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Sabaté Flocel. La montagne dans la Catalogne médiévale. Perception et pouvoir. In: Actes des congrès de la Société des
historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public. 34e congrès, Chambéry, 2003. pp. 179-218.
doi : 10.3406/shmes.2003.1854
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/shmes_1261-9078_2004_act_34_1_1854
La montagne
Perception et pouvoir
Flocel SABATÉ
1. Sigles employés : ACA, Arxiu de la Corona d'Arag6 ; ACL, Arxiu Capitular de Lleida ; ACU,
Arxiu Capitular d'Urgell ; ADPO, Archives départementales des Pyrénées-Orientales ; ADM,
Archivo Ducal de Medinaceli ; AES, Arxiu Eclesiàstic de Solsona ; AHCG, Arxiu Historic de la
Ciutat de Girona ; AHCO, Arxiu Historic Comarcal d'Olot ; AHCP, Arxiu Historic Comarcal
de Puigcerdà ; AHCTE, Arxiu Historic Comarcal de les Terres de l'Ebre ; AHG, Arxiu Historic
de Girona ; AHCM, Arxiu Historic de la Ciutat de Manresa ; AHMV, Arxiu Historic Municipal
de Vie ; AMA, Arxiu Municipal d'Àger ; AML, Arxiu Municipal de Lleida ; AMSJA, Arxiu del
Monestir de Sant Joan de les Abadesses ; AW, Arxiu del Veguer de Vie ; AHT, Arxiu Historic de
Terrassa.
2. « Toute la terre de la Catalogne est très montagneuse ; et ainsi on peut dire d'elle qu'elle est
toute ou presque formée de montagnes » ; « toutes les montagnes sont tellement couvertes d'arbres
et de plantes, tellement fertiles grâce aux sources, de climat tempéré, tellement habitées de
Catalans ; et tellement cultivées et fécondes ; qu'à peine il y a de grands déserts, et de pâturages ;
et qu'on ne voit pas de lieux qui ne soient totalement ou quasi totalement cultivés. » (P. Gil,
Llibre primer de la Histbria Cathalana en la quai se tracta de Histbria o descripeiô natural, ço es de
coses naturals de Cathaluna ; J. Iglésies Fort, Père Gil S. J. (1551-1622) i la seva geografia de
Catalunya, Igualada, 1949, p. 190).
180 Flocel SABATÉ
Perception de l'espace
En Catalogne, la société médiévale est soumise à une fragmentation
administrative et politique très significative, comme cela est normal dans
un contexte de singularisations juridictionnelles et seigneuriales, de
projection et d'assise territoriale de l'Eglise. Le passage d'une baronnie à
l'autre peut impliquer de complets changements de juridiction et, dans
leur domaine, les circonscriptions diocésaines entraînent aussi de
permanentes différenciations. Néanmoins, la perception populaire du
territoire ne se fonde pas toujours sur ces critères, mais sur les unités
paysagères3. Du point de vue d'une analyse géographique, nous dirions
que l'imposition de segmentations —juridictionnelles, circonscription-
nelles et ecclésiastiques — n'a pas autant influencé la perception populaire
du territoire que « l'espace terrestre », avec sa « double dimension
physique et écologique » ; cette situation explique le système de mesure
de l'espace par empans , qui met en relief l'importance de la nature et a
des conséquences sur les populations. Ces dernières doivent s'adapter à la
réalité écologique en termes d'expériences et de travail, comme cela est
évident dans une société à majorité paysanne7.
Le premier rôle de la nature et du paysage est visible dans les
descriptions et situations des lieux. C'est une caractéristique du tout
début du haut Moyen Âge, lorsque le critère se situe dans les territoria ,
sous forme d'espaces homogènes, qui coïncident parfois avec des vallées
3. F. Sabaté, « Apropament a una comarca natural : l'Urgell al segle XIV », Urtx, 2 (1990), p. 49-53.
4. Y. F. Tuan, Topophilia. A Study ofEnvironmental Perception, Attitudes and Values, New York,
1984, p. 115-129.
5. A. Dauphiné, « Espace terrestre et espace géographique », dans Les concepts de la géographie
humaine, A. Bailly étal éd., Paris, 1984, p. 35.
6. Y.-F. Tuan, Space and Place. The Perspective of Experience, Londres, 1977, p. 16-17; Id.,
« Environment, behaviour, and throught », dans The Behavioural Environment. Essays in Reflection
Application and Re-evaluation, F. W. Boal et D. N. Livingstone éd., Londres-New York, 1989,
p. 78-79.
7. F. Sabaté, El territori de la Catalunya Medieval, Barcelone, 1997, p. 42.
8. R. Martf, « "Territoria" en transicid al Pirineu medieval (segle V-X) », dans Actes del 3r curs
d'arqueologia d'Andorra. La vida medieval als dos vessants del Pirineu (setembre-octubre, 1991),
Andorre, 1995, p. 43-64.
La montagne dans la Catalogne médiévale 181
à peu vers Camprodon et qui inclut aussi bien des altitudes élevées que de
plus modérées dans le secteur oriental, adoptant dans l'ensemble la
dénomination commune de montagne pour décrire ce paysage fragmenté,
économiquement difficile et humainement homogène au-delà des divisions
juridictionnelles, comme cela se popuralise bientôt autour des guerres de
remença du dernier quart du XVe siècle et se maintient séculairement27.
Le paysage propre de la montagne fragmenté et oscillant peut être
défini par d'autres critères. La densité boisée, espace redouté comme
habitat de bêtes féroces et sauvages, amène à parler de forêt vierge au lieu
de montagne, en situant certains lieux in Silva*. Cela se stabilise bientôt
dans des régions comme le sud-est de Gérone29 et l'est d'Igualada30, avec
suffisamment d'enracimement pour être assumé, dans les deux cas, par les
circonscriptions ecclésiastiques du bas Moyen Âge, et fondé par
l'administration royale — baiule de Segarra et de la Selva1 (bailliage de
Segarra et de la Selva). Au contraire, l'espace montagneux peut également
être défini comme terrain d'une certaine dureté, en partie aride et sec,
remplaçant ainsi la dénomination de muntanya (montagne) par celle
Àger32
d'Aspres
ou(Âpres,
dans lezones
nord abruptes),
du comté d'Empuries33.
comme cela se produit entre Balaguer et
26. J. Canal et M. Mercè Homs, « Verntallat i "la muntanya remença" », L'Avenç, 202 (1996),
p. 62-65.
27. E. Cl. Girbal, Banolas. Noticias histâricas de esta villa, Gérone, 1863, p. 7.
28. J. Miret i Sans, Les cases de Templersy Hospitalers en Catalunya, Barcelone, 1880, p. 158.
29. C. Guilleré, « Criteris medievals per a l'estudi comarcal : el cas de la Seva a través de les
enquestes episcopals », Quaderns de la Selva, 2 (1990), p. 85-101.
30. F. Sabaté, « Anoia. Marc Historic », Catalunya Romànica, XIX, Barcelone, p. 324.
31. ACA, Cancelleria, reg. 505. f> 174 ; reg. 506, F> 107 ; reg. 507, P> I42v; reg. 582, f> 102v-
103 ; reg. 949, r» 184 ; 950, r° 190, parmi beaucoup d'autres.
32. AMA, C-IV, manuscrit 95, non folioté.
33. AHG, Fons notarial de Figueres, secciô Castellô, reg. 508, r° 22.
34. « La vallée de Mieres et de Sant Miquel de Campmajor et quelques autres lieux des
Montagnes » (L. G. Constans i Serrats, Diplomatari..., op. cit., p. 309).
La montagne dans la Catalogne médiévale 185
que mais aussi de leur caractère humain, raison pour laquelle elles sont
regroupées dans un centre directeur. Elles concordent ainsi avec les
imbrications socio-économiques des habitants du milieu environnant vers
le centre nodal : ce sont les Muntanyes de Camprodon (Montagnes de
Camprodon), les Muntanyes de Solsona (Montagnes de Solsona).
S'agissant d'une singularité juridictionnelle, les montagnes s'identifient
facilement avec le domaine baronnial dont elles font partie : les montagnes
de Bas caractérisent le secteur le plus élevé du petit vicomte de Bas, à
l'extrême nord de l'actuelle Cordillère transversale, unité montagneuse,
qui, dans la partie sud de Montsoriu, est parfois citée sous le nom de
Muntanyes del Vescomtat (Montagnes du Vicomte), en raison de l'identi
fication avec le vicomte de Cabrera .
Entre l'un et l'autre extrême des deux tronçons de la Cordillère
transversale, le centre du domaine du vicomte de Cabrera donne son
nom propre au Territorio de Cabrera , espace montagnard avec une
dénomination particulière. En fait, la plupart des véritables montagnes
jouissent d'une dénomination spécifique : Montserrat, les Ports, Pallars
ou le Montseny. Avec leur propre dénomination elles confèrent une
identité au territoire environnant - Esparraguera Montisserrati, ainsi
s'appelle le village d'Esparraguera situé au pied de Montserrat —, elles
s'intègrent de manière partiulière au sein d'une région placée sous
l'influence d'une capitale extérieure — les Ports apportent la propre
singularité à la « capitalité » de Tortosa au sud de la Catalogne — et elles
partagent un même cadre juridictionnel et socio-économique, comme le
Montseny dans le vicomte de Cabrera39. Mais surtout, elles se distinguent
par l'articulation de certains espaces spécifiques de montagne, comme
cela se passe avec le Pallars, qui devient synonyme d'une région monta
gneuse conjointement traitée .
Ces unités distinguées jouissent donc d'une dénomination propre,
alors que dans les autres cas l'usage du critère « montagne » a contribué à
donner une certaine cohésion à des ensembles plus génériques. La variété
d'une gamme aussi large met en valeur des ressources et des contenus de
la montagne fort variés et adaptés à des réalités plus larges. La montagne
peut être à la fois lieu de craintes et de ressources.
4 1 . E. Carbonell et J. Sureda, Trésors Medievals del Museu National d'Art de Catalunya, Barcelone-
Madrid, 1997, p. 143-144.
42. A. Riera, « Sistemes alimentaris i estructura social a la Catalunya de l'alta edat mitjana », dans
Alimentaciô i societat a la Catalunya Medieval, Barcelone, 1988, p. 23.
43. J. Rius Serra, Cartulario de « Sant Cugat» del Vallès, II, Barcelone, 1946, p. 88-89.
44. AES, parchemin 1514, édité par A. Bach, Collecciô Dipbmàtica del Monestir de Santa Maria
de Solsona : el Penedés i altres llocs del Comtat de Barcelona (segles X-XV), Barcelone, 1 987, p. 150.
45. « Ramasser les nids de faucons, d'autours et d'éperviers [...] avec l'obligation de donner un de
chaque nid audit prieur et un quart de cerf ou de sanglier ou de chèvre sauvage » (B. Ribas i Calaf,
Histbria de Montserrat (888-1258), Barcelone, 1990, p. 191).
La montagne dans la Catalogne médiévale 187
aquesta rahô los homens del dit loch no haien a desemparar lo dit loch e
anar-s'en en altres partides . Etant donné la gravité, en 1392 le procu
rateur royal des comtés du Roussillon et de Cerdagne autorise aussi bien
les habitants d'Esposolla que ceux de Riufret et de Sant Père d'Enforcats,
en Cerdagne voisine, à brûler la forêt chaque fois qu'il le faut afin de
repousser les agressions animales : possitis mitere seu miti facere ignem
semel et pluries pro ardendis arboribus et aliis broçes et locis erboses, pro
occidendis dampnifficandis et evitandis ac effugandis animalibus feriis
silvestribus atque brutis 7.
Mais l'animal qui suscite le plus de crainte est le loup, tel qu'en
témoigne une toponymie remplie, dans tout le pays, d'évocations de sa
présence , sans oublier qu'il est le protagoniste de nombreuses histoires
d'épouvanté. La première fondation du monastère de Santa Maria de
Meià, à la frontière montagneuse du Montsec, se trouve en 1080 dans un
état de ruine ; c'est la combinaison du mauvais gouvernement de l'abbé,
des agressions mulsulmanes, de la sécheresse et de la menace des loups
qui l'explique : destructus a sarracenis et a lupis atque siccitate 9. La crainte
du loup accompagne l'histoire de toutes les montagnes tout au long de la
période médiévale. Le voisinage entre les uns et les autres peut être
spécialement tendu quand le degré d'occupation humaine est élevé.
Tortosa, ville méridionale prospère entourée de montagnes boisées, voit
provenir de celles-ci une densité très élevée de loups, qui s'enfoncent avec
aisance dans les zones habitées. Pour cette raison, le gouvernement
municipal de Tortosa crée la fonction de ligaller i lobater de la dita ciutat,
qui encourage la chasse aux loups et leur élimination, s'occupe des
formalités d'obtention de la compensation financière apportée par la
municipalité à chacune des personnes qui en apporte la dépouille, en
faisant la distinction entre les louveteaux et les animaux plus grands, ces
derniers étant beaucoup mieux rémunérés50. La liste des lieux où ils ont
été chassés montre leur présence à l'intérieur des montagnes et à proxi
mité des habitats humains, comme celui qui est abattu en 1378 prop de
Vesglésia del Godelt\ L'intense activité tout au long du bas Moyen Âge52
46. « Les hommes d'Esposolla sont tellement maltraités par beaucoup de bêtes sauvages aussi bien
par des sangliers que par des ours que l'on doute si pour cette raison les hommes dudit lieu ne
devront pas abandonner ledit lieu et s'en aller dans d'autres contrées » (ADPO, 1B-153, r° 96).
47. Ibid., 1B-149, fMv.
48. X. Pérez, « La membria histôrica del Hop a la Selva », Quaderns de la Selva, 12 (2000), p. 185-191.
49. ACU, fonds Tavèrnoles, parchemin 17a : document édité par C. Baraut, « Diplomatari del
monestir de Sant Sardunf de Tavèrnoles (segles IX-Xlll) », Urgellia, 12 (1994-1995), p. 157.
50. AHCTE, clavari, 15, p. 164 ; 17, p. 178 ; 18, p. 120 ; 36, p. 98, entre autres.
51. « Près de l'église du Godall » (AHCTE, clavari, 15, p. 168).
52. A. Curto et A. Martfnez, « La presència del Hop a l'antic terme de Tortosa durant la Baixa
Edat Mitjana »,Acta histôrica et archaeobgica Medievalia, 20-21 (1999-2000), p. 455-476.
188 Flocel SABATÉ
63. AW, processus civils, vol. 1333-1334, pli 1333-2, non folioté.
64.ADPO 1B-121, fol. 25.
65. F. Sabaté, « L'augment de l'exigència fiscal en els municipis catalans al segle XIV : elements de
pressiô i de resposta », Colloqui Corona, Municipis i Fiscalitat a la Baixa Edat Mitjana, Manuel
Sinchez et Antoni Furiô éd., Lérida, 1995, p.431-432.
66. ACA, Cancelleria, reg. 924, f° 77v-78.
67. AW, liasse de registres 1, pli 5, non folioté.
68. F. Sabaté, « Histôria Medieval », Histbria de Piera, Lérida, 1999, p. 186.
69. Id., « Ejes vertebradores de la oligarqufa urbana en Catalufia », Revista d'Histbria Medieval, 9
(1998), p. 143-151.
70. F. Guicciardini, Viaje a Espana, Valence, 1952, p. 39.
190 Flocel SABATÉ
La montagne ressource
On peut considérer que la montagne représente une large partie du
territoire catalan, même si elle est fragmentée, et qu'elle joue un rôle
important dans les activités et les ressources humaines. Tous les chemins,
intensément sillonnés par les marchands, traversent des montagnes. La
77. A. Benêt, « Santa Maria del Camf », Catalunya Romànica, XIX, Barcelone, 1992, p. 522.
78. E. Fort i Cogul, El transit pel Coll de Balaguer (Del Perellô a l'Hospitalet de l'Infant), Barcelone,
1974, p. 14-61.
79. A. Rubiô y Lluch, Documents per a l'histbria de la cultura catalan mig-eval, I, Barcelone, 20002,
p. 119.
80. P. Català, « Castell de Vilardell, inscrit en la llegenda », dans Els Castell Catalans, II,
Barcelone, 1991, p. 268.
81. M. de Riquer, Llegendes histbriques catalanes, Barcelone, 2000, p. 122-127.
82. Cl. Lecouteux, Demonios y genios comarcales en la Edad Media, Palma de Majorque, 1999, p. 19.
83. « Un beau dragon, près du château et du chemin qui va de Barcelone à Gérone, qui dévorait
le bétail et beaucoup de gens qui passaient sur le chemin susdit » (B. Boades, Libre defeyts d'armes
de Catalunya, II, Barcelone, 1948, p. 141).
192 Flocel SABATÉ
souvent,
transporter
1]>.intervention
par flottaison
. acquiert
le bois
• abattu
un sens
dansprotectionniste
les forêts pyrénéennes99.
100 , rruit
r • dejTrès
i
la
chasse
Montgri10quand
, et autorise
il limite
en les
1392
coupes
à brûler
excessives
et abattre
des les
forêts
forêts
de du
Torroella
Capcir de
éloigné" . Au milieu du XIVe siècle, par exemple, Père Ferrer fabrique des
socs de charrue et des houes pour les paysans dans une fabregua (forge) à
Tornamira, qu'il possède à cens et qui fonctionne avec du fer et du
charbon l . De son côté, en 1338, Guillem Pals gère la molina de la
Concha (le moulin de la Conca), qui possède obrada y fargada (avec
atelier et forge), et pour laquelle il a besoin de fer et de charbon de bois116.
De même, à la même époque la combinaison d'extractions de fer,
d'apports de charbon et le recours hydraulique confortent les forges de
Ribes et bénéficient aussi bien aux tenanciers qu'à leurs seigneurs117.
De toute évidence, la localisation des moulins hydrauliques n'est
pas fonction de la montagne mais des cours d'eau et en même temps il
est clair que l'orographie facilite les cours et les accumulations d'eau qui
permettent de développer la meunerie comme l'un des attraits des vallées
montagnardes. Le moulin est, en réalité, une machine polyfonctionnellen ,
et la typologie des moulins en est diverse. En Catalogne médiévale, on
peut parler d'ipsos midinos blanchers pour le tanneur" , mais surtout une
dichotomie s'impose entre les moulins à farine1 ° — molins bladers sive
farmers — et ceux à foulon — molins drapers . Aux moulins hydrauliques
XIVe
de montagne, déjà consolidés au siècle123, s'ajoutent deux autres
types. Dans des montagnes comme les Pyrénées, en plus de ces deux
types1
, il faut signaler le molin serrador (moulin scieur) et la molina de
ferre (moulin à fer)125. Les uns et les autres reçoivent l'eau de barrage,
mais le second est consacré à forger le fer tandis que le premier est
d'ordinaire I casai de moli serrador ab una serra o dues serres126.
114. M.-C. Rovira, J. Solans, V. Turu, A. Net, X Llovera, « Primers résultats del projecte d'estudi
sobre la metallùrgia del ferro a Andorra », dans Actes del 3 curs d'arqueologia d'Andorra. La vida
medieval als dos vessants del Pirineu (setembre-octubre 1991), Andorre, 1995, p. 214.
115. AMSJA, Carpeta Curia Secular. Processos. 1351-1370, pli 1364, non folioté.
116.ADPO1B-95,P 15.
117. Ibid, 1B-357, P 36v-4l.
118. Cl. Rivais, Le moulin et le meunier, I, Portet-sur-Garonne, 2000, p. 67.
119. ACA, Cancelleria, parchemins de Ramon Berenguer III, 227 : document édité par R. Serra,
« El molf de blanquer de Calders », Miscellània d'Estudis Bagencs, 2 (1982), p. 148.
120. J. Bolôs, « Les moulins en Catalogne au Moyen Âge », dans Moulins et Meuniers dans les
campagnes européennes (Df-XVIlf siècle). Actes des XXI journées internationales d'histoire de l'Abbaye
deFlaran (3, 4 et 5 septembre 1999), M. Mousnier éd., Toulouse, 2002, p. 55-61.
121. ACA, Cancelleria, reg. 2009, fol. 13v.
122. ACL, calaix 121, parchemin 7501.
123.ADPO1B-I22,f°28.
124. Respectivement ADPO 1B-122, f° 42 et ibid, 1B-156, f° 50.
\25. Ibid, lB-121,F>74v.
126. « I moulin scieur avec une ou deux scies » (ADPO 1B-212, f° 74).
196 Flocel SABATÉ
127. C. Rendu, « L'estiuada i la gesti6 del pasturatge de les muntanyes a la Cerdanya medieval »,
Plecs d'Histbria Local, 93 (2001), p. 52-54.
1 28. M. Riu, « Ramaderia i arqueologia a la Catalunya medieval », Actes del 3 curs. ..,op. cit., p. 116.
129. C. Yifiez, Anàlisi de les zones d'intercanvi, Roc d'Enclar. Transformations d'un espai dominant,
segles IV-XIX, Andorre, 1997, p. 503.
130. F. Sabaté, « Cases de religiosos i ordes militars », Atles d'Histbria de Catalunya, V. Hurtado i
J. Mestre dir., Barcelone, 1995, p. 115.
131. ACA, Reial Patrimoni, Mestre Racional, 1512, F» 22.
132. Ibid, 1500,^37.
133. ACA Cancelleria, reg. 722, f*> 149-v.
134. F. Carreras Candi, « Ordinacions urbanes de bon govern a Catalunya (segles XIII a XVIII)
(continuaciô) », Butlletide la Reial Acadbnia de Bones Lletres de Barcelona, XI (1923-1924), p. 412.
135. F. Sabaté, « Perpinyà capital baix medieval dels comtats de Rossellô i Cerdanya », dans La
La montagne dans la Catalogne médiévale 197
En revanche, la ferme des rentes mises aux enchères tous les deux
ans à Perpignan se retrouve dans l'assignation des pasquers, avec pour
charge de veiller à ce que seuls les fermiers les gèrent175. La désignation
séparée pour la Cerdagne17 et pour le Confient177 s'accorde avec
l'ascendant atteint par celui-ci, doté d'une activité qui inclut lo pasquer
dels pastors estranys que pren lo senyor Rey en Cerdanya 8, tout en étant une
des principales contributions à la trésorerie royale de la circonscription179.
Le volume des activités justifie aussi bien la simultanéité de divers
officiers chargés des pacages à la fois — en général quatre180 — et qu'ils
soient considérés comme un investissement par des personnages qui ne
l'exerceront pas personnellement et qui dans certains cas ne résideront
même pas dans la circonscription181.
L'importance des pâturages dans l'économie de montagne explique
l'existence de nombreuses tensions, dans certains cas contre des localités
qui allèguent leurs franchises quant au pasquer e penturatge (au droit de
pacages et de pâturage) qu'on prétend leur faire payer182 ; dans d'autres,
en raison de droits féodaux ou de concessions royales, comme l'exige le
monastère de Cornilla contre les droits de pacages royaux dans la vallée
de Conat, comme le reconnaîtra le juge du domaine royal en 1410183. À
partir d'une lecture se référant clairement aux rentes, ce monastère assoit
ses droits sur les pâturages du Confient, parallèlement à ceux des officiers
chargés des pacages. C'est pour cette raison qu'ils plaident ensemble, en
1418, contre le viguier et un rentier de Ribes, pour les droits des
pâturages de Coma de Vaca18 . Les manquements aux bans, incluant le
séquestre de bétail, facilitent des tensions entre les agents juridictionnels
royaux, comme cela se répète avec le viguier du Confient, obligeant aussi
à intervenir le juge de patrimoine, comme en 1424185.
Cependant le principal revenu de la couronne dans le Confient
porte sur les mines de fer, surtout celles de Saorra186. En général, la cou
ronne encourage l'extraction, la commercialisation et même la recherche
175.ADPO1B-I22,f>39.
\76.Ibid, 1B-156, f> 56bis.
177. Ibid., 1B-149, feuille intercalaire.
178. «... les pacages des bergers étrangers que prend le Roi en Cerdagne » (ibid., 1 B- 111, r°39v).
179. A. M. Aragô et R. Conde, Evoluciô de les rendes. .., op. cit., p. 118.
180.ADPOlB-212,fM53.
181. Ibid, lB-212,fM53.
182. Ibid, 1B-153, f>79v.
183. Ibid, 1B-196, f>28-v.
\84. Ibid, 1B-212, fM53-v.
185. Ibid, 1B-367, f> 98-99.
186. A. M. Arag6 et R. Conde, Evoluciô de Us rendes..., op. cit., p. 118.
202 Flocel SABATÉ
187.ADPO 16-350,^59.
188. Ibid., lB-234,fM2.
189. Ibid., 1B-234, f> 78-94v.
190. M. Gonzalez, « Minas de plata en el Alto Aragon », Estudios de Edad Media de la Corona de
Aragon, V (1952), p. 437.
191. « Que tout le monde, étranger et favori de n'importe quel royaume ou terre ou classe que ce
soit, puisse prendre et chercher des minerais d'argent et de tout autre métal » : M. Romero,
« Ordenanzas para la explotaciôn de la plata en el condado de Prades y baronfa de Entenza (Anos
1343-1352) », Historia. Instituciones. Documentes, 6 (1979), p. 334.
192. ADPO 1B-234, P> 93-94v ; 240, f> I66v.
193. Ibid, lB-234,fMl4.
194. Ibid, lB-234,fM38-v.
195. Ibid, lB-357,fMl.
196. « Que le seigneur Roi prenne du minerai que l'on extrait de la terre et seigneurie du seigneur
La montagne dans la Catalogne médiévale 203
investissent dans les mines de fer : parmi eux on trouve aussi bien des
damoiseaux que des bourgeois de Perpignan1 8, toujours plus nombreux,
auxquels il faut ajouter, surtout au XVe siècle, des investisseurs barce
lonais1". Ainsi, établie à douze deniers la charge et conçue pour taxer
surtout le passage vers la France200, cette taxe apparaît comme le principal
revenu du Confient. En 1370, la trésorerie royale encaisse 30 livres pour
le passage de fer du Confient vers la France, chiffre supérieur aux 26
provenant de la leude de Villefranche-de-Conflent ou aux 13 livres et
10 sous de la forêt de Carança201.
Cette fiscalité n'affecte pas seulement les minerais202. En réalité,
tout un ensemble de produits sont taxés, dont le nombre varie selon les
circonstances politiques et économiques , et qui portent sur les métaux,
les armes, les chevaux et autres animaux d'attelage et de combat — cavayls,
rossins d'armes —, mais aussi le grain, la poix, le goudron, le suif, l'étoupe
et, plus occasionnellement, les produits alimentaires comme le poisson ou
la viande . Déclarés vedats de treure (interdits à l'exportation), ces
produits peuvent seulement être exportés grâce à une licence du
procurateur royal. Le volume d'activités et le fait de devoir contrôler les
divers passages frontaliers, la plupart en montagne, justifient leur situa
tion au niveau de los ports o passos dels dits comtats20'' sous la coordination
de Voffici del mahestrat dels ports e dels passes e de les coses vedades dels dits
comtats20 , c'est-à-dire, le guarda e guardià de tots los passes e de to tes les coses
vedades que ixiran de tota la terra e senyoria del dit senyor Rey aytant quant
duran los comtats damunt dits207. Le titulaire de la charge reçoit, comme
dret de mestrat de port , un cinquième des amendes imposées ou des
saisies, laissant le reste au procurateur royal. Les désaccords avec les
procurateurs se multiplient, surtout parce que le maître des cols ne veut
pas rester dans une fonction purement exécutoire. Jean Ier devra imposer,
Roi et exporte, soit, XII deniers par charge » {ibid., 1B-1 1 1, f° 41).
197. Ibid., lB-lll,B>40v.
198. Ibid., 1B-267, F» 81 ; 262, F> 138v.
199. Ibid., 1B-254, P>78v.
200. Ibid, IB- 122, f° 39-40.
201. Ibid., IB- 122, P> 30-44.
202. /£/</., lB-254,fM 40.
203. Ibid, lB-121,rM6.
204. Ibid, 1B-121,P>31.
205. « Les cols ou les passages des dits comtés » (ibid., 1B-35O, f° 97v).
206. « L'office du maître des cols et des passages et des produits interdits des dits comtés » (ibid.,
1B-121,P>28).
207. « Garde et gardien de tous les passages et de tous les produits interdits qui sortiront de toute la
terre et seigneurie du dit seigneur Roi dans les comtés mentionnés ci-dessus » (ibid., 1B-121, r° 28v).
208. « Droit de maître des cols » (ibid, 1B-347, f> 34).
204 Flocel SABATÉ
209. « Que le dit maître des cols à partir d'aujourd'hui ne donne ni puisse donner aucune licence
d'exportation de produits de notre seigneurie » {ibid., 1B-350, f° 98).
210. Ibid., lB-m.P'SO.
211. Ibid, 1B-I21,f>24.
212. Ibid, 1B-I21,f>78.
213. ACA, Cancelleria, reg. 2217, f> 1 1, juste après une provision de Jean Y {ibid., reg. 2217, f° 12v-13).
214. Ibid, reg. 2219, i° 74v.
215.ADPOlB-133,fM8.
216. « Les cols ou passages desdits comtés » {ibid., 1B-35O, f° 36v).
217. « Personnes aptes et suffisantes pour les garder » {ibid., 1B-121, f° 24, 26, 27, entre autres).
218. « Gardes des cols et des produits interdits » {ibid., 1B-347, r° 34).
La montagne dans la Catalogne médiévale 205
de la terra del senyor rey que seran conficades 19. Au début des années 1360,
le procurateur royal Joan Vola exprime une claire préoccupation pour
constituir e metre guardes per tots los passes, camins e lochs Jrontalers del
Règne de França ; il est particulièrement attentif au mouvement des
produits per les ciutats, viles e lochs confrontais ab lo règne de França e ab lo
comtat de Foix21. La tâche des agents de montagne peut ainsi être
multiple, comme en 1392 où les passages du Capcir sont placés sous la
responsabilité de Ramon Condors, déjà foraster dels lochs de Cerdanya e de
Capcir . Le bayle local, comme celui de Vingrau, Jaume Leitus, voit son
activité complétée, en 1369, par la garde des passages de ce lieu223. De la
même manière, durant la même décennie en Roussillon, aux gardes des
cols d'Estagel — garda dels ports d'Estagell et de tots sos termes22 — de
Tautavel et de Millars —garda de les coses vedades en lo pas de Milars e en
los termes de Millars — s'ajoutent ceux de la plaine de Salses-le-
Château227 et de Perpignan228, avec deux titulaires, qui gardent les divers
passages de la circonscription per tot Perpenya e per tot Rosseyllo™ en
raison du volume d'activités230.
L'exercice de leur charge est encouragé par des préoccupations
spécifiques, comme en 1369 lorsque le monarque insiste sur le contrôle
de la sortie de monedes de or ni de argent de qualque ley sien no siguen de la
terra o senyoria sua exceptats florins d'Aragon dels que.s baten vuy ni negun
altre metayltil, préoccupation qui justifie l'existence d'un llochtinent del
Mestre dels Ports dels comtats dans le port de Collioure232. Dans les
219. « Le tiers de tous ces produits interdits exportés de la terre du seigneur roi seront confisqués »
{ibid., 16-121,^27).
220. « Constituer et placer des gardes sur tous les passages, chemins et lieux frontaliers du
Royaume de France » {ibid., 1B-121, f° 78).
221. « Par les villes, bourgs et lieux qui sont limitrophes du royaume de France et du comté de
Foix» {ibid, lB-121,f>80v).
222. « Forestier des lieux de la Cerdagne et du Capcir » {ibid., 1B-121, f° 26r).
223. Ibid, 1B-I21,f>28v;78.
224. « Garde des cols d'Estagel et de toute la commune » {ibid, 1B-161, f° 28 ; 1B-121, f° 78v-
79).
225.M, 1B-I21,f°24.
226. « Garde des produits interdits sur le passage de Millars et sur les territoires communaux de
Millars » {ibid, 1B-161, f° 40v).
227. Ibid, IB- 121, F> 29.
228.M.,1B-I21,fb31.
229. « Pour tout Perpignan et pour tout le Roussillon » {ibid., 1B-121, r° 76-79).
230.ADPO 1B-I21,f>78.
231. « Des pièces de monnaies en or et en argent de quelqu'aloi que se soit, ne soient pas de sa
terre ou de sa seigneurie, sauf les florins d'Aragon que l'on frappe aujourd'hui ni d'aucun autre
métal » (ibid, 1B-121, f° 96).
232. « Lieutenant du Maître des Ports des comtés » {ibid., IB- 121, f° 96).
206 Flocel SABATÉ
263. « Envoyez des espions dans les régions qui vous sembleront » (ibid., 1B-121, f° I6v).
264. Ibid., lB-257,fM23.
265. À. Casais, « Estructura defensiva de Catalunya a la primera meitat del segle XVI : els comtats
de Rossello i Cerdanya », dans XV Congreso de Historia de la Corona de Aragon (Jaca, septiembre
1993), 1-2, Saragosse, 1996, p. 85-93.
266. C. Guilleré, « Les finances publiques en Roussillon-Catalogne au milieu du XIV* siècle :
comptes des procureurs royaux pour l'année 1345-1346», Annales du Midi, XCVI (1984),
p. 362-363.
267. ADPO1B-122,F> 46.
268. « Leude du minerai de fer du Confient » (ibid, 1B-163, f> 38).
269. Ibid, 16-257,^38.
270. Ibid, 1B-I22,f>3.
27 \. Ibid, lB-357,fM90.
272. Ibid, lB-357,rM90.
273. Ibid., 1B-35O,<M1O.
274. M. Duran, « Les lleudes de l'Ait Urgell (s. XIII-XVIIl) », Urgellia, 5 (1982), p. 183-206.
275. R. Conde, « La lleuda de la Seu d'Urgell (s. XV-XVl) », Urgellia, 4 (1981), p. 335-348.
276. Respectivement : ADPO 1B-156, f> 24bis-cinquième ; 1B-257, fr 70 et ibid, 1B-357, f° 190.
La montagne dans la Catalogne médiévale 209
277. F. Sabaté, « Corona d'Aragô », dans Histbria deEspana..., op. cit., p. 289-400.
278. Cortes de Cataluna. Cortes de los antiguos reinos de Aragon y de Valencia y Principado de
Cataluna, Real Academia de la Historia, I, Madrid, 1896, p. 121.
279. Ibid, p. 143.
280. J. L. Martf, « Pactismo polftico y consolidation senorial en Cataluna tras la conquista de
Sicilia », dans Economia y Sociedad en los reinos hispdnicos de la Baja Edad Media, Madrid-
Barcelone, 1983, p. 239-254.
281. M. Zimmerman, « Des pays catalans à la Catalogne : genèse d'une représentation », dans
Histoire et archéologie..., op. cit., p. 71-85.
282. F. Sabaté, « El nacimiento de Catalunya. Mito y realidad », dans IX Congreso de Estudios
Médiévales. Fundamnetos médiévales de los Particularismos Hispanicos, Àvila, à paraître.
210 Flocel SABATÉ
XIIe et Dans
XIIIe siècles
ce cadre,
inclut
l'affermissement
le déploiement
du et
pouvoir
la consolidation
royal à la charnière
de certains
des
283. Id., « La divisiô territorial de Catalunya : les vegueries », dans Histbria, Politica, Societat i
Cultura dels Països Catalans, III, Barcelone, 1996, p. 304-305.
284. Id., L'expansiô territorial de Catalunya (segles IX-XIl) : Conquesta o repoblaciô ?, Lérida, 1996,
p. 68-90.
285. Id., « El veguer a Catalunya. Anàlisi del funcionament de la jurisdiccio reial al segle XIV »,
Butllettde la Societat Catalana d'Estudis Histbrics, VI (1995), p. 153-157.
286. Id., « Diseurs i estratègies... », op. cit., p. 633.
La montagne dans la Catalogne médiévale 211
XVe
souverain,
siècle les
comme
armes certain
réduisent
droits
à néant
régaliens310,
l'indépendance
ou qu'avant
du la
comte
fin du
de
309. Id., « La qùestiô de la fi del comtat de Pallars, cimal de la crise baix-medieval », Collegats, A
(1991), p. 158-159.
310. F. Sabaté, Vaugment de l'exigencia fiscal..., op. cit., p. 464-465.
311. J.-M. Bringue, Del Pallars als Cardona. Guerra i canvi a la societat del Pallars, segles XV-XVI :
« Senyor en les muntanyes. Procès politic a Hug Roger III, darrer comte de Pallars », Lérida,
2002, p. 181-212.
312. F. Sabaté, « Els eixos articuladors del territori medieval català », dans V congrès International
d'Histbria Local de Catalunya. L 'estructura territorial de Catalunya. Eh eixos cohesionadors de l'espai
(Barcelona, desembre, 1999), Barcelone, 2000, p. 68-70.
La montagne dans la Catalogne médiévale 215
330. « Une personnalité collective plus forte» {ibid., « Organitzacions... », Urgellia, VI (1983),
p. 430).
218 Flocel SABATÉ