2€ lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO - N° 21 905 - www.lefigaro.
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LA FRANCE
Plus de 3,5 millions de personnes, dont 1,5 million à Paris, ont participé dimanche à la marche républicaine
DEBOUT
d’hommage aux victimes des attentats de la semaine dernière. Dans la capitale, au milieu d’une marée humaine,
François Hollande a défilé aux côtés d’une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement.
KENZO TRIBOUILLARD/AFP
SOMMAIRE
è PAGE 2 PLUS DE 4 MILLIONS
DE PERSONNES SE SONT
MOBILISÉES CE WEEK-END
AFP
è PAGE 2 UN DISPOSITIF
DE SÉCURITÉ HORS NORMES
è PAGE 6 LE MONDE
S’UNIT À PARIS CONTRE
LE TERRORISME
è PAGE 7 VALLS S’OPPOSE
À NÉTANYAHOU
SUR LE FOYER
DES JUIFS FRANÇAIS
è PAGE 8 TRAUMATISÉE,
LA COMMUNAUTÉ JUIVE
ATTEND DES MESURES
è PAGE 9 LA CARTE
3’:HIKKLA=]UWUUZ:?k@l@b@c@a";
DE FRANCE DES
RASSEMBLEMENTS
M 00108 - 112 - F: 2,00 E
è PAGE 10 ILS NE VEULENT
PAS « ÊTRE CHARLIE »
è PAGE 11 LE POINT
SUR L’ENQUÊTE
è PAGE 12 LES FAILLES
DE L’ANTITERRORISME
Dernière édition
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
ÉDITORIAL par Alexis Brézet, directeur des rédactions abrezet@lefigaro.fr £@abrezet
è PAGE 13 LES PROPOS
HAINEUX PULLULENT
SUR LA TOILE Après l’émotion, le courage
L
è PAGE 14 LES MÉDIAS
DÉMENTENT TOUTE DÉRIVE
a France debout ! La France, sacre de Reims ; ceux qui lisent sans d’hommes et de femmes, de droite et de
è PAGE 32 LE MONDE rassemblée dans le deuil. La émotion le récit de la fête de la Fédéra- gauche, chrétiens, juifs, musulmans ou
DES ARTS DANS LA RUE France, digne dans sa colère. tion. » Dans l’imaginaire national, la athées, ont éprouvé le besoin de se ras-
è PAGE 40 UN ÉLAN
Les dirigeants du monde en- journée historique du 11 janvier 2015 sembler pour entonner La Marseillaise,
DE SOLIDARITÉ tier venus porter à notre pays aura aussi sa place. c’est bien que quelque chose les rassem-
À TRAVERS LE MONDE le témoignage de la solidarité plané- Bien sûr, on pourrait à bon droit ironiser ble : l’amour de la France, aujourd’hui
taire. Et surtout, cette foule immense, sur certaines envolées lyriques un peu menacée.
ces centaines et ces centaines de mil- faciles, pointer les Et même ceux qui n’y étaient pas, ceux
liers de citoyens rassemblés à Paris, en Dans contradictions et les qui, après mûre réflexion, ont refusé de
France et partout sur la planète, dans le deuil, arrière-pensées au clamer « Je suis Charlie » ne sauraient,
un fraternel coude-à-coude, pour sein de ces cortèges pour ce seul motif, être retranchés de ce
rendre hommage aux dix-sept victi- la famille officiels que les jour- moment de communion nationale ! Les
mes de la sauvagerie islamiste. Pour
crier silencieusement leur attache-
se retrouve nalistes de Charlie
Hebdo auraient sans
uns, parce qu’ils croient au Ciel, quelle
que soit leur confession, ont considéré
ment viscéral aux principes démocra- aucun doute été les premiers à ridiculi- que l’on ne répondrait pas à la folie des
CHAMPS LIBRES
è LES EFFORTS
D’UN PROF DE BANLIEUE tiques et républicains. Pour défendre, ser, s’étonner de certaines présences hommes par le mépris du sacré et l’apo-
POUR EXPLIQUER tout simplement, notre civilisation et incongrues (le bras droit d’Erdogan, logie de la dérision. D’autres, de gauche
LES ATTENTATS nos libertés. tout de même, il fallait oser !), mais ce ou de droite, n’ont pas voulu que leur
Comment ne pas être ému par ce serait faire fausse route. Dans le deuil, la indignation soit récupérée par un « sys-
è LA GUERRE
spectacle d’une nation enfin réunie ? famille se retrouve ; elle n’oublie pas ses tème » politique qu’ils jugent grave-
AFFAIBLIT-ELLE
DAECH ? On pense à Marc Bloch : « Il est deux différences qui demain reprendront lé- ment fautif. D’autres encore, par tem-
catégories de Français qui ne compren- gitimement leurs droits – c’est cela, la pérament, sont tout simplement rétifs à
è ENTRETIEN
dront jamais l’histoire de France, ceux démocratie – mais soudain elle s’unit ces effusions collectives médiatisées.
AVEC JEAN-PIERRE
LE GOFF
qui refusent de vibrer au souvenir du parce que l’essentiel est en jeu. Si tant Suite page 19 [...]
è LA CHRONIQUE
DE NICOLAS BAVEREZ
AND : 2,20 € - BEL : 2 € - CH : 3,40 FS - CAN : 4,50 $C - D : 2,50 € - A : 3 € - ESP : 2,40 € - Canaries : 2,50 € - GB : 1,90 £ - GR : 2,50 € - Guadeloupe/Martinique : 2.40 € - Guyane/St Martin : 2.70 € - ITA : 2,50 €
C
PAGES 16 À 19 LUX : 2 € - NL : 2,50 € - PORT.CONT : 2,40 € - MAR : 15 DH - La Réunion : 2.30 € - TUN : 2,90 DTU - ZONE CFA : 1.900 CFA ISSN 0182.5852
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
2 DES ATTENTATS
Les proches des victimes des attentats ont participé ensemble
à la marche républicaine de dimanche. ÉRIC FEFERBERG/AFP
LES DIX-SEPT
VICTIMES
TUERIE DE VINCENNES
n Philippe BRAHAM,
45 ans, cadre commercial
n Yohan COHEN,
23 ans, employé
du supermarché kasher
n Yoav HATTAB,
22 ans, étudiant
n François-Michel SAADA,
64 ans, cadre supérieur
à la retraite
TUERIE DE MONTROUGE
n Clarissa JEAN-PHILIPPE,
26 ans, policière municipale
stagiaire
TUERIE AU SIÈGE
DE CHARLIE HEBDO
n Frédéric BOISSEAU,
42 ans, agent
de maintenance
n Franck BRINSOLARO,
49 ans, policier affecté
à la protection de Charb
n CABU, de son vrai nom
Jean Cabut,
76 ans, dessinateur,
pilier de Charlie Hebdo
et du Canard enchaîné,
ancien du journal Hara-Kiri,
l’ancêtre de Charlie Hebdo
n Elsa CAYAT,
55 ans, chroniqueuse
en psychologie
de Charlie Hebdo
n CHARB, de son vrai nom
Stéphane Charbonnier,
47 ans, dessinateur,
directeur de la publication
de Charlie Hebdo
n HONORÉ, 73 ans,
dessinateur à Charlie Hebdo
n Bernard MARIS,
alias « Oncle Bernard »,
68 ans, économiste,
chroniqueur à Charlie Hebdo
et sur France Inter
n Ahmed MERABET,
42 ans, policier,
membre de la brigade VTT
du commissariat
du XIe arrondissement
n Mustapha OURRAD,
correcteur à Charlie Hebdo
n Michel RENAUD,
69 ans, fondateur
du Rendez-vous du carnet
de voyage de Clermont-
Ferrand, ex-directeur
de cabinet du maire
de la capitale auvergnate
n TIGNOUS, de son vrai nom
Bernard Verlhac,
57 ans, dessinateur,
pilier de Charlie Hebdo
et de Fluide glacial
n Georges WOLINSKI,
80 ans, dessinateur,
membre de la bande
d’Hara-Kiri dans
les années 1960 puis pilier
de Charlie Hebdo
C
À Paris, une marée
humaine exalte la
cohésion nationale
Des citoyens de toutes obédiences ont communié dans
une déclaration d’amour à la liberté et à la République.
DELPHINE DE MALLEVOÜE
PRÈS DE 4 MILLIONS de Français mobi-
lisés et unis ce week-end contre le ter-
rorisme, au terme d’une funeste semai-
ne. C’est une mobilisation sans
précédent, la plus importante jamais re-
censée en France. Dimanche, place de la
République à Paris, la France ne pleure
plus, elle n’a plus peur, elle est au front,
solidaire et déterminée à se battre contre
le fanatisme. « Terroriste t’es foutu, la
France est dans la rue ! », scande d’un
seul chœur une marée humaine qui crie
aussi : « On n’a pas peur ! ». « La France
ne sera pas à genoux, aujourd’hui elle se
relève des coups, dit Mathilde, venue de
Versailles. L’après-Charlie, c’est mainte-
nant ! »
Dès 11 heures, des centaines de mil-
liers de Français, parisiens et provin-
ciaux, mais aussi étrangers affluent de
toutes parts pour participer à la marche
républicaine. Familles, ados, vieillards,
Juifs, Arabes, athées, Chinois, Noirs et
tous métissages de France sont côte à
côte « pour défendre la liberté et les va-
leurs républicaines », résume Jean, un
comptable de 36 ans.
Juchés sur la statue de la place, sym-
bolisant la République, de nombreux
jeunes galvanisent la foule au rythme des
slogans et de chants. Au sommet, une
image forte et peu habituelle en d’autres
circonstances : une jeune femme voilée
se tient aux côtés d’un ancien partisan de
la Manif pour tous et s’époumonent en-
semble : « Vous êtes qui ? » « Charlie ! »,
répond la foule. « On est tous français »,
reprennent-ils, en entraînant des ton-
nerres d’applaudissements.
Aux pieds de la statue, un autel circu-
laire voué au culte des victimes, les des-
sinateurs de Charlie Hebdo mais aussi les
policiers morts en service, ainsi que les
otages de l’Hyper Cacher de Vincennes,
abonde de bougies, de fleurs, d’objets,
“ Terroriste, t’es foutu,
la France est dans la rue !
SLOGAN SCANDÉ PAR LES MANIFESTANTS
” pour figurer la tentative de « muselage
de dessins et de messages. La dénoncia-
tion du terrorisme, avec humour mais
sans concession, est claire : « Être isla-
miste et finir ses jours dans un Hyper Ca-
cher, tuer un journal et mourir dans une
imprimerie… si Dieu existe, il a de l’hu-
mour ! », dit une pancarte. Elles sont in-
nombrables, levées à bout de bras, pen-
dues autour du cou, parfois collées à
même le front : « Je suis flic, je suis juif, je
suis français, je suis Charlie », repren-
nent-elles à l’envi pour incarner la co-
hésion nationale. « C’est beau cette mo-
bilisation et cette solidarité, dit Kahina,
venue de Maisons-Alfort, dommage qu’il
ait fallu l’attentat contre Charlie Hebdo
pour l’exprimer. » Avec sa banderole,
une jeune femme veut témoigner de
l’impact sur tous : « 17 morts, 66 millions
de blessés ». Jacques, un SDF, agite un
drapeau tricolore. « Exclu de la société »,
il tient pourtant à en « défendre les va-
leurs ». Une femme en fauteuil roulant
est aussi dans le cortège, applaudie et
embrassée par des manifestants.
Ici et là on voit tous les symboles reli-
gieux alignés ensemble sur des tee-shirts
ou des banderoles. « Les religions unies
contre la haine », est-il inscrit sous la
croix catholique, l’étoile de David et le
croissant musulman.
Taoufik, 74 ans, brandit avec convic-
tion son panneau : « L’islam est innocent
de vos actes », lit-on au recto en fran-
çais. « Ne tuez pas l’âme innocente que
Dieu a interdit de tuer », est-il marqué au
verso en arabe. « La religion musulmane
dans laquelle je suis né n’a rien à voir avec
cette barbarie que nous condamnons,
nous musulmans de France mais aussi de
partout ailleurs, avec force et fermeté car
elle nous salit », explique-t-il.
Des drapeaux de multiples pays flot-
tent tout le long du cortège : Israël, Mali,
Gabon, Turquie, Europe aussi. On les
agite, on se drape dedans. La foule est
hérissée de bras qui tendent des caméras
GoPro et des smartphones pour immor-
taliser cette fièvre nationale sans précé-
dent et cette inédite déclaration d’amour
à la liberté. Une délégation turque du
consulat et de l’ambassade est là, aux cô-
tés de l’association des parents d’élèves
turcs de Mantes-la-Jolie « pour lutter
contre tout fanatisme et partager la souf-
france des familles des victimes ». Sur le
parcours, les immeubles sont peuplés de
riverains et de banderoles aux fenêtres.
En hommage aux dessinateurs de
Charlie Hebdo et à la liberté de la presse,
les gens sont venus avec des crayons. Les
femmes les ont dans les cheveux, les
hommes sur l’oreille, d’autres les ten-
dent vers le ciel comme un rameau
d’olivier pour répondre aux armes et à la
guerre par la paix. « C’est l’encre qui doit
couler, pas le sang », dit Évelyne, fonc-
tionnaire à Paris.
« Rien ne fera taire la presse, rien ne
fera taire France », affirme Hamed, un
jeune « rebeu et français » placé sous
l’une des allégories de la République
dont la bouche a été taguée par une croix
de la presse ». « La liberté se moque des
trous de balle », ironise une banderole
avec aplomb.
À intervalles réguliers, La Marseillaise
est entonnée comme un seul homme par
la foule, la main sur le cœur ou le poing
levé, et s’achève par des hourras et des
applaudissements nourris. La foule
n’oublie pas les forces de l’ordre enga-
gées dans les interventions contre les
frères Kouachi et Amedi Coulibaly : « La
police, merci ! répète-t-elle galvanisée,
l’armée merci ! »
Une famille juive est venue de Belgi-
que pour l’occasion. Elle arbore un écri-
teau « Je suis Charlie » en hébreu. Anne
et Alain, les parents, tenaient à emmener
Noam, 10 ans, et Sasha, 13 ans, « pour
passer le flambeau aux enfants », « occa-
sion d’affirmer » leur « judaïsme », leur
fidélité à Charlie Hebdo qu’ils lisent « de-
puis toujours » et leur « attachement aux
valeurs républicaines ». Croyant non
Dans le cortège
parisien,
dimanche.
VINCENT BOISOT
POUR LE FIGARO
pratiquant, le père fait sienne la pensée
de Voltaire, reprise sur plusieurs pan-
cartes dans le cortège : « Je ne suis pas
d’accord avec ce que vous dites mais je me
battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez
le droit de le dire. » Lui non plus, comme
tant d’autres, n’approuvait pas toujours
les caricatures de Charlie Hebdo. « Mais
n’empêche, dit-il, être libre de s’expri-
mer, d’en rire. »
“ Rien ne fera taire
la presse, rien ne fera taire
la France
”
HAMED, « REBEU ET FRANÇAIS »
Jamila, en venant avec Fares, 9 ans et
Rislène, 11 ans, voulait qu’ils sachent
qu’« ils sont libres, dans un pays libre et
laïc, que la France est un exemple pour le
monde entier et qu’elle doit le demeurer ».
Plus loin, perché sur un banc, un
homme affiche un simple mot sur un
carton : « Résistant. » Il est avocat au
barreau de Rennes. Me Éric Surzur a fait
le voyage parce que, « avec ces événe-
ments », il a « pris un coup de poing dans
la figure ». En tant que « défenseur des
libertés au quotidien » et lauréat du prix
des droits de l’homme du concours in-
ternational de plaidoiries au Mémorial
de Caen en janvier 2012, où il avait plaidé
pour la vie d’Asia Bibi, chrétienne pakis-
tanaise condamnée à mort pour « blas-
phème », il ne pouvait « pas faire autre-
ment qu’entrer en résistance ».
Si dense qu’elle ne peut se mouvoir, la
foule, quoique « déçue de ne pouvoir dé-
filer », regrette une dame, piétine dans
le calme le long des différents itinéraires
conduisant jusqu’à la place de la Nation.
Des heures durant. Sans débordements,
seulement avec quelques mouvements
de panique et des malaises dus à trop peu
d’espace et aux bousculades. ■
Les CRS protègent le cortège
ANGÉLIQUE NÉGRONI
AVEC PAUL DE COUSTIN
anegroni@lefigaro.fr
£@PauldeCoustin
DES DIZAINES de chefs d’État étran-
gers et de gouvernements rassemblés
autour du président de la République,
François Hollande, une marée humai-
ne autour de la place de la Républi-
que : pour ce rassemblement sans
précédent, c’est un dispositif de sécu-
rité hors normes qui avait été mis en
place ce dimanche à Paris.
Des dizaines de tireurs d’élite per-
chés sur les toits, 150 policiers en civil
chargés de la protection des hautes
personnalités et de la surveillance du
public, 2 200 hommes des forces mo-
biles prêts à intervenir : tels sont les
moyens exceptionnels mis en œuvre
tout au long de la journée.
En charge des opérations, la Préfec-
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
sous les bravos de la foule…
ture de police avait ainsi sécurisé deux
parcours parallèles empruntés par les
manifestants : un axe principal reliant
la place de la République à la place de
la Nation par le boulevard Voltaire sur
une distance de 3 km et un itinéraire
de « délestage », via l’avenue de la
République, le boulevard Ménilmon-
tant, puis l’avenue Philippe-Auguste.
Juste avant ce défilé prévu à 15 heures,
tout le secteur avait été passé soigneu-
sement au peigne fin. Les toits des im-
meubles bordant le parcours et les
égouts avaient fait l’objet d’une minu-
tieuse inspection préalable.
Musclé, le dispositif est toutefois
resté discret pour encadrer et sur-
veiller l’immense foule qui est venue
de part et d’autre de la capitale. Scè-
nes totalement inhabituelles, les for-
ces de l’ordre ont même été accla-
mées… Partout, les manifestants, ont
relaté ces mêmes moments d’ovation.
Ainsi, l’arrivée de plusieurs fourgons
de police à l’angle de l’avenue
Ledru-Rollin et de la rue du Fau-
bourg-Saint-Antoine a déclenché une
vague d’applaudissements. Un peu
plus loin, les CRS ont remonté le cor-
tège en sens inverse sous les bravos de
la foule.
« C’est du jamais-vu », lance, stu-
péfait, un manifestant. « Les gens ont
voulu rendre hommage au courage de
2 200
policiers
des forces mobiles ont été
déployés à Paris
ces hommes qui ont réussi à neutraliser
rapidement les terroristes », décrypte
ainsi Marielle, qui a rejoint avec son
mari cette grande marche républicai-
ne. Quant aux tireurs d’élite postés
sur les toits, ils ont créé l’événement.
« Leur présence était assez inhabituel-
le. Alors, dès qu’ils étaient aperçus,
tout le monde avait le nez en l’air et ils
étaient aussitôt bombardés de photos.
Avec leur silhouette noire se dessinant
dans le ciel parisien, ils ont été un peu
l’attraction dans les cortèges »,
s’amuse un Parisien.
Toutefois, des scènes plus tendues
ont aussi eu lieu en début d’après-mi-
di. Avec l’arrivée sans discontinuer de
manifestants affluant vers la place de
la République - le point de ralliement
de cette marche -, cette dernière s’est
retrouvée totalement saturée. Une
vague d’inquiétude s’est même empa-
rée de la foule totalement immobilisée
À de nombreuses reprises, les manifestants ont applaudi et remercié les forces de l’ordre,
dimanche, à Paris. VINCENT BOISOT POUR LE FIGARO
Près de quatre
millions
de personnes
sont descendues
dans les rues
en France, dimanche,
dont environ
1,5 million à Paris.
FRANCOIS BOUCHON/
LE FIGARO
et impuissante pour secourir plusieurs
manifestants pris de malaise. « Les
pompiers ont essayé en vain de se
frayer un chemin et d’intervenir auprès
de personnes à terre, mais c’est le per-
sonnel de la Croix-Rouge, encadré par
des gendarmes, qui est parvenu à orga-
niser les évacuations », raconte Paul,
en poursuivant : « On ne comprenait
pas pourquoi le cortège n’avançait pas.
Des gens ont grimpé sur des kiosques à
journaux pour voir ce qui se passait. En
réalité, les rues desservant la place
étaient totalement congestionnées. »
Finalement, vers 16 h 30, la situa-
tion s’est débloquée et la foule a pu se
déverser dans les rues adjacentes. Sur
le parcours du cortège, un grand
nombre de magasins avaient décidé
de ne pas tirer le rideau et de rester
ouverts. Ils ont bien fait : en fin de
journée, les forces de l’ordre n’ont si-
gnalé aucun débordement. ■
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
DES ATTENTATS
« Nous sommes venus
pour défendre la liberté »
CAROLINE BEYER cbeyer@lefigaro.fr
PAROLES de manifestants rencontrés
dimanche dans la marche républicaine
à Paris.
❙ARTISTE,
DIDIER NOBLET, 60 ANS,
VENU DU VAL-D’OISE,
CHANTEUR
POUR ENFANTS
« Je suis là pour montrer que nous ne
laisserons pas une poignée de criminels
entraver notre liberté. Les dessinateurs
de Charlie Hebdo étaient notre
conscience. Ils exprimaient ce que l’on
avait envie de dire parfois. J’avais ren-
contré Cabu sur un plateau télé. Un hom-
me tendre. Si j’avais appris qu’il était
mort renversé par une fleur, je n’aurais
pas été étonné. Mais là, déglingué par
une kalach… Les choses ne seront plus
jamais comme avant. »
❙ÉTUDIANT
SACHA STRAUB-KAHN,
E,
19 ANS, DE PARIS XIV
À SCIENCES PO
« J’espère que ces 17 victimes ne seront
pas mortes pour rien, qu’il y aura un sur-
saut en France. On a touché à un symbole.
Ces événements ont montré que l’on peut
mourir en France pour des idées. Il faut
maintenant se poser les bonnes questions.
Ces terroristes ont été formés à l’école de
la République. Quelle est notre part de
responsabilité ? Dans les établissements
scolaires, dans les banlieues, on a long-
temps essayé de trouver des excuses. Il est
temps de réagir, au-delà de ce rassem-
blement. La présence aujourd’hui de cer-
tains chefs d’État étrangers, parmi les-
quels des chefs d’État africains en place
depuis de longues années, a un côté un peu
risible… Je ne suis pas lecteur de Charlie,
mais leurs dessins me font rire, y compris
ceux mettant en scène le Pape. Je suis ca-
tholique. Que des gens ne comprennent
pas cela m’attriste énormément. »
❙ SEKOU
TRAORÉ, 64 ANS,
DE PARIS XX E
« Je suis là pour dénoncer cette barbarie
qui ne représente pas ma religion. Je ne
veux pas laisser ces barbares parler de
l’islam. Aujourd’hui, je me sens mal dans
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
3
ma peau. La religion, c’est l’acceptation
de l’autre et l’amour. Certains, enfermés
dans une pensée obtuse, pensent que, par
les caricatures de Charlie Hebdo, le Pro-
phète a été atteint. Je le dis avec beau-
coup de détachement : cela ne me pose
aucun problème. Je suis originaire de
Côte d’Ivoire. Je suis en France depuis
quarante ans. La France est un bon pays
d’accueil, mais il faudrait un petit pas
pour que toutes les religions soient pla-
cées sur le même plan. Certains se sen-
tent frustrés. Il y a parfois un trop-
plein. »
❙ MALIKA
ABOUSSAÏD,
56 ANS, D’ASNIÈRES
« Beaucoup de musulmans défilent
aujourd’hui. Et heureusement. Nous ne
cautionnons pas les actes de ces terroris-
tes. Leur islam n’est pas le nôtre. Ils ont
tué des gens qui incarnaient la liberté. »
❙ ROGER
FAICT, 57 ANS,
DE BOULOGNE
« J’ai décidé de venir aujourd’hui en por-
tant une kippa. Je ne suis pas juif, mais
mon ex-femme et mes enfants oui. Ils vi-
vent à Jérusalem. Le terrorisme, c’est leur
quotidien. C‘est ce que je veux aussi dire
aujourd’hui, après ces événements qui ont
touché une épicerie kasher porte de Vin-
cennes. Il ne faut plus avoir peur de porter
la kippa, comme c’est le cas actuellement
dans certains endroits en France. Je suis
aussi là pour Charlie, évidemment. Je ne
partageais pas forcément les opinions de
ces dessinateurs, mais c’était des gentils.
C’est la liberté qui est bafouée. »
❙ JULIEN
ET CHARLINE,
23 ANS, DE PARIS
LUCIEN LUNG POUR LE FIGARO
« Nous sommes là pour défendre la liber-
té d’expression et de religion, même si
nous sommes athées. On s’est sentis très
mal pendant une semaine, scotchés à
France Info, choqués par tout ce qui s’est
passé. On connaît bien les dessins de
Charb, Cabu, Tignous. Ils représentent le
journalisme, la liberté d’expression. On
attend le prochain numéro… Aujour-
d’hui, toute la population est réunie.
Dommage que des ignorants et des cons
C
cautionnent ces actes terroristes sur les
réseaux sociaux. » ■
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
4 DES ATTENTATS
Des hommes politiques de tous bords côte à côte devant la banderole
« Nous sommes Charlie ». Devant, en chaise roulante, Dalil Boubakeur, recteur
de la Grande Mosquée de Paris. FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
Hollande réunit gauche et droite pour la République
À l’exception du Front national, tous les dirigeants de la majorité et de l’opposition ont défilé dimanc
SERVICE POLITIQUE
MOBILISATION populaire. Unité natio-
nale. Solidarité internationale. Les li-
vres d’histoire réserveront une place
de choix à cette journée du dimanche
11 janvier 2015. Et retiendront trois
chiffres. Dix-sept, d’abord, le nombre
de personnes assassinées durant ces
trois jours d’attaque terroriste contre le
pays. Près de quatre millions, ensuite,
le nombre de personnes descendues
dans la rue dans toute la France, même
si à Paris le ministère de l’Intérieur a
reconnu que le comptage était « im-
possible » en raison de l’ampleur de la
mobilisation « sans précédent ». Cin-
quante, enfin, le nombre de chefs
d’État et de gouvernement en tête de la
marche républicaine, aux côtés de
François Hollande. « Paris est aujour-
d’hui la capitale du monde. Le pays tout
entier va se lever vers ce qu’il a de
meilleur », avait prévenu le président
de la République.
Dès le matin, Hollande avait reçu à
l’Élysée les représentants de la com-
munauté juive. Et appelé le responsable
de l’Hyper Cacher, théâtre de la prise
d’otage de vendredi. Hollande a ensui-
te reçu l’ensemble de son gouverne-
ment à l’Élysée, dans la salle des fêtes,
en insistant sur l’importance de l’unité
nationale, « une force ». « Les Français
sont debout après ce drame. Ils atten-
dent que nous continuions à agir, à ré-
former, il faut être au travail plus que ja-
mais », ajoute-t-il. Fait inédit, les
ministres applaudissent longuement le
président.
François Hollande a ensuite reçu les
dirigeants étrangers, ne quittant plus le
perron de l’Élysée deux heures durant.
Il s’attarde avec Angela Merkel, qui
pose sa tête sur son épaule, émue. Il re-
çoit également Nicolas Sarkozy et les
anciens premiers ministres de droite.
Tous rejoignent le gouvernement dans
la salle des fêtes, transformée en tour
de Babel. Sarkozy et son épouse Carla
sont ensemble. Cinq premiers minis-
tres de gauche, Michel Rocard, Édith
Cresson, Jean-Marc Ayrault, Lionel
Jospin et Manuel Valls, tiennent un
conciliabule dans un autre coin de la
pièce. Hollande vient chercher Merkel
et le président ukrainien, Petro Poro-
chenko. Il les conduit dans le salon des
Aides de camps, pour un aparté sur
l’Ukraine. « C’était la journée de Hol-
lande, résume un ministre. Il a parfai-
tement géré la séquence. »
Et il continue. Trois heures plus tard,
tous avancent en rangs serrés dans le
froid glacial, vêtus de sombre, visages
graves. François Hollande au centre du
Lutte contre le terrorisme : Valls devrait
annoncer des mesures mardi à l’Assemblée
Après l’émotion, le recueillement et la
mobilisation, les décisions. Le premier
ministre, Manuel Valls, devrait annoncer
mardi, à l’Assemblée nationale, dans
le cadre du débat sur l’autorisation
de la prolongation de l’intervention des
forces armées en Irak, « les têtes de
chapitres » des mesures qui vont être
prises en France pour lutter contre le
terrorisme. « Entre ceux qui pensent
qu’il ne faut toucher à rien et ceux qui
disent qu’il faut tout changer, le premier
ministre estime qu’il y a des marges
C
d’adaptation », explique-t-on
cortège. À sa droite, le président du
Mali, Ibrahim Boubacar Keïta. À sa
gauche, Angela Merkel. Ils ouvrent la
marche. Matteo Renzi, David Cameron
ou encore Jean-Claude Juncker défi-
lent à leur côté. Le Palestinien Mah-
moud Abbas marche à quelques pas de
l’Israélien Benyamin Nétanyahou.
Le cortège, qui s’élance à 15 h 25
boulevard Voltaire, s’arrête 300 mètres
plus loin devant la statue de Léon Blum.
Le périmètre est ultrasécurisé : des cars
de CRS sur tout le parcours, un policier
devant chaque porte cochère, des ti-
reurs d’élite sur les toits. Quelques
centaines de mètres, quelques minutes
seulement, pour l’Histoire. Après le
départ des chefs d’État, François Hol-
lande rejoint les familles des victimes
en tête de cortège. Les survivants de
Charlie Hebdo sont là, dont le dessina-
teur Luz et l’urgentiste Patrick Pelloux.
C’est ce dernier qui a prévenu le prési-
dent de la République du massacre à la
rédaction en l’appelant directement
sur son portable. François Hollande
l’étreint longuement. Autour d’eux,
l’émotion déborde, certains fondent en
larmes. Le chanteur Renaud, très pro-
“ On a beau se combattre
politiquement au quotidien,
on était content de se
retrouver là, ensemble,
et c’était sincère
GEOFFROY DIDIER, COFONDATEUR
DE LA DROITE FORTE (UMP)
” État dont la capitale s’est retrouvée,
che de Charlie, est présent. Le prési-
dent prend le temps de saluer chacun.
Il agite la main, à l’adresse des Pari-
siens, agglutinés à leurs balcons ou
leurs fenêtres. Lorsqu’il quitte le cortè-
ge, François Hollande est applaudi. Des
« bravo » retentissent, des « merci »
jaillissent. Presque une acclamation.
Pas aussi forte toutefois que celles qui
ont salué les forces de l’ordre tout au
long de la journée. Même le ministre de
l’intérieur Bernard Cazeneuve est re-
mercié par la foule.
François Hollande part rendre visite
à la famille d’Ahmed Merabet, le poli-
cier tué le jour de l’attentat. Manuel
Valls, lui, regagne la tête du cortège.
Trois quarts d’heure durant, le premier
ministre va défiler, en compagnie
d’Emmanuel Macron et de Najat Val-
laud-Belkacem. Il salue les gens aux
balcons, serre les mains des passants
quand il aperçoit Samuel Sandler, père
et grand-père de victimes de Mohamed
Merah, en larmes. Il le prend dans ses
bras, l’étreint longuement.
À l’angle du boulevard Richard-Le-
à Matignon. Dans la foulée, ces mesures
pourraient être détaillées mercredi lors
du Conseil des ministres. Elles sont
à l’ordre du jour de la nouvelle réunion
de crise prévue lundi matin à l’Élysée.
À gauche comme à droite, certains
espèrent qu’elles feront consensus.
« J’espère une réponse dans la plus
grande unité », dit le patron
des députés PS, Bruno Le Roux.
Le secrétaire général de l’UMP, Laurent
Wauquiez, estime qu’« il faudra la même
unité quand viendra le temps d’apporter
des réponses ». AN. R. ET S. DE RO.
François Hollande et Nicolas Sarkozy sur le perron de l’Élysée auprès de quatre anciens premiers ministres : Jean-Pierre Raffarin, Édouard
noir et de la place de la Bastille, c’est
l’effervescence : une petite équipe de
Matignon accueille les personnalités
politiques françaises, les ambassadeurs
étrangers en poste à Paris, les repré-
sentants des cultes et membres de gou-
vernements étrangers. « Si vous saviez
comment tout cela s’est organisé. Un
jour, je vous raconterai. Mais pas avant
un an », promet un responsable. Un à
un, les VIP arrivent. Le commissaire
européen et ex-ministre des Finances
Pierre Moscovici. « Tout le monde est à
Paris. Tout le monde est à Paris », répè-
te-t-il, bientôt rejoint par la maire de
Lille, Martine Aubry. Le président du
Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon,
fait ensuite son apparition. Il a la dent
dure : « On a bien compris qu’on es-
sayait de nous rassembler autour des
grosses légumes. On me dit que le secré-
taire général de l’Otan va venir. Mais
Marine Le Pen avec le député Gilbert Collard, dimanche, dans les rues de Beaucaire (Gard).
Manuel Valls
et sa femme
Anne Gravoin
dans le défilé
parisien. Franck Riester, député UMP de Seine-et-Marne, Bruno Le Maire,
F. BOUCHON/
ancien ministre et député UMP, et Thierry Solère (député UMP
LE FIGARO
des Hauts-de-Seine). VINCENT BOISOT POUR LE FIGARO
qu’est-ce qu’il vient faire là ? » Mélen-
chon se félicite en revanche de l’absen-
ce du FN dans les cortèges. « Marine Le
Pen est dérisoire. Elle fait partie des pro-
blèmes et des emmerdes du pays », glis-
se-t-il. Le président du Medef, Pierre
Gattaz, qui donne tant de fil à retordre
à l’exécutif, passe les contrôles sans le
moindre problème. Et il prévient :
« Aujourd’hui, pas de politique ! Pas de
loi Macron ». S’il est là, c’est pour ren-
dre « hommage aux victimes et aux fa-
milles ».
« Pas de débat interdit »
Boulevard Voltaire, l’UMP aussi se met
en route. Emmenée par Nathalie Kos-
ciusko-Morizet et de nombreux élus de
Paris, la droite s’est donné rendez-
vous station Oberkampf, boulevard
Voltaire, côté impair. L’ex-ministre de
l’Agriculture Bruno Le Maire, le maire
PASCAL GUYOT/AFP
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
Balladur, Alain Juppé, François Fillon. VINCENT BOISOT POUR LE FIGARO
du Havre Édouard Philippe, le député
filloniste Jérôme Chartier, l’ex-judoka
David Douillet ont réussi à rejoindre le
lieu de rendez-vous, mais beaucoup de
dirigeants de droite n’y sont jamais
parvenus, tant la foule était dense.
C’est le cas du cofondateur de la Droite
forte, Geoffroy Didier, bloqué côté
pair : « Du coup, je suis surtout tombé
sur des élus de gauche, raconte-t-il. J’ai
croisé Najat Vallaud-Belkacem avec son
mari dans le métro, et dans la rue j’ai
échangé quelques mots avec Malek
Boutih et Delphine Batho ». « On a beau
se combattre politiquement au quotidien,
on était content de se retrouver là, en-
semble, et c’était sincère », témoigne-
t-il. Mais ce « sentiment furtif » ne
l’empêche pas de prévenir que « passé
l’état de choc, l’unité nationale ne suffira
pas ». « Il ne doit pas y avoir de débat
interdit, estime-t-il. Il faut nommer
À Beaucaire, ras
GUILLAUME MOLLARET £@Newsdusud
À BEAUCAIRE (GARD)
« MARINE ! Marine ! » Était-ce un ras-
semblement citoyen pour rendre « hom-
mage aux victimes du terrorisme islamis-
te », comme le vantent deux longues
bâches pendues au fronton de l’hôtel de
ville de Beaucaire (Gard) ou bien un mee-
ting politique ? Si Marine Le Pen s’en dé-
fend, ses supporteurs ont choisi pour elle.
À l’évidence, la majorité du millier de
personnes présentes n’étaient pas là pour
Charlie, mais pour Marine… « Cela aurait
Hervé Gaymard (député UMP de Savoie), Nathalie Kosciusko-
Morizet (vice-présidente de l’UMP),et Patrick Devedjian(député
UMP des Hauts-de-Seine). VINCENT BOISOT POUR LE FIGARO
he à Paris.
l’islamisme pour le combattre, restaurer
les valeurs de respect et les repères ré-
publicains qui ont été anéantis dans bien
des territoires français, bref, passer aux
actes. Et que l’on arrête de s’étonner de
ce que les assassins aient eu des kalach-
nikovs, alors qu’il y a des caves bourrées
d’armes dans les banlieues ! » Tout aussi
critique, Pierre Lellouche confie : « J’ai
hésité à venir, car au-delà de l’émotion,
je regrette le manque d’action ». L’an-
cien patron de la police nationale, Fré-
déric Péchenard, badge « Je suis Char-
lie » épinglé au revers, affirme qu’« on
n’a pas suffisamment donné de moyens
aux services d’investigation pour faire
leur travail ».
Plus polémique, Patrick Devedjian
feint de s’interroger : « Hollande et Fa-
bius n’ont-ils pas appelé à faire la guerre
contre Assad ? Les djihadistes les ont
écoutés ! » Bruno Le Maire, lui, appelle
semblement en forme de meeting autour de Marine Le Pen
pu être le cas n’importe où », élude la pré-
sidente du Front national. Peut-être.
Mais en choisissant le Gard, seul départe-
ment de France à l’avoir placée en tête à
la présidentielle de 2012, et Beaucaire en
particulier, ville tenue par le jeune fron-
tiste Julien Sanchez, Marine Le Pen se sa-
vait en territoire conquis. « Je suis venue
ici parce que Julien a été le premier à m’in-
viter », s’est-elle justifiée devant la pres-
se.
Parlant des manifestations se tenant
dans tout le pays, la présidente du FN a
salué la « réaffirmation d’un caractère
français, d’un attachement à nos libertés
Jean-Louis Borloo, Marisol Touraine, ministre de la Santé, Édouard Balladur
et Ségolène Royal, ministre de l’Écologie. PHILIPPE WOJAZER/REUTERS
à « garder une certaine hauteur » :
« Notre échec est collectif, estime-t-il.
Je ne suis pas certain que nous aurions
évité ce drame avec une mesure ou deux
en plus. » Ce qui ne l’empêche pas
d’ajouter que « ce qui se produit est
aussi le résultat de la faillite de notre
système éducatif ». Toutes ces critiques
devraient être reprises avec prudence
par Nicolas Sarkozy sur RTL ce lundi
matin.
« Les grincheux expliquent que tout
sera oublié demain, mais je ferai tout
pour que cet esprit perdure », assure
François Bayrou qui veut que l’unité
nationale s’exprime notamment dans
le renforcement des mesures de sécu-
rité. « Il faut concilier défense de la li-
berté et défense de nos concitoyens »,
précise-t-il. Jean-Christophe Lagarde
estime lui aussi qu’un esprit de
concorde politique doit permettre de
(…). Nous ne céderons pas, nous ne recule-
rons pas devant des terroristes qui nous
défient sur notre territoire. » Déclarée in-
désirable dans le défilé parisien, Marine
Le Pen a parlé de cette manifestation
comme d’une « grande opération de blan-
chiment des consciences » pour qualifier la
venue de certains dirigeants étrangers.
« Contrairement à l’union nationale décla-
rée, on a exclu 25 % des Français », a-t-
elle accusé.
Interrogée sur les propos de son père,
Jean-Marie, qui avait déclaré « Je ne suis
pas Charlie », Marine Le Pen a rétorqué
dans un sourire : « Je trouve ça très Char-
« combler les failles de sécurité ».
« Aucun Français ne comprendrait que
nous ne parvenions pas à avancer de
front sur cette question », juge le prési-
dent de l’UDI. Mais il met également
en garde contre un « Patriot Act à la
française alors que les États-Unis ont
fait machine arrière sur ces mesures
prises après le 11 Septembre ». « Nous
devons être capables d’en discuter tous
ensemble », précise-t-il.
Dimanche, Jean-Christophe Lagar-
de a croisé « de loin » Hervé Morin
mais n’a pas vu Jean-Louis Borloo. Et,
signe des temps, il a trouvé le temps
de blaguer avec Jean-Christophe
Cambadélis qui défilait non loin.
« Nous arrivons à Nation, il est peut-
être temps de dissoudre », a lancé le
premier secrétaire du PS. « Tout à fait
d’accord », a répliqué le centriste sus-
citant l’hilarité générale. ■
lie… Irrévérencieux, non conformiste, pro-
vocateur. » Jean-Marie Le Pen se sent
d’ailleurs si peu Charlie qu’il a profité
d’une visite à Tarascon – ville voisine de
Beaucaire - pour annoncer ce dimanche
sa candidature aux régionales en Proven-
ce-Alpes-Côte d’Azur.
Quelques mots au balcon
Alors que le soutien affiché par le FN à
Charlie Hebdo peut surprendre, sa prési-
dente a estimé que si elle n’apprécie guè-
re la ligne éditoriale d’un journal qui, a-t-
elle dit, « nous a maltraités », elle
revendique un droit à soutenir « la liberté
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
DES ATTENTATS
CONTRE-POINT
PAR GUILLAUME TABARD £@gtabard
Les politiques, de l’émotion
au devoir de décision
F
rançois Hollande et tous
les responsables politiques
qui ont participé, à Paris ou
en province, samedi et
dimanche, à cette impressionnante
déferlante le savent : ce moment
d’unité nationale, de communion
avec les valeurs de la République,
est aussi puissant que fragile.
Le raz-de-marée d’un jour
ne durera pas toujours.
Hormis une amorce de polémique
sur la place du Front national dans
les cortèges, tous ont fait preuve de
dignité. Il leur appartient, à compter
d’aujourd’hui, de faire preuve de
responsabilité. Car s’il était légitime
et nécessaire de participer à l’émotion
nationale, les responsables politiques
ont pour mission première
de comprendre comment on en est
arrivé là, de tirer les leçons des
événements - la barbarie terroriste
mais aussi le sursaut national - et,
enfin et surtout, de prendre les
décisions qui s’imposent.
La responsabilité pèse d’abord sur
François Hollande. Sa main n’a pas
tremblé, ses choix ont été pertinents,
ses mots globalement justes et sa
gestion de crise précise et conforme
aux exigences de sa fonction. Qui
aurait imaginé que le président le plus
décrié et le plus impopulaire
de la Ve République serait ainsi au
rendez-vous de l’histoire ? Chef d’un
comme il l’a dit, « capitale du
monde ». Lui qui se préparait à
accueillir à Paris à la fin de l’année
le plus grand événement
diplomatique prévu, avec la
conférence sur le climat, a accueilli de
manière imprévue un sommet inouï
de dirigeants de la planète.
Ces images-là compteront
dans son quinquennat.
Et maintenant ? Comment François
Hollande va-t-il continuer de porter
et d’interpréter l’unité nationale qui
s’est imposée ? Quelles leçons
les politiques, du Front national à
l’extrême gauche, tireront-ils de ces
journées qui ont ébranlé mais aussi
soudé la France ? Une leçon
d’humilité d’abord, peut-on espérer.
Ces millions de Français, ce ne sont
pas eux qui les ont mis dans la rue, et
le seul moment où l’unité nationale a
été égratignée, c’est quand les partis
s’en sont mêlés. Il n’est pas sûr que
l’opinion soit encline à les entendre
désormais rivaliser dans la meilleure
exégèse du cri de colère et de la
réaction de fierté nationale qui s’est
exprimée. Tous, en tout cas, seront
d’expression de ceux qui ne pensent pas
comme nous ».
Au départ, Marine Le Pen ne devait pas
prendre la parole en public. Le rassemble-
ment a débuté, devant l’hôtel de ville, par
une brève allocution de Julien Sanchez,
flanqué de Marine Le Pen et du député du
Gard Gilbert Collard. Un discours de trois
minutes durant lequel Julien Sanchez a lan-
cé : « Nous sommes ici parce que nous
croyons en les valeurs de liberté d’expression,
de liberté d’opinion, et parce que nous ré-
prouvons tout sectarisme, tout racisme, toute
idéologie criminelle. » Ponctué d’une minu-
te de silence, puis d’une Marseillaise, le ras-
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
5
Laurent
Wauquiez
(secrétaire
général
de l’UMP),
Christian Estrosi
(député UMP
des Alpes-
Maritimes), Luc
Chatel (député
de la Haute-
Marne). S. MAHE/
REUTERS
contraints de revoir leurs logiciels
et de corriger leurs discours. Car,
qu’a-t-on vu et entendu dans les rues
de Paris et de toutes les villes
de France ? La Marseillaise, entonnée
de manière aussi vibrante que
spontanée ; le drapeau tricolore
brandi par milliers ; les forces
de l’ordre admirées et acclamées.
Bref : une fierté républicaine usant
de symboles que d’aucuns - à
commencer par ceux à qui s’adressait
cet hommage… - brocardaient
comme emblèmes d’un nationalisme
cocardier suranné, voire suspect.
Le patriotisme, dimanche, était
le bouclier de la République.
Mais on le sait d’avance : si
l’émotion est unanime, les décisions
ne pourront pas être consensuelles.
Or, le temps des décisions va vite
venir. Dès mardi, à l’Assemblée, avec
le vote sur la poursuite des frappes en
Irak contre les djihadistes de l’État
islamique. Quels moyens, législatifs
et financiers, donner à la lutte contre
le terrorisme et à la surveillance
des individus suspects ? Votée avec les
voix de la droite en novembre 2014,
la loi Cazeneuve avait été jugée
liberticide par une partie de la gauche.
Reviendront aussi inévitablement
ces débats sur les causes et la réalité
d’un islamisme radical en France,
recrutant des Français au service
d’une cause violente. Les uns
pointeront la porosité entre
expressions communautaristes
et dérives meurtrières ; d’autres
la nieront. La polémique naîtra sur la
nécessité de nommer explicitement
le djihadisme comme adversaire
de la République. Après avoir assumé
l’impératif de cohésion,
les politiques devront assumer
aussi le devoir du débat. ■
» Retrouvez
Guillaume Tabard
tous les matins à 8 h 10
sur Radio Classique
On le sait
d’avance : si
l’émotion est
unanime,
les décisions
ne pourront
pas être
consensuelles »
semblement aurait pu en rester là. C’était
compter sans la ferveur beaucairoise.
Une fois entrée dans l’hôtel de ville,
sous la pression populaire, la députée
européenne a cédé. Lâchant quelques
mots au balcon de la mairie, elle a rappelé
que « les valeurs de la République »
avaient été attaquées. Devant une foule
couvrant largement le son de la petite
sono, Marine Le Pen a consenti à dire
quelques mots pour les victimes de la
barbarie, avant que la place de l’hôtel de
ville ne lui réponde par un refrain bien
A
connu dans les meetings frontistes : « On
est chez nous ! » ■
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
6 DES ATTENTATS
Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou (à gauche), et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas
(à droite), quittent l’Élysée pour rejoindre la marche républicaine. THIBAULT CAMUS/AP, YOAN VALAT/AP
Une union mondiale
mais hétéroclite
contre le terrorisme
Les quelque cinquante chefs d’État et de gouvernement
n’étaient pas tous à Paris pour les mêmes raisons.
ISABELLE LASSERRE £@ilasserre
INITIALEMENT conçue comme un ras-
semblement des démocraties, d’abord
européennes, pour défendre leurs va-
leurs et la liberté d’expression, la mar-
che républicaine de Paris s’est transfor-
mée, pendant le week-end, en une
gigantesque mobilisation internationale
contre le terrorisme. La capitale françai-
se est devenue dimanche la « capitale du
monde » contre le terrorisme, a affirmé
François Hollande, qui a défilé aux côtés
d’une cinquantaine de chefs d’État et de
gouvernement. L’Allemande Angela
Merkel, le Britannique David Cameron,
l’Espagnol Mariano Rajoy, le président
La présence controversée
de régimes autoritaires
PARMI la cinquantaine de responsa-
bles étrangers qui ont participé à la
marche républicaine, tous n’étaient
pas des Charlie, loin de là. En tête des
personnalités contestées, le ministre
turc des Affaires étrangères, Ahmet
Davutoglu, dont la présence au ras-
semblement contre le terrorisme a
semblé incongrue à certains. Depuis le
début de la rébellion en Syrie, la Tur-
quie est en effet accusée de passivité
face aux groupes djihadistes qui tran-
sitent par son territoire, voire de sou-
tien aux combattants extrémistes.
L’ambiguïté de la politique turque
vis-à-vis des combattants de l’État is-
lamique est régulièrement dénoncée
par les Occidentaux, qui tentent de
convaincre Ankara de s’engager da-
vantage aux côtés de la coalition. Le
régime turc n’est pas non plus connu
pour être un fervent défenseur des
valeurs démocratiques portées par la
marche républicaine de Paris. Le pré-
sident Recep Tayyip Erdogan a ré-
cemment ordonné une vague d’arres-
tations contre des médias de
l’opposition. À Ankara, la liberté de la
presse est strictement encadrée. Sur-
tout lorsqu’elle touche à la satire.
Dernière polémique en date : un des-
sinateur du journal Cumhuriyet est
menacé de plusieurs années de prison
pour avoir caricaturé le chef de l’État.
Parmi les pays ayant envoyé des res-
ponsables au rassemblement contre le
terrorisme et pour la liberté d’expres-
sion, symbolisée par les dessinateurs
de Charlie Hebdo, certains sont mon-
trés du doigt pour la médiocrité de leur
bilan en matière de droits de l’homme.
C’est notamment le cas de la Russie,
représentée par Sergueï Lavrov, le chef
de la diplomatie, venu apporter « sa
solidarité et son soutien à la guerre
contre le terrorisme ». Moscou a dési-
gné depuis plusieurs années l’extré-
C
misme musulman comme l’une des
principales menaces contre le pays,
du Conseil européen Donald Tusk pour
les grandes signatures européennes. Le
couple royal jordanien, le premier mi-
nistre israélien et le président de l’Auto-
rité palestinienne, le premier ministre
turc, le chef de la diplomatie russe, le
président ukrainien ou le ministre de la
Justice américain. Mais aussi huit chefs
d’État africains. Parmi eux, le président
malien Ibrahim Boubacar Keïta, dont la
participation a constitué un symbole
fort, deux ans après le déclenchement
de l’intervention militaire française au
Mali contre les djihadistes. Mais aussi le
Nigérien Mahamadou Issoufou, allié
majeur de la France dans la lutte contre
le terrorisme au Sahel, au sein de l’opé-
ration « Barkhane ».
mais le Kremlin a considérablement
restreint la sphère des droits de l’hom-
me. En août 2012, les Pussy Riot, des
punks féministes, ont été arrêtées et
condamnées à deux ans de camp de
travail pour avoir chanté une « prière
punk » dans la cathédrale du Christ-
Sauveur à Moscou, demandant à la
Sainte Vierge de « chasser Poutine » du
pouvoir. Plus récemment, l’opposant
blogueur démocrate Alexeï Navalny a,
lui, été arrêté et condamné.
Parmi les autres personnalités
contestées figurent aussi le premier
ministre hongrois, Viktor Orban, ul-
traconservateur et populiste, qui a ins-
tauré un régime autoritaire dans son
pays. Estimant que la démocratie à
l’occidentale « a fait son temps », Vik-
tor Orban s’inspire des modèles
chinois, russe et turc. Il a restreint
l’État de droit et la liberté de la presse.
“ Au nom de quoi les
représentants de régimes
prédateurs de la liberté
de la presse viennent-ils
défiler à Paris
”
REPORTERS SANS FRONTIÈRES
Enfin, le président gabonais Ali Bongo,
musulman et ami de la France, dont la
famille est au pouvoir depuis cinquante
ans, a lui aussi imposé des restrictions
à la liberté de la presse.
Reporters sans frontières s’est indi-
gné de la participation de certains
pays au rassemblement de Paris. « Au
nom de quoi les représentants de régi-
mes prédateurs de la liberté de la presse
viennent-ils défiler à Paris en hommage
à un journal qui a toujours défendu la
conception la plus haute de la liberté
d’expression ? », interroge l’ONG. Elle
désigne plus particulièrement l’Égyp-
te, la Russie, la Turquie, l’Algérie et
les Émirats arabes unis. ■ I. L.
C’est en quelques heures seulement,
dans la journée de samedi, avec un stu-
péfiant effet boule de neige, que la mar-
che républicaine a recruté des dizaines
de manifestants au sein des exécutifs du
monde entier, sauf en Asie et en Améri-
que latine, transformant ainsi son mes-
sage initial, le faisant doucement glisser
de la lutte pour la liberté au combat
contre le terrorisme.
À l’origine de cette mobilisation ex-
ceptionnelle et spontanée figurent l’ag-
gravation de la menace terroriste et la
multiplication des attentats depuis le
11 septembre 2001, qu’il s’agisse des at-
taques de Madrid et de Londres en 2004
et 2005, de l’apparition des « loups soli-
taires », des tueries perpétrées par Mo-
Le Maroc, le Qatar ou l’Arabie saoudite
manifestent un soutien discret
GEORGES MALBRUNOT
gmalbrunot@lefigaro.fr
CONTRAIREMENT à leurs voisins des
Émirats arabes unis, de la Jordanie et de
la Tunisie notamment, l’Arabie saoudi-
te et le Qatar n’étaient représentés di-
manche que par un dignitaire de se-
cond rang : un frère de l’émir Cheikh
Tamin Ben Hamad al-Thani pour
Doha ; et par Nizar al-Madani, le nu-
méro deux de la diplomatie de Riyad.
Le Qatar et l’Arabie saoudite sont pour-
tant des partenaires très actifs de Paris
sur de nombreux dossiers diplomati-
ques, qu’il s’agisse de la révolte en Sy-
rie, pour chasser Bachar el-Assad du
pouvoir, ou du nucléaire iranien, pour
stopper la marche de Téhéran vers la
bombe.
Le ministre des Affaires étrangères
du Maroc, Salaheddine Mezouar, a pré-
senté ses condoléances dimanche ma-
tin à l’Élysée, mais il n’a pas participé à
la marche « en raison de la présence de
caricatures blasphématoires », a indi-
qué une source officielle.
Le ministre émirien des Affaires
étrangères, Cheikh Abdallah Ben
Zayed avait, lui, dès samedi, annoncé
sa participation. Les Émirats, la mo-
narchie du Golfe la plus hostile aux is-
lamistes, ont été le théâtre il y a un
mois de l’assassinat d’une Américaine
dans un centre commercial d’Abu
Dhabi par une femme voilée.
Pour les Qatariens et les Saoudiens,
en revanche, « c’est l’affaire des cari-
catures qui est au centre des récrimina-
tions contre la France, explique un ex-
pert français du Golfe. La majorité de la
population est farouchement wahhabite,
c’est-à-dire partisane d’un islam ultra-
rigoriste qui ne peut tolérer qu’on insul-
te le prophète. Il était donc difficile pour
leurs dirigeants de s’afficher à Paris ».
Certes, leurs leaders ont condamné
ces actes de terrorisme, la presse offi-
Jean-Claude Juncker, Benyamin Nétanyahou, Nicolas Sarkozy, Ibrahim Boubacar Keïta, François
hamed Merah dans une école juive à
Toulouse et par Mehdi Nemmouche
contre le Musée juif de Bruxelles, ou des
décapitations d’otages occidentaux en
Syrie. Même après les attentats du
11 Septembre, qui avaient pourtant fait
3 000 morts, il n’y avait pas eu pareille
mobilisation.
Et puis il y a aussi, sans doute, l’énor-
me charge symbolique du massacre
perpétré à Charlie Hebdo, qui s’en pre-
nait tout à la fois à des innocents, à la li-
berté d’expression et à « l’esprit fran-
çais », mélange de liberté, d’humour et
d’irrévérence.
En s’ouvrant aux dirigeants exté-
rieurs à l’Europe et à l’Amérique du
Nord, en accueillant dans ses rangs des
Une délégation qatarienne est reçue à l’Élysée par François Hollande avant la marche
républicaine du 11 janvier à Paris. PASCAL ROSSIGNOL/REUTERS
cielle ou proche, comme le quotidien
Ashark al-Awsat, dénonçant « l’hor-
reur » de telles attaques. Dans le même
temps, la justice saoudienne a
condamné un blogueur à dix ans de
prison et à 1 000 coups de fouets pour
avoir « insulté l’islam », au grand dam
des organisations des droits de l’hom-
me. Le blogueur Raif Badawi a reçu ses
50 premiers coups de fouets vendredi,
devant une foule de fidèles rassemblés
devant une mosquée de Djedda, dans
l’ouest de l’Arabie saoudite, les
950 autres s’étaleront sur 19 semaines.
Le Hezbollah chiite condamne
Dans ces pays, mais pas seulement, la
presse généralement proche du pou-
voir a dénoncé le « climat d’islamo-
phobie » dont seraient « victimes » les
musulmans français, ainsi que les ratés
de leur intégration. Ce fut le cas au Li-
ban du quotidien al-Akhbar, proche
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
Hollande, Angela Merkel, Mahmoud Abbas et Matteo Renzi défilent dans les rues de Paris le 11 janvier.
participants aux agendas différents ou
contradictoires, la marche républicai-
ne a cependant brouillé son discours
premier.
Des définitions différentes
du terrorisme
Unies dans l’adversité, se sentant de
plus en plus vulnérables aux attaques
des djihadistes qui leur ont décrété la
guerre, les sociétés démocratiques et
ouvertes ont manifesté à la fois pour re-
fuser le terrorisme et défendre leur li-
berté. Mais d’autres pays n’ont retenu
que la première partie du programme.
Les participants étrangers à la marche
républicaine sont arrivés à Paris avec
des définitions différentes du terroris-
du Hezbollah. Pourtant, Hassan Nas-
rallah, le chef du mouvement chiite
pro-iranien considéré par la France et
l’Union européenne comme une orga-
nisation terroriste, a clairement
condamné la tragédie de Paris. « À
travers leurs actes immondes, violents
et inhumains, ces groupes ont porté at-
teinte au Prophète et aux musulmans
plus que ne l’ont fait leurs ennemis, plus
que les livres, les films et les caricatures
ayant injurié le Prophète. » Une remar-
que qui ne surprend qu’à moitié, ve-
nant d’un mouvement viscéralement
hostile à l’islam radical sunnite que les
combattants du Hezbollah affrontent
en Syrie pour défendre Bachar el-As-
sad. Comme si les grilles de lecture
traditionnelles étaient brouillées par le
fossé qui s’est creusé à l’intérieur de
l’islam entre ses branches sunnite et
chiite. Même quand il s’agit d’actes de
violences contre l’Occident. ■
me. Le premier ministre israélien,
Benyamin Nétanyahou, est avant tout
préoccupé par les actions du Hamas à
Gaza. Le président de l’Autorité palesti-
nienne se sent menacé par Israël et par le
Hamas. La Russie défend une vision très
extensive du terrorisme, qui embrasse
tout à la fois l’État islamique, l’Ukraine
et le Caucase, notamment la Tchétché-
nie. Tandis que pour le président ukrai-
nien Petro Porochenko, la menace vient
d’abord du grand voisin russe.
« À part quelques exceptions, la pré-
sence des dirigeants à la marche était lé-
gitime dès lors qu’il s’agit de lutter
contre le terrorisme. Dans ce genre
d’événements, tout le monde veut être du
bon côté de la barrière. Mais il est aussi
Valls s’oppose à Nétanyahou
sur le foyer des Juifs français
CYRILLE LOUIS clouis@lefigaro.fr
CORRESPONDANT À JÉRUSALEM
LE CHEF du gouvernement israélien,
Benyamin Nétanyahou, a participé di-
manche à la marche républicaine or-
ganisée à Paris. Son ministre des Af-
faires étrangères, l’ultranationaliste
Avigdor Lieberman, ainsi que le diri-
geant d’extrême droite Naftali Ben-
nett se sont également joints au cortè-
ge. Ils entendaient « exprimer leur
soutien au peuple français et à ses diri-
geants », a fait savoir l’ambassade
d’Israël à Paris, mais aussi témoigner
de leur inquiétude croissante pour la
communauté juive de France. Les ma-
nifestations d’effroi suscitées, en Is-
raël, par la tuerie de Charlie Hebdo,
ont redoublé ce week-end après la
prise d’otages et la mort de quatre
Juifs dans un supermarché Kasher de
Vincennes. Leurs obsèques se dérou-
leront ce mardi à Jérusalem-Est, au
cimetière du Mont des Oliviers.
Lors d’une allocution télévisée,
Benyamin Nétanyahou a indiqué same-
di vouloir prendre des mesures rapides
pour accélérer l’émigration des Juifs
français et européens vers l’État hé-
breu. « À vous tous, je veux dire que
l’État d’Israël n’est pas seulement le lieu
vers lequel vous dirigez vos prières, a
lancé le premier ministre. Il s’agit aussi
de votre foyer (…) et tous les Juifs qui
voudront y immigrer seront accueillis
chaleureusement et à bras ouverts. » Cet
appel intervient alors que le nombre de
Juifs quittant la France pour s’établir en
Israël est, depuis deux ans, en forte
augmentation. Apeurés par la montée
de l’antisémitisme et découragés par la
crise économique, plus de 6 600 Fran-
çais ont fait leur aliyah (terme hébreu
qui désigne la « montée » vers l’État
hébreu) en 2014 – soit plus de 1 % d’une
communauté qui regroupe entre
500 000 et 600 000 personnes.
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
DES ATTENTATS 7
François Hollande accueille Angela Merkel à son arrivée à l’Élysée avant de rejoindre
la marche républicaine du 11 janvier à Paris. VINCENT BOISOT POUR LE FIGARO
Un quotidien allemand cible d’une attaque
Un quotidien allemand, le Hamburger ou étrangers ont reproduit
Morgenpost, a été la cible les dessins de Charlie Hebdo,
d’une tentative d’incendie dans d’autres médias européens
la nuit de samedi à dimanche. y ont renoncé, notamment
Pour les enquêteurs, qui demeurent le journal danois Jyllands-Posten
prudents, l’attaque pourrait avoir qui, en 2005, avait publié en premier
un lien avec les dessins de Charlie des caricatures de Mahomet
Hebdo caricaturant l’islam publiés déclenchant la colère desintégristes.
par le « Mopo » au lendemain « Je réaffirme mon droit en tant que
de l’attentat de mercredi. rédacteur en chef de publier tout
« C’est la question clé », type de dessins de nouveau. Mais
ont-ils déclaré après avoir décrit pas là », a expliqué le rédacteur
l’agression comme un « acte lâche en chef, Jørn Mikkelsen. C’est en
contre la liberté de la presse ». Europe que la presse jouit de la plus
Deux suspects de 35 et 39 ans grande liberté, à en croire le rapport
ont déjà été interpellés. qu’établi Reporters sans frontières :
La tentative d’incendie n’a fait aucun
blessé. Deux pièces du bâtiment
la Finlande, les Pays-Bas
et la Norvège obtiennent les
ont été endommagées.
Si beaucoup de journaux allemands
meilleures notes du classement.
N. B. (À BERLIN)
PHILIPPE WOJAZER/AFP
normal, étant donné la divergence des
programmes, que le message envoyé par
la communauté internationale soit flou et
ambigu », explique Camille Grand, le
fini la lutte
directeur de la Fondation pour la re-
cherche stratégique (FRS).
Après cette extraordinaire expression
de solidarité internationale, les rangs
des places.
devraient dès ce soir se resserrer
d’abord entre les démocraties occiden-
tales, au sein d’un comité plus restreint.
Ce n’est pas un hasard si Européens,
Américains et Canadiens se sont engagés
ensemble, en marge du rassemblement,
à renforcer leur coopération antiterro-
riste en promettant plus de contrôles
aux frontières et de nouvelles mesures
pour prévenir la radicalisation. ■
Sans nier cette évolution, les diri-
geants français ont accueilli l’invitation
lancée par le Benyamin Nétanyahou
avec un mélange de gêne et d’agace-
ment. « Les Juifs de France, depuis de
nombreuses années, ont peur », a concé-
dé samedi Manuel Valls, avant de pré-
ciser que « la France, sans les Juifs, n’est
plus la France ». Le président du Conseil
représentatif des institutions juives de
France, Roger Cukierman, a également
marqué ses distances. « Ceux qui pren-
nent la décision de partir vers Israël, a-
t-il commenté, nous ne pouvons que
respecter leur décision. Mais nous esti-
“ La France, sans les Juifs,
n’est plus la France nouvelle MINI
MANUEL VALLS
”
mons que nous devons combattre en
5 portes
À PARTIR DE
220€ / MOIS*
France contre tous les ennemis du ju-
daïsme. » En octobre 2012, déjà, après
la tuerie perpétrée par Mohamed Me-
rah dans une école juive de Toulouse,
M. Nétanyahou avait lancé aux Juifs de
36 MOIS. SANS APPORT.
France : « Venez en Israël ! » François
Hollande, manifestement piqué au vif,
lui avait rétorqué : « La place des Juifs
de France, c’est d’être en France. »
Benyamin Nétanyahou, dont la poli-
tique vis-à-vis des Palestiniens est fré- *
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mas ou le Hezbollah. « Ces attaques agréé par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution sous le n°14670. Courtier en Assurances immatriculé
sont la continuation de la guerre que l’is- à l’ORIAS sous le n°07 008 883. Consommation en cycle mixte : 3,5 l/100 km. CO2 : 92 g/km.
lam extrémiste mène contre notre civili-
sation occidentale, ainsi que contre le
monde moderne tout entier », a déclaré
le premier ministre israélien. Récusant
ce parallèle, le Hamas et le Hezbollah
Modèle présenté MINI Cooper S 5 portes. Loyer 510 €/mois.
ont condamné samedi les attentats pa-
Consommation en cycle mixte : 6 l/100 km. CO2 : 139 g/km.
risiens. Des manifestations de solidarité
avec les victimes étaient, au même mo-
C
ment, organisées dans les villes de Ra-
mallah et d’Hébron (Cisjordanie). ■
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
8 DES ATTENTATS
Hommage aux victimes dans la grande synagogue de la Victoire, dimanche à Paris,
en présence de François Hollande et du premier ministre israélien Benyamin
Nétanyahou. MATTHIEU ALEXANDRE/AFP
Traumatisée,
la communauté
juive attend
des mesures
Roger Cukierman, président du Crif,
demande notamment à l’État d’agir contre
les « professeurs de djihadisme » en prison.
JEAN-MARIE GUÉNOIS
£@jmguenois
SOUS LE SILENCE du deuil gronde la
colère. La communauté juive française
est profondément traumatisée. Elle est
aussi tentée de partir, sans billet de re-
tour pour… Israël. La froide tuerie de
Vincennes sonne comme le terrible
écho du drame de l’école juive Ozar
Hatorah, à Toulouse, en mars 2012. Le
motif et la méthode semblaient pour-
tant uniques, non reproductibles. Mais
ils reviennent comme en série, intacts :
tuer à bout portant, adulte ou enfant…
pourvu qu’il soit juif.
« C’est le temps du deuil, mais vient le
temps de l’action », prévient Haïm
Korsia, le grand rabbin de France. Di-
manche soir, il a présidé, dans la gran-
de synagogue de la Victoire, un hom-
mage aux victimes, en présence du
président de la République et du pre-
mier ministre israélien Benyamin Né-
tanyahou, ovationné à son arrivée.
Tout autour de l’édifice religieux, 5 000
personnes s’étaient massées, espérant
pouvoir assister à la cérémonie.
Après un vibrant discours de Joël
Merguy - « juifs, nous avons été sou-
vent haïs mais jamais nous n’avons ap-
L’appel du cardinal
Vingt-Trois
Initiative rare, le cardinal André
Vingt-Trois a publié un message qui
a été lu dans les paroisses du diocèse
de Paris à l’issue des messes de
dimanche. L’homme d’Église appelle
à vivre « cette situation comme un
appel à redécouvrir un certain nombre
de valeurs fondamentales de notre
République, comme la liberté
de religion ou la liberté d’opinion ».
L’archevêque de Paris insiste sur
le fait que « des Français juifs paient
encore une fois un tribut aux troubles
qui agitent notre communauté
nationale ». Rendant hommage
aux policiers tués et à la dignité des
différents rassemblements spontanés,
il dit être certain que « la tristesse du
deuil et la conviction que nous avons
ensemble quelque chose à défendre,
unissent les Français ». « Prions aussi
pour notre pays : (…) que personne
ne se laisse aller à l’affolement ou à la
haine ; que nul ne se laisse aller à la
facilité d’identifier quelques fanatiques
avec une religion tout entière »,
dit-il encore. Il demande aussi de prier
pour les assassins : « Prions aussi
pour les terroristes qui découvrent
la vérité du jugement de Dieu » car,
assure-t-il, il faut « demander » la
« grâce d’être des artisans de paix ».
C
J.-M. G.
pris à haïr » -, le président du Consis-
toire a refusé que « la peur » s’installe.
Ainsi « si des juifs français décidaient de
partir en Israël, ce ne serait pas par
peur ».
Même appel à la résistance de la part
de Haïm Korsia. Le Grand Rabbin ré-
cusant lui aussi l’angoisse, car « nous
n’avons jamais été les planqués de l’his-
toire », a salué « la France debout » qui
« ne cède jamais à la terreur » et qui re-
fuse « de laisser la communauté juive
isolée (...) Aujourd’hui la France a fait
son devoir ».
Après que dix-sept bougies ont été
allumées en hommage aux victimes, le
premier ministre israélien a salué « la
position très ferme » du gouvernement
français et « l’immense courage » des
forces de l’ordre mais aussi celui de
Lassan Bathily, un « citoyen malien
musulman » qui a sauvé la vie de fa-
milles juives dans le supermarché.
Annonçant des temps difficiles, car
« ce n’est pas une opération isolée »,
avec « un danger qui va aller en s’am-
plifiant » quand « vont rentrer en Euro-
pe des milliers de terroristes formés au
djihadisme », Benyamin Nétanyahou a
qualifié « notre ennemi à tous : l’islam
radical extrémiste et non l’islam nor-
mal… ». Il a donc invité les Européens à
« Les musulmans français, meilleurs alliés contre le terrorisme »
Amar Lasfar est le président de l’Union
des organisations islamiques de France
(UOIF).
LE FIGARO.– Pourquoi êtes-vous venu
défiler à Paris ?
Amar LASFAR.– C’est une marche répu-
blicaine et citoyenne. Les musulmans ré-
pondent à l’appel en tant que citoyens.
Citoyens de confession musulmane, cer-
tes, mais citoyens à part entière. Il n’y a
aucun doute là-dessus.
Des jeunes musulmans refusent malgré
tout cet hommage national…
En tant que responsables, nous avons
adopté une ligne de conduite claire. Mais
c’est vrai que les jeunes se demandent ce
qu’il y a derrière. Certains sont même
tentés par l’idée de complot, mais ils sont
minoritaires. Je leur réponds : « Il y a des
faits. Dix-sept personnes sont mortes. Il y
a des cadavres. Des terroristes attaquent
notre pays, qui peut le nier ? » Nous,
nous manifestons, le drapeau français à la
main contre le terrorisme. À Lille, j’ai vu
ces slogans portés par des musulmans :
« Touche pas à ma France », « Non au
terrorisme ». Et croyez-moi, cela fait
chaud au cœur.
La communauté musulmane n’est-elle
pas divisée en profondeur sur
ces drames ?
L’écrasante majorité de la communau-
Des membres de la communauté juive, dimanche à Marseille, lors d’une marche
républicaine qui a réuni environ 60 000 personnes. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT/AFP
combattre, avec Israël, toutes les
« branches du même poison » de « fa-
çon unie », seule façon « de voir le che-
min de la victoire ». Et du même mou-
vement a invité, « les bras ouverts »,
les juifs français qui souhaiteraient
« monter en Israël » s’y établir définiti-
vement.
Une forte tentation combattue par
Haïm Korsia. Roger Cukierman, prési-
dent du Crif (Conseil représentatif des
institutions juives de France), explique
au Figaro le poids de la pression : « Les
écoles publiques du 9-3, dans le nord de
Paris, ne comptent quasiment plus
d’élèves juifs. Ils s’en sont fait chasser à
coup d’insultes et d’intimidations anti-
sémites. Mais s’ils vont aujourd’hui dans
d’autres écoles publiques, ils sont deve-
nus des cibles… »
té musulmane se sent mal. Ils n’ont
pourtant rien à se reprocher. Je leur
dis : « Vous êtes Français. Eux sont des
terroristes. Vous dites “Allah akbar” pour
prier. Eux disent “Allah akbar” pour tuer.
Vous n’avez rien à voir avec cela ! Vous
ne devez pas vous sentir salis par ces ter-
roristes qui vous sont étrangers. »
En attendant, la méfiance vis-à-vis
de l’islam gagne du terrain…
Il ne faut tomber dans le panneau de ces
tueurs. Ces terroristes veulent creuser un
fossé entre les musulmans et le res-
te de la société. Mais le rempart,
entre eux et la société, ce sont les
cinq à six millions de musulmans
français ! Ils sont les meilleurs
alliés de la France dans cette
guerre contre le terrorisme.
Mais que dites-vous
sur l’antisémitisme
rampant chez
certains jeunes
musulmans ?
Il y a, comme par-
tout, du racisme et de
l’antisémitisme. Mais
les musulmans ne sont
Amar Lasfar.
C. LEFEBVRE/PHOTOPQR/
VOIX DU NORD
D’où l’importance de l’action à me-
ner pour protéger la communauté jui-
ve. Ses hauts responsables ont été re-
çus à ce sujet dimanche matin à
l’Élysée. Des garanties ont été données.
« Reste à voir l’efficacité » confie Roger
Cukierman, l’un des invités : « Nous
avons été rassurés sur la bonne volonté
du gouvernement, qui nous a fait la pro-
messe de placer la police et l’armée de-
vant toutes les synagogues et devant
toutes les écoles, mais nous avons aussi
perçu une inquiétude générale sur des
risques de nouveaux incidents d’impor-
tante gravité. »
Pour Haïm Korsia, également pré-
sent à l’Élysée, « l’État, sans perdre une
seconde, doit mener une action claire,
nette, avec une force légitime, pour re-
pérer très rapidement tous ceux qui
pas antisémites. Je suis originaire du Ma-
roc et cela fait trente-cinq ans que je vis
en France. Là-bas, comme ici, nous avons
toujours vécu en harmonie avec les Juifs.
La racine de l’antisémitisme est d’origine
européenne.
L’UOIF fait partie des mouvements
qui s’étaient portés partie civile contre
les caricatures de Mahomet dans
Charlie Hebdo…
Nous sommes avec Charlie Hebdo dans
cette épreuve, au nom de la liberté d’ex-
pression. Ceux qui ont voulu déclarer
cette guerre en veulent à la liberté
d’expression et au droit à la carica-
ture. Quand il y a eu cette affaire
des caricatures, nous avions expri-
mé notre émotion. Notre différend
avec ce journal portait sur le divin et
le sacré, qui ne doivent pas être cari-
caturés. Mais le moyen que
nous avions utilisé était
celui de la voie juridique.
Nous avions alors pris un
avocat français. Les tri-
bunaux ne nous ont pas
donné raison. Nous en
avons pris acte et
nous nous sommes
tus. Si demain cela
recommençait, nous
ferions la même cho-
se en reprenant la même
voie juridique.
Dimanche, dans les rues de Bayeux
(Calvados). CHARLY TRIBALLEAU/AFP
« Que la France
défende la liberté »
« La prière juive pour la France » a été
solennellement prononcée dimanche
soir par le grand rabbin Haïm Korsia,
lors de l’hommage aux victimes
à la grande synagogue de la Victoire
à Paris, en présence de François
Hollande. Le fait de prier pour le pays
où les juifs résident est une tradition
qui remonte à 586 avant Jésus-Christ.
Le grand rabbin de France explique
que « cette prière pour la République
française est l’expression d’une
adhésion totale, sincère et loyale à la
France ». Elle exprime « une profonde
reconnaissance et la volonté d’être
des citoyens acteurs de la construction
du pays ». À chaque phrase prononcée
l’assemblée répond « amen ».
« Dieu éternel, Créateur et Maître
de l’univers, la force et la puissance
t’appartiennent, par Toi seul tout
s’élève et tout s’affermit, bénis
et protège la République française
et le peuple français.
Éclaire ceux qui président aux
destinées de l’État afin qu’ils fassent
régner dans notre pays la paix
et la justice. (…)
Que la France, berceau des droits
de l’homme, défende en tout lieu et en
tout temps le droit et la liberté. »
J.-M. G.
s’inscrivent dans cette logique de mort
et les empêcher de nuire. » Roger Cu-
kierman propose, quant à lui, trois
« mesures concrètes ». La première
touche le réseau Twitter qui n’a pas
bloqué le slogan « #jesuisKouachi »
(lire page 13) - du nom des frères
tueurs - qui a fait florès avec « 21 000
reprises » dimanche. « C’est une inci-
tation au crime » dénonce-t-il.
Deuxième lieu d’action : les bou-
quets de télévisions satellitaires qui
« diffusent de la haine antisémite à lon-
gueur de programme ».
Enfin et surtout, la question des pri-
sons. « Elles sont devenues, accuse-t-il,
des écoles de formation djihadistes. » Il
lui semble indispensable de « nettoyer
très rapidement les prisons de tous ces
professeurs de djihadisme ». ■
Cette manifestation peut-elle changer
quelque chose ?
Cette manifestation restera dans les ma-
nuels d’histoire et nous réconforte tous. Il
y aura un avant et un après le 7 janvier. Je
pense que les musulmans de France
auront un avenir meilleur après cette
date car ces drames apporteront finale-
ment un bien.
Que faites-vous contre le radicalisme
islamique ?
Nous poursuivons notre travail, par
l’éducation et par l’instruction. C’est le
meilleur antidote pour immuniser les gé-
nérations montantes contre le radicalis-
me musulman. Ces trois jeunes ont
échappé aux mailles du filet mais il y a des
dizaines de milliers de jeunes qui, grâce à
un solide parcours scolaire, s’intègrent et
deviennent utiles à la société.
Mais cela ne suffit plus…
Il faut traiter le problème du radicalisme
à ses racines. C’est une guerre idéologi-
que. Il faut donc se battre idée contre
idée. La police, la gendarmerie, la justice
font leur boulot. Nous, l’UOIF, le Conseil
français pour le culte musulman et toutes
les fédérations musulmanes devons aussi
faire le nôtre, pour éradiquer le radicalis-
me par un travail de fond. Voilà notre
responsabilité. ■
PROPOS RECUEILLIS
PAR J.-M. G.
 LE FIGARO lundi 12 janvier 2015

L’HOMMAGE AUX VICTIMES

DES ATTENTATS 9

Des plus petits villages aux plus grandes villes

Plus de quatre millions de personnes
ont défilé samedi et dimanche pour rendre
hommage aux 17 personnes assassinées
et réaffirmer les valeurs de la République.

Calais Dunkerque Tourcoing

Boulogne-sur-Mer Roubaix
Lille 37
Béthune
Lens
Valenciennes
Abbeville
Arras
LILLE
Cambrai 37 000 personnes ont défilé
Dieppe Amiens entre la porte de Paris et la place
St-Quentin de la République pour rejeter
Fécamp 12
25 Rouen Charleville-
la « barbarie » et le « racisme »
Le Havre Laon
DAMMARTIN-EN-GOËLE Cherbourg 10 35 Beauvais Compiègne Mézières
Hayange Thionville
Près de 10 000 personnes clamant «Charlie ! Charlie ! » ont défilé dans la petite Bayeux Caen Soissons 25 Reims
ville de 8 000 habitants où s’est achevée la cavale des frères Kouachi. 33 45 Metz
St-Lô 10 10 Dammartin-en-Goële Châlons-
Lisieux 10
Lannion
Vire Évreux 1,5 Château-
en-Champagne
Bar-le-Duc
Morlaix 10 15 million Thierry 50
Dinard Strasbourg 45
65 Brest Guingamp 30 St-Malo St-Dizier
10 Alençon Nancy
St-Brieuc 12 Dinan
Quimper 15 Troyes
17 Concarneau Rennes 115
Vitré
12 Laval
Paris Sens Chaumont
Épinal
Colmar 10
Quimperlé 20 Le Mans
Lorient Mulhouse
Auray 22 Orléans
30 10 Auxerre 15
25 Vannes Belfort 13
Guérande 15 Blois Montbéliard
St-Nazaire 45 Angers
35 Tours Dijon 35
10 75 25 Besançon
Cholet
Bourges Beaune
Nantes
Châtellerault Nevers Lons-le
Les Herbiers Chalon-sur-Saône 10
11 Saunier
La Roche- Châteauroux
15 12 Poitiers Montceau-les-Mines
sur-Yon Montluçon Moulins St-Claude
Argenton-sur-Creuse Mâcon 10
Niort Vichy 15
Bellegarde Annemasse
25 La Rochelle Guéret
LYON Limoges Roanne
Villefranche 13 Bourg-en-Br.
Avec au moins 300 000 personnes, le rassemblement a drainé beaucoup plus de Rochefort 23 Annecy
monde que ce qu’avaient prévu les autorités, et son itinéraire a dû être rallongé. Royan Saintes
11
Angoulème 30 Clermont-
70 Lyon 300 Chambéry Albertville
18 Ferrand 18
Cognac
Nontron
St-Étienne 60 12 Vienne
Tulle
10 Annonay 110 Grenoble
DENIS CHARLET/AFP ; NATHALIE ALONSO/AFP; ROBERT PRATTA/REUTERS ; MICHEL VIALA/PHOTOPQR/LA DÉPÊCHE DU MIDI ; FRANCK PENNANT/AFP; LIONEL CIRONNEAU/AP

Périgueux 15
Aurillac Le Puy-en-Velay Tournon
Brive-
Valence
Libourne la-Gaillarde 10
140 10 Bergerac Briançon
Privas
Marvejols Gap
Bordeaux Marmande Rodez Mende
Cahors Bagnoles-
17
sur-Cèze
Mont- Agen 13 Alès 10 Orange Digne
Montauban Millau
de-Marsan Nîmes Avignon Menton
19
16 Albi 30 Apt
Dax Beaucaire 23
Draguignan
Montpellier 45 Arles
Orthez
Auch 120 11
Lunel Aix-en-
30 Provence Cannes Nice
20
Castres Béziers Martigues
Bayonne Sète Toulon
Pau 35 Toulouse 45
14 Tarbes 20 15 Narbonne
Marseille 45
Carcasonne 60

TOULOUSE 40 Perpignan
Bastia
En marge du défilé ouvert par des journalistes (plus de 120 000 personnes, du jamais-
vu à Toulouse), les témoignages de soutien se sont multipliés place du Capitole.

LES PRINCIPAUX RASSEMBLEMENTS

EN FRANCE MÉTROPOLITAINE,
10 Ajaccio
estimations du nombre de participants
(en milliers) Porto-
Vecchio

Plus de 100 000

De 50 000 à 100 000

De 20 000 à 50 000

De 10 000 à 20 000

Moins de 10 000 ou chiffres

non communiqués

RASSEMBLEMENTS AYANT EU LIEU

Samedi 10 janvier
TOULON Dimanche 11 janvier NICE
C

À l’image du match de rugby Toulon-Racing, le monde du sport a multiplié les La Promenade des Anglais n’avait pas vu un pareil défilé depuis la Libération.
minutes de silence, les Marseillaise et les hommages tout au long du week-end. Sources : Agences et PQR Infographie 23 000 personnes ont défendu la liberté d’expression, le plus souvent en silence.
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
10 DES ATTENTATS
Ce week-end, ils n’ont pas été « Charlie »
Même s’ils condamnent les attentats, certains ne se reconnaissent pas dans le mot d’ordre des manifestants.
STÉPHANE KOVACS £@KovacsSt
DES FRANÇAIS qui condamnent les at-
tentats, mais réprouvent l’humour de
Charlie Hebdo. Des citoyens qui refusent
« cet unanimisme émotionnel ». Des mili-
tants exaspérés à l’idée que François Hol-
lande « puisse tirer profit de ce rassemble-
ment prestigieux ». Des fatalistes qui
pensent que « c’est trop tard ». D’autres
qui ne voulaient pas défiler aux côtés de
marcheurs aux idées opposées. D’autres
enfin, comme les rares clients profitant
de ce dimanche de soldes, qui avaient
« autre chose à faire »… Être ou ne pas
être Charlie, hier, beaucoup se sont posé
la question et quelques-uns ont choisi de
se placer « à contre-courant du politique-
ment correct ».
Sur FigaroVox, le magistrat honoraire
Philippe Bilger s’interroge : « Suis-je un
citoyen indigne, pour tout dire un salaud,
parce que je ne vais pas “me lever contre
le terrorisme”, selon l’exhortation du pré-
Dimanche, pendant la marche
républicaine à Paris.
ÉRIC GAILLARD/REUTERS
Koz Toujours : « “Je suis français” aurait dû
être le mot d’ordre » de la manifestation
PROPOS RECUEILLIS PAR
EUGÉNIE BASTIE
POUR LE BLOGUEUR catholique « Koz
Toujours », le mot d’ordre « Je suis
Charlie » est trop réducteur. C’est la
France tout entière qu’ont attaquée les
terroristes.
LE FIGARO . - Vous avez écrit sur votre
blog un billet intitulé « Être ou ne pas
être Charlie » où vous affirmez « J’ai
essayé d’être Charlie et je n’y parviens
pas totalement ». Pourquoi ?
Koz TOUJOURS. - Je ne parviens pas à
être totalement Charlie parce que fon-
damentalement je n’appréciais pas ce
journal, par lequel je me suis senti insul-
té plusieurs fois en tant que catholique.
Au risque de choquer, je ne parviens pas
totalement à dissocier le contenu inju-
rieux du journal de ce mot d’ordre soli-
daire. D’ailleurs, je remarque que des
dessinateurs survivants, comme
Willem, s’opposent à une solidarité for-
cée avec des gens qui contestaient leur
journal et « n’étaient pas Charlie ». Il y
a aussi une forme de respect à ne pas
prétendre être ce que l’on n’est pas. Je
suis en revanche évidemment solidaire
de toutes les victimes. Les terroristes
ont attaqué une rédaction de presse, ils
ont tué un policier à terre et assassiné
froidement une policière municipale
dans le dos, ils ont tué des Juifs. Ils s’at-
taquent à la France tout entière, comme
Coulibaly le revendique dans sa vidéo
posthume, parce qu’elle se bat contre
l’État islamique. C’est pourquoi le mot
A
d’ordre « Je suis Charlie » est trop ré-
ducteur : c’est la France qu’on attaque.
sident de la République ? » « J’ose soute-
nir, si cette compétition n’était pas indé-
cente et absurde, avoir éprouvé autant de
révolte que quiconque devant ces actes in-
nommables, poursuit-il. Mais y aurait-il
une obligation à la fois morale et civique qui
contraindrait “l’honnête homme” à se
rendre dans ce défilé dominical qui va mêler
“ Le grand mouvement
« Je suis Charlie » a quelque
chose de dégoûtant
BRUNO BERTEZ, PATRON DE PRESSE
” pas Charlie”. Je ne crois pas à leur capacité
tant de publics hétérogènes, tant de pen-
sées contradictoires, pour ne pas dire in-
compatibles, tant d’attitudes convention-
nelles, tant d’hypocrisies à tant
d’illusions ? » La démographe Michèle
Tribalat ne veut pas non plus « être Char-
lie », un slogan qui lui paraît « relever à la
fois du romantisme, du narcissisme et de
l’indécence ». « Sur son site, le Mrap dé-
Est-ce à dire que vous désapprouvez
la façon dont « Charlie Hebdo »
pratique la liberté d’expression ?
La liberté n’est pas la seule et unique va-
leur de notre société, il y a aussi la véri-
té, la justesse, le discernement, le res-
pect. Je remarque au passage qu’aux
États-Unis, où la liberté d’expression
est beaucoup plus large qu’en France,
de nombreux médias ont refusé de dif-
fuser les caricatures de Mahomet. Est-
ce une « soumission » ? Je ne le crois
pas, je comprends qu’on n’estime pas
nécessaire de propager l’injure. Cela
n’est pas indispensable pour faire réflé-
chir les musulmans sur leur capacité
d’autocritique. Sous l’insulte, les gens se
rétractent et font corps, et l’on ne fait
que mettre les plus modérés, que l’on
devrait aider, en porte à faux. L’attitude
de Charlie Hebdo, sous couvert d’hu-
mour, est une version soft de celle du
pasteur américain qui brûle le Coran.
On peut brûler le Coran, mais il faut ré-
fléchir aux conséquences de ses actes.
Le blogueur « Koz Toujours ». DR
nonce “l’assaut inhumain à la liberté
d’expression”, argue-t-elle. Mais, sur la
même page figure la justification datée du
11 février 2006 qu’il donnait au procès qu’il
avait intenté à France- Soir, pour avoir
publié le dessin du prophète au turban ex-
plosif »…
À L’Homme nouveau, bimensuel ca-
tholique, on « ne croit pas à l’union natio-
nale décrétée par le président de gauche ».
« Ils se sont trompés depuis trente ans, ils
sont en partie responsables de la situation
actuelle, assène un billet titré “Je ne suis
de lutte contre le terrorisme alors qu’ils dé-
tricotent chaque année la souveraineté du
pays et sa capacité de défense et de
justice. »
Dès mercredi, la formule « Je ne suis
pas Charlie » circulait sur le Net, et pas
seulement de la part de twittos prônant
un islam rigoriste. Certains musulmans
ont d’ailleurs préféré le hashtag #JeSui-
sAhmed, du nom d’un des policiers tués.
Le groupe « Je ne suis pas Charlie »
Malgré ces critiques, vous êtes allé
marcher dimanche. Pourquoi ?
Entre le mot d’ordre réducteur « Je suis
Charlie » et le refus de s’associer à la so-
lidarité nationale, il y a toute une palette
d’attitudes plus modérées. Je suis allé
marcher parce qu’en tant que chrétien,
nous nous devons d’être aux côtés de
ceux qui sont dans la douleur, et nous
devons être aux côtés de notre société.
Mais je suis allé marcher surtout en tant
que Français, et avec un drapeau fran-
çais.
« Je suis français » devrait être le mot
d’ordre d’une France qui doit s’interro-
ger sur la raison pour laquelle elle pro-
duit de tels terroristes. Ces terroristes
avaient la nationalité française, on ne
peut donc pas faire l’économie d’une
réflexion sur la France. Être ou ne pas
être Français, voilà la question de notre
pays ; les terroristes sont les produits
d’une société vide, d’une France qui
s’oublie. Dans un entretien à La Croix, le
cardinal Tauran a cité cette phrase de
Rostand : « C’est la nuit qu’il est beau de
croire à la lumière. » L’urgence est évi-
demment de défendre la liberté de la
presse, la liberté de conscience, la pro-
tection des minorités. Mais à long ter-
me, il nous faudra fabriquer une espé-
rance de réconciliation.
Contre ceux de nos compatriotes qui
contemplent avec une fascination mor-
bide la potentialité d’un choc des civili-
sations et d’une guerre civile, il faut
réaffirmer plus que jamais nos valeurs. Il
faut remplir le vide de notre société par
un héritage français, qui n’est pas uni-
quement « la France de 1789 » comme
l’a dit Valls, mais qui va des moines de
Cluny aux philosophes des Lumières. ■
comptait dimanche plus de 22 000 fans
sur Facebook. « Je ne suis pas Charlie dont
je désapprouve les publications racistes,
sexistes et islamophobes décomplexées,
précise une internaute. Mais je suis horri-
fiée par la tuerie comme par la stigmatisa-
tion qui va s’abattre un peu plus sur la
communauté musulmane. » « Je ne pleu-
rerai jamais ceux qui insultent l’islam,
souligne un autre. Mais je pleure des inno-
cents qui se font tuer ou blesser lors des at-
tentats des terroristes. »
Dans un billet posté sur son blog,
Bruno Bertez, patron de presse spécialis-
te de l’information financière, estime
que « le grand mouvement “Je suis Char-
lie” a quelque chose de dégoûtant ».
« Charlie Hebdo était bien seul quand il
était vivant, mais ils sont tous là, mainte-
nant qu’ils sont morts, déplore-t-il. Ils
sont tous là, ceux qui, selon moi, ont
contribué au triste destin de Charlie Heb-
do. Si Charlie avait été soutenu par une
opinion publique courageuse, ils seraient
certainement encore vivants. Les Français
Le scepticisme
des dessinateurs satiriques
AURÉLIA VERTALDI avertaldi@lefigaro.fr
ALORS que des centaines de milliers de
personnes ont foulé le sol de la capitale
pour honorer la mémoire des victimes
des attentats, certains ont décidé de res-
ter en marge des événements.
Et pas des moindres. Le dessinateur
néerlandais de Charlie Hebdo Willem,
73 ans, de son vrai nom Bernard Holtrop,
a vivement exprimé son scepticisme sa-
medi. « Nous vomissons sur ceux qui, su-
bitement, disent être nos amis », a déclaré
sans détour le caricaturiste au quotidien
néerlandais Volkskrant. Les « amis » vi-
“ Dans un an, que restera-
t-il de ce grand élan plutôt
progressiste sur la liberté
d’expression ?
WILLEM, DESSINATEUR
”
sés par ces propos ? Marine Le Pen ou le
chef de file de l’extrême droite néerlan-
daise Geert Wilders, qui ont manifesté
leur soutien au journal satirique. Mais pas
seulement : « Nous avons beaucoup de
nouveaux amis, comme le Pape, la reine
Elizabeth ou Poutine : ça me fait bien rire »,
a-t-il ironisé.
Questionné sur le soutien mondial au
journal satirique, Willem poursuit, non
sans cynisme : « Ils n’ont jamais vu Char-
lie Hebdo. »
Au Figaro, le dessinateur a précisé di-
manche que « Charlie Hebdo est un jour-
nal subversif qui ne doit pas être récupéré
par nos adversaires politiques. Sarkozy qui
pleure sur notre sort… des larmes de cro-
sont plus prompts à agiter des petits pan-
neaux, ce qui ne leur coûte rien, qu’à se
battre pour les vraies libertés. » Jean Or-
tiz, maître de conférence, qui collabore à
L’Humanité, va dans le même sens.
« Que viennent-ils pleurnicher aujour-
d’hui sur la liberté de la presse alors que
Charlie Hebdo était sur le point de dépo-
ser le bilan, souligne-t-il. Manifestement,
le chef de l’État et le premier ministre font
une OPA sur la manifestation en instru-
mentalisant la douleur et l’émotion. »
Jeune blogueuse et essayiste de gauche,
Coralie Delaume ne pensait « pas arri-
ver », a-t-elle écrit, « à aller manifester à
côté de ces “responsables” qui continuent
à croire dur comme fer qu’ils sont des chics
types alors qu’ils ont fabriqué ce monde
abominable ». « Mais après ?, se deman-
de-t-elle surtout. Quand on se sera tenu
bien chaud sur la place de la République ?
Quand on aura fini de se congratuler tout
en s’émerveillant de la noblesse de notre
cœur et de l’élévation de nos sentiments, on
fera quoi ? » ■
codile ! ». Ces propos vont dans le même
sens que ceux du dessinateur Luz. Le ca-
ricaturiste de Charlie Hebdo doit sa survie
à son retard à la conférence de rédaction
du 7 janvier. Moins virulent que son
confrère, celui qui est un des piliers de
Charlie Hebdo depuis une vingtaine d’an-
nées a expliqué son malaise aux Inroc-
kuptibles : « Des gens ont chanté La Mar-
seillaise. On parle de la mémoire de Charb,
Tignous, Cabu, Honoré, Wolinski : ils
auraient conchié ce genre d’attitude. »
Luz a également avoué éprouver des
difficultés face à la « charge symbolique »
que l’on donne aujourd’hui aux dessins
de Charlie Hebdo. « C’est tout ce contre
quoi Charlie a toujours travaillé : détruire
les symboles, faire tomber les tabous, met-
tre à plat les fantasmes. C’est formidable
que les gens nous soutiennent mais on est
dans un contresens de ce que sont les des-
sins de Charlie. »
Et le dessinateur de conclure, scepti-
que : « Dans un an, que restera-t-il de ce
grand élan plutôt progressiste sur la liberté
d’expression ? Est-ce qu’il va y avoir des
aides à la presse particulière ? Est-ce que
des gens vont s’opposer à la fermeture des
journaux ? Des kiosques ? Que restera-t-
il… Peut-être quelque chose. Mais peut-
être rien. » Malgré tout, le dessinateur
est, lui, venu marcher aux côtés des pro-
ches des victimes de l’hebdomadaire, le
visage marqué par la tristesse, en tête de
cortège, un bandeau blanc estampillé
« Charlie » sur le front. Pour l’heure, ces
deux gardiens de la liberté d’expression
n’ont toutefois qu’une idée en tête, pour-
suivre : « Il ne faut pas se laisser intimider,
il faut continuer », déclarait Willem au Fi-
garo, quelques heures seulement après le
drame, « sinon ils ont gagné ». ■

La vidéo de Coulibaly
au cœur de l’enquête
antiterroriste
Diffusé sur Internet, ce message a été monté après
la mort du tueur, ce qui laisse penser à des
complicités. Le film fournit de nombreux éléments
étayant les pires soupçons sur un réseau structuré.
CHRISTOPHE CORNEVIN £@ccornevin
Deux jours après l’élimination simulta-
née, dans une imprimerie de Dam-
martin-en-Goële et dans une épicerie
juive à Paris, des trois terroristes qui ont
semé pendant 53 heures l’effroi et la
mort, l’enquête hors norme déclenchée
par la fine fleur de la police progresse de
manière significative. D’ores et déjà, les
limiers savent qu’ils doivent éradiquer un
réseau hyper venimeux, bien plus struc-
turé qu’ils ne pouvaient le subodorer aux
premières heures de leurs investigations.
Car les tueurs, a priori bien synchronisés
et, pour l’un d’entre eux, formé militai-
rement dans des camps d’entraînement à
l’étranger, n’ont rien laissé au hasard.
Avant de finir en « martyr » dans
l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes
où il a assassiné quatre otages, Amedy
Coulibaly avait ainsi pris soin d’enregis-
trer une vidéo posthume. D’une durée de
7 minutes et diffusé dimanche matin sur
Internet, avant d’être bloqué sur les ré-
seaux sociaux, ce document dans lequel il
a été formellement reconnu a été authen-
tifié par les services de renseignements.
Véritable pièce à conviction, il livre une
mine de renseignements en lien avec les
derniers rebondissements du dossier.
Dans un montage assez professionnel
émaillé de versets du Coran, de lanci-
nants chants religieux et de séquences de
fond montrant l’assaut mené vendredi à
Paris, Coulibaly dévoile son nom de
guerre: « Abou Bassir Abdallah al-Ifrisi,
“ On s’est divisé en deux,
Chérif et Saïd ont fait
« Charlie Hebdo »
hamdoulilah, moi je suis sorti
un peu contre la police
AMEDY COULIBALY
” moi, je suis sorti un peu contre la police. »
soldat du califat. » Présenté comme
l’« auteur des attaques bénies de Mon-
trouge où (il a) exécuté une policière le
8 janvier » et de la porte de Vincennes où
il se targue d’avoir « exécuté cinq Juifs »,
le fou de Dieu révèle aussi avoir « posé
une charge explosive dans le réservoir
d’une voiture qui a explosé dans une rue de
Paris ». Selon nos informations, les poli-
ciers esquissent un lien avec les déflagra-
tions qui ont détruit, jeudi dernier vers
20 h 30, deux voitures à Villejuif (Val-de-
Marne). Les véhicules étaient à vendre,
d’après le propriétaire d’un garage qui a
déclaré que « la détonation a été suffisam-
ment forte pour propulser une partie de la
toiture d’une voiture à six mètres au-des-
sus, dans un arbre », ajoutant que cela
avait ensuite « senti la poudre ». Une en-
quête pour « incendie criminel » a été
confiée pour l’heure au service départe-
mental de la PJ du Val-de-Marne. Le par-
quet anti-terroriste a été saisi dimanche
soir. Les conclusions des analyses de la
chaîne pyrotechnique, attendues d’ici
POLICE NATIONALE
Djamel Beghal (à gauche) avec Chérif
Kouachi, à Murat, dans le Cantal, en 2010.
48 heures, pourraient confirmer les
soupçons de la police antiterroriste. La
vidéo, selon toute vraisemblance montée
samedi, montre Coulibaly en train de fai-
re des pompes à l’ombre d’un grillage et
offre un travelling imprenable sur tout un
arsenal. On y voit, étalés sur une surface
en bois, des fusils d’assaut, au moins cinq
armes de poing, des lots de cartouches,
une boîte noire siglée Smith & Wesson,
un poignard commando. Cette panoplie
pourrait faire partie de ce qui a été dé-
couvert lors d’une perquisition dimanche
matin dans un appartement de Gentilly
(Val-de-Marne) qualifié de « conspira-
tif » par la police, et que Coulibaly avait
investi depuis le 4 janvier. Outre des ar-
mes automatiques, les hommes de l’anti-
gang ont retrouvé, en présence de collè-
gues de la brigade criminelle venus en
observateurs, des pistolets-mitrailleurs,
de l’explosif, de l’argent en espèces, une
carte vitale et une carte d’identité au nom
de Coulibaly, ainsi que des bannières de
l’État islamique.
Dans la vidéo, l’une d’elle est accro-
chée sur un drap blanc tendu derrière
Coulibaly. En djellaba et coiffé d’un kef-
fieh, il clame son « allégeance au calife
Ibrahim », à savoir Abou Bakr al-Ba-
ghdadi, chef de l’État islamique, avant
d’ânonner un texte en arabe de manière
appliquée et laborieuse. À la question :
« Es-tu en lien avec les frères qui ont atta-
qué Charlie Hebdo ? », le tueur va droit
au but. Assis dans un fauteuil, en tee-
shirt et avec un lourd gilet pare-balles sur
les épaules, il explique, serein, s’être
« synchronisé » : « On a fait les choses un
peu ensemble, un peu séparés pour que cela
ait plus d’impact. Je les ai aidés dans leur
projet en leur donnant quelques milliers
d’euros afin qu’ils finissent à boucler ce
qu’ils avaient à acheter… » Presque badin,
il lâche aussi : « On s’est divisés en deux,
ils ont fait Charlie Hebdo, hamdoulilah,
Assassin de la policière municipale de
Montrouge jeudi matin, Coulibaly est par
ailleurs fortement soupçonné d’avoir
grièvement blessé par balles, peut-être
pour s’entraîner, un joggeur quelques
heures auparavant sur la coulée verte de
Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine).
Les cinq étuis ramassés sur les lieux de la
fusillade ont en effet été percutés par l’un
des deux pistolets russes Tokarev décou-
verts dans l’épicerie juive.
Coulibaly arbore ensuite dans la vidéo
un blouson de cuir et un bonnet. Ganté, il
est assis à côté d’une kalachnikov et d’un
rayonnage de quatre livres, parmi les-
quels trône Hygiène de l’assassin, pre-
mier roman d’Amélie Nothomb. Pour
expliquer les « raisons des attaques », il
dit : « Ce qu’on est en train de faire, c’est
tout à fait légitime, vu ce qu’ils font », dé-
clare-t-il. « Vous attaquez le califat,
l’État islamique, on vous attaque. Vous ne
pouvez pas attaquer et ne rien avoir en re-
tour. » « Vous tuez des civils, pourquoi ?
Parce que nos frères appliquent la charia ?
Même ici, on n’a pas le droit d’appliquer la
charia (…). On ne va pas vous laisser faire,
La police s’interroge sur le rôle exact de Djamel Beghal
ANGÉLIQUE NÉGRONI anegroni@lefigaro.fr
SON AVOCAT a déjà pris les devants en
assurant que son client, Djamel Beghal,
aujourd’hui incarcéré à Rennes, n’avait
rien à voir avec les attentats sanglants à
Paris. Mais, lors de leurs investigations,
pour établir les liens récents ou anciens
qu’ont pu entretenir Amedy Coulibaly et
les frères Kouachi avec des figures mar-
quantes de l’islam radical, les enquêteurs
tomberont forcément sur le nom de Dja-
mel Beghal, dit « Abou Hamza ».
Ce terroriste, considéré par ses « amis »
comme un fin théologien, est le lien entre
Amedy Coulibaly et Chérif Kouachi. En
2005, ces trois hommes se sont rencontrés
en prison, à Fleury-Mérogis. Beghal est
alors incarcéré pour avoir projeté en 2001
un attentat contre l’ambassade des États-
Unis à Paris, Coulibaly se trouve derrière
Images tirées de la vidéo posthume d’Amedy Coulibaly, dans laquelle le terroriste
revendique ses actes au nom de Daech. DOCUMENT FIGARO
L’ancien mentor des Kouachi en stage à la Pitié-Salpêtrière
Que devient Farid Benyettou,
l’ancien « émir » de la filière
djihadiste des Buttes-Chaumont,
qui a formé les frères Kouachi ? Il
termine un stage d’infirmier à l’hôpital
parisien de la Pitié-Salpêtrière.
Là, précisément, où sont arrivés
certains blessés de l’attaque contre
Charlie Hebdo mercredi. « Il n’a
jamais été en contact avec les
blessés », assure l’Assistance
publique-Hôpitaux de Paris. « La
situation de cet élève infirmier est
les barreaux pour répondre de faits de
droit commun et Kouachi est détenu pour
avoir appartenu à la « filière des Buttes-
Chaumont » destinée à envoyer des djiha-
distes dans les rangs de la branche ira-
kienne d’al-Qaida (voir ci-dessus).
Le maître et ses disciples
La rencontre est capitale. En voie de radi-
calisation religieuse, ces deux derniers
tombent sous l’emprise de Beghal, décrit
comme intelligent et qui assoit son auto-
rité sur un parcours qui les fascine. Entre
2000 et 2001, ce dernier s’est rendu en
Afghanistan pour un séjour au cours du-
quel il aurait suivi une formation parami-
litaire. Les liens de ce trio resteront cons-
tants par la suite dans une relation de
perpétuelle domination de Djamel Be-
ghal, le maître, sur les deux autres, ses
disciples. Selon les policiers, Beghal avait
constitué en prison « un petit groupe de
APRÈS LES ATTENTATS
TERRORISTES
régulière et elle est connue, depuis
le début de sa scolarité, tant par la
direction de l’école où il est scolarisé
que des services de police »,
a précisé l’AP-HP, qui assure que
le jeune homme a été « retiré
du planning du service où il terminait
son dernier stage ».
« Une condamnation portée sur le
casier judiciaire interdit d’être recruté
sur un emploi public, mais sans
interdire de passer le diplôme, qui
peut être valorisé dans d’autres lieux
fidèles » en jouant de son « ascendant
moral (…) en sa qualité d’homme de science
en religion ».
Libéré en juin 2009, ce dernier est assi-
gné à résidence à l’hôtel Les Messageries à
Murat dans le Cantal, où, tel un gourou, il
reçoit nombre de fidèles et délivre ses
consultations religieuses. En 2010, Couli-
baly et Kouachi font partie de cet éton-
nant pèlerinage pour rejoindre Beghal,
qui les met alors dans la boucle d’un pro-
jet d’évasion d’une autre figure de l’islam
radical, Smaïn Ait Ali Belkacem. Con-
damné à perpétuité pour l’attentat de la
station RER Musée-d’Orsay à Paris en oc-
tobre 1995 , ce dernier est incarcéré à la
centrale de Clairvaux (Aube).
Une fois par mois, Amedy Coulibaly,
baptisé par Djamel Beghal « le petit noir
de Grigny », fera ainsi le voyage en
Auvergne, comme il le reconnaîtra plus
tard. Au passage, il en rapportera quel-
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
11
on va se battre, inch Allah. » Filmé assis en
tailleur et en djellaba avec son insépara-
ble « kalach » posée au mur, un peu à la
manière d’un Ben Laden aux petits pieds,
Coulibaly harangue les musulmans de
France. « J’ai sillonné les mosquées de
France, surtout de la région parisienne,
lance-t-il. Elles sont pleines d’hommes vi-
goureux, de jeunes sportifs. Comment,
avec tous ces milliers, millions de person-
nes, il n’y en a pas autant pour défendre
l’islam ? » Jusqu’où est allé son prosély-
tisme ? Sans attendre, les analystes dé-
cryptent ce document pour le dater et sa-
voir qui l’a réalisé avant de le poster. En
outre, ils passent au crible l’entourage
des terroristes pour établir s’il y a des
complices. Alors que les cinq proches des
frères Kouachi ont été relâchés samedi,
les services français découvraient
qu’Hayat Boumeddiene, 26 ans, compa-
gne de Coulibaly posant volontiers voilée
avec son arbalète, a certainement pris le
chemin de Damas. Dès le 2 janvier der-
nier, elle a pris un vol entre Madrid et Is-
tanbul avant de franchir la frontière sy-
rienne.
“ Vous attaquez le califat,
l’État islamique, on vous
attaque. Vous ne pouvez
pas attaquer et ne rien
avoir en retour
AMEDY COULIBALY
”
Cherchant l’origine de l’arsenal des
tueurs, les enquêteurs s’emploient à dé-
terminer le financement. D’ores et déjà,
ils savent que les frères Kouachi vivaient
de la contrefaçon et grenouillaient au sein
de toute une économie souterraine dont il
s’agit à présent de comprendre les méan-
dres. Décidés à cerner les contours d’un
réseau puisant ses racines dans un passé
vieux de dix ans au moins, la PJ et les ser-
vices de renseignements explorent dé-
sormais le cœur du réacteur terroriste.
C’est-à-dire de la « filière des Buttes-
Chaumont » d’acheminement de com-
battants volontaires vers l’Irak, pour re-
joindre le groupe d’Abou Moussab al-
Zarqaoui, qui a valu une condamnation à
Chérif Kouachi et dans laquelle est appa-
ru le nom de son aîné, Saïd. Farid Benyet-
tou, sergent « recruteur » formé par le
Groupe salafiste pour la prédication et le
combat (GSPC) et aujourd’hui infirmier
stagiaire à la Pitié-Salpêtrière (voir ci-
dessous), a été soupçonné d’avoir
converti plusieurs dizaines de fidèles fré-
quentant la mosquée Adda’wa du quar-
tier de Stalingrad. Plusieurs dizaines de
jeunes musulmans y ont appris la « haine
du mécréant » et une dizaine au moins
sont partis en zones de combats. « Plus de
150 noms peuvent être rattachés à cette fi-
lière », confie un policier qui dit désor-
mais « craindre des métastases ». Autant
de bombes potentielles qu’il conviendra
d’ajouter aux quelque 1 200 Français ou
ressortissants impliqués aujourd’hui
dans le djihad. ■
d’exercice », explique l’AP-HP.
Pour son directeur général, Martin
Hirsch, « quelqu’un qui a purgé
sa peine peut faire des études
d’infirmier. Il n’y a pas de contre-
indication ». « Il faut pouvoir
réinsérer les gens », explique-t-il.
Farid Benyettou a été condamné
en 2008 à six ans de prison ferme
pour « association de malfaiteurs
en relation avec une entreprise
terroriste ». Il en est sorti en 2011.
M.S. (AVEC AFP)
ques clichés édifiants… On le voit avec
Beghal en train de poser avec une arbalè-
te. À ses côtés et vêtue du voile intégral,
se trouve sa compagne, Hayat Boumé-
dienne, dont on dit qu’elle serait aujour-
d’hui en Syrie. Mais, sur les raisons de ces
déplacements, Coulibaly dira qu’il s’agis-
sait seulement d’apporter des vêtements,
des livres et de la viande halal à Djamel
Beghal. « Moi, là-dedans, je suis l’idiot du
village, je suis au courant de rien », avait-
il déclaré plus tard. Pour ce projet d’éva-
sion déjoué et alors que Chérif Kouachi
avait bénéficié d’un non-lieu, il avait été
condamné à cinq ans de prison, Djamel
Beghal à dix ans. Aujourd’hui derrière les
barreaux pour cette affaire, ce dernier a
pu suivre à distance la folie meurtrière de
ses anciens élèves. Les enquêteurs ne
pourront faire l’économie de vérifier qu’il
C
n’y a pas eu de liens récents, par télépho-
ne, entre le maître et ses disciples. ■
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
APRÈS LES ATTENTATS
12 TERRORISTES
Renseignement : l’heure des questions
Les deux tueurs Chérif Kouachi et son frère Saïd ont cessé d’être mis sur écoute fin 2013 et en juin 2014.
JEAN-MARC LECLERC jmleclerc@lefigaro.fr
AU-DELÀ de l’émotion, les attentats qui
viennent de secouer la France provo-
quent une nouvelle prise de conscience
des failles du système antiterroriste. Et ce
alors que le gouvernement vient de fait
voter des textes censés tirer les leçons
d’un précédent échec, celui de l’affaire
Merah.
Manuel Valls lui-même le reconnaît :
« Il y a une faille bien évidemment. Quand
il y a dix-sept morts, c’est qu’il y a eu des
failles. » Étrange aveu pour celui qui ex-
ploita, à coups de commission d’enquê-
tes, les ratés qui ont conduit aux tueries
de Toulouse et Montauban en 2012.
Aujourd’hui, sans doute se garderait-il
de lancer, comme il le fit, en se tournant
vers les bancs de l’opposition à l’Assem-
blée : « Le retour du terrorisme, c’est
vous ! »
Il faut dépasser ces querelles et savoir
se concentrer sur l’essentiel : renforcer le
bouclier antiterroriste en donnant aux
professionnels les outils qu’ils réclament
pour mener à bien leurs missions. Sans
excès et surtout sans délais.
La veille de l’attaque contre Charlie
Les frères Kouachi font face aux policiers, mercredi, à proximité du siège de Charlie Hebdo à Paris où ils viennent de commettre un carnage.
La justice désemparée face à la gestion des détenus islamistes
PAULE GONZALES pgonzalès@lefigaro.fr
UN HAUT MAGISTRAT s’inquiète :
« Les protagonistes des drames de ces
derniers jours étaient tous déjà passés par
la case justice et prison. Nous retrouvons
aujourd’hui les acteurs des attentats de
1995 et ceux de la filière irakienne. Ils ont
ou avaient purgé leur peine, ils étaient ou
sont encore très jeunes, avec une longue
carrière potentielle encore devant eux, et
sont tous ressortis plus endurcis de prison
quand certains n’étaient que des seconds
ou des troisièmes couteaux. C’est un pro-
blème. » La réponse pénale paraît sou-
dain inadaptée à la virulence de la me-
nace terroriste et surtout au contrôle du
parcours de ces jeunes qui passent par la
pénitentiaire.
« Depuis les lois Perben de 2004, nous
avons progressivement criminalisé les dé-
lits d’association de malfaiteurs jusqu’à la
loi de novembre dernier », rappelle le
juge antiterroriste Marc Trévidic. « Ce
qui ne cesse de poser problème, c’est ce
qui se passe en maison d’arrêt. Et le fait
qu’un détenu entrant pour ces faits n’en
sorte pas mieux mais le plus souvent bien
plus radicalisé qu’auparavant. Non seu-
lement il n’y a pas de rupture dans leur
parcours, mais au contraire il se poursuit
comme si de rien n’était. Il n’est pas nor-
mal qu’un islamiste chevronné se retrouve
en détention avec un petit apprenti. De ce
point de vue, l’expérimentation de
Fresnes, qui consiste à créer une unité
isolée pour les islamistes quels qu’ils
C
soient, n’est pas complètement pertinen-
te. » De fait, c’est à Fleury-Mérogis que
Hebdo, le député UMP de l’Yonne,
Guillaume Larrivé, appelait solennelle-
ment « Manuel Valls et Bernard Cazeneu-
ve à publier, en extrême urgence, les dé-
crets d’application de la loi antiterroriste »
du 13 novembre 2014. Tous ne sont pas
sortis à ce jour. Il faudra attendre un bon
mois avant que tout soit en place.
Pour parer au plus pressé, profitant de
la mobilisation internationale, les autori-
tés ressortent les dossiers. À commencer
par celui de la réforme de l’accès aux fi-
chiers de passagers aériens (Passenger
name records, PNR), censés faciliter le
suivi des déplacements des terroristes
patentés ou en puissance (lire ci-des-
sous). Sur ce point, le consensus entre
partenaires européens rester à trouver.
Les États insistent à nouveau sur l’im-
portance de fluidifier les échanges d’in-
formations entre services contre-terro-
ristes au plan international. Ils vont se
partager des listes de djihadistes, se par-
ler davantage. C’est indispensable. Mais
encore faut-il que les informations puis-
sent être analysées et exploitées.
« Des listes, on peut en établir des kilo-
mètres ! La seule question qui vaille est
qu’est-ce qu’on en fait ? », prévient un
ancien magistrat antiterroriste. Et de ci-
Djamel Beghal, Chérif Kouachi et Ame-
dy Coulibaly ont fait connaissance. Puis
se sont retrouvés à Murat dans le Cantal,
quand le premier était en résidence sur-
veillée : « Quelles étaient les obligations
concernant cette dernière ? », s’interro-
ge encore le juge antiterroriste.
En ligne de mire, la question de la pri-
se en charge durant la détention et de
l’exécution des peines, « véritable pas-
soire », selon l’ancien juge antiterroris-
te, Jean-Louis Bruguière. « Ces détenus
entrent dans le pot commun de la déten-
tion, souligne un responsable d’une
grande maison d’arrêt parisienne, qui a
identifié une vingtaine d’activistes isla-
mistes gérés avec les moyens du bord.
Nous n’avons aucun outil pour les traiter,
et il est vrai que d’emblée ils bénéficient
d’un tiers de remise de peine comme les
autres. » Amedy Coulibaly, condamné
en décembre 2013 à cinq ans de prison,
après trois ans et demi de détention pro-
visoire, a ainsi été placé en surveillance
électronique de fin de peine (sous brace-
let) le 4 mars 2014 et jusqu’au 15 mai de
la même année. Poursuivant son évoca-
tion de la situation dans son établisse-
ment, le patron de maison d’arrêt rap-
pelle que « l’un des islamistes détenus,
identifié comme très dangereux, va sortir
en février. Ce sera à la DGSI de prendre le
relais car la pénitentiaire n’est pas équi-
pée pour cela ». Spontanément, les diri-
geants de cet établissement ont tenté de
s’organiser. « Nous avons quatre vrais
leaders dits “individus venin”. Ils fonc-
tionnent toujours en binôme : le leader
spirituel et celui qui a la légitimité de l’ac-
tion parce qu’il est allé en Irak ou en Syrie.
ter le cas d’Umar Farouk Abdulmutallab,
apprenti kamikaze qui a pu monter dans
un avion de la Northwest Airlines en dé-
cembre 2009, alors que son nom figurait
depuis novembre 2008 dans la base de
données officielle des États-Unis com-
prenant les noms de quelque 550 000
personnes susceptibles d’avoir un lien
quelconque avec le terrorisme.
“ Pour comprendre
comment cela a pu être
possible, il faudra
plusieurs mois
MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR
” citoyens français, ont pu fomenter leurs
Quand bien même les fichiers de poli-
ce sont alimentés, il faut s’assurer qu’ils
sont accessibles. La commission d’en-
quête parlementaire, présidée par l’UMP
Éric Ciotti, sur le suivi des djihadistes de-
vra ainsi porter son attention sur les pas-
sages à vide du système de fichiers de la
police nationale (Cheops), dont les pan-
nes récurrentes rendent les agents par-
fois aveugles aux postes frontières de nos
propres aéroports, comme le raté de la
non-interpellation à Marseille-Marigna-
Après la mise à l’isolement du principal
d’entre eux, il y a eu une vraie baisse de
moral parmi ses fans », témoigne-t-il.
Les magistrats spécialisés dénoncent
l’absence de statistique sur cette popu-
lation carcérale si particulière.
« Aujourd’hui, nous sommes sans aucune
étude statistique. Nous n’avons aucun re-
père sur l’évolution de ces détenus, ni
même sur le taux de récidive. Le chiffre de
16 % de personnes écrouées connues pour
islamisme n’a donc aucun sens », affirme
l’un d’entre eux, en réponse à ce chiffre
donné par la Chancellerie, jeudi dernier.
« Nous n’avons aucun ciblage criminolo-
“ Nous n’avons aucun
repère sur l’évolution
de ces détenus, ni même
sur le taux de récidive
UN MAGISTRAT
” La magistrature, quant à elle, a pris
gique. Avec la réforme pénale, on nous a
parlé d’individualisation de la peine mais
c’est exactement l’inverse qui se produit
en matière d’islamisme », souligne cette
ancienne juge antiterroriste du siège,
qui déplore l’absence de formation obli-
gatoire des juges assesseurs qui seront
amenés à prendre position sur les ques-
tions de terrorisme.
« Nous aurions pu espérer que l’indivi-
dualisation fasse une différence dans
l’aménagement entre la conduite en état
alcoolique et l’islamiste de retour d’Irak
ou de Syrie ou en voie de radicalisation »,
affirme ce dirigeant d’établissement pé-
nitentiaire.
ne de trois djihadistes français de retour
de Syrie via la Turquie le 23 septembre
dernier.
Dimanche, les autorités se deman-
daient encore si Chérif Kouachi, l’un des
deux frères qui ont décimé la rédaction
de Charlie Hebdo, est bien parti au Yé-
men, comme son aîné, passé, lui, par
Oman, le sultana voisin.
Les services de Bernard Cazeneuve le
disent, au sujet des récents attentats à
Paris : « Pour comprendre comment cela
a pu être possible, il faudra plusieurs
mois. » Il n’empêche que les frères
Kouachi et Amedy Coulibaly, tous trois
projets terroristes aux portes de Paris, au
nez et à la barbe de la police. Alors qu’ils
n’étaient pas des inconnus, comme pou-
vaient l’être Khaled Kelkal en 1995 ou
Mohamed Merah en 2012.
Si Chérif Kouachi a bénéficié d’un
non-lieu dans le procès du projet de ten-
tative d’évasion par les armes en 2010 de
Smaïn Ait Ali Belkacem, l’artificier des
attentats de 1995, Coulibaly, lui, a été
condamné à cinq ans de prison dans le
cadre de cette affaire, le 20 décembre
2013. Qui s’est occupé de Coulibaly à sa
sortie de prison ? Pourquoi est-il passé
ANNE GELBARD/AFP
Samedi soir, Christiane Taubira, la
garde des Sceaux, montait en urgence
une réunion à la direction de l’Admi-
nistration pénitentiaire pour finaliser la
mise en place d’un quartier spécial, sur
laquelle elle se disait « très réservée » le
25 novembre dernier au micro de Fran-
ce Info. Un tel quartier devrait donc
être créé dans l’un des dix grands éta-
blissements pénitentiaires parisiens,
qui réunissent 90 % des islamistes durs.
Il accueillerait les cinquante leaders du
prosélytisme et du recrutement. Dans le
même temps, la direction pénitentiaire
aurait lancé un appel d’offres pour
choisir une entreprise spécialisée dans
les mouvements sectaires et capable de
proposer des programmes de désen-
doctrinement. Le montant de l’enve-
loppe ne s’élèverait pas à plus de
200 000 euros.
un petit peu d’avance. Le président du
TGI de Paris, Jean-Michel Hayat, a créé
une nouvelle section spécialisée sur les
questions terroristes au sein de la 14e
chambre qui, aux côtés de la 16e, traite
habituellement de criminalité organi-
sée. Ces deux chambres, qui gèrent aus-
si les grandes affaires de stupéfiants ou
d’association de malfaiteurs, tournent
déjà à plein régime avec pas moins de
six audiences chacune par semaine. À
cette quarantaine de personnes se sont
joints sept nouveaux magistrats qui sié-
geront à raison de trois audiences par
semaine sur les questions de terrorisme.
De quoi accélérer le cours d’une justice
jugée une fois de plus trop lente dans ses
délais. ■
entre les mailles du filet, alors que, par
ailleurs, on le savait inscrit dans un par-
cours parallèle de délinquant pur et dur,
jalonné de plus de vingt affaires de vols à
main armée, violences et trafic de stupé-
fiants ?
La sous-direction antiterroriste de la
police judiciaire avait cerné depuis long-
temps son profil ultraradical. A-t-elle
été suffisamment écoutée ?
La Direction générale de la sécurité
intérieure (DGSI), quant à elle, avait bien
pensé à mettre sur écoute les frères
Kouachi et ce, dès novembre 2011. Mais
voilà : Chérif Kouachi a été « débran-
ché » fin 2013 et Saïd en juin 2014, la
Commission nationale de contrôle des
interceptions de sécurité (CNCIS)
n’ayant pas renouvelé les autorisations,
selon Beauvau.
Le ministère de l’Intérieur fera-t-il
vraiment une enquête ? Jean-Jacques
Urvoas, le président de la commission
des lois à l’Assemblée, cherchera-t-il à
en savoir plus ? Le criminologue Alain
Bauer, de son côté, invite à un grand
sursaut, comme après le 11 Septembre
aux États-Unis : « Il ne s’agit pas, dit-il,
de trouver des responsables mais de faire
en sorte que cela ne se reproduise plus. » ■
Un sommet
sur la sécurité
en février
à Washington
JEAN-JACQUES MÉVEL £@jjmével
CORRESPONDANT À BRUXELLES
À PARIS, ce n’était qu’un premier
rendez-vous des chefs d’État et de
gouvernement. À l’heure où la mani-
festation monstre s’ébranlait de la
place de la République, la Maison-
Blanche a lancé l’invitation à un som-
met de travail le 18 février à Washing-
ton, afin d’intensifier la lutte
internationale contre « l’extrémisme
violent dans le monde ».
Le président Barack Obama devrait
donc retrouver d’ici à cinq semaines à
Washington la plupart de ceux qui ont
fait le déplacement à Paris. L’invita-
tion américaine est assez élusive pour
ne froisser personne. Il s’agira, préci-
se la Maison-Blanche, de passer en
revue « les efforts entrepris (…) afin
d’empêcher les extrémistes violents et
leurs partisans de se radicaliser, de re-
cruter ou d’inspirer des individus ou des
groupes (…) dans le but de commettre
des actes de violence ».
D’ici là, les Européens auront lancé
les travaux pratiques, avec des ren-
dez-vous en série voués à leur propre
lutte contre le terrorisme : chefs de la
diplomatie le 19 janvier, ministres de
l’Intérieur le 29 et pour finir un som-
met de l’UE prévu de longue date mais
reprogrammé le 12 février, à six jours
du conclave de Washington. Il faut
que les réponses aux attaques de Paris
« soient guidées par la réflexion et non
pas par la peur », insiste Dimitris
Avramopoulos, commissaire euro-
péen charge de la Sécurité intérieure.
Entre Européens, ce ne sont pas les
idées qui manquent, mais plutôt la
coopération concrète. Les appels à un
sursaut collectif se multiplient sur le
Vieux Continent à chacun des atten-
tats qui ont suivi les attaques à la
bombe de Madrid en 2004 (191 morts)
et de Londres en 2005 (52 morts). La
fusillade du musée juif de Bruxelles,
en mai dernier (4 morts), était
l’avant-dernière piqûre de rappel.
La prescription est sur la table : des
échanges accrus de renseignements
entre « services » jaloux de leurs se-
crets, la création d’un fichier central
des jeunes Européens acquis au djihad
ou encore la mise en place d’un regis-
tre partagé obligeant les compagnies
aériennes à fournir aux États le nom,
l’itinéraire, la date et les références du
billet de tous les passagers internatio-
naux. L’ironie est que les Européens
contribuent à cette surveillance obli-
gatoire aux États-Unis, mais refusent
encore de s’y soumettre dans le péri-
mètre de l’UE. Le rendez-vous à la
Maison-Blanche pourrait bien mar-
quer le tournant… ■

Les défilés n’ont pas
réussi à faire taire
les propos
haineux sur Internet
#JeSuisKouachi est resté l’un des sujets les plus
discutés sur les réseaux sociaux ce week-end. Un
internaute sera jugé pour apologie du terrorisme.
BENJAMIN FERRAN £@benjaminferran
ET LUCIE RONFAUT £@LucieRonfaut
CE SONT comme autant de répliques,
odieuses, qui ont tenté de ternir cette
journée. Alors que les Français mani-
festaient en masse dimanche, des mes-
sages haineux ont continué à se répan-
dre sur les réseaux sociaux. Ils étaient
fédérés autour des mots-clés (hash-
tags) #JeSuisKouachi et #JeSuisCouli-
baly, du nom des trois terroristes à
l’origine des tueries, macabre écho au
fédérateur #JeSuisCharlie.
«#NousSommesKouachi, je suis fière
de vous frères Kouachi », « Kouachi, le
cauchemar des Français », pouvait-on
lire par exemple sur Twitter. « Respect
à Said Cherif et Coulibaly d’avoir défen-
du l’islam, c’est pas des terroristes »,
découvrait-on sur Facebook.
Ces discussions ont regroupé quelque
35 000 messages sur Twitter depuis
mercredi, dont environ 10 000 diman-
che, si bien que #JeSuisKouachi était le
Dans les prisons,
des « Allah akbar ! » pendant
la minute de silence
MARIE-AMÉLIE LOMBARD-LATUNE
£@malombard
JEUDI, À MIDI, la minute de silence est
perturbée par des cris anonymes. Des
« Allah akbar ! » qui jaillissent des fe-
nêtres grillagées vers les cours de pro-
menade, qui résonnent dans les coursi-
ves. Des provocations sporadiques en
prison alors que la France se fige pour
saluer la mémoire des victimes des at-
tentats. Une volonté de choquer, de sa-
lir l’instant de recueillement. Depuis, le
mouvement ne s’est pas amplifié. « Les
détenus les plus radicalisés sont malins.
Ils savent que notre vigilance est en ce
moment à 200 %. Ils vont attendre plus
tard pour capitaliser sur les événe-
ments », prédit un surveillant de la ré-
gion parisienne.
150
La prison, point névral-
gique de la radicalisation
de Chérif Kouachi, auteur
avec son frère de la tuerie
de Charlie Hebdo, et
d’Amedy Coulibaly, le détenus
meurtrier de Montrouge et
du supermarché kasher de
islamistes
la porte de Vincennes.
C’est à Fleury-Mérogis
prosélytes
(Essonne), la plus grande dans les
maison d’arrêt d’Europe,
que les deux hommes se
prisons
croisent pendant plusieurs françaises
mois au milieu des années
2000. C’est là, surtout,
qu’ils fréquentent celui qui
va devenir leur mentor, Djamel Beghal,
figure de l’islam radical. « Beghal a un
charisme fou, qui lui permet de prendre
l’ascendant sur tout le monde. Il explique
sa vision de l’islam sereinement. Je com-
prends qu’on puisse tomber dans le pan-
neau », note un avocat qui a assisté, en
2013 à Paris, au procès du projet d’éva-
sion d’un des auteurs des attentats de
1995, Smaïn Aït Ali Belkacem. Pour cet-
te tentative, Beghal et Coulibaly ont été
condamnés. Kouachi, qui, lui, avait bé-
néficié d’un non-lieu, venait aux
audiences, assis dans le public. À Fleu-
ry, Beghal jouait son rôle à plein…
« Des gens radicaux et violents, j’en ai
vu beaucoup en prison. Je peux vous ci-
ter Djamel Beghal. J’en connais une peti-
te panoplie », avait auparavant répon-
du Coulibaly au juge lors de
l’instruction. Au procès, il essaie d’ac-
créditer l’idée qu’il s’est fait manipuler
dans l’affaire Belkacem. Plus tard,
après sa sortie de prison, c’est un Coran
troisième sujet le plus discuté samedi
midi sur le réseau social en France. De
nombreux internautes se sont invités
dans ces échanges pour dénoncer des
propos qui salissent la mémoire des
victimes, avec pour effet de leur faire
une publicité involontaire. Dès mer-
credi, le gouvernement a encouragé les
internautes à signaler les messages sur
le portail de signalement des contenus
illicites, Pharos, plutôt que de tenter de
leur répondre. Plus de 4 000 requêtes
ont été réceptionnées en trois jours. Les
plates-formes disposent elles-mêmes
d’outils de modération.
« Radicalisation très rapide »
Ce lundi, un homme de 30 ans doit être
jugé en comparution immédiate par le
tribunal correctionnel de Strasbourg,
pour apologie d’un crime en relation
avec une action terroriste, comme l’ont
révélé les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Il lui est reproché d’avoir mis en ligne
sur Facebook une photo où l’on pouvait
voir un texte se félicitant de l’attentat
qu’il apportera, en guise de remercie-
ment, à son avocate, Me Marie-Alix Ca-
nu-Bernard, qui, vendredi, a été appe-
lée porte de Vincennes pour tenter de
ramener son ancien client à la raison.
En vain.
« Un émir, c’est un type reconnu, qui
se veut à la fois caïd et référence reli-
gieuse. En dessous, il a des bras droits,
souvent des gars qui ont l’aura d’un fait
d’armes, par exemple d’un séjour en ter-
re de djihad. Le troisième cercle est
constitué de détenus faibles, prêts à bas-
culer dans la radicalité en prison », dé-
crit Jimmy Delliste, secrétaire général
de FO-direction, majoritaire chez les
directeurs de prison, et lui-même à la
tête de la maison d’arrêt de Nanterre
(Hauts-de-Seine). Cette nouvelle « or-
ganisation » hiérarchique, calquée sur
celle qui a pu prévaloir lors-
que le milieu traditionnel
faisait la loi en détention,
s’impose depuis des années
dans plusieurs prisons.
Lorsqu’elle vise à mettre
les détenus en coupe réglée
et à recruter des adeptes du
djihad, l’islamisation ram-
pante de quartiers entiers
d’établissements pénitenti-
aires inquiète. Le phénomè-
ne s’est amplifié. Et choque
l’opinion au rythme des
soubresauts terroristes qui
ensanglantent la France. À
Toulouse, lors de ses longs
échanges avec la police pré-
cédant l’assaut final, Mohamed Merah
assurait avoir eu une sorte d’« inspira-
tion divine » lorsqu’il était incarcéré.
Avant la fusillade au Musée juif de
Bruxelles, Mehdi Nemmouche, alors
détenu, s’interrogeait, lui, sur « l’obli-
gation du niqab et du hijab » ou sur la
longueur prescrite pour une barbe isla-
mique.
Plusieurs centaines de détenus sont
concernés par cette radicalisation, par-
mi lesquels l’Administration pénitenti-
aire dénombre quelque 150 profils en-
durcis, cherchant à fanatiser leurs
coreligionnaires ou à convertir leurs
codétenus. Des chiffres à rapporter aux
68 000 prisonniers qui s’entassent
aujourd’hui dans les établissements
hexagonaux, parmi lesquels de 30 à
50 % sont de « culture ou de religion
musulmane », les plus nombreux se
trouvant dans les prisons autour des
grandes métropoles, où le taux peut
monter à 60-70 %. Autre indicateur :
Internet est devenu une arme de propagande de premier ordre pour les djihadistes.
CAPTURES D’ÉCRAN
Un détenu prie au côté d’un aumônier musulman, à la maison d’arrêt d’Osny (Val-d’Oise).
GEORGES MERILLON/LE FIGARO MAGAZINE
environ 18 000 détenus déclarent cha-
que année faire le ramadan.
Dans les premiers temps, le prosély-
tisme était plutôt ostentatoire. Le « bon
musulman » se devait d’arborer barbe
et djellaba, de saluer ses « frères » en
portant la main sur le cœur et de traiter
de « koufar » (mécréants) ceux qui ne
se soumettaient pas à ce rituel. Un is-
lam bricolé, répandu par de pseudo-
imams dans les cours de promenade et
lors des prières collectives. L’adminis-
tration a tenté de mettre le holà à ces
pratiques mais a parfois été obligée de
composer. Luttant pour imposer
qu’une femme surveillante ne se fasse
pas cracher dessus mais acceptant de
caler le rythme des journées carcérales
sur les horaires de la prière… Tentant
d’éviter la contagion mais aussi de
maintenir une fragile paix sociale en
détention… Le manque d’aumôniers
musulmans formés, capables d’en im-
poser aux « imams » autoproclamés,
reste criant. Ils sont vite débordés.
« Leur discours modéré ne passe pas. Il
est déconnecté du langage et de la vie
des jeunes détenus qui attendent des
propos virils », note un visiteur de pri-
son, familier aussi de la population des
banlieues.
L’expérience de Fresnes
Désormais, l’extrémisme se cache en
prison. Les travaux du sociologue
Farhad Khosrokhavar ont largement
révélé cette « radicalisation en catimini,
plus dangereuse car plus difficile à dé-
tecter ». Plus de barbe ni de Coran os-
tensiblement serré dans la main. Repé-
rer ces hommes en jean et sweat-shirt
qui se fondent dans la masse carcérale
devient complexe. « Ils fonctionnent
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
APRÈS LES ATTENTATS
TERRORISTES 13
contre le journal satirique, accompa-
gné d’une kalachnikov. Cet internaute,
qui intervenait sous pseudonyme sur le
réseau social, était connu des services
de police. Il encourt jusqu’à sept ans de
prison et 100 000 euros d’amende.
La loi antiterroriste votée le 13 no-
vembre 2014 a renforcé les sanctions
contre ce type de propos. Elle vise non
seulement à faire taire ceux qui reven-
diquent publiquement leur soutien aux
terroristes sur Internet, afin de mettre
fin à un sentiment d’impunité, mais
aussi à pousser les fournisseurs d’accès à
Internet à supprimer ces contenus avec
plus de diligence. Ils devront bloquer les
accès aux sites faisant l’apologie du ter-
rorisme en vingt-quatre heures.
Sans attendre l’entrée en vigueur de
cette mesure, notifiée vendredi à
Bruxelles, des internautes se sont éga-
lement ligués pour mettre eux-mêmes
hors ligne les comptes Twitter et les si-
tes de djihadistes, pratiquant une for-
me de justice personnelle.
Internet est devenu une arme de
propagande de premier ordre pour les
djihadistes. Les réseaux sociaux leur
servent à propager des propos haineux
par écrit ou dans des vidéos, nouer des
contacts pour enrôler de nouvelles re-
crues sensibles à leur discours, mais
aussi terroriser les populations. C’est le
sens de la vidéo de revendication
d’Amedy Coulibaly, mise en ligne sur
YouTube et Dailymotion dimanche
matin, et rapidement retirée par ces
plates-formes. Des copies étaient
néanmoins toujours visibles dans la
soirée.
Invité du journal de TF1, vendredi
soir, le premier ministre, Manuel Valls,
a assuré que de nouveaux « moyens
techniques et financiers » étaient mis en
évidence pour « lutter contre cette ra-
dicalisation très rapide qui se fait par In-
ternet ». ■
Auteur d’un rapport sur la question,
le député UMP de l’Yonne Guillaume
Larrivé juge que « la dimension carcé-
rale du terrorisme est un sujet extrê-
mement préoccupant ». Parmi ses pré-
conisations (nos éditions du
23 octobre 2014) figure l’amélioration
du service de renseignements péni-
tentiaire.
Actuellement, seule une quinzaine
d’agents est chargée d’analyser et de
répercuter les informations recueillies
derrière les barreaux pour détecter les
profils les plus dangereux. « Pour cela,
les surveillants sortant de l’école ont
reçu quelques heures de formation. Aux
autres, on a fourni un DVD de sensibili-
sation… », ajoute Jean-François Forget.
Autre cheval de bataille du député
UMP : le téléphone portable en prison,
en principe interdit, en réalité presque
aussi courant qu’un poste de télévision
en cellule. « Au premier semestre 2014,
13 500 portables ont été saisis, décomp-
te Guillaume Larrivé. Il y en avait eu
23 495 en 2013 ! »
Beaucoup de spécialistes du monde
comme une secte, note Jean-François carcéral s’interrogent sur l’expérience
Forget, secrétaire général de l’Ufap- actuellement menée à Fresnes, où les
Unsa Justice. Leurs thèses se diffusent détenus les plus prosélytes ont été re-
de façon très insidieuse. Le problème, groupés. « Ça a l’air de fonctionner. Les
c’est que, contrairement à une idée ré- quartiers où ils étaient semblent devenus
pandue, les détenus circulent où ils veu- plus calmes, explique Jimmy Delliste.
lent. Ils vont d’un bâtiment à l’autre sans Là, certains détenus se sont remis à
problème. Et si on commence à leur de- manger du porc. » Si l’on admet qu’un
mander des explications, on est vite ac-
cusés de les brimer ! »
tel changement alimentaire est un si-
gne de déradicalisation. ■
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au TGI de PARIS, Palais de Justice, 4, boulevard du Palais. En 2 lots
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Angle du 7 place Victor Hugo et 1 rue Mesnil
1er lot : au 5ème étage, lots 256, 260 et une cave (lot 201)
2nd lot : au 6ème étage, lots 255, 262, 264, 266, 268, 269 à 272, 274, 276, 278, 280 à 284
et 4 caves (lots 202, 203, 228 et 229)
NB : les lots nos 256 et 255 sont réunis sans discernement possible en UN APPARTEMENT de 461,10 m².
Le lot n° 260 et les lots 262 à 284 sont réunis sans discernement possible en un LOT à usage d’habita-
tion de 151,50 m² (outre 45,90 m², hauteur < 1,80 m)
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Pour consulter les cahiers des conditions de vente, s’adresser :
Au Greffe du Juge de l’Exécution du TGI de PARIS, où ils ont été déposés sous les Références Greffe
13/00561 et 13/00562, à l’AARPI Salans FMC SNR Denton Europe, Avocat à PARIS 8ème,
5 boulevard Malesherbes, Tél. : 01 42 68 48 00
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 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO

APRÈS LES ATTENTATS

14 TERRORISTES

Les médias se défendent face aux critiques

De nombreux internautes accusent les télévisions d’avoir entravé le travail de la police.
« Quatre cents personnes ont été mobi- forces d’intervention. D’après des re- ou une image fixe de la porte de Vincen- mercredi) », avait privé les forces de
CHLOÉ WOITIER £@W_Chloe lisées durant 72 heures avec un grand sens porters du Monde, plusieurs policiers se nes. Ce n’est qu’une fois Amedy Couli- l’ordre de « tout effet de surprise ». En
des responsabilités et beaucoup de profes- sont en parallèle chargés de « déloger » baly neutralisé et les otages libérés que réalité, l’identité des terroristes avait
« VOUS avez failli faire une grosse, gros- sionnalisme », défend Alain Weill, PDG les images de l’intervention, dont certai- été révélée sur les réseaux sociaux, par
se erreur, BFM », dénonçait samedi soir du groupe média NextRadioTV, dont fait nes proviennent de particuliers, ont été l’entremise d’un journaliste indépen-
sur la chaîne d’information en continu
l’épouse d’un des otages d’Amedy Couli-
baly. « Vous étiez en direct avec les gens
partie BFMTV. « Travailler avec autant
de pression et si vite, c’est très difficile.
Or, tout s’est convenablement passé. »
“
Quatre cents
personnes ont été
mobilisées durant
mises à l’antenne. Plus tôt dans la jour-
née, le CSA avait invité « les télévisions et
les radios à agir dans le plus grand discer-
dant et d’un ancien de la DGSE, puis re-
layée par le site israélien francophone
JSS News.
qui étaient dans la chambre froide. Ils vous Alain Weill souligne également que la nement, dans le double objectif d’assurer Les médias français, qui avaient éga-
ont dit qu’ils étaient six en bas avec un rédaction de BFMTV « a été extrêmement 72 heures la sécurité de leurs équipes et de permettre lement ces informations, sont restés
bébé. Et, deux minutes après, c’était sur responsable en échangeant beaucoup avec avec un grand sens des aux forces de l’ordre de remplir leur mis- plus prudents, mais ont tout de même
BFM. Heureusement que le terroriste n’a la police ». Ses journalistes ont certes pu responsabilités et beaucoup sion avec toute l’efficacité requise ». écrit le prénom et l’âge des suspects.
pas vu la bande qui passait en bas (ban- interviewer par téléphone Chérif Koua- Une liste précise, comprenant trois
de professionnalisme
deau reprenant les informations de der-
nière minute, NDLR). Sinon, mon mari et
les cinq autres étaient morts », lançait-
chi et Amedy Coulibaly, mais les extraits
de ces conversations n’ont été diffusés
qu’une fois les terroristes tués.
ALAIN WEILL, PDG DU GROUPE MÉDIA ”
NEXTRADIOTV SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
Identité des terroristes
La couverture de la prise d’otages de
Vincennes n’est pas la seule à avoir été
hommes, a toutefois rapidement circulé
sur les réseaux sociaux. Elle comprenait
le nom de Mourad Hamyd, le beau-frè-
elle, très émue. L’extrait vidéo a rapide- Vendredi après-midi, le ministère de critiquée. Vendredi soir, le procureur re de Chérif Kouachi, soupçonné d’être
ment circulé sur les réseaux sociaux, l’Intérieur a contacté tous les médias des cameramans qui s’étaient installés de la République de Paris, François Mo- le « troisième homme ». Le jeune hom-
comme illustration des supposées déri- audiovisuels pour leur signaler l’impru- sur les balcons de riverains. lins, avait pointé dans son point presse me, scolarisé à Charleville-Mézières,
ves de ces derniers jours. dence de filmer en gros plan les portes À l’heure de l’assaut, toutes les chaî- que « l’identification des frères Kouachi, était en réalité en classe lors de la tuerie
Car, depuis mercredi, le quotidien des de l’Hyper Cacher, où se préparaient les nes ont décidé de diffuser un plan large relayée dans de nombreux médias (dès de Charlie Hebdo. ■
rédactions a été chamboulé. Les « live »
se sont multipliés sur les sites d’informa-
tion, s’échinant à démentir les nombreu-
ses rumeurs et intox qui circulaient sur
les réseaux sociaux. Les quotidiens ont
réservé des dizaines de pages à l’attentat
contre Charlie Hebdo. Sur le modèle des
chaînes d’information en continu i-Télé
et BFMTV, TF1 et France 2 ont cassé leur
antenne pour suivre en direct la traque
des frères Kouachi et la prise d’otages de
l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes.
Cette mobilisation intense des médias,
qui répondait au besoin légitime d’infor-
mation des Français, a permis de suivre
au plus près le fil des événements. De
trop près, peut-être ? Plusieurs critiques
ont émergé ces derniers jours sur la pu-
blication de certaines images et surtout
sur le rôle des télévisions, qui, en filmant
les opérations de police, auraient pu in-
volontairement donner des informations
précieuses aux terroristes.
Explicitement visée, la rédaction de
BFMTV dément fermement ces accusa-
tions. Aucun de ses journalistes n’a été
en contact avec les personnes réfugiées
dans la chambre froide de l’Hyper Ca-
cher. Le fait qu’une personne était ca-
chée au sous-sol a été donné à l’antenne
vers 15 heures, mais uniquement parce
qu’une source policière assurait qu’elle
était en sécurité. Par prudence, cette in-
formation n’a pas été répétée par la sui-
te, ni répercutée sur les bandeaux de la
chaîne. Les journalistes de BFMTV ont pu interviewer par téléphone Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly, mais les extraits de ces conversations n’ont été diffusés qu’une fois les terroristes tués.

Boris Cyrulnik : « On manifeste pour ne pas rester

passif et ne pas se soumettre à l’agression »
Le théoricien de la « résilience » explique le mécanisme par lequel les foules expriment leur émotion.
Cette « force en mouvement va déclencher quelque chose », dit-il.
SOLINE ROY £@so_sroy
LE NEUROLOGUE et neuropsy-
chiatre Boris Cyrulnik analyse les
marches et rassemblements po-
pulaires qui ont eu lieu en France
et à l’étranger après les attentats
de la semaine dernière.
LE FIGARO. - Pourquoi l’attentat
contre Charlie Hebdo a-t-il eu un tel
retentissement, que n’avaient pas eu
d’autres événements tragiques
comme l’assassinat d’enfants par
Mohamed Merah en 2012 ?
Boris CYRULNIK. - Dans toutes
les tentatives de prise de pouvoir
dictatoriales, les cibles privilé-
giées sont les journalistes, les
écrivains et les artistes. Et dans
toutes les dictatures, les crimes
sont commis au nom de la mora-
le. C’était le cas sous l’Inquisi-
tion, ça l’a été avec le nazisme et
l’on retrouve cette justification
morale dans le discours des ter-
roristes islamistes.
L’attentat perpétré par Merah
devant une école juive était un
crime sordide, il s’agissait d’un
déséquilibré récupéré par le dji-
had. Mais à Charlie Hebdo on a
assisté à une véritable mise en
scène du crime : des dessina-
teurs, journalistes aimables, ont
été massacrés parce qu’ils nous
faisaient sourire. L’interpréta-
tion émotionnelle de ces deux
A
Peut-on parler de stress
post-traumatique collectif ?
Oui, car les médias, en particulier
la télévision et Internet, amplifient
l’information et nous montrent des
images sculptées, intentionnelle-
ment mises en scène pour provo-
quer des émotions. Il ne faut pas
oublier que les terroristes commet-
tent ces crimes pour passer à la té-
lévision et ainsi gouverner par la
terreur ! Certains peuvent le res-
sentir comme un traumatisme et se
mettre à faire des cauchemars, no-
tamment si cela leur rappelle
d’autres événements traumati-
sants. Ainsi la mort des otages de
Vincennes nous rappelle celle des
6 millions de personnes tuées par le
régime nazi parce qu’elles étaient
juives…
Comment expliquer que tous
ces gens, qui ne connaissaient pas
les victimes, ne lisaient pas Charlie
Hebdo et n’étaient même pas
d’accord avec son discours,
semblent vivre un véritable deuil,
arborent le logo « Je suis Charlie »
et participent aux marches
et rassemblements ?
Nous sommes pris dans une conta-
gion émotionnelle. De même que,
lorsque l’on assiste à l’enterrement
de quelqu’un que l’on ne connais-
sait pas, on peut avoir du mal à re-
tenir ses larmes parce que l’on est
touché par l’émotion des proches
du mort.
nue de syndromes psychosomati-
ques et de récupérer sa dignité. Les
gens ont raison d’y aller ! Hier, j’ai
participé à un rassemblement et
nous étions tous indignés, mais
heureux d’être indignés. Face à de
tels événements, on a besoin de ne
pas rester passif, car rester passif
c’est se laisser traumatiser, se sou-
mettre à l’agression. L’action est
un excellent tranquillisant et la so-
lidarité un excellent sécurisant : on
est côte à côte et on lève nos
crayons, on maîtrise notre force,
nos émotions, on revalorise l’ima-
ge que l’on avait de nous…
Le silence qui a régné
sur ces rassemblements est-il
un garde-fou ?
Le silence permet de
contenir notre émotion,
de ne pas la laisser nous
embarquer. Lors des
rassemblements
qui ont fait suite
à l’attentat, on
a également
assisté à des
mises en scè-
nes très im-
pressionnantes
propres à dé-
clencher des
émotions, mais el-
les portaient un
discours que j’ai
éprouvé comme très
démocratique. Lorsque
« L’action est un le droit de vous exprimer et j’ai le
excellent tranquillisant droit de ne pas être d’accord avec
et la solidarité un ce que vous dites ». Le message
excellent sécurisant...», envoyé aux terroristes est : « on ne
analyse Boris Cyrulnik. va pas vous agresser, mais on ne se
MATHIEU BOURGOIS/
laissera pas faire ». On pourrait
LEEMAGE
parler de « résilience sociétale » :
les sociétés se redonnent une di-
gnité en ne se soumettant pas.
Cette indignation collective recèle-
t-elle aussi un danger ?
Oui, car cette contagion émotion-
nelle a les mêmes ressorts que celle
qui en entraîne d’autres vers le dji-
had. Lorsque l’on est indigné, on
peut perdre la raison, le pouvoir de
juger et d’émettre des idées. La
passion entraîne le passage à l’acte,
et l’on risque d’ajouter du crime au
crime si l’on s’attaque à des musul-
mans au motif que ce sont des mu-
sulmans qui ont commis ces atten-
tats. Au fond, il y a deux dangers
possibles : se taire, parce que l’on
s’en fiche ou que l’on a peur ; ou
parler et déclencher un racisme
antimusulman.
Mais ces rassemblements, la levée
de crayons, les slogans « Je suis
Charlie », sont partis de gestes
spontanés et n’ont pas été créés par
des responsables politiques…
Dans les rassemblements pacifi-
ques de ces derniers jours, la foule
aussi a été sculptée, et la façon dont
se fabriquent les foules est un dis-
cours politique. S’est-elle formée
rituel est au départ le fait d’une
personne, qui a fait quelque chose
qui a convenu à la foule.
Nos décideurs ont néanmoins sauté
sur l’occasion pour récupérer cette
force en marche, car elle leur per-
mettait de sculpter leur discours
politique, « Nous ne serons pas sou-
mis ». Le discours du frère du poli-
cier musulman tué lors de l’assaut à
Charlie Hebdo, par exemple, était
aussi une mise en scène théâtrale et
politique, mais extrêmement di-
gne : il a dit : « Cela nous concerne,
mais nous refusons de nous laisser
embarquer par la passion. »
Que restera-t-il de ces
mouvements lorsqu’ils ne feront
plus l’actualité ?
Qui aurait pu prévoir la Révolution
française ou Mai 68 ? On ne sait pas
bien ce qui a déclenché le mouve-
ment et ce qu’il deviendra. Je pense
que c’est une force en mouvement
qui va déclencher quelque chose.
Cela peut provoquer des ratonna-
des, un départ massif de Juifs
pour Israël… ou faire grandir la
solidarité et le respect. Imaginons
que cela déclenche une accepta-
tion véritable des croyances dif-
férentes, qu’elles soient religieu-
ses, scientifiques ou autres… Tout
dépend de ce que l’on va faire de
tout cela. ■
n En raison de l’actualité,
retrouvez le cahier « Santé »

événements est totalement diffé- Au niveau individuel, ces marches les gens brandissent un d’elle-même ou l’a-t-elle été ? et les rubriques habituelles du
rente. permettent de prévenir la surve- stylo, ils disent : « vous avez C’est une bonne question. Chaque Figaro mardi 13 janvier.

LE CARNET DU JOUR
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conférences
L'Association France-Israël
sous la présidence
de Gilles-William Goldnadel,
organise une conférence-débat
par
Guy Millière
écrivain, géopolitologue,
Voici revenu le temps
des imposteurs
le jeudi 15 janvier 2015,
à 20 heures, salon de la mairie
du XVIIe arrondissement de
Paris, 16-20, rue des Batignolles
Participation à prévoir.
Téléphone : 01 47 20 79 50,
contact@france-israel.org
En prise avec l'actualité,
l'Union libérale israélite
de France
vous convie le mercredi
14 janvier 2015, à 20 heures,
au grand débat
Les juifs et la France : crise,
rupture ou nouvelle alliance ?
Intervenants :
Michaël Bar-Zvi
docteur en philosophie et
auteur de « Israël et la France,
l'alliance égarée »,
Jacques Besnainou
auteur de « Ma Promesse »,
Laurent Greilsamer
journaliste, essayiste
et auteur de « La vraie vie
du capitaine Dreyfus »,
Laurent Joly
historien, chercheur au CNRS
et auteur de plusieurs travaux
sur l'antisémitisme
des années 1930.
Conférence ouverte à tous.
ULIF,
24, rue Copernic, 75116 Paris.
Information : www.ulif.org
RECEVEZ LE FIGARO CHAQUE JOUR CHEZ VOUS
deuils
Maryse,
Pierre et Françoise,
Daniel et Odette,
Michel et Christine,
Philippe et Nicole,
Bernard et Christine,
Raymond et Guylaine,
Josette (†) et Georges (†),
ses enfants et leurs conjoints,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants,
les familles Gorde et Jutier
ont la grande tristesse
de vous faire part du décès de
Marie-Louise DARTEVELLE
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
croix vermeil
de la Croix-Rouge Française,
ancienne infirmière
de la Croix-Rouge pendant
le guerre 1939-1945,
ancienne infirmière
à la mission France
de Médecins du Monde,
survenu le 7 janvier 2015,
dans sa 96e année.
Elle a rejoint son époux,
Pierre A. Dartevelle
décédé le 18 janvier 1987.
Marie-Louise Dartevelle
née Bazin,
a été membre du réseau créé
par le médecin-commandant
Raymond Debenedetti
(1901-1969),
son futur beau-frère,
responsable du service
de santé de la Résistance
de la région d'Auvergne,
à l'hôpital-sanatorium
Saint-Gabriel
de Clermont-Ferrand.
Ce dernier est devenu dès 1941,
un des premiers foyers
de la résistance médicale.
Les membres du réseau
furent dénoncés à la Gestapo
en octobre 1943.
Elle trouva refuge à
la Maison d'enfants de Sèvres
qui accueillait clandestinement
de nombreux enfants juifs.
Infirmière au Centre d'enfants
de la Croix-Rouge Française,
à Montmorency,
en février 1944, elle est envoyée
en mission sur les chantiers
des travailleurs de la SNCF
et participe aux activités
du réseau Résistance-Fer.
Elle y rencontrera son futur
mari Pierre A. Dartevelle
(1907-1987),
officier de la Légion d'honneur,
ingénieur Arts et Métiers et
École supérieure d'électricité,
combattant volontaire
des Forces Françaises
Combattantes (FFC),
inspecteur divisionnaire,
qui avait été contacté
par le polytechnicien
Jean-Guy Bernard,
organisateur du
Noyautage des Administrations
Publiques (NAP-Fer),
fondateur avec Louis Armand
de Résistance-Fer, pour
l'organisation de la résistance
dans l'arrondissement
de Paris-Montparnasse.
Après le décès de son mari,
elle a poursuivi pendant
près de vingt années
son engagement, cette fois
au service du quart monde,
comme infirmière
à Médecins du Monde.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mardi 13 janvier 2015,
à 15 heures, en l'église
Notre-Dame-de-Beauregard,
avenue des Étangs,
à La Celle-Saint-Cloud,
suivie de l'inhumation
dans l'intimité familiale,
au cimetière
de La Celle-Saint-Cloud.
La famille ne reçoit pas.
Elle remercie Florica qui,
aidée de Lavinio, Alina, Lidia
et Elisabeth, a apporté
assistance et soins en fin de vie.
21, avenue André-René Guibert,
78170 La Celle-Saint-Cloud.
D 252, allée de Dormillouse,
La Casse, 05290 Vallouise.
Paris (12e).
Mme Claude Delègue,
née Colette Herreman,
son épouse,
Laurence, Eric, Benoit
et Stéphanie,
ses enfants,
Edouard et Armelle,
Benjamin et Fanny, Clémence,
Lucie, Coline, Etienne,
Margaux, Romain, Agathe,
ses petits-enfants,
Malo, Alix, Eloi, Lore,
Juliette, Maxime,
Jules,
ses arrière-petits-enfants,
ont la douleur
de faire part du décès de
M. Claude DELÈGUE
survenu le 8 janvier 2015,
à l'âge de 93 ans, à Paris.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
du Saint-Esprit, 186, avenue
Daumesnil, à Paris (12e),
le mardi 13 janvier, à 14 h 30.
Ni fleurs ni couronnes.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Paris (18e).
Isabelle Blanc
et Andreas Straschil
et leurs fils,
Caroline Blanc,
ses petites-filles et conjoints,
Francis Blanc,
son gendre,
Jeannine Guigon,
sa sœur,
ont la tristesse
de faire part du décès de
Marie-Louise FABRE
née Cochet,
survenu le 8 janvier 2015,
à l'âge de 90 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Sainte-Jeanne-de-Chantal,
place de la Porte-de-
Saint-Cloud, à Paris (16e),
le vendredi 16 janvier, à 10 h 30,
suivie de l'inhumation à 12 h 15,
au cimetière de Montmartre,
20, avenue Rachel, Paris (18e).
Caroline Blanc,
10, avenue Rachel, 75018 Paris.
Anne-Marie, son épouse,
Thierry et Arnaud,
ses fils,
Louis et Hadrien,
ses petits-fils,
font part du rappel à Dieu
le 8 janvier 2015, de
Roland GIBAULT
La cérémonie religieuse
sera célébrée en l'église
Saint-Gilles, à Bourg-la-Reine,
le mercredi 14 janvier, à 10 h 30.
Etienne et Catherine Jouve,
François et Aimée Jouve,
Anne et Daniel Mathieu,
Sophie et Xavier
Langlois d'Estaintot,
ses enfants,
ses petits-enfants
et arrière-petits-enfants
ont la tristesse
de vous faire part du décès de
Nicole JOUVE
née Doynel,
survenu le 8 janvier 2015,
dans sa 86e année.
La cérémonie religieuse
aura lieu le vendredi 16 janvier,
à 14 heures, en l'église
d'Aumeville-Lestre (Manche),
suivie de l'inhumation.
8, rue Berteaux-Dumas,
92200 Neuilly-sur-Seine.
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LE CARNET DU JOUR
Mme Brigitte Hennessy,
Nicolas Lods,
Sophie et Lionel Lenczner
et leurs enfants,
Morgane, Swan et Anna,
Mme Claude Hersaint
et sa fille Evangelina
ont la tristesse
de faire part du décès de
Mme Monique HENNESSY
survenu le 27 décembre 2014,
à Territet (Suisse).
Une messe sera célébrée
à son intention
le samedi 17 janvier 2015,
à 16 h 30, en la basilique
Sainte-Clotilde, Paris (7e).
Sarzeau (Morbihan).
M. et Mme Bernard Laffrat,
Mme François
Bouly de Lesdain,
ses frère, belle-sœur et sœur,
ont le regret
de vous faire part du décès de
Mme Claude LAFFRAT
survenu le 8 janvier 2015,
dans sa 80e année.
La cérémonie religieuse sera
célébrée le mercredi 14 janvier,
à 14 h 30, en l'église
Saint-Saturnin de Sarzeau,
suivie de la crémation.
Ne recevant pas
de condoléances, la famille
remercie sincèrement
toutes les personnes qui
prendront part à sa peine.
Condoléances sur registre
et sur www.dansnoscoeurs.fr
M. Michel Laurent,
son époux,
Mme Sylvie Laurent
et M. François Trystram,
le docteur Bruno Laurent,
M. et Mme Philippe Brion,
ses enfants,
Cécile, Delphine, Sophie,
Maud, Adrien,
Benjamin, Camille, Flavien,
ses petits-enfants,
ses neveux, nièces
et leur famille
ont l'immense tristesse
de vous faire part
du rappel à Dieu de
Mme Michel LAURENT
née Josette Garnier,
le 9 janvier 2015,
à l'âge de 80 ans.
La cérémonie religieuse
sera célébrée le jeudi 15 janvier,
à 10 h 30, en l'église
Saint-Jacques de Compiègne.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Le conseil national
des communes
Compagnon de la Libération
le colonel (h.) Fred Moore,
délégué national,
les Compagnons
de la Libération
et les maires des communes
Compagnon de la Libération
ont le regret de faire part
du décès, survenu
le vendredi 9 janvier 2015,
dans sa 77e année, de
M. Loïc LE BASTARD
commandeur
de la Légion d'honneur,
chevalier
de l'ordre national du Mérite,
secrétaire général
de l'ordre de la Libération
de 1990 à 2012.
La cérémonie religieuse
sera célébrée
le mardi 13 janvier,
à 15 heures, en l'église
Notre-Dame-de-Lourdes,
à Vannes (Morbihan).
199 € Chèque bancaire ou postal à l’ordre du Figaro
lundi 12 janvier 2015
15
Paris (16e). Versailles (Yvelines). La vicomtesse
Pierre de Rochebouët,
Nadia Yakhlaf-Lallemand,
sa fille,
Pascal Nicq,
son époux,
née Alix Walsh de Serrant,
son épouse,
Mme Jacques Lallemand,
sa belle-sœur,
Magdeleine Huchot,
sa mère,
Charles-Henri, Hervé, s.j.,
Brigitte et Jacques de Bréon,
Odile et Loïc
Mme Dominique Lallemand, Clara et Thomas, Dartige du Fournet,
Mme Brigitte Lang, ses enfants, Sabine et Jacques Bouchez,
ses nièces, Romane, Marine et Maxime, Isabelle et Jean-Noël Vercherin,
ses petits-enfants, ses filles et gendres,
Mme Anne Ganachaud Claire-Elise et Fabien,
et ses frères, sa belle-fille et son gendre, ses 16 petits-enfants,
Mme François Birmann Catherine et Daniel, ses 7 arrière-petits-enfants
et ses enfants, sa sœur et son beau-frère,
vous font part
la famille Zaim font part du rappel à Dieu de du rappel à Dieu du
ont la tristesse vicomte
de faire part du décès de Chantal NICQ Pierre de ROCHEBOUËT
médaille militaire,
M. François LALLEMAND
le 8 janvier 2015, dans sa 93e année.
survenu le 8 janvier 2015, à l'âge de 64 ans, à Versailles.
à l'âge de 90 ans. La cérémonie religieuse
La cérémonie religieuse sera célébrée
La cérémonie religieuse sera célébrée en l'église en l'église Saint-Rémi de
sera célébrée en l'église Sainte-Bernadette, 7, rue Château-Gontier (Mayenne),
Saint-Honoré-d'Eylau, Saint-Nicolas, à Versailles, à 10 heures,
66 bis, avenue le mercredi 14 janvier 2015, le mercredi 14 janvier 2015.
Raymond-Poincaré, Paris (16e), à 10 h 30.
le vendredi 16 janvier, à 18 h 15.
L'inhumation aura lieu
Ni fleurs ni couronnes. à l'issue de la cérémonie,
au cimetière Notre-Dame,
20, rue Spontini, 75116 Paris. 15, rue des Missionnaires,
à Versailles.
Paris (7e).
Maryvonne Saison-Rambach
6, rue Henri-Simon, et Daniel Rambach,
Jacques Saison
78000 Versailles.
Christophe et Cynthia Lecerf,
et Laurence Ballone Burini,
Alexis et Véronique Monnier, ses enfants et leurs conjoints,
Nicolas et Nalan Lecerf,
Patricia Lecerf-Hickey,
ses enfants,
Floriane Saison
et Louis Merlin,
Bordeaux (Gironde). Hadrien et Arianna Rambach,
Margaux, Adrien, Guillaume Laura Saison,
Mme Marie Yvette Pellet,
et Victoria Lecerf, Laurie Saison et Jimmy Chelmi,
ses enfants et petits-enfants
Violette, Clément et Basile Marine et Anne
Monnier, Rousseau Rambach,
ont la tristesse
Chloé et Claire Lecerf Olivier et Aurore Saison,
et leur mère Shai-Ing Ho, de faire part du décès de ses petits-enfants,
Fiona, Sophie et Max Hickey
et leur père Paul Hickey, M. Jean Jacques PELLET Athène Rousseau Rambach,
ses petits-enfants, Héloïse Saison,
survenu le 6 janvier 2015.
Odyssée Rousseau Rambach,
M. et Mme Jean Lecerf, ses arrière-petites-filles,
M. et Mme Allan Law, La cérémonie religieuse
Mme Françoise de Bellescize, sera célébrée en l'église
Mme Hervé Bazin de Jessey, Saint-Seurin, à Bordeaux,
ont la tristesse
de faire part du décès de
Mme Roland Bazin de Jessey, le mardi 13 janvier, à 10 heures.
Mme Hubert Bazin de Jessey,
ses beaux-frères Martial SAISON
et belles-sœurs, expert-comptable,
ses neveux et nièces, Mme Josiane Ricard,
son épouse, survenu le 7 janvier 2015,
Mme Gisèle Favriou, M. Bruno Ricard, à l'âge de 93 ans.
sa fidèle amie, son fils,
Mlle Agnès Ricard, Les obsèques auront lieu
font part du retour à Dieu sa fille, au cimetière
le vendredi 9 janvier 2015,
à Paris, de
M. Jacques Ricard, de Meulan (Yvelines),
son frère, le mercredi 14 janvier 2015,
à 16 heures.
Mme Olivier LECERF ont la douleur
née Annie Bazin de Jessey. de vous faire part du décès de
La cérémonie religieuse
aura lieu le jeudi 15 janvier, M. Jean RICARD
à 9 h 30, en l'église Virgil et Virginia Hantar,
Saint-François-de-Molitor, ses enfants,
44, rue Molitor, Paris (16e). survenu le 7 janvier 2015, Emmanuel et Oana Hantar,
à l'âge de 71 ans. ses petits-enfants,
L'inhumation aura lieu Sophie, son arrière-petite-fille,
le même jour, au cimetière La cérémonie religieuse et toute la famille
de Reugny (Indre-et-Loire), sera célébrée le mercredi
ont la douleur
à 15 heures. Elle sera précédée 14 janvier, à 9 h 45, en l'église
de vous faire part du décès de
d'une bénédiction en l'église Notre-Dame-de-Grâce-
de Reugny, à 14 h 15. de-Passy, à Paris (16e),
Vladita-Elena TSASSIS
suivie de la crémation
Famille Lecerf, au cimetière du Père-Lachaise, née Dimache,
34 bis, rue Molitor, 75016 Paris. Paris (20e),
survenu le 8 janvier 2015,
dans la plus stricte intimité.
à l'âge de 102 ans.
Mme Josiane Ricard,
25, avenue de Lamballe, La cérémonie religieuse sera
Saint-Jean-de-Luz, Hendaye
75016 Paris. célébrée le mardi 13 janvier,
(Pyrénées-Atlantiques).
à 11 heures, en l'église
des Saints-Archanges, 9 bis, rue
M. et Mme Christian
Jean-de-Beauvais, Paris (5e),
Mahé-Desportes,
suivie de l'inhumation au
son fils et sa belle-fille,
cimetière parisien de Bagneux.
François-Alexandre M. François Richen,
et Stéphanie, ses enfants, beaux-enfants
18, rue Léon-Giraud,
Gonzague, et petits-enfants
75019 Paris.
ses petits-enfants,
Luna et Laia, vous font part de l'entrée dans
ses arrière-petites-filles, la Lumière du Seigneur de
parents et amis
ont la tristesse Maryelle RICHEN
remerciements
de vous faire part
du rappel à Dieu de
leur épouse, mère, belle-mère Ses enfants, petits-enfants,
Mme Germaine et grand-mère. arrière-petits-enfants
MAHÉ-DESPORTES et toute la famille,
née Ithurria, La messe de funérailles très touchés des marques
sera célébrée le mercredi de sympathie qui leur ont été
à Saint-Jean-de-Luz, 14 janvier 2015, à 10 heures, témoignées lors du décès de
dans sa 97e année. en la cathédrale Saint-Louis
de Choisy-le-Roi. Marie Rose LENOT
La cérémonie religieuse aura née Caron,
lieu le mardi 13 janvier 2015, Ni fleurs ni couronnes,
à 16 h 30, en l'église des dons aux organismes vous prient de trouver ici
Saint-Vincent d'Hendaye. de recherche sur le cancer. leurs sincères remerciements.
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 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
16 CHAMPS LIBRES
REPORTAGE
Dans de nombreux établissements scolaires en France, des élèves se sont recueillis en observant une minute de silence en hommage aux victimes de Charlie Hebdo (ici jeudi au lycée Jean-Perrin, à Lambersant, dans le Nord).
« Charlie » sur le front des lycées
Jean-Baptiste Garat
jbgarat@lefigaro.fr
J’
«
ai appris en plein cours
qu’un attentat avait eu
lieu », raconte Augustin*
avant de marquer une
pause. Derrière ses petites
lunettes fines, on devine
que l’enseignant revit la
scène. Le port droit, un vrai sourire un peu triste
quand il parle de ses élèves, ce professeur d’une
quarantaine d’années exerce depuis près de dix
ans maintenant. Et depuis toujours en zone d’édu-
cation prioritaire. Faire le récit de sa « semaine
noire » semble l’apaiser. En remontant le fil des
événements qui se sont déroulés depuis les atta-
ques terroristes, il cherche à comprendre pour-
quoi lui, le professeur, a douté de son métier, de sa
« foi d’enseignant », comme il l’appelle.
Mercredi, au milieu de son cours, un élève a
commencé à s’agiter, son téléphone portable à la
main. « Ce n’est pas la première fois que cela arri-
ve », explique Augustin. Malgré l’interdit strict, la
« bataille » contre les mobiles fait aujourd’hui
partie du quotidien des professeurs. L’enseignant
demande à l’élève de ranger son portable. « C’est
très grave, monsieur, il y a eu un attentat à Paris »,
explique-t-il. « Sur le coup, je n’y prête pas atten-
tion, poursuit Augustin. Après tout, ce n’aurait pas
été la première fois qu’un môme, pris sur le fait en
plein cours, raconte n’importe quoi pour se justi-
fier. » Mais l’élève insiste : « C’est très grave, il y a
eu des morts. Et vous savez quoi ? C’est des Juifs qui
ont tiré sur des Arabes. »
« Atteint dans ma République »
« À ce moment-là, j’ignorais tout de l’attentat et
c’était peut-être mieux ainsi, explique aujourd’hui
l’enseignant. L’élève a fini par ranger son portable
et nous avons repris le cours. » Plus tard dans la
journée, Augustin découvre la réalité du drame qui
se joue à Paris, l’ampleur de l’attaque terroriste
contre Charlie Hebdo, le nombre et le nom des
morts. Comme pour beaucoup de gens de sa géné-
ration, Cabu fait partie de ses souvenirs d’enfance,
lorsqu’il participait aux émissions de jeunesse
d’Antenne 2. Il n’est pas lecteur de Charlie mais
connaît bien et apprécie le travail de ses caricatu-
ristes. Au diapason des Français, Augustin est sous
le choc. L’attaque contre la liberté de la presse et la
liberté d’expression le « révolte ». Tout comme le
meurtre de policiers, fonctionnaires comme lui.
« Je suis atteint dans ma République », résume-t-il
en un souffle.
Cette année, Augustin enseigne l’espagnol dans
un lycée professionnel du Bassin parisien. Bâti-
ments anonymes des années 1960 cernés par un
parc, à mi-chemin entre deux cités et une zone
pavillonnaire. Cinq cents élèves, de 14 à 18 ans, qui
suivent principalement des cursus en CAP ou en
bac pro. « L’environnement est difficile, mais pas
plus qu’ailleurs », observe Augustin. Selon les sta-
tistiques, l’établissement fait même partie de ceux
qui progressent et qui a emmené, pour la deuxiè-
A
me année consécutive, un nombre croissant d’élè-
ves au bac. Pour se rendre au lycée où ils suivent
Augustin, professeur des formations spécialisées, certains adolescents
se plient au gymkhana des transports en commun :
en banlieue parisienne,
un enchaînement de cars, TER, bus et marche à
pied qui peut leur imposer plus d’une heure de
transport matin et soir. La majorité d’entre eux
raconte ses efforts
sont des enfants ou des petits-enfants d’immigrés.
La plupart sont de confession musulmane. « Il y a
pour discuter aussi quelques catholiques d’origine portugaise ou
espagnole, des témoins de Jéhovah et une poignée
avec ses élèves d’athées », complète le professeur.
Jeudi, en se rendant au lycée, Augustin a l’in-
de l’attentat tention de « faire son travail ». « Je suis prof, fonc-
tionnaire de l’État, c’est mon devoir, dans une situa-
contre « Charlie Hebdo » tion critique comme celle-là, d’expliquer ce qui se
passe, d’engager le débat avec des adolescents que
et leur expliquer la situation dépasse. De bien expliquer que ces gens-
là se sont attaqués à la République, à ses valeurs. On
ne peut pas laisser passer cela sans rien dire et je
la gravité n’en avais pas l’intention », raconte-t-il. Arrivé au
lycée, première surprise : aucune consigne n’est
des événements donnée par la direction de l’établissement aux en-
seignants. Augustin ne découvrira que plus tard la
de la semaine dernière. lettre du ministère de l’Éducation nationale de-
mandant à l’ensemble des personnels enseignants
De quoi mettre de « répondre favorablement aux besoins ou de-
mandes d’expression ».
à l’épreuve « Monsieur, personne ne nous en parle »
sa « foi d’enseignant ». Dans la cour, tout le monde ne parle que de ça.
En classe, le débat s’engage. Auprès des plus jeu-
nes, les troisièmes, Augustin mesure l’étendue du
gouffre qui le sépare de ses élèves. « Charlie, c’est
un policier qui a été assassiné », explique l’un
d’eux, sûr de son fait. « Beaucoup étaient à la fois
peu informés et mal informés », estime l’ensei-
gnant. Cette génération que l’on dit au fait des
nouvelles technologies se montre trop souvent
désespérément crédule devant les « informa-
tions » auxquelles elle a accès, la plupart du temps
à travers les réseaux sociaux. Si les adolescents
ignorent qui est « Charlie », ils ont en revanche eu
accès aux commentaires et aux vidéos qui, dès
mercredi, mettaient en doute le déroulement des
faits. La mort d’un policier en pleine rue ? « C’est
pas vrai, assure un élève. Sur la vidéo, le mec a tiré
et il n’y a même pas de sang. » « Tout cela est faux.
Un coup le rétroviseur est noir, un coup le rétrovi-
seur est blanc », explique un autre.
Augustin se sent assez isolé dans son établisse-
ment. Une poignée seulement de ses collègues a
engagé la discussion en cours. « Monsieur, vous
êtes le seul à le faire, personne ne nous en parle »,
s’étonnera un élève auprès de lui. En fin de mati-
née, le proviseur donne finalement une consigne :
les enseignants qui font cours à midi demanderont
une minute de silence, explique un mail envoyé à
Je suis prof, fonctionnaire de l’État,
c’est mon devoir, dans une situation
critique comme celle-là, d’expliquer
ce qui se passe, d’engager le débat avec
»
des adolescents que la situation dépasse
AUGUSTIN, PROFESSEUR DE BANLIEUE
S. MORTAGNE/PHOTOPQR/VOIX DU NORD
11 h 45. « Sans plus d’explications. » À l’heure dite,
Augustin est à la cantine comme une grande partie
des élèves. Le personnel suspend le service tandis
que dans le réfectoire, les adolescents poursuivent
leur déjeuner. « Ils n’étaient pas particulièrement
bruyants mais il n’y avait pas de silence. Et pour
cause, il n’y a eu aucune annonce, aucune informa-
tion donnée aux élèves, raconte le professeur.
Quand ils ont réalisé que l’heure était passée, cer-
tains se sont dits choqués qu’il n’y ait pas eu de mi-
nute de silence. » Un professeur, en classe à la
même heure, n’a pas interrompu non plus son
cours. Des parents ont depuis appelé la direction
pour demander des explications.
Dans l’après-midi, Augustin poursuit le débat
avec ses élèves, essaie de démonter un à un leurs a
priori. Beaucoup ne comprennent pas le traite-
ment médiatique et politique de l’événement.
« Douze morts, c’est rien à côté de ce qui se passe en
Palestine », explique l’un. « Tout cela, c’est fait
pour faire du buzz », assure une autre. « La Syrie,
la Palestine, les attentats, Nabilla, Dieudonné… Tout
se confond dans leur esprit et tout se vaut, constate
l’enseignant. Si on ne les aide pas à faire le ménage
dans leur tête, comment voulez-vous que quelque
chose de bien en sorte ? »
Quand la discussion s’engage sur le travail des
journalistes assassinés, la liberté de la presse ou la
laïcité, le débat est âpre. « Pour tous, Charlie Heb-
do c’est le journal qui publie des caricatures de Ma-
homet et ils ne l’acceptent pas », constate Augustin.
Les élèves confondent les dessins qui montrent
Mahomet et ceux qui représentent des djihadistes,
« parce qu’à partir du moment où il y a une barbe,
c’est le Prophète », raconte Augustin. Qu’ils aient
14 ou 18 ans, il reste difficile de leur faire com-
prendre où s’arrête l’humour, où commence le
délit, pourquoi le blasphème n’est pas interdit.
« Ils sont les premiers à adorer le rappeur Booba qui
chante “J’me lave le pénis dans l’eau bénite”, relè-
ve Augustin. Alors à force de discussion, on parvient
à faire admettre à la plupart que ce qu’ils considè-
rent comme une faute est aussi un droit. »
L’échange même est parfois impossible
À la plupart, mais pas à tous. « Même quand on
parvient à leur arracher que donner la mort est non
seulement un interdit de l’islam mais surtout un cri-
me, il y en a toujours un qui finit par t’expliquer que
“les mecs de Charlie l’ont bien cherché”. Et c’est
reparti pour un tour. »
Après sept heures de cours, « sept heures à leur
expliquer les valeurs de la République et pourquoi
ce qui se passait était grave », Augustin est ren-
tré chez lui « liquéfié ». Avec d’autres élèves, le
vendredi n’a pas été plus calme. Le professeur a
dû interrompre un cours avec une classe trop
difficile. « On partait de trop loin, avec trop d’a
priori. Je m’étais préparé en leur proposant un
échange sur l’impact mondial qu’avait cet événe-
ment. Pour au moins leur faire comprendre qu’il se
passait quelque chose et que cela méritait qu’ils y
réfléchissent. Mais l’échange même était impossi-
ble. » À l’inverse, certains élèves, rétifs la veille,
avaient préparé des affichettes « Je suis Char-
lie ». « “Moi, j’irai manifester”, m’a expliqué
l’une d’elles. Au moins une. »
Dimanche, Augustin s’est joint lui aussi aux
marches républicaines. Ce lundi, il retourne mettre
à l’épreuve sa foi d’enseignant devant ses élèves. ■
* Le prénom a été changé.
 lundi 12 janvier 2015

CHAMPS LIBRES
LE FIGARO

INTERNATIONAL 17

Après six mois de guerre,

l’État islamique est-il affaibli ?
La campagne menée Adrien Jaulmes
nes, qui n’ont pas fait preuve jusqu’à pré-
sent d’une grande pugnacité pour rega-
principal effet de la campagne aérienne a
été de réduire considérablement les ca-
dans des circonstances peu claires. Le
ministère de l’Intérieur saoudien a

par les États-Unis ajaulmes@lefigaro.fr gner le terrain perdu.

En Syrie, les bombardements de la coa-
pacités financières du califat, qui ne peut
plus exporter autant de pétrole. Les per-
d’abord dit que l’attaque avait été re-
poussée, mais le commandement des

et leurs alliés contre lition n’ont commencé que le 23 sep-

tembre. Ils ont là aussi permis d’arrêter
tes en hommes sont moins graves, les dji-
hadistes pouvant remplacer leurs com-
gardes-frontières a ensuite annoncé la
mort du commandant de la frontière

le groupe djihadiste MOYEN-ORIENT Six mois après le dé-

en partie l’avance des djihadistes, mais
sans les faire reculer de façon sensible.
battants relativement facilement, mais
celles en matériel militaire peuvent se
Nord, le général Oda Miwad al-Balaoui,
ce qui semble exclure qu’il se soit agit

a réussi à enrayer but de la campagne internationale, le

proto-État djihadiste ne s’est pas délité
La majorité de ces bombardements ont
eu lieu à Kobané, la ville syrienne kurde
montrer plus gênantes puisque le gros de
l’équipement des djihadistes a été captu-
d’une simple escarmouche, mais plutôt
d’une opération planifiée. L’aviation

sa progression, mais comme celui des talibans pendant l’hiver

2001 en Afghanistan. L’essentiel des ter-
à la frontière turque. Ils ont permis, non
sans mal, d’empêcher la ville de tomber
ré à l’armée irakienne et ne peut pas être
fabriqué sur place.
saoudienne serait intervenue contre
Daech à l’intérieur du territoire irakien.

ne l’a pas vaincu. ritoires conquis reste sous son contrôle : entre les mains des djihadistes. Les Pour rendre plus efficaces ces bombarde-

le « califat » autoproclamé existe tou-
De nouveaux jours, de Mossoul et Falloudja en Irak jus-
qu’aux portes d’Alep et au sud de Damas
progrès passeront en Syrie. Mais il a perdu l’initiative et n’a
pas conquis de nouvelle ville depuis la
combattants kurdes syriens ont résisté à
l’État islamique, largement grâce aux
bombardements et aux livraisons d’ar-
mes américaines. Ils contrôlent les trois
quarts de l’agglomération, mais l’État
❙ETLADIFFÉRENTE
ments aériens, il est à présent nécessaire SITUATION EST-ELLE
de les coordonner avec l’action de trou-
pes au sol. La coordination avec les forces
EN SYRIE
EN IRAK ?
kurdes est bonne et a permis la reprise
d’une partie du terrain perdu par les pe- Le front syrien est beaucoup plus com-

par une offensive prise de Hit à l’automne. islamique tient encore des positions
d’une ville dévastée.
chmergas. Elle l’est nettement moins
avec l’armée irakienne, ce qui pourrait
pliqué qu’en Irak. Alors que Bagdad est
un allié de la coalition, le régime de Ba-

terrestre. ❙SURQUELS SONT progressivement s’améliorer avec l’arri- char el-Assad reste officiellement un

❙PEUVENT
EST-CE QUE vée des conseillers américains à Bagdad. ennemi pour les Occidentaux, comme
LES RÉSULTATS En Syrie, la coordination est bonne avec pour les monarchies du Golfe ou la Tur-
LE TERRAIN LES OPÉRATIONS les Kurdes comme à Kobané, mais il quie. L’armée syrienne profite théori-
DES SIX PREMIERS MOIS CONTINUER n’existe en revanche aucune coordina- quement des frappes de la coalition, et
D’OPÉRATION SANS L’ENVOI DE TROUPES tion entre l’armée syrienne et l’aviation l’aviation syrienne a bombardé parfois
DE LA COALITION CONTRE AU SOL ? de la coalition. les mêmes cibles que les avions améri-
cains. Mais l’armée syrienne manque de
L’ÉTAT ISLAMIQUE ?
❙SONL’ÉTAT
Comme dans la plupart des derniers ISLAMIQUE EST-IL troupes entraînées. Après quatre ans de

Syrie et Irak : La campagne menée par les États-Unis et

leurs alliés contre l’État islamique a réussi
conflits contemporains, l’efficacité de
l’arme aérienne diminue au fil du temps.
EN MESURE DE RELANCER
OFFENSIVE ?
guerre, les unités sont usées et se
contentent de tenir leurs positions dans

6 mois après à enrayer sa progression, mais ne l’a pas

vaincu. Elle n’a pas non plus réduit de fa-
çon significative le territoire sous son
Les premiers objectifs « durs » ont été
bombardés : bâtiments administratifs,
casernes, matériel militaire lourd et raffi-
S’il ne semble plus en mesure de monter
des offensives de grande ampleur, l’État
l’ouest du pays. L’armée de Bachar el-
Assad n’a pas été en mesure de lancer
une offensive vers l’est et de reprendre
l’intervention contrôle. En Irak, l’avance éclair des dji-
hadistes, qui les avait menés de Mossoul
neries et installations pétrolières, d’où
l’État islamique tire le gros de ses reve-
islamique a conservé au moins en partie
sa capacité d’action, même diminuée.
les provinces conquises par les djihadis-
tes. Elle tient ses positions, à Damas et
des forces de jusqu’aux portes de Bagdad et d’Erbil en
juin 2014, a été stoppée. Et ce en grande
nus. Mais l’aviation atteint ses limites. La
liste des cibles se réduit et le risque de
Ses opérations sont plus limitées, mais
continuent, en Syrie comme en Irak. Les
dans l’Ouest, mais l’offensive annoncée
pour reprendre le contrôle d’Alep n’a

la coalition partie grâce à l’aviation américaine qui a

commencé ses opérations le 8 août. L’ap-
pui de la coalition a permis d’arrêter la
dommages collatéraux augmente. La
coalition bombarde une armée sans uni-
formes, qui circule dans des véhicules ci-
djihadistes ont recours en Irak à un mé-
lange de terrorisme et d’attaques classi-
pas réussi à gagner du terrain. L’État is-
lamique a aussi lancé des attaques au sud
ques, utilisant comme pendant l’insur- de Damas.

1 Le contrôle déroute de l’armée irakienne et des pe-

du territoire
TERRITOIRE SOUS LE CONTRÔLE :
de l’État islamique (Daech)
des forces irakiennes
du régime syrien
de l’Armée syrienne libre ou d’al-Nosra
des pechmergas kurdes
Les régions désertiques apparaissent
en hachuré blanc sur la carte
chmergas kurdes. Encadrés et équipés
par les Occidentaux, les Kurdes ont repris
en partie le terrain perdu, ainsi que le
Mont Sinjar, cette crête désolée où
s’étaient réfugiés les yazidis fuyant les
massacres commis par les salafistes du
nouveau califat contre leurs communau-
tés. Plus au sud, les forces irakiennes sont
parvenues à tenir le terrain aux appro-
ches de Bagdad. L’Iran est aussi intervenu
au profit de ses alliés chiites à Bagdad.
Mais l’État islamique a consolidé ses posi-
tions dans la province d’al-Anbar et
continue de harceler les forces irakien-
vils et a appris à s’adapter au danger aé-
rien. Les combattants ne campent pas en
plein désert mais sont installés dans des
villes et des agglomérations. Ils ne crai-
gnent pas les victimes civiles collatérales,
qui ne font que renforcer l’hostilité de la
population envers les Américains. L’éli-
mination des cadres et des dirigeants de
l’État islamique ne devrait pas non plus
produire de résultats significatifs. Depuis
l’élimination de Zarkaoui, le premier
chef de l’organisation qui deviendra
l’État islamique en 2006, et de ses deux
successeurs, un nouveau chef est venu
chaque fois remplacer le précédent. Le
rection contre l’occupation américaine
des engins explosifs improvisés et lan-
De plus, le régime syrien doit faire face à
une rébellion beaucoup moins morcelée
çant des attaques surprises contre les
forces irakiennes et kurdes. Ils se sont
qu’auparavant, l’État islamique et le
mouvement rival djihadiste Jabhat al-
emparés de plusieurs villages dans la Nosra étant devenus rapidement les
province d’al-Anbar, mais n’ont plus principales forces rebelles. L’Armée sy-
conquis aucune grande ville depuis la rienne libre est exsangue et les centaines
prise de Hit en octobre. Il est possible de factions insurgées se sont débandées
que l’État islamique choisisse de lancer ou ont rejoint les djihadistes. Le pro-
une offensive dans d’autres directions, gramme d’entraînement de « rebelles
vers l’ouest de la Syrie ou vers la Jorda- modérés », sur lesquels entendent s’ap-
nie. L’organisation a pour la première puyer les Occidentaux, si tant est qu’il
fois attaqué l’Arabie saoudite le 5 jan- soit possible, est un processus long et
vier. Des combats ont éclaté au poste de hasardeux.
Souef, dans la région de Jadidat Arar,

Kurdistan autonome irakien

433 attaques 50 km
❙ENPOURQUOI LA COALITION
N’EST-ELLE PAS
MESURE DE PASSER
TURQUIE 149
À L’OFFENSIVE ?
L’État islamique continue de bénéficier
Kobané de la division de ses ennemis. Les parte-
Yaroubiya Dohouk
20 Barrage de Mossoul naires de la coalition ne partagent pas
84
tous les mêmes objectifs contre Daech.
Hassetché 28 Infographie
Les États-Unis et les Occidentaux voient
Mossoul
Sources : Reuters, BBC, l’entité djihadiste comme le principal
Alep Raqqa Sinjar Tal Afar Qaraqosh Erbil New York Times
10 ennemi, tout en continuant à s’opposer,
80 du moins officiellement, au régime de
72 Zumar 61
42 Damas. La Turquie d’Erdogan continue
56 de considérer la lutte contre Bachar el-
Lattaquié Deir ez-Zor Haouidja Kirkouk Assad comme prioritaire et à se méfier
des Kurdes. En refusant de laisser les
73
Hama avions américains utiliser les bases tur-
ques, Ankara a montré que son apparte-
Homs
SYRIE 41
Baiji
nance à l’Otan n’était que nominale.
IRAN L’armée turque n’a pas bougé à Kobané,
*Seul figure le nombre d'attaques des régions et des villes ayant été attaquées plus de 9 fois sur la période

17 Tikrit
Qaim laissant les Kurdes se battre contre les
combattants de l’État islamique à quel-
LIBAN Samarra
ques centaines de mètres à peine de ses
Haditha positions. Certains pays du Golfe et
12
Baqouba l’Arabie saoudite redoutent presque
19 26 autant une victoire de l’État islamique
Damas Al Walid Falloudja que sa défaite, qui signifierait une vic-
Ramadi
Bagdad toire pour l’Iran et son allié syrien.
IRAK 38
68
Rutba

❙ QUE VA-T-IL SE PASSER ?

Golan 18
Deraa Trebil
Karbala L’État islamique a perdu deux de ses
JORDANIE principaux atouts, la rapidité et l’effet de
surprise. L’aviation de la coalition l’em-

2 Bien que stoppé... Nadjaf pêche de concentrer ses combattants et

de les déplacer aussi rapidement
qu’avant. Il lui reste toutefois un terri-
Territoire reconquis par les pechmergas
toire important, à cheval sur deux pays,
Aide iranienne au gouvernement irakien Poste frontière de Souif et rien n’indique pour le moment que les
Nombre de frappes aériennes de la coalition États irakien ou syrien soient en mesure
du 8 août au 31 décembre 2014* Nassiriya de reprendre le contrôle de ces régions,
ARABIE SAOUDITE peuplées en majorité d’Arabes sunnites,
NOMBRE D’ATTAQUES AÉRIENNES qui, même s’ils ne soutiennent pas tous
Irak 880 Syrie 665
3 ... Daech ne recule pas Bassora l’État islamique, rejettent en masse leurs
gouvernements respectifs. La concen-
200 tration de la rébellion syrienne autour
Continue d’accueillir des djihadistes venus de l’extérieur
150 des deux principales organisations dji-
Maintient sa capacité financière grâce au pétrole de contrebande hadistes, l’État islamique et Jabhat al-
100 (champs d’hydrocarbures sous son contrôle) KOWEÏT Nosra, n’augure rien de bon non plus.
Essaye d’étendre le conflit au-delà de l’Irak et de la Syrie Même si l’objectif fixé par Obama de
50
(attaque d’un poste frontière saoudien, causant la mort de « dégrader » les capacités de Daech peut
A

0 être atteint, le problème djihadiste n’est

trois soldats saoudiens dont un général)
Août Sept. Oct. Nov. Déc. pas prêt d’être réglé. ■
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
18 CHAMPS LIBRES
DÉBATS
Jean-Pierre Le Goff : « Il ne faut pas que l’émotion
et l’indignation emportent tout »
PROPOS RECUEILLIS PAR
ALEXANDRE DEVECCHIO
adevecchio@lefigaro.fr
LE FIGARO. - Que révèle
la mobilisation historique
de ce week-end ?
Jean-Pierre LE GOFF. - Le mouvement
d’indignation et de solidarité qui s’est
élevé dans tout le pays contre
la barbarie du terrorisme islamiste fait
chaud au cœur. C’est un fort sentiment
patriotique et d’attachement
aux valeurs républicaines qui s’est
exprimé avec force, avec l’appui
fraternel des autres pays européens,
des États-Unis et de tous les peuples
du monde attachés aux valeurs
démocratiques. Telle est la première
leçon essentielle qu’il s’agit de retenir.
Elle nous réconforte. Mais l’émotion,
l’indignation et l’indispensable unité
nationale ne doivent pas
nous empêcher de réfléchir
et de commencer à tirer les leçons
de l’épreuve que nous traversons.
DESSINS CLAIREFOND
Lesquelles ?
Avec ces meurtres
ENTRETIEN terroristes
Jean-Pierre Le Goff, né en 1949, de sang-froid, c’est
est philosophe de formation, écrivain et toute une mentalité
sociologue au CNRS. Ses ouvrages portent pacifiste et angélique,
présente
sur les évolutions problématiques de la société en France et dans
française, notamment les paradoxes de Mai 68 nombre de pays
et le gauchisme culturel. Son dernier livre, européens depuis
La Fin du village. Une histoire française, plus de trente ans,
est paru chez Gallimard en 2012 qui vole en éclats. Il
n’en résulte pas
nécessairement une claire
compréhension de ce qui nous arrive
et de ce à quoi nous avons affaire.
La vision de la souffrance et de la mort,
relayée et diffusée en continu
à la télévision, nous confronte
soudainement à l’horreur, déstabilise
les repères du sens commun. Tels sont
du reste les buts visés par ces criminels
qui jouent sur la terreur et ses effets
de sidération. Devant la barbarie,
l’émotion et l’indignation risquent
de tout emporter. Les efforts
de compréhension et de résistance
semblent un moment suspendu :
comment cela a-t-il été possible ?
Comment peut-on en arriver
à commettre de tels actes barbares ?
Le terrorisme cherche à créer
un sentiment d’impuissance
devant une menace diffuse
qui semble pouvoir surgir à tout
instant. Il installe ainsi un climat
permanent d’angoisse
et d’insécurité dans la population.
Le terrorisme islamiste s’accompagne
d’un discours de haine contre
l’Occident, contre « les juifs
et les croisés » et tous les représentants
de Satan. Pour des citoyens vivant
dans un pays démocratique moderne
qui a pu se croire à l’abri des désordres
du monde, ce vocabulaire paraît
fou et d’un autre âge, accentuant
A
un peu plus le caractère
incompréhensible des crimes commis.
Nous cherchons trop d’excuses ?
Un sociologisme réducteur considère
que les discours de haine et les actes
criminels ne sont que les symptômes
des conditions économiques et sociales,
des discriminations, de la domination
des pays riches sur les pays pauvres…
L’illusion consiste alors à penser
que la lutte contre le terrorisme
peut se limiter à « assécher son
terreau » en s’attaquant aux conditions
économiques, sociales, politiques…
qui le rendent possible. C’est comme si,
nous retrouvant face à un meurtrier
bien décidé à nous tuer et qui nous
le fait savoir, notre premier réflexe
était de ne pas le prendre tout à fait
au sérieux, l’important en l’affaire
étant avant tout de connaître
les causes « objectives » (et non
« idéologiques ») qui le poussent
à vouloir nous supprimer. Une telle
perversion de la pensée qui se coupe
du monde et de l’expérience commune
n’est pas sans rappeler la réaction
d’intellectuels qui, face à la montée
du nazisme en Allemagne, avaient
chacun leur théorie sur Hitler
et se laissaient prendre au piège de leur empêchera de cultiver votre jardin. »
propre construction. Un tel type
de posture et de réaction première
s’apparente à un aveuglement,
à un refus de se confronter à une
mentalité fanatique qui désarçonne
nos références morales et nos cadres
de pensée. Ce discours de l’excuse
a assez duré. Avec ce qui vient
de se passer, cette attitude présente
chez une partie de la jeunesse,
d’intellectuels gauchistes
et de journalistes militants
est désormais en morceaux.
On parle aussi volontiers
de déséquilibrés...
On peut essayer de se raccrocher
à des explications psychologiques
(des « fous » accomplissant des actes
insensés), et les cellules psychologiques du droit et de dialogue entre les
sont là pour aider à sortir
du traumatisme. Mais, là aussi,
si la dimension psychologique,
psychiatrique, est bien réelle,
elle ne saurait pour autant rassurer.
Le fanatisme religieux, en l’occurrence
islamiste, les idéologies meurtrières
ne sont pas seulement l’expression
débridée de pulsions destructrices,
ils s’articulent à un système
de croyances qui ont leur consistance
propre, mettent en jeu des conceptions
du monde, de la vie et de la mort,
du pouvoir… désignent l’ennemi
à combattre et à éliminer. C’est cette
réalité qu’ont du mal à affronter
des individus autocentrés qui voient
le monde comme le prolongement
d’eux-mêmes, de leurs relations
affectives et de leurs sentiments. Dans
une société morcelée et déconnectée
de l’histoire, la psychologie a tendance communautaires qui ont développé le
à s’ériger en nouvelle explication
globale du monde, tandis que l’émotion
et la morale des bons sentiments
envahissent le discours politique. Telles notre pays et les démocraties partout
me paraissent être les failles de notre
compréhension et de nos réactions.
Il ne faut pas craindre d’affronter
lucidement la question des faiblesses
internes des démocraties, sur lesquelles
cherche précisément à s’appuyer
le terrorisme islamiste.
Nous sommes donc naïfs
face à des ennemis implacables ?
En France et au sein d’autres pays
européens, une partie de l’opinion a
encore du mal à admettre que nous
puissions avoir des ennemis qui veulent
nous détruire et qu’il faut combattre
« En France, en guise de récit
national, une mémoire
pénitentielle et victimaire
a pris le dessus » , on a voulu
avec la plus grande fermeté dans le
cadre d’un État de droit. On signe des
pétitions, on allume des bougies, on se
tient la main, on manifeste en silence…
Ces manifestations expriment
l’indignation et la solidarité avec les
victimes, elles montrent l’unité d’un
pays dans le refus du terrorisme. Mais la ex nihilo, venant d’on ne sait où et
façon dont elles font valoir les valeurs s’abattant sur le pays comme une
démocratiques ne saurait laisser
entendre que tout pourrait être affaire
d’ouverture, de tolérance, en dehors de
la force, de la puissance,
de la fermeté qui permettent
de défendre ces valeurs démocratiques.
Il n’y a pas si longtemps, en 2004, la
« nuit blanche » de la mairie à Paris
fut dédiée à la fois à Françoise Sagan
(« une femme qui a aimé la nuit »)
et à tous ceux qui étaient pris en otage, l’antifascisme en posture identitaire
ce qui en dit long sur le décalage
existant entre un certain type
de mentalité festive et les nouveaux
défis qui sont posés aux sociétés
démocratiques. Le problème, disait
Julien Freund, est que, même si vous ne
voulez pas d’ennemi, « c’est l’ennemi
« Comment de jeunes Français
convertis à l’islam en sont-ils
arrivés à adhérer à l’islamisme
radical et à des groupes barbares ?
qui vous désigne » : « Et s’il vous choisit défis du présent et fait le lit
vraiment comme ennemi, vous pouvez lui
faire les plus belles prestations d’amitié. à une gauche bête et sectaire, qui ne vit
Du moment qu’il veut que vous soyez
l’ennemi, vous l’êtes. Et il vous
Nous sommes en guerre ?
Qu’on le veuille ou non, la France est
en guerre contre le terrorisme islamiste
en Afghanistan, au Mali, en Irak, et ce
terrorisme a des relais au sein de notre
pays. Ce sont précisément ces réalités
que beaucoup d’entre nous ont du mal
à regarder en face, parce qu’ils vivent
depuis des années dans l’illusion
d’un monde pacifié. La perspective
supposée d’une fin de l’histoire
impliquait en même temps celle de la
fin du tragique qui lui est inhérent.
Celle-ci s’est accompagnée d’une
éthique des droits de l’homme et d’un
libéralisme économique qui ont pu
laisser croire que tout était désormais
affaire de « gouvernance », de respect
peuples, en oubliant le jeu des intérêts,
des rapports de force, des volontés de
puissance… Les politiques qui s’y
trouvaient confrontés ne pouvaient
l’ignorer, mais la façon dont ils ont fait « djihadistes » ou de les envisager
valoir la construction européenne a
renforcé les illusions existant au sein
d’une partie de l’opinion qui a
tendance à confondre la politique avec
les « droits de l’homme », voire avec la
morale de la bonne intention. Tel a été
le point aveugle des sociétés
démocratiques européennes « post-
totalitaires », encore marquées par les
souvenirs des guerres dévastatrices et
des barbaries qui ont eu lieu sur leur
sol. En France, en guise de récit
national, une mémoire pénitentielle et
victimaire a pris le dessus, encouragée
et entretenue par des associations et
des groupes de pression
ressentiment et la haine de soi. Cette
mentalité nous divise et nous désarme
face à ceux qui ont juré de mettre à bas
dans le monde. L’unité nationale dans
le combat contre le terrorisme islamiste
implique d’en finir avec cette
mésestime de soi.
Les responsables politiques ont dénoncé
la barbarie de cet attentat sans toujours
nommer l’ennemi…
Jean-François Kahn a rappelé dans
vos colonnes qu’il a fallu attendre
le FN pour que les mots « terroristes
islamistes » soient employés ! Dans sa
première déclaration, Marine Le Pen
parlait clairement face à l’embarras de
certains hommes politiques à dire que
nous étions en
guerre et à
nommer nos
ennemis.
Antérieurement
essayer de
remplacer à tout
prix « État
islamique » par « Daesh », en
expliquant que cela éviterait une
« confusion avec islam, islamisme,
musulmans ». La crainte justifiée des
amalgames ne peut servir d’argument
pour ne pas regarder la réalité en face,
en parlant d’un terrorisme indéfini créé
catastrophe naturelle. Il en va de même
des craintes et des allusions constantes
à la montée de l’extrême droite en
Europe, qui « zappent » et évitent
le sujet. Sans parler des allusions
constantes à la « zemmourisation des
esprits », voire au livre de Houellebecq
et aux amalgames les plus grossiers
de journalistes militants de gauche qui,
depuis des années, ont transformé
et de valorisation dans les médias
bien-pensants. Tout cela est dérisoire et
lamentable, pour ne pas dire indigne,
face aux épreuves que connaît notre
pays. Il faut le dire clairement :
la reductio ad Hitlerum, l’obsession
du « fascisme montant » sur le modèle
passé sont
une forme
d’enferme
ment
mental qui
» se refuse à
affronter
les
nouveaux
de l’extrême droite. Ce petit jeu propre
que dans un face-à-face délétère
avec ce qu’elle dénonce, a assez duré.
Le refus de tout amalgame, la lutte
contre l’islamophobie et la répression
des attaques contre les mosquées,
comme tous les autres lieux de culte,
ne sauraient passer outre des questions
légitimes que se pose l’opinion :
comment en est-on arrivé à ce que
la France soit devenue un pays où
l’on tue des citoyens pour blasphème
et liberté d’opinion, où l’on agresse
et l’on assassine des enfants
et des citoyens parce qu’ils sont
« juifs » ? Comment de jeunes Français
convertis à l’islam en sont-ils arrivés
à adhérer à l’islamisme radical
et à des groupes barbares
et sanguinaires ? Comment
ont-ils pu partir faire le « djihad »
dans des pays en guerre et revenir pour
apporter la terreur dans notre pays
et dans d’autres pays démocratiques ?
Répondre à de telles questions
n’implique pas seulement de
comprendre les situations et la
psychologie particulières des
seulement comme de simples
mécanismes sectaires, mais
de réexaminer la façon dont depuis
des années on a laissé se développer
un islam fondamentaliste qui, s’il
ne se confond pas avec le terrorisme,
n’en a pas moins été souvent le terreau
premier des tueurs en question.
Ce qui implique d’aborder clairement le
délicat problème du financement
des mosquées et des imans prêchant
un islam intégriste et liés à des pays
avec qui nous entretenons de bonnes
relations. Il en va de même pour
les discours de haine et l’antisémitisme
qui se déploient quotidiennement
sur les réseaux sociaux.
Nous avons refusé de voir en face
la réalité ?
Les événements tragiques que connaît
notre pays sont une cruelle épreuve
du retour de la réalité après des années
de déni ou d’édulcoration de
phénomènes comme la montée du
communautarisme et de l’intégrisme,
les nouvelles formes de banditisme, le
développement de l’antisémitisme et de
l’islamisme radical… dont les acteurs de
terrain ont une conscience aiguë depuis
longtemps. Les travailleurs sociaux
dans les quartiers, les enseignants dans
des classes difficiles, les magistrats, les
policiers et les gendarmes, les services
de renseignements… n’ont cessé
d’alerter les pouvoirs publics. Affronter
ces réalités sans pour autant se sentir
désarmé n’a rien d’évident. Dans
ce domaine comme dans les autres,
le travail de reconstruction ne se fera
pas en un jour. Mais encore s’agit-il
de cesser de dénigrer nos idéaux
républicains au nom d’un
« multiculturalisme » invertébré,
d’un communautarisme et d’un
individualisme victimaires qui laminent
la confiance en nous-mêmes.
Nous ne pouvons plus en rester
à un relativisme culturel et politique
qui élude constamment la question
de savoir ce qui nous spécifie
comme pays et comme civilisation.
Un pays qui rend insignifiant son passé
se condamne à ne plus inventer
un avenir discernable porteur
des espérances d’émancipation ;
un pays qui ne croit plus en lui-même
est ouvert à toutes les servitudes. ■

Après l’émotion, le courage
Car l’évidence est là. Si dérangeante
Alexis Brézet soit-elle, il n’est plus possible de la nier.
abrezet@lefigaro.fr Les dix-sept victimes innocentes de ces
£@abrezet trois jours tragiques ne sont pas tom-
bées sous les balles d’une abstraction,
d’une horreur vague, d’une barbarie
[...] Suite de la page une indéfinie. Ils ont été lâchement assassi-
nés par des terroristes français, qui sont
nés chez nous, qui ont grandi chez
Cela ne veut pas dire, au contraire, nous, qui sont allés à l’école chez nous
qu’ils soient moins horrifiés par le dra- et dont le parcours criminel (multidé-
me ni moins pénétrés de leurs devoirs linquance, fanatisation carcérale, em-
vis-à-vis de la communauté nationale. brigadement à l’étranger) correspond
Par leur abstention « positive », à leur point par point à celui décrit depuis des
manière, ceux-là aussi ont contribué à
cette « union sacrée », infiniment ré-
confortante pour l’avenir de notre
pays… à condition que, passé ce mo-
lustres, dans la quasi-indifférence gé-
nérale, par les experts et les services de
sécurité. Ces tueurs ont peut-être des
complices. Ils feront sans aucun doute
ment de ferveur, nous sachions collec-
tivement tirer toutes les leçons de cet-
des émules. Ce péril a un nom : islamis-
me radical. Nous devons de toute ur-
te tragédie. gence le conjurer.
Ne nous leurrons pas, en effet. Contre Bien sûr, l’immense majorité des mu-
le terrorisme, l’émotion, la compas- sulmans français ne souhaitent qu’une
sion, l’indignation ne sauraient suffire. chose : pratiquer pacifiquement et tran-
Pour gagner, contre les soldats du cali- quillement leur religion, dans le respect
fat, cette guerre que l’on se décide enfin des lois de la République. Bien sûr, il est
à nommer, il faudra surtout du courage, capital de ne pas couvrir d’un injuste
de la force et de la détermination. Ce opprobre ceux qui ne le méritent en rien
sera long, difficile et douloureux. Rien et qui ont témoigné hier par leur pré-
ne serait pire que de voir les Français et sence en masse qu’ils n’avaient rien de
leurs dirigeants, cédant au vertige de la commun avec les fanatiques. Mais à for-
contemplation de soi, aux délices du ce de dénoncer sur tous les tons, pré-
narcissisme médiatique, s’enivrer au ventivement, et pour solde de tout
spectacle de la mobilisation d’hier pour compte, les dangers de l’« amalgame »
retomber demain, comme après l’affai- et de la « stigmatisation », à force de
re Merah, dans ce déni et cet aveugle- noyer toute analyse un peu lucide sous
ment auxquels nous avons longtemps, le gaz incapacitant de l’« islamopho-
trop longtemps, sacrifié. bie », nous finissons par nous interdire
CHRONIQUE
Nicolas Baverez Crise de l’euro : la saison 2
L’
nbaverez@lefigaro.fr
année 2015 devait
être l’année de la
relance de la zone
euro ; elle s’ouvre sur
la relance de la crise
de l’euro. Chute
de la monnaie unique face au dollar,
dévissage des places financières,
déchaînement des populismes :
la zone euro revient aux heures
sombres de 2012 quand
les interrogations se multipliaient
sur sa survie. L’Europe montre
un véritable génie pour se nuire
et dilapider ses chances de sortie
de crise, en annihilant
par ses divisions politiques une
donne économique qui s’améliorait.
Au départ, la conjonction de six
facteurs positifs fondait l’espoir
d’une véritable reprise de la zone
euro qui mettrait en échec les risques
de déflation. 1. La baisse du prix du
pétrole sous 50 dollars par baril.
2. La dévaluation de l’euro de 15 %
face au dollar. 3. Le maintien de taux
d’intérêt très bas avec le lancement
par la BCE d’un vaste programme
d’achats de dettes publiques.
4. La stabilisation des besoins
d’emprunts publics à 1 825 milliards
d’euros. 5. L’amélioration
spectaculaire de l’activité
et de l’emploi dans les pays dits
périphériques, y compris en Grèce,
qui a renoué avec la croissance
(3 % prévus en 2015), enregistré une
première décrue du chômage
(de 28 à 25 % de la population active)
et dégagé un excédent budgétaire
primaire. 6. L’intégration réussie
de la Lituanie qui témoigne
de l’attractivité persistante
de la monnaie unique.
En 2015, c’est la crise politique
qui engendre l’instabilité financière
et alimente la stagnation. Avec
pour moteur la dynamique infernale
des populismes. La mèche a été
allumée en Grèce par Alexis Tsipras,
leader du parti Syriza, donné favori
pour les élections du 25 janvier
“Sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur” Beaumarchais
Dassault Médias SOCIÉTÉ DU FIGARO SAS Directeur des rédactions
14, boulevard Haussmann 14, boulevard Haussmann Alexis Brézet
75009 Paris
75009 Paris Directeur délégué des rédactions
Président-directeur général
Paul-Henri du Limbert
Serge Dassault
Président Directeurs adjoints de la rédaction
Administrateurs
Nicole Dassault, Olivier Serge Dassault Gaëtan de Capèle (Économie),
Dassault, Thierry Dassault, Laurence de Charette (directeur
Jean-Pierre Bechter, Olivier Directeur général, de la rédaction du Figaro.fr),
Costa de Beauregard, Benoît
directeur de la publication Anne-Sophie von Claer
Habert, Bernard Monassier, (Style, Art de vivre, So Figaro),
Rudi Roussillon Marc Feuillée
Philippe Gélie (International),
CHAMPS LIBRES
OPINIONS
de voir - et, plus grave, de traiter - les
symptômes d’une terrible réalité.
Oui, l’islamisme existe. Oui, il existe
en France, comme dans le reste du
monde, des groupes violents qui haïs-
sent indistinctement les juifs et les
chrétiens, mais aussi les musulmans qui
ne partagent pas leur idéologie barbare.
Oui, il y a dans nos banlieues, dans nos
mosquées, dans nos prisons, des « reli-
gieux » qui prêchent la haine de la
France et de l’Occident. Oui, il existe
« Rien ne serait pire que de retomber net et des réseaux so-
dans ce déni et cet aveuglement
auxquels nous avons longtemps,
trop longtemps, sacrifié
chez nous des caches d’armes, des ser-
gents recruteurs pour les camps d’en-
traînement du Yémen ou de Syrie. Oui,
ce terrorisme islamiste s’enracine bien
dans une réalité sociale : celle d’un isla-
misme politique, radical, intolérant,
indifférent à la légalité, dont il importe
de circonscrire au plus vite les revendi-
cations si l’on ne veut pas qu’il fasse
chaque jour davantage d’émules. Voilà
pourquoi, s’il faut saluer la magnifique
mobilisation de dimanche, il faut aussi
s’attacher à dissiper certains malenten-
dus potentiels qu’elle emporte avec
elle. S’ils devaient s’installer, ils en rui- la démocratie représentative ne sera pas
neraient dramatiquement la portée.
Le premier de ces malentendus est
d’ordre politique. Penser qu’il suffit de
prochain, qui entend rester
dans l’euro tout en abandonnant
l’austérité, en engageant
un programme de relance de plus
de 12 milliards d’euros,
en renégociant enfin les 320 milliards
d’euros de dette publique (177 %
du PIB). Au-delà de la Grèce,
la poussée de l’extrême gauche
refusant l’ajustement et les réformes
structurelles s’observe dans
tout l’Europe du Sud, notamment
en Espagne. L’incendie s’est propagé
en Allemagne avec les prises
de position d’Angela Merkel,
qui s’est prononcée en faveur
d’une sortie de la Grèce de l’euro
en cas de victoire de Syriza.
Dès lors ressurgissent tous
les facteurs de vulnérabilité
de la zone euro qui justifient
l’inquiétude des marchés financiers :
l’absence de croissance et la déflation
(baisse des prix de 0,2 %
en novembre 2014) ; le chômage
structurel qui touche 11,5 %
de la population active ;
l’insoutenabilité de la dette publique
en Grèce (177 % du PIB), en Italie
(137 % du PIB) ou au Portugal (131 %
du PIB) ; l’implosion programmée
du modèle économique et social
français ; la fragilité du système
bancaire, qui n’a pas été restructuré
et recapitalisé contrairement
aux États-Unis ; la divergence
entre le nord et le sud de la zone ;
l’absence de coordination entre
les États qui prive d’efficacité
les mesures prises par la BCE.
Le programme
de Syriza
est irresponsable.
La rupture
avec l’austérité
et la volonté de restructurer
unilatéralement la dette grecque
ont déjà entraîné la suspension
de l’aide du FMI le 29 décembre
dernier, une fuite massive
des capitaux et l’effondrement
de la Bourse d’Athènes. Elles
Anne Huet-Wuillème Directeur artistique
(Édition, Photo, Révision), Pierre Bayle
Étienne de Montety
Rédacteurs en chef
(Figaro Littéraire),
Graziella Boutet
Bertrand de Saint-Vincent
(Infographie)
(Culture, Figaroscope, Télévision)
Frédéric Picard (Édition)
et Yves Thréard (Enquêtes,
Éditeur
Opérations spéciales, Sports)
Sofia Bengana
Éditeur adjoint
Robert Mergui
lundi 12 janvier 2015
LE FIGARO
19
« marcher » contre le terrorisme té- reur) est que le peuple est descendu dans
moignerait d’une inquiétante inconsé- la rue pour exiger une détermination et
quence. Pour faire reculer la menace, il une fermeté dont trop souvent il ne croit
faut agir, et vite. Après les avoir exami- plus ses dirigeants capables. Entre les
nés aux prismes des récents événe- uns et les autres, le fossé reste béant. Or
ments (une commission d’enquête par- il faudra de la cohésion et de la confiance
lementaire bipartisane s’impose à
l’évidence), ce sont des pans entiers de
quand d’autres épreuves viendront.
notre législation qu’il faut revoir. Politi- Mais le malentendu le plus profond
que pénale, politique carcérale, budget serait de croire qu’il suffit d’une bonne
et organisation du renseignement et des police et de bons services de renseigne-
forces de sécurité, traitement applicable ment pour résoudre un conflit qui
aux « candidats au dji- prend ses racines dans la crise de l’inté-
had », police de l’Inter- gration et la rupture de transmission.
ciaux, contrôle des
imams et de l’enseigne-
ment dispensé dans les
Comment accueillir « l’Autre » si nous
ne savons plus ce que nous sommes, ce
dont nous avons hérité et ce que les gé-
nérations suivantes doivent recevoir ?
» mosquées… mille ques-
tions qui devront être
Si nous n’avons pas la fierté de notre
passé, de nos valeurs, de notre culture ?
examinées sans tarder dans un esprit de La France, celle qui a défilé hier, c’est
responsabilité. Souhaitons qu’à cette une histoire (judéo-chrétienne, répu-
occasion les habituelles polémiques sur blicaine), une civilisation (égalité hom-
la « dérive sécuritaire » et la mise en me-femme, tolérance, liberté d’esprit
place « sournoise » d’un État policier et d’expression), un art de vivre (dé-
nous soient épargnées ! cence commune, dialogue plutôt qu’af-
frontement). Le plus grand défi main-
Le deuxième malentendu potentiel est tenant - le seul, si nous voulons éviter
démocratique. Si les leaders politiques non pas le choc des cultures mais « le
qui ont défilé hier en tête des cortèges choc des incultures » (François-Xavier
venaient à penser que les millions de Bellamy) - est de transmettre ces va-
Français qui leur ont emboîté le pas se leurs aux jeunes de notre pays, quelle
reconnaissent désormais en eux, ils se que soit leur origine. Leur faire enten-
tromperaient du tout au tout. La crise de dre qu’ils ne sont pas obligés d’« être
Charlie » mais qu’ils peuvent être fiers
réglée par une marche républicaine. La d’être Français. ■
vérité (et en cela la mesquine mise à
l’écart de Marine Le Pen par le sectaris- Alexis Brézet,
me du PS restera comme une grave er- directeur des rédactions
VOX
Découvrez
l’espace débats,
impliquent à terme un défaut et la
sortie de l’euro. Les conséquences
opinions
seraient dramatiques pour la Grèce
qui, avec le retour à une drachme
et controverses
dévaluée de 60 %, perdra de nouveau
au moins 25 % de son produit
du figaro.fr
national. Elles seraient également
très lourdes pour l’Europe. La dette
…
grecque expose les États à hauteur
de 194 milliards d’euros - dont CHARLIE HEBDO
47,8 milliards pour la France.
Par ailleurs serait au minimum
- Pourquoi nous
reporté voire compromis ne sommes pas « Charlie »,
le programme d’achat de titres
de dette publique de la BCE, par Michèle Tribalat.
vital pour endiguer la déflation.
La Grèce se trouve à une heure - « La France sans les Juifs
de vérité. Soit la crise grecque est
utilisée pour réorienter la stratégie n’est pas la France »,
européenne, au risque de remettre
en question le principe même de
par Louis Manaranche.
l’assainissement des comptes publics - Petite histoire
et des réformes, mais aussi
de déchaîner les forces hostiles de l’unité matinale,
à l’euro. Soit la Grèce, qui a bénéficié
de la plus importante restructuration par Maxime Tandonnet.
de l’histoire du capitalisme
avec la mobilisation de 240 milliards - Les théories du complot,
d’euros, est placée devant
ses responsabilités : poursuivre
par Bruno Fay.
les réformes indispensables - Le terrorisme islamiste
pour retrouver un modèle
de développement soutenable, en France vu du Québec,
condition préalable pour explorer
d’éventuelles marges de négociation par Mathieu Bock-Coté.
sur les taux et la maturité (32 ans
et moratoire de remboursement
- « Je suis Charlie »,
sur 10 ans) de ses emprunts.
La zone euro ne peut s’offrir le luxe
la tribune des patrons
d’un nouveau chantage à son de presse français.
éclatement. La BCE peut beaucoup
mais ne peut pas tout. La Commission - La République doit
doit engager une stratégie ambitieuse
de relance de la croissance cesser d’être faible envers
et de l’emploi. Mais ceci n’est
possible que si les États assument
le terrorisme islamique,
leurs responsabilités en réalisant
les réformes indispensables,
par Philippe Bilger.
en mobilisant les citoyens autour
du redressement, en combattant
les populismes de tous bords au lieu
de les flatter.
Ce journal
FIGAROMEDIAS Impression
se compose de :
9, rue Pillet-Will, 75430 Paris Cedex 09 L’Imprimerie, 79, rue de Roissy Édition nationale :
93290 Tremblay-en-France 1er cahier 20 pages
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Fax : 01 56 52 23 07 Cahier 3 Le Figaro
Imprimahd Casablanca Maroc et vous 10 pages
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Aurore Domont Commission paritaire n° 0416 C 83022 diffusion sur une partie
du territoire national
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 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO - N° 21 905 - Cahier N° 2 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr

lefigaro.fr/economie

MANAGEMENT HIGH-TECH Withings MANPOWER

ET EMPLOIS À LAS VEGAS, LES LANCE SON
LES EMBAUCHES DE CADRES ENTREPRISES FRANÇAISES CABINET DE
POURRAIENT REPARTIR EN 2015 S’IMPOSENT DANS LES
PAGE 26 OBJETS CONNECTÉS PAGE 24 RECRUTEMENT

économie
EMPLOI Un paradoxe très franco-fran-
çais. Malgré 5,8 millions de demandeurs

L’automobile mondiale
d’emploi, des jeunes qui ont le plus grand
mal à décrocher leur premier job et des se-
niors au chômage qui n’ont aucune chance
d’en retrouver un… les entreprises n’arri-

retrouve la forme
vent pas à recruter les profils dont elles ont
besoin. « Pour des raisons de compétences
ou de comportements », explique Jean-
REBECCA COOK/REUTERS, IMAGEFORUM/ONLY FRANCE, PETROS KARADJIAS/AP, ANDREY POPOV/FOTOLIA

François Denoy, directeur général de Man-

Le salon de Detroit ouvre ses portes en pleine euphorie. Le marché américain
est au sommet, la Chine progresse toujours et l’Europe redémarre enfin. PAGE 22
Fin de partie pour la compagnie Cyprus Airways
TRANSPORT Maintenue à
bout de bras par son action-
naire principal, l’État chy-
priote, la compagnie natio-
nale Cyprus Airways, qui
emploie 600 personnes, a ca-
pitulé vendredi dernier.
La veille, la Commission
européenne avait réclamé
que la compagnie aérienne
Cyprus Airways
affichait rembourse 65 millions
55 millions d’euros, le montant d’aides
d’euros de d’État perçues en 2012 et
pertes en 2012. 2013. Cyprus Airways, en
grande difficulté, avait été
autorisée par Bruxelles à per-
cevoir une aide publique de
95 millions d’euros en 2007.
Or la réglementation euro-
péenne en matière de concur-
rence prévoit qu’un tel sou-
tien ne peut être apporté
avant une période de dix ans.
Un plan de restructuration
avait été lancé en 2013 avec la
suppression de 500 emplois et
la vente d’appareils et de cré-
neaux horaires. Mais Cyprus
Airways n’a pas réussi à re-
monter la pente. Elle affichait
23 millions d’euros de pertes
en 2011 et 55 millions d’euros
en 2012. « Injecter davantage
d’argent public n’aurait fait que
prolonger la lutte sans rien
changer à la situation, a estimé
la commissaire européenne à
la Concurrence, Margrethe
Vestager. Les entreprises ne
peuvent ni ne devraient compter
sur l’argent du contribuable
pour rester artificiellement sur
le marché. » L’été dernier, le
gouvernement chypriote
avait mis en vente la compa-
gnie. Mais aucun des candi-
dats intéressés au départ
n’avait fait de proposition. Le
gouvernement a annoncé
qu’il prendrait en charge les
passagers en possession de
billets sur Cyprus Airways. La
compagnie nationale, fondée
en 1947, ne comptait plus que
six appareils.
V. C. (AVEC AFP)
power France. Aussi, pour mieux « répon-
dre aux défis des entreprises », et
notamment de celles qu’il compte parmi ses
clients, le numéro deux du travail temporai-
re dans l’Hexagone lance ce lundi une
nouvelle marque spécifiquement dédiée au
recrutement : Manpower Conseil Recrute-
ment. « Elle s’appuiera sur un réseau de
cinquante cabinets implantés dans les plus
grandes villes de France et, à terme,
250 consultants spécialisés par métiers et
par secteurs d’activité », détaille au Figaro
Jean-François Denoy.
À ce jour, le réseau Manpower France dis-
pose de quelque 2 300 missions de recru-
tement, confiées à la fois par de grands
groupes mais aussi et surtout par des PME
qui ont des postes à pourvoir et ne dispo-
sent pas forcément des services RH dédiés.
Une campagne nationale va être lancée
pour « embaucher une centaine de consul-
tants supplémentaires et ouvrir une dizaine
de cabinets d’ici à la fin de l’année », précise
le directeur général, pour qui cette initiative
traduit un « véritable changement d’échelle
dans le recrutement pour le groupe ».
Depuis la loi Borloo de 2005, les groupes
d’intérim peuvent effectuer des recrute-
ments en CDD et CDI et placer des deman-
deurs d’emploi. Pôle emploi n’a plus ce mo-
nopole. Jusqu’alors, Manpower effectuait
des missions de recrutement pour ses
clients, mais au sein de ses agences d’inté-
rim. D’autres opérateurs du travail tempo-
raire ont déjà réalisé cette transformation :
le groupe Randstad par exemple déploie
son activité recrutement sous la marque
Expectra.
Grâce à cette réorganisation, Manpower
France ambitionne ni plus ni moins « de de-
venir d’ici à deux ans le premier cabinet de
recrutement en France », avec 20 000
embauches réalisées par an. Les recrute-
ments concerneront à la fois des postes de
cadres et de non-cadres.
CHRISTINE LAGOUTTE

LE CHIFFRE L'HISTOIRE DU JOUR

70
milliards de dollars
L’île de Sein rêve de s’alimenter
en électricité 100 % verte
I-Deal Development accompagne Walor International
dans son augmentation de capital auprès de Sodero

L’Algérie a décidé d’investir
70 milliards de dollars
pour l’exploitation du gaz
de schiste dans le pays,
a annoncé Said Sahnoun,
le PDG du groupe public
Sonatrach. La société
investira ce montant
sur vingt ans pour produire
20 milliards de m3 de gaz
de schiste chaque année. Au
total, la Sonatrach va devoir
forer 200 puits par an malgré
l’opposition des habitants
de la région du Sahara
où se situent les gisements.
Depuis le début de l’année,
écoles, commerces et
administrations sont fermés
à In Salah pour protester
contre ces forages.
« Il faut clarifier et lever les
ambiguïtés autour du gaz
de schiste », a estimé Said
Sahnoun. La méthode
d’extraction est celle
de la fracturation hydraulique
particulièrement
controversée. V. C.
U
ne petite île battue par les vents
peut-elle fonctionner unique-
ment grâce aux énergies renou-
velables ? À Sein, un rocher bre-
ton au large de la pointe du Raz
(Finistère) abritant moins de 200 habitants
l’hiver mais accueillant plusieurs milliers de
visiteurs l’été, certains y croient fermement.
Cette quarantaine de Sénans souligne qu’une
triple association entre éoliennes, hydrolien-
nes et panneaux solaires pourrait efficace-
ment se substituer aux actuels groupes élec-
trogènes qui brûlent environ 420 000 litres de
fioul par an. Réunis dans une structure - Île de
Sein Énergie (IDSE) -, ces habitants portent
un projet qui, s’il se concrétisait, constituerait
une grande première pour un territoire en
France.
Mais les choses,
si séduisantes soient-
elles, ne sont pas
aussi simples. La ré-
glementation en vi-
gueur pour les zones
insulaires prévoit que
les énergies inter-
mittentes – comme
le sont toutes les
sources renouvelables – ne couvrent pas plus
de 30 % de l’alimentation, sous peine de ris-
ques de coupures.
Interrogé sur la nécessité d’une montée en
puissance des énergies vertes, EDF répond
qu’il a commencé à travailler sur l’efficacité
énergétique à Sein dès 2008 : un programme
d’action a été mis en place qui a permis d’éco-
nomiser 230 mégawattheures (MWh), soit
15 % de la consommation énergétique de l’île.
Cette stratégie doit se poursuivre, avec 25 %
d’économies supplémentaires espérées.
Aujourd’hui, l’électricien réfléchit aussi à
l’installation d’un mât de mesure, de manière
à mieux analyser le régime des vents. Mais rien
ne dit que tous ces essais soient concluants :
par exemple, on ne sait pas si les courants au
large de Sein se-
raient favorables à
l’installation d’hy-
droliennes. De là à
dire que les experts
en énergie ne
savent pas à quel
Sein se vouer, il n’y
a qu’un pas. ■
FRÉDÉRIC
DE MONICAULT
pour permettre l’acquisition d’une filiale d’Altia
Associés depuis juillet 2014 au sein du Groupe Walor International (W.I.),
les actionnaires historiques et le fonds régional Sodero Gestion renforcent
leur association. L’un des objectifs de cette opération est de permettre à W.I.
de poursuivre une politique de développement ambitieuse (croissance
interne et externe).
Le 23 décembre 2014, le Groupe W.I. a été retenue par le Tribunal de
commerce de Paris, dans le cadre de la reprise du site d’Altia Saint Etienne
(ancienne participation du FSI, Fonds Stratégique d’Investissement), dont
l’activité principale est le décolletage en grande série de pièces de direction
pour l’industrie automobile (CA : 11M!, 79p).
Le Groupe W.I., est lui aussi spécialiste du décolletage, notamment dans la
production de pièces pour l’industrie automobile. Sous-traitant des
principaux acteurs internationaux de la fabrication d’airbags et de ceintures
de sécurité, le Groupe W.I. possède déjà trois sites de production, un à Legé
/ France (44), un en Roumanie et un au Mexique. Le nouvel ensemble
devrait représenter environ 40M! de CA.
Après quelques mois de discussion avec Sodero Gestion, M. Eric Lorin
nous confie : « I-Deal Development a parfaitement su mettre en avant
l’activité du groupe, ainsi que les perspectives du marché tant en France,
qu’à l’étranger, et élaborer un montage permettant d’allier développement
stratégique, contexte familial et support financier ».
Avec une forte expérience des opérations de rapprochement, I-DEAL
DEVELOPMENT se positionne comme un acteur à forte valeur ajoutée
dans l’accompagnement des PME à des étapes clés de leur
développement.
Conseil Groupe Walor International : I-Deal Development
Frédéric Bonan -Thierry Bloch - Nathanaël Blanc
Tel : +33 (0)1 410 200 98 / contact@i-dealdevelopment.com
A
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO

22 L'ÉVÉNEMENT
L’automobile mondiale
tourne à plein régime
Le salon automobile de Detroit ouvre ses portes
alors que les ventes de voitures ont enfin regagné 17,3
16,5
dans le monde le terrain perdu après la crise de 2008. 15

86
Ford F-150 12
EMMANUEL EGLOFF £@eegloff
constructeurs comptent sur la Chine ÉTATS-UNIS
où les ventes restent en croissance
ENVOYÉ SPÉCIAL À DETROIT 9
même si elles affichent un ralentis- ■ 2014 sera la 38e année

INDUSTRIE « L’industrie auto-

mobile ne s’est jamais aussi bien por-
tée. » En France, la phrase de Josse-
sement par rapport aux années pré-
cédentes. Sur les onze premiers
mois de 2014, 2,3 % de voitures en
plus ont été vendues par rapport à la
où le F-150 est le modèle le plus
vendu aux États-Unis. L’année
millions 6
a cependant été plus difficile que de véhicules
d’habitude. Une toute nouvelle

Source : Pwc
La production automobile 3
lin Chabert, analyste chez PwC même période de 2013. C’est relati- version est sortie et des mondiale attendue pour 2014
Autofacts, semble relever de la pro- vement peu puisque la hausse était problèmes d’approvisionnement, (82,6 millions en 2013)

5
vocation : l’an dernier, les immatri-
culations dans l’Hexagone sont re-
venues à leur niveau de 1998 et la
LES production a chuté de 33 % depuis
cette date. En revanche, aux États-
PLUS GRANDS Unis, où le salon automobile de
CONSTRUCTEURS Detroit ouvre ses portes le 12 jan-
(VÉHICULES VENDUS vier, l’industrie est repartie de
EN MILLIONS, À FIN JUIN 2014)
l’avant. L’année 2014 a en effet été
un excellent millésime avec
è Volkswagen
16,5 millions de véhicules – voitures
5,2 mais également les incontournables
pick-up. Soit une hausse de 5,9 %.
èToyota « C’est le meilleur niveau de vente de-
puis 2006 », constate Josselin
5,1 Chabert. Le marché américain a re-
monté la pente après avoir touché le
è General fond en 2009 avec moins de 11 mil-
lions de véhicules vendus.
Motors Cette bonne santé s’explique par
4,9 le dynamisme de l’économie : une
croissance supérieure à 2 % en 2014
0
encore proche de 10 % l’année pré- notamment en aluminium, Source : PwC 04 06 08 10 12 14*
cédente. Ce ralentissement de la ont freiné les ventes ÉVOLUTION DES VENTES
croissance rend le marché plus en début d’année. AUX ÉTATS-UNIS, en millions
compétitif et commence à provo-
quer quelques désillusions.
de véhicules
* 11 premiers mois de 2014
PSA s’envole en Chine
Honda et Toyota ont manqué les ob-
jectifs qu’ils s’étaient fixés pour
l’année 2014. Pour autant, le mar-
ché reste très attirant. Les ventes de
Toyota affichent tout de même une
croissance de 13 % en Chine sur
l’ensemble de l’année 2014. Celles
de PSA Peugeot Citroën s’envolent
de 28 % sur la période et celles de
Ford de 19 %. La Chine reste l’Eldo- Volkswagen de 90 %. « Tous les
rado de l’automobile. constructeurs gagnent 21,1
Dernier facteur d’optimisme : Lavida bien leur vie en Amérique du
l’Europe. Car le Vieux Continent va CHINE Nord, estime Xavier Mosquet.
mieux, même si ce n’est guère per-
ceptible en France. L’Espagne re- ■ En Chine, la marque allemande
D’autant qu’il n’y a pas de guerre des
prix. » En Chine, également, les
18

è Renault et qui devrait atteindre 2,8 % cette
année, le taux de chômage est bas et
Nissan les taux d’intérêt à des niveaux his-
4 toriquement faibles. « La forte bais-
se du prix du pétrole a également
bondit fortement, ce qui s’explique
aussi parce que le marché a beau-
coup plus souffert que dans l’Hexa-
gone. Le Royaume-Uni est très dy-
namique. Et l’Allemagne résiste.
diffuse des véhicules identiques
à l’Europe, via une de ses
coentreprises, et d’autres
spécifiques, souvent d’anciennes
versions européennes, avec son
marges sont élevées, même si cer- 15
tains constructeurs devront soute-
nir financièrement des réseaux de
distribution qui n’ont pas forcément
anticipé le ralentissement de la
12

è Hyundai Kia porté le marché automobile en fin Finalement, la croissance en Europe autre coentreprise. C’est le cas croissance. Ainsi, BMW a accepté de 9

3,9
d’année », constate encore Josselin
Chabert.
La conjoncture s’annonce tout
aussi porteuse en ce début d’année.
Mais le potentiel du marché semble
se situe à 5,7 % sur les onze premiers
mois de l’année 2014.
L’an dernier, les trois principales
zones géographiques du monde de
l’automobile étaient donc en crois-
de la voiture la plus vendue :
la Lavida, une berline tricorps
qui utilise le châssis d’une
ancienne Skoda Octavia.
verser 785 millions d’euros à ses
concessionnaires.
La situation est plus délicate en 6
Europe, « où le marché est très
concurrentiel au niveau des prix et

plus incertain. « Nous visons un
marché à long terme compris entre
16,5 et 17 millions d’unités, explique
Xavier Mosquet, en charge de
l’automobile au Boston Consulting
Group. Nous n’en sommes plus très
loin. » Outre les États-Unis, les
Les constructeurs français
absents du salon de Detroit
Aucun constructeur français ne entier. Les constructeurs
sera présent au salon de Detroit. français ont pris d’autres
Cette absence est logique : ni arbitrages. PSA vise la Chine,
Renault, ni PSA Peugeot Citroën où sa croissance est
ne vendent de voiture aux exceptionnelle. Renault est déjà
États-Unis. Ils ont quitté le pays très présent au Brésil et
sance. Leur dynamisme suffit à
compenser les difficultés rencon-
trées dans d’autres pays. C’est no-
tamment le cas en Amérique du Sud,
où Brésil et Argentine tirent le reste
du continent vers le bas, mais égale-
ment en Russie, où le marché s’est
effondré, et le Japon, où les ventes
ont reculé de 3 % l’an dernier.
Pour la majorité des construc-
teurs, l’année 2014 aura donc été ex-
cellente. Les géants comme Volks-
wagen – qui va sans doute grimper
sur la première marche mondiale –,
General Motors ou Toyota battront
leurs records de vente. La plupart
des usines tournent à plein régi-
me. En Amérique du Nord,
le taux d’utilisation est
ainsi de plus
Volkswagen Golf
EUROPE
■ La Volkswagen Golf
est la voiture la plus vendue
en Europe. La 7e génération
de l’emblématique voiture
de la marque allemande est un bon
symbole du goût des Européens.
Ils apprécient les véhicules à hayon
alors que ce type de modèle
a plus de mal à percer dans
le reste du monde.
Source : Pwc
3 2,1
où les surcapacités de production
sont toujours présentes », selon 0
Xavier Mosquet. Même Volkswa- 04 06 08 10 12 14*
gen, l’incontestable numéro un en
Europe, a lancé un plan d’écono-
ÉVOLUTION DES VENTES
EN CHINE, en millions
mies de 5 milliards d’euros pen- de véhicules
dant l’été afin de reconstituer ses * 11 premiers mois de 2014
marges. Pour la plupart des
constructeurs, la présence en Eu-
rope est cependant indispensable
car c’est la zone en pointe dans 15 14,1
certains domaines, notamment la
réglementation environnementa-
le. « Ne pas être présent en Europe, 12 10,3
c’est prendre le risque d’être en re-
tard ailleurs quand les nouvelles 9
réglementations y arri-
vent », analyse Xavier
Mosquet. Le Vieux 6
Continent est plus
Source : Pwc

au début des années 1990 et un en Russie. Le groupe construit concurrentiel, plus 3

retour n’est pas envisageable sa première usine en Chine. fragmenté, plus dif-
à court ou moyen terme. Ces choix sont d’autant plus ficile, mais incon- 0
Il faudrait tisser un réseau rationnels que s’implanter tournable. ■ 04 06 08 10 12 14*
de distribution, construire aux États-Unis reste un North American ÉVOLUTION DES VENTES
des usines et concevoir des exercice difficile. Les ventes International DANS L'UNION EUROPÉENNEE,
modèles spécifiques, même de Volkswagen l’an dernier Auto Show, en millions de véhicules
si le SUV commence à attirer ont ainsi reculé de 10 % dans Detroit (Michigan), * 11 premiers mois de 2014
les consommateurs du monde un marché dynamique. E. E. du 12 au 25 janvier.
www.naias.com

Mary Barra déclenche une révolution culturelle chez General Motors

La première année de Mary Barra à La mauvaise nouvelle : les inves- ne moyenne du Midwest, a très vite maines et restructuré le départe- Les défis que Mary Barra compte
la tête de General Motors (GM) a été tigations des autorités fédérales et pris le taureau par les cornes. Audi- ment d’ingénierie. relever vont plus loin. En dépit
plus délicate que prévu. Paradoxale- les procédures judiciaires contre tionnée par le Congrès, elle déplore Pour ceux qui n’auraient pas en- d’une croissance forte, d’une chute
ment, la découverte d’une conspira- GM se solderont vraisemblablement les défaillances qui, dans les rangs de core compris son message, Mary inespérée du prix de l’essence et de
tion du silence de dix ans chez GM par de lourds dédommagements et GM, ont débouché sur ce scandale. Barra adopte un langage on ne peut nombreux nouveaux modèles, la
pour cacher des défauts techniques des amendes salées. Quand ? Diffi- Face aux actionnaires et aux salariés, plus direct, très éloigné du style pru- part de marché de GM aux États-
qui ont entraîné la mort de plus de cile à dire… « Nous ne sommes pas elle promet de mettre un terme au dent et consensuel de tradition chez Unis stagne à 18 %. Dans un contex-
quarante automobilistes, a jusqu’à maîtres du calendrier dans ces pro- splendide isolement de GM. GM. En septembre, elle réunit les te boursier euphorique l’action a
présent servi sa cause. Cette ingé- cédures, souligne Mary Barra, qui a 300 plus hauts responsables mon- chuté de 10 % depuis un an. Si les
STEVE FECHT FOR GENERAL MOTORS, VOLKSWAGEN, FORD

nieur de 53 ans promet de « changer affronté cette crise inattendue dès Purger la direction diaux de l’empire dans un hangar de marques Chevrolet et Buick se por-
la culture de GM ». Le scandale a dé- sa prise de fonction. Mais dès le pre- Elle commence par purger la direc- Detroit. « Ou vous changez votre tent bien, les ventes de Cadillac ont
cuplé sa détermination. Elle a même mier jour, j’ai dit : nous allons tion comme on l’avait rarement vu à mode de travail, ou vous partez… leur plongé de 6, 5 % l’an dernier. Il de-
su faire de cette affaire une preuve de pleinement coopérer. » Detroit. En juin : elle renvoie quinze lance-t-elle. On me dit qu’il faut bien vient urgent de retourner cette ten-
plus de l’urgence d’une révolution Cette mère de famille, aux personnes, dont un vice-président dix ans pour changer la culture de dance. Mary Barra promet d’attein-
culturelle, dans cette entreprise où allures typiques d’Américai- et plusieurs juristes, après qu’un l’entreprise. Moi je veux y arriver en dre une marge avant impôts de 9 à
elle a fait toute sa carrière et où son rapport interne accablant a pointé le cinq ans. » Elle exige que désormais 10 % d’ici à 2020, avec un retour des
père était ouvrier. « dysfonctionnement organisation- les décideurs décident, assument profits en Europe d’ici quelques
La meilleure nouvelle dans l’im- nel » de GM dans les questions de sé- leurs responsabilités, osent poser les mois.
médiat : le rappel de plus de 30 mil- curité. Ensuite, pour illustrer son dé- questions qui dérangent et cessent Heureusement en Chine, GM
lions de véhicules pour une répara- sir de changement, elle confie le de s’appuyer sur le consensus mou continue de croître plus vite que le
tion gratuite n’a pas trop affecté redressement de Cadillac à un ancien qui a longtemps prévalu chez GM. reste du marché. Capitalisant sur un
l’image du groupe. GM a vendu aux d’Infiniti et d’Audi, marques étran- Dans cette démarche elle s’inspire bond de 12 % de ses ventes l’an der-
États-Unis près de 2,9 millions « Je veux arriver à gères, ennemies jurées de GM. Enfin, d’Alan Mulally : patron de Ford de nier, GM a entrepris d’y construire
d’automobiles et de camions l’an changer la culture de Mary Barra a renvoyé le lobbyiste en 2006 à 2014, il a réussi à changer la cinq usines de plus, soit un investis-
A

dernier, soit 5,3 % de plus qu’en l’entreprise en cinq ans », chef et porte-parole de GM, changé culture de la rivale de GM avec sement de 12 milliards de dollars sur
2013. déclare Mary Barra. le responsable des ressources hu- succès. trois ans. ■
 LE FIGARO lundi 12 janvier 2015

ÉCONOMIE 23

Marisol
CAC40
VALEURS Jour % var. + haut jour + bas jour % cap. éch. 31/12
VALEURS Jour % var. + haut jour + bas jour % cap. éch. 31/12 VALEURS Jour % var. + haut jour + bas jour % cap. éch. 31/12 VALEURS Jour % var. + haut jour + bas jour % cap. éch. 31/12

Touraine
au chevet ALTERNEXT - MARCHE LIBRE (SÉLECTION)

des généralistes
La ministre de la Santé fait face
au grand malaise de la profession,
qui réclame plus de moyens.
plus qu’ils attendaient beaucoup
GUILLAUME GUICHARD d’elle. « Dans sa stratégie nationale
£@guillaume_gui de santé présentée en 2013, Marisol
Touraine avait promis la “révolution ETRANGÈRES (SÉLECTION)
SANTÉ Ils sont au cœur de la du premier recours” et placer le gé-
mobilisation actuelle. Appelés à fer- néraliste au cœur du système, rap- Marisol Touraine parts naturels, la France perdra rémunérations additionnelles, député socialiste Gérard Bapt dans
mer leur cabinet entre Noël et le pelle Claude Leicher, président de (ici en novembre 1 000 généralistes par an ces cinq comme une prime à la performan- une lettre-plaidoyer pour la méde-
Nouvel An, puis mardi dernier, et MG France. Or, on n’en retrouve pas dernier) doit prochaines années. ce, ont été instaurées, ils déplorent cine générale envoyée début jan-
enfin à continuer le mouvement en un mot dans le projet de loi. » rencontrer En réalité, de moins en moins de le blocage du tarif de la consulta- vier à Marisol Touraine.
le Front généraliste COMPARTIMENT C (SÉLECTION)
pratiquant la grève des cartes Vitale COMPARTIMENT B (SÉLECTION) jeunes veulent devenir généraliste. tion à 23 euros, quand les autres Pour maintenir la pression, les
Le désintérêt des jeunes aujourd’hui.
pour noyer la Sécu sous la paperas- Plus de 300 postes en internat sont spécialistes bénéficient d’un tarif médecins généralistes continuent
S. SORIANO/LE FIGARO
se… les généralistes manifestent un Pire, selon le président de l’Union non pourvus, soit 10 % des places. de 25 euros. leur grève de la carte Vitale pour
lourd malaise. La ministre de la San- généraliste de la Fédération des Il existe d’abord un problème d’en- Bien souvent, les généralistes di- noyer l’Assurance-maladie sous
té a donc accepté de rencontrer ce médecins de France, Claude Bron- cadrement. On ne compte, déplore sent ne pas avoir les moyens de re- les feuilles de soins papier « à l’an-
PLUSleFORTES
lundi VARIATIONS
Front généraliste, qui re- DU SRD ner, « à part le fait qu’il faudra un le syndicat des internes en médeci- cruter un secrétaire médical. « Les cienne ». L’Unof-CSMF, deuxième
groupe
VALEURS
un certain nombre
Jour
de syndi- médecin traitant pour les enfants, le
% var. + haut jour + bas jour % cap. éch. 31/12
ne générale, l’Isnar-MG, qu’un en- jeunes internes que je reçois en stage syndicat de généralistes mais qui a
cats de médecins, d’enseignants et projet de loi santé dépèce le généra- seignant en médecine générale sont agréablement surpris par choisi de ne pas se joindre au Front
PLUS FORTES
d’internes enHAUSSES
médecine générale. Au liste ». Elle donne entre autres le pour 100 internes, quand les autres l’éventail et la diversité de notre ac- généraliste, prévient que « 2015
programme, le projet de loi santé qui droit aux pharmaciens de vacciner. spécialités disposent d’un pour dix tivité, mais aussi impressionnés par sera une année de combat pour les
sera examiné par le Parlement au Preuve que la médecine générale ou un pour vingt étudiants. l’ampleur des tâches administrati- médecins généralistes et d’autres
printemps, qui les déçoit beaucoup, va mal depuis plusieurs années, elle Pour expliquer la désaffection ves », se désole le Dr Mady Denan- actions seront organisées dans les
mais aussi les conditions de travail. compte de moins en moins de pra- des jeunes, les médecins avancent tes, qui exerce à Paris. « Alors que semaines à venir ». ■
PLUS
Bien FORTES
sûr, leBAISSES
problème ne date pas ticiens. La densité de médecins gé- un autre argument : les généralis- les revenus des médecins généralis-
de l’arrivée de Marisol Touraine au
ministère de la Santé. Mais certains
néralistes a fondu de 10 % ces der-
nières années et l’hémorragie n’est
tes sont moins bien payés et moins
bien considérés que les autres spé-
tes sont significativement inférieurs
à ceux des spécialistes, leur temps + » Pourquoi Marisol Touraine
souffre du complexe
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

de Marie-Antoinette PAGE 25
généralistes lui en veulent d’autant pas terminée. Sous l’effet des dé- cialistes. Même si depuis 2011 des de travail est plus long », ajoute le

EURONEXT
Le projet de loi Macron examiné en commission spéciale
Liquidation au
VALEURS Jour % var. + haut jour + bas jour % cap. éch. 31/12

COMPARTIMENT A (HORS VALEURS DU CAC 40)

1 600 amendements ont été déposés, notamment sur le financement des entreprises et le permis de conduire.
de certains marchés. Bref, d’aller avec trois autres députés UDI. C’est rique du permis véhicules légers d’échec, pour repasser l’examen.
MARIE-CÉCILE RENAULT£@firenault plus loin dans la volonté du gou- un vrai point de blocage dans l’éco- et l’épreuve pratique de celui Quant aux coûts, ils sont plus que
vernement de « briser les rentes » nomie car beaucoup d’entreprises poids lourd. Jean-Christophe Fro- dissuasifs : de 1 600 à 3 000 euros.
ENTREPRISE Alors que l’exa- qui existent en France. font faillite, non faute de comman- mantinORveut aller plus loinJouren leur Veille Rien ne31/12dit que ces deux propo-

« C’est
un sujet
men du projet de loi Macron doit
débuter à l’Assemblée le 26 janvier,
la bataille parlementaire fait déjà
C’est notamment le cas du crédit
entre entreprises. Jean-Christophe
Fromantin, le député maire UDI de
des, mais faute de trésorerie. »
Depuis la crise de 2008, la baisse
d’activité, la contraction des mar-
confiant aussi l’épreuve pratique
du permis voiture (B). « L’école de
conduite pourra ainsi se concentrer
sitions, qui vont provoquer la colè-
re et la mobilisation des lobbys
bancaire et des auto-écoles, très
rage avec quelque 1 600 amende- Neuilly, propose ainsi d’introduire ges et l’alourdissement des besoins sur son rôle de formation, les orga- puissants, passeront le cap de
houleux car ments d’ores et déjà déposés. Un un article additionnel au projet de en fonds de roulement ont en effet nismes certificateurs agréés auront l’examen en commission spéciale
il s’agit ni chiffre record qui s’explique par le loi Macron, afin d’autoriser en entraîné une dégradation signifi- un rôle d’examinateur, explique- chargée d’examiner le texte et en-
plus ni moins fait que le texte porté par le minis- France cette opération qui permet cative de la trésorerie des entrepri- t-il. Cela permettra de réduire for- core moins du vote en séance.
tre de l’Économie touche à de mul- à une entreprise de pouvoir ses et une baisse des investisse- tement les délais d’attente, notam- Emmanuel Macron, lui, serait
que de tiples sujets - travail du dimanche, consentir des prêts à moins de ments plus particulièrement des ment entre un premier et un intéressé, d’après les dires de Jean-
mettre fin professions réglementées, permis deux ans à des sociétés partenaires PME. Une dégradation qui n’a pas deuxième passage. » Christophe Fromantin. « Le minis-
Pays DEVISES Monnaie 1 euro =
au monopole de conduire, prud’hommes, auto- avec lesquelles elle entretient des été compensée par les banques et a tre travaille avec tous les parlemen-
Le ministre serait intéressé
bancaire
JEAN-CHRISTOPHE
» cars… - et qu’il est présenté par
l’exécutif comme l’alpha et l’omé-
ga des réformes économiques de
liens économiques le justifiant.
« C’est un sujet houleux car il
s’agit ni plus ni moins que de mettre
poussé nombre d’entreprises à la
faillite…
Autre sujet hypersensible : le
Le sujet est essentiel car le permis
de conduire est souvent une né-
taires qui veulent enrichir le texte,
notamment sur les sujets de finance-
ment des entreprises et du permis de
FROMANTIN,
l’année. fin au monopole bancaire sur les permis de conduire. Afin de ré- cessité pour trouver un emploi. Or conduire, auxquels il est attaché »,
DÉPUTÉ UDI
Outre les corrections ou préci- crédits interentreprises, justifie duire les délais d’attente, le texte les délais d’obtention sont de plus s’est borné à indiquer Bercy. Début
sions au projet initial, plusieurs Jean-Christophe Fromantin, qui du ministre de l’Économie intro- en plus longs : 86 jours en moyen- de réponse ce lundi à 16 heures
amendements proposent d’éten- est allé plaider sa cause vendredi duit la possibilité de déléguer à des ne, en cas de réussite au premier avec le lancement de l’examen du
dre encore un peu plus l’ouverture matin devant Emmanuel Macron opérateurs agréés l’épreuve théo- passage ; 98 jours d’attente en cas texte en commission spéciale… ■

Casino déploie au pas de charge deux nouvelles enseignes

Avec Leader Price Express et Casino Shop, le distributeur veut moderniser Petit Casino, en perte de vitesse.
grande pompe son 1 001e magasin face à la multiplication des ensei- groupe Casino, Leader Price Ex- tentifs au meilleur rapport quali-
OLIVIA DÉTROYAT£@Oliviader tricolore. Plus précisément un gnes de proximité (A2Pas, Carre- press offre donc l’avantage de té/prix.
Leader Price Express, la dernière four City, Carrefour Contact…), combiner ses deux spécificités : le Pour compléter ce coup de neuf
DISTRIBUTION Ce lundi soir née des enseignes de proximité du cette version express de l’ensei- discount et la proximité. « Nous donné à la proximité, le groupe
boulevard du Montparnasse (Pa- groupe Casino. Testée l’été der- gne discount a connu un succès voulions
Comp. A : cap. > 1 Milliard d’euro . Comp. B : cap.> 150 Millions Comp. C : cap. < 150 Millions. ◗ : SRD.  : Recevez gratuitement le dernier rapport d’activite de cette societe. Telephone: 0800905726 (appel gratuit). Fax: 0800910282 (appel gratuit). Internet www.lefi garo.fr/rapports. *: Valeurs du Marche Libre.
amener les plus petits prix stéphanois mise aussi sur Casino
ris), Leader Price inaugurera en nier pour rester dans la course « fulgurant », selon Tina Schuler, au plus près des consommateurs, Shop. Ce concept haut de gamme
directrice générale de Leader Pri- sur des surfaces de 100 à 300 m », 2 créé en 2011 s’étale sur 100 à

SICAV & FCP sicav FCP

ce. En moins de six mois, 450 de
ces petites supérettes low-costs
ont essaimé un peu partout en
confirme Tina Schuler. Ce choix
paye : en moyenne les Petit Casi-
no transformés ont doublé leur
600 m2. En avril, la direction de
Casino affirmait sans ambiguïté sa
volonté de transformer progressi-
France, augmentant de 40 % le chiffre d’affaires depuis leur vement une partie des Petit Casi-
VALEURS LIQUIDATIVES EN EUROS LBPAM ACTIONS FRANCE C .................................. 114,77 07/01/15 LBPAM TRÉSORERIE P ..................................3248,84 08/01/15
(OU EN DEVISES), HORS FRAIS réseau Leader Price. Le déploie- conversion, selon « Linéaires ». no sur ce format. Ces transferts
LBPAM ACTIONS INDICE EURO R ..................................
82,19 07/01/15 TONI ACTIONS 100 R .................................. 97,26 07/01/15
VALEUR DATE DE
ment est rapide, 400 Leader Price « Sans ce changement, certains ont donc surtout eu lieu sur les
LIQUID. VALORISAT. LBPAM ACTIONS INDICE FRANCE R ..................................
33,85 07/01/15 VIVACCIO ACTIONS .................................. 107,50 07/01/15 Express étant des transferts d’une magasins seraient aujourd’hui fer- emplacements de Petit Casino le
42 rue d’Anjou,
LBPAM ACTIONS MONDE C ..................................
278,85 07/01/15 autre enseigne de proximité du més », appuie un proche de l’en- plus à même de recevoir du pre-
75008 Paris
LBPAM OBLI MOYEN TERME C ..................................
300,89 07/01/15 groupe, Petit Casino, en méforme. seigne. mium.
Tél. : 01 55 27 94 94
www.palatine.fr www.edram.fr Outre cette promesse - rare - Conçu pour rivaliser avec les
SICAV LBPAM OBLI REVENUS .................................. 819,21 07/01/15
ACTIONS Le discount du prix bas en bas de chez soi, Monop’, Daily Monop’ ou encore
UNI HOCHE C ................................................... 215,94 07/01/15 LBPAM PROFIL 50 D .................................. 240,43 07/01/15 EDR EUROPE SYNERGY (A) .................................. 134,74 07/01/15 et la proximité Leader Price Express récolte par Carrefour City, Casino Shop pro-
LBPAM RESPONSABLE ACTIONS EURO 12044,53
I ..................................
07/01/15 EDR TRICOLORE RENDEMENT (C) .................................. 278,78 07/01/15 En l’espace de quelques mois, le ailleurs les fruits du travail fait sur pose 8 500 références centrées sur
EDR US VALUE & YIELD (C) .................................. 190,26 07/01/15 nombre de Petit Casino a ainsi la composition de ses produits à les produits frais, les primeurs, la
fondu de 1 314 à 936. Enseigne marque propre (90 % de l’offre). beauté et l’épicerie fine. Collant
FCP
THIRIET GESTION pionnière de la proximité chez Des efforts faits depuis l’arrivée aux codes de la proximité moder-
LBPAM ACTIONS EUROPE D ..................................69,05 07/01/15
SICAV 37 av. des Champs-Elysées
Casino, Petit Casino ne s’est en ef- en 2009 de Jean-Pierre Coffe ne, on y trouve aussi une série de
75008 Paris
LBPAM ACTIONS 80 D .................................. 88,60 07/01/15 LBPAM EONIA 3-6MOIS ..................................
10323,06 08/01/15 Tel. : 01 56 43 62 50 fet pas modernisé depuis long- comme ambassadeur de l’ensei- services, comme le pain frais ou
LBPAM ACTIONS AMÉRIQUE C .................................. 37,10 07/01/15 LBPAM OBLI CRÉDIT .................................. 211,96 07/01/15 BETELGEUSE ................................................... 43,83 07/01/15 temps. En cette période de gne. Cette combinaison lui permet les retraits de pressing. Trois ans
consommation très tendue, son de séduire aussi bien des étudiants après son lancement, Casino Shop
A

LBPAM ACTIONS DIVERSIFIÉ R .................................. 42,41 07/01/15 LBPAM RESP. TRESO I ..................................
10254,03 08/01/15 BELLATRIX C ................................................... 283,32 07/01/15
positionnement tarifaire est par à la recherche de repas complets à compte aujourd’hui 317 points de
LBPAM ACTIONS EURO R ..................................28,67 07/01/15 LBPAM TRÉSORERIE I ..................................10959,62 08/01/15 VICTOIRE SIRIUS ...................................................46,03 07/01/15
ailleurs assez pénalisant. Pour le moins de 2 euros que des actifs at- vente. ■
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO

24 ENTREPRISES

Objets connectés : la France

très en pointe à Las Vegas
Les sociétés françaises présentes au salon électronique ont été saluées.
ELSA BEMBARON £@ElsaBembaron
À LAS VEGAS
HIGH-TECH Le salon de l’élec-
tronique qui s’est tenu la semaine
aussi de les arroser (Parrot), une
montre connectée (Withings), une
caméra de surveillance avec recon-
naissance facile (Netatmo).
De toutes jeunes entreprises se
sont aussi vues récompensées,
rouler dans les rues de Las Vegas
une voiture dotée de son système
de pilotage automatique, Mercedes
a dévoilé un prototype dont l’habi-
tacle peut se transformer en salon
quand la voiture se conduit toute

« sera
La voiture
dernière à Las Vegas (CES) reste un
très bon cru pour les entreprises
françaises, même s’il a un goût
amer, en raison de l’actualité. Avec
l’équipement 120 entreprises présentes sur le
électronique « Show », dont la moitié de start-
le plus up, la France se classe au cinquième
rang des pays les plus représentés.
important, Dix entreprises tricolores ont reçu
devant les un ou plusieurs Award (prix) pour
smartphones leur produit, un record historique
qui témoigne de la capacité à créer
et les et à innover.
tablettes
JEN-HSUN HUANG,
» Les Français se sont particulière-
ment distingués dans le domaine
PDG DU FABRICANT des objets connectés. Emmanuel
DE PROCESSEURS Macron, le ministre de l’Économie,
NVIDIA
et Axelle Lemaire, la secrétaire
d’État au Numérique, sont venus
apporter leur soutien aux entrepre-
neurs présents. Ils ont aussi pu pro-
fiter de l’enthousiasme et de
l’énergie qui portent ces chefs
d’entreprise. Les pionniers du sec-
teur, Parrot, Withings, Netatmo,
Myfox, ont été récompensés, pour
des produits aussi variés qu’un
comme Lima et son petit appareil
qui permet de transformer n’im-
porte quel disque dur en cloud per-
sonnel, Citizen Sciences, pour ses
tissus connectés, Giroptic pour sa
caméra d’action (action cam) qui
filme à 360°, ou encore Myfox et
son système de capteurs et de ca-
méras pour surveiller la maison. La
variété des produits présentés et le
dynamisme de ces entrepreneurs
ont largement été salués par les
médias américains et Gary Shapiro,
l’organisateur du salon. « Venir ici
leur a permis de constater qu’ils
étaient aussi bons voire meilleurs que
les concurrents. Le bilan de ce salon
est très positif », se félicite Pierre
Gattaz, président du Medef.
La voiture autonome
en vedette
Les constructeurs automobiles ont
été les autres grandes vedettes de
ce salon. Désormais, la voiture
autonome est une réalité. Audi a
fait parcourir 900 km à une A8
seule.
Toutes ces innovations nécessi-
tent des capteurs, des caméras, des
calculateurs, des systèmes de
contrôle… autant de débouchés
pour les grands noms de l’électro-
nique grand public. Les partena-
riats se multiplient. Par exemple,
Audi utilise la nouvelle montre
connectée de LG pour piloter un
véhicule à distance. Panasonic a
annoncé la construction d’une usi-
ne de batteries avec Tesla. « La voi-
ture sera l’équipement électronique
le plus important, devant les smart-
Le Parrot Pot se charge d’arroser la plante quand il faut et comme il faut de
manière totalement autonome. ETHAN MILLER/AFP
phones et les tablettes. C’est proba-
blement l’équipement personnel le nier, ils ont essentiellement montré plus impliqué dans l’électroména-
plus cher, mais aussi celui qui donne des améliorations de leurs techni- ger, va lancer en France une gam-
la liberté », note Jen-Hsun Huang, ques. Les téléviseurs courbes affi- me de capteurs connectés pour la
le PDG du fabricant de processeurs chent des résolutions encore plus surveillance de la maison. Sony
Nvidia. fines, Samsung introduit le SUHD continue à mettre en avant ses télé-
Les fabricants de l’électronique (pour super haute définition) sur le viseurs, caméras et films en UHD
s’imposent en tant qu’équipemen- marché, et tous présentent des ob- 4K, quatre fois la définition de la
tier automobile. Mais du côté de jets connectés. haute définition. ■
leurs métiers traditionnels, les Le coréen a annoncé qu’en 2017,
grandes marquent paraissent à la
peine dans l’innovation. Après les
90 % des 600 millions de produits
qu’il vend chaque année seront + » Une limousine
sans chauffeur a roulé
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

capteur pour les plantes, capables autonome, le français Valeo a fait avalanches de nouveautés l’an der- connectés. Panasonic, de plus en dans Las Vegas PAGE 31

Saint-Gobain mise sur le haut de gamme en Chine
Le groupe industriel se développe dans le vitrage automobile et les plastiques.
JEAN-YVES GUÉRIN £@jyguerin
ENVOYÉ SPÉCIAL À SHANGHAÏ
INDUSTRIE Un pavillon avec des
verres de toutes les couleurs. Un
autre où les sons sont restitués avec
une pureté grâce à des matériaux
d’isolation high-tech. C’est à Shan-
ghaï que Saint-Gobain a inauguré
vendredi une exposition itinérante
pour fêter son 350e anniversaire. Si la
plus vieille société du CAC 40 a choisi
la Chine pour lancer ces festivités,
c’est qu’elle a de grandes ambitions
dans le pays. « Pour fêter cet anniver-
saire, nous ne souhaitons pas regarder
vers le passé, mais plutôt préparer no-
tre avenir, explique le PDG du grou-
pe, Pierre-André de Chalendar.
Nous pensons que nous aurons une
croissance à deux chiffres en Chine
dans les cinq prochaines années. »
La « marque France »
Un vrai défi car ce fabricant de ma-
tériaux de construction et de pro-
duits industriels, présent dans le
pays depuis le milieu des années
1980, y réalise une part assez faible
de son chiffre d’affaires : un milliard
d’euros sur 42 milliards dans le mon-
de entier en 2013. « En Chine, nous
gagnons de l’argent, complète Pier-
re-André de Chalendar. Mais notre
activité y est moins profitable
qu’ailleurs. » Pour accélérer dans ce
pays-continent, le groupe mise sur le
haut de gamme et sur le prestige at-
taché à la « marque France », selon
Pierre-André de Chalendar.
Saint-Gobain privilégie ainsi les
activités où la qualité peut faire la
différence. Par exemple, le groupe
pousse les feux dans le vitrage auto-
mobile où les constructeurs interna-
tionaux réclament des produits der-
nier cri. Pare-brise chauffants, toits
panoramiques… avec cette offre
qualitative, Sekurit, la filiale de
Saint-Gobain, tire son épingle du jeu
avec 12 % de part de marché et des
ventes de 200 millions d’euros.
« Nous espérons passer très vite nu-
méro deux alors que nous sommes nu-
méro trois derrière le japonais Asa-
hi », glisse Eloi Guenet, directeur
industriel de Sekurit Chine qui a pour
client Nissan, Hyundai, PSA… Pour
accompagner ce développement, le
groupe construit une troisième usine
de vitrage automobile dans le pays à
Wuhan.
Saint-Gobain mise aussi beaucoup
sur son activité « plastique » en plein
développement. Film plastique pour
écran de smartphone, poche de sang,
joints pour l’industrie automobile…
le groupe français profite du fait que
ces activités sont peu investies par
des opérateurs chinois. En revanche,
après des essais infructueux, Saint-
Gobain déserte les marchés banali-
sés. Par exemple, il s’est retiré de
l’activité du verre utilisé pour le bâti-
ment où l’offre locale est surabon-
dante. De même, faute de rentabilité,
il a fermé une petite chaîne de maga-
sins de distribution de matériaux de
construction qu’il avait développée à
Shanghaï il y a quelques années. ■
EN BREF
Fermetures envisagées
chez Tesco Hongrie
Selon la presse hongroise,
le distributeur britannique
pourrait fermer 13 points de
ventes déficitaires dans le pays.
Une initiative qui permettrait
à Tesco de trouver une partie
des économies nécessaires pour
financer de vastes baisses de prix
sur son marché domestique.
Jeudi, le distributeur a déjà
annoncé la fermeture de
43 magasins anglais non rentables.
Aer Lingus repousse
à nouveau IAG
Selon la compagnie aérienne IAG
(Iberia et British Airways),
sa concurrente irlandaise Aer
Lingus a rejeté vendredi
une offre améliorée de sa part,
la valorisant 2,40 euros
par action, contre 2,30 euros
proposés mi-décembre.

TOP
MANAGEMENT PAR Carole Bellemare avec Corinne Caillaud www.decideurs.lefigaro.fr
DR, STEFAN.MEYER@NEUF.FR

Carlos de F. Demeure Aurélie Antoine Sophie Ismaël Nadia Sandra Nicolas

Los LLanos Dit Latte Martzel Robichon Legay Neyme Isambert Chapart Furet

â LES DÉCIDEURS d’Eco-Emballages

Éric Brac Éric Brac de La Perrière, chantre du recycla-
de La Perrière ge des déchets en France, relance l’offensive.
DATES Le pugnace patron d’Eco-Emballages a
annoncé en fin d’année un nouveau plan
CLÉS d’attaque répondant à deux enjeux : la relan-
1997 ce de la collecte et le recyclage du plastique. Si
Crée et dirige Link le geste de tri est devenu le premier geste
Factory (Havas) environnemental des Français, le taux global
2002 de recyclage des emballages ménagers a ten-
Devient directeur dance à stagner depuis quelques années
général de l’agence (67 % en 2013), et notamment la collecte dans
de communication les zones urbaines. Autre point noir : le recy-
Burson-Marsteller clage du plastique. Seul un emballage de ce
2009 matériau sur cinq est recyclé (23 %). Financé
Arrive comme à hauteur de 90 millions d’euros sur deux ans,
directeur général le plan d’Éric Brac de La Perrière prévoit une
chez Éco-
Emballages enveloppe de 45 millions exclusivement
dédiée à l’enjeu du recyclage des plastiques.
2010 Née en 1992 sur une idée d’Antoine Riboud et
Obtention du nouvel
agrément d’État de Jean-Louis Beffa de l’alliance d’entreprises
pour six ans de la grande consommation (Evian, Unilever,
A
Coca-Cola, L’Oréal...), Eco-Emballages est
une entreprise 100 % privée et 100 % d’inté-
rêt général qui a pour mission de piloter le tri,
le recyclage et la réduction des emballages en
France. Une mission dans laquelle le diri-
geant, soutenu par plusieurs dizaines de mil-
liers d’entreprises, a trouvé pleinement son
compte. Ancien militaire passé par Reuters,
BDDP et Havas, Brac de La Perrière, 54 ans,
Ipag et IHEDN, a su d’une main de fer redy-
namiser l’entreprise au chevet de laquelle il
avait été appelé en 2008. Ambition aujour-
d’hui de ce père de quatre enfants : doubler le
taux de recyclage d’ici 2030.
Trier plus et mieux
Pour faire avancer les dossiers, il peut
s’appuyer sur une équipe aussi engagée que
lui. Arrivé en 2007 comme directeur recycla-
ge, Carlos de Los LLanos, 55 ans, a la haute
main sur le département tri et recyclage.
Ancien de Sita (Suez Environnement) com-
me lui, François Demeure Dit Latte, 39 ans,
s’est vu confier en 2009 le département
finance et gestion par le nouveau PDG, avec
notamment pour mision de renforcer le
contrôle financier. À 41 ans, Aurélie Martzel,
ex-Gustave Roussy et Inpes, doit, elle, com-
me directrice de la sensibilisation et de la
communication, remobiliser les habitants
pour trier plus et mieux. Arrivé aussi en 2010,
Antoine Robichon, 32 ans, a monté deux ans
plus tard le département développement
pour porter les projets de transformation.
L’ingénieur Sophie Legay, 45 ans, dans la
maison depuis quinze ans, est devenue
directrice des opérations régionales. Elle
encadre les équipes de terrain en lien avec les
collectivités. Transfuge de l’AP-HP et de
Casino, le Sciences-Po de 37 ans, Ismaël
Neyme, a été, lui, recruté en juillet 2013 pour
diriger les relations institutionnelles d’Eco-
Emballages. Après avoir officié chez Unile-
ver, BASF, Danone et Pomona, Nadia Isam-
bert, 52 ans, est arrivée en 2012 à la tête du
département marketing. Elle s’est vu char-
ger en plus, en juillet, de la direction de la
relation entreprise. Sa mission : mobiliser les
50 000 entreprises adhérentes d’Eco-Em-
ballages qui, dans le cadre de la responsabili-
té élargie du producteur (REP), doivent
financer le dispositif de collecte sélective,
réduire les emballages, développer leur
recyclabilité et sensibiliser les consomma-
teurs au geste de tri. Effectif très féminin
décidément, c’est une autre femme, Sandra
Chapart, 34 ans, anciennne de BNP Paribas et
Publicis, qui s’est vu confier les ressources
humaines. Enfin, c’est à une nouvelle recrue,
Nicolas Furet, arrivé en juillet, que le big boss
a confié la direction juridique. Ce dernier
avait la même casquette à la Compagnie
nationale du Rhône. C. B.
 LE FIGARO lundi 12 janvier 2015

CHRONIQUES 25

Pourquoi Marisol Touraine souffre IDÉES

du complexe de Marie-Antoinette POUR DEMAIN
Yann Le Galès PAR

La ministre propose le superflu plutôt que d’améliorer le nécessaire.

L’Europe contre
la concurrence fiscale
V
oici l’une des formules l’énorme avantage de ne rien coû- de retenue à la source a toujours eu
Libres les plus célèbres de ter pour les comptes publics. de nombreux partisans à gauche.

l’histoire de France :
ÉCHANGES « S’ils n’ont pas de pain,
qu’ils mangent de la
brioche. » On l’attribue à Marie-
Antoinette, et peu importe qu’elle
soit peut-être apocryphe. Dans
notre mémoire collective, elle ré-
sume la réputation d’arrogance qui
a amené la reine venue d’Autriche
à perdre la tête en 1793. Au-delà de
ces circonstances historiques tra-
giques, la sentence exprime un
comportement toujours d’actualité
chez les gouvernants : faute de se
soucier de l’essentiel (le pain), on
Jean-Pierre Robin croit pouvoir s’en tirer en propo-
sant du superflu (la brioche). Et
c’est une grave erreur.
Ainsi Marisol Touraine, la minis-
tre de la Santé. Qu’elle ait la voix
haut perchée lui confère sans doute
une attitude un peu guindée qui
devait être celle de la reine guilloti-
née. Mais la ressemblance est sur-
tout affaire de fond. Notre ministre
s’arc-boute corps et âme sur sa ré-
forme du tiers payant faute de
Quant aux patients, ce serait tout
au plus une commodité de trésore-
rie. En dernier ressort, cela ne
modifiera en rien les taux de rem-
boursement par l’Assurance-ma-
ladie, qui resteront tout aussi
insuffisants au gré des assurés.
L’avantage proposé est donc se-
condaire, il se substitue à ce que
serait un véritable changement de
fond.
Marisol Touraine n’est évidem-
ment pas la seule à faire de l’affi-
chage politique. C’est plutôt la rè-
gle que l’exception dans les
pratiques gouvernementales. En
matière fiscale par exemple, Fran-
çois Hollande lui-même vient de
ressortir ce vieux serpent de mer
qu’est « le prélèvement à la sour-
ce » de l’impôt sur le revenu. Le
président de la République en a
évoqué le mois dernier la possibili-
té en recevant à l’Élysée quelques
députés socialistes de la commis-
sion des finances pour un
L’
Avec l’idée que l’IR sera plus indo-
lore, et l’arrière-pensée d’en facili- Europe a-t-elle
ter l’augmentation. Car, c’est un intérêt à réduire la
fait d’expérience, « plus une taxa- concurrence fiscale
tion est invisible et automatique, plus entre les pays membres de
elle aura tendance à s’alourdir », a la Communauté européenne?
démontré Amy Finkelstein, une Cette idée a priori séduisante
économiste du MIT de Boston. explique que Bruxelles souhaite
« Gouverner, c’est choisir », avait uniformiser les bases d’assujet-
déclaré, en 1953, Pierre Mendès tissement des sociétés à l’impôt
France, avant de devenir un éphé- sur les bénéfices dans tous
mère et mythique « président du les pays de l’Union.
Conseil », comme on appelait les Ce projet baptisé Accis
premiers ministres sous la IVe Ré- « se présente comme une option
publique. « Il est en notre pouvoir offerte aux sociétés qui pour-
d’arrêter le pays sur la pente fatale et raient par ailleurs conserver
d’opérer le redressement que le le régime propre à leur pays
monde entier attend, dont le monde d’implantation », expliquent Jean-Philippe Delsol,
entier et la paix ont besoin, et de res- Jean-Philippe Delsol, avocat président de l’Iref. DR
tituer à la France sa prospérité, son fiscaliste, président de l’Institut
rang et les moyens d’accomplir sa de recherches économiques des États ». Ils observent plus
mission ! », avait expliqué PMF à et fiscales (Iref) et Lucas Léger, généralement que « l’Accis est
l’Assemblée nationale dans un chargé d’études à l’Iref, qui un moyen pour l’administration
discours resté fameux. Il faisait publient une note sur ce thème bruxelloise d’étendre son empire
allusion à la guerre d’Indochine, titrée « Une assiette européen- en acquérant de nouveaux
qu’il souhaitait terminer aux plus ne commune de l’impôt territoires ou domaines
vite, et aux déséquilibres financiers sur les bénéfices des sociétés de décision dans tout

Marisol Touraine,
ministre de la Santé,
à l’Assemblée,
le 8 septembre 2014.
SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO
« deIl estdistribuer
pouvoir apporter de véritables
améliorations dans le rembourse-
ment des soins médicaux. Le su-
perflu l’emporte sur le nécessaire
et l’essentiel.
Sans entrer dans le débat qui
l’oppose aux médecins, sa proposi-
tion de généraliser le tiers payant
constitue-t-elle une réelle « avan-
cée sociale », comme le prétend la
ministre ? On peut en douter. Pour
les plus démunis existe déjà la cou-
verture maladie universelle, la
CMU, autrement dit la gratuité. Et
pour les autres, la carte Vitale, as-
sociée aux cartes bancaires à débit
différé, permet d’être remboursé
par la Sécurité sociale et les mu-
tuelles bien souvent avant même
d’avoir déboursé l’argent !
La généralisation du tiers
payant, qui bénéficierait aussi aux
plus aisés, présente sans doute
plus facile
de la brioche, des
indemnités chômage,
que de fournir
de l’emploi,
ce pain quotidien
de la vie sociale »
« apéro », selon l’expression
consacrée pour ce genre de ren-
contre. « Retenue à la source : si on
était sérieux », a répliqué verte-
ment le syndicat des agents de Ber-
cy, Solidaires Finances publiques,
qui voit dans cette énième resucée
« l’absence totale de perspective en
termes de réforme fiscale de fond ».
En pratique, le prélèvement à la
source n’apporterait en effet rien
de fondamental par rapport au dis-
positif actuel de la mensualisation
de l’impôt, devenue très majoritai-
re. Car l’argument de Martine
Aubry, la maire de Lille, qui y voit
français qui nécessitaient des choix est-elle souhaitable ? ». ce qui contribue à déterminer
drastiques. Cette réforme est une consé- l’impôt ».
Mutatis mutandis, notre situation quence logique de la volonté Les deux experts de l’Iref
présente n’est pas très différente de d’harmonisation fiscale de soulignent également que la
celle des années 1953-1954. Le be- Bruxelles, qui tente de réduire philosophie de l’harmonisation
soin d’établir des priorités et de la diversité d’imposition depuis prônée par Bruxelles mécon-
choisir est tout aussi manifeste qu’il sa création. Plusieurs rapports naît totalement le rôle de la
l’était au milieu de la IVe Républi- ont plaidé cette cause. En concurrence. « La liberté de
que. La lutte contre le chômage a- février 2000, le rapport chaque État de gérer ses règles
t-elle jamais été une « ardente Primarolo soulignait, par d’imposition comme il l’entend,
obligation » quand on voit les ré-
sultats ? Il est à l’évidence plus faci-
le de distribuer de la brioche, des
exemple, que la concurrence
fiscale « était dommageable
parce qu’elle conduisait
dans le cadre européen, protège
le contribuable », écrivent-ils.
La compétition fiscale peut être
indemnités chômage, que de four- à une forme de surenchère un atout, comme le montre
nir de l’emploi, ce pain quotidien ou de dumping fiscal pour attirer l’exemple de la Suisse
de la vie sociale. des activités économiques qui s’impose en tête des
De même, que veut-on ? Que sur le territoire des États classements économiques
l’euro s’affaiblisse, comme la Fran- concernés ». mondiaux. Chacun de ses
ce le réclame à cor et à cri, ou que La Commission espère enfin 26 cantons a la liberté de fixer
notre produit intérieur brut (PIB) atteindre cet objectif grâce à le taux de l’impôt sur les
soit le 5e du monde, ce dont nos mi- Accis. Ses experts soulignent sociétés. Ils s’étonnent égale-
nistres ne cessaient de se vanter ? que « les groupes européens ment que l’Europe se livre à un
Le gouvernement vient de décou- qui opteraient pour ce mode tour de passe-passe intellec-
vrir avec stupeur que l’apprécia- d’imposition, n’auraient plus tuel. Elle a pour seule règle
tion de 5,4 % de la livre sterling en à faire face à 28 administrations d’imposer la concurrence aux
2014 vis-à-vis de l’euro avait fiscales différentes mais à un entreprises, mais refuse d’ap-
contribué à rehausser d’autant le “guichet unique” pour toute pliquer celle-ci à la fiscalité.
PIB britannique, détrônant la Fran- l’UE ». Très critique, l’Iref estime

un moyen d’« éviter de se retrouver
dans la difficulté quand votre revenu
baisse brutalement », est totale-
ment infantilisant pour les contri-
buables : un adulte digne de ce nom
doit savoir « provisionner » des
charges aussi importantes, hélas,
que l’impôt sur le revenu pour ceux
qui l’acquittent. Certes, le système
ce de sa place de 5e. « Dieu se rit des Mais Jean-Philippe Delsol que le projet Accis entraînera
hommes qui déplorent les effets dont et Lucas Léger ne partagent pas une augmentation des impôts
ils chérissent les causes », disait le cette analyse. Ils estiment que sur les sociétés, une baisse
grand Bossuet pour dénoncer de la Communauté européenne des investissements et de
telles contradictions si fréquentes s’intéresse à cette réforme la compétitivité des pays
dans la politique spectacle. fiscale, car elle « permettra européens et « une baisse
d’élargir l’assiette de l’impôt relative des rémunérations
+ » Marisol Touraine au chevet
des généralistes PAGE 23
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais
et donc les recettes attendues des travailleurs en Europe ».

PROSPECTIVE
BOURSE
» NOUVEAU Le site Bourse du Figaro
www.lefigaro.fr/bourse
PAR Roland Laskine rlaskine@lefigaro.fr

Le lingot d’or au plus haut depuis août 2013

« enL’or,dollars,
calculé
Le prix du lingot a franchi le seuil des
32 000 euros. Le 8 janvier, il a touché les
32 520 euros, son plus haut niveau depuis
la fin août 2013. Avec une hausse de 2,6 %
naie de référence est l’euro, ne peuvent pas
se contenter de suivre le cours de l’or en
dollars. Autour de 1 200 dollars l’once à Lon-
dres, le métal jaune n’a en apparence stric-
lement une assurance contre les « coups de
tabac » en Bourse. Sa fonction première est
de protéger l’épargne contre les risques de
perte de valeur de la monnaie. La dernière
- 2,2 %
Évolution de l’indice
n’a rien fait depuis le 1er janvier, l’or démarre mieux tement rien fait l’an dernier. En réalité, ex- fois que l’or a franchi la barre des 1 000 euros CAC 40
en 2014. En
l’année que le CAC 40, en dépit d’un
contexte qui lui est pourtant défavorable.
primé en euros, l’or a réalisé en 2014 un très
beau parcours, puisqu’il a progressé de 15 %.
l’once, c’était en mai 2010, lorsque les crain-
tes sur un possible éclatement de la zone
depuis le 1er janvier 2015
euros, il n’a Il a même dépassé, pour la première fois de- euro ont commencé à se manifester. Les
cessé de u L’once de métal précieux exprimé en
euros a fortement progressé en 2014
puis le mois d’août 2013, le seuil symbolique
des 1 000 euros. Le sursaut de la valeur
1 400 euros ont été atteints en 2012, au plus
fort de la crise grecque. Le parallèle avec le
précieux. La résistance de l’or, à contresens
d’une baisse générale du prix des autres ma-
s’apprécier » Les investisseurs européens, dont la mon- refuge exprimée en euros n’est pas dû au
hasard. Il coïncide avec le retour des crain-
rouble, qui a perdu près de 50 % de sa valeur
l’an dernier face au dollar, est audacieux. Il
tières premières, montre qu’elle trouve
aujourd’hui sa justification dans la volonté
tes d’éclatement de la zone euro à la suite des illustre tout de même très bien la capacité de des épargnants de se protéger contre un ris-
L’or devient un actif de plus en plus volatil révélations du magazine allemand Der l’or à protéger le pouvoir d’achat des épar- que de perte de confiance dans la monnaie.
L’ONCE D’OR À LONDRES, en dollars Spiegel, selon lequel Berlin envisagerait sans gnants lorsqu’une devise perd de sa valeur Ce type de réaction est généralement réser-
1 382,92 inquiétude excessive la sortie de la Grèce de face aux monnaies fortes. En Russie, les seuls vé aux pays en grande difficulté financière.
la zone euro si un gouvernement opposé à la épargnants qui n’ont rien perdu au cours de Aujourd’hui, tout semble indiquer que la
1 350
rigueur refusait d’honorer les dettes du ces derniers mois sont ceux qui ont acheté crainte d’une nouvelle crise européenne
pays. des dollars ou de l’or. C’est la raison pour la- autour de la Grèce, qui a envoyé ces derniers
1 300 quelle ces deux marchés ont été fermés aux jours la monnaie unique à son plus bas ni-

1 250 1 216 ,64

u Un bon moyen de se protéger contre
la perte de valeur de l’euro
particuliers dès le début de la crise. veau depuis neuf ans face au billet vert, est
bien à l’origine de la hausse du lingot. Sur-

1 200
L’excellente performance de l’or exprimé en
euros se retrouve aujourd’hui dans le cours u L’or résiste bien à un environnement
qui lui est pourtant défavorable
tout à un moment où plusieurs pays, comme
la Russie et la Chine, accumulent de l’or dans
du lingot et des principales pièces, dont le La hausse de l’or depuis plus d’un an est a leurs coffres. Pour les uns, il s’agit de faire
Napoléon. La hausse de l’or physique sur le priori en contradiction totale avec l’absence face à une situation de guerre économique
1 150 Vieux Continent s’explique bien évidem- d’inflation, les craintes de récession dans la attisée par les États-Unis. Pour les autres, il
1 140 ,54
ment par la fermeté du dollar, qui s’est ap- zone euro et l’appréciation du dollar : habi- est question de diversifier leurs énormes ré-
2 janvier 2014 9 janvier 2015 précié de 15,3 % face à l’euro au cours des six tuellement, tous ces éléments militent au serves monétaires dans un actif plus solide
Source : Bloomberg derniers mois. Car, l’or ne constitue pas seu- contraire en faveur d’une baisse du métal que le dollar. ■
A
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO

26 MANAGEMENTet EMPLOIS AVEC

Les embauches de cadres

pourraient repartir en 2015
Les entreprises ont hésité à créer des postes, et les candidats sont restés prudents l’an dernier.
Les cabinets de recrutement tablent sur une amélioration cette année.
YANN LE GALÈS £ @YannLeGales

CONJONCTURE Les entrepri-

ses ont continué de recruter des
commerciaux l’an dernier. Les so-
ciétés de services informatiques et
les éditeurs de logiciels ont étoffé
leurs équipes. Les secteurs de l’aé-
ronautique et de l’énergie ont em-
bauché. Les principaux établisse-
ments bancaires ont de nouveau
recruté pour leurs réseaux. Les
collectivités territoriales et la
fonction publique ont repris leurs
embauches au second semestre.
Malgré ces signaux positifs, le
marché du recrutement des cadres
n’a pas redémarré.
«2014 est une année plate mal-
gré un léger mieux par rapport à
2013 », explique Tina Ling, PDG
France et Luxembourg du cabinet
Hays. « 2014 est une année en
yoyo. Elle marque une légère amé-
lioration par rapport à 2013, mais
cette dernière n’avait pas été une
bonne année », observe Antoine
Dussart, directeur général du ca-
binet Experts Recrutement, filiale
d’Adecco. « De 163 000 à 165 000
cadres devraient être recrutés en
2014. Ce chiffre est l’un des plus campagnes massives de recrute- Certaines professions ont toute- d’ouverture de missions », affirme recruté une centaine de jeunes Tina Ling, PDG France
bas de ces dix dernières années », ment ont été rares. fois continué d’être recherchées. Pierre-Emmanuel Dupil. Le cabi- consultants et de consultants se-
et Luxembourg
du cabinet Hays,
analyse Pierre-Emmanuel Dupil, De leur côté, les candidats ont Les spécialistes en sécurité infor- net Michael Page a enregistré ses niors l’an dernier. Cette stratégie Antoine Dussart,
directeur général du cabinet Mi- continué d’être prudents. Ils ont matique, en big data, en gestion de meilleures prises de commandes lui a permis de gagner des parts de directeur général
chael Page. hésité à prendre des risques. Des base de données sont très deman- pendant ces deux mois l’an dernier. marché et d’augmenter son chiffre du cabinet Experts
cadres qui avaient signé un contrat dés. Les experts en ressources hu- « Ces chiffres encourageants lais- d’affaires. Recrutement,
Missions en CDD d’embauche et étaient tombés maines de bon niveau, les juristes sent espérer que l’amélioration va se La nouvelle donne économique et Pierre-Emmanuel
et indépendants d’accord sur leur date d’embauche capables de gérer des plans de sau- poursuivre au premier semestre », a aussi bouleversé le marché du Dupil, directeur général
Conjoncture économique oblige, et leur rémunération ont préféré vegarde de l’emploi ou ayant un poursuit Pierre-Emmanuel Dupil. travail. Le management de transi- du cabinet Michael Page
les entreprises ont fait preuve de rester chez leur employeur quand profil très généraliste et parlant D’autres professionnels tablent tion croît. Le recrutement des ca- (de gauche à droite).
prudence. Elles se sont adaptées celui-ci leur a présenté une con- anglais, les professionnels de la lo- sur un redressement plus tardif. dres en CDD se développe. « C’est FRANÇOIS BOUCHON/
à une croissance annuelle de tre-offre. « Ces situations sont gistique sont aussi très appréciés. « Je ne prévois pas de reprise au une manière pour les entreprises de LE FIGARO, DR
0,4 %. Manquant de visibilité, nouvelles. Cela ne se produisait que Malgré un climat économique premier semestre. La tendance sera tester les candidats avant de les em-
elles ont gelé leurs investisse- très rarement avant 2012 », com- morose, le marché du recrutement la même qu’au premier semestre baucher en CDI », constate Tina
ments et se sont contentées mente Antoine Dussart. des cadres pourrait repartir cette 2014. Ce dernier avait été à peine Ling. D’autres accomplissent des
d’ajuster leurs effectifs. « Elles Le marché du recrutement a année. Les départs en retraite vont meilleur que le premier semestre missions en intérim. « 20 % des
remplacent les gens qui partent certes connu des frémissements en se poursuivre. Les entreprises qui 2013 », avance Antoine Dussart. cadres intérimaires le font par
en retraite et compensent les dé- mars-avril et en septembre-octo- ont limité leurs recrutements aux « Des signes positifs permettent de choix », assure Pierre-Emmanuel
parts liés au turnover », remar- bre. Mais l’embellie est vite retom- postes clés devraient de nouveaux penser que le marché s’améliorera Dupil. Les cadres sont de plus en
que Tina Ling. Les employeurs bée. « La croissance de 10 % pré- créer des emplois. « Octobre et no- au second semestre 2015. La crois- plus nombreux à choisir le statut
ont stoppé des recrutements du vue au second semestre n’a pas été vembre 2014 ont connu une progres- sance pourrait être de 7 à 10 % selon d’indépendant et le portage. No-
jour au lendemain. Ils ont par- au rendez-vous. Elle n’a été que de 5 sion de près de 15 % par rapport à la l’Apec », souligne Tina Ling. Pré- tamment dans les secteurs de l’in-
fois renoncé à des projets. Les à 7 % », précise Antoine Dussart. même période de 2013 en termes parant la reprise, le cabinet Hays a formatique et de la santé. ■

Les Français plébiscitent les valeurs positives de l’entreprise

Selon le baromètre Kea & Partners, les Français notent deux fois mieux les entreprises que la société civile.
ENQUÊTE Le divorce entre
l’entreprise et la vie politique et
sociale se confirme. Selon la der-
nière édition du baromètre sur
les valeurs des Français en entre-
prise et dans la société réalisée
par le cabinet de conseil en stra-
tégie et management Kea & Par-
tners avec OpinionWay, les
LE TOP TROIS DES Français accordent en 2014 une
VALEURS SOUHAITÉES note de 15,4 sur 20 aux entrepri-
POUR LA SOCIÉTÉ ses contre 6,8 sur 20 à la société
SOURCE KEA & PARTNERS
civile et politique.
valeur positive dans les premières
valeurs pour parler de la société.
Ils citent au contraire le chômage,
la corruption, l’insécurité, l’in-
certitude pour le futur. Ils ne pla-
cent les premières valeurs positi-
ves - la liberté d’expression et la
laïcité - qu’aux 19e et 20e rangs.
Les hommes et les femmes dres-
sent le même diagnostic. Le juge-
ment varie toutefois selon l’âge.
Les plus de 50 ans accordent 16 à
l’entreprise contre 6,6 à la société.
de 35 ans font davantage confiance
à l’entreprise qu’en 2013. Ils la no-
tent 15,2 en 2014 contre 14,4 en
2013, alors qu’ils portent le même
jugement sur la société (7,8 en
2014 contre 7,6 en 2013).
Mais les jugements diffèrent se-
lon la taille de l’entreprise. Plus la
société est grande, moins bien elle
est notée. Les très grandes firmes
ne recueillent que 14,2 contre 16,4
pour les petites structures.
Le privé remporte également
prises publiques, généralement des
grandes entreprises, semble s’être
dégradée en 2014 pendant qu’elle
s’est améliorée dans les entrepri-
ses privées », observe Arnaud
Gangloff.
Des chefs d’entreprise
attentifs
Comme en 2012 et 2013, les Fran-
çais placent le travail en équipe en
tête des valeurs des entreprises.
Ils estiment que l’amélioration de
communication, la confiance et
l’épanouissement.
Les hommes et les femmes par-
tagent la même vision pour amé-
liorer l’efficacité au travail. Il
existe par contre des différences
entre le public et le privé. Les sa-
lariés du privé privilégient la sa-
tisfaction client et l’épanouisse-
ment des collaborateurs, alors que
les employés du public plaident en
priorité pour que des progrès
soient accomplis pour améliorer

38 %
des Francais
« Comme en 2012 et 2013, les
Français notent la santé culturelle
des entreprises en 2014 deux fois
mieux qu’ils ne notent la société
Les 35-50 ans 14,8 à la première,
contre 6,8 à la seconde. Les moins
plus de suffrages que le public.
« La culture vécue dans les entre-
la performance de leur employeur
exige de miser davantage sur la
les relations humaines, la recon-
naissance et le bien-être des col-
laborateurs. Les demandes va-
rient également avec la taille de
veulent l’efficacité
du gouvernement française », explique Arnaud l’entreprise.
Gangloff, PDG de Kea & Partners.
Top 7 des valeurs de la culture actuelle des entreprises Source : Kea & Partners
Les personnes qui travaillent

26 %
Les chefs d’entreprise portent le 2012 27 % dans les petites sociétés veulent
TRAVAIL
jugement le plus sévère sur l’évo- 1 EN ÉQUIPE
2013 27 % améliorer la satisfaction client et
lution de la société française avec 2014 25 % le professionnalisme. Ceux des
des Français
demandent la justice la note de 4,8. 2012 24 % moyennes entreprises plébisci-
FOCALISATION tent un meilleur équilibre entre
2 2013 19 %
Communication SUR LES RÉSULTATS vie privée et vie professionnelle,

24 %
2014 20 %
et confiance alors que les collaborateurs des
2012 21 %
Signe inquiétant, la note de la grandes entreprises mettent en
3 PRODUCTIVITÉ 2013 18 %
des Français France se dégrade régulièrement. avant l’épanouissement et la re-
sont favorables 2014 17 %
Elle était déjà passée de 8,6 en connaissance des collaborateurs.
à la justice sociale 2012 à 7 en 2013. La patrie de Vic- 2012 22 % Ils citent également les droits de
SATISFACTION 19 %
tor Hugo perd également des pla- 4 2013 l’homme, la créativité et l’écoute
CLIENT 2014 17 %
ces en Europe. Elle est avant-der- mais ne mentionnent pas la satis-
nière devant l’Italie loin derrière 2012 23 % faction client et le travail en équi-
RÉDUCTION
le Royaume-Uni, la Belgique, le 5 2013 18 % pe parmi les 10 premières valeurs.
DES COÛTS 16 %
Danemark et la Suisse. « Le dys- 2014 Malgré ce goût affirmé de la
fonctionnement de la société déjà 2012 26 % performance chez leurs collabo-
profond depuis 2012 plonge le pays 6 HIÉRARCHIE 2013 17 % rateurs, les chefs d’entreprise
dans un désarroi presque unique en 2014 16 % doivent rester attentifs pour évi-
Europe et dans le monde », souli- 2012 26 % ter qu’un fossé ne se creuse entre
gnent les consultants de Kea 7 PROFESSIONALISME 14 % leurs perceptions et les souhaits
A

2013
& Partners. 2014 15 % Infographie de leurs salariés. Notamment dans
Les Français ne placent aucune les grandes entreprises. ■ Y. LE G.
 lundi 12 janvier 2015

Philippe Lamblin, DRH du groupe Avril (ex-Sofiprotéol)

« Nous inventons l’alimentation du XXIe siècle »

© François Bouchon

Les activités industrielles du géant des huiles alimentaire et de la nutrition animale changent de nom pour se rendre plus
lisibles. Y compris pour les candidats que le groupe cherche à recruter en 2015. Par Sylvia Di Pasquale
Et dire que la très grande majorité des Français Mais elle a décidé de se rendre plus visible. En donnant faciliter ses recrutements. Car si les ingénieurs agro-
l’ignorent. Dire qu’il y a dans l’Hexagone, un groupe un nouveau nom à ses activités industrielles (tandis que nomes spécialistes du « triturage » (c’est l’expression
agroindustriel discret de 8200 salariés, qui réalise 7 mil- ses activités de financement restent sous le nom de consacrée) ou du raffinage des graines, connaissent ce
Philippe Lamblin, liards d’euros de chiffre d’affaires dans 22 pays, qui Sofiprotéol). Place donc au nouveau groupe Avril – qui fleuron de l’agroindustrie, en revanche les commer-
embauche une bonne centaine de évoque « le mois où la terre renait, avec ciaux, les financiers, les RH ou les professionnels du
DRH du groupe Avril cadres par an, et s’offre, par-dessus le « 100 recrutements de un A pour animal puis un V pour végétal, marketing ne pensent guère à lui envoyer leur CV. Alors
marché, le luxe d’être leader sur symbolisant nos deux principaux métiers en attendant qu’Avril soit aussi connu qu’Airbus,
la quasi-totalité des marques qu’il cadres cette année » ». Un renouveau qui semble ravir son Philippe Lamblin déploie son enthousiasme pour
fabrique. Entre autres, les huiles DRH, Philippe Lamblin, ex sportif évoquer sa maison « où l’on donne du sens, où l’on
Lesieur et Puget, les œufs Matines ou les produits de haut niveau, et ancien président de la Fédération invente l’alimentation du XXIe siècle, où l’on réinvestit
d’alimentation Sanders, stars chez les agriculteurs, mais française d’athlétisme, reconverti dans les ressources l’intégralité du bénéfice. » Une entreprise aussi, où les
aussi le biodiesel Diester. Ces marques appartiennent humaines et l’oléagineux. « Il était temps de changer », salariés vont recevoir des actions. Un argument qui
tous à la belle méconnue. Une foisonnante galaxie de se contente-t-il de commenter, même si on devine peut convaincre les derniers réticents aux seuls bons
PME qui, jusqu’au 7 janvier dernier, s’appelait Sofiprotéol. qu’un nom d’entreprise plus facile à mémoriser devrait sentiments.

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 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO

30 MÉDIAS et PUBLICITÉ
Dana Hastier : « J’en ai marre du France 3 bashing »
INTERVIEW La directrice de France 3 est l’invitée du « Buzz Média Orange-Le Figaro ».

PROPOS RECUEILLIS PAR

ENGUERAND RENAULT £@erenault

AUDIOVISUEL À la tête de la
chaîne publique depuis le mois de
mai, Dana Hastier conforte l’identi-
té de France 3 en renouvelant les
programmes phares et en lançant
de nouvelles émissions.

LE FIGARO. - France 3 a connu

une légère baisse de son audience
en 2014. En revanche, les prime
times fonctionnent bien.
Qu’est-ce qui ne marche pas ?
Dana HASTIER. - Revenons tout
d’abord sur les points positifs. Notre
case documentaire avec les « Lundi
en histoires » se portent mieux avec
des audiences passées de 7,5 % à
plus de 9 %. Ce qui marche toujours
très bien, c’est la fiction du mardi et
du samedi avec plus de 14 % de part
d’audience. La fiction française est
véritablement le point fort de la
chaîne. Il faut également noter la
bonne tenue des fictions européen-
nes du dimanche et bien sûr « Des

racines et des ailes » le mercredi.
En revanche, le point de fragilité de
France 3 est le cinéma. Nous diffu-
sons des bons films mais qui ont été
trop vus et revus. Pour pallier à
cela, nous essayons d’éditorialiser
la programmation avec des films
d’histoire et des films français ré-
cents. Enfin, il faut noter le léger
décrochage des grandes marques
de la chaîne comme certains jeux,
Plus belle la vie et « Thalassa » dont
les audiences ont légèrement bais-
sé. Nous tenons énormément à ces
marques. Je ne pense pas qu’elles
soient usées, mais elles doivent
connaître des ajustements. Les
équipes de France 3 avec les pro-
ducteurs sont déjà au travail.
Marc-Olivier Fogiel
arrive en février avec une nouvelle
émission. Comment va-t-il
s’intégrer dans la chaîne ?
L’émission s’appellera « Le Divan
de Marc-Olivier Fogiel ». C’est
simple et de bon goût. Mais Marc-
Olivier Fogiel avait très envie de
s’adosser à cette belle marque et
nous sommes dans une période où
les gens ont besoin de références,
quitte à les moderniser. Marc-Oli-
vier Fogiel s’intègre très bien dans
notre ligne éditoriale : nous som-
mes la chaîne de la culture populai-
re et de l’histoire. Il recevra des in-
vités du monde artistique mais
également du monde politique. Je
peux vous dire que le premier invité
du « Divan de Marc-Olivier Fo-
giel » sera Fabrice Luchini.
L’émission sera diffusée le mardi,
en seconde partie de soirée après le
Grand Soir 3. Et pour mieux expo-
ser ce nouveau programme, j’ai de-
mandé de réduire la durée du
Grand Soir 3 de dix minutes le mar-
di. De plus, avec Marc-Olivier Fo-
giel, nous réfléchissons à la décli-
naison de quelques prime times
EN DIRECT DE LA SILICON VALLEY
Marie-Catherine Beuth (À SAN FRANCISCO) £@M_C_B
LA SILICON VALLEY BOUSCULÉE PAR SAN FRANCISCO
« France 3 est la chaîne de la culture populaire au meilleur sens du terme », déclare Dana Hastier, directrice de France 3.
dans l’année avec des invités pres-
tigieux. Je compte sur lui pour ra-
jeunir en partie notre public.
Assumez-vous d’avoir
une audience âgée en moyenne
de 59 ans ou voulez-vous
la rajeunir ?
J’assume totalement l’âge moyen
de nos téléspectateurs qui corres-
pond au contexte du public du total
TV des 6 chaînes historiques
(50 ans) car quand on prend la tête
d’une chaîne, on ne repart pas de
zéro. Mais nous pouvons très bien,
grâce à des programmes comme
« Ludo » ou Plus belle la vie, avoir
des moments où des jeunes actifs et
urbains repassent par France 3.
Vous avez pris la direction
Je ne suis de la chaîne en mai. Quelle est
pas d’accord votre feuille de route ?
France 3 est la chaîne de la culture
du tout quand populaire au meilleur sens du ter-
on dit qu’il me. La dimension régionale est
n’y a pas consubstantielle à France 3. L’in-
formation régionale marche très
de différence bien et contribue beaucoup à
entre l’audience de la chaîne.
les chaînes Toutefois, il faut que la chaîne soit
plus cohérente dans l’articulation
publiques entre la dimension régionale et
et privées
DANA HASTIER
» nationale. Nous sommes trop loin
les uns des autres, il faut travailler
de façon complémentaire car
nous avons des choses à nous ap-
porter mutuellement. Aujour-
d’hui, cette chaîne est trop
constituée de deux entités.
France 3 a été critiquée
par le rapport du CSA sur sa ligne
éditoriale et sur l’absence
de réformes de France 3 Région.
En avez-vous marre du France 3
bashing ?
Oui, j’en ai marre car il y a toujours
une dimension démagogique dans
ces critiques qui consistent à dire
qu’il y a trop de salariés dans le ré-
seau régional. C’est faux ! J’ai long-
temps travaillé chez Arte et avec
nos homologues allemands. En Al-
lemagne, il y a deux grandes chaî-
nes publiques dont l’une est régio-
nale et il y a 35 000 personnes qui
travaillent dans l’audiovisuel pu-
blic. Du coup, les 3 500 personnes
qui travaillent pour le réseau régio-
nal de France 3, ce n’est pas un
souci pour un grand pays comme le
nôtre. Le maillage du territoire qui a
été choisi avec 116 implantations lo-
cales et 24 antennes de proximité
nous oblige à avoir des gens pour
restituer tout ce qui se passe dans
nos régions. La France peut se payer
un tel maillage régional, il n’y a rien
d’indécent. À côté, l’antenne natio-
nale de France 3, c’est seulement
170 personnes.
France 3 a-t-elle une ligne
éditoriale claire ?
Tout le monde reconnaît que Fran-
ce 3 est une belle chaîne de la cultu-
re populaire. Je ne suis pas d’accord
du tout quand on dit qu’il n’y a pas
de différence entre les chaînes pu-
bliques et privées. Sur les chaînes
privées, vous n’avez pas de docu-
mentaires, pas de spectacles vi-
vants, très peu de magazines cultu-
rels et pas de fictions historiques.
On ne peut pas dire que les pro-
grammes de France Télévisions
ressemblent à ceux des chaînes pri-
vées. Le budget de programme de
France 3 national est de 350 mil-
lions d’euros dont 135 millions dans
la fiction (35 millions pour Plus belle
la vie), 33 millions pour les docu-
mentaires, 18 millions pour l’ani-
mation et 8,5 millions pour les
spectacles vivants. Il n’y a pas
beaucoup de chaînes privées qui in-
vestissent autant dans les œuvres
audiovisuelles !
Le CSA va nommer un nouveau
président de France Télévisions
en avril. Comment pouvez-vous
vous inscrire dans la durée ?
Nous gérons une chaîne avec
honnêteté et nous travaillerons
jusqu’au bout. Aujourd’hui, les
commandes de programmes
continuent. Nous nous projetons
au-delà du printemps 2015, car
nous achetons des films et com-
mandons de la fiction pour dans
deux ans. Idem pour les docu-
mentaires et l’animation. Comme
nous sommes une chaîne qui in-
vestit beaucoup dans les œuvres
audiovisuelles, nous travaillons
pour le moyen terme. Il y a tou-
jours eu une continuité du service
public. J’espère pouvoir conti-
nuer à faire ce que je fais ! ■
F. BOUCHON/LE FIGARO
LES AUDIENCES
Samedi 10 janvier
en millions de téléspectateurs
(source Médiamétrie)
8,1 millions
Jeu « The Voice »
Part d’audience : 34,6 %
3,1 millions
Série Le Sang de la vigne
Part d’audience : 12,4 %
2,8 millions
Variétés « C’est votre vie »
Part d’audience : 12,6%
2,6 millions
Série NCIS Los Angeles
Part d’audience : 10,2%
EN BREF
Le « London Evening
Standard » licencie
Le quotidien londonien
a décidé de se séparer
de plusieurs chefs de service
et journalistes expérimentés
afin de réduire ses coûts.
Quatorze salariés sont
concernés. L’annonce officielle
de ces licenciements s’est faite
alors qu’une partie de la
rédaction revenait d’une messe
en l’honneur des journalistes
de Charlie Hebdo.

INTERNET Maneesh est catégorique. De-
puis quinze ans que cet ingénieur infor-
matique vit dans la Silicon Valley, le
monde n’y a pas vraiment changé. La
seule mutation notable que ce Califor-
nien a constatée est la montée en charge
de San Francisco et de son influence. La
ville jouxte les franges extérieures de la
Silicon Valley mais n’en fait pas partie
stricto sensu. Depuis quelques années,
elle est devenue un important acteur de
l’écosystème de l’innovation. Les nou-
velles start-up et les pépites en vogue s’y
installent en nombre grandissant. Leurs
employés viennent y habiter par mil-
liers, accélérant les phénomènes de
« gentrification » amplement chroni-
qués et décriés au cours de l’année pas-
sée. « On va dans des quartiers où on n’al-
lait pas il y a dix ans », observe Maneesh.
A
l’espace urbain que le pouvoir d’attrac-
tion de San Francisco a le plus de consé-
quences. Ce sont les mécaniques de ré-
seau que cette agrégation de projets
nouveaux et de talents exceptionnels en-
traîne. S’il devient plus facile de trouver
les cerveaux prometteurs pour bâtir les
projets de demain en ville que sur la pé-
ninsule, qu’est-ce que cela implique
pour l’écosystème traditionnel bâti entre
Sand Hill Road et San Jose ?
Ainsi, il n’est pas anodin d’entendre
des conversations courantes pour les ca-
fés de Palo Alto ou Menlo Park sur les
trottoirs de San Francisco, mais à des
heures avancées de la nuit. Comme cet
étonnant échange entendu à la sortie
d’une boîte de nuit : « Chez qui tu tra-
vailles maintenant ? Mais viens chez Uber !
On recrute plein de designers actuelle-
En plus, on vient de boucler une levée de
fonds. » « Ah, je sais pas, j’ai plus de res-
ponsabilités dans ma start-up, là, c’est
plus amusant… »
Des groupes d’amis
Il existe comme une fébrilité de mercato
permanent. « San Francisco est une ville
où les gens font beaucoup de choses en
groupe. Et ces groupes sont souvent des
amis qui travaillent ensemble », observe
Yinyin, conductrice de taxi amateur
pour Lyft. Une grappe de collaborateurs
de Google peut ainsi croiser des anciens
confrères passés chez Dropbox ou Twit-
ter lors d’un brunch dominical. Ces
rencontres impromptues servent d’ex-
cellent baromètre sur la santé des start-
up et de sonde pour détecter de nou-
veaux projets excitants. D’être en ville
vailler sur la résolution de problèmes
différents, liés à un mode de vie urbain,
et pas forcément visibles depuis un
campus en pleine banlieue à l’américai-
ne. On a ainsi assisté récemment à un
afflux d’applications de parking qui
permettent d’accéder plus facilement à
un emplacement en augmentant l’in-
ventaire d’espace disponible ou encore
à une guerre des services de livraison de
courses à domicile en temps réduit.
Et c’est peut-être là que se trouve
l’opportunité pour toutes les autres as-
pirantes Silicon Valley du monde.
Alors que la technologie infiltre toutes
les facettes de la vie quotidienne, elle
va devoir servir à résoudre des problè-
mes très particuliers et locaux, impos-
sibles à anticiper dans ce qui est depuis
des décennies l’épicentre mondial de
Nintendo se retire
du marché brésilien
Le géant japonais du jeu vidéo
a décidé de ne plus distribuer
au Brésil ses consoles et ses jeux
par le biais de son distributeur
local, Gaming do Brasil.
Nintendo accuse les fortes taxes
brésiliennes frappant
les produits venus
de l’étranger. Ces dernières
peuvent multiplier par quatre
le prix d’une console de jeu.
« O Globo » se sépare
de 100 employés
Le plus grand journal de Rio
de Janeiro licencie notamment
30 journalistes, débutants
comme pointures de la presse

Mais ce n’est pas par son impact sur ment. Vraiment les meilleurs de la place. amène aussi les entrepreneurs à tra- l’innovation. ■ brésilienne. La direction
nie être en crise.
lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO - N° 21 905 - Cahier N° 3 - Ne peut être vendu séparément - www.lefigaro.fr
STYLE
À LONDRES, LES JEUNES
DESIGNERS OUVRENT
LA SAISON DES PRÉSENTATIONS
J. W. Anderson DE MODE MASCULINE PAGE 35
Les arts dans la rue
Musiciens, cinéastes, auteurs, comédiens, plasticiens… les personnalités de la culture
ont participé nombreuses aux rassemblements dans toute la France. PAGE 32
Une limousine sans chauffeur a roulé dans Las Vegas
PROSPECTIVE Mercedes vient de révéler, dans la cadre du Consumer Electronics Show, une étude baptisée F 015 Luxury
in Motion, préfigurant une future Classe S totalement autonome, électrique et connectée, qui sera lancée en 2030.
plus incontournable que, grâce à lui, les
THIERRY ÉTIENNE tetienne@lefigaro.fr
ingénieurs nous promettent un futur
sans accident. La notion de plaisir de
La planète automobile est à l’aube d’une conduite étant devenue toute relative,
révolution. Si l’on en croit les principaux les partisans de la voiture autonome
acteurs de cette industrie et Google, qui avancent que, plutôt que d’avoir à af-
s’y intéresse fortement, la voiture du fu- fronter des heures d’embouteillage et de
tur sera totalement autonome. Lorsque surveiller constamment leur compteur
la conduite est vécue comme une sur autoroute, ils préféreraient se re-
contrainte, autant la déléguer à une in- laxer, s’informer ou se divertir lors de
telligence artificielle. Ce passage au pilo- leurs déplacements.
te automatique, techniquement possible À quoi ressemblera cette voiture sans
dès la prochaine décennie, est d’autant chauffeur ? Mercedes nous en donne un
La carrosserie monolithique de la F 015 renferme un bouleversement architectural.
DAIMLER AG - GLOBAL COMMUNICATIONS MERCEDES-BENZ CARS, JW ANDERSON, ERIC FEFERBERG/AFP, CHENPG - FOTOLIA
saisissant aperçu avec la F 015 Luxury in
Motion, une étude futuriste de limousine
qu’il vient de présenter et de faire rouler
dans le cadre du Consumer Electronics
Show (CES) de Las Vegas. Sa carrosserie
monolithique renferme un bouleverse-
ment architectural.
Frein psychologique
Si l’on éprouve quelques difficultés à dis-
tinguer l’avant de l’arrière de ce long ga-
let de 5,22 mètres, c’est sans doute parce
que le conducteur et le passager du pre-
mier rang peuvent faire pivoter leurs
sièges de 180° pour converser avec les
passagers arrière, comme dans une calè-
che. Les occupants de la F 015 sont invi-
tés à se divertir ou à travailler, sans se
soucier des aléas de la circulation.
La communication à bord et vers le
monde extérieur est orchestrée par une
véritable arène numérique, formée par
six écrans géants de commande disposés
harmonieusement sur la planche de
bord et les panneaux de portes. Les fonc-
tions obéissent au doigt, mais aussi à
l’œil. La calandre à LED de la limousine
autonome annonce la couleur. Blanche,
elle signale qu’un homme est au volant ;
bleue, qu’il se laisse transporter. Et la
F 015 est capable de se montrer tout aussi
prévenante envers les piétons qui vien-
draient à croiser son chemin. Son laser
lui permet de les détecter en un temps
record. Elle peut alors les aider à traver-
ser la route en dessinant, avec des LED
vertes, un passage piéton virtuel sur la
chaussée.
Si le propriétaire de la Classe S de 2030
n’aura que rarement l’occasion ou l’en-
vie d’en prendre le volant, il devra
quand même faire un plein d’hydrogène
pour alimenter une pile à combustible
qui fournira l’électricité nécessaire au
fonctionnement des deux moteurs de
136 ch qui propulseront ses roues arrière.
i n s
m at
les
CT IO N
RÉDA
CHET ET LA
MARC VOIN Z LE COUP DE COEUR
RETROUVE
en partenar
HIGH-TECH
30 APPLICATIONS
POUR BIEN PROFITER
DE SON SMARTPHONE
PAGE 36
Ces moteurs pourront aussi être alimen-
tés par des batteries lithium-ion, re-
chargeables sur secteur. L’autonomie de
cet impressionnant vaisseau serait supé-
rieure à un millier de kilomètres, dont
200 sur la seule ressource de ses batte-
ries. Quant aux performances, une puis-
sance combinée de 272 ch assure un 0 à
100 km/h en seulement 6,7 secondes et
une vitesse de pointe de 200 km/h.
Vivement demain ? Le plus gros frein
au développement de la voiture autono-
me sera certainement psychologique. Si
l’on en croit de récentes enquêtes, deux
tiers des automobolistes veulent garder
le manche, considérant que la voiture
demeure un instrument de liberté et le
symbole d’un statut social. ■
55
6H30 À 9H MARDI À 8H
NDREDI DE NT CHAQUE
DU LUNDI AU VE RAND DE SAINT-VINCE ul tu re .fr
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CULTURE DE
iat avec
A
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
L’HOMMAGE AUX VICTIMES
32 DES ATTENTATS
Le monde de la culture
manifeste son émotion
REPORTAGE Dans la foule compacte de la marche républicaine,
les artistes ont défilé main dans la main. Pour que vive la création.
L
SERVICES CULTURE
ET LITTÉRAIRE
culture@lefigaro.fr
es gens de cinéma sont des
citoyens comme les autres. Ils sont gra-
ves, émus et heureux de se retrouver.
Acteurs et réalisateurs se sont donné
rendez-vous à l’angle de la rue Amelot et
de la rue Jean-Pierre-Timbaud. Dès
14 heures, ils sont nombreux. La foule est
compacte, infranchissable. La Société des
réalisateurs de films les a invités à se re-
grouper mais beaucoup sont ici parce
qu’un ami les a prévenus de ce lieu de
rassemblement. Serge Toubiana, direc-
teur de la Cinémathèque française, dis-
cute avec son président, Costa-Gavras.
On reconnaît Julie Gayet, des crayons pi-
qués dans son chignon, mais aussi Ro-
main Goupil, Bruno Solo, Patrick Bou-
chitey, Emmanuelle Bercot, Tonie
Marshall, Emmanuelle Béart, Roschdy
Zem, Céline Sallette, Romane Bohringer,
Zinedine Soualem, Marianne Denicourt,
Xavier Durringer ou encore Patrick
Bruel, en pleine conversation avec Mi-
chel Drucker.
Des comédiens anonymes aussi, tel ce-
lui qui confie à un ami : « Mon metteur en
scène était furieux que je n’assiste pas à la
répétition mais je ne pouvais pas ne pas ve-
nir. » Pascal Demolon, à l’affiche de Dis-
count (en salle le 21 janvier), a les yeux
rougis. « Je suis bouleversé. Je suis en plei-
ne promotion du film… C’est très difficile
de dire aux gens d’aller voir une comédie. »
Philippe Rebbot, acteur dans Hippocrate,
essaye de garder le sens de l’humour :
« J’ai invité les spectateurs d’Hippocrate à
venir et ils ont tous répondu présent. » Une
PHOTO : ELODIE GRÉGOIRE
EN DIRECT ET EN VIDÉO SUR
C
allusion au succès inattendu du film qui a
attiré presque un million de spectateurs.
Il dit qu’il faut continuer à « déconner »,
malgré la peine. Plus tard, on croise ses
partenaires Vincent Lacoste et Félix
Moati, chantant (faux) La Marseillaise.
D’autres comédiens sont noyés dans la
foule d’anonymes, telle Sylvie Testud,
perchée sur un échafaudage. Tony Gatlif,
lui, bat le pavé : « On n’a pas pu respirer
pendant trois jours mais on lâchera jamais
NICOLAS SARKOZY
INVITÉ EXCEPTIONNEL DE RTL MATIN
PRÉSENTÉ PAR YVES CALVI
7h40 : Interview par Jean-Michel Aphatie
8h10 : Réponse aux questions des auditeurs
rtl.fr
pour la liberté. Le peuple français s’était
endormi mais il s’est réveillé et il donne de
la voix. C’est une marche de deuil et de re-
vendication. Mon dernier film, Geronimo,
parlait de l’intolérance, mais je crois qu’il y
aura un avant et un après dans mon tra-
vail. Je suis un Français de l’exil mais
aujourd’hui je me sens très Français et je le
revendique, sans rejeter personne. »
Au Forum des images, une projection
exceptionnelle de Caricaturistes, fantas-
PHOTO : ABACA PRESS
AUJOURD’HUI
Des membres de Charlie
Hebdo défilaient hier à Paris.
ERIC FEFERBERG/AFP
sins de la démocratie a eu lieu hier à
18 h 30, en soutien à Charlie Hebdo et pour
la liberté d’expression. Radu Mihaileanu,
producteur et coréalisateur avec Stépha-
nie Valloatto de ce documentaire sur
douze caricaturistes internationaux, est
venu présenter le film, programmé gra-
tuitement. En quittant le cortège, le réa-
lisateur nous a confié : « Aujourd’hui, j’ai
vu tout un peuple debout. Et j’espère que
cela ne va pas s’arrêter. Cette union, cette
colère pacifique, c’est un réveil. Face à
tous les extrémismes, il faut sortir de la
somnolence et de la médiocrité. On a mon-
tré un beau visage, c’est très inspirant et
encourageant. Mais la tâche est grande et
il faut la poursuivre par l’éducation, la ré-
flexion, la conscience, la responsabilité.
Nous avons deux belles maisons, la France
et le monde, dont nous sommes responsa-
bles, et qu’il nous appartient d’entretenir
et d’embellir. »
« Refuser la barbarie »
Les auteurs avaient fixé le même lieu de
rendez-vous que leurs confrères du ciné-
ma. Ils avaient tout prévu – un slogan
« Les outils de la création contre les ar-
mes » –, mais pas cette vague humaine
qui a atteint son point culminant place de
la République. Marie Sellier, présidente
de la Société des gens de lettres (SGDL), à
l’initiative de ce rassemblement des écri-
vains, essayistes, traducteurs, illustra-
teurs, envoyait ce message à 15 h 30 :
« Impossible de rallier notre lieu de RDV. »
Jointe plus tard, elle raconte : « La foule
était dense, calme, les gens extrêmement
respectueux, pas une bousculade, pas un
mot plus haut que l’autre. Nous avons at-
tendu deux heures, place de la République
avant que le cortège se mette en route en
chantant La Marseillaise, en scandant
“Charlie !, Charlie ! ”, en applaudissant
par salves. Nous étions tous là, heureux
d’être ensemble et fiers d’être français. »
Les écrivains ont finalement marché
de façon dispersée. Parmi eux, Pierre Le-
maitre, Prix Goncourt 2013. « J’y ai parti-
cipé parce que ce n’est pas seulement la li-
berté de la presse qui a été attaquée. On a
assassiné des artistes, et c’est aussi la li-
berté de création qui a été atteinte. Deux
piliers essentiels dans une démocratie mo-
derne. Enfin, il faut refuser la barbarie.
Dans une société moderne, ceux qui se
sentent diffamés attaquent en justice, ils
n’attaquent pas à la kalachnikov ! »
Le matin, dans le JDD, Patrick Modia-
no, Prix Nobel de littérature 2014, a ex-
pliqué pourquoi il participait : « Je mar-
che pour que ces victimes qui sont
devenues des héros à notre place restent à
jamais le symbole de cette France meur-
trie, mais unie, courageuse, libre, que nous
aimons et à laquelle nous sommes fiers
d’appartenir. »
Au cœur du cortège, le Théâtre du So-
leil au complet, avec Ariane Mnouch-
kine. Elle commande les mouvements
d’une immense marionnette à tiges qui
représentait la justice dans un précédent
L’humoriste Dany Boon,
le réalisateur Costa-Gavras,
Julie Gayet, Luc Dardenne et
Hugh Hudson (de haut en bas).
FACEBOOK DANY BOON, TWITTER
ETIENNE SORIN, TWITTER THIERRY
FREMAUX, TWITTER LOCUTURA
Depuis
des temps
immémoriaux,
les arts ont inspiré
la réflexion.
Nous restons
solidaires pour
défendre la liberté
d’expression et
nous engageons
à protéger le droit
des artistes à créer
librement
DÉCLARATION COMMUNE DES
»
28 MINISTRES DE LA CULTURE
DE L’UNION EUROPÉENNE
spectacle. Elle a été relookée en Marianne
au front troué par une balle, avec du sang
qui coule. Elle est la République mais les
jeunes s’écrient « Vive la mariée ». Sans
doute parce qu’elle porte une grande
robe blanche.
Le milieu de la musique s’était pour sa
part donné rendez-vous à Radio France
pour un concert exceptionnel réunissant
de nombreux chanteurs français et re-
transmis sur France 2 et France Inter.
Alain Souchon, dont le titre Et si en plus
y’a personne tourne beaucoup sur les ré-
seaux sociaux, était présent, comme Ca-
therine Ringer, Grand Corps Malade, qui
a posté un titre inédit ces derniers jours,
Patrick Bruel, la chanteuse lyrique Na-
talie Dessay, Camille. Julien Clerc devait
chanter Utile, titre écrit par Étienne
Roda Gil pour dénoncer les régimes
autoritaires. Benjamin Biolay, qui a été
moqué sur Twitter pour ne pas encore
avoir mis en musique les événements
récents, a chanté, ainsi que le groupe
Tryo, proche de Tignous, dont la com-
position inédite Je suis Charlie tourne
déjà beaucoup sur YouTube, aux côtés
de la chanson du groupe féminin Fran-
çoise, incarné hier soir par Jeanne Cher-
hal. Personnalité préférée des Français,
retiré de la scène musicale depuis une
douzaine d’années, Jean-Jacques Gold-
man a marché seul au milieu de la foule
dans la Cité phocéenne, confiant au
JDD : « À Marseille, les partis politiques
n’ont pas su marcher ensemble. » ■
+
» Le scepticisme des
dessinateurs satiriques PAGE 10
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

CULTURE
Anita Ekberg,
vamp
monumentale
nita Ekberg ne s’en-
A
nuiera plus dans sa
maison de retraite de
la banlieue romaine.
La vamp suédoise
mythique de La dolce
vita est décédée dans
sa quatre-vingt-quatrième année. La
dernière fois qu’on avait entendu par-
ler d’elle, en 2011, c’était dans des cir-
constances bien mélancoliques : l’ac-
trice, désargentée, avait dû solliciter
une aide financière de la fondation Fel-
lini pour subvenir à ses besoins dans
cette pension où, disait-elle, « les jours
sont d’une longueur infinie. Je n’ai ni fils
ni mari. Personne n’est là pour pousser
ma chaise roulante ».
Elle était née à Malmö (Suède) le
29 septembre 1931, et son premier ti-
tre de gloire fut de devenir une reine
de beauté. Sa plastique monumentale
fera dire plus tard au cinéaste Bob
Hope que ses parents auraient mérité
le prix Nobel d’architecture ! Élue
Miss Suède en 1950, la belle Anita voit
s’ouvrir devant elle une carrière amé-
ricaine de mannequin, bientôt assortie
d’un contrat de cinéma aux studios
Universal, où elle débute en 1953 dans
des rôles très mineurs. Les années
1955-1959 seront plus intéressantes,
avec L’Allée sanglante de William
Wellman, un bon polar anticommu-
niste où elle apparaît entre John
Wayne et Lauren Bacall, et qui lui vaut
le Golden Globe du meilleur espoir fé-
minin. Elle enchaîne avec Artistes et
modèles de Frank Tashlin, brillante
satire des BD d’action avec le tandem
Jerry Lewis-Dean Martin. Elle les re-
trouve l’année suivante, en 1956, dans
le non moins excellent Un vrai cinglé
Francesco Rosi, cinéaste
de la réalité italienne
e cinéaste Francesco Rosi
L
s’est éteint samedi matin, à
Rome, à l’âge de 92 ans, très
affaibli par une bronchite.
Sa dernière apparition pu-
blique remonte à octobre,
quand il s’était rendu au
Quirinal pour une projection du film de
Mario Martone sur le poète Leopardi Il Gio-
vane Favoloso, à l’invitation de Giorgio Na-
politano. Le chef de l’État, originaire com-
me lui de Naples et qui avait fréquenté le
même lycée, a salué « l’ami de toute une
vie, qui a su représenter dans ses films la ri-
gueur et la vigueur de la réalité italienne
dans ses tournures les plus subtiles ». Pour
Paolo Sorrentino, « il a été l’un des rares
auteurs en mesure de créer des mondes ».
Ettore Scola, lui aussi, était très proche :
« Il me faisait lire ses scénarios, et moi de
même. Depuis dix ans, nous nous télépho-
nions chaque matin pour échanger nos
idées. Il était élégant dans sa pensée comme
dans sa mise. Il nous manquera. Notre gé-
nération a changé l’Italie. »
Des films « tranchants »
Francesco Rosi a excellé dans la dénon-
ciation énergique de la corruption, des
scandales et des innombrables délits qui
affligent la démocratie italienne. Son leit-
motiv, « le cinéma est la réalité », traduit
ses préoccupations. Après des débuts
comme assistant de Luchino Visconti
dans La terre tremble (1948), il réalise en
1958 son premier film, Le Défi, qui racon-
te l’histoire de l’ascension et de la chute
d’un contrebandier de cigarettes sur les
marchés de Naples. Francesco Rosi affir-
me son style dans les deux films suivants.
Salvatore Giuliano (1962) lève le voile sur
l’assassinat mystérieux d’un bandit qui
menaçait l’ordre social en Sicile. En 1963,
Main basse sur la ville lui vaut un lion d’or
à Venise. C’est une analyse incisive d’une
spéculation immobilière à Naples, qui se
traduit par l’effondrement de deux im-
meubles provoquant de nombreuses vic-
times, et de la collusion des pouvoirs pu-
blics pour étouffer le scandale.
En 1972, Gian Maria Volontè interprète
L’Affaire Mattei, dossier d’enquête sur le
DISPARITION
Devenue célèbre
grâce à « La dolce
vita », où elle
se baigne dans
la fontaine de Trevi,
l’actrice suédoise
s’en est allée
à 83 ans. Elle avait
choisi de se retirer
en Italie.
MARIE-NOËLLE TRANCHANT
de cinéma, également réalisé par
Tashlin, qui se moque cette fois-ci du
monde hollywoodien. Anita Ekberg y
interprète son propre rôle, une actrice
que Malcolm (Jerry Lewis) rêve de
rencontrer.
La voici ensuite dans Guerre et paix
de King Vidor, dans le rôle d’Elena
Kuragina, dans Zarak le valeureux de
Terence Young, ou en reine Zénobie de
Palmyre dans le péplum Sous le signe de
Rome (1959), qui l’amène pour la pre-
mière fois en Italie. C’est dans ce pays
qu’elle connaîtra ses plus grands
triomphes, grâce à Fellini.
Car Anita Ekberg restera d’abord et
avant tout dans la mémoire collective
cette vamp qui fascine Marcello
DISPARITION
Le réalisateur
s’est éteint à 92 ans.
Il n’avait cessé
de dénoncer
les périls encourus
par la démocratie
de son pays.
RICHARD HEUZÉ (ROME)
mystère de l’accident d’avion dans lequel
Enrico Mattei, le président de la compagnie
d’hydrocarbures ENI qui était parti en
guerre contre les majors américaines du
pétrole, perdit la vie. Suivront Lucky Lu-
ciano (1973), qui retrace la vie d’un parrain
de la mafia ayant aidé les Américains à dé-
barquer en Sicile en 1942, puis Cadavres
exquis (1976), avec Lino Ventura, sur l’as-
sassinat de trois magistrats, et Le Christ
s’est arrêté à Eboli (1979), d’après un roman
de Carlo Levi, sur le confinement d’un jeu-
ne médecin antifasciste. Autres films mar-
quants de Francesco Rosi : La Trêve (1997),
récit du retour douloureux des déportés
d’Auschwitz, Trois Frères (1981), qui mon-
tre des personnages de diverses généra-
tions se confrontant à la misère d’un petit
village d’Italie méridionale, ou encore
Oublier Palerme (1990), sur le chantage de
la mafia envers un émigré sicilien aspirant
à devenir maire de New York.
Ses films, « tranchants comme une lame
d’acier, à la fois durs et brillants », selon un
critique de cinéma, étaient « documentés
avec une grande précision », relève l’écri-
vain napolitain Raffaele La Capria, qui a été
son scénariste à plusieurs reprises. « Il était
malade de voir la déception prévaloir sur
l’espoir de changer les choses », note le ci-
néaste Marco Tullio Giordana. Francesco
Rosi, lui, espérait simplement « être parve-
nu à aider le public à connaître les réalités de
(son) pays ». ■
Mastroianni, journaliste people, dans
La dolce vita. La scène où elle se baigne
dans la fontaine de Trevi dans une robe
bustier qui met en valeur sa fabuleuse
poitrine faisait encore rêver récem-
ment notre ami Éric Neuhoff, qui
FABIENNE VONIER présente
UNE FRESQUE HISTORIQUE DIGNE D’UN DAVID LEAN
UNE AVENTURE HUMAINE AUX QUATRE COINS DU MONDE
Un film de FATIH
l’évoquait ainsi dans les colonnes du
Figaro, l’été dernier :
« Elle s’avance dans l’eau, tend les
bras vers les cascades, moderne Vénus
en extase. Sur son char, Neptune en de-
meure coi. Les chevaux marins tâchent
Les Fiches du Cinéma HHH
Transfuge
FESTIVAL DE VENISE
Compétition Officielle
AKIN avec TAHAR
SORTIE LE 14 JANVIER
/THECUT.LEFILM /THECUTLEFILM
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
33
Anita Ekberg
dans La dolce vita (1960),
de Federico Fellini.
RUE DES ARCHIVES/CPA
de garder leur impassibilité. Marcello,
presque en soupirant, la rejoint. Il
n’avait pas prévu ce bain de minuit.
Leurs bouches s’approchent. Ils ne s’em-
brassent pas. “Qui es-tu ?”, lui deman-
de-t-il. L’eau s’arrête de couler. Le jour
se lève. Un cycliste s’arrête. Marcello
attrape la blonde sculpturale par la
main. Pour cette escapade, elle mérite
une gifle. Son fiancé la lui donne, devant
« Quelque chose se passe,
de féerique, d’inattendu,
comme une promesse
dont on devine qu’elle
aurait pu être tenue »
l’hôtel Excelsior. Dans la foulée, il ba-
lance un coup de poing à Mastroianni.
Depuis, plus personne ne considère cette
place romaine du même œil. On ne la
voit plus qu’en noir et blanc, avec en
fond sonore la partition de Nino Rota.
C’est une des scènes les plus mythiques
du septième art. Quelque chose se passe,
de féerique, d’inattendu, comme une
promesse dont on devine qu’elle aurait
pu être tenue. »
Fellini retrouvera Anita Ekberg dans
un sketch de Boccace 70, où, sous
forme d’affiche publicitaire animée et
alléchante, elle est La Tentation du
Docteur Antonio, puis dans Les Clowns
(1971), et enfin dans Intervista (1987).
Elle y tient de nouveau son propre rôle,
et revoit avec Mastroianni la scène
fameuse de La dolce vita.
Au fond, elle est restée elle-même le
personnage le plus marquant de sa fil-
mographie, abondante, mais qui ne
sera jamais aussi éclatante par la suite.
Consacrée par l’Italie, la star suédoise
qui avait été surnommée « l’Iceberg »,
avait choisi d’y vieillir, gardée par ses
dobermans, de plus en plus éloignée
des projecteurs, des magazines et des
commémorations. « Ma beauté n’existe
plus, ne venez plus la chercher », décla-
rait elle il y a quelques années. Pure lé-
gende d’un pays lointain. ■
RAHIM
A
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
34 STYLE
1 2
Neuf
comme un lundi
7
CHLOÉ, LE COQ SPORTIF, THIBAUT DE SAINT CHAMAS POUR L’ORÉAL PROFESSIONNEL, DIOR, QUENTIN SAUNIER, LA CONTRIE, PREEN, CAMILLE MALISSEN
S’emmitoufler dans du bleu encre, rosir de plaisir, tricher sans rougir
et courir en Technicolor… Voilà ce qui nous fait envie ce lundi.
PAGE RÉALISÉE PAR SARAH BOUASSE, ÉMILIE FAURE, AURÉLIE LAMBILLON ET ÉMILIE VEYRETOUT
UNIFORME Un indigo profond tout
désigné pour conjurer la grisaille am-
biante, une longueur réconfortante,
une ampleur masculine. Dans sa teinte
comme dans sa ligne, le manteau joue
les gardes du corps. Chez Chloé (2), un
cache-poussière en laine et cachemire
embrasse toute la silhouette et l’enve-
loppe de chaleur jusqu’aux chevilles
[ 2 920 €, tél. : 01 55 04 03 30 ] . Quant
au trench en coton aux détails impec-
cables - poignets surlignés de mandari-
ne, ceinture à œillets - du duo londo-
nien Preen by Thornton Bregazzi (1), il
incite à en relever le col et à s’en aller
braver les éléments. [ 922 €, infos sur
preenbythorntonbregazzi.com ]
8 EN RAJOUTER Les extensions
(d’ongles, de cils, de cheveux) n’ont
pas bonne réputation. Mais le jeune sa-
lon londonien Hershesons, qui carton-
ne outre-Manche, pourrait bien s’atta-
cher les faveurs des Françaises, au
moins en matière de chevelure. Faciles
à poser, insoupçonnables, ses postiches
vous feront prendre une longueur
d’avance sur la queue-de-cheval vue
sur le podium de Giambattista Valli (7)
(à partir de 59 €, en 12 nuances chez
Sephora). Alternative romantique, les
peignes tressés du Studio Marisol (8)
orneront le front des reines de l’acces-
A
soire coiffure. [ À partir de 90 €, infos
sur www.studiomarisol.com ]
3
TUBE Malgré son dessin prometteur,
ce carré de soie aux bords roulottés ne
vous fera pas les dents plus blanches ni le
sourire éclatant. En revanche, il vous
protégera efficacement et avec humour
des maux hivernaux, roulé sur le col d’un
manteau ample ou noué autour du cou
sous une veste d’homme. Issu de la col-
lection Fabulous Market de Yazbukey (3),
le label d’accessoires pointus et pop de
la créatrice d’origine ottomane Yaz, cet
imprimé dentifrice géant a également
l’avantage de rappeler que c’est le mois
pour prendre quelques rendez-vous
annuels : dentiste, dermatolo-
gue, etc. [ 225 € sur www.lexcep-
tion.com ]
RÉFÉRENCE Jazmin Berakha brode
comme d’autres peignent. Avec dexté-
rité, finesse et poésie, elle coud des vê-
tements sur des esquisses de silhouet-
tes. La discrète artiste argentine
s’acoquine à l’équipementier français
Le Coq Sportif (5) et rhabille les mythi-
ques sneakers LCS R1000 créées en
1991, d’un jacquard multicolore. De
loin, la répétition du motif s’apparente
à un tissu rose indien moucheté. De
près, sa composition minutieuse évo-
que les volutes orphiques d’une Sonia
Delaunay, les effets cinétiques en noir
et blanc d’un Victor Vasarely. Inspi-
rant. [ 120 €, à partir du 19 janvier sur
www.lecoqsportif.com ]
6
ÉMOTION Il y a celles qui aiment les
maxillaires sculptés, le blush tranché à
la Bourdin et qui, bientôt, ne résisteront
pas à l’avalanche des poudres « con-
touring ». Et puis il y a toutes les autres,
les adeptes du rose aux joues, simple-
ment flottant sur la pommette, naturel
dans le meilleur des cas - si non appli-
qué sans cérémonie, d’un geste désin-
volte. Celles-ci se régaleront avec ce gel
couleur grenadine signé Dior (4), à ta-
poter du bout des doigts pour illuminer
son teint mais aussi ses lèvres, du matin
au soir. Une teinte universelle, qui an-
nonce l’allure fraîche des filles du prin-
temps. [ Cheek & Lip Glow, 38,50 € à
partir du 19 janvier ]
PIÈCE UNIQUE Rouge coquelicot et
vert sapin, bois de rose et crème ou
aubergine et citron acide (notre photo) ?
Ce nouveau cabas en taurillon de la
marque La Contrie (6) baptisé Rambu-
teau se prête à toutes les fantaisies. Il
rejoint, sur les bancs de l’atelier pari-
sien fondé par Edwina Charette de la
Contrie en 2010, les gibecières en croco,
les attachés-case en autruche et autres
compagnons du quotidien à personna-
liser. Après avoir sélectionné modèle et
taille, couleurs des fils, peausseries,
zips, la créatrice française vous propose
d’y marquer à chaud vos initiales.
[ Prix sur demande, 11, rue de la Sourdiè-
re, Paris Ier, tél. : 01 49 27 06 44 ]

Londres en quête de nouveaux talents
COLLECTIONS Le marathon international des défilés de mode masculine a débuté ce week-end dans la capitale
anglaise, avec les propositions de jeunes designers locaux aux styles très éclectiques.
Lou Dalton
A
FRÉDÉRIC MARTIN-BERNARD
fmartinbernard@lefigaro.fr
ENVOYÉ SPÉCIAL À LONDRES
vec tous ses tailleurs plus
centenaires les uns que les autres qui ont
pignon sur Savile Row, Londres est la ca-
pitale européenne qui témoigne de la plus
longue histoire dans l’habillement mas-
culin. Depuis plusieurs années, voire plu-
sieurs décennies, ce sont également les
Anglais qui se dépensent le plus pour la
jeune création. Bien avant de lancer une
Fashion Week spécifique à la mode hom-
me en juin 2012, le British Fashion
Council poussait déjà sur ses podiums,
chaque saison à l’issue des défilés femme,
une poignée de nouveaux talents. Ils
étaient alors programmés sur une seule
journée. Désormais, la London Collec-
tions : Men s’étire sur quatre jours et pré-
sente plus de deux tiers de designers ou
de marques ayant débuté après l’an 2000.
Aussi, le projet Man fête cette année ses 10
ans. Financée par l’enseigne TopMan et
l’organisation Fashion East, cette plate-
forme donne les moyens à des débutants
de défiler comme des grands – depuis
2005, plus d’une trentaine de stylistes en
ont profité. En général, il s’agit de très
jeunes talents, à peine sortis des écoles et
dotés d’une créativité débordante don-
nant jour à une première collection mar-
quante. En bien comme en mal. Certains
ne renouvellent jamais l’expérience,
d’autres la poursuivent d’une saison sur
l’autre, selon leur succès commercial. Et
un ou deux peuvent devenir le designer
international en vogue.
C’est le cas de Jonathan Anderson, alias
J.W. Anderson lorsqu’il s’agit de sa mar-
que initialement masculine, présentée en
premier lieu sur les podiums de Man, en
2008. Depuis la saison passée, il est égale-
ment directeur artistique de la maison
Loewe. Et cette expérience nouvelle de
profiter déjà à sa propre entreprise stylis-
tique. Son dressing de l’hiver prochain
emploie du cuir comme jamais, sans
s’éloigner de cette silhouette filiforme et
androgyne qui caractérise son univers
personnel depuis toujours. Des blousons
ajustés avec des plastrons en mouton lai-
neux se profilent d’emblée comme des
must have. Les trenchs en agneau retour-
né tombent impeccables. Des manteaux,
paletots et chemises dans des textures
J.W. Anderson
fluides se dessinent avec des cols marins
aussi graphiques qu’épurés, surmontés de
deux ou trois énormes boutons bijoux qui
interpellent le regard en contredisant la
maîtrise d’un propos comme par accident.
Vendredi après-midi, c’est un autre Ir-
landais, Rory Parnell Mooney, qui inau-
gurait ce podium Man où Jonathan An-
derson, mais aussi James Long,
Christopher Shannon, Aitor Throup,
Shaun Samson, Astrid Andersen ou Craig
Green ont fait leurs premiers pas. Il y a un
an, le jeune homme était encore scolarisé
à Central Saint Martins. Cependant, son
défilé est particulièrement cohérent du
premier au dernier passage. Le designer
se limite au marine et au noir, qu’il oppo-
se et mélange avec subtilité. Des grands
volumes et des coupes géométriques aux
finitions nettes sont superposés les uns
aux autres, seules leurs longueurs et leurs
nuances varient.
À l’inverse, Lou Dalton n’est plus vrai-
ment une débutante. Diplômée en mode
masculine du Royal College of Art depuis
1998, elle a travaillé pour diverses mai-
sons avant de se lancer dans une aventure
personnelle. Depuis la première édition
de la London Collections : Men, la créatri-
ce, constante, défile systématiquement en
ouverture. Un trait de caractère qui s’il-
lustre dans son style, balançant entre for-
mel et sportswear, aux finitions et détails
comme des traits d’union. L’automne-hi-
ver 2015-2016 est une belle illustration de
cette maîtrise, même si quelques clins
d’œil appuyés à d’autres designers
auraient pu être évités dans le stylisme du
show. Ici, juste une large ceinture sous
coulisse reprend le volume dos d’un man-
teau. Là, une double parementure ou une
poche qui se dézippent, un bavolet ou un
col comme empruntés à des vêtements
utilitaires renforcent la modernité d’un
dressing citadin taillé dans des beaux lai-
nages italiens aux carreaux fondus.
On parle aussi de Christopher Shannon
depuis longtemps à Londres. Ses débuts,
en 2008 très exactement. Il a même reçu
divers prix, dont le premier BFC/GQ De-
signer Menswear Fund en juin dernier.
Mais force est de constater que son style
tourne tout de même en rond. Des pulls
intarsia affichent de grands motifs dans
un esprit pop privé du second degré d’un
Warhol. Sur des vêtements aux coupes
plutôt simples, le designer épingle à la
dernière minute des morceaux de cou-
leur, ou son nom imprimé en all-over.
Parfois, un mannequin passe avec un sac
de course en plastique sur la tête comme
pour tromper un peu plus l’ennui de cette
proposition qui se termine avec des réfé-
rences très sport à base de molleton, de
découpes et de pressions.
Astrid Andersen peut tout se permettre
avec un casting de mannequins aux allu-
res de caïds. Elle les habille de jersey
comme de dentelle chantilly, feutre plas-
tifié et velours palatine sans remettre en
cause leur virilité. L’influence est sou-
vent sportive – streetwear et hip-hop
par extension. Des grands imprimés séri-
graphiés, des numéros XL et des logos
évoquent l’univers du base-ball. Des zips
dorés, des rubans et des galons imprimés
en rajoutent. Tout n’est bien évidem-
ment pas portable dans la vraie vie, mais
l’ensemble transmet une belle énergie.
Dans un autre registre, il y a quelque chose
de relax du premier au dernier passage
chez YMC. La jeune création anglaise a
souvent le stylisme de show facile, pas
chez Fraser Moss, cofondateur du label
avec Jimmy Collins : tout ce qui défile peut
poursuivre son chemin sans délai dans la
rue. Des pulls en maille dans toutes les jau-
ges ont systématiquement remplacé les
chemises. Par-dessus, surtout des parkas,
des blousons et des vestons dont le confort
se devine dans les épaules rondes, lon-
gueurs et volumes un peu cocons. Et des
pantalons dont les ourlets sont systémati-
quement montés comme des joggings.
Derrière le label Sibling, ils sont trois
– Cozette McCreery, Joe Bates et Sid
Bryan –, plutôt excités et rigolards. Inti-
tulée Judy is a Punk, leur dernière collec-
tion remixe en rose shocking le dressing
d’un éternel adolescent. Les références et
les genres se télescopent. La chèvre de
Mongolie est quasiment de tous les passa-
ges. Les culottes courtes et les chaussettes
de rugby, aussi ! C’est drôle, décalé, peu
portable mais terriblement dans le mood
de London qui s’autorise tout sur ses po-
diums. Et surtout en mode homme. ■
+ @ SUR LE WEB
» Retrouez tous les défilés en images
www.lefigaro.fr/lifestyle
LE FIGARO lundi 12 janvier 2015
STYLE 35
AutomneHiver 2015-2016
Rory Parnell
Mooney
La bonne surprise
des premières fois
L’américain Coach figurait au
programme des présentations
en show room de Londres.
Comme fréquemment en Albion,
quelques sacs et un ou deux
vêtements auraient pu suffire
à justifier cette programmation
mais ici, c’était bel et bien
un défilé. Et quel défilé ! Deux
saisons après avoir été nommé
directeur artistique de
cette marque de maroquinerie
new-yorkaise, le Britannique
Stuart Vevers s’attelle à l’univers
masculin. L’esprit est aux
PHOTOS CHRISTOPHER DADEY, JW ANDERSON, VICTOR VIRGILE/GAMMA-RAPHO, COACH
voyages. Au cœur de la
proposition de Vevers, les cuirs
se taillent la part belle : parkas,
blousons et vestons en shearling.
Les peaux robustes se révèlent
souvent gansées en contraste
aux coutures. La maille,
les baskets, les sacs et la petite
maroquinerie, tout est stylisé
avec unité et empreint
de modernité.
John Lobb prend aussi
un nouveau départ. Audace
du casting, la première directrice
artistique de son histoire,
Paula Gerbase (fondatrice
du label 1205), est une créatrice
de prêt-à-porter qui n’a jamais
dessiné de souliers. Pour
s’imprégner de l’esprit du Coach
chausseur, la jeune femme est
remontée à l’origine de l’histoire
du chausseur en 1851. Elle a formes sans lourdeurs.
même entrepris cette marche, Le style épuré en détails
entre les Cornouailles natales du souligne le grain de chaque cuir.
fondateur et la capitale anglaise, Un modèle Fowey – du nom
que John Lobb a effectué à l’âge du village de John Lobb –,
de 22 ans avec une première doté d’une couture passepoilée
paire de bottes façonnées sur le cou-de-pied prolongée
de ses mains. La collection par un seul œillet,
automne-hiver 2015-2016 arrive largement en tête
rappelle les débuts « gentleman de cette proposition
farmer » de la marque, sans
verser dans le cliché. Les quelque
encourageante
pour cette illustre maison.
A
dix modèles affirment des F. M.-B.
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO
36 HIGH-TECH
V 30
DIDIER SANZ
£@sanzdidier
edettes des cadeaux de Noël,
les mobiles ne demandent qu’à s’épa-
nouir à l’aide d’applications bien choi-
sies. Pour compléter ou remplacer les
outils fournis avec votre téléphone, sui-
vez notre sélection d’applications gra-
tuites, à télécharger sur Google Play, App
Store ou Windows Phone Store, et vous
pourrez exploiter au maximum votre
nouveau compagnon numérique.
uCommuniquer
Pour discuter en direct avec vos amis,
vous pouvez exploiter la messagerie ins-
tantanée de votre smartphone. Sur An-
droid, Hangouts permet à la fois de dis-
cuter par petits messages, par la voix ou
par vidéo et de transmettre facilement
des fichiers. Sur un iPhone, l’application
Messages sert aussi bien à échanger des
SMS qu’à envoyer gratuitement des
iMessages par Internet. Vous pouvez
aussi converser gratuitement en audio et
vidéo avec FaceTime, accessible à partir
d’une fiche du carnet d’adresses mais…
uniquement entre utilisateurs de pro-
duits Apple.
L’alternative la plus simple consiste à té-
lécharger Skype, qui permet d’envoyer
des messages et d’appeler en audio ou en
vidéo n’importe quel utilisateur équipé
d’un PC, d’un Mac, d’un Windows Pho-
ne, d’un BlackBerry, d’un mobile An-
droid ou iOS, pour peu qu’il dispose du
même logiciel. Et pour échanger gratui-
tement de simples messages entre tous
ces appareils, rien ne vaut WhatsApp
Messenger, qui ne demande qu’une
connexion à Internet ou encore Group-
Me, qui y ajoute la possibilité de créer des
groupes de contacts pour envoyer des
messages communs. Enfin, téléchargez
les applis de Facebook, Twitter et Insta-
gram, incontournables si vous êtes un
adepte de ces communautés. Et choisis-
sez l’application Snapchat pour partager
photos et vidéos qui s’autodétruisent en
quelques secondes.
uTravailler
En standard, votre téléphone peut af-
ficher les documents reçus en pièce join-
te aux formats PDF, Word ou autre. Mais
pas de les corriger et de les enregistrer, à
moins qu’il soit livré avec l’appli Polaris
Office. Pour résoudre ce problème, vous
pouvez télécharger les applis de Micro-
soft (Word, Excel, PowerPoint, etc.) à
condition de disposer ou de créer un
compte Microsoft. Les applis alternati-
ves, Documents To
Go et Office² Plus
sont gratuites,
mais deviennent
payantes si on veut
enregistrer les do-
cuments. On peut
toutefois se pen-
cher sur Office-
Suite (ou Office-
Suite 8 Pro en
version d’essai) et
Nexus 6, taille maxi et service minimum
TEST Rapide et malin, le nouveau mobile de Google tente sa chance dans le secteur des téléphones
à écran géant en se contentant d’une poignée d’arguments.
L
a mode des smartphones est
aux grands écrans : comme
ses concurrents Nokia, Sam-
sung, Sony ou Huawei, Google
a décidé de lancer un télépho-
ne équipé d’un écran de 6 pouces, le
Nexus 6, qui se rapproche des petites
tablettes tactiles. Et cette fois-ci, le ma-
tériel est signé Motorola, ce qui se re-
marque notamment dans le design de
l’appareil, plutôt élégant, avec son pro-
fil très fin et son dos légèrement bombé.
Grande taille oblige, le Nexus 6 accuse
tout de même 180 g sur la balance. Mais
il offre une rassurante impression de
solidité et reste agréable à prendre en
main… pour peu qu’on ait une grande
main.
Dès le démarrage, on apprécie en
A
particulier son bel écran en très haute
résolution de 2 560 × 1 440 pixels. Pho-
Question
difficile d’échapper aux grands classi-
ques. Si vous êtes amateur de jeux de ré-
du jour
applis
flexion rapide, essayez Candy Crush
Saga ou 2048 pour passer un bon mo-
ment. Habitués des jeux de stratégie, té-
léchargez Clash of Clan, pour élaborer
des tactiques de combat en 3D, ou
pour bien
Hearthstone, qui renoue avec les ba-
tailles de cartes avec un scénario origi- Comment
nal et des décors spectaculaires. Spécia-
listes des questions de culture générale,
empêcher mon
choisissez Duel Quiz pour vous mesurer enfant d’abuser
démarrer avec
à distance à vos amis ou à des cham-
pions inconnus. Et suivez les tendances.
de son iPad ?
Chaque mois consacre un nouveau jeu
plus ou moins addictif... Attention tou- ■ Votre enfant a reçu pour Noël
un smartphone
un iPad, mais vous ne souhaitez
tefois aux jeux « freemium », c’est-à-
dire gratuits mais qui proposent des bo- pas qu’il s’aventure
nus payants (réponses, armes, inconsidérément sur Internet
matériaux, éléments de décor, etc.), ou qu’il télécharge et lance
surtout si des enfants empruntent votre n’importe quelle application.
téléphone. Vous pouvez contrôler son
usage au moyen des options
Kingsoft Office qui permettent de visua-
liser, créer, modifier, imprimer et parta-
GUIDE uS’informer
Aucune hésitation : téléchargez gra-
de l’appareil.
ger des fichiers Microsoft Office. Et pour
prendre un document en photo et le
Notre sélection tuitement l’application du Figaro, la plus
ergonomique et la plus complète pour
■ Sur l’iPad, appuyez
sur Réglages, puis sur Général,
convertir en PDF, téléchargez MonScan-
ner pour iPhone et Document Scanner
d’applications suivre l’actualité. Pensez aussi aux applis
des magazines spécialisés ou adoptez
et choisissez Restrictions.
Appuyez sur « Activer les
pour Android.
L’agenda proposé sur votre téléphone
indispensables Flipboard, qui présente les informations
de plusieurs sources de votre choix. Pour
restrictions ». Vous devez alors
pour se distraire,
gagnera en efficacité si vous le synchro- choisir une salle de ci- saisir un code qui empêchera
nisez avec celui des autres équipements néma et visionner d’autres personnes de modifier
que vous utilisez (ordinateur, tablette,
autre smartphone, etc.). Mais il est par-
s’orienter, les bandes an-
nonces des nou-
ou d’annuler vos réglages.
fois difficile d’associer des rendez-vous
notés sur un appareil et des événements
échanger veaux films,
installez l’appli
■ Déplacez ensuite
vers la gauche les curseurs
stockés en ligne. La bonne solution : si
vous possédez un compte Google et que
et profiter AlloCiné.
pour savoir ce
Et correspondant à chaque
fonction de l’iPad que vous
vous êtes un habitué de Facebook, télé-
chargez le Calendrier Sunrise, qui per-
au mieux que pensent les
clients de l’hôtel
souhaitez interdire. Safari est
le navigateur Web, FaceTime
met de combiner les agendas de ces deux
services en plus de celui de votre compte
des capacités ou du restaurant
où vous comptez
l’application de visiophonie,
AirDrop permet d’échanger des
iCloud (pour iPhone et Android).
de son mobile. vous rendre,
munissez-vous de
fichiers avec un autre appareil
Apple et CarPlay de partager
uJouer
Non seulement votre mobile vous
TripAdvisor et de Yelp. les fonctions de l’iPad avec
une automobile compatible.
permettra de retrouver des jeux
traditionnels (jeux de cartes et de uSe diriger
Votre mobile vous pro- ■ Désactivez iTunes Store si
société, puzzles, jeux de let- posera forcément une appli vous voulez empêcher l’enfant
tres, etc.), mais il vous fera dé- de cartographie (Maps ou
de télécharger des films,
couvrir de nouvelles façons de Plans) qui vous permettra
de la musique et des séries TV.
vous amuser. Même si les de vous repérer et de loca-
meilleurs titres (The Room, Mo- liser une adresse en ville. Désactivez « Achats intégrés »
pour éviter qu’il paie
nument Valley) sont payants...
Du côté des gratuits, il vous sera
Cette appli pourra même
être capable de pour obtenir des bonus
vous guider dans certaines applications.
d’un point à un
autre par ins- ■ Dans la catégorie « Contenu
tructions vo- autorisé », choisissez quels
cales et par films, séries TV ou livres
l’affichage de il pourra consulter en appuyant
l’itinéraire. sur la ligne correspondante
Mais si vous puis en sélectionnant l’option
voulez vrai- qui convient en fonction de
ment utiliser son âge ou du type de contenu.
votre télépho- Procédez de même pour les
ne en voiture Apps. Dans la partie Sites Web,
comme un navigateur GPS avec des vous pouvez bloquer les sites
fonctions avancées, nous vous pour adultes en ajoutant
conseillons Waze : non seulement cette manuellement des adresses
appli cherchera le trajet le moins en-
de sites autorisés et interdits,
combré, mais elle vous fera éviter les
ou limiter les sites autorisés
routes barrées, les accidents et les
embouteillages en fonction des infor-
à ceux que propose l’iPad, quitte
mations d’autres utilisateurs. à en ajouter manuellement.
■ Enfin, vérifiez les paramètres
uEt aussi…
Quelle est cette chanson qui passe à la de confidentialité en interdisant
radio ? Demandez-le à Shazam en diri- le changement d’information
geant votre téléphone vers le haut- pour les fonctions sensibles
parleur. Le lecteur vidéo de votre mobile (contacts, Facebook, etc.). D. S.
refuse de lire certains fichiers ? Télé-
chargez MX Player pour Android et
OPlayer pour iPhone. Envie d’un bon re-
pas sans trop de calories ? Essayez les re- FLASH
cettes de 750 g, clairement documentées
avec des astuces en vidéo. ■ PYRAMIDE HD
Conçue pour les « audiophiles
et les joueurs passionnés »,
l’enceinte Sound Blaster X7
de Creative, équipée
d’un amplificateur de 100 watts,
peut reproduire l’audio en haute
résolution (24 bits-192 kHz)
et dispose d’un amplificateur
spécial pour les casques. Elle se
connecte en Bluetooth, par USB,
liaison analogique ou câble
tos, vidéos, jeux, contenus Web : il se plis ouvertes dans une sorte de carrou- optique et peut même servir
distingue par une excellente précision sel, de les « épingler » ou de bloquer de kit mains libres.
d’affichage. Qui plus est, l’appareil se leur affichage quand on prête le télé- Pour Android,
révèle remarquablement rapide grâce à phone pour empêcher d’accéder à iOS, Mac et
son processeur quadricœur Snapdra- d’autres fonctions. Intéressante aussi, PC. 400 €.
gon 805 à 2,7 GHz. La navigation et les la fonction qui permet de transférer
animations sont fluides, et les applica- sans fil sur le Nexus 6 les comptes, ap-
tions les plus gourmandes se montrent plications et données d’un autre mobile
particulièrement réactives. Android en collant les deux appareils
Le reste de l’équipement s’adapte aux dos à dos.
évolutions actuelles : le Nexus 6 est L’ensemble de ces caractéristiques
compatible avec les réseaux 4G, il dis- font du Nexus 6 un bon mobile, bien
pose de deux haut-parleurs en façade et conçu, mais qui pèche par quelques
son appareil photo de 13 mégapixels,
très efficace en extérieur, est capable de
restrictions (impossible d’augmenter la
mémoire ou de changer la batterie) et + @ SUR LE WEB
» Notre test du Fairphone
filmer en 4K. Enfin, ce modèle adopte la surtout par un certain manque de fo- en vidéo
dernière version d’Android, « Lolli- lie… On aurait aimé un ou deux argu-
» iPad Air 2, iPhone 6 et 6 Plus,
pop », qui s’illustre par un environne- ments décisifs, sur l’équipement ou sur Nexus 9 et d’autres nouveautés
ment et des icônes plutôt sobres et par les fonctions, qui auraient davantage à découvrir en images
quelques innovations bien pratiques, justifié son prix de 650 € en version www.lefigaro.fr/higt-tech
comme la possibilité d’afficher les ap- 16 Go et de 700 € en 32 Go. ■ D. S.
 LE FIGARO lundi 12 janvier 2015

AUTOMOBILE 37

La limousine
de maître prend
de la hauteur
ESSAI Pour la première fois
de son histoire, le Range Rover
se dote d’une version rallongée servie
par un luxe confondant.
Le Range Rover LWB installe ses passagers dans une nouvelle dimension où le silence est d’or et le confort souverain. NICK DIMBLEBY

S
SYLVAIN REISSER
sreisser@lefigaro.fr
ouvent imité mais jamais
égalé, l’aristocrate des SUV mérite plus
que jamais le surnom de « Rolls des sa-
bles ». Alors qu’il vient d’entrer dans sa
quarante-cinquième année d’existen-
ce, le Range Rover vient de gravir la
dernière marche qui le séparait des li-
mousines du marché. Né en 1970 en
version 3 portes, le doyen des 4 × 4 de
préservée et il faudra un œil aiguisé
pour percevoir que les portes arrière
ont été agrandies. Ce Range châssis
long que l’on pensait uniquement des-
tiné aux marchés chinois et nord-amé-
ricain, friands de ce type de modèle,
débarque finalement en Europe. Nous
n’avons pas résisté à la curiosité d’ex-
périmenter ce véhicule qui n’a pas lési-
né sur les raffinements pour installer les
passagers dans une nouvelle dimen-
sion. L’examen des équipements s’ap-
parente à un inventaire à la Prévert.
ou d’effectuer une sieste réparatrice. Le
dossier des sièges s’incline de quelques
degrés. Une position semi-allongée avec
repose-pieds est possible à condition de
basculer sur la version Autobiography
Black. En cas de vague de chaleur, on
pourra aussi réfrigérer les sièges munis
de soutiens lombaires et actionner les
pare-soleil électriques latéraux. L’im-
pression d’évoluer dans un autre monde
est renforcée par le moelleux des sièges
et le rembourrage des appuie-tête qui
relèvent de la literie de palace. Et
l’épaisseur de la moquette incite à se dé-
chausser.
Les occupants des places avant n’ont
pas été négligés. Les sièges massants et
ventilés épousent parfaitement le corps
grâce à leurs 22 positions de réglage. La
finition Autobiography est également
associée au nec plus ultra en matière de
technologie multimédia. Notre modèle
d’essai embarquait l’option double vi-
diesel est perceptible et parfois un peu
longue. Les plus impatients pesteront
aussi après la lenteur de l’écran tactile
et de la molette rotative située sur la
console centrale et faisant office de le-
vier de vitesses. Au terme d’un par-
cours varié, l’ordinateur de bord a indi-
qué une consommation moyenne de 9,7
litres, loin de la sobriété revendiquée
par le constructeur. Cela reste toutefois
un résultat correct compte tenu du
poids avoisinant les 2,5 tonnes et des

luxe avait accédé au rang de véhicule
familial en 1981 en s’offrant deux portes
supplémentaires. En 1992, c’est au tour
d’une déclinaison LSE de se distinguer
par un empattement allongé de
200 mm (4,65 m de long). Passé dans la
quatrième dimension fin 2012, le voici
désormais en mesure de revendiquer le
statut de voiture de maître grâce à une
nouvelle variante bénéficiant d’un em-
pattement allongé de 200 mm. Avec ses
5,20 m, le Range LWB pour « long
wheelbase », en français « grand em-
pattement », devient le véhicule le plus
long de son segment. Il dépasse la Mer-
cedes GL de 80 mm et la prochaine Audi
Q7 présentée au salon de Detroit de
150 mm, tout en rendant à peine 45 mm
à la plus longue des Mercedes Classe S.
Visuellement, l’élégance des lignes est
Voyage impérial
Sous le capot sion (810 €). Ce système permet une
double lecture de l’écran central. Cas-
que sur la tête, le passager suit un pro-
performances, de premier ordre. Pour
le reste, ce véhicule demeure un Range
à part entière : le silence est d’or, le
C’est un signe qui ne trompe pas : ce vé- Moteurs gramme télévisé ou un film sans per- confort souverain, les capacités de
hicule de luxe appartient à la catégorie Type V6 turbo diesel 2 993 cm3 turber l’attention du conducteur qui, franchissement spectaculaires. Mais il
+ moteur électrique
des rares véhicules où l’on se précipite de son côté, continue de disposer des est fort probable que les possesseurs de
Puissance 340 ch
aux places arrière. Configuré pour deux autres fonctions de l’écran, à commen- cette Rolls du 4 × 4 rechigneront à la
personnes séparées par une console Couple 700 Nm de 1 500 à 3 000 tr/mn cer par la navigation. plonger dans un gué ou à l’engager sur
centrale très profonde, cet espace plon- Transmission un chemin boueux ou cabossé. ■
ge ses occupants dans un luxe confon- Type Intégrale Deux moteurs à disposition
dant. Non content d’offrir un espace aux Boîte Auto. 8 rapports L’impression de dominer la route est
jambes amélioré de 186 mm par rapport Dimensions/poids renforcée par l’adoption des motorisa-  NOTRE AVIS
à la version courte, ce Range est associé L/l/h 5 199 × 1 983 × 1 840 tions les plus puissantes de la gamme :
uniquement à la finition ultraexclusive Coffre 550 litres le V8 5 litres à compresseur et les deux Certes, le tarif n’est pas franchement
Autobiography, reconnaissable à ses Poids 2 473 kg turbos diesels, le V8 4,4 l et le V6 3 l hy- bon marché mais le Range rallongé
roues de 21 pouces, ses projecteurs au Performances bride. Ce dernier équipait notre véhi- pourrait bien incarner le summum du
xénon directionnels et sa grille de calan- 0-100 km/h 6,9 secondes cule. Il associe un V6 de 292 ch à un luxe et de l’élégance. Contre un supplé-
dre chromée. Cette définition particu- Vitesse 218 km/h moteur électrique de 38 kW incorporé ment de 5 200 euros par rapport à la
lièrement soignée transporte les passa- Consommation /émissions dans la boîte automatique à 8 rapports. version courte, le plus authentique des
gers dans un voyage impérial. Chacun Mixte UE 6,4 l/100 km Le fonctionnement de ce dernier pen- 4 × 4 chasse désormais sur les terres de
des deux invités peut décider, au choix, CO2 169 g/km dant 1,6 km à une vitesse maximale de la berline statutaire en y ajoutant une
de se divertir en regardant la télévision 48 km/h contribue au raffinement du position surélevée plébiscitée par les
ou un DVD sur des écrans de 10,2 pouces Prix 135 400 € Range LWB. Hélas, la mise en route du automobilistes. ■

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 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO

38 TÉLÉVISION
BIEN VU
Anthony Palou
apalou@lefigaro.fr

Boulevard
Voltaire
Édition spéciale
LCI/Dimanche

F abuleuse France quand elle se

lève comme un seul homme.
Hier, nous étions, oui, pas
peu fiers d’être citoyens de ce pays
bien vivant qui a repris de belles
couleurs, celles de la liberté,
de l’égalité, de la fraternité,
FIGARO TOP La révolution est en marche dans la cinquième saison de Downton Abbey sur TMC. de la laïcité. Quel plus beau

Figaro top, Figaro flop

symbole que défiler
boulevard Voltaire,
l’homme du Traité sur la
tolérance (1763), contre les
méfaits du fanatisme ? Extrait
en passant, ça ne peut pas
faire de mal : « Je vous dis
Notre évaluation des séries, téléfilms, divertissements et documentaires de la semaine à venir. qu’il faut regarder tous les hommes

17/20 14/20 12/20

« DOWNTON ABBEY »
TMC, samedi 17 janvier à 20 h 50
Après un coup de mou la saison précé-
dente, la série britannique en costumes
de Julian Fellowes retrouve son souffle
dans cette cinquième saison avec des
ger, propose un film dans le film qui
montre des images inédites de l’enfer. Il
a retrouvé des libérateurs qui ont filmé
l’horreur et des victimes qui étaient
devant leurs caméras. Leurs mots,
soixante-dix ans après, restent boule-
versants.
« DIVINE COMÉDIE,
DES PLANCHES À L’ÉCRAN »
Canal + Cinéma, jeudi 15 janvier
à 22 h 30
Dès les premiers tours de manivelle, le
cinéma a filmé la Comédie-Française. À
« QUAND LA FRANCE
OCCUPAIT L’ALLEMAGNE »
France 2, lundi 12 janvier à 22 h 20
Le grand mérite de ce documentaire est
d’évoquer un thème peu connu : la vie
dans la zone d’occupation française en
comme nos frères : Quoi ! Mon frère
le Turc ? mon frère le Chinois ?
le Juif ? le Siamois ? – Oui, sans
doute : ne sommes-nous pas tous
enfants du même père et créatures
du même Dieu ? »
La France avait de l’allure,
héroïque, Paris avait de la gueule
dimanche, capitale mondiale de la

intrigues pleines de rebondissements.
Chez les Crawley, le changement c’est
maintenant. Lady Mary devient une
femme émancipée, Thomas se laisse sé-
duire par une jeune institutrice rebelle
et l’enquête sur le meurtre du valet
Green est relancée. La révolution est en
marche.
15/20
« TOGETHERNESS »
OCS City, lundi 12 janvier à 20 h 55
Après les affres de la jeunesse (Girls) et
les excès de la trentaine (Sex and the
City), la chaîne américaine HBO s’atta-
l’occasion d’un partenariat avec le
Français, la chaîne cryptée diffuse un
documentaire captivant qui explore les
liens privilégiés entre le 7e art et le haut
lieu du théâtre. Avec les témoignages
des grands noms de la Comédie-Fran-
çaise d’aujourd’hui : Éric Ruf, Denis
Podalydès, Laurent Stocker, Guillaume
Allemagne, de 1945 à la naissance de la
RFA en 1949. Images d’archives et té-
moignages rendent compte de la façon
dont les Allemands ont été aidés par de
nombreux Français, ingénieurs, ensei-
gnants, fonctionnaires, à reconstruire
leur pays.
paix, comme l’ont répété à l’envi
les journalistes. D’aucuns pensent
et sans doute n’ont-ils pas tort
que cette marche républicaine
spontanée, historique, est le
rassemblement le plus considérable
depuis la Libération. Planait donc
un bel esprit de résistance. La

11/20
que à la crise de la quarantaine. Exit Gallienne… France cultive cette vieille, si vieille

16/20
New York, bienvenue à Los Angeles où tradition libertaire, et Charlie

« THE NEWSROOM »
Canal + Séries, mercredi 14 janvier
à 20 h 50
BFMTV, LCI ou i-Télé ne sont rien com-
parées à la chaîne d’information en
continu ACN, dans laquelle se déroule
cette série haut de gamme, signée Aa-
ron Sorkin, connu pour la série À la
Maison-Blanche et le film de cinéma The
Social Network. La chute de Mouammar
Kadhafi, l’élection présidentielle amé-
ricaine de 2012, le mouvement du Tea
Party et l’affaire Trayvon Martin vont
vivent Michelle et Brat Pierson. Le
train-train du couple est bouleversé par
le meilleur ami de Brat et la sœur de Mi-
chelle, célibataires à la dérive, qui vien-
nent habiter chez eux. Cette comédie
douce-amère offre une peinture tou-
chante du désenchantement adulte,
quand notre vie s’est éloignée de nos
aspirations.
FIGARO FLOP Le magazine
« Spécial investigation »
de Canal + dénonce l’absence
13/20
« SYRIE : ENFANTS EN GUERRE »
France 2, mardi 13 janvier
à 23 heures
Depuis plus de trois ans, la Syrie se dé-
chire. Bastion rebelle et exsangue, Alep
est défendue par des combattants de
plus en plus jeunes. Le documentariste
Yuri Maldavsky est allé dans une fa-
mille de moudjahidins. L’aîné de 16
ans, blessé deux fois, est un soldat
aguerri. Son cadet, qui l’idolâtre, va
bientôt le rejoindre. Leurs visages sont
« SOIS PÈRE ET TAIS-TOI »
France 5, mardi 13 janvier à 20 h 35
En France, un test ADN positif suffit à
transformer en père des hommes qui
ignoraient tout de la grossesse d’une
aventure d’un soir. Chaque année,
3 400 paternités subies ont lieu. Plu-
sieurs hommes désemparés témoignent
de cette situation dans laquelle ils se
sentent pris au piège d’une procédure,
pourchassés pour leur argent. Cette en-
quête touchante donne à réfléchir sur
ce qu’est la filiation.
Hebdo incarne cette France, celle
de Rabelais et de Beaumarchais,
ainsi que nous l’a rappelé Jean
d’Ormesson sur Europe 1.
« Il ne faut pas se laisser aller à une
psychose de peur », a sereinement
ajouté l’académicien. Être debout.
Voilà François Hollande, voilà la
chancelière allemande, Angela
Merkel, voilà le premier ministre
britannique, David Cameron,
l’Italien Matteo Renzi, l’Espagnol
Mariano Rajoy, on attend, une fois
n’est pas coutume, les leaders
israélien et palestinien, Benyamin

donner du fil à retordre à la rédaction
exigeante conduite par Will McAvoy.
Sans compter les affaires de cœur et les
vieux démons des journalistes. Une sé-
rie intelligente interprétée par des ac-
teurs au-dessus du lot.
de réglementation destinée
à limiter la surconsommation de sel
et l’inertie des pouvoirs publics.
10/20
encore enfantins mais leurs mots sont
durs. La guerre leur a volé leur inno-
cence. Terrifiant.
« SEL, NOTRE POISON QUOTIDIEN »
Canal +, lundi 12 janvier à 22 h 45
L’enquête de « Spécial investigation »
s’interroge sur l’absence, en France,
Nétanyahou et Mahmoud Abbas,
etc. Sur LCI, Vincent Hervouët,
qui n’a jamais la langue dans sa
poche, nous rappelle que, dans
ce cortège de deuil, tout le monde
n’est pas blanc bleu, que certains
« pyromanes se sont invités au bal

15,5/20
d’une réglementation limitant la quan- des pompiers ». Et ce n’est
tité de sel dans l’alimentation, contrai- malheureusement pas faux.
rement à la législation de plusieurs
« IMAGES DE LA LIBÉRATION autres pays comme la Belgique. La sur-
DES CAMPS »
Arte, mardi 13 janvier à 22 h 25
C’est l’histoire d’un documentaire
consommation de ce produit représen-
te un coût énorme pour la Sécurité so-
ciale mais le ministère de la Santé, sous
+ @ SUR LE WEB
» « Charlie Hebdo » : « Plus belle la vie »
monté notamment par Alfred Hitch- la pression des industries agroalimen- va intégrer l’attentat dès mardi
cock à la libération des camps de la taires, reste inerte. » Europe 1 reporte la journée spéciale
mort et resté inachevé pour des raisons BLAISE DE CHABALIER, consacrée à ses 60 ans
politiques. Son réalisateur, André Sin- MURIEL FRAT ET CONSTANCE JAMET www.lefigaro.fr
Lundi 12 janvier

MOT S C ROI S É S Par Vincent Labbé BR I D G E Par Philippe Cronier www.lebridgeur.com

PROBLÈME N° 3681 1 2 3 4 5 6 7 8 PROBLÈME N° 1956 : SOLUTION DU PROBLÈME N° 1955 :

HORIZONTALEMENT
1. Déformée par les coups. - 2.
Forts gaulois. - 3. Ont donc franchi
le même col. - 4. Descendra pour
le plaisir. - 5. S'ennuyait ferme à
la campagne. Ne détonne pas à
Eton. - 6. Diamants taillés. Inscrit
au calendrier. - 7. S’enflamme le
matin. Anciennes fabriques de
moutarde. - 8. Planches de bor-
dage. - 9. Leurs voisins hurlent
toute la journée. - 10. Devant
devant pour un noble durant la
Révolution. Porte un anneau. - 11.
Toute rouge. - 12. Paralysées par
la grève.
SOLUTION DU PROBLÈME N° 3680
HORIZONTALEMENT 1. Pessaire. - 2. Occultes. - 3. Rai. Lest.
- 4. Trésors. - 5. Etna. auT. - 6. Bêtisier. - 7. Aloses. - 8. Gélin. Cn.
- 9. Amorties. - 10. Gèg. INRI. - 11. Énumérât. - 12. Stéarate.
VERTICALEMENT
1. Occasionne quelque emmerde-
ment à la campagne (trois mots).
- 2. La dictature du meilleur des
mondes ? - 3. Gamète mâle sans
flagelle. Jour sans croissant. - 4.
Polynésiens de Nouvelle-Zélande,
en un sens. A joué l'aiglon. - 5.
Celui d’Amboise marque la fin de
la première guerre de religion.
Chanteuses de charme. - 6. Miches
ou môles. Laisse sortir l’humidité.
- 7. Dérouillés. Direction. - 8. Ré-
sultats de la politique de la terre
brûlée. Poules de mer.
Check-up Double contrat
1  10 8 6 5 4 Contrat : Sud joue 3 Sans-Atout.
A Entame : 10 de  pour votre As (le 5 en Est). Comment
2 8762 joueriez-vous 5 Trèfles après la même entame ?
A32
En jouant  à blanc, vous assurez neuf levées si la couleur
3 O
N
E est au pire 4-2. Mais pourquoi courir le risque de chuter
S avec les  5-1 ? Montez au mort à  et jouez  pour le
4 D7
Valet, de façon à affranchir la couleur tout en protégeant
votre fourchette à . Sur le retour à  pris du Roi, encaissez
R65 Roi-Dame de  et rééditez l’impasse à … dont l’échec
5 R D 5
 R D 10 7 5
vous permet tout de même d’amasser onze levées !
Au contrat 5 Trèfles, si vous tentez la double impasse, vous
6 pourriez chuter avec un honneur sec en Ouest ou RDx
en Ouest. Il est plus raisonnable de jouer As de  et Valet
Contrat : Sud joue 3 Sans-Atout. de . Si Ouest prend et que la couleur est 3-2, fin du coup.
7 Si Est fait la levée (la couleur étant 3-2) et rejoue , four-
Entame : Valet de  pour l’As nissez l’As et tentez d’encaisser la tierce à  afin d’écarter
le  perdant.
8 du mort (le 8 en Est). V6
8642
ARD54
9 65
 10 9 8 7 3 2 54
R75 N  V 10 9 3
10 2
O E
S  V 10 9 8 3
RD4 72

VERTICALEMENT 1. Porte-bagages. - 2. Écartèlement. - 3. Sciento-

11 ARD
AD
logue. - 4. Su. Saisir. Ma. - 5. Allô. Sentier. - 6. Itérais. INRA. - 7. Ressue. 76
A

Cérat. - 8. Est. Transite. 12  A V 10 9 8 3

 LE FIGARO lundi 12 janvier 2015

TÉLÉVISION MÉTÉO PAR 39

ÉPHÉMÉRIDE St-Tatiana
Soleil: Lever 08h39 - Coucher 17h15 - Lune décroissante

19.00 Le juste prix. Jeu 20.00 Le 20h 18.50 N’oubliez pas les paroles ! Jeu 19.00 19/20 20.00 Tout le sport 18.50 Grey’s Anatomy. Série 19.30
20.40 Nos chers voisins. Feuilleton 20.00 20 heures 20.40 Parents 20.05 Le journal du Dakar. Maga- Les mystères de l’amour. Série MATIN
20.45 C’est Canteloup mode d’emploi. Série zine 20.20 Plus belle la vie. Feuilleton
20.50 Super Nanny 7
20.55 20.50 20.50 Divertissement. 1h45. Famille re- 80
Série. Comédie Série. Comédie Documentaire. Historique composée, famille décomposée... 7
quand les enfants prennent le pou- 7 4 4
8 6
voir ! Christelle et Jérôme ont du mal
à imposer des règles à leurs enfants. 2 3
11
9 4 5
0
22.35 Super Nanny 0.20 Obèses : 3
perte de poids extrême. Téléréalité 9 0 1
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Inédit. Avec Laurent Ournac, Frédé- Stana Katic, Jon Huertas, Seamus 1h35. Inédit. 1945 est une année Film TV. Comédie dramatique. Fra. 3 0
ric Bouraly, Alexis Loret, Stéphanie Dever, Tamala Jones. Kate Beckett charnière qui constitue le point de 2006. Réal. : F. Cazeneuve. 1h32. 6 10
Pasterkamp. Tom doit construire le traque Jason Marks, un homme départ de renaissances multiples, Avec Jean-François Balmer. 1944, 3
char qui représentera le Camping qu’elle pense être impliqué dans la mais ouvre également une sombre Sacha Guitry est arrêté. Il est accusé 30
Paradis au carnaval de Martigues. mort de sa mère. période de règlements de comptes. d’avoir collaboré avec l’ennemi . 13
APRÈS-MIDI
22.45 New York, unité spéciale 23.00 Mots croisés. Terrorisme : la 22.20 Quand la France occupait 22.25 C dans l’air 23.40 Entrée libre
Série. Policière. EU. 2014. Saison 15. France attaquée ! Invités notamment : l’Allemagne Documentaire. 23.15 0.00 Brasseur père et fils. Doc. 8
(3 épisodes) 1.15 Au Field de la nuit Anne Hidalgo, Claude Guéant. Soir/3 23.55 Lumière sur la nuit 100
9
9 7 8
11 10
18.55 Stargate SG-1. Série. Impact 8 10
13
- Le guerrier 12 9 9
19.05 Le Grand journal (C). Magazine 19.00 Les trésors de l’Asie du Sud- 18.30 Les reines du shopping. Jeu 7
9
20.00 Le Grand journal, la suite (C). Est 19.45 Arte journal 20.05 28 mi- 19.45 Le 19.45 20.10 Scènes de 20.50 Crimes 11 8
Magazine 20.25 Le petit journal (C) nutes 20.45 Silex and the City. Série ménages. Série Magazine. Société. Prés. : Jean-Marc 13
9
Morandini. 1h45. Inédit. Dans le Nord.
21.00 20.50 20.55 Au sommaire : «Course contre la
Série. Policière Film. Drame Téléréalité mort ?» - «Mauvaise rencontre» - 10 12
«Qui a tué la rhumatologue ?». 50 14 11
14 12
22.35 Crimes. Magazine. Présenta-
tion : J.-M. Morandini 2.20 Poker 13 14
13
15 11
15 13
15 20
19.00 Swamp People. Série docu- 15
mentaire. (2 épisodes)

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The Driver Lettre d’une inconnue L’amour est dans le pré Série documentaire. Science et <-10 à 0 0 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à >40
GB. Saison 1. 2 épisodes. Avec David EU. 1948. NB. Réal. : Max Ophüls. Prés. : Karine Le Marchand. 1h45. technique. 0h55. Inédit. USS Virginia.
Morrissey, Ian Hart, Claudie Blakley, 1h25. Avec Joan Fontaine, Louis Inédit. Présentation des nouveaux Le «Virginia», conçu sur ordinateur,
Harish Patel. Vince reçoit un appel de Jourdan, Mady Christians, M. Jour- agriculteurs. Deuxième partie est le sous-marin le plus avancé au
The Horse. Palowski est maintenant net. Vienne, vers 1900. Peu avant sa des portraits qui permet de faire monde technologiquement. ALGER 11/15 AMSTERDAM 7/9 ATHÈNES 3/10
sorti du coma... et la police rend peu mort, une femme envoie une lettre connaissance avec les candidats de BARCELONE 5/15 BELGRADE 0/7 BERLIN 4/8
après une petite visite à Vince. à l’homme qu’elle a toujours aimé. cette nouvelle saison. 21.40 Secrets de construction. Série 0/6 1/7
BERNE BRUXELLES 5/9 BUDAPEST
doc. 22.40 La minute de vérité
22.30 Spécial investigation Ma- 22.15 Quatre minutes Film. Drame. 22.40 L’amour est dans le pré : COPENHAGUE 4/7 DUBLIN 4/9 LISBONNE 8/16
gazine. Société 23.25 L’oeil de links. All. 2006. Réal. : C. Kraus. 1h52 0.05 que sont-ils devenus ? Divertis- LONDRES 7/10 MADRID 0/10 PRAGUE 2/6
Magazine A Spell to Ward off the Darkness sement 2.55 Les nuits de M6 RABAT 13/19 ROME 0/12 TUNIS 10/15
18.55 Malcolm. Série. (4 épisodes).
Avec C. Kennedy Masterson MARDI MERCREDI JEUDI

20.50 Kaamelott : Livre VI 7/9 3/7 6/9

18.50 Alerte Cobra. Série. (2 épiso- 18.55 Les princes de l’amour 19.40 18.45 Touche pas à mon poste ! Série. Comédie. Fra. 2009. Saison 6.
des). Avec Erdogan Atalay. Les Simpson. Série 20.35 Soda Talk-show 20.35 D8 le JT. Journal 2 épisodes. Avec Alexandre Astier. 10/11 2/10 7/10 3/7 7/9 3/8
Arturus a chargé Merlin de faire le
20.50 Terminator 3 - Le soulè- 20.50 Le pacte 20.50 La fureur du dragon tour de la Bretagne pour annoncer 4/12 3/10 7/10
vement des machines Film. Thriller. EU. 2011. Réal. : Roger Film. Action. Hong Kong. 1974. Réal. : le retour du fils de Pendragon.
Film. Science-fiction. EU. 2003. Réa- Donaldson. 1h48. Avec Nicolas Bruce Lee. 1h30. Avec Bruce Lee. 5/15 8/14 9/13 8/14 9/11 7/13
lisation : Jonathan Mostow. 1h59. Cage. Un enseignant dont la femme Tang Lung, adepte du kung-fu, dé- 22.35 Kaamelott : Livre VI 0.30 Sto-
Avec Arnold Schwarzenegger, Nick a été agressée est contacté par un cide d’aller à Rome pour aider une rage Wars : enchères surprises
Stahl, Claire Danes. homme qui propose de le venger. amie persécutée par des malfrats.
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B E V U E S S O U E S
 lundi 12 janvier 2015 LE FIGARO

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MONGOLIE, OULAN-BATOR Des journalistes se sont réunis sur la place Gengis-Khan, dans la capitale de ce pays d’Asie centrale pour rendre hommage à leurs collègues de Charlie Hebdo.
Le monde solidaire de la France

AUSTRALIE, SYDNEY
La manifestation de soutien australienne
s’est déroulée suivant le mot d’ordre « No Fear
for Freedom » (sans peur pour la liberté).

RENTSENDORJ BAZARSUKH/REUTERS ; JOSEP LAGO/AFP ; TIM IRELAND/AP ; THOMAS COEX/AFP ; MANUEL SILVESTRI/REUTERS ;JEROME DELAY/AP ; STEPHEN LAM/REUTERS ; PETER PARKS/AFP
ESPAGNE, BARCELONE
Les Espagnols sont descendus dans la rue,
dimanche, pendant que leur premier ministre,
Mariano Rajoy, participait au cortège parisien.

ÉTATS-UNIS, SAN FRANCISCO

ROYAUME-UNI, LONDRES Devant le consulat français de la ville
Sur Trafalgar Square, la National Gallery AFRIQUE DU SUD, JOHANNESBURG Des centaines de Sud-Africains ont défilé dans la ville la plus californienne du « Golden Gate Bridge ». Sur le
était parée des couleurs du drapeau français. peuplée du pays, entonnant plusieurs fois La Marseillaise. dessin : « Nous sommes tous Charlie et libres ».
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CISJORDANIE, HÉBRON Démonstration de solidarité dans cette ville administrée par ITALIE, VENISE La Sérénissime a exprimé son soutien à la France
l’Autorité palestienne dont le président, Mahmoud Abbas, était à Paris dimanche. en affichant le mot d’ordre devenu mondial sur le pont du Rialto.