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Économies, Sociétés,
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Tymowski Michal. Les domaines des princes du Songhay. Comparaison avec la grande propriété foncière en Europe au début
de l'époque féodale. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25ᵉ année, N. 6, 1970. pp. 1637-1658;
doi : 10.3406/ahess.1970.422309
http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1970_num_25_6_422309
1. La littérature à ce sujet est trop étendue pour qu'on puisse la citer en entier. La
bibliographie se trouve dans : M. Bloch, Seigneurie française et manoir anglais, Paris, 1960, pp. 152-159 ;
G. Duby, L'Économie rurale et la vie des campagnes dans V occident médiéval, 2 tomes, Paris, 1962,
t. 1, pp. 22-26, 32-39.
2. R. Grodecki, « Ksiazeca wlosc trzebnicka na tle organizacji majatkow ksiazecych w Polsce
ХП w. », Kwartalnik History czny, XXVI-XXVII, Lwow, 1912-1913 ; K. Tymieniecki, « Majet-
nosc ksiazeca w Zagosciu i pierwotne uposazenie klasztoru Joannitow na tle osadnictwa dorzecza
dolnej Nidy », Rozprawy Pau, Wydz. Hist. Filoz, 55, Krakow, 1912.
3. M. Bloch, « La genèse de la seigneurie, idée d'une recherche comparée », Annales H.E.S.
1937, pp. 225-227.
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dans les années 1455 et 1456, les expéditions sur la côte de l'Afrique occidentale x.
Nous obtenons ainsi des matériaux assez variés. Mais ce qui fait défaut, ce sont des
archives écrites ; bien qu'il y ait eu au Songhay une chancellerie du prince, une
seule copie de document est parvenue jusqu'à nos jours, tout le reste ayant disparu 2.
Malgré cette importante lacune, les sources dont nous disposons permettent de
tirer plusieurs conclusions concernant l'économie et l'organisation sociale du
Soudan occidental ; elles permettent notamment de constater l'existence de domaines
princiers et de replacer le processus de leur naissance et de leur fonctionnement
dans le contexte de l'ensemble des rapports socio-économiques du Soudan
occidental. Des matériaux supplémentaires nous seront fournis par les résultats de
recherches de certaines autres sciences, avant tout la géographie. En revanche, les
résultats de recherches ethnographiques et anthropologiques, habituellement d'un
très grand secours, ne présentent pour nous qu'une importance mineure, étant
donnés les profonds changements provoqués dans le régime de la propriété
terrienne par la régression économique et politique des xvne et XVIIIe siècles, et par
la période coloniale 3.
C'est chez Ca da Mosto qu'on relève la plus ancienne mention de domaines
appartenant aux princes 4. La description qu'il nous donne, venant d'un
observateur direct et pénétrant, semble digne de foi. Ca da Mosto s'était rendu à
plusieurs reprises à l'intérieur du continent, dans le pays des Ouolofs, en vue de nouer
des contacts commerciaux avec les chefs locaux ; il connaît donc la situation qu'il
décrit, non par des récits de traducteurs noirs (sources d'information de plusieurs
autres voyageurs), mais par une observation directe. La description de Ca da Mosto
a pour nous d'autant plus de valeur qu'elle est contemporaine de l'existence du
Mali, pour lequel il n'existe aucune autre source relative au sujet qui nous
intéresse. (Toute la côte occidentale de l'Afrique située au sud du pays des Ouolofs
était soumise à l'État du Mali.) Dans les chroniques locales, en revanche, il est fait
à maintes reprises mention de domaines des princes du Songhay. Tarikh el-Fettach rend
compte de tout le système de domaines et de son fonctionnement et comporte, en
outre, une description détaillée de l'un de ces domaines, du nom d'Abda5. Le
contexte de cette description semble, lui aussi, bien important, car son analyse
nous permet de juger du degré de véracité de tout ce fragment de la chronique.
L'auteur de Tarikh el-Fettach, en consacrant un chapitre au règne prospère de
l'Askia Daoud (1549-1583), voulait sans doute mettre en valeur la libéralité de
ce prince. Aussi raconte-t-il l'histoire d'un don magnifique fait par Missakoulallah,
l'un des administrateurs des biens de Daoud, pour en venir ensuite à décrire les dons
et aumônes plus généreux encore faits par Daoud lui-même. La largesse de
Missakoulallah se voit de la sorte éclipsée par celle du prince e. Ce n'est évidemment
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L'auteur de la chronique écrit ce qui suit, pour mettre en relief le bien-être qui
régnait à l'époque de l'Askia Daoud : « II avait en effet des plantations dans tous
les pays placés sous son autorité. » x Vient alors l'énumération de ces pays,
ordonnée de telle sorte qu'ils englobent les territoires principaux de l'État du Songhay
situés tout au long de la boucle du Niger, depuis Dendi au sud-est, jusqu'au lac
Debo au sud-ouest 2. C'est la première information que nous ayions sur les biens du
prince du Songhay. Toutes les autres mentions que l'on trouve dans les chroniques
sont postérieures. « Dans chacun des villages situés dans les pays que nous venons
d'énumérer — écrit le chroniqueur — sans en excepter un seul, le prince avait des
esclaves et un fanfa. Sous les ordres de certains de ces fanafi (pluriel de fanfa) se
trouvaient cent esclaves employés à la culture du sol, tandis que d'autres n'en
avaient auprès d'eux que soixante, cinquante, quarante ou vingt. » 3 Situés au bord
du fleuve, ces domaines se consacraient à la production du riz. Chaque année,
le prince fournissait aux fanafi des semences et leur envoyait des peaux pour en faire
des sacs d'un volume déterminé (unité de mesure appelée sounnou, correspondant
à 200-250 litres). C'est dans ces sacs en cuir que chaque domaine devait livrer au
prince, tous lès ans, et~quellë"quë"Tuflà~rëcôltë7~u"në quantité déterminée de céréales.
Au moment de recevoir ces prestations en nature, le prince rémunérait les fanafi et
leurs supérieurs, les administrateurs, en leur offrant des noix de cola, du sel et des
tissus de coton, en quantité fixée d'avance. Le transport des céréales expédiées des
domaines à destination de la capitale, tout comme celui des peaux, du sel, des
tissus de coton et des noix de cola, allant de la capitale aux domaines, était organisé
à partir du centre, au moyen d'une flottille de chalands 4. Cette organisation
rigoureuse et cohérente de tout l'ensemble des biens du prince, leur disposition le long
du Niger attestent l'existence d'un système rationnel et délibérément créé. Ce qui
semble essentiel, à côté de l'administration elle-même, c'est la fourniture des
semences de riz par le prince. La culture du riz, céréale d'un excellent rendement,
était la plus rentable, et la disposition des domaines le long du Niger fut
parfaitement mise à profit pour exploiter de façon rationnelle les terrains marécageux,
souvent inondés, bordant le fleuve. Ce sont là précisément les conditions requises
1. T el-F, p. 178. La traduction française se sert du mot « plantation ». Le texte arabe parle
de « champs de culture aquatique appartenant au prince ». Ce pourquoi je me sers de la définition :
les biens du prince, les domaines, la propriété foncière, au lieu du mot trop peu précis de «
plantation ».
2. T el-F, p. 178 (Cf. p 1639, note 3).
3. T el-F, p, 179.
4. T el-F, pp. 179-180.
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Pour le sujet qui nous intéresse, nous manquons de sources portant sur l'époque
de l'hégémonie du Mali. On sait cependant que, sur les territoires du littoral, au
sud de l'embouchure du Sénégal, dans le pays des Ouolofs et aussi dans des pays
soumis à l'influence du Mali, État plus puissant, les domaines des princes locaux
commencèrent à se constituer au xve siècle. Comme le rapporte Ca da Mosto, à
propos du pays des Ouolofs, « le roi n'a pas de revenu stable sous forme
d'impôts (...), il subsiste grâce aux incursions qui lui rapportent des esclaves (...). Il
emploie ces esclaves à la culture des lots de terre lui appartenant, mais il en vend
aussi beaucoup aux Asenéguèses (...), il y a certains villages et endroits où il tient
de huit à dix épouses. Chacune d'entre elles possède une maison avec une jeune
domesticité et des esclaves pour cultiver les terres qui lui ont été assignées par le
prince. Elles ont aussi un certain nombre de bêtes telles que vaches et chèvres (...).
Lorsque le roi arrive dans un de ces villages, ses épouses ont le devoir de le
nourrir, lui et sa suite, grâce à leurs récoltes » 4. Les vivres n'étant point abondants,
comme le note Ca da Mosto, « le roi se déplace d'un endroit à l'autre, sans se
soucier des moyens de subsistance, vivant tantôt chez l'une, tantôt chez l'autre de ses
épouses » 5. Cette description, ainsi que certains autres passages du récit de Ca da
Mosto, nous donnent une image bien vivante des rapports féodaux en formation,
tant sur le plan socio-économique que politique 6. Il en allait de même, d'après Ca
da Mosto, pour les rapports socio-économiques dans les pays des Sérères et des
Mandingues, ainsi que dans le petit État de Farosangoli, région gouvernée par le
chef Batimasa. Selon Ca da Mosto, ces derniers pays dépendaient politiquement
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du Mali, ce qui est confirmé par la chronique et par les noms des princes x. Peut-on
en déduire que le Mali avait lui aussi connu l'institution de domaines du
souverain ? C'est bien probable, et l'on peut supposer que c'est de cette manière
précisément que les chefs des différentes régions de l'État tiraient leurs moyens d'existence.
Cependant, une semblable organisation, où l'excédent des récoltes était consommé
sur place par les chefs voyageant avec leur suite et où l'administration des domaines
était assurée par la famille (les épouses), ne pouvait guère suffire à l'organisme,
bien plus étendu et plus complexe, de l'Etat du Mali. C'était un État aux territoires
très étendus, doté d'une vaste administration et d'une forte armée. Pour les besoins
de cette administration centrale et de cette armée, les princes du Mali avaient créé
un système ministerial approprié 2. Parmi les douze groupes serviles qui nous sont
connus, la majorité se consacraient aux spécialités artisanales, et trois étaient astreints
exclusivement aux prestations agricoles : c'étaient les groupes serviles du peuple
Bambara 3. Le caractère de leurs prestations subit diverses modifications dont
l'examen peut se révéler utile pour nos recherches. A l'époque de l'hégémonie du
Mali (du xine à la moitié du xve siècle), chaque couple d'agriculteurs serviles devait
cultiver pour le prince 40 aunes de terre. Lorsque, vers le milieu du xve siècle, le
pouvoir passe aux mains des souverains du Songhay, de la dynastie des Chi (Sonni),
la prestation change de forme. Les hommes serviles sont regroupés par centaines
(hommes et femmes) dont chacune se voit assigner, par les fonctionnaires du roi,
200 aunes de terre. A un signe donné (son du tambour), tout le monde s'en va
travailler aux champs. La totalité de la récolte appartient aux Chi qui la partagent
entre leurs soldats. Quand la récolte est mauvaise, les travailleurs serviles, tenus
pour responsables, sont fouettés4. C'est ainsi que des changements interviennent
dans le cadre du système ministerial et que se forment, progressivement, les domaines
des princes. On voit s'opérer une division des terres : désormais, il y a la terre
cultivée par les travailleurs serviles pour le prince et celle qui sert à couvrir leurs propres
besoins ; on voit de теще se former et s'améliorer un appareil de surveillance des
serfs. Le processus ne se déroule que lentement. Les princes se considèrent comme
propriétaires des personnes serviles et non de la terre. Les prestations sont
calculées de telle sorte que le nombre de serfs détermine les dimensions des terres
cultivées et, par conséquent, la quantité des céréales à livrer. Étant données les méthodes
du travail agricole à l'époque, il y avait beaucoup de terre libre, et c'était le nombre
des colons qui déterminait les possibilités et l'étendue des cultures. Dans ces
conditions, on ne peut pas parler de domaines, déjà formés, des princes du Mali et du
Songhay, à l'époque de la dynastie des Chi.
Il ressort des dispositions citées plus haut que les princes se considéraient
probablement comme propriétaires de la terre non colonisée. Nous ne savons rien, par
contre, des prétentions qu'ils pouvaient avoir à l'égard des terres déjà colonisées.
1. Ca da Mosto, pp. 265-266, 269-271. Dans la langue mandingue, mansa signifie « le roi »,
tandis que dans la langue songhy le roi est désigné par le mot faran.
2. Dans la chronique T el-F, on trouve deux fois une liste de 12 groupes ministériaux.
L'auteur ajoute qu'il existait 12 autres groupes de ce genre, qui n'ont pas été cités car l'Askia
Mohammed n'avait aucun droit sur eux (T el-F, pp. 20-21, 107-111). Voir aussi R. Karpinski, « Organi-
zacja služebna a probien kast w Zachodnim Sudanie », Przeglad Historyczny, t. LVII, 1966, z. 2,
pp. 235-250.
3. T el-F, pp. 108-109.
4. Ibidem.
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H est probable que, sauf pour l'assignation des lots de terre et la levée des
redevances, les fonctionnaires ne s'ingéraient guère dans la vie des serfs, qui cultivaient
pour leur propre compte d'autres lots de terre, peut-être collectivement, dans le
cadre de grandes familles \ La superficie des terres cultivées par les serviles, pour
leurs propres besoins, n'était pas limitée. Elle n'était déterminée que par les
possibilités démographiques et techniques, ainsi que par le temps disponible, après
déduction du temps occupé par le travail sur les lots du prince.
L'Askia Mohammed le Grand (1492-1529), fondateur d'une nouvelle dynastie
au Songhay, après avoir conquis le pouvoir réalisa nombre de réformes politiques
et économiques. La fixation des prestations des agriculteurs serviles fut, elle aussi,
modifiée. « Quand l'Askia Mohammed fut devenu le maître de ces tribus, écrit le
chroniqueur, il fixa ainsi la prestation [nouvelle] : chaque année, au moment de la
moisson, il envoyait un homme de son entourage percevoir les produits de la
récolte. » 2 Le montant de cette redevance était fixé par l'envoyé lui-même, en tenant
compte des possibilités de chaque famille. On percevait 10, 20 ou 30 mesures de
farine, sans jamais dépasser 30 mesures. Dans ce système de perception, rien ne
subsiste de l'ancienne division des terres en lots du prince et en lots cultivés par les
serfs pour leurs propres besoins. Le prince se borne à prélever, par
l'intermédiaire de ses envoyés, l'excédent, calculé en fonction de la situation des agriculteurs
et de la récolte de l'année en cours. Il enlève également aux cultivateurs serviles
« un certain nombre de jeunes garçons », dont la vente lui permet d'acheter des
chevaux8. La surveillance administrative est limitée. La formation des domaines
princiers connaît ainsi un temps d'arrêt ; il y a même un recul, tant en ce qui
concerne l'attitude à l'égard de la propriété terrienne que la situation sociale des
populations serviles. Le prince cesse de s'intéresser aux questions agraires, aux
dimensions des champs cultivables, à l'adaptation de leur superficie au nombre de
personnes disponibles. Il renforce, en revanche, son pouvoir sur les travailleurs
serviles, ses droits de propriété sur les hommes. Quelles pouvaient être les raison d'une
telle réforme ? Les nombreuses guerres de la seconde moitié du xve siècle
entraînèrent peut-être un dépeuplement notable du pays. Dans ces conditions, les
possibilités de l'agriculture dépendaient plus des hommes que de la terre. On trouve
une certaine confirmation de cette hypothèse dans l'intérêt particulier que l'Askia
apporte à faire valoir son droit sur la descendance des serfs 4. De même, les dons
que l'Askia fait aux oulémas comportent le plus souvent des hommes et le droit de
tirer profit de leur travail ; ce n'est qu'exceptionnellement qu'un don englobe des
hommes demeurant sur un territoire nettement défini 5. L'Askia Mohammed entama
avec énergie une œuvre de colonisation à l'aide des populations locales, ainsi que
de populations enlevées au cours d'expéditions militaires hors des frontières de
1. La culture des champs pour le compte de celui qui les cultive caractérise l'organisation minis-
tériale au Soudan occidental, ainsi qu'en d'autres régions du monde, cf. R. Karpinski, « Grga-
nizacja... », pp. 246-247.
2. T el-F, p. 109.
3. Ibidem. Sur la question de la position sociale des paysans « ministériales » et l'obligation
où ils sont de laisser prendre leurs enfants, voir plus loin.
4. T el-F, pp. 21-22.
5. T el-F, pp. 38-39 et 110-111 : donation de gens du groupe Zendji (Sorko) au chérif
Es-Seqli, pp. 53 et 137 : donations de gens des groupes Diam-Ouali, Diam Téné, Sorobanna à
l'oulem Mohammed Toule, pp. 53-54 et 136 : donations de gens des différents groupes à l'oulem
Salin Diawara.
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1 T el-F, p. 118 : enlèvement des 500 « maçons » de Diaga, pp. 119 et suiv. : construction de
Tendirma des'; pp.135-137, 145-147 : expéditions de l'Askia Mohammed ; T es-S, pp. 122-123 ;
enlèvement gens du pays Mossi ; p. 125 : de ceux du Mali ; pp. 214-215 : colonisation par des serfs
Mossi et par des gens du Koussata et Bourgou-Yassigui.
2. Je suppose que l'assiette de la prestation pour les « ministériales » définit la tendance
générale de la politique économique des princes envers la population soumise.
3. T es-S, pp. 132-134 ; T el-F, pp. 148-149, 155.
4. T es-S, pp. 156-164.
5 Daoud était Kourmina-fari du temps de l'Askia Ishaq (Г es-S, p. 161 ; T el-F, p. 212) ; il
fut Àskia en 1549-1583 (T el-F, pp. 176-217 ; T es-S, pp. 165-183).
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1. Il est possible que la réforme de l'Askia Mohammed, qui donna au début des résultats
positifs, s'avérât plus tard défavorable pour le prince. La diminution des revenus du souverain et de
l'administration de l'État a été peut-être la cause principale des luttes entre les prétendants au
pouvoir, après la déposition de l'Askia Mohammed. Ce n'est que le règne de l'Askia Daoud,
probablement réformateur habile, qui a apporté la paix au pays. La seule mention de la propriété
foncière du prince dans la chronique T es- S date de la période du règne de l'Askia Daoud (T es-S-
p. 183).
2. On peut noter que Nara, fille du sultan du Mali arrivant au Gao comme femme de l'Askia
Daoud, stupéfia les habitants par l'énorme quantité d'or qu'elle apportait (T es-S, p. 170).
3. Ces mines se trouvaient au sud-ouest du territoire contrôlé directement par les Askias.
4. Il est difficile de savoir si l'afflux de l'or à Arguim et Sao Jorge da Mina a causé
l'augmentation de l'extraction de l'or ou a seulement modifié les routes du commerce de l'or. En tout cas l'or
apporté à Mina venait aussi du fond du continent (Lobi, Boure), car les marchands Mandingues
se rendaient dans cette factorerie. Voir Duarte Pacheco Pereira, Esmeraldo de Situ Orbis, Transi,
by G. H. T. Kimble, London, 1937, Hakluyt Society, Ser. II, p. 120 ; voir aussi M. Malowist,
op. 4,
n° cit.,Warszawa,
pp. 249-2501966,
et « Le
pp.commerce
56-59. d'or et d'esclaves au Soudan occidental », Afričana Bulletin,
5. M. Bloch, « Le problème de l'or au Moyen Age », Annales H.E.S., 1933, t. 5, pp. 1-34 ;
F. Braudel, « Monnaies et civilisations : De l'or du Soudan à l'argent d'Amérique », Annales
E.S.C., 1946, pp. 9-22 ; A. M. Watson, « Back to Gold and Silver », Economic History Review,
XX, 1, 1967, pp. 1-34.
6. T el-F, p. 180.
7. Voir plus loin.
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1. T el-F, p. 179.
2. T el-F, p. 211.
3. Sur la rapidité du transport nigérien : M. Tymowski, « Niger jako droga wodna w wielkich
panstwach Sudanu Zachodniego do konca XVI w », Przeglad Historyczny, t. LVH, 1966, z. 3,
pp. 346-365 ; du même auteur, « Le Niger, voie de communication des grands États du Soudan
occidental jusqu'à la fin du xvie siècle», Afričana Bulletin, n° 6, Warszawa, 1967, pp. 73-95.
4. T el-F, p. 270.
5. M. Tymowski, « Le Niger... », pp. 93-94.
6. T el-F, pp. 119-124 : Tendirma, sa construction et importance ; pp. 13 et 118 :
l'importance du Kourmina-fari.
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1. Des esclaves des deux sexes faisaient partie de l'héritage de Moussa Sagansaro (Tel-F, p. 191).
2. T el-F, pp. 21-22. Les descendants des esclaves étaient en effet considérés comme un
accroissement de main-d'œuvre, en différentes périodes de l'histoire. Voir, par exemple, I. Beezunska-
Malowist, « Sur quelques formes non typiques de l'esclavage dans le monde ancien », Antičnoje
občrestvo, Moskva, 1967, pp. 91-96 ; « Glówne kierunki badán nad niewolnictwem starožytnym
we wspólczesnej historiografii », Przeglad Historyczny, t. LIX, z. 3 Warszawa, 1968, pp. 359-360.
3. T el-F, p. 181.
4. T el-F, p. 108 « elles étaient astreintes à une prestation annuelle de quarante coudées
[de terre à mettre en valeur] par chaque couple, mari et femme... ».
5. Arabskije istočniki VII-X vekov po etnografii i istorii Afriki južnee Sahary, Moskva, 1960 ;
Ibn Abd al-Hakam, p. 19 ; voir aussi R. Mauny, Tableau géographique..., pp. 336-343 : index des
sources du vne au xvie siècle sur ce sujet.
6. Sur ces expéditions et la traite d'esclaves au Ghana, voir Idrisi, texte dans : Arabskije
istočniki X-XII vekov po etnografii i istorii Afriki južnee Sahary, Moskva, 1965, p. 284 ; Ch. Monteil,
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« Les Empires du Mali », Bulletin du Comité d'Études Historiques et Scientifiques de l'A.O.F., 1929,
p. 331 et suiv. ; M. Malowist, « Le commerce d'or et d'esclaves au Soudan occidental », Afričana
Bulletin, n° 4, 1966, pp. 49-72. Les mots suivants de l'Askia Daoud sont très caractéristiques : «Sou-
leiman n'aurait qu'à faire une expédition... et avant même la fin de la nuit, il aurait ramassé un
butin de dix mille esclaves » (Г el-F, p. 195).
1. C. Defrémery, R. B. Sanguinetit, Voyages d'Ibn Batoutah, Paris, 1858, t. 4, pp. 403, 422
(esclaves de la Cour et soldats) ; T el-F, p. 189 (fonctionnaire-esclave), p. 111 (la situation du groupe
Arbi) ; Ibn Fadl Allah Al Omari, Masalik el Absar fi Mamalik el Amsar, trad, et annot. par Gau-
Defroy-Demombynes, Paris, 1927, p. 65 (esclaves turques au Mali) ; Maqrizi, dans Al Omari, p. 91
(esclaves turques et éthiopiennes chanteuses au Mali) ; Ibn Batoutah, p. 434 (esclave arabe).
2. Ca da Mosto, p. 210.
3. T el-F, p. 108.
4. T el-F, p. 109.
5. Ibidem.
6. T el-F, p. 191 et suiv.
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1. T el-F, p. 181. Le terme serfs a été déjà employé par M. Malowist, Wielkie panstwa...,
p. 179.
2. Les administrateurs et les fanafi étaient payés en nature et recevaient un champ. T el-F,
p. 180.
3. Les mesures de terre en coudes. T el-F, p. 108.
4. T el-F, p. 181.
5. T el-F, pp. 179-181.
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ses propres esclaves (on indique même le nom du chef des esclaves appartenant à
Misakoulallah x). Le chroniqueur décrit, avec indignation et non sans ironie, un
Missakoulallah accordant, dans le domaine du prince qu'il gérait, des audiences
« comme un roi », « étendu sur des coussins et passant la veillée en causant avec ses
courtisans » 2. L'administrateur avait aussi un « champ », qu'il considérait comme
sien, et sa maison à Gao était entourée de « boo », de greniers à riz 3.
L'administrateur disposait de grandes possibilités de s'enrichir. Rappelons qu'il était obligé de
livrer chaque année une quantité déterminée de riz. Une année de bonne récolte
lui permettait donc de garder pour lui l'excédent, souvent important. Il le
consacrait à augmenter sa fortune, à multiplier le nombre de ses domestiques, mais aussi,
s'il était avisé, il en conservait une bonne portion pour les mauvaises années4.
C'est également par les mains de l'administrateur que passaient les dons envoyés
par l'Askia, selon la coutume, chaque année après les moissons, sous forme de sel,
de noix de cola et de vêtements d'hommes et de femmes.
Malgré toutes ses richesses et le pouvoir qu'il exerça sur un grand nombre
d'hommes, Missakoulallah, en tant que serf, pouvait à chaque instant perdre sa
position, ses biens, sa liberté, voire sa vie, par la volonté de l'Askia 5 ; tel était en
effet le droit du prince, mais on peut se demander s'il pouvait réellement l'exercer.
Il devait être quelque peu risqué de s'attaquer à l'administrateur et, à plus forte
raison, au groupe social dont il faisait parti, étant donnée l'importance que
représentait pour l'Askia l'appui de ce nouveau groupe d'enrichis dans la vie politique
intérieure 6. La carrière de Missakoulallah nous fait connaître les voies de
promotion d'un homme qui, servile du point de vue juridique, n'en était pas moins lié
à la classe dirigeante. Cette promotion ne s'effectue pas au demeurant sans conflit,
comme en témoigne l'ironie avec laquelle parle de Missakoulallah le petit-fils de
Kati, représentant des groupes « anciens » de la classe dirigeante.
Les domaines du prince, je l'ai déjà indiqué, étaient avant tout destinés à la
production du riz. Aussi, les obligations des serfs consistaient-elles principalement
à travailler aux champs. Mais était-ce là leur seul devoir ? Il ne le semble pas. Nous
savons que la population servile possédait des pirogues 7. Ce fait n'était-il pas lié
à certaines obligations en matière de transport ? Certes, l'Askia envoyait lui-même,
de Gao, des chalands pour transporter les récoltes, mais une partie seulement de
celles-ci arrivait par cette voie à Gao, Tendirma et Tombouctou. Missakoulallah
possédait, dans le jardin de sa maison à Gao, plusieurs boo — greniers à riz —
à l'insu du prince et des fonctionnaires de sa Cour. Il lui était donc impossible de
faire transporter le riz destiné à ses boo à l'aide de chalands du prince. Il est peu
probable aussi que Missakoulallah pût acheter de telles quantités de riz à Gao à
l'insu de tout le monde. Son riz venait sans doute du domaine Abda, où une année
de bonne récolte avait pu permettre à l'administrateur de se réserver une bonne
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1. T el-F, p. 183.
2. T el-F, p. 180.
3. Ce n'étaient probablement que des prestations fixes, mais elles étaient assignées selon la
situation. C'était possible à cause de la situation servile de la main-d'œuvre dans les domaines.
4. G. Roberty, Les associations végétales de la vallée moyenne du Niger, Berne, 1946, p. 165.
T el-F, p. 109.
5. T el-F, pp. 191, 200.
6. T el-F, pp. 199-201 (le problème entier), texte cité, p. 200.
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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
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1. Ibidem.
2. T el-F, p. 237.
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DOMAINES PRINCIERS AU SONGHAY M. TYMOWSKI
incontestable. Il en résulte, d'un côté, que le groupe social représenté par Valfa
Kati et son petit-fils (c'est-à-dire le groupe des oulémas) aspirait à entrer en
possession de terres et, de l'autre, que l'administration s'y opposait, ses représentants
ne voulant pas perdre les revenus qu'ils en tiraient. Cette résistance opposée par
l'administration à la volonté du prince ne peut s'expliquer que par la période de
désordres qui suivit la mort de l'Askia Daoud x. Mais elle traduit aussi le caractère
inhabituel de la donation. Le passage d'un bien de l'Askia aux mains de personnes
privées ne devait donc pas constituer un cas fréquent à l'époque. En revanche, il
ressort du contexte de ce litige que les représentants de l'administration d'État
géraient les terres de l'Askia. Bien que l'Askia en restât nominalement propriétaire,
ses domaines étaient, de par la coutume, attribués toujours aux personnes assumant
des fonctions d'État déterminées. Par contre, le don du « jardin des pauvres »,
déjà évoqué, présente un caractère tout différent de celui de Diangadia, ses récoltes
étant destinées, par l'Askia Daoud, aux pauvres de Tombouctou. La distribution
du riz relève du cadi de Tombouctou ; c'est donc lui qui est le vrai gérant des
revenus de ce domaine 2. L'Askia en reste le propriétaire, et le don fait de cette manière,
économiquement sans équivoque mais assez imprécis du point de vue juridique,
ne provoque aucune opposition. Sans doute la puissance des cadis de Tombouctou,
avec lesquels les représentants locaux de l'administration d'État ne se sentaient
pas de force à rivaliser, joua-t-elle un certain rôle en l'occurrence.
Nous avons encore un renseignement de plus, relatif au caractère de ces
donations. La chronique note l'arrivée, à la Cour de l'Askia Daoud, du gari-tia
(l'envoyé) Boukar. Il avait été dépêché à Dendi pour prendre posssession, au
profit de l'Askia, des biens de Moussa Sagansâro, décédé. Il opéra la saisie des esclaves
des deux sexes, du grain accumulé dans de nombreux boo, des troupeaux de bœufs,
_de moutons, de chevaux de trait et de selle, des harnais, des vêtements et des
armes 3. J. Rouch voit en Moussa Sagansâro un administrateur de même
rang que Missakoulallah 4. Cependant, le chroniqueur l'appelle « le serviteur de
l'Askia, diango Moussa Sagansâro », le titre diango dont la signification exacte
nous échappe, étant visiblement un titre honorifique, comme en témoigne le
contexte 5. Par contre, Missakoulallah est toujours présenté par le chroniqueur comme
« un esclave » de l'Askia. La différence est nette. Étant données les armes laissées
par Moussa Sagansâro, je le tiendrais plutôt pour un guerrier de l'Askia Daoud,
qui avait reçu son bien en récompense de quelques services inconnus. La
donation ne s'étendait pas, comme nous le voyons, à la descendance du bénéficiaire
puisque, après sa mort, le bien foncier revint au prince. Il est cependant possible
que certaines donations aient été héréditaires ; autrement, comment expliquer
l'intérêt porté par le petit-fils de Mahmoud Kati au domaine qu'avait reçu son
grand-père ? On voit, par tout ce qui précède, que le processus de formation de la
propriété foncière des guerriers et des oulémas ne faisait que débuter et ne se
déroulait pas, comme en témoignent les sources citées, sans contradictions, reculs, et
luttes internes au sein de la classe dirigeante.
Nous ignorons ce que fut l'évolution ultérieure de la propriété foncière. Les
domaines existent probablement encore au xvne siècle, puisque les auteurs de ce
1. Les deux chroniques décrivent la situation après la mort de Daoud. T el-F, pp. 218-296 ;
T es-S, pp. 184-231.
2. T el-F, p. 211.
3. T el-F, p. 191.
4. J. Rouch, Contribution..., p. 205 et note 21.
5. M. Malowist, Wielkiepanstwa.., p. 410, note 137, présente Moussa Sagansaro comme un noble.
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L'HISTOIRE SAUF L'EUROPE
1. Le pays des Uolofs présente un cas particulier. D'après Ca da Mosto, au xve siècle, il y avait
là des domaines des chefs Uolofs. Aux xvme-xixe siècles, selon les traditions locales, « les captives
mariées étaient tenues d'aller chaque année rendre hommage au maître avec vingt mesures de mil
d'environ 35 kilogs » ; voir R. Rousseau, « Le Sénégal d'autrefois. Étude sur les Oualo »,
Bulletin du Comité d'Études Historiques et Scientifiques de l'A.O.F., 1929, n° 1/2, p. 194. Pour les terres
riveraines de la boucle du Niger, depuis la moitié du xvne siècle on n'a pas démentions concernant
des domaines. Au xixe siècle et aujourd'hui domine le système des grandes familles qui cultivent
la terre commune collectivement.
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DOMAINES PRINCIERS AU SONGHAY M. TYMOWSKI
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Michal Tymowski.
1. Déjà au temps de l'Askia Daoud nous trouvons une donation de gens, avec droit sur leurs
exploitations (Г el-F, pp. 212-215).
2. M. Malowist, « The Social and Economie Stability of the Western Sudan in the Middle
Ages », Past and Present, n° 33, April 1966, pp. 3-15. La discussion à ce sujet : A. G. Hopkins,
The Western Sudan in the Middle Ages : Underdevelopment in the Empires of the Western Sudan ;
M. Malowist, « Rejoinder », Past and Present, n° 37, July 1967, pp. 149-162.
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