Annales de chirurgie plastique esthétique (2019) 64, 413—431

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La cheiloplastie secondaire dans le

traitement des fentes labio-palatines
Secondary cheiloplasty in the treatment of cleft lip and palates

S. Bennaceur a,*, R. Touré b, C.V. André a, Y. Guenane a,

N. Teissiier a

a
Chef de service de chirurgie maxillo-faciale et plastique de l’enfant et l’adolescent, CHU Robert-Debré, 48,
boulevard Sérurier, Paris, France
b
Chirurgien maxillo-facial, chef de service de chirurgie maxillo-faciale, CH Luxembourg, Bamako, Mali

MOTS CLÉS
Cheiloplastie secondaire ;
Vestibuloplastie ;
Greffes muqueuses ;
Greffes cutanées ;
Chirurgie esthétique
Résumé Dans le cursus de traitement des fentes labio-palatines, la qualité de la cheilo-
rhinoplastie primaire est primordiale pour limiter les complications esthétiques et fonction-
nelles. C’est pour cela que ces reconstructions primaires relèvent du domaine d’expertise des
centres spécialisés avec des équipes pluridisciplinaires. Malheureusement il reste souvent des
imperfections résiduelles surtout dans les fentes bilatérales, et les chéiloplasties secondaires
représentent un défi complexe. Elles ont pour but une correction fonctionnelle et esthétique, et
le choix du moment est très aléatoire et dépend en grande partie des répercussions psychociales
de la déformation chez l’enfant. Il intervient souvent à l’âge du début de la scolarité et est
concomitant au geste d’alvéoloplastie. Nous parlons alors de greffe alvéolaire avec vestibulo et
labio-plastie, la GPVP. Par la suite nous proposons de combiner toutes les ressources de la
chirurgie esthétique pour améliorer le résultat esthétique et fonctionnel de ces enfants.
# 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Summary In the course of treatment of cleft lip and palates, the quality of primary cheilo-
KEYWORDS rhinoplasty is essential to limit aesthetic and functional complications. This is why these primary
Secondary cheiloplasty; reconstructions come under the domain of specialised centres with multidisciplinary teams.
Vestibuloplasty; Unfortunately, residual imperfections often remain, especially in bilateral clefts, and secondary
Mucous grafts; cheiloplasties represent for us a complex challenge. They aim at functional and aesthetic
Skin grafts; correction, and the choice of time is very random and depends largely on the psychological
Plastic surgery repercussions of the deformation in the child. It often occurs at the age of school entry and is

* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : caroline.boussard@hotmail.fr (S. Bennaceur).

https://doi.org/10.1016/j.anplas.2019.07.008
0294-1260/# 2019 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
414 S. Bennaceur et al.

combined with alveoloplasty. We then speak of alveolar transplantation with vestibulo and labio-
plastie, the GPVP. Then we propose to combine all the resources of cosmetic surgery to improve
the aesthetic and functional result of these children.
# 2019 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction L’idée que les cheiloplasties secondaires ne sont pas un

Les chéiloplastiee secondaires des fentes labio-palatines ont
été récemment traitée par d’excellents articles en langue
française, par J.C. Talmant [1] R. Vanwjick et H. Bénateau
[2]. Ils y développent une vision très élaborée du concept de
chirurgie globale en visualisant d’emblée la chirurgie secon-
daire dans une perspective élargie labio-nasale. C’est l’état
de l’art actuellement, et nous avons voulu apporter un
éclairage complémentaire à ces travaux en développant
les aspects purement labiaux des cheiloplasties secondaires.
La chéiloplastie secondaire a une place particulière dans
la séquence de traitement des fentes labio-palatines, elle est
fondamentale, souvent indispensable mais il n’y a aucun
consensus quant à sa place précise dans la séquence théra-
peutique.
Les cheiloplasties secondaires ont longtemps été consi-
dérées comme la conséquence d’une erreur technique lors
du temps de chéiloplastie primaire, alors même que les
auteurs spécialisés dans les corrections labio-palatine et
dotés de très large séries insistent sur le fait qu’il n’existe
pas deux fentes identiques et que par conséquence chaque
fente est unique [3]. Cette immense variété morphologique
est une des raisons qui explique la nécessité d’une prise en
charge chirurgicale des fentes par des chirurgiens spécia-
lisés. Le résultat de la correction primaire sera supérieur et
les corrections secondaires nettement réduites de par la
compréhension de l’importance de la reconstruction du plan
muqueux sans être trop focalisé sur la lèvre blanche et l’arc
de cupidon. Il est plus facile de limiter au maximum la
formation d’une déformation secondaire que de la corriger,
surtout si elle interfère avec la croissance [4].
sujet à partir du moment où la cheiloplastie primaire est bien
réalisée est une erreur conceptuelle majeure.
La chéiloplastie secondaire est le marqueur d’une volonté
d’excellence, et bien maitriser tous ses aspects est aussi
important que maîtriser le reste du protocole thérapeutique.
Il est classique de linéariser la prise en charge thérapeu-
tique selon un protocole propre à chaque centre chirurgical
(Fig. 1), mais il n’en reste pas moins que les concepts
thérapeutiques sont identiques [5].
Ainsi, au-delà des nombreuses variations qui peuvent être
apportées à cette séquence, le premier temps de reconstruc-
tion comporte toujours une chéiloplastie primaire avec ou
sans rhinoplastie [6] suivi par un temps de vélopalatoplastie.
Tous les auteurs s’accordent sur l’importance capitale de
cette première correction [7], cependant tous ceux qui ont
traité des adultes non opérés savent que le déficit global de
croissance faciale n’est pas consubstantiel à la fente mais est
secondaire au traitement chirurgical [8].
Classiquement, une fois toutes les composantes maxillo-
faciales traitées et alignées, venait le temps final de la
cheiloplastie secondaire facultative [9].
Lors de la consultation anténatale, nous avons coutume
de dire aux parents que le traitement serait long et que nous
vieillirons ensemble jusqu’à la fin de la croissance de
l’enfant. Ce suivi permet de poser l’indication d’une correc-
tion secondaire au moment le plus opportun qui varie d’un
enfant à l’autre. Cette notion de suivi long est indispensable
car elle induit une connaissance fine de l’enfant et de son
entourage pour savoir quand intervenir ou quand temporiser.
Sur plan du développement cognitif, l’enfant reconnait
son visage dans un miroir vers l’âge de 18 mois, sans préjuger

Figure 1 Séquence thérapeutique classique présentée aux patients ayant une fente labio-palatines.
La cheiloplastie secondaire dans le traitement des fentes labio-palatines
du moment de l’acquisition de sa connaissance de sa dif-
férence.
C’est dans le regard d’autrui que l’enfant verra sa dif-
férence [10].
La place de la gingivo-périostéo-plastie (GPP) est centrale
car c’est le temps de fermeture gingivale qui complète la
reconstruction anatomique labiale. Nous préférons utiliser le
terme de gingivo-periostéo-vestibulo-plastie ou GPVP. C’est
lors de ce temps que se réalise la libération définitive du
carrefour des trois muqueuses en reconstituant la continuité
muqueuse labiale, nasale et palatine. Il ne peut y avoir de
troisième dimension labiale sans GPVP, principalement par
le biais de la vestibuloplastie associée, La chéiloplastie
primaire ou secondaire doit restaurer ces trois dimensions
en commençant par la muqueuse humide du vestibule.
Certains auteurs ont préconisé de réaliser la GPP lors du
temps de palatoplastie, sous prétexte de réduire les greffes
osseuse secondaires [11] avec des conséquences néfastes
prévisibles sur la croissance [12], avec de plus une avalanches
de descriptions toutes plus précoces ou primaires les unes que
les autres jusqu’à qu’un peu de bon sens ne soit apporté [13].
La GPP avec ou sans greffe osseuse [14] doit rester un temps
dissocié de la chéiloplastie à proposer au plus tôt vers 3 ans.
Figure 2 Classification générale des anomalies labiales secondaires après les cheiloplasties primaires.
415
Dans notre séquence thérapeutique, c’est le premier
temps invisible de la chéiloplastie secondaire.
Il faut bien expliquer aux patients que la plastie
gingivale autorise une remise en position anatomique
des structures musculaires et surtout par la gestion
beaucoup précise du versant muqueux de la lèvre
supérieure, elle apporte un bénéfice fonctionnel considé-
rable avec un impact sur la croissance indéniable. Il n’y
pas à notre sens d’indication aux cheiloplasties secon-
daires avant la plastie gingivale en dehors de rares cas ou
la chéiloplastie primaire s’est compliquée. Dans ces cas
précis on dépasse le risque de traumatismes locaux post
chirurgicaux en réalisant une correction secondaire plus
précoce.
Il est classique d’envisager l’âge scolaire (entre 3 et 6 ans)
comme le début de la confrontation de l’enfant au regard des
autres. Cette mise en relation avec autrui en dehors du cadre
familial est un moment crucial. Les autres enfants sont très
réceptifs à toute asymétrie faciale, ce qui fait que la vue
d’une cicatrice associée à un respect de la symétrie n’engen-
dre pas de rejet spécifique alors qu’une asymétrie faciale est
immédiatement identifiée, et ce d’autant plus qu’elle
concerne l’arc de cupidon [15].
416
Les conséquences de ce rejet peuvent être dévastatrices
pour le développement psycho-social de l’enfant [16].
On ne peut plus attendre la fin de croissance pour pro-
poser une chéiloplastie secondaire, c’est presque une course
contre la montre qui se joue parallèlement au traitement
classique. L’insertion sociale est primordiale, ce qui
implique qu’il faut envisager non pas une chéiloplastie
secondaire mais au besoin, des cheiloplasties secondaires.
Il est prouvé que nonobstant une bonne intégration
sociale, les adultes gardent dans une forte proportion une
insatisfaction réelle par rapport à leur aspect esthétique
facial [17], impliquant plus une acceptation ou une résilience
qu’une satisfaction pleine et entière. En pratique quand on
pose directement la question aux adultes avec une fente
faciale même bien opérée, il reste quasiment 50 % de patients
insatisfaits de leur apparence [18], avec une particularité liée
au sexe, puisque les hommes vivent plus difficilement que les
femmes le fait d’être porteur d’une fente labio-palatine [19].
Bien que les sujets jeunes soient plus affectés que les
adultes, leur plasticité mentale est un atout si on les associe
en tant que décisionnaire au processus thérapeutique. Cette
association améliore la qualité de la perception du traite-
ment par les patients et leurs familles.
Il faut cependant garder à l’esprit que l’autoévaluation
esthétique des patients est dans 50 % des cas différentes de
celle des chirurgiens spécialisés [20].
Chaque enfant opéré sera porteur d’une fente spécifique,
et cette spécificité se retrouvera dans l’éventuelle tech-
nique secondaire. Cela impose de réinventer pour chaque
patient la technique et le timing adéquat. La chéiloplastie
Figure 3 Anatomie schématique labiale supérieure. On note la forme arciforme du muscle orbiculaire qui se projette en avant.
S. Bennaceur et al.
secondaire est le seul geste chirurgical ou le tempo humain
et esthétique prime sur la règle. C’est un contrat qui va bien
au-delà des chapelles, des règles graduées et des mesureurs
d’angles, seul la recherche du beau doit nous guider, et de
tous les gestes techniques à transmettre à nos successeurs
c’est le seul qui ne peut pas s’apprendre facilement. Chacun
doit faire son chemin avec ses patients.
Analyse des séquelles labiales et
classifications
L’évaluation labiale est complexe, car il y a une lèvre au
repos et une lèvre en mouvement. L’examen est clinique et
photographique. Cliniquement la lèvre est évaluée dans ses
trois composantes épithéliales, lèvre blanche, lèvre rouge
sèche et lèvre rouge humide. La palpation de l’épaisseur
labiale évalue la trophicité musculaire et il est fondamental
de dérouler le vestibule labial supérieur de la 13 à la 23.
Aucune plastie labiale ne sera satisfaisante en cas de bride
vestibulaire. L’articulé dentaire est vérifié et la position
globale du maxillaire dans le sens antéropostérieure et
vertical est aussi évaluée, sachant que le sourire est posé
sur le maxillaire supérieur.
L’examen dynamique évalue les mimiques, principale-
ment lors du sourire, avec un test de projection labiale
(sifflement) et la prononciation des phonèmes bilabiaux.
La recherche de syncinésies associées est très importance
car cette transposition de l’insuffisance vélaire altère pro-
fondément la dynamique labiale.
La cheiloplastie secondaire dans le traitement des fentes labio-palatines 417

Quelques auteurs ont tentés de décrire une approche
systématique au travers de classifications universelles. Les
descriptions de reprises secondaires de fentes sont nombreu-
ses, et très vite un consensus sur une prise en charge globale
exhaustive s’est mise en place [21], allant même jusqu’à
systématiser la réouverture complète dite en open lip pour
mieux la reconstruire [22], sans pour autant formaliser une
classification applicable à tous les cas comme le système
décrivant les fentes labio-palatines [23]. La première tenta-
tive de classification [24] était basée en reverse sur l’indica-
tion opératoire sans décrire les anomalies initiales, mais
posait la question du besoin d’une classification non sub-
jective. Un autre modèle basé sur une évaluation croisée des
patients par des évaluateurs chirurgiens et non chirurgiens
[25] démontre que la notion même de score normalisé est
inutile car il démontre qu’il n’y a pas de différence dans les
scores des différentes équipes qui ont des évaluations par-
faitement superposables, allant de bon à inacceptable.
Ce qui relativise les classifications plus chirurgicales telles
que la VLS Vermillion Lip Scar [26] ou la classification en
4 stades selon le degré de dystopie, cutané, cutanéo
muqueuse, musculaire et ou osseux [27]. La classification
en sept points par unité anatomique a aussi été utilisée mais
reste trop peu descriptive [28]. À ce jour aucune classifica-
tion n’est réellement satisfaisante et les approches plus
simples sont purement descriptives et définissent actuelle-
ment 6 principaux sous types de déformations secondaires
(Fig. 2).
En pratique nous pensons que toute classification norma-
tive n’a dans ce cas précis aucun intérêt puisque chaque
patient est unique [29] et nous préférons raisonner en bri-
ques techniques à combiner comme un lego en utilisant
chaque unité technique élémentaire adaptée au problème,
puis en les combinant de façon spécifique pour proposer un
traitement spécifique le plus complet possible au patient.
des artistes peintres. La volumétrie labiale par stéréophoto-
grammométrie reste encore du domaine de la recherche [33].
La Ligne E de Ricketts, ligne tangente à la fois à la pointe
du nez, à la pointe du menton et à la lèvre inférieure est
intéressante car elle tient compte de la ligne de profil ce qui
intègre les position osseuses. Dans une situation normale, le
plan E doit être 4 mm en avant de la lèvre supérieure et à
2 mm en avant de la lèvre inférieure. Si la lèvre est en avant
de la ligne E, on parle de prochéilie et inversement lorsque
qu’elles sont en arrière on a une rétrocheilie supérieure ou
inférieure. C’est une méthode simple d’évaluation sur des
profils normés, qui est superposable et qui tient forcément
compte de la position des maxillaires.
Cependant la question de l’esthétique labiale telle
qu’elle est perçue par la population générale, ne se retrouve
pas du tout chez les patients porteurs de fente labio-pala-
tine. La demande n’est pas du tout de faire du beau, mais de
récupérer une symétrie, de faire en sorte que la fente ne voit
plus, de quitter le monde obscur des enfants marqués par un
destin négatif pour revenir dans le lot commun [34]. C’est
quasiment à l’opposé de la motivation classique d’une
demande esthétique. Cependant il ne faut pas se méprendre,
cette dimension esthétique non verbalisée doit être
omniprésente dans notre esprit.

Esthétique labiale

Se poser la question de l’esthétique labiale reviens à définir

un désir virtuel comme objectif réel. Il est très difficile de
définir une lèvre esthétique universelle mais quelques cri-
tères décrivant les critères actuels de l’esthétique labiale
sont utilisables.
Les supports de la beauté faciale dans la population
générale sont bien définis. Chez les sujets caucasiens les
caractéristiques esthétiques idéales du profil sont représen-
tées par le profil plutôt convexe chez les femmes et plutôt
droit chez les hommes [30].
La hauteur des lèvres est importante dans la recherche
d’un optimum esthétique. Des lèvres trop longues, trop
avancées ne permettent pas l’apparition de l’espace inter-
labial en position de repos, à l’inverse les lèvres trop courtes
seront à l’origine d’incompétence labiale.
La protubérance labiale avait anciennement un caractère
ethnique marqué jusqu’à ce que des études récentes ont
montré une modification de notre référentiel d’esthétique
labiale avec les morphotype associant les lèvres plus pleines
avec à des nez plus petits en haut de la grille esthétique [31].
Les données anthropométriques définissant une largeur
moyenne idéale à 51 mm [32] ne sont pas plus utiles que les Figure 4 Importance de la libération de la muqueuse vesti-
nombres d’or appliqués à la description de l’harmonie faciale bulaire.
418 S. Bennaceur et al.

Figure 5 La GPVP ou l’importance de la vestibuloplastie associée à la gingivopériostéoplastie.

En effet dans le cas des fentes unilatérales la question est
de savoir si on prend le côté sain comme référence, auquel cas
la chéiloplastie secondaire est une symétrisation labiale ou si
on prend un idéal autre, auquel cas la chéiloplastie devient
bilatérale et esthétique (par ex lipofilling étendu). Dans le cas
des fentes bilatérales il n’y pas de coté sain et la déformation
nasale occupe tout l’espace. Dans ces cas il faut privilégier les
lèvres pulpeuses et hautes, un arc de cupidon haut et avec une
coloration muqueuse uniforme [35]. À la réserve près qu’en
matière d’évaluation des résultats esthétiques les profession-
nels des centres spécialisés ont tendance à surévaluer leurs
résultats versus les non-spécialistes. Ce qui reviens à dire que
nous sommes pas les mieux placés pour parler de l’esthétique
labiale post chirurgicale et que notre avis compte peu par
rapport à celui des non initiés, qui sont in fine la catégorie de
personnes dont le regard compte le plus [36].
Nous savons d’où nous sommes partis, alors que nos
patients savent où ils veulent aller.

Figure 6 Allongement muqueux par inversion et repositionnement vestibulaire de la muqueuse philtrale.

La cheiloplastie secondaire dans le traitement des fentes labio-palatines 419

Bases anatomo-clinique labiale et En effet lors de la fermeture buccale le contact bilabial ne se

cicatrisation cutanéo-muqueuse
Le philtrum a toujours suscité la fascination. C’est un mot
latin qui provient du grec philtron qui signifie « potion
d’amour ». Il est composé de la fossette et des crêtes, qui
sont souvent appelées « colonnes philtrales ». Sa structure
présente une double énigme.
Les crêtes forment-elles la fossette ou vice versa ?
C’est le muscle orbicularis oris qui donne sa forme à la
lèvre supérieure. Ce muscle présente des subdivisons large-
ment décrites, intrinsèque/extrinsèque, profonde/superfi-
cielle, et pars marginalis/peripheralis. Nous préférons les
appellations de pars marginalis pour les fibres inférieures et
pars peripheralis pour les fibres supérieures. On peut
schématiser les lèvres comme un sphincter tridimensionnel.
fait pas au niveau des portions les plus distales des lèvres
mais au niveau de la jonction lèvre sèche et lèvre humide, la
lèvre dépasse du plan de contact car les muscles orbiculaires
sont éversés dans leur portion distale, ce qui implique que les
lèvres sont en trois dimensions associant une longueur, une
largeur et une projection. L’analyse de la forme générale du
muscle orbicularis oris montre que contrairement à ses
représentations anatomiques il n’a pas une forme en rideau,
verticale mais que sa partie inférieure est arciforme et
projetée en avant (Fig. 3) et il donne naissance dans sa
portion médiane à la fossette philtrale. C’est en lien avec
la nature embryologique de la lèvre supérieure qui associe les
deux bourgeons nasaux internes (philtrum) vestige de la
symétrie neurale et les deux bourgeons maxillaires.
La migration musculaire est plus tardive et post fusion-
nelle, ce qui explique l’absence de fibres musculaires dans le

Figure 7 Excès vermillonaires minimes traités par exérèses sutures.

420
Figure 8 Technique de double lambeau myo-muqueux de
Yotsuyanagi.
philtrum dans les fentes bilatérales. De plus le prolabium
n’est pas sollicité lors de la succion in utero, ayant pour
conséquence une hypoplasie muqueuse marquée, d’où la une
brièveté muqueuse associée (Fig. 4).
Figure 9 Lipofilling labial supérieur.
S. Bennaceur et al.
Les études anatomiques et histologiques ont montré que
les fibres de pars peripheralis dépassent la ligne médiane et
s’insèrent dans la crête philtrale contralatérale [37]. Des
extensions des fibres des levator labii superioris descendent
verticalement pour aller s’insérer dans la bordure supérieure
du vermillon formant l’arc labial. La portion haute du phil-
trum voit un inter-croisement des fibres périphériques orbi-
culaires avec les nasalis qui s’insèrent dans la portion haute
des crêtes philtrales controlatérales. La rainure philtrale
correspond à la décussation médiane des muscles orbicularis
oris avec une épaisseur labiale de la lèvre moindre en
médian. La musculature peaucière des lèvres est aussi carac-
térisée par des insertions directes de fibres musculaires dans
la peau, réalisant des loges séparatives. Le nombre moyen de
cavités identifiées dans les lèvres supérieures et inférieures
est plus élevé dans la lèvre rouge.
Cette décussation est la base architecturale des crêtes
philtrales. Par contraste, la fossette philtrale reflète
l’absence de cette insertion dermique. Lors des contractions
de la lèvre supérieure les crêtes sont plus proéminentes, ce
qu’on ne retrouve pas dans les fentes. On considère que la
pars marginalis est responsable de la contraction sphinc-
La cheiloplastie secondaire dans le traitement des fentes labio-palatines
térienne labiale et que la pars peripheralis a une action
d’élévation et de rétraction labiale [38].
L’anatomie anormale du muscle orbicularis oris dans les
fentes labio-palatines est bien connue, les études histologi-
ques des tissus réséqués au cours de la réparation ont montré
que les fibres de la partie périphérique s’étendent parallèle-
ment aux berges de la fente, s’étendant médialement vers la
colonne et latéralement vers la base alaire, réalisant une
jonction anormale avec le muscle transversus nasalis. Le
nombre de ces fibres verticales augmente dans les fentes les
plus larges, réalisant l’aspect de sphéroïde musculaire.
Les fibres du deuxième faisceau orbiculaire correspon-
dent aux fibres de lèvre rouge ou pars labialis et restent
alignées le long de l’axe labial.
Dans la plupart des formes de fente labio-palatine unila-
térale il n’y a pas de crête philtrale du côté affecté et la
fossette philtrale est peu profonde.
Dans une fente labio-palatine bilatérale complète, il n’y a
pas de fibres musculaires orbicularis oris dans le prolabium
[38] et donc les crêtes philtrales, la fossette et le rouleau
blanc sont absents, et le muscle orbicularis oris des bour-
geons latéraux à ses fibres musculaires orientées quasi ver-
ticalement vers la base de l’alaire [39].
Les conséquences de ces observations sont importantes
dans la reconstruction primaire ou secondaire du philtrum
dans les fentes labio-palatines.
Lèvre fendue unilatérale.
Figure 10 Greffe de muqueuse sèche hétérolabiale pour corriger les dychromies de la lèvre rouge.
421
Dans les fentes unilatérales, diverses méthodes de cons-
truction d’une crête philtrale ont été décrites dans les
cheiloplasties primaires, la constante étant l’obligation de
rétablir l’orientation normale des fibres musculaires, l’idéal
étant d’obtenir une éversion naturelle du muscle orbicularis
oris [40].
Lèvre fendue bilatérale.
Dans les fentes bilatérales, le seul avantage d’une fente
labiale complète bilatérale repose sur l’existence d’une
symétrie prolabiale. Lors de la chéiloplastie primaires les
auteurs insistent sur l’importance du choix de la largeur
philtrale car il est connu que le philtrum reconstruit s’élargi.
La conception du néo philtrum, en termes de forme et la
dimension, est critique. Le philtrum reconstruit s’élargit, de
2,5 fois à la base de la colonne et 2 fois aux sommets de l’arc
de Cupidon. Cette capacité d’expansion est un des aspects
fondamentaux du concept technique que nous utilisons. Il est
probable que cette capacité d’expansion soit liée au fait
qu’il n’y a pas d’insertions directes musculo-épithéliales de
type peaucière dans le philtrum, sans septa, ni loges. Ainsi la
peau philtrale est libre de toute contrainte et le but c’est de
guider son expansion dans la direction souhaitée. Par contre
le choix général de garder lors de la chéiloplastie primaire
une petite portion du prolabium muqueux est une erreur pour
deux raisons, le première est due au fait que la longueur
muqueuse vestibulaire est fixe et non extensible limitant la
future projection labiale. La seconde est liée au fait que la
422
musculature étant absente du prolabium il n’y pas de jonc-
tion musculo-epithéliale augurant d’une plasticité nulle de
ce petit segment labial.
Biologie cicatricielle et gestion des
cicatrices
Les cicatrices secondaires ou primaires dues au traitement
des fentes labio-palatines ont des spécificités liées à la
dualité des cicatrices muqueuses associées à des cicatrices
cutanées. Elles n’obéissent pas aux même règles car ne sont
pas anatomiquement semblable. Les cicatrices muqueuses
sont naturellement invisibles du fait de leur structure et de
leur biochimie.
L’épiderme et l’épithélium oral sont principalement
constitués de kératinocytes et de quelques cellules de Lan-
gerhans. L’épithélium oral contient cependant plus de cou-
ches cellulaires que l’épiderme. Le derme et la lamina
propria sont séparés par une lamina basale et comprennent
des terminaisons nerveuses, des vaisseaux sanguins, des
fibroblastes, des mastocytes et des macrophages, qui sont
entourés de protéines matricielles extracellulaires. La cou-
che sous-cutanée et la sous-muqueuse se composent princi-
palement de tissu adipeux, mais les fibroblastes, les
vaisseaux sanguins et les nerfs sont également présents.
La sous-muqueuse n’est pas présente dans toutes les parties
de la cavité buccale. Dans ces zones, la lamina propria est
directement reliée aux structures osseuses.
La cicatrisation muqueuse est proche de part ses média-
teurs et sa biochimie des cicatrisations cutanées fœtales [41].
La réépithélialisation muqueuse de la zone blessée est réalisée
Figure 11 Réalignement de l’arc de cupidon par des plasties des muscles orbiculaires avec interposition de petits lambeaux de
rouleau blanc.
S. Bennaceur et al.
plus rapidement que son équivalent cutanée. Parmi les consti-
tuants de la matrice extracellulaire, le procollagen-1et le FN
ED-a restent régulés plus longtemps dans les plaies cutanées,
tandis que le TN-C persiste plus longtemps dans les plaies
buccales. Les mastocytes, les neutrophiles, les macrophages
et les lymphocytes T sont présents mais peu nombreux par
rapport aux plaies cutanées. L’IL-6 et L’IL-8 s’expriment de
façon prolongée dans les plaies cutanées, mais ne s’expriment
que brièvement dans les plaies buccales. Les cytokines IL-23,
IL-24, IFN-a, et IFN-b et les chimiokines CCL3, CCL20, CXCL3,
CXCL7 et CXCL13 sont absentes et le TGF-b1 est diminué dans
les plaies orales, ce qui indique une réponse inflammatoire
réduite dans la muqueuse orale. Une caractéristique impor-
tante de la muqueuse buccale est qu’elle contient de la salive,
qui pourrait être impliquée dans la réponse inflammatoire
réduite. Le CCL5, le CCL12 et le CXCL10 sont présents et le
TGF-b3 est augmenté dans les plaies orales. On retrouve moins
de vaisseaux sanguins et moins de production de VEGF. Inver-
sement les fibroblastes oraux présentent un taux de proliféra-
tion accru. Enfin, un afflux de myofibroblastes est plus marqué
dans les plaies orales [42].
Les cicatrices cutanées obéissent aux règles des cicatrices
cutanées avec les mêmes risques de cicatrices inesthétiques.
Le management post opératoire obéi aux règles classiques de
gestion cicatricielle associant massage, hydratation, panse-
ment siliconé et protection solaire. La dermabrasion de la
cicatrice est à proscrire car de peu d’utilité, elle ne fait que
prolonger la phase inflammatoire.
La réduction de la composante inflammatoire par laser,
CO2 fractionné [43] ou par laser pulsé associé à une lumino-
thérapie [44], est un adjuvant précieux.
La cheiloplastie secondaire dans le traitement des fentes labio-palatines 423

Cependant malgré ces précautions, de rares cicatrices Excédent du vermillon

cheloides peuvent survenir [45]. Leur traitement est aléa-
toire et souvent décevant. Le patient doit être informé de Cet excédent peut être paraphiltral (Fig. 7) à l’aplomb de la
cette possible impasse thérapeutique avant le traitement. cicatrice, qui est souvent secondaire à une infiltration per
opératoire trop proche du plan muqueux superficiel entrai-
Linéarité des cicatrices nant un œdème muqueux liée à l’hypertumescence faussant
les alignements lors des sutures.
Selon les deux concepts principaux de cheiloplastie primaire, L’excédent peut être latéral réalisant l’aspect de lèvre
soit la crête philtrale est intacte avec une linéarité préservée rouge longue, qui est du à un décollement trop étendu entre
(groupe des rotations avancement type Millard) soit la ligne la muqueuse vestibulaire et le muscle orbiculaire avec un
philtrale est interrompue par un Z (groupe des Tennison et excès par déroulement muqueux. Une excision — suture
apparentés). simple à grand axe horizontal, emportant la muqueuse est
Les cicatrices étant évidemment moins visibles dans le suffisant avec au besoin une libération a minima du muscle
groupe à linéarité intacte [46] qui respecte les sous-unités sous-jacent qui peut être éventuellement repositionné en
labiales et qui camoufle les cicatrices dans l’ombre créé par rotation. À l’instar de ca que qui est préconisé en chirurgie
le relief du nez et par la projection naturelle de la crête
philtrale, assimilée à une colonne visuelle qui aimante le
regard.
Les corrections labiales par lambeaux triangulaires bri-
sent ces colonnes et créent des cicatrices qui attirent le
regard, surtout lors du sourire ou sous certains éclairages.
Dans notre expérience la cicatrice idéale est en rotation
avancement sans que cela soit un dogme. La hauteur natu-
relle de la lèvre rouge est un paramètre qui modifie l’ori-
entation de la sous section philtrale et qui aide grandement à
camoufler la cicatrice.

Les anomalies et leurs corrections. Briques

techniques

Déformations muqueuses.
Brides vestibulaires.
L’évaluation de la muqueuse et de ses degrés de liberté est
un temps très important, la longueur et mobilité muqueuse
(Fig. 4) déterminent tout le devenir de la fente [47].
La longueur et la profondeur du vestibule sont évalués de
canine à canine. En cas de bride vestibulaire, sa correction
est idéalement réalisée lors du temps de GGP, c’est pourquoi
nous préférons le terme de GPVP gingivo périostéo vestibulo-
plastie. Ce temps opératoire sera mis à profit pour fermer les
éventuelles fistules bucco nasales.
La libération vestibulaire.
Le vestibule labial doit être profond et libre de toute
adhérence pour permettre une fonction labiale normale et
faciliter traitement orthodontique. Le vestibule étroit est le
plus souvent une séquelle d’une correction primaire
incomplète de la muqueuse vestibulaire, cependant dans
le cas des fentes bilatérales, le choix de garder la jonction
lèvre rouge-lèvre blanche en conservant l’arc de cupidon
induit forcément une brièveté vestibulaire intrinsèque. Nous
ne parlerons pas des petites brides peu étendues qu’une
plastie en Z corrige facilement. La vestibuloplastie est un
premier temps invisible mais indispensable car la muqueuse
labiale n’est pas extensible et la moindre bride muqueuse
aura des conséquences sur l’esthétique labiale [48] et sur la
dentition (Fig. 5).
Dans les brides plus étendues, les auteurs préconisent des
techniques de lambeaux locaux muqueux [49] ou des plasties
en VY [50]. Dans les fentes bilatérales le vestibule labial est
libéré plus efficacement en utilisant la muqueuse du vermil- Figure 12 Reconstitution de l’arc de cupidon par réenroule-
lon retournée dans le vestibule (Fig. 6). ment d’un lambeau myo-muqueux.
424
esthétique labiale les incisions seront posées idéalement à la
jonction muqueuse humide — muqueuse sèche augurant
d’une cicatrice invisible.
Déformation en siffleur (whistling lip) et
autres déficit volumétriques des lèvres
Cette déformation médiane est l plus souvent reliée aux
fentes bilatérales par un défaut d’abaissement musculaire,
mais il y a une composante liée à l’hypoplasie orbiculaire ce
qui explique que cette déformation puisse être retrouvée
dans les fentes unilatérale selon le degré de déformation.
Dans les cas ou la mauvaise approximation musculaire est
avérée, une plastie des pars labialis des muscles orbiculaires
est suffisante. Un apport volumétrique est un adjuvant
précieux, soit par une dissection du muscle orbiculaire en
regard du vermillon du côté fendu, puis le lambeau muscu-
laire est ensuite glissé dans un tunnel sous-muqueux contro-
latéral. Les autres solutions qui apportent du volume sont
classiques, certaines venant du champ de la chirurgie esthé-
tique, comme évoqués plus loin.
Des techniques plus élégantes (Fig. 8) associant deux
lambeaux musculo-muqueux sont indiquées [51] et
Figure 13 Vestibuloplastie étendue en VY avec un réalignement de la jonction lèvre rouge lèvre blanche et reconstitution de l’arc
de cupidon par plastie d’enroulement de la lèvre sèche.
S. Bennaceur et al.
donnent d’excellents résultats. Nous préférons utiliser
les volumateurs pour permettre un remplissage plus
étendu qui lisse plus largement (Fig. 9) les déficits
vomumétriques.
En effet outres les déformations du muscle orbiculaire
dans les fentes labiales déjà évoquées il a été décrit une
hypoplasie musculaire intrinsèque [52], classique dans les
autres neurocristopathies mais peu décrites dans les fentes
labio-palatines.
Cette hypoplasie explique en partie certains résultats
incomplets en termes de volume en dépit d’une correction
anatomiquement adéquate de la lèvre. Cette insuffisance
volumétrique orbiculaire n’a pas la même signification que la
dépression labiale sous nasale qui est souvent du à un défaut
de support.
La recherche de volume labial supplémentaire est une
demande fréquente aussi bien dans les cas de déficience
volumétrique segmentaire ou globale ce qui sous-tend
demande une dimension esthétique associée. Il est acquis
que les greffes graisseuses autologues [53] apportent un
complément volumétrique vivant et stable [54]. L’extension
des lipofilling aux séquelles de fente labio-palatines est
largement acquis et utilisé [55] certains auteurs ont proposé
de faire un lipofilling lors du geste primaire pour améliorer au
La cheiloplastie secondaire dans le traitement des fentes labio-palatines
maximum la trophicité locale, ce qui simplifiera d’autant le
geste secondaire. L’injection peut être faite en sous-
muqueux en lipomodeling fluidifié au maximum avec un effet
volumateur éversant marqué sans allongement de la lèvre
blanche, ou plutôt en intramusculaire en nappe qui donne du
volume et allonge la lèvre blanche [56] En règle générale la
surcorrection est la règle, de l’ordre de 20 %, un autre
avantage résidant dans la possibilité de renouveler la pro-
cédure au besoin. D’autre types de greffes ont été décrites,
les greffes dermiques [57], ou composites dermograisseuses
[58], ou encore tendineuse ou de matrice extracellulaire
[59,60].
Arc de cupidon et les déficits
colorimétriques ou déficits isolés de lèvre
sèche
La reconstruction esthétique de l’arc de cupidon est la clef
de voute de la chéiloplastie secondaire [61]. Il s’agit d’une
limite anatomique entre la lèvre blanche et la lèvre rouge
Figure 14 Reconstruction philtrale simple avec sacrifice de la muqueuse du prolabium repositionnée en vestibulaire et expansion
philtrale par double lambeau d’avancement.
425
avec un certain nombre de constantes anthropométriques
[62] mais en ce qui nous concerne l’arc de cupidon est une
ligne avec un signifiant symbolique très fort, et toute dysto-
pie ou dislinéarité est immédiatement identifiable. Sur un
plan descriptif l’arc de cupidon a trois dimensions, avec une
linéarité, une forme, et un volume qui associe le white roll,
la dépression philtrale et la projection de la portion centrale
sous le tubercule labial.
La coloration plus marquée de la lèvre rouge sèche par
rapport à la lèvre rouge humide est principalement due à une
différence dans la densité de mélanocytes entre les deux
lèvres. Ce qui a une incidence sur la reconstruction car seule
la muqueuse de lèvre rouge sèche peut être utilisée pour se
reconstruire elle-même. Suite à des descriptions de greffe de
muqueuse sèche avons dévelopé notre technique de greffe
directe de muqueuse sèche que nous utilisons dans les
petites dyschromies vermillonnaires (Fig. 10).
Dans les suites de fentes labio-palatines, les indications
de plastie du vermillon sont premièrement les encoches et
les autres ruptures la linéarité de la jonction lèvre blanche et
secondairement les lèvres supérieures trop fines avec un arc
426
Figure 15 Reconstruction d’un philtrum cicatriciel secon-
daire avec une association de greffe de peau totale et un
double déroulement de muqueuse sèche pour refaire l’arc
de cupidon.
S. Bennaceur et al.
Figure 16 Reconstruction d’une séquelle de nécrose du pro-
labium avec une association de greffe de peau totale et un
double glissement muqueux vestibulaire.
de cupidon peu marqué. Dans ces cas un mixte de chéilo-
plastie avec rotation et interposition d’un mini lambeau de
white roll a notre préférence (Fig. 11).
Les mouvements directs avec une résection arciforme de
la lèvre blanche à la jonction du V de l’arc de cupidon sont
bien décrits [63]. Cette technique garde le défaut de faire
porter l’élévation sur une tension muqueuse vers le haut
associée à une réduction de la lèvre blanche. Le décollement
La cheiloplastie secondaire dans le traitement des fentes labio-palatines 427

associé du vermillon en lambeau muqueux, qui sépare les

plans de la lèvre [64] est notre technique de référence car
elle permet une élévation fine et simple de la demi arcade du
V sans tension (Fig. 12). La reprise de la chéiloplastie avec
alignement en rotation du point haut du rouleau blanc [65]
est bien sur possible (Fig. 13). Dans les cas où l’on souhaite
relever globalement l’arc de cupidon sur une grande largeur
la plastie vermillonaire en W est indiquée. Il s’agit d’un
double mouvement croisé lèvre rouge lèvre blanche [66]
que nous préconisons dans les grands défects de l’arc de
cupidon.

Reconstruction philtrale complexe

Cela concerne en général les fentes bilatérales. La particu-

larite du philtrum dans ces cas est sa capacité d’expansion.
On peut donc le recréer soit par une vestibuloplastie avec
révision complète de la lèvre, utilisant le fait qu’après avoir
libéré le plan muqueux cela redonne très rapidement une
forme philtrale satisfaisante (Fig. 14) par expansion secon-
daire. Le lien naturel myo muqueux recrée donne une bonne
texture, forme et coloration au philtrum.
Dans les cas de cicatrices arciformes retrouvées dans la
technique de Lemesurier (Fig. 15), ou dans les cas post-
nécrose du prolabium nous proposons en première intention
la solution de la greffe de peau totale qui permet de recon-
stituer l’entière unité philtrale [67] si la muqueuse est
utilisable (Fig. 16). Un autre avantage des greffe repose
sur le fait que l’on peut utiliser en partie l’ancien philtrum
pour allonger la columelle nasale (Fig. 17). Dans le cas
contraire, ou en cas d’échec de la greffe, en deuxième
intention il faut recourir aux lambeaux hétérolabiaux.

Lambeau hétéro labiaux

Dans les cas d’altérations philtrales volumétrique ou cica-

tricielle sont trop marquées, il est classique de proposer une
reconstruction par lambeau hétéro labial [68].
La technique est bien connue, une fois le lambeau dis-
séqué, il est positionné en position philtrale médiane haute
en conservant la vascularisation par l’artère coronaire. Le
sevrage est réalisé au 12e jour avec un soin particulier au
niveau des sutures muqueuses au niveau du pédicule.
Il s’agit d’un transfert composite de peau, de muscle et de
muqueuse permettant la reconstruction des trois feuillets de
la lèvre (Fig. 18). Si sa zone de prélèvement est médiane ou
para médiane le positionnement est médio philtral en rem-
placement de l’unité anatomique philtrale [69]. Son intérêt
principal est l’avantage majeur qu’il apporte en termes de
gain de projection labiale [70]. Son autre intérêt est d’avoir
une composante muqueuse qui reconstruit le vestibule
supérieur. Dans certains cas la portion la plus distale peut
aller jusqu’à la columelle en allongement direct ou en
tubercule en jonction labio-nasale [71].
Intrinsèquement les lambeaux hétéro labiaux ont une
grande utilité, mais aussi des limites majeures. En effet
souvent la lèvre inférieure n’a pas la même carnation que Figure 17 Association d’une greffe de peau totale avec lam-
la lèvre supérieure. De plus chez les sujets masculins la zone beau en fourche et repositionnement de l’arc de cupidon.
médiane labiale inférieure est glabre en dehors du relief sous
labial ce qui pose un problème esthétique identique à celui
de la gestion du philtrum des fentes bilatérales. La rançon
428
Figure 18 Reconstruction d’un philtrum cicatriciel avec un lambeau hétérolabial.
cicatricielle labiale inférieure est marquée. Ce qui réduit
d’autant les indications de ce type de lambeau au déficit
volumétriques majeurs.
Seule la variante purement muqueuse de transfert ver-
millonaire [72] qui combine un apport labiale tri-composite
médian à une cicatrice quasiment invisible reste indiquée.
Les crêtes philtrales
La traduction technique reste compliquée et la reconstruc-
tion secondaire de crêtes philtrales et surtout de la fosse
philtrale est souvent décevante.
La méthode traditionnelle est révision complète de la
lèvre avec la réparation de l’orbicularis oris musculaires en
utilisant les méthodes décrites par de nombreux auteurs,
allant d’une réparation musculaire avec un chevauchement
des quatre couches musculaires (2 de chaque côté de la
fente) de telle sorte que le muscle orbicularis oris est deux
fois plus épais à la crête philtrale ou l’augmentation directe
de la crête avec une greffe autologue. Plusieurs types de
greffe ont été utilisées, Tendon du long palmaire, tissu
cicatriciel, cartilage conchal, et petits volets du muscle
orbicularis oris. Dans mon expérience ces types de greffes
sont inutiles.
S. Bennaceur et al.
En réalité il n’y a pas de technique normalisée de recon-
struction des crêtes philtrales.
Nous préférons remplacer complètement le versant
cutané du philtrum par une greffe de peau totale qui donne
souvent d’excellents résultats comme montré précédem-
ment.
Correction des cicatrices et adjuvants
cosmétiques
Les cicatrices peuvent être élargies soit suite à une suture
primaire sous-tension, soit par le caractère très large de la
fente, soit par la procidence du prémaxillaire projetant sous
tension le neo philtrum. Une reprise complète des cicatrices
est indiquée en prenant soin de placer les futures cicatrices
long des colonnes philtrales. Se pose aussi la gestion des
contours et de la pilosité labiale montre une différence entre
les hommes et les femmes. En effet le maquillage classique
qui est très utile pour symétriser et pulper les lèvres reste
l’apanage des patientes de sexe féminin, pareillement les
maquillages permanents qui sont très utiles pour ombrer le
white roll [73] et marquer l’arc de cupidon sont principale-
ment utilisés par les femmes. Les patients de sexe male ont
peu recours à ces stratégies. Ils se heurtent à l’absence de
La cheiloplastie secondaire dans le traitement des fentes labio-palatines
Figure 19 Utilité du maquillage permanent pour reconstituer
une belle ligne labiale supérieure.
pilosité du prolabium qui va être plus ou moins marqué selon
le profil pileux ou la carnation cutanée des patients. La
coloration plus grise marque fortement les cicatrices par
le triple contraste colorimétrique entre le philtrum plus
clair, la cicatrice blanche et les parties latérales labiales
grisée. La solution des greffes pileuse en poil par poil [74]
isolée ou associée à un lipofilling [75] est très simple à
réaliser et apporte un avantage esthétique majeur avec
l’occultation quasi complète des cicatrices en cas de port
de moustache ou au moins une réduction de la dyschromie
différentielle si le patient souhaite rester glabre [76]. Les
maquillages permanents avec effet d’ombrage de la ligne
labiale supérieure ont une utilité certaine (Fig. 19).
429
Figure 20 Cheiloplastie primaire avec repositionnement ves-
tibulaire complet de la muqueuse du prolabium. On notera
l’expansion philtrale et la qualité de la cicatrisation de la
muqueuse sèche avec un arc de cupidon harmonieux.
Conclusion
La plupart des auteurs mettent l’accent sur le concept d’une
chirurgie réparatrice de l’ensemble naso-labial considéré en
un seul bloc. Nous partageons cette approche mais nous
avons souhaités mettre de plus l’accent sur le rôle central
de la libération de la muqueuse vestibulaire dans la qualité
de la projection labiale supérieure. De plus dans le cas de
fentes bilatérales le vestibule supérieur est trop court avec
les techniques actuelles, aussi proposons nous d’utiliser en
chirurgie primaire et secondaire l’utilisation systématique
du versant muqueux prolabial pour refaire le vestibule
(Fig. 20). La description du concept de la GPVP répond à
cette problématique. La nature spécifique de la peau du
430
prolabium l’autorise. Nous proposons aussi de mettre au
service de nos patients des techniques telle que les greffes
de peau ou de muqueuse mais aussi de techniques dérivées
de la chirurgie esthétique labiale.
Savoir reconstruire une fente primaire c’est bien, mais
savoir reconstruire un lèvre secondaire au moins aussi impor-
tant parce que c’est ce qui compte vraiment pour nos
patients.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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