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Civilisation CIVILISATION

M ADAGASCAR

I
Le
Un exemple
d’organisation administrative

FOKONOLONA
L est une institution imerinienne
qu’on pourrait considérer comme
d’ordre municipal et qui remonte
à un temps à peu près immémorial, écrit le
meaux autour de Merimanjaka 2, mais on
peut supposer en se basant sur les tradi-
tions anciennes que ce petit royaume était
l’un de ceux qui existaient alors car les im-
Professeur S. Chapus 1, c’est le fokonolo- migrants montaient en Imerina par étapes
na, organisation qu’Andrianampoinimeri- et à des époques différentes.
na avait fortifiée en lui accordant, tant au Les généalogies des Andriana (princes
point de vue judiciaire qu’administratif, royaux) ne débutent pas par les mêmes
des pouvoirs étendus. noms : tel manuscrit commencera par An-
Nous voyons tracées dans ces quelques drianizinizina (Vazimba) à Fanongoavana,
lignes les données du problème concernant tel autre par Andrianerinerina à Anerineri-
le Fokonolona, son existence, sa nature, na, un troisième par Andriandrarindravina
son origine, son organisateur, ses pouvoirs. à Ambohitsitakatra, etc... Rien n’empêche
La limite de notre travail nous empêche de croire qu’il y eut plusieurs familles
de suivre l’origine lointaine du Fokonolo- royales, lesquelles par les mariages se rap-
na au-delà de l’époque où les immigrants prochaient peu à peu jusqu’à n’en former
s’établissaient dans le haut plateau de Ma- qu’une : c’est tout à fait dans les traditions
Pr Charles Ranaivo dagascar. malgaches. On reconnaît d’ailleurs que
Extrait des Cahiers Charles de
Foucauld Madagascar, 4è Tr. 1950.
Les R. P. Cadet et Thomas déclarent Andriambahoakafovoanitany, roi d’Ima-
que les Imériniens formaient seulement mo, Manazary, ainsi qu’Andriandranoala,
une petite principauté de quelques ha- Vazimba d’Ankaratra, ne sont pas de la
même lignée que la famille royale
Langues : Français (officielle), bien avant le Xe siècle. Ils consti- imerinienne.
Le Malgache dans toute l’île avec tuent le fond protomalgache. Du
Les Vazimba furent chassés par
REPÈRES
MADAGASCAR : Grande Île à 400 des variantes XIe au XVIe siècle arrivent de
km de la côte sud-est de l’Afrique Groupes ethniques : Mérina (de nouvelles vagues d’Africains, des Andriamanelo, les Hovas prirent

immigrants islamisés attirés par leurs places et occupèrent les hauts


par le canal du Mozambique sur loin le plus dense 1,6 millions), Malais et surtout des Arabes et
l’Océan Indien. État indépendant Betsimisaraka, Betsiléo, Tsimihé-
depuis le 26 juin 1960. ty, Antaisaka, Sakalava. les possibilités commerciales lieux depuis Angavoatsinana et Am-
Superficie : 587 000 km2 Histoire : Les premiers habitants qu’offrent les côtes où ils fondent bohitsitakatra au nord jusqu’à An-
Population : 7,5 millions (Les de Madagascar furent certaine- des comptoirs, importants foyers
Malgaches) ment les Africains de la côte d’influence musulmane. dringitra au Nord-Ouest et Ambo-
himanoa à l’Ouest ainsi que Anka-
Image de Philippe Bressy
orientale qui se fixent dans l’île

l’arbre à Palabres l’arbre à Palabres


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ratra au sud ; tout appartenait à Ralambo, cien membre du groupe qui doit prendre sa rana. Chacun de ces fokonolona garde jus- peuple : atody tsy mifindra reny, des œufs
sur ces collines, ses ancêtres et ses parents place, c’est le régime patriarcal par excel- qu’à maintenant le nom de l’ancêtre. qui ne changent pas de mère. Chaque pou-
établirent leurs habitations.3 lence. 6 Voilà le fokonolona très bien défi- le couve ses propres œufs ; chacun doit
1. - Quatre-vingts ans d’influences euro-
péennes en Imerina ; p. 277.
De plus, après Rangitamanjakatrimova- ni sans prononcer le mot. IL TRAVAILLAIT AU BIEN DE SON PEUPLE vivre et se réchauffer au sein du même fo-
2. - Histoire abrégée de Madagascar ; p. 9 vy, la seule souveraine qui se soit établie M. Rusillon dit : un clan restreint. En EN SE L’ASSOCIANT. Le peuple ayant per- konolona dont il est issu 9.
3. - R. P. Callet : Tantaran’ny Andriana ; T.
I. p.147.
effectivement à Merimanjaka, les rois et effet le clan a un sens trop large ; ce mot mis l’accession au pouvoir de Andrianam- Non seulement Andrianampoinimerina
4. - Il en est de même chez les Berbères. les reines de la tradition habitaient dans s’appliquerait beaucoup mieux au fokon poinimerina 7 aux dépens d’Andrianjafy, reconnaissait le fokonolona, mais il le for-
Robert Montagne, actuellement Directeur
du Centre des Hautes Etudes d’Administra-
des villages de plus en plus loin vers le des tribus côtières, pouvant comprendre leur souverain ne l’oublia jamais. Il tra- tifiait, le réorganisait et l’utilisait.
tion musulmane, l’a parfaitement montré Nord ; il faut compter 26 noms de souve- des milliers d’individus : mais toujours vaillait au bien de son peuple en se l’asso- Il partagea l’Imerina en six provinces :
dans son maître livre sur Les Berbères et le
Makhzen dans le sud du Maroc. Étudiant la
rains pour revenir aux alentours de Meri- descendants d’un même ancêtre. En Imeri- ciant, et donnait l’exemple. À son fils et Avaradrano, Marovatana, Ambodirano,
famille berbère, il écrit : « Chaque hameau manjaka, or il n’en serait pas ainsi si Meri- na, au contraire, quand les postérités d’une successeur Radama, il dit avant de mourir : Vakinisaony, Vonizongo, Vakinankaratra.
isolé, ou chaque partie d’un village, est ha-
bité... par un groupe familial, patriarcal et
manjaka et ses alentours avaient été le même personne atteignent un certain Ô Dama, tu as entendu et vu ma puissance Dans chacune, il organisa encore des grou-
agnatique auquel on donne, dans le Sous, le centre des premières agglomérations. chiffre, elles se subdivisent. Et chaque et ma renommée. Je traversais toutes les pements d’après l’affinité de parenté et des
nom d’« ikhs ». C’est l’unité la plus petite,
mais aussi la plus vivante, qui contribue à
D’autres occupants s’établissaient parallè- membre se sent vivre dans l’atmosphère forêts, franchissais les montagnes, lon- caractères 10, et, dans chaque clan alors
former des groupes sociaux plus vastes en lement sur les hauteurs d’Analamanga, d’une vraie famille. À 30 kilomètres de Ta- geais les coteaux, ma vie était un combat. constitué, des fokonolona 11.
pays berbère. L’« ikhs » se constitue spon-
tanément par le développement naturel de
d’Ambohimanga, d’Ambohidratrimo, de nanarive, il existe encore actuellement un Dieu me favorisait et je méritais sa faveur, Ainsi s’établirent dans les fokonolona
la famille qui habite une maison isolée. En Kaloy, d’Ambohitsitakatra, etc... groupe de quelques dizaines de hameaux les ancêtres m’avaient béni. Les Amba- les liens du sang, de la parenté, des senti-
effet, le Chleuh... vit avec ses fils dans l’in-
division ; ses cousins s’établissent auprès
Nous avons insisté sur ces faits pour ex- formant un fokonolona qui se nomme Za- niandro (les Imériniens) du milieu ments, auxquels s’ajoutèrent ceux formés
de lui. Des étrangers, venus dans le pays pliquer que, vers le XVIe, le XVIIe et mê- fimbazaha et se reconnaît issu d’un Vazim- m’avaient aidé. J’ai nettoyé tout autour par les traditions et les habitudes prises en-
comme travailleurs à gages, ou des frères
de tribu, épousent les filles. En trois ou
me le XVIIIe siècles, il n’y avait encore en ba nommé Andriambazaha. À 23 kilo- pour me purifier. J’ai été entouré d’enne- semble. Les Tsimahafotsy expriment leurs
quatre générations se forme un groupe Imerina que des assemblées de familles mètres au nord de Tananarive, on trouve mis et d’obstacles sans que rien n’ait pu condoléances d’une manière différente
nombreux et puissant souvent dirigé par un
vieillard, qui est le chef naturel de ce nou-
qui vivaient séparément et presque indé- aussi un autre fokonolona appelé Terad- m’empêcher de construire mon foyer. J’ai que celles des Vakinisaony ; de même dans
veau hameau. » (Pp. 43-44.) pendantes les unes des autres. Pour occu- Ravoromanga (descendants de Ravoro- dépensé jusqu’à la dernière obole pour les habitudes des femmes à tenir leur mé-
Et plus loin : « Trois ou quatre hameaux
rapprochés les uns des autres, ou un gros
per un certain canton du haut plateau qu’il manga). jouir de mon indépendance. J’ai enduré nage, ou dans celles des hommes à passer
village... forment généralement une unité à fallait conquérir peu à peu, chaque groupe Ainsi, le petit royaume dont nous par- les pires souffrances, j’ai bu le sang des leurs loisirs, comme dans la politesse des
laquelle on donne souvent dans cette région
le nom de « mouda’»... Le plus souvent,
d’émigrés luttait : groupe assez nombreux lions au début n’était qu’un fokonolona, bêtes inconnues pour réunir le monde... 8 conversations et jusque dans les accents de
dans les tribus indépendantes le « mouda’» pour pouvoir repousser efficacement les ou l’union de plusieurs fokonolona, recon- Manifestement, il s’est distingué de la la langue, peut-on facilement constater des
n’est qu’une division administrative qui
permet de répartir les charges locales : tour
ennemis, mais assez restreint pour mener naissant un même prince ; le chef du foko- plupart de ses ancêtres. Il était conscient divergences entre tel ou tel fokonolona. Il
d’hospitalité pour nourrir les étrangers, tour la vie d’une famille. nolona n’étant pas le roi. Les Malgaches de sa force, sûr de son autorité fondée sur convient de mentionner ensuite le lien créé
de nourriture du taleb, corvée de fumier ou
de labours, réparation des seguias. Chaque
Telle était l’origine du fokonolona. de jadis reconnaissaient la royauté comme l’amitié et la collaboration de son peuple. par les intérêts ou l’amour-propre collectif. 7. - Roi en Imerina de 1785 1810.
8. - Tantaran’ny Antriana ; T. II, p. 1.055
« mouda’» possède enfin, au voisinage des On peut rapprocher cette organisation institution divine, du fait que le roi était Il gouvernait avec une autorité paternelle. Andrianampoinimerina attribuait à chaque 9. - Ibid. T. II, 705, 709.
hameaux, ses terres de pacage, sa forêt de
broussailles, où l’on s’approvisionne en
des mispâha hébreux ou du hay arabe fils des dieux. Sa seule existence au milieu Celui qui gouverne le peuple, dit-il, res- clan des marécages à transformer en ri- 10. - Ainsi Avaradrano était subdivisé en
Tsimahafotsy, formant le clan d’Ambohi-
bois de chauffage et que l’on défriche par le avec cette différence que le fokonolona est du peuple apportait la bénédiction; et le semble à celui qui porte de la boue dans zières et des terres à mettre en valeur, et manga, Mandiavato, celui d’Ambohidra-
feu lorsque l’on veut risquer la chance
d’une récolte d’orge sur les terres non irri-
un régime patriarcal 5. La famille engendre peuple le servait en enfant gâté : Il était le ses mains ; s’il presse trop, la boue jaillit aussi des fonctions propres dans le service biby, Tsimiamboholahy, celui d’Ilafy, Vo-
romahery, celui de Tananarive.
guées (Pp. 151 -152). le clan par son développement naturel ou maître sans avoir été tout d’abord le chef. de tous côtes : s’il relâche trop, elle se de sa personne ou de la famille royale : toi- 11. - Tsimahafotsy formait deux fois huit
Enfin, « plusieurs « mouda’ »... s’unis-
sent pour participer également aux charges
l’union de plusieurs d’entre elles... Chez Le peuple lui appartenait, mais lui-même perd. Et cet esprit sagace et clairvoyant lette, construction, naissance, circoncision, fokonolona : les habitants de la ville hau-
te, descendants d’Andriamarofotsy, d’An-
communes d’un petit état auquel les Ber- les Malgaches, l’unité ou cellule sociale ne s’occupait presque pas du peuple. Il s’apercevait du rôle que pouvait jouer le enterrement, etc. Chaque clan devait driantsiravinandriana, Ampanarifito, les
bères réservent dans la région du Tichka
plus spécialement le nom de « taqbilt ». La
est bien la famille, mais celle-ci est consi- était un symbole de ralliement. Ainsi se fokonolona pour faire réussir sa politique mettre son point d’honneur à accomplir Zanadahy, les Zanakandriamamba, An-
driamitery, Andriamaneky Tehitany, et Za-
jema’a de la « taqbilt », formée par tous les dérablement augmentée et forme un clan formait le fokonolona avant Andrianam- et affermir sa royauté. Aussitôt après la parfaitement son attribution. Enfin, An- nak’Andriambanona ; les habitants de la
chefs de toutes les familles anciennes des
divers « mouda’», est vraiment l’organisa-
restreint, tout d’abord, dont chaque poinimerina. Mais celui-ci le réorganisa soumission de toute l’Imerina, il renvoya drianampoinimerina leur donnait des noms plaine : Andriambetsirefy Andriamahare-
fo, Andriantsitakatra, Andriandaza, An-
tion politique la plus vivante et la plus acti- membre est lié aux autres par une parenté pour en faire une vraie cellule de l’orga- chez eux ses soldats : Ainsi je vous dis, ô symboliques pour totem en caractérisant driampitsara, Andriamborona, Andrianan-
ve, qui témoigne le mieux de la vigueur des
institutions locales...
plus ou moins étroite, mais effective... Les nisme national. Notre thèse est encore for- peuple, sous le soleil, toute la terre m’ap- leur personnalité ou leur habileté. gaina, Andriamifidibe. Tsimiamboholahy
se subdivisait en quatre fokonolona : les
Il nous a paru qu’il pouvait être intéres- Malgaches ont senti très vite la nécessité tifiée par l’existence des fokonolona-an- partient du nord au sud, de l’Est à l’Ouest ; Chaque fokonolona considérera comme descendants d’Andriamanazary, d’An-
sant pour nos lecteurs de comparer ainsi les
« collectivités » sociales chez les Berbères
de s’unir devant les difficultés de la vie. driana, descendants des princes qui dès lors, rentrez chez vous... Qu’est-ce que une honte de se laisser dépasser par les driantefena, de Zanaminovola et les Tam-
bodirano de Namehana. Mandiavato se
et les Malgaches. (N.d.l.R.). L’individu a dû laisser la place à la Fia- n’avaient pas régné : ainsi des Andrian- vous aimez le plus, ô peuple ? — C’est toi autres dans la poursuite de cet idéal : Vous, subdivisait en cinq fokonolona ; Voroma-
A. Lods : Israël ; p. 22l.
H. Rusillon: Un petit continent : Mada-
nankaviana (famille; racine : anaka = pos- tompokoindrindra formant le fokonolona que nous aimons, ô notre roi ! — Vous Tsimahafotsy je vous établis Rain’ny olona hery en six ; Vakinisaony en cinq ; Maro-
vatana en huit ; Ambodirano en sept ; Vo-
gascar, pp. 117-118. térité) ou aux Mpianakavibe, c’est-à-dire d’Ambohimalaza à 11 kilomètres à l’Est mentez, vous aimez mieux rentrer au mi- (le père des hommes); vous ne vous laisse- nizongo en dix ; Vakinankaratra en six.
à l’ensemble, à la collectivité de la famil- de Tananarive ; des Andrianamboninolona lieu des vôtres. — Tu dis vrai ! Tous riaient rez jamais subordonner par personne, vous
le. L’aïeul est considéré comme chef, il a pour le fokonolona d’Ambohitromby, et et s’en retournèrent dans leur Fokontany. aurez toujours le poste de commandement,
autorité. À sa disparition, c’est le plus an- des Andriandranando pour celui de Fiefe- Andrianampoina voulait faire de son à droite ; c’était au milieu de vous que je
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devenais roi, vous êtes la source d’où je suis En effet cette personnalité peut, jusqu’à
sorti. Je donne à Ambohimanga le nom de maintenant, être observée chez les clans
Vilany vy (marmite en fer) – incassable –, composés de fokonolona. Les Andriana,
c’est grâce à vous que tout sera cuit [c’est- quelle que soit leur condition matérielle et
à-dire, mené à bonne fin]. sociale aujourd’hui, témoignent encore de
Vous, Tsimiamboholaly, je vous établis cette fierté et de cette finesse qui sont bien
Vakitronga ou combustible en bois ; grâce les marques caractéristiques de leur no-
à votre aide, Tsimahafotsy (la marmite) blesse ; les Tsimahafotsy ont le sens poli-
pouvait conquérir toute l’Imerina pour ne tique et organisateur et s’attirent facilement
former qu’un seul royaume. Vous, Mandia- l’estime et le respect dans le commande-
vato, vous êtes le hasin’Imerina (le mana ment ; les Tsimiamboholahy gardent le bon
sacré) : vous mettrez votre point d’honneur sens pratique, l’esprit calculateur, sensuel, Sacrifice d’alliance prononcé
à ma sanctification, à l’attachement au diplomate ; les Marovatana ont l’esprit de sur un boeuf. Avant que les
contractants ne lui enfoncent
trône. Vous, Voromahery, vous êtes venus suite et s’affirment réalisateurs, ambitieux leur lance dans la gorge, un
après Ambohimanga, Ilafy et Ambohidra- et opiniâtres ; les Vonizongo, de leur côté, officiant le frappe d’un fer de
sagaie en prononçant les for-
biby, donc vous êtes leurs enfants ; mais se distinguent par l’endurance, la fidélité à mules rituelles.
vous vous glorifierez à racheter ce retard une cause, le don de soi, etc.
en tâchant d’être les modèles dans votre fi-
délité et votre empressement à accomplir LE JUGE D’EN BAS. Ainsi se créait et
votre devoir : vous êtes le Zanaka ampy ho s’organisait le Fokonolona. Andrianam-
ray (le fils qui a assez grandi pour pouvoir poinimerina l’appelait « Mpitsara Ambany »,
remplacer son père), etc. 12 le juge d’en bas, tandis que lui, le roi, était
Enfin pour parfaire l’indestructibilité le juge d’en haut. Il avait toujours avec lui
des liens parmi les fokonolona, Andria- les anciens ou Loholona, des hommes
nampoinimerina se faisait représenter et d’expérience et de sagesse ; il gouvernait
vénérer au milieu de chaque clan par les l’ensemble du royaume en s’aidant de
montagnes saintes où se trouvaient les leurs conseils et de leur bonne volonté. Les
tombeaux de ses ancêtres et il répartissait plus célèbres étaient : Hagamainty, Rabefi-
et faisait s’établir partout au milieu des fo- raisana et Hagafotsy. Andrianampoina di-
konolona ses douze femmes, ses enfants et sait : Mieux vaut avoir un prince inintelli-
ses petits-enfants. gent que des Loholona manquant de bon paix et de la sécurité du fokonolona. Ela du, réconciliation, adoption ou rejet d’en-
Grâce à cette compréhension et à cette at- sens. Un bon conseil de gouvernement fait nihetezana lavavolo : celui qui s’est fait fants, etc., le fokonolona percevait un ha-
tention psychologique, Andrianampoinime- régner le prince et procure la paix à tous. couper les cheveux avant les autres, les au- sin’Andriana, une pièce de monnaie non
rina définissait le fokonolona dans sa per- – La royauté se tient par le nombre de ra plus longs. Et il faut une tête, car un morcelée pour la sanctification du roi et la
sonnalité morale qu’avait ainsi constituée bons conseillers. Au fokonolona il confé- corps sans tête ne marche pas. La vie et la reconnaissance de son autorité souveraine,
l’unité de sentiment, d’esprit, de goût et rait son droit royal de s’occuper de ses af- marche du fokonolona, dépendent donc de et aussi un orim-bato, variant suivant la
d’habitude. Tous les membres d’un fokono- faires privées. Qu’un fokonolona se com- sa paternelle sollicitude, de sa direction, de convention du fokonolona pour consolider
lona devaient former une grande famille. pose de deux ou trois maisons, il a droit et son initiative. Mais le roi est entouré des et signer le traité.
Gustave Julien rapporte comme suit un des pouvoir de régler ses affaires, oha tra ahy, ray aman-dreny et mpikarakara, des Andrianampoinimerina ne voulait ja-
discours qu’Andrianampoinimerina adres- comme si c’était moi. Seul, ce que le foko- conseillers et des entraîneurs élus par le fo- mais s’occuper des affaires qui n’étaient
sait au fokonolona d’Ambohomanga : Vous nolona ne pouvait régler dans son sein konolona. Généralement leurs discussions pas passées par le fokonolona, il attendait
devez les uns les autres vous considérer après consultation des membres, allait au et leurs délibérations se font devant toute de sa part un teny miakatra, c’est-à-dire
comme les membres d’une seule et même fa- roi par l’intermédiaire de ses agents. An- l’assemblée du fokonolona, en demandant une parole qui monte. C’est là aussi une
mille ; la communauté de vos origines et la drianampoina rappelait qu’à la tête du fo- son avis, et, pour les décisions prises, son originalité du système. Au fokonolona de
solidarité de vos intérêts vous font un impé- konolona, le plus âgé, celui qui a le plus approbation. À cet effet, il existait au mi- renvoyer au roi les affaires qu’il ne peut ou
rieux devoir de vivre unis, tolérants et conci- d’expérience, celui qui a l’estime, le res- lieu du village une vaste cour où se trai- n’ose pas régler, pour demander son avis
12. - Tantaran’ny Andriana p. 711.
13. - Institutions sociales et politiques
de Madagascar, T. I, p. 298. liants, les uns à l’égard des autres, chaque pect et la confiance de tous, est tout dési- taient les affaires concernant la commu- ou son consentement. Ainsi, au sein du fo-
fukunuluna est comme un agrandissement gné. C’est le Lehiben’ny fokonolona, le nauté, et même les affaires privées des konolona, les rouages de son fonctionne-
du foyer dans lequel aucun membre ne peut chef. Il est le représentant de chacun et le membres. ment vont de bas en haut et non pas de
être traité en étranger ou en intrus 13. gardien des traditions, de la sagesse, de la Pour toute affaire traitée : jugement ren- haut en bas, ou, pour mieux dire, les ini-
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tiatives nécessaires à l’exercice de son au- ses avis, discute ceux qu’on émet autour vous unirez. Vous êtes des trano-atsimo sy mant l’harmonie de l’ensemble. Mais il
torité émanaient du peuple qui a élu vo- de lui, mais il obéit à la majorité, quelle avaratra (maisons voisines) : il faut vous faut comprendre qu’à l’époque, l’esprit fa-
lontairement et librement ses représen- qu’ait pu être sa résistance. Être rejeté du unir pour la construction des maisons, des tigué des guerres et des insécurités poli-
tants et qui a réglementé la discipline par clan institue une sanction d’une grande sé- tombeaux, pour les enterrements. Andria- tiques était prêt à cette organisation et la
convention et consentement mutuel... Ses vérité. Personne n’envisage sans frayeur, nampoina proclamait aussi qu’il n’avait personne d’Andrianampoinimerina jouait
projets et résolutions votés à l’unanimité une telle alternative... ceux qui voudraient d’autres ennemis que les inondations, le un grand rôle dans tout le mécanisme.
par le peuple étaient soumis à l’approba- s’y soustraire, se verraient condamnés à la feu, la famine et les grêles ; et à chaque fo- Dans tous les cas, le fokonolona formait la
tion du souverain qui publiait ensuite un perte du droit d’être ensevelis dans le tom- konolona d’en prendre sa mesure, pour cellule vivante et forte de la nation qui ve-
décret ou une loi 14. beau de famille, selon les rites spéciaux du établir la sécurité et conjurer ces fléaux. Il nait de naître. Andrianampoina voulait
Mais le point fondamental de l’organi- clan et, leur vie durant, ils deviendraient en était de même pour le pouvoir judiciai- qu’il fût la nation en miniature tout en
sation était justement l’existence de cette ces parias méprisés de tous 18. re : vente et achat à terme ou définitif, faux étant le modèle aussi bien que l’instru-
convention ou charte du fokonolona. Les À en croire les Tantaran’ny Andriana, témoins, déplacement des bornes, que- ment. Le fokonolona n’avait pas une fin en
fukun’uluna, jouissant d’une autonomie et Andrianampoinimerina était le premier à relles sur l’irrigation des rizières, les héri- soi, il ne pouvait pas devenir un État dans
14. - Le Fokonolona Rural, p. 4; Impri- investis de prérogatives étendues notam- donner l’impulsion à ces conventions. tages, les prêts, les jeu de hasard, les l’État, grâce à la reconnaissance tacite de
merie de l’Imerina, Tananarive, 1950 ment dans l’ordre judiciaire, ressentirent Nous n’oublions pas qu’il vivait souvent dettes, les injures, les divagations des bes- l’autorité royale et de la solidarité créée
(Note de l’Auteur)
Nous avons lu avec le plus vif intérêt dès longtemps la nécessite de se concerter au milieu du peuple et qu’il était entouré tiaux, la sorcellerie, l’adoption, le rejet, le par le roi entre les clans ayant leur seule tê-
les quelque cinquante pages de cette étu- pour assurer eux-mêmes la police de leur de ses fidèles Loholona qui appartenaient divorce, etc., etc. te et leur seul animateur dans sa personne.
de sur ces collectivités-témoins que sont
les fokonolona et nous y avons appris groupement sans faire appel pour cela ni eux-mêmes aux fokonolona. Mais il reve- Enfin, il y avait les corvées du roi : Ensuite, l’institution du fokonolona garan-
bien des choses sur la psychologie mal- au vadi-tani 15 ni à l’intervention royale, nait aux fokonolona, suivant leurs besoins, construction, labourage, transport, etc., tissait aussi la sécurité politique du royau-
gache ; nous y avons surtout découvert ce
fond de sagesse et de bon sens qui ne de- surtout quand il s’agissait d’infraction de donner une forme et des applications pour lesquelles les divers clans faisaient me ; grâce à son indépendance relative, il
mande, nous en sommes persuadé, qu’à dont la répression devait être prompte pratiques aux principes promulgués dans des lokam-pokonolona ou concurrence et avait l’initiative de se mouvoir instantané-
se manifester pour peu que la France
comprenne sa mission véritable dans la pour être efficace. De là naquirent les les kabary (ou grands discours) du roi. pari. Ces dispositions devinrent de plus en ment par instinct de conservation dès que
Grande Ile et les responsabilités morales conventions des villages ou fanekem-pu- Premièrement, Andrianampoinimerina plus dures, injustes, arbitraires et inhu- des dangers le menaçaient tout en mena-
qui en découlent. Voici d’ailleurs
quelques phrases de ce Fokonolona Ru- kunuluna... 16. partageait en hetra la terre (surtout les ri- maines sous les successeurs d’Andrianam- çant le pays entier. Sa liberté relative lui
ral qui ne nous paraissent point stricte- En dehors des grands crimes sanction- zières) au fokonolona pour encourager le poinimerina. suffit aussi pour qu’il ne désire pas des ré-
ment réservées aux habitants de la Gran-
de Ile... nés par la peine de mort ou la réduction peuple à l’agriculture. Un hetra est le pro- Les conventions, plus que toute autre volutions qui favoriseraient l’anarchie ou
« Un peuple qui se plaît au désordre des hommes libres en esclavage, qui res- duit d’une rizière suffisant à nourrir une chose, liaient encore plus fortement les la guerre civile. Il protège l’État en se sen-
est un peuple qui se suicide... Il faut faire
des pas en avant sans chercher à critiquer sortissaient du Didimpanjakana (lois famille en une année, c’est-à-dire à peu membres du fokonolona et leur donnaient tant protégé.
sans cesse... Le ressort vital de la prospé- royales), la collectivité avait le droit de vo- près 250 décalitres de riz et, pour ce, on une grande solidarité, une forte cohésion De plus, c’était faciliter l’administra-
rité n’est pas le regret du passé qui risque
d’enchaîner sans profit, mais la perspec- ter des didim-pokonolona ou plutôt dinam- payait 6 décalitres de redevance au roi. qui allaient même trop loin. tion générale du royaume. Car il existe
tive de l’avenir qui attire les esprits à la pokonolona, chartes des fokonolona en Pour s’y encourager mutuellement, les Le clan doit aide et mesure à l’individu, alors une hiérarchie administrative bien
façon d’un aimant... Certaines per-
sonnes... doivent savoir que la vraie civi- usage dans son sein. Le fokonolona se membres du fokonolona font le Din’asa il peut même être rendu responsable, par définie, qui empêche les affaires de s’ac-
lisation ne se manifeste pas seulement donnait une convention que tous ses ou une clause de convention concernant la suite d’une solidarité exclusive, des fautes cumuler entre les mains du roi. Celui-ci
dans le perfectionnement des outillages
maniés par l’homme, mais aussi par l’ac- membres promettaient d’observer. On tuait dimension minimum de rizière qu’un commises par un de ses membres... C’est était bien aise de tout voir, de bien admi-
quisition des qualités morales qui font un bœuf, les cornes étaient piquées à la homme valide doit cultiver, et de même là qu’il faut voir les raisons de la mise en nistrer, sans être encombré des détails qui
l’homme... L’homme n’est civilisé que
par ses facultés morales et intellec- porte du village et tous mangeaient la vian- des clauses sur l’entraide, les échanges de esclavage pour dettes, des confiscations l’empêcheraient de diriger la marche de
tuelles... Ce que l’on pense et ce que l’on de ; celui qui manquerait à cette conven- bras, etc. des biens de la famille quand un de ses l’ensemble.
fait pour autrui, on le pense et on le fait
comme si c’était pour soi-même... » tion devrait payer le prix du bœuf et payer En outre, le roi imposait à chaque clan membres était accusé de sorcellerie... Cet- Il n’est pas possible que chacun vienne
En toute objectivité, Le Fokonolona des amendes ou être proscrit du sein du le devoir de créer et d’entretenir des te solidarité a donné aux familles une directement m’exposer ses condoléances...
Rural de notre collaborateur mériterait
sans restriction d’être connu par tous Fokonolona quand il y a récidive ou mau- digues, et chaque fokonolona faisait entrer grande cohésion, les réunissant en un Un gouvernement organisé doit, en effet,
ceux qui sont directement intéressés par vaise volonté en flagrant délit. On plaçait dans les clauses de sa convention la ma- corps capable de résister aux modifica- compter une hiérarchie... la justice est par
Madagascar, comme par tous les Fran-
çais conscients de l’importance primor- à l’entrée du village le crâne du zébu sur- nière dont ses membres exécuteraient leurs tions extérieures et de régler, sans domma- ailleurs une importante chose qu’on ne
diale posée par la vie, le développement monté de ses deux cornes, cela signifiait tâches. ge pour l’ordre, les difficultés intestines de saurait abandonner au hasard des cir-
et l’évolution de tous nos territoires
d’Outre-Mer. (N. D. L. R.). que quiconque pénétrait dans l’enceinte Il était également prévu des clauses toutes espèces. Le contrôle mutuel était la constances. Le roi, malgré son vif désir
5. - Officier d’État-civil désigné par le roi. ou sur le territoire de ce fukun’uluna de- concernant la vie sociale et la solidarité au règle et n’a pas manqué d’apporter aux ca- d’être utile à tous, ne peut pas se laisser
16. - GUSTAVE Julien, Op. cit., p. 376.
17. - Ibid ; p. 369. vait respecter la charte, braquée telle le sein du fokonolona. Andrianampoinimeri- ractères des modifications essentielles 19. traiter en lapa marivu, c’est-à-dire ouvrir
front d’un bœuf en courroux contre qui- sa porte à tout venant 20.
19. - Ibid ; p.119
18. - Rusillon : Un petit continent, p. 118. na invitait les fokonolona à se prêter aide 20. - Julien. Op. cit., p.356.
conque enfreindrait ses dispositions 17. et assistance. Je vous ai unis entre parents AUTONOMIE ADMINISTRATIVE. On voit Grâce à la solidarité et à l’efficacité de
L’individu se retrouve dans le Conseil de pour que jamais vous ne pratiquiez le cha- bien que le fokonolona jouit d’une certai- cette organisation, Guillaume Grandidier
la dite famille, il y prend sa place, donne cun pour soi ; en bien comme en mal vous ne autonomie administrative, tout en for- pouvait écrire : Il existait, dans l’Imerina,
l’arbre à Palabres l’arbre à Palabres
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CIVILISATION CIVILISATION

une police confiée aux soins du Fokonolo- sein de la famille du fokonolona et le instrument aux mains de la reine. Le ment recevoir des teny midina. C’est
na, institution autochtone composée des règne de la terreur de Ranavalona I 25 pa- gouvernement a toujours été ici entre les qu’en effet, pour que le fokonolona vive
habitants du village et chargée d’assurer ralysait toute initiative. mains d’un seul homme et, à peu d’ex- et réalise son idéal, il faut que le peuple
la sécurité des personnes et de leurs biens La monarchie contractuelle de Raso- ception près, il n’y a rien dans les tradi- se sente coopérateur de l’Autorité supé-
et d’exécuter les travaux d’intérêt local herina 26 réveillait momentanément la tions et les usages qui soit de nature à rieure et non seulement son instrument.
29. – Voici un extrait des chartes du Foko-
nolona de Tananarive sous Ranavalona II.
ainsi que d’intérêt général... Les Merina responsabilité du peuple mais restait développer le sens de la démocratie. On Voici ce qu’écrit A. Dandouau : Le Art. 1. – Si l’un quelconque d’entre nous
contrevient aux dispositions arrêtées ci-après, il
ont le sens de la hiérarchie et de la disci- sans écho dans la vie des fokonolona. a toujours enseigné à la population à Fokonolona est l’ensemble des habitants sera livré à l’autorité gouvernementale.

pline, et ils exécutent pour la plupart les Ranavalona II 27 voulait la paix et la chercher des règles de conduite auprès d’un fokon-tany ou quartier. Son chef est
Art. 4. – Quiconque, au moment où une
alerte sera donnée par des appels ou par tout autre

ordres de l’administration avec zèle et ac- prospérité pour son peuple tout en affer- de ces directeurs (les Sakaizambohitra), le Mpiadidy aidé de Mpikarakara, mais
moyen, n’accourra pas immédiatement pour prê-
ter concours, alors qu’aucun motif sérieux ne l’en

tivité... mpiadidy, mpikarakara, loholona, missant son pouvoir, et l’autorité royale à accepter les lois toutes faites et à s’y ses vrais représentants sont les notables
empêche, sera puni de cinq piastres.
Art. 5. – Quiconque n’assistera pas à une as-
ray aman-dreny 21, délégués des fokonolo- reprenait plus de place. Les conseillers conformer. Les gens ne sont pas accou- ou ray aman-dreny, les père et mère. Le semblée du fokonolona où il aura été convoqué
sans pouvoir fournir d’excuse plausible, versera
na, etc., héritage de l’ancien gouverne- de l’État n’étaient plus des hommes mû- tumés à avoir confiance les uns dans les Mpiadidy fait rentrer l’impôt et en reçoit la somme d’une piastre.

ment malgache qui était bien adapté aux ris par l’expérience de la vie au milieu autres, même dans les questions les plus une part pour son salaire. Le fokonolona
Art. 6. – Ceux d’entre nous dont la condui-
te privée sera de mesure à discréditer la commu-

besoins du pays et très économique et qui du peuple, mais des jeunes fonction- simples de la vie quotidienne, à plus for- est la base de l’organisation malgache
nauté ou à lui nuire en constituant pour ses autres
membres un mauvais exemple, seront l’objet

fonctionnait parfaitement. On pourrait naires sortis des écoles sans contact avec te raison il est contraire à leurs vues po- sur les hauts plateaux. Il a de nom-
d’une réprimande après laquelle, s’ils ne s’amen-
dent pas, leurs actes seront dénoncés publique-
presque dire que les indigènes s’adminis- la population rurale : l’institution des litiques de déposer l’autorité ailleurs breuses obligations : il est chargé de la ment afin qu’il soit statué sur leur cas.
Art. 25. – Si l’un quelconque d’entre nous
trent eux-mêmes 22. Antily (gardiens) et des Sakaizambohitra qu’entre les mains du pouvoir central. police du fokon-tany, assure la garde de habitants du même fokonolona vient à mourir,

Enfin, le génie d’Andrianampoinimeri- (amis des villages) prouve l’intérêt que Cette observation judicieuse citée par M. nuit, prête son concours en cas d’événe-
qu’il soit l’un de nos ascendants ou l’un de nos
descendants, à partir de l’âge d’un an, nous de-

na se manifestait surtout dans son désir de portait la Reine aux fokonolona. Seule- Chapus 30, nous montre clairement com- ments calamiteux, veille à la propreté
vons verser chacun au mpiadidy la somme de six
eranambatry à titre de levenana (dépenses funé-

faire du fokonolona un moyen de produc- ment les Sakaizambohitra étaient des bien déjà nous sommes loin de l’esprit des villages, à la sécurité des récoltes et
raires) ; quant aux obsèques, c’est à nous,
membres de la communauté, qu’il appartiendra
tion et d’enrichissement économiques. fonctionnaires nommés par la Reine dans lequel Andrianampoinimerina orga- des troupeaux, est chargé de l’établisse- de les organiser et célébrer.
Art. 26. – Si un membre de notre commu-
Nous avons déjà parlé des hetra et des pour faire exécuter ses ordres et non plus nisait le fokonolona. Et, cependant, cela ment et de l’entretien des chemins se- nauté célèbre une réjouissance familiale telle que

din’asa ; de plus, c’est pour le fokonolona, des Ray aman-dreny élus par le foko- continuait de plus belle. Sous Ranavalo- condaires, des digues et des canaux,
naissance ou mariage, et qu’il en ait informé le
mpiadidy, la somme de trois eranambatry est

en vue de stimuler le goût du travail et de nolona pour favoriser les initiatives et na III (1883-1896) l’autoritarisme du vient, de toutes manières, au secours des
fixée comme offrande de tso-drano (souhait de
bonheur) et de fiarahabana (félicitation).

grossir les produits, qu’il créa les marchés. apporter les doléances du peuple. premier ministre Rainilaiarivony, allant malheureux, sert d’arbitre dans les af-
Art. 27. – Si des membres du fokonolona
sont désignés pour une résidence lointaine ou en-
Il faisait déjà des sortes de foires où les Le code de 1881 ou instruction aux jusqu’à l’arbitraire, put à peine empê- faires qui lui sont soumises, etc., etc. En voyés, soit en permission, soit en expédition, les
autres membres leur devront l’offrande (tso-dra-
productions des fokonolona se faisaient Antily constitue certes une tentative cher l’anarchie. Une nouvelle organisa- toutes circonstances, ses membres se no).

concurrence. Il savait stimuler l’amour- louable et un grand pas en avant en vue tion était nécessaire qui devait tendre à doivent assistance et protection. Par
Art. 28. – Si l’un de nous est reconnu indi-
gent ou malade et dans l’impossibilité de se faire

propre en vue de la prospérité agricole. d’organiser la législation dans l’en- donner davantage d’attributions aux fo- contre, il jouit de certains privilèges :
soigner ou que, décédé, soit dépourvu de linceuls
pour envelopper sa dépouille, le fait sera porté à

C’était au sein même du fokonolona semble et comme idéal. Mais son unifor- konolona avec de plus grands pouvoirs, droit d’usage, de récolte, de parcours,
la connaissance du fokonolona qui avisera aux
mesures à prendre.
qu’Andrianampoina essayait son organi- mité oubliait la configuration particuliè- afin de maîtriser les bandes de brigands de pêche, d’élevage sur les eaux et terres Art. 42. – Si deux propriétaires de biens
contigus, dont l’un est en contrebas de l’autre, ont
sation des travailleurs professionnels en re de chaque fokonolona et détendait qui infestaient le pays. Mais les irrégula- domaniales, etc. En cas de négligence un différend né de la situation de leurs fonds res-

créant des fédérations d’ouvriers 23. ainsi son ressort vital. Le principe per- rités et l’insuffisance du traitement des ou de mauvaise volonté, il est collective-
pectifs, le fokonolona se réunira pour le trancher
au mieux des intérêts de chacun.

Tels sont les objet et rôle du fokonolo- fectible des chartes du fokonolona fonctionnaires désignés pour appliquer ment responsable et des amendes peu-
Art. 49. – S’il en est parmi nous qui vendent,
colportent ou introduisent de l’alcool sur le terri-

na dans le passé sous son inventeur, le roi n’avait pas été supprimé et continuait ou les nouvelles lois amenaient la corrup- vent lui être infligées 32.
toire de notre fokon-tany, ils seront punis d’une
amende de cinq piastres nonobstant celle qui leur
Andrianampoinimerina. s’éveillait même chez les fokonolona les tion, et la réforme n’aboutit pas 31. L’ins- Telle était en théorie la conception du sera infligée par le gouvernement...
Si les habitants du fokon-tany reconnaissent
plus évolués, à Tananarive par exemple titution du fokonolona, maintenue et ad- Fokonolona ces dernières années. Mais, que des dispositions nouvelles pourraient, dans

PEU À PEU, LE BEL ESPRIT DU FOKONO- . Mais presque partout ailleurs il péri- mirée, continuait à profiter pendant en fait, le Mpiadidy, bien qu’élu par le
l’intérêt commun, être ajoutées aux présentes, ils
29 les feront connaître à leur mpiadidy, lequel convo-

LONA A ÉTÉ ÉTOUFFÉ. Mais cette admi- clitait comme s’il n’existait plus. Les quelque temps encore, mais, à la longue, fokonolona, était devenu un petit fonc-
quera tous les autres mpiadidy afin de discuter
avec eux la valeur et l’opportunité de la mesure

rable organisation d’Andrianampoinime- Mpiadidy, chefs des fokonolona, per- il ne répondait plus à l’attente de tous, tionnaire sous l’ordre du chef de canton,
21. - Chef responsable, notables, anciens, proposée. Au cas où les divers mpiadidy tombe-
pères et mères. raient d’accord en adoption, il ne devraient pas
22. - Quarante années de l’Histoire de rina n’eut pas toujours les suites vou- daient leur initiative sous la surveillance faute d’en connaître l’esprit, lequel n’est les délégués du fokonolona représen- moins chacun en référer à son fokonolona res-
pectif.
lues. Le cadre restait solide et tenace, étroite des Sakaizambohitra. L’arbitraire autre d’ailleurs que la traduction même taient plutôt l’Autorité supérieure. Les
Madagascar (1880-1920); pp. 180, 181, Si, d’autre part, un fokonolona entend
175).
mais peu à peu, le bel esprit du Fokono- devenait presque de règle dans les tany de l’esprit et de l’âme malgaches. Des obligations étaient comprises comme
qu’une des présentes dispositions lui est préjudi-
23. - Chapus : Quatre-vingt ans d’in- ciable, le mpiadidy de ce fokonolona devra s’en-

lona qui aurait facilité l’avènement de lavitr’Andriana, là où, se croyant loin de projets et des essais aboutissaient à des des corvées et personne ne pensait à
fluences européennes en Imerina. P. 27. tendre avec ses collègues des autres fokonolona
24. - Roi de 1810 à 1828. afin d’arriver aux moyens de concilier tous les in-

l’ère démocratique a été plus ou moins la reine, on s’imaginait que tout était échecs parce qu’ils ne cherchaient pas à mettre à profit les privilèges. Le fokono-
térêts en jeu. (Julien; op. cit. T. II, pp. 30 a 38).
25. - Reine de 1828 à 1861. 30. – Op. cit. p.275
étouffé par le régime monarchique, par permis. insuffler l’esprit de famille au fokonolo- lona devenait un mécanisme sans vie,
26. - Reine de 1863 à 1867. 31. – Sims Tantaran’i Madagaskara, p. 354
27. - Reine de 1867 à 1883. 32. – Manuel de géographie de Madagascar,
28. - Pères et mères la négligence des chefs, et enfin, par la De plus en plus le fokonolona semble na, à lui donner une personnalité morale, une habitude d’inertie. Le régime de ré- 1920, p. 57. Cette dernière phrase est supprimée

désertion de la campagne sous le régime comme pétri dans une existence théo- une atmosphère de confiance, de bonne quisition 33 et la vie précaire de la cam-
dans la réorganisation actuelle du Fokonolona.
33. – Supprimée depuis 1944.

des réquisitions ; les guerres de conquê- rique qui l’étouffe. L’initiative du foko- volonté stimulant les initiatives pour pagne firent détester la vie rurale. ❏
te de Radama I 24 troublaient la paix au nolona diminue ; il ne sera plus qu’un renvoyer des teny miakatra et non seule-
l’arbre à Palabres l’arbre à Palabres
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