le champ de l'expérience totale j
1 l
1
1
. que l'homme prend ou fait de lui-même.
. . Deuxièmement, passant à un niveau proprement philosophique,
1•
1 . nous nous demanderons si une philosophie de la réflexion peut
. '
' rendre compte des concepts réalistes et naturalistes qui, dans la
'
'
•' '
.1
'
théorie freudienne, règlent cette expérience sui generis. Le concept
• directeur de cette étape réflexive sera celui d'archéologie du sujet;
1
1
'
•1
l ce n'est pas un concept élaboré par la psychanalyse elle-même;
'.1 :1
' 1 c'est le concept que la pensée réflexive forme pour procurer un sol •
• • 1 1 philosophique au discours analytique; en même temps, la pensée
1. 1
l ' réflexive se change elle-même en intégrant le discours de sa propre
' '• ;1
' • archéologie; de réflexion abstraite elle commence à devenir réflexion
1 '• •
• 1
'• 1 . concrcte. •

Troisièmement, une archéologie reste abstraite tant qu'e~le
't ~ • n'est pas comprise dans un rapport d'opposition complémcntaue
• avec une téléologie, c'est-à-dire avec une composition progressive

de figures ou de catégories, où le sens de chacune s'éclaire par le
.. sens des figures ou des catégories ultérieures, selon le modèle de


la phénoménologie hégélienne. Ainsi se des8ine un troisième niveau, . .
propremen~ diale.ctique; c'est à ce niveau que la possibilité d'artic~ler
1 deux herm~neuttques opposées commence d'apparaître; régr~sston
'• 1
et progression figurent désormais deux directions possibles d'mter·

1 ' P.rétation .dont nous comprenons le èontraste et la complémenta·
nt~. .Ce m~eau de .pensée est si important qu'il donne son no~ au
1
.1•
tr.mstème hvre : Dzalectique. Il ne faudrait· pourtant pas en maJorer
f l'Importance. Le point de vue qui y est exposé est certes central;
'
1• ce n'est pourtant qu'une transitton · la fonction d•une dialectique
e?tre régressio!l et , progression, e~tre archéologie et téléologi~,
1

'
.'
.• •
c est ~e co!ldutre d une réflexion qui comprend son archéologte
'

1 à une mtcll,•.ge~c~ ~ymbol~que qui lirait, dans la naissance même ~e
1
'•
• la parole, 1md1vtstble uruté de son archéologie et de sa téléologte.
•' La dialectique n'est pas tout; c•est seulement une procédure de

''
1
..


DIALECTIQU.

est la •
la réflexion pour surmonter son abstraction, pour se rendre concrète,
lalidit~ c'est-à-dire complète.
lytique Quatrièmement, j'ai donné pour sous-titre au dernier chapitre:
.uelque Les approches du symbole. Ce sous-titre explique le titre, Hermé-
l'expé- tzeutique. Je n'ai pas voulu laisser croire que nous pouvions dès
phique maintenant écrire l'herméneutique générale dans laquelle on verrait
:-ucture la réconciliation des interprétations adverses; j'ai voulu contribuer
•sycho- à cette herméneutique générale, en tentant de résoudre quelques
! part, apories de l'interprétation psychanalytique, telles que celle de la
a place sublimation; la solution que je propose de cette aporie est seule-
totale ment exploratoire; du moins m'autorisera-t-elle à tenter une nou-
velle formulation du problème qui fut à l'origine de ce livre, à
>hique, savoir le conflit - en moi-même et hors de moi dans la culture
n peut contemporaine - entre une herméneutique qui démystifie la
:lans la religion et une herméneutique qui tente de ressaisir, dans les
:oncept symboles de la foi, une possible interpellation, un kérygme. C'est
! sujet; donc tout à la fin seulement que j'entrevois les approches de la
meme;
.. solution d'un problème qui était pourtant posé au commencement
un sol de ma recherche. C'est là qu'apparaît combien, non seulement la

pensée question était considérable, mais encore notre exigence de réponse
propre naïve. Si la marche vers Je point de départ est si pénible, c'est que
:flexion le concret est la dernière conquête de la pensée.


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CHAPITRE PREMIER

ÉPISTÉMOLOGIE :
ENTRE PSYCHOLOGIE ET
PHÉNOMÉNOLOGIE

·'

Je reprendrai dans ce premier chapitre les problèmes de méthode


discutés dans la première partie de l'Analytique. Nous avions
procédé alors à une inspection interne du discours freudien, sans
• souci de le situer dans l'ensemble du discours sur l'expérience
• humaine. Il convient maintenant de l'affronter à d'autres discours
l. et de justifier, par rapport à eux, son paradoxe central.
Nous prendrons deux repères extérieurs à Ja psychanalyse,
la psychologie scientifique d'une part, la phénoménologie de
l'autre.
Il ne s'agit aucunement d'instituer une comparaison balancée

et de faire osciller la psychanalyse entre ces deux pôles. Les deux

phases de la comparaison comportent elles-mêmes une progression
déterminée. La différence entre psychanalyse et psychologie
sdentifique, qui fera l'objet des deux premiers paragraphes, doit
d'abord être bien comprise pour que puisse être utilement introduit
le: second épisode. Cette première confrontation vise surtout à
dissiper un malentendu; il s'agit en fait de résister à la tentation
.
• de fondre la psychanalyse dans une psychologie générale du style
behavioriste; cette fusion ne saurait être, à nos yeux, qu'une confu-
sion qu'il s'agit de refuser. La deuxième confrontation a un tout
autre sens et conduit plus Join; elle consiste en une approximation
• graduelle, par le moyen de la méthode phénoménologique, de ce
qui est vraiment propre à la psychanalyse; la phénoménologie
échoue à son tour à tirer de soi l'équivalent de l'expérience ana-
lytique; mais cet échec n'a pas le sens d'un malentendu; il fait
• plutôt apparaître une différence au terme d'une approximation.

337
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I. LB PROC~ ÉPISTÉMOLOGIQUE
. •·
DB LA PSYCHANALYSE 1.
.
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1
La psychanalyse a été soumise, principalement dans les pays de le
culture anglaise et américaine, à une sévère mise en question quant 0
à son caractère scientifique. Épistémologues, logiciens, sémanti- tl
• ciens, phil?~ophes du langage o~t passé au crible ses concepts,
ses propos1t10ns, son argumentatiOn, sa structure de théorie, et n
ont, en règle générale, conclu que la psychanalyse ne satisfaisait p
pas aux exigences les plus élémentaires d'une théorie scientifique. Sl
Les analystes ont riposté, soit par la fuite, soit par une majora- al
.
tion des critères scientifiques de leur discipline, soit par des essais i S.
' de « reformulation » tendant à la rendre acceptable aux yeux des 1 P'
1
gens de science. Du même coup, ils ont échappé à la « révision
déchirante » à laquelle, selon moi, condamne la critique des logi- ~ pl
.
! ciens et que j'exprimerai pour ma part dans cet aveu : « Non, la ) ta
dt
psychanalyse n'est pas une science d'observation, parce qu'elle est
1
j. une interprétation, davantage comparable à l'histoire qu'à la
psychologie. » l cc
es
rn
Je considérerai successivement les critiques des logiciens, les ca
reformulations internes à la psychanalyse, enfin les reformulations ch
••

proposées du dehors. ~
da
l qt
pr
a) La critique des logiciens. 1 lie
éu
• Je partirai à dessein de la critique la plus u dévastatrice », celle SIT

que Ernest Nagel exposa à un <<symposium » tenu à Washin~on l'il


en 1958 sur le thème Psychanalyse, Méthode scientifique et Plukr céc
sophie 1 • tio

Si la psychanalyse est une « théorie », au sens de la théorie mo!~ sat
culai re des gaz, ou de la théorie des gènes en biologie, c'cst-à-d1~e fat
un e?semble de propositions qui systématise, explique ct prévoat d~
certatns phénomènes observables elle doit satisfaire aux mêmes ca(
critères logiques que la théorie des sciences de la nature ou des à (
sciences sociales. mê

rru:
I. Emc:at N~gel~ • Methodological Issues in Paychoanalytic Thoory '• in. Pl)..
choanalym, Screntijic Method and Plri/osoplry. A Symposium edited by S1dnc)' 2
Hook, Grove Press, N. Y. 1959, p. 38-56. Cette étude répondait ll l'exposé de •
tJga
méthode présenté par Heinz Hartmann, • Psychoanalyais aa a Scientific mcthod '• 3·
ibid., p. J-37·

"i
~ l
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
~

D'abord, elle doit être capable de validation empirique; pour cela
il faut que l'on puisse déduire de ses propositions des conséquences
déterminées, sans quoi la théorie elle-même n'a pas de contenu
défini; en outre il doit exister des procédures déterminées (qu'on
J les appelle règles de correspondance, définitions coordinatrices
'S de
uant ou définitions opératoires), permettant de relier telle ou telle notion


antt- théorique à des faits définis et non ambigus.
epts, Or il ne semble pas qu'on puisse déduire rien de précis des
e, et notions énergétiques du freudisme, tant elles sont vagues et méta-

liS:Ut
• phoriqucs; ce sont peut-être des notions suggestives, mais non
• susceptibles de validation empirique; une invincible ambiguïté
tque.
• affecte en outre toute coordination à des faits de comportement.
iOra-

ssats
Si bien qu'on ne peut même pas dire à quelles conditions la théorie

pourrait être refutée 2•
: des J
Ensuite la validation empirique doit satisfaire à une logique de la
• • l
tSlOn
logi· ~ preuve, si elle doit être tenue pour évidente. On dit que l'interpré-
tation est sa méthode principale (outre sa confirmation par l'étude
n, la J du développement de l'enfant et par l'ethnologie). Or, à quelles
e est
à la j conditions une interprétation est-elle valide? Est-ce parce qu'elle
est cohérente, ou que le patient l'accepte, ou qu'elle améliore le
f malade? Mais il faudrait d'abord que cette interprétation ait un
. les caractère d'objectivité; pour cela il faudrait qu'une série de cher-

:tons cheurs indépendants puissent accéder à un même matériel, réuni
.. dans des circonstances soigneusement codifiées. Il faudrait ensuite
qu'il y ait des krocédures objectives pour trancher entre les inter-
prétations riva es; il faudrait encore que l'interprétation donne
lieu à des prévisions vérifiables. Or la psychanalyse n'est pas en
état de satisfaire à ces reluêtes : son matériel adhère à la relation
:elle singulière de l'analyste à 'analysé; on ne peut lever le doute que
~on l'interprétation est imposée aux faits par l'interprète, faute de pro-
,,;[o- ~
l cédure comparative et d'investigation statistique; enfin les alléga-
1 tions des psychanalystes concernant l'efficacité thérapeutique ne
~
.olé- satisfont pas aux règles les plus élémentaires de la vérification;
dire faute de pouvoir établir et même définir de manière stricte, par

~volt des études du type « avant-après », des taux d'amélioration, l'effi-
mes cacité thérapeutique de la psychanalyse ne peut être comparée
des •
à celle d'une autre investigation ou d'un autre traitement, voire
• même au taux d'amélioration des guérisons spontanées; pour ces
Pl}.. raisons, le critère du succès thérapeutique est inutilisable 1 •
dneY 2. Cet argument est d~velopp~ par Michael Seriven, • the Experimental loves-
;é de ''•
tigation ofPsychonnnlysis •, ibid., p. 226-as1. \
od '• 3· Ibid., p . aaS, 2J4·S·

1
339


DIAI.ECTIQUB

• bJ Les tentatives internes de refonnulation•


1 pc
. Cette attaque contre 1~ psychanalyse me paraît s.ans réplique, de
st l'on entreprend de sttuer la psychanalyse parm1 les sciences na
.

.. d'observation; certains psychanalystes, pour satisfaire à ces cri-
tères, ont tenté de « reformuler » la théorie en termes acceptables ce

fl(

par la « psychologie académique »; des tenants de cette psychologie
trc
leur ont prêté la main, non sans joindre la suspicion à la bonne
volonté, mais parfois avec le désir sincère d'intégrer à la psy- co
chologie scientifique certains faits et certains concepts de Ja es1

psychanalyse, au prix de ce que certains ont appelé une a recon- •
tiO
version opérationnelle». Cette tentative vient d'ailleurs à un moment as]
.• où la mort des théories est un phénomène général dans les sciences qu
. humaines. de
Il n'est que plus urgent de situer exactement le lieu de la résis- •
1 tance du freudisme original à ces tentatives. Or, ce qui résiste à de
la u reformulation », c'est précisément le caractère hybride de la sat
• • psychanalyse, à savoir que son accès à l'énergétique se fait par Ja COl
1· ' seule voie de l'interprétation. Tout nous ramènera par conséquent •
BUJ
à l' a anomalie » que constitue l'interprétation analytique dans le '
1

concert des sciences humaines. "fiq·r


Voyons jusqu'où on peut aller dans cette voie'·
mt
-4- Dans le mouvement psychanalytique, l'origine de cette révision mithodo- les

logique remonte à l'important travail de H . Hartmann, Ichpsychologie und Anpas· ffilt
SUilgsproblem.lntern. Ztschriftf. Psy choanalyse 24, 1939. Partiellement traduit in D. fre
• Rapaport, Organization and Patlrology of Thougltt, N. Y., Col. Univ. Press, J9S•· réu
Ce travail est aujourd' hui accessible en anglais : Egopsyclrology and the Probllr!' ]
of Adaptatio11, N. Y., Intem. Univ. Press, 1958. - J'ni consulté les travaux su~·
1

vants : Hartmann, Kris, Loewentsein, • Commenta on the formation of psych•c réfl
structure •, the Psychoanal. Study of lM Child. 11, 1946, 11-38. Kris, • the n~ture 1
of psychoanalytic Propositions and their validation • in Freedom a11d Expmence, mo
ed. S. Hook and N . R. Konvetz, Comell Univ: Press, 1947· Kubi~, L. : . cor.
• Problem and Techniques of psychoanalytic Validation nnd Progress •, tn ftj,_
clroanalysis as 8_cience, ed. E. Pumpinn-Mindlin, Stanford Univ. Press, 195 3• fü/,
Frenkel-BrWlswJk, Else : • Meaning of psychonnalytic Concepts nnd confit· et,
mation of psychoanalytic Theocy •. Scientific M onlhly, 79, 293·300, J 954· o.~ res1
même : • P~ychoanalysia and the Unity of Science •, Proc. of tlze Am. Acad: 0J
l
Arts and Sctences, Bo, 1954. - Locwenstein • Some Thoughts on Intcrpretouon s.
in the Theory and Pr..ctice of Psychoanaly;is •, Psychoanal. Study of the Chi/tl, Psy1
xu, 1957. - Rapaport and Gill, • the Pointa of View and Assumptions of Meta• il lu
psychology •, l11tern. J. of Psychoanal. vol. 40, n. 1 , l959· - Et surtout Ha~a: psy'
port D., tire Structure of Psyclwallt.Ûytic Theory (a Systematiai11g Attempl) ,n · inde!
Psychology, A Study of a Science, ed. S. Koch, N . Y., McGraw Hill, 1958, vol. 3• 6.
p . 55-1 8 J .


..~

ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE

La refonnulation doit être portée d'abord au niveau des présup-


positions les plus générales qui font de la psychologie une science
de fait. Rapaport pose trois thèses qui rangent les faits de la psycha-
.que, nalyse parmi les « observables » de la psychologie scientifique 5•
:nees • 1. L'objet de la psychanalyse, dirons-nous, est la conduite; en
en-• cela elle ne diffère pas fondamentalement du a point de vue empi-
1bles rique » de toute psychologie, sinon à titre secondaire, en ce qu'elle
logie traite de la conduite u latente ».
:mne 2. La psychanalyse partage le « point de vue gestaltiste » qui a
psy- conquis toute la psychologie moderne, selon lequel toute conduite
;e la est intégrée et indivisible; à cet égard les a systèmes » et u institu-
con- tions » (Ça, Moi, Surmoi) ne sont pas des « entités 1 1 mais des
ne nt aspects de conduite; on dira qu'une conduite est u surdéterminée »,
:nees quand elle peut être rapportée à plusieurs structures et soumise à
des niveaux multiples d'analyse.
ésis- 3· Toute conduite est celle de la personnalité intégrale; en dépit
3te à des accusations d'atomisme et de mécanisme, la psychanalyse
ie la satisfait au point de vue « organismique », par toutes les inter-
ar la connections qu'elle établit entre les systèmes et institutions du

uent SUjet.
lS le Si l'on admet cette triple assimilation de la psychanalyse aux
« points de vue » ordinairement admis par la psychologie scienti-
fique, au niveau des « faits » eux-mêmes, il est possible de refor-
muler également les « modèles » dont use la théorie analytique et de
:todo- les assimiler aux u points de vue » familiers à la psychologie acadé-
npas· mique e. Il est intéressant de décomposer la métapsychologie
inD. freudienne en un faisceau de « modèles distincts ,, quitte à les
1951. réunifier au moyen d'un cc modèle combiné ,,,
oblem•
1t SUl•
Le point de vue topique est ainsi rapproché du modèle de l'arc-
:ychic réflexe; l'appareil psychique répond par parties distinctes.
,ature Le point de vue économique, à son tour, est un aspect du
·itntt, modèle entropique : de la tension à la réduction de tension; toute
L. : conduite motivée peut se ranger sous ce modèle; la Wunscher-
Pl).. .
füllung et le principe de plaisir en sont la première applicatio!l
J 95 3•
onfir· et, indirectement, le principe de réalité lui-même, en tant qu'il
l· De reste un simple détour du principe de plaisir.
ad. of
ration s. H. Heinzmann, in Sidney Hook, o. e., p. 3-16. Rapaport, th4 Structure of
-:;hifd, Psyclloa,a/ytic Thtory, p. 82-104. Le travail de Rapaport est très significatif;
vtcta· il lui fallait rentrer dana le réseau des questions du docteur Koch et poser à la
:lapa- psychanalyse des questions qui lui sont ~trangères, telles que le rôle des •variobl.es
) ;n: indépendantes, interm~diaires, d~pendantes • et la • quantification • de ses loiS. \

•ol. 3• 6. O. e., p. 67-82. . •

. \.


1

'
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' 1' •
1 DIALECTIQUE
1
'

!
1

. ''•• La théorie des « stades », le rôle de la fixation et de la régression


'1• relèvent d'un point de vue gén~tique; en ?utre, à la. faveur de 1~ 1

1' 1
loi bio-génétique de Haeckel, tl est poss1ble de fmre coïncider •
.•
••
• ' . phylogenèse et ontogenèse, comme on le voit dans Totem et Tabou .
1· par là, la p~ychan~y~e est . con:parable aux théorie~ du learnini,
•• • sans toutefoiS les reJomdre Jamais, dans la mesure ou elle souligne
!t
plutôt le rôle et le poids des expériences primitives dans l'expé-
••


rience humaine; mais, dans son style propre, elle se développe !

1 \'
J

parallèlement à une théorie de l'apprentissage, par exemple par
; 1• son investigation du choix d'objet et par son histoire évolutive •

1
des systèmes Moi et Surmoi.
:'1. Enfin, on peut parler d'un modèle jacksonien chez Freud : les

' '1 •

.
• systèmes forment une hiérarchie d'intégrations où le supérieur
!'·
•• .
inhibe et contrôle l'inférieur. La superposition du système secon-
' daire au système primaire et les notions connexes de censure, de •
.ï . défense, de refoulement ressortissent évidemment à ce type. En •


.1 ce sens, ce modèle est le plus important; topique, économique,
'1
génétique sont associées à ce modèle jacksonien dans tous les
1 J
1
1 !
concepts freudiens gravitant autour de la notion de conflit 7• ''
1 1• Or ces modèles peuvent être assimilés à des « points de vue » qui 1

.' i .
sont aujourd'hui admis par tous les psychologues : •
~
l. 1. Toute conduite, dirons-nous, est une partie d'une série
' 1
•1
1 génétique; les phénotypes et génotypes de Lewin relèvent du même

Il
• •
point de vue génétique; le propre de Freud est d'avoir soumis le •••
point de vue génétique au point de vue économique.

1t 2. Toute conduite comporte des « déterminants cruc1aux •
.
:'

1· Rapaport élabore un c modèle combiné • (p. 71 et suiv.), à partir du modèle •


entropique ou économique; le modèle jacksonien pennet en effet d'introduire un .1
'i
t '
• • principe de hiérarchie entre une forme primaire et une forme secondnire du
.l
1
..1•
modèle économique. A son tour le principe de plaisir caractéristique de la Conne
i
primaire, peut fournir un fil conducteur dans les trois 'domaines de l'action {action
.
1
impulsive), d~ la perception (quasi-hnllucination) et de l'affect (décharge d'affect, 1
••
par ex., angoasse). Le système secondaire vient ensuite superposer ses défenses
1
'. •
et ses contrôles; le contre-investissement est o.Jors un autre nom du contrôle l
!
.•

!n~é.grntif du mo~èle jacks'?nien; l'élévation par contre-investissement des seuiLs l
)' mauaux assure • luutonomae fonctionnelle a - pour parler comme Allport -: de (

•'• ces • structures • à changement lent que Freud a appelées les systèmes ou les JtlS• J
,1 tances.. En m~e temps le. P?int de vue structural réngit sur le point de ~e
entr~paque, puas,que. le mamuen des structures supérieures et leur autonom!e J
1

'•• requaercnt non 1 abaassement systématique et général de toutes les tensions, fll!U' 1
• • .• des décharges compatibles avec le maintien des tcnsion11 propr~ à l'entretien .,
t' des structures de contrôle. -Ainsi est conservé l'essentiel de l'Esquisse de r89S• l
f
'
du chap: VIl de la Traumdeutung, de la M~tapsycllo/ogie de Inhibition, Sympt4tnl
et Angouse. '
l4
,l
. .,
·j
~

~•
'
'
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
0

:ess1on, inconscients. Toute psychologie rencontre des conditions non


r de la t
remarquées; mais Freud thématise ce non-remarqué l'infère par
une méth~d~ d'inves~ig~tion, ~écouvre les }ois pr~pres de ces
·incider '
Tabou,· 0 facteurs, dtstmguant amst ce qu1 peut et ce qUI ne peut pas devenir
·armng, noticeable, tout en maintenant l'un et l'autre groupe de facteurs
:mligne dans le champ de la psychologie et non de la biologie.
l'expé- 1 C'est pour rendre compte de ces faits que Freud a élaboré le point

reloppe ' de vue u topique » (Inconscient, Préconscient, Conscient), puis le 1
>le par point de vue u structural » (Ça, Moi, Surmoi); mais les notions
l
J
olutive mêmes de systèmes primaire et secondaire impliquaient déjà ce
! passage ainsi que la technique des conflits. A son tour, Je point de
d, :. les vue structural annonce, par l'emploi du contre-investissement, le
Jcneur
secon-
développement de l'actueUe egopsychology 8•
3· Toute conduite est ultimement déterminée par des pulsions :
1
~
ue, de ce point de vue dynamique l'a depuis longtemps emporté sur les
•'
.oe. En 0
préjugés de l'ancienne psychologie empirique, et sa tabula rosa;
mtque, la psychologie a choisi pour Kant contre Hume. Mais c'est l'œuvre
tUS }es propre de Freud d'avoir reconnu le privilège de la sexualité dans
7 0 ce dynamisme pulsionnel et ainsi d'avoir retrouvé la racine sauvage
e » qw• 1 qui toujours précède notre culture.

~ 4· Toute conduite dispose d'une énergie psychique et est réglée
' par elle. Le plus intéressant, ici, n'est pas le caractère énergétique
••série
même de la pulsion, mais de la régulation; tout ce que Freud a dit sur
.mis le •• l'énergie liée, sur la manœuvre du psychisme par des quantités
minimes d'énergie, sur la diminution de la tendance à la décharge
• par l'élévation des seuils, sur la nèutralisation et la désexualisation,
13UX 1
'


sur la désagressivisation et la sublimatio~ de l'én~rgie, trouve des
confirmations ou des parallèles chez Lewm, et nueux encore dans
modèle • les notions de power engineering, d'information engineen'ng de la
• 1
.utre un
nire du '1

cybernétique. La note propre de Freud, c'est de montrer comment
11 fonne
.(
• cette régulation se fait ·avec l'énergie d'emprunt des dérivés
(net ion i
pulsionnels. . . , .
i'afl'ect,
!éfcnses
1 5· Toute conduite est détermmée par la réahte. Ce pomt de vue
:ontrôle 1
s seuils l 8. c Th~ gmetic charact~r of the psychoan~lyti~ theory is ubiqua'tous in •'tl
1 -de (
litteratur~. The concept of • complcmtnt'!ry ~enes • 11 probab/y the c/earest ~xpre~­
Jes ins· } sion of it : eac/1 ~havior is part _of a hrstoncal sequen~e s/JQ~d both by ~p1gcnetac
l
de vue • laws ar~d exprrimc~; each sup ''! the sequence cor~tnbuted lo the shapmg of .the
onom1e
s nuus

• l
•• behavior ar~d has dynamic, economzc, structural, and contextual-adaplatrve re/atton•
' .
atreuen
\
ships to it. Such complemcntary sen'es do nol constitute an • infim'te ugress•; they
lead back to a historical situation in which a particular solution of a drive demand
ç r89S•
1 was first achit:Ved, or a particu/ar apparatus rvas first put to a certai11 kind of use •·
1
wpt41111 Ropoport, the Structur~ .... p . 87.
i •

• •

l
.
343

1

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1

1:. • •
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.• 'l' ..

t t ' •
1 DIAI.ECTIQUE
1
1 1

' 1•

•f

adaptatif est commun non seulement à la psychologie, avec son



• schème fondamental stimulus-réponse, mais à la biologie, où la
. réalité joue le rôle d'environnement, et même à l'épistémologie •
{
1 j
1 •• où elle s'appelle objectivité. La psychanalyse se range sous ~
1•• •

point de vue, avec ses théories successives de la réalité : la réalité 1

• •

fut d'abord ce que le névrosé refuse, puis ce fut le stade objectal

1;
• de la pulsion, le corrélat du processus secondaire, enfin et surtout •
!
• le champ de préadaptation de l'ego 9 • l
1
1 Ce point de vue « adaptatif » a engendré un corollaire, bien digne •
1 1•
1
1

• •• de constituer un point de vue distinct dans la psychanalyse amé- A
1
l
' •
ricaine : u Toute conduite est socialement déterminée»; aussi bien 1

1•
1
le freudisme le plus classique comporte déjà ce thème qui le rap- ''

1 proche de la psychologie sociale (théories du choix anaclitique, •
1
1
r •
• 1

du complexe d'Œdipe et de l'identification, etc.), sans qu'il soit
besoin d'évoquer les dissidents, les néo-freudiens de l'école
1
~1

1• culturaliste . i'

A la faveur de tous ces rapprochements, la psychanalyse peut 1

. être réintégrée dans la psychologie scientifique avec ses grandes •
• l
l 1. dominantes d'adaptation, de structuration, d'évolution. Ce que la

~
l

psychanalyse apporte en propre, c'est la prévalence du modèle •
J
• . 1·~ entropique et du même coup une attention particulière portée aux
r•. 1
1
1
effets de pulsion rapportés au processus primaire, alors que la •1
:0
psychologie académique privilégie l'expérience sensorielle et 'l
11' •
'
1 •
l'apprentissage. Mais les rôles sont en train de s'échanger. D'une
part, la psychologie contemporaine de la motivation étend le ressort
~
' •
de la psychologie académique du côté du domaine de la psychana-
lyse; d'autre part, la reformulation de la psychanalyse en termes
l ••
1
d'adaptation génétique et de structuration progressive la replace
dans le champ de la psychologie générale. Le développement de la
psychanalyse dans le sens d'une ego psycho/ogy, depuis le grand
' • • •
1 9· Rapaport disti.ngue, en psychanalyse, cinq théories successives de la réalité :
1
! avant 1900, la réalité est la cible de la défense celle-ci étant dirigée contre le

'. sou~enir d:un évén~m~nt réel dont eUe veut em~êcher le retour. De 1900 à 1923
1• (~ l.exceptt<?n de 1 arttcle ~e 191 x), la conception de la réalité est centré~ sur ..
.. 1 obJet pulsmnnel et ~éfime par les processus secondaires (délai, détour, Juge- 1J
!
~
ment). La. 3° co~cept1on de la réalité est liée à la première forrnulatio~ de ~· .
l p~ycholog1e de 1 e~o ~ans les Deux Prit•cipes de 1911; la réalité est le v~s-à-VJS
t dune structure qu1 n est plus seulement défensive et conflictuelle· le mol a une
'• fonction propre d.e conciliation ct d'arbitrage. Dans Ja 4 o concc~tion, celle de
.••• . Ha~n, ,le mo& ~t pr~ada.pté ou potentiellement adapté à la réulité par ~es
1 appar~tls d auton?m•e pruna1rc; mais il reste encore une dualité entre réahté
!1 psychique et réalité externe. Dans la 5° conception, celle de Erik11on, l'homme
• est pr~odapté~ .non seulement à un milieu moyen prévisible, mais à un vasto
1
évenuul de rruheux, non plus • objectifs •. mais sociaux, 0 , c•• p. 97-101.
1
\
1. 344
..
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- · • • • ... ' T , , •

ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE


rec son
, où la travail d~ Hat;mart? en 1939 (~f. n. 4), a précipité cette évolution,
10logie, i les f~m~tlons. d ego etan~ essentJ.ellement des fonctions d'adaptation.
Ains1 se tissent des hens tOUJOUrs plus étroits entre psychanalyse
iOUS ce et psychologie scientifique.
réalité l

Jbjectal
surtout c) Reformulations « opérationnalistes •·
1
t

1 digne l Le malheur est que cette assimilation de la psychanalyse à la


e amé- • psychologie d'observation ne satisfait pas le psychologue et ne
si bien '1 respecte pas la constitution propre de la psychanalyse.
le rap- • •
•' Ce n'est pas une parenté vague entre psychanalyse et psychologie
r.1t1que,
. qui pourrait nous agréer, disent ceux des psychologues qui sont le
l
'il soit 1 pius versés en épistémologie; pour que la psychanalyse satisfasse
l'école 1• aux requêtes minimales de la théorie de la science, il faudrait pro-
1 céder à une entière u reformulation » dans ce que Bridgman 10
1
• appelle u langage opérationnel »•
e peut 1
rand es 1 A vrai dire, seul le Behaviorisme satisfait à un strict opération-
que la ï nalisme; on trouve chez Skinner 11 Ja conjonction rigoureuse des
l exigences opérationnaliste et behavioriste.
nodèle
, 1 Aux yeux de ce strict opérationnalisme, la théorie psychanalytique
ee aux
que la l et tous les concepts qui gravitent autour de l'idée d'appareil mental,
He et ·j ne peuvent apparaître que comme des métaphores dangereuses
du type phlogistique; la théorie psychanalytique ne marque pas, au
D'une
~essort
~ point de vue épistémologique, un progrès décisif sur l'animisme
~hana­
et ses succédanés (démon, esprit, homonculus, personnalité)
'1 u Le schème explicatif de Freud, écrit Skinner, suit le modèle
:ermes
eplace
~de la
i 1
traditionnel qui invite à chercher une cause du comportement
humain à l'intérieur de l'organisme»; cette u fiction traditionnelle
grand j 10. Bridgman, P. W. c Operational Analysis •, Philosophy of Scimce, 5,
réalité: p. 1 14-3 1 ( 1938). c Sorne general Principles of Operational Analysia •, Psyclzological
mtre le Review, 52, p. 246-49 (19-f5).
Voir aussi Frenkel-Brunswik, Else, • Meaning of Psychoanalytic Concepts
à I9Z3 and Confirmation of Psychoanalytic Theories •, Scimtific M ontilly, 79, p. 293-
rée sur
• 300 (1954).
r, JUge·
1 de la
ll 1 1. Skinner B. F. Scimce and Human Bthavior. New York, Macmillan
1953: du mam~ : c Critique of Paychoanalytic Concepts and Theories •· Scimtifie
is-à-vis Montilly (1954-), repris dans Minntsoû:J Studits in tht Philosophy of Scim~t,
i a une Vol. 1, tilt Foundations of Scimct and tlu ~oncepts of Psychol~gy and Psychoana/ysrs,
elle de ~d. par Herbert Feigl ct Michael Senven, Umv. of Mannc:sota Press, 1956,
pllt ses p . 77-87. Ce volume est d'une grande importnnce : Herbert Feigl ct Rudolf
réalité Carnap y élaborent une théorie g~érale du langage théorétique des sciences
1onune dnna Ja perspective du positivisme logique. On y trouve aussi Jea articles de
1 vaato Albert Ellis et de Antony Flow citia plus loin, notes 13 et auiv.

345

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.. 1 1
1 DIALECTIQUE
r•
:

1• d'une vie mentale 12 , - ce que Ryle appelait The ghost in t/u


1
1 machine - amène à poser quelque chose qui n'est pas observable
••
et sur quoi on ne peut agir; or, pour l'opérationnalisme, seuls
\ 1
entrent en considération des changements de l'organisme rap-
portés à des variables de l'environnement. Skinner va même jus-
1 qu'à accuser Freud de ne s'être intéressé qu'aux aspects de conduite
••
f. qui peuvent être considérés comme des expressions de processus
. mentaux, et d'avoir ainsi considérablement rétréci le champ
'
1 d'observation. Il peut conclure que la représentation de l'appareil
1
l
1
mental que Freud a imposé à la psychanalyse a retardé l'incorpo-
'•• ration de cette discipline dans le corps de la science proprement
l1 •'• dite. Skinner a bien raison de demander que l'on quantifie toutes
r les forces alléguées, si elles doivent être homogènes aux forces
1

rl
.•
de la nature. Mais ce qui lui échappe entièrement, c'est qu'une
définition opérationnelle de tous les termes de la psychanalyse
1• n'est qu'un expédient, par lequel on transcrit en termes de psycho-
logie de comportement les résultats d'un tout autre travail de
1 • pensée, celui de l'interprétation analytique. Nous y reviendrons,
'
)

1 •• puisque ce sera l'essentiel de notre discussion.
1 ..
1
'.
Seule donc peut être tentée une reformulation de la psychanalyse
' dans une forme modifiée ou révisée de l'opérationnalisme 13• Celui·
.1 l..•
1 •
ci requiert que, « pour être signifiant en termes opérationnels, un
• 1!
1 1
• • énoncé doit être relié en quelque point à des observables ». Une
seule exigence est donc irréductible : un énoncé ou une hypothèse
doivent pouvoir en quelque manière être confirmés, c'est-à-dire
. ' • 1
reliés de manière significative ou mis en corrélation avec quelque
espèce de vérifiable a. 1

Ce qui est ainsi exclu, ce sont les constructions hypothétiques
l
et les abstractions d'ordre supérieur, mais non les abstractions
• ~'ordre !nférie~r: .la vérifi~tion de ces dernières peut ~ême ê~e •
\ mcomplete ou md1recte. C est à ce titre que peuvent être mtrodUlts
1
j
i. ce qu'on appelle des intervening variables or dispositional con· !
'• 1
1
1 , Ji
' 12. Minn~sota Studüs, p. 79-80. (
1
J
1
13. Albert Ellis, • An operntional Reformulation of aome of the basic Principlet i
• of Psychoannlysis •, .fv!i.nneso.t a Studies ... , p. 131·1s4 . .. • >
!.
(
14. • Mode~ emPH'teum, m !act, seems to have on/y ottt invariant requmte' ~
' namely, tha_l m SO?JC final analysis, albcit most irrdirect/y and through a /ont 1
!• . ru:tw?rk of ''!tcrvemng comtructs, a statement or "ypothesis must in some manner ~
• 1
(or m pnnetf!lc) be confirmable -that is, 1 ;g,ificant/y lie- able 10 or corrrlata~lt ~
1; with sorne kmd of o~servable. lt thcreby ru/es out sheer metaph;,,sical specu/atton 1
.
1
••
but keeps tlu: door Ulldely ope, for ail other hypothes~s •, A. Ellis, ibid., p. 135· ~
!

346 ~
.l
·l ~


ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIB
'>st in tht cepts. Les ~o?structions hypothétiques - essence, phlogistique,
bservable éther, . ça, hbtdo sont peut-ê~e heuristiquement désirables, mais
ne, seuls ont frut plus de mal que de bten à la science 15,
;mc rap. Si une a refonnulation » du freudisme est possible - et dans la
• •
!me JUS· me~? re limité~ ?ù. elle l'est - elle doit se fai~e dans un langage
conduite ent1erement dertve de deux observables ou a fatts ,, : la perception
~rocessus
et la réponse. Pour constituer ce langage de référence il suffit
~ champ d' « ancrer ,, dans ces concepts empiriques de perception et de
,.l'appareil réponse les autres constructions nécessaires ou utiles à l'explication
tncorpo- de la conduite humaine : ainsi, on distinguera entre perception
,prement
~
consciente et inconsciente, en appelant inconscient ce qu'on perçoit
1e toutes sans percevoir qu'on le perçoit; on considérera comme relevant
LX forces du learnitzg toutes les organisations et réorganisations de la
t qu'une perception et de la réponse et on joindra aux perceptions les prédi-
:hanalyse cats de bon, mauvais, agréable, désagréable, utile, nuisible, pour
psycho- introduire dans le schéma des facteurs d'évaluation, d'émotion,
·avail de de désir, qui seront considérés comme réponses à ces prédicats '1
endrons, adjoints.
Je ne résumerai pas les « refonnulations opérationnelles 18 » qui
ont été substituées aux hypothèses freudiennes, celles-ci étant
hanalyse d'ailleurs empruntées à l'exposé le plus scolaire de Freud (L'Abrégé
3• Celui- de Psychanalyse) : Ça, Moi, Surmoi, ~ros, instinct de mort, vie
nels, un sexuelle, érotisme anal et oral, phase phallique, refoulement, libido,
1 ». Une libido sexuelle, complexe d'Œdipe, défense du moi, etc. 17, sont
rpothèse ainsi transcrits dans un langage entièrement dérivé des deux obser-
>t-à-dire vables initiaux.
quelque . Ce qui est purement et simpleme~t omis, dans cette « ref?~ula­
tlon ,,, c'est que rien de tout cela n ~t a <;>bservé », même t~dJ~ec­
~étiques tement, à titre de réponses à ?es sttm~h; avant d~ po~.1Votr ctre

ract1ons l cr reformulé n, tout cela a été a mtcrpréte » dans la Situation analy-
,.
me etre ,•• tique - c'est-à-dire dans une situation de langage.
traduits 'j Proche de l'entreprise de u reformulation » étudiée ici, il faut
citer l'important travail de Madison sur le Concept de Refoulement
!al con· l •
1

l
• 15. Ibid., p. IJ6, p. JSo-2.
1 16. Ibid., p. 140·1 so. . .
1
'
17. Il est remarquable que deux groupes de conc~pts maJeurs du . freud11me
>rinciplet ne sont pns retraduits et ne doivent pos l'être : a) celus de psyché, de vte mentale,
}
) de quotités men tu les; b) celui d'é nergie mentule et. d 'investissement d'énergie :
·equisite : •
ce sont à lu fois d es constructions démodées du xrxe asècle et des concepts • redon-
Il a /ont 1 dllnts • plU' rupport aux behaviora~ in.tervening van'abln (~sr). Or c~ sont, à mol!
~ monntt ' aens, deux concepts ontiques qw regle!'t les deux unsvers du dsscours, celus
~
m •/atablt -t de l'interprétation et celui de l'explicatson, ceux-là même que la psychunalysc
•ecu/arion i compose duns son discours mixte.
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J35· l
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347
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'
!
:l DIALECTIQUE
' i• •
1
ï
.
et de Défense lB. Nous l'avons consulté une première fois pour

mettre de l'ordre dans les diverses acceptions du concept freudien
11 1 de refoulement. Mais nous avons mis entre parenthèses le propos '
· précis de l'auteur qui était de soumettre ce concept à l'épreuve
l
1 des critères épistémologiques de Carnap et de Nagel. Madison
'' . entreprend d'abord de rendre univoques et cohérentes les défini-
1' •
tions de tous les termes théoriques : rapport entre défense et refou- ~

i 1 lement; distinction entre défense réussie et défense qui échoue; ·
1• distinction, parmi celles-ci, entre défenses répressives et non
.
1

1 ' •
-. répressives; articulation entre refoulement primaire et secondaire
l
1'
(nous avons nous-même suivi ce fil conducteur dans notre analyse
du concept de refoulement). Son travail principal consiste à établir
1
r •
la corrélation entre ce langage théorique et un langage d'observa-
tion auquel le premier se relierait par le moyen de règles de corres- .
1 •
'
pondance et de définitions coordinatrices ou opératoires. Le conflit

de la pulsion et du contre-investissement, dont refoulement et
défense sont les manifestations, correspondrait ainsi au concept j
1 1 •• physique non observable de « vibrations atomiques dans les solides • :
1
. ou de u vitesse des mouvements moléculaires désordonnés dans les

'
l •
liquides et les gaz », dont la température est la manifestation. Au
plan du langage d'observation, symptômes, signes « distordus •
..' •
'
et u éloignés » (rêves, fantasmes, jeux de mots, etc.), inhibitions :
la
1
• diverses dans les affects ou la conduite, résistance dans la situation
l'
thérapeutique, seraient comparables aux « indicateurs >> subjectifs
et objectifs de la température; enfin les techniques spécifiques
par lesquelles on quantifie ces indicateurs en physique auraient
leur correspondant dans les aspects quantifiables du comportement !

• de résistance {période de silence dans les associations libres, alté· !


.• rations du texte du rêve d'un récit à l'autre). Madison estime q~e

'
t
les diverses manifes~tions du refoulement se prêtent auss~ facl· l
l~ment à une traductton en langage d'observation que les mamfesta· ,
l
. ttons de la température, à condition de subdiviser correctement {
••
.1• les formes ~e résistance adoptées comme u indicateurs ,, de refo~· ~
' lement {réststance de refoulement résistance de transfert, résiS· ).
1
tance par gain secondaire de la mal~die résistance de l'inconscien~ .
t
1 résistance ~ar sentim~nt de. culpabilité}. • ·
te Le .travatl de ~~dtSo~ diffère de toutes les entreprises de r~for !
mulatton en ce qu tl se s1tue vraiment au plan du travail analyuque
(
1
• l
.! '
'
b t8. P~ter Madison, Freud's concept of repression and defenst, its theorttital ~
l'•·.•

0
serv at~onal languat;e, Minnesota University Press, 1961. Cf. ci-dessus, P· 141' i
\
n . S8, 1 exposé succsnet de l'ouvrage. {
J

1
.f
!•
.•
'•
'
'

1 1

!
• ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE
1
• l

fois pour p~r le ~hoix.de ces «indi~teurs» de r~foul~ment: résistance, procédés l


1
1
: freudien • defenstfs dtvers (amnéSie, conversiOn, 1solement, etc.), inhibition 1

'
le propos d'affects et de comportement, degrés de distorsion ou d'éloignement .
1
1

l''epreuve des rejetons de l'inconscient. Pour tous ces« indicateurs » correcte- •

Madison ment subdivisés, Madison propose des procédures qu~ntitatives


es défini- appropriées. Il peut conclure que « le refoulement est mesurable
: et refou- 1 en prin~!pe, sinon pour l'ins~nt en fait, faute des techniques
i échoue· appropriees 10 )); la seule précautton à observer est de ne pas sortir
1 et non' 1 de la situation thérapeutique, la situation expérimentale ne pou-
econdaire vant jamais produire artificiellement l'équivalent du refoulement
~e analyse des motifs archaïques ou des motifs ayant un lien d'association
! à établir étroit avec ceux-ci. Mais Madison accorde que quelques parties
' de la théorie du refoulement ne peuvent être ni observées ni mesu-
l'observa- •
:le corres- ' rées : il cite le refoulement infantile, le traumatisme de castration
Le conflit et l'expression des pulsions dans le rêve; ces processus relèvent
.ement et de l'hypothèse, non de l'observation; c'était déjà le cas, par exemple,

l concept 1
de l'équation posée par Freud entre la peur du petit Hans d'être 1

s solides• ' mordu par des chevaux et la peur de castration : u Dans la mesure
où les analy~tes infèrent seulement le complexe d'Œdipe sur une
s dans les 1

'1
telle base symbolique, il ne peut être énoncé en tenne d'observation
ation. Au
et par conséquent n'est pas mesurable en principe 20• » Et plus
stordus • loin : « Le traumatisme de castration n'est pas observable, s'il est
l
.r
1hibitions vrai qu'il est toujours inféré sur une base symbolique ou sur toute '
• •
sttuat1on autre base indirecte, laquelle à son tour dépend d'hypothèses
subjectifs • théoriques ultérieures, impliquées dans les diverses règles de
:lécifiques • traduction de Freud 21. »Par règles de traduction l'auteur entend
; auraient le symbolisme et, en général, tous les mécanismes du travail ~e
•ortement 1! rêve. Cette limite que Madison aperçoit nous ramène en réahté
,res, alté· 1•• au problème de l'interprétation. Or celui-ci n'intervient pas seu-
;time que 11 lement dans les cas où l'on ne peut ni observer ni mesurer; elle
ussi faci· couvre la totalité du domaine considéré, dont seulement une partie
!lanifesta· peut être traduite en langage d'observation. A~ssi bien.le compl~xe
·ectement
j d'Œdipe est tellement central dans la théone freudienne qu on
,. l
de refou· peut difficilement le tenir pour un segment non observable et ~on
l
~rt, resJS· 1 mesurable de la théorie du refoulement, sans mettre en questton
:onscient, l ce que Madison doit finalement appeler le « dogmatisme de Freud
'
1
1
concernant la sexualité u ». Aussi bien Madison ne pense pouvoir
de refor· !• 1

nalytique
19. Ibid., p. 190.
ao. Ibid.
oretital (J1'ti a x. Ibid., p . 19:t,
aa. Ibid., p. 191. •
sus, P· r-+'•
l 349
1
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• 1 DIALECTIQUE
1
i

1
l
sauver une partie importante du système freudien qu'à la condition
•. de disjoindre la sexualité réelle, qui est un motif justiciable de
l •

l'observation, de la sexualité qui ne peut être qu'alléguée dans le
.'
•1 •
t
1

cadre des règles freudiennes de traduction et qui n'est pas justi-
1' ' ciable d'un langage d'observation. Qui ne voit que cette distinc-
.•• tion de la sexualité observée et de la sexualité interprétée est la ruine
1; même du freudisme? Aussi intéressante donc que soit l'entre-
•• prise de Madison, aussi sérieuse surtout que soit sa lecture de
• •
1 Freud et sa transcription partielle en langage d'observation, son
1• livre souligne l'impuissance de la psychologie d'inspiration posi-
1
1 ' •
• tiviste à fournir un équivalent des rapports de signifiant à signifié
..'•• qui rangent la psychanalyse parmi les sciences herméneutiques.
1

1 .•
r
:

1 . • 2. QUE LA PSYCHANALYSE

N'EST PAS UNE SCIENCE D'OBSERVATION
l
1
• •'
1
. •• • •

11.. ' Reprenons en ordre inverse les phases de ce procès épistémolo·
gique de la psychanalyse.
• •
a) La critique des opérationnalistes et leur exigence de refor-
L
..•
'1 mulation fournissent une bonne base de départ. . •
.,.
1

• b) C'est en découvrant pourquoi la psychanalyse ne peut sans-


faire à leur requête que nous pourrons ensuite comprendre quelle
1
,. subtile trahison du génie propre de la psychanalyse se dissit_llule
dans les essais de compromis avec le behaviorisme issus de l'mté-
'••

l
rieur même du mouvement psychanalytique. . •••
1 c) Enfin nous serons ramenés à la critique la plus radtcale, ,

'
• celle de la logique des sciences. Nous lui ferons l'aveu qu'.elle 1
1 demande: que la psychanalyse n'est pas une science d'observation.
' •
1• Il restera à transformer cet aveu en riposte. '

.••
i
1
1
a) Face à l' u opératümnalisme ,, 1

j •
1

'
Je ne co!lte~te pas le droit de u reformuler » la psychanalyse en j
i. ••
termes operat10nnalistes; il est inévitable et souhaitable que la '1
.
1
psychanalyse s?it confrontée avec la psychologie et avec 1~ autres .J
••
i. sc1enccs humames et que l'on tente de confirmer ou d mfirn;er ,

ses ~ésultats par ceux des autres sciences. Il faut seulement bten j
! • sav01r que cette reformulation n'est qu'une reformulation, c'est-à· J
\
J.
~.
350 •


•.a

-
~ .J ~
0

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• 1 0
0

•1 1 0
t
• l
DIALECTIQUE
T
'1
1 •

0 0
0
proposition Et; E 8 peut être erroné et vérifié par des observations
'
de fait. L'explication analytique est une autre forme d'énoncé.
E 4 , si~~ à égale distance .des éno~cés Et, Ez, E 3 ; c'est dire que lea
proposltlOns psychanalyttques dlffèrent autant de rexplication
0

causale que de la motivation alléguée ou rapportée 24• Au terme de


î ·. 1
la cure analytique l'énoncé E 4 est devenu pour le sujet un motif
allégué plausible; pour un autre sujet, qui raccepte à titre de
j: • compte rendu, il est devenu un motif rapporté plausible; pour
!
0

l'analyste, c'est seulement une histoire causale plausible, aussi


d longtemps qu'elle n'a pas été réintégrée dans le champ psycholo-
il ' 0 gique du malade; ce repérage du lieu épistémologique des propo-
:1 sitions de la psychanalyse suppose que le recours au motif reste
q irréductible à tout recours à la cause, qu'entre motif et cause la
1 différence est totale.
r 1
Je suis bien d'accord avec cette analyse: les phrases de la psycha-
1
nalyse ne se placent ni dans le discours causal des sciences de la
11

nature, ni dans le discours motivationnel de la phénoménologie.
1
0
0
1 :
Parce qu'elle porte sur une réalité psychique, elle parle de motifs
• 1• et non de causes; mais parce que le champ topique est décalé
0 0 0

'1 par rapport à toute prise de conscience, son explication ressemble •


:; 1. à une explication causale, sans jamais se confondre avec elle, sous
0

peine de réifier toutes ses notions et de mystifier l'interprétation


elle-même. On pourrait parler, si l'on veut, de motivation alléguée
ou rapportée, à condition de « déplacer ,, cette motivation dans u~ !
1

0
0

champ analogue à celui de la réalité physique. C'est ce que_fa1t '


la topi.que freudienne. Mais, si l'on ne prend pas pour base éptsté-

mologlque cette constitution mixte des énoncés de la psychanalyse, 1
r
1
0 on est condamné à l'une des trois issues suivantes, discutées par 1

les protagonistes de la controverse de Philosophy and A11alysis : 1'

Ou bien, avec A. Flew, on dénoncera une contradiction ent~e,


0 1 °
d'une part, la « pratique » freudienne qui se réfère à des motifs {
1
0
0
0
'
'
1
0
0

1
•• 24. Toulrnin, .~vec beaucoup de subtiliti et de justesse, montre qu'.o!' peut
ce~er ce quatneme type de propositions, E., par trois types proposattonne~

'
1


0
0

mtxtes. Eu, Eu, Ea, : E•• est plus proche du type c raison alléguée • (stolt
)

uascm) ; ex : 1 J.ound myse/f wishing that 1 was a/one with her; Eu est plus Pto;
••
1
che du type • raason rapportée • ( reported reason) ; ex : he behaved for the mom~
0
as thougla he hated the siglzt of /~er; Ea. est enfin plus proche du type c explicauoj
\ l
causale • ca~sal explanation! i ex : ile hehaves like th at because his fathcr o"!~n
(

to beat ham '!aolently ~ a cluld. Aucune de ces propositions n'est une propostU s
0


1
0

• p~ychanal~uque,. maas t~utes trois ce~ent le noyau : • the kenttl of Frtu~


ducoveryo u tl~ antr~ductaon of a tee/maque in whicll tl~ psycho-therapast btg•
0

1

f1 by. studymg the motaves çor ratl~r than tl~ causes of murotic behavior • (Toul·
• mm, o. c., p. 138)• 0

1

0
0

1 •
0
0

3SZ
1
/~

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOryiÉNOLOGIE

·hservationa
: d'énoncé, (par exemple, ceux d'un rituel obsessionnel), à des intentions (par
~ire que Iea exemple, d'un acte manqué), à des significations (de symptômes,
'explication de rêv~s, etc.), ,et, d'~utre part, la « théorie » freudienne, qui traite
u terme de c~. memes .Phenome~es comme des « ~técédents psychiques ,,
:t un motif qu Il faudrait découvn~ en q'!-elque terre mconnue, comme Chris-
à titre de tophe Colomb fit de 1Aménque; cette u cause réelle » des faits
réels ne peut alors conduire qu'à une a multiplication gratuite
i~ble; pour
ilble, aussi d'entités douteuses », dont le moindre tort n'est pas de concur-
re~cer les seuls faits observables et vérifiables, ceux de la physio-
' psycholo- logie.
des propo-
Ou bien on tentera de simplifier le discours analytique en le
notifreste
faisant passer tout entier du côté du motif et non de la cause 25;
!t cause la le mérite de Freud serait alors d'avoir a étendu » les notions de
motif, de désir, d'intention à deux sphères nouvelles : celle du
la psycha- non-connu par le sujet et celle du non-volontaire; mais cette
nces de la \ extension ne changerait pas le caractère foncièrement psycholo-
ménologie. gique ou mental, c'est-à-dire intentionnel, de ce cours de motiva-
de motifs tion. S'il en est ainsi, le mot inconscient doit rester adjectif, le
est décalé substantif inconscient étant seulement une expression abrégée
ressemble pour motif inconscient. C'est par un abus, que le logicien ne saurait
elle,, sous
. ratifier, que l'adjectif serait devenu le nom pour une région de
:rpretatJon · l'esprit, pour une chose réelle produisant des effets réels; il faut
n alléguée garder au contraire au mot intention son sens fort, l'intention étant
n dans un définie par la visée d'un but et la possibilité, au moins de principe,
e que fait 1 d'être portée au plan du langage; par ce côté intentionnel, les
LSe épisté· 1 notions freudiennes sont logiquement irréductibles à des !ermes
~hanalyse, i physicalistcs. Le génie de Freud est d'avoir tenu pour e~phcables
:utées par , en termes d'idées intentionnelles les phénomènes étranges JUsque-là
~ t~alysis : li' abandonnés à la physiologie. La parenté entre motivation et langage
ion entre, signifie qu'il est par principe possible d'en rendre compt~ ~vec
.e s motifs J ~cs mots; c'est ce qui distingue un agen~ r~tionnel - fût-JI ~rra­
ttonnel - des êtres non rationnels. Ausst btcn la cure analyttque
qu'on peut
j a-t-elle pour fonction d'étendre le champ de rationalité du sujet,
lositionneb 1 de remplacer la conduite impulsive par une conduite contr~lé~.
ée • (stoted S'il en est ainsi, la psychanalyse a plus de rapport avec les diSct-
t plus P~
the mommt 1
explication
fathcr ustd
25. Antony Flew, o. e. , Plli/osophy and Ana/ysû :concluant aon 411icle, A. F.
écrit : • !11y two thtst!S llatJe hecn, first, tiUJt psychoanalytie exp/anatiotr or at any
:>ropositioD rate classica/ Frcoudùm onts in the fost instanc• are • motive • and not • ca~a/ •
·of Frnltf'1 exp/atUJtiotrs · and second thal these IWO sorts of exp/anation are so radtcally
rpist btgi/IS different that• they 'are not 'rivais at al/ • (ih1d.
. , p. 148). Il c:at vnu. que, d ans JOn •
,, • (Toul· Avunt-propoa do 1954, A. F. attinuo cette opposition massive (ibid., P· 139).
• •

353

l
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.. ,. '. ..;. ._ '"·
..-· ... . .. . ' . ~
~ ., . ~
...... ,, , • • Il>
•'


1
! DIALECTIQUE 1

1
• plines historiques qui cherchent à comprendre les raisons des actio
humaines qu'avec la psychologie de comportement u. r.

'
Rien n'est plus près de ma position que cet article d'Antony
'
' '
Flew.
Ce que je lui reproche, néanmoins, c'est de manquer le caractère
spécifique du discours analytique 27 : s'il n'y a pas de traduction
possible du langage causal en langage motivationncl et vice versa,
comment rendre compte de la méprise que constitue leur mélangel
:

. '' Il semble bien que le mélange, en psychanalyse, d'une procédure

'
•'
. •
de détection (pour ne pas dire d'une manœuvre de détectiveA
d'une technique appliquée à produire des changements d'activit~
et de propositions théoriques doive exclure ce genre de dari·
.1 .. fication radicale 28• •
••
'
1 i
•"• •

•• ' •
Ou bien alors on tentera de rabattre le discours analytique du
1

! • côté des propositions empiriques. C'est la position de Peters, dans


• ' 1
la discussion de Philosophy and Analysis. On écartera d'abord
1 ' •
1 ' . comme inessentielle la différence entre motif et cause; on la traiten
1
i
! .' l comme une simple différence de degré ou de niveau de généralité 8 i
1' ; si l'on définit le motif comme une relation du type si... alors (dans .
'•. . telles circonstances, tel groupe d'individus répondra de telle
manière), et si l'on définit la cause comme une relation du type
c~d·;· parce que (le ve!re s'est cassé parce qu'on l'a fait tomber), b
difference entre mottf et cause est seulement de degré i elle ~
.1 rédu;t à celle de la loi générale et de la condition initiale, de l'exp~· ·
cat~on théorique et de l'explication historique (Popper), de l'e~pli·

cano~ systématique et de l'explication historiee-géographique


(~wm).. Or la psychanalyse, en raison de la structure co~plex~
qu on VIent de dire, comporte les deux sortes de propos1t1ons · 1

'
2 6. Dans ~on second artic:le, celui dea Minnnouz Studits (v. ci-dessus n. ~~~ i
'1 0
• • A. ~lew soultgne le caractère irr~ductiblement psychologique de termes tels.~ •
1 !f10t1{, projet, d~air, souha~t, besoin, intention; il met à part celui de sig!lificat:
•• il note à. propos de c~ demter: • The importance of titis notion has not pr~Jou~ly ti~ ,
\ Mted eatl~ _lure or an the anal;ysis controvers;y.lt would repay special exarmn:. 41 !

• for wllat u arrvolved seems to rang• through a spectrum of cases shading jro . 'tt•
l one ex~rmae, mere re/evance, through tlu general possibility of motivational •;;_. i
J pretataon, to . tlu other extreme wher• the c/aim is that the perjonnancll, dr. j
are ele?Mnts an a ful/blown language • Mt'nnesota St11dies, 1, p. 159· · "
11 2
7· A. F~~ place en _exergu~ à son article sur les Motifs et 1'/n&OtJS"tn,:ïti' !
1
••
• mot de Kria • .• There u, for 11utance, a /ack of traineJ clarifiers, wh~ ·114u '
1. prop.erl;y co-orf~tnate the variow propositions with each otlu:r or try to elttrll J
the ~natequacus of la~age in ps;ych~anal;ysis •, Minnesota Studies, I, P• JSS:
2 • petera, • Cure, Cause and Motlve •, Pltilosoph;y and A,a/;ysis, P• 148-JSO
29. eten, 0 • c., p. 151·4· Cf. G. Ryle, t.M Concept of Mind, c:hap. JV,

1
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354 '
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. 1

• ,• '\ • '
'


1

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
lS des actiorG
21
• des propositions générales, quand par exemple elle assigne un
:le d'Antony trait de caractère (l'avarice) à une constitution libidinale archaïque
(celle du stade anal); meus elle comporte aussi des propositions
r le caractère historiques quand elle procède cc détectivement ».
le traduction Ma position, dans ce débat épistémologique, est double : d'un
côté, je tiens avec Toulmin et Antony Flew, que cette réduction
t vice versa,
du motif au type d'explication inauguré par la cause formelle
ur mélangel aristotélicienne et illustré dans l'épistémologie moderne par la
te procédure notion de dépendance fonctionnelle, n'a rien à voir avec le motif
:: détectiveA entendu au sens de « raison pour 80••• » La distinction entre le
ts d'activit~ motif, au sens de u raison pour... », et Ja cause, au sens d'une relation
re de dari· entre faits observables, ne concerne aucunement le degré de géné-
• ralité des propositions. C'est la distinction, que Brentano, Dilthey,
l
Husserl avaient dans l'esprit, quand ils ont opposé la compréhen- 1
ulytique du sion du psychique ou de l'historique et l'explication de la nature; 1
!
Peters, dans cette fois le motif est du côté de 1'/zistorique, compris comme région 1.
:era d'abord d'être distincte de la u région , Nature, l'historique pouvant être 1
Jn la traitera
~énéralité tt;
lui-même considéré selon la généralité ou la singularité des séquen- ~
ces temporelles. D'autre part, l'opposition pure et simple du motif
. alors (danl et de la cause ne résout pas le problème épistémologique posé
.ra de telle · par le discours freudien : celui-ci est réglé par un type d'être hors •

ion du type série, que j'appelle sémantique du désir; c'est un discours mixte
: tomber), b qui tombe en dehors de l'alternative motif-cause. 11 ressort du
gré; elle~ moins de la discussion que le discours analytique tombe partielle-
!, de l'exp~· . ment dans le champ des concepts moti~ationne!s; cela s~ffit. pour
1 de l'expli· que la scission entre psy~hanalyse et sc1ences d observatu~n ,mter-
'
~ographique
. vienne dès le début; maiS on manque le sens de cette dttference
·e complexe initiale si on ne la porte pas a~ niveau ,même: du « ch~p »
• • •
opostuons · psychanalytique, c'est-à-dire au mvc:au de 1 expé:1en~e :maJyuque
1 dans laquelle et par laquelle cette différence est mst1tuee.
.dessus n. JI~ i
ermes tels .~ ,
=significa11 011 • b) Face awc reformulatüms internes.
DTttJiously ~
·/ examin~Jt•• ' Pourquoi maintenant, les reformulations, proposées par certains
rding fro~, ~ ~ analystes afin de satisfaire aux exigences de la théorie de la science,
1ational •11111 • ne nous' satisfont-elles pas davantage qu'elles ne satisfont les
ancll, drttJIIf• j
1 opérationnalistcs? Parce qu'elles trahissent, selon nous, l'essence
Inconsdnr,:; ! même de l'expérience analytique.
rs, wh~ . u . Comment, en effet, interviennent ce que le psychologue appelle
111
y to elrnr• J
1, p. 155· 30. Toul.m.in, Postscript (1954), Philosophy and Ana/ysis, p. 155·6•
• , 4S-r5o·
;>. JV,
355

'

' . .' ... .


'.....
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'•
1
r ·( 1
1. •
DIALECTIQUE
••
•) •
•1 ••
• 1
•• variables d'environnement dans la théorie analytique? Ce ne sont
.1 • nullement pour l'analyste des faits, tels qu'ils sont connus par 1

l'observateur extérieur; ce qui importe à l'analyste, ce sont les
dimensions de l'environnement, telles que le sujet les u croit»' ce

qui est pertinent pour lui, ce n'est pas le fait, mais le sens qu~ le
1
fait a pris dans l'histoire d'un sujet; il ne faut donc pas dire que .
: j: u la punition d'une conduite sexuelle est un fait observable qui 1
produit des changements dans l'organisme 31 >); l'objet d'étude
de l'analyste est le sens pour un sujet des mêmes événements que .
1
le psychologue considère en observateur et érige en variables
d'environnement. i
Dès lors, la conduite n'est pas non plus pour l'analyste une varia- )
ble dépendante, observable du dehors, mais l'expression des chan· 1
gements de sens de l'histoire du sujet, tels qu'ils affleurent dans ~
1 la situation analytique. On peut bien parler encore de « change·
.1 ments dans la probabilité de l'action » : à cet égard, le patient de j
.1 . •• Freud peut aussi être traité en termes de psychologie de comporte· :

• . ment; mais ce n'est pas à ce titre que les faits de conduite sont
1
1 1
• '
1 ••
•• 1
.•
pertinents pour l'analyse. Ils ne valent pas comme observables,
• 1 '

• 1 1 • mais comme signifiants pour l'histoire du désir 82• C'est précisé· i
1
.•• 31. Skinner, art. cité, Minnesota Studies, 1, p. 81. i
32. H. Hartmann est bien conscient de cette différence : c The data gathertd •
in tlu: psychoarw/ytic situation with tlu: hclp of tite psychoanulytic method are
primari/y behavioral data; and the aim is clearly the I'Xploration of human btfra· l
1

vior. Tite data arc most/y the patient's verbal behavior, but include other k~nds 1
• • of action. They include his silences, his postures and his movements in general, ~

••
more specifically his expressive movements. Whik analysis aims at an exp/ana·
tion of human bellavior, thore data, ltowever, are interpreted in analysis in ttrnU
• of mental processes, of motivatior~, of c meatting • · there is, then, a c/ear-cut ,


diJferc.nce betwe_en this approach and t~ one usually• cal/cd • bchavioristic ~· ~nd
! . • tlm difference u even more marlwd if we consider the beginnings of behatJIOTISm,
1 •
rather tira~ i.ts ':'ore . recent formulation • , in Psychoarralysis, . éd. Sidney Hoo~
1
1
P· 21 : Mrus al n en tare pas les conclusions qui s'imposent, tant il est p~éoccu":
• 1
• de rémtégrer la psychanalyse dnns la psychologie générale et de recevo1r confit
l. mati?n ~cs autres formes de la psy~hologie scientifique. Or la qu~tion est d:
1 savo1r s1 ~a psy~hanalyae est une sc1ence • d'observation psychologique •· Ou
l'o~aervatao~ aoat ~ené~ • in a clinical setting • (ibid., p. 2 s), que •l'obj~t psych~

1 l~gaque • soat étu?aé .. m. a real-/ife situation » (ibid., p. 26), cela ne faat pas tl!'
différence . ess.enucllc; n.• meme que la psychanalyse découvre, par c~tte "0 ~
• des motavauons humames, des besoins et des conflits humnins • (ib1d.); pl
•• !. impo~nnt est le .fait que dans les • case histories • de Freud, l'observation et l'~la: 11
1• bora taon théorétl.que m.archcnt de pair so.ns qu'on puisse les dissocier (ibid., P• :&S9l•
•• Hartmann est baen pres d 'en énoncer la raison essentielle lorsqu'il note que e J
travail .clinique c:&t guidé pa~ des • aignes • (ibid.) : • A comitlerab/e part of psych:j i
' 1
1
analytte work ca.n be dcscrtbcd as the use of 11gns ... In titis seme one spraks ut
1
1 the psychoanalytrc method as a method of interpretation • (ibid., p . aS). On pe
1•
i
1•

'•

.
'1 •

.
1'
'•
j


l
• ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE
Ce ne sont 1
!onnus par 1 me~t. cette signification que Skinner rejette dans les ténèbres
~e sont les :
exteneures, dans le fourre-tout général des théories sur la vie

croit »; ce ~en~le et des métaphores préscientifiques 33. Or, ce sens d'une
;ens que le h1stoue n~ c:oncerne pas un stade moins avancé sur l'unique voie
du Behavtonsme : absolument parlant, il n'y a pas de u faits » en
as dire que . psychanalyse, parce qu'on n'y observe pas, mais on y interprète.
:rvable qui
. Telle .est, à mon avis, la seule réplique de l'analyste au bchavio-
et d'étude nste. S'tl accepte la méthodologie déjà constituée sur la base des
:ments que axiomes du Behaviorisme, s'il commence de formuler sa recherche
t variables · en termes de << probabilité de certaines réponses », ii est condamné

1 soit à. ~tr~ récusé .comme non scientifique 34, soit à mendier une
une varia. l réhabthtatlOn partielle au moyen de ce que Skinner appelle a le
des chan· 1 simple expédient d'une définition opérationneUe de termes ». La
Jrent dans J ligne de défense est sur les avant-postes et l'issue se décide sur la
« change· question préalable : qu'est-ce qui est pertinent en psychanalyse?
patient de Si l'on répond : la réalité humaine, en tant qu'elle peut être for-
comporte· , mulée en termes opérationnels de « conduite observable», la condam-
duite sont
>servables, alors se demander ai une investigation des notions de signe, de signal, de signe
expressif, de symbole ne romprait pas le cadre épistémologique emprunté
lt précisé· j aux sciences expérimentales de la nature. ..
.1 33· Cette fonction signifiante échoppe à l'exigence, formulée par Skinner,
de traiter le comportement conune un datum er ln • probabilité de réponse •
ata gathnt4 l comme la principale propriété quantifiable de la conduire, et d'énoncer l'appren-
method art .• tissage, ainsi que tous les autres processus, en termes de c changements de pro-
tuman btluJ· ' babilité •. Minnesota Studies, r, p . 84. C'est aussi cerre fonction qui interdit de
othu kinds i • représenter l'acte d'auto-observation dans le cadre de la science physique •
in genrral, 1 (ibid., p. Bs>.
an exp/ana· 34· Ln question de la quantification, qui fournit A Skinner un argument décisif
pour exclure la psychanalyse de la science (art. ciré p. 86), embarrasse eonsidé·
'Sis in tmru rablement Rnpnport qui, pour les raisons dites plus haut (n. s ), doit lui consacrer
a c/ear-cut
ristic •, and J
un pnrngrnphe et un chapitre dans, son ouvr?ge épistémol.ogiqu~ (J?· 38-.u.
U7-IJ2). Hapnport a bien vu que 1 obstacle n est pns fortutt, mats uent c au
~chaviorism,
manque de méthodes quantitatives appli~bles aux va~iables intra-p~ycholo­
:!ney Hook, giques • (40); mais il sc représente ce défaut co~e ~ stmple ret~rd pras par Ill
r préoccu~ p sychanalyse sur les autres sciences (.JJ). Il est vra1 qu 1! note ~nsuuc (p .. r 17 sq:)
voir contir· que la mathérnnrisution c n'est pas la mesure, que Lc~m ~t Ptagt;t ont mtrodutt
;tion est de , la topologie er In théorie des ensembles en psychologac, c est-à-dtre une m:uhé-
que •. Que mntique non métrique •. Mais il abandonne ~eue ~~ic po~r revenir a~ ~~r~ctère
•jet psycho- , qunsi quantitatif de l'investissement; ln théorie de lmvcsussemcnt, du-tl. mclut
'nit pns ~e des propositions qunsi quantitatives sous forme d 'in~çnlit~s (1~3 ) c<;>nccrnunt
cette \'Ole, l'énergie libre, liée ou neutralisée. Quant à la • qunnt•!•cauon dtmcnstonnclle •
ibid.); plUJ . (I2S-IJ2), elle ne aero possible que q~and on aura eomprts le. p~sngt; du ~ro eessus
ion er l'~la· j A la structure er en général la fo~auon des ~rruc~ur~ : • 11t~s cfarijicatwn sc't!trU
id., p. 259)i 1 to be liU! prerequisite for Jimmsronal. quantificatron m partrcultzr, and prrhap!
lote que le . even in psycho/ogy at large • (130)•• Mots un ,progr~ en cc sens présuppos~ ce ,ua
of psycho· Î est en question, à an voir qu'on pu1ss.e. ct qu on ~otve soumettre à une \'értficauon
e spraks o/ de caractùc exp~rimental Ica propoa&hona freucliennce. •
). On peut
351


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DIALECTIQUE •

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nation suit inéluctablement 85• Si on ne reconnaît pas la spécificité 1
'••
des questions de sens et de double-sens, et si on ne lie pas cette 1
question à celle de la méthode d'interprétation par laquelle cette 1
question vient au jour, la a réalité psychique » dont parle la psycha-
nalyse ne sera jamais qu'une « cause » superfétatoire, redondante l•
par rapport à ce que le behavioriste décrit très bien comme compor~ 1
tement; ce ne sera finalement qu'une « ritual form or mental 1
alchimy », selon le mot sévère de Skinner 34• C'est cette spécificité ..
.••
qu'il nous faut maintenant dégager, en nous servant des modèles
1 • par lesquels on a tenté d'assimiler la psychanalyse à une science '
1
l • expérimentale. •

Cette tentative méconnaît l'essentiel : à savoir que c'est dans le


champ de la parole que l'expérience analytique se déroule et que,
l!
1
à rintérieur de ce champ, ce qui vient au jour c'est un autre lan- '
gage, dissocié du langage commun, et qui se donne à déchiffrer
à travers ses effets de sens : symptômes, rêves, formations diverses,
etc. 87• C'est la méconnaissance de ce trait spécifique qui conduit

35. C'est pourquoi les r~pliques de Michael Scriven sont faibles (Minnesota
..1•
l

Studies, 1, p. lOS, 1 Il, us) : il importe peu que le behaviorisme ne satisfasse pu


non plus à ses propres exigences, que la psychanalyse aussi ait un contenu empi-
rique, que les propositions portant sur des • états mentaux • aient une utiliû
pratique. On se borne à lier le destin de la psychanalyse à ce qui survit de langage
• ordinaire dans le langage scientifique de la psychologie. Dans un second article
• the Experimental Investigation of Psychoanalysis •, in Psychoanalysis, ~d. Sidney
Hook, p. 252-68, Scriven est d'ailleurs beaucoup plus sévère et sceptique l
l'égard des prétentions scientifiques de la psychanalyse.
36. H . Hartmann, Psychoanalysis, éd. Sidney Hoock, p . 18-19; 24·5· ~·
• théorie •, dans une perspective empiriste, est justifiée par son caractère heuns·
tique, ou synthétique, ou par son pouvoir de mettre en relation cette branche de la
psychologie avec la médecine, la psychologie de l'enfant, l'anthropologie et let
autres sciences humaines. _
37· J. Lacan, c Fonction et champ de la parole et du langage en Psychanalyse •,
Rapport du Congrès de Rome, 1953. La Psychanalyse, 1, p . 81-166. Ma critique '
1
••
dea • refonnula~io~ • behavioristes de la psychanalyse est très proche d~ celle
que ~'on pourrlllt tuer de cet article. La critique que j'adresse, dans la sutte ~u 1
1
c?apatre: à ~ne conception qui élimine l'énergétique au ~néfice de la lingotS·
tJque m élotgne, par contre, des thèses de cet article. La littérature de langue
française concernant l'~pistémologie du freudisme est encore peu abondante;
cf. D . Lagache, l'Uni tA de la Psychologie, P. U. F., 1949; c Définition et aspects ••
de la .psychanalyse •;. Rev.Jr. de Psa, XIV,3, p. 3 8 4• 42 3 ; c Fascination de la ••
consc•~ce par .te mot •, la Paa m 1957 , p. 33 • 47 ; j. Lacan, • Propos aur la i
cauaah!~ psyc~tque •, Svol. Psychiatr., 1947, fasc. 1; • l'Instance de la lettre 1

dana 1 mconsc1ent ou la raison depuis FTeud •, La Psa, m 1957, p. 47-8•: 1
M . Greaaot: • Paych~alyse et connaiasance •, La Psa, 1956, xx, I/2, p. 9·15°• i1
S. ?Sacht, J:?e la pratique d /Q thlorie psychanalytique, P. U. F., 1950; A. Green, 1
• 1 Jnconactent et la paychanalyae françajao contemporaine •, Lu Temps Modern11•
l
l.
l
ï
.1

1
.
,,
:1
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PH~OMiNOLOGIE 'l
• 1
1
1
fi cité 1• k éliminer comme u~e anomalie la surimpression de l'herméneu-
cette tique et de l'énergéttque dans la théorie analytique.
cette '1 On peut c~rtes retrouver . <:n psychanalyse ce que Rapaport
rcha- ap~elle les pom,ts de vue e~pt.nqucs,, gestalti,stes et organismiques,
ante,
l• mats au. pnx d '!ne transcnptton qw .e n altere le sens propre. Je
1 prendra1 pour pterre de touche la not10n de u surdétermination 11·
apor-
entai 1 transcrite en langage behavioriste et causaliste, elle signifie qu'un~
fi cité • conduite peut être décrite à la fois comme une id behavror une ••
ego behavior, etc. C'est ainsi qu'elle est cr déterminée de m~ière
1

dèles •
• 1
tence 1
1
multiple 88 ». On a subrepticement éliminé la question du double- '•

• sens et on l'a transcrite en déterminations causales multiples. .;
1•
ns le Dès lors le rapprochement entre ct modèles » psychanalytiques
que, 1 et « points de vue » psychologiques, qui fait suite à l'adoption des
1
lan- 1 trois « points de vue préalables » de la psychologie scientifique, •1


iffrer souffre d'une amputation préalable, celle de la question du sens. 1

1

!rses,

Que signifie le point de vue « topique », en dehors de la recherche ,•

nduit d'un ct lieu » du sens, décentré par rapport au sens apparent? Le


problème posé par le remplissement du vœu (Wunscherfüllung)
est à cet égard exemplaire, puisque toute la théorie du processus
nesota primaire s'édifie sur sa base; or il est essentiel à cet « accomplisse-
se pas ment ,, que le fantasme ait un rapport de substitution par rapport

empt·
ut iii~
à l'objet perdu du désir; il ne serait pas un cr rejeton », ce rejeton
mgage ne serait ni u éloigné», ni ct distordu », si d'abord il n'avait un rapport
article de sens à quelque chose qui se donne comme perdu. Rêves! symp-
iidney tômes, délires, illusions relèvent dès lors d'une sémantrque et
quel d'une rhétorique, c'est-à-dire d'une fonction de. sens et. de double-
·5· La sens dont ne rendent compte ni les mod~les ru les pomts de. vue

1euns· énumérés. Parler d'une extension du pomt de vue écononuque
ede la
: et les •
1

xvm, 195, p. 365-379; W. Huber, H. Piron, ~ Verg~te, ~Psychanalyse 1einru


dyse •, tk l'homme, Bruxelles, Dessart, 1964, 1re P~e et IV ~rrtze. . •
ri tique '
1

38. c Every behavior has const:iDUS, ~nc~nscr~, ~go, id, ~per~go, realtty, ~tc.
e celle • componmts. In othtr words, ail bthavror u multrply tktenmned ( oontût~ma­
.ite du 1 tion). Since behavior ;1 a/ways multrfaceted ( aruf even tM. apparent absence of
nguts·
• 1
certain facets of it requires explanation), the concepllon of multrp~e (or (I(Jtr·) tûtn-
langue minatiorr may be regardtd as a purely fo""'!l co"!ttlfl~1Jet of t!us rnethod of conc~
;lance; • tualisation... Overdctermination. to my mmd'. "'!pires precuely such a ~cie f
.specta 1 independance and sufficieney of cawes, an~ u ansrpara~ly comucted flllth lM
de la ••
multiple lev~ls of analysis necessitated by thu state of tif!arrs. • D. Rapapor:, o.•c:.,
.•• p. 83-4 . Interpr~t~e en ca termes de cauaalit~ complex~, la aurd~t~auon
sur la j

lettre perd sa ap~cificit~; est-il suffisant d'~criro . : c Acatûmrc f'Y'h?loz~s drd nol
1 dtvelop such a concept probably btcau.se tlrear rnethods of anvestrgataon tend to
47-ss. 1
~-15o; 1
exclude rather tiran t~ revcal multiple ~e~ennination •1 Dana lo meme ama,
:lrecn,
1
1
H. Hartmann, in PI)'CIUJanalysis..., p. aa; ibid., P· 43·
r/enlllt
.,1 359
,.
.

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. . ... •

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DIALECTIQUE
1
t

• 1
aux phé~omènes co~itifs (Rapaport 88), ~-'est tra~ter.par prétérition
·h ' 1

'
0

.

le probleme des relattons de sens dans 1mterpretatton analytique·
1 0
0
0

1 c'est principalement par l'absenc~. de, l'~bjet que, ce. problème d~


•r
'
0

l sens s'impose à chaque pas, qu tl s ag1sse de 1objet pulsionnel


1
J absent auquel se substitue l'idée hallucinatoire ou de la décharge

0

1
• d'affects dans le processus primaire. Quant au processus secon-
• 0

daire, le modèle jacksonien rend bien compte des faits de structu-

ration, d'autonomisation, de contrôle par contre-investissement,
:
mais non de ceci : que la maîtrise de l'objet absent et la discrimi-
'
nation même entre sa présence et son absence s'attestent dans la
1 •
naissance même du langage, en tant que le langage distingue et
1
0
0
· rapporte l'une à l'autre présence et absence. La psychanalyse n'use 1

donc pas de l'absence comme la psychologie scientifique use du 1

détour et du délai depuis Hunter et Kôhler 40 ; l'absence, pour


elle, n'est pas un aspect secondaire du comportement, c'est le lieu 0
'
l
0
même où elle séjourne. l
' Pourquoi? Parce qu'elle est elle-même un travail de parole avec
• le patient, ce que n'est aucunement la psychologie scientifique; :
0

0
..' c'est dans un champ de parole que cr l'histoire » du patient vient à 1
•1
0

0
"
'' ~ s'exprimer; dès lors son objet propre ce sont ces effets de se~s
0
0 1 0

0
1.1 0
0

- symptômes, délires, rêves, illusions - que la psychologte


0

• 0

1
lj
• • empirique ne peut considérer que comme des segments de condui~e. i
1
Pour l'analyste, c'est la conduite qui est un segment du sens. V01là
' ' 1

pourquoi objet perdu, objet substitué sont le pain quotidien d~ la l
0

'
psychanalyse; la psychologie behavioriste ne peut thémauser ,
l'absence de l'objet que comme aspect de la a variable indépe~- l
0

'.
0

1
0
0
'
dante» : il manque objectivement quelque chose du côté des stimu.h; .;
0
0


pour l'analyste, ce n'est pas un segment dans une chaîne de vana: 1
1 bles observées, mais un fragment de ce monde symbolique qw .1
1
1
0 ' affleure à l'intérieur du champ clos de la parole que l'analyse ~t 1
~ elle-mên;e ~n tant que . ta/king cure. C'est pourquoi l'obJet
absent, 1 o?Jet perdu, l'objet substitué, sont méconnus par tout~
!
'j
refo.rmulat1on ~e la métapsychologie qui ne part pas de ce qw
0

1
l
1 1
'
adv1ent ~ans 1mterlocution analytique. 1
La smte. des autres u modèles » et de leurs corresponda~ces
0

!
1
à des « pomts de we » connus de la psychologie acadénuque Î
.1 ~

39· Cette .f'onction de l'absence est sana cesse c6toy~e par D. Ropapof! dl;ll' 1
.} 1~ constructto? ~e son r:nodèle combin~. D~jà au niveau du modèle pnmlll~ J
/
1 abs;nce de 1 obJet pulstonnel est essentielle à Ja production de l'id~e halluct
natot.re ou de la d~charge affective. Rapaport, o. c., p. 71·3· . 1
1 -4°· • Here .the psyc!10logical absmce of the object plays the sanie ro14 as dl rta
l absence does an the pmnar;y nu:ukl. • (Ibid., p. 7+)
'•
1

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1.
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•• •
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1 •

V·"
' .. ..
' ' , ',
.

1
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE
•rétérition
lalytique· 1 est l'occasion d'une méconnaissance semblable aussi grave que
1 subtile. . '
hlème d~
Le cc point de vue génétique», chez Freud, même dans ses for-
>Ulsionncl
!llula.t ions les P.lus. ~cientifi9ues ou ,~cientistes, ne se dépouille
décharge
Jamais de la spéc1fi~1te q~e lUI confère 1mterprétation des fantasmes.
us secon- Certes, on peut b1en dire que u chaque conduite est une partie
••
e structu• d'une séquence h!storique »; on peut bien parler ainsi, pour rendre

:tssemen~
1 le langage analytique homogène à celui des sciences génétiques :
discrimi- à condition de ne pas oublier qu'en analyse, l'histoire réelle n'est
tt dans la elle-même qu'un indice de l'histoire figurée par le moyen de laquelle
.tingue et un sujet sc comprend; celle-ci est seule pertinente pour l'analyste.
!yse n'use 1 Quant aux u déterminants cruciaux de la conduite » que Freud
.e use du localise dans l'inconscient, la psychanalyse ne les rencontre jamais
1ce, pour que comme a représentants » de pulsions, que ceux-ci soient des
!St le lieu représentations proprement dites ou des affects, donc comme des 1

signifiants déchiffrés dans leurs rejetons plus ou moins distordus ü. ••
1
troie avec Si l'on élimine de ces déterminants cruciaux leur dimension signi-
!ntifique; fiante, on ne comprendra jamais que le principe de plaisir puisse
1t vient à interférer avec le principe de réalité; leur affrontement se fait au
; de sens niveau du fantasme; c'est en tant que le principe de plaisir déploie
ychologie ses rejetons dans les régions de la réalité que Je principe de plaisir
conduite. j joue le rôle du premier genre de connaissance chez Spinoza, le
1
:ns. Voilà rôle de « conscience fausse». La falsification, l'illusion sont possibles
ien de la i' parce que la question du plaisir est dès le début la question de la
1émauser
• vérité et de ]a non-vérité.
'
indépen· '
1 C'est bien pourquoi Je« point de vue structural» a PL! s'enchaîner
, stimuli;
l
• au u point de vue topique»; R~paport le constate; matS, comme~t

de varia- 'l
: en rendre compte, si les conflits structuraux - entre Ça, M01,
• • Surmoi - ne sont pas portés au cœur même des apports de sens
ique qw 1
• que constituent l'interdiction, le tabou, le « complexe du père •,
1alyse est
i l'objet
l qui sont d'abord des a choses entendues», des« voix»? La censure,
l dès l'Interprétation des Rêves, n'est pas autre chose qu'une rature
>ar toute•
du sens, qu'une bascule dans la région de .J'inconscient ~e ce qu'il
e ce qw
1 est interdit de maintenir dans le texte offic1el de la conscience.
1 C'est encore ce rôle du signifiant qui spé~~fie. cr le ~oint. de vue
)ndances dynamique » propre à Ia ps~chanalyse; on n mststera, Ja~a•s assez
démique 1
{ sur la différence entre besom et vœu (Wunsch}, des 1 Interpré-
J tation des Rêves; cette différence est Ia même que celle que les
3pOrt df:%1' 1
: prirnas~ J 41. D. Rapoport, porlllllt dea c unnotfceabu. • do la psych~alyse, d~clar~ ~
!c halluc•· • Whi/e other psychologies treal tl~ unnotJCt~ble an. no11 psycholol,tclfl terms (bram
fields, neural cottnectiom, etc.) psychoana/ysu cons•~t~ntly treats llm the psycholo-
as ;u real gical temu of motiwlions, affecu, tlwugllu, ttc. • •bùl., P• 89.

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r- -. --· ... ·-

J
1•
.•
1

DIALECTIQUE
'•

'
.' écrits de Métapsychologie instituent entre pulsion et représentants

• de pulsion. Si la pulsion est l'ultime origine de la conduite, ce n'est de
pas cet ultime qui concerne la psychanalyse, mais son inscription d~
'•
dans une histoire sensée et insensée qui vient se dire dans la situa- d'
• tion analytique.
Dès lors tous les échanges énergétiques placés sous le signe du d:
« point de vue économique », tout le travail de l'investissement, du de
désinvestissement, se jouent sur des représentants de pulsions et es
ne sont accessibles à l'analyse que dans la distorsion du sens. ré

L'Interprétation des Rêves est ici le guide sQ.r : son champ, c'est m
Ct
ce qu'elle appelle Traumentstellung, soit l'effet de transposition
et de distorsion qui se manifeste dans la texture du rêve, en tant ré
précisément qu'il est Wunscherjüllu1zg, remplissement de vœu. êt
m
C'est l'accomplissement fictif qui est l'effet de distorsion. C'est
dans l'effet de sens que « travaille » la distorsion, sous les espèces
du déplacement, de la condensation, de la figuration. Dès que l'on
p:•
tl•
sépare l'économique de ses expressions rhétoriques, la Métapsy· et
.• chologie systématise autre chose que ce qui advient dans l'interlo- \
dl


cution analytique; elle engendre une démonologie fantastique, si ~
ce n'est une absurde hydraulique. le
Il résulte que le divorce majeur doit être porté au niveau de la sc
notion même de u point de vue adaptatif ». Le principe de réalité le
de la psychanalyse se distingue radicalement des concepts hom~ 1':
• logues de stimuli ou d'environnement, parce que la réalité dont il d:
• est question, c'est fondamentalement la vérité d'une histoire per· d:
sonnelle dans une situation concrète. La réalité n'est pas, comme 1':
en psychologie, l'ordre des stimuli, tels que les connaît l' expéri- c'
mentateur, c'est le sens vrai que le patient doit atteindre à travers d
l'obscur dédale des fantasmes; c'est dans une conversion de sens re
• du fantastique que le réel prend sens. Ce rapport au fanwme, l'
tel qu:il se d~nne à co.m~rendre dans le champ clos de la .parole •
cl
anal.y ttque, fat~ la spé~tfictté du concept analytique de réa!1té. La d
réahté est toujours à Interpréter à travers la visée de l'objet pul· 8'•
si.o~nel, c~mme ce qui est tour à tour montré et masqué par ~ette n

••
VlSee puls10nnelle; qu'<?n .se rappelle l'application épi.stémol~g•que ' d
que Fre~d fit d.u narc1ss~me en 1917, lorsqu'il y d 1scernatt et Y. JC•
dénonçatt la réststance prmcipale à la vérité. C'est bien pourq~ol
l'épre'!ve. de la réalité, caractéristique du processus secondaire,
''
1
1
d
p
ne cou~c1de. pas exactement avec ce que la psychologie app~lle l1
:~:f,~tlon: tl faut replacer ce P,rocessus dans le cadre de la sit~au.on 1 Il
yuque, dans c~ contexte, 1 épreuve de la réalité est correlauve i q·
de la tranalaboration. du Durcharbeiten, du Working through, !
t
Jt

l

362

1
.
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1
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1 1

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE • 1

' 1
anta • •

1'est de ce travail forcé en vue du ~ens vrai, qui n'a d'équivalent que 1
: 1
1
~ ;

•t1on 1 dans la lutte pour la reconnaissance de soi qui fait la tragédie 11

.tua..

d'Œdip~, comme Fr.eu~ lui-mê!'"~ le rappelle c2• 11
l1
On d1ra que le prmc1pe de reahté trouve une assise plus ferme l
11
.
dans l'actuelle ego psyclwlogy. Mais il ne faudra jamais cesser 1
de réfléchir. S';!r les i~plica~ions de la formule de Freud : « L'ego
est un précrp1té des mvest.tssements d objets abandonnés. » Cette
référence à l'objet abandonné, c'est-à-dire au travail de deuil
introduit l'abs;nce. d~ns la constit:ut~on même de l'ego. C'est d~
cette absence mténonsée que la reahté, la dure réalité, est le cor-
rélat. La cohérence, l'autonomie structurale du moi, ne sauraient
être séparées de ce travail du deuil, sous peine de sortir du champ
même où la psychanalyse déploie son propre travail de parole.
Enfin, il paraît élémentaire de rappeler que le u point de vue
~sycho-social », qu'on a distingué du « point de vue de l'adapta-

tion», n'est pas un autre point de vue que le point de vue topique
et économique. Pourquoi? Mais parce que c'est dans la relation
duelle de la parole que tout vient à se dire. Le champ de l'analyse
est intersubjectif à partir de la situation analytique eUe-même, et
les drames passés qui viennent à se dire dans la situation analytique
sont aussi de nature intersubjective; c'est bien pourquoi d'ailleurs
le drame à dénouer pourra se transposer dans la relation duelle de
l'analyse par le biais du transfert. La possibilité du transfert réside
dans la texture intersubjective du désir et des désirs déchiffrés
dans cette situation. Sans doute faut-il reporter cette référence à
rautre jusque dans ce qui fait la différence du d~ir et du. be~oin,
c'est-à-dire dans le vœu, voire même jusque dans ce qw fatt la
différence du psychique et du biologique, c'est-à-dire dans le
représentant pulsionnel. C'est parce que le vœu est demande à
l'autre, parole adressée, allocution, qu'il pourra ren~rer d~ un
champ cr psycho-social » où il y aura des refus, des mterd1ct1ons,
des tabous, c'est-à-dire des demandes frustrées. Le passage au
symbolique est à ce carrefour, où le désir est demande et. la demande
méconnue. Tout l'Œdipe se vit et se joue dar1;5 le triangle de la
?emande, du refus et du désir blessé; langage 1~o~mulé, lan.gage
JOUé, mais petit drame signifié, où se fixent les s1grufiants maJeurs
de l'existence, que l'analyse mythifie peut-être en les nommant
phallus, père, mère, mort; mais ce sont justement les mythes struc-
42· • L'action do la pi~co n'ett autre chose qu'une RV~lation progrd'ivofaiet
aubtilement différ~c - comparable au travail de la psychanalyse .-. u dt
qu'Œdipe est lui-meme le meurtrier do Laïos, rnaia auasi le 61a do la Vlct&Dl 0 ct •
Jocaue. • G. W. n/m, p. a68; S.E. IV, p. a6a; tr. fr., p. :138 (J.f.+). '

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.., ·..' -:....•' ·...•


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1 •

1• •

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DIALBCTIQUE •
.1
'
turants dont l'articulation est la tâche propre de la psychanalyse
à distance de toute problématique de l' « adap~tion ». Ce qui est e~ au
L'
question, par le moy~n ~ême ~e cette myth1que ~aisonnée, c'est co
l'accès au discours vnu, qu1 est bien autre chose que 1 cc adaptation 1
pe
• par quoi on se h~te fort de ruiner le scand~e ~e l,a psychanaly~ l'é
et de la rendre socialement acceptable. Car, qu1 sait ou peut conduire •
m
un seul discours vrai, au regard de l'ordre établi, c'est-à-dire du de
discours idéalisé du désor~e éta?li? La question de l'adap~tion, rn
c'est celle que pose la soc1eté existante sur la base de ses 1déaux ot

réifiés, sur le fondement d'un rapport mensonger entre la pro- pc
fession idéalisée de ses croyances et la réalité effective de ses rapports 81

pratiques; cette question, la psychanalyse est décidée à la mettre ty
entre parenthèses. at:
A cet égard, la résistance des psychanalystes orthodoxes au p(
culturalisme est foncièrement juste. L'abandon de la problématique d'

pulsionnelle au bénéfice des facteurs actuels d'ajustement social, ~
=, =; ., disent-ils avec force, équivaut à consolider la censure et le surmoi. 01
Mais il faut tirer toutes les conséquences de cette opposition. La de
neutralité du psychanalyste entre la demande sociale et la demande p:
pulsionnelle est bien connue. Or, pour quelles raisons le psychana- C<
lyste ne prend-ille parti ni de la société, ni de la demande infantile le
du patient, sinon parce que son problème n'est pas celui de l'ajus- rv
tement, mais du discours vrai? Et comment l'autonomie de l'ego 1
1
~e ramènerait-elle pas aux mêmes errements que le culturalisme,
si cette autonomie n'est pas enracinée dans une problématique
du sens véridique ? l
·~
.•
' c) Face à l'épistémologie. l

• l
)
d
Nous pouvons maintenant rejoindre notre point de départ, n
l'attaque des épistémologues, tels que Ernest Nagel, contre la
1
, 1\
• •
psychanalyse. . d
f:
, Il apparaît. maintenant que cette attaque serait sans réplique! SI ~ d
1o": ~dmett:ut qu~ 1~ psychanalyse est une science d'observ~uon l d
et s1 1on meco~axt le caractère propre de la relation analytlq~e. .j n
Rep~~~ons en sens mverse les deux points de Nagel : la quesuon d
de 1 ev1dence des énoncés, du point de vue logique de la pre.uye, l (
et 1~ nature des propositions théoriques. quant à leur vérifiabthté. l e
• 81 l'o~ admet que la situation analytique est, en tant que telle, 1 t
J.rréducuble à une description d'observables il faut reprendre Ja i l
question de la validité des assertions de la psychanalyse dans un !
364 1
.1
•l

..
..l'·" !}Ji
. .1$2.
.


. •
•••
1
1
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PH~OM~OLOGIE 1
.••
yse, autre contexte que celui d'une science de fait de type naturaliste.
i
t en L'expérience analytique a beaucoup plus de ressemblance avec la 1
.
:'est compréhension historique qu'avec une explication naturelle. On •..
>n ., peut bien prendre pour pierre de touche l'exigence avancée par t•
L
.lyse l'épistémologie de faire traiter par un certain nombre de chercheurs ••
••

une indépendants un matériel standardisé de faits cliniques. Cette
:du

:lOn,
demande suppose qu'un « cas » est autre chose qu'une histoire, t
c
mais une séquence de faits susceptible d'être observée par des
1

!aUX observateurs multiples; certes, nul art d'interpréter ne serait


'
~
pra. possible, si d'un cas à un autre il n'y avait des ressemblances et
lOrts si sur ces ressemblances il n'était pas possible de discerner des
ettre types. La question est de savoir si ces types ne sont pas plus proches,
au point de vue épistémologique, des types de Max Weber qui
~

au permettent de donner à la compréhension historique le caractère ..
.tque d'intelligibilité sans lequel l'histoire ne serait pas une science. Les
lCial, types sont les instruments intellectuels d'une compréhension

mm• ordonnée à la singularité. Leur fonction est irréductible à celle
.• La des lois dans une science d'observation, bien qu'elle leur soit com-
ande parable dans son ordre propre. C'est bien parce que le typique fait
aana- comprendre en histoire, comme la régularité fait comprendre dans
1ntile les sciences naturelles, que l'on peut appeler l'histoire une science.
• 1 Mais la problématique d'une science historique ne coïncide pas
aJUS•
l'ego avec celle d'une science naturelle. La validité des interprétations
.sme, en psychanalyse appelle le même genre de questions que la validité

uque d'une interprétation historique ou exégétique. Il faut poser à
Freud les mêmes questions que celles qu'on pose à Dilthey, à
Max Weber, à Bultmann, non celles qu'on pose à un physicien
J ou à un biologiste.
j Dès lors, il est parfaitement légitime de demander à l'analyste

l de, comparer ses taux d'amélioration, à ceux _obte.nus par une
l
methode différente, ou même à ceux d une améhoratlon spontanée.
!part, Mais il faut bien comprendre qu'on demande, en même temps,
xe la 1
'' de transposer un « type historique ~ en u espèce n,aturelle. »; _ce
• faisant on oublie que le type se const1tue sur le sol d une « h1sto1re
ue, st • de cas',, et par le moyen d'une interprétation instituée: chaque fois
• '
rauon ! dans une situation analytique originale. Encore une fo1s, la psycha-
tique. nalyse, pas plus que l'exégèse, ne peut élu~er la quest.ion de .v~li~ité
!$UOD

·l de ses interprétations; ni même c~~l~ d ~ne cer~ame J?redictlof!
·euve, l1 (quelle est, par exemple, la probabd1te gu un paue~t ~01t a~cepte
bilité. j• en cure, ensuite qu'il puisse être effectivement s01g~e ~); !1 faut
telle, 1 bien que la comparaison entre dans le champ de cons1derat1~n de
:Ire la ~ l'analyste; mais c'est précisément comme un problème de sctence
os un i
·!
.1
•l


1

DIALBCTIQUB

historique, et non de science naturelle, qu'elle le rencontre et ' no·
qu'elle le pose. an:
Ces remarques sur la validation de l'interprétation nous per... r. Cl c
mettent de reprendre dans des termes nouveaux la question préala... 1' ser
1
ble de la théorie en psychanalyse. On s'égare entièrement si on an:
pose la question dans le cadre d'une science de faits ou d'obser- mt
vation. Il est bien vrai qu'une théorie en général doit satisfaire à de
des règles de déductibilité, indépendantes du mode de vérification, l'e:
et à des règles de transformation qui lui permettent d'entrer dans \ hé!
un champ quelconque de vérification. Mais, autre chose est de se de
prêter à une vérification empirique, autre chose de rendre possible J hu
une interprétation historique. C'est à titre de conditions de possi· ( apJ
bilité de l'expérience analytique, en tant que celle-ci se déploie 1 Ht
dans le champ de la parole, que les concepts de l'analyse doivent 1 Po
être jugés. Ce n'est donc pas à la théorie des gènes ou des gaz au:

qu'il faut comparer la théorie analytique, mais à une théorie de la pre
motivation historique. Ce qui la spécifie parmi d'autres types de la ma

motivation historique, c'est qu'elle limite son investigation à la c1e
1
sémantique du désir. En ce sens, la théorie détermine, c'est-à-dire COl
à la fois ouvre et délimite, le point de vue psychanalytique sur de
l'homme; je veux dire par là que la théorie psychanalytique a pour l'ii
fonction de placer dans la région du désir le travail de l'interpré- d'a
tation. En ce sens, elle fonde et, à la fois, elle limite tous les concepts , .
dit
déterminés qui apparaissent en ce champ. On peut donc parler, 801
si on veut, de u déduction », mais en un sens cc transcendantal » •' log
et non en un sens « formel »; la déduction, ici, concerne ce que .1
Kant appelle la quaestio juris; les concepts de la théorie analytique . .
sont les notions qu'il faut élaborer pour que l'on puisse ordonner { lys
et systématiser l'expérience analytique; je les appellerai les condi- )
1 ph
1 de
tions de possibilité d'une sémantique du désir. C'est à ce titre qu'ils ••
.
peuvent et doivent être critiqués, perfectionnés, voire récusés, CCI
mais non en tant que concepts théoriques d'une science d'obser- de

vauon. COl

• de

IDJ:
3· APPROCHE PHÉNOMÉNOLOGIQUE •' m~
DU CHAMP PSYCHANALYTIQUE
va
les

La discussion qui précède nous incline à chercher du côté de la aer


phénoménologie husserlienne le support épistémologique que n'a qu
pu nous donner une logique des sciences d'observation. Cette •
cre

J66 •

A.\«: , ;s a

• BNTRB PSYCHOLOGIE RT PHÉNOMÉNOLOGIE

nouve!le critiq~e ne conc;~e plus les. r~ultats de l'expérience


• analyttque, ma1s ses. conditions de posstbthté, la constitution du .•
••
(1
• « champ psychanalytique ». Ce que nous cherchons à déduire au
1
1 sens q~i vient d' êtr:e dit, ce sont les concepts sans quoi l' expéri~nce
••
1
analyttque ne sera1t pas pensable. Il ne s'agit donc pas de refor-
muler la théorie, c'est-à-dire de la transcrire dans un autre système
~e r~f~rence, mai~ d'approcher les c?ncepts fondamentaux de
1expenence analyttque par le moyen dune autre expérience déli-
\ bérement philosophique et réflexive. Nous irons à la rencontre
i des concepts freudiens avec les ressources de la phénoménologie •
! l
1 husserlienne. Nulle philosophie réflexive, en effet, ne s'est autant 1

( approchée de l'inconscient freudien que la phénoménologie de !
1
1 Husserl et de certains de ses disciples, principalement Merleau- •
1
l Ponty et de Waelhens. Pour le dire dès maintenant, cette tentative

!
1
aussi doit échouer. Mais cet échec n'a pas le même sens que le '
1
précédent. Il ne s'agit pas d'une méprise, d'une méconnaissance, J

mais d'une approximation véritable, qui serre au plus près l'incons-


l'
cient freudien et finalement le manque, n'en donnant qu'une i
compréhension à la limite d'elle-même. C'est en prenant conscience 1
1

de l'écart qui sépare l'inconscient selon la phénoménologie et '


l
••
l'inconscient freudien que nous saisirons, par une méthode
d'approximation et de différence, la spécificité des concepts freu-
diens. Si la réflexion ne peut tirer d'elle-même l'intelligence de
son archéologie, il lui faut un autre discours pour dire cette archéo·
•• logie.

.
j

. I.Ce qui d'emblée tourne la phénoménologie vers la psychana-


{ lyse, avant toute élaboration d'un thème déterminé, c'est l'~cte
1
1 philosophique qui l'inaugure et que _Husserl place sous le tttre
1 de la u réduction ». La phénoménologie commence par un dépla-
••
.
cement méthodologique qui déjà fait comprendre quelque chose
de ce déplacement, de ce décentrement du sens par rapport à la

consctence. .
La réduction, en effet, a quelque chos~ à Y<!ir avec .la dépossession
de la conscience immédiate, en tant qu <!ngme et h~u du sens; la
1

mise entre crochets, la suspension dont il est quest10n en phéno-


•' ménologie ne concerne pas seulement le « tout naturel », le 1 ça
) va de soi' n ( Selbstverstandl!chkeit). de l'apparence des choses,
lesquelles soudain cessent d appa:mtre comme un bloc de pr~

'

sence, d'être là, d'être sous la mrun, avec un sens arrêté, e~·SOJ,

1
qu'on aurait seulement à trouver. Dan~ la m~ure où ~a consctence
croit savoir l'être-là du monde, elle cro1t auss1 se savo1r elle-même.
••

l
l
-~---
• 1
• 1

'
1
DIALECTIQUE (

Bien plus, à ce soi-disant savoir de la conscience immédiate appar- •



tient aussi un pseudo-savoir de l'inconscient, celui-là même que 1 1
Freud vise au début de l'essai sur I'Inconsct'ent et que nous 1• (
rattachons volontiers à l'expérience du sommeil ou de l'évanouis- c
sement, à la disparition et à la réapparition du souvenir, ou au f '
J
contraire à la violence soudaine des passions. Cette conscience •
1

1
immédiate est déposée avec l'attitude naturelle. C'est donc par une (
•'1
humiliation, une blessure de ce savoir de la conscience immédiate, (
que la phénoménologie commence. Aussi bien le savoir laborieux (

de soi-même qu'elle articule atteste que la première vérité est (
aussi la dernière connue; si le cogito est le point de départ, on n'a .•
jamais fini d'atteindre le point de départ; on n'en part pas, on y
vient; toute la phénoménologie est une marche vers le point de J
départ. En dissociant ainsi le commencement vrai du commen- l
cement réel ou attitude naturelle, la phénoménologie rend manifeste t
la méconnaissance de soi inhérente à la conscience immédiate. (
C'est cette méconnaissance qu'atteste la déclaration de Husserl e
dans les Méditatians cartésiennes, au paragraphe 9 : « Dans une ~
évidence l'adéquation et l'apodicticité ne vont pas nécessairement 1·
de pair. » Certes, un noyau d'expérience originaire est présupposé I.
par la phénoménologie; c'est ce qui en fait une discipline réflexive; (

sans la présupposition d'un tel noyau - « la présence vivante de t.


soi à soi-même » (die lehendige Selhstgegenwart) - il n'est 0
pas de phénoménologie; c'est pourquoi aussi la phénoménologie é
n'est pas la psychanalyse. Mais au-delà de ce noyau s'étend un Il
horizon du « proprement non-expérienciel ,, ( eingentlich nicht b

erfalzren}, un horizon du « nécessairement co-visé » (notwendig 11
mitgemeint). C'est cet implicite qui permet d'appliquer au e
cogito lui-même la critique d'évidence appliquée auparavant l•
à la chose 43 : lui aussi est une certitude présumée; lui aussi peut (
se faire illusion sur lui-même; et nul ne sait jusqu'à quel point. 1
1
-43· •.11 en est de même (lihnlich also) de la certitude apodictique avec laquell~ n
l'expénence transcendantale saisit mon c je suis • transcendantal : elle aussi p
y,
comporte

la généralité

indéterminée

d'un horizon ouvert. L'être-réel du sol de • •' Cl
connarssance, qu1 en so1 est le premier est donc bien établi absolument; ma1s
non point d'emblée ce qui détermine plu~ exactement son être et qui, durant l'évi· e1
den ce vi vante du • je suis •, n'estsoi-même pas encore donn~, mais seulement ~ré·
sumé. Cette présomption, co-impliquée dans l'évidence apodictique, requrert
'
.•
1' la
fi:
donc, quant à la possibilité de son remplissement, une critique de sa portée, 1 IJ
susceptible de la lim iter apodictiquement. Jusqu'à quel point l'l'go transcendantal .!
1 d·
peut-il se faire illusion sur lui-même (sich ilbt!r sich selbst tliuschcn), et jusqu'oll ! 1-l
s'étendent lea composantes absolument indubitables en dépit de cette illusion •
1 L

possible 1 • Méditations cartésiennes, § 9· t
\
•••


f
-.... ,-- ---- ,
1
.'
1'
'
1
1

1
• .••
ENTRB PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE •
1

r
lr- La certitude résolue du cr je suis » enveloppe la question non réso- 1
ue lue de ~'étendue possible de l'illusion sur soi-même. C'est dans 1
1
•US
• ce~te fatlle, da~ ~7tte no~-coi!lcidence entre la certitude du u je 1

lS- su1s. ,, et la po~.s1b1hté .de llllusxon su.r soi! qu'une certaine problé-
au matique de 1 mconsc1~nt va pouvmr s'msérer. Mais, en même
• 1
tee 1
t~mps, nous en conna1~sons ~e style propre. La première incons-
1

ne •
••t cten~e que la J?hénome~olog.te. révèle es~ celle de l'implicite, du 1

te, co-v1sé: le modele de cet lmphclte- ou Irueux du u co-impliqué,-
ux • c'est dans une phénoménologie de la perception qu'il faut le cher-
est cher.
1'a

LY 2. Un second pas en direction de l'inconscient freudien est
de représenté par l'idée même d'intentionalité, idée tour à tour
:n- banale et impénétrable. L'intentionalité concerne notre médita-
ste tion sur l'inconscient en ceci que la conscience est d'abord visée
de l'autre, et non présence à soi, possession de soi. Vouée à l'autre,
erl elle ne se sait pas d'abord visante. L'inconscience qui s'attache
.ne à cet éclatement hors de soi est celle de l'irréfléchi; dès ldeen I,
:nt le cogito apparaît comme a vie", : il est opéré avant même d'être
>sé proféré, irréfléchi avant d'être réfléchi. Plus fortement, à l'époque
1e; de la Krisis, l'intentionalité en exercice (die fungierende lnten-
de tionalitiit) déborde l'intentionalité thématique, celle qui sait son
est objet et se sait sur son objet; la première ne peut jamais être
=>'l•e
~
égalée par la seconde; toujours un sens en acte devance le mouve-
un ment réflexif, sans que celui-ci puisse jamais le rattraper. L'impossi-
:lzt bilité de la réflexion totale, donc l'impossibilité du savoir absolu
iig hégélien, donc la finitude de ~a réflexion, co~me l'on~. d~d~it ~ink
au et de Waelhens «6 sont inscntes dans ce prJmat de 1uretlechJ sur
mt le réfléchi, de l'opéré sur le proféré, de l'effectif sur le thématique.
mt Cette inscience propre à l'irréfléchi marque un degré nouveau
nt.
t 44· c Tant que je suis engag~ dana la vie natureUe (im nat~rlichnr Dallinkbm!,
::Ile ma vie prend sans cesse cttte jonM fondamentale tù toute vre • act~~l/e •, que J.e
JSSl
• puisse ou non l'~noncer (aussagm), que je puisse ou non ~tre dtng~ • réfJext-
de vement • vers le 1 moi • et le c cogitare •. Si telle est ma conscience, nous. sommd!
• en face d'un nouveau c Cogito • de natu~e vi~an~e, qui de son côté est IJ'rifi~clü
l81S
.
:Vl•
. et pour moi par cons ~qucnt n'a pas qualité d o.b~et. • /dun_ l, § 28.
·r~·
.J 45. E. Fink, Appendice XXI au § 46 de la Kns~ (Hrus~/wnl! ~· P· .413·5>·. Sur
1
iert 1 la différence du 1 thématique , et de l' • op~ratotre • et 1 • actJvJté.phllosophlQUO
finie • cf E Fink 1 les Concepts opératoires dans Jo phénoménologie de Husserl '•
tée, 1 llusse~/, ~ Cahie,.; de Royaumont •, .ed. de M!nuit, 1959, P· 214-24~: tgale~ent:
ltal 1
'oil
1 de Waelhens, • Réflexions sur une probl~mauque husserhennc de llflcon;t~~·
• ! Husserl et Hegel •, Edmund Husserl, 18.5!)-19.59, PJu.twmnw/olflca, lJ •
tOP
! La Haye, 1959, p. aaz·aJ8. '
1
1
l


,
4

.. • • f •
.
' 1 • ""i ' • ••
'

DIALECTIQUE ..
. .1
vers l'inconscient freudien; il signifie que le « co-impliqué », le •

c co-visé » ne peut entièrement accéder à la transparence de la cons-


cience en raison même de la texture de l'acte de conscience, à r
1

savoir l'invincible inscience de soi de l'intentionalité en exercice.


Les corollaires de ce second théorème sont les suivants : il est J•

d'abord possible de définir directement le psychisme sans recourir 1

1
à la conscience de soi, par la seule visée de quelque chose ou sens. ./
Or, on l'a dit, toute la découverte de Freud est contenue là : « le
psychique se définit par le sens et ce sens est dynamique et histo-

rique 46• » Husserl et Freud apparaissent comme les deux héritiers r
1

du même Brentano qui les eut tous deux pour élèves. 1


Il est ensuite possible de dissocier le rapport effectivement vécu
de sa réfraction dans la représentation; c'est dans une philosophie 1 j
de la conscience immédiate que le sujet est d'abord sujet connais- r
sant, c'est-à-dire, finalement, regard posé sur un spectacle; en effet 1

le spectacle est en même temps mirage de soi dans le miroir des • l

choses; il y a solidarité entre le primat de la conscience de soi et • . 1

.
le primat de la représentation; c'est en se faisant représentation 1
1
que le rapport au monde se fait savoir de soi. La phénoménologie
• t
doit ainsi agrandir la brèche ouverte par Husserl lui-même dans la ••

vénérable tradition du sujet connaissant (bien que Husserl ait •.
personnellement maintenu le primat des actes objectivants sur la
•.
saisie des prédicats affectifs, pratiques, axiologiques des choses du .
monde). La possibilité que l'homme soit d'abord << souci auprès -
des choses », « appétition », désir et quête de satisfaction, cette i
possibilité est de nouveau ouverte, dès lors que le psychique ne se ~
définit plus par la conscience, ni le rapport effectivement vécu
1•
" (

(

par la représentation.
Autre conséquence du primat de l'intentionnel sur le réflexif : c

la dynamique du sens opéré (en exercice ou à l'œuvre) est plus 1
J J
originaire que la statique du sens proféré ou représenté. Ici )
c
encore, Husserl ouvre la voie à ses successeurs de langue fran-
çaise en introduisant, dans la Quatrième Méditation Cartésimne,
. ..i . (
le problème de la « genèse passive » du sens; Husserl accède à ce •
f
problème tout à fait nouveau par le détour d'une question préa-
lable : comment une diversité de vécus sont-ils cc compossibles • .» f
I
dans un même Ego ? Ce sont les cc lois essentielles de la compossl- p
bilité" » qui règlent tous les problèmes de Generis dans la sphère e

46. Vergote, • L'in~ret philosophique de la psychanalyse freudienne •, ArchifJll 1


de Philosophie, janv.-f~vr. 1958, p. 38.
47· § 37·

370
'
' •

.•
. .1 ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMRNOLOGŒ

le de l'Ego; la form~ de compossibilité, pour un Ego, c'est en effet
.s- le temps; non ~omt le teJ?p~ du monde, mais la temporalité par
à '
r laquelle une sutte de cogztatzones forme une suite, un enchaîne-
:e. ment; la genèse en phénoménologie désigne donc une manière

J
•1 d'op~rer la liaison ei?-tre les ~verses dime!lsions du flux temporel,
nr passe, présent, avem~ : .« L Ego se. constitue pour lui-même, en
18. ·1' quelque sorte, dans 1umté d'une histoire. D •
le 1 C'est ici qu'intervient l'idée de « genèse passive » qui, d'une •

o- 1• nouvelle façon, « indique vers >> l'inconscient freudien. Dans la
:rs 1
1 genèse active, << le moi intervient comme engendrant, créant et
l constituant, à l'aide d'actes spécifiques du moi ». Cette praxis est
cu à l'œuvre dans la raison logique, en ce sens que les objets logiques

ue sont aussi les << produits » (Erzeugnisse) d'opérations telles que

IS· nombrer, prédiquer, conclure, etc., ce qui permet de tenir l'en-soi
:et 1' . de ces objets comme le vis-à-vis d'une opération << habituelle »;

.es l'en-soi est un <<acquis », maintenu et possédé, mais qui peut aussi
J•
et être << re-produit >> dans une opération nouvelle. Or, remarque Hus-
on serl, «la construction par l'activité présuppose toujours et néces- •

tte sairement comme couche inférieure une passivité qui reçoit
la ••
l'objet et le trouve tout fait~ ». Autrement dit, la reconstitution
• d'une production active se heurte (stossen wir) à une consti-
a1t
la tution préalable dans la genèse passive. Qu'est la genèse passive?
:lu •
• Husserl n'en parle guère qu'au plan de la perception; la synthèse
•• passive, c'est la chose même comme << toute faite », comme résidu
·ès
tte des apprentissages perceptifs de l'enfance; ceux-ci constituent
se l' << être affecté » du moi et la chose même est trouvée dans notre
cu champ de perception en tant que déjà bien connue. Mais la t~ace
de l'histoire n'est pas tellement effacée que la réflexion ne PUI.sse
r: expliciter les couches de signification et <<y trouver des << renvots »
·us intentionnels qui mènent à une « histoire » [antérieur~] n. Grâc~ à ces
renvois, il devient possible de remonter à la « fondauon prenuère »,
lei
.n- à l' « UrstiftUtzg ». • ..
Une confrontation avec l'exégèse freudienne des symptomes
'tt, est possible sur cette base : en effet, c'est toujours une << forme
ce ..

• finale » ( Zielform) qui renvoi~, P.ar le moyen de sa ge!l~se, : sa
propre fondation : tout connu md!que un « al?prendre on~m~l 11 •·
3 » •
Explicitation husserlienne et exe~èse freudienne . ont ~ms1 une

Sl· •
parenté incontestable. par leur onc~ta~ton ré~rcsstve. Bten plus,
~re en posant u l'association comme prmctpe uruversel de la genèse

.s. § J8.
49· Ibid.

371


'
'
..............--·--
,

DIALECTIQUB
j
passive », Husserl découvre un mode de constitution irréductible 1

à celui des objets logiques, non seulement une constitution non l
logique, mais une constitution soumise ~ des lois autres et pour- 1
tant essentielles. Que cette fameuse assoctation soit encore définie 1
dans les termes de la vieille psychologie importe peu : Husserl 1

lui-même avoue que cet ancien concept est << la déformation natu- l
raliste des concepts intentionnels et authentiques corrcspondants60 ». 1
Il en prévoit ainsi la généralisation au-delà de la sphère perceptive.
Cette compréhension, en effet, porte précisément sur notre exis-
tence, en tant que fait brut (factum) et irrationnel (i"ational) :
« mais il ne faut pas perdre de vue que ce fait (brut) lui-même,
avec son i"ationalité, est un concept structural à l'intérieur du système
de l'a priori concret » (fin du paragraphe 39). 1
N'est-ce pas à une telle explicitation d'une contingence pleine de 1
sens que la psychanalyse procède? Ne suffit-il pas d'étendre au
désir et à ses objets cette explicitation des couches de sens, cette •
recherche d'une « fondation originelle »? L'histoire de l'objet •
1
libidinal, à travers les stades de la libido, n'est-elle pas une telle •
1
explicitation, de renvoi en renvoi? L'enchaînement des signifiants, •
1



dans ce que nous avons appelé la sémantique du désir, réalise ce 1
• l
que Husserl a entrevu sous le titre vieillot de l'association, mais l
dont il a parfaitement aperçu la signification intentionnelle; bref, 1
la genèse passive, le sens qui s'accomplit sans moi, la phénomé- •'
• l
nologie en parle, mais la psychanalyse le montre 61. •
c
Dernier corollaire du théorème de l'intentionalité : la notion 1
phénoménologique de corps propre ou, dans le langage des derniers J
'
écrits de Merleau-Ponty, la notion de chair. Interrogé sur la ques- 1
(

tion de savoir comment il est possible qu'un sens existe sans être 1 (
l
conscient, le phénoménologue répond : son mode d'être est celui
du corps, qui n'est ni moi, ni chose du monde. Le phénoméno- •

logue ne dit pas que l'inconscient freudien est corps; il dit seule- • l
ment que le mode d'être du corps, en tant qu'il n'est ni représen-
tation en moi, ni chose hors de moi, est le modèle antique pour
tout inconscient concevable. Ce n'est pas la détermination vitale p
du corps, mais l'ambiguïté de son mode d'être qui est exemplaire. c
Un sens qui existe, c'est un sens pris dans un corps, c'est un compor- d
tement signifiant. p
rr
S'il en est ainsi, il est possible de reprendre de proche en proche, l'
en termes de comportement signifiant, ce qu'on a dit de la genèse d
le
so. § J8. ,,_•
51. Vergote, ibid., p. 47·
- .

372 •


l
-

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE


le 'i l du sens, de son caractère psychique, et finalement de la notion
1 même d'intentio~alité. Tout sens agi est un· sens pris dans le

1e c.orps; .toute pr~.s vouée ~u sens est une significati.on, une !nten-
1
rl tion fatte cha1r, s Il est vrat que le corps est« ce qw nous fatt être
comme étant en dehors de nous-même 62 ».
1-
». 1 Par cette thèse, la phénoménologie se tourne vers l'inconscient
e. freudien; bien plus, c'est à partir de cette interprétation du corps
l comme sens incarné, qu'il est possible de rendre compte du sens
s-
•• humain de la sexualité - du moins de la sexualité en acte· elle
consiste à nous faire exister comme corps, sans distance de 'nous
e,
à nous-même, dans une expérience d'exhaustivité toute contraire
'2t
1 à l'inexhaustivité de la perception et de la communication parlée 63.
C'est une expérience d'exhaustivité, en ce que le corps, devenant
ie 1
1 totalement manifeste, supprime toute référence à une action dans
lU
le monde. Non seulement la phénoménologie se porte ici en direc-
te
et .'• tion de la psychanalyse, mais elle lui offre un schéma satisfaisant
pour rendre compte du rapport entre la sexualité, comme mode
.le particulier, et l'existence humaine, considérée comme totalité
1
1
:s,
ce
'1 indivise. Ce rapport n'est pas de partie à tout : la sexualité n'est l

pas une fonction isolée parmi d'autres; elle affecte tout comporte-

us ment. Ce n'est pas non plus un rapport de cause à effet, car un sens '~'
.
!f, ne saurait être cause d'un sens; il ne peut y avoir, entre comporte-
é- •
; ment sexuel et comportement total, qu'une identité de style ou, ~
)
si l'on peut dire, un rapport d'homologie; la sexua.lité ~t une
>n manière particulière de vivre, un engagement total VJs-à-vJs de la
:rs ! réalité; ce mode particulier, c'est pr.écisément la maniè~e dont
deux partenaires tentent de se faire eXIster comme corps, nen que
re comme corps.

U1
o- 3· La réduction est le déplacement méthodique qui définit
e- l'attitude de la phénoménologie; l'intentionalité est son thème.
n-
ur
tle 52. De Waclhens, c Réftexio?s ~ur J~ rapports de la Ph~noménologic ct .de la
Psychanalyse •, Existence et Slgnificatl o~, Na~wclac.rt~, 1958, p. 191-2I3 • • Le
~e.
corps est cc côté de nous-même, cette dtmenston ongmellement tournée vers Je
IC• dehors, qui nous fait ~tre comme étant en dehors de nous-m~me •, p . 200••• C~ttc

proximité radicale entre les choses ~t ~oua ~c dé.vel~ppe et se fo"!1e au sel~! d .un
1e, milieu, d'un élément médiateur QUI n est nJ mot, ~~ ~hose (ou QUI est ausst b1cn
l'un et l'autre) : le corps. Qu'eUe le formule exp.lac•tem~t ou non, cette meme
:se thèse est nu fondement de toute psychanalyse ct il faut bu:n que ln phénoméno-
logie sc confronte avec elle •, ibid., p . 192. , .
SJ. On lira l'admirable texte de de Waelhcna •ur la •aualttc!, Existme1 d
lignifoation, p. ao4-211.

373
.•,


t

DIALECTIQUE ·
••

Ce thème à son tour a de multiples implications dont nous avons •

retenu les plus pertinentes à l'égard de la psychanalyse. Deux .'



1
nouvelles propositions méritent d'être mises à part; ce sont beau- 1

coup plus que de simples corollaires de la notion phénoménolo- •

gique du sens intentionnel. La première concerne les aspects dia-



lectiques du langage, la seconde ceux de l'intersubjectivité • •

A première vue la phénoménologie du langage paraît n'être •'

qu'une extension de celle de la perception; ici aussi, l'important


,
est de remonter du sens proféré au sens opéré. L'homme est
langage; dans cette conviction, la phénoménologie s'accorde avec
von Humboldt et Cassirer; mais le problème phénoménologique i
du langage commence véritablement lorsque le dire est pris au •
plan où il établit un sens, où il fait qu'un sens soit manifestement, .•1
en dehors de toute apophantique explicite, c'est-à-dire en deçà .'•
de l'énoncé ou du sens proféré; le problème que la perception
suscite, de remonter de la représentation au rapport effectivement
vécu, se renouvelle au plan du langage; il faut redécouvrir avec •

Hegel que le langage est l'être-là de l'esprit; pour la phénoménolo- .1
gie, comme pour la psychanalyse, cette « réalité du langage » n'est .'
1
rien d'autre que le sens effectué par un comportement. ..

••


Néanmoins cette extension au langage de l'analyse de la percep-
tion, comme sens à l'œuvre, ne constitue pas une simple extra- 1
polation, elle fait apparaître, par choc en retour, des traits de la ;;

perception qui ne peuvent être explicités qu'au plan des signes :1



parlés. Ce sont ces traits qui vont jeter une lumière de biais sur
l'inconscient freudien. Je les ai rassemblés sous le titre de la dialec-
1
••

tique de l'absence et de la présence. 1


Cette dialectique a au moins trois aspects. D'abord l'entrée en
• langage est globalement une manière pour l'homme de se rendre
absent aux choses et de les désigner « à vide » et, corrélativement,
de rendre les choses présentes par le vide même du signe.
Cette dialectique de présence et d'absence, propre à tous les
signes, se spécifie doublement, selon que l'on considère la parole .
1

comme acte du sujet parlant, ou la langue comme instrument de J


communication organisée à un niveau autre que la conscience et •

même que l'intention de chacun des sujets parlants. La langue a J


une manière propre d'être dialectique: chaque signe ne vise quelque .,
(
chose de la réalité que par sa position dans l'ensemble des signes;
nul signe n'est signifiant par une relation terme à terme avec une
chose correspondante; chaque signe est défini par sa différence 1
• 1
1
avec tous les autres; plus précisément, c'est en composant ensemble }

les différences phonématiques et les différences lexicales, donc en

374 •

• ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE


•l
ons ••
••
faisant jou~r la double articulation des phonèmes et des monèmes
eux que nous dtsons le monde. '
!
au- A son to~r, la mise en œuvre du langage par la parole des sujets
>lo- parlants fat~ apparaître l'a~biguïté de tous les signes; dans le
lia- langage ordmatre, chaque s1gne recèle un potentiel indéfini de

sens; un simple coup d'œil au dictionnaire révèle une sorte de
~tre glisse~ent de proche en proche, d'emp!étement sans fin sur le
ant domame sémant19ue de tous les autres s1gnes; parler, c'est insti-
est tuer un ~exte qut fonctionne comme contexte pour chaque mot;
vec le potenttel des mots les plus chargés de sens est ainsi limité et

1
1ue déterminé par le contexte, sans que le reste de la charge de sens
au ' soit pour autant aboli; seule une partie du sens est ainsi rendue
·nt, 1

• présente, par l'occultation du reste du sens possible.
eçà

ton '
••
••
Par ces trois types de dialectique de présence et d'absence, la
phé~oméno~ogie du langage se tourne vers la psychanalyse et vers
!nt son mconsc1ent.
rec • D'abord le jeu d'absence et de présence propre aux signes comme

lo- 1 tels trouve une illustration extraordinaire dans la genèse que la
1
est .
1 psychanalyse propose du signe parlé; les phénoménologues ont une
.. •
1
• tendresse particulière pour la page d' Au-delà du principe de 1

!p• • plaisir où Freud esquisse la genèse du signe à partir de la maîtrise


1'
~a- de la privation dans le jeu du fort-da. En alternant le o du fort r
la
1
et le a du da, l'enfant articule absence et présence dans un
~'
!CS Il contraste signifiant; du même coup, il ne subit plus l'absence
'
ur comme une panique massivement substituée à une présence
:c-
1
•• lourde et saturante; la privation - et donc aussi la présence -
1 ainsi dominée par le langage, est signifiée et transformée en inten-
:n tionalité· la privation de la mère devient visée de la mère M,
re L'exe~ple du fort-da n'est pas isolé : Deuil et Mélancolie
lt, nous enseigne que c'est au-delà des objets archaïques perdus que
• peut s'établir une relation à l'objet qui ne s?it pas la .simple rép~­
1 tition de la situation archaïque. Cette mamère de fa1re son deUil
es
le de l'objet rappelle l'institution du signe qui est universellement
:le renoncement à la présence brute et visée de la présence dans
et l'absence.
• Ce recours au langage renforce le parallélisme entre phénomé-
a •
nologie et psychanalyse. La dialectique de présence et d'absence,
1e ,
.=»,. •
que met en œuvre le langage, se retrouve après coup dans toutes
te 54· De Waethens, • Sur J'Inc:onacient et lm pena~e philosopruque •. Jou'!'lu tÜ
:e Bonneval sur 1'/nconscimt 1960, P· 16-2t (esemploire dac:c>'lographun.l -
le
' • Réflexions sur une probi~matiquc, huaaerJiennc de t•JnconaCJent : Husser et
n Hegel •, o.c.,p. 23a.

375

.' •

i.
\
1
~

DIALECnQUB .'

les formes de l'implicite et du co-visé, en toute expérience humaine


et à tous les niveaux. Ce faisant, le langage permet de généraliser
le modèle perceptif de l'inconscient. L'ambiguïté de la '' chose » l
devient le modèle de toute ambiguïté de la subjectivité en général
et de l'intentionalité sous toutes ses formes. 1
Bien plus, cette dialectique de présence et d'absence achève de J
faire vaciller le faux savoir initial de la conscience immédiate; 1•
désormais la question de la conscience devient aussi obscure que j'
celle de l'inconscient, pour paraphraser un texte célèbre de Platon •••

sur l'être et le non-être; la phénoménologie devient ainsi une
contestation aussi radicale que peut l'être la psychanalyse à l'égard 't '
de l'illusion du savoir immé<liat de soi-même; toute manière d'être ·l•

consciente est pour la subjectivité une manière d'être inconsciente, 1

comme toute manière d'apparaître est corrélative d'un non-appa-
raître, vojre d'un disparaître, signifiés ensemble, co-signifiés 1

dans la présomption de la chose même. C'est cette co-signification 1
.'
de l'implicite comme absence que le langage révèle, mieux sans l
doute que ne le fait une phénoménologie de la perception muette. •
' 1
Ainsi le langage rend manifeste la signification plénière du modèle ~
J
perceptif de l'inconscient pour la phénoménologie. •• t
' c
4· Le théorème du langage conçu comme dialectique de pré- • c.

sence et d'absence appelle à son tour un complément que la théorie Cl
de l'intersubjectivité nous donne : tous nos rapports au monde r·
, )

ont une constitution intersubjective. '• d


~
Que la chose perçue soit perceptible par d'autres, cela introduit • h
la référence à autrui dans la constitution même de la chose, en le
tant que chose présumée; c'est précisément l'horizon de percepti- i.: j

u
1
bilité, cet envers invisible du visible, qui renvoie à autrui. Il y a,
entre la position d'autrui comme percevant et l'admission de cet .~• te
invisible envers des choses, une relation réciproque. Tout sens a .1 gt
finalement des dimensions intersubjectives; toute « objectivité » ~ pl

est intersubjective, en tant que l'implicite est ce qu'un autre peut 1 de
expliciter. •

Ce premier recours à l'intersubjectivité paraît sans rapport lu·
avec la psychanalyse; néanmoins la liaison primitive que la phéno- •
i
pa
ménologie discerne entre l'inconscience propre à l'implicite et 1
'
tiq

l'intersubjectivité avertit assez qu'il serait vain de définir un incons- .,·~ Vlt
cient qui ne soit pas originellement impliqué dans des relations ~t
intersubjectives; cet avertissement concerne la théorie psychana-
lytique, dans la mesure où la première toP.ique, celle sur laquelle
~ n.3
s
s'est jouée son épistémologie, reste fonc1èrement solipsiste; pat ~ 1
lien




'
.,
j •

• •
1
-1
:.
~

1 ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGŒ


le
er 1 contre, la seconde topique satisfait fondamentalement à cette
» l•
requête de la phénoménologie, dans la mesure où instances et
rôles ne so~t institués que dans le champ intersubjectif. Mais
al 1 S?~~ut, ce role fondamental et absolum~~t primitif de l'intersubjec-
1 tJVlte prend tout son sens quand on 1etend aux registres autres
le J que la r.eprésentation, selon les suggestions de notre second théo-
••
'. rème. 81 le sens dont parle la phénoménologie est plus opéré que
~,

1e 1
p~o~éré, plus vécu que représenté, c'es~ dans la ~émantique du
1
n des1~ 9ue cette texture est le plus marufeste; or il apparaît que
.e
-1'
le dcs1r, comme mode d'être auprès des êtres, n'est désir humain
d '., que si la visée est non seulement désir de l'autre, mais désir de
e ·1. l'autre désir, c'est-à-dire demande. Ici se nouent tous les thèmes
.
•, •

• parcourus : sens, corps, parole, intersubjectivité.
- 1 La constitution intersubjective du désir est la vérité profonde de
s la théorie freudienne de la libido; jamais Freud, même à l'époque
l l
••
de l'Esquisse et du chapitre VII de la Traumdeutung, n'a décrit la
s pulsion hors d'un contexte intersubjectif; il n'y aurait ni refou-
•• lement, ni censure, ni accomplissement du désir sur le mode fantas-

,
~
matique, si le désir n'était en situation interhumaine; que l'autre
.
1 et les autres soient d'abord porteurs de l'interdiction, cela est
' encore une manière de dire que le désir rencontre un autre désir,
..•
• ' quoique sous la figure du désir qui se refuse; toute la dialectique •!
\

•• des rôles, selon la seconde topique, exprime l'intériorisation d'une


•• relation d'affrontement, constitutive du désir humain; Je complexe
d'Œdipe signifie fondamentalement que le désir humain est une
• histoire, que cette histoire p~se par le ~ef':s . et l'~u.miliation, qu~
le désir s'éduque à la réalite par le deplrusll' specifique que lw
inflige un autre désir qui se refuse. .
C'est à ce point précis que la confrontation, réduite à deux
termes- Husserl et Freud-, doit s'étendre à une relation trian-
gulaire : Hegel, Husserl, Freud. On l'a dit 55, Hegel paraît d'~bord
plus apte à une confrontation avec Freu~ : Je p~s~ge ~ _la con~c1ence
de soi par le doublement dans le désll' du destr, 1education du
désir dans la lutte pour la. reco~n~issance, l'inauguration ~e .c~tte
lutte dans une situation mégal1ta1re, tous ces thèmes hegchens
paraissent plus riches en analogie~ avec des. thème~. psycha~al~­
tiqucs que ne peut l'être la laboneuse théone de. 1mtersubJc~tt­
vité perceptive chez Husserl. Entre la lutte hégélienne du mrutrc

ss. Hippolyte, c Ph~nom~nologio do Hegel. et Paychanalyse •, la P_sycl~analyu,


11• 3, p. 17 sq ct us sq. De Waclhens, • Réflcxaons aur une prob16mauquo buner-
Jjenne de l'Inconscient : Husaerl et Hegel •· P· a25 aq.

3TI

1

~~
,..
1

DIALECTIQUE
•!
l

et de l'esclave et l'Œdipe des freudiens l'assonance est évidente. 1
l

Mais si cette notation est vraie en première approximation et si


la comparaison avec Hegel garde un avantage pédagogique incontes-
table, une confrontation plus fine et plus serrée révèle une parenté 1
j
.t•
plus dissimulée et peut-être plus significative. De Waelhens observe
que sur deux points fondamentaux Husserl est plus près que
.. t

Hegel, sinon de la thématique freudienne, du moins de l'intention f


it
dernière de l'analyse. Après Husserl, nous ne pouvons prétendre
à un achèvement de la constitution du sens dans un discours 1

absolu qui en aurait aboli le caractère de procès en cours; de même '


que le sens reste inachevé pour chacun, il le reste pour tous; or,
remarque de Waelhens, <<le savoir absolu est, du point de vue de
l'analyse, le non-sens 66 ». En outre, l'avance que le penseur hégé-
,1
lien, interprète omniscient, prend sur le déroulement de l'histoire ••
exemplaire de l'esprit est également exclue de l'expérience analy- .'
•1

tique: l'analyste, plus proche en cela du maieuticicn de la réflexion •


• phénoménologique, ne précède que de peu la démarche de la •
subjectivité qu'elle aide dans son entreprise de reconnaissance. •
.1
Le phénoménologue et l'analyste savent l'un et l'autre que le
dialogue est sans fin. 4'
Il n'est pas étonnant que phénoménologie et psychanalyse se
rencontrent à ce niveau : nous l'avons dit dans la discussion avec la •1
••..•
psychologie scientifique, c'est de la situation analytique elle-même,
en tant qu'elle est relation de langage, que toute discussion doit • •
partir. Le discours de l'inconscient ne devient signifiant que dans le !)

'
discours de l'analyse qui est interlocution; c'est dans la cure psycha- ,1
nalytique comme ta/king cure que devient manifeste tout 'ce •'
1
que nous avons pu dire sur le passage du désir au langage par le - l
moyen du renoncement; constitution du sujet dans la parole et
constitution du désir dans l'intersubjectivité sont un seul et même .·1
phénomène; le désir n'entre dans une histoire signifiante d'huma- .-1
••·l
nité qu'en tant « qu'elle est constituée par la parole adressée à ,
l'autre 67 ». En retour, c'est parce que le désir est désir du désir, i
'

s6. De Waelhens, • Réftexiona ••• •, p. u6. . •
57· Le déplacement de la discussion du problème de l'Inconscient sur ce!u• 1
(
du langage, puis sur celui de l'intersubjectivité, est très sensible dans Ja susto .:1
des articles de A. de Waelhens; sa dernière étude sur Ja psychanalyse, dans If~ ~• 1
Philosophie et les expériences naturelles, Nijhoff La Haye 1961, est insérée déh· ~

bérément dans le chapitre c Autrui • ( 135-167). On remarquera les pages sur le r~le ~•
de J'analyste, conçu comme le vis-à-vis qui contribue à instaurer une situa~son ••
j

de c désengagement •, d'isolement par rapport nu réel, une situation déréahséo •

danaJaquelle peuvent advenir répétition et remémoration. l,

.•
l
1

1.

,.1'•
\
1

ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGŒ
nte. l
l
:t si (

donc de_mande, donc. constitué par la parole adressée à l'autre
• • que le d1alogue analyt1que est possible; car il ne fait que transfére;
tes-
:nté ' dans le champ d'un discours déréalisé le drame du désir en tant
~rve
1
l qu'il était déjà d;ame parlé. dem~nde. Il n'est donc pas étonnant
"4 que nous r~tro~vtons da~ la relatiOn analytique tous les problèmes
que •

:10n 1t
1 de la const1t~tton du. dé~tr. Le rapport est réciproque : d'un côté
dre la stru.cture mtersu~Jectlve du déstr. rend possible l'investigation
•urs ..1• ~u déstr dans la relat!o~ d'! transfert;_ mversement, la relation analy-

:me ttque peut répéter 1 histoue du dés1r parce que ce qui vient à la
or. Ç; parole dans le champ du discours déréalisé c'est le désir en tant
de i• qu'il était originellement demande à l'autre.

gé-

>tre ,1 Au po.int où nous sommes paryenus, la ~fférence entre phéno-
lly- • '1

ménologie et psychanalyse parait évanomssante; ne visent-elles
.

1on "• pas l'une et l'autre la même chose, à savoir la constitution du sujet, •

la
~
en tant qu'être de désir, dans un discours intersubjectif authen-
tique?
.ce.
.. Considérant notre point de départ à la lumière de notre point
le
4' d'arrivée. nous comprenons mieux pourquoi les deux méthodes
étaient parallèles : réduction phénoménologique et analyse freu-
se •1
dienne sont homologues, parce qu'elles visent la même chose;
! la •

•• la réduction est comme une analyse, parce qu'elle ne vise pas à substi-
ne. .l
tuer un autre sujet au sujet de l'attitude natureJle; aucune fuite
.Olt
• • 1 '
vers un ailleurs ne l'anime; la réflexion est le sens de l'irréfléchi,
;le en tant que sens avoué, proféré; mieux: le sujet exerçant la réduc-
•j
1a- ~•• tion n'est pas un autre sujet que le sujet naturel, mais le même; en
'ce ... 1
tant que de méconnu il devient reconnu. En cela la réduction
le •• est l'homologue de l'analyse, lorsque celle-ci professe : u où était
et ça, doit advenir je,,, Mais cette homologie initiale entre les méthodes
:ne n'est comprise qu'à la fin : la phénoménologie tente d'approcher
la- l'histoire réelle du désir en quelque sorte latéralement, à partir d'un
:à modèle perceptif de l'inconscient qu'elle généralise de proche en
proche à tout sens vécu, incarné, et en même temps opéré dans
l'élément du langage; la psychanalyse plonge ~irectemtf!t dans cette
histoire du désir à la faveur de son expresston parttelle dans le
t
champ déréalisé du transfert. Mais l'une et l'autre ont même visée :
:lui

4 « le retour au discours vrai 68• »
uto .:1
la ·~
Hi~ .l
ôle ..•
:on
JéO
.• ~
• s8. De Waelhcna,lA Philosophie et ks explrimeu naturelles, p. 154-
1,
379
·'•
l

\ .. ..
• u ••

• 1'

DIALECTIQUE

4• QUE LA PSYCHANALYSE N'EST PAS


LA PHÉNOMÉNOLOGIE

Et pourtant.••
Et pourtant la phénoménologie n'est pas la psychanalyse. Aussi
infime que soit l'écart, il n'est pas nul. La phénoménologie ne
. . rattrape pas la psychanalyse mais en donne seulement, par diffé-
rence évanouissante, une sorte de compréhension à la limite •
d'elle-même.
Reprenons chacun des points de notre approximation phénomé- 1
nologique de l'inconscient freudien. ~

1. La phénoménologie est une discipline réflexive; le déplace-


ment méthodologique qu'elle met en œuvre est le déplacement ..
même de la réflexion par rapport à la conscience immédiate. La 1

psychanalyse n'est pas une discipline réflexive : le décentrement .


.~,
qu'elle opère diffère fondamentalement de la « réduction », en ce !\
qu'il est très exactement constitué par ce que Freud appelle «tech- .•
' 1' .•
1 nique analytique » et qui englobe ce que Freud place sous deux 1
. 1
.i'
'. . titres différents : la méthode d'investigation et la technique de
'
.
traitement proprement dite 69• Je dirai volontiers : l'inconscient
j

freudien, c'est ce qui est rendu accessible par la technique psycha- 1

nalytique; or cette manière d'excavation archéologique 60 ne peut j


être suppléée par aucune phénoménologie. C'est pourquoi le 4

.. .

• soupçon qu'elle professe à l'égard des illusions de la conscience
est d'une autre nature que la suspension de l'attitude naturelle 81•
l
'' Si la phénoménologie est une modification du doute cartésien
sur l'existence, la psychanalyse est une modification de la critique

59· S. Freud : Psychoanalyse und Libidotheorie, G. W. xm, p. 211 : 1 Lo


mot de psychanalyse désigne : 1. un procédé (Verfahren) d'investigation des
processus psychiques qui, autrement, resteraient inaccessibles; 2 . une méthode
de traitement ( Behat~dlungsmethode) des troubles névrotiques, fondée sur c~tte
l investigation; 3·. une série de conceptions ( Eimichten) psychologiques, ~c~u1~es

par ces deux votes, et qui ont peu à peu pria corps dana une nouvelle d1sC1phne .~
scientifique. •
6o. Vergote, art. cité, p. 28-9.
6t. Vergote, art. cité : c La liberté eat le corrélat de Parbitraire de la cons•
,~

cience • (29). Et plus loin : • La loi propre de la problématique de la Jibert~ est


de d6passer la notion première, et privative, vers Ja reconnaissance d 'une pl~­ 1~
nitude encore créatrice. Mais celle-ci suppose qu'à Ja liberté soient in~grées Ja <
détennination et la motivation • (30), ~ 1
~
i
~
1'
'.
••


•),,.
(
'
~' ~
..:·..
• • 1•
- - ...... --.... . _..... . .., ......
\ ~

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIB

spinoziste du libre ~bitre; elle commence par nier rarbitraire


apparent de la conscience, en tant qu'il méconnaît les motivations
profondes. C'est pourq~oi, alors que la phénoménologie commence
P.a~ un acte ~e « suspension n, par une Epochè qui est à la libre dispo-
.sJtton.. du su;et, la p~ychanalyse commence par une suspension du
controle de la con,s~tence, par quoi le sujet est rendu esclave égal
Aussi à son esclavage ':entable,.. pour parler en termes spinozistes; c'est

;te ne c:n partant du mveau mem~ de cet esclavage, c'est-à-dire en se
diffé- livrant ~ans :etenu~ au flux 1mp~rieux des ~otivations profondes,
limite que la SituatiOn v rate de la consctence est decouverte· la fiction de
I'.absence. de motivatio.n, à quoi la conscience suspendait son illu-
10mé- 1
ston. de .d•sposer de sot, est reconnue comme fiction; Je plein de la
~
mot1vat10n est montré à la place même du vide et de l'arbitraire

de la conscience•
place- ,. N o?s dirons assez plus loin de quelle manière ce procès de
ltUust~n ouvre! comme chez Spinoza, une nouvelle problématique

!ment
te. La de la hberté, hée non plus à l'arbitraire, mais à Ja détermination
!ment • comprise. Il importait que la différence de points de vue soit
en ce ) d'abord affirmée dans toute sa force, sur la base même de la ressem-
r tech- blance mise à jour es.
1
deux i
1

Je de ~ 2. Il n'est pas contestable que le modèle perceptif de l'incons-



sctent 1 cient, en phénoménologie, pointe vers l'inconscient analytique,
;ycha- )

: peut j 62. Dans un texte important et ~clairant sur lequel nous reviendrons longue-
• ment plus loin, • L'Inconscient, une étude psychanalytique •,Joumüs de Bonnl!fJal,
1oi le li
1960, Laplanche et Leclaire opposent les caractères de la • prise de conscience •
• l
:tence } en psychanalyse A toute interprétation phénoménologique de la conscience :
,
testen
.
!Ile &1, ••
~
• dans celle-ci fla prise de conscience en cure) il est rare et méme exceptionnel
que la découverte de l'inconscient se produise comme un phénomène situable
• • 1 dans le moment et dans Je champ d'une conscience. - Généralement il s'agit
tttque l
1 d'un travail patient, procédant du particulier au particulier, où le remaniement

: 1 Le
i
~
des perspectives se poursuit à travers des moments de conscience discontinus,
isolés, souvent fort éloignés les uns des autres, dont aucun ne se caractérise
par cette brusque reconversion de l'ensemble des significations que pourrait
on des désigner le terme de dévoilement • (p. 10). La prise de conscience diffère de
léthode toute reviviscence ou résurgence par son caractère topique : il s'agit d'un rema-
u cette niement des systèmes, visant à incorporer à • une stru~ture organisée de l'appré-

cqulSCS hension de soi qui comporte et englobe une pluralné de moments, tout un
;cipline discours cohére~t qui n'est jamais actua~isé en totalit~ • (ibid., p. 11). C'est P<?ur·
quoi nous parlerons plus loin de la p~sse de consctence co~me Durcharh~1tm,
(working tlsrough) comme translaborauon. La phénoménologie ne rend compte
a cons• que de c phénom~nea de champ •. ressortissan~ à .u~ modèle. ~ercept~f (fnan~es
erté est de l'implicité, horizon du perceptible, envers mvJsJble du. V18Jble), c est-à-d1r~
ne plé· de phénomènes à la limite du préco!'s~ient et. ~e la consaence, dont Freud, il
at vrai, • n'a gu~ro amorc6 la descr1pUon • (ibl'd., p. Ja).
1rées la

,•'

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•0



DIALEC'I'IQUE
(

pour autant que celui-ci n'est pas un réceptacle de contenus, mais


un foyer d'intentions, d'orientations-vers, bref, en tant que cet

inconscient est un sens. Ce caractère signifiant est attesté par la •
•1
••
suite des rejetons des représentations primaires et par les relations •
1
de sens à sens que ces rejetons ont entre eux et avec leur origine. •t
l
Cela reste vrai; mais l'important, pour l'analyse, c'est que ce sens
est séparé de la prise de conscience par une barre. C'est là r essentiel ••
0

de l'idée de refoulement. C'est cet essentiel que la topique repré- 1


• sente par le moyen de ses schémas auxiliaires: on passe de la phéno-
0 0
ménologie à la psychanalyse quand on comprend que la barre ••

principale sépare l'inconscient et le préconscient, et non le pré- 1


0 •

0
conscient et le conscient; remplacer la formule Cs/Pcs,lcs par la
formule Cs,Pcs/Ics, c'est passer du point de vue phénoméno- 1l
logique au point de vue topique. L'inconscient de la phénomé- 0

~
nologie, c'est le préconscient de la psychanalyse, c'est-à-dire !

$
. un inconscient descriptif et non encore topique. Que l'incons-
)
cient soit inaccessible, autrement que par une technique appropriée,
voilà ce que signifie la barre. A partir de là, tous les destins de
pulsions seront représentés par des relations d'extériorité; parmi
0
tous ces destins, c'est le refoulement que la topique est plus parti-
1 1
0
!
0 culièrement soucieuse de figurer; or le refoulement est une exclu-
••
1

sion réelle que nulle phénoménologie de l'implicite, du co-visé, ne
peut rejoindre. Ces destins ne sont certes pas étrangers à r ordre
• du psychique, de la motivation, du sens; c'est pourquoi rapproche
'!
<
'1
~
phénoménologique n'a pas été vaine; c'est bien un autre texte


0 '• que la psychanalyse décrypte, sous le texte de la conscience. La
phénoménologie fait bien comprendre que c'est un autre texte,
mais non que ce texte est autre. Le réalisme de la topique exprime
0

1 cette altérité du texte, à la limite d'une approche qui l'a révélé comme
texte.
Si je reprends la suite des corollaires du deuxième point, cette •

compréhension par passage à la limite se fait plus articulée : le o<

psychisme, disions-nous d'abord, se définit par le sens et non pas


forcément par la conscience. Comprendre cette proposition, c'est J

s'approcher de l'inconscient freudien; mais la séparation de ce
sens dont nous venons de parler n'est qu'un aspect de ce que Freud •
• 1

a appelé les u lois systémiques »; les systèmes ont une légalité


1 propre, ce que Freud exprime par la suite des caractéristiques de
• •
l'inconscient que nous avons commentées en leur temps : processus
• primaire, ignorance de la négation, absence de relation au temp~, etc.
Or cette légalité ne peut être reconstituée phénoménolog19ue-
ment, mais par la seule fréquentation que permet la techmque


:
: •

(
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÎNOMJiNOLOGIE
• ..

ffi3JS
.e cet analytique; ce n'est pas une autre conscience qu'on pourrait
>ar la penser; c'est un sens qu'on ne peut que « hanter par la pratique 63 D.
'•

ltlOnS ~
Nous di~ons encore : la ,Phénomén~logi~ fait comprendre que le
• • sens effectivement vécu d une condutte deborde la représentation
Igme. ,
•1
:sens que la conscience en prend; la phénoménologie nous prépare
entiel !• ainsi à comprendre les relations de sens entre les représentants de

·epré- l
pulsions et leurs rejetons. Mais l'éloignement et la distorsion qui
héno- >!• séparent ces rejetons de leurs racines et la dissociation entre deux
barre sortes de rejetons, les rejetons représentatifs et les rejetons affec-
•{•
pré- tifs, requièrent un instrument d'investigation que la phénoménologie
••
ne peut suppléer. La notion de représentant représentatif est
>ar la
:1éno-
.orné-
i
l•
approchée comme sens, intention, visée; et cela, la phénoménologie
le fait bien comprendre; mais il faut une autre technique pour
l-dire comprendre cet éloignement et cette dissociation qui est à la base
l
de la distorsion ·e t de la substitution qui rend méconnaissable le
cons-
., .j texte de la conscience.
pnee,
-1 On en dira autant de l'écart entre la genèse passive, au sens
ns de .J
• de Husserl, et la dynamique des pulsions que Freud déchiffre par
)arm1
. •
.j le moyen de la technique analytique. Ce n'est plus seulement le
partt- point de vue topique, mais le point de vue économique qui est
:x,elu- 1 ici en question: la notion d'investissement exprime un type d'adhé-
;e, ne
ordre ~'. 1 sion et de cohésion que nulle phénoménologie de la visée ne peut
restituer. Les métaphores énergétiques relay~nt ici 1~ lan~age
roche ~ défaillant de l'intention et du sens. En effet, m les conlhts, m les
texte 1 formations de compromis, ni les faits de dist~rsion ne peuve~t
:e. La être énoncés dans un système de référe~ce qUI ne compo~errut
texte, que des relations de sens à sens, encore moms, comme chez Poht~er,
• •
>nme de lettre à sens; la distorsion qui sépare la lettre du sens req~1ert
•mme des concepts tels que << travail de rêve », déplacemen~, condensatiOn,
dont nous avons établi la double nature herméneutique et énergé-
cette • tique; c'est la fonction de la métaphore énergétique de rendre
~ : le

" compte de la disjonction entre le sens et le sens"·
n pas
c'est 63. Vergote, o. c. , 1. l · 1 La p Jwf, 'e et
I
ie ce ' 64. G. Politzer, Criti~ des fandmenrts de ,a P_sycna agt~, • ?.'c ag•.
la psychanalyse, Rieder, 1928. Laplanche et L.eci~Jre, ~· ~ué: 1 ~) 1 mcc;ns~•ent
"reud n'est plus coextensif au manifeste comme sa slgmficatlon: 1_1 est à mterpo e~fi ans
galité ' les lacunes, du texte manifeste; b) l'inconscient est e!l relat1on av~ lee~' este~
es de non comme 1e sens avec la lettre• mais à. un meme mveau de r~allt~. ·~ est ce·qw
en
essus autorise à conc~voir un. rapport ~y~anuq~e ent::~!C:~~=~:td;;~ ;:t!'::ver
est absent et do1t >:être mterpoJ~ · c est un ~~ 1 Freud a besoin d'une scission
J, etc.
ique·
ao ~lace dans le d1scours ~· P· ?· Et tus lo~n • niveau de réalit~, qui seule lui
rod1cale entre deux domames aatu~fti un 'clume e. les phblomènes Jacunairee
1ique pennct de rendre compte du co t pay qu ..

'.,


1•

DIALBCTIQUB

Pour satisfaire à cette exigence, Freud a forgé l'idée d'une dt


énergie spécifique à chaque système, capable d'investir les repré- di
sentations. Il n'est pas niable que les difficultés qui s'attachent à
cette notion sont nombreuses et peut-être insurmontables : les
rôles assignés à cette force de cohésion ne sont pas faciles à coor- et
donner; tantôt cette énergie maintient dans l'ensemble du système n'·
les éléments isolés; tantôt elle collabore à la répression des sys- et
tèmes supérieurs par la force d'attraction exercée par le système 1·
1
le
1
inconscient déjà constitué; tantôt elle pousse à la prise de conscience én
à l'encontre de la vigilance de la censure. En outre il n'est pas facile teJ.
de concevoir les relations qu'entretient cette énergie d'investisse- ce.
ment propre à chaque système avec la libido qui, par son origine ffil'
l
organique, est neutre par rapport aux systèmes et prend place dans et
tel ou tel système selon le lieu des représentations auquel elle se mc
fixe 66• Plus que tout, ce qui est difficile à penser, c'est l'idée d'une et
« énergie qui se transforme en signification 68 ». 1 est
Rien, par conséquent, n'est acquis dans ce domaine et tout, peut- lin
être, est à refaire, avec le secours éventuellement de schémas éner- 1 no
gétiques très différents de ceux de Freud. L'essentiel, pour une en
critique philosophique, concerne ce que j'appelle le lieu de ce :i 801
le :
discours énergétique. Son lieu, me semble-t-il, est à la flexion du t

désir et du langage; c'est de ce lieu que nous essayerons de rendre 1 éc<
compte par l'idée d'une archéologie du sujet. C'est bien à la sou- ~ et .
dure du « naturel » et du c< signifiant » que la poussée de la pulsion J
est u représentée » par l'affect et l'idée; c'est pourquoi la coordi- noJ
nation du langage économique et du langage intentionnel est la qu•
faiJ
grande question de cette épistémologie et ne peut être éludée ..
rev
par réduction à l'un ou à l'autre.
C'est cette coordination que nous allons serrer de plus près en pe1
prenant pour guide les aspects linguistiques de l'inconscient. Nulle en
soli
part, en effet, phénoménologie et psychanalyse ne sont plus près l'ar
lys1
dèr
sont ici encore pos~ à l'origine de l'hypoth~se de l'Ica : mais celui-ci ne consiste
COll
pas en un sens plus compréhensif, qui permettrait de les rattacher au reste du
texte, il est au contraire une seconde structure dans laquelle ces phénomènes lacu· se<
naires trouvent leur unit~, indépendamment du reste du texte •. ibid., p. 14. d'e:
, 65. ~apl,~che . et Lcclairc ont recours à une interprétation gestaltiste de lys(
1énergte d mvestlBsement propre à chaque système : il s'agirait d'une sorte do << la
prégnance des bonnes formes en chaque système, art. cité, p. I7·I8 et 19-ao.
66. Vergote définit ainsi l'objet propre de la psychanalyse des profondeurs : qu1•
• le sena constitu~ sana liberté, par la spontan~ité des pulsions••. Pour lui la dyna· 1 6;
mique est une énergie qui sc transforme en signification.•• La force dea pulsions freu•

en lutte est le ressort d'une hiatoire significative •. art. cit6, p. 53·+
l
l
1

••

1•

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE

de se confondre; nulle part, en conséquence, l'écart entre les deux


disciplines ne sera plus significatif.

3· L'i.nc~:mscient est structu~é comme un langage, disent Lacan


et ses dtsctples : cette concept10n « linguistique » de Pinconscient
n'est-elle pas indiscernable de l'interprétation que Merleau-Ponty
et de Waelhens donne!lt du langage? Lorsque ceux-ci conçoivent
le langage comme une mstauration de sens plus primitive que toute
énonciation expresse, ne disent-ils pas la même chose que les
tenants de la conception linguistique de l'inconscient? A vrai dire
ce~le-ci ne se c~mprend qu'en couple avec les concepts écono~ . !•
mlC~ues du .freudtsme; eU~ ne remplace pas le point de vue topique
et economtque du freudtsme; en la doublant en tout point elle
montre plutôt que l'inconscient, bien que séparé par le refoule~ent
i•
~
et par les autres mécanismes qui lui donnent forme de système, ~
fi
est encore corrélatif du langage ordinaire; mais l'interprétation r
linguistique ne constitue pas une alternative à l'explication éco-
nomique; elle soustrait seulement cette dernière à la réification,
en montrant que les mécanismes justifiables de l'économique ne
sont accessibles que dans leur rapport à l'herméneutique : dire que ••
~
le refoulement est « métaphore )), ce n'est pas remplacer l'hypothèse 1(
économique, mais la doubler d'une interprétation linguistique .
et ainsi la rattacher à l'univers du sens sans l'y réduire.
Mais, avant de préciser ces rapports entre linguistique et éco-
nomique, peut-être faut-il s'entendre sur le mot linguistique,
que nous avons hésité jusqu'ici à employer toutes les fois qu'il a
fallu désigner les relations .de se~ entre symptômes, .fant~~es,
rêves idéaux et les thèmes mconsctents; le vocable de hngu1st1que
peut 'être appliqué au champ de l'analyse à con?i~ion d'être .Pris
en un sens large; il désigne alors deux aspects d1stmcts, 9u01que
solidaires, de la situation analytique : d'abord la techmque de
l'analyse se meut entièrement dans l'élément ?u la~~ge. : << L'an~­
lyste, écrit Benveniste, opère sur ~e .qu.e le s~Je~ lu1 d}t, 1l le consi-
dère dans les discours que ceiUl-Cl uent, il 1examme d~s son
comportement locutoire, << fabulateur » e~ à traver~. ces discours
se configure lentement pour lui un autr~ d1sco~~s qu JI .aura c~arge
d'expliciter celui du complexe enseveh dans 1mconsctent. Lana-
lyse prend~a donc le discours comme truchement d'un autre

qui renvoie aux structures profondes du psychiSme 1. » Il Y a donc,


<< langage » qui a ses règles, ses symboles et ~a sy~ taxe propre et

67. Benveniste, c Remorques sur la (onctio~ ?u langage dana Ja d~uverte


freudienne •• La Psychanalys~. n° '• p. 3-16; 1'bl'd•• P· 6.
-~--

• DIALECTIQUE

d'une part, des événements de parole, une locution, une inter-


locution, et, d'autre part, à travers ceux-ci, la mise à jour d'un 1
a autre discours », constitué par les relations de substitution et de
symbolisation entre les motivations rapportées à l'inconscient.
Maintenant, les lois de cet autre discours sont-elles à proprement
parler des lois linguistiques?
Il est bien difficile de faire coïncider cet autre discours avec ce
que, depuis de Saussure, nous opposons à la parole, en l'appelant
langue, selon son articulation phonématique, son articulation
sémantique et sa syntaxe.
D'abord, il n'est pas possible de faire correspondre l'absence de
logique du rêve, son ignorance du « non ,,, avec un état de langue •

réel. Freud l'a tenté une fois sans succès dans son essai sur
Les sens opposés dans les mots primitifs 68• Or il n'est pas possible
de faire coïncider l'archaïsme des procédés de distorsion et de
figuration avec une forme primitive de la langue et en général avec
une réalité chronologique quelconque; Benveniste le dit très bien : '
l'archaïque freudien « n'est tel que par rapport à ce qui le déforme
ou le refoule ». •
1 •
Même dans le cas favorable de la << négation » (Verneinung), i


discuté plus haut, l'opposition de l'affirmation et de la négation •'
ne prolonge pas la dialectique proprement libidinale d'admission
et de rejet; car la négation énoncée ne peut se référer qu'à une ~
affirmation énoncée. Le refus d'admission préalable, en quoi •
i
consiste le refoulement, est autre chose : la manière propre au ••
l
refoulement, dans le cas de la Verneinung, consiste à admettre l
intellectuellement un contenu dans la conscience, tout en le main- .'•
tenant hors de la conscience; mais ce mécanisme met en jeu une
1
1•
68. Freud, semble-t-il, a poussé la recherche dans une impasse en tentant de J
faire coïncider le caractère rlgressij du rêve, son d éni de la contradiction, avec un •
1

1 • état de langue primitif. Dans son article Ueber den Gegensinn der Urworte (Les 1.
sens opposés dans les mots primitifs, G. W. vm, p. 214-221; S.E. Xl, p. 155·161;
tr. fr., in Essais de Psychanal. Appl., p. 59-67), il invoque l'autorité de Karl i'
Abel (1884) pour confirmer le caractère régressif et archaïque du rêve par une l
propriété des langues primitives, celle d'exprimer des significations antithé·
tiques au moyen des mêmes mots. Benveniste note de manière pertinente que 1
oe qu'une langue ne distingue pas par des signes distincts n'est pas non plus pe.~s~ ••
l
comme oppo~ : • chaque langue est spécifique et configure le monde à sa man1ere j

propre • (o. c., 10). • C'est bien un dessein contradictoire que d'imputer en méme ••
temps à une langue la connaissance de deux notions en tant que contraires, et
l'expression de ces notions en tant qu'identiques •. Benveniste conclut : • Tout ]
paraît nous éloigner d'une corrélation vécue entre la logique onirique et la 1

logique d'Wle langue réelle • (o. c., p. 11). 1


l
1
• 1
1
••
·~ ·-

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE


ter-
l'un répugn.anc': à. s'identifier avec ce contenu, qui n'est pas un phéno-
mène lmgmsttque.
t de
ent. ~e n'est pas sans ra!~on ~ue Fr~!-ld ne prend pas en considé~
rat1on le lan~age lorsqu d tratte de 1 mconscient et réserve son rôle
1ent
• ~'! préco.nsc1ent et ,.au conscient. Le sig~ifiant qu'il trouve dans
c ce 1mcor:tsc1ent et 9u 11 appell; <c présentation de pulsion » (repré~
:lant sc;ntat1f ou atfectü) es~ de 1ordre de cc l'image », comme l'atteste
• d autre part la régress10n des pensées du rêve au stade fantasma-
.tlon
tique. II faut ici rapprocher plusieurs séries de notations qui restent
séparées chez Freud : la forme par laqueiie la pulsion accède au
e de psychisme s'appelle « présentation , ( Repriisentant) · c'est un
1gue
sur
facteur signifiant, mais non encore linguistique; quant la <c repré- à
sentation ,, propremen~ dite (Vorste/lung), elle n'est pas, dans sa
3ible texture spécifique, de 1ordre du langage: c'est une a représentation
t de de chose», non une« représentation de mot ll, D'autre part, dans la
avec régression onirique, la forme dans laquelle se dissout la pensée du

ten: • rêve répond au mécanisme que Freud appelle régression à la
)rme « figuration ». Enfin, lorsqu'il traite des << rejetons » substitués les

1 uns aux autres et aux représentants de pulsions et qu'il explique
'Jng), '
•' l'éloignement et la distorsion, c'est toujours pour les rattacher
• j

ltJon l
1

à l'ordre du fantasme, de l'imago, et non de la parole. Dans ces



iSlOn 1 trois occasions différentes, Freud cerne un pouvoir signifiant qui
. une s'inscrit en deçà du langage. Le processus primaire ne rencontre
quo1• l' les faits de langage que lorsque les u mots » y sont traités comme
e au 1

l
des « choses » : c'est le cas de la schizophrénie et aussi celui du
ettre 1 rêve dans ses aspects les plus cr schizophrènes se ».
• 1
lain- l •

une 69. On trouve dans J'lnurprltation tks rluu, A l'occasion de l'~tude du travail
1 de condensation et de l'interprétation du rêve de l'injection fajte à Irma, cette
l
assertion : • Le travail de condensation est le plus ais~ à saisir, quand il prend
1• pour objet des mots et des noms. Les mots, d'une manière générale, sont fr~­
mt de 1
• quemment traités par le rêve comme des chos~ et se prêtent aux mêmes comba-
tee un naisons que les représentations de choses ( Dmgvorste~lu11gen). • G. W. u/m,
e (Les
l
i• p. JOI·2; S. E. lV, p. 295-6; tt. fr., p. a66:7 (r6~); susv~nt q~elques ~em~les
;-161; de jeux de mots. Dans le chap. vu de l'~saJ sur I.Jneons_crent: c est ~a dascussaon
: Karl ~
1
de la schizophrénie (malade de Tauak) qw do~e 1 occaaton d un traJ!ement plus
lt une complet du problème : • Dans la a~hizophré~t~ les mots sont. sounus au r:n~me
1
ltithé· processus que celui qui élabore des muges onmqucs (Traumlnl~~rJ. à partir ~es
:e que 1 pensées latentes du r~ve et que noua avons appelé le processus /)rllnatre. l~s sub!'·
pens~ •• sent la condensation et transfèrent intégralement de l'un à l'~utre Jeura. tm•esus-
•• !
.amere 1 sements par Je moyen du déplacement; Je processus peut ateeandre 1~ poant où un
mérne , ' unique mot s'il est approprié en raison de ses nombreuses conneXIons, auume
res, et l.a représent'ation ( Vc•rlrelung) de toute une chaîne ~e pensées. •. GL W. Xl~
1 Tout
l p. 29?-8; s. E. XIV, p. 199: tr. fr., p. 151·:1. Et Freud &JOUte en n~te:. e trav •
. et la du rêve 1 J'occasion traite les mots comme des choses et crée amsa d~ "P~CS
j &ions • ;chizopbrènes' • ou dea néologismes tout à fait cornparablet • (JbùJ.). C •t
1
1
1
1
••
•• •

- ~--

• •
'

DIALECTIQUE

Si nous prenons le concept de linguistique strictement, en


tant que science de phénomèn~s de langage ré~lisés dans ,'!ne langue,
donc dans une langue orgamsée, le symbolisme de 1 mconscient •

n'est pas un phénomène linguistique stricto sensu : il est commun


à plusieurs cultures sans acception de langue, il présente des
• phénomène~ tels que déplac~me!lt et .condensa~ion .qui opèrent au
niveau de l'1mage et non de 1 art1culat10n phonematique ou séman-
• tique; dans la terminologie de Benveniste, les mécanismes de rêve
apparaîtront tour à tour comm~ infra-. ou supra-linguistiques;

nous dirons, quant à nous, qu Jls manifestent la confusion de •

l'infra- et du supra-linguistique; ils sont d'ordre infra-lin- .
guistique, en tant qu'ils se situent en deçà du niveau où l'éduca- '
1

tion installe le régime distinctif de la langue; ils sont d'ordre ••


.
supra-linguistique, si l'on considère que le rêve, selon une remarque •
~
de Freud lui-même, trouve sa véritable parenté dans les grandes
unités du discours, telles que proverbes, dictons, folklore, mythes; •
•.
de ce point de vue, c'est plutôt au niveau de la rhétorique que de la •
,.
linguistique qu'il faut instituer la comparaison. Or la rhétorique, •1
avec ses métaphores, ses métonymies, ses synecdoques, ses euphé- •

mismes, ses allusions, ses antiphrases, ses litotes, concerne non


j•
• des phénomènes de langue mais des procédés de la subjectivité
~
manifestés dans le discours 10•
.'
donc un processus très particulier qui assure ce que Freud appelle • la prédo-
,
.! minance du rapport verbal (Wortbcziehung) sur le rapport de chose (Sachbc-
ziehutrg) », en ce sens que la similitude des mots s' y substitue à la ressemblance l
1 1 1
f
des choses, laquelle, au contraire, l'emporte dans les névroses de transfert. Freud
en propose l'explication économique suivante : les investissements d'objet étant •
1 1

abandonnés, les investissements des représentations verbales des objets sont
seuls maintenus; cela suppose que ce qu'on appelait auparavant • représentation
d'objet » se scinde en • représentation de mot • et • représentation de chose • :
l
• Celle·ci consiste dans l'investissement, sinon d'images mnémiques directes 1
de la chose, du moins de traces mnémiques plus lointaines et dérivées des précé-
.


;
dentes. • G. \V. xm, p. 300; S. E. XIV, p. 201; tr. fr., p. 156. Freud en tire l'impor- f
tante conséquence que la • représentation inconsciente • consiste dans la • repré-


sentation de chose ( Sachvorstel/ung) seulement •. tandis que la représentation 1
consciente englobe en outre la représentation verbale; • Le système ]Cl contient

1
les investissements de chose ( Sachbesetzrmgen) des objets, qui sont les premiers .1
.
• et véritables investissements d'objets (Objektbeset::u,gcn) ; le système Pcs .~
1 prend naissance du fait que cette représentation de chose est surinvestie, en 1
vertu de sa liaison avec les représentations verbales qui leur correspondent • l

.. (Ibid. ) . Cette conjonction des deux ordres de représentations caractérise P~ 1
conséquent le Pcs; c'est déjk un acheminement vers le devenir·conscient, miUJ
seulement sa • possibilité •. 1
70. • C'est dans le style, plutôt que dans la langue, que nous verrions un
terme de comparaison avec les propriétés que Freud a décelées comme signalé· ·~
tiques du • langage onirique •, Benveniste, o. c., p. 15. 1
~

.l
l
;

i

• 1

......--
••


ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE

Certes! c'est encore réfé.rer ~es. mécanismes au langage que de les


appeler u~fra- ou .supra-lmgutsttques; c'est bien en effet en cela
que conststc 1~ JUStesse de l'interprétation linguistique; nous
sommes ~n presence de phénomènes structurés comme un lan-
gage; mats c'est à Padverbe comme qu'il importe de donner un sens
convenable.
C'est en effet dans le jeu de l'infra- et du supra-linguistique et
de lel!r confu~ion que nous al.l~ns retrouver quelque chose comme
cette mstauratton du sens, familtère à la phénoménologie.
On . peut, pour en rendre compte, partir de ceci que le désir,
?U f!Ileux le v~u (JYunsch), dévoilé par l'interprétation, n'est
Jamats pur besom, mats appel et demande, même si cet appel est
figuré par un geste 71 ; cet appel est comme un langage par son
caractère d'allocution. Ce qui fait l'écart entre vœu et besoin,
c'est l'aptitude du vœu à être dit; cette aptitude est exactement
coextensive à la fameuse Rücksicht auf Darstellharkeit. C'est
donc bien au niveau même des cc représentants » de pulsions qu'il
faut chercher quelque chose comme un langage. Le fait même que
le rêve s'annonce dans un récit et que ses éléments se distribuent
autour de cc mots carrefours ''confirme que cc la capture de la pulsion
dans les rets du signifiant » appartient à l'ordre du langage d'une
autre façon que ce qu'une observation de la langue organisée décèle.
~do- C'est bien quelque chose comme un texte que Panalyse atteint
Ir be- et perce. « Le recours à la figuration » est aussi et en même temps
mee J
·eud
j
quelque chose comme un langage, bien que ce ne soit pas au niveau
tant { de la cc représentation de mot », mais de la « représentation de
sont chose )).
tt•on
....
-:etes. l Mais quoi du langage?
Nous avons déjà signalé le parallélisme entre les deux ~uvres

éeé· de Freud : l'Interprétation des Rêves et le Mo! d'Espnt; le


por- point précis où ce parallélisme s'instaure est celut où les méca-
pré- nismes du rêve - condensation et déplacement - semblent des

.non 'i figures déterminées de la rhétoriq~e classique; mais nous ~·avions
:ient
pas été plus loin qu'une analog1e globale. Partant du role des

uers
Pcs l
,en ·t
nt •
par


1
1
71. Dans Je fragment d'analyse, dit • Je rfvc de Philippe ~· propo" par La-
planche et Ledaire, c J'Inconscient, une ~tude psyc~nn~yt19ue •, j~urnles
Bonneval 196o Je désir de boire est figuré par une .séne d équtvalents Jm11gés . e
t
:niUS •
• cet appel' . boi're de J'cau qui jaillit de la font tune dnns le creux des nuuna
rassembJéC:S en coupe disposer les p11umes de m11ins en conque; le double B.este
des mains et la form~le • Lili, j'ai soif • sont tous d~~ • représe1_1tants • de ~u~;=;
0
1 un
aal~- • c'est comme tels qu'ils aigmdent dans le texte de J mccrp~tatton le noy
l
du rêve •• p. s6.
1
1
••
l

1
1
''
' •
DIALECTIQUE 1
••
« mots carrefours » dans le texte inconscient du rêve. il est possible
de pousser dans le détaill.interprétation de la condensation comme •
métaphore et du déplacement comme métonymie 72• •
1
Suivons. avec Laplanche et Leclaire. la voie de la métaphore. • 1

r
Dans une langue sans métaphores, il y aurait certes des rapports •
1

de signifiant à signifié, qu'on peut bien symboliser par ~;


$
mais il
n'y aurait ni équivoque dans le langage, ni inconscient à

déchiffrer. Avec la métaphore. un nouveau signifiant S'chasse le 1

signifiant (ce qu'on peut écrire ~); mais au lieu que ce S soit 1
~);
1
supprimé, il tombe au rang de signifié (ce qu'on peut écrire c
·'* ]
mais surtout il se perpétue comme signifiant latent. On n•a donc J

(

pas simplement~ à la place de~, mais une formule plus complexe; l•


'•
s s J

1
S' '••
- serait la simplification de cette formule. C'est pour rendre 1
s l

compte de cette simplification que les auteurs proposent d'écrire !• l


1 g
la formule ~S' X ~(formule
s
1), dont~ est
s
effectivement la simpli- :li
.
):
v
••
1
fication. l\1ais ils ne l'écrivent que pour pouvoir la transformer \'
1 l
S'/S ~ p
algébriquement en Sfs (formule n° 2). ':•1 a
1 d
Quelles que soient les réserves qu'on puisse faire sur ces opé- f
li
J
rations purement algébriques (que peut bien signifier la multi- \

J
d
q
. S'
plicat10n SXs
S qut. a permtS
. 1a tran&ormatton
_r • de 1a 1ormu
r 1e I
:j
1
p
1 à
en formule 2 ?), la formule finale mérite d'être prise, sinon comme ~ 81

une formule vraie, du moins comme une figure auxiliaire du raison- cc


1


Ill
••
72. Daru le rêve de Philippe, la substitution de la place oà se dreaae la fontaine
lia plage où le sable a irrité les pieds est de l'ordre de la métaphore; le mouve- ll 01
er
ment par quoi la licorne renvoie à toute sa légende et l tout un circuit de signi- • D
1 de
fiants fonctionne conune métonymie.- Sur la métonymie : • Lorsque nous par• •
cl
lons de fonction ~tonymique de la Licorne, c'est précisément dans la mesure
où ce signifiant renvoie, non pas à un objet qui comblerait la soif en qut:"!ltio.n,
mais bien au contraire dana la mesure où il est lui-même, en tnnt que métonymte!
i qt
80
l'i
celui qui désigne, recouvre et masque la vertigineuse béance de l'être, ou, al fic
l'on préfère, aa • caatration originelle •. Ainsi, la métonymie, par son inépuisable Co
poaaibilit6 de déplacement eat-elle proprement faite pour marquer ct maaquot
~
p.
la faille o~ nalt ct ae pr~cipite perp~tuc:llement le d6air •, ibid., p . ag.
i
j

·~f
.'
1

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PH~OM~OLOGIE

n~ment. Son intérêt est de susciter u~e réflexion sur la barre qui
separe les .deux. rapport~.. Les auteurs s en servent pour exprimer Je
d?uble fatt qut caract~nse le refoulement. : c'est une barre qui
s~pa.re des s~st~m;s, c est un rapport qut relie des rapports de

s1gmfiant à stgmfie. Le double usage de la barre permet déjà de
~ire 9u.'elle n'est pas ici seulement le symbole d'un phénomène
h.ng'..usttque, un r~PP?r: de ,rappo~ qui ne met en jeu que des
stgmfiants et ~es stgmfies; c est auss1 un phénomène dynamique :
la barre ~xpnme le. refoulement qui empêche le franchissement.
Du moms cet arttfice permet de construire un schéma où refou-
lement et métaphore se doublent exactement. La métaphore
n'est pas autre chose que le refoulement et réciproquement; mais
c'est au moment même où ils se recouvrent que l'irréductibilité du
point de vue économique au point de vue linguistique reparaît
de façon saisissante 73• Qu'a-t-on alors gagné à cette lecture?
Tout et rien. Tout, car il n'est aucun processus économique auquel
il ne soit possible de faire correspondre un aspect linguistique;
73· Ce qui fait la coh~sion des systèmes ne peut etre expf'ilm que dans le
langage énergétique : dans le cas du • refoulement a posteriori • : ( Nachv~rdràn­
gu,g) ou • refoulement proprement dit •, cette force de coh~sion se manifeste
par l' • attraction • d'une chaine d~jà constitu~e. à quoi il faut ajouter le dkin-
vestissemcnt du système supérieur par quoi la connwon est rompue, et le surin-
\'estisscment par quoi un tenne expuls~ de la chaine est remplaœ par un autre.
Le cas du • refoulement originaire •, qui peut seulement erre reconstruit, est
plus difficile : il s'agit cette fois de la naissance meme de la scission entre systèm~.
avant toute • attraction • par un système cons ti tu~; ce que Freud exprime en
disant que le contre-investissement en est le seul wœnisme. Un certain repérage
linguistique de ce clivage originaire de deux systèmes est possible, aussi mythique
d'ailleurs que la • naissance • même de l'les, aussi mythiqu~ (m~s p~ plus)
que toute • naissance •. Le texte de Freud sur le refoulement ongma1re s y pr~te,
puisqu'il lie à l'action de contre-investissement la • fixation 1 du repr~sentont
A la pulsion, ce qui, nous J'avons vu, se c«?mpre~d conune 1:~~ergence de la pul-
sion à l'expression psychique, son accesston à 1 ordre du s1gmfiant. Prolongeant
cette interprétation ovec les ressources du scMma de la. f!létaphore, on. concevra
• l'existence de certains signifiants-cl~s pla~ ':" pos1t1on J?létaphonsante, et
auxquels est dévolue, de par leur poi~s partlcul!er! ~a propn~té ~e mettre . en
ordre tout Je système du langage humatn. On vo1t tct que nous fws~~s allus1on
en particulier à ce que J. Lacan a nonun~ la métaphore patemelle • . (thùl., p. 3~).
Dans l'exemple du rêve de Philippe, on peut surprendre•. à 1~ fJex,ton du b~otn
de boire ct de la soif, conune oppel et demande, la const1tut1o~ .d une prenu~re
chaine de signifiants : la • fixation 1 à un représentant se prodms1t, lo~~ue q~e!­
qu'un articula clairement • Philippe a toujours soif • et l'appela • Ph!lsppt'-J w-
soif •. • Nous pouvons maintenant fonnuler ~nsi I.e mythe de la nots$anC~ d.~
l'inconscient : il rlsulte dt' la (a{ltur~ ck /'ln~rg" pulstonntll~ dans ln r..ts du stxm
fiar~t pour autant que Je signifiant eat là précisément desun.é A '-'acher. la ~ance
fondnmentalc de J'!tre uaurant, aana relAche, la métonynue du déstt • o. c.,
p. 46).

391



DIALECTIQUE .'
et ainsi raspect énergétique est doublé de part en part d'un aspect
f
linguistique par lequel la corrélation de l'inconscient au conscient 1

~
est assurée. Rien, car seule l'explication économique assure la (
séparation des systèmes : désinvestissement, contre-investissement, 1
attraction par l'inconscient dans le refoulement secondaire ou 1
1••
refoulement proprement dit, contre-investissement dans le refou-
lement primaire; pour qu'un fragment de discours puisse ainsi
î ••
1.
1 t
mettre en ordre la chaîne des signifiants, il faut, dans le langage 4
• Il
de Freud, « que la présentation psychique (représentative) de la 1 lt
pulsion se voie refuser la prise en charge par le conscient 74 ,, ; 1
1
g
ce refus, qui constitue précisément l' Urverdrâ'ngung, n'est plus '' h
un phénomène de langage. 1
'
Ainsi l'interprétation du refoulement comme métaphore montre 1
d
que l'inconscient reste relié au conscient comme un discours d'un 1
1
genre particulier au discours ordinaire; mais c'est l'explication ~
1• le
économique qui rend compte de la séparation des deux discours; 1 1',
dans le schéma à quatre étages du refoulement secondaire, refou- ~) sc
lement et métaphore sont strictement coextensifs; mais la barre OJ
fonctionne tantôt comme un rapport entre des facteurs signifiants l• ar
ou signifiés, tantôt comme force d'exclusion entre des systèmes i
dynamiques.
C'est cette irréductibilité de l'aspect énergétique qui explique, ·1•
l lit
di
à mon avis, les caractères étranges et, au sens propre du terme, 1 pr
non linguistiques de ce discours. Il est tout à fait frappant que, dans ;'J

'1
le schéma de la métaphore, le signifiant primitif chassé par le ·1 la
1
signifiant substitué et placé en position de signifiant latent, soit :j•
1•
Jan
traité comme un terme double (~) ; le même élémentS est en posi- J
• a r
QUI
tion de signifiant et de signifié, situation qui n'a aucun répondant Chli
linguistique. On a voulu ainsi rendre compte de ce que Freud \
• de
appelait plus haut « représentation de chose ,, ou encore « recours •• • avo
à la figuration )1. Mais peut-on traiter comme un élément linguis-
tique une image qui serait à la fois dans la position du signifiant
1

le n
et (
. tou·
et du signifié 76 ? Quel caractère linguistique reste-t-il à l'imago, •
cibl
. pro,
74· Le rtfoulemmt, G. W. x, p. 250; S. E. XIV, p. 148, tr. fr., p. 71. . J qu'i
75· • En un sena, on peut dire que la chaine signifiante est pur sens, nuus glis!
on peut aussi bien dire qu'elle est pur signifiant, pur nonpsens ou bien ouverte non
à tous les sena • (p. 40), N'estpce pas avouer que ce n'est pas un phénomène ?1
proprement linguistique? Laplnnche et Ledaire masquent quelque peu ce.tte ' lan
iasue in~luctable de l'argument, en jouant sur deux formulations de la chiUJle
iuconsciente qui cat tour l tour Je ~ rejeté aoua la barre de la m~taphore dans
1
·1
plan
lége.
et d1
1
]
392
..
• •
•• • • •
.•

• '
ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE

s! e~e, fonctionne indistinct~men,t comme signifiant et comme

• 1
• '
L
sigmfie? Comment peut-on dire delle qu'elle renvoie à elle-même
et qu'elle reste ouverte à tout sens?
• On peut donc retenir, avec les réserves qu'on vient de dire
1
l'affirmation que l'inconscient est structuré comme un langage:
il ne faut pas moins souligner le mot comme que le mot langage~~

• 1
bref, Il. ne faut pas.les séparer de la .re~arque de Benveniste que les
1 1
•• ••

L
mécamsm~ freudie~~ sont ~ la foiS mfr~- et supra-linguistiques;
1 les mécamsmes de 1 mconscient sont moms des phénomènes lin-
• 1

guistiques ~a~iculiers que des distorsions paralinguistiques du


1 1

1
langage ordma1re.
'
Je caractériserai pour ma part cette distorsion par la confusion
'• du supra- et de l'infra-linguistique. ·
1 1
1
1
i D'une part, le mécanisme du rêve confine au supra-linguistique
1
1
lorsqu'il mobilise des symboles stéréotypés parallèles à ceux que
• • Pethnologie découvre dans ces grandes unités de signification que

•• 1 sont le conte, la légende, le mythe; une bonne part de la <t figuration »
onirique se situe à ce niveau, qui n'est déjà plus celui de la double
'
1
1
articulation phonématique et sémantique du langage.
D'autre part, déplacement et condensation sont d,ordre infra-
linguistique, en ce sens qu,ils opèrent moins une mise en rapport

·1
i
distincte qu,une confusion des rapports. On dirait que le rêve
procède d'un court-circuit du supra- et de l'infra-linguistique 78• Ce
.• J
1
••
1 Ja formule 2, ou un 6quivaJent de la signification simple ~ dans un modèle do
:! langage réduit, sans équivoque, donc sans métap~ore et sans Ics : • La. ch~ne Ica
a repris pour ainsi dire à son compte les caracr,erc;s .du processus pnrruure, tels
que nous les avions présentés mythiquement à 1 ongme comme caractères d une
chaine signifiante réduite à une seule dimension • (p. 41). N 'est-ce pas à la faveur
\
1 de cette assimilation que ~, est traité comme un élément de langage? Les auteurs
~ .
avouent d'ailleurs franche~ent la difficulté : • Il convient cepend~t ~s~n~er
de
Je mode de fonctionnement du processus primaire dans n.otre • fi.ctton or.'gmatre •
et dans le cas de ln chaîne inconsciente : dnns le ~re~Jer cas •.1 Y avwt .malgré
tout distinction du niveau signifinnt et du niveau sa~~~~é, et gliSsement mcoer-
. · cible de J'un sur J'autre; dans le second cas~ la.posstbthté d~ • .tous les sens •.se
produit à partir d'une véritable identité du sagmfiant et du stgnt~é. Est-~e A dir~
qu'ici il n'y a plus de possibilité de gliss~en!? Bi~ au C?ntnure, nu:•s ce QW
glisse ici, ce qui est déplacé, disons que c est 1 énergtc pulstonneUe, A J état pur,
non spécifiée • (Ibid., p. ,.r.) .. ....1. 'fi b' ttc confusion D'un c6~
76. Le fragment du rêve de Pha tppe n:.n ~ •en ~e
1 • • n au
Ja métonymie du désir, sout~ue par I.e s~gmfiant Ltc?m.~/~'!;:~o~~~~odc la
1
... plan des articulations éMmcntrures du ~tgmfinnt ~t du sa~m . 'du G de • plage •
légende · mais en meme temps le r~ve JOUe sur 1 homop ~mc d' dia
ct de • j:ai soi! •; Jo jeu de mot opère A la faveur d'un énuettcmcnt et une •

393
'

! . •• •
":. f • ~. . ... . '

• DIALECTIQUE

brouillage du supra- et de l'infra-linguistique est peut-être le fait


de langage le plus saisissant de l'inconscient freudien.
En conclusion, l'interprétation linguistique a le mérite d'élever
au rang du langage tous les phénomènes du processus primaire '
et du refoulement; le fait même que la cure analytique soit elle-
même langage atteste cette ambiguïté du quasi-langage de rincons-
cient et du langage ordinaire. Mais la distorsion - l'Eztstel-
lung- qui fait de cet autre discours un quasi-langage, n'est plus 1

elle-même un fait de langage. C'est cet en deçà ou cet au-delà



• du langage qui exclut la psychanalyse de la phénoménologie.

C'est aussi cette confusion du langage qui pose dans toute son
urgence et dans toute son étrangeté la question d'une archéologie ••
du sujet. t

4· C'est sans doute avec le thème de l'intersubjectivité que 1


.•
phénoménologie et psychanalyse sont le plus près de se confondre, ••
'
mais aussi qu'elles se distinguent le plus fondamentalement. La
différence la plus fine est aussi la plus décisive.
Si l'on peut voir dans la relation analytique, disions-nous, un
•• exemple privilégié de relation intersubjcctive et si cette relation .•
prend la forme spécifique du transfert, c'est parce que le dialogue 1

analytique fait affleurer dans un contexte particulier de désengage- ••
1

ment, d'isolation, de déréalisation, la demande en quoi consiste 1


1
à titre ultime le désir. .,•
Je ne retire rien à cette analyse qui nous a permis de rattacher, 1
par principe, toutes les péripéties de la situation analytique à la
constitution intersubjective du désir. C'est pourtant ici précisé-
ment que la psychanalyse se distingue le plus radicalement de tout 1
ce que la phénoménologie peut comprendre et produire avec les t

seules ressources de la réflexion. Cette différence, je la résume d'un ~ 1


j c
J
. . h . G . 1 •
1
torsaon au naveau des éléments phonématiques; or c'est l'homop ome G qw f


suscite le déplacement métonymique par quoi le besoin de boire devient soif
de... sous l'emblème de la Licorne. La Licorne figure elle-même à la fois co.nune
1 1 r
J

sa propre légende (et, à ce titre, assure ce que l'on a appelé la métonymie du , 1


• désir} et comme le mot licorne qui, au plan phonématique, se décompose C!' t
1
li-come. Le texte inconscient, qui est à interpoler dans le texte conscient, do at 1
être introduit comme une chaîne signifiante entre LI et COitNE. Ce qu'o~ appele 1 ' 1
alors chaine inconscic:nte est trèa hétéroclite puisqu'elle contient des sagn•fiants 1
du langage ordinaire (Lili-plage-sablc:-peau-picd-come}, tandis que ln condensr t;
tion se fait au niveau de mots disloqués ti-come. Ainsi l'imago licomc este~ ~ F
fois le potentiel mythique de l'animal fabuleux et le jeu de mot li-come. es a
ce que nous appelona le brouillage du supra- ct de l'infra-linguistique•

39+ •
-· ,~·a.~•= a =·- ---

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE


fait
'?ot : !a psychanal~se est ~ne technique ardue, qui s'apprend par
ever 1exercice e.t la prat1qu~ ass1du_e. On ne s'étonnera jamais GSsez de

1a1re ' cette ~udacteuse trouvaille : traiter la relation intersubjective comme
techmque.
elle-
ons- . En .quel sens .du ~ot? Un texte ,de Freu~ Tl que nous avons déjà
~stel- ctté, h.e de mamère ms~para~le methode d'mvestigation, technique
plus
\ de. tr.at.tement, élaboratto!l dun ~orps d.e théo~ies. Technique est
·delà pns !c1 en s~!l sen~ ét~ott de ther~p~uttque vtsant à la guérison;
• la methode d mvest1gatton en est dtstmguée en tant qu'art d'inter-
=>gte.
l préter. Toutefois le mot peut être pris, comme les textes rassem-
son
blés sous le titre de la Technique psychanalytique nous y autorisent,
logie
en un sens qui couvre méthode d'investigation et technique au
sens étroit de procédé thérapeutique. Cette extension est fondée
dans la nature de la manœuvre analytique; c'est celle-ci qui fait
que .•'' de la méthode d'investigation elle-même le segment « intellectuel ,
1dre, •
1
d'une technique. Ce sens large du mot technique peut être articulé
. La
' 77. On peut lire - ci-dessus, note 59 -Je texte G. W. xrn, p . 221. Dans
;, un d'autres textes il est question de la mitlwrk psych analytiq ue en un sens qui
ation •
couvre mit/rode d'investig ation et technique de traitement : • La méthode parti-
1 culière de ps ychothérapie que Freud pratique et à laquelle il a donné le nom de
ogue 1

•,

psychanalyse, est issue du procédé dit cathartiq ue qu'il a expo~ en collaboration
~age- l
avec j . Breuer dans les Etudes sur l'Hy stérie publiées en 1895 Dif Frrod'sche

lSlSte 1 Psychoanaly tische Methode (1904), G. W. v, p. J-to; Frrod's psy cho-analy tie
1 Procedure, S. E. VIl, p . 249-254; tr. fr. lA mitltode psychanaly tique rk Frrod in
.,• De la technique psychanalytique, p. 304. • Le texte continue : • Les ~hangements
cher, 1
apportés par Freud au procédé cathartique établi paz: Breuer consistèrent t~ut
!
,.
. à la
:ctse-
·1 d'abord en modifications de la technique • (p. 2) : reJet de l'h>'Pnose, entretien
à l'état de veille abandon du contrô le psychique volontaire, libre jeu des nsso-

tout j eiations , • r ègle '• de tout dire, même ce qui parait inutile, hors de propos, s~­
pide, honteux et pénible. Un article de la même époque De la psy chothbap,e,
:c les i G. W. v, p. 13-26; S . E . vu, p. 257-268; tr. fr., p. 9-22 (1905) parle de .• proœdé
d'un ~ thérapeutique • de • technique de traitement •, de ~ méthode de tralt.ement •,
j dans le même ~ntexte que l'article précédent, celuJ de la conf~ontat1o~ avec
Breuer. En 1914, dans R emémoration, rlpétition et translaborat1on ( Errnn~m,
G . 1 x.
a qUJ j Wiedcrholcn und Durcharbcitc11, G. W .. p . u6-136; S. E. P· Xli, 146-l s6,. :·
fr. p 101 ) ·la • technique psychanalytique • est encore opposée à la c:nthars1s e
soi!
1t Br~u;r, - Sur la relation analytique et Je transfert, cf; J· L acan, • Le st~de du
onune
l
miroir comme fo nnateur de la fonction du Je telle qu elle n ous est révélee ~ans
:Uc du ' J'expérience analytique •, Rev. fr. de PsychO:"· XIII, 4 , PP· ..._.9-455; • la d1rcc:
) SC en tion de la cure et les principes de son pouv01r •; lA Psychan., 1959, V, PP· 1-20:
t, doit D. Laguche, • Le problème du trans~ert •, Rev: fr. ck Psychan. , XVI, 1, P; ~ -••;•
B Grunber,.,er • Essai sur la situauon anulyt1que et le processu!l deV~ u c: n~o~ _•
1
1ppclle
1ifiants
densa·
'j R •t'1). jr. de Psychau.
" '

· thlraprottque,
t1on · ·
Flammanon,
- PP· 3 67-379 ·• E •.AmadoVLévy-
XXIII, J, 19;.9,
1 9 62 •• S • .Nucht • La
n
pfr
rlsmu
J _ P.
1 be aa enst
Rapports int~:rsubjectifs en Psychanalyse, P.U. F., 1 962 • }. P. ada r Jl ~
uhpsy cnana
, wei
fa R~la·
1}'S1e,
XXVIII
st à la 1 P . U .F., 1963. C . Stein, elA situation analytJque... • .nev. •- ~ an., •
• C'est
a, 1964, p . 235-249·

395

. ' •
• •
'

DIALECTIQUE


en trois idées : pris du côté de l'analyste, le procédé analytique •
.
est debout en bout un «travail)), à quoi correspond, chez l'analysé •

un autre travail, le travail de la prise de conscience par lequei 1•
il coopère à sa propre analyse; à son tour ce travail révèle une

troisième forme de travail, travail que le malade ignorait et
qui est le mécanisme de sa névrose. Il y a entre ces trois idées •
:
un lien étroit qui fait la consistance du concept de technique

en analyse. f

Pourquoi l'analyse est-elle un travail? D'abord et essentielle. t

ment parce qu'elle est une lutte contre les résistances du malade 78. 1


De ce point de vue, l'art d'interpréter est subordonné à la tech- 1
c
nique analytique, dès lors qu'on définit celle-ci par la lutte contre J
les résistances; en effet, s'il y a quelque chose à interpréter, c'est
parce qu'il y a déformation des idées devenues inconscientes; mais

s'il y a déformation, c'est parce qu'une résistance s'est opposée •• J

à leur reproduction consciente 79• Les résistances qui sont à tt ori- .•• (

gine de la névrose sont aussi celles qui s'opposent à la prise de . (

conscience et à toute manœuvre analytique. Dès lors les règles de •' '
s
l'art d'interpréter sont elles-mêmes une partie de l'art de manier l• f
1
les résistances. •
1
La corrélation entre herméneutique et énergétique, qui nous a .: 1
'

constamment occupés dans ce chapitre, réapparaît ainsi de façon 1 p


p
1
l s·
1 al
78. C'est à cause de cette lutte avec les résistances que Freud a récusé la 1'
re
méthode cathartique de' Breuer et son recours à l'hypnose : • Nous reprochons è •' (j
l'hypnotisme de dissimuler les résistances et, par là, d'interdire au médecin tout l tl

aperçu du jeu des forces psychiques. • (Tr. fr., p. 5). Dans l'article de 1905 : aJ
• J'ai un autre reproche encore à formuler à l'encontre de cette méthode, c'est i<
qu'elle nous interdit toute prise de connaissance du jeu des forces psychiques; •
P•
elle ne nous permet pas, par exemple, de reconnaître la résista11ce qui fait que le
malade s'accroche à sa maladie et, par là, lutte contre son rétablissement; pour- ·.·! Il la
or
tant, c'est le phénomène de la résistance qui, seul, nous permet de comprendre 1 1' j
le comportement du patient. • (Tr. fr., p. 14.). Parlant en 1910 des Perspectives ·1 •m
d'avenir de la thérapeutiqUe analytique (G. W. vm, p. 104·115; S. E. Xl, j
p. 141-151; tr. fr., p. 23-35), Freud caractérise en ces termes ses • innovations 1
techniques • {p. 26) : • La technique psychanalytique actuelle poursuit deux buts: ' lr,
~viter un excès d'efforts au médecin et ouvrir tout grand au malade l'accès de
son inconscient. Vous savez que notre technique a subi une modification essen·
tielle. A l'époque du traitement cathartique notre but était d'expliquer les sympA •
'"
P<
l'Il
tômes; par la suite, nous détournant des symptômes, noua avons cherché J ql

découvrir les • complexes •, suivant le terme, devenu indispensable, de JUI!g. J m:
Actuellement nos efforts tendent directement à trouver ct à vaincre les • ré~ts· J dit
tances • et nous pensons à juste titre que les complexes se révéleront sana peme ps
dès que les résistances auront été découvertes et écartées • (p. 26-e7). • de
• qu
79. Le texte le plus ancien que nous avons cité lie expressément techntque
analytique, résistance, déformation, art d'interpr~ter (o. c., p. 4-5). 1

''
'



• • •

• .

ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE

'tique •

d~cisive au niveau de 1~ praxis, co?l!lle une corrélation entre l'art


alysé, 1

d. mterpréter ~t le travrul av~c les resistances : << traduire , l'incons..
equel J
ctent en consctent et « supprtmer la contrainte ,, issue des résistances
! une

llt et

c'est.. tout un. Interp~éte~ ~t travailler coïncident. Bien plus, il y
a meme des cas prects ou il faut nettement sacrifier l'art d'inter-
idées préter à la stratégie a.nti-résistances, donc à la technique. Ainsi

mque • F;.eud re;ommande-~-il aux débutants de ne pas faire de l'art
d mterpreter exhaus~tvement les rêves une fin en soi, sous peine
tielle- de tomber dans le ptège de la résistance qui se servira de la lenteur
tde 78• de l'interprétation comme d'un retard dans le traitement so. Ce
tech.. • cas lil!lite montre exc~llemment en quel sens les règles de l'inter-
:ontre •• prétatiOn sont elles-memes des règles techniques.
c'est Ce primat de la technique sur l'interprétation donne tout son

mats • sens à un leitmotiv de Freud : « Ce n'est pas chose facile que de
posée . ' jouer de l'instrument psychique »; ce mot fait allusion à un vers
Pori- de Hamlet « Sangdieu! croyez-vous qu'il soit plus facile de jouer
se de de moi que d'une flûte?)); le traitement analytique coûte au malade
es de sincérité, temps, argent, mais au médecin il coûte étude et savoir-

tamer 1
• faire 81• Et ces deux<< travaux» se répondent; le travail de l'analyste
l
ous a 1
'1 8o. Die Handluzbung der Traumdeutung in der Psychoana/yse (191 1), G. W. vm,
façon '
·f p. 350-7; Tlze Handling of dream-Interpretation in Psycho-analysi's, S. E. xu, )'
{ p. 91-6; Le maniement de l'interprétation des rivts en psycltanalyse, o. c., p. 43-
J
so : c Je soutiens donc que J'interprétation des rê\·es ne doit pas être pratiquée,
:usé la au cours du traitement analytique, comme un art en soi, mais que son maniement
bons à reste soumis aux règles auxquelles doit obéir tout l'ensemble du traitement •
:n tout (De la technique psycllana/ytique, p . 47). Cette question est typiquement une ques-
1
• tion « technique • : comment c utiliser ces interprétations au cours du traitement
1905:
:, c'est i analytique des mnladcs • (ibid., p. 43). f'est à . ce propos que .Freud, par~e . du
• • c travail • de l'analyste (ibid., p. 44). L express•on est appropnée : c est JCt Je
,aques,
que Je point où le goût de l'interprétation bien faite et parfaite peut se retoum~r co~trc
pour- J la manœuvre d'ensemble si l'annlyste n'a pas reconnu, dans la prolifération
onirique, une ruse de Jo ;ésist~ce; c't;st po~: ces raisons que le bon U;Sage de
rendre l'interprétation et les règles qu 1l requ;er~ (1ln'd., P: 4~ et 4?) font ~artt.e de la

ectwes
E. XI,
:i c technique • analytique. Le titre de l artade est amsa parfaatement JUStdié : le
• maniement... ( Handlzabung). . .
•ntaons 8r. On lira le soigneux petit Essai de 1912 : Conse~u au mldwn sur 14
buts: .,J traitement a11alyti"que, G. W. vur, p. 376-87; S.E. X!'• P; 111:120; tr. fr., p. ~~-
cès de 72, où Freud expose en détail les règles de ce s~vo1r-faare. : J effort de ~émoare
essen- pour retenir noms, dntes, associations et produ~aons morbld.es, - .J~ p~t 1que do
symp- l'attention flottante par quoi l'nnnlyste s'applaquera à ne r•en pnvtléf(Jer de ce
rché 1 qu'il entend, etc., _:_ toutes règles qui sont Je ,pendant de la règle_ fondamentale
jung. imposée à l'nnnlysé. Le c tout entendre • do 1nnal~ste est Ja rép~1que d~ • t?ut

résJS- dire • de J'nnnlysé. Mais ce c tout entendre • renv01e à Ja néce;o11aare purdica~on
. peine p sychanalytique du médecin lui-mêm~, donc, .encore une fo1~, ~ l_a réduct~on
des résistances. Les autres règles techmques suavent de c~tte d•s.CIJ.?li~c nffecuv~
utique • quo la psychologie du con•cicnt ne permet pas de concevoU' a pnorr • par cxem
,
397
J

••...
...
\

.'
• \ ' ' ~ ·· ; ... • • •
. . . .. .' .

.•


DIALECTIQUE

est semblable à celui du patient : s'il veut jouer avec les forces
terribles de la sexualité, il doit avoir « maîtrisé en son propre psy..
chisme ce mélange de grivoiserie et de pruderie au travers de quoi
tant de gens considèrent, hélas, les problèmes sexuels ,,; la néces..
sité de l'analyse didactique requise des futurs praticiens trouve
ici une de ses plus importantes justifications 82•
C'est cette maîtrise des règles techniques qui distingue la psy..
chanalyse authentique de la psychanalyse « sauvage », laquelle
accumule ignorance scientifique et fautes techniques : méconnais-
sant les facteurs psychiques de la sexualité et le rôle du refoule-
. ment dans l'impuissance du névrosé à parvenir à la satisfaction,
elle commet la faute technique majeure d'attribuer la maladie à
l'ignorance par le sujet des forces psychiques mises en jeu : << Or
ce n'est pas l'ignorance en soi qui constitue le facteur pathogène,
• cette ignorance a son fondement dans les résistances intérieures
qui l'ont d'abord provoqué et qui continuent à le maintenir. Il
appartient donc à la thérapeutique de combattre ces résistances.
La révélation au malade de ce qu'il ne sait pas, parce qu'il l'a
refoulé, ne constitue que l'un des préliminaires indispensables du
traitement ... ; en révélant aux malades leur inconscient, on provoque
toujours en eux une recrudescence de leurs conflits et une aggra-
vation de leurs symptômes 83• » Ce texte est très éclairant en ce point •


1
pie, rester impénétrable, renoncer à tout orgueil éducatif comme à tout orgueil , f
thérapeutique, etc. 1
82. De la technique psyclu:malytique, p. 21. En 1910, Freud liait expressément l
1
la nécessité de la formation didactique à celle de reconnaître ct de maîtriser le 1 1

c contre-transfert • (ibid., p. 27). ,


83. A propos de la psychanalyse dite c sauvage • ( 1910), G. W. vnr. p. uS. i 8
8
125; S. E. Xl, p. 221-227, tr. fr., o. c.• p. 40. Le cas évoqué dans cet article est
l'occasion d'une des plus importantes discussions que Freud aient consacré~ è i
la distinction entre satisfaction psychique et besoin physique dans la sexuah~ 1 r
humaine : • En psychanalyse, le terme de • sexualité • comporte un sens bien p~UJ c
large, il s'écarte tout à fait du sens populaire et cette extension se justifie au pomt 4
1 r•
de vue gén~tique. Nous considérons comme appartenant au domaine de la 1 n
sexualité toutes lea manifestations de sentiments tendres découlant de la source : l'
des émois sexuels primitifs, même lorsque cea émois ont été détouméa de leur '1 L
but sexuel originel, ou qu•un autre but non sexuel est venu remplacer le ~re: 1 p
mier. C'est pourquoi noua préférons parler de psycho-sexualité, soulignant ams•
qu'il ne faut ni négliger, ni sous-estimer le facteur psychique. Noua nous servons t do
du mot • sexualité • en lui attribuant le sena élargi du mot allemand liebtn et él
nous savons depuis longtemps qu'un manque de satisfaction psychique, ave<: • d'
toutes ses conséquences, peut exister là même où les relations sexuelles norn;,~!es nc
ne font pas défaut. En tant que thérapeutes, noua ne devons jamais ou 1: fic
non plus que les aspirations sexuelles insatisfaites (dont nous combattons 1 t ,j lit
aatiafactions substituées soue leur forme de aymptOmce névrotiques) ne pcuven
~..
1
'i

.....~~s. $9!(.10 .4
.

.ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE



forces
! psy.. de notre discussion : il atteste que nul perfectionnement dans la
! quot• ~rise de conscience ord.in~re ne, peut suppléer la technique analy-
1éces.. ttque, parce que la question n est pas de remplacer l'ignorance
:rouve par la connaissance, mais de vaincre des résistances.
En même temps, ce texte montre bien la correspondance entre le
l psy.. travail d'analyste et le travail d'analysé. Je ne reviendrai pas ici
quelle sur l'emploi du concept de <c travail » pour désigner le mécanisme
lnats-• du rêve et de la névrose; je me réserve de faire ultérieurement de
foule- ce travail, appliqué à l'ensemble des processus dans lesquels

ctton, s'objective le dynamisme psychique, le concept-clé où se récon-
tdie à

• cilient la réalité des énergies mises en œuvre et l'idéalité du sens
84
« Or j déchiffré • Je me bornerai ici au travail psychique de la prise de
conscience dans le travail analytique 8 5,
'
•gene,
• C'est dans le combat avec la résistance que se conjoignent le
·zeures travail de l'analyste et celui de l'analysé 86• C'est un travrul, pour le
1ir. Il malade, « d'accepter, du fait d'une meilleure compréhension, ce
mees.
.,il l'a
• qu'il avait jusqu'alors rejeté (refoulé) par suite d'une régulation -
automatique du déplaisir ». Car, il ne faut pas l'oublier, l'unique
.es du

principe du refoulement, c'est le déplrusir. C'~t pourquoi la réédu-
1oque cation que représente la victoire sur les résistances. est un~ lutte 1
1
.ggra- avec le principe de plaisir-déplrusir. C'est ce « travad psychJque • 1
point •
que l'hypnose épargnait et dont il ne peut être fait l'économie. !..
:'1
L'analyse, répète Freud, coûte au malade : elle coOte du. temps,
>rgucil elle coûte de l'argent; elle coûte, plus que tout, un sacr!fic~ de
' sincérité totale. La règle fondamentale - la fameuse règle, I umq~e
1
;~ment règle, celle de tout dire, quoi qu'il en coûte - est la grande contn-
iser le

'· uS.. j' souvent que très tmparfattement


• • trouver Jeur d~bouch~ par Je coit ou d'autres

~
cie est actes sexuels. • (o. c., p. 37.)
:rées à 84. Cf. ci-dessus, chap. n, § 2. é · ·
(UaJiû ~ 8 u to1s· cne0 re Freud rappelle que. la psychana1yse est un m t1cr qw
n plus i
s.. ne
1 f T 'té d'une technique acqutsc 1onguemen e en e t t 1 t ment (p 41) •
• . •
requ1ert a am1 1ar1 d . ê ·s~e comme une professton
, point 4 • • •1
c est pourquot ~uss1 , a ps
ychanalyse o1t tre organ•
. association psychanalytique inter-
1
de la 1• reconnue ct Je t1tre d analyste garanti par Fet rétation la communication de
source \, nationale (p. 4:&). - Sur le rapport ~tre 10 ~:Jtement 'voir J'important essai :
e leur "i J'interprétation. au patient et la dywarmque du _ • s. É. xu, p. • ; tr. fr.,
e pre- 1 Le début du trattemrnt (J9JJ), G. · vrn, P· 45 4 • 18 123 144
p. 8o-1o4, en particulier, P· ~~- 104· 0 1 eulement l'exa<:titude Ja périodicité
• •
t 8lfl5l
:rvons l1 86. Sous cett~ rubri~~e ~e P accot, ~ ';. de la longueur du traitement. A cet
0
hm et des séances, mws aussi 1 épzn;uJe. ques arr~ter nous qui attachons beaucoup

avec
males
j égard, une notation de Freu ott ~ou;.. d a~ problème du temps : • Si l'on
d'importance l toutes. les référen~es . e ·~~~tl cause de •la lenteur des modi-
ubliet -~ ne peut abréger le traitement ana ytlque, . r lieu sans doute de • J'intcmpora·
fications psychiqucs pro.fondcs ~ et, en(r;;drrue ) '
ns les li~ • do nos prooesau. mconaaeota • ·• P· 88 •
:uvent
·1
~
.:1 399
~
'i.
l
-----.. -·
.•
• .-
.,'
.. . •
J•
l
DIALECTIQUE
• J•

bution du patient au travail de l'analyse. Parler, ici, est un travail. 1
:
Cet abandon aux pensées de premier jet implique une modification
t

de l'attitude de conscience à l'égard de la maladie et donc une autre ! 2
sorte d'attention et de courage que la pensée dirigée. .
s
Mais, plus encore, comprendre, se souvenir, reconnaître le passé l e
et se reconnaître soi-même dans ce passé, voilà le grand travail •
•• g
du « devenir-conscient ,,_ Nous l'avons dit bien des fois, en exami- ,
d
nant les écrits théoriques de Freud, il y a un problème écono- v
mique de la prise de conscience qui distingue entièrement la psy- \ 0
chanalyse de la phénoménologie. Nous retrouvons, du point de p
vue de l'analysé cette fois, ce que nous avons commencé de dire ~ le
du point de vue de l'analyste: la communication d'une interpréta- 0
tion est vaine tant qu'elle ne peut s'insérer dans le travail de la p
prise de conscience. Une telle communication, si elle vient trop ~
tôt, n'aboutira qu'à un renforcement des résistances. Il y a donc ., 1 v
une dynamique du traitement, selon laquelle le facteur purement Cl
intellectuel de la compréhension s'incorpore à titre de facteur l d·
important et subordonné à la liquidation des résistances; c'est 1 q·
bien pourquoi l'interprétation, prise du côté de l'analyste,! a dû : ti
être subordonnée à l'ensemble de la manœuvre analytique : la ·~ «
place du << savoir n, dans la stratégie de la résistance, doit elle-même ~ et
être apprise par les règles de l'art. l le
Freud propose d'appeler cc translaboration ,, (Durcharbeiten ffi) ce M te
travail forcé du patient avec ses résistances, travail conduit par le ; ar.
moyen de l'interprétation et du transfert, et placé sous le signe de la ] ce

règle analytique fondamentale : « Ce n'est qu'une fois arrivés au .:i ((

bout de ce travail qu'analyste et analysé, grâce à leurs efforts ~ cé


conjugués, parviennent à découvrir les émois pulsionnels refoulés 'i
qui alimentent la résistance... Cette élaboration des résistances pc
peut, pour l'analysé, constituer dans la pratique une tâche ardue · •
tlC•
et être poudr le psycilhanalys~e une épreuve de patience. D~ toutes
1
.~
l es parties u trava ana yttque, e11e est pourtant ce11e qut exerc~ .1 te1
sur les patients la plus grande influence modificatrice, celle ausst J ca1
tra
qui différencie le traitement analytique de tous les genres de traite- ·i
ment par suggestion ss. » ~
élél
87. Remémoration, répétition, translaboration, o. e., p . 114·5· 1 etc

88. Dans le même sens : Les voies nouvelles de 14 thérapeutique psycluma· naJI
lytique (1918), G. W. xn, p. 183-194; S. E. xvu, p. 159-168; tr. fr., p. IJI-141· 8
c Nous donnons Je nom de psychanalyse au travail qui consiste à ramener jusqu'~u 9
conscient du malade des é'éments psychiques refoulés • (p. 132). Dan~ 1~ su1t~ 9
du texte, Freud développe l'analogie entre psychanalyse et analyse chsmsque • • 9
c Nous avons analy1é le malade, c'est-à-dire que nous avons décomposé aon aon
activit~ psychique en aes parties constituantes, pour ensuite isoler chacun des ·,

--
~-~ ,•.€2 cs ·-
••


l
• ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE .

vail. ,•'
tt•on Ce~e incl~sion de la prise de connaissance intellectuelle dans le
ut re l
• travail psy~h~que nous permet de revenir sur un problème que nous
è avons .constderé sur 1~ plan de la mét.apsychologie : à savoir la repré-
j sentat10n topographique du psychtsme; les différences topiques
assé 1

.vail 1 entre systèmes trouvent leur justification dans la praxis; cc l'éloi-


••
.nu•.. gnement ,, entre les systèmes et leur séparation par la a barre ,
•no- du refoulement est la transcription graphique exacte de ce « tra-
>sy- •' vail ,, qui donne accès au foyer du refoulé : «Par la pensée les malades •

de ont perçu l'incident refoulé, mais le lien entre cette pensée et le


iire ~ point où se trouve en quelque sorte enfermé le souvenir refoulé
,
:!ta- j' leur échappe. Aucun changement ne se produira jusqu'au moment
! la
où le processus mental conscient aura pu pénétrer jusqu'à ce point
pour y vaincre les résistances du refoulement 89• »
rop
::>ne Non seulement le point de vue topique, mais aussi le point de
ent '1' vue économique de la Métapsychologie est justifié par la praxis;
eur •• 1 en effet le traitement emprunte son énergie à la souffrance et au
'est J désir de guérir, à l'encontre des forces qui l'enrayent, parmi les-
• quelles il faut compter le cc bénéfice secondaire » que le malade
dû ' tire de sa maladie. L'investigation analytique entre dans cette
. J.•
la u économie ))1 en offrant une voie privilégiée aux forces disponibles
1
me et surtout en suscitant des énergies nouvelles capabl~s de vainc~e
~ l les résistances so; c'est ainsi que le problèm~ économtque du !rat-
ce
le , ~
• tement nous conduit à la question la plus éprneuse de la techn~que
analytique, celle du transfert; c'est le transfert en effet qut est ·
da •••
J
censé fournir l'énergie d'appoint visée dan~ le !exte pr~cédent :
au « Le nom de psychanalyse, dit Freud, ne s applique 9u aux pro-
rts :J 1•
cédés où l'intensité du transfert est utilisée contre les réststances 81• »
lés ; Le moment est donc venu de concentrer sur ce thème tout le
'
:es •
poids de la différence entre phénoménologie et psychanalyse.
ue Notre problème constant -.celui du r~pport. e?t.re ,he~mén~u:
:es tique et énergétique -rebondit un~.dermère f?ts · il s agtt mat~
ce ·~ ~
tenant de comprendre comment 1 mterprétat10n, sa COJ_Ilmum-
;st• cation et la prise de connaissance s'incorporent ~ la dynamtque du
e- .l transfert sa. Freud le répète: c'est dans le « maruement »du trans-

·.i • · ) Mais Freud r~cuse Ja notion de psycho-synth~o


éléments mstmctuels • (p. 133 · i consisterait cà refaire une comba-
a- l et ~éclnre ne trouver ~ucun s{ns à Ja) t~h~q;iacuterona ce point dana Je chop. tu.
nwson nouvelle et meaJJeure • p. 133 · 0
.J .
89. Ibid.
tU
90. Ibid.
te
• •• 91. Le début du traitement, 0 • c., P·:f
2
'connaiuance (par l'explication), teUea
9Z. • En somm,e, tr~sf.:rt et ,r"'Jon~ Je patient rate redevable • J'anaJyato •


ID aont les sources d ~nergae nouve ea
es •
'
A .fOl

. '
~ .......---
:
J
• •

DIALECTIQUE
1


fert que s'atteste au plus haut degré le caractère technique de la t

psychanalyse. C'est aussi en ce point que le philosophe formé à •
t

1
la réflexion phénoménologique se sent et se sait exclu de l'intelli- I
gence vive de ce qui advient dans la relation analytique. La praxis • t

analytique se distingue ici à titre ultime de tous ses équivalents r.
phénoménologiques imaginables. Avec la question du transfert • d
la stratégie relative aux résistances prend une figure concrète. L~ •
r
transfert, en effet, apparaît à la fois comme une issue offerte aux v
résistances anciennes qui ont contribué à la maladie et comme une v
résistance nouvelle, la plus forte de toutes, dit Freud, qui puisse 0
être opposée au traitement 93• D'un côté, les résistances ne peuvent p
être tournées que si la situation traumatique est transposée dans • n
• ét
le champ clos de la relation analytique; d'autre part, le transfert
surgit au point précis où il peut satisfaire la résistance délogée de .. S<
retraite en retraite et poursuivie dans ses derniers retranchements J
' S(
• 1

. D
par la manœuvre analytique. •
Un nouvel aspect de la dialectique entre herméneutique et éner- à
ar
gétique se révèle au cours de cette lutte contre les résistances,
dans la situation de transfert : on sait que la remémoration, expres-

r.

sément cherchée par la catharsis de Breuer, en même temps que la •
• m
décharge en affects ou « abréaction », a d'abord été le but visé par •
••
pl
!
'•
1
(ibid.• p. 104). Revenant sur la même difficulté en 1914, dans R.:mémoratiott,
1
répétition et trarulaboration, Freud accentue son opposition à Breuer, en y ajou- •

tant le trait suivant : la catharsis de Breuer compte sur le rappel du souvenir,
obtenu par le travail d'interprétation et la communication de ses résultats; mais
4.J XIJ
. c.
si la lutte contre les résistances est essentielle, la recherche des faits et des situa- .f est
tions doit céder le pas à l'interprétation des résistances elles-mêmes : • Fina- ~

lement la technique logique actuelle prévalut, technique selon laquelle on renonce ..•

à tl
tan
à déterminer un facteur ou un problème particulier et oil l'on se contente d'étu- :1 act
dier l'actuelle surface psychique du patient et d'appliquer son art d'interpréter tra;
• principalement à reconnaître les résistances qui surgissent et à les faire connaître
au malade. Une nouvelle répartition du travail s'effectue alors : le médecin décou-
1•
••
s'el
de
vre les résistances ignorées de son patient; une fois que ces dernières ont été 1• Ob~
surmontées, l'analysé raconte, souvent, sans aucune difficulté, les incidents et
associations oubliés. Il va sans dire que le but de ces diverses techniques est
~ 9
d'e1
resté le même. c'est-à-dire, du point de vue descriptif combler les lacunes de
1 sou
l
la mémoire, au point de vue dynamique, vaincre les résistances du refoulement • j ses
(p. 106). pen
93. La dynamiqeu du transfert (1912). G. W. vm, p. 364--74; S. E. Xli, P· 99-
108; tr. fr., p . so-6o, o. c., p. sz-s6. Dans ce texte, Freud présente com~e une
énigme le fait que le transfert soit un facteur de résistance, • alors qu'rull~urs
l'1 mar
tout
crée
~ à tr:
il doit ~tre considéré comme l'agent m~me de l'action curative et de la réussttd 0• • lect,
(p. 52) : • Voici donc la solution de l'énigme : le transfert sur la personne •
trat~
l'analyste ne joue le rôle d'une résistance que dans la mesure où il est un ~s­ 1 du 1
fert négatif ou bien un tranafert positif œmposé d'éléments érotiques refo • di ffi·
(p. 57).
~";.,., _-
...

''
'
'

1'
1
1

• ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOM~OLOGIE


la 1

a• •
1
• la techni,que .analytique; mais la remémoration est, elle aussi, un
li-


phénomene mtellectuel, un~ prise de connaissance du passé en
us • tant que passé; peu à peu, Il apparut que cette remémoration du l
lts matériel inconscient était moins importante que le discernement 1

rt,

du contour des résistances 94 ; mais surtout, il apparut que la
:...e • remémoration est elle·même remplacée dans bien des cas par une J
llX véritable répétition de la situation traumatique : au lieu de se sou• •
ne venir du passé, le malade le répète en le traduisant en actes {acting
se out), bien entendu sans le reconnaître comme répétition. Cette
nt péripétie est beaucoup plus importante qu'il ne paraît d'abord :
ns • nulle phénoménologie de l'intersubjectivité ne peut fournir un
!rt équivalent de cet automatisme de répétition qui appartient à une
de séquence très significative : résistance, transfert, répétition; cette
lts ' séquence est proprement le noyau de la situation analytique 85•
~

•• D ès lors, lutte avec les résistances, maniement du transfert, recours
:r- • à la répétition constituent la constellation majeure de la technique
!S, analytique ; sa manœuvre consiste à user du transfert pou~ enrayer
:S• l'automatisme de répétition afin de le ramener sur les vo1es de la
la u• rémémoration. On comprend que Freud .ait p~ dé~Iare~ que le

ar •' maniement du transfert présente des dzfficultes smguhèrement
1'
~
plus graves que l'interprétation des associations 98•
m, 1
'
u- ,
•1


94. Observations sur l'amour de transfert {1914), G. W. x, p. Jo6·J2I; S. E.
~
.11',
iUS

XII, p. l59•J7I; tr. fr., p. I 16-IJO. .. l é~ · ·
1&- • 95. c Le transfert n'est lui-même qu'un fragment de répétJtJOn et. a r t:"t1tJo~
1 est le transfert du passé oublié, non seulement à la personne du médecm, mats a~a
··-
.ce
••
~

l tous les autres domaines de la situation présente... Là encore le rôle de la .résas-
tance est aisément reconnaissable. Plus la résistance sera grande! plus la '?~se en
u- :1 actes {la répétition) se s ubstituera au so';Jvenir • R~:mlmoratzo'!• rlpétzt zo~ d
:cr
:re i l b ·
trans a oratton, o. c. {P· 1°9)· La techmque éanaJytrque d laconsistera 11 lllSSer
technique directe
u- •
j s'effectuer' la répétition, A J'encontre par cons quent c J' . out cf.
1 de remémoration, propre A la catharsis de Breuer. - 5 ur ac1mg • •
!té
et t Observations sur l'amour de transfert, 0 • e., P· I%J· t 1 • · aJ moyen
1 96 c C'est dans Je maniement du transfert que 1 on trouve e pnncrp de se
::st
d'enrayer l'automatisme e r P tl ~n.
l • . d é é 'ti et de la transformer en une nuson
de d ' e voire meme utile en Jimitant
t ~1 souvenir. Nous rendons cette co~p SIOn ; o ~'domaine circons~it. Nous lui
ses droits, en ne la laissant subsister quert ~~arène où il lui sera permis de sc
1

9•
' permettons l'accès du transfert,. cett~ sot cil nous l~i demandons de nous ~véler
ne manifester dans une liberté qua.s• tot ede o Je sychisme du sujet.. . Le transfert
IfS
tout ce qui se dissimule. de .pathog~~=ireO::~tre fa malndie et la vie delle, domaine
• 1 crée de Jo sorte un d orna.me mrermé 11
ede l'une à J'autre • (ibid. , p. IIJ· U<J). Lo

:le • l travers lequel s 'effe.::tue lol'l? ssag t petit Essai Obs1•rvt1 tiotts sur l'amour de
lecteur ajoutera à ces textes amportd affronte les difficultés du maniement
;S·
•• tramfert (cf. ci-dessus, n. ~4); r;;eu é:ente des obstacles singulièrement plua
1• du transfert dont il nous d1t qu • pr. . ( )
difficiles qu~ l'interpr6tation dct asaocaataona p. 1 J 6 •

l
~
i .'
--·-·····



'

• ••

DIALECTIQUE •

.
Pour nous qui sommes moins soucieux de la thérapeutique que 1
des implications philosophiques de cette situation, la difficulté < •
l

la plus impressionnante, celle qui met le plus à l'épreuve une 1

approche phénoménologique de la psychanalyse, c'est celle qui '


concerne l'usage du transfert amoureux : la fine pointe de la
technique consiste en cet art d'utiliser l'amour du transfert sans
le satisfaire. Freud n'a pas hésité à écrire que c'est là « un principe
fondamental sans doute appelé à régir ce domaine >>; il l'énonce
ainsi : << Le traitement psychanalytique doit autant que possible
s'effectuer dans un état de frustration et d'abstinence 97• »Voilà une •

règle sans équivalent phénoménologique, semble-t-il. De quoi


s'agit-il? Nous sommes ici au cœur du problème économique de la ·
relation analytique; ce n'est plus seulement des résistances du
malade que l'analyste apprend à « jouer », mais du plaisir et du •
déplaisir de l'autre, sous la figure de la frustration. Pour comprendre
ce point, il faut revenir à la situation initiale et à la frustration
engendrée par le conflit de la pulsion et de la résistance; toute la
théorie du symptôme en procède; un symptôme n'est pas autre

chose, au point de vue économique, qu'une forme substitutive de
la satisfaction; d'autre part, c'est l'échec de cette tactique de substi-
tution qui entretient la force pulsionnelle qui aiguillonne le malade
vers la guérison. Replacée dans ce contexte dynamique, la frus-
••
tration, énergiquement entretenue par la manœuvre analytique,
se justifie; il importe de ne pas dissiper cette impulsion; c'est ·


pourquoi il faut c< recréer la souffrance sous les espèces d'une autre
frustration pénible 98 n; ainsi le « travail >> de l'analyste, que nous •
J
avons décrit d'abord comme lutte contre les résistances, nous
apparaît maintenant comme lutte contre les satisfactions de rem- '
1

placement, et cela précisément dans le transfert où le malade 1
1
cherche avant tout une satisfaction substitutive. Cetté technique (

de la frustration est, pour le phénoménologue l'aspect le plus éton- (

nant de la méthode analytique; il peut sans doute comprendre la r


c
r
T.
97· Les voies nouvellts de la tMrapeutiqrle, o. c., p. 136. A cette pratique, d
Freud a consacré des pages importantes dans ses Observations sur l'amour dt q
transfert : 1 Il fout laisser subsister chez le malade besoins et désirs, parce que n
'
ce sont là des forces motrices favorisant le travail et le changement. Il n'est ~as é
souhaitable que ces forces se trouvent diminuées par des succédanés de saus· u
faction »(p. 123). Et plus loin : 1 La voie où va s•cngagcr 1•analyste est tout autro r•
et la vie réelle n'en comporte paa d'analogue. Il doit se garder d'ignorer le trans· v
fert amoureux, de l'effaroucher ou d•en dégoOter le malade, mais également, d
avec autant de fenneté, d'y répondre • (p. a4). n
98. Les voies nouvellts de la thérapeutique, o. c., p. 136.

/ ..

.'

••


ENTRE PSYCHOLOGIE BT PHÉNOMÉNOLOGIE
Je 1

té • • règle ?e véracité, fl:lais non le principe de frustration : celui-ci ne


peut etre que pratzqué•
1e 1

Ul
• Si nous rapprocho!ls maintenant le point d'arrivée et le point de
la 1 dépa_rt de ces. réflexJOns c?nsacrées. aux aspects techniques de la
'ZS
r7lat10n an~lytlque, nous du~>ns ~ec1 : ce qui rend possible la rela-
)e tion analytique comme relation mtersubjective c'est bien comme
• nous l'avons dit au début, le f~it 9ue le d!al~gue analytique fait
::e • a.ffieurer d?n.s ?n ~ontexte part1cuher de ~cseng:agement, d'isola-
le tJOn, de dereahsatton, la demande en quo1 consJste à titre ultime
1e
• le dé~ir; mais ce que se~Ie la technique du transfert, en tant que
01
techmque de la frustratiOn, pouvait révéler, c'est que le désir est
la en son fond une demande sans réponse...
lu La double tentative de reformulation de la psychanalyse, d'abord
lu • en termes de psychologie scientifique, puis en termes de phénomé-
re nologie, a donc échoué, et le caractère insolite du discours analy-
m •
tique est confirmé par ce double échec. D'une part, les concepts
la •
opératoires de la psychologie académique ne constituent pas une
re • meilleure formulation des concepts analytiques; d'autre part, la
,
le phénoménologie, comme disait Merleau-Ponty - dans la Préface

l- à Hesnard, l'Œuvre de Freud, ne dit pas <<en cJair ce que la psycha-
Ie nalyse avait dit confusément; c'est au contraire par ce qu'eUe
s- sous-entend ou dévoile à sa limite - par son contenu latent ou son
e, inconscient - que la phénoménologie est en consonance avec la
st · psychanalyse 99 ».
~e

lS 99. Merleau-Ponty : Préface à Hesnard, l'ŒtnJTe ck Freud et son importance


lS
pour le monde moderne (1960). J'adopte bien volontiers la plupart des formules
de cette préface et son mouvement général. Il faut, di.t J'auteur, dépasser une
l- première formulation des rapports enue phénoménologae et ~sychannlyse, où la
Ie • phénoménologie jouerait le rôle d'une sorte de men,tor tran.qUJIIe, rcdr<:ssant. des
lC malentendus, fournissant catégories et moyens d exprcssaon à une. tc~hna~ue
qui pense mol et se pense mal. IJ faut d'abord que la phénoménologae a11le JUS-
l- qu'au bout du mouvement de descente c dans son propr~ sous-sol ".(p. 8) pour
Ia rester elle-même, en convergence avec Ja r~cher~he ~reud1ennc. P~ae de 1( cette
· ' té an
curiOSI · fina'e, cette ambition de tout
. vo1r
. •qua aname
dé la éréductaon ph~nomé-
blé
noJogique • (p. 7), la phénoménolog1e doat. 1aasserb' c~n.céert e sa propre pcr? nce-
• J corps par Je temps par l'mtersu ~ecuvu , par cette conll 1e
e, dntaqu~ parch~se ou 'du monde ot: J'être est maintenant • autour d'elle, plutôt
ie q~eq~:v:~ elle • • être oniriqu;, par d éfinition caché • (p. 8). A~ors cette phé-
Je "' 1ogae,
nom.,no • en g' arde contre son propre idéalisme,
, · pourra
A se· soucacr· de protéger
t 'b ~
as également la psychanalyse contre _sa propre rcussatc,L qd~o~ Pt?ur~~a~~er~eu~a
S• 1 • hénoménolog1que rassurante. • a o;VIa 1on 1 •
re une rcformu atl?n p . d'hui aussi mcnaÇ4llte que sa déviation objecta-
8• r~cherOhe freu~le~~es:'àe~;der s'il n'est pns essentiel ô Jo psychanalyse - je
v~ste. n Cr_t VJen e thérapeutique et comme savoir vérifiable - de rester,
~:nAs':.~ ~~~~:n:e~;:r~maudite et science secrète, nuüs du moins un paradoxe
.t,

DIALECTIQUE

respère avoir montré que c'est à titre de praxis, irréductible à


toute autre, que la psychanalyse cc montre du doigt ,, ce que la
phénoménologie ne rejoint jamais exactement, à savoir « notre •
rapport à nos origines et notre rapport à nos modèles, le Ça et le
Surmoi 100 ».
et une interrogation • (p. 8). Je retiens précieusement et je fais mien cet aveu de .••
celui qui fit tant pour rompre le channe de c l'idéologie scientiste ou objecti.
viste • (p. s) de la psychanalyse : • Du moins les métaphores énergétiques ou •
mécanistes gardent-elles contre toute idéalisation le seuil d'une intuition qui •

est une des plus précieuses du freudisme : celle de notre archéologie • (p. 9). -
Pour saisir l'importance de cette Préface, on lira, de J.-P. Pontalis, la c Note sur ,J
le Problème de l'Inconscient chez Merleau·Ponty •, Temps Modernes, 1961 , '
'
n° 184-5, p. 287·303. ••
t.
1oo.lbid. cf. A. Hesnard, Apport de la phétrominologie à la psychiatrie contem·
porainc, Masson, 1959; A. Green, c l'Inconscient freudien et la psychanalyse
française contemporaine•, Les Temps Modernes, n° 195, 1962, p. 365-379; c Du
comportement à la ,chair : itinéraire de Merlcau-Ponty •, Critique, 211, 196,1,
p. 1017-1046.

.


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CHAPITRE Il
1 de
cti. RÉFLEXION:

ou •
UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET
qui
-
sur
<


t6r,
••
!?rn•
t
yse La tâche du présent chapitre est de porter les résultats de la
Du dis~ussion épistémologique antérieure au niveau de la réflexion
64, ..

phtlosophique. Il doit être bien entendu que notre entreprise
.!
relève de la seule responsabilité philosophique et n'engage aucune-
ment le psychanalyste comme tel. Pour lui, la théorie psychana-
l~ique ~e ~omp~end assez par son dou.ble rapport à .la méthode
d mvcshgatJOn dune part, et à la techmque therapeutique d'autre
part. Mais cette compréhension «suffisante »-au sens où Platon
dit, dans un important texte méthodologique, que l'explication des
géomètres s'arrête à u quelque chose de suffisant »••• qui ne suffit
pas au philosophe - ne se comprend pas elle-même. Si, comme
• nous l'avons posé dans la Problématique, le Je pense, je suis est le
fondement réflexif de toute proposition concernant J'homme, la
question est de savoir comment le discours mixte de Freud s'ins-
crit dans une philosophie qui est, eUe, délibérément réflexive.
Nous n'avons pas facilité la solution du problème, dans la
mesure où nous avons résisté à toutes les réductions psychologi-
santcs ou idéalisantes de la psychanalyse et où nous avons admis
\ l'irréductibilité des aspects les plus réalistes et naturalistes de la
théorie. L'idée directive qui me guide est celle-ci : le lieu philo-
'
sophique du discours analytique est défini par le concept d'archéo-
logie du sujet. Mais ce concept est resté jusqu'à présent un mot.
Comment lui donner un sens? Ce concept n'est pas un concept
de Freud et nous ne songeons nullement à l'imposer de force à la

lecture de Freud ou à le trouver par ruse dans son œuvre. C'est
un concept que je forme afin de me comprendre moi-mê~e. en
lisant Freud. }'insiste sur le caractère propre. de c~tte o~erauon •
constituante que je ne confonds. pas ayec la discusston methodo-
logique antérieure, laquelle resta1t au ruveau suffisant des concepts
non encore fondés •


.'

·~~
• • 1
• •
DIAI.ECTIQUB ..~, \
..•••(
Les étapes de la réflexion seront les suivantes : · i
1

1. Il faut d'abord rendre manifeste que c'est dans la réflexion i


,J

et pour la réflexion que la psychanalyse est une archéologie; c'est '.\
.
une archéologie du sujet. Mais de quel sujet? que doit-être le 1 •
sujet de la réflexion pour être aussi celui de la psychanalyse ? . ~,

2. Cette double rectification de la question du sujet nous per- ,


. 1
mettra de donner enfin un lieu philosophique à toute la discussion J

épistémologique antérieure, et de replacer le paradoxe de méthode ••
du premier chapitre dans le champ de la réflexion. Avec ce para- .i
1
graphe sera clos pour nous le dossier épistémologique du freu- .{
disme. 1
.'{
3· Nous tournant ensuite vers les thèses freudiennes elles-mêmes, •

nous élaborerons le concept d'archéologie dans les limites d'une !


philosophie de la réflexion. Nous ne prétendons pas que toute 1
J
· intelligence du freudisme y soit contenue. La suite de ce livre ••
JJ
montrera assez que l'intelligence du freudisme requiert une nou- ..
velle avance de la pensée. •
:J 1

1
'
• •
1. FREUD ET LA QUESTION DU SUJET . 'f 1

'
.;J
C'est une seule et même entreprise de comprendre le freudisme
comme un discours sur le sujet et de découvrir que le sujet n'est :J
~
jamais celui qu'on croit. La réinterprétation réflexive du freudisme 'i
ne saurait laisser intacte l'idée que nous nous faisons de la réflexion :
l'intelligence du freudisme est changée, mais aussi l'intelligence
1
de nous-même.
i
J
•'
·l
Ce qui doit nous aiguillonner, c'est l'absence même, dans le 1

freudisme, de toute interrogation radicale sur le sujet de la pensée • 1
et de l'existence. Il est bien certain que Freud ignore et récuse .•
•; c

toute problématique du sujet originaire. Nous avons insisté maintes ~
c
fois sur cette espèce de fuite de la question du Je petue, je suis. Le ~
J
~
Cogito ne figure pas, et ne peut pas figurer, dans une théorie •

topique et économique des « systèmes » ou des « institutions »;


il ne saurait être objectivé dans une localité psychique ou dans un 1
rôle; il désigne tout autre chose que ce qui pourrait être nommé 1
dans une théorie des pulsions et de leurs destins; c'est pourquoi,
il est cela même qui se dérobe à la conceptualisation analytique. .
Le cherchons-nous dans la conscience? la conscience s'annonce ,

comme représentant du monde extérieur, comme fonction super- •


408
.,


• •

.u ' .
,l
. ·f RÉFLEXION ! UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET

1

>n ~ ficielle, comme· un simple s!gle, dans la formule développée Cs-


Pcpt. Cherchons-no~~ le mot? c est le ça qui s'annonce. En appe-
,J

st .\.
le •
• lons-nous du ça .à 1mstance dom~natrice? c'est le surmoi qui se
1
présente. Poursutvons-nous le m01 dans sa fonction d'affirmation
r- de défense, d'expansion? c'est le narcissisme qui se découvre'
. '1 suprême écran entre soi et soi-même. Le cercle s'est refermé et
m l
ie

.1
l'ego du cogito sum s'en est chaque fois échappé. Cette fuite du
~ fonde~~nt égologique est. très ins~ructive; elle ne marque aucune-
a- 1
f ment 1 echec de la théone analyttque; c'est cette fuite même de

l- .·1 {
1

l'originaire qu'il faut maintenant comprendre comme une péripétie


• de la réflexion•
.s, ~.
Partons du te~e, des Méditations cartési~~es de Husserl (§ 9)
1e
te
!1
que ,nous. a':o!l~ Cite plus haut. (( Dans. une evtdence, l'adéquation
) et 1 apodacttctte ne vont pas nécessarrement de pair •. » Cette
~e ·1
'C
~
proposition constitue, à nos yeux, la structure d'accueil dans
1- ,J
' laquelle la problématique freudienne doit être pensée et réfléchie. .

:~ Elle doit être lue dans les deux sens. D'une part; elle implique que
l'inadéquation de la conscience soit adossée à l'apodicticité du
1

l' Cogito : il y a un point invincible à tout doute, que Husserl

1

t appelle la « présence vivante de soi », et à laquelle la réduction t


. 'j phénoménologique donne accès; sans ce recours radical, toute • ~
1 ••
• problématique concernant la réalité humaine est tronquée. D'autre
part, l'apodicticité du Cogito ne peut être attestée sans que soit en '
l
te même temps reconnue l'inadéquation de la conscience; la possibi-
5t :j lité que je me trompe moi-même, en tout éno~cé ontique que je
1e 1 prononce sur moi-même, est coextensive à la certitude du Je pense.:
•• « L'évidence vivante du Je suis n'est plus ~lle~même donnée, m~s
:e seulement présumée. » Et Husserl pouvatt aJOU~er.: cc Cette pre-
somption, co-impliquée dans l'évi~ence apodtcttqu.e~ reqmert, •

.e

quant à la possibilité de ~or:t remph~se~ent, un; cnt19ue de sa
.• portée, susceptible de Ja hmtter apodtcttquem~nt . » C est ~our­
:e
.e quoi la question reste en suspens, au cœur meme de Ja certJ!ude
!S du Je pense : (( Jusqu'à quel point l'Ego transcendantal peut-Il se
.e faire illusion sur lui-même et jusqu'où s'étend~nt ~es com~osa~tes
e absolument indubitables, en dépit de c~t~e tllusaon posstble ? »
11 est possible à partir de ces propos1t1ons fondamentales, de
1•, procéder à une répétition de style ré~e_xif de ~oute la mét~psycho~
n logie freudienne. Il s'agit d'une répéttuon, qu1 en reprodutt toutes
é •' •

t,
..• .• 1. CC. la suite du texte, p. 368, note •U·
Ibid•
e '
2,
.. 3· Ibid.
• • •


,

DIALECTIQUE •
'
~
les démarches, mais dans une autre dimension philosophique; ;

tout ce que Freud objective dans une réalité quasi physique, tous •
1
les modèles que la critique épistémologique contemporaine peut ,.•
' •
distinguer dans sa représentation de l'appareil psychique, tout .1•
cela doit devenir péripétie de réflexion.
Ce qui, d'abord et fondamentalement, doit être répété, c'est .
sa critique de la conscience immédiate; à cet égard, je tiens la '
métapsychologie freudienne pour une extraordinaire disci'pUne
de la réflexion : comme la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel,
mais en un sens inverse, elle opère un décentrement du foyer des
significations, un déplacement du lieu de naissance du sens. Par
ce déplacement, Ja conscience immédiate se trouve dessaisie a:u
profit d'une autre instance du sens, transcendance de la parole •
l
ou ··position âu désir. Ce dessaisissement, auquel la systématique •

freudienne contraint à sa façon, doit être opéré comme une sorte


d'ascèse de la réflexion elle-même, dont le sens et la nécessité

n'apparaissent qu'après coup, comme la récompense d'un risque
non justifié. Tant que nous n'avons pas effectivement fait ce pas, '
nous ne comprenons pas réellement ce que nous disons quand
nous déclarons que la philosophie de la réflexion n'est pas une •
·'
•1

psychologie de la conscience; pour le montrer et le manifester, il


faut creuser l'écart entre la position de la réflexion, dont nous avons 1

dit qu'elle est apodictique, et la prétention de la conscience, dont •


nous avons admis, mais en principe seulement, qu'elle n'est pas
adéquate, qu'elle peut se tromper, se faire illusion sur soi-même.
Il faut réellement perdre la conscience et sa prétention à régir le
sens, pour sauver la réflexion et son inexpugnable assurance. C'est
ce que le passage par la métapsychologie - à défaut de la pratique 1
analytique - , peut donner au philosophe : je dis bien donner et 1
non ôter.
• C'est la nécessité de ce dessaisissement qui justifie le natura-
lisme freudien. Si le point de vue de la conscience est- d'abord l
et le plus souvent - point de vue faux, je dois user de la systéma- 1
(
tique freudienne, de sa topique et de son économique, comme • f
8
d'une << discipline » destinée à me dépayser entièrement, à mc •
t
1
dessaisir de ce Cogito illusoire, qui occupe d'abord la place de s
l'acte fondateur du Je pense, je suis. Le passage par la topique et d
par l'économique freudienne ne fait qu'exprimer cette nécessaire
. ..
.~ d
discipline d'une anti-phénoménologie; au terme de ce procès, d
destiné à défaire les prétendues évidences de la conscience, je ne '• .

d
saurai plus ce que signifient objet, sujet, ni même pensée; le but j Cl

avoué de cette discipline est la vacillation du faux-savoir qui obstrue •

•1
.•
410 )
l


·''

R~PLEXION : UNE ARCHWLOGIE DU SUJET

l'accè~ de ~·Ego, qogito Cogitatum. Or ce dessaisissement de la


consctence tmmedtate est réglé par la construction d'un modèle
ou d'une suite de modèl~s, dans I.es~uels la ~onscience figur~
elle-même comme un des lieux parnu d autres. Amsi la conscience
sera ~ne des instances dans la triad~ inconscient-préconscient-
co~sctent. A ,son to~r, cette .représent.atJOn topographique o~ topo-
logtque de 1apparetl psychtque est mséparable d'une explication
économique selon laquelle cet appareil assure son auto-régulation
par des placements et déplacements d'énergie et par des investis-
sements mobiles ou liés. Pour ceux d'entre nous qui ne sommes
pas psychanalystes, qui n'ont pas à diagnostiquer et à guérir,
l'adoption de ce discours topique et économique peut recevoir
un sens, qui est encore un sens de réflexion : l'anti-phénoménolo-
gie de la topique et de l'énergétique freudiennes peut être érigée
en moment de réflexion, dans la mesure où elle sert à dissocier
de manière définitive l'apodicticité de la réflexion et l'évidence
de la conscience immédiate. t
1
Je propose que nous reprenions, sous le signe de ce dessaisisse- 1
ment de la conscience immédiate, le mouvement de la métapsycho-
logie freudienne, tel que nous l'avons ~xposé dans le langag~ de l
Freud au chapitre III de notre Analytzque. Cette problémattque (
s'est décomposée sous nos yeux en deux trajets. Le p~cmier, t~ès

visible dans l'Essai intitulé l'Inconscient, nous a condUJts du pomt
de vue descriptif, qui est encore cel~i de la, conscien~e immédi.ate, '.
au point de vue topique et é.conomtqu~, ~u la consctence devtent
elle-même une localité psychtque parm1 .d autre~. Le se~on~ nous
a fait remonter des représentants de pulst~n, qut sont déJà d étoffe
psychique, à leurs rejetons dans la consct~n~e.. Ce double ,mo~ve­
ment devient compréhensible dans une discrphne de la rc~exton.
Au dessaisissement de la conscience se rattache l~ conquete du
point de vue topique-économique. C'est d3f1s ce pom~.de vue. que
le lieu du sens se trouve déplacé de la consc1ence ve~s 1mconsc1ent.
Mais ce lieu ne peut être réaJisé comme une régton du mo~de.
C'est our uoi la première tâche de décentrement ne p,eut et re
sé aré~ de la deuxième tâche de reprise du. sens dans 1mterJ~ré:
~ d dé rise et de repnse est le ressort philo
tat10n. Cette alternance e Ph0 1 . S''J est vrai que la langue
sophiq':le de toute .la métapsyc ?~:t se~s et force, la réflexion
du dés1r est un dtscours qut ~onJdl désir se laisser déposséder
doit, pour accéder à c~tte racme udécent~er dans un autre lieu
du sens conscient du dJScdu~ et .~issement de la déprise. Mais,
5

du sens. C'est le moment ~bi essaie dans 1~ déguisements où il


comme le désir n'est accesst e qu
.Il

• •

' . .
• . .·:
.. .••
• •
• • • • 1
• 1


DIALECTIQUE ...

.J

se déplace lui-même, c'est seulement en interprétant les signes du
désir que l'on peut reprendre dans la réflexion la position du désir J•

••
• et ainsi agrandir la réflexion elle-même qui gagne enfin ce qu'elle a 1
'
d'abord perdu. t•

Tel est le sens, pour la réflexion, des deux trajets de l'Atzalytique, 1



J
trajet du concept descriptif de conscience au concept de pulsion ct J
1
t
de destin de pulsion, trajet du représentant de pulsion à ses reje- •'

tons dans la conscience. l' .


1

Répétons le premier trajet; il commence par un renversement


' de point de vue : l'inconscient n'est plus défini par rapport à la
1
• conscience comme un caractère d'absence, de latence, mais comme
une localité dans laquelle résident des représentations; anticipant

sur la présente analyse, il nous est arrivé de nommer ce renverse-
ment de point de vue, une anti-phénoménologie, une épochè retour- l
.l
née'· Cela reste vrai : il ne s'agit pas en effet d'une réduction à la l
• conscience, mais bien d'une réduction de la conscience; la cons- .~
'. :
cience cesse d'être le mieux connu pour devenir elle-même problé-
matique; il y a désormais une question de la conscience, du devenir- l ..
conscient (Bewusstwerden), à la place de la soi-disant évidence
de l'être-conscient ( Bewusstsein). C'est cette anti-phénoménologie
·~
qui doit maintenant nous apparaître elle-même comme une phase J'l
de la réflexion, comme le moment de son dépouillement. Le concept
topique d'inconscient est alors le corrélat de ce degré zéro de la
réflexion.
1

1 :• La seconde étape de ce mouvement de destruction des pseudo-

.• :• évidences de la conscience a été marquée par l'abandon du concept

d'objet (objet de désir, objet de haine, objet d'amour, objet
d'angoisse); l'objet, tel qu'il se donne dans sa fausse évidence de
'• vis-à-vis de conscience, doit à son tour cesser de guider l'analyse :
dans le langage de Freud, il n'est plus qu'une simple variable du
. but de la pulsion (Trois Essais sur la sexualité, les Pulsions et leurs
'• ,
destins). La notion de destin de pulsion est ainsi substituée aux
lois de la représentation de l'ancienne psychologie de conscience; .
'• •
c'est dans le cadre de cette économie pulsionnelle que peut être •

tentée une véritable genèse de la notion d'objet, en fonction des


répartitions économiques de la libido. Cette anti-phénoménologie
apparente n'est peut-être que le grand détour au terme duquel
l'objet peut redevenir le guide transcendantal, mais pour une
réflexion très médiatisée, et non pour une conscience prétendu-
... ment immédiate. A cet égard, le dernier Husserl indique la percée
• '
'•• 4· P. JZZ et suiv•


• t
)
• •
1•
t . •
·: •
• •

.
1

., •

• RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET
. J
es du •

désir l et la direction, quand il articule toute recherche de constitution


'elle a 1 s.ur une genèse pass!ve: Ce qui reste propre à Freud, c'est d'avoir
1
j lié cette genèse de 1 obJet à celle de l'amour et de la haine.
. L~ troisième .ét~pe du dessaisi~se.ment est marquée par l'intro-


1ttque, 1
1j ductto'! du narcts~tsme dans .la t.heone psychanalytique; nous voici •

10n et 1
contrat?ts de tra1ter !e mo1 lut-même comme l'objet variable de
• 1

· reJe- J
1 la puls10n et de constttuer le concept de pulsion du moi ( Jchtrieb)
. l. où, disions-nous, 1~ moi n'est plus le cc ce qui J) du Cogito, mais le
!ment (( ce que » du déstr; bien plus, dans r économie de la libido, les
t à la l
1
valeurs d'objet et les valeurs de sujet ne cessent de s'échanger;

)mme il y a un moi de plaisir (Lust-ich}, corrélatif de Ja pulsion du moi
:ipant (lchtrieb }, qui se négocie contre les valeurs d'objet sur le marché
verse- des investissements libidinaux. C'est ici la suprême épreuve pour
etour-
n à la ,
.1 une philosophie de la réflexion. C'est le sujet même de l'apercep-
tion immédiate qui est mis en question. Il faut a introduire le
cons- .~ narcissisme », non seulement dans la théorie psychanalytique,
••
rob lé- mais dans la réflexion. Je découvre alors que la vérité apodictique

ventr- Je pense, je suis, aussitôt proférée, est obturée par une pseudo-
idence évidence : un Cogito avorté a déjà pris la place de la première
ologie vérité de la réflexion Je pense, je suis,· je découvre, au foyer même
phase de l'Ego Cogito, une pulsion dont toute~ les . fo.r~es ~érivé~s 6
>ncept 1 pointent vers quelque chose de tout à fa1t pr1m1tif, pnmord.ial,
de la préalable, que Freud appelle n~ciss_isme primaire: ~orter cette
découverte au niveau réflexif, c est egaler le dessaiSissement ?u
;eudo- sujet de conscience au dessaisissement déjà obtenu de l'objet •
)ncept visé. 'd ·
Nous avons atteint ici une sorte de point e~rêm~ de 1a re u~10n
objet
1Ce de .., de la conscience et, pourrait-on. d.ir:, de la ,reduction de la pheno-
alyse : ménologie : parlant de la surestimation de 1enfant par ses ~ar~nts,
ble du

où il voit une sorte de reproduction de le~r propre narc..assJsme
!t leurs abandonné (lzis majesty the baby accomplira tous nos r~v~s...),
!eaux 1
Freud écrit · « Le point le plus épineux du système narcJssaqueé

:tence; ·Cette immodalité du moi que la réalité met en brèche, a retrouv
1t être sa sûreté en se réfugiant chez l'enfant 8 • D ., Ile
)D des
«Ce point épineux du système narcissique ,, c'est ce que Jappe
le faux Cogito coextensif . au Cog1to · onga · ·naire· Un autre
) texte
tre
1ologie
:luquel fameux de Fr~ud Une difficulté de la psyclza~aly~e (z9.1? èrn~~ Ja
sr une •
bien l'enjeu philosophique de cette :ontestatJOn u ~n.vt 1bfegran- •
conscience. Le narcissisme Y apparatt comme une v nta e
tendu·,
percee s. cr., p.•Jo-tJa. . . w x 15s;s. E., xtv, p. 91; tt. ft.,
0
6. Pour introduire le nareunstM, • · • P·
p. 21 •


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1


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'
• DIALECTIQUE ,l•
'
deur métaphysique, comme un véritable malin génie à qui doit
être attribué notre plus extrême résistance à la vérité : cc L'universel j
l
narcissisme des hommes, leur amour d'eux-mêmes, écrit-il, a ~
subi jusqu'à ce jour trois sévères humiliations de la part de la 1
science. » Ce fut d'abord la position centrale de la terre qu'il tint l
pour un gage de son rôle dominant dans l'univers et qui lui parut
u parfaitement ajustée à son inclination à se regarder lui-même
~
comme le seigneur du monde ». Ce fut ensuite la prétention à
s'attribuer une « position dominante sur les autres créatures dans •
le royaume des vivants et à creuser un abîme entre sa nature et la
leur ». C'est enfin sa conviction d'être maître et souverain de sa J
propre demeure psychique. La psychanalyse représente la troisième
et << probablement la plus cruelle >> des humiliations infligées au
narcissisme. Après l'humiliation cosmologique que Copernic lui
infligea, ce fut l'humiliation biologique, issue de l'œuvre de Darwin.
Et maintenant, voici la psychanalyse qui lui révèle que « l'Ego
n'est pas maître en sa propre demeure >>; l'homme qui savait déjà
qu'il n'est ni le seigneur du cosmos, ni le seigneur des vivants,
découvre qu'il n'est même pas le seigneur de sa psyché. Le penseur
freudien s'adresse ainsi au moi : « Tu crois savoir tout ce qui se •
passe dans ton âme, dès que c'est suffisamment important, parce il
que ta conscience te l'apprendrait alors. Et quand tu restes sans '
~

• nouvelle d'une chose qui est dans ton âme, tu admets, avec une
parfaite assurance, que cela ne s'y trouve pas. Tu vas même jusqu'à
l
tenir psychique pour identique à conscient, c'est-à-dire connu de
toi, et cela malgré les preuves les plus évidentes qu'il doit sans
cesse se passer dans ta vie psychique bien plus de choses qu'il ne
peut s'en révéler à ta conscience. Laisse-toi donc instruire sur ce
point là »••• << Tu te comportes comme un monarque absolu, qui
se contente des informations que lui donnent les hauts dignitaires
de la cour et qui ne descend pas vers le peuple pour entendre sa
voix. Rentre en toi-même, profondément, et apprends d'abord à
te connaître, alors tu comprendras pourquoi tu dois tomber malade, •
et peut-être éviteras-tu de le devenir 7 ».

1· Une difficultl de la prychanalyse, G. W. xn, p. 3-12; S. E. xvn, p. 137-144;


tr. fr:, in Essais tk psychanalyse appliquée, p. 139-146. Sur ln pcrsonnolo~ie 1
freudtenne, cf. J. Lacan, • le stade du miroir comme formateur de la fon cuon 1
du je... • Rev. fr. de Psa, xm,4, 1949, p. 449-454; •les formations de l'incons- l

cient •, Séminaire 1957-8, Bull. Psych. n. 11; O . Lagache, • Fascination de ln r
conscience pur le moi •, La Psa, rn, 1657, pp. 33-45; • La p sychanalyse et la J
structure de la personnalité •, La Psa, VI, 1961, pp. s·S4 i P, Luquet. • ~ ' J
identifications précoces dans la structuration et la restructuration du Mol '•
,
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-..._~"'

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11
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1
RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJBT
~
doit 1 « Laisse-toi donc instruire sur ce point-là... rentre en toi-même,
~rsel
1, a ] profondément, et apprends d'abord à te connaître... n Ces mots de
Freud nous font entendre que cette humiliation fait elle-même
.e la ~ partie d'une histoire de la conscience de soi. In te redi c'est le mot
tint 1 de saint Augustin; c'est aussi celui de Husserl à la fin' des Médita-
arut
ême
~ !ions ca~tésiennes; mais ce qui est propre à Freud, c'est que cette
mstructJOn, cette clarté, doit passer par une cc humiliation n, parce
>nà qu'elle a rencontré un ennemi jusqu'ici masqué, celui que Freud
:lans •
appelle « résistance du narcissisme ».
et la C'est cette contestation du narcissime, comme foyer de résistance
e sa 1 à la vérité, qui commande la décision méthodologique de passer
d'une description de la conscience à une topographie de l'appareil
.ème
s au •
psychique. Le philosophe doit admettre que ce recours à un modèle
: lui naturaliste de l'Ego a une profonde signification en rapport avec

wm. la tactique de délogement et de dépossession dirigée contre l'illu-
'Ego sion de la conscience, elle-même enracinée dans le narcissisme.
déjà Le réalisme de l'inconscient, devenu réalisme du moi lui-même,
mts, doit être considéré comme une phase de la lutte menée contre les
seur résistances et comme une étape en vue d'une conscience de soi
• moins centrée sur l'égoïsme de l'Ego, éduquée par le principe de
u se
réalité, par l'Ananké, et ouverte à une vérité sans cc illusion D. Tout
arce
ce que nous pouvons dire de la conscience, avec - et éventuelle-
sans ment contre - Freud, doit désormais porter la marque de cette
une u blessure » infligée à notre amour-propre. Pour exprimer ce p~i;"t
qu'à d'indigence phénoménologique auquel nous sommes conv1es,
J de je reprendrais volontiers le f!10t de ~}aton ~u~ l'.être et le !lon-être
sans dans le Sophiste : « La question de 1etr~, ~hsatt-111 est auss1 emb.ar-
.1 ne rassante que celle du non-être. 11 Je d1ra1 de m~me : 1~ question
r ce
• de la conscience est aussi obscure que celle de 1mconscte~t. l
qm

Voilà ce que l'on peut dire en fa~eur de Freud! au seml de sa
ures théorie des Instances. Maintenant, Je ne cacherai pas que cette
·e sa tactique parfaitement adaptée à une lutte contre l'illusion, condamne
rd à la psych~nalyse à ne jamais rejoind~e l'affirmatio.n originaire : rie.n

ade, n'est plus étranger à Freud qu~ l.1dée ~u .Cogt~o se posant lm-

même dans un jugement apodictique, ureduct1ble à toutes les

·144;
logic
:t
Rev fr d Psa XXVI 196:1, pp. 117-3:19; P.C. Rncamicr, • le Moi, le Soi, la
per;on~e la Psych~sc•,l'Evo/. PsJ·chiatr.~ 195~,2, p. 445-466; Sur lep6lc: de
l'image corporelle, F. Dolto, • Personnologae et amage du co.rps •, la .sa, VI,
ct ion 6 , pp. • ; S.A. Shc:ntoub, 1 Remnrques sur la concept aon du moa ~t ~cs
:ons- 19 1 59 92 'a'mo<>e corporelle, 1 Rev. fr. de Psa., XXVII, z/J, 9 J,
:le lo r éfé renees ou CO nCept de l ,. . . d 1 L :-- bréni •
• G Pankow c Structul'DtaOn dynamaque ana a aC•UMUP e ,
et la pp. a71-300 t • t

.' Rev. suisse de Psycho/agi~, :&7, 1956.


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0
DIALECTIQUE l
! • 0

••
illusions de la conscience. C'est pourquoi la théorie freudienne
du moi est à la fois très libérante à l'égard des illusions de la cons-
cience et très décevante par son impuissance à donner au << Je ,

du Je pense un sens quelconque. Mais cette déception proprement
philosophique doit d'abord être versée au compte de la « blessure» ••'
.·-'
et de l' « humiliation » que la psychanalyse inflige à notre amour-
.• propre.
C'est pourquoi le philosophe, lorsqu'il aborde les textes de ~
0
Freud consacrés à l'Ego ou à la conscience, doit oublier les requêtes •
les plus fondamentales de son égologie et accepter que vacille la oO

position même du Je pense, je suis,· car tout ce que Freud en dit 1

présuppose cet oubli et ce vacillement; jamais la conscience ou 0


l'Ego ne figurent dans la systématique à titre de position apodic- ~
• 0l
0
tique, mais comme fonction économique. 1
1
En entrant ainsi dans le freudisme par la porte étroite de la ~
1
systématique, nous réalisons fort bien le dessaisissement de la 0J
1
conscience; nous le « réalisons », au sens propre du mot, puisque .1
J
c'est à un réalisme des instances que cette discipline conduit.
Mais ce réalisme, considéré seul, est inintelligible; le dessaisisse- 1

ment de la conscience serait au sens propre i11sensé, s'il ne réussis- 0
:


sait qu'à aliéner la réflexion dans la considération d 'une chose. •
•0

C'est ce qui arriverait si nous omettions les liens complexes qui J
1 •
rattachent cette explication topique-économique au travail effectif 1
de l'interprétation, qui fait de la psychanalyse le décryptage d'un ol
1
1
0 0

sens caché dans un sens apparent. i



' Le second trajet que nous a fait parcourir la métapsychologie l
a son origine dans le difficile concept de « présentation psychique .1
;,
de pulsions n. Ce concept, plus postulé que démontré, et qu'on 1
• ii
tiendrait parfois pour un expédient, a une fonction irremplaçable. • •
JI constitue le tenon principal de la chaîne réflexive : je le place à .1o!
• 1
• ce point de rebrousssement où le mouvement de « déprise ,, de la l f
conscience immédiate apparaît comme l'envers du mouvement •
de « reprise », comme l'amorce d'un « devenir-conscient » qui '
~
cherche à s'égaler au Cogito authentique, comme le début de la ~
réappropriation du sens. 0
e
'}
Il y a un point, disions-nous, où la question de la force et la • c
question du sens coïncident : ce point est celui où la pulsion se ~~ r
0·1
désigne dans le psychisme par des représentations et des affects 'i e

qui la « présentent ». Laissons de côté le problème de l'affect s~r .j
lequel nous reviendrons d~ns le prochain paragraphe, et ne c?ns1· ~4
dérons que ces présentations que Freud appelle présentattons- .'l1 p.
représentatives de la pulsion. ~

-,1
1
~

• 01
'1
:1
. .•

,

1 RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET '

Lienne
cons- ~a pulsion, dans son être biologique, nous dit Freud, est incon-
u Je » •• !lat~sable; pa~ cont~e, elle ~ntre dans .le champ psychique par son
ement ' mdi~e de presen~~t10n; grace à ce s1gne psychique, le corps est
..••, « presenté dan~. 1!tme ~· Il sera dès lors possible d'user du même
1

sure'
no ur- langage pour 1!ncons~tent .que po~r le conscient : nous pourrons
parler de representatiOns mconsc1entes et conscientes· une cer-
taine unité des significations intentionnelles maintient' désormais
es de 1

une parenté de sens entre les systèmes, en dépit de la barre qui les
1uêtes •
sépare. La portée de cette thèse est considérable; eJle est double :
ille la .. d'une part, le psychique ne peut être défini par le fait d'être cons-
:!n dit
l cient, par l'aperception; sur ce point la parenté avec les concepts
ce ou .
Jodie- .,~. leibniziens d'appétition et de perception, sur laquelle nous nous
, étendrons plus longuement tout à l'heure, est très éclairante et
rend très plausible le concept freudien de présentation psychique
de la ~
1 de pulsion; d'autre part, la parenté de sens entre l'inconscient et
de la 1
le conscient implique que le psychique, en tant que tel, ne peut
• J
usque
nduit.
1 être défini sans la possibilité, aussi lointaine, aussi difficile soit-elle,
• •

de devenir-conscient. Aussi bien le mot inconscient, même rem-
tstsse- ! placé par le sigle Ubw (les), garde référence à la conscience; la
• •
~USSIS• l
.

Bewusstlzeit, le « conscientiel ll, observe Freud, << constitue le point
chose. • de départ de toutes nos recherches 8 , ; « seul caractère des processus
!S qut• ~
psychiques qui nous soit donné immédiatement, dit-il encore, il ne .•
ffectif l se prête nullement à la distinction entre les systèmes... Ainsi la r
••
1
! d'un 1
conscience n'est même en rapport simple, ni avec les systèmes,
,1
f
ni avec le refoulement 1>. Tout au plus peut-on et doit-on a s'éman-
ologie j ciper de la signification du symptô~e conscienti~I.0 » : et c'est
:hique ;,i bien ce que nous avons fait sous le titre du ~essalSJ.sse,m~nt de .la
qu'on j
1 conscience. Mais le conscientiel ne peut être m supprime m dét!u1t.
En effet, c'est par rapport à la possibilité du devenir-conscient,
1
çable. '
lace à 1 par rapport à la prise. de conscien~e comme tâch~,. qu~ 1~ conccp~
de la " •
de présentation psychique de pulsiOn prend ~en~, d stgmfie c~c1 ·
!!ment l aussi éloignés que soient les représ.entants. pnma1r~ de la pulston,

» qut aussi distordus que soient Ie~rs re;etons, ds appa~en?ent enc~re
de la à la circonscription du sens; tls peuvent par prmctpe etre trad~tts
en terme de psychisme conscient; bref la psyc?analyse e~t posstble
et la ï, comme retour à la conscience parce. que, une certame faço~, ?
on se ..·! l'inconscient est homogène à la consc1ence; il est son autre relatif
1ffects 1
'~ et non pas rabsolumcnt autre.
ct s~r .i~
cons•· 8. L'Inconscient, G. W. x, p. 271; S.E. xrv, p. 172: tr. {r., in Métapsychologie,

uons· ~ p. 104, r- J39
•J
~
9· Ibid., G. w. x, p. 291 ; S. E. xav, p. 192; tr. u., P· ·
j

j 1
:1

. ..
J . . ... , .• ... -

... ~.,._.. ...
~,

2. RÉALITÉ DU ÇA, IDÉALITÉ DU SENS

Il est maintenant possible de reprendre dans la réflexion, et


plus précisément dans son double mouvement de déprise et de
reprise, le débat de méthode laissé en suspens dans le premier cha-
pitre. Je ne reviendrai plus sur la teneur des concepts herméneu-
tiques et des concepts topiques-économiques du point de vue de
leur consistance propre et de leur compossibilité dans une épisté-
mologie cohérente. Je m'attacherai à rindice de « réalité >> qui
s'attache plus particulièrement aux concepts topiques-économiques
et à l'indice 11 d'idéalité ,, des concepts de signification, d'intention,
de motivation.
Le freudisme veut être un réalisme de l'inconscient : à cet égard,
Freud se plaint que le préjugé de la conscience empêche les 11 philo-
sophes» de rendre justice aux concepts psychanalytiques de l'incons-
cient. Il a raison; mais la question demeure de déterminer quel
réalisme nous professons et pratiquons quand nous subordonnons
les faits de la psychanalyse aux concepts fondamentatL'"C de la méta-
psychologie. C'est ici la tâche d'une critique, au sens kantien du •1'
'
mot; et cette tâche est désormais susceptible d'être remplie. ,1

!

Que la topique freudienne requière un réalisme de l'inconscient, l


cela n'est pas douteux; aussi bien nous avons nous-même ratifié 1

ce réalisme du point de vue de la réflexion, dans la mesure où nous •• (

y avons reconnu le moment du dessaisissement, de la déprise, à 1 1


l'encontre de toute prise de conscience prématurée ou illusoire. J•
Mais cette disjonction à l'égard de ma conscience n'est pas une
disjonction à l'égard de toute conscience. Le lien des concepts .
métapsychologiques au travail effectif de rinterprétation laisse 1•
1 '
apercevoir une relativité d'un nouveau genre, non plus à la cons- '
cience qui 11 a » si l'on peut dire l'inconscient, mais à l'ensemble ~~
du champ de conscience constitué par le travail de l'interprétatio~. J
Mais cette nouvelle proposition est pleine de pièges; car ce travatl •~
et ce champ sont ceux d'une conscience scientifique qu'il importe 4

de distinguer, en principe au moins, de toute subjectivité privée, i t


c
y compris celle de l'analyste, et de considérer d'abord comme une 1•
l
subjectivité transcendantale, c'est-à-dire comme le foyer des • 1
'
règles qui président à l'interprétation.
Ce réalisme que nous avons en quelque sorte déconnect~ de
•1
1

l
nous-même qui philosophons, délié de notre conscience immédiate,
reste en suspens aussi longtemps que nous n'avons pas relié la j
l (

J
(
topique elle-même au champ herméneutique u dans , lequel tout 1
'•t
~
.-p8 l

~•
J
••

-----JIIIIIf'!~{
•' " ... '· l~
\'ge ' '\ ,
- :,MS?._ _ _

RÉFLBXION : UNB ARCHBoLOGIE DU SUJET

réalisme se constitue. Mai~ il, faut bien entendre ce lien, si nous ne


voulons, pas. annuler , le. benefice que représ~n~e, pour le progrès
de la reflexiOn, le realtsme freudten. Ce realtsme représentait à
t, et nos yeux ~on p~ un~ ~hute au naturalisme, mais une dépossession
t de de 1~ ~ertttude tmmedtate, un recul et une humiliation de notre
cha.. narctsstsme; ce que !lous avons à dire maintenant ne doit pas être
neu.. u~e revanche sourn01~e de ce mêm~ narcissisme, mais la promotion
e de d une nouvelle qualtté de consctence. Cette promotion est le
isté-
qm•
résult.at e~ le bén~fice ?u dessaisissement de conscience qui l'a
permts, bten que 1on decouvre après coup que c'est la conscience
ques herméneutique qui est la condition de possibilité du réalisme de la

tton, topique.
Cette situation n'a rien d'étonnant; elle ne ressemble aucunement
~a rd, à un cercle vicieux. Elle caractérise, d'une manière générale, le
hilo- rapport entre le réalisme empirique, que présuppose toute entre-
:ons- prise scientifique, et l'idéalisme critique qui préside à toute réflexion
quel épistémologique portant sur la validité d'une science des faits. Une
nons
,
critique des concepts réalistes de la topique ne doit donc pas nous 1

leta- 1 ramener à la conscience du sujet analysé, sous peine de nous faire 1
l du
1
•• faire un pas en arrière en direction de la conscience immédiate à • •'

laquelle nous avons résolument tourné le dos; certes l'analyse J~
:tent, part toujours des énigmes du sens paur cette conscience, de ses
'
atifié 1 symptômes pour elle, du récit de rêve qu'elle produit à l'analyste.
nous 1• Cela est vrai, mais l'important est ailleurs; l'important c'est la
1

se, à 1 suspension de ce sens immédiat, ou plutôt de ce chaos de sens,



mre.
••
•• et le déplacement de ce sens apparent et d~ son n~n-sens. da~s le
une champ de déchiffrage constitué par le travat~ analyt•qu~ lut-meme.
:epts . Or c'est la topique qui permet cette suspens!on et c~ dc,Piace~ent.

atsse 1 Dès lors la seule critique des concepts r~a~tstes q~t sott P?ss~ble,
!ons-
1
J c'est une critique épistémologique, une cntlque qUI les ", deduts~ »
mble

:;' - au sens de la Déducticm transcendantale de Kant -, .c est~à-~re

.uon. les justifie par leur pouvoir d'ordonner un nouveau domame d ~.bJ~C­
·avait
1
.• tivité et d'intelligibilité. II me semble qu'une plus ~rand~ famtüanté
~
avec la pensée critique aurait épargné bien des dtscusstons s~olas­
:>Orte
.. , tiques sur le réalisme de l'inconscient ~t en géné!al de la toptque:
4
1
1vee, ~
comme s'il fallait choisir entre un réahsme des mstances (Ics,~c~
: une j.
• Cs) et un idéalisme du sens et du non·s~ns. Kant. ~ous a app~~s!
des
J•
1
propos de la physique à joindre un réahsme empmque à unb! c~
1 lisme transcendantal· Je dis bien transcendantal, e~ n?n su ~~~t
.é de ou psychologique c~mme ce serait le cas d'u?c theortj tr~p t~~~
Ji ate,
jé la
1 intentionnée qui ~urait tôt fait d'annuler le r~u 1tat et e e_nc
. . · Kant l'a faJte pour 1es sctences
i de la << topique». MaJs, cette JOnctton,
tout
' •P9
~•

~

J

••

/


• .
'1'
DIALECTIQUE 1

,
l
!
de la nature; il nous reste à l'opérer pour la psychanalyse, où j

la théorie a un rôle constituant à l'égard des faits qu'elle éla- '


J
bore. 1

Réalisme empirique, d'une part. Cela veut dire plusieurs choses : •
l
xo La métapsychologie n'est pas une construction adventice •
facultative; ce n'est pas une idéologie, une spéculation; elle relève
de ce que Kant appelait les jugements déterminants de l'expérience;
elle détermine le champ de l'interprétation. Il faut donc renoncer
à dissocier méthode et doctrine, à prendre la méthode sans la
doctrine. Ici la doctrine est méthode.
2o L'analyse, au terme de son entreprise de déchiffrage, atteint 1

une réalité au même titre que la stratigraphie et que l'archéologie.


Cette réalité rencontrée, trouvée, nous surprend de multiples .1
manières : d'abord comme réquisit d'une analyse terminée. Telle
interprétation de rêve vient finalement buter à un ultime noyau j
où elle s'arrête; je comprends en ce sens ce que Freud dit de l'ana-
lyse terminable 10 ; à un moment l'analyse se termine, parce qu'elle 1
aboutit à ces signifiants et non à ceux-là : le terme auquel aboutit
l'analyse est l'existence de fait de cette chaîne linguistique et non
de telle autre. J
3° Réalité singulière de telle configuration psychique, mais réalité
typique aussi : l'interprétation est possible parce qu'elle retombe 1
régulièrement sur les mêmes segments signifiants, sur les mêmes
correspondances; ces récurrences constituent une sorte de dic- 1
tionnaire déjà constitué dans une typique préalable; « il y a » du
sens, avant que ((je,, pense; ça parle. Ainsi l'analyse est terminable
parce que des configurations singulières sont discernables; mais ,'i1
le singulier est discernable, comme tel et non tel autre, parce qu'il
découpe sa singularité à l'intérieur de types qui limitent le foison- 1
nement des combinaisons possibles. A la notion du terminable il
f
faut donc joindre celle de l'ordre fini des combinaisons. On s'oriente
' l
ainsi vers l'idée d'une structure déterminée que l'analyse à la '
l
fois vérifie et présuppose.
f
4° Plus encore que la singularité du sens et que le dénombre-
• J
ment fini des structures typiques, le réalisme freudien repose sur t
le caractère de mécanisme des lois qui régissent le système incons- t
cient; c'est cette différence entre les lois qui régissent ce système et 1
celles de l'activité consciente qui justifie aux yeux de Freud le , ~


10. Analyse u,.,rainle et interminable, G. W, xv1, p. 59·99; S. E, xxrn, P· 216·

ZS3; tr. fr. &v. fr. de Psa, Xl, n° I, 1939, p. 3-38 •

••

1
•j



1
1
'
! ÛFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET


a- passa~e du point de vue descriptif a.u point de vue systématique.
Ce .dep~ysement dans ~ne ~utre légahté, par lequel je me rencontre
J
•1

'
n;tot-~eme comme me~a~tsme, n'est pas sans analogie avec la
ce
l s1tuatt~n que Hegel decnt dans les Principes tk la Philosophie
'
du drmt; lorsque l'entendement appréhende l'activité de l'homme
ve 1
c~mm~ être de besoin, il. la saisit dans un système qui réalise la 'r
e; '•'
1 n~cess1té co~me m~cams~e, comme r~alité extérieure; Hegel •

declare : << L écon~mte pohttque est la sctence qui a son point de


er (
~

la i !
départ dans ce pomt de vue 11• » Cette rencontre avec l'économie 1

P.olitiquc. n'.est pas fo~uite, puisque .c'est une économie des pul-

1

nt 1

' ston~ qut !lent re!ll~lir le, cadre toptque. ~a méthode analytique
le. est tmprat1cable st 1on n adopte pas le pomt de vue naturaliste
es . 11 imposé par le modèle économique et si l'on ne ratifie pas le type
lie • '•
d'intelligibilité qu'il confère; tout le pouvoir de découverte est •
au '•
.J d'abord du côté de ce modèle. C'est pourquoi une transcription
a- purement linguistique de l'analyse me paraît éluder la difficulté
le 1 fondamentale proposée par Freud; son naturalisme est << bien
tit .i fondé , ; et ce qui le fonde, c'est l'aspect de chose, de quasi-nature
>n
l
1
des forces et mécanismes considérés. Si l'on ne va pas jusque-là,
tôt ou tard on revient au primat de la conscience immédiate.
.té ' Mais c'est précisément parce qu'il faut aller jusqu'à ce réalisme-
be J là qu'il faut aussi poser la question : quelle réalité, réalité de q~oi?
es f C'est ici qu'il faut adhérer très exactement à ce que la top1que
J
c- ) elle-même enseigne. La réalité connaissable par la topique, c'est
iu celle des présentations psychiques de la pulsion et non ceJI~ des
pulsions elles-mêmes. Un réalisme e;"lpirique n'est pas u.n réahsme
•le

us
'il
.l de l'inconnaissable mais du connaissable; or le connaissable, en
psychanalyse, ce ~'est pas l'être .biologique. de la pulsion, .mais
n- 1 l'être psychologique des présentatto~s p~ychtque~ de .la pulsion :
il « Une pulsion, dit Freud, ne peu~ Jama!s dev~rur objet de cons-
te cience· seule le peut la représentatiOn qut la presente. Elle ne peut
la ' même' être présentée dans l'inconsci~nt que par le moyen de !a
. représentation. Si la pulsion ne s'était pas attachée ~ une repr~­
- sentation ou ne se rendait manifeste sous fo~e d état affectif,
·e-
ur nous ne pourrions rien savoir d'elle 11• » Le ré.altsme propre à la
.s- topique freudienne, c'est donc d'abord un r~ahsme .. des ~ p~ésen­
et .~ tations psychiques , de la pulsion; désormais le ~erne md tee de
le réalité s'étend de proche en proche à to"!t ce qu.e 1 analyse ra~~.h~
t à la représentation; ainsi la charge affective dev1ent-elle une re It

H J Prineipes tk la Philosophie du Droit, § z8g, cr. tr., Gallimard, P· JS7·


6· !~: L~~~~nscienl, G. W. x, p. 276; S. E. xrv, p. J77; cr. Cr., p. u:a.


DIALECTIQUE

qui a aussi sa « place » dans la topique, en raison ~es liens que


nous avons discernés entre cette charge et la présentatiOn représen-
tative : << Le noyau de l'inconscient est formé de présentations de
pulsion qui veulent décharger leurs in.vestiss~ments, autrement 1
dit d'impulsions de désir 18 »; c'est ce hen qut permet de passer
du point de vue topique au point de vue économique, au même
niveau réaliste. Les « investissements» et toutes les autres opérations
<< économiques » ne peuvent être discernés, reconnus, nommés,
que sur ces représentations et sur la charge affective qui en cons-
titue l'aspect quantitatif. C'est pourquoi Freud ne manque jamais,

• dans ses textes les plus réalistes, d'énoncer les « destins de pulsions » •
comme des destins des '' présentations » de pulsion : « Le refoule-
ment est, pour l'essentiel, un processus qui se joue aux limites
des systèmes les et Pcs (Cs) sur les représentations 1'. n C'est parce
que ce réalisme est un réalisme des « présentations >> de pulsion, et '
non de la pulsion elle-même, qu'il est aussi un réalisme du connais- l
sable, et non de l'inconnaissable, de l'ineffable, de l'abyssal. Il (

faut prendre ensemble ces deux textes : le premier où Freud dit : ••



u La théorie des pulsions est, pour ainsi dire, notre mythologie 1 ~ »,
le second où il déclare : " L'objet interne est moins inconnaissable 1
que ne l'est le monde extérieur 16• » Ce second texte est remarqua- (
ble, car il s'énonce précisément en langage kantien; rétablissons t
le contexte : Kant, y est-il dit, a corrigé la perception du monde •
1
t
extérieur et nous a enseigné à << ne pas tenir notre perception pour
identique à la chose perçue inconnaissable »; texte étonnant, puis- .. t
qu'il repousse l'inconnaissable au-dehors, du côté de la chose;


« de même la psychanalyse, poursuit le texte, nous enseigne à ne
pas mettre la perception effectuée par la conscience à la place du j d
processus psychique inconscient qui est son objet. Ainsi que le ! p
physique, le psychique n'a pas besoin d'être en réalité tel qu'il
j

;·.l f;
nous paraît. Toutefois nous aurons plaisir à découvrir qu'il est l

moins malaisé de corriger la perception interne que la perception ·11 C4


externe, que l'objet interne est moins inconnaissable que ne l'est J t<
le monde extérieur 17 ». lA
P'
• f•

Ceci dit, i1 reste à articuler cette u réalité ,, au réseau des opéra-


tions de l'interprétation et à montrer que cette réalité n'existe que
la
lai
13. Ib~d., G. W. x, p. 285; S.E. XIV, p. 186; tr. fr., p. 129. 801
14. lb1d., G . W. X, p . 279: S. E. XIV, p. r8o; tr. fr., p. 118. •
Jnt
rs. Nouvelles Conjérmets, G. W. xv, p. 101; s. E. XXIl, p. 95: tr. fr., p. 130· I. .
16. L'!nconscient, G. W. X, p. :170; S.E. XIV, p. 171; tr. fr., p. 10:1, • I
17. Ibid.

RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET

ue c~mme réalité ,(( .diagnostiquée ~ ». La réalité de l'inconscient


:n- n est pas une reahté absolue,. n;t~Js r~lative au~ opérations qui lui
de donnent un sens. Cett~ re!attvtte prese~te tro1s degrés que nous 1

1
mt ordo~n:rons du J?lus objeCtJf au plus subJectif, ou, si l'on veut, du
;er ' plus ep~~témolo.gtque au plus p~ychologique. .'
ne 1° ,L ~nconscte~t de la p~emtère topique est relatif aux règles
tOS
, du dechdfr,~ge qut .ont permis par exemple de remonter des << reje-
es, tons >> de 1 mconsctent dans le système pré-conscient à leur " ori-
lS• gine!, dans le système inconscient. C'est cette relativité qu'il s'agit .'
• 1
.JS,

de bien entendre : elle ne se réduit pas à une simple projection 1

SD de l'inte~p~ète, en un se.ns vulgairem~nt psychologique; elle signifie


le- que la reahté de la topique se constitue << dans » l'herméneutique,
tes mais en un sens purement épistémologique. C'est dans le mouve- .
·ce ment de remontée du cc rejeton » (Pcs) à « l'origine (Ics) que le
et '1 concept d'inconscient prend consistance et que son indice de
J)


lS- réalité est éprouvé. Cela ne revient aucunement à dire que l'incons- '
l
1

11 cient est réel pour le conscient du sujet considéré; cette référence


.
t :
l
à la conscience qui << a » l'inconscient doit d'abord être tenue en
.,, j suspens et cette relation déconnectée; mais cette mise en suspens d
:1
>le ' fait apparaître une autre relativité, cc non subjectiviste D, mais 11
épistémologique : la relativité de la topique elle-même à la cons- i ~
ta-
ns tellation herméneutique que forment ensemble les sign~s, ~ymp­ !~
de , tômes et indices, la méthode analytique, les modèles explicatifs. 1
ur
1
zo C'est par rapport à, à partir de, .et à l'intérieur. d.e cett~ rc.la-

tS- tivité de premier degré, qu'on pourratt appeler relatiVIté obJCCtJve
.·e·'
ne

-je veux dire la relativité aux règles mêmes de l'~nalyse et .n?~
à la personne de I'analys~e ~· qu'on peut parler d u~.e relat1y1te
1u de second degré, intersubjeCtlve : les fa.Jts rappo:té~ à 1mconscient
par l'interprétatio!l analytiq';le so~t d'abord s!gmfiants ,Pour un
le '

autre; cette conscience témom, qu est la consc1ence de 1analyste,
.'il ·.1 '
1 ·j fait partie de la constellation herméneutique << dans,)) laquelle est
!St constituée la réalité topique. Nous ne sommes pas en etat de donner
:m ·l tout leur sens à ces constatations; il faut encore un lon~ parcours
:st .A' pour que cette constitution en couple puisse être thématlsée; pour
~•
1
·a- J'
'\ . d d '18 0 fe et de rt!alit~ diagnostiqut!e dans
ue 1 r8. J~ai e~ recours ~ la nota~.n. e f!" ~~ l'inconscient freudien (u Volon-

.~
la premtère zntcrprétataon que J at prop,osée
· l'J · so
14tre et nvo1onlatre, p. 3 -3 4 · s ) Je a repren
r
d ·,.1• mais avec un plus grand
f:s eudiens
t...
1
On confrontera cc:ue
souci de justifier le réalisme e~ e n~t~r~ tsmd rFot~dem;·nts tÛ fa Psychologie,
1
;8
),
) interprétation avec celle de Pohtzer, R !'~tque et avec celle do J .-P. Sartre,
JO• t 1
I. La psychologie d la_ psyc'!ana/ys~ 'L~tre~tl~ Niant, P. U. F., 1943·
1
1 l • Ln paychanalyac exasteouellc •, an•
J
"\•
..l
••
~·--

DIALECTIQUE •

l'instant nous ne pouvons en comprendre que la signification


épistémologique dans le cadre des règles objectives qui commandent
l'analyse; l'analyste y figure seulem.ent c~>n~.m,~ c~l~i qui, pratique
la règle du jeu, non encore comme vts-à-vts a 1 rn teneur d une rela-
J
tion duelle, en vertu de laquelle la conscience de l'un a sa vérité •

dans la conscience de l'autre; ce sens n'apparaîtra que quand • d
l'analysé lui-même sera révélé comme devenir-conscient et non rJ l'
plus seulement comme objet d'analyse do~t.la conscience a été •
t4
mise entre parenthèses et récusée comme ongme du sens. Conten- h
tons-nous de dire que l'inconscient - et en général la réalité mise c
en ordre dans la topique - sont élaborés comme réalité par un d
autre selon des règles d'interprétation. Nous dirons assez plus tard à
combien est encore abstraite cette relation de diagnostic par rap- d
port à la relation thérapeutique complète et concrète qui met en
jeu, par le moyen du dialogue et de la lutte entre deux consciences, •
Cl
le devenir conscient d'un être singulier. Ce que nous pouvons en f• la
dire au stade présent de la réflexion suffit à préciser la teneur 1

• dl
objective des affirmations portant sur l'inconscient. C'est par rap- '
ly
port à des règles herméneutiques et pour un autre qu'une cons- d·
cience donnée « a» un inconscient; mais ce rapport n'apparaît que bt
dans le dessaisissement de cette conscience qui « a ,, cet inconscient .
•• la
comme étant le cc sien ,,, •
t11
3° C'est enfin dans la dépendance de cette double relativité Sl
que l'on peut rendre compte d'une troisième forme de dépendance ce
qui n'est plus que subjective, bien qu'elle soit encore constitutive •l
l
à son rang :je veux parler de la constitution de la réalité psychana- •
• R·
. "1
lytique dans le langage transférentiel. La singularité de l'analyste l dl
•1
figure ici comme un pôle de référence impossible à évacuer; c'est be
tel analyste qui provoque, subit et jusqu'à un certain point oriente ' "••'•
le transfert dans lequel prend consistance le sens de ce qui est en l
1

question dans l'analyse. Mais ici nous sommes à la frontière du .


l'
contingent et de l'imprévisible; et pourtant il ne s'agit pas d'un l
.,••

facteur accidentel : le transfert n'est pas un accident de la cure 1

mais sa voie obligée; il reste que le transfert prend chaque fois la


figure d'une relation unique. Il n'est possible d'en parler que dans
,
·~
1
la mesure où c'est un épisode régulateur et non un événement • • av
~ sa
incalculable; c'est cet épisode régulateur qui est l'objet de la didac- !
tique; le transfert lui-même s'enseigne et s'apprend; l'événement
incalculable, c'est la rencontre avec la personnalité singulière de 1
~
UJ
COl
l'analyste : elle ne s'enseigne, ni se s'apprend. Certes, l'épisode :; •
régulateur est inséparable de l'événement incalculable : mais c'est J tto
le premier - abstraitement séparé du second - qui figure dans :1
• i
1
l
~·:"(i e IL 11111!
• •


RÉFLEXION : UNE ARCH~OLOGIB DU SUJET

m la constellation herméneutique à laquelle est relative la u réalité 1


1t ·psychique dont parle l'analyse.
1e
a- C~s réflexions .m:ont paru !l~cessaires, ~a~e à un réalisme qui ne
té serait plus un reahsme emptnque, un reahsme des présentations 1
td de pulsion, mais un réalisme naïf, qui projetterait après coup dans .•
t1 •.1

m , l'inc~nscient le sens terminal, tel qu'.il est élaboré par une analyse '
té ten~unée. Alors la J?SYC~analyse .serai~ elle-!flême une !DYthologie, '
1- la ptre de toutes, pUJsqu elle conststerrut à fatre penser l'mconscient. "1
se j
C'est la force expressive du mot<< ça»- plus encore que du terme •

m d'inconscient - de nous garder de ce réalisme naïf qui reviendrait t
~d à donner une conscience à l'inconscient, à doubler la conscience •

)• dans la conscience. L'inconscient est ça et rien que ça.


1
En référant d'emblée, à titre essentiel et non accidentel, l'incons- 1
L
s, cient à la constellation herméneutique, nous définissons à la fois 1

!n la validité et les limites de toute affirmation portant sur la réalité 1
Jr des instances; nous exerçons une critique des concepts psychana-
)- lytiques; une critique, c'est-à-dire une justification de la teneur
s- du sens et une limitation de leur prétention à s'étendre hors des
bornes de leur constitution. Ces bornes, ce sont celles mêmes de
•• la constellation herméneutique, c'est-à-dire de cet ensemble cons-
1 titué : 1o par les règles d'interprétation; 2° par la sit'!ation inter-
té '• subjective de l'analyse; 3o par le langage transférenttel. Hors de
:e ce champ de constitution la topique n'.a ,plus de ~ens ..
te Nous dirons donc en résumé : réahte du ça, Idéaltté du se~s.
1- • Réalité du ça, en tant que le ça donne à penser à l'exé?ète. Idéa}1té
te ·4 du sens, en tant que le sens n'est tel qu'au terme de 1anal~se, ~la­
• •J boré dans l'expérience analytique et par le langage transferentlel•
st •!•
te •
'
:n 1

lu .
j

lfl
'•
1

3· LB CONCEPT D'ARCHÉOLOGIE .
•1 •
1
re • •

la
15 îl Je comprends donc la métapsychologie freudienne co~me uesnet

, . · 1e dessatsasse
aventure de la retlex10n · · tnent de la conscaence
1t
...,_ ~
f
. d' ·
sa voJe, parce que le evemr-cons~a
·ent est sa tâche.
èd de cette aventure :
1t J
j
Mais c'est un Cogito ?Jessé qua proc e.nt· un Cogito qui ne
le 1 Un Cogito qui se pose maas ne se possède pOli' , u de l'inadéqua-
te ~ comprend sa vérité originaire que dans et pa~ ave actuelle.
st
1 tion, de l'illusion, du menso!lge de la ~nsl~:~~ parler, non plua
.i Il nous faut maintenant fatre un pas e P
18 •)

l
• 1

.j

1
· ~-··


DIALECTIQUE

seulement en termes négatifs de t•inadéquation de la conscience,


mais en termes positifs de la position du désir par quoi je suis posé
je me trouve déjà posé. C'est cette position antérieure du cc sum ; de
au cœur du cc Cogito )) qu'il nous faut maintenant expliciter sous le • N
de
titre de l'archéologie du sujet. sc
Ce n'est plus seulement la topique, mais l'économique freudienne
qu'il nous faut maintenant répéter dans le style d'une philosophie 19

réflexive. Nous avons justifié le point de vue topique par la tactique
• Je
tn
du dessaisissement par quoi la réflexion riposte au maléfice de la 1

co
conscience fausse. Progressant en direction de la difficulté centrale Url
de cette méditation, nous tenterons de justifier le point de vue va,
économique comme étant le discours qui convient à une archéologie re1
du sujet. 1
ret
Dès notre introduction à la lecture de Freud, nous avons hasardé, tl•V
comme une pierre d'attente en vue de la présente discussion, le • fil

thème que nous essayons maintenant de suturer fortement à une n'<


philosophie de la réflexion. Peut-être, disions-nous, est-ce dans la est
position même du désir que résident à la fois la possibilité de passer for
de la force au langage, mais aussi l'impossibilité de reprendre fil

.
entièrement la force dans le langage. po:
C'est le lien entre cette possibilité et cette impossibilité qui doit au1
maintenant constituer le thème de notre réflexion. Jusqu'à présent, l'ir.
le point de vue économique nous est apparu comme un modèle, • la :

c'est-à-dire une hypothèse de travail justifiée par sa fonction épis- . SIO
témologique; mais le choix de ce modèle économique reste exté-

rev
..
rieur au mouvement de la réfleXion, aussi longtemps qu'il n'a avec ran
la réflexion que ce rapport négatif que nous avons appelé le dessaisis- aut
j
sement de la conscience. Ce qui doit apparaître maintenant, c'est est
un profond rapport de convenance entre ce modèle économique n'a
• nat
et ce que j'appelle désormais le moment archéologique de la réflexion. ..1•
Le point de vue économique n'est plus alors seulement un modèle, J

un
1
ni même un point de vue : c'est toute une vision des choses et de 1 un
l'homme qui s'y trouve contenue; car un bouleversement aussi i
'j'
réal
Fin
radical de la compréhension de soi ne saurait être enfermé dans un
modèle et procéder d'un simple choix méthodologique. Je vois .~J'1 fon
8101

pour ma part dans le freudisme une révélation de l'archaïque, une 1
manifestation du toujours antérieur. C'est par là que le freudisme 1• de l
.•J
garde des racines anciennes et pousse des racines toujours nouvelles 'l
dans la philosophie romantique de la vie et de l'inconscient. On ;)
·~
pourrait reprendre toute l'œuvre théorique de Freud du point de 1

1
(299
vue de ses implications temporelles; on verrait que le thème de J ac
'1' 31
l'antérieur est sa propre hantise.
~
·1•

i
~S,
' ~· ~ .,\ ~
. \ I.JW
.'15( 't.:·.
.-- -

' ~

RÉFLEXION : UNE ARCHBOLOCIE DU SUJET ..i,



ce, 1:
sé, La cellule mélodique de tout ce développement serait le concept 1
de régression du fameux chapitre vu de l'lnterprétatùm des Rêves. 11.
1 »
Nous l'avor:s lon~ue~ent ~alysé et je ne reviens ni sur la structure
1

le '• 1


de ~e chap1~re dt~ctle, ru. sur le. caractèr~ figuré ou réaliste du ••
!·l
ne schema de 1 appar:d psychtque, m sur le hen entre la topique de •


11e 1900 et la conceptiOn de la scène infantile de séduction du père : t•
ue
• je vais droit à ce qui me paraît être la pointe de toute cette cons- 1
1
••
la truction. Le schéma, avons-nous montré, est destiné à rendre j.
ale compte de l'ano~alie de l'appareil qui fonctionne à l'envers, dans •
1
'
ue un sens « régrédtant ,, et non << progrédiant ». Le remplissement de t'
• vœu {Wunsclzerfüllung}, en quoi consiste le rêve, est triplement ·(
~e 1
;
régressif : c'est un retour au matériel brut de l'image; c'est un :.
~•
ié, retour à l'enfance; c'est un retour topique vers l'extrémité percep- ~ 1
tive de l'appareil psychique au lieu d'une progression vers l'extré- .)
le 1•
1
mité motrice. Or, remarque Freud, <c ces trois sortes de régressions
1 ~
ne n'en font qu'une et se joignent dans la plupart des cas, car ce qui

l

la ,
:;er
lre
est plus ancien dans le temps est aussi plus primitif au point de vue
formel et est situé dans la topique psychique le plus près de l'extré-
mité de perception 19 ». Finalement, le caractère rétrograde au
1
'
1'
t
1
'
1

>
• point de vue topique sert à exprimer, dans un modèle, les deux '.1• •c•..
1
Olt autres formes de la régression, à savoir d'une part le retour à '
'~

nt, l'image, à la figuration scénique, à l'hallucination, d'autre part •


le, • la régression temporelle. Or ces deux dernières formes de régres-

JS-
, sion sont elles-mêmes solidaires : « L'assemblage des pensées du
te- '
rêve, dit Freud, se trouve désagrégé au cours de la régressi?~ et 1
•ec ramené à sa matière première 20• »D'autre part, cette décomp?.sltJon, 1

15- autre nom de la régression formelle, ce ~etour de la pensée à 1 ·~age; l
:!St ,'
1
est au service du retour au passé, pu1sque la « pensée du reve.

l
••
1

ue • n'a pas d'autre issue, en raison de la censure, qu~ ce mod; halluc~­ ••


f

m. .. natoire de figuration : ,, D'après. cette c?ncept1on, le reve seraJt •

le, .•'
i
un équivalent d'une scène inf~ntde,. mod1fié par le ~ransfert dans l'
1
1
• •
de 1 un domaine récent· la scène mfantde ne peut réaliser sa propre 1
21 »
.~• ' d • •t e rêve

SSl réapparition, elle doit se contenter e reapl?ara1 ~e corn~ · 1

un Finalement c'est le sens temporel de la regresston qm est 1~ plus


)lS

] fortement ;ccusé · « Le rêve est en somme un exemple d~ :egres-
. . . • 1a p 1us precoce
• du rêveur
ne SIOn à la condJtton . ' une .revtvJscence
d d
ne
les
J· ~ de son enfance, des impulsions qui ont dommé ceUe-ct, es mo es
1
)n
de
~
;) 19. L'bttn-pritation de1 R!w1, n 1m, P· ss...• 5· E· v• p · 548·• tr. fr., P· 45 1
!1 (299) addit ion de 1914. E • tr fr p H7 (296).
de ·L:d G w 1 J p . 549''s' 3 • • ., • T'"
5 E • "'· p. 546·
J ao. l VJ • n n. tr fr P· ..,.s (297>·
j

a1. Ibid., o. w.
., •
u/m. p. ssz; . ·v, P· 54 • • ••
1
·~(

l
. . \ ~ '
' ••
••
.


1

DIALECTIQUE

d'expression dont elle a disposé 21• » ~largissant cette vision, Freud ]


ajoute : << Nous pressentons toute la justesse des paroles de Nietzsche
disant que dans le rêve se perpétue une époque primitive de l'huma. I
• (
- • nité que nous ne pourrions guère plus atteindre par une voie (
directe. Nous pouvons espérer parvenir par l'analyse des rêves à a
connaître l'héritage archaïque de l'homme, à découvrir ce qui est t
psychiquement inné 23• >> Que ce soit finalement l'accent dominant },
de l'Interprétation des Rêves, les dernières lignes du livre le confir- d
ment : cc Le rêve peut-il faire connaître l'avenir? Il ne saurait en ()
être question », répond catégoriquement Freud; car si le rêve nous . Il
introduit dans l'avenir, en nous montrant nos désirs r éalisés, cet F
avenir est « modelé par le désir indestructible à l'image du passé M •. (
Ainsi le mot passé est-il le dernier mot de l'lnterprétatt'on des Rêves. l
La thèse sous-jacente à toute cette discussion, c'est que nul désir, a
même celui de dormir - dont le rêve est pourtant le gardien -, b
n'est efficace s'il ne s'adjoint aux << désirs indestructibles » et cc pour e;
ainsi dire immortels » de notre inconscient. . ... I:
Il est possible de relire toute l'œuvre de Freud avec ce fil conduc- ; le
teur; toute l'œuvre de Freud, c'est-à-dire la Métapsychologie, e·
bien entendu, mais aussi la théorie de la culture, qui prend alors . s
un accent philosophique singulier. Je distinguerai un concept :
restreint, d'archaïsme, celui qui est directement déduit du rêve 1 à

et de la névrose et que l'on trouve thématisé dans les Essais de Méta· ~ SI
psychologie, et un concept généralisé, celui qui se dégage analogi· la
quement de la théorie psychanalytique de la culture. : P·
Tenons-nous pour commencer dans le cercle de l'archéologie i tl

restre1nte. •
1
(J
• CJ

S'il y a, dans le freudisme, un sens du profond, de l'abyssal, :
c'est dans la dimension temporelle, ou, plus exactement, c'est l
dans la connexion entre la fonction de temporalisation de la cons· 1 rn
b:
cience et le caractère « hors le temps »de l'inconscient. Il nous .est ,
~
arrivé de dire que la topique elle-même a pour première fonct1on l
0
de répartir de façon figurée les degrés de profondeur du désir j~s· j lu
qu'à l'indestructible. Ainsi la topique est elle-même au semee ! •
ln
de l'économique, en tant que figure métaphorique de l'indestruc· l s':
tible comme tel : « Dans l'inconscient, rien ne finit, rien ne passe, i pl
rien n'est oublié ». Nous avions bien raison de voir dans ces for· j nt
mules une anticipation de . celles de l'Essai sur l' lnconsczent. _1 sa
1
22. Ibid., G. W. n/m, p. 554; S. E. v, p. 548; tr. fr., p. 451 (299) add. de 19 9·
23. Ibid.
1
.l
24. Ibid., G. W. n/m, p. 626; S.E. v, p. 6az; tr. fr., p. sos (337). ·l
428 .l

• ...• •.. .


· ~\.
- ..
1

RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET

Freud L'arch~ïsme Y pre?d u~ .caractère abyssal qui va singulièrement •


etzsche plus lom qu~ to~te energetique des pulstons : << Le noyau de l'incons-
'huma. ci~nt, y est-il d1t,. est f~rmé de présentations de pulsion qui veulent
• •
te Vote decharger leurs mv~st~sse'?ents:·· » Et F:eud ~ontinue : <<II n'y
rêves à a dans ce système m negation, m doute, m degre dans la certitude·
qUJ• • est
rn mant
tout cela est introduit par le travail de la censure entre l'les et
le Pcs. » Et voici pour nous le plus important : « Les processus
confir.

.rrut en
du système les sont hors le temps, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas
ordonnés temporellement, qu'ils ne sont pas altérés par l'écoule- '
re noua ment du temps, bref qu'ils n'ont aucun rapport au temps. Le rap-
;és, cet port temporel, une fois de plus, est lié au travail du système Cs. , •
.
ssé u,,
Rêves.
Cette déclaration est inséparable de la suivante : « Les processus
les ne tiennent pas davantage compte de la réalité; ils sont soumis
t
l désir, au principe de plaisir. » Tous ces caractères sont à prendre en t

1en- , bloc : « absence de contradictûm, processus primaire.•• , intemporalité 1·
<<pour et remplacement de la réalité extérieure par la réalité psychique :M ». r
. ... Il est difficile de se défendre contre l'impression que la métapsycho- 1
onduc- .' logie n'est plus seulement mise en œuvre d'un modèle, mais percée 1

hologie, et plongée dans une profondeur d'existence où Freud rejoint '
~
1

d alors Schopenhauer, von Hartmann et Nietzsche. 1


:oncept Il est vrai que dans ce texte Freud ne paraît pas disposé à donner
"
.u reve à cette intemporalité de l'inconscient un autre sens que celui d'une
!Méta- simple antériorité temporelle : u Le contenu de l'les, écrit-il à
nalogi· ' la fin du chapitre vr de ce même Essai, peut être comparé à une
1 population primitive psychique. S'il y a, che~ l'homme,, un,~ sn:uc-
éologie '
• ture psychique atavique, quelque chose. d analogue a l,~nstmct !'
1
'
••
l (lnstinkt) des animaux, c'est là ce qui constitue le noyau delmcons-
• 26 1'
.byssal, • c1ent . ,, . 1
:, c'est ' Mais à mesure que Freud remanie sa théorie des mstances~ a
1 cons·
métapsychologie du temps ne cesse de déb?r~er le,.cadre ~un
ous est
1 banal évolutionisme. Ce que l'Essai de 1914 ~1sa1t de 1mconscient
mction j
1
est maintenant reporté sur le ça; c'est le ça qlll est 11 hors le temps »,
~ir jus· 1
Or le terme même de ça, emprunté à Groddeck ( Das Bueil von Es),
:J •
semee 1
~ lui-même inspiré de l'exemple de Nietzsc~e, a des r~nancn
innombrables que ne saurait épuiser une s1T?ple é!lerget.tqd~·
estruc· ' s'agit bien non seulement d'une anti-phénomenologte, mats d~ne
passe,
es for· P hénomén~logie inversée de ·
l'impersonnel et du neutre, u~
neutre lourd de représentations et d'.tmpu Isions' d'un neutre qut,
Ça
nscient. sans jamais être un Je pense, est quelque chose comme un

as. L'Inconscient, G. W. x, P· a8s-6 ; S· E• •XJV• P' r861·7'• tr. fr. p. 129"13'·


'
26. Ibid., G. W. x, p. :&94; S. E. xrv, P· 195 • tr. fr., P· 44·

'\

'


. '.:"~ . . ..
t'
DIALECTIQUE

parle, qui se traduit dans les laconismes, les déplacements d'accents


signifiants et la rhétorique du rêve et du mot d'esprit. Tel est le
royaume hors le temps, l'ordre de l'intempestif. •
Dans les Nouvelles Conférences, Freud n'hésite pas à dire que 1

• nous en avons seulement une vue frontière : « C'est la partie obscure

impénétrable de notre personnalité et le peu que nous en savons'
nous l'avons appris en étudiant le travail du rêve ct la forma~ 1

tion du symptôme névrotique 21• >> Seules « certaines comparaisons


nous permettent de nous faire une idée du ça; nous l'appelons
chaos, marmite pleine d'impulsions bouillonnantes 28 )). Ne croirait-
on pas entendre Platon parlant de la khôra que le dieu met en
ordre, en forme de cosmos? C'est dans ce contexte que Freud
..
reprend les anciennes déclarations sur l'intemporalité de l'incons-
cient, mais avec un accent quasi-métaphysique: (( Dans le ça, rien qui
corresponde à la représentation du temps, pas d'indice de l'écoule-
ment du temps et, chose fort surprenante et qui demande à

être étudiée du point de vue philosophique, pas de modifications
du processus psychique au cours du temps. Les désirs qui n'ont
jamais surgi hors du ça, de même que les impressions qui sont
restées enfouies par suite du refoulement, sont virtuellement impé-
rissables et se retrouvent tels qu'ils étaient au bout de longues
' années. Seul le travail analytique, en les rendant conscients, permet
de les situer dans le passé et de les priver de leur investissement
énergétique. C'est justement de ce résultat que dépend en partie
l'effet thérapeutique du traitement analytique. Je persiste à soute-
nir que nous n'avons pas assez mis en relief ce fait indubitable de
l'immutabilité du refoulé au cours du temps. C'est là que semble
s'offrir une voie de pénétration vers les connaissances les plus
approfondies; malheureusement je n'ai pu moi-même avancer
loin en ce sens bien 2 9. »
Ces formules, ne l'oublions pas, sont celles d'un vieil homme
qui réfléchit sur l'ensemble de son œuvre et en accentue le carac-
tère philosophique; c'est pourquoi nous citons volontiers les
Nouvelles Conférences dans ces chapitres terminaux. Le caractère
zeitlos - hors le temps - de l'inconscient appartient désormais

27. Nouvelles Confbences, G. W. xv, p. 8o; S. E. xxn, p. 73; tr. fr., p. 103.
28. Ibid. •

29. Ibid. - Sur la régression et le temps chez Freud, cf. M. Bonaparte,


• L'inconscient et Je Temps •, Rev.fr. de Psa., Xl, r, 1939, p. 6r-ros; J. Rounrt,
: La temporalisation comme maîtrise et comme défense •, Rev. fr. de Psa., xxv~, •
4, r<)6z, p. 382-422; F. Pa, che, • Régression, perversion, névrose (examen cr&·
tique de la notion de régreaaion) •, Rev. fr. de Psa., xxv1, 2/3, 1962, p. r6r-178. •
j

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st.a.~•····-
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....-~ ·»4.
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,~ "

RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET



.ccents
est le à u?e vision de l'~h?mme où. l'on peut bien parler du caractère
indepassabl~ du de~tr.. Comb1en.. prophétique était donc le chapi-
• tre VII de 1 lnterpretatton des Reves : le regard d'aigle avait d'un
re que •

•seure, seul coup disce.rné l';ssen,t!el dans l'étrangeté même (Befrem-
avons, ' dendes) ~u travarl ~u reve; 1etrange, en effet, c'est que le processus

:orma-
1 secondaire est tOUJOurs en retard sur le processus primaire, que

·rusons celui-ci est donné dès le début et que celui-là est tardif et n'est
pelons jamais définitivement établi. La régression, dont le rêve est le
• •
otratt- témoin et le modèle, atteste l'impuissance de l'homme à opérer
entièrement et définitivement ce remplacement, sinon sous la
:let en
Freud forme inadéquate du refoulement; le refoulement est le régime
ordinaire d'un psychisme condamné au retard et toujours en proie
1cons-
à l'infantile, à l'indestructible. Un second sens vient après coup à
en qu1• •
la topique; non seulement elle figure les degrés d'éloignement des
coule- pensées inconscientes, la répartition en profondeur des représen-
.nde à tations et des affects jusqu'à l'indestructible, mais sa spatialité est

:at10ns comme la figure de l'impuissance de l'homme à passer de la régu-
n'ont lation par le plaisir-déplais.ir au princ~p~ de la réalit~ ou, en te~m:S

1 sont
• 1 plus spinozistes que freudtens - matS ds sont foncièrement equt-
tm pe- valents - l'impuissance de l'homme à passer de l'esclavage à la
n gues béatitude et à la liberté. .
ermet Je verrais volontiers dans la t~éori.e du n~rcissisme . la pot~te
~ment
• la plus avancée de cette archéologie prtse. au. mv~au pu~sionnel. · le
partte narcissisme, semble-t-il, n'épuise pas s~ srgm~cation phJJ~soph1que
:;oute- dans ce rôle d'obturation ou d•occul~atJon 9u• .nou~ 1a fatt appele~
Jle de le faux Cogito Le narcissisme a aussi une s•gnificatton ~emporeUe •
emble il est la forme •originelle du déstr · t t OUJ ours ·'. on dse
· à qu01· on revien !
, plus rappelle ces textes ou• F reud 1e des1gne du nom de «. réservoir
1

, • e· i
•ancer la libido· c'est en lui que se défait toute libido d'?bJ;t; c estd~ .1u• i
que fait 'retour toute énergie désinvestie. Il est amsi lj c~n. lttdn
1

>mme de tous nos dégagements affectifs et, on le répdètera P u~ 010~ : ii


:::arac- . . A' . . t il à Freud e soutemr qu 1 .••
toute subhmatJon. msa arnve- • . . d 'l 'bile du narcissisme.
~s les choix objectal lui-même ~orte la marque m Je~ ob'ets archaïques,
actère
• Tous nos amours, selon lu1, modt;tlent sur 1C:S et notr~ ropre corps; •

rmaiS la mère qui nous a porté~, nour.n s. et choyes, dés'r n'ap si j'ose dire,
choix anaclitique ou chotx n~r~Jsstq~e,, no?"e e s~us s~ forme pri·
103· pas d'autre choix. Le narc1ss,rsme ,ut-~em de ses innombrables

maire, est toujours dissimule; dà 1ah~1 rehrène toute-puissance
1psrtc,
figures (perversion, désintérêt ,u ;c :4w~tlux du sujet souffrant
tounrt,
, xxvr,• de la pensée du primitif e~ de 1en an ' il
enflure du moi dans
:n crt· sur son moi menacé, retratte du. ~~mm;rivait à cerner le noyau
·t-178. ·• l'hypocondrie), on pressent que 81 on
43 1
1

....

. •
DIALECTIQUE


de la Versagung, de ce retrait du moi qui se dérobe, se refuse au
risque d'aimer, on aurait la clé de bien des formations imaginaires
où se projette ce qu'on pourrait appeler l'archaïsme égotique. .
Mais le narcissisme primaire est toujours plus à l'arrière que toua i1
les narcissismes secondaires qui sont comme des sédimentations
• déposées sur un fond ancien• 1
1
Il est maintenant possible de passer du cercle de l'archéologie
restreinte à celui de l'archéologie généralisée. Comme nous l'avons
montré dans la seconde partie de notre Analytique, toute la théorie
• freudienne de la culture peut être traitée comme une extension
analogique, à partir du noyau initial constitué par l'interprétation
' . . du rêve et de la névrose. Mais, comme cette généralisation a été
· l'occasion d'un renouvellement doctrinal dont la seconde topique
est le principal témoin, il n'est pas inutile de suivre le sort de
l'archéologie freudienne dans les avatars de la théorie.
Dans la mesure où idéaux et illusions sont des analogues du
rêve ou des symptômes névrotiques, il est évident que toute l'inter-
prétation psychanalytique de la culture est une archéologie. Le
génie du freudisme est d'avoir démasqué la stratégie du principe
de plaisir, forme archaïque de l'humain, sous ses rationalisations,
ses idéalisations, ses sublimations. C'est ici la fonction de l'analyse
de réduire l'apparente nouveauté à la résurgence de l'ancien :
satisfaction substituée, restauration de l'objet archaïque perdu,
rejetons du fantasme initial, autant de noms pour désigner cette
restauration de l'ancien sous les traits du nouveau. C'est évidem-
ment dans la critique de la religion que ce caractère archéologique

du freudisme culmine. Sous le titre du << retour du refoulé », Freud
a discerné ce qu'on pourrait appeler un archaïsme de culture,
prolongeant l'archaïsme onirique dans les régions sublimes de
l'esprit. Les dernières œuvres : Avenir d'une Illusion, Malaise •
• datzs la Civilisation, Moïse et le Monothéisme, accusent avec une insis·
tance accrue la tendance régressive de l'histoire de l'humanité.
C'est donc un trait qui, loin de s'affaiblir, n'a cessé de se renforcer.
Je ne prétends aucunement que le freudisme se réduise à cette
dénonciation de l'archaïsme culturel; j'espère montrer dans le
chapitre suivant la concurrence, dans l'interprétation psychana- ••

lytique de la culture, entre une archéologie fortement thématisée •
.
et ce que j'appellerai, le moment venu, une téléologie implicite; Il
'i
mais avant de proposer une interprétation plus dialectique de la •
J•
structure du freudisme, il n'est pas inutile de s'appesantir sur cette
interprétation unilatérale qui accentue les aspects plus critiques .,.


1
• 432 '
J
1
l

- RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET


use au
• •
maires que ~alectiques de _la doc!rin_e. En. pre~ère approximation, le
>tique. freudxsme est une mterpretat10n reductnce, une interprétation
en ne .•• que... , d~n~ la fame~se _formule sur la religion est l'exemple
.e tous

~attons '
1
extrême : la rehg10n est 1uruverselle névrose obsessionnelle de
l'humanité. Il ne faut pas se précipiter à corriger cette herméneu-
1
1
tique réductrice, mais y demeurer, car elle ne sera pas supprimée,
:ologie mais retenue, dans une herméneutique plus compréhensive (voir
'avons dernier chapitre).
héorie La seconde topique exprime à sa façon cette archéologie géné- 1


ens10n ralisée, en doublant l'archaïsme du ça par un autre archaïsme, celui 1

• •
:tat10n du surmoi. Je ne prétends pas non plus que la conception du surmoi
. a• été se réduise à un thème archéologique; la théorie de l'identification 1
1
>pzque exprime au contraire l'aspect progressif et structurant de l'institu-
Jrt de tion. Mais on ne comprendrait pas les difficultés de cette théorie
de l'identification, si on ne gardait pas présent à l'esprit le fond
!CS du archaïque sur lequel elle s'enlève et les traits archaïsants du« com-
'inter- plexe du père », pour parler encore comme, Freud. C_ar c'est. le
ie. Le même complexe qui porte la double valence: dun~ part, Il contrai~t

lnCtpe • à abandonner la position infantile, et ainsi il f?nct1on?~ comm~ l~1;

1t1ons, mais en même temps il retient toute for~at10n ultene.ure ~ tdcal
dans le réseau de la dépendance, de la cramte, de la pre_ventto? de
nalyse punition, du désir de consolation. C'est à travers l'archmme dune

cten : figure irrémédiablement rivée à notre enfance q~~ nous avons à
.lerdu, vaincre chacun à notre tour rarchaisme de notre dcsrr. On ma~que­
· cette rait do~c la spécificité de Î'inter~rétation _freudienne de ~'éduque,
idem-

>gtque •
si on passait trop vite sur ces tra1ts archaiques du surm 1·
, 'Je lorsqu'il appe1
° .
C'est cet archaïsme que F reud devot .1e 1e dé
surmot
1
Freud
dt ure,

un << précipité >> d'objets perdus et lorsqu'à ili 1 1
ài~r~~i c~nscic'::t~
.es de plus enfoncé dans le ça que le système perce~ - es qui engendre
Il y a là comme une complicité ent.re ?~ux arc ai~m osé au monde
(a/aise ce que Freud appelle le monde mteneur, par PP traits 1
• • •
IOSIS· • . 1 ~sentant Regroupons 1es •
exténeur dont le mo1 est e reprc · plan simplement t•
1anité. de cet archaïsme : rappelons d'abor~ que, sur ::mal est approchée 1

orcer. descriptif, la conscience !Dorale 1e. 1 ~oir:ne d~ disqualifier la des-
j
,

. cette
ms le
d
par un modèle pathologtque; ce ut-cl, 011 les atteindre par leur
l
..••
cription des phénomènes morau.~, per~et damné moi maltraité, 1
l
:hana- côté inauthentique; moi regarde, f!l 01 d-ne' ue Freud ajoute une
••
tatisée • autant de figures qui nous ont penKms de 1 ~t aqppelé la ,, pathologie
licite; « pathologte · du devmr d'abord un homme ali
· » à ce que ant aval . ,
, ~ne,
de la
l'
du désir )), L'homme de la mora 1e est .1subit celle du des1r et
~ cette ••
qui subit la loi d'un maître étranger, cotÎme I des trois maîtres, à la
tiques comme il subit la loi de la réalité; l'apo ogue

'

,
1
433
j

• •
.........
· ~-

DIALECTIQUE

fin de le Moi et le Ça, est à cet égard très instructif. C'est bien
pourquoi l'interprétation n'a pas changé de sens en passant de
l'onirique au sublime : elle consiste toujours à démasquer; ce
surmoi, parce qu'il reste mon « autre » en moi-même, doit être
déch.iffré; ~tranger, i! reste étrange; l'i~terprétat.ion a changé
d 'objet, mats non pomt de sens. Outre 1 exploratton des désirs
cach~s qui se ,déguisent dans le rêve et se~ ~na.logues, elle a pour
fonctton de demasquer les sources non ongmatres ou non primi-
tives, étrangères et proprement aliénantes du moi. C'est le bénéfice
positif d'une méthode d'exploration qui exclut au départ toute
position de soi par soi, toute intériorité originaire, tout noyau
irréductible.
Le recours à une explication génétique confirme et accentue les
traits archaïques du monde éthique : dans le freudisme, la genèse
tient lieu de fondement; l'instance intérieure de la moralité dérive
d'une menace extérieure intériorisée. C'est le même noyau affectif,
celui de l'Œdipe, qui est à la source de la névrose et à l'origine de
la culture; chaque homme, et l'humanité tout entière considérée
comme un seul homme, portent la cicatrice d'une préhistoire
soigneusement biffée par l'amnésie, d'une histoire très ancienne
d'inceste et de parricide.
Certes l'épisode œdipien symbolige le gain de culture, le passage
à l'institution : mais cette victoire sur le désir brut porte elle-même l
les caractères archaïques de la crainte; c'est un abandon d'objet, •
mais sous le signe de la peur; la scène primitive, à laquelle Totem l
et Tabou rattache la naissance de la moralité, est une histoire sau- •'
vage qui plonge le sublime dans la cruauté. A partir de là, Freud •
ne doute pas que notre moralité ne conserve les traits principaux
qu'il discerne dans le tabou, à savoir l'ambivalence du désir et de ,,~•
la crainte, de l'attirance et de l'effroi. La psycho-pathologie du 1
tabou, qui l'apparente à la clinique de la névrose obsessionnelle, 1

se prolonge dans l'impératif kantien. •


•••
je vois dans cette critique de l'aliénation morale un appo~ !•
extraordinaire à la critique de cc l'existence sous la loi », inaugu~ee i~
par saint Paul, continuée par Luther et Kierkegaard, et repnse f
d'une autre manière par Nietzsche. Freud, pour sa part, a découvert ~
une structure fondamentale de la vie éthique, à savoir une pre· ~
mière assise de la moralité, qui a la double fonction de préparer 1 ;

l'autonomie, mais aussi de la retarder, de la bloquer à un sta~e 1J


4

4
archaïque. Le tyran intérieur joue le rôle de pré-morale et d'a~u­ J
morale. C'est le temps éthique, dans sa dimension de sédimentauon 1
non créatrice; c'est la tradition, en tant que tout à la fois elle fonde
~
434 t
1
•.
'
~-- · - -

RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET


bien
.t de et obstrue ~'i?vention m?rale. Chacun de nous est introduit dans
·; ce S?~ •human.lte par cette mstance de l'idéal, mais en même temps •

être t~re e.n arnè.re v~rs. sa ,Propre enfance qui apparaît comme une 1
angé sttuat~on à Jamat~. m.de~assable. Je dirai assez plus loin quels
;ésirs p~o~l~mes pose 1mst!tu~10n en tant que telle : les traits quasi-
pour hcgehens que nous dechiffrerons alors dans la théorie de l'identi-
• •
rmu- fication ne devront pas nous faire perdre de vue que si l'institution
aéfice est toujours l'autre du désir, c'est par le désir et la crainte que nous
toute s~mmes d'abord et le plus souvent mis en position de dépendance
t
.oyau ahénante à l'égard de cette loi, dont saint Paul disait qu'en elle-
même elle est cc sainte et bonne ». ~
j
1
.e les La métapsychologie ne fait que rendre compte de cette parenté j

••
:!nèse cachée entre le surmoi et le ça. Cette métapsychologie tente de 1
1

érive faire correspondre l' « intériorisation » d'une autorité étrangère


avec la « différenciation » du désir lui-même. Comment le sublime 1
ectif, l•

1e de est-il promu au cœur du désir, voilà son problème. Nous ne sommes


:lérée donc pas étonné de voir Freud rapprocher, de diverses manières,
1

;toue le surmoi du ça. Tantôt il discerne dans le processus d'idéalisation r•
. une manière de retenir la perfection narcissique de l'enfant en la • 1
.enne déplaçant sur une figure idéalisée de soi-même (moi idéal de
1
1 1
1

1;
l'Essai sur le Narcissisme); ainsi notre meilleur moi est d'une cer- 1
ssage taine façon dans la ligne du faux Cogito, du Cogito avorté. Tantôt
A

neme 11
>bjet,
l

c'est dans l'identification elle-même, processus structurant par
excellence comme nous le dirons plus loin, qu'il discerne une
"otem composante narcissique, comme en tout pro.cessus ~'in.~éri?~isation,
sau- par quoi un objet perdu prolonge son ~xtst~nce ~ 1mtcne~r du
'reud •
moi. Tantôt il rappelle la filiation d~ l'a~ent!fic~tron ~ . p~rur. du
paux stade oral de la libido (en ce temps .Ioantam ::,u .armer c e~aat devo-
et de ~,.
1,1 rer... ). Un important texte de le ~ot ~~ le~a l.Je ex_Presse!llent •. au
e du 1 point de vue économique, subhmat1on, tdenuficatJOn, rcgrcsswn
nelle, ~• • •
narctsstque. .

1
1 Ainsi le complexe d'Œdipe représente à la foiS une co~p~re
pport l dans le désir, la coupure figurée par. la castration, ~t. la c?ntmuaté
~"
:ruree• affective entre l'économique de la lot et celle d~ desar. C est ce~t~
::> •
:prase 1
1
continuité qui permet d'élaborer une éconor~uqu~ du .surmOJ ·
uvert u La dérivation [du surmoi] à partir d~ premiers mvest~sse~ents
~
objectaux du ça par conséquent à partar du compl~xe d Œd1pe...
pre· ~ le met en relati~n avec les acquisi~ions phrJ?génét•qucs ~u ~a et
parer
stade en fait une réincarnation des format.10~s anteraeu~cs du mot qut .~nt
'ants·
• déposé leur précipité dans le ça. Ainsi le surmoi reste de mam re
]
:au•on Cf. p. et fa note 8$.

l
JO. ci-dCiliSUS, 2ZO•H2
:onde
435
••
• •
1

DIALECTIQUE

durable en contact étroit avec le ça et peut agir comme son repré-


..
sentant vis-à-vis du moi. Il plonge profondément dans le ça et ••

de ce fait, est beaucoup plus éloigné de la conscience que le moi 31,,,;


Tout ce que Freud ajoutera ultérieurement à cette économique .t
du s~rmoi, en particulier pour rendre compt~ de son caractère
sévère et cruel, en accentuera encore les tratts archaïsants. Le
surmoi est un précipité d'identification, donc d'objets abandonnés,
mais qui a le pouvoir remarquable de se retourner contre sa propre
base pulsionnelle. C'est pour rendre compte de ce caractère •
réactionnel du surmoi que Freud accentuera, dans le Déclin du ••
complexe d'Œdipe, le rôle de la peur de castration à l'époque de la •
u démolition » de l'Œdipe; ainsi, surmonter l'Œdipe, tâche fonda- 1
••
mentale de l'entrée dans la culture, ce n'est aucunement échapper
au principe du plaisir, mais encore le sauver, puisque c'est pour 1
protéger son narcissisme que le moi de l'enfant, sous la menace de
castration, se détourne du complexe d'Œdipe. Enfin l'introduc-
tion du concept de cc masochisme moral », dans le Principe éco-
nomique du masochisme, fera de la cruauté du surmoi un repré-
sentant de la pulsion de mort, interprétée comme impulsion à
détruire. Cette composante mortifiante, au sens propre du mot,
est la dernière que Freud ait discernée dans l'économie du surmoi; . 1

c'est peut-être aussi la signature même de son archaïsme. 1


La pulsion de mort n'est pas, en effet, une figure archaïque '
parmi d'autres, mais l'indice archaïque de toutes les pulsions j
et du principe du plaisir lui-même. C'est vraiment le lieu de le •
rappeler : la pulsion de mort a été introduite d'abord pour rendre l•
compte d'une péripétie de la thérapeutique, la résistance à la 1
guérison, l'impulsion à répéter la situation traumatique originelle 1

au lieu de l'élever au rang du souvenir. La fonction de répétition


apparaît ainsi plus primitive que la fonction de destruction dans la j
pulsion de mort. Ou plutôt la destruction est une de ces voies que
le vivant adopte pour restaurer l'antérieur de la vie. A cet égard 1
les formules des Nouvelles Conférences sont ici encore plus frap· l
pantes que toutes celles que nous avons pu emprunter à Au-delf !11
du principe de plaisir. La tendance de la vie à se détruire paratt
• si primitive que Freud se risque à écrire que le cc masochisme
[auto-destructeur] est plus ancien que le sadisme [destructeur de
l'autre 32] u et que toutes les pulsions visent à rétablir un état de Î
chose ancien en provoquant quelque processus parent de l'auto· ·1

3 r. Cf. ci-dessus, p. et la note 90.


222
JZ. Nouvelles Conférences, G. W. xv, p. 1 a; S. E. xxn, p. 105; tr. fr., P· J#
)
· ····-... . . .,•~•••tULl».• -a41i,c~

••

. RÉFLEXION ! UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET

·epré- .. matisme de répétition : l'embryologie n'est pas autre chos ,


ça et,
31


aut~ma~sme 1e· répéti~on; en affirmant ainsi la « nature :!~~r~
. • •• lt

1 vàal~~tce es. pu sd10ns », reud i~stalle la mort dans la vie, le retour
nt que , morgamque ~s 1a p~o~otton mê~e de l'organique. Les hypo-
:~.ctère theses de Alf-1ela du przn~pe de ~lazsir n'étaient donc pas seule-
s. Le ment des « tdees pour ~ott ll, ma1s une profonde intuition de la
tnnés, natu.re des ~hoses :. « ~'tl est vrai 9~'un jour, en un temps immé-
ropre ~or~al, ~a Vte surgtt ~ une. façon tmmaginable de la matière ina-
Ictère mm~e, JI y eut ausst, .su1vant notre hypothèse, création d'une
in du •
puls10n ten~ant à suppnmer la vi~ et à rétablir Pétat inorganique;
de la 1 en reco~na!ssant dans cette pul~1~n l'autod~truction dont parle
n?tre theo~1e, nous pouvon.s cons1d~rer celle-ct comme l'expression
1
:mda- 1
apper d une pulsiOn de mort qut se manifeste sans exception dans tous
pour 1 les processus de la vie as. »
tce de Je penserais volontiers qu'il existe une convena.nce mutuelle
)duc- et une étroite parenté entre ce thème de la répétition mortifiante,
~ éco- introduite tardivement dans la théorie, et toutes les autres formes

·e pré- de l'archaïsme : c'est déjà de la répétition qu'il était question à •
••
l

ion à l'époque de l'Interprétation des Rêves, lorsque l'analyse découvrait, ••

l'
mot, sous les déguisements de l'onirisme, « nos plus vieux désirs »,
• •.
rm01; u le désir indestructible »; c'est encore la répétition qui s'exprime
'
! dans tous les retours, sublimes ou non, au narcissisme; c'est de 1•
aïque 1 répétition qu'il s'agit de Totem et Tahou à Moïse et le A1o1Wthéism_e :

.SlOnS l'homme est tiré en arrière par l'instance qui ne ~ess.e de le t1re~ f '
de le hors du désir infantile. Le processus de .temporahsatJo~, en quot 1 j
' consiste à titre ultime le système conscient, se déplOie enAsen~ 1
mdre 1
à la 1 inverse d•un intemporel de nature pulsionnelle, ou plu~ot, s1
in elle
1 l'on en croit Au-delà du pn'ncipe de plaisir, à }:encontre d'une Impul-
tt•tl• on sion qu'on peut bien appeler . ~étemporal1sante. T~U~ est sans 1

;OS Ja doute la transcription la plus saiSISsante que nous pu1ssJons tenter


; que de cette cc guerre de géants» que Freud place sous le double emblème
1 d'Éros et de la mort. Si l'on rapproche les unes des autres toutes
!gard ces modalités de l'archaïsme, il se dess.ine une. figure complexe,
frap- celle d•un destin arrière ou d'une arriération destmale, d?nt ~~cune
-delà A
1 doctrine n'avait révélé avec autant d e coh erence , rmqwetante
taratt •
consiStance •

tsme
tr de
tt de j
mto- 1
33. NOUfJtlle• Cotifbmee•, G. W· xv, p. u.,• S . E' :an, p. J01: tt. fr., p. zot6.
. J#

.. . . . .
,._ .. .....


• DJALBCTIQU.E

4· ARCHÉOLOGIE ET PHILOSOPHIE RÉFLEXIVE •

Nous nous sommes dépaysés à l'extrême dans notre propre


archéologie, usant, dirait Platon, d'un << raisonnement bâtard ,
pour dire l'autre de nous-même en nous-même. La question philo·
sophique est maintenant posée : pouvons-nous penser cette archéo.
logie dans le cadre d'une philosophie de la réflexion ? Poser cette
question, c'est poser la question du sens ultime du point de vue
économique.
Cette philosophie implicite du désir indestructible, immortel,
intemporel, ne justifie pas seulement les traits réalistes de la topique,
mais les traits naturalistes de l'économique et finalement la distinc·
tion du point de vue économique lui-même par rapport au point
de vue topique. On se rappelle à quelles difficultés se heurte l'inter- ,
prétation des textes concernant la dissociation du point de vue 1
économique par rapport au point du vue topique. Nous avions
lié expressément cette question à celle du destin propre des rcpré· .
sentants affectifs de la pulsion; c'est lorsque ce destin ne coïncide .;
plus avec celui des présentations représentatives que le point de :
vue économique s'ajoute vraiment au point de vue topique, comme J
l'atteste l'Essai sur le Refoulement et le chapitre IJI de l'Essai sur ;J
l'Inconscient. Nous avons suivi Freud jusqu'au point où la théorie · 1
de l'inconscient paraît basculer du côté d'une économique pure, 1
avec son jeu complexe d 'investissements, de désinvestissements, J)
de contre-investissements, de surinvestissements. Cette marche '(
vers le pulsionnel pur nous est apparue comme une marche vers 1
le présignifiant, voire l'insignifiant : « Le noyau de l'inconscient, 1 t
dit Freud, est formé de présentations de pulsions qui veule~t . i s
décharger leurs investissements, donc d'impulsions de dés1r ~ J.
(Wunschregungen). ,, Et encore : « Il n'y a dans l'inconscient que t
des contenus plus ou moins investis »; << le destin (des processus : 1
inconscients] ne dépend que de leur force et de leur soumission aux c
exigences de la régulation par le plaisir-déplaisir M. » •
c

a
Nous pouvons maintenant comprendre, sous le titre de l'Ar~héo· e
logie du sujet, cette problématique de la ,, présentation affect1ve », , $4
en tant que distincte de celle de la « présentation représentative •; s
la psychanalyse est la connaissance frontière de ce qui, dans la . Ct

t
ti
34- L'ltu:cnucient, G. W. x, p. z86; S. E. xrv, p. 187; tr. fr., p. 131. •

.•
- · · -· • • • • • - • N ' .T.:J'. / I(,U. . . .ail:il:i ~i-....,_"- .
.......... ..;...~~·+'
~. . . . .· <. !" -~

RÉFLf~ION : UNE ARCHÉOLOGJ~ DU SUJET

re~résentation, ,ne passe p~ dans la représentation. Ce qui se


presente dans 1 affect et qu1 ne passe pas dans la re ~ t ·
' t 1 d' · dé · L'' pr<:scn atton,
ces . e cs1r comf!le srr•. Irréductibilité du point de vue éco-
~?mtque. à un~ stmple top•que des représentations atteste que
opre l .mconsc1ent n est pas foncièrel?ent langage, mais seulement
rd » poussée vers le langa~e. Le cc quantitatif n, c:est le mu.et, le non-parlé
hilo- e~ le non-par~ant, lmnommable à la racme du d1re. Mais pour
héo- d1r~ ce non-dire, la psychologie n'a plus que la métaphore éner-
cette gétlqu~ : ch~rge, décharge, - et la métaphore capitaliste : place- •
vue ment, ~!lvest1s~ement, - et tou!e la suite de leurs variantes. Ce qui,
dans 1 mcon.sc1ent, est suscepttble d~ parler, ce ~~i est rcprtsen-
table, renvote à un fond non symbohsable: le desir comme désir
.>rtel, Ç'est. i~i la li~ite que l'i.nconscient impose à toute transcriptio~
:que,
• hnguistJquc qu1 se voudrait sans reste•
tmc-

>omt Or cette '!lar~he régr~~si~e -:- bien di~ne du nom d'analyse -
1tcr- v.ers le ~ré-~1gmfiant et li?s•gmfiant serrut. elle-même insignifiante,
st, e.l le n ét~1t pas adossée a une problémattque du sujet; ce qu'elle
1
••
vue 1

• designe, c est proprement le sum du Cogito. De même que la


flOOS
u déprise » de la conscience dans une topique ne se comprend que
:pré- par la possibilité d'une u reprise » dans le devenir-conscient, de

1cide 1
même une pure économique du désir ne se comprend que comme
.t de •• possibilité de reconnaître la position du désir dans la suite de ses
:nme rejetons, dans l'épaisseur et à la frontière du signifiant.

1 sur ~• ressaierai de faire comprendre cette fonction du désir, à l'ori-
éorie ;.{ gine du langage et avant le langage, en usant d'une comparaison

mre, 1
empruntée à l'histoire de la philosophie. L'antécédance de la
ents, pulsion par rapport à la représentation et l'irréductibilité de l'affect
trche 1 à la représentation se rattachent à une problématique qui, sans être
l dominante, n'est aucunement insolite, au cœur même de notre
vers
:ient, ~

tradition rationaliste. La question est commune à tous les philo-
Jlent
désir
.i sophes qui ont tenté d'articuler les modes de la connaissance sur
les modes du désir et de l'effort. De grands noms jalonnent cette
que
~ tradition du plus proche de nous au plus éloigné. C'est ainsi 9ue
!SSUS '•
Nietzsche tente d'enraciner dans la volonté les valeurs, comprtses
I aux comme u points de vue , et comme cc perspectiv~ », et: de les. traiter
comme les indices tantôt du ressentunent, tantot de la puiSsance
authentique. Plus manifestement encore, le problème ,de Freu?
:héo·
est celui de Schopenhauer dans le M()tlde comme Volonte et Repre-
ve », ~~ sentation. Mais la question remonte .Pl~s haut; c'est déjà ~~Il~ de
ve »; •
Spinoza et plus encore celle de Le1bmz. Le bvre III de 1Étluqu_e
ns la '•
coordonne la problématique de l'idée à celle de l'effort. Pr~posJ­

tion VI : cr Toute chose en tant qu'elle est s'efforce de perscvérer
t
'
439

DIALECTIQUE

• dans son être. »Proposition IX : << L'esprit, aussi bien en tant qu'il tou
a des idées claires et distinctes qu'en tant qu'il a des idées confuses par
s'efforce de persévérer dans son être par une durée infinie et ~ 1
conscience de cet effort. » Proposition XI : <<Tout ce qui augmente •
la r
ou diminue, aide ou empêche la puissance d 'agir de notre corps que
augmente ou diminue, aide ou empêche la puissance de penser d~ de :
notre âme par une idée de cette chose. >> Finalement, pour Spinoza, •
tiOr.
la corrélation entre idée et effort est fondée dans la définition même dCJc,. J
de l'âme (mens) comme perception nécessaire des affections du msr •

corps 35• s'in


Mais c'est peut-être Leibniz qui annonce le mieux Freud: l'équi- pro
valent leibnizien de la fonction de Repriisentanz, c'est le concept dan
d' « expression ». La monade, comme on sait, exprime l'univers le c:
et en ce sens elle perçoit; l'expression n'est pas une fonction 1\
seulement de la monade douée de réflexion, ni même de la monade vue
dotée de conscience : toute monade perçoit, c'est-à-dire tout être par
qui est un par soi et non par agrégat. Dans la correspondance avec tt•en
Arnaud, Leibniz déclare que la fonction d'expression est commune Spi1
à toutes les formes ou âmes; l'expression n'est donc pas définie et 1
par un acte conscient. Ce pouvoir de concentrer une diversité che:
dans un acte unique, qui en serait en quelque sorte le miroir actif, • la r
est plus fondamental que la conscience elle-même. On peut même do x
en suivre la dégradation progressive vers le minéral 86• Par là, la de :
philosophie de Leibniz est plus apte que celle de Descartes à pas
intégrer la notion d'inconscient. La Monadologie déclare : << L'état ' lep
passager qui enveloppe et représente une multiplicité dans l'unité, des
ou dans la substance simple, n'est autre chose que ce qu'on appelle tiqu

put~
la Perception qu'on doit distinguer de l'aperception ou de la cons-
pas~
cience, comme il paraîtra dans la suite. Et c'est en quoi les Carté-
siens ont fort manqué, ayant compté pour rien les perceptions l'ap•
dont on ne s'aperçoit pas ... » (art. xiv). Et voici maintenant l'autre cale

1
' ct•en
face de l'expression : cc L'action du principe interne qui fait le . que
changement ou le passage d'une perception à une autre, .peut !
nmt •
être appelé Appétition; il est vrai que l'appétit ne saurait touJ.ours '
·~
• •
' mat~
••

parvenir entièrement à toute la perception où il tend, mais tl en 1

pOUl
obtient toujours quelque chose et parvient à des perceptions ~?u­ ••
•' en cc
velles » (art. xv). Ainsi la notion même d'âme reçoit sa défiru~ton •
1
• le co
générale de ce rapport entre perception et effort : par la perceptton, cette
now
tour
35· Ethiq11e. Livre n, Propositiona xu, XVI, xxm. que
36. Cf. Nouveaux Essais, § 9.

'
.
••1

i1 i
RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET 1·• ~
. 1
1

tout ~ffort devient représ~ntatif d'une multiplicité dans une unité;


par 1~ff~rt, t~ut.e ~ercept10..n tend vers plus de distinction. 1
Letbmz fat~ amst apparatt~e une do~ble loi de la représentation : 1
la représentatton e~t prétentzon à la verité en ce qu'elle représente
quel,que chose; m~ts ell~ est, auss!. expr~ssion de la vie, expression 1

de 1effort ou de 1appéttt; c est 1 mterference de la seconde fonc- !l1


j

tion avec la première qui pose le problème de l'illusion· mais


• déjà la distorsion ( Entstellung) qui a servi de titre aux divers'méca- ./
·J
~i.sm~ du t;.av~il. du rêve (déplacement, co~densation, figuration) ~j
s mscnt à 1 mteneur de cette grande fonctJOn d'expressivité. Le 1j
problème posé par le rapport de la représentation et de la pulsion l
dans la métapsychologie freudienne dépasse donc singulièrement ..·/
le cas de la psychanalyse.
Mais si le problème posé, en dernier ressort, par le point de ·1 j

vue économique freudien n'est pas absolument nouveau, il garde 1


11
par rapport à Spinoza et Leibniz une indéniable originalité. Celle-ci ••
1
tient tout entière dans le rôle joué par la barre entre les systèmes; •
Spinoza et Leibniz savaient bien que l'effort et l'idée, l'appétition 1
1

et la perception éta;ent soudés en deçà de la conscience : l'âme 1

chez Spinoza est idée du corps avant d'être idée d'elle-même et 1
1

la perception chez Leibniz peut aller sans aperception. Le para- 1


doxe freudien de la présentation puls~o!meJie, s~rtout sous _la fo~me .•'
'
de l'affect, consiste en ce que la sruste . réflex1v~ de ce lie~ n est
1
1
•• pas possible sous la forme directe d'une s1mple prtse de conscience; .1•
1
le pré-réflexif est ici impuissance .à réfléchir. C'es~ alors l'ensemble ''
1

des procédures placées sous le tttre de la techmque p~yc~analy­


tique qui doit être tenu pour l'équiv~ent de cette élev~tJO~ de
puissance en quoi consistait pour Spmoza et pour Letbn.IZ le
passage de l'idée du corps à l'idée de l'idée ou de la perceptiOn .à
l'aperception. Cet intermédiaire technique ne change pas radi-
calement le problème de structure : le détour par une aut~e cons-
• ·!

cience par le travail la « translaboration » - J?urcharhez tung ~
' . que nous ' avons comment' é p 1us hau t , ne
. suppnme
. pas 1a conti-
.
l
. ., )
nuité structurale non seulement entre mconsctent. et cc~sc;e~.c~
' •
·'•. mais entre prése~tation pulsionnelle et représentatu~n. ~ ~~
. p ff ct même dissocié de la représentatiOn, s appc e
PourquOl a c , , ' pulsionnelle. Sa fonction de présenter
,
••

encore une « presentatiOn » d h· Reprenant
le corps dans 1, âme en fait déjà une gran éfl~~~sy~i l!~eici le nôtre,
~
cette théorie de l'affect da.ns le :~ngage ~able iCest originairement
nous dirons ceci : si le ~éstr es~
10
~~j1 est e~ uissance de parole;
l tourné vers le Iangage;.al veut ê~et dt:,le vouloif-dire l'innommable
que le désir soit à la fo1s le non~ e '
'1l 441

'•
1
j
.,
1
-. .•

~ (. l
••
~ .. •
1

DIALECTIQUE •

et la puissance de parler, voilà ce q~i en fait le concept limite à la


1
frontière de l'organique et du psychtque. P.
Sl
Leibniz ne disait-il pas la même chose, lorsqu'il écrivait sur 1

l'appétition : « ••• L'appétit ?e. saurait to~jo.urs parv.enir entière-


ment à toute la perception ou tl tend, mats tl en obt•ent toujours d:

Vl
quelque chose, et parvient à des perceptions nouvelles 37. ,, ?
Qu'est-ce qu'un existant qui a une archéologie? La réponse m
c,
paraissait aisée avant Freud: c'est un être qui a été enfant avant que pc
d'être homme. Mais nous ne savons pas encore ce que cela signifie.
p~
Position du désir, caractère indépassable de la vie, autant d'expres- rn
sions qui nous convoquent plus loin, plus profond. er
C'est d'abord le statut de la représentation dans une anthro- nt
pologie concrète qui est remis en question. Nous avons proposé rn
de placer ce statut sous les lois de la double expressivité; la repré- d2
sentation n'obéit pas seulement à une loi d'intentionalité qui en su
fait l'expression de quelque chose, mais à une autre loi qui en fait •
Cll
la manifestation de la vie, d'un effort ou d'un désir. C'est l'inter- tic
férence de cette autre fonction expressive qui fait que la repré- dé
sentation peut être distordue; la représentation est alors susceptible le~
d'une double investigation, d'une part d'une gnoséologie (ou de
d'une critériologie), selon que la représentation est considérée n,c
comme rapport intentionnel réglé par le quelque chose qui s'y 1

ve.
manifeste, d'autre part d'une exégèse du désir qui s'y cache. Il en
résulte qu'une théorie de la connaissance est abstraite et se cons- ••

titue par une sorte de réduction, appliquée à l'appétition qui règle • j

les passages d'une perception à l'autre; inversement, une hermé-


neutique réductrice, décidée à n'explorer que les expressions du •
désir, procède d'une réduction inverse qui a au moins valeur de •
protestation contre l'abstraction de la théorie de la connaissance l
et de sa prétendue pureté. Cette réduction du connaître comme tel l

atteste la non-autonomie du connaître, son enracinement dans • 1

l'existence, entendue comme désir et comme effort. Par là se décou- 1


vre non seulement le caractère indépassable de la vie, mais l'inter- •
férence du désir avec l'intentionalité à laquelle il inflige une invin- 4
cible obscurité, une irrécusable partialité. Par là enfin est confir~é i••
le caractère de tâche de la vérité : la vérité reste une Idée, une Idee 1
infinie, pour un être qui d'abord naît comme désir et effort, ou,
'
~
37· Monadologie, art. xv.- Sur la signification du désir, cf. ]. Lacan, • Le J
désir et ses interprétations •, Séminaire, 1958-59, Bull. de Psych., jnnv. t96o·
Norman O. Brown, Eros et TJumatos, tr. fr., Julliard, 1960; Herbert Marcuse,
Eros et Civilisation, tr. fr., ~d. de Minuit, 1963.

('
· ~· --
...
1
••


.l
• 1
RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET i
1

à la J•
pour

parler comme Freud, comme libido invinciblement narcis-
sur
•• stque. l
Je rejoins en outre les conclusions de ma Philosophie de la Volanté 1
1. 1
.re-
urs dans le Volontaire et l'Involontaire : le caractère, l'inconscient, 1~ 1
••
vie, disais-je alors, sont des figures de l'involontaire absolu· elles 1
m'assurent que ma liberté est une « liberté seulement huma~e 38 »,

••
nse !
1
c'est-à-dire une liberté motivée, incarnée, contingente. Je me
~ue
.fie.
pose comme déjà posé dans mon désir d'être. En cela « vouloir n'est
pas créer 30 ». Ces conclusions, je les ratifie· encore aujourd'hui;
1

l• 1 l
j 1
·es- mais je les dépasse sur un point décisif, celui-là même qui a mis •,
l
en mouvement toute la recherche de ce livre. Une méthode hermé-
ro- neutique, couplée à la réflexion, va beaucoup plus loin qu'une
J
1

osé, méthode eidétique comme celle que je pratiquais alors : la dépen-


1
!'
·re- dance du Cogito à la position du désir n'est pas directement saisie
en sur l'expérience immédiate, mais interprétée par une autre cons-
fait cience, sur les signes en apparence insensés offerts à l'interlocu- l
1
er- tion; ce n'est aucunement une dépendance ressentie, c'est une 1
ré- dépendance déchiffrée, interprétée à travers les rêve~, les fan.tas~es, 1
ble les mythes, qui constituent en quelque sorte le d1~cours md1re:t
:ou, de cette ténèbre muette. L'enracinement de la réflexton dans la VIe
'
ree n'est lui-même compris dans la conscience réflexive qu'à titre de
s'y vérité herméneutique.
en
:lS- 38. Le Volontaire ct l'Involontaire, p. 453 et auiv.
gle 39· Ibid.
lé-
du \

de
lCC l
tel l
lOS 1

1

.n-

4
••
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lée •
lU,

Le
5o.
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• .
1
c
CHAPITRE III 'hà
DIALECTIQUE:
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
p

al
e:
• t(
cc
La répétition philosophique du freudisme s'achève-t-elle dans et
une philosophie de la réflexion ? Suffit-il, pour comprendre le Cl
freudisme, de le relier à cette philosophie de la réflexion par le dt
concept intermédiaire d'archéologie? re
La seconde question est la clé de la première : il me paraît que pt
le concept d'archéologre du sujet reste encore très abstrait, aussi rn
longtemps qu'on ne l'a pas placé dans un rapport d'opposition
dialectique avec le terme complémentaire de téléologie. Seul a ce
une arché un sujet qui a un te/os. Si je comprenais cette articu- pl
lation entre archéologie et téléologie, je comprendrais bien des qt
choses. Et d'abord je comprendrais que mon idée de la réflexion la

est elle-même abstraite, aussi longtemps que cette dialectique gtl
nouvelle ne lui a pas été intégrée. Le sujet, disions-nous plus haut, la
n'est jamais celui qu'on croit. Mais il ne suffit pas, pour qu'il de
accède à son être véritable, qu'il découvre l'inadéquation de la pr·
conscience qu'il prend de lui-même, ni même la puissance du désir • d'~
qui le pose dans l'existence. Il faut encore qu'il découvre que le • ap.
« devenir conscient ,, par quoi il s'approprie le sens de son existence qu
comme désir et comme effort, ne lui appartient pas, mais appar- ne
tient au sens qui se fait en lui. Il lui faut médiatiser la conscience tiq
de soi par l'esprit, c'est-à-dire par les figures qui donnent un te los che
an;.
à ce « devenir conscient >>. Qu'il n'y ait d'archéologie du sujet que •
• qu·
dans le contraste d'une téléologie, cette proposition renvoie à cette 1
dia
autre : il n'y a de téléologie que par les figures de l'esprit, c'~st­ •
cor
à-dire par un nouveau décentrement, une nouvelle dépossessiOn '•• dot
que j'appelle esprit, comme j'avais appelé inconscient le lieu d; 1

asp
cet autre déplacement de l'origine du sens en arrière de m0•1• :
Si je comprends cette connexion, au cœur d'une philosophie ~
t.
du sujet, entre son archéologie et sa téléologie, c'est-à-dire entre , p. 1;
deux dessaisissements de la conscience, je comprends en o~tre j deaa
que la guerre des herméneutiques, qui était le problème maJeur 1

'j
1.


·t
1
,..
.•
J
• !

ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE

1
de notre problématique, est sur le point de trouver une issue
Vue ~u d~hors, la ps~chan~lyse !lous était apparue comme un~
hermeneuttque r~ductnce, demyst~fiante. A ce titre, elle s'opposait
à une hermcneuttque que nous av10ns appelée restauratrice à une
récollection du sacré.. Nous n'avions pas aperçu, ct nous ~'aper­
cevons pas encore, le hen entre les deux modes contraires de l'inter- 1

prétation. Nous ne sommes pas en état de dépasser une simple


antithétique, c'est-à-dire une opposition dont les termes restent
extérieurs l'un à l'autre. La dialectique de l'archéologie et de la .
• téléologie est le sol philosophique véritable sur lequel peut être )

comprise la complémentarité des herméneutiques irréductibles - l


~
ans et opposées, appliquée aux formations mythico-poétiques de la
le culture. Cette résolution du problème herméneutique initial est
'
1 1
a.;
· le donc l'horizon de toute notre entreprise. Toutefois, nous ne pour- ~
rons remplir de sens de telles formules, tant que la dialectique 1
lUC présente n'aura pas été elle-même comprise et portée au cœur !

ISSl même de la sémantique du désir.

ton Le lecteur avisé ne manquera pas de nous arrêter au seuil de
ce chapitre et de nous objecter que nous sortons entièrement d'une 1
i a
~u- problématique psychanalytique. Freud a expressément ,dé~laré
ies que la discipline qu'il fondait était une u analyse », c'~t-a-d1re .à
on la fois une décomposition en éléments et une remontee aux ~n­
ue gines, et aucunement une synthèse, et qu'il était exclu de ~omplet~r
la psycho-analyse par une psycho-synthès~ 1• raccorderai~ qu il
demande à l'analyste qui me fera cette obJ~~ton. ~e que J entre-
prends est tout différent; plus encore que 1mspecuon. du co~cep~ 1

1
s1r • d'archéologie la présente méditation est de nature ph•losopluqued, !

le •
' : je ne me comprends mot-me~e,
après avoir dit · • rtsa.nt d'Freu. . ' 1

.ce qu'en formant la notion d'une archéologie du sujet, -Je d~ i Je


tr- ne comprends la notion d'archéologie que dans son rappo; de~;
tique avec une téléologie. Alors,, me ~tou~nant , ve~yser~~~~e
ce
los cherche dans son œuvre même, c .est-à: re. an~ ., :~ ère montrer 1
ue analyse la référence à son contratre dtalccttque, J P nt
• . ' . l'analyse est constamme
:te •
qu'tl s'y trouve effecttvement et que l't Freud mais le
;t- •
l
dialectique; je ne prétends don~ pas c~mpu~ ~~avance dans cette
comprendre en me comprenant. 1 ose crOire. q -~e en révélant les

Jn
:le
'•
1
double compréhension de Freud et de motfme d'
• aspects dialectiques et de la réflexion et du reu tsme.
)1.
• '•
te ( s) G W. xn,
re 'l
5 ·
.
psychana1ytrqul 191 • • ( •
t. Les voies nOUtJellcs de la t~1éra~t•rh ;mu Ps)'chunalytiQU'. p. t33· c • Cl•
p. 185; S. E. xvn, p. t6o; u·. fr., m Dr lfJ "tc n...,-
re
Jf
'
1
~
!
dcasu!l, p. 400, n. 88.

l 445
••
•t
!

DIALECTIQUE

Ce que je veux donc démontrer, c'est que, si le freudisme est


• une archéologie explicite et thématisée, il renvoie de soi, par la •
nature dialectique de ses concepts, à une téléologie implicite et
non thématisée.
J'userai d'un détour pour faire comprendre ce rapport entre
archéologie thématisée et téléologie non thématisée. Je proposerai
l'exemple- ou plutôt le contre-exemple- de la phénoménologie
hégélienne où les mêmes problèmes se prése11tent dans un ordre inverse.
La Phénoménologie de l'Esprit, en effet, est une téléologie explicite
de la prise de conscience et, à ce titre, contient le modèle de toute
téléologie de la conscience. Mais, en même temps, cette téléologie
s'enlève sur le fond de la vie et du désir, en un sens tel qu'on peut
bien parler, chez Hegel lui-même, du caractère indépassable de
la vie et du désir, en dépit du fait que cet indépassable est toujours
déjà dépassé en esprit et en vérité. En usant de ce détour, je n'ai
aucunement l'intention de mettre Freud dans Hegel et Hegel dans •
Freud, et de tout confondre. Les problématiques sont trop diffé-

rentes pour qu'on puisse ainsi brouiller les cartes. En outre, je
crois trop que toutes les grandes philosophies contiennent les
mêmes choses, mais dans un ordre différent, pour nourrir la sotte
idée de les mettre bout à bout dans un éclectisme aussi paresseux
que monstrueux. Mon entreprise diffère autant qu'il est possible
d'un tel éclectisme. Hegel et Freud sont à eux seuls des continents
entiers et il ne peut y avoir, d'une totalité à l'autre, que des rap·
ports d'homologie. C'est un de ces rapports d'homologie que .
• j'exprime, lorsque je tente de découvrir dans le freudisme une
certaine dialectique d'archéologie et de téléologie que Hegel pré·
• sente en clair. La même liaison est chez Freud, mais dans un ordre
et une proportion inverses : Freud, dirais-je, lie une archéologie 8
thématisée de l'inconscient à une téléologie non thématisée du c
rl
u devenir conscient », comme Hegel lie la téléologie explicite de d
l'esprit à une archéologie implicite de la vie et du désir. Je ne p
!llêle d.onc p~ Hegel à Freud, mais je cherche dans Freud .une : éo
1mage mversee de Hegel, afin de discerner, guidé par ce schem~, , J
• p
certains traits dialectiques qui n'ont pas trouvé dans la théone 1}
une élaboration sy.stématique complète, bien qu'ils a~ent c?nsta~· p:
ment, dans la prat1que analytique, une valeur opératoue év1dente · ti·
eJ
~ sc
:z
... :ro':lt ce chapitre est un débat intérieur avec Herbert Marcuse, EMo~~
Cw1ltsatum, Bo~ton, 19?5• tr. fr., éd. de Minuit, 1963, nv~c j. C. Flugel, ·,J of 1
le
cl
M orais an.d Soetety, Pelican Books, 1945 et avec Philipp R1eff, Fn·utl, tilt "''~,be ; UJ
• the mora/ut, Gollancz, Londres, 1959. On confrontera également avec M ! ne
Robert, La Rlvoluh·on Psychanalytique, Pnyot, 1964. :
.j

446 ·~
l

' •

ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
'
tsme est
, par la
licite et
I. UN MODÈLE ,TÉLÉ9LOGIQUE DE LA CONSCIENCE :
rt entre LA PHENOMENOLOGIE HÉGÉLIENNE
:>poserai
énologie
• {
znverse. Ce que Hegel offre à penser est une phénoménologie, non point 1
1
!Xplicite une phénoménologie de la conscience, mais bien de l'esprit. Enten- .1
•'
:le toute •
dons par là une description des figures, des catégories ou des ~
symboles qui guident cette croissance selon l'ordre d'une synthèse .,
1

:léologie '•
l•

on peut progressive. Cette voie indirecte est plus féconde qu'une psycho-
able de logie directe de la croissance 3 ; la croissance elle-même est au . 1,..
1


:OUJOUrs croisement de deux systèmes d'interprétation. En effet, cette phéno- 1

, je n'ai ménologie de l'esprit engendre une nouveJie herméneutique qui •


~el dans • ne décentre pas moins le foyer du sens que ne le fait la psychana- ·'.•

p diffé- lyse. Ce n'est pas de la conscience elle-même que procède la genèse •
1

utre, Je • du sens; la conscience est bien plutôt habitée par un mouvement ••

tent les qui la médiatise et élève sa certitude à la vérité. Ici non plus la
la sotte conscience ne se comprend pas tant qu'elle n'accepte pas de se •

.resseux laisser décentrer; l'esprit, le Geist, c'est ce. mouvement, .cette •

)ossible dialectique de figures, qui de la conscience fa1t une cc consc1ence ••




1tments de soi >> une « raison J> et finalement, à la faveur du mouvement
'
.es rap· circulai;e de la dialectiq~e, réaffirme la consc,ie~c~ imm~diate,

~te que .
mais à la lumière du procès complet de la med1~~10n. D abord
ne une le dessaisissement et, à la fin seulement, la répétition; entre _les . 1
deux, l'essentiel, à savoir le parcours complet de la consteJJauon
:el pré-
n ordre
J. A première vue, Je • devenir conscient • est une question .si~ple et nol
.éologie semblons la compliquer inutilement en surchargeant la psychologie un adppa.r~•e
isée du conceptuel trop lourd Certes dira-t-on, la conscience · n •es t pu une. onnç
cite de · ma1s. une tâche, vo~re,
. · en langage
' économ~que,
• un tra vail • lit~
un ne• remamement
suffit-elle pu•
Je ne lai
de toutes les forces en jeu. Une psych~logae de per;son;;alte? Ce que diverses
pour rendre compte de ce passage de 1 enf~ce a VIC a -~ as au mt'me souci 1
Jd une écoles néo-freudiennes ont appelé rgo-analysu ne répon~-l P · transforment Ja
chéma,'
théone
. Je ne cache pas ma méfiance à l~égard .~e ces c_orre~~~~~cii~1 rendent l'ana·
psychanalyse en un système éclectique. J Ignore 51 ces. J ent l'enjeu théorique 05
lys te lui-même plus clairvoyant; elles m~qu~t certiWl~murs prUérer la diaJec-
nstam· parfaitement aperçu pnr Freud. A l'éclectlsf!l~ •l faut t~~JO ravauda~e issu d'un
iente 1• 1 tique qui tire plus d'instruction de l'opposauon que de
la psychanalyse nous
(
empirisme sans principes : au reste ces nouveaux a~P.ects a paraissent comme
Eros et seront peut-l!tre rendus avec une nouvelle force,/ IlsC~o~s ~urquoi je ne cher-
:1, Jl1an, ' le produit dialectique des deux ap~roches opp~s "-'·iqu:s de la maturation, dant
,;,d of cherai pas d'abord le sens de lu crOissance psyc 0 1og ~ysil mais dana uoe
une psychologie de Ja personnalité, ou dana une ego- •
Mo.rtbe ! nouvelle aorte de phénoménologie.
•'
,j'
.1 447
4
l

. ., .. ..... • ••.• • . .
.. ..... ' •
•• .,;:.J..~..
. . .
!•


DIALECTIQUE '•

des figures : le maître et l'esclave, l'exil stoïcien de la pensée,


l'indifférence sceptique, la conscience malheureuse, le service
de l'âme dévouée, l'observation de la nature, l'esprit des lumières
etc. L'homme devient adulte, devient conscient, en tant qu'il est
capable de ces nouvelles figures dont la suite constitue l'esprit
au sens hégélien du terme. Par exemple- et ce n'est pour l'instant
qu'un exemple non justifié si on l'arrache au mouvement total-,
quand l'esprit passe par la dialectique du maître ~t de l'esclave,
la conscience entre dans le processus de reconnatssance de soi
dans un autre, elle se dédouble et devient un soi; ainsi tous les
degrés de la reconnaissance font passer par des régions de sens
qui sont par principe irréductibles à de simples projections de
pulsion, à des « illusions >>. Une exégèse de la conscience consis-
terait dans une progression à travers toutes les sphères de sens
qu'une conscience doit rencontrer et s'approprier, pour se réfléchir
••

1
elle-même comme un soi, un soi humain, adulte, conscient. Ce
••
• processus n'a rien à voir avec l'introspection; ce n'est plus du tout
un « narcissisme », puisque le foyer du Soi n'est pas l'Ego psycho- '
logique, mais ce que Hegel appelle l'esprit, c'est-à-dire la dialec-
tique des figures elles-mêmes. La conscience est seulement l'inté-
riorisation de ce mouvement, qu'il faut ressaisir dans les structures
objectives des institutions, des monuments, des œuvres d'art et
'
1

1

de culture.
• Je dirai, dans le prochain chapitre, ce que l'on peut faire aujour-
d'hui de cette métapsychologie issue de Hegel et que je propose ·
de confronter avec celle de Freud, pour les comprendre l'une par
l'autre. Je ne pense pas du tout que nous puissions, après plus
d'un siècle, restaurer la Phéttoménologie de l'Esprit, telle qu'elle •
fut écrite; mais il me semble que nous devons prendre pour guide,
dans toute nouvelle entreprise de même style, les deux thèmes •
directeurs qui me paraissent caractériser une phénoménologie
de l'Esprit.
. Le J?remier concerne 1:allure de la dialectique hégélienne; cette
dialectique en effet constitue un mouvement synthétique, progres· l
sif, lequel, par contraste et par choc en retour, découvre le carac- '
tère proprement analytique de la psychanalyse et le caractère
régressif, au sens technique du mot, de son interprétation écon~­
mique. Dans la phénoménologie hégélienne, chaque figure reçoit
son sens de celle qui suit; ainsi le stoïcisme est la vérité de la recon-
naissance du maître et de l'esclave, mais le scepticisme est la vérité 'l
de la position stoïcienne qui déclare inessentielles et annule toutes
les différences entre le maître et l'esclave, etc. La vérité d'un moment
,


"r- .
~ - ~,~, - --

j

t· \


t
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE

, réside dans le moment suivant; le sens procède toujours de la fi


pensee,

serv1ce vers le commencement. A cette première règle de lecture se ttan
.' ·
chent p1usteurs conséquen~es : c' est d'abord en raison de ce ra mou--
Jmteres
lu'il est vement rétr?gr~de du. vrru CJ~e la phénoménologie est possible;
si elle ne cree rten, mats expltc1te seulement le sens à mesure qu'il
l'esprit
l'instant se découvre, c'.est que le sens fina! est immanent à chacun de ses
:otal-, moments antérteurs; c'est pourquot la phénoménologie peut désim-
1
esclave, 1 pli9uer ce sens ~lt~rieur de l'inspection du sens antérieur; le
de soi ph1.Iosophe peut ams1. se ,J?odeler ~ur ce qu~ apparaît, il peut être
tous les ph~.nomén~logue; mats s ~ peut d1re ce qu1 apparaît, c'est parce
de sens qu il le v01t dans la lumtère des figures ultérieures· c'est cette

10ns de avance de l'esprit sur lui-même qui fait la vérité, no~ sue d'elle-

cons1s- même, des figures antérieures; voilà le trait qui qualifie cette phéno-
de sens ménologie comme phénoménologie de l'esprit et non de la cons-
·éfléchir cience. C'est pour la même raison que la conscience qui est ainsi
ent. Ce révélée n'est plus du tout la conscience qui précède ce mouve-
du tout ment dialectique; on sait que Hegel appelle conscience, dans la
psycho- ' Phénoménologie de l'Esprit, la simple manifestation de l'être du
dialec- monde pour un témoin qui ne se sait pas lui-même. Avant la
j '
t l'inté- conscience de soi, la conscience est simplement la manifestation '
1
uctures du monde. 1
i'art et Ce premier trait, concernant l'allure de la phénoménologie 1
'
h~gélienne, commande le second qui concerne son cont~nu (~ussi 1

aUJOUr- hten ne peut-on, chez Hegel, séparer la forme de la dialccttque
>ropose · de so~ contenu, s'il est vrai que la clial~ctique ..est la pro?u~tt?n .!1
me par par s~t-même du contenu); ce second tratt peut-etre énonce ams.1 : 1

ès plus c~ qu1 est en question ou en jeu, dans une telle phénom~nologte, 1


1

qu'eUe c ~st la production du soi - Selhst - du soi de la consc1enc.e. de


· guide, • sot. J~ dis que le premier trait est la clé d~ second : la posttlon
thèmes du s~1 est en effet inséparable de sa productiOn par synthèse pro-
nologie ' gressiVe; c'est pourquoi le soi ne figure pas e.t ne peu! pas fi~~er
~ans une topique; il ne peut apparaître parm1 les des~s ou ~lcts­ •

:; cette
1
sttudes des pulsions qui constituent le thème de 1economtqu~.
rogres- Regardons d'un peu près comment le soi se montre et appa~att
carac- dans la Phénoménologie de l' Espn't ,· il est remarquable que. ~ est
ractère d~jà dans le désir - Begierde - que le soi se préfigure et, SI J os:
écono- dtre, se tire à soi. Sur ce point Hegel et Freud se renc~ntrent ·
reçoit °
c'est dans le mouvement du désir que naît une culture. Et 1 0 pedt
recon- •
. vérité , l'objet, la mort de l'objet jouent un rôle essentiel dans c~tte e
cation du désir; le maîtr~ hégélien qui a mis sa vie en aed~ a
r
pousser assez loin les identités : chez l'un et l'autre, l'abando?d e

toutes • recouvre comme maîtrise, réalise le mouvement que Freu ra


.ornent •

449
'


DIALECTIQUE
• •

. comme conduite du deuil et comme installation de l'objet dans


l'intériorité. En ce sens il y a plus qu'une simple rencontre entre

ridentification freudienne et la constitution hégélienne du soi. ,
•• Mais si les correspondances terme à terme peuvent être multi-
pliées, le sens de la genèse est très différent; on a vu que chez
Freud toute sublimation qui fait apparaître des buts nouveaux,
sociaux pour l'essentiel, doit être comprise économiquement •


comme retour de la libido d'objet à la libido narcissique. Chez
Hegel l'esprit est la vérité de la vie, vérité qui ne se sait pas encore .
r

dans la position du désir, mais qui se réfléchit dans la prise de


t
conscience de la vie. La conscience de soi, dit Jean Hyppolite,
« est, dans cette prise de conscience, l'origine d'une vérité qui est
• .• " pour soi en même temps qu'elle est en soi, qui se fait dans une
histoire par la médiation des consciences de soi diverses, dont
l'interaction et l'unité constituent seules l'esprit 4 >), C'est pourquoi
l' Unrulligkeit, << l'inquiétude n de la vie, n'est pas d'abord définie
comme poussée et pulsion, mais comme non-coïncidence avec
soi-même; elle tient en soi déjà la négativité qui la fait autre et qui,
en la faisant être autre, la fait être soi; la négation lui appartient
en propre; ~·est pourquoi Hegel peut dire que la vie est le soi, • '
mais sous forme immédiate - le soi en soi - qui ne se sait que dans

la réflexion où le soi est enfin pour soi. Ainsi la lumière de la vie,
pour parler comme saint Jean, sc révèle dans la vie et par la vie,
..• mais c'est la conscience de soi qui reste pourtant la ·terre natale
de la vérité et d'abord la vérité de la vie. Ce mouvement récurrent '
du vrai donne tout son sens à la philosophie hégélienne du désir; '
car si l'on peut dire que la conscience de soi est désir, c'est parce
que le désir est déjà éclairé par la dialectique du dédoublement de

la conscience en deux consciences de soi rivales. C'est à la lumière •
de la dialectique ultérieure du maître et de l'esclave que la dialec-
.
tique antérieure du désir a une vérité. C'est, on le sait, comme •

désir du désir d'une autre conscience que le désir s'annonce comme •

désir humain. La dualité des consciences de soi vivantes figure


déjà, sur un mode extérieur, cc qui sera ultérieurement dédouble-
ment de la conscience de soi à l'intérieur d'elle-même, jusqu'au '
moment où la conscience malheureuse ne sera plus que pure
division de soi-même. Il n'y a donc aucune intelligibilité propre
du désir; c'est la position de la conscience de soi comme désir

4· HyppoJite, Genùe et Strucwre tk la Phlmnnhtologu d1 l'Esprit de He:el, •

P• 1-Ho •


• •• " J ,
.
... •
\
...
1
~ ~" .
. .. . ...
~
'

'

ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
:t dans qui, en se précédant elle-même, fait qu'il y a une lumière de la vie·
~ entre
c'est en effet sur le chemin du retour en soi-même, à partir de 1~
' simple conscience qui n'était que le déploiement de l'être autre du
multi- monde, que la conscience de soi se pose comme désir; la chose
e chez n'est pl~s al.o~s spectacle, mais apparition disparaissante; et, dans
.veaux, cette dtspantton, s'apparaît à soi la conscience désirante· mais
1ement que désire-t-elle en désirant quelque chose? Ce qu'elle po~rsuit,
. Chez à la faveur de ce recul du monde sensible, désormais rapporté
encore .
• à l'unité de la conscience de soi avec soi-même, ce qu'elle poursuit,
~ise de c'est soi-même. C'est pourquoi elle ne s'atteindra qu'à travers
•polite, son rapport avec un autre désir, avec une autre conscience de soi•

~u1 est 1
C'est alors une cc dialectique téléologique », selon le mot même
ns une de Jean Hyppolite commentant ce difficile passage 6, qui << expli-
, dont cite progressivement tous les horizons de ce désir qui est naissance
urquot• de la conscience de soi 6 »; le désir de soi se désimplique du désir
définie de quelque chose; pour cela il se cherche lui-même dans l'autre;
:: avec finalement c'est le désir de la reconnaissance de l'homme par
• l'homme qui d'abord se précède pour s'expliciter ensuite. C'est
et qm,
artient cette anticipation qui permet de dire : «c'est par une telle réflexion
le soi, en soi-même que l'objet sensible est devenu vien; la marque réflexive
:e dans qui distingue l'objet du désir, comme quelque chose de vivant, du
la vie, • simple objet perçu, est en ce sens ingénérable par simple évolu-
la vie, tion de l'antérieur vers l'ultérieur. C'est bien pourquoi, lorsque
natale Hegel découvre dans l'altérité du désir la visée d'un autre désir,
d'une autre conscience désirante, à la fois étrangère et même, il
:ur rent ,•
déclare sans équivoque que c'est pour nous philosophes, pou~ no~s
désir; ' qui sommes en avance sur le mouvement, que le concept de 1espnt
: parce
ent de est déjà là.
La phénoménologie du désir, .sur laquelle no?s, nous sommes
1mière un peu longuement arrêtés en ratson de ses affimtes ~vec le fre~­
dialec- disme, est tout le contraire d'une genèse du supéneur à part1r
:omme de l'inférieur; elle consiste bien plutôt à exposer le sens et les
:omme conditions du désir, tels qu'ils apparaissent dans les moments
figure ultérieurs; c'est seulement si la vie se manifeste comme un au~e
ouble- désir que le désir est désir; et cette certitude à son tour a ~a vénté
squ'au ' dans la réflexion doublée, dans le doublement de .la consc1e~ce de
: pure soi. A cette condition, une émergence ~e la. consc1ence de so1 d~ns
propre le milieu de la vie est possible. La reflexiOn pe~t être créatnce,
: , ·r
de!Sl • parce que chaque moment enveloppe dans sa cerutude du non-su
1
'
.

S· Ibid., p. lSS·
~ Hegel, • 6. Ibid•
DIALECTIQUE •
• •

que tous les moment~ ultérieur~ s'emploient à ~~plic~ter et à média..


tiser. C'est pourquoi Hegel lie le concept d mfimté à ce travail
de la reconnaissance mutuelle: le concept de la conscience de soi
dit-il, est << le concept de rinfinité se réalisant dans et par la cons~
cience »; en effet, l'opposition par laquelle chaque conscience se
cherche dans l'autre et <<fait ce qu'elle fait en tant que l'autre aussi

le fait' ,, est un mouvement infini, en ce sens que chaque terme sort
.• de ses limites pour devenir un autre; on y reconnaît l' Unruhigkeit
l'inquiétude de la vie, mais portée au degré réflexif par roppositio~
•'
i et la lutte; c'est seulement dans cette lutte pour la reconnaissance
1' que le soi se révèle n'être jamais simplement ce qu'il est, et, à ce
.. titre, être infini.
Si la Phétzoménologie de l'Esprit était seulement une téléologie
comme il semble résulter de la présente méditation, et si la psycha~
nalyse était seulement une archéologie, comme l'étude antérieure
l'a laissé croire, les deux approches seraient simplement anti-
thétiques. Psychanalyse freudienne et phénoménologie hégélienne
constitueraient ensemble ce que nous pourrions légitimement
appeler une antithétique de. la réflexion. (Je prends antithétique ••
au sens que lui donne Kant dans l'examen des antinomies : à
J savoir une opposition non médiatisée, soit qu'elle ne puisse l'être,
'
1
..

soit qu'elle ne l'ait pas encore été.) Cette phase de pensée, si elle
l' .
1 reste provisoire, est très instructive : seul, en effet, le contraste •
' '• d'une téléologie manifeste pleinement le caractère archéologique
.! du freudisme. Dans le contraste de Hegel, on découvre chez Freud
!
une étrange et profonde philosophie du destin qui est comme
l'envers invincible de toute phénoménologie de l'esprit, aimantée
par le futur absolu du discours total. Archaïsme du ça et archaïsme

1 du surmoi, archaïsme du narcissisme et archaïsme de la pulsion
de mort, ne forment plus qu'un unique archaïsme, en tant que le

1 mouvement de resprit est son contraire. On résumerait bien :
1
' l'antithèse en ces termes : l'esprit, c'est ce qui a son sens dans des
figures ultérieures, c'est le mouvement qui anéantit toujours
1. • son point de départ et n'est assuré qu'à la fin; l'inconscient signifie
foncièrement que l'intelligibilité procède toujours des figures
.•• antérieures, que l'on comprenne cette antériorité en un sens pure·
ment chronologique ou en un sens métaphorique. L'homme est le
•. seul être qui soit la proie de son enfance; il est cet être que son
enfance ne cesse de tirer en arrière; même si on atténue le caractère
,
.• •
'

• 7· Hegel, Pllinomhrologie tk l'Esprit, trad. Hyppolite, t. 1, p. 160•

-

•'

ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGie
l média-
: travail trop exclusivement historique de cette interprétation par le passé
: de soi, c•est enc<?re.en.face d·~.me antériorité symbolique que nous somm~
la cons- placés ; amst, Sl nous mterprétons l'inconscient comme 1•ordre des

lence se signifiants-clés qui sont toujours déjà là, cette antériorité des signi-
tre aussi ~ants-clé! par rappo~ à tous les événements temporellement
~me sort u:'t~rpré.tes no~s renvo1e à .un sens plus symbolique de l'antério-
uhigkeit, nte, mals contmue de fourmr à rordre inverse de l'esprit le contre-
• •
·posltlon pôle que nous cherchons. Nous dirons donc en termes très géné-

.atssance ra'!x : l'.esprit, c'est l'ordre du terminal; rinconscient, l'ordre du
et, à ce pnmordtal. Pour rendre compte de la façon la plus raccourcie
de cette antithèse je dirai : resprit est histoire, l'inconscient est
léologie, destin,- destin arrière de l'enfance, destin arrière des symboliques
. psycha- déjà là et indéfiniment réitérées•••
1 •
lteneure
nt anti-
:géHenne
• 2. L'INDÉPASSABLE DE LA VIE ET DU DÉSIR
tmement
.thétique
mies : à Et pourtant cette antithétique doit être dépassée : le danger
se l'être, auquel elle expose est de ramener sournoisement à un commode
e, si elle éclectisme où Phénoménologie de l'Esprit et psychanalyse seraient
:ontraste vaguement complémentaires. On n'exorcise cette caricature de
ologique dialectique qu'en montrant dans chacune des deux disciplines
~z Freud de pensée, considérée en elle-même et pour elle-même, la pré-
. comme • sence de son autre. Cet autre ne lui est pas un contraire extérieur,
• 1
a1mantee mais un contraire propre, auquel elle renvoie de soi. Je me propose
rchaisme donc de montrer que la question de Freud est dans Hegel, afin
. pulsion de me préparer à comprendre que la question de Hegel est dans
1t que le Freud.
. Retrouver la question de Freud dans Hegel, c'est retrouver
~ait bien •
dans des la position du désir au cœur même du procès (( spirituel » du double-

tOUJOUrS ment de la conscience, et la satisfaction du désir dans la recon-
.t signifie naissance des consciences de soi•
Revenons donc au difficile passage, dans la Phénoménologie
1 figures
de l'Esprit, de 1~ vie et du. désir à 1~, cons~ience de soi. Je ne veux
:ns pure· rien retirer à l'mterprétatlon que J en a1 donnée précéde~ment
me est le mais y ajouter. Ne pouvons-no~s pas retrouver, non plus à 1 ext~­
que son rieur de cette dialectiql!e, malS. en quelque so.rte . dans son fih-
caractère grane ce que j'appellerai volont1ers le caractère mdepassable de la
vie et' du désir? N'est-ce pas précisément la téléologie de la cons-
cience de soi qui, à la fois, manifeste que la vie est dépassée par
•'
453

•. . . . 1 •
. .'
\ · ~··

-.
DIALECTIQUE

la conscience de soi et qui découvre que la vie et le désir sont à


• • jamais indépassables, comme position initiale, affirmation originaire
expansion immédiate ? La vie est, au cœur même de la conscienc~
de soi, cette épaisseur obscure que la conscience de soi, dans son
• avance, révèle en arrière d'elle, comme ce qui apporte avec soi
la toute première différence de soi-même.
Comment se manifeste cet indépassable de la vie dans le dépas..

sement qu'opère la conscience de soi? De plusieurs manières et à
plusieurs niveaux de la dialectique de la conscience de soi.
D'abord il faut dire que la dialectique de la reconnaissance,
qui fait suite à celle du désir, ne lui est pas extérieure mais en est
en quelque sorte le déploiement et l'explicitation. Le concept impor-
tan! qui fait la charnière entre les deux moments est le concept de
• satisfaction - Befriedigung; il joue le rôle du principe de plaisir
freudien; or Hegel le rapporte précisément à ce qu'il appelle le
« pur moi ». Le pur moi, dans le texte hégélien, c'est en quelque •

•.
sorte la conscience de soi naïve, qui croit s'atteindre immédiate-
ment, dans la suppression de l'objet, dans la consomption immé-
diate de cet objet : « Le Moi simple est ce genre, ou l'universel
simple, pour lequel les différences sont néant; mais il l'est seule-
ment quand il est l'essence négative des moments indépendants
qui se sont formés. Ainsi la conscience de soi est certaine de soi-
même, seulement par la suppression de cet Autre qui se présente
l à elle comme vie indépendante; elle est désir. Certaine de la nullité
de cet Autre, elle pose pour soi 'Cette nullité comme vérité propre,
anéantit l'objet indépendant et se donne par là la certitude de

soi-même, comme vraie certitude, certitude qui est alors venue à .
l'être pour elle sous une forme objective 8 • » 1
'
Le pur moi dit :j'existe, puisque je jouis et que dans la jouissance
je vois disparaître et fondre cet objet dont toute la. physique du
monde m'a dit la solidité.
••
•• Comme le fruit se fond en jouissance, dit le poète. Mais c'est
ici que le désir fait l'épreuve tantalisante de la résistance et de la
• renaissance et de la fuite sans fin du beau fruit : cc Mais dans
cette satisfaction, la conscience de soi fait l'expérience de l'indé-
pendance de son objet; le désir et la certitude de soi atteinte dans la

satisfaction du désir sont conditionnés par l'objet; en effet la
satisfaction a lieu par la suppression de cet autre. Pour que cett~
suppression soit, cet autre aussi doit être. La conscience de S?l
• ne peut donc pas supprimer l'objet par son rapport négatif à lm;

8. Ibid., p. 15:1.


454
-•

ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
:ont à

na1re, par 1~ e~e le reproduit plutôt comme elle reproduit le désir a. »

:1ence On d!rat~, en lang~ge freudien : le principe de plaisir se heurte
as son au prmctpe de réahté. Hegel continue ainsi : « C'est en fait un

~c so1
autre que l.a conscience de soi qui est l'essence du désir, et par
cette expénence, cette vérité devient présente à la conscience de
lépas- soi 10• » En langage freudien : ce qui se prenait comme pur moi,
se découvre comme étranger à soi, comme anonyme et neutre,
s et à comme cc ça». C'est alors que la conscience de soi découvre l'autre:
la résistance de l'objet au désir, son indépendance ne peuvent
;ance, • être surmontées et la satisfaction atteinte que par la grâce d'un
~n est
autre qui soit un autrui : comme dit le texte dans une expression
npor- •
éclatante : « La conscience de soi atteint sa satisfaction seulement
!pt de dans une autre conscience de soi 11• » Ainsi le problème de la recon·
))aisir naissance ne fait pas suite, de façon e.<térieure et extrinsèque,
!Ile le au problème du désir, il est la désimplication même de l'égoïsme
elque •
' de l'Ego; il est la« médiation» de ce que le moi poursuivait comme
diate- satisfaction. Lisons une dernière fois le texte si dense de Hegel :
mmé- « Dans ces trois moments s'est réalisé le concept de la conscience
versel ••
de soi : a) son premier objet immédiat est le pur Moi sans diffé·
;eule- renee; b) mais cette immédiateté est elle-même absolue médiation,
dants elle est seulement comme acte de supprimer l'objet indépendant,

e SOl· ou elle est le désir. La satisfaction du désir est bien la réflexion

:sente de la conscience de soi en soi-même, ou la certitude devenue
mllité vérité; c) mais la vérité de cette certitude est plutôt la réflexion
~op re,
doublée, le doublement de la conscience de soi 12• ,,
ie de C'est pourquoi la dialectique ultérieure ne fera jamais que média-
nue à tiser cet immédiat donné dans la vie, qui est comme la substance
sans cesse niée mais sans cesse retenue et réaffirmée. L'émergence
sance
du soi ne sera pas
émergence hors de la vie, mais d~ns .la vie.
Cette position indépassable de la vie et du déstr, Je la retrouve
Je du à tous les autres niveaux de la dialectique du doublement de la
conscience de soi. .
c'est Et d'abord il ne faut pas perdre de vue que la reconnaissance-
de la phénomène spirituel par excelle!lce - est lutte. .Lutte. pour la
dans reconnaissance certes et non pomt lutte pour la v1e, mw rec.on·
indé- naissance par 1~ lutte. 'or cette lutte signifie que la grandeur ternble
ans la du désir est transportée dans la sphère de. l'esprit, s~us la ,figure
:et la de la violence. Certes, la passion de se frure reconnattre depasse
cette

le SOl 9· Ibid•• p. 152•
10. Ibid.
à lui; IJ. JbiJ., p. 153·
12. Ibid.

455

. ·'
. .. ' . ... ,. . ~
_..,,_ . ,,__

DIALECTIQUE

la lutte animale pour la conservation ou la domination et le concept


de reconnaissance est un concept non économique par excellence .
la lutte pour la reconnaissance n'est pas lutte pour la vie· c'est
une lutte pour arracher à l'autre l'aveu, l'attestation, la preuve
que je suis une conscience de soi autonome; mais cette lutte pour
la reconnaissance est une lutte dans la vie contre la vie, par la vie·
on peut dire que notions domination et servitude, qui appar~ •

tiennent au langage hégélien, sont, en langage freudien, des


destins de pulsions; la domination, parce qu'elle a traversé le 1

risque de la mort, qu'elle reste en relation avec la vie comme


jouissance et destruction de la chose, à travers le travail servile
du vaincu de la lutte; la servitude, parce qu'elle a préféré la vie
immédiate à la conscience de soi et a échangé la peur de la mort •

contre la sécurité de l'existence serve; jusqu'à ce que le travail,


instituant un nouveau mode d'affrontement avec les choses et
la nature, donne à nouveau l'avantage à l'esclave sur le maître.
Ainsi c'est encore et toujours la vie, le désir, qui procurent la positi-
vité, la puissance positionnelle, dirai-je plus énergiquement, sans
quoi il n'y aurait ni maître ni esclave; ce sont toujours des opéra-
tions sur la vie qui ponctuent la dialectique : risquer la vie, l'échan- •

ger - jouir, travailler; c'est toujours le moment de la nature,
l'altérité de la vie, qui, au sens propre du mot, alimente et nourrit f

les oppositions de chaque conscience à l'autre qu'elle-même.


C'est en ce sens que le désir est le dépassé indépassable; la
position du désir est médiatisée, non supprimée; ce n'est pas un
règne que nous pourrions quitter, annuler, anéantir; c'est précisé-
ment l'illusion de la liberté pensante du stoïcisme de poser l'identité
de tous les êtres raisonnables en marge de toutes les différences,
d'élever l'identité de Marc-Aurèle empereur et d'Épictète esclave
au-dessus de la lutte vivante et historique. Cet affranchissement
simplement pensé reconduit à l'altérité absolue; les désirs en
lutte n'ont plus de soi et le soi n'a plus de chair; c'est en ce sens
que la vie est indépassable. Et le terme même de soi - Selbst -

annonce que l'identité à soi-même reste portée par cette différen.ce
à soi, par cette altérité sans cesse renaissante qui réside dans la v1e. •
C'est la vie qui devient l'autre, sur lequel le soi ne cesse de se :
conquérir.
••
J

ARCHÉOLOGIE ET T~LÉOLOGIB
cept
LCe:
:'est
~uve 3· LA TÉLÉOLOGIE IMPLICITE DU FREUDISME :
>our

Vle',
a) LES CONCEPTS OPÉRATOI RES

par-
des
é le Revenons à Freud. La psychanalyse disions-nous est une
nme analyse e.t il n'y a pas lieu de la complét;r par une syntbèse. Cela
rvile ne saura1t être contesté. Ce que je crois pouvoir montrer c'est

1 v1e '}.Ue cette analyse ne saurait être comprise, dans sa structure" ;égres-

mort stve ,, la plus propre, que dans le contraste d'une téléologie de la
lVaÎ), consc~cnce q~i ne lui reste pas extérieure, mais à laquelle elle
:s et
~
!env?•~ de so1-même. Quels s~mt donc ces traits d'une téléologie '
utre. tmpltc1te que nous croyons diScerner dans le freudisme même?
• •
>Sltl- Ne sommes-nous pas en train de surinterpréter Freud? Je ne
sans nie pas que ces traits ne cc sortent » que dans une lecture de Freud
,
)era- couplée à une lecture de Hegel; c'es,t pourquoi j'ai bien distingué
~han- • les moments successifs de mon interprétation philosophique :
ture, moment épistémologique, moment réflexif, moment dialectique.
•urnt
• Mais fespère montrer que, du même coup, je lis mieux Freud et
•• me comprends mieux moi-même lisant Freud. 1

e; la Cette téléologie implicite peut être cernée par la convergence 1


de trois sortes d'indices. Elle me paraît d'abord désignée par 1
1s un
certains concepts opératoires du freudisme, je veux dire par des
!cisé-
concepts dont Freud use mais qu'il ne thématise pas. Je la vois
~ntité en outre à l'œuvre dans certains concepts bien thématisés, tels
:nees, que celui de l'identification, mais qui restent discordants par
;clave • rapport à la conceptualité dominante de la psychanalyse. Enfin,
ment la place en creux de la téléologie est dessinée à l'occasion de quel-
rs en ques problèmes qui restent non résolus, bien qu'ils appartiennent
:sens •< manifestement à la sphère de compétence de la psychanalyse, tels
]st- que celui de la sublimation: Il m'a se!llblé que ~es problèmes
renee trouveraient, sinon une solut1on, du motns une me1lleure formu-

a VlC. •
• lation dans une perspective dialectique•
de se -
:•
Toute doctrine comporte des concepts d'usage, qui ne sont pas
réfléchis dans sa propre théorie; l'élimin~tion de tel~ c~ncepts

••• réaliserait l'état de réflexion totale ou de savoar absolu, qu1 est mco~­
patible avec la finitude de la connaissance. Ce n'est donc pas frure
grief à la psychanalyse que de discerner en elle des concepts opé-

457

. . .. .. . •
.
A
DIALECTIQUE

ratoires qui, pour être thématisés, feraient appel à une autre concep- •
tualité que celle de sa topique et de son économique.
Ces concepts opératoires sont ceux-là mêmes qui nous ont permis
de distinguer la ps~chan.alys.e aussi. hie~ de la phénomér;ologie
que de la psychologte sctenttfique; tls ttennent à la constitution

même du << champ psychanalytique » comme relation duelle •
comme relation d'interlocution. Alors que la métapsychologi~
1

thématise un << appareil psychique ,, isolé ou, comme il nous est


arrivé de dire, alors que la topique freudienne est solipsiste,
la situation analytique est d'emblée intersubjective. Cette situation '

n'a pas seulement une ressemblance vague avec la dialectique
hégélienne de la conscience doublée; le procès de conscience
qui se déploie dans la relation analytique présente avec elle une
homologie de structure étonnante. La relation analytique tout
entière peut être réinterprétée comme dialectique de la conscience,
s'élevant de la vie à la conscience de soi, de la satisfaction du désir
à la reconnaissance de l'autre c~nscience. Comme l'épisode décisif \
j
du transfert nous l'apprend, la prise de conscience non seulement
passe par la conscience de l'autre, celle de l'analyste, mais comporte
une phase de lutte qui n'est pas sans rappeler la lutte pour la

reconnaissance; c'est en effet une relation inégalitaire où le patient,
• tel l'esclave de la dialectique hégélienne, voit tour à tour l'autre

•• conscience comme l'essentiel et comme l'inessentiel; lui aussi a dl tM

d'abord sa vérité dans l'autre, avant de devenir le maître par un
« travail » comparable au travail de l'esclave, le travail même de
l'analyse. Un des signes que l'analyse est terminée, c'est précisé-
ment la conquête de l'égalité des deux consciences, lorsque la vérité,
dans l'analyste, est devenue vérité de la conscience malade. Alors j

le malade n'est plus aliéné, n'est plus un autre : il est devenu un


soi, il est devenu soi-même. Bien plus, ce qui se passe dans Ja
relation thérapeutique, cette espèce de lutte entre deux consciences,
doit seulement nous donner accès à quelque chose de plus impor·
tant encore : le transfert - au cours duquel le patient répète, '
dans la situation déréalisée de l'analyse, des épisodes importants
et significatifs de sa vie affective - nous assure que dans la rela·
tion thérapeutique resurgissent, comme dans une vision en
miroir, toute une série de situations qui toutes étaient déjà des
- situations en couple; le désir, au sens freudien du mot, n'est •:
jamais simple impulsion vitale, parce qu'il est dès toujours en .
situation intersubjective. C'est pourquoi on peut bien dire que to.us
les drames que la psychanalyse découvre se placent sur le traJet
de la u satisfaction » à la u reconnaissance ». Le désir de l'enfant


.
.' 1
i

ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
cep-
passe pa~ la mère, puis il découvre que son désir de la mère passe
mus • • par 1~ per~;.là est l'es~entiel du conflit œdipien. On peut dire du
logie confht œ~lJ?Ien cela .meme que Hegel dit de l'échec de l'immédia-

1t1on teté du destr : « mats dans cette satisfaction la conscience de soi
1elle, fait l'expérience de l'indépendance de son obJet... ». C'est même ici
logie qu~ cesse tout parallélisme entre la faim et l'amour : Ja faim a son
s est objet dans une chose, l'amour a son objet dans un autre désir.

SlSte, • C'est pourquoi toutes les péripéties de la libido sont des péripéties
a tion du doublement de la conscience de soi. Bien plus comme la rela-
tique

tion thérapeutique elle-même nous l'avait I~issé pressentir,
• ce sont toutes les fois des situations où la division des consciences
1ence est une division inégalitaire. La conscience de l'enfant a d'abord
! une sa vérité dans la figure du père, qui est son premier sublime, son •
tout suprême; comme l'esclave, l'enfant a échangé - par un pacte
ence, aussi fictif d'ailleurs que celui qui lie l'esclave à son maître -
désir sa sécurité contre sa dépendance. Mais c'est avec la dépendance qu'il
.écisif doit faire de l'indépendance ta.
:ment Jusqu'où peut-on étendre cette relecture du freudisme à la
:porte lumière de concepts opératoires homologues de ceux de la phéno-
ur la ménologie hégélienne ?

lttent, Un lecteur quelque peu familiarisé avec la mentalité philo-
'autre sophique de l'hégélianisme ne manque pas d'être frappé par l'usage

USSl a o\li.r constant de l'opposition, dans la constitution des concepts freu-
ar un diens. Les trois théories successives de la pulsion sont en effet
ne de trois théories dichotomiques : pulsions sexuelles (ou libido) contre
·écisé~ pulsions du m~i; libido d'objet contr~ libid~ du mo~; pulsi?n de
1érité, .• vie contre pulston de mort. Il est vra1 que dtchotomte ne fa1t pas
Alors dialectique et que la dichotomie a chaque fois un sens différent;
• mais ce style d'opposition est étroitement lié à la naissance de la
nu un
signification; la dichotomie est déjà dialectique.
ans la A leur tour les viCissitudes ou « destins de pulsions » pré-
ences, sentent une forme dialectique évi~ente; c'est. par pair~ ~i~ni­

mpor~
ficatives que Freud compose ces destms : voyeunsme et exhibttion-
·épète, ,•
nisme; sadisme et masochisme; c•est dans ces « renversements »
>rtants
a rela~ 13 • On replacera dans ce champ dialectique la discussion c?ncemant ln r~ln·
tion d'objet; cf. M . Bouvet, • Le moi dans la névrose obsessiOnnelle. Relouon
on en d•objet ct mécanisme de défense •, Rro. fr. d~ Psa., 1953, XVII, 1/2, PP· 1 IJ•
:jà des 196 . 1 Ln clinique psychanalytique. Ln relation d'objet •, in La Psychanalyse
n'est •
• d'A~jourd'hui, I, pp. 41-121; c Dépersonnalisation et relation d'o~je.t •, .Rrt~. fr.
1
Je Psa., 1960 , XXIV, 4/S, pp. 449-61 t. G. Grunberger, c Cons1derauons sur
urs en l'oralité et ln relation d'objet orale •. Rro. fr. de Psa., 1959, XXIII, 2, P· 177·
Je toUS 204; • ~tude sur la relation objectale anale •, lùv. fr. de Psa., r96o, XXIV, 2,
: trajet pp. IJ7·168.
'enfant .
459

'
.•. . ,·

DIALECTIQUE

et << retournements » que se constituent à la fois une dynamique du


désir et une dynamique de la signification, puisque c'est dans ces l
destins que se constituent polairement le sujet et l'objet. Allons ' 1

' 1
plus loin. La topique elle-même peut être interprétée comme une
dialectique de « systèmes»; ce qui importe ce sont les relations entre I
système.s; or qu'es~-c: que ces rel~tio~s, sinon encore une dial~ctique
de puls10ns ? auss1 bten Freud he-t-il expressément la constitution !
(
des systèmes à l'un de ces destins de pulsion, le refoulement. La (
relation conflictuelle est même si primitive que Freud a recours s
à la notion de refoulement primordial (Urverdrângung) pour 1.
servir de fondation à tous les refoulements ultérieurs ou refou- (
lements proprement dits. Le refoulement proprement dit suppose '
f
donc du déjà refoulé; c'est dire que l'on ne connaît pas d'appareil ~
psychique fonctionnant purement sous le régime du non-refou- • I
lement. Dans un autre langage, la dialectique entre système pri- r,
maire et système secondaire est elle-même primordiale. Or ce ~
caractère primitif du refoulement n'est pas autre chose que la .• J1
••
structure du désir, en tant qu'il est dès toujours affronté à un autre d
désir. c
C'est donc dans la topique elle-même qu'il faut reporter cette JI
structure dialectique; la topique, on le sait, est née d'une opposition d
simple entre le conscient et l'inconscient, et l'on peut bien dire · d
que la topique étale dans un espace une relation foncièrement dia- &

lectique. La systématique freudienne objective dans un appareil d


le
solipsiste des relations qui tirent leur origine de situations inter-
subjectives et du procès du doublement de la conscience. C'est l
c
C•
pourquoi on retrouve à l'intérieur même de la topique, en tant
n
que relation intra-psychique, des relations qui figurent l'inter-
subjectivité originelle.
Aussi je me demande s'il ne faut pas revenir sur ce qui nous ,
avait paru entièrement acquis, dans le cadre de la métapsychologie, ·
à savoir les caractéristiques absolument non dialectiques de l'incons-
cient, ou plutôt du Ça, pour tenir compte de la rectification du ·
vocabulaire postérieure à 19 I 4· J'entends par caractérisation non :
dialectique la fameuse description de ce lieu, nommé tour à tour .
inconscient puis Ça, à la façon d'une puissance purement affi~ma· '
tive, ignorant négation, temporalité, discipline du réel et v1sant n:
aveuglément au plaisir. Ce désir absolu, je veux dire posé h?rs E
f
relation, a hors de soi, dans un autre lieu, l'origine de la négat1 0 rn
du temps et de la relation au réel. Que cette théorie soit seu
ment un moment abstrait, quoique nécessaire, pour le progr ~
r ,
er
d:
même de la compréhension, la considération suivante l'atteste ·

..
ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIE

1 le désir est dès le début en situation intersubjective. Il est désir


s face à la mère et face au père, il est désir face au désir et à ce titre

s il est dès toujours entré dans le processus de la négativité dans 1~
e processus de la conscience de soi. '
e La seconde topique, plus encore, est comme la représentation
e graphique d'une dialectique. La première topique, c'était encore
n des places intra-psychiques, si l'on peut dire; la deuxième topique .
,.
a ce sont des rôles, les rôles d'une personnologie affrontant l'imper- 'v

·s sonnel, le personnel et le surpersonnel. La seconde topique, c'est
If la dialectique proprement dite à travers laquelle se jouent les
l- diverses dichotomies pulsionnelles et les destins contrastés de
• pulsions que nous rappelions à l'instant. C'est avec la question du
te
:il Surmoi que surgit la situation dialectique qui a rendu possible la
1· première topique elle-même, puisque c'est elle qui est à l'origine

1· même des conflits intra-psychiques. Le désir a son autre. C'est
:e bien pourquoi la seconde topique est autre chose qu'un remanie-
•• ment de la première topique; elle procède d'une confrontation
la ••
de la libido avec une grandeur non libidinale qui se manifeste
re • comme culture. L'économique de la pulsion est alors simplement
l'ombre portée, sur le plan des investissements solipsistes, de la
:te 1
dialectique des rôles. C'est pourquoi les relations de dépendance
)n • du moi, pour reprendre ~e tit~e du chapitre v de. le Moi et 1~ Ça,
.re sont plus directement dt~lect1qu~ que l~s relatt?ns top?logtques
.a· de l'ancienne représentatiOn de 1app.arell psrch1q~e; b1en plus!
eü les séries de couples, Moi-Ça, Mot-Surmot, M01-Monde, qUl
:r- constituent ces relations de dépendance, se présentent . toutes,
!St comme dans la dialectique hégélienne, comme des relattons de
lOt maître à esclave qu'il faut ensuite surmonter.
~r·

tUS
• 4· LA TÉLÉOLOGIE IMPLICITE DU FREUDISME :
•'le,
ns-
du · b) L'IDENTIFICATION
aon •

La enèse du Surmoi dans le freudisme renvoie d'une, sec~n?e


)Uf .
na- · maniè;e à une dialectique téléologique qui n'est pas themau~ee.
ant . Elle n'y renvoie pas seulement par le biais des concepts ~pératotr~s
ors ..
• mis en jeu dans la construction des topiques succes~aves11 b~
100 encore par le moyen d'un concept fondamental, fort b1en e a or
1le· 801
dans la théorie, mais qui « tombe à côté », faute de trouver un
rrès
•:e : ,
461



' . . ' ..... ... .

DIALECTIQUE

conceptuel convenab~e dan~ le P?Ïnt ~e vue topique et économique.


Ce concept est celm de ltdenttficatlOn dont nous avons suivi la
formation graduelle dans l'œuvre de Freud. L'identification
me semble-t-il, reste un concept discordant par rapport à la méta:
psychologie.
L'autorité, en effet, reste dans le freudisme le fait extérieur par
excellence. Elle n'est pas contenue dans la nature propre de la
libido qui veut la satisfaction. C'est par l'interdiction qu'elle pénétre
dans le champ pulsionn~l et l'a~ecte d'.une ~lessure s~écifique
dont la menace de castratton est 1 express10n mt-réelle, mt-fictive.
Comment dès lors inscrire dans le bilan économique, c'est-à-dire
en coût de plaisir-déplaisir, la rencontre du désir et de son autre 1 •
La métapsychologie énonce ce problème dans les termes suivants :
si toute énergie pulsionnelle vient du Ça, comment ce fond instinc~ 1
tuel va-t-il se « différencier n, c'est-à-dire répartir autrement ses J
investissements en fonction de l'interdiction? Cette inscription ' ]
de l'autorité dans l'histoire du désir, cette « différence n acquise
du désir suscite une sémantique particulière : la sémantique des ~
idéaux. Je ne reviens pas sur les problèmes de déchiffrage et 1
d'interprétation que suscite cette nouvelle sémantique; ce sont ((

ces problèmes qui nous ont occupés sous le titre de : l'onirique a


et le sublime. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est la structure F
conceptuelle, dans, laquelle cette «différenciation >>peut être adéqua- q
tement representee. e
Ma thèse est que cette différenciation constitue une dialectisa~ d
tion homologue au processus hégélien du doublement de la cons- d
cience; or cet avènement de la conscience de l'autre dans le même · c:
tl
ne passe pas entièrement dans l'économique où on tente de le
transcrire. La conscience qui a une autre conscience comme vis- dl
di
à-vis ne peut plus être traitée comme une instance dans une topique: ti:
de même que la métapsychologie ne théorétise pas la relation ana· , pt
lytique elle-même en tant que drame intersubjectif, elle ne théo- · g(
rétise pas non plus l'aventure du désir, dès lors que la relation
désir-plaisir passe par la relation désir-désir. C'est cette relatio.n •
tn
désir-désir qui place la libido dans le champ d'une phénoménolo~e de;
de l'esprit et c'est sur un mode hégélien qu'il faut dire de ce déstr re
du désir : « la conscience de soi atteint sa satisfaction seulement sa
dans une autre conscience de soi. >> te1
L'embarras de Freud, face au concept d'identification, est l
l'expression exacte de cette situation. L'identification, avons-n.ous . p• •
dit, reste le nom d'un problème plutôt que le titre d'une solu~JO~· · II•
Il y a finalement deux identifications, comme nous l'a appr1s c

462 •
ARCHÉOLOGIE BT TÉLÉOLOGIE
tue. \

i• la chapitre VII de Psy;hologie colle_ctiv~ et analyse du Moi : celle qui


ton, nous em?arras~e, c est celle qUI precède le complexe d'Œdipe et
éta- que la dtSsolutton du complexe d'Œdipe ne peut que renforcer
Selon c~tt; identification. pri~aire, le père représente ce que l'enfant
par voudr~1t etre et un av01r; c est un modèle à imiter. Le complexe
d'Œdtpe résulte de la rencontre de cette identification avec l'atta-
! la .
chement à la mère comme objet sexuel. L'attachement à un être
étre comme modèle de« ce qu'on voudrait être» est donc irréductible au
que
• désir d'avoir; désir d'être-comme et désir d'avoir se côtoieront, se
1ve. mêleront, mais comme deux processus distincts, quoique entrelacés.
iire Il rn~ semble donc qu'on rendrait assez bien compte de la situation
:rd en dtsant que la psychanalyse suppose sans cesse ce processus inter-
lts : subjectif du doublement de la conscience, dont la métapsycho-
.OC· logie ne peut rendre compte dans son essence originaire, et qu'elle
ses n'en théorétise jamais que les retombées sur le plan pulsionnel.

:ton Dans la suite du même texte, en effet, ce sont constamment les

uzse aspects régressifs de l'identification qui sont évoqués et interprétés
des économiquement 1' ; examinant le cas du complexe d'Œdipe chez
: et la petite fille dans un contexte névrotique, Freud observe que
ont « l'identification a pris ici la place du choix d'objet,· le choix d'objet
1ue a régressé à l'identification ». C'est dans des termes voisins qu'il
ure parle de l'identification à la mère chez l'homosexuel, l'identification
ua- qui provoque la recherche d'un objet sexuel où le propre corps
est remplacé, aimé et soigné comme ille fut lui-même par la mère :
• dans ce cas remarquable d'identification, le caractère régressif
tsa· du remplacement de l'objet abandonné et perdu, ainsi que le
ns-
• caractère régressif de l'intr?jection de l'?bjet ~ans 1~ mo!, s?nt
:me très évidents. L'exemple sUivant de la melancohe et 1mtrojecuon
: le de l'objet qui la caractérise appelleraient la .. même remarq~~· Je

IlS· dirais volontiers que la psychanalyse ne conna,at sou~ le noD? d Iden-
1e: tification que l'ombre portée sur le plan d une economtque des
na·
,
\
pulsions d'un processus de con~~ience à c~nscience dont l'intelli-
eo- •
gence relève d'un autre type d mterpr~t~t1on. . .

10n Mais en même temps qu'elle n'en sa1s1t que la projecttOn affec-

ton tive, elie en renouvelle entièrement l'intelligence par u~e so~e

gte de vue frontière absolument ne~ve. C'est. e~ eff~t a.vec 1énerg1e
• •
!SJr rendue disponible par la dissolutton de la hbtdo d objet, donc. par
ent sa régression, que nous pouvons progre~ser vers des a~~cuons
tendres, investir nos émois dans des objets culturels. L econo-
est 1+ Psycl,ologit collcctitlt et Analyse du Moi. G. W. Xlii! p ..r 16-:u: ~· Ei xynr,
>US p. to6-t to; tr. fr., in Essais dt Psychanaly11, P· IICJ-I2J. CI. CJ-dessus na YllfUt,
Jn. II• pat'tie, chop. u, p. 213·218.
le

.: '.
\ . ..
'

DIALECTIQUE

mique ne saisit jamais que l'envers du phénomène qu'elle appell


introjection, ou installati~n dans le m?i de l'objet perdu. L'ombr: •

portée du procès de consctence à consctence sur le plan économique 1

c'est toujours quelque chose comme une régression; le « rem~



placement d'un investissement d'objet par une identification » est
la seule méthode par laquelle un choix d'objet érotique devient
une modification du moi, ou, comme dit le Moi et le Ça une
méthode pour dominer le Ça. Je ne reviens pas sur ces textes' dont

nous avons fait une exégèse détaillée 115• Je propose ici encore de
citer les Nouvelles Conférences qui représentent l'avant-dernière
réflexion de Freud sur son œuvre; nulle part n'est aussi manifeste . •
l'interférence entre une économique du désir et quelque chose
qui ne peut plus ressortir à une économique pulsionnelle. Nulle
part n'apparaît aussi clairement que l'identification n'est comprise ,
dans une économique que sur le chemin de la régression et lui
échappe en tant que processus fondateur : « Quand on a perdu
un objet, qu'on s'est vu forcé d'y renoncer, il arrive assez souvent
qu'on se dédommage en s'identifiant au dit objet, en l'érigeant à :
nouveau dans le Moi, de sorte qu'ici le choix objectal régresse
vers l'identification 16• » Que pour ainsi dire quelque chose
d'essentiet échappe, au moment même où l'identification est
reconnue dans son immense dimension, l'aveu qui suit suffit à ·
. l'attester : « Je ne suis guère satisfait moi-même des propos sur '

' - l'identification, mais concédez-moi que l'établissement du Surmoi
peut être considéré comme un cas d'identification réussie avec
l'instance parentale 1'. »

Ce texte nous invite à porter plus loin encore la structure de la
conscience de soi hégélienne au cœur du désir freudien. Le point
qui nous sollicite ici, c'est cette fameuse « perte de l'objet>>qui est
tant de fois traitée dans le même contexte que l'identification, et,
semble-t-il, toujours dans la perspective de la régression, co!Dme
dans Deuil et Mélancolie. Or cette perte de l'objet est-elle toujo~rs
et fondamentalement un processus régressif, un retour au narcJs·

•• sisme? N'atteste-t-elle pas au contraire une transformation édu·

15. Ci-dessus, p. 218-223. Il faudrait considérer ici l'œuvre importante ~~~


Erik H. Erikson, Childhood and Society, 1950; Young mati Luther, 1958; ItkntiiY •
and the Life Cycle, 196o; lnsight and responsibility, 1964. On comparera 8~~
J, Laplanchc, H olderlùr et la question du père, P. U. F ., 1961, et avec A. Vergo ·~
La Psy chanalyse, science de l'homme, 1110 Partie, • Psychanalyse et Antbropolof
philosophique •, Dessart, 1964. •

16. Nouvelle1 Conjérence1, G. W. xv, p. 69; S.E. xxn, p. 63; tr. fr., P· 90· •

17. Ibid. '


.~

ARCH~OLOGIE ET TÉLÉOLOGIE
:tppelle ••
'ombre cative du désir humain qui a un rapport non pas accidentel mais

mtque,
'
fonda~ental et fo.ndateur avec le procès du doublement de la
[( rem.. co~sc.Ience ?•Ce q.ui semble résister à toute interprétation qui intro-
n » est dUirait la dialectique de la conscience de soi au cœur même du
:levient désir, c'est,. s7mble-t-il, la définition même de la libido par Freud JB.
'a, une Cette défimtion paraît soign.eusement ~issocié~ de tout le processus 1

es dont de doublement de la conscience par 1appared systématique de la


::ore de topique. Or le désir, disions-nous plus haut est dès le début en
.ernière situation intersu~je~~ve; c'<;st pourquoi l'id~ntification n'est pas
:mifeste un .proc.essus qut s aJ.ou~errut. du dehors; c'est la dialectique du

dés1r lut-même. La stgmficatlon profonde du complexe d'Œdipe
~ chose
e~t là, en ta!lt qu'identification « réussie», pour reprendre l'exprcs-
• Nulle ston évoquee plus haut. Tout ne passe pas dans une conception

>mpnse purement régressive de l'abandon de l'objet. Quand nous disons que
1 et lui le Surmoi est l'héritier du complexe d'Œdipe, nous disons bien
1 perdu plus qu'une économique du désinvestissement ne le laisse enten-
souvent dre : « l'abandon » du complexe d'Œdipe, le « renoncement aux
.geant à •
intenses investissements libidinaux réalisés sur les parents » dési-
1

regresse gnent seulement l'impact économique, en termes de désinvestisse-


! chose ment, d'un processus créateur, à savoir le progrès de l'identifica-
:ion est tion et l'institution d'une structure. Freud n'est pas loin de le
suffit à reconnaître : « En compensation de la perte subie les identifi- 1
·pos su~ cations vraisemblablement fort anciennes avec ses parents sont 1
1
Surmo1 renforcées dans son moi. De semblables identifications, résidus
;ie avec d'investissements objectaux abandonnés, se répéteront assez souvent l
.re de la
( par la suite dans la vic de l'enfant. Mais ce premier cas de conversion
Umsetzung a une importance spéciale et occupe une plac~ parti- i
~point
culière dans le moi par suite de sa grande .vale~r. affectl\:e 18• • »
• Ce texte est capital pour comprendre ,I.e lien. mttme q~u. ~elie
o qui est
la perte de l'objet - le. r~noncemen~. à II;tves~Isseme.nt hb1d~nal
.tion, et, qui est un destin de la hbido - et l1dentlfic~tlon qUI appartaent
comme à la dialectique du doublement de la consctence. Comme ch~z
toujours
• Hegel la recherche de la satisfaction passe par 1'épreuve du négatif
1 narc•s· dès q~'elle entre dans le champ de l'identification, o.ù nous avon.s
.on édu· reconnu l'homologue du doublement de la consc1e.nce d; . soi•
Cette dialectisation du désir n'est plus alors u.n des~m exteneu~,
>rtnnte ~0 comme dans les textes de la !détapsy~lzologie qut posatent,.un d~tt
~ • ]JentrtY · absolu, sans négation, et qu1 report:aJent sur la censure 1mtentJOn
' avec .
arern
~. Vergot~,
18. Trois Essais sur la ·sexunlitl, G. W. v, p. 1 18·20; S.E. vu, P· 217·9; tr. fr.,
hropolofe
•• p.~~~ -J~wel/es
3
Conf/renees, G. W. xv, p. 70; S.E. xxu, p. 64; tr. fr., P· 9 1 •
• 90· 1


..

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• • •• •
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"J.•.·
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~
,
.
.
DIALECTIQUE

de la négation. C'est la censure elle-même qui échappe à la mytho.. ~


logie du portier pour se placer dan~ la dialectique. de. l'identification. _.
Freud a reconnu au moins une f01s le caractère mt1me et non plus
externe de l'épreuve du négatif au cœur même du désir, à propos '
de la « conduite du deuil », dont il donne une description admirable, .
Je ne reviens pas sur ces textes que nous avons longuement cités '
et analysés. N'y lisons-nous pas l'amorce d'une véritable dialec-
tique du désir, où la négation serait portée en son cœur même?
Ne sommes-nous pas invités, par là-même, à réinterpréter la
pulsion de mort et à la rapprocher de cette négativité par laquelle
le désir s'éduque et s'humanise? N'y a-t-il pas une unité profonde
entre pulsion de mort, deuil du désir, passage au symbole?
Une possibilité s'ouvre ainsi de relire les écrits freudiens sous le
signe du doublement de la conscience; la règle de cette relecture
serait ce va-et-vient entre une dialectique et une économique,
entre une dialectique orientée vers l'instauration progressive de la
conscience de soi et une économique qui explique à travers quels
« placements » et « déplacements >> du désir humain cette difficile
instauration se poursuit. Je ne nie point que cette dialectique de
conscience à conscience, qui se joue à travers l'identification et qui
se répercute dans les profondeurs du désir sous la forme de la ·
perte de l'objet, n'est pas la ligne dominante de la psychanalyse.
Je dirais plutôt que cette dialectique s'est imposée à la psychana·
lyse à l'encontre de sa métapsychologie, de sa topique et de son
économique, c'est-à-dire à l'encontre du modèle exprès en fonction '
duquel elle tente de se comprendre elle-même et de faire sa propre
théorie. Dans une économique la lutte des consciences n'est pas
reconnue comme dialectique du soi, mais seulement comme un .
destin extérieur à la pulsion mue par le principe de plaisir; c'est :
pourquoi l'économique est dans son fond solipsiste; mais la psycha· ·~
nalyse comme thérapeutique n'est pas solipsiste et aucune des ·
situations sur lesquelles elle réfléchit n'est solipsiste; c'est pourquoi ·
c'est à contre-courant de l'économique que la psychanalyse réin·
tègre l'histoire hégélienne du désir où la satisfaction n'est atteinte
qu'à travers une autre histoire, celle de la reconnaissance. C'est
pourquoi la relecture à laquelle je viens de faire allusion est d'une
certaine façon elle-même à contre-courant de l'économique freu·
dienne.


.i 1.
- ·--
'.

• ARCHÉOLOGIE BT TÉLÉOLOGIE
nytho.. :

cauon. •
m plus
propos 5· LA TÉLÉOLOGIE IMPLICITE DU FREUDISME :
1irable. c) LA QUESTION DE LA SUBLIMATION
tt cités
dialec- -
nême? . S'il y a che.z Freud un. concept de l'identification, il y a seule-
'
!ter la ment. chez lut, une quest10n de la sublimation. C'est dans cette
tquelle , qucs!IOn non resolue que sc dessine en creux toute la problématique
:>fonde préccdente. A elle se rattachent toutes les autres questions non
? résolues de l'origine de l'éthique, dans la mesure où elles ne pas-
30US le sent pas par le concept d'identification.
lecture On aura remarqué que notre Analytique ne comporte aucune

n1que, . étude distincte de la sublimation. Ce n'est pas un hasard : dans
! de la
l'œuvre écrite de Freud, la notion de sublimation est à la fois fon-
; quels .• damentale et épisodique. Elle est annoncée comme un destin
lifficile de pulsion distinct non seulement du renversement des pulsions
}Ue de '
dans leur contraire (Verkehrung, reversai) et du retournement
(Wendung, turning rQUnd) vers le sujet, mais aussi et surtout
et qui du refoulement. Mais nous ne possédons aucun écrit complet et
de la . séparé de Freud consacré à ce destin original. Bien plus, comme
:1alyse. un critique de Freud l'a montré 20, l'ébauche de théorie qu'on
:hana- trouve dans les Trois Essais... ne subira plus aucun changement
ie son ' l
notable après 1905, en dehors de son rapprochement avec la désexua-
nction lisation et l'identification. Il vaut donc la peine ~'examiner en
?ropre détail le texte de 1905.
st pas Les Trois Essais traitent de la sublimation en quatre épisodes
ne un distincts :
•, c'est La première allusion se trouve dans Je Premier Essai consacré
sycha· .; aux u aberrations sexuelles », sous le titre des << déviations quant
te des . au but sexuel » et sous le sous-titre de << but sexuel provisoire •·
Jrquol ·
• Ce << lieu ,, de la sublimation n'est pas quelconque. La subliz:nat~on
: réin· est une déviation du but de la libido et non une substltuuon

ttemte d'objet; cette déviation s'apparente aux u actes préparatoires •
C'est de l'acte sexuel terminal; plus précisément elle se .gre~e su~ le
d'une .< plaisir sensoriel (toucher, voir, cacher, mon~rer), lu1-mem.e s•t.ué
freu· sur le trajet des actes préparatoires susceptibles de .s~ disso~~r
et de se constituer en but autonome; c'est. cette ~évtat1o!l q~!~

place d'emblée dans le champ de l'esthétique, c est-à-dire
20. Horry D. Lcvcy, cA critique of tho theory of sublimation '• Psychiatry,
1939, p. 239-270•

J 1.

• •
• • ' 1 ; ••

DIALECTIQUE

phénomène de culture : « De même, en un autre sens, la curiosité •


tl<
peut se transformer dans le sens de rart (« sublimation ))) lorsque •

l'intérêt n'est plus uniquement concentré sur les parties génitales Fr


mais s'étend à l'ensemble du corps 21• , Du même coup, cet arrêt ér
« aux buts intermédiaires que représente la contemplation » la
pt
met dans le même champ que la perversion, qui est elle aussi un
ht

tl,
arrêt et un détournement sur la route de l'acte sexuel terminal; lir
le contraste avec la perversion est attribué dès ce premier texte à co
des contre-forces (pudeur et dégoût), sans qu'on distingue encore
sublimation et refoulement. à
Le deuxième contexte est celui du Second Essai, consacré à la y
sexualité infantile; c'est donc un contexte génétique; c'est pourquoi pc:
le moment de la sublimation est apparenté cette fois à la phase rn
de latence; la sublimation est alors, plus nettement que dans le pc:
texte précédent, prise du point de vue du bénéfice de culture 22. qt
Quant à son mécanisme, Freud le rattache au rôle des << digues dt
psychiques » - il précise dans une parenthèse : <<dégoût, pudeur, ér
morale n - ; ces contre-forces s'appliquent expressément aux • (( t

tendances perverses de la sexualité infantile, elle-même en liaison • •


es
avec les zones érogènes du corps; les contre-forces, ou réactions, gr
prennent occasion du déplaisir particulier issu du développement la
ultérieur de l'individu. Ce second texte lie donc encore une fois •
co
••
la sublimation d'une part aux zones érogènes et à la perversion, sp
d'autre part à la déviation de but par le jeu de contre-forces, sans • er.
qu'on distingue encore sublimation et refoulement. n(
Une troisième fois, tout à la fin du même essai, sous le sous- bt
titre des <<sources de la sexualité infantile n, la déviation caracté- •
ps
ristique de la sublimation est assimilée au<<transfert ,, qu'on observe •1
.
1 ce

lorsqu'une fonction sexuelle retentit sur une autre fonction, à la ' tu
faveur de la communauté des zones érogènes (Freud prend l'exem- de
ple des lèvres : le trouble de cette zone érogène se transfère ainsi
par contiguïté en anorexie) : << C'est par ces voies que devrait se pa
poursuivre le transfert des tendances sexuelles vers des buts non pr
sexuels, c'est-à-dire la sublimation de la sexualité. Mais nous m.
devons avouer pour finir que nous savons encore peu de choses '• qt
de manière certaine au sujet de ces réactions qui certainement .. su
existent et qui sont, selon toute probabilité, réversibles 23• , Ce re:
texte accentue donc moins que les précédents le caractère d'inhibi- (( 1

••
21. T~ois Essais... G. W. v, p. ss-6; S.E. vu, p. 156-7; tr. fr., p. 47·9· ••
22. lb1.d.,G. W. v, p . 78-9; S. E. vu, p. 178-9; tr. fr., p. 81-2. ••
23. /bad., G. W. v, p. 123; S.E. vu, p. zo6; tr. fr., p. 123. ••

••
'
.
ARCHÉOLOGIE ET TÉL~OLOGIB

tion attac~é à cette déviation de but; par contre, rinsistance de


Freud à he~ le problè!De de la sublimation au destin des zones

érog~nes atttre 1 att~ntmn sur le caractère limité de ce destin de


'


pulsto.n; o~ pourratt parler en ce sens d'une finitude du désir
• ~umam q~t ~nale~ent mo~ule sur une sensorialité élective rela-
!
t~v~ment hmttée (il est vrat. que les zones érogènes ne sont pas
j hm1tées en nombre, du moms sont-elles limitées à la surface du
~ corps).
j
Le gran~ texte des Trois Essais ~t le quatrième : il appartient
à la tentative finale de synthèse qlll clôt le livre· la sublimation
y apparaît comme une troisième issue, à côté de la'névrose et de la
perversion 24 ; on sait déjà que perversion et névrose sont étroite-
ment li~es, puisque « la ~év,rose est pour ainsi dire le négatif de la
perversion ~ >>. ~n a apprts egale~e~t, par les fragments antérieurs,
que la subhmat10n a un rapport etr01t avec les perversions en raison
•t•
J
de son lien économique avec les buts intermédiaires et les zones
érogènes. Cette ·rois les trois << issues » (en un sens qui annonce les
, << destins de pulsions ») sont nettement distinguées : la perversion

est interprétée en termes quasi jacksoniens comme défaut d'inté-
• gration par la zone génitale; la névrose, <<complément négatif de
la perversion 26 », est rapportée au refoulement; la sublimation est
conçue comme une décharge et une utilisation, dans d'autres
sphères que la sexualité, d'excitations excessives (en ce sens c'est
• encore dans le cadre des constitutions anormales qu'on en parle);
néanmoins, c'est à ces << dispositions dangereuses» que Freud attri-
bue cc une augmentation appréciable dans les aptitudes et activités
psychiques » : la créativité dans le domaine esthétique est une ~e
'1 ces manifestations réactionnelles. Plus exactement les dons artiS-
• '• tiques présentent un mélange variable de création, de perversion,
J
• de névrose. . · d'
Qu'en est-il finalement du rapport entr~ la sublunation une
part, le refoulement d'autre part? Ce dermer texte, de façon su~­
prenante traite le refoulement comme une sous-espèce de la subli-
à
mation· cette sous-espèce se rattachent les « traits de caractè~e »
' le savons dérivent des mst1tut10ns
· · ·
q ui nous sexueIles par fixauon
. •
1 '
sublimation '
et répression. Mats 1 e Pas. à a1outer
· F reud n 'hés't ·•
.. refoulement et sublimation sont des process~s q~1 ;~us ~nt
:1

« complètement inconnus quant à leur mécamsme mt neur •·

24. Ibid., G. w. v, p. 140-1; s. E. VIl, p. 238-9: tt. fr., r. 111-8.


zs. Ibid., G. W. v, p . 6s ; S.E. vu, p. z6s; tt. fr., P· 61.
26. Ibid., G. W. v, p. 140; S.E. vu, P· 238; tt. fr., P· I77·
27. Ibid., G. W. v, p. 140-1; S. E. vu, P· 239; tt. Cr., P· 178•

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.
, .,
. .
. ..
, ,~ .. 1
.1
----- - ---
1
DIALECTIQUE

Freud les tient l'une et l'autre pour des « dispositions constitu .. ce


tionnelles 28 n. On a pu objecter 29, non sans raison, qu'aucun fait su
clinique ne supporte la thèse s~lon I~quelle la sub~im~t~on tire co
son énergie des zones érogènes mfanttles chez des md1v1dus de na
constitution sexuelle anormalement forte; ces textes ne permettent di!
même pas de se faire une opinion précise concernant les méca..
nismes : quel est le rôle respect~, e~ même si~plem~nt 1~ se~s de lis
la dérivation et de la format10n reacttonnelle ? il est bten difficile de dé
le dire· seules les formations réactionnelles sont nommées avec d'
précisi~n : dégoût, honte et moralité; la sublimation artistique est ér
seulement nommée; seul un exemple parallèle de formation réac.. •
dt
tionnelle - le caractère scoprophilique - est développé. Enfin, ta·
rien ne permet de dire que les valeurs esthétiques, ou autres, vers rn
lesquelles l'énergie est dérivée ou déplacée seraient créées par ce fic
mécanisme : la créativité seule, semble-t-il, est dérivée, non les •
m
objets eux-mêmes sur lesquels elle se porte. ·' N
Les textes ultérieurs ajoutent des difficultés plus que des solu- ,• li~
tions : nous avons déjà examiné le couple sublimation-idéalisation i sc
dans l'Essai sur le Narcissisme. L'idéalisation, on s'en souvient, p]
concerne l'objet de la pulsion, la sublimation sa direction et son se
•• •
but; cette distinction permet à Freud d'accentuer la différence l• ln
entre les deux mécanismes, dans la mesure où l'idéalisation est . aJ

extorquée de force. Dans ce nouveau contexte, la sublimation est •
J nt
fortement opposée au refoulement, sans toutefois que soit proposée i tl•
une révision métapsychologique du mécanisme de la sublimation, '
• li
digne de celle du mécanisme de refoulement. Plus Freud distingue
la sublimation des autres mécanismes, et en particulier du refou-
lement, et même de la formation réactionnelle, plus son mécanisme n
propre reste inexpliqué : c'est une énergie déplacée, mais non n
refoulée; elle paraît bien relever d'une aptitude dont l'artiste est ·l n
particulièrement doué. p
Les seuls traits descriptifs vraiment nouveaux ont été introduits • le
à l'époque de le Moi et le Ça. La sublimation bénéficie de l'énorme d
travail de Freud en vue d'élaborer une métapsychologie du Surmoi. •
!
L'abandon du but sexuel requis par l'intériorisation est décrit à la • Ct
fois comme un échange entre robjet et le moi -la libido d'objet 1
f
ti
se muant en libido narcissique - , et comme une désexualisation. 1 d

u C'est donc, ajoute-t-il, une sorte de sublimation. A ce propos, 1~ 1 d
81
question se pose et mérite une discussion détaillée, de savoir s1 •

28. Troi1 enai1, ibid.



29. Levey, art. cité, p. 247·9·

470 • •••

11
1
ARCHÉOLOGŒ BT TBLÉOLOGIB

ce n:est .pas ici la méthode générale de la sublimation si tout


subhmat10n ne s'effectue l?a~ par l'intermédiaire du 'moi, qui
com~~nce par chang~r la hbtdo sexuelle objectale en une libido
narctsstque, pour lut proposer ensuite éventuellement un but
i différent 30• ))
. L~ deux.innovati?ns sont donc celles-ci. D'une part, la désexua-
i hsa~10n. devte~t le ptvot de ce que les textes antérieurs appelaient
dénvat10n, deplacement; Freud admet maintenant l'existence
d'u~e énergie neutre et.déplaç~ble qui vient en appoint aux pulsions
·1'
• érottques ou destructnces; d autre part, le moi - au sens de la
1
j


deuxième topique - est l'intermédiaire obligé de cette transmu-
J
tation, ce qui rapproche la sublimation de cette modification du
~ moi que nous avons appelée l'identification; et comme l'identi-
~
fication tourne autour de l'image-modèle du père, le surmoi est
impliqué dans le processus de désexualisation et de sublimation.
î
1 Nous avons donc une séquence continue à trois termes: désexua-


'1 lisation, identification, sublimation. Sur ce point, nous nous
• sommes éloignés de notre base de départ : la sublimation ne paraît
plus être une composante infantile perverse déviée vers le non ••
sexuel, c'est un investissement objectal de l'époque œdipienne,
.'
;
j

intériorisé par désexualisation et sous la poussée des forces qui ont


'
1
.' amené la démolition de l'Œdipe. Mais il est difficile de dire quelle

l notion est la raison de l'autre : désexualisation, sublimation, iden-

i
~
tification sont plutôt trois énigmes mises bout à bout. Cela ne fait
•.
. malheureusement pa8 une idée claire l
·~

l L'échec de Freud à résoudre le problème de la sublimation


·~
nous donne à réfléchir : le concept vide de .sublimat~on no?s per-
' met, d'une part, de récapituler ~o~te 1~ ~u1te des da!ficul~es, enu- ,
mérées sous le titre de la téléologte tmphctte du freudisme, d autre
part, d'introduire la péripétie nouvell~ que nous placerons sous
. le titre très prudent et très propédeuttque de: u Vers le problème
•~
du symbole )), d d deux
• Le concept de sublimation me paraît en effet regar er e
!• côtés: d'une part, il concerne l'ensemble des aspects de ,la cons:
1 titution sublime c'est-à-dire supérieure ou supreme de 1 hom~e,
1
'
de l'autre il concerne l'instrument symbol'1que de cette, promotion
. d
!

l du subli~e. Nous nous bornerons ici à cett~ problematique u

•• sublime, en dehors de son expression symbohque. •

deaau1, p. aao).
E . tr fr p sS..-5 (cf. ci·
JO. LA Moi et r. Ça. o. w. Xtu, p. asS: s. . XIX, p. JO, • ., •
f.
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1 •
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1
1 •' ••
1 . 1

<
DIALECTIQUE
l
En gros, cette première face du problème correspond aux aspects
éthiques de la sublimation (la deuxième face correspondant globa-
lement à ses aspects c~thétiques) .. Fre'!d lui~même a rrivilégié. ces
aspects éthiques en hant la subh!Dat1~~· d ~bor~ aux formattons

de réaction (honte, pudeur...). pUI~ à ltde~tlfica~IOn.


Or tous les procédés ~u méca~tsmes m1s en J.e~ ~ar ~a c~nsti­
j

tution de l'instance supéneure, qu on les appelle tdeahsatton, Iden-


tification sublimation, restent incompréhensibles dans le cadre •

d'une éc~nomique. La théorie du Surmoi oscille entre un monisme


énergétique, hérité de la première topique, selon lequel il n'y a .l
qu'une source d'énergie, le Ça - ou encore le Narcissisme consi- 1
déré comme le réservoir pulsionnel - , et un dualisme du désir
et de l'autorité, selon lequel la seule figure irréductible au désir
est celle du père. Au point de vue énergétique, tout procède du
réservoir du Ça; mais, pour que le désir soit arraché à lui-même,
pour que le Surmoi se différencie comme une formation réaction-
nelle, il faut se donner l'autorité elle-même dans le chiffre du père.
C'est ainsi que Freud tient avec une égale force les deux thèses :
le Surmoi est acquis du dehors et, en ce sens, il n'est pas origi- ,
naire; d'autre part, il est l'expression des pulsions les plus puis- t
t
santes et des vicissitudes libidinales les plus importantes du Ça.
Toute l'économie du Surmoi se reflète dans le concept de subli- •
•(•
mation; ce concept improvise une sorte de compromis entre les $
1
deux requêtes : intérioriser un << dehors >> (autorité, figure du père,
maîtres de tout rang) et différencier un cc dedans » (libido, narcis- •
sisme, Ça). La sublimation du << plus bas n dans le « plus haut » ' ••
est la contrepartie de l'introjection du « dehors ». Formation de 1
réaction, formation d'idéal, sublimation désignent des modalités .
l
voisines de ce compromis doctrinal. Mais quelle est la consistance
1•
d'un tel compromis? Ne dissimule-t-il pas un hiatus insurmon- ••
table, en dehors de toute dialectique de l'archéologie et de la téléo-

logie? Je doute pour ma part que Freud ait réussi à réduire l'écart •
•1
de principe{ entre l'extériorité de l'autorité, à quoi le condamne /

son refus d'un fondement éthique inhérent à la position de l'ego,



'
~t.l; solipsisme du désir, qui tient à son hypothèse économique
mattale, selon laquelle toute formation d'idéal est finalement une
différenciation du Ça. Le · freudisme manque d'un instrument 'l
théorétique convenable qui rendrait intelligible la dialectique (

1
absolument primitive du désir et de l'autre que le désir.
L' éch.ec de la théorie de la sublimation a ainsi même signification
q~e la discordanc~ d~ concept d'identification par rapport à l'écon~­
mique : «Le dés1r d être comme•.. », disions-nous avec Freud lut·

l ARCHÉOLOGIB BT TÉLÉOLOGIB
ts
1-
~ mê~e, est U:r~~uctible au « désir d'avoir »; la sublimation recèle
!S 1

une trréducttbihté du même rang; d'elle aussi on peut dire qu'elle
précède et enveloppe toutes les formes dérivées soit par transpo-
lS
:
sition es~hé?que du J?l~isir s~~soriel des zones 'érogènes, soit par
• désexuahsatton de la hb1d~ à 1 epoque de la démolition de l'Œdipe;
1- aucune de ces formes dénvées ne rend compte ni d'une identifi-
1- fication primordiale, ni du pouvoir primitif de sublimation. La
re l parenté entre sublimation et identification nous permet de rap-
1e
a
l
-~
porter l'énigme non résolue de la sublimation à la naissance même
de la conscience de soi dans la dialectique du désir.

;1- '
1 La parenté entre le concept de sublimation et celui de formation

ur
• 1.4
'• d'idéal, tel q':''il est éla~oré d~ns r.essai sur le Narcissisme, suggère
ur -••
J la même rémterprétat10n dtalecttque de tous ces mécanismes
lu .J voisins. Je sais bien que Freud ne rapproche sublimation et idéali-
1e, l
1 sation que pour les opposer; selon ce dernier mécanisme, l'idéal
n- reste « le substitut du Narcissisme perdu de [notre] enfance at »;
~e. toutefois cette projection d'idéal, dérivée du narcissisme, présup-
,: •
pose que l'ego de ce cogito avorté enveloppe un minimum de
71-
)
signification éthique, qu'il peut s'estimer, s'apprécier, se condam-

lS- • ner. Il n'est certes pas indifférent d'apprendre de la psychanalyse
•~a. 1
que la formation d'idéal se greffe sur le faux cogito, ce que nous
li- •
•• appelons nos idéaux ne sont bien souvent que des projections de
les ce même amour-propre auquel nous avons attribué par aiiJeurs la
re, résistance à la vérité; l'idéalisation, au sens freudien, s'apparente
• par là à la généalogie de la morale selon Nietzsche; nous avons
1S-
t )) insisté plus haut sur ce bénéfice irrécusable de la psychanalyse;
mais à travers cette filiation narcissique des idéaux est posé un
de
tés
l•
problème plus radical : que signifie que l'ego évalue? qu'il e~
lCe
l capable d'estime, de blâme? qu'il approuve et s'approuve? qu Jl
m- "
1 désapprouve et se désavoue? Nous avons suggéré, en exposa~t
§o- 'l ••
la théorie freudienne de l'idéalisation, que ce procès pourrrut
donner quelque crédit à la distinction - fugitive! et peu~-être no!l
art
intentionnelle - entre moi idéal et idéal du m01 i ce qut P.our~att
1

me
encore donner consistance à cette distinction, c'est rattnbuu~n
/
J
go,
au moi d'une Se/bstaclltung, d'une « estime de s?i-mê~e », po~ee
31
[Ue •
initialement dans le narcissisme lui-même. Or sa le mot peut ~ralmt-
me ·} . · 1e blâme soc1a
ent dre la castration et, ultérieurement, antactp~r , b' e
••
' le châtiment et les intérioriser en condamnatton morale, c;st. Ie~
1ue parce qu'il est sensible à d'autres menaces que le danger P ysaque,

ton . r~ Narctmnne,
• · G . w. xt p • r6r ·t S • E • XIVt P· 94; tr. fr., P· *
[10- JI. Pour lt~trodutr~
• 32. Ibid., G. W. x, p. 16o; S. E. XlV, p. 93; tt. ft., P· 2 3·
.Ul-
473
.1

\'
.
, ..' .. ,
DIALECTIQUE

il faut que la menace portée à l'estime de soi se d!stingue o~igi­ •

nairement de toute autre, pour que la peur de castratton elle~meme


prenne une significati?n éthique; il fa,~t 9u~ la ~enac~ à l'inté-
grité physique symbolise la menac<: à 1 mtegrtté ..e~tstenttelle, pour
qu'elle prenne sens de condam~~tJOn. et ~e chattme~!· . .
Ainsi, qu'on la rapproche de ltden.ttficattOn ou de ltdéahsatton, •

la sublimation nous ramène à la dtfficulté centrale de toute la


problématique freudienne des instances : moi, ça, surmoi.
La psychanalyse paraît habilitée à déchiffrer les caractères éthi.. 1
ques de l'Ego à ~ravers des situations affe~tives de. caractèr~ r~gres­ \
sif · cela est vrat non seulement en pratt que matS en theorte; on 1

l'a' vu, c'est seulement comme régression au narcissisme que la


·i
sublimation elle-même peut être énoncée en termes économiques;
je veux bien que la régression, entendue elle~même comme un l

concept économique, ne coïncide pas avec la régression temporelle, .•


c'est-à-dire avec un retour en arrière, avec un retour à l'enfance (de
l'humanité ou de l'individu); mais, même prise au sens le plus
économique et le moins temporel, et conçue comme abandon
d'investissement objectal et retour au réservoir narcissique, la
régression appelle un concept antithétique qui ne paraît pas avoir •
de place dans l'économie freudienne, le concept de progression. •
1
Comment le narcissisme peut-il se différencier, se déplacer? ••
Comment un précipité d'identifications peut-il se déposer dans le
moi et le modifier, si le processus n'est pas une progression par le
moyen d'une régression ? Or quel est le principe de cette progres·
sion ? Il paraît bien difficile à élaborer avec les ressources de la
métapsychologie freudienne, bien qu'il soit présupposé sans cesse
1
mais non thématisé par la pratique analytique. Ces questions ne
disqualifient aucunement la psychanalyse; le bénéfice le plus grand
que la réflexion peut en retirer, c'est de nous permettre de poser •
ces questions à travers les modalités inauthentiques de la crainte,
de la peur, de l'attachement narcissique à soi-même, et aussi de la
,
ha! ne, -;-de la haine de 1~ ~ie au cœur de notre propre existence- •
votre d une secrète comphctté avec la mort. Ces questions, la psycha- ••
1
nal.yse les pose en quelque sorte en négatif, en démasquant les '
tratts archaïques, infantiles et instinctuels narcissiques et maso-
chistes, de notre prétendue sublimité. ' '
C'est finalement aux concepts opératoires du freudisme
-:- concepts ~on ~hématisé~ dans son économique - que le concept
vtde de subhmatton renvote, à travers les concepts mieux élaborés
de l'identification et de l'idéalisation. Je les résumerai tous dans

474
1
~
1

j
j
ARCHÉOLOGIE BT ThÉOLOGIE

.• .1 l'unique tâche de devenir-conscient qui définit la finalité même de


e ·1 l:a~alyse. ~ans les .Nouvelles c;onférences, Freud écrit : « Là où
:- ~ etast Ça, do tt ~dven.tr le
33
••» C est finalement cette tâche même de
deve~1~ Je qus est trreductt?.le d~ns so~ principe à l'économique /
Ll'
j du destr dans laquelle elle s mscnt. Mats cette tâche reste le non-
l, l dit de la doctrine freudienne; le concept vide de sublimation est le
.a ~ dernier symbole de ce non-dit; c'est pourquoi toutes les difficultés
1•
que nous. avons ~arcouru~, sous }e titre de la téléologie implicite

l- '1• du freudssme, vtennent s y refleter; ces difficultés peuvent se
)• l résumer ainsi :
1
1n ~ xo Il faut se donner la relation initiale du désir à une source
la . de valorisation extérieure au champ énergétique, pour que le désir
s; ~ entre en culture.
:l•
ln 2° Il faut postuler une constitution en couple des subjectivités,
~ .
e, pour que l'identification du moi à son autre soit possible.
le 3° Il faut admettre une estime originaire de soi·même, une
JS Selbstachtung primitive, pour que l'identification puisse s'inscrire
m dans un procès d'idéalisation du moi.
la 4° Il faut enfin supposer, en sens contraire du mouvement

lU' •
régressif dont la psychanalyse fait la thPorie, une aptitude à la
n. •
progression, que la praxis analytique met en œuvre, mais que la
r? ''
• théorie ne thématise pas.
le C'est cette articulation de la progression et de la régressio!l
le que j'ai essayé de penser par le moyen d'une dialectique tout à fatt
:S• primitive, celle de l'archéologie et de la téléologie. Par là j'espè~e
la ~
avoir avancé, non seulement dans l'intelligence de Freu~, rn~
se

dans l'intelligence de moi-même : car une pensé~ réfl~xtve, qut
ne j assume une telle dialectique, est déjà sur le chemm qut va de la
réflexion abstraite à la réflexion concrète. II lui reste à comprendre
:td ~ que progression et régression so~t porté~ par .les mêmes symbo~es,
.e r 1
bref que la symbolique est le heu de ltdentaté entre. progressaon
te,
et régression. Le comprendre serait accéder à la réflex10n concrète
la
-aa-

elle-même•

••
'1
1
33· Nouvelles Confbenus, G. W. xv, p. 86: Wo Es fDQr, soli/eh UJndtn; S. E•
les ~
xxu, p. So: Wlwre id was, tllere ego sha/J he; tr. fr., P· 111.
iO•
••

ne
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LOS
----- - ...,.,_ . -
J
i
·"'
:~
•1

CHAPITRE IV

HERMÉNEUTIQUE:
LES APPROCHES DU SYMBOLE

Nous atteignons seulement maintenant le niveau des interro-


gations les plus ambit.ieuses de notre Problématif/'!e; c'est se~le­
ment maintenant auss1 que nous pouvons entrevorr une solut10n,
non plus éclectique, mais dialectique du conflit herméneutique. .•
Le principe de la solution, nous le connaissons maintenant : _il
est dans la dialec~~s':le de l'archéolosie et de la téléologie. Il reste :1
à trOüver le<C mtxte ,·concret sùr "quol nou_s lisons en" surimpression j
archéologie et téléologie. Ce « mixte » concret, c'est le symbole.
Je me propose de montrer, à mes propres risques, que ce que la 1

psychanalyse appelle (( surdétermination » trouve son sens plénier 1
dans une dialectique de l'interprétation, dont les pôles opposés
sont constitués par l'archéologie et la téléologie. .~
~
Il n'était pas possible, sans un immense détour, de comprendre
la surdétermination des symboles; non seulement on ne pouvait
î'

en partir, mais il n'est pas sûr qu'on puisse y arriver; c'est poutquoi 'j

je parle des approches du symbole. Je l'ai dit dans la Problématique, 1•
l'herméneutique générale n'est pas encore en vue; ce livre ne {
constitue qu'une propépeudique à ce grand œuvre. Nous nous
sommes proposé de réintégrer l'opposition des herméneutiques
dans la réflexion. Et voici qu'après un si long détour nous sommes
l.
seulement au seuil de l'entreprise. Retournons-nous pour consi-
dérer le chemin parcouru : 1

a) ~~. a d'abord fallu passer par le stade du dessaisissement :
J
1
'•
dessat~tssement de la conscience en tant que lieu et origine du sens; '
à. ce. tt~re, la ps_Ychanalyse freudienne nous est apparue comme la
dtsctph,ne 1~ m1eux a~mée pour provoquer et opérer cette ascèse
de la re~exton : sa toptque ~t son économique nous aident à dépl~­
cer ce heu du sens vers « 1 mconscient » c'est-à-dire vers une ort-
gine dont nous ne disposons pas. Ce p;emier stade s'achève dans
une archéologie de la réflexion. ~ •
l
b) Puis il a fallu traverser une antithétique de la réflexion; ~•
•j
••J


l
-- ··- .... ----··--·---· · ·-·--·· -- --

HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE


:t
~
·coi
j
l'!nterprétation arché~logique est alors apparue comme l'envers
1 d une genèse progr~tve du sens à ~ravers des figures successives,
1 dot;t .le sens respectif est chaque fots suspendu à celui des figures
ulteneures.
·.1 c) Enfin Hegel nous a servi de modèle inversé et nous a aidé à

~
former une dialectique, non pas entre Freud et Hegel mais en
chacun d'eux. C'est seulement lorsque chaque inteq,rétation
j paraît contenue dans l'autre que l'antithétique n'est plus simple-
ment le heurt des opposés, mais le passage de l'un dans l'autre.

A ce moment seulement la réflexion est vraiment dans l'archéologie
• et l'archéologie dans la téléologie : réflexion, téléologie, archéologie
o- passent l'une dans l'autre.
e- C'est alors qu'il paraît possible de chercher, dans la texture
n, signifiante du symbole, l'entrecroisement des deux lignes d'inter-
te. ~
••

prétation dont nous avons pensé abstraitement la conciliation.
il Le symbole, en ce sens, est le moment concret de cette dialec-
--
;te '4 tique, mais il n'en est aucunement le moment immédiat. Le concret
:m -~ c'est toujours le comble de la médiation ou la médiation comblée.
le. Le retour à la simple écoute des symboles est la << récompense
la
~'• après une pensée ». Le concret du langage que nous jouxtons par
••
• 1 une pénible approximation est la seconde naïveté dont nous n'avons
1er
, 1
;es l jamais qu'une connaissance frontière, ou plutôt liminale.
1' Le danger, pour le philosophe Ue dis pour le philosophe et
• •
non pour le poète) est d 'arriver trop vite, de perdre la tension, de
lre l se diluer dans la richesse symbolique, dans l'abondance du sens.
ait '•'
• .J Je ne renie pas les descriptions de la problématique; je continue
JOl
ue, de dire que les symbol~ appellent l'int~rpr~tation p~~J~ur ~-tru=
j• ture signifiant~ par le mouvement de re_!!YOJ du sens Q!l.!.kvr. ~L
ne •

ms
{ tmmanent.'!Vlafs l'ex_Eiication_g~_ce IJl.Q11YCment_de temrai exJge.
l la trij?le rusèfJ?line dÜ-dessaisissement. de .l'aotithétiquet de.Ja
Jes •
dialectique. Il faut dialectiser le symbole, afin de penser selon le
1es symbole; alors seulement il devient po~sible d'inscrire la dia~ec­

LSl•
If!
tique dans l'interprétation même et de fatre .re~our à paroi~ vtve.

.t : i
l•
C'est cette dernière phase de la réappropnanon qu1 constitue le
passage à la réflexion concrèt~. En retournant ~ l'écoute du langage,
ns; ••
' la réflexion passe dans le plem de la parole s1mplement entendue.
: la 1
1 Je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur le sens de c.e der-
èse nier épisode : ce retour à l'imC?édiat n'est pas un retour a~ silence,
tla·
• mais bien à la parole,_ au ple1,~ ~u lan?a~e. Non _pas meme à la
>n- parole initiale, 1mméd1ate, à 1emgme epaiSSe, m~s à une, par.ole
ans
11
'4

.,~• c:
instruite par tout le procès du sens. est po~~qu~1 cette refl~uon
concrète ne comporte aucune concess1on à l~rrattonnel, à 1 effu-
1
on; '
~~

•j 477
•J
••

J
l
j
j
DIALECTIQUE

sion. La réflexion fait retour à la parole et. reste e~core réflexion,


c'est-à-dire intelligence du sens; la réflexiOn .devient herméneu- ·J
tique; c'est la seule façon do~t ~Ile peut deverur ~oncrèt~ et rester
réflexion. La seconde naïvete n est pas la première naiveté; elle
est post-critique et non point pré-critique; c'est une docte naïveté.
1

1. LA SURDÉTERMINATION DU SYMBOLE

La thèse que je propose est celle-ci : ce que la psychanalyse


appelle surdétermination ne se comprend pas en dehors d'une
dialectique entre deux fonctions que l'on pense en opposition, mais •
que le symbole coordonne dans une unité concrète. L'ambiguïté
du symbole n'est pas alors un défaut d'univocité, mais la possi-
bilité de porter et d'engendrer des interprétations adverses et
cohérentes chacune en elle-même.
Les deux herméneutiques tournées l'une vers la résurgence
de significations archaïques appartenant à l'enfance de l'humanité
et de l'individu, l'autre vers l'émergence de figures anticipatrices
de notre aventure spirituelle, ne font que déployer dans des direc-
tions opposées les amorces de sens contenues dans le langage riche
et plein d'énigmes que les hommes ont tout à la fois inventé et

reçu pour dire leur angoisse et leur espérance. Il faudrait dire alors
que les mêmes symboles sont porteurs de deux vecteurs :d'un côté,
ils répètent notre enfance, en tous les sens, chronologique et non
chronologique, de cette enfance. De l'autre, ils explorent notre
vie adulte : « 0 my prophetie sou[ », dit Ham let; mais ces deux •
l
fonctions ne sont plus du tout extérieures l'une à l'autre; elles
1
constituent la surdétermination des symboles authentiques; c'est '•
1
• • 1
en plongeant dans notre enfance et en la faisant revivre sur le ' c
mode onirique qu'ils représentent la projection de nos possibilités f
propres s.ur le registre de l'imaginaire. Ces symboles authentiques • 4

s,ont. yén!ablement, régressifs-progressifs; par la réminiscence, ~
1ant1cJpat10n; par 1archaïsme, la prophétie. (
. Poussant plus avant cette explicitation de la structure inten- (
1
t10nnelle du symbole, je dirai que l'opposition entre régression et !•
progression, avec laquelle et contre laquelle nous avons bataillé, •
1

J .
à la. f?is pour l'instituer et pour la surmonter, cette opposition c
exJ?hctte la texture paradoxale qu'on pourrait exprimer comme 1
.J

l
f
• uruté du cacher-montrer. Les vrais symboles sont au carrefour
1!



478
J.
1
··------· ~·

·j
'1
l
HERMÉNEUTIQUE ! ~P.S APPROCHFS DU SYMBOLB

ton, des deux fonctions que nous avons tour à tour opposées et fondues
leU- •
rune dans l'autre; ,~n même temps. qu'ils déguisen~, ils dévoilent;
Ster en même temps qu 1ls cach~nt les v1sé~s de nos pulsions, ils décou-
elle vrent le procès de la co~sc1ence de so1 : déguiser, dévoiler; cacher,
eté. • montrer; ces deux fo.nct10ns ne sont plus du tout extérieures l'une
à l'aut~e; ell~ expnment les d~ux faces d'une unique fonction
symbohque. C est le symbole qu1, par sa surdétermination réalise
l'identité concrète entre la progression des figures de l'e~prit et
1~ régression vers les sig~ifiants:clés de l'inconscient. La promo-
tton de sens ne se poursu1t pas ailleurs que dans le milieu des pro-
jections du désir, des rejetons de l'inconscient, des résurgences
lyse de l'archaïsme. C'est avec des désirs empêchés, déviés, convertis
une que nous nourrissons nos symboles les moins charnels. C'est ave~
• des images issues du désir émondé que nous figurons nos idéaux.
131S
Jité Ainsi le symbole représente dans une unité concrète ce que la

SSl- réflexion à son stade antithétique est condamnée à dissocier dans
et • des interprétations opposées; les herméneutiques adverses dis-
joignent et décomposent ce que la réflexion concrète recompose
nee par retour à la simple parole entendue et écoutée. Si mon analyse
:tité est exacte, la fameuse fonction de sublimation n'est pas un procédé

tees supplémentaire, dont une économique du désir pourrait rendre
·ec- compte. Ce n'est pas un mécanisme qu'on puisse mettre sur le
che même plan que les autres « destins » de pulsion, à côté du « ren-
; et versement », du << retournement contre soi-même » et du « refoule-

lors ment ». La sublimation, pourrait-on dire, c'est la fonction symbo-
)té, •
lique elle-même, en tant que coïncident en elle le dévoilement
et le déguisement. Cette fonction, la réflexion ne peut .d'abord
10n
que la briser. Une économique en isole le côté de dégmsem,e~t,
>tre dans la mesure où le rêve dissimule les visées secrètes de nos desU"S •

eux interdits. Il faut alors la contrepartie d'une phénoménologie de


lies l'esprit pour sauver l'autre dimens~on ..et faire. apparaître dans ,I.e
'est symbole le schème du devenir soi-meme qui ouvr~ à ce q~ il
'
.·ttes
le
, ' découvre. Mais il faut dépasser cette dichotomie touJours ren~lS­
sante, au sein même du symbole, et dire que cett~ au.tre fonctton
ues .1 du symbole traverse et reprend la fonction proJective pour la
surélever et, au sens propre du mot, la sublimer; par le mo~en

1ce, 1
1

du déguisement et de la projection, autre c~ose pas~e! une fonctt?n


1

en· 1
de dé-couverte, de dé-voilement, qui subhme l'orunsme humam.
, et 1•
.llé, 1

j Jusqu'à quel point cette conception de la structure dialectique
1on du symbole garde-t-elle encore une attache dans la stricte do~tnne
.rne 1' freudienne? Je ne conteste pas que Freud récuserait notre IDter-
our 1

1


479
!

,,'
l
'

DIALECTIQUE

prétation de la surdétennination 1• Ma~s le traite_me~t du symbole l tc


dans l'Interprétation des Rêves et dans l !ntroductzon a la Psy~lzana­ j d
lyse nous est moins déf~vorable, en ratson même des ambt~uïtés 1 ti
et des difficultés non resolues que Freud y accumule, et Je me ~ d
propose maintenant de les rapprocher de celles de la sublimation.
En effet la théorie freudienne du symbole est très déconcer-
tante 2 : d'un côté, la place du symbolisme dans le mécanisme du
i a
d
t:
rêve est très étroitement délimitée: elle couvre seulement les stéréo- C·
types qui résisten~ ~u déchiffrag~ du rêve, fragment par frag~ent, t
à l'aide des assoctattons spontanees du dormeur; en ce sens d n'y le
.
a pas . de fonction symbolique propre, digne de figurer, à titre de f:
procédé distinct, à côté de la condensation, du déplacement, de la ~1 le

figuration; la symbolisation ne fait pas problème du point de vue I
de l'interprétation du rêve, parce que le rêve se sert d'une typique 1. 1
c•
constituée ailleurs. Le symbole intervient dans le rêve à la façon c
d'un sigle sténographique, pourvu une fois pour toutes d'une signi- 1~
.
fication précise. C'est la raison pour laquelle son interprétation c
peut être directe et ne requiert aucun travail long et pénible de j (

décryptage. J. a
•l
Le chapitre x de l'Introduction à la Psychanalyse confirme ce J s
premier aspect du problème : les « comparaisons qui sont à la
base du symbole du rêve sont faites une fois pour toutes et toujours
.!, !
s
prêtes 8 ». Plus de quinze ans après l'Interprétation des Rêves, la (

question du symbolisme est encore posée à l'occasion de l'échec de r


la méthode des associations. Le symbole relève plutôt d'une tra- 2
(
duction << fixe », (( tout à fait semblable à celle que nos « livres des
songes» populaires donnent pour toutes les choses qui se présen- I
l t
(
.~ (
J. Il est vrai qu'on trouve chez Freud la distinction entre surdlte1mination •
et suri,ll.erpritation G. W. n/m, 253 (1), 270 (1), 272, 528; S. E. JV, p. 248, 1
n; 1, ~63, n. 2 (add. de 1914, appliquée précisément à l'interprétation du mythe 1
d 0::dtpe), 266, 52~;~- fr., p. 225 (137, n. 1), 240, (145), 242 (147), 519 (285). (
Mats on ne sauratt dtre que la surinterprétation vise d'autres interprétations que (
celle de la psychanalyse; cf. ci-dessus, Analytique, uo Partie, chap. u, p. 177, l• (
n. 25. "j'
2 •. Outre les tra~aux de J. Lacan, d~jà cités, on consultera S. Nacht et P.C. Ra· J
carmer, • La théo~te ~sychanalytique du délire•. Rcv.fr. de Psa., xxu, 4/S, 1958,
p. 418-574; R. Dtatkme et M. Benassy, • Ontogénèse du fantnsme •, Rev.fr•. ~e
1
Ps~., xxvm, z, 1964, p. 217-2.34; ]. La planche et J. B .Pontalis, • Fantasme ongt· 'l
natre, fantasme des origines, origine du fantasme 1 , Les Temps Modernes, XIX, 1
•l
215, 1964. p. 1833-1868. •1
3· Vorlesungen zur EinfiJhrung in di.e Psyclloana/yse. G. W. XJ, p. 168; lntro- 1
duetory Lectures on Psychoanalysis, S. E. xv, p. 1 65 ; tr. fr. : Introduction à la :
1

Psych.aMlyse, Payot, p. 183. l


,
~

1•
1

1


1

r
l HERMÉNEUTIQUE : L&<J APPROCHES DU SYMBOLE
•ole
na-
ités
l 1
tent dans les rêves' ». Et Freud déclare expressément : « Nous
donnons à ce rapport fixe entre l'élément d'un rêve et sa traduc-
j tion le nom. de S)'"!bolique, !~élément lui-même étant un symbok
me de la pensée mco~sctente du reve 5• ~ ~e.rapport symbolique devient
1.
alors un « quatneme » rapport qUt s aJoute à la condensation au
:er-
du
·éo- •
l déJ?lacement et à la représentation .figurée s. A ce titre l'interpré-
tatiOn des symboles par « traductiOn fixe » apparaît comme un
complément à l'interprétation basée sur l'association. Comme dans
:!nt, l'lnterpr~tatwn des R_êves, Freud ren~ hommage à Scherner qui,
n'y ..' le prem1er, a compns que le symbohsme est pour l'essentiel un
: de fantastique ~u. corl?s. Ce qui est représenté symboliquement, c'est
ela !1 •
le corps. L ét10log1e sexuelle des névroses a seulement permis à ·
vue Freud de centrer sur la sexualité cette symbolique et de rattacher
que
.çon
1 •
1
cette imagination corporelle à la finalité générale du rêve, c'est-à-
dire à sa fonction de satisfaction substitutive.

::rm-
:::1 1 Le lecteur qui ne prendrait en considération que la thématique

tlon de ce symbolisme conclurait trop vite qu'il n'y a rien d'intéressant
: de J dans ce chapitre. Du point de vue de la thématique, en effet, il n'y
J
.. . a rien à dire, sinon ceci : d'une part les cc contenus » découverts
! ce l sont monotones- il s'agit toujours de la même chose, des organes
à la 1 ••
)
génitaux, des actes et relations sexuels - d'autre part les « repré-
sentations ,, qui les figurent sont innombrables; on aurait envie de
)Urs
r, la ·j dire : n'importe quoi, à la limite, peut représenter toujours la
c de 1 m ême chose. C'est cette polysémie du symbole qui doit nous
tra- alerter. C'est elle en effet qui pose la question du << facteur commun ,,
i des
11 du tertium comparationis de la comparaison présumée 1• C'est
1 précisément la disproportion 8 entre l'abondance des représenta-
sen-
.J tions et la monotonie des contenus, surtout lorsque << le facteur
' commun reste incompris 9 », qui pose directement le pr?blèm~
,•
• ' de la constitution du lien symbolique. Or ce n'est pa~ le reve qu!
ralltm .• institue ce lien; le rêve le trouve tout fait et s'en s.ert: c est po~rq~oz
248.
nythe •
l'élaboration du rêve ne met en jeu aucun tr~vazl de symbo~tsat10n
.285)•

comparable à ce qu'on a pu appe~er le travad de condensation, de
s que 1 déplacement et de figurataon. Mats alors << com~ent pouvons:n~us
171, l
1
connaître la signification des symbol.es des reves ? » Et ~o1c1 la
..'I9S8,
Ra- -{
1
,
réponse : u Cette connaissance nous vtent de sources très diverses,
,'
i '
fr. de î .... Ibid., G. w. Xl, p. 151•2; s.E. xv, p. ISO; tr. fr., p. 166. J
• •
ong1· '1
1
s. Ibid.
, XIX,
' 1
!
6. lbid. fr
7· G. w. XI, p. 153•4; s.E. xv, p. IS2; tr. ., p. J •
69
1
rntro- 11 8. Ibid. fr 17"'~
r à la 9· G. W. Xl, p. 159; S.E. XV, P· 157; tr. ., P• .,..
.'1
1 481
l• '
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_,., ..
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• •



ri
1

DIALECTIQUE

des contes et des mythes, des farces et facéties, du folklore, c'est-à.


(
dire de l'étude des mœurs, usages, proverbes et chants de différents
peuples, du langage poétique et du. langage commun. Nous y thè
retrouvons partout _le mê~e symbolisme q~e nous comprenons lui·
souvent sans la momdre difficulté; en exammant ces sources les exc
de
unes après les autres, nous y découyrirons un. tel paral}élisme avec
syn
le symbolisme des rêves que nos mterprétattons sortuont de cet
ser
examen avec une certitude accrue 10• » .,J
Pui
Ce n'est donc pas le« travail de rêve » qui construit le lien sym-
ne
bolique, mais bien _le travail. de culture. Qu'est-ce q~e cela signifi~? a ur


que le lien symbolique s'édifie ?ans le lang,age. M.ats Freud ne t1re L'a
aucune conséquence de cette decouverte; 1analog1e entre le mythe au
et le rêve sert uniquement à vérifier et confirmer l'interprétation l'ac
du rêve. Ainsi les travaux d'Otto Rank sur<< la naissance du héros» De
servent seulement à fournir des « parallèles » aux représentations 0r11

symboliques de la naissance dans le rêve. La confirmation du sex
symbolisme sexuel du rêve par celui du mythe équivaut ainsi à une 'i sca:
réduction du mythique à l'onirique, alors que c'est le mythe qui ..
re v
fournit Pélément de la parole dans lequel la sémantique du symbole l'ar
s'est en réalité édifiée. att~
L'énigme du symbole n'est pas que le bateau représente une ~ rêv·
femme, mais que la femme soit signifiée et que, même pour être .J du
signifiée au plan de l'image, elle soit verbalisée. C'est la femme le r
dite qui devient femme rêvée; c'est la femme mythisée qui devient 1 pn,•
femme onirique. Or comment faire le détour du mythe, sans faire 1\
aussi celui du rite et du culte, celui de l'emblématique et de l'art lin~

héraldique (Freud cite la fleur de lis française et les armoiries de Oflll
Sicile et de Pîle de Man)? Freud est bien conscient qu'il y a plus est
dans le mythe, le conte, le proverbe, la poésie que dans le rêve. Il des
le dit lui-même avec beaucoup de force à la fin de son étude du raci•
symbolisme; mais ce surplus est seulement l'occasion d'étendre on
la psychanalyse, d'en faire << une discipline d'intérêt général 11 ,, où
dans laquelle, dit-il fièrement, <<la psychanalyse donne plus qu'elle
ne re~Olt 12 J) : « c:est la p~ychanalyse qui fournit les méth~des 14
techmques et étabht les pomts de vue dont l'application d01t se cher
plus
montrer féconde dans les autres sciences 1a. » Il est dès lors à 15
cra!ndre qu'on borne la méthode comparée à une simple apolo- 16
gétique. · 17
J (191 1
145 .
ro. G. W. xr, p. r6o-1; S. E. xv, p. 158-9; tr. fr., p·. 175-6. base
u. Gb:,~W. xr, p. 17o-1; S. E. xv, p. 167-8; tr. fr. p. rSs-6.
IZ. 1 ln. :J1 triple

cr•pt
IJ. Ibid. ..l
ï!

••
-

HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE

Cet impérialisme a malheureusement été secondé par des hypo-


th~sesA anne~es, sans doute désastre~ses, concernant le langage
lu1-m<:me. S étonnant que le .symbolisme du mythe soit moins
exclus1vement sexuel que celm du rêve, Freud réduit l'anomalie
de la façon ~uivante : il suppose un état du langage où· tous les
sym?oles étaten~ sexuels, ?ù, les « premiers sons articulés [auraient]
serv1 à commumquer des 1dees et à appeler le partenaire sexuel u ».
Puis l'intérêt sexuel se serait déplacé sur le travail; mais l'homme
ne se serait résigné à ce déplacement que parce que le travail
aurait été constitué en équivalent et substitut de l'acttvité sexuelle.
L'ambiguïté du langage daterait de cette époque où « le mot lancé
au cours du travail en commun avait deux sens, l'un exprimant
l'acte sexuel, l'autre le travail actif qui était assimilé à cet acte..•
De nombreuses racines se seraient ainsi formées ayant toutes une
origine sexuelle et ayant fini par abandonner leur signification
sexuelle 15 >). Si cette hypothèse, que Freud emprunte au linguiste
scandinave H. Sperber, était exacte, le rapport symbolique que le
rêve conserve mieux que le mythe « serait une survivance de
l'ancienne identité des mots 16 ». On voit pourquoi Freud s'est
.,
attaché à cette hypothèse non analytique; elle rend l'avantage à nos •

ne rêves sur le mythe; si le mythe fournit les parallèles les plus amples

~
tre du symbolisme sexuel, l'exclusivism~ ~~ symbo~sme ~exuel, d~s
ne le rêve est justifié par ce « langage prurutif » dont 11 seratt le temom
:nt ~ ' privilégié. . .

ue Mais cette hypothèse, à suppos.er qu'elle ait le momdre m~érêt
art • linguistique, nous rejette en pleme n:ter : toute la sy~bo~tque
de onirique se trouve suspendue à un travatl de ,Ianga_ge, d?nt 1~m~e
~

1 est seulement masquée par la supposition d une 1dent1té prtmtttve
iUS •
des mots désignant le sexuel et le non-sexuel. L'hypothèse de ces .••.
Il
du
·1 racines o~iginairement ambiguës n'est qu'un expédient par lequel
lre ) on projette le problème résolu dans une « langue fondamentale •
», où le semblable serait déjà l'identique 11•

Jle • • o . S. E. xv, p. 167; tr. fr., p. t84·S· Ce texte est~ rnppro-
les 14. G. W. ~1, p. t69 7 , .t .J-ns les mots primitifs que noua avons discut6
cher de l'cssa1 sur Les sens opposd uu
se plus haut, Dialectique, chnp. 1, p. 386, n. 68.
.à 15. Ibid. ~
•1
lo· 16. Ibid.
1 yrnbolisme _ Th4 Thtory of symboli'sm 1

.J J.7, L'essni de E. Jones aur. c : éd 'rion) Londres 1948. chap. Ill, p. 87• •
'..1 (1916) in Papers on Psychoana_lym Cs c~ar ~able: de l'~cole freudienne sur la •
l4S - est s~s doute 1~ trnvllll 1~ plus r Ps ,'J.a,alyse. Son int~rêt est grand au
.1 base du chapitre x de 1 lt~lroductton ~ la Y . · _ Au point de vue des·
~1 . d · ï ~n~uquc ct cnuquc.
trtple point de vue escnpu • !J
criptif, l'auteur entreprend de ••tuer 1e 1
ymbolc
'
au acn1
.
psychanalyttquo, pamu
·
..
1

'l ..{
•·~•
l


,
••
••
1

J
1

DIALECTIQUE

••
A mon avis, ces spéculations ferment plus de voies qu'elles n'en
du
ouvrent. En se donnant tout au départ, elles condamnent à ne Fre
plus jamais rencontrer que des survivances. En exposant la théorie • •
s1gr

les représentations ind irectes, appelées communément symboles, et définie&
, ves1
par le rôle du double sens, par t•analogie entre sens primaire et sens s~cond, par • nan
le caractère concret, primitif, caché ou secret, enfin par la spontanétté de son
évocation. Pour caractériser le c vrai symbol isme •, E. Jones commente les critères
nes
proposés par Rank et Sachs dans Di~ Bcdeutung der Psychoanalysif Jür dit t• ad re
Gcistcswisscnschaften (1913) : 1. les vra1s symboles représentent tOUJours des • co ne
thèmes inconscients refoulés; z. ils ont une signification fixe et jouent sur une '
par
étroite marge de variation; J. ils ne dépendent pas de facteurs individuels; non freu•
point qu'on doive les tenir pour des archétypes au sens jungien : ce sont plutôt le sy
des stéréotypes qui trahissent le caractère limité et unifonne des intérets pri-
mordiaux de 1'humanité; 4· ils sont archaïques; s. ils ont des connexions linguis- i fiée·
Je re
tiques que l'étymologie révèle de façon saisissante; 6. des p arallèles dans les 1
des
~
domaines du mythe, du folklore, de la poésie. Ainsi le domaine symbolique se pale:
trouve franchement limité aux figures substitutives issues d•un comprom is entre dut
l'inconscient et la censure, et tourne inéluctablement autour des thèmes de la tatto•
parenté de sang, de la naissance, de l'amour et de la mort. Il en est ainsi parce qu'ils l' int·
correspondent à la fonction la plus anciennement refoulée et que cette fonction sens
était tenue en plus grande estime dans les civilisations primitivea. - Reste à sexu
expliquer, d'une part, pourquoi la sexualité, thème monotone du symbolisme, • sym
a investi des régions aussi variées du langage et pourquoi, d'autre part, l'associa- • •
de r1
tion se fait du sexuel au non sexuel et jamais en sens inverse; c'est ici que l'expli- par ·
cation génétique doit relayer la description pro prement dite. En ce qui concerne serp

l'origine du lien as.Rociatif qui fonde le symbolisme, on ne peut se contenter de l'
d'invoquer une cause aussi négative que l'incapacité à distinguer (l' c insuffisance liam
&perceptive •) chez des peuples par ailleurs si doués pour les distinctions et les tt•on
classifications; Jones adopte, après Freud, la théorie du philologue suédois l'int:
Sperber d'une identité primitive entre le langage sexuel et Je langage du travail, le m.
les mêmes mots ayant servi à l'origine à appeler le partenaire sexuel et à rythmer rcjo1.
le travail; depuis lors, armes et instruments, semence et terre labourée, disent • à 801
symboliquement les choses sexuelles. A mon sens, l'article de E . Jones souligne paye
1~ caractère d'expédient de cette explication, qui se donne tout, en plaçant l'iden· sur 1
tlque avant le semblable; plus gravement encore, elle masque la diffictllté préalable bole
que constitue l'llévation de la pulsiotl érotiqut au langage et son caractère indéfi· (Adl
niment symbolisable. On ne peut invoquer c l'appel du partenaire •, sans réfléchir ' ahan
plus avant sur ce qui fait parler le désir, à savoir l'absence au cœur de la pulsion
et la ~iaiso? ~n!re les obj~ts perdus e.t la symbolisation. Répondant à la seconde
i tt•on~
paye
••
question d oragane, à savotr pourquot le symbolisme fonctionne dans un sens et unilt
non dan.s l'autre, E . Joncs pose que le symbolisme a une fonction unique, celle corn

de .dégu1ser les thèmc:s interdits : • Seul ce qui est refoulé est symbolisé, seul ce mws
qu1 est ref~ulé a beso1n ~'être S)"mbolisé. Cette conclusion est la pierre de touche syml
d~ la théo~1e pr.ychanalyuque • (p. 1 t6).- Cette réponse, qui exclut tout compro· mo ti
mts d'?ctrmal, ann?nce la partie proprement critique de l'essai de E. J~nes : nes
celle-ct .concerne ~trectem~nt ma propre entreprise i la critique vise princlp~e­ cette
n:ent ~tlberer qu1.' à parttr de 1909, avait développé dans une demi-douzalll.e •
D'ai
d casws une théone très nuanœe de la formation dca symboles : Silberer Y fait l'
lorsc
plus·
place à d'autres procédés que le déguisement des thèmes sexuels refoulés par la
que
censure; ainsi peuvent être symbolisées les modalités du travail de la pensée, '' us ag
aa rapidité, eon poids, son alléareaao, eon aisance, son auccà, etc. Le refoulement


--



HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE .. •...,,_
••
~·• •
••
du sym~ole . dans l'lnterprétati~ des R&es, nous demandions ai
[\
("
e ...•
• :t:reud n ava1t pas. eu tort de hmiter la notion de symbole à ces
e stgn~s st~nog~aphtques .usuels; le symbole est-il seulement un .'•
vesttge, n est-il pas au~s1 aurore d~, sens? Nous pouvons mainte-


1
• nant reprendre la quest10n à la lumtere de notre conception dialec-
ne aerait lui-même qu'une de .ces modalités. Le reproche majeur que E. Jones

~ adress~ à ce • sxmbohs!lle fonctlonn~l • est • de rejeter la connaissance si durement
conqutse de 1 mcon~cu:nt e~ de rémterpréter les découvertes psychanalytiques
par un retour aux S1gn1ficat1ons de surface, caractéristiques de l'expérience pré-
freudienne • (p. 117): toute tentative pour faire du symbole sexuel lui-même
.1-
• le symbole d'ar1tre chose est ainsi récusé; le sexuel, dirons-nous, est toujours signi-
• fié et jamais signifiant. Pourquoi cette intransigeance? Parce que, déclare E. Jones,
1l
s- le refoulement est la seule cause de la distorsion qui entre en jeu dans la formation
1
l des vrais. symboles i l'édulcoration du symbolisme matériel (désignant princi-
;e palement les choses sexuelles) en symbolisme fonctionnel (désignant les modalités
re J...
J du travail de pensée) est elle-même une ruse de l'inconscient et une manifes-
la • tation de notre résistance à la seule interprétation véritable du symbolisme;
ls ~
Pinterprétation de Silberer n'est donc qu'une interprétation défensive et, au 1

m • sens propre, réactionnaire. Certes, accorde E. Jones, n'importe quelle idée non
à 1
sexuelle peut être symbolisée, mais à condition que celle-ci ait d'abord eu un lien
e, 1
symbolique avec un thème aexucl; c'est précisément la fonction de la mitap!Jore
a- •• de remplacer le symbolirme, qui a toujours des racines dans les puls!ons inte~di~cs,
li- •• par une présentation inoffensive de l'abstrait dans un revêtement rmagé; runs1 le
1C serpent, symbole sexuel, deviendra la métaphore de la sagesse, l'anneau, symbole
er de l'organe féminin, l'emblème de la fidélité, etc. Tout remplacement ~u symbo·
lisme matériel par un symbolisme fonctionnel procède d'une telle rémterpr~ta­
•J
ce 1
es tion en termes inoffensifs. - Quelle que soit la force de cette argumentation,
• l'intransigeance de E. Jones ne me paraît pas justifiée; la ~sydwnalyse n'a pas
liS •••• Je moyen de prouver qu'il n'y a pas d'autres sources du symboluable que lts puls!ons
il,
er refoulées. Ainsi l'idée selon laquelle, dans les religions orientales, le phallus dc~·lent
nt • à son tour symbole d ' une puissance créatrice ne peut être é~rt~c pour des. raisons
·
psychanalytiques · pour d es r~usons
ma1s · Ph'l
1 osop hiques qur do1vent
l''dé être dtscutées
ne
sur un autre terr~in Le refus dédaigneux que Jones oppose è 1 e que 1~ llym•
• exercer 'une fonction
bole pu1sse • • ana1ogtqu<:
• ' . (Silbcrer)• • progrnmmauqucurs•

1
(Adler), • prospective • (Jung) est très ca~ac téns.uque : :~~;u~~!e::~ ~~~cp·
1
abandonnent ales méthodes et les c~~ms e 11 sctcncc, P
f:
L 'argument n'est pas
ur J
ti ons de la causalité et du détef!mmsM ~ ~~· c., ~·· ~ 3n);st pas Jà • toute théorie
6
Jn
:le psychanalytique, mais philosoph!qu\ rus ess: ~oint précis : ~Ile rend bien
unilatérale du symbole me pa~att .éc o~er aural r de compromis du s)·mbole,
1
.•
et
Ile J compte du caractère de aubsutuuon, e ad v c':montcr sa propre origine. Le
ce mais n~n de son. pouvoir de désa~ouer, et e d~ la sublimation ct non sa ~ro­
ho aymbohsme décrtt par Freud exp~lme 1 éc~~ect qui investit l'idée symboh.séo
'()• motion; E. Jones l'accorde volonucrs : • le symbolisme est en cause, de
1 : ne s'est pas révélé capabl~, pou~ autant qj'e terme de sublimation • (p..139).
le- cette modification qualitnuvc déstgn~e par e d pOle de la fonction symbolique,
no ... D'ailleurs E Jones lui-meme introduit un secon du pr1'ncipc de réalité ct non
• · b l' d s les termes ·
1 lorsqu'il considère le srm. 0 tsme l ~r ( 132 et sq.) et souligne très JUStement •
ait
plus simplement du prmc1pc .de P 81s! t'c un
la
!e,
:nt
'
1
· ·
usage de l'ossocultlon ·
prtmor d1'alc entre
de réalité connote non seulement
que • tout progrès dans la vole du prmc P uno perception nouvelle et quelque ,
~
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1 •
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• '1
DIALECTIQUE

tique de la surdétermination. Je proposerai de di~ti!lguer plusieurs 1


.l
niveaux de créativité des symboles (avant de dtstmguer, dans le
paragraphe suivant, plusieurs sphères ~'effec~ivité). Au plus bas }
niveau nous trouvons la symbohque sédtmentee : on y trouve des ·1
débris de symboles, stéréotypés et disloqués, moins usuels qu'usés, .
l1
qui n'ont plus qu'un passé; c'est à ce niveau que ressortit la symbo- ·!
lique du rêve;.c'est encore celle d~s contes et légendes; au.cun travail e
de symbolisatton n'y est plus à 1 œuvre. A un second mveau nous 1 ,

. 1' d
trouvons les symboles à fonction usuelle; ce sont les symboles en a
usage, utiles et utilisés, qui ont un passé et un présent et qui, dans .1
v
la synchronie d'une société donnée, servent de gage à l'ensemble n
des pactes sociaux; c'est à ce niveau que travaille l'anthropologie 1 lt
structurale. A un niveau supérieur viennent les symboles pros- .,
J.
d
pectifs; ce sont des créations de sens qui, reprenant les symboles !,t q
traditionnels, avec leur polysémie disponible, véhiculent des SI
significations neuves. Cette création de sens réfléchit le fond J. a·
vivant, non sédimenté et non investi socialement du symbolisme. .j

Nous essaierons de dire, dans la suite de ce chapitre, comment .1 ((

cette création de sens est en même temps une reprise de fantasmes )



il
archaïques et une interprétation vivante de ce fond fantasmatique. ] d
Le rêve ne donne une clé que de la symbolique de premier niveau; ·] Ct
les rêves « typiques D autour desquels et à l'occasion desquels !
·: e·
Freud déploie sa théorie du symbolisme, loin de révéler la forme C•
J
canonique du symbole, n'en révèlent que des retombées au plan ti
des expressions sédimentécs. La véritable tâche serait alors de d
prendre le symbole à son moment créateur, et non lorsqu'il arrive p
à fin de course et resurgit dans le rêve, à la manière de ces sigles r•
sténographiques «pourvus une fois pour toutes d'une signification n
précise ». La tragédie d'Œdipe-Roi nous permettra plus loin de lt
surprendre la naissance du symbole, au moment où il est lui-même f~
interprétation d'un fond légendaire antérieur. Mais il n'est pas •1
1 d
P.osstble de se porter directement au centre de ce foyer créateur, ·1
11 faut utiliser toutes les médiations disponibles. :1 n
1 n
d
p
complexe inconscient, mais aussi une renonciation partielle à cette association •
(p. IJJ). Mais, ~ana la ~~ception unilatérale du symbolisme, cette renonciation •
ne peut être qu un affaabltssement du symbolisme véritable : ce qui est Je cas rr
lor:'qu~ les symboles o!"'gi?aires servent à faciliter la conception de ~nc~pts •
k
~~Jectafs ou de ~énéralaaatJ?ns scientifiques. On ne rend pas compte ~unst ~e
1 ~ense do~tne symbohque ùXploré par la pensée occidentale deputa Plotan
1
et On~ène, rruus seulement des pAles métaphores du langage ordinaire et de sa !
r~tonque. .l
• •

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1
1

l .
j HERMÉNEUTIQUE : LP.S APPROCHES DU SYMBOL! '••
.

Jrs ,j 1

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, ·1 2. L'ORDRE HIÉRARCHIQUE DU SYMBOLE ,i
.es, •
11
)0- ·J
!

rail l Cette interprétation dialectique du concept de surdétermination '••


e?tendue comme dou~le pos.sibilit.é d'une exégèse téléologique e~
1 1

lUS J '
1

en .1 dune exégèse régressive, d01t mamtenant être mise en œuvre et ï



appliquée à des problèmes déterminés. Quel fil conducteur sui- •
ms ·1 •

vrons-nous? Celui de la P_h~oménolo~ie de l'Esprit? Je l'ai dit, je


1

1

ble •


gte
os-
l~ ne pense pas que nous pmss10ns, apres plus d'un siècle restaurer
la Phénoménologie de l'Esprit telle qu'elle fut écrite. je propose

(
.•
.'
de mettre à l'épreuve de la réflexion un principe de hiérarchie
·les i qui m'a déjà servi dans l'Homme Faillible pour articuler le
ies sentiment 18• L'hypothèse de travail est plausible : le sentiment
•nd aussi est « mixte », ce mixte que Platon le premier a exploré dans

ne.
.j

le Livre IV de la République sous le titre du thumos, c'est-à-dire du .. 1
!!nt « cœur n; le « cœur li, disait Platon, tantôt combat pour la raison, dont j
;. 1
1

leS l il est la pointe d'indignation et de courage, tantôt se range du côté ir '1
• 1
ue. •l du désir, dont il est la pointe agressive, l'irritation, la colère. Le '1
~
'
m·, ·] cœur, ajoutais-je, c'est ce cœur inquiet qui ignore l'arrêt du plaisir •
1 1
.els 1• et le repos de la béatitude et je proposais de placer sous le signe de ~ ~
i t
me
lan l ce cœur, ambigu et fragile, toute la région médiane de la vie affec- d.:
:1
tive entre les affections vitales et les affections spirituelles, c'est-à-
:':•

de dire toute cette activité qui fait la transition entre Je vivre et le



penser, entre Bios et Logos. Et déjà je nota.is : ~< C'est dans ~ette ' ~
IVe
l. ~
les région intermédiaire que se constitue un so1, dtfférent des etres • \
'.
'
ton
de
naturels et différent d'autrui... C'est seulement avec le thumos que
le désir revêt le caractère de différence et de subjectivité, qui en
...
! ~
1 •••

me
Jas ..,
.
f a tt . 19
un sot ••• n. à 1 1 ·•
C'est ce problème du mixte que je ve~x reprendre .. a umte~e
~
;.
. ....
'

ur, l de notre antithèse des deux herméneutique~. Ces memes senti- l~


.• ,..1
• ments que nous étudions naguère sous le s1gne du tltumos, ~ont J ~·

nous ~pparaître aujourd'hui tributaires ,de deux exégèses, l,une
dans le sens de l'érotique freudienne, 1autre dans le sens d une

"•·~•
·n •
phénoménologie de l'esprit. .. 'l ·e des senti·

1on J e propose de reprendre, à., cet effet,t ·la meme tn ogJ h .
alors à l'ant ropo1ogae r
. .
ens ments fondamentaux que J emprun ais . d
. . · des pass1ons
· d e l'avoir, du pouvo1r et u
:pts kanttenne, la trdogte .- •

de ,..,
l' ..

:

1t1n
.. 18. L'HomrM fail/ibl6, chap. m.
19. Ibid., p. l:&J •
• ,.'
.' - .

.. ,....
•' r

1
.."• •

.... .
1


....,_

. .
DIALECTIQUE

valoir et de refaire à nouveau frais, l'exégèse des trois requêtes


que 1~ moraliste ne ~onnaît que sous le. masque grim~çan~ de figures
h
v
déchues, des << passions )) de la possessiOn,, de. 1~ dommatlon et ~e la •
•••
0
prétention, ou, en un autre langage, de 1 avtdtté, de la txranme et
c:
de la vanité (Habsuclzt, Herrschsucht, Ehrsuclzt). Ce qu tl faut en
effet retrouver, derrière ce triple Suclzt, aberrant et violent, c'est •'

d
1
le Suc/zen authentique; il faut atteindre, << derrière la poursuite •
''
passionnelle, la requête d'humanité, la quête non plus folle et l'
serve mais constitutive de la praxis humaine et du soi humain 20 ». q
Je voudrais montrer ici l'appartenance de cette triple requête, ~•
h
d'une part à une phénoménologie de style hégélien, d'autre part à • •j
• n
une érotique de style freudien. •
' b
Il est très remarquable, en effet, que les trois sphères de sens que •
re
traverse la trajectoire du sentiment, en passant de l'avoir au pouvoir d

et au valoir, constituent des régions de significations humaines qui 1

sont dans leur essence non-libidinales. Non pas quelles soient
des « sphères libres de conflits », comme disent certains néo-freu-
j~
à
Cl


diens 21 ; il n'y a pas de région de l'exister humain qui échappe à '' c'
l'investissement libidinal de l'amour et de la haine; mais l'important, \
1 c;
c'est que, quel que soit l'investissement secondaire des relations -1
t A
interhumaines nouées à l'occasion de l'avoir, du pouvoir et du " c;
valoir, ces sphères de sens ne sont pas constituées par cet investis- 1
• q·
sement libidinal. l cc
Par quoi sont-elles donc constituées? C'est ici que m'apparaît ~ do
le bénéfice de la méthode hégélienne; une manière moderne d'en d:
1 •
renouveler l'entreprise serait de constituer par synthèse progres· VI
sive les moments de « l'objectivité » sur laquelle se règlent les sen- •••
)
Sc
•1
timents humains, quand ils gravitent autour de l'avoir, du pouvoir •• hl
1
et du valoir; je dis bien les moments de l'objectivité : comprendre tr
ces instances affectives que nous nommons possession, domination,
estimation, c'est montrer que ces sentiments intériorisent une suite ~1
aJ
Ul
de rapports à l'objet, qui ne relèvent plus d 'une phénoménologie
de, la. perception, mais d'une économique, d'une politique, d'une :~' l'c
theone de la culture. C'est le progrès de cette constitution d'objec- ·'1 SI
tivité .qui ~oit ici guider l'investigation de l'affectivité proprement ql
2
1

humame . En même temps qu'un nouveau rapport aux choses, ••• ol
~ s'.
20. Ibid., p. 127. 1
'1
es
21. Heinz Hartmann. Ego·PS)Ic/10/ogy and tl~ problem of adaptatimr, chap. 1•

1 er
22. ~omm~ da~s 1: Homme faillible, j'adopte l'idée d'Alfred Stem, selon laquelle J rn
le sentiment mtér10nse le rapport de l'homme au monde· ce sont ainsi de no~· )! de
veaux aspects de l'objectivit6 qui aont int~rioriséa dans 1~ sentiments de l'avott, ~
de
du pouvoir et du valoir. ~
l

J
.'

..•
1
--- - ··- -....,..,-•
-•.r~tort-- ·~·· ~ -'~~..l .
'.'' ~.,.,v
.::_.....,"· 1HI'•.li\4'N.a~~- •• ._.~,
'L-.t' • "'tt
'•


.•• .1

' 1
HERM:éNBUTIQUB : LES APPROCHES DU SYMBOLE • 1
1
: 1
tes • i !
res 1 les ~equêt~s proprement humaines de l'avoir, du pouvoir ct du •• 1 '
. la valmr mstttuent. de nouveaux rapports à autrui, à travers tesquel .
o!'l peut poursmvre .le procès hégél.ien du doublement de la cons~
••

et c1ence et la promotion de la consctence de soi.
1'

en
Rep~enons, de ce double point de vue, la constitution successive
.' i.
1

est des tro1s sphères de sens.


ite
J'entends par relation de l'avoir, les relations à l'occasion de
et
l'approp~iation et du travail dans une situation de ,, rareté ». Jus-
) ».
qu'à ce JOUr, nous ne connaissons pas d'autre condition de l'avoir .: ..t
l
1 '
1

:te, humain. Or, à l'occasion de ces relations, nous voyons naître de


tà !
·l. nouveaux sentiments humains qui n'appartiennent pas à la sphère :~
• biologique; ces sentiments ne procèdent pas de la vie, mais de la
tue • .1.
• réflexion dans l'affectivité humaine d'un nouveau domaine d'objets,
01r d'une objectivité spécifique qui est l'objectivité « économique».

~Ul L'homme apparaît ici comme l'être capable de sentiments relatifs
ent j
~ à l'avoir, et d'une aliénation non libidinale en son essence; c'est
••

• celle que Marx a décrite dans la théorie du fétiche de l'argent; •
1· 1
eà •
t ' c'est l'aliénation économique dont Marx a montré qu'elle était 1. ~
nt, ·,
•• capable d'engendrer une « conscience fausse », la pensée idéologique.
1
••
1 ~
...

>ns 1

Ainsi l'homme devient adulte et, dans le même mouvement, 1.

du " capable d'aliénation adulte; mais le plus important à not~r, c'est



tis- 1
• que le foyer de prolifération de ces sen~ments, de ces passtons, de ! ~.·
~"·
ces aliénations ce sont de nouveaux objets, des valeurs d'échange, :.·
i . ..
. t1

des signes m~nétaires, des st.ructures ~t des insti.tutions. No~.s


A t . ..

ra1t } : ~
. ~
'en i dirons alors que l'homme ·dev1ent consctence de s~1 en tant qu d : ~
t .·
1
vit cette objectivité économique comme u~e modalité ~ouvelle de ""
·es-
en-
4
•• sa subjectivité, et accède ainsi à des « sentiments » spécifiquement .... .....
: ~~
• . f'tt,
1 ~
"'·
humains relatifs à la disponibilité des choses co~me . ch~ses
1
• •
~-
'011' j• travaillé~s ouvrées appropriées, tandis qu'il se fa1t . lut-mcdme · .~
1 '
dre "ft""'
on, 1 '
appropriantMexproprié; · · é nouv~Ile qut engen
' c'est cette o b'~ecttvlt , re ~ '.

· ...
~
1ite

•gte
'l un groupe spécifique de pulsions, de rel?résentat10n.s et d affec~.
Il faudrait examiner de la même mamère, du pomt de vue e .• ~-'•'. •

1ne :i l'objectivité et des sentiments et aliénations qu'elle enge~?re,, la · ~": · ·

ec- .t
l
sphère du pouvoir. C'est encore da.ns une struc~uredo ~~:~ptlrl~
. · · H gel parlait à cette occasion e
ent
;es,
~
1
1

••
••
t
qu'e le se constitue; ams1 e
objectif, pour dire les structuresdet 1 r mr
. t't tions dans lesquelles
:i~n commander·obéir,
s'inscrit ct propre~ent s:~nge~ r,e a r~: la mesure où l'homme
d
essentielle au pouv01r pohtJque, est t~- qu'il s'engendre lui-
entre dans la relati?n comman er-o. ~~~el comme on voit au
). r.
aelle même comme voulOlr proJ?reme~t sptrroit 'Ici aussi la promotion •
aou·

roat,
début des Pn"ncipes de ~a Plzzl~s~pllle du ~'un~ promotion u d'objec-
de la conscience de so1 est rectproque t'
.. 489
L
.~ ·•~

j
.• ''
•• .

..
1

j


:. !
j

,
DIALECTIQUE !
J
r
tivité ». Ce sont des « sentiments » proprem~nt humai!l~ qui s'orga- •

nisent autour de cet « objet ,, .le pouv?~r : ?ngue, a~b1t10n, soumis-


sion, responsabilité; et aus~1 d~ ahenat10ns spéctfiques, dont la
''
\
t

l• •
description a été commencee deJà par les Anctens sous la figure •
••
•'

du « tyran ». Platon montre parfaitement comment les maladies de •t
l'âme, que la figure du « tyran.» exhibe! prolifèren~ à p~rti~ d'un i

centre qu'il appelle la dunamu, la pUissance, et ~rradte JUsque •


'

'J •
dans la région du langage sous la forme de la << flattene >>; c'est ainsi •

que le « tyran » appelle le << sophiste ». On peut dire dès lors que •
1

•• 4
1
l'homme devient humain en tant qu'il est capable d'entrer dans 4

.
la problématique politique du pouvoir, qu'il accède aux sentiments l•
qui gravitent autour du pouvoir et qu'il se livre aux maux qui s'y •
adjoignent. Une sphère proprement adulte de culpabilité naît l
~
•• c
ici : le pouvoir rend fou, dit Alain après Platon. On voit bien, sur •• c
ce second exemple, comment une psychologie de la conscience _},
n'est que l'ombre portée de ce mouvement de figures que l'homme
parcourt en engendrant l'objectivité économique, puis l'objectivité
, lf
• c
(
i
politique. '•• 1
On pourrait en dire autant de la troisième sphère proprement 1 (
t
humaine de sens, la sphère du valoir. On peut comprendre ainsi ce ! (

troisième moment : la constitution du soi ne s'épuise point dans :1 t


1

une économique et dans une politique et se poursuit dans la région 1 r
i•
de la culture. Or ici aussi, la « psychologie >> de la personnalité Jt e
n'en étreint que l'ombre, à savoir le dessein, présent en tout homme, 1
t

s
d'être estimé, approuvé, reconnu comme personne. Mon existence i
lr
pour moi-même est en effet tributaire de cette constitution de soi 11
v

dans l'opinion d'autrui; mon << soi » - si j'ose dire - est reçu de 1
<l
l'opinion d'autrui qui le consacre; mais cette constitution des sujets, ~1
cette constitution mutuelle par « opinion », est guidée par de p
nouvelles figures dont on peut dire, en un sens nouveau, qu'elles
sont << objectives »; ces objets ne sont plus des choses, comme elles
11
s
b
.j p
le sont encore dans la sphère de l'avoir; il n'y correspond même pas i
toujours des institutions, comme dans la sphère du pouvoir; e·
·~ S1
néanmoins ces figures de l'homme sont à chercher dans les œuvres l

et les monuments du droit, de l'art et de la littérature. C'est dans d


cette objectivité d'un nouveau genre - l'objectivité des objets 1 1
d
eJ
cult~r~l~ propr~ment dits - que se poursuit la prospection ~es 1
t
.;:•
q
posstbthtés de 1 homme; même lorsque Van Gogh peint une chatse, ·1•
0

Ct
il dépeint l:homme; il projette une figure de l'homme, à savoir cet l
-1
homme q~1 ~ a » ce .monde représenté; les témoignages culturels ;

do.nnent amst la denstté de la u chose » à ces « images »; ils les font ! p.
eXlSter entre les hommes et parmi les hommes, en les incarnant '1'
11


490 1J
1
'
J 1
--
..

·' ..•
J

1 HERMbœtJTIQUE : LES APPROCIIFS DU SYMBOLB •


! !
·ga- ' '
dans des « œuvres ». C'est à trav~rs ces œuvres, par la médiation
.•

:us- i
' de ces. monum~nts~ que se .constttue une dignité de l'homme et •1
t la
ure
l
• une esttmc de so1. C est à ce ruveau
, . . enfin que l'homme peut s'aliéner, ..•••


•• se dégrader, se t ourner en dens10n, s'annihiler. ••


1

• de •
Telle. est, me semble-t-il, l'exégèse qu'on peut donner de la
.'un 1'
« consc1enc~ )), selon _une mét~ode qui n'e~t plus .une psychologie .'.
:tue
• •
"'•J de la consc1ence, mats une methode réflexive qut a son point de
••
lnSl i départ dans le m~>Uv.ement objectif des figures de l'homme; c'est .-'
1

que .1 ce mouvement ObJeCtif que Hegel appelle l'esprit; c'est par réflexion •

1
.ans • que peut en être dérivée la subjectivité qui se constitue elle-même 1


:nts 1 en même temps que cette objectivité s'engendre•
s'y Comme on voit, cette approche indirecte, médiate, de la cons- :1

naît J ••i
1
1 cience, n'a rien à voir avec une présence immédiate à soi de la cons-
sur l
• cience, avec une certitude immédiate de soi à soi-même.
nee 4
'
1
Mais, à peine avons-nous attesté la spécificité de l'objectivité
.~
lme ~
• économique, politique, culturelle et celle des sentiments humains
vité •
l

1
qui s'y rapportent, que nous avons à refaire le trajet inverse et à
)
montrer l'investissement progressif de ces régions de sens par ce i' 1 1

1 •! 1
que Freud appelle les« rejetons de l'inconscient»: les trois sphères 1'

~
• :1
1 ce que nous avons parcourues relèvent, comme toute la vie de civilisa- : ;

.ans tion, d'une histoire des pulsions; aucune des figures de la phénomé-
• '

nologie de l'esprit n'échappe en vérité à l'investissement libidinal
•'lOD
.lité 1 et par conséquent aux possibilités de régression. inhérente à .la
me, situation pulsionnelle. Nous esquisserons très rapJd~mcnt la dza-
nee lectique des deux herméneutiques au niveau de l:avOJr et du pou-
• voir, afin de réserver une analyse plus approfondie au symbohsme
SOl 1

de 1
de la sphère proprement culturel!e. . . . , . .
ets, ~1
Freud propose une interprétatJO~ hbtdt~al~ de 1~votr 9u1 est
de parfaitement compatible avec une mterpretatton qUI .resht~~ sa
spécificité à la sphère économique, au sens de r économie polttt.que
Iles
Iles
1 bien entendu. On connaît les tentatives de F~e~~ et des freudiens
pour dériver les relations en apparence non ltbtdmales a~ .~~Jses
pas
: n• r; et aux hommes des stades successifs que par~oalurtF a 1 0
:1 à
1res
l
1•
stade oral stade' anal stade phallique, stade gémt · reu 1?~1e
~
' 23 ~r désigner cette transposttton
ans de cc conversion » vnsetzung. pour · ouènes sur des objets
des émois pulsionnels de ~er:al?es don: ~~nte à Abralzam l'idée
jets
des
1 1 en apparence étrangers. Amst Freu e P « le déplacement de

tse,
:.l
• • que .la dépréciation. des excrémdents tf.r~~~:eptibles d'être consi-
cet l cet mtérêt compuls10nnel sur es o ~e •

rels i1
• ro6·7i S. E. XXII, p. Joo-1; tr. fr.,
·ont • :&J. NoutJelles Conflrtncll, G. W. xv, P·
l p. 137·8.
.ant j· ,f:
1
•.•••
'• ..,,•.
1
1 .,
l 1

t
....

DIALECTIQUE
•1

dérés comme des cadeaux... Plus tard, et grâce à un changement d


de signification entièrement semblable à celui que présente le
développement du langage, l'ancien intérêt se con~ertit dans ~ne p

valorisation de J'or et de l'argent, tout en contribuant auss1 à 1 cc
l'investissement affectif de l'enfant et du pénis ... Si l'on ignore r Qi
ces relations profondes, il est impossible de comprendre les fan- '•

la
tasmes, les idées influencées par l'inconscient et le langage sympto- •
c'
matique des hommes. Excréments - argent - cadeau - enfant, e:
sont traités ici comme ayant même signification et sont même •• st
••
représentés par un commun symbole >> C'est dans les mêmes termes p
que Freud parle de la « formation du caractère >> à partir des phases 1 cc
'•
prégénitales de la libido et qu'il· rapporte à l'érotisme anal la triade l e1
/
de l'ordre, de l'économie et de l'obstination : « Nous parlons donc 1
• c:
d'un caractère anal, là où nous rencontrons cette conjonction (
p
~
surprenante, et nous plaçons le caractère anal dans une certaine 1 s~

opposition à l'érotisme anal non retravaillé 24• >> ; •


lC

Cet exemple est très remarquable, car il permet de montrer du ·1. rJ
doigt, à la fois le bon droit et la limite de validité de ce genre d'inter- 1.
• c
prétation. L'interprétation freudienne fournit en quelque sorte une 1 la
hylétique des affects Ue prends ici la hylé ou << matière » au sens l p.
husserlien du mot 25); elle permet de faire la généalogie des grands 1

affects humains et d'établir la table de leurs arborescences; elle '

••
•1
ti
é1
vérifie ce que Kant avait entrevu, lorsqu'il disait qu'il n'y a qu'une
seule u faculté de désirer »; c'est du même amour, dirions-nous, 1 Sl
l.
que nous aimons l'argent et que, enfant, nous avons aimé nos • le
excréments. Mais, en même temps, nous savons bien que ce genre l!
le
• •
1
d'exploration dans les substructures de nos affects ne tient pas 1'
1(

lieu d'une constitution de l'objet économique. La genèse régressive l F


de nos ~m?urs .ne remplace pas une genèse progressive portan~ rr
1
sur les s1gmficat1ons, les valeurs, les symboles. C'est bien pourquoi d·
Freud parle des << conversions de pulsion ». Mais une dynamique q
des investissements affectifs ne peut rendre compte de la novation, d
r(
de la promotion de sens, qui habite cette conversion. 1
J.e dirai la même chose du politique, où nous avons reconnu une
1 u:
rég10n spécifique du lien interhumain et une couche originale .1 eJ
1
1
b:

'
1

24. Nouvellts Conflrmus, ibid. 1 •

25. Husser!, /dies 1, § 8s, 97. Il est à remarquer que chez Husserl les mots 'i

Forn_r_ung, Memun!I, D~tung d~signent le rapport de la visée intcntionnc~le à la


mauere; la premtère ' mterprete • la seconde comme chez Aristote le dtscours
est l'!nterprète (her.~èneïa) des affections (p~thê) de l'Ame. Le rnpprochement
1•
p.
est .d autant plus sa.tawant que chez Husserl la hyl6 est autant affective que sen-
aonelle.
J.

·'
•1
)

l
~•

!'
1

~~

1
1

'• 11
HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLB
~. 1
1
d'obj~ts spirituels. I~ estifparfai~ement possible de cumuler, sur .' .
; 1

.
ce ~em~ corn!?1exe au~ct '.une mterprétation par les figures de la '
phenomenologte ~e 1espnt et une interprétation du genre de
celle que F re~d elaborait en 1921, dans Psychologie collective et ''
analyse du m?'; la .fameuse <~ suggestion » derrière laquelle s'abritait
la psychologie sociale du debut du siècle est annexée à la libido ·
c'est l'Éros, proclame-t-il << qui fait tenir ensemble tout ce qui
existe dans le monde 26 ». Et d'écrire hardiment un chapitre sur la
structure libidinale de l'armée et de l'église. Que ce genre d'entre-
t.
prise n'atteigne jamais le niveau d'une analyse structurale de la ::
.
communauté ne doit pas nous étonner; c'est le lien concret au chef 1

et l'investissement homosexuel qui sert de guide ici; et l'Idée, la


cause qui pourrait lier la communauté, l'institution elle-même, ne ' '•
peuvent paraître que comme dérivées du lien personnel, en pas- "
sant par l'intermédiaire du chef invisible : << Nous nous trouvons
ici, accorde Freud, en présence de pulsions amoureuses, qui, sans
rien perdre de leur énergie, ont dévié de leurs buts primitifs 21• , •
••
Cette impuissance d'une simple psychanalyse du chef à atteindre "
1:

la constitution fondamentale du lien social n'empêche point l'inter- .!


l j

prétation d'être extraordinairement pénétrante.


C'est à l'identification qu'une fois de plus ce genre d'investiga-
tion ramène invinciblement; c'est même à l'occasion de cette
étude que Freud, comme on sait, a éc~it .son é.tud: la pl~s !mportante
sur l'identification (chap. vu); « A.zns! ~vuag~e, ecnt-Jl, une col~
lectivité primaire est une somm~ d'zndwt~us qut ~t tous remplace
leur idéal du 11WÏ par le même objet, et qlll, en conseque~ce, se so~t
identifiés les uns aux autres dans leurs propres. mot ~· » Mats
Freud lui-même désigne les limites de son en~rep:"Se.: c est. fin~le­
ment moins la promotion du groupe comme mstttution qlll releve
de son investigation que les caractères régressifs de. la foule, tels
que Le Bon les dénonçait au début de c~. si~cl.e, à sa~01r «.le manque
d'indépendance et d'initiative chez 1mdtvtdu, ltdentJté dd' ses
réactions avec celles de tous les autres, sa desce~t~ ~u rang u~~
unité de la foule ». au niveau de la foule, constderbee comd~~ hi
ensemble « abaissement' de 1,act1v1te
· · •m
· t eIl ectuelle, a sence m . -
bition de' l'affectivité, incapacité de se modérer et de se retenU',

d11 moi G W xm P xoo; S. E. mu,


a6. Psycltologie eollectfo• et analyse • ' ' ' •
p. 92: tr. fr., p. aoz. E mu P 103 • tr. fr,, p. us.
27. Ibid., G. W. xru, P· 11 3; · i xvm' P. u6! tr. fr,, p. 130.
5
aS. Ibid., G. W. xm, p. 1:&8 ; 5 • • • '

493
• ••
...,..•
.,••...

-'



1
DIALECTIQUE • 1

••

tendance à dépasser dans les manifestations affectives toutes les . 1


29
limites et à les décharger entièrement dans l'action • »
Lors même qu'il étend ses recherches à ce qu'il appelle << les !
collectivités artificielles >> - armée ou église - , c'est encore dans ]
le prolongement des liens libidinaux qui unifient une foule ou l'hypo- • 1
1
thétique horde primitive que se dévelo~pe l'explic~tion : « Le '
caractère inquiétant, coercitif des format10ns collect1ves, tel qu'il l
• j
se révèle dans leurs manifestations suggestives, peut être expliqué 1

avec raison par le fait qu'elles descendent de la horde primitive. 1•


C<
Le meneur de la foule incarne toujours le père primitif, tant redouté, 1 dt
1
la foule veut être dominée à nouveau par une puissance illimitée, J pl
elle est au plus haut degré avide d'auto~ité ou, pou~ ~ous servir de 1 1 fr·
l'expression de M. Le Bon, elle a soif de soumtsston. Le père l re
primitif est l'idéal de la foule qui domine l'individu, après avoir 1
pris la place de l'idéal du moi 30• n Et de conclure : « Nous recon- ' m
pl
naissons que la contribution que nous apportons à une explication Cl•

de la structure libidinale d'unP. collectivité se ramène à la distinc- 1


et
tion entre le moi et l'idéal du moi et, consécutivement, à deux variétés 1l ex
d'attaches, l'identification et l'installation d'un objet [libidinal , ne
extérieur] à la place de l'idéal du moi 31 • >> l•
Mais, si l'on demande à la psychanalyse ce qui fait la spécificité 1 j Rt
du lien politique comme tel, il ne lui reste d'autre ressource que !
1
d'invoquer une « déviation >>, un u détournement >> de but. 1
• tn
Et Freud, dans ce même texte, avoue qu'il n'est pas « facile le
de rendre compte de cette déviation du but conformément aux ap
exigences de la métapsychologie 32 ll. Et il ajoute : << Nous pouvons, 1 Fr
si nous le voulons, voir dans cette déviation de but un commen- qu
cement de sublimation des pulsions sexuelles ou reculer encore . tio
davantage les limites de celles-ci aa. )) N'est-ce pas plutôt l'indice 1 de:
que la sublimation est elle-même un concept mixte, qui désigne ;,l die

• à la fois une filiation énergétique et une novation de sens ? la filia- l de
tion énergétique atteste qu'il n'y a jamais qu'une libido et seule- i qu•
ment des .destins variés de la même libido, mais la novation de ·'l ce
sens reqmert une autre herméneutique. 1
•• « cc
J
1 nol
' ava

1
1 ma
1 de
29. Jb~d., G. W. xm, p. 129; S.E. xvm, p. n7: tr. fr., p. 131. ll épc
30. lb~'d. G. W. xm, p. 142; S. E. xvm, p. 127; tr. fr., p. 143. 1
j
JI. lbt.d. G. W, xm, p . 145; S.E. xvm, p. 130; tr. fr., p. 146. 1 3·
32. lb1d., G. W. xm, p. 155 (Zic:kzblenlnma) • S E XVIII p 1 38· tr. fr., p. 156. p. 1
lb 'd 6 ' • • ' • '
{
33· ' •

494
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1

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.• HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE tl• 1


les 0
f
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• ' .•
les
1ns
1
' 3· REPRISE DIALECTIQUE DU PROBLÈME !/
J:
:j l
Jo- 1
DE LA SUBLIMATION
Le ' ET DE L'OBJET CULTUREL
' 1. 1

J'il l

.• ..
••

1
[Ué •
"1'
1

.J J

ve. j Je voudrais m,ontrer maintenant, sur un exemple bien choisi,
1
.
comment une ex~gèse des ..symboles appartenant au troisième c de
.. ~

.te, .l• tl •
~

ée, du Suc~en humam peut etre menée sur ce mode dialectique~ Je 1


l •
1

1 pren~rru cet exemp_Ie da?s la ~phère esthétique où l'interprétation


de
~re 1
l
fre!-l~enne ,est moms reductrice que dans celle du symbolisme
:1


t
rehg~eux. C ~st là ~n effet que l'identité profonde des deux hermé-
1
0

OU'
m-
1

u ' neutiq~es,, regress1ve et prog~essive, peut être montrée avec le .r

q •'
1 ;

on '' P.lus d év~dence et.. de force. C est là que la téléologie de la cons- •


;1

le- l Cience d01t app~ra1tre dans le fi.ligrane de l'archéologie elle-même, 1


• 1'
j

• et le télos de 1 aventure humame s'annoncer dans l'interminable .


;. !..
l1 ,
tés exégèse des mythes et des secrets enfouis de notre enfance et de
lal , 0

notre narssance.
J . ""
Cet exemple privilégié, cet exemple exemplaire, sera l'Œdipe-
ité 1'
'1•
1
Roi de Sophocle.
ue La tragédie de Sophocle a ceci de remarquable qu'elle est cons-
1

<
1
truite sur un fantasme que l'interprétation des rêves connaît bien,
ile 1 le fantasme dans lequel nous vivons le drame infantile que nous
1
JX appelons précisément œdipien. En ce sens, on peut dire avec
1
lS, Freud qu'il n'y a rien de plus dans l'œuvre d'art créée par Sophocle
n- ! qu'un rêve. C'est pourquoi Freud écarte dès le début l'interpréta-
re .
ce l
l •
tion. classique selon laquelle Œdipe-Roi serait une ~ragédie du
destm, construite sur le contraste entre la toute-pUissance des
1e l dieux et la vanité de l'effort humain brisé par le malheur. Ce type
l
de conflit, pense-t-il, ne touche plus .le spe~tateur J?Oderne, alors

a- l'
e- ,, ~
1 que celui-ci est encore ému par Œdrpe-~oz. Ce q~1 nous émeut,
ie l ce n'est pas le conflit du destin et de la liberté, ma1s la natur~ de
.l u ce » destin que nous reconnais~ons sa_!ls le con!laître : «Sa destmée
~ nous émeut, parce qu'elle aurait pu etre la notre, parce que, dès
avant notre naissance, l'oracle a prononcé contre nous cette m~me ••

1' malédiction ac » Et de rapprocher la légende et le drame des reves ..~- j


If'
1

1

1
•• de même nature · qui nous indignent. « Œd'1pe qut· tue son père,
épouse sa mère, ne fait que réaliser un des vœux de notre enfance...
f:l'
•''
'1' G W 1 J' P ..69'
34· Vlnterprltation des !Uues, • . u 1 , • • '
s • E• lV• p. 262; tr. fr,,
6. j
p. 198 (145)·
1
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495
1'
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,...••·.~
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1 .•
1
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• 1 •
DIALECTIQUE

Nous nous épouvantons à la vue de celui qui a accompli le souhait


de notre enfance et notre épouvante a toute la force du refoule-
' ment qui depuis' lors, s'est exercée contre ces désirs 35• » Comme 1

dans le rêve, la scène est accompagnée d'un sentiment d'horreur


par lequel nous satisfaisons à la ~ensure, tout en r,endant le rêve 1

lui-même acceptable : « Il faut, d1t Freud, que la legende apporte •
l'épouvante et le châtiment dans son contenu même 36• ,, Ainsi

le fameux phobos tragique exprimerait seulement la violence de •


notre propre refoulement contre la revivisce!lce de ces désirs
infantiles. Et Freud d'ajouter : << Le reste provient d'une élabora-
tion secondaire et d'une méprise 37 »; c'est sous cette rubrique •
••
désinvolte qu'il place l'interprétation théologique, concernant le 1
l
conflit de la Providence et de la liberté.
••
C'est alors que nous sommes enclins à opposer une seconde
interprétation, qui est en réalité contenue dans la précédente, parce
que le symbole œdipien est lui-même surdéterminé. . ..
Cette autre interprétation ne concerne plus le drame de l'inceste
et du parricide, drame qui a déjà eu lieu quand la tragédie com- •

mence, mais la tragédie de la vérité. Il apparaît que la création de
Sophocle ne vise pas à ranimer le complexe d'Œdipe dans l'esprit des
spectateurs; sur la base d'un premier drame, le drame de l'inceste t

et du parricide, Sophocle a créé un second drame, la tragédie de la
conscience de soi, de la reconnaissance de soi-même. Du même
coup Œdipe entre dans une seconde culpabilité, une culpabilité
• adulte, qui s'exprime dans l'arrogance et la colère du héros; en
maudissant, au début de la pièce, l'homme inconnu qui est res-
ponsable de la peste, Œdipe a exclu que cet homme pût être lui-
même. Tout le drame consiste dans la résistance et dans la défaite
de cette prétention. C'est pourquoi Œdipe doit être brisé dans •
.• ·' son orgueil par la souffrance; cette présomption, ce n'est plus 1

•.
.• le désir coupable de l'enfant, mais bien l'orgueil du roi; la tragédie
n'es~ pa~ la tragédie d'Œdipe-enfant, mais d'Œdipe-Roi. Par cette '
••
passion Impure à l'égard de la vérité, son hybris communique avec •
.•
ce,He de Prométhée,: c'est le zèle du non-savoir qui le mène a.u
desastre. Sa faute n est donc plus dans la sphère de la libido, mrus
dans celle de la conscience de soi : c'est la colère de l'homme comme
puissance de la non-vérité. Ainsi Œdipe devient coupable par I.e

moyen même de sa prétention à se disculper d'un crime dont il •
n'est pas en effet coupable, au sens éthique du mot. '
(

35· L"Interprll4tion des RhJes, ibid.


36. Ibid. .

37· JbiJ. •
1
••

••

J

HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE
~ou hait
Il est donc pos~ible d'ap~li~u.er au drame de Sophocle ce que
.efoule-
. .omme • nous avons appele ~~e anttthettque de la réflexion; on pourrait
illustrer cette opposttlon des deux drames et des deux culpabilités
torreur en disant que le ~rame initial, celui qui est justifiable de la psycha-
le rêve 1

nalyse, a pour repondant le sphyn:c, qui représente r énigme de la
:pporte • naissance, source, selon Freud, de toutes les curiosités enfantines
• Ainsi t tandis que le drame de second degré, celui que Freud sembl~
nee de réduire au rôle de l'élaboration secondaire, voire à une méprise
désirs -bien qu'il constitue la tragédie véritable- a pour répondant le
labora- voyant Tirésias. Dans le langage de notre antithétique, le sphynx
.brique représente le côté de l'inconscient, le voyant le côté de l'esprit.
1ant le l Comme dans la dialectique hégélienne, Œdipe n'est pas le centre
1
• d'où la vérité procède; une première maîtrise, qui n'est que pré-
econde • tention et orgueil, doit être brisée; et la figure d'où procède le
, parce vrai, ce n'est pas la sienne, mais celle du voyant, que Sophocle

4 • précisément appelle la « force de la vérité 38 ». Et cette figure n'est
mceste plus une figure tragique; elle représente et man~~te, ~a vi~ion. de·
! corn- la totalité; le voyant, parent du fou de la traged1e ehsabcthame,
:ion de serait plutôt la figure de la comédie au sein de la trag~die, figure •

>rit des qu'Œdipe ne rejoindra qu'à travers la s~uffrance. L:e ,hen s?u~er-

mceste rain entre la colère d'Œdipe et le pouvotr de la vénte est ams1 le
ede la noyau de la tragédie véritable. On P?urrait dire.que ce noyau n'est
"
meme pas le problème du sexe, mais celut de la l';lm1è~e. Le v?yant est
,abilité aveugle quant aux yeux de la chair, mais tl volt le vrat ~ans la ·'.•
os; en lumière' de l'esprit. C'est pourquoi Œdipe, voyant la lur~uère du
st res- jour, mais aveugle sur lui-même, n'accédera à la co.nsc•ence de
:re lui- soi qu'en devenant lui-même le vo~ant-aveug.le : nUl.t des se?S,
défaite nuit de l'entendement nuit du voul01r : plus nen à v01r, plus nen
~ dans
.
à atmer .
plus nen ' on putsse
dont · · · u Cesse d'être un
prendre JOie.
maître, 'décoche durement Creon, ,
1

;t plus ••
1a mat•tns
· e que tu exerças toute
·agédie ta vie ne t'est plus d'auc!-ln .s7cours; , . ·. mais il faut main-
r cette •
Telle est la lecture anttthet•que d Œd~fe·~~~ 'même du symbole
tenant fondre les deux lect.ures da:s d ~ 01·t Je partirai d'une
•1
1e avec ·1
~ne au


• et de son pouvoir de dégu1ser et e. ev~• ~~·concerne, non plus
•, mats • remarque de Freud que nous a.vons omised\ 1 ~u'elle est identique à
:omme la cc matière ,, du drame, dont ~1 nou~ estd drame . « La pièce, dit-
celle du rêve 89, mais l' élaborattoÏ ~erne u essive ·et très adroite-

par le •
• 1•
iont il '•
· n'est autre chose qu •une reve
tl ' ' atton progr h al du fatt·
J

1
'
ment mesurée - comparable à une psyc an yse -

38. Sophocle, Œàr"pe-Roi, vers 356. 2 . tr. fr., p. 199 <••s>·


39· G. W. 11/111, p. a69; S. E. av, p. 63 ' '
• 1
l

• 497 1

'•
~

l'• 1

'.

' 1
DIAI.BCTIQUB

'
qu'Œdipe lui-même, le meutrier de ~aïos, est. aussi le fils de la
victime et de Jocaste 4o. » Or, nous 1avons dtt, la psychanalyse
1
comme action thérapeutique, comme procès de la conscience
• doublée fait revivre toute l'histoire du Maître et de l'Esclave. Dès
lors l'in~erprétation analytique, en tant qu'elle est .elle-même lutte

1
pour la rec~nnaissanc~, et don~ lutte pour la vér_Jté, mouvement
de la consc1ence de sot, figure 1 autre drame, celut de la colère et •
• de la non-vérité. C'est pourquoi Freud lui-même ne se contente
'
pas de dire qu'Œdipe « r.é~lise un des vœux d~ notre enfance •;
cela c'est la fonction « omnque du drame ». Il aJOUte : << Le poète
.: en dévoilant la faute d'Œdipe, nous oblige à regarder en nous~
• •
même et à y reconnaître ces impulsions qui, bien que refoulées ' •

existent toujours. La confrontation sur laquelle laisse le chœur


-Voyez cet Œdipe, qui devina les énigmes fameuses. Cet homme tres
puissant, qui est le citoyen qui ne regardait pas sans envie sa pros-
périté? Et maintenant dans quel flot tet rible de malheur il est précipité 1
- cet avertissement nous atteint nous-mêmes et blesse notre
orgueil, notre conviction d'être devenus très sages et très puis- 1
sants depuis notre enfance 41• » Que Freud n'ait pas clairement
distingué, de la simple reviviscence des désirs infantiles sur le · •
mode onirique, « cet avertissement » qui conclut le drame de la c
vérité et s'adresse à l'homme adulte en nous, cela est certain; c'est 1
1
pourquoi il fallait user d'une méthode antithétique pour faire
surgir cette double fonction du drame de Sophocle. Alors seule- i 1
ment peut être aperçue la nécessité de dépasser la scission. I
A cet égard, le symbole créé par Sophocle est particulièrement ]
remarquable et saisissant; l'étonnant, en effet, c'est que ce soit ...c
pré~isément sur le mystère de la naissance que le drame de la 1 7.

vénté se !loue; en retour, la situation œdipienne se révèle immédia- : (

tement nche de toutes les harmoniques « spirituelles »que déve· ~



loppe le procès de la vérité : curiosité, résistance, orgueil, détresse, ' t
'• sagesse. E~tre la question du père et la question de la vérité, une : c
secrète alhance est nouée qui réside dans la surdétermination du ~
symbole lui-même. Le père, c'est bien plus que le père; et laques· . 1:
t1on du père, c'est bien plus qu'une interrogation sur mon père; ! c
le père, après tout, n'est jamais vu dans sa paternité, mais seule· j c
ment conJecturé; tout le pouvoir de questionner est enveloppé : d
1 le
40. G .. W. n, m,, p. ~69; S. E. tv, p, 263; tr. fr., p. 199 (145). . '1
4
1
c
41. lbtd. -Sur 1 Œd1pe du fantasme, du mythe et de la tragédie, cf. C. Stem, 1
1 n
•. Notes sur la mort d'Œdipe. Préliminaire à une anthropologie psychanal~­ •
1l (
taque • R ev.fr. de Psa, XXIll, 6, 1959, p. 73S·7s6. Cl. Uvi-Strauas, AntiJropo/ogtl
llructurale, Plon, 1958, chap. XI. ! tJ
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1

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·- ···--.. --...a.. . V-~


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HERMÉNEUTIQUE. : LES APPROCHES DU SYMBOLE


• de la •
1

malyse dans les fantasmes de cette conjecture. La symbolique de l'engen-



•ctence drement ~nyeloppe .toutes les q'!es~ons concernant génération, .
·e. Dès genèse, ongme! surgtss~ment. Mat~ ~~ le drame œdipien, celui de -


l'enfant, est déjà en pUissance tragedte de la vérité, il faut dire en !
e lutte 1

·ement sens inverse que la tragédie de la vérité de Sophocle n'est pas super- •
. •
Ière et posée au drame de l'origine; elle n'a pas, pour parler comme Freud 1

ntente une autre « m~ti~re ». qu~ le rêve. La ~ragédie de ~econd rang appar~
nee»; tient à la tragedte pnmatre, comme 1atteste le denouement ambigu
poète, •
et lui-même surdéterminé. C'est le crime œdipien qui culmine •'
1
nous- dans le châtiment, et c'est la colère de la non-vérité qui accomplit •

• ce châtiment en forme de mutilation. Ce qui est punition dans la •
'oulées •

'
chœur tragédie du sexe est le chemin de la nuit des sens qui termine la
ne très tragédie de la vérité. Et si l'on remonte de la fin vers le commen- 1

r pros- cement, c'est la résistance issue de la situation œdipienne et de la ..l


cipité 1 dissolution du complexe infantile qui confère son énergie à la
notre colère du roi dirigée contre le voyant. 1



pUlS• L'exégèse de l'Œdipe-Roi de Sophocle nous permet maintenant
ement ' de compléter l'analyse parallèle de la sublimat,ion .et de l'objet .
sur le culturel qui en est en quelque sorte le corréla~ noemattque. . . '
1

Nous avons amorcé l'interprétation dialect~que de la sublimation •


de la dans les deux registres de l'avoir et du pouvo1~,.et aperçu son carac-
· c'est .. tère profondément antithétique : c'est, d1stons-nous, sur des
·' faire affects appartenant à des stades libidinaux différents que no~
seule- ; formons les sentiments et les significations correspondant~ qUI
'
·1
:.'1
nous incorporent à un ordre é~onomiq_ue et à un ordre P0! 1t!que. '.
ement L'exemple d'une création ausst exceptiOnnelle que la trag~~e de 1 1
e s01t• Sophocle révèle plus qu'une antithétique; elle monye, sur œuJ~e 1
de la
. !'

• même l'unité profonde du déguisement et du dévot emtnt, sce e
dans ia structure même du symbole de':en'! ?bjet c~ll~uredéti ue sur
•'
nédia- J
1
1 '

déve- !
Il devient alors possible de situer ~om~qud: rêv! et ~éation >:
:cesse, '

une même échelle symbolique : pr~ ~~~ 10 de cette échelle, selon . '
~~
~. une
d'œuvre d'art figurent les deux extrerll! es ent ou le dévoilement,
:>n du 1
que prédomine dans le sy~bole le dégu}sem ule ·e tente de rendre •
••
ques· . ••
la distorsion ou la révélation. ~ar cef:e 0 ~~xist~ entre le rêve et la 1
1
père; .•1
. compte à la fois de l'unité fonctt~ne e qutépare un simple produit .1

seule· ' création et de la différence de v eur qut 5 fbles de s'inscrire dans
l
:loppé • de nos songes des œuvres durabl~, ésu~~pr~ve à la création il '! a
11 le patrimoine culturel de l'humamt · déguisement et dévoile- .


Stem,
•1 continuité fonctionf!e~le, en ce se~s d~~s une proportion inverse. •

ment y opèrent conJomtem.ent~ mrus


1
,analy-• 't• de rune à l'autre, par J
C'est pourquoi Freud est JUStl~éf:à. pderLa Création littéraire et
J

pologrl i 1
1

!• transitions msensibles, comme il a1t ans .1



.t
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499 . • 1
.J
• '• ...•••
1
1
...~ · •
! •••
'
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' '•

,

DIALECTIQUE

le rêve éveillé':a. Passant du rêve nocturne à la rêverie, de celle-ci


au jeu et à l'humour, puis au folklore et a,u x lég~ndes, enfin aUJt :
œuvres d'art, il atteste, par cette espèce d analog!e de proche en •

proche que toute création relève de la même fonct10n économique


opère ia même substitution de satisfact~on que le~ formations d~
compromis du rêve et de la névrose.. Mats la ques~10n reste posée : ,
1

une économique peut-elle rendre ratson de la prevalance progres-


sive à travers l'analogie fonctionnelle, d'un pouvoir mythico-
poé~ique qui place l'onir~q~e dans le voi~inage d~s créations du
verbe, elles-mêmes enracmees dans les htérophames du sacré et l
dans la symbolique des éléments cosmiques ? De cette autre fonction ,
Freud ne reconnaît qu'un aspect très partiel sous le titre de la • 1
u séduction esthétique » qu'il ramène au plaisir purement formel, J
produit par l'arrangement des matériaux, par la technique de (

l'œuvre d'art; cette « séduction » est elle-même incorporée à l'éco- (

nomie du désir en tant que plaisir préliminaire : « On appelle )


prime de séduction, plaisir préliminaire, un pareil bénéfice de 1

(

plaisir qui nous est offert afin de permettre la libération d'un c


plaisir plus grand, émanant de sources psychiques bien plus pro- (

fondes a. » Ainsi le cadre économique de l'explication contraint (

à rabattre sur une << hédonique )) toute l'analyse que Kant avait •
(

élaborée sous le titre du Jugement de Goût. Freud rend bien compte 1
I
de l'unité fonctionnelle du rêve et de la création, mais la différence {
.
qualitative, la différence de << but » qui dialectise la pulsion, lui : c
échappent; c'est pourquoi la question de la sublimation reste
non-résolue. a
Nous comprenons ainsi en quel sens il est vrai, et en quel sens g
il n'est pas vrai, que l'œuvre d'art, création durable et mémorable d
de nos jours, et le rêve, produit fugitif et stérile de nos nuits, sont .11' s
des expressions psychiques de même nature. C'est une même
\

i
d
• v
hylétique, une même matière du désir, qui en assure l'unité; '
mais c'es~ la promotion des figurt!s de l'esprit qui entraîne ce que 1 l'
Freud lm-mê~e appelle « conversion de but », << déplacement n

• Sl
de but», « subhmat10n ». Nous rapprochons ainsi Freud de Platon, 1 le;
du ~laton de /~ et. du Banquet, posant l'unité foncière de. la 1
d
J.
poéttque et de 1érot1que, et replaçant la mania, le délire philo- •
n
1 IT
ne
42· <;:!. _ci.-deasus Analytique, partie, chap. 1, p. 166-168. Sur les rapporU 1
fi·•
entre 1 onmque et le poétique, cf. P. Luquet , Ouvertures sur l'artiste et la l
j
psychanalyse; la fonction esthétique du Moi , , Rev. fr. de Psa., xxvn, 6, 1963, j d·
P· 5~5-618 i 1~ travaux de la Décade de Cerisy, aur Art et Psyclumalyse, l 1 pt
parnatre prochamcment. 1
( 8)
43· G. W. vu, p. UJ, S. E. IX, p. 153; tr. fr.• p. 81.
l1
soo ••

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...-_.
......_... ..,.....
_,.~ _ V.-~


1

, 1
'•
1 HERMÉNEUTIQUE : L~ APPROCHES DU SYMBOLB
elle-ci •.
sophique, dans l'unité multiple de tous les délires et de t 1
r
0

n aux •
transports. C'est dans sa structure intentionnelle que le ;~
he en

5
enveloppe à la fois l'unité d'une hylétique et la diversite' quali!llt t? e .•
11que,
ns de .
· • et d es mtent10ns,
des v1sees · · se1on que prédomine en lui le déa tve ·-

osee:
1 sement de sa hylé ou le dévoilement d'un autre sens spiri:;
)gres-

Si le rêve reste une expression privée, perdue dans la solitude d~ •

sommeil, c'est qu'il lui manque la médiation du travail qui incor-


thico-
ns du por~ le fan tas~~ à .un matériau.du~ et .le communique à un public.
Ma1s cette med1at10n du travatl d artlsan et cette communication
:ré et ne viennent qu'à des rêves qui, en même temps, véhiculent des

1ctton valeurs capables de faire avancer la conscience vers une nouvelle
de la • compréhension d'elle-même. Si le Moïse de Michel-Ange, l'Œdipe- •

•rmel, 1 Roi de Sophocle, l'Ham/et de Shakespeare sont des créations, c'est


1e de dans la mesure où elles ne sont pas de simples projections des
l'éco- conflits de l'artiste, mais aussi l'esquisse de leur solution; c'est
)pelle parce que, en lui, le déguisement prédomine sur le dévoilement,
ce de que le rêve regarde plutôt vers l'arrière, vers le passé, vers l'enfance.
d'un C'est parce que, en elle, le dévoilement prédomine, que l'œuvre
pro- d'art est plutôt un symbole prospectif de la synthèse; personnel~e
traint • 0

et de l'avenir de l'homme et pas seulement un symptome régressif


avait ' de ses conflits non résolus. C'est pour la même raison que notre
•mpte 1 •
plaisir d'amateur n'est pas la simple reviviscc~ce, ~ême or~~
renee d'une prime de séduction, de nos propres con~tts, mats le pl~tsJr 1 .1
..
1, lui : de participer au travail de la vérité qui s'accompht à travers Je heros. l

reste En accédant ainsi à runité intentionnelle du sym~ole, nous


avons surmonté ce qui restait de distance entre régresston et p~o­
sens gression Régression et progression désormais représen~ent moms
·rable '• deux pr~cessus réellement opposés que les termes ~bstra1~ prél~vés
sont ! 1
sur une unique échelle de symbolisation do!lt tls dés•gnenue~t
A

neme
\

l deux limites extrêmes. Le rêve lui-même n'est-il pas un coémpr~m1s


.mte; i var1able entre ces deux 10nct10ns,
~ · selon que l'aspect n'1 vrottque
• 1 ' o
t lui
~ que l'incline vers la répétition et l'archaïsme, ou. se1on qu 1• e~ of
ment • même sur le chemin d'une action thérapeut1qbue exe!~ee ~~~
aton, • •
sur so1. ? Inversement est-1.1 un seul ,grand o1e conflits
h - sym des cree paret des'
le la l la littérature, qui ne plonge dans 1arc 3!sm~ Les fi ures les plus
hilo· !• drames de l'enfance individuelle ou collective euv:nt engendrer ..

..•.
novatrices que l'artiste, l'écrh:ain ou 1dprs~ri~vesties dans des ! ~.~ ~1
,porU
1 mobilisent des énergi~ ancten~~s, a orfi ures comparables à
!
~ • 1

et la
1963,
1
1
1
i
!
figures archaïques; mats en mo~thsa~t ces 1 cré~teur révèle les
des symptômes oniriques ou n vrot!quesd enus et les érige en
:
1
:

.11 ...• .~
• 1
•f
#
1
1

1
yse, l 1 possibles les moins révolus, les moms. a v de ~i. i1
1 symboles neufs de la douleur de la conscJence
1
l
1 f:
', .
1• SOl ••
...
. ~·

Il'
1


••



• •
DIALECTIQUE

•• Mais de même qu'il y a une échell~ dans l'onirique! peut-être y 1


a-t-il aussi une échelle dans le poétique. Le surréahsme montre 1
.• assez bien comment le poétique peut se relancer dans 1: onirique, c
voire tendre vers un mime de la névrose, lorsque la créat10n esthé..
• tique donne libre cours aux fantasmes de l'obsession, s'organise •
1
.
t sur des thèmes de répétition ou même régresse à l'écriture auto.. (
.' j
matique. Ainsi, n~n seu,lement l,'œuvre d'art et le rêve seraie~t 1
situés aux extrémités d une umque échelle du symbole, mats
chacune de ces productions concilierait, selon un rapport inverse,
l'onirique et le poétique. (
Seule une étude de ces relations concrètes, de ces échanges 1
.
•1

d'accent et de ces inversions de rôles, entre la fonction de déguise.. 1


ment et la fonction de dévoilement, pourrait surmonter ce qui 1
demeure abstrait dans l'opposition même entre régression et c
progression. Du moins avons-nous laissé apparaître que c'est
1
désormais u sur » le langage et « sur '' la fonction symbolique de ce ]
langage que cette dialectique concrète doit être élaborée. !
A cette structure dialectique de la sublimation correspond une J
structure semblable de « l'objet culturel '' qui en est le vis-à-vis. J.
Ces objets relèvent de la troisième sphère de sentiments, celle (
que nous avions appelée la sphère du « valoir »; ces sentiments nous \
.
1
avaient paru constituer une région de sens irréductible à une éco- j
nomie politique et à une politique: ce n'est plus seulement dans les (

rapports du moi au mien, dans les relations d'appropriation, f


(

d'expropriation mutuelle, éventuellement d'échange, de partage (


1
et de don, que se joue la prise de conscience; ce n'est même plus • f
dans les relations de domination et d'obéissance, éventuellement de 1
hiérarchie, de partage d'influence; c'est dans une recherche d'estime •'•
1
(

mutuelle, d'approbation, que se poursuit la quête de reconnais- 1 (
1
sance. Mon existence pour moi-même se rend ainsi tributaire ~l (

d'une constitution dans l'opinion d'autrui; le soi est ainsi reçu 1 s


(
dans l'opinion d'autrui qui le consacre. Or cette constitution •
mutuelle par opinion est encore guidée par des objets, mais par des •• I

objets qui ne sont plus des choses, comme le sont encore les biens, ••• 1

les marchandises, les services dans la sphère de l'avoir; il n'y •1 1

correspond même plus des institutions comme dans la sphère l (

du pouvoir; ces objets sont les monuments et les œuvres du droit, !


~e _l'art, de la littérature, de la philosophie. C'est dans cette objec- 1
l

tlvtté d'.un nouveau genre, l'objectivité des objets culturels propre- ~

men~ ~~ts, ou d~ cc œuvres », que se poursuit la prospect1on ~es 1.


posstbthtés de 1 homme; les œuvres peintes sculptées, écntes 1
donnent la densité de la chose, la dureté du ;éel, à ces u images •
1
••
1
502 t

.1
l
- ..... . .... . .r..l-:r ''14.b' ~ ~.~.,


• •
1


J
1
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HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE
..etre v '
f
• • de l'homme »; elles les font exister entre les hommes et ·1 •
aontre

1 · d 1 .
hommes,d e~ es l!l~arnant. ans e maténau de la pierre, de la
panm es •
nque,
!Sthé.. couleur, e a PfltiO!d~~tcade, 1 de la parole écrite. C'est à travers l
1
• ces œu~re~, par a ~e 1at1on ~ ces monuments, que se constitue •
1
~aniSe
u~e '' d1gmté » de 1 h~mme, qut est encore l'instrument et Ja trace 1
auto.. d un procè~ de consctence doublée, de reconnaissance du soi dans l
• '
rruent • un autre sm• 1

ma1s Or, ces objets culturels, ces œuvres, résistent à une simple

1

verse, a~tit~étique qui ~éparerait le pr?cessus créateur le long duquel se 1


1
deplote le devemr-homme de 1homme, et l'étoffe affective sur .•
anges laquelle travaille et brode cette histoire de l'esprit. Seule la surdé- •


~tse- termination des symboles permet de porter une véritable dialec-
• 1
e qut tique qui rendrait justice à la fois à une économique de la culture •
••
>n et et à une phénoménologie de l'esprit. Je proposerai donc d'inter-
c'est préter le phénomène de culture comme le milieu objectif dans
de ce lequel se sédimente la grande entreprise de sublimation avec
sa double valence de déguisement et de dévoilement. Ne retrouvons- 1
1
i une nous pas ainsi le sens de quelques belles expressions synonymes ?
:à-vis. Ainsi cc l'éducation » nous rappelle le mouvement par lequel l'homme 'l
celle est conduit hors de son enfance; ce mouvement est, au sens propre,
nous
, une '' eruditio » où l'homme se désarchaise; mais c'est aussi une
: eco- Bi/dung, au double sens d'une édificati?~ et d'une émerge~ce
ns les des Bilder des cc images de l'homme », qu1 Jalonnent la promotaon
de la cons~ience de soi et qui ouvrent l'homme.~ cela même q~'eJJcs
• •'
1t10n, •
trtage découvrent. Et cette éducation, cette érud1t10n, cette !!tldung, 1
: plus • 1
font fonction de seconde nature, parce qu'elles rem~delent la •

nature première· en elles se réalise le mouvement magmfiqu~ment


; 1
:nt de • • 1

st1me •
1
décrit par Ravai~son à l'occasion de l'exemple limité de l'habatu~e; . 1
c'est en même temps le retour de la liberté à la nature pa~ la !epde

mrus- •
1

: .~
• j du désir dans l'œuvre de culture 44• Par la surdétermmdatlon. u •
ttrure 1
tu é au monde e 1a vte :
reçu 1 symbole, cette œuvre est fortement. su ~ e bT15 t toutes 1

utton l c'est bien là où était le ça qu~ le moi ad~.tent; en :nJ~5 ~~nirique,
rdes

>~ens,



1

nos enfances, tous nos archatsmes, en 5 m~arnan d n'être qu'un
le poétique garde l'existence culturelle de 1hUom~:h~ sans nature '
'1
!
1 n'y immense artifice, un futile u artefact », un Vl3 1
1
Jhère 1 et contre nature. ••

:lroit, 1 1

1 1

bjec- 1
Jpre·
1des J. . • lA Natur~ Humot'ne, let cttudes pbilo--
;rites 44· Pau) Ricœur, c Nature et tibert6•, 1D
1ages
j aophiquea •, 196:1.
j 503 ,.
d
'
.
••••
1
••

'"
h

V,

---;;;;;;=;; \
••

1
1

f· FOI ET RELIGION :
L AMBIGUITÉ DU SACRÉ
1
l
Nous voici donc au seuil de ce qui fut pourtant notre point de (.
départ : l'interprétation du symbolisme religieux. QrLil faut. e~ 1
faire l'aveu, notre méthode de ensée ne n~~!_E~_r~~~~-. P..~~ de t

l
.r sou re . ans e. o~ ~~ ~9.ll_C.~t-~n ~~ ~j~~oJl~~e..~~~l!g!_~i ..ëlfe t
noùs permet seuTemenfQ'ëiii renêlre une vue frol}!~~-~~ •
1
e ne vou rats pas a1sser crmre qu on peut reJomdre par un !
l
élargissement progressif de la pensée réflexive l'origine radicale •..
1
de ce symbolisme. Je ne pratiquerai pas cette méthode rusée
1.•
d'extrapolation. Je déclare tout net que je n'ai aucun moyen de
••
prouver l'existence d'une problématique authentique de la foi à
,_, partir d'une phénoménologie de l'esprit, plus ou moins empruntée 1
•• •
• à la phénoménologie hégélienne; j'accorde même bien volontiers 1
1
j
qu'elle excède sans doute les ressources d'une philosophie de la )
réflexion, que la dialectique antérieure a immensément agrandie,
1
sans toutefois la faire éclater, pour autant qu'elle demeure de bout .
en bout une méthode d'immanence. S'il y a une problématique 1
.. 1
1
authentique de la foi, elle relève d'une dimension nouvelle que j'ai
...
appelée autrefois, dans un contexte philosophique différent, une •
• Poéti ue de la Volonté, parce qu'elle concerne l'origine radicale •
au e veux a aon'âiion de puissance à la source de son efficace; 1

'
1
cette mension nouvelle, je l'appelle dans le contexte particulier
'
, de cet ouvrage l'interpellation, le ~é!)'_[l!l~ la parole qui m'est 1

• adressée. En ce sens je reste fidèle à la positiOn du problème théolo-

• gique par Karl Barth. L'origine de la foi est dans la sollicitation
de l'homme par l'objet de la foi. Je ne tenterai donc pas la manœuvre
habile qui consisterait à extrapoler la question de l'origine radi-

cale à partir d'une archéologie du C~git~ ou la question de la fin
dernière à partir d'une téléologie. L arc éologie pointe seulement
vers le déjà là, vers le déjà posé du"' Cogito qui se pose; la téléologie
pointe seulement vers un sens ultérieur qui tient en suspens le sens
antérieur des figures de l'esprit; mais ce sens ultérieur peut tou-
jours être entendu comme l'avance que l'esprit prend sur lui-même, •
co~ me la p~oje~tion de soi dans un tél os. Par rappQ!:! à c~.J.e_. arç~éo­
log•e de mo1-meme et à cette téléologie de moi-même, la genèse çt
J~~~~~§I~g~y;~~~- '.l'~~~~~~tre. Certes·, ]e--rie ï>arle du Tout.:Autre
qu autant qu tl s aàresse à mo1; et le kérygme, la bonne nouvelle,
c'est précisément qu'il s'adresse à moi et cesse d'être le Tout-Autre.

••


0

;
1 •
:c
l 1
1

1

'•
f HERMÉNEUTIQUE : LES APPROC~ DU SYMBoLE 1'

.)

D'un Tout-Autre absolu, je ne saurais rien. Mais par sa 'è


d ' h d · . ,
mêm~ e s approc er, e vem~, 11 s annonce comme Tout-Autre
' mam re 1
0 que 1 arché et que le télos que Je peux ~oncevoir réflexivement. Il
s'ann~nce ~omme Tout-Au!re, en anéant~sant son altérité radicale.
1
1 0

!
l1 Mars, Sl une pr~blém~ttque de la. f01 a une origine autre, le
:nt de 1

10 champ de sa manifestation est celUI-là même que nous avons


ut en 1 exploré jusqu'à présent. Une démarche de type anselmien, c'est-
as dë 1
à-dire le mouvement de la foi à la compréhension, traverse néces- •
) 1
Iëllè '
t
'
sairement une dialectique de la réflexion et y cherche l'instrument '

1 de son expression. C'est ici que la question de la foi devient une 0

u un 1 question herméneutique; car ce qui s'anéantit dans notre chair,


1 .
1
ii cale ..
0

c'est le Tout-Autre comme logos. Par là même il devient événe-


rusée ment de la parole humaine et ne peut être reconnu que dans le
~n de l
mouvement de l'interprétation de cette parole humaine. Le u cercle •
foi à herméneutique >> est né : croire c'est écouter l'inte ell~tion, f'!1~i! 1

untée ~our é~~~.': Pmteœe a~~n _!_.~?t m~rpréter le messa. e.Jl faut
• 0

ntrers !
1 ~one cro~~ QQ!!.L comprenare et compren re pour ~r01re . 1
l
1
de la En se rendant ainsi « immanent » à la parole humame, le Tout- 1
1
1
tndie, Autre se donne à discerner dans et par la dialectique .de la téléolo~ie
1

t 1
bout . et de l'archéologie. L'origine radicale, se d~nne. mamtenant à dis- • • 0


tique 1 cerner dans la question de mon archeologre, bren que tou~ autre

'•
te j'ai ' qu'aucune origine assignable par réflexion; la fin ~ern!ère se 1
.•'
1 une ••
• donne aussi à reconnaître par la question de ma téléologre, .bren 9ue 1

li cale tout autre qu'aucune anticipation de moi-même dont Jehpu.lSSe ••


cace;
:ulier

t


0
d .rsposer. Ç'est comme rzory~E!_Z
l • de rr_l~~ ~r.~he
..-'olouie
-.,-o:.-
et comme onzon
nt t:'JiOriïon
.4e ma téléol9g•.~ -q~~ créM.iQ!l et esdiatofogie s ~nno~cede~enir ob"et
l
m'est est la métaphore de ce qui s'approche sans Jarn~s . com~e
1
1

éolo-
atwn• possédé. L'alpha et l'oméga s'approch.ent '!fla refle·~é:: c'est le
horizon de mes racines et comme honzon ~ rn~. v~'un~ phéno-
!Uvre radical du radical, le suprême du suprêmL C est r~J ~Éliade jointe
radi- ménologie du sacré, au sens de van der eu~wrth et de Buitmann
la fin à une exégèse kérygmatique, au sens de Karl al réflexion et offrir
ment (que je ne songe pas ici à opposer) peft relayerssions symboliques,
logie à une pensée méditante de nouvel es expr: le Tout-Autre et
sens •• situées au point de rupture et de suture en re or

tou- 1 ! 1
notre discours. 1 réflexion comme une l 1
ême, Cette articulation se présente, pour 3
· du 'sacré ne pro- 1 1
1
rupture : il est bien vrai que ~a phé ~omé.~~ ~~~ téléologie, me~ée
:héo-
..
se et •• • 1
longe pas une phénoménologte de esp~a ' pour terme dcrmer, i j
i t.
Lutre dans un style hégélien, n'a pas pour esc aton,
relie, 1 j
utre. •
45· Poul Ricœur, lA Symboltque uu
J Mal• Conclusion.
:r
• >

sos 1
.
0
••
-
..




.'
'
• .1 ,,
. '' 1

1
'

DIALECTIQUE .••
''

le sacré porté par le mythe, le rite et la. croyance• .f~ . ue de soi- ''
1
même cette téléolo ie vise, c'est le savOir absolu, non a 01; et e
' 1. savo1r a sou ne ro ose aucune transcen ance mats a resor tton t
'
e toute transcen ance ans un sav01r e soi entièrement média-
•. •
•. tiSé. C'est pourquoi on ne saurait insérer cette phénoménologiè 1

.••. •
du sacré à la place de l'eschaton et dans la structure de l'horizon, \
•.
• sans codtester la prétention du savoir absolu. Mais si la réflexion •

ne peut produire de soi le sens qui s'annonce dans cette


• « approche » - le Royaume de Dieu s'e~t approché de vous -,


l
. , .'•
' du moins peut-elle comprendre pourquo1 elle ne peut se fermer
1
sur soi et achever son propre sens avec ses propres ressources. •
'
La « raison » de cet échec, c'est le mal. Le lieu de la contestation,
qui sera aussi celui de l'intelligence du seuil, c'est le lieu du discours
où une symbolique du mal s'articule sur les figures successives
du monde de la culture.
Pourquoi en effet refusons-nous de dire que la « fin » est savoir
absolu, accomplissement de toutes les médiations dans un tout,
dans une totalité sans reste ? Pourquoi disons-nous que cette fin
..••
est seulement annoncée, promise « par prophétie », pour reprendre
'
1•
le langage du Traité Théologico-Po/itique? Pourquoi rendons-nous
•• •
•:1 au sacré la place usurpée par un savoir absolu ? Pourquoi refusons-
..' . nous de convertir la foi en gnose ? La raison, jointe à d'autres,
1 pour quoi un savoir absolu n'est pas possible, c'est le problème
.'
du mal, ce même problème qui fut notre point de départ et qui nous
est apparu naguère comme une simple occasion de poser le problème
du symbole et de l'herméneutique. A la fin de cet itinéraire, nous
! découvrons que les grands symboles concernant la nature et l' ori-
' ... gine du mal ne sont pas seulement des symboles parmi d'autres,
.. mais des symboles privilégiés. Il ne suffit même pas de dire, comme •
: nous l'avons fait dans la Problématique, que tout symbolisme du
.1
. • 1
mal est la contrepartie d'un symbolisme du salut, qui concerne la
• •••
• destination même de l'homme; ces symboles nous enseignent
quelq!-le chose de décisif concernant le passage d'une phénomé·
nolo~1e de .1' esprit à une phénoménologie du sacré. Ces symboles, ••

• •
en fait, résistent à toute réduction à une connaissance rationnelle;
l'échec de toutes les théodicées, de tous les systèmes concernant le •
mal, témoigne de l'échec du savoir absolu au sens hégélien. Tous
les symboles donnent à penser, mais les symboles du mal montrent
1
.
d'une façon exemplaire qu'il y a toujours plus dans les mythes et
?ans les symbole~ que ?ans toute notre philosophie; et qu'u~e
mterprétat10n phtlosophtque des symboles ne deviendra Jamats 1
••
connaissance absolue. En bref, le problème du mal nous force
.1•
so6 •

i
J
J

l
'• '
t
• a


1
• HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOL!

!

e SOl• à revenir de Hegel à K~nt, j~ veux dire d'une dissolution du pro-
; et lë 1
blème du mal dans la dtalecttque à la reconnaissance de la pos't'
~Qtton-
t . hl . , , t ton
1 du mal. com~e un mscruta ~' Irrecuperable par conséquent dans
1édia-- 1 une speculation, dans un savOir total et absolu. Ainsi les symboles
ologiê •
du m~l attestent-ils 1~ caractère indépassab,l~ de toute la symbolique;
• 1
nzon, 1 en meme temps qu ds nous parlent de 1echec de notre existence
lexion •
et de notre p~issance ~'exister, ils. déclarent l'échec des systèmes
cette de pensée qut voudra1ent englouttr les symboles dans un savoir
lS- , 1
absolu.
ermer Mais la symbolique du mal est aussi une symbolique de la récon-
urees. \
•• ciliation; certes, cette réconciliation n'est donnée nulle part ailleurs

atton, que dans les signes qui la promettent; du moins donne-t-elle
;cours toujours à penser pour cette intelligence de la foi que j'ai appelée
• •
SSlVes plus haut intelligence du seuil; cette intelligence n'annule pas son
• origine symbolique; ce n'est pas une intelligence qui allégorise;
savou c'est une intelligence qui pense selon les symboles. La ~ens~e,
tout, disait Nabert, se tient toujours dans les « approches de la JUstifi-
te fin cation ». Je proposerai trois formul~s qui exp~imen~ .ce~e liaiso.n
·endre du mal comme injustifiable au sacre comme reconcthatt.on. TroiS
-nous formules dans lesquelles je discerne pour ma part les hnéa~;nts
tsons- d'une eschatologie à la fois symbolique et ~sonnable, proph~ttq~e
.utres, et sensée, qu'une philosophie de la. réflexiOn, peut saluer à 1hon-
blème zoo de toute téléologie de la consctence, qu elle peut saluer sans

1 nous
pouvoir véritablement l'inclure. d · 't
blème Toute réconciliation dirai-je d'abord, est attendue « en ept
. nous
l'ori-
de.•. », en dépit du mai'. Ce « en dépit de .•. », ce « et pour,tant »,
« malgré tout » constituent la première catégorie de 1esperance, .
1:
.utres, catégorie du démenti. Mais, de cela il n'y. a pas de preu;:: :fes
)rnme seulement des signes; le lieu d•implantatto':l d~ cett~l faJ san~
c'est une histoire, non une logique, et une htstod~e qu bonne nou-

ne du
rne la cesse déchiffrer sous le signe â'une promesse, une raAce a' D.
.gnent velle, d'un kérygme. Ensuite, ce« en deptt, · de b: » estLundémenti
ug ...
final·
1omé- avec le mal, le principe des c~oses fa,tt ?u .sen.pe:Cata, dit saint
bol es, •• est en même temps pédagogte cachee · et~amde Satin « Le pire
.nelle; •
Augustin en exergue, si j'ose dire, du Soulz~ me de Ïitote; et il 1
.ant le n:est pas to~jours sûr», réplique Cl~u.del, ~~ é~~it droit, par lign~ 1

Tous
ntrent

a.JOUte, en Citant le proverbe portug.atS b« rld en dépit de ... D, ~
tordues.» Mais il n'y a pas de savotr ail so ud Ï tc troisième catégone
/
1

hes et • du << grâce à..• ». Encore moins en est- uné :b~nde, la grâce ~ur~­ l
.
.1
u'une de cette histoire sensée : « Là où le P.éch surabondance, e.xpnmee
arnats•
•'
c
bonde », dit saint Paul; cette étrange lo~ d:Mov de l'apôtre, englobe
force •• dans le: « A plus forte raison», le 1tOÀÀCfltJ.OC
1
.
1

'•
507
l
1
l
.' •
1

DIALECTIQUE !
• •

et enrôle le cc en dépit de... » et le « grâce à .•• »; mais ce << à combien


plus forte raison » n'est jamais convertible en savoir; ce qui, dans
la vieille théodicée, n'est que l'expédient du faux savoir, devient
.' :.

modestement l'intelligence de l'es~érance; « en dép~t de... »,
1 « grâce à..• ,, « combien plus... », vmlà les symboles ratiOnnels les
plus hauts qu'engendre l'eschatologie par le moyen de cette intel-
..
• ligence du seuil. . . . .
Je ne me dissimule pas combten est fragtle cette artlculatton,
dans une philosophie de la réflexion, entre les figures de l'esprit et les
symboles du sacré. Au regard d'une philosophie de la réflexion,
qui est une philosophie de l'immanence, les .symboles du sacré
~
n'apparaissent que mêlés aux figures de l'esprtt comme des gran- t
deurs culturelles; mais, en même temps, ces symboles désignent ~
l'impact dans la culture d'une réalité que le mouvement de la
culture ne contient pas; ils parlent du Tout-Autre, du Tout-Autre 1
1
'
1


que toute histoire; de cette manière, ils exercent sur toute la suite
•• des figures de la culture une attraction et un appel. C'est en ce ~
.. •

sens que j'ai parlé d'une prophétie ou d'une eschatologie. C'est 1'
..'' seulement par son rapport à la téléologie immanente des figures de 1
'..
. la culture, que le sacré concerne cette philosophie; le sacré est son '
.
••
...
eschatologie; il est l'horizon que la réflexion ne comprend pas, l
'' 1

n'englobe pas, mais salue comme ce qui vient à elle sur des pattes l
••
d'oiseaux. Ainsi est dévoilée une autre dépendance du Cogito, 1
du soi, une dépendance qui ne lui est pas d 'abord annoncée par 1

f
le chiffre de sa naissance, mais par le chiffre d'un eschaton, d'un
ultime, vers lequel pointent les figures de l'esprit. Cette dépen-
• •' dance à l'ultime, comme tout à l'heure sa dépendance à sa naissance,
à sa nature, à son désir, ne lui est signifiée que sur un mode symbo-
lique. •
1
1

Je voudrais dire maintenant comment cette herméneutique, tou-


jours en porte-à-faux dans une philosophie réflexive en raison
même de sa fonction d'horizon, peut entrer en débat av:c la psycha-
nalyse d~ la religion sous sa forme abruptement démystifiante.
Le pénl, en effet, est de retomber à une conception purement
antithétique de l'herméneutique, de perdre par conséquent le
~énéfic~ de notre patiente dialectique et de laisser triompher
1 éclecttsme que nous avons pourchassé ct délogé de niveau en
~iveau. C'est .P?Urq.uoi il impoz:te de montrer qu'une probléma-
tique de la fm tmphque nécessairement une herméneutique de la

démystification .
] e partirai de la fonction d'horizon que nous avons reconnue à

soS

\

J
- ·· ·--- ~

HERMÉNEUTIQUE ! LES APPROCHES DU SYMBOLB

mbien l'alpha ;t à .l'oméga p~ ral?port ~tout champ purement immanent


, dans de la r~flex10~. Il .paratt b1en qu un tel horizon, par une sorte de

evtent conversiOn dtabohque, tend sans cesse à se convertir en objet
e... », Kant, 17 premier, no~s a aP.pris à ~~nir l:illusion pour une structur;
els les nécessaue de la pensee de 1 mcondttwnne. Le Schein transcendantal

mtel. n;est pas ~im~le erreur, .pur ~ccident de l'hist?ire ~e . la pensée;
c est une dluston nécessazre. C est là à mon avts l'ongme radicale
.Jatton,

de t~ute .cc conscience fausse », la sourc~ de toute problématique
et les de 1dlus10n, par-delà le mensong~ soctal, le mensonge vital, le

exton, retour du refoulé; Marx, Freud, Ntetzsche opèrent déjà au niveau
sacré de formes secondes et dérivées de l'illusion; c'est pourquoi leurs
f
gran- t problématiques sont partielles et rivales. Je dirai la même chose de
.gnent 1 Feuerbach : le mouvement par lequel l'homme se vide dans la
de la t transcendance est second par rapport au mouvement par lequel
Autre 1
1

il s'empare du Tout·Autre pour l'objectiver et en disposer; car

. SUite 1
c'est pour s'en emparer qu'il s'y projette, afin de combler le vide
en ce } de son inscience.
,
C'est 1
1
Ce procès d'objectivation est à la fois la naissance de la méta-
res de 1
physique et de la religion; de la métaphysique qui fait de Dieu un
st son r• étant suprême, de la religion qui traite le sacré comme u~e no~­
J pas, 1
1 velle sphère d'objets, d'institutions, de pouvoirs désormais ms~nts
pattes 1
••
dans le monde de l'immanence, de l'esprit objectif, à côt~ des obJets,
ogtto,•
1 des institutions, des pouvoirs de ~a sphère éconof!ltque, d~ la
:e par 1 sphère politique et de la sphère culturelle. Nous dtrons qu ~ne 1
J
d'un f quatrième sphère d'objets est née, à l'intérieur de la sphère humame
'
epen- 1 d.e l'esprit. Il y a désormais des objets sacrés et pas seulement des
;ance, • fl'gnes du sacré· des obiets sacrés en outre du monde de la .cult~re.
·mbo- ,
Cette conversion J
diabolique fait de la re1·Jgton
· 1a r~.'ificatton
.
et l'aliénation de la foi· en entrant ainsi dans la sphère de .1 1lluswn,
'
1a religion s'offre aux coups • ·
d'une hermeneutique re'duct n,ce· Cette

hermeneutlque. , . n'est p1us auJour
· d•hui un évenement
, tou- reductnce è d

~atson privé; elle est devenue u'? proc~ssus publ.ic, .un phénno; e~: 5:
ycha- culture; que nous l'appehons demythologtsatton, 9ua 'Ji t'on

1ante. déploie à l'intérieur d'une religion donnée, ou den:ysu cahos'e :
:ment quand e11e procède de 1'exté·racur,· '1 ' it de la meme
t s ag . .
c
Le freudisme ·
1
nt le de la mort de l'objet métaphysique et religJeux. 1
1pher est un des chemins de cette mort. t as et ne doit 1•
u en Or je pense que ce mouvement d.c culture ~e peud! Tout-Autre {
1

léma· pas rester extérieur à la restauration. des sJgnl~ 'zon. Nous ne ' 1
de la dans leur fonction authentique de scntmel!es d~ on et peut-être ' 1
1
1
.•
pouvons plus aujourd'hui - c'est notre. tmpw~ncde l'approche

notre chance et notre joie - entendre et lue les sJgnes


1 j
f

1
'
1\
(
~

,./1.

,,f'

• .if'
1


; • • 0

DIALECTIQUE •
.
du Tout-Autre qu'à travers l'exercice ~mpitoyable de l'~erméneu..
tique réductrice. La foi est cette rég10n de .la sy~b?hque où la
fonction d'horizon déchoit sans cesse en fonct10n d obJet, donnant 1
~
.
1
naissance aux idoles, figures religieuses de cet~~ même illu~ion qui, en
métaphysique, engendre les concepts de 1~tant suprem~, de la
substance première, de la pensée ab~olue. L tdole est. la reification

•• de l'horizon en chose, la chute du s1gne dans un obJet surnaturel 1• •

et supraculturel. '
Dès lors on n'a jamais fini ?e ,départager la foi de la religion,

• la foi dans le Tout-Autre qm s approche, de la croyance dans
.• l'objet religieux qui vient s'ajouter aux objets de notre culture et
par ce moyen s'intégrer à notre sphère d'appartenance. Le sacré, en •
1
tant qu'il signifie séparation, mise à part, est le lieu de ce combat. •
Le sacré peut être le signe de ce qui ne nous appartient pas, !
•• le signe du Tout-Autre; ce peut être aussi une sphère d'objets 1
~....
\ . séparés, à l'intérieur même de notre monde humain de la culture,
et à côté de la sphère du profane. Le sacré peut être le support
signifiant de ce que nous appelions la structure d'horizon, propre 1
r
1
au Tout-Autre qui s'approche, ou la réalité idolâtre que nous
mettons à part dans notre culture, engendrant ainsi l'aliénation '•
, .. •
religieuse. Equivoque inévitable sans doute : car si le Tout-Autre
'
1
.! '
• . !
• s'approche, c'est dans les signes du sacré; mais le symbole ne '•
. •'
tarde pas à virer à l'idole; alors l'objet culturel se casse en deux, ••
une moitié devient profane et l'autre sacrée, à l'intérieur même de ••

la sphère humaine ; le sculpteur, dit le prophète, se coupe du
.' cèdre, du cyprès et du chêne : « Il etz brûle au feu U7le moitié, sur '

•t des braises il rôtit de la viande, il mange le rôti et se rassasie; il se •


' chauffe également et dit : << Ah ! je me réchauffe et je regarde la flamme.»

"
l
Avec ce qu'il reste il fait son Dieu, son idole devant laquelle il s'incline,
•• • se prosterne et qu'il prie en disant : « Délivre-moi car tu es mon
Dieu. » Ils ne savent pas et ne comprennent pas..• ,' (Isaïe, 44, 16 à
18).
C'est pourquoi il faut toujours que meure l'idole afin que vive
le symbole. . •

t

5· VALEUR ET LIMITES D'UNE PSYCHANALYSE t

J
DE LA RELIGION •

La ~égitimat~on de principe d'une herméneutique destructrice, ••


à parur des eXJgences mêmes de la foi, n'implique pas que noUJ ..

1

SIO
.•

b
1
1
1

H~ÉNEUTIQUE : LES APPROCH~ DU S\'MBOLB


1éneu.. ~tr?duisi?niÎ e~ '?lo~. la psychana!yse de la religion dans le cadre
:où la atns1 trace. s ag1t 1en au contrrure de se battre une derniè ~ .
>nnant 1
avec Freud, de frotter l'une contre l'autre Pherméneutique d'if· dis
1
~evan der ~euuw, de Karl Barth, ~e Bultmann- et l'hermé~:~

~u1, en
de la nque freudienne, afin de construzre sans complaisance le oui

.catton r et .le. non que nous pouvons prononcer sur la psychanalyse de la
taturel 1.. rebgton•
1

ligion, a) Religion et pulsion.


: dans
:ure et Je discerne trois f~yers successifs . d~ discussion. Le premier
:ré, en •
concerne le fond puls10nnel de la rehg10n. On a dit : u C'est la
•mbat. /

peur qui d'abord fit les dieux. )) Freud le répète avec des ressources
t pas, 1 nou~elles d:analyse et ~j?ute : la peur et le désir. Tout ce qu'il dit
objets 1 de 1analog1e entre rehg10n et nevrose prend place à ce premier
liture, 1. niveau de la discussion 46• En effet, tout ce qui situe la religion
1 dans le champ de la névrose, la place en même temps dans le champ
lpport '
1
>ropre 1 '
• du désir en vertu de la valeur de satisfaction substitutive attachée
nous 1 aux symptômes.

1at1on •'

On se rappelle que Freud est parti du parallélisme entre les
Autre l phénomènes d'observance religieuse et le rituel de la névrose
•le ne

• obsessionnelle; ce parallélisme, sur le simple plan descriptif et
deux, clinique, lui a permis d'appeler la religion cc l'universelle névrose
••
ne de obsessionnelle de l'humanité ». De l'essai de 1908 à Moïse et le

>e du •• Monothéisme en 1939, l'analogie n'a cessé de se ramifier et de se
~é, sur • resserrer. Ainsi c'est sur le modèle de la paranoïa q~e . Totem et
~ il se
Tabou conçoit la projection, à l'âge narcissiq~~ de la lJbi~o, de la
nme. » •

toute-puissance du désir dans les figures dzvm~. Il vo1t e~co~e
zcline, d~ns la religion le refuge de tous les désirs répnm~ ~ans 1mdz-
i mon
Vldu - haine, jalousie. besoin de persécuter et de detrUlre -. q~e
l'institution ecclésiastique lui permet de reporter sur les. ennemti{
16 à du groupe religieux. Mais Freud est sans doute pl,~s ms!r~c
lorsqu'il traite la religion moins comme un support de 1m tàerdt~t~o~, ,.
· VlVC

que comme une fonction de la conso1auon. es
. c· t par , precise-
. 1 1
l

ment que sa relation au désir est la plus manifeste. ~out s o~garur, ' J
t

on. 1~ sait, autour du noyau paternel, de la no~taJg!e dd! en~ J:· ,1•
lr


rehg1on est fondée biologiquement dans la sttuauoh . pLa '•
1
dance et de détresse qui caractérise la seule enfanlle um:~erse


1

(\ ·
1
• névrose qui sert maintenant de référence est ce e que
( Cf. R Held • Contribution .
~6. Cf. ci-dessus, Analytique 11° partie,
cha~..111• • •R:V fr. 'lM Psa., XVII, •
: J'

tnce, l 1 ~tude psychonulytiquc du phénomène rehgteus ' • l

2/J, 1962, p. an-a66.


nous .••• •• •

.


1
sn }. ~

'
1

b
- ~~- -

• • • l
1
1
• '
1
DIALECTIQUE 1

1
l'enfant et dont la névrose de l'adulte est u?e résurg~n~e spéci..
fique au terme d'une phase de latenc_e. D~ ~erne, la rehgaon est la 1 re
résurgence spécifique d'u~ souvemr ~emble, que l'explication SI


•• ethnologique permet par rulleurs de rehcr à un meurtre primitif
qui serait à l'humanité antérieure ce que le complexe d'Œdipe est 1 p
g.
à l'enfance de l'individu.
Si l'on écarte provisoire":lent l'e~p~icatio~. eth~o.logique, qui
r c~

• •
permet de passer de l'analo~1e descnpttve .à l1dentate structurale, 1 II
il reste précisément l'~alog1e avec l~s tr~ns stades fondamentaux 1

,1 d·•
de la situation infantile : phase nevrot1que, phase de latence,
sc
retour du refoulé. r~'
Il me semble qu'à ce premier niveau de discussion, la tâche cri- •
1 n~
tique est de maintenir le caractère simplement analogique entre • ta
phénomènes religieux et phénomènes pathologiques, contre toute
réduction dogmatique à l'identité, et de réfléchir sur les conditions
p:
' pt
de cette analogie. En procédant ainsi, on ne se soustrait pas à la 1 n<
critique freudienne; on se prête au contraire à sa pointe la plus 1
la

vive. Car si on mêle trop vite à la clinique, sur laquelle reposent les ''•
considérations analogiques, l'argument sociologique qui prétend .•
••
or
fournir la raison de l'identité, on ne fait qu'affaiblir la thèse freu- pr

dienne, tant est fragile l'ethnologie de Totem et Tabou et la science pa
. scripturaire de Moïse et le klonotlzéisme. Il vaut mieux se priver du co
.
1' support « historique » du crime primitif et rester au niveau de ré
l'analogie entre l'économie du phénomène religieux et celle de la la
.' névrose, quitte à réserver pour un second temps la question du
1 dé•
' fantasme du crime primitif. re.
· Or il me semble que le sens de cette analogie reste indéterminé cr:
1
et doit rester indéterminé. Tout ce que l'on peut dire est que se1
l'homme est capable de névrose, comme il est capable de religion,
·'• et réciproquement; les mêmes causes - la dureté de la vie, la
triple souffrance qu'infligent à l'individu la nature, le corps, les
autres hommes - suscitent des ripostes semblables - cérémonial
névrotique et cérémonial religieux, demande de consolation et ob
appel à la Providence - et obtiennent des effets comparables far
- formation de compromis, bénéfice secondaire de la maladie et ne
• décharge de culpabilité, satisfaction substitutive. de
Mais que signifie l'analogie? La psychanalyse n'en sait rien en po
tant qu'analrse. El_le éclaire la~éralement le processus que nous ser
avons appele la naassance de 1'1dole· mais elle n'a aucun moyen du
de déci~er si 1~ foi n_' est que cela, si 1~ rite est originairement, dans mc:•
sa fonctiOn pnmordaale, rituel obsessionnel si la foi est seulement d't
consolation sur le modèle enfantin; elle p~ut montrer à l'homme l'ir

-'
~
~~- •..
1
1
,
1

HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE :


1
·Péci.. 1
1 religieux s~ .~~icature; mais elle lui laisse la charge de méditer
est la sur la posszbtlzte ~e ne pa~. res~ef!1bler ~ son double grimaçant. Car
ation c'est bien de grtmace qu tl s agtt et dune compréhension de soi

,'l
.mitif par la grima~e; . ~rimace de ,l'infantil~, ~~im~ce du névrotique,
• ·'1
1 ''.
'e est grimace du prtmttif (ou du pretendu pnmttif, ·mterprété lui-même 1
J
r comme l'analogue du névrosé ct de renfant). •
qui La va!eur de l'a~a!ogie, et donc ~ussi !~ limites de l'analogie,
1.
1
1rale, 1 me paraissent se dectder sur un pomt cnttque : y a-t-il, dans le •
0
1

1taux ' \

'' dynamisme affectif de la croyance religieuse, de quoi surm®ter j,


ence, son propre archaïsme ? Cette question ne peut recevoir qu'une
réponse partielle dans le cadre d'une investigation du fond pulsion- J

en- •

i
!
1 nel de la religion et renvoie nécessairement à la question du fan-
entre • tasme du meurtre et plus généralement du sens du complexe 0

toute •

paternel. Du moins, dans le cadre limité qui est encore le nôtre,

ttons
à la

peut-on aller assez loin et remettre sérieusement en question ce que 1f
1 nous avons appelé, dans notre Analytique, l'absence d'histoire de ~.
plus 1
la religion. J

lt les 1
1
•• Pour Freud, la religion est la monotone répétition de ses propres
:tend .•
freu-
.• origines. Elle est un sempiternel piétinement sur !e sol ~e ~on
• propre archaïsme. Le thème du << retour du refoule » ne stgnifie
.ence pas autre chose : l'eucharistie chrétienne répète le repas totémique,
:r du comme la mort du Christ répète celle du prophète ~loïse, laq.uelle J
u de 1j
répète le meurtre originel du père. Or cette attention exclustve .à
fe la la répétition est devenue chez Freud un refus de prendre en ~onst· 1

1
1
1 du 1

dé~a?on tout ce qui peut constituer une épi.génèse d? .sentunent l i


religteux, c'est-à-dire finalement une convers10n du des~ et d~ la j ft:
ni né crainte. Ce refus ne me paraît pas fondé par l'analyse, malS exprune 1
que • l f
• seulement l'incroyance de l'homme Freud. èc J il
~ton,
On peut observer, dans l'œuvre même de Freud, c~tte ~p e .1 '' .
e, la
, les
Jnial
d'élision imposée au sentiment religieux, toutes les ~ots qfi ilé est
sur le point de sortir des bornes dans lesquelles on 1a con n • . !
t ,•'..
,,
t
Il y a d'abord tout un fond pré-œdipien qui es~. aperçu, pu;s 1
n et ! ~·
oblitéré. Freud le côtoie dans le Léo11ard..• , lorsqud!l. c?~par~ /
tbles fantasme du vautour à la déesse égyptienne 1\lout, tvm tt .ma e ; ·~
ie et Il à Il
ne e tête de vautour et à p ha11 us. aperçot . .'t un moment 1 a ne11ess
.d · t ment Ja :l\ :
de sens de cette représentation, mais e~ rédutt tmmte e~ 1: rcpré· •
.•.....
~-
1 en portée, en ramenant le fantasme de Leonard . enfan lie infantile
lOUS sentation des divinités androgynes à la th~o~te sexu~eJ sens une •
Jyen
Jans
du pénis maternel. Nous discuterons plus om en ice commune
même représentation peut être tenue pour Ja / 0 Retenons pour '
·~

.
'
.
0

ne nt ~:un fantasme régressif et d'une figur~ du sacre·complexe pater· ,,


nmc lmstant qu'il y a d'autres racines affcctaves que 1 •
0 •

513 ,l '
....•

........__


DIALECTIQUE

nel. Freud lui-même, opposant<< les tem_P~ primitüs de l'humanité,


à notre dédain de civilisés pour la sexuahte, suggère que les hommes
ont d'abord divinisé la sexualité et que toutes les autres activités
'• • humaines l'ont été par transfert du sexuel sur le ~on-sexuel. Plus
• tard Freud avouera qu'il ne sai~. pas. quelle.p.Iace fa1re aux divinités
féminines dans sa genèse de 1Illusio~ rebgt~u~e. .

N'y a-t-il pas là l'indice d'une. posstble r~hg10n de la vae, d'une
• religion de l'amour? A deux repnses, au moms, Freud a pu côtoyer

cette hypothèse de travail, mais pour l'écarter aussitôt. Dans le
fameux mythe ~u ,meurtre ~~imitif, Freud renco~tre un épisode
qui reste inexplique, alors qu 11 est finalement le ptvot du drame :
c'est le moment où les frères concluent un pacte pour ne pas renou-
veler entre eux le meurtre du père. Ce pacte des frères est d'une •
grande significatio.n~ car .il met fin à la rép~tit~on du l?arricide; en 1

prohibant le fratncide, tl engendre une histmre. Mats Freud est
0


1
beaucoup plus préoccupé par la répétition symbolique du meurtre
dans le repas totémique que par la conciliation entre les frères,
laquelle rend possible la réconciliation avec l'image du père, ins- 1
1 • talJée désormais dans les cœurs. Pourquoi le destin de la foi ne
. ' 0


serait-il pas lié à cette conciliation fraternelle, plutôt qu'à la réno- 1
•• • vation perpétuelle du parricide ? Mais Freud a décidé que la religion
.1'
~
0

du fils n'est pas une vraie progression hors du complexe paternel: l


'
• la fiction que le fils soit le chef de la révolte, donc une figure de 1
meurtrier, bouche immédiatement la brèche entrouverte. 1
N'est-ce pas à une difficulté semblable que se heurte le premier
' essai de Moïse et le Monothéisme?<< Si Moïse fut Égyptien,, il a dû i
• emprunter son dieu éthique à une religion déjà constituée; or !
:
. ...,. le culte d'Aton, dont on nous dit qu'il a été édifié sur le modèle 1
0

1
• 0


j •
d'un prince bienveillant Ikhnaton, pose dans toute sa force l'énigme !



1
d'u.n dieu «.politique ,, je veux dire d'un dieu qui fond.e le pacte •'

••
social et qm par conséquent s'enlève sur le fond du déstr et de la

crainte et entretient un rapport plus étroit avec la conciliation
entre les frères qu'avec le meurtre du père. •
Mais c'est surtout la dernière théorie des pulsions qui aurait pu
être l'occasion d'une nouvelle investigation du phénomène reli-
gt·eu~ 47· Il ne~
' .a nen
. ét: é .Au contraire, c'est l'époque où. F·r~ud •

durc!t son hostilité à la rehg10n et se prépare à écrire l' Avemr d u~e


o'
'
1/lusum. Pourtant, en opposant Éros à la mort, Freud retrouvait 1

. 41· Cf. c~-dessus Analytique, Hie partie, chnp. m. Sur c Freud et l'orthodoxie
JU~é?-chrétacnne •, F. Pnschc, Rcv. fr. de Psa. XXV, 1 , 196 1 , p. ss-88. Sur • La •l
re!agaon du, père face à ln raison ct à la néces11 ité .., A. V ergote, lA Psycllanalyst,
SCience de 1 homme, p. 223-257. ,. 0

...':
1
1
l
0 •J
0 1


'1
••

HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLB ·'.,'

anité, un certain fond mythiq~e,. ':éhiculé par la tradition du romantisme •


•mmes allemand; à travers celm-c1, 1l a su remonter à Platon et à Empédocle
:tivités J
ei appeler Éros « la puissance qui fait tenir toutes choses ensemble » ~
1. Plus Mais il_ n'a, à aucun momen.t, soupçonné que cette mythique d'Ero~ •
~ .
vinités QOUrralt concerner une ép1génèse du sentiment religieux ni que
1,

Ëros pourra~t être l!n autre nom dl;l Dieu johannique, et plus haut '.1,
d'une
..otoyer encor~, cel~1 du Dieu deutéronom1que et, encore plus haut, celui 1

du Dieu d Osée, lorsque le prophète célèbre dans ses chants les •.1•
ans le fiançailles au désert. Et pourquoi cc notre dieu Logos, qui n'offre 'l
pi sode pas la consolation, dont la voix est faible, mais se fera entendre 1

rame: peu à peu », ne serait-il pas - en dépit du ton ironique dont Freud :•
1

:-enou- use à cette occasion - un autre nom d'Éros, dans l'unité profonde ...•
l
·1

d'une 1

1
des symboles de la Vie et de la Lumière? Freud me paraît exclure
de; en 1
• sans raison, je veux dire sans raison psychanalytique, la possibi- 1
ud est j

1
lité que la foi soit une participation à la source d'Eros et qu'ainsi 1
.
.eurtre elle concerne, non la consolation de l'enfant en nous, mais la puis- 1
frères, sance d'aimer, que la foi vise à rendre adulte cette puissance! face •
J

e, ms- 1 à la haine en nous et hors de nous - face à la mort. Or, ce qUJ seul j
1
foi ne peut échapper à la critique de Freud, c'est la fo~ com~e. kérygme 1
•1
réno- de l'amour : cc Dieu a tant aimé le monde••. »; matS sa cnuque peut 'l
!ligion m'aider en retour à discerner ce qu'exclut ce kérygme,.d~ l'an:tour: •
'
ernel: 1 une christologie pénale et un Dieu mora~, - et ce qu il1mphq~e :

ure de 1
une certaine coïncidence du Dieu tragique de Job et du D1eu '
! lyrique de Jean.
• 1
rem1er
il a dû ,1 b) Religion et fantasme. la •1
.• 1
La question des sources non régressives,· non arc haisan
- tes de j
1
ée; or 1 '
l
nodèle
1
• religion conduit à un examen critique du noyau replésef.ta.tt1 qu~ i


j
'
Freud pense • cerné par 1a vote
avmr · converge nte dep a c Frmqued e1 1 ~
:mgrne
· pacte l• ' de l'ethnologie. : le fantasme d u meurtre du père·. our d'reu , e
1
· retour des affects de cramte
retour du refoulé est à la fots · et·meamour,
sous
1

t de la 1
d'angoisse et de consolation, et reto?r du fa~tff~n~i:: rej~ton 11 '

~
liation •

la figure substituée du dieu. Celle-cl est atnsi e · 1 Dès lors


. . dhè t u fond pu1siOnne . ,

~a1tpu des « représentatiOns ,, q~I a ren a 'bi é i énèse du sentiment
e reli- tout ce que nous avons dit sur unl pos~d· eti P gd'une épigénèse au
Freud
·d'une• •

religieux ne prend sens que par a rn ra on
niveau des représentations. . t clue dans Je freudisme,
,..~.'.
'
Or cette épigénèse est tout s1mp1emed ex rtre du père primor- ~
·ouvatt
hodolle

1 à cause du statut accordé au fantasr,ne u m;i~nne que ce meurtre
dia), Il est essentiel à J'interpl:é~a!IOO f~e~eurs fois r,eu importe, r
•••
lur •La
analyst,
1
1
ait eu lieu dans le passé, une 01s. oué lJ ~1nscrit dan; e patrimoine
et qu'il lui corresponde un souvemr r e ' rr
f:.
,.
• SIS
1

'
1
1
.
«
(

; :•..
!
•1
,.t'
~,

1•

'• •
J

••

DIALECTIQUE

héréditaire de l'humanité. En effet l'Œdipe in~ividuel est trop


• bref, trop indistinct aussi, pour eng~ndr;r les dteux; s.ans crime
• •
. ancestral inscrit dans le passé phylogenéttque, la nostalgJe du père
: 1 '
est incompréhensible; le père n ' est pas nzo11 pere.
. 0 ~~ au cours des l
. décades Freud non seulement n'a pas atténué, mats a sans cesse
1 '
.
renforcé le caractère de souvenir réel du meurtre primordial. Les 1

formules les plus explicites à cet égard so~t celles de ,Moïse ~~ le •


Monothéisme · nous les avons longuement cttées dans l Analytzque. 1

Si donc po~r Freud, la religion est archaïque et répétitive, c'est


en grande partie parce qu'.elle est tirée en. arr!ère par 1~ rémin~scence
d'un meurtre qui apparttent à. sa préhtstOir~ ~t qUI cons!t~ue ce
que le Moïse.•• appelle « la vértté dans la religiOn ». La venté est
dans le souvenir; tout ce que l'imagination ajoute est, comme dans
le rêve, distorsion; tout ce que la pensée raisonnante ajoute est,
comme dans le rêve également, remaniement secondaire, rationa- •
lisation et superstition. Freud tourne ainsi délibérément le dos aux
interprétations (( démythologisantes >> qui, de Schelling à Bultmann,
retirent au mythe toute fonction étiologique pour lui restituer 1
1
sa fonction mythico-poétique, susceptible de frayer la voie à une
1' • 1
.' '· •

réflexion ou à une spéculation. •

• l
•••
.1
'

.. 1
Or il est étrange de constater que Freud ait conservé, pour expli-
quer la religion, une conception qu'il a dû abandonner sur le plan
de la névrose. On se rappelle que l'interprétation juste du complexe
l
••
d'Œdipe a été conquise à l'encontre de la théorie erronée de la
séduction réelle de l'enfant par l'adulte. Malheureusement l'épisode

'
œdipien, que Freud a découvert par une sorte de retournement de 1


sens de la scène de séduction, a été substitué à la même place;
.. .• ~
c'est encore la trace et le vestige d'un souvenir réel (c'est cette 1
fonction vestigiale, on s'en souvient, qui permet d'assimiler la
• '
régression formelle à la restauration quasi hallucinatoire d'une 1
trace mnémonique au chapitre vu de l'Interprétation des Rêves}.
'• Plus encore que le complexe d'Œdipe individuel, le complexe
collectif de l'humanité est assimilé au retour d'un affect et d'une
• représentation de caractère vestigial. 1


Or Freud lui-même fournit les moyens de se représenter 1~ •
!

c.hoses autrement. Il y a chez lui une conception de la << scène primt- !•

ttve » où s'ébauche l'idée d'un imaginaire non vestigial. La « scène 1

du vau~our ))' note Freud. dans le Léonard... , << ne doit pas ~tre un ••
souvemr ~~ Léonard !~lats un fantasme qu'il s'est construtt plus l
tard ct qu il a alors rejeté dans son enfance 1>, C'est à cette occa- •
.
sion qu~ Freud suggère que l'historiographie des peuple~ primitifs
a pu nattre de la même façon, « lorsque le peuple acqUit la cons· 1
.
• '
.• 1

516 •
l

.
l

.
1

HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCms DU SYMBoLE


l
trop

::rune ciencde' de soi » et étpr~uvaA<c Ie bl~hs?in .de con.naîtrc ses origines et
so~ eve1oppemen » ; ~ 1
ors Jst01re, q~1 avait commencé de
l
1

. père sUivre et de noter les evenements du passé 1 Jeta un regard a ·
·s des bl di · } USSI en
'• arrière, rassem .a t~a tlon~ et égendes, interpréta les vestiges 1
cesse lai~sés par. le lom~am. passe dans les mœurs et les coutumes et t
. Les ,

édtfia am~• une htstotr~ du passé préhistorique u. , Cette << his- 1
et le •
t~ire tardtve et tendancteuse, d~s temps primitifs des peuples ce ,.
tique. n enveloppe-t-elle pas une creatwn d~ sens, susceptible de jalonner, 1
!
c'est de ~orter ce 9t;e nous avons appele plus haut une épigénèse du 'l
::ence sentt~ent re~tgteux ? ~ ~ tel fantasme de << scène. primitive , ne
Je ce 1
peut-tl fourmr la premtere couche de sens à une tmagination des •
l
:é est origines, de plus en plus détachée de sa fonction de répétition • •
1
dans infantile et quasi névrotique, et de plus en plus disponible pour l
! est, une investigation des significations fondamentales de la destinée

IODa-
S aux
• humaine?
Or cet imaginaire non vestigial, porteur d'un sens nouveau,
l1

1ann, Freud l'a également rencontré: non point quand il parle de religion, 1

:ituer mais lorsqu'il parle d'art; rappelons-nous notre exégèse du sourire 1


. une de la Joconde : le souvenir de la mère perdue, disions-nous, est 1
proprement recréé par l'œuvre d'art; il n'est pas caché sous... ,
:xpli- sous-jacent, à la façon d'une strate réelle et seulement recouverte;
plan 1 il est proprement créé, en tant même qu'il est exposé 60• 1
plexe Dès lors un même fantasme peut porter deux vecteurs opposés.: 1'
de la un vecteur régressif qui l'asservit au passé et u~ vecteur p~ogress1f 11
isode qui en fait un détecteur de sens. Que la fonctton régresstve et la
nt de fonction progressive puissent être cumulées dans le _même ~an­
·lace; ' tasme cela aussi est compréhensible en termes freudaens; me~e 1 1
cette le fantasme du vautour chez Léonard, amorce la transfiguration ;i ('
er la des vestiges du passé · à plus forte raison une œuvre véritable, comr~r ! ~
l'une la Joconde est-elle u~e création dans laquelle, selon61le mot même e
wes). Freud le p'assé a pu être << désavoué et surmonté "·
' · é · Freud avoue ne pas corn-
lj
1 ~
:>lexe

' Or c'est cette fonctiOn cr atnce que . é d ail étant intime-
l'une • prendre : « Le don artistique et la capacat e trav
1 tk Jlï . G W VJU p. zsz; S.E. XJ, '' !1'
48. Un 1ouvenir d'enfance cû Uo!""d 'tre.'•.
'n 2 ) Fr;ud résiste lHav~
r les

runt-
• !
1 lock Ellis qui, dans un compte rendu par.
J.tid.,
· p. 81 ; tr. fr., p . 67 ; dans la note ~cnte en 19 19 bi~vejiJant ( 19 1o), ava1t
e~rs u une base ~elle; Freud
••
ïcène 1
• objecté que le souvenir de Uonard pournut avo~ : . m!me si des d~bris. de •
·e un • accentue encore le caractère de fantasme de la sc ~ ·, ~els , {die mue N1th·
plus
JCCa• '
1
souvenir l'ont suscit6, le fantasme trtUUfigure • ces nen
tigkeit) .
49· Ibid.
so. Cf. ci-dessus Analytique, II• parue,
. cha
P· 1•
f
•5 •
•••
nitifs
:ons· .
1
SJ. Cf. ci-dessus, p. J59· ,..
,'
"1 ..
',.
1
! .....••

i•

..
1 '
~ ..

DIALECTIQUE

ment liés à la sublimation, nous d~vons avouer 9ue l'essence de la


fonction artistique nous reste ausst, psychanalyttquement, inacces.. do
sible 52• » qu
Appliquons ces remarques au fantasme du crime ?r~ginel. Freud 1 his
écrit dans le Léonard : cc La psychanalyse nous a appriS a reconnaître Uf
le lien intime unissant le complexe paternel à la croyance en Dieu eXj
1 ffi1
elle nous a montré que le dieu personnel n'est rien autre chose' •

psychologiquement, q~'un père transfiguré... J:?ieu juste et tout~ 1 tiv
puissant, la Nature btenveillante nous ·apparatss~nt comme des d't
sublimations grandioses du père et de la mère, mteux comme des la
àl
rénovations et des reconstructions des premières perceptions de
l'enfance 53, >> Pourquoi cette cc transfiguration » ne comporterait-elle na
qu
pas la même ambiguïté, la même double val~nce de résurgence , qu
onirique et de création culturelle? Il le faut bten, d'une certaine •
m:
façon, dans le cadre même de l'interprétation freudienne, pour que 1
1' pr
la religion remplisse sa fonction, non pas individuelle, mais univer- 1 L'
selle, pour qu'elle devienne une grandeur culturelle et qu'elle f il
assume une fonction de protection, de consolation, de réconcilia- ce:
tion. Mais alors, est-il possible que la figure du père, selon la religion su
et selon la foi, ne soit qu'une image-devinette, dissimulée dans de
l'invocation du croyant comme le vautour de Léonard dans les plis ne
de la robe de la Vierge ? A mon sens on ne peut pas traiter la figure j tic
du père comme une figure isolée, dont on ferait une exégèse parti- bi,
culière; elle est seulement une pièce - centrale, il est vrai, comme le
on dira plus loin - dans une constellation mythico-poétique qu'il pr
faut d'abord considérer globalement. 1 fic
Je propose d'explorer la voie suivante : ce qui fait la force d'un pa
symbole religieux, c'est qu'il est la reprise d'un fantasme de scène l!

sy
primitive, converti en instrument de découverte et d'exploration ,'
l

des origines. Par ces représentations « détectrices >>, l'homme dit pc


l'instauration de son humanité. Ainsi les récits de lutte de la litté· ta:
rature babylonienne et hésiodique, les récits de chute de la litté- tri
rature orphique, les récits de faute primitive et d'exil de la littérature fi~
((
hébraïque 64, peuvent bien être traités, à la façon d'Otto Rank,
comme une sorte d'onirisme collectif mais cet onirisme n'est pas di
un ~~morial de la préhistoire; ou plutôt, à travers sa fo~~ion et
vestJgtale, le symbole montre à l'œuvre une imagination des or~gmes, to
••
'
52. G. W. vur, p. 209; S. E. Xl, p. 136; tr. fr., p. 212. la
53· G. W. vm, .P· 195; S. E. xr, p. 123; tr. fr., p. 177-8. cf •
mc
. 54· L4 Symbolique du mal, ne partie. - Sur religion et fnntas~e,. ' l'a
J.. ~aplanche et ]. B. Pontalis, c Fantasme originaire, fantasme des ongtnet, ch
or1gme du fantasme a, us Temps Modernes, XIX, 215 , 19 64 , p. I8JJ·I868. .,


-
1
J .,..
•• ~
'tir
• !'<

HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE li


'l
la ''•
do?t on. peut dire qu'elle est historiale, geschichtlich, arce •
~s-
quelle dtt un avènement, une venue à l'être mais non hist ~ ••
1
· h ' ll , ' onque,
historzsc ,' parce gu e e. n a auc~ne signification chronologique. 1
.•
ud J
Usant dune termmologte .husserhcnne, je dirai que les fantasmes •
1

tre explo~és par .Freud ~onstltuent la ky/étique de cette imagination
!U,
~ythico-~oéttque. C est « su.r » des fantas~es de scène primi- •
•••
se, ti~e que 1 homme << form~ », << mterprèt~ », « vise » des significations 1
Jt- d un ~utre o~dre, susc~pt1~les de devemr les signes de ce sacré que
les la philosophte de la reflex10n peut seulement reconnaître et saluer
'

les 1' ,.·'
à l'horizon de son archéologie et de sa téléologie. Cette intentio- -••
de nalité nouvelle, par laquelle le fantasme est interprété symboli- •
• •

~ne quement, est suscitée par le caractère même du fantasme, en tant •


..
1ce , qu'il parle d'origine perdue, d'objet archaïque perdu, de manque

me inscrit dans le désir; ce qui suscite le mouvement sans fin de l'inter-
lUC •
1 prétation, ce n'est pas le plein du souvenir, mais son vide, sa béance.
er- 1 L'ethnologie, la mythologie comparée, l'exégèse biblique le confi.r-
1
~ne ment : chaque mythe est la réinterprétation d'un récit antérieur;
lia- ces interprétations d'interprétations peuvent donc très bien opérer

lOn sur des fantasmes assignables à des âges et à des ~tad~ différ~nts
ans de la libido : mais l'important est moins cette« mattère tmpresston-
plis nelle >> que le mouvement de l'interprétati~n i~clus <!ans la pro~o­
ure
rtl·

l tion de sens, et qui en constitue la novatiOn mtentt,onnelle.. Ces~
bien pourquoi une hermeneutiké technê. pourr.a ~ Y appl!9uer,
me le mythe est déjà lui-même /zermhzeïa! mterpretat10n. et reJ~te~­
u'il prétation de ses propres racines 66•• Et si le myth~ reç,Olt. ~ne st~m­
1 fication théologique, comme on vo1t dans les récits d or1gu~e, c :~
.'un • par le moyen de cette correction sans fin, devenue concertee, P
ène 1 # •


:100
r
1 sy~~m:~Iqp~~t donc isoler la figure du père de 1~ fonctlll·on myt.hi~o-
1 •. 11 11 . . é Il est vrai qu'c e a une msiS-
dit 1 poettque dans laque e e e est mser ~· d d' t qu'à
tté· tance particulière,. puisqu'~lle fourmt ~~i;::o~fee fart ::~~ à la
tté· travers le polythéisme, pUis le manot . ' réscnte ce caractère
:ure figure unique du père. Seu~e la ~gure d~ pe;e pas bataillé avec les
mk1 « projectif ». Cela e~t ~ra1. Mrus Freu n 1~Jde l' «introjection»
pas difficultés de la « proJection» com!fle avece~~ » du ère sur l'animal
et de l' « identific~tion )1, Le << d ~pla~:~asse pas ~ez. L'analogie
tion
nes, totem et sur le dieu totem ne em 1 • •
•• . es historiques de l'hermbleuuquc •
55· Je fais allusion ici. oux ~eux. ~:rètcs de signes, de songes, ~e parlen
1

la • technique herméneuuquc • cs !Z1 e l'hertnéneïa qui, selon Anstote,_ est


incommunicubles, et. l' • inte_rp~~t::.~o:O\w~ral. Cf. 'cï.dessus, P,ob/lmal~.
cf, l'œuvre même du discours sJgm
'jnes, chop. u .
• J
••



-

DIALECTIQUE
• •
• •

des zoophobies et de la paranoïa le dispe~se de chercher plus loin.


Ne faut-il pas poser ici les mêmes questiOns que celles que nous

• posions à propos de l'image de la mère dans la Joconde de Léonard?
' .• .
• La figure du père n'est-elle pas ~', ~ésavou~e et surm~~~ée » autant
que << répétée »? Qu'est-ce que J a1 compns, quand J at découvert
• _deviné -la figur~ du P,ère dan~ la représe~ta.tion du .dieu ? Est-ce
que je comprends mteux 1 une et 1 autre? ~at~ ~e ne sats pas .ce que
• signifie le père. Le fantas~n:e de la scène pnmttt~e ~e r~n".01.e à un .• .

père irréel, à un père qm manque à no~~~ hts.tOlre ~ndtvtduelle 1



et collective· c'est sur ce fantasme que J 1magme Dteu comme •

.. ' père· mon i~science du père est si grande que je peux bien dire ..
que ~'est la mythologie qui, sur la base d'un fantasme de caractère
.•
• onirique, crée le père comme grandeur culturelle. Je ne savais pas
·,• •• ce qu'était le père avant que son image n'eût engendré toute la
suite de ses rejetons. Ce qui constitue le père comme mythe d'ori-
gine, c'est l'interprétation par quoi le fantasme de la scène primi-
tive reçoit une intention nouvelle; jusqu'au point où je puis invo-
quer : << notre Père qui es aux cieux... >>. Symbolique du ciel et
symbolique du père explicitent, dans le langage préphilosophique
du mythe, la symbolique de l'origine que le fantasme archaïque
portait virtuellement à la faveur de l'absence, du manque, de la
1 perte et du vide de son propre « objet ».
.'
l

Pourquoi maintenant la figure du père a-t-elle un privilège que
n'a pas celle de la mère? Sans doute parce que sa virtualité symbo-
lique est la plus riche, en particulier son potentiel de << transcen-

-' dance )), Le père figure, dans la symbolique, moins comme géniteur
• •
égal à la mère que comme donneur de nom et donneur de lois;
1
tout ce que Freud dit sur l'identification au semblable, en tant que
•• distincte de l'identification libidinale, prend place ici : le père de
1
l'identification, on ne l'a pas, non plus seulement parce qu'il est ·'l~
'

1
objet archaïque perdu, mais parce qu'il est autre que tout objet
·' archaïque. A ce titre il ne peut « revenir >>, << faire retour ,, que comme

1:
thème culturel; le père de l'identification est une tâche pour la .J
!
représentation, parce que dès le début il n'est pas objet de désir, j
'1
mais source d'institution. C'est un irréel à part, qui, dès le début, .
est un être du langage. Parce qu'il donne le nom, il est problèm~ ~
1

1
du nom, comme les Hébreux l'ont d'abord conçu. C'est pourquoi •
7
la figure du père devait avoir une destinée plus riche, plus artic~lée •
que celle de la mère. C'est bien sur cette voie de la sublimatton, •
t
tracée pa~ l'identifi.cation, que le symbole du père a pu se conju?uer

••
avec celm du " setgneur >> et celui du « ciel » dans le sens d une
symbolique de la transcendance ordonnée, sage et juste, telle que
l
.J

t

520
1

'

1s loin. HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE;


• •
.e nous
Mircea Eliade la ~~veloppe dans le premier chapitre de son Histoire
onard? comparée des Relzgzons.
autant ~?is alors la figure d~ père est proprement créée par le processus
::ouvert qut 1,arrache à !a fonctton ~e ~impie retour ~u rcfo.ulé sur laquelle
' Est-ce • elle s enlève. C est cette creation de sens qUI constitue la véritable
ce que « surdé~e~inatio!l n des authentiques symboles, et c'est cette sur-
ie à un détermmatiOn qu1, à son tour, fonde la possibilité de deux hermé-
riduelle 1
• neutiques, l'une qui démasque l'archaïsme de sa matière fantas-
comme matique, l'autre qui découvre rintention nouvelle qui la traverse.
en dire .. C'est dans le symbole même que réside la conciliation des deux
.ractère he~mé!'le!ltiques: On ne saurait donc s'arrêter à une antithétique

·ats pas
oute la
~ qUI dlStmgueratt « deux sources de la morale et de la reli-
gion "; car la prophétie de la conscience n'est pas extérieure à son
! d'ori- •
archéologie.
• • "
pnmt- On pourrait même dire que le symbole réussit, à la faveur de
• ' sa structure surdéterminée, à inverser les signes temporels du
s mvo-
fantasme originel. Le père antérieur signifie l'eschaton, le « Dieu
ciel et
·phique
1 qui vient »; la génération signifie la régénération; la naissance désigne
:haïque
:, de la
~ analogiquement la nouvelle naissance; l'enfance même - cette
enfance qui est derrière moi- signifie l'autre enfance, la « seconde
naïveté n. Devenir conscient, c'est finalement apercevoir devant soi
f son enfance et derrière soi sa mort : cc autrefois vous étiez mort... , ;
ge que « si vous ne devenez comme de petits enfants... n. Dans cet échange
;ymbo- ••
de la naissance et de la mort, la symbolique du Dieu qui vient a
mscen- '• repris et justifié la figure du père antérieur. .
éniteur j Mais si le symbole est un ~anta;;me désavou~ et s~rmo~té, ~
le lois; n'est jamais un fantasme a~oh. C est pourquoi on n est Jam~ts
mt que sûr que tel symbole du sacré n est pas seulement Ct retour d~ refoule»;
Jère de ou plutôt, il est toujours sûr que, chaque sym~ole d~ sacre est _auss1
u'il est "l
et en même temps résurgence dun symbole mfantlle et archa~que;
t objet les deux valences du symbole restent inséparables; c:est touJ.ou~
comme
Jour la
i ~
sur quelque trace de mythe archaïque que sont gr~ffees les Sl~m­
fications symboliques les plus proches de la spécu!atlOn théolog1que
! désir, ~) et philosophique. Cette étroite alliance de l'ar~ha1sm~ et d~ l,a pr~­
début,
., phétie fait la richesse du symbolisme r~ligie~x.; 11 en fa~t. auss1 ~ ambi-
.•
oblème• 'j

guïté· le u symbole donne à penser », mats il est ausst la n~1~ce
,urquol ;
• de l'idole; c'est pourquoi la critique de l'idole reste la conditton de
~
:-ticulée •
la conquête du symbole.

natton, •L l

• c) Foi et parole. . , d r
1juguer ~
1 d'une
Ue que
l t
Il me semble que cette discussion .s~r la p~:londd a~~~Jè~~s
le fantasme ensuite, conduit à une troisième sp re e p
'•
••
~
.{. ••

1
SZI "•'
~
Î
1
'
': !•
' . 1
,_,. -·--

-~

DIALECTIQUE
1
' •

C'est la parole qui est l'élément dans lequel se déploie cette promo.
tion de sens dont nous n'avons encore reconnu que l'ombre portée •
l'empreinte dans la pulsion et le_ fanta~me. Si une épigénèse de 1~ ,
pulsion et du fantasme est posstble, c est p~rce ql!e 1~ parole est
l'instrument de cette herméneïa, de cette « mterpretat10n )) que le
symbole lui-même exerce à l'égard du fantasme, avant même d'être
« interprété » par les exégètes.
• La dialectique ascendante de l'affect et du fantasme est ainsi
soutenue par une dialec~ique ascen~ant~ du langa~e da.ns .la sym.
bolique; mais cette créatiOn de sens 1mphque que l1magma1re de la
fonction mythico-poétique ait plus de parenté avec la parole à
l'état naissant qu'avec l'image, comprise comme simple revivis- •
cence de la perception. Malheureusement, la conception freudienne
du langage est très pauvre; le sens des mots, c'est la reviviscence
des images acoustiques; ainsi le langage lui-même est « trace » de ,
perception; cette conception elle-même vestigiale du langage ne '
pouvait pas fournir de support à une épigénèse du sens; s'il est
vrai que le fantasme ne peut déployer tous ses degrés que dans
l'élément du langage, il faut encore que les « choses entendues » se

distinguent des « choses vues »; or les << choses entendues » sont
d'abord les «choses dites »; et les <<choses dites », dans les mythes
de l'origine et de la fin, sont par excellence le contraire de traces,
de vestiges; ils interprètent des fantasmes de scène primitive pour 1

dire la situation de l'homme dans le sacré.


Cette insuffisance de la philosophie freudienne du langage expli-
que, à mon sens, ce qui me paraît être la défaillance la plus grande

de Freud dans sa théorie de la religion : il a cru pouvoir faire direc-
tement la psychologie du surmoi et, sur la base de celle-ci, la psy-
chologie directe de la croyance et du croyant, en faisant l'économie •

d'une exégèse des textes dans lesquels et par lesquels l'homme


religieux a« formé» et cc éduqué» sa croyance, au sens de la Bi/dung
que nous avons établi plus haut. Or il n'est pas possible de f~ire
une psychanalyse de la croyance sans passer par l'interprétatron
et la compréhension des œuvres de culture dans lesquelles l'objet •

de la croyance s'annonce.
Ce que nous avons dit en général du « devenir-conscient • de
l'homme doit être dit tout particulièrement de son « devenir-reli-
gieux ». Devenir-conscient, pour l'homme c'est disions-nous,
être tiré hors de. son archaïsme par la suite des fig~ res qui ~'insti­ •

tuent et le constituent homme. Il ne saurait donc être questton d~


ressaisir le sens de l'homme religieux hors du sens des textes qua
sont les documents de sa croyance. C'est un point que Dilthey 8 \

522
1 1

t'


'
! • HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLE
lO· •
ée, établi avec beaucoup de ct.arté dans son, essai fameux de 1900, Dit
la E_nt~tehung der Herm~~tttk. La comprehension ou interprétation,
est dtt-~1, ne commence ventablement que lorsque les u expressions de '
le ' la Vte » se sont fixées dans une objectivité qui donne prise à un art
tre réglé : « C'est cette compréhension conforme à un art appliquée
aux express~ons de, la .vie durab.leme~t fixées, que no~ appelons
exé~èse ou mte~retatton ": » St la httérature est, par excellence,
ns1•
le heu de. c~tte mterprétat1?n - quoiqu'on puisse légitimement
m- parler auss1 d une herméneuttque de la sculpture et de la peinture-,
: la
c:est parc~ q~e le lang~ge e~t.la seule ~xpr~ss~on intégrale, exhaus-
~ à tive et objeCtivement mtelhg1ble de l'mténonté humaine : u C'est

'lS· • pourquoi, continue Dilthey, l'art de la compréhension a son centre
me dans l'exégèse ou interprétation des restes de l'existence humaine
1ce contenus dans l'écriture 67• ,
de Il est à peine besoin de dire que Moïse et le Monothéisme n'est
ne aucunement au niveau d'une exégèse de l'Ancien Testament et ne
est satisfait à aucun degré aux exigences les plus élémentaires d'une
ms •
herméneutique ajustée à un texte. C'est pourquoi on ne peut pas
• se 1
dire que Freud ait véritablement fait, ni même commencé de faire
)nt une << analyse des représentations religieuses », alors qu'on peut
hes considérer que, sur le plan esthétique, le Moïse de Michel-Ange
:es, est vraiment traité comme une œuvre distincte, analysée fragment
)Ur 1 .'
par fragment, sans qu'il soit fait la moindre concession à une
« psychologie » directe de la création et du créateur. Les <;euvr~
)ti- de la religion, les monuments de la croyance, ne sont trattés m
lde avec la même sympathie, ni avec la même rigueur: la pare~té va.gue
entre la thématique religieuse et le prototype paternel en t1ent heu;
·ec- Freud décide une fois pour toutes que seules sont proprement
sy- religieuses les représentations qui procèdent manifestement de ce

n1e • •
prototype : un être puissant qui c?mmande à la ~atur~.c?mme à l;ln
me empire, qui annule la mort et ~u1 r~pare les l?emes d ~~~-~as, v~1là
ung tout ce que Dieu peut être,. s.1l d01t êtr~ _Dieu; .la reh~1on natve,

ure • populaire, est la véritable religion. La relrg10n ph~losophtque o~ la
religion océanique 68, dans lesquelles la personnahté de Dteu v~en­

100
drait à être atténuée, transposée. ou aba~donné~, sont des dénvés

Jjet
• ou des rationalisations secondrures qUI renv01ent au prototype
de paternel.
eli-
•us, Dit they Die EntstciJung dn Hermenmtik, in Œuvres Compl~tu. t. V, p. 319;
stl·

· 56• ' · A u b'ter, t. 1• p.
tr. fr. in Le Montk tk I'Espnt, 3~1.
de• 57· Ibid. . ., ,
qUl s8. Malaise dans la CM/uatron, chap. c•
:y 8

'
-.

DIALECTIQUE • •
• •


1
Je voudrais montrer, à proP,os ~e deux thè!Des particuliers, placés
bien au centre de la problematique freudienne, le thème de la
culpabilité et le thème de la consolation, comment pourrait être
rouverte une voie que Freud a fermée.
Le premier concerne la religion en tant qu'elle couronne une
vision éthique du monde; le second la concerne en tant qu'elle
procède d'une suspension de l'éthique. Or ce sont, pour Freud
également, les deux f~y~rs de 1~ ;ons~~ence .rel.igieuse, p~is~ue
tour à tour il met la rehg10n du cote de 1mterd1ct10n et du cote de
la consolation. ·
Or Freud n'a pas attaché le moindre intérêt à ce qu'on pourrait
appeler une épigénèse .du « sentiment de culpabilité », 9ui serait
guidée par une symbohque de plus en plus fine. Le senttment de
culpabilité ne paraît plus avoir d'histoire au-delà du complexe ,
d'Œdipe et de sa démolition. Il reste une procédure préventive à
l'égard d'un châtiment anticipé. Dans la littérature freudienne, le •

sentiment de culpabilité est pris régulièrement en ce sens archaïque.
Or l'épigénèse de la culpabilité ne peut être établie directement par
le moyen d'une psychologie du surmoi; elle ne peut être que déchif-
frée par le moyen indirect d'une exégèse des textes de la littérature
pénitentielle. C'est là que se constitue une histoire exemplaire de la •
'
· cr conscience, (Gewissen). L'homme accède à la culpabilité adulte,
normale, éthique, lorsqu'il se comprend lui-même selon les figures
de cette histoire exemplaire. J'ai essayé pour ma part de procéder
à ce repérage des notions de souillure, de péché, de culpabilité
par le moyen d'une exégèse au sens diltheyen du mot 69• Il en res-
sort que la culpabilité progresse en franchissant deux seuils : le
premier est celui de l'injustice - au sens des prophètes juifs et
aussi de Platon; la crainte d'être injuste, le remords d'avoir été l
injuste ne sont déjà plus crainte tabou; la lésion du lien inter-
personnel, le tort fait à la personne d'autrui, traitée comme moyen 1
et non comme fin, importent plus que le sentiment d'une menace c
de castration; ainsi la conscience d'injustice marque une création J
de sens par rapport à la crainte de vengeance, à la peur d'être puni. c
(
59· La Symboliqu~ du Mal, yre partie. Voir également mon étude • Morale J
sans péché ou péché sans moralisme • in Esprit, fév. 1954 (compte rendu de
(
Hesnard, l'Univers Morbid~ de U, Faute ct Morale sam Péchi). Je rejoins égale-
ment les notations de R. S. Lee, Freud and Christinnity, p. 93 : • Religion is e

more properly a function of the ego than of the unconscious and the id. • Sur Freud (J

et Ja culpabilité, Ch. Odier, Les deux sources consciente et inconsciente dr la vie


morale, Neuchâtel, la Baconnière, 1943; A. Hesnnrd, L' u,ivtrs morbidt de lo
faute, P. U. F. 1949; Morale sans péchi, P. U. F., 1954; Ch. Nodet, • Psycha·
nalyse et aena du péché, •, RC11. fr. th Psa. XXI, 6, 1957, p. 791-Sos •


••
~

'
..
••
HERMÉNEUTIQUE : LES APPROC~ DU SYMBOLE

~ second se.uil est celui du péché du juste, du mal de propre jus-
tice; la consctence y découvre le mal radical qui affecte toute maxime
••
même celle de l'honnête homme. '
• Tou~ c_e que nous avons dit plus haut sur la fonction du fantasme
prend 1c1 s~ns : les mythes dans lesquels s'exprime cette avance
de la co~sc.t~nce s~nt certainement construits sur des fantasmes de
scè~e pnm1t1ve 9?1 ressortissent à l'angoisse du surmoi; c'est pour-
q~,o~ la culpabthté est , un piège, une occasion d'arriération, de •
pte~m~!llent .dans. la pre-~orale, ~e stagnation dans l'archaïsme;
m3fs 1mtentton~hté myth:ique réstde dans la suite des interpré-
tatiOns et d_es rémt~r~rétat10ns .Par quoi le mythe rectifie son propre
fond archatque. Ams1 se constttuent les symboles du mal qui don-
nent à penser et sur lesquels je puis former l'idée de volonté mau-
vaise ou de serf:arbitre. Entre le << sentiment de culpabilité », au

sens psychanalyttque, et le mal radical, au sens de Kant, s'étagent
une suite de figures où chacune reprend la précédente pour la
« désavouer » et la « surmonter )), comme Freud le dit de l'œuvre
d'art. Ce serait la tâche d'une pensée réflexive de montrer comment
cette conscience « progressive » de la culpabilité suit la progression
des sphères symboliques que nous avons esquissée au début de ce
chapitre; les mêmes figures qui nous ont servi à jalonner le senti-
l ment - figures de l'avoir, figures du pouvoir et du valoir- sont
aussi les lieux successifs de notre aliénation; on le comprend : si
ces figures sont celles de notre faillibilité, elles sont aussi celles de
notre être déjà déchu. La liberté s'aliène en aliénant ses propres

médiations, économiques, politiques, culturelles; le serf-arbttre,
pourrait-on dire encore, se médiatise en passant par toutes les figures
de notre impuissance qui expriment et objectivent notre puissance
d'exister.
C'est par cette méthode indirecte que pourrait être éla~orée
l'idée de sources non infantiles, non archaïques, non névrouques
de la culpabilité. Mais, de même. que le désir i!lvestit ces sp~ères
successives et mêle ses ramificatiOns au~ foncttons no.n. ~rottques
du soi de même aussi l'archaïsme affectif de la culpabthte se pro-
•• longe dans tous les registres de la .possession al!énée: de la puissa?ce
démesurée, de la prétention vamteuse à valotr. C ~t pourquot la

culpabilité reste ambiguë et suspecte. Il faut tOUJours, pou.r en


rompre les faux prestiges, ~raquer s~r elle 1~ doubl~ ecla~!age
d'une interprétation démysufia?te q~u en denon~e 1archa•sme

et d'une interprétation restauratrice qu1 reporte la mussance du mal


dans r esprit lui-même. . 1 d
• J'ai pris l'exemple de la culpabilité comme prem1er exemp e e
525


. . . . . . . ,• • CF

.• • l
.1• •
l
• •
1 •
• 1 DIALECTIQUE

.
représentation ambigu~, ~ la .foi~ ar~haïque, ~uant à s~n origin~,

• ••
et susceptible d'une création md~~me de sens, cette m;me amb!-

guité est inscrite au cœur de la rehg.10n, dans la ~esure ou.I~s repre- ·i

1 •

sentations du salut sont de même mveau et de meme quahte que les
représentations du mal. On peut montrer qu'à tout~s les figur,es de .j
• l'accusation correspondent des figures de la rédemptton. Il en resulte .
'>
. '•j •
que la figure centrale de la religion, dont la psychanalyse nous dit

qu'elle procède du prototype du père, ne sauratt achever sa propre 1

genèse tant qu'elle n'a pas parcouru elle-même tous les degrés



correspondants à ceux de la culpabilité. L'interprétation du fan-
tasme du père, dans le symbolisme du dieu! se po'frsuit ainsi dans
tous les registres de l'ac~usation et .de la rede~ptlon.
Mais si la représentatiOn symbohque de Dteu cc progresse » au
. ' même pas que celle du mal et de la culpabilité, elle n'achève pas
•• .,
son parcours à l'intérieur de cette corrélation. Freud l'a bien vu,
la religion est davantage un art de supporter la dureté de la vie •

qu'une conjuration indéfinie de l'accusation paternelle. Or c'est


cette fonction culturelle de la consolation qui place la religion,
non plus seulement dans la sphère de la crainte, mais dans celle
du désir. Platon déjà disait dans le Phédon qu'il reste en chacun de
nous un enfant à consoler.
La question est de savoir si la fonction de consolation est seule-
1
ment infantile et s'il n'y a pas aussi ce que j'appellerai maintenant
.• ' ••


• une épigénèse, une dialectique ascendante de la consolation.

. .. Cette rectification de la consolation, c'est encore la littérature
.. qui en jalonne la progression. Objectera-t-on que la critique de la
vieille loi de rétribution, déjà chez les sages de Babylone et plus
encore dans les livres des Hébreux, n'appartient pas à la religion?
-".•.• Mais. alors il faut entrer dans une autre problématique, que le
freudtsme ne paraît pas avoir conçue, celle du conflit interne entre
.• •
foi et religion : c'est la foi de Job et non la religion de ses amis qui •

1 •
~érite d'être co11:frontée à _l'iconoclasme freudien. Ne peut-on pas •


dtr~ que ce~e f01 accomplit quelque chose de la tâche que Freud ., •

asstgne à qmconque entreprend de cc renoncer au père ,, (Léonard... )?



Job, en effet, ne reçoit aucune explication concernant sa souffrance; •
il lui est seulement montré quelque chose de la grandeur et de
• ~'?rdre du tout, sans que le point de vue fini de son désir en reçoive

dtrectem~nt un sens; sa f?i est plus proche du cc troisième genre. • •
de connatssanc~ selon ~pmoza que de toute religion de la Provt·
denee. .
. Une v01e. est amsi ouverte, celle de la réconciliation non
narctsstque.: Je renonce à mon point de vue; j'aime le tout; je me
prépare à dire:« L'amour intellectuel de l'âme envers Dieu est une

\
J



, HERMâ:NEuTIQUB : LES APPROCHES DU SYMBOLB


ne,
.bi- partie d~ l'amour !~fini, duquel Dieu s'aime Lui-même , (quo
• D~ , se .tpsum am at ~. C ,est alors une seule et unique suspension
•re-
de 1 ethtqu~ que ~a f01 opere sur la double voie du commandement
les et de la retnbu~1?n: En décou~rant le péché du juste, l'homme
de
crorant SOrt de 1e~h19ue d~ ménte; en perdant la consolation pro-
1lte chame de son narcJssts!l'l~· 11 sort de toute vision éthique du monde.
dit Sur cette double vote d surmonte la figure du père; mais peut-
pre être qu'en la perdant comme idole, ilia découvre comme symbole•

•res
.• Le symbole du père, c'est ce surplus de sens qui est visé par le
an- • seipsum du théorème spinoziste : le symbole du père n'est plus du
ans tout celui d'un père que je puisse avoir; à cet égard le père est
non-père; mais il est la similitude du père conformément à laquelle
au le renoncement au désir n'est plus mort mais amour, au sens encore
pas du corollaire du théorème spinoziste : u L'amour de Dieu envers
••
vu, les hommes et l'amour intellectuel de l'âme envers Dieu sont une

v1e seule et même chose. »
.. est Nous avons atteint ici un point qui paraît indépassable; ce n'est

:on, pas un point de repos, mais de tension; car il n'apparaît pas encore
elle comment pourraient coïncider la « personnalité » du Dieu qui
1 de
pardonne et l' u impersonnalité » du Deus rive natura. Je dis seule-
ment que les deux manières de suspendre l'éthique, celle de
Jie- Kierkegaard et celle de Spinoza, peuvent être la même, comme
le Deus se ipsum amat de Spinoza le donne à penser et comme
tant
• l'atteste la dialectique de u Dieu» et de la « Déité», sousjacente à
toute la théologie occidentale; mais je ne sais pas leur identité.
:ure C'est à partir de ce point extrême qu'une dernièr~ confrontation
ela avec Freud se propose; jusqu'au bout, en ,effet, il faut !ef~ser
Jlus l'alternative de deux platitudes : ~elle de 1apolo~ète, 9w reJet:
on? ' terait en bloc l'iconoclasme freudten, celle de 1éclectique, qu1
~ le juxtaposerait l'iconoclasme de la religion et la symboliq~e de 1~ foi.

• 1
l
ntre Pour ma part, c'est au principe d~ réalité qu~ j'appliquerai,, en

pas

qUl •
dernier et ultime ressort, la dialectique du out et du non. C est
à ce niveau finalement, que se rencontrent, pour se mettre
l1
eud mutuellemedt en question, ce qu~ fai. appelé ,l'épigé~èse de la
...)? consolation, selon la foi, et la u réstgnauon • à 1 Ananke, selon le
1ce; 1 freudisme. d · , ·dé à
·• de Je ne cache pas que c'est la lecture de 'fre~ . qu1 rn~ az •

OlVe
• pousser la critique du narcissisme - que Je n a1 cessé d appeler
• le faux Cogito ou le Cogito avorté -jusqu'à ses plus .extrêmes
conséquences ~oncemant le désir religieux de la consolauon; c'est
.re •

ovt- •
non
me 6o. BthiflU6 V, prop. 36 et coroU. i'
1
1•
une 1
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1•
1
f

DIALECTIQUE 1

• 1


la lecture de Freud qui m'a aidé à porter au cœur de 1~ probléma-
. .:• tique de la foi le « renoncement au père. n. En re.tour Je ne cache
pas mon insatisfactÎOJ? face à l'interpré~atiOn fr;udten~e du _Principe
de réalité. Le scientisme de Freud 1 a empeché daller JUsqu'au
bout d'une certaine voie entrevue dans le Léon.ard, ~récisément,

bien que ce livre soit le plus dur que Freud att écnt contre la

1
• religion. , ,
' La réalité nous l'avons dit, n est pas seulement 1 ensemble
des faits sus~eptibles d'être constatés et d.es lois susceptibles d'être

vérifiées· c'est aussi, en termes psychanalyttques, le monde des choses
et des h~mmes, tel qu'il apparaîtrait à u~ désir humain qui aurait
••

• •

1
renoncé au principe de plaisir, c'est-à-dire subordonné son point
de vue au tout. Mais alors, demandai-je, la réalité est-elle seule-
• •

1 ment l'Ananké? Est-elle seulement la nécessité offerte à ma résigna- '•

tion ? N'est-elle pas aussi la possibilité ouverte à la puissance


d'aimer? Cette question, je la déchiffre à mes risques et périls, à
travers les interrogations mêmes de Freud concernant le destin
de Léonard : << On peut se demander si la reconversion de la curio·
sité intellectuelle en joie de vivre, base même du drame de Faust,
est dans la réalité possible. Mais sans même aborder ce problème,
on peut prétendre que le développement spirituel de Léonard
.
•••
. ,-.
1
s'est effectué plutôt selon le mode de la pensée spinozienne 6•. »Et •

• .,• plus loin: ccAccablé d'admiration, devenu vraiment humble, il oublie


1 1
1
.• trop aisément qu'il fait lui-même partie de ces énergies agissantes et
'

i 1•
qu'il doit essayer, dans la mesure personnelle de ses forces, de modi-
...
~ .:
fier pour une infime part, le cours nécessaire du monde, de ce
' ..l: monde en lequel les petites choses ne sont pas moins admirables,
.
• 1
D;i ~oins signifi~atives. que les grandes sa. » Mais que peuvent
stgmfier les dermères lignes du Léonard... ? : <<Nous avons encore
trop peu de respect pour la nature qui, selon les paroles sibyllines
de Léonard, paroles qui annoncent déjà celles d'Hamlet, u est
pleine d'infinies raisons qui ne furent jamais dans l'expérience 1
(~a natura è piena d'infinite ragioni che non furono mai in ispe-

rzen~a). Chacun des hommes, chacun de nous répond à l'un des
essats sans nombre par lesquels ces raisons de la Nature se pressent
vers l'expérience 63• » Je discerne dans ces lignes une invitation dis-
c~ète à ~dcntifier la réalité à la nature et la nature à Éros. Ces cc éner- ••

gtes agtssantes », ces « infinies raisons qui ne furent jamais dans


6r. Un IOU'Venir d'enfance de Uonard de Vinci, G. w. VIII, p. 142•3; s. E. xr,
p. 75-6; tr. fr., p. 46-48.
62. Ibid. •
63. Ibid., G. W. vm, p. :ur; S.E. xr, p. 137; tr. fr., p. 216. '

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"'"' HERMÉNEUTIQUE : LES APPROCHES DU SYMBOLB


éma- ~1
JI

:ache -~
• Pexpérience », ces << essais sans nombre » par lesquels celles-ci

1c1pe ' «se pressent .vers l'expérience», ce ne sont point des faits que l'on
1u'au constate, mais des pmssances, la puissance diversifiée de la nature
nent, • et de la vie. M~is cette puiss?n~e, je ~e peux l'appréhender que
re la '
l
dans une mythique de la creatiOn. N est-ce pas la raison pour
laquelle les briseurs d'images, d'idéaux et d'idoles finissent par
=mble mythifier la réalité qu'ils opposent à l'illusion, l'appelant l'un
l'être Dionysos, innocence du devenir, retour éternel, l'autre Ananké,
hoses Logos? Cette remythisation n'est-elle pas le signe que la discipline
mratt• de la réalité n'est rien sans la grâce de l'imagination? que la consi-
po•mt dération de la nécessité n'est rien sans l'évocation de la possibilité?
;eule- C'est par ces questions que l'herméneutique freudienne peut s'arti-

;1gna- ,..• culer sur une autre herméneutique appliquée à la fonction mythico-
.sance poétique, et pour laquelle les mythes ne seraient pas des fables,
c'est-à-dire des histoires fausses, irréelles, illusoires, mais l'explo-
rils, à
ration sur un mode symbolique de notre rapport aux êtres et à
1estin •
l'ttre. Ce qui porte cette fonction mythico-poétique, c'est une

~UrlO·
autre puissance du langage, qui n'est plus la demande du désir,
'Paust, demande de protection, demande de providence, mais l'interpella-
tlème, tion où je ne demande plus rien, mais écoute. .
onard C'est ainsi que jusqu'au bout je tente de const~u~re le out ~t le
L. )) Et non que je prononce sur la psychanalyse de la rehgton.. La fot du
oublie croyant ne saurait sortir intacte de cet affrontement, mats non plus
1tes et la conception freudienne de la réalité. ~u . déchirement. de l'une
mo di- répond le déchirement de !'autre. A la sciss!on que le out à Freud
de ce introduit au cœur de la fOI des croyants, departagcan~ le sy11_1bole
ra bles, de l'idole, répond la scission que I.e n()tl à Freud mtrodu.tt au
!UVent cœur du principe freudien de la réahté, dépa:tageant de la sunple
encore résignation à l'Ananké, l'amour de la Crcat10n.
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TABLE
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AVANT-PROPOS • •
• • • • • • • • • • • • • 7
'

LIVRE I . - PROBL~MATIQUE:
j

SITUATION DE FREUD
.
1. DU LANCACE, DU SYMBOLE ET DE L'INTERPRÉTATION. •

1. Psychanalyse et langage • • • • • • • • • . .
z. Symbole et interprétation. • • •
• • • • • •
3· Pour une critique du symbole •
• • • • • • • •
Il. LB CONPUT DES INTERPRÉTATIONS.
• • • • • • •

J. Le concept d,interprétation. • •
• • • • • • •
z. L'interprétation comme récollection du sena.
• • •
3· L,inlerprétation comme exercice du soupçon. • • • •

III. MfrmODE HER.MÉ.NEunQVE ET PHILOSOPHIB RÉFLExiVE. • • 45


J. Le recours du symbole à la réftexion. • • • • • • • 45
z. Le recours de la réflexion au symbole. • • • • • • 50

3· La réflexion et Je langage équivoque. • • • • • • • 54

4· La réflexion et le con.Bit herméneutique. . . • • • • 61

LIVRE Il. - ANALYTIQUE :


LECTURE DE FREUD

• INTRODUCTION : comment lire Freud. • • • • • · • •

• PREMJhRE PARTIE : 8NERGBTI()UE


~
ET HERMBNEUTJ()UE


Le problème épistémologique du freudisme. • • • • • • 15
••

531

1. UNE ÉNERGÉTIQUE SANS HERMÉNEUTIQUE. • • • • • • • 79
l. Le principe de constance et l'appareil quantitatif. • • • 8r
Vers la topique. • • • • · • • • • • • • •
2. 90 ••
.
, .
11. ÉNERGÉTIQUE ET HERMÉNEUTIQUE DANS « L INTERPRETATION DES
RivEs » • • • • • • • • • • • • • • • • 95 '
I:

1• Le travail du rêve et le travail de l'exégèse. • . . • • g6
2. La « Psychologie » du chapitre VIl. • • • • · • : rog
111. PULSION ET REPRÉSENTATION DANS LES ÉCRITS DE MÉTAPSYCHo-
LOGIE • • • • • • • • • • • • • • • • • 120
• Il
1• La conquête du point de vue topique·économique et du
concept de pulsion. • • • • • · • · · · • 122

2. Présentation et représentation • • • . . • • • lJ7 .•

DEUXI~ME PARTIE : L'INTERPIŒTATJON


DE LA CULTURE

1. L'ANALOGIE DU RÊVE. • • • • • • • • • • • • 161



1

1. Le privilège du rêve. • • • • • • • • • • • I6I

2. L'analogie de l'œuvre d'art • • • • • • • • • • x6s

Il. Dl! L'ONm.IQUE AU SUBLIME. 178 1.


• • • • • • • • • •

1. Les approches descriptives et cliniques de l'interprétation. • r8o

2. Les voies génétiques de l'interprétation. • • • • • • 186

3· Le problème métapsychologique : la notion de surmoi. • • 209 •


1

III. L'ILLUSION • • • • 226 •


• • • • • • • • • • •
I. L'illusion et la stratégie du désir. • • • • • • • • 227
2. L'étape génétique de l'explication : totémisme et monothéisme 232

3· La fonction économique de la religion. • • • • • • 242 JI•

TROISI~ME PARTIE :
tROS, THANA1'0S, ANANKt
,
I. PRINCIPE DE PLAISIR ET PRINCIPE DE RÉALITÉ •
• • • • • 259

532

·.
• ..
79 •
1..
~~
..,
•• ••
8x
90 •
••
1. Principe de réalité et« processus secondairt: ••
2. Principe de réalité et u choix d'objet •·
• • • • z6o ~,..
3· Le principe de réalité et la tache économique du moi.
• • • • • • 2&, ..~
95 • • 273
Il. LES PULSIONS DE MORT: SPÉCULATION ET INTERPRBTATION. '
96 • • '-77 '
1. La u spéculation » freudienne sur la vie et la mort.
109 • • • 277
2. La pulsion de mort et la destructivité du surmoi. •
• • • 289 '
3. La culture entre Éros et Thanatos. • • • • 297
i
~
120 • • •
UI. INTERROGATIONS • •

Qu'est-ce que la négativité?.
• • • • • • • • • • • 304 J
122 1.
• • • • • • • • • 305 !
IJ7 •

2. Plaisir et satisfaction. • • • • • • • • • • • 311 6
3· Qu'est-ce que la réalité?. • • • •
• • • • • • 317

161 LIVRE III. - DIALECTIQUE :



UNE INTERPRÉTATION PHILOSOPHIQUE
161 DE FREUD
I6S
178 1. ÉPISTÉMOLOGIE: ENTRE PSYCHOLOGIE ET PHÉNOMÉNOLOGIE.
• 337
ISO 1. Le procès épistémologique de la psychanalyse. • • • • 338
a) La critique dea logiciens, 338. - b) Les tentatives internes de
186 refonnulation, 340. - c) Refonnulations copérationnalistes •, 345·
209 . 1
2. Que la psychanalyse n'est pas une science d'observation. • 350
a) Face A • l'opérationnalisme lt, 350. - b) Face aux reformu-
226 • lations internes, 355· - c) Face à l'épistémologie, 364•

227 3· Approche phénoménologique du champ psychanalytique. • 366


' 4· Que la psychanalyse n'est pas la phénoménologie. • • • 38o
2J2

242 11. RÉFLEXION : UNE ARCHÉOLOGIE DU SUJET. • • • • • 407



1. Freud et la question du sujet. • • • • • • • • • 4o8


2. Réalité du ça, idéalité du sens. • • • • • • • • 418

,
3· Le concept d'archéologie. • • • • • • • • • . ~
259 + Archéologie et philosophie réflexive. • • • • 438
• • •

533
'


III. DIALBCTIQUB : ARCHÉOLOGIE ET TÉLÉOLOGIB • • • • • ~


1. Un modèle téléologique de la conscience: la phénoménologie 1

hégélienne . . · • • • · · • · • • • • · -447

2 • L'indépassable de la vie et du désir· • · · • • • • 4SJ
'
3· La téléologie implicite du freudisme: a) Les concepts opéra-

torres • • • • • • • • • · • · • • • • 457 .>
••
+ La téléologie implicite du freudisme: h) L'identification • • 461

5· La téléologie implicite du freudisme : c) La question de la


sublimation. • • • • • • • • • • · • • • 467 •

IV. HERMÉNEUTIQUE: l-ES APPROCHES DU SYMBOLE. • • • • • 476


1

1. La surdétermination du symbole. . • • • • • . • 478


. 1

2. L'ordre hiérarchique du symbole. • • • • • • • 487


3· Reprise dialectique du problème de la sublimation et de l'objet
culturel • . • . • • · • • • • • · • • 495
+ Foi et religion: l'ambiguïté du sacré. • • • • • •
5· Valeur et limites d'une psychanalyse de la religion. • • • 510 1

a) Religion et pulsion, sn. - b) Religion et fantasme, 515. -


e) Foi et parole, 521.

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