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Revue d'histoire et de philosophie

religieuses

L'Héritage cananéen dans le livre du prophète Osée


Edmond Jacob

Citer ce document / Cite this document :

Jacob Edmond. L'Héritage cananéen dans le livre du prophète Osée. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 43e
année n°3,1963. pp. 250-259;

doi : https://doi.org/10.3406/rhpr.1963.3744

https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1963_num_43_3_3744

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250 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

L'Héritage cananéen

dans le livre du prophète Osée

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l'héritage cananéen 251

avait porté un très sérieux coup au prestige de Baal et contribué


àdroit
l'élaboration
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théologie
de la de
religion
la création
d'Israël.
qui Le
eût mouvement
pleinement
provoqué par Elie était demeuré dans l'immédiat isolé et n'avait
pas gagné les milieux officiels : il en a été autrement du mouve¬
ment de réaction suscité par l'avènement de Jéhu ; l'antibaalisme
de Jéhu systématiquement organisé était devenu affaire d'état et
principe de gouvernement ; il lui manquait cependant une base
spirituelle de sorte qu'il resta de surface et n'empêcha pas le
peuple de pratiquer une sorte de syncrétisme : « Jéhu fit dispa¬
raître Baal d'Israël ; cependant il ne s'éloigna pas des péchés de
Jéroboam fils de Nébat par lesquels il avait fait pécher Israël, les
veaux d'or de Béthel et de Dan » (2. Rois 10 28-29), verset signifi¬
catif qui prouve que si le baalisme avait disparu officiellement
il n'en continuait pas moins à miner par l'intérieur la religion
d'Israël 2. La réforme de Jéhu avait été soutenue par les Rékabites
qui préconisaient une rupture avec le présent et un retour radical
au passé : Revenez à la culture et au genre de vie sédentaire et
tout ira bien, supprimez le nom de Baal et votre religion sera
vraie. Osée use d'une méthode différente : pour lui la sédentarisa¬
tion n'est nullement une infidélité, elle est dans la ligne du mouve¬
ment de l'histoire ; le temps du désert n'a pas été uniquement une
période sans nuages puisque dès Baal Péor les Israélites ont
succombé à la tentation du paganisme. A ses yeux la religion
n'est pas dépendante d'un genre de vie particulier ; lorsqu'elle
est communion avec Dieu, la situation extérieure, les régimes
politiques ou économiques ne sauraient ni la susciter, ni l'empêcher.
Etre sincèrement yahviste au sein d'une civilisation agricole, tel
est le programme que se propose Osée ; mais pour cela il ne recourt
ni à la violence d'Elie, ni aux principes réformateurs des Rékabites
et des Jéhuides ; il procède selon une méthode que nous pourrions
appeler homéopathique puisqu'elle consiste à assumer le mal pour
le guérir. Osée descend dans l'arène du baalisme, il se salit littérale¬
ment les mains en engageant sa propre personne. Sans entrer ici
dans le détail des problèmes soulevés par le mariage d'Osée, disons
simplement que l'expérience personnelle du prophète a eu une
influence décisive sur son message, encore que le partage entre ce
qui est expérience réelle et symbolisme soit parfois difficile à faire 3 ;

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seu¬
252 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

il semble d'ailleurs qu'à l'heure actuelle on s'oriente dans le sens


d'une interprétation « fluide » qui réduirait l'opposition entre
partisans de l'interprétation réaliste et de l'interprétation allégo¬
rique grâce à l'explication rituelle de l'infidélité de l'épouse du
prophète : la prostitution dont Gomer s'est rendue coupable est
d'ordre sacré, soit qu'elle ait passé par un rite unique d'initiation,
soit qu'elle ait fait partie du personnel sacré d'un sanctuaire.
Derrière cette pratique de la prostitution sacrée, se cachait un
mythe qu'elle était chargée d'actualiser et dont nous mesurons
de plus en plus l'extension dans l'ensemble du monde oriental, le
mythe du mariage sacré entre un dieu et une déesse parèdre. C'est
sans doute à la lumière de ce mythe actualisé par le rite qu'il faut
entendre le mariage du prophète : déjà prophète lorsqu'il reçoit
l'ordre mystérieux de son mariage, donc homme de Dieu et
représentant de Dieu sur la terre, le prophète doit illustrer un des
aspects les plus profonds de cette vie de Dieu ; il doit vivre le
mythe, mais en le vivant il lui enlève son pouvoir dissolvant et
son aspect immoral. Dieu a une épouse, mais cette épouse n'est pas
comme dans le mythe une déesse, mais le peuple d'Israël dans son
ensemble ; or, dans ce mariage le peuple s'est montré un parte¬
naire indigne, aussi ce mariage sera-t-il une rupture suivie d'un
remariage, mais le rétablissement qui suivra la rupture ne sera
pas le résultat d'un mouvement cyclique comme dans le mythe du
hieros gamos, mais une nouvelle création. On peut dire qu'Osée
fait subir au rite cananéen du mariage sacré une double trans¬
formation : d'une part il le transpose du domaine de la nature
dans celui de l'histoire et transforme le phénomène saisonnier
en un événement unique ; il lui apporte d'autre part une intériori¬
sation en montrant que l'amour n'est vrai que lorsqu'il repose
sur l'union de deux volontés, ce qui évidemment n'était pas le cas
dans le mythe du hieros gamos ; nous assistons donc à la suppres¬
sion du mythe par son dépassement. Dans le mariage sacré le but
était d'assurer la fécondité : toutes les pratiques de prostitution
cultuelle, sacrifice de la virginité ou des prémices de la virilité, etc...
devaient permettre aux lois de la reproduction de s'exercer sans
danger et avec le maximum d'efficacité. Le mariage d'Osée
n'échappe pas à cette loi : sa femme lui enfante trois enfants qui
dans l'application symbolique ne jouent qu'un rôle très effacé, mais
dont les noms rappellent certains thèmes du mariage sacré. Le
premier s'appelle Yizréel, Dieu sème, nom tout à fait caractéristi¬
que pour un enfant issu d'un mariage qui doit représenter un
hieros gamos.
cation de ce nom
Biendans
qu'Osée
l'histoire
mette contemporaine,
surtout l'accent ilsurn'oublie
la signifi¬
pas
que l'origine de ce nom est probablement liée aux mariages rituels

fréquents
et
dans
comme
le livre
dans
lieudede
cette
Zacharie
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etparlant
célèbre
dont nous
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siège encore
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fertilité
Hadad
écho

Rimmon dans la plaine de Mégiddo CZach . 12 n). Quant à Lo Ammi


l'héritage cananéen 253

il contient comme élément théophore le nom du dieu <Amm connu


comme dieu lunaire chez les Qatabanites et qui en tant que dieu
parent typique représente probablement Yahweh dans de nom¬
breux noms propres, par exemple, celui de Jéroboam4. Enfin le
nom de la fille, Lo Ruchamah, peut être rapproché de Racham et
Rachmay attestée comme nom de déesse à Ugarit, ainsi dans le
texte racontant la naissance des dieux gracieux et beaux
(n° 52 dans la numérotation de Gordon), où aux lignes 13 et 28
il est question du champ d'Atirat et Racham et à la ligne 16 où
Rachmay
Anat, sœur
marche
et amante
et va de
à laBaal,
chasse
ou; d'un
il pourrait
autre s'agir
nom d'Atirat,
de la déesse
les
déesses ayant toutes une fonction à peu près identique ; en tous
les cas la racine rchm désigne moins la miséricorde que la féminité
et plus particulièrement la capacité d'enfanter. Certes Osée ne donne
pas simplement à sa fille le nom d'une déesse cananéenne, dont
nous ne savons d'ailleurs pas si le souvenir était encore vivant de
son temps, mais pour lui la racine rchm évoque très nettement
l'idée de l'amour ; le processus de démythologisation auquel s'est
livré le prophète pourrait être saisi sur le vif si l'on admet que la
particule négative lo dans " Lo Ammi " et " Lo Ruchamah " rem¬
place le nom divin El lu à l'envers (cf. Deut. 32 21, où nous lisons :
"Lo El" et "Lo Am"). Il faut remarquer qu'Osée ne rejette pas
ces noms entachés de cananéisme : lorsque le retour en grâce est
opéré, les enfants ne reçoivent pas des noms nouveaux, ainsi que
cela serait fort concevable dans la pratique israélite, mais les
anciens noms sont mis en relation avec Yaweh qui leur donne
alors un contentement positif : « Appelez vos frères Ammi et votre
sœur Ruchamah » (2 3)... « Ils répondront à Yizréel et je l'ensemen¬
cerai pour moi — toujours l'image du mariage sacré — dans le
pays et j'aurai pitié de Lo Ruchamah et je dirai à Lo Ammi : tu
es mon cam et lui dirai : mon dieu » (2 25) ; les noms sont pleine¬
ment intégrés au culte de Yahweh. Il y a une notion importante du
mythe du mariage sacré qu'il s'agit de ne pas laisser perdre et
auquel il convenait de donner droit de cité dans la religion israélite,
c'est celle de la fertilité de la terre. A l'inverse des Rékabites qui
s'enfermaient dans une attitude de refus, Osée entend montrer
que la terre reste dans une certaine mesure aussi l'épouse de
Yahweh, car le mariage de Yahweh avec le peuple resterait
incomplet si la terre avec sa productivité était laissée en dehors
de ce mariage ; en mentionnant la terre à côté du peuple comme
épouse de Yahweh, Osée n'accepte pas de transposer purement
et simplement
dans celui de l'histoire
le thème ; du
la femme
mariageetsacré
la terre
du sont
domaine
l'une du
et l'autre
mythe

Antiche
on
duit
d'assez
a4: cru
Cf.
«vagues
Divinita
my
pouvoir
W. ardent
Caskel,
indices.
Semitisce,
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lover
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et
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la
Es.divinité
semitischen
2 1958,
6 : « p.
Am,
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p. rejeté
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bibliques
ne Meek
sont
dans tra¬
que
Le

254 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

épouses de Yahweh : « J'enlèverai ses adultères, de peur que je


ne la déshabille toute nue et que je ne la mette comme au jour de
sa naissance (c'est l'image de la femme), que je ne la rende telle
un désert, que je ne l'assimile à une terre aride et que je ne la
fasse mourir de soif (c'est l'image de la terre) » (2 s). Tout au long
de son message, Osée a le souci de la terre ; elle devra garder ou
mieux, elle devra retrouver, grâce à Yahweh, le pouvoir d'assurer
la fertilité ; par les semailles et la moisson qui sont ses occupations
normales, l'Israélite trouvera Yahweh qui donnera aussi la pluie
indispensable
tre 10 où un thème
à la vie
naturiste
de l'agriculteur,
et un thème
ainsi éthique
au verset
sont
12 du
combinés
chapi¬
dans le terme volontairement ambigu de yoreh, qui évoque à la
fois les idées de pluie et d'enseignement. Les thèmes de la rosée
et de l'arbre verdoyant seront également assumés par Yahweh et
c'est lui qui permettra à Ephraim de justifier pleinement son nom,
c'est-à-dire celui qui porte des fruits (13 15). Si l'on admet la
lecture proposée par Wellhausen pour le verset 9 du chapitre 14,
le prophète — ou un de ses disciples — ferait même dire à Yahweh :
« Je suis ton Anat et ton Asherah » leçon que les massorethes
auraient atténuée à cause de sa trop grande hardiesse 5. Cette leçon
nous montrerait jusqu'où s'élevait la liberté du prophète dans
l'utilisation des matériaux cananéens : prendre une déesse parèdre
serait pour Yaweh s'assimiler aux dieux païens ; c'est ce qu'ont
fait les gens d'Eléphantine dont la religion devait être assez
proche de celle des contemporains d'Osée lorsqu'ils ont introduit
Anat Yahu dans leur panthéon ; mais s'assimiler à une déesse,
l'absorber en quelque sorte, c'était de la part de Yahweh à la fois
le moyen de montrer le peu de consistance des dieux du paganisme
et la grandeur de son prestige qui ne perdait rien à se revêtir de
leurs dépouilles. C'était aussi la preuve qu'il ne voulait pas que
toutes les modalités de l'amour représentées par les diverses
divinités
Le thème
cananéennes
de la mort
restent
et deétrangères
la résurrection
à la religion
du dieu d'Israël.
n'a de loin
pas chez Osée la même cohérence ni la même portée que celui du
mariage sacré. Il Néanmoins
réminiscences. est sans doute
on endifficile
trouve de d'assez
trouver nombreuses
comme le
voudrait H.-G. May, dont l'étude remarquable parue en 1932 6 a
reçu mainte confirmation des documents connus ultérieurement,
dans la figure d'Ephraïm, celle du Dieu mis à mort par une bête

Asherato
par
gische
la
fenburg,
faut
même
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guages
direction
56G.
remarquer
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verset
Zeitschrift,
(Chicago),
Fohrer,
1956
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Theolo¬
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dans
même
Lan¬
sous
»wa'
le
II
l'héritage cananéen 255

sauvage, mais parmi les rites de la mort et de la résurrection du


dieu, celui de la lamentation a laissé le plus de traces ; dans le
texte de 7 14-16, on peut aisément voir l'allusion à des lamenta¬
tions rituelles sur la mort du dieu de la fertilité, lamentations
accompagnées de lacérations et autres mutilations ; un des termes
du rituel de la lamentation a connu une fortune intéressante,
c'est celui de r>awen qui se rencontre à Ugarit à propos de la
tion
lamentation
a évoluésur
en la
hébreu
mort de
de lamentation
Baal (67 : VI
rituelle
:15) etvers
dont
celle
la significa¬
de chose
illicite et inutile ; c'est ainsi que ce terme cultuel cananéen a fini
par désigner la mauvaise religion et principalement la magie 7.
On peut tirer du passage 4 15 la conclusion qu'au temps d'Osée
on célébrait à Beth Awen 8, qui n'était pas simplement une désigna¬
tion péjorative
manière d'un dieu
de Béthel,
mourantunet culte
ressuscitant
où Yahweh
et où aux
était lamentations
adoré à la
rituelles sur sa mort succédait le cri : chay Yahweh, Yahweh est
vivant. Cette pratique, Osée la considère bien entendu comme une
abomination, mais il « récupère » en quelque sorte la mort et la
résurrection du dieu en les transposant sur le terrain spécifique¬
ment prophétique, celui de l'histoire. Dans l'histoire aussi, comme
dans le cycle saisonnier, mais d'une manière toute différente,
Yahweh disparaît et revient selon la désobéissance et la fidélité
du peuple. Voici quelques passages qui nous paraissent caractéris¬
tiques à cet égard :
2 11 : Je reviendrai et je reprendrai mon froment en son temps.
moi aussi.
4 β : Puisque tu oublies la loi de ton dieu, j'oublierai tes fils

d'eux.
5 β : Ils ne trouveront pas Yahweh, car il s'est sauvé loin

5 14 : C'est moi qui déchirerai, puis je m'en irai.


9 12 : Malheur à eux quand je m'éloignerai d'eux.
10 5 : Leur gloire est enlevée loin d'eux.
Cet éloignement du Dieu est exprimé à l'aide de termes
variés, ce qui est une preuve de l'importance du thème. La
recherche du dieu disparu est un thème bien connu dans les
réminiscences
mythes de Tammuz chez Osée
et d'Osiris
: ; nous en avons également des

2 9 : Elle recherchera ses amants et ne les trouvera pas.


3 5 : Les fils d'Israël reviendront et rechercheront Yahweh
leur dieu.
5 β : Ils iront chercher Yahweh, mais ils ne le trouveront pas.

certainement
par23El
Peor
tation
14 87 d'après
était
Le
Lalocalité
àaucelle
mot
moment
probablement
une
le
de
°un
Ps.
mort
de
nourriture
de
apparaît
106
Beth
laet2r·
mort
différente
enfin
Awen
On
dans
rituelle,
deàsaisit
mentionnée
Baal
celle
ladedescription
analogue
aisément
;de
celle
dans
néant.
de
dans
Osée
à des
le
Béthel.
celle
9 4, rites
passage
Jos. le7qui
2»leehem
de
de 12
était
18 l'idée
deuil
°onim
offerte
; / Sam.
de
accomplis
désigne
lamen¬
à Baal
13 K,
256 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES

5 i5 : Je m'en irai jusqu'à ce qu'ils me recherchent.


7 io : Ils ne l'ont pas recherché.
10 i2 : Il est temps de rechercher Yahweh.
Si nous comparons certains de ces passages d'Osée avec des
passages similaires du Cantique des Cantiques, par exemple
Os. 2 » avec Cant. 3 1-3 où le background rituel paraît encore plus
évident que chez le prophète, il est difficile de ne pas attribuer aux
rites du mariage et du dieu mourant et renaissant une large
place dans l'origine du langage et des concepts du prophète Osée ;
on peut remplacer les termes de mort et de revivification par
ceux de tristesse et de joie ou par ceux de larmes et de rire qui
en étaient l'expression visible®.
En vertu du principe d'historicisation, le thème de la mort
est appliqué au peuple.
2 5 : Le peuple mourra de soif.
3 73 : La
5 Le peuple
néoménie
retourne
les dévorera.
au désert, lieu de la soif et de la mort.

5 12 : Je suis comme la teigne pour Ephraim et comme la pour¬


riture pour la maison de Juda.
6 1 ss. : Le peuple est mort et espère revivre.
7 9 : Des étrangers ont dévoré sa force.
78 12
s : : Israël
J'étends
a été
suravalé.
eux mon filet pour les capturer.
9 le : Ephraïm a été frappé.
à l'ours
13 7 et
: Yahweh
à la lionne.
qui fait mourir est comparé au léopard, au tigre,

Osée annonce la mort du peuple et cette mort sera vraiment


effective ; ce qui dans le mythe n'était qu'un jeu sera réalisé dans
l'histoire. Osée ne semble pas connaître ou du moins ne pas
partager la doctrine du reste ; le salut selon lui ne se fera pas
par la réduction à un reste qui réchappera à la catastrophe, mais
par une revivification succédant à la mort ; l'histoire s'arrêtera ;
il arrivera un moment où n'existeront plus ni le peuple ni Dieu
(1 9 lo ehyeh lakhem). Si la mort du peuple n'intervient pas,
c'est parce que Dieu opère en lui-même, dans son propre cœur
le l'amour,
à changement
de laqui
mort
le àfera
la vie.
passer
Cettedes
« conversion
intentions » dededestruction
Dieu qui
déjoue tous les calculs est la grande nouveauté du livre d'Osée
et un des sommets de la religion biblique (Os. 11).
L'attitude positive d'Osée à l'égard de la religion de Canaan
se remarque enfin dans la grande place qu'il accorde aux fêtes
en général et plus spécialement à la fête d'automne qui pourrait
bien être
livre (cf. 12
le 10
Sitz
: Je
im te
Leben
feraidesencore
prophéties
habiter
rassemblées
dans des dans
tentes...).
son
L'importance du culte pour Osée n'apparaît pas seulement dans
l'absence de polémique anticultuelle, mais surtout dans la
principalement
β F. F. Hvidberg
sur Osée
: Weeping
6t-a et and
105-s.
Laughter in the Old Testament 1962, insiste
l'héritage cananéen 257

manière dont les thèmes cultuels orientent le rythme même de sa


pensée, ce qui n'a rien d'étonnant si l'on se rallie à la thèse fort
suggestive
des milieuxde lévitiques
H.-W. Wolff
dont
10 sur
l'aboutissement
la connexion sedu trouve
prophète
dansavec
le
livre du Deutéronome. Les prétendus passages anticultuels d'Osée
doivent vraisemblablement être lus dans une perspective nouvelle :
si les fêtes et les solennités doivent cesser (2 13) si les symboles
cultuels sont enlevés (3 4 ss.) ce n'est pas parce qu'ils sont mauvais,
mais parce qu'ils ont besoin d'une purification afin de pouvoir
acquérir leur pleine valeur dans un climat authentiquement
yahviste n. En attendant, Osée annonce que Yahweh se servira
du culte et des lieux sacrés pour châtier Israël par là où ils auront
péché. A plusieurs reprises le prophète annonce que le culte aura
l'effet contraire de ce que les Israélites espéraient de lui : ainsi la
prostitution sacrée qui devait avoir pour effet d'assurer la fécondité
produira le contraire :
4 10 : Ils se prostitueront et n'augmenteront pas.
9 24 : Ils auront un sein qui avorte et des mamelles desséchées.
la cuve.
9 2 : Ils ne seront pas rassasiés par les produits de l'aire et de

Au lieu d'être, comme cela est normal, source de salut, le


culte sera le jugement ; un des textes les plus intéressants à cet
égard est au chapitre 5 le verset 7 : « Le chodesh dévorera leurs
parts > ; ainsi que l'a montré fort judicieusement A. Caquot 12 , le
chodesh désigne ici la fête du Nouvel An, jour annonciateur de la
fertilité, mais qui à cause des infidélités d'Israël dans le domaine
éthique et cultuel deviendra un jour de calamités. Lorsqu'il parle
des veaux de Samarie et de Béthel le ton du prophète se fait non
seulement menaçant, mais ironique, car ces idoles auxquelles on
voue une adoration ne sont en réalité que des œuvres d'artisans,
donc humaines et par conséquent incapables de sauver (85, 13 1 ss.).
Néanmoins ces veaux ont le pouvoir de contaminer ceux qui les
adorent en les faisant participer à leur caractère vain et éphémère ;
celui qui n'adore que la paille et la fumée est condamné à devenir
lui-même paille et fumée (13 3 ss.) un culte mal orienté, dévié de
son but, est comme un nouveau-né qui n'arrive pas à sortir de la

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la
258 revue d'histoire et de philosophie religieuses

matrice et qui risque de causer également la mort de celle qui le


porte (13 13). Le culte, et plus spécialement les fêtes, sont pour Osée
le moment où se manifeste dans sa suprême intensité la présence de
Dieu ; mais comme la présence divine est toujours aussi jugement,
la fête sera le moment de la Krisis où se décidera non plus le sort de
la nature, mais celui du peuple tout entier. A l'encontre de l'opinion
facile qui pense que selon un rythme cyclique les temps fastes
succèdent aux temps d'épreuve, opinion que nous trouvons
exprimée dans la formule du chapitre 6 1-3 : « Dieu fait
mourir et fait vivre », Osée affirme que le culte sanctionnera
d'abord le péché du peuple. C'est alors que le mythe se réalisera,
mais au lieu d'être contemplé du dehors, il sera vécu par le peuple
dans sa propre chair, comme le prophète lui-même en a donné
l'exemple dans sa propre expérience.
En conclusion nous dirons qu'Osée tout en critiquant très
vivement la canaanisation du culte en retient les éléments positifs
en les revalorisant dans un climat authentiquement yahviste.
C'est ainsi que le rite du mariage sacré devient l'expression de
l'histoire et cette découverte qu'il a faite à la lumière des rites
cananéens a largement orienté toute la tradition judéo-chrétienne.
Le mythe de la mort et de la résurrection a servi à l'historien
deutéronomiste à exprimer les rythmes alternants de l'histoire
comme une succession de jugements et de retours en grâce. Enfin
Osée a trouvé dans la religion cananéenne un grand nombre
d'images pour exprimer la réalité de l'amour de Dieu : l'amour
de l'époux en premier lieu, mais aussi celui du père (11 1), égale¬
ment celui de la mère qui tient son enfant sur son sein et contre
ses joues et dont les entrailles sont émues de compassion : « Avec
des liens humains je les tirais, avec des cordes d'amour, et j'étais
pour eux comme ceux qui élèvent un poupon jusqu'à leur joue et
doucement je les faisais manger » 13 (11 4, cf. aussi Ils).
Pour que Yahweh pût prétendre à la seule et totale adoration
de ses fidèles il était indispensable que la figure du dieu jaloux
et guerrier qui était l'aspect caractéristique du dieu de Moïse, fût
complétée par celle du dieu aimant, tendre, compatissant de
même qu'il était indispensable que la religion du désert fût
complétée par celle du pays de culture et que la vie agricole fût
placée sous la dépendance de Yahweh. Pour Osée, comme d'ailleurs
pour les autres prophètes, la nature n'est pas re jetée hors du
domaine de la religion, mais elle est libérée de la tyrannie du
sacré ; n'étant plus une parcelle du monde divin, mais une réalité
créée et autonome, elle pourra devenir pleinement elle-même et
être comme l'homme capable de répondre. Dans la promesse qui

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1954,
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l'héritage cananéen 259

termine ie chapitre 2, le prophète caractérise les temps à venir


comme le temps de la réponse, en répétant à plusieurs reprises
la racine <anah, montrant une fois de plus comment il a assimilé
et surmonté le mythe de la déesse Anat : « Il adviendra en ce
jour-là que je répondrai oracle de Yahweh, je répondrai aux cieux,
et, eux, répondront à la terre, et la terre répondra au moût, au
froment, à l'huile et, eux, répondront à Yizréel » (2 23-24). Si on
peut définir l'attitude d'Osée à l'égard de l'héritage mythique
comme une élimination par assimilation, elle est cependant aux
antipodes de ce qu'on appelle en histoire des religions le syncré¬
tisme : utilisant les vieilles outres il y a versé un vin nouveau qui
n'est autre que la réalité du dieu personnel et vivant qui répond
à tout, aussi bien aux besoins de la nature qu'aux aspirations des
peuples et des individus.

Université de Strasbourg. Edmond JACOB.

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